ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fondée par J.-M. CHARCOT & BOURNEVILLE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.
V. MAC.NIXN
Membre de l'Académie de médecine.
Médecin de l'Asile clinique (Ste-Anne).
I-- ITllES
Professeur de clinique des maladies du
système nerveux à la Faculté de
médecine de Bordeaux.
COLLABORATEURS PRINCIPAUX :
MM. ABADIE (J.), ARNAUD, AXÉMAR, BABINSKI, BALLET, BALLIART,
BLANCHARD (H.), 111.IN, BOISSIER (F.), BONCOUR (P.), BONNE, BOURDIN,
BRIAND (M.), DRISSAUD (E.), CAMUS (P.), CARRIER (G.), CAUDRON, CESTAN,
CHARDON, CHARON, CHARPENTIER, CHRISTIAN, COLOLIAN, COULONJOU, @
CULLERRI1, DEIOVE derny, DEVAY, DROMARD, DUBAR, DUBOS, DUCOSTÉ,
FÉRÉ (CH.), FENAYROU, FERRIER, FRANCOTTE, GARNIER (S.), GRASSET,
HARTEMBERG, KOUINDJY, KOVALESK.Y (P.), LADAME, LAGRIFFE, LANDOUZY,
LEGRAIN, LEROY, LEVASSORT, LIPINSKA, MABILLE,
MARIE (A.), Mil. REINE MAUGERET, MEZIE, MIERZEJEWSKI, MIRALLIÉ,
MOURATOFF (W. A.), MUSGRAVE-CLAY, NOICA, PANSIER, PARIS (A.),
Mil. PASCAL, PERRIN, PICQUÉ, PIERRE ? RAVIART, RAYNEAU, RÉGIS,
REGNARD (P.), RENDU (A.), RICHER (P.), RODIET ROLETJ ? ROTH (NV.), SIMON,
SÉGLAS, SÉHIEUX, SOLLIER, SOUKHANOFF, SOUQUES, TCHIRIEW, THULIÉ (H.),
TISSOT, URRIOLA, VALLON, VIGOUROUX, VILLAR3, VOISIN (J.), VOISIN (R.),
YVON (P.).
Rédacteur en chef : BOURNEVILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT Er J. NOIR
Troisième série, tome I. 1907.
Avec 36 ligures dans le LexLe.
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes
1907
Vol. I. Janvier 1907. Ne 1 :
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE
Contribution à l'étude de l'oeil chez lessàiiénés 5
1 ?
, Travail du laboratoire de l'asile d'Amiens
Par 111JI. LLS Docteurs
A. Méfie P. BAILLIART
Interne à l'asile d'Amiens Médecin aide-major de
1" classe, ancien assistant de
clinique ophtalmologique.
Contrôler les résultats des nombreuses études déjà
faites sur l'appareil de la vision dans les névroses, les in-
toxications, la paralysie générale et certaines catégories
d'aliénés ; étendre en outre dans la mesure du possible,
le domaine des connaissances actuelles, en ce qui concerne
plus particulièrement le champ visuel des aliénés ; tel est
le but de notre travail.L'idée première nous en a été four-
nie par M. le Dr Charon, médecin en chef, directeur de
l'asile, qui nous a également aidés de ses conseils autorisés.
Nos recherches ont porté dans le champ clinique
mis à notre disposition sur toutes les catégories d'aliénés.
Plus de deux cents sujets ont été examinés ; sur ce nombre
nous n'avons retenu que ceux dont les observations pri-
ses sans aucune idée préconçue, nous ont semblé offrir
tontes les garanties d'exactitude et de sincérité.
C'est en les examinant et en les classant que nous
sommes arrivés aux conclusions que nous nous efforce-
rons de dégager ici.
Nous avons recueilli un grand nombre de champs vi-
suels, variant de 3 à 84 par malade. Avec de la patience et
de la méthode, il nous a toujours paru aisé d'obtenir, si-
non dès les premières séances, au moins au bout de quel-
AnctnvLC, 3° séria, 1907, t. I. 1
2 CLINIQUE MENTALE.
ques-unes, des renseignements exacts et parfaitement
concordants des sujets les plus difficiles.
Les champs visuels ont toujours été pris par le même
opérateur, en-se plaçant autant que possible, dans les
mêmes conditions d'éclairage. L'instrument employé a
été le périmètre de Landolt.
Pour obtenir le champ visuel- type, nous avons déter-
miné le champ de cinquante sujets absolument normaux,
choisis parmi les infirmiers de l'Asile ; la moyenne des
résultats obtenus a permis d'établir les limites du champ
visuel moyeu normal. C'est en comparant au type ainsi
obtenu les champs des malades examinés, que nous avons
pu les diviser en champs »étrécis, élargis, et à 'oscillations.
Ce travail a été divisé en deux chapitres distincts :
dans le premier seront exposés les résultats de l'examen
des champs visuels ; le second sera consacré à l'étude de
l'appareil de la vision proprement dit. Pour éviter les
redites, et échapper autant que possible à la monotonie
par la reproduction intégrale de toutes les observations
qui forment notre dossier, nous les avons groupées par
lettres alphabétiques, et numérotées, et nous ne publie-
rons que celles qui nous ont paru* les plus caractéris-
tiques pour chacun des cas.
CHAI'ITl1'E I. - CTT11 : IP VISUEL.
A. Champs constamment RETRÉCIS. 1 DCtl2S les
états délirants. x. Systématisa avec hallucinations de là
vue ; p. d'interprétation avec hallucinations -de là vue ;
T. d'intoxication avec hallucinations de la vue.
Les hallucinations de la Vue sont toujours précédées
par un rétrécissement du champ visuel, qui p'orte toujours
en haut, le plus souvent en haut et en dehors. Ce rétré-
cissement est toujours semblable pour les deux yeux
dans sa forme, parfois inégal comme degré.
Pendant toute la durée des troubles hallucinatoires,
le rétrécissement persiste dans sa forme, et 'disparait
presque toujours en totalité avec eux.
a Systématisé avec hallucinations de la'vue.-OIt's.1'22= Mine S...
Elvire, femme R... 56 ans. Entrée à l'asile le 3 nus. 19U0. Idées dé-
lirantes de persécution. Hallucinations psycho-sensorielles 'bila-
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 3
térales de l'ouïe (voix insultantes). Hallucinations passagères de la
vue. Intégrité de la mémoire.
Huit examens périmétriques du champ visuel. Ci-dessous la
partie supérieure de 2 tracés de l'oeil gauche (fit. 1 et 2).
Le tracé n° 1, pris le 28 septembre, moment où la ma-
lade avait des hallucinations de la vue : ( Ses persécu-
teurs venaient la aiaiguer jusque clans la cour de l'asile),
présente le rétrécissement du champ visuel caractéris-
Ous. 122. Fid. 1. 0. G. Hallucinations de lajvue.
- Ous. 122. Fig. 2. O. G. Elal de dépression.
4 CLINIQUE MENTALE.
tique du trouble hallucinatoire, portant on haut, en haut
et en dehors.
Le tracé n° 2, pris le 2 novembre, la malade étant dé-
primée (Elle pleure, se lamente sur son sort) présente un
rétrécissement du champ visuel, portant en haut, varia-
tion 'qui accompagne toujours comme nous le verrons
plus loin, les états dépressifs.
; . D'interprétation avec hallucinations de la vue.- Cas. 120.
Mme R..... Eudeline, femme B, 37 ans. Entrée à l'asile le 30 avril
1904. Transférée de l'asile de Villejuif (Seine).
Prognatisme, voûte palatine élevée, oreilles mal conformées,
regard fixe.
Idées délirantes de persécution. Hallucinations de l'ouïe et de la
vue, s'accompagnant de réactions violentes, incohérence, amnésie
progressive.
ti examens périmétriques du champ visuel. Ci-dessous la par-
tie supérieure de deux tracés de l'oeil gauche (fig. 3 et 4).
Le tracé n° 3 pris le 11 juillet, la malade n'épiouvant
aucun trouble, est normal.
Le tracé n° 4, pris le 31 juillet- à 3 heures de l'après-
midi, la malade ayant eu des hallucinations terrifiantes
la nuit précédente à 10 heures du soir. (Effrayée par une
houle de l'eu qui se promenait dans le dortoir, elle s'en-
Oiis. 120. Fig 3.-O. G. IIaHccinaLioudclav·uc.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE LOEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. b
ferme dans les w. c. et appelle à l'aide) ; présente le ré-
trécissement caractéristique hallucinatoire, dix-sept
heures après la cessation du trouble. '
y. d'intoxication avec hallucinations de la vue. OBs. 67.
M. G..... Alfred, 34 ans, entré à l'asile le 10 janvier 1906. Désordre
des actes, tremblement généralisé surtout marqué aux doigts et à
la langue, diminution de la sensibilité générale, exagération des
réflexes tendineux, digestions pénibles. Insomnie. Otite' externe
droite. Idées délirantes de persécution à base d'interprétations.
Hallucinations psycho-sensorielles de l'ouïe. Hallucinations fran-
ches de la vue. Cinquante examens périmétriques complets. Les
variations .de l'étendue du champ visuel en haut sont indiquées
dans le tracé de la fig. 5, 5,
Le 11 septembre Rétrécissement notable pour les 2 yeux, hallu-
cinations intenses, le malade voit des couleurs (bleu marron, rouge
comme du feu).Le 12. N'en voit plus que par instant, le champ
monte pour l'oeil droit. Le 13. Il se sent bien, on a une élévation
pour les 2 yeux. Le 8 octobre. Abaissement des 2 yeux, le malade
est déprimé. Le 9. Il est bien, le champ s'élève nettement pour les
2 yeux. Le 11. Nouvel abaissement du champ visuel avec état dé-
pressif. Elévation le lendemain. Le 19. Abaissement du champ vi-
suel pour les 2 yeux, avec rétrécissement notable en haut et en -
dehors ; hallucinations intenses de la vue (le malade voit sa femme
et ses enfants, qui lui font des signes par-dessus le mur de sa sec-
tion). Le 20. Il est calme, le champ redevient normal. Le 16 nov.
Ons. 120. Fio. 4. O. G. Klâfnbrmal.
/
CONTRIBUTION A L ETUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 7
Abaissement pour les 2 yeux, rétrécissement en haut et en dehors,
hallucinations intenses. Ci-dessous la partie supérieure des tracés
du 11 septembre, et du 8 octobre pour l'oeil gauche (fig. 6 et 7).
La figure 6 présente les rétrécissements en haut, en
haut et en dehors, caractéristiques des hallucinations
de la vue. La figure 7 est rétrécie en haut, comme il arrive
toujours dans les états dépressifs.
2 Dans les étais s' accompagnant de troubles de l'activité
Ons. 67, Fin. 6. - Q. G. Hallucination della vue.
OBS. 67. Fin. 7. - Etal dépressif.
8 CLINIQUE MENTALE.
générale. a. Etats mélancoliques délirants ; p. Etats mé-
lancoliques anxieux.
. Pour n'importe quel malade tout état de dépression
est annoncé par un rétrécissement du champ visuel cons-
tant en haut (1). Il est parallèle à l'état même du sujet, et
cesse d'exister avec le trouble. On le trouve dans tous les
états - mélancoliques ; mais il b'y rencontre rarement
pur (2), le plus souvent il est associé à d'autres varia-
tions du champ visuel, dues à des troubles surajoutés. ! ' 1
a. Etat mélancolique délirant. Ons. 23. - Mme C...." femme D...
âgée de 48 ans. Entrée à l'asile le 23 mars 1906. Affaissement, dimi-
nution de la sensibilité générale et des réflexes tendineux, gastrn.
entérite ancienne, pharyngite granuleuse. Idées de ruine, d'indi-
gnité, auto-accusation, illusions de l'ouie, de la vue et du goût, t,
tentatives puériles, de suicide. Cinq examens périmétriques. Ci-
dessus la partie supérieure de celui du 3 nov. 1906 (fig. 8 et 9).
Ce tracé présente en haut le rétrécissement de l'état
dépressif, ainsi qu'un léger rétrécissement en haut et
en dehors, dû à des illusions visuelles. ,
(11 Nous le signalons plusieurs fois au cours de notre travail. "
(2) 11 ne nous a pas été donné d'examiner d'élaL mélancolique
simple.
OBs. 23. - Fin. 8. - O. D.
CONTRIBUTION A L'ÉTLDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 9
a. Etat mélancolique anxi,ux. - Ons. 126. - Mme Th.... femme
D ? âgée de 45 ans. Entrée à l'asile le 6 août 1906. Microcéphalie.
Voûte palatine élevée. Diminution de la sensibilité générale et des
réflexes tendineux. Cyanose des extrémités. Insomnie. Anorexie,
digestions pénibles. Leucorrhée. Petits accidents de brightisme.
Interprétations pessimistes de modifications cénesthésiques mal
déterminées. Crises d'anxiété et de désespoir, sous l'influence des-
quelles elle a déjà fait plusieurs tentatives de suicide.
14 examens périmétriques. Ci-dessous le schéma des variations
du champ visuel en haut (fig. 10).
20 août. Alitée se lamente et pleure. 24 août. Levée se trouve
mieux, travaille. 12 sept. Rentrée du travail, parce qL'elle se
sentait fatiguée. 13 sept. Moins abattue. 31 oct. Se dit com-
plètement guérie (n'a plus de mauvaises idées), travaille. 2 nov.
Continue à être bien, etc..
3° Dans les états démentiels congénitaux, z. Imbécillité
simple ; . Imbécillité interprétante ; Y. Imbécillité dé-
lirante avec hallucinations de la vue ; a Imbécillité avec .
stupidité. Ces démences s'accompagnent de rétrécisse-
ment du champ visuel, constant en haut, quelquefois
global.
et. Imbécillité simple. On s. 17. M. B...., Charles, 27 ans, en-
tré à l'asile le 23 août 1906. Taille au-dessous de la moyenne.
microcéphale, prognatisme, oreilles mal conformées, voûte pala-
Ons. 23. Fin 9. - O. G.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 11
tiné élevée, dentition mauvaise, excès alcooliques passagers. Ar-
rêt de développement intellectuel et moral, instable, impulsions à
l'incendie. Transféré à l'asile de la prison d'A... où il était dé-
tenu sous l'inculpation d'incendie volontaire. Quatre examens
périmétriques.
Ci-dessus la partie supérieure de deux tracés de l'oeil droit (fig.
11,'et 12). ,
Ons. 17. FIG. 11.
OBs. 17. FIG. 12.
12
CLINIQUE MENTALE.
Le tracé il pris le 15 septembre représente le champ
normal du sujet, rétréci en haut (le sujet travaille).
Le tracé 12 pris le 28 sept. Le sujet étant déprimé,
le rétrécissement du champ visuel en haut s'est accen-
Lué.
(. Imbécillité interprétante. - Os s. 40. -Madame D..... Marie
femme'R...., 32 ans. Entrée à l'asile le 31 août 1906. Microcéphalie.
Voûte palatine élevée, oreilles mal conformées, yeux petits, regard
Ons. 40. Fic.. 13. - rlat normal.
Obs. 40. FIG. 14. des brouillards.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 13
sans expression. Diminution quantitative de l'intelligence.
Indifférence affective. Irritabilité. Idées de persécution et de ja-
lousie à base d'interprétations. Quatre examens périmétriques
concordants. Ci-dessus la partie supérieure de deux tracés pour
l'oeil droit (ng. 13 et 14).
Le tracé n° 13, pris le 3 septembre, représente le champ
visuel normal du sujet. Le tracé n° 14, pris le 4 octobre,
présente un léger rétrécissement en haut et en dehors (la
malade voit comme des brouillards).
y. Imbécillité délirante avec hallucinations de la vue. Oss. 20.
- 111. C...., Eugène, âgé de 31 ans. Entré à l'asile le 16 août 1904.-
Atrophie du massif inférieur de la face, oreilles mal conformées,
voûte palatine élevée, tremblement généralisé surtout accusé à la
langue et aux doigts, roulement présystolique. Diminution
quantitative et qualitative de l'intelligence. Idées délirantes de
persécution, hallucinations psycho-sensorielles de l'ouie, halluci-
nations franches de la vue, s'accompagnant de réactions violentes.
- Soixante-cinq examens périmétriques complets pom le blanc.
Ci-après le schéma des variations de l'étendue du champ vi-
suel en haut (fig. 15).
Le 24 août. Rétrécissement portant sur les 2 yeux, hallucina-
tions intenses (voit des gendarmes par-desssus les murs de la cour,
leur lance des pierres). Les hallucinations continuent les 3 et sep-
tembre. Le 5. Un abaissement plus notable encore constaté à
4 heures de l'après-midi, amène son isolement le 6 au moment du
lever,soit 14 heures après ; le soir même, le champs'élève pour l'oeil
gauche, l'oeil droit restant stationnaire, des hallucinations per-
sistent, mais moins intenses. -Le 7. Le malade est calme. On
a une ascension franche pour les 2 yeux. Le 10. ascension des deux
yeux notable surtout pour l'oeil droit ; le 11, le malade est très
agité (les brigands l'insultent par derrière, mais il ne les voit pas,
car ils sont enfermés), il y a un abaissement pour l'oeil droit ; l'oeil
gauche restant stationnaire ; le 12, le malade est calme.-Le 21 as-
cension des 2 yeux, le lendemain agitation violente, sans halluci-
nations de la vue. Le 20 octobre, abaissement notable de l'oeil
droit, le lendemain hallucinations de la vue, accompagnées de
réactions très violentes (le malade lance des pierres à ses ennemis.
frappe les murs pour les écraser, etc..), l'abaissement de l'oeil gau-
che est constaté. Le 23, ascension notable pour les 2 yeux, le
malade étant calme.
a Imbécillité avec stupidité. OBs. 117. Mme R... Elisa
femme C..., 29 ans. Entrée à l'asile le 23 janv. 1906. - Front bas,
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 15
étroit, oreilles mal conformées, voûte palatine élevée, regard sans
expression. Diminution de la sensibilité générale et des réflexes
tendineux, attitude figée, mutisme, gâtisme. Ce n'est qu'après
de nombreuses séances que nous avons pu obtenir des examens
exacts ; nous en possédons neuf sensiblement concordants 'Ci-
dessus la partie supérieure de 2 tracés de l'oeil gauche '(fig. 16 'et
17). ). -
OBs. 117. Fac. 16. 0. G.
OBS. 117. Fir. 17. O. G.
16
CLINIQUE MENTALE.
Le tracé 16, pris le 20 octobre, est plus rétréci que lé
tracé 17, la malade étant moins affaissée 1).
(1)11 nous est arrivé de trouver dans rerLains étals délirants
intenses : (1° d'agitation Molente avec hallucination de l'ouïe et de
la vue ; 2° de dépression «'accompagnant d'anxiété avec illusions
de la vue, hallucinations de l'ouie), des champs visuels considéra-
blement rétrécis, soit d'une façon irrég-ulière, soit globalement ;
mais dans ces cas, la diminution de l'attention des sujets était
telle que nous n'avons pas cru devoir en tenir état, malgré l'in-
sistance apportée et les précautions prises pour avoir des rensei-
gnements exacts.
OBS. 8. Fixe. 18. 0. D..AgiLatioii
OBS. 8. FIO. l') - O. D. Calme.
CONTRIBUTION A L'ETUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 17
B. Champs constamment élargis. - Dans les états
s'accompagnant de troubles de l'activité générale. a) Ma-
niaque simple ; p) Maniaque continu ; y) Maniaque in-
termittent. Chez ces-malades, l'étendue globale du champ
visuel est en raison directe de l'agitation, il redevient
normal, le plus souvent lorsqu'elle cesse.
a Maniaque simple. OBs. 8. Mme B..., veuve B..., 71 ans.
Entrée à l'asile le 5 juillet 1906. Désordre des actes, regard but-
lant, face vultueuse, diminution de la sensibilité générale. Exa-
gération des réflexes tendineux. Désordre des idées, grandilo-
quence emphase (attitude dramatique), conceptions mégaloma-
niaques, hypermnésie. Six examens périmétriques. Ci-contre
la partie supérieure de 2 tracés de l'oeil droit (fig. 18 et 19).
Le tracé n° 18 pris le 11 septembre, la malade étant
agitée, est globalement élargi. Le tracé n° 19,pris le 31 oc-
tobre, la malade étant calme, est globalement moins
étendu.
|5. Maniaque continu.- OBS. 37. Mme G.... veuve D...., 65 ans.
Entrée pour la seconde fois à l'asile le 3 août 1902. 1er séjour du
11 juin au 8 nov. 1897. Désordre des actes, agitation continue,
diminution de la sensibilité générale, exagération des réflexes ten-
dineux. Voix de polichinelle. Désordre des idées, conceptions
mégalomaniaques. Quatre examens périmétriques concordants.
Ci-dessous la partie supérieure du tracé du champ visuel pris le 6
oct. 1906 (fig. 20 et 21).
Le champ est élargi dans toute son étendue.
y. Maniaque intermittent. Cas. 48. Mlle D... Virginie, âgée
de 46 ans, Entrée à l'asile le 2 février 1892. Transférée de l'asile de
Saint-Venant. Regard brillant, face vultueuse, désordre des actes,
diminution de la sensibilité générale. Exagération des réflexes
tendineux. Hypermnésie, association automatique des idées et des
mots, fuite des idées, idées de persécution sans consistance. Accès
intermittents d'agitation violente, cessant en quelques jours,
parfois brusquement et suivis de périodes de calme. Vingt-
sept examens périmétriques.
Ci-après le schéma des variations de l'étendue du champ vi-
suel en haut (fig. 22).
23 champs, pris du 9 sept. au 1er oct. pendant un accès d'agita-
tion maniaque, sont restés constamment élargis globalement, et
ont toujours dépassé la moyenne normale. Les élévations ont tou-
jours accompagné ou précédé de quelques heures à vingt-quatre
Archives, 3' série, 1907, t. I. 2
18
CLINIQUE MENTALE.
heures les ascensions de l'agitation. Le champ pris le 29 octobre,
la malade étant redevenue calme depuis 2 jours et paraissant un
peu déprimée, est légèrement au-dessous de la moyenne ; dès le
2 novembre, elle remonte à 60 et s'y maintient.
C. Champs visuels A oscillations. Dans les états
dits maniaques dépressifs d'après Iiroepelin (folie circu-
laire continue, maniaques intermittents et mélancoliques
intermittents à type irrégulier, etc.). les accès aigus d'cx-
OBS.3T. Fie. 20. 0. D.
OBS. 37. Fie. 21. - 0. G.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 10
citation ou de dépression s'accompagnent d'oscillations
brusques du champ visuel, au-dessus et au-dessous de
la moyenne normale, qui permettent de prévoir les va-
riations d'intensité du trouble d'un jour à l'autre, ainsi
que la cessation ou l'apparition de l'accès quand elles se
répètent à intervalles rapprochés.
1° Folie circulaire continue. - OBs. 26. Mme C..... Philomène,
femme Foi 55 ans. Entrée pour la 4e fois à l'asile le 19 juillet
1906. 1er séjour du 21 janvier au 28 février 1903. Traitée pour un
accès d'agitation maniaque. 2e séfour du 28 juillet 1903 au 29
janvier 1905. (Agitation du 28 juillet au 2 octobre, dépression pro-
fonde du 2 octobre au 11 décembre. Agitation violente du 11
décem. 1903 au 11 février 190'f, dépression jusqu'au 4 mai. - Agi
talion violente du 1't mai au 20 juillet. 10 août dépression pro-
fonde. 7 octobre. Excitation. Agitation du 11 octobre au 12
décembre. Rendue à sa famille le 29 janvier. 3 séjour du 1G
février 1905 au 20 mai 190G. Agitation jusqu'au 10 mai. Dé-
pression du 15 mai au 30 juin. Agitation du 20 juillet au 2 no-
vembre. Agitation du 28 février au 30 avril. Congé le 20 mai.
4e séjour depuis le 19 juillet. Agitation violente, diminution de
la sensibilité générale. Tremblement fin des doigts et de la langue.
Exagération des réflexes tendineux. Logorrhée. Hypermnésie. Idées
de persécution. Idées ambitieuses. 84 examens périmétriques com-
plets pour le blanc. Ci-dessous le schéma des variations des champs
visuels en haut (fig. 23).
Le 8 septembre. Le champ visuel monte pour l'oeil gauche, la
malade devient agitée la nuit d'après. -Le 30 septembre. Le champ
visuel baisse à 55 pour les 2 yeux, la malade dort la nuil, est calme
Ons. 48. FIG. 22.
CONTRIBUTION A L'I 1 UDE DE 1,'(lit CHEZ LES .1LIGYLS. 21
le lendemain. - Le 9 octobre. Agitée le jour, elle baisse et dort la
nuit.- Le 11 octobre. Bien que paraissant déprimée, le champ vi-
suel monte à 60 pour les 2 yeux, elle s'agite la nuit et les jours sui-
vants. -Le 27 octobre. Elle baissé. Calme la nuit. -Le 12 novem-
bre. Montée à 65, agitation violente dans la nuit. -Le 13 novembre
Elle descend, dort la nuit. -Le 14 novembre. La baisse s'accentue.
Elle est un peu déprimée. Le 15 novembre. Même champ vi-
suel, même état, commence à travailler.
2° Etat maniaque intermittent à type irrégulier. OBs. 109.
M. P...., Charles, 32 ans. Entré à l'asile le 12 février 1902. Dé-
sordre des actes, regard brillant, tremblement généralisé, diminu-
tion de la sensibilité générale. Exagération des réflexes tendineux.
Insomnie. Logorrhée, idées de satisfaction et de grandeur.
Hypermnésie, diminution de l'attention. 72 examens périmé-
triques complets pour le blanc. Ci-contre le schéma des' variations
en haut du champ visuel, en rapport avec les troubles de l'activité
générale (fig. 24).
Le 24 août. Le malade est pris, étant isolé, son champ est glo-
balement étendu. Le 5 septembre. Ascension pour les 2 yeux cons-
tatée à 4 heures de l'après-midi, isolé le lendemain au réveil.
Le 6. L'élévation s'accentue pour l'oeil gauche. le malade reste
isolé. Le 7. Chute pour les 2 yeux, le malade est calme. Le 12. Le
malade est déprimé, on avait un abaissement la veille.
Le 17 sept. Ascension des 2 yeux s'accompagnant de logorrhée.
Le 18 sept. Chute, le malade est calme, etc.
3° Etat mélancolique intermittent à type irrégulier. Or3s. 80.
Mme L... Marie, femme B., âgée de 53 ans. Entrée à l'asile le 31
juillet 1906. Affaissée, diminution de la sensibilité générale et
des réflexes tendineux, cyanose des extrémités, anorexie, digestion
pénible, constipation, tumeur ancienne du genou droit d'origine
bacillaire. Idées délirantes de persécution, de ruine, illusion ?
du goût, préoccupations de suicide ; 9 examens périmétriques com-
plets (fig. 25).
22 août. La malade étant déprimée est bien au-dessous de la
moyenne. -1er octobre. Elle est excitée, et passe franchement au-
dessus de la normale. 18 octobre. Pleure et se lamente au mo-
ment de l'examen, le champ reste cependant sensiblement normal
pour l'oeil droit ; elle a été agitée toute la nuit précédente et s'agite
la nuit suivante à partir de 3 heui es. -Le 31 octobre. Le champ est
étendu, bien que la malade paraisse déprimée, elle s'agite le tende
main. Le 5 nov. Elle est nettement au-desssous de la moyenne.
et a une crise d'anxiété la nuit suivante.
D. Champ visuel DES paralytiques généraux.
Nous avions, dès le mois de mars dernier, noté, dans la
'J2 CLINIQL'I; DIENI'1L1 : .
perception des couleurs chez les paralytiques généraux,
des différences en rapport avec leurs antécédents étiolo-
giques, et remarqué particulièrement les variations qu
- accompagnent les ictus. Nos résultats concordent avec
les conclusions du travail de MAL A. Rodiet, Dubos et P.
Pansier, en ce qui concerne les troubles de la vision. Nous
y ajouterons cependant que les troubles hallucinatoires
et de l'activité générale s'accompagnent, chez eux, des
mêmes variations, dans l'étendue du champ visuel, que
chez tous les autres aliénés.
1° Avec les troubles de l'activité générale. -On s. 116 ? 11. R...,
Jules, 65 ans. Entré à l'asile le 22 août 1906. Désordre des actes
Logorrhéee, accrocs de la parole. Tremblement fibrillaire des doigts
et de la langue, diminution de la sensibilité générale. Exagération
des réflexes tendineux. Idées délirantes absurdes de satisfaction
de grandeur, de richesse, d'invention, amnésie progressive.
4 examens périmétriques du champ visuel complets pour le blanc.
Ci-contre 2 tracés complets de l'oeil gauche pour le blanc (fig. 26
et 27).
2° Avec les hallucinations de la vuc.-Ons. 100. 111. NI .. Louis,
Uns. 80. 1 c. 25.
Ons. 116. Fic,. 20. O. G. X" 1. Excitation. 24 août 1906.
Ons. 116. FiG. 27. 0. G. N* 2. Dépression. 2S septembre 1900.
Le champ n° 1 correspondant a l'état d'excitation, est sensiblement
normal. On trouve dans le champ n° 2 le rétrécissement en haut
caractéristique des élats dépressif*.
21 CLINIQUE- MENTALE.
43 ans, entré à l'asile le 25 janvier 1906. Masque paralytique, ac-
crocs de la parole. Tremblement fibrillaire des doigts et de la langue
diminution de la sensibilité générale. Exagération des réflexes ten-
dineux. Inégalité pupillaire. (séjour aux colonies). Excès alcoo-
liques, accès de fièvres intermittentes. Affaissement global de l'in-
telligence. Idées de persécution sans consistance, amnésie progres-
sive.
Hallucinations psycho-sensorielles de l'ouïe. Hallucinations ter-
rifiantes de la vue, s'accompagnant de réactions violentes. 60 exa-
mens périmétriques complets. Ci-dessous le schéma des variations
de l'étendue du champ visuel en haut (fig. 28).
Le 6 septembre. Le malade pris la 2e fois (le premier champ vi-
suel n'ayant pas été conservé) à 3 heures de l'après-midi accuse
un rétrécissement net du champ visuel en haut pour les 2 yeux ; le
soiràlO h. 1/2, soit 7 heures 30 après, sans qu'aucun autre signe
ne les ait annoncées, il a des hallucinations terrifiantes (bris de car-
reaux, cris de terreur, au secours. à l'assassin, je brûle, etc..)..
Le 14 septembre. Le malade se livre le matin à 6 heures à des voies
de fait sur un de ses camarades qu'il ne reconnait pas. Le champ
visuel pris la veille à 4 heures de l'après-midi accusait un rétrécis-
sement net ; l'après-midi du 14, à 4 heures, soit 10 heures après, le
rétrécissement avait disparu. Le 25 septembre. A 10 heures du
soir, le malade a des hallucinations terrifiantes, le champ visuel
dans ce cas nous a présenté une oscillation contraire pour l'oeil
gauche, l'oeil droit restant rétréci. Le rétrécissement pour l'oeil
gauche a donc dû se produire plus tard, soit quelques heures avant
l'hallucination. -Le 6 octobre. L'oeil gauche étant déjà fortement
rétréci, nous trouvons un abaissement très net pour l'oeil droit ; à
10 heures 1/2 du soir, le malade tente de semutilerense frappant
la tête contre une porte (1).
E. Etats démentiels avec névrose. '10 Epileptique.
Le nombre des observations complètes que nous pos-
sédons actuellement sur ces états est trop restreint pour
que nous puissions en tirer des conclusions.
Nous noterons cependant, que les champs visuels pris
par nous chez ces malades sont jusqu'à présent, ou sen-
siblement normaux, ou hyperctendus, contrairement à
ce qu'a écrit Ott,olenghi S., qui les a trouvés rétrécis 12
fois sur 12 épileptiques en dehors de l'accès. Toutefois
leur étendue paraît être en rapport avec les troubles de
l'activité générale, précédant ou suivant la crise.
(1) Nous n'avons noté que les hallucinations suivies de réactions
violentes consignées sur les rapports des surveillants infirmiers.
Mais chaque rétrécissement correspond à des hallucinations
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 27
champ pris à 4 h. de l'après-midi, donne un rétrécissement no-
table pour les 2 yeux, le lendemain matin à 10 heures, le malade
a une crise très violente, le champ pris à 4 heures du soir, soit 6
heures après reste rétréci, il redevient normal le lendemain pour
les 2 yeux. Le 2 octobre. Ou a un rétrécissement pour l'oeil droit
et une crise dans la soirée.
Le 10 oct. Rétrécissement pour l'oeil droitcrise légère quelques
heures après.- Le 30. Rétrécissement pour les 2 yeux.- Le 31
à 2 h. de l'après-midi, crise violente. On ne peut pas prendre le
champ visuel du malade qui est dans un état d'agitation in-
quiète ; le lendemain iL, novembre le champ redevient normal
pour les 2 yeux.
2° 77 ? /.</c//</;«'. Chez ces malades également (nous
n'avons encore que peu d'observations complètes), l'éten-
due du champ visuel ne nous a pas paru être fonction de
la névrose elle-même, mais bien de l'état surajouté.
Quant à la perception des couleurs, nous en reparlerons
dans un travail d'ensemble, dont nous avons déjà les
éléments, et qui porte sur tous les aliénés. -
.. - Chapitre II. Fond DE L'OEIL.
Nous avons pour chaque classe de malades, divisé l'é-
tude du système oculaire en deux parties : d'un côté
l'état des pupilles, de l'autre l'état du fond de l'oeil. La
réfraction a fait l'objet d'un paragraphe spécial.
Nous avons négligé de signaler toutes les lésions ba-
nales que nous avons pu rencontrer, soit du côté des
membranes externes (blépharo-conjonctivite, taies de la
cornée), soit du côté des milieux (opacités cristalliniennes)
soit du côté du fond de l'oeil (staphylome postérieur),
lorsque res lésions nous ont paru absolument indépen-
dantes de toute affection mentale, atteignant l'aliéné
comme elles auraient atteint tout autre sujet.
L'examen des pupilles a été fait à la chamhre noire, et
à l'éclairage oblique. On ne saurait s'entourer de trop de
précautions avant de parler d'irrégularité, d'inégalité des
pupilles, ou de troubles des réflexes. Bien des inégalités
pupillaircs constatées sont dues uniquement à une iné-
galité d'éclairage.
Nous nous sommes servis pour l'examen du fond de
2S CL1N1QIE MENTALE.
l'oeil, de l'ophtalmoscope à imago droite, qui seul, donne
en même temps qu'un grossissement suffisant, la possi-
bilité d'examiner dans toutes ses parties la rétine d'un
sujet indocile ou inconscient. Les aspects ophtalmosco-
piques des fonds d'yeux normaux sont quelquefois si va-
riés, que l'on doit être bien prudent, avant de parler
d'anomalie, soit du côté de la pupillle, soit du côté des
vaisseaux. Il faut répéter les examens en les espaçant, et
surtout, en même temps, examiner un grand nombre de
fonds absolument normaux ; nous étions particulière-
ment bien placés pour le faire. 11 ne sera peut-être pas
inutile d'ajouter, que nous avons examiné les yeux des
aliénés, sans connaître ni le genre de leur maladie, ni
l'état de leur champ visuel. Ainsi nous croyons-nous être
suffisamment gardés contre toute idée préconçue.
A. Paralysie générale. 1° Troubles pupillaires.
Nous a ons noté l'irrégularité des pupilles dans plus de
la moitié des cas que nous avons observés. Ainsi que le
font remarquer MM. Rodiet, Dubos et Pansier, on peut
rencontrer ce signe dans bien d'autres affections que
dans la paralysie générale, dans le tabès notamment, et
dans toutes les psychoses ; mais il n'en est pas moins vrai
qu'il n'y a pas d'affection où on puisse le rencontrer aussi
fréquemment.
C'est ainsi que nous l'avons noté, dans 62 % des cas de
paralysie générale que nons avons observes ; alors que
sur l'ensemble des aliénés examinés, nous n'avons noté le
symptôme que dans 32 % des cas.
Les formes que peut prendre la pupille sont des plus
variées ; elles ont d'ailleurs été trop de fois décrites pour
que nous ayons besoin de revenir sur ce point ; nous de-
vons cependant signaler un cas, où la déformation était
si prononcée, en ovale si allongé, que nous avions cru
nous trouver d'abord en présence d'un staphylome
adhérent ; l'éclairage oblique seul nous a permis de re-
connaître la vraie nature de cette déformation, qui par
la suite d'ailleurs ne s'est pas maintenue. L'inégalité pu-
pillaire, signalée pour la première fois par BaillaT'ger, est
généralement considérée comme un des symptômes les
plus fréquents de la paralysie générale. --
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 29
Pour Terrien, elle existerait dans plus de la moitié des
cas.
MM. Rodier, Dubos et Pansier estiment que l'on a
jusqu'ici attaché trop d'importance à ce signe ; ils font
remarquer, avec juste raison que, si l'on considère l'iné-
galité pupillaire en tant que symptôme isolé ne s'accom-
pagnant pas de troubles des réflexes à la lumière ou à
l'accomodation, on ne la rencontre pas plus fréquemment
dans la paralysie générale que dans beaucoup d'autres
affections, qui n'ont aucun rappport avec elle (psychoses,
anémie, goitre exophtalmique, etc.), mais il est cer-
tain cependant que cette inégalité pupillaire, qu'elle
soit due uniquement, comme cela parait être probable, à
des troubles des réflexes ou à toute autre cause, est un
signe plus fréquemment constaté (trois lois plus d'après
notre observation 37 % des cas) dans la paralysie géné-
rale que dans les autres affections mentales. '
Le signe d'Argyll Robertson se rencontre encore plus
fréquemment que l'inégalité des pupilles (50 %). Nous
l'avons presque toujours rencontré, à la fois sur les deux
yeux, généralement franc, c'est-à-dire avec conservation
à peu près absolue du réflexe àl'accommodation; quelque-
lois la pupille réagissait à l'accommodation; mais lente-
ment et incomplètement.
Il nous a paru que le signe d'Argyll Robertson se ren-
contre beaucoup plus fréquemment chez les malades pré-
sentant déjà un myosis plus ou moins étroit, que chez
ceux dont la pupille se trouve en état de mydriase ou de
dilatation moyenne. Nous avons d'ailleurs noté ce myo-
sis dans 25 % des cas. U
Nous n'avons jamais pu constater ni la réaction para-
doxale de la pupille (dilatation sous l'influence de la lu-
mière), ni l'abolition du réflexe consensuel.
2° Examen du fond de l'eil. L'examen ophtalmos-
copique de l'oeil des paralytiques généraux ne nous a
rien révélé qui puisse être attribué en propre à cette affec-
tion. Comme tous ceux qui avant nous se sont occupés
de la question, nous avons dans certains cas trouvé des
vaisseaux flexueux, des veines dilatées; une fois, au con-
traire, nous avons trouvé des vaisseaux un peu fins, mais
30 CLINIQUE MENTALE,
ces différences de calibre pourraient n'avoir rien d'anor-
mal. Dans un cas, la papille nous a paru uniformément
décolorée ; généralement, cette pâleur portait surtout
sur le segment externe de la papille ; d'autres fois les
bords en étaient flous ; tous symptômes du début de
l'atrophie papillaire, fréquemment constatée dans les
dermières périodes de la paralysie générale.
Enfin dans un assez grand nombre de cas (15 %), nous
avons constaté un liseré blanchâtre de sclérose périvas-
culaire, portant plus fréquemment sur les artères que
sur les veines ; dans quelques cas nous avons vu cette
lésion se manifester non plus par un liseré, mais par des
plaques blanchâtres plus ou moins continentes, appa-
raissant u la surlace du vaisseau et le recouvrant en
partie. Ce ne sont là très probablement que des lésions
d'artérite syphilitique. La vision nous a paru le plus su-
vent conservée ; dans 50 % des cas, elle était normale ;
dans 13 % seulement des cas, elle était inférieure à 1 /2.
B. Etats délirants avec hallucinations DE la
vue. z) Systématisé avec hallucinations de la vue ;
[il d'interp étation avec hallucinations de la vue ; 1'1
d'intoxication avec hallucinations de la vue.
il) Pupilles. -- Les troubles pupillaires sont beaucoup
moins fréquents que dans la paralysie générale. Les
pupilles sont très rarement en état de myosis, plus sou-
vent en mydriase, généralement en état de dilatation
moyenne. Nous les avons très rarement trouvées inégales
(7 %) ; jamais nous n'avons constaté l'absence d'un des
réflexes soif à la lumière, soit à l'accommodation. En re-
vanche la paresse des pupilles à réagira la lumière ou à
l'accommodation, ou à l'un et à l'autre réflexe, nous a
paru fréquente. Nous l'avons constatée dans 39 % des
cas ; elle se manifestait généralement par la lenteur de la
réaction à la fois à la lumière et à l'accommodation :
lorsqu'un seul jéflexe était diminué, il s'agissait le plus
souvent du réflexe lumineux.
2° Examen du fond de l'oeil, Le fond de l'oeil des
hallucinés présente les mêmes signes que ceux des para-
lytiques généraux, aussi bien du côté de la papille, qui
CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 31
paraît tantôt hyperhémiée, tantôt décolorée dans son
segment externe, tantôt à bords flous ; que du côté des
vaisseaux, fréquemment flexueux, atteints quelquefois
de périvasculite. Mais à côté de ces lésions banales, pour
ainsi dire, nous avons rencontré deux signes, dont la
fréquence semble digne d'être notée chez les hallucinés de
la vue.
Le premier est une sorte de halo péripapillaire, consti-
tué par une zone, où la rétine perd sa coloration normale,
pour prendre une teinte grisâtre ardoisée. Dans les cas
où nous l'avons observé, tantôt ce halo entourait com-
plètement la papille, généralement normale, tantôt il la
bordait seulement sur une partie plus ou moins large de
la circonférence. Il ne nous a jamais paru s'étendre plus
loin que deux ou trois diamètres papillaires.
Nous ne pensons pas du tout que cet aspect ophtal-
moscopique soit caractéristique du fond de l'oeil de l'hal-
luciné ; nous l'avons trouvé, en effet, chez 6 % des aliénés
de toute nature que nous avons examinés, mais nous
l'avons rencontre deux foisplus souvent chez l'halluciné.
Bouchut dans son atlas d'ophtalmoscopie et de céré-
broscopie de 1876, reproduit, dans la figure 81, l'image du
fond de l'oeil droit d'une enfant de 9 ans atteinte « d'épi-
lepsie avec démence et hallucinations r, qui représente
assez exactement l'état que nous décrivons ici.
Bouchut explique cet aspect en supposant qu'il s'agit
d'un exsudat rétinien très localisé. Magnan et Galezowski
dès 1868, avaient déjà signalé dans la paralysie générale,
il est vrai, un oedème péripapillaire qui se présentait sous
forme de cercle brunâtre (J. Galezowski, th. de Paris,
1904).
Cet aspect particulier de la rétine ne s'est générale-
ment présenté que d'un seul côté à la fois. Dans presque
tous les cas l'acuité visuelle était normale, ou seulement
très faiblement diminuée, ce qui ne saurait se concilier
avec l'idée d'un oedème d'origine névritique. D'ail-
leurs, ce signe nous a toujours paru très fugace ;
il nous est arrivé de ne pas le retrouver à un deuxième
examen, fait à un mois de distance du premier, quel-
quefois même quelques jours seulement après, sans qu'au-
cune autre modification se soit produite du côté de la pa-
32 CLINIQUE MENTALE.
pille. Enfin, presque toujours, en même temps que lui,
nous avons noté le rétrécissement des artères de la rétine.
Aussi pourrait-on peut-être expliquer cette teinte grisâtre
plus ou moins localisée, non par un oedème, ou un exsudat
rétinien, mais par une anémie prononcée de la rétine,
due à une circulation artérielle insuffisante, la colora-
tion grisâtre serait, en très petit, l'image du voile qui
borde la papille dans les cas d'embolie de l'artère céré-
brale.
Nous avons noté le rétrécissement des artères chez
30 % de nos hallucinés, encore n'avons-nous tenu compte,
pour arriver à cette proportion, que des cas tout à fait
nets. Si dans plusieurs cas le rétrécissement nous a paru
fugace, susceptible de se modifier entre deux examens, ne
s'accompagnant enfin d'aucune lésion papillaire, dans
d'autres cas au contraire, il nous a été donné de constater
en même temps que lui des troubles de la papille et de la
vision.
Sur 16 maladps qui présentaient très nettement ce ré-
trécissement, 8 présentaient en même temps une décolo-
ration plus ou moins marquée du segment externe, 1 une
décoloration totale de la papille ; sur ces 9 malades à
papille plus ou moins anormale, 5 avaient une acuité .
visuelle inférieure à la normale, trois autres, sans lésion pa-
pillaire visible, avaient également une acuité visuelle dimi-
nuée ; un d'eux était alcoolique. Il reste donc seulement
4 malades, présentant en même temps qu'un rétrécisse-
sement très net des artères, des papilles absolument nor-
males et une vision parfaite.
Ce rétrécissement artériel est-il donc, en même temps
que le rétrécissement du champ visuel, une des premières
manifestations d'une atrophie du nei f optique au début.
Est-ce par cette atrophie commençante, qu'il faut expli-
quer le rétrécissement du champ visuel ? Ou ce rétrécis-
sement du champ s'explique-t-il seulement par les trou-
bles circulatoires constatés ducôté delà rétine ? C'est un
point que nous ne traiterons pas ici, nous proposant d'y
revenir ultérieurement.
La vision des hallucinés considérés dans leur ensemble
était normale dans la moitié des cas ; dans 10 % seule-
ment des cas, nous l'avons trouvée inférieure à 1/2.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIENES. 33
C. Etat avec troubles DE l'activité générale. a
avec dépression (Mélancolie). 1° Pupilles. Nous
n'avons jamais noté l'irrégularité bien nette des pupilles ;
en revanche, nous avons trouvé de l'inégalité pupillaire
dans un assez grand nombre de cas (24 %).
Jamais nous n'avons constaté de myosis ; les pupilles
étaient généralement en état de dilatation moyenne.
Dans aucun cas nous n'avons trouvé les réflexes à la
lumière ou à l'accommodation complètement abolis ;en
revanche, très fréquemment (44 %),la pupille était pa-
resseuse à la lumière, quoique réagissant normalement à
l'accommodation. Plus rarement (12 %), elle réagissait
paresseusement, aussi bien à l'accommodation qu'à la
lumière.
2° Examen du fond de l'oeil. A l'examen ophtalmos-
copique, nous avons noté de la décoloration du segment
externe, le contour flou de la papille, des vaisseaux fle-
xueux, atteints parfois de périvasculite, quelquefois de'
rétrécissement artériel, mais la proportion des cas où
nous avons constaté ces signes ophtalmoscopiques était
la même pour les mélancoliques que pour les aliénés en
général.
La vision des mélancoliques a été trouvée normale
dans 68 % des cas examinés ; dans 7 % seulement des
cas elle était inférieure à 1 ;2.
Nous avons noté quelques cas de dyschromatopsie ; les
couleurs les plus difficilement perçues étaient le bleu, le
rouge et le vert.
f . Avec excitation (manie et manie dépressive de Kroe-
pelin). Sur 23 malades examinés, nous n'avons noté
qu'un seul cas de myosis. Dans six cas les pupilles étaient
irrégulières ; nous n'avons jamais noté d'inégalité pupil-
laire, ni d'immobilité complète à la lumière, ou à l'ac-
commodation. Le réflexe se faisait lentement ou incom-
plètement dans 30 % des cas à la lumière, dans 40 % des
cas àl'acccommodation, dans 8 % des cas à la fois à l'un
et à l'autre.
Le fond de l'oeil du maniaque ne nous a paru présenter
rien de caractéristique de même que celui du mélanco-
lique ; comme chez ce dernier, nous avons noté la déco-
Archives, 3' série. 107, L. XXIII. - 3
34 CLINIQUE MENTALE
loration du segment externe et le bord flou de la papille
dans un certain nombre de cas. Il nous a paru cependant
que le fond de l'oeil du maniaque était plus hyperémié,
mieux nourri que celui du mélancolique ; nous avons
constaté de la congestion de la papille, de la dilatation
des vaisseaux généralement flexueux et abondants, ja-
mais de rétrécissement des artères, une seule fois nous
avons trouvé de la périvascularite.
L'acuité visuelle était normale dans 50 % des cas ;
dans un cas seulement elle était inférieure à 1 : /2.
D. Etats démentiels congénitaux. Imbécillité.
« . Simple, f5 . interprétante et délirante ; y avec stupi-
dité.
Les pupilles nous ont paru généralement étroites ; dans
17 % des cas, elles étaient en véritable myosis. Très sou-
vent irrégulières (45 %), plus rarement inégales (12 %),
nous les avons trouvées souvent paresseuses à la lumière,
plus souvent à l'accommodation, ce qui tient peut-être à
ce que, pour obtenir ce réflexe, il faut faire intervenir l'in-
telligence du sujet observé.
A l'examen ophtalmoscopique on rencontre chez l'im-
bécile tous les aspects que nous avons déjà signalés pour
les autres classes d'aliénés, un seul s'est présenté il nous
avec un caractère de fréquence très remarquable, c'est
l'état de flexuosité des vaisseaux du fond de l'oeil (50 % des
cas contre 28 % pour l'ensemble des aliénés).
Nous avons trouvé l'acuité visuelle normale dans 66 %
des cas examinés. La dyschromatopsie s'est fréquem-
ment rencontrée (29 °%) ; il semble qu'il no s'agisse pas
de dyschromatopsie vraie, de confusion des couleurs ou
même des nuances, mais simplement de l'impossibilité,
pour l'imbécile, de donner un nom à la couleur qui lui est
présentée.
L'oeil des aliénés considéré au point de vue de la réfrac-
lion. L'oeil des aliénés, pris d'une façon générale, ne
nous a paru normal que dans la moitié des cas. L'amé-
tropie de beaucoup la plus fréquente est l'hypermétro-
pie, que nous avons rencontrée faible (égale à une diop-
trie) dans 24 % des cas, plus forte (au-dessus de une
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OEIL CHEZ LES ALIÉNÉS. 35
dioptrie), dans 11 % des cas. Viennent ensuite la myopie
et l'astigmatisme, qui, au contraire de l'hypermétropie,
ne semblent pas'être plus fréquents chez les aliénés que
chez les inidividus normaux.
Résumé. Pour nous en tenir il l'étude du champ vi-
suel, qui a fait l'objet principal de nos recherches ; et sur
les points de cette étude qui nous ont donné les résultats
les plus intéressants par leur importance et leur cons-
tance, c'est-à-dire les variations d'étendue en rapport
avec les variations des troubles hallucinatoires d'une
part et les troubles de l'activité générale d'autre part,
nous pouvons dégager les faits suivants :
1° Que chez tous les aliénés les troubles hallucinatoires
et les troubles de l'activité générale s'accompagnent de va-
riations dans l'étendue du champ visuel.
2° Que ces variations se manifestent de quelques heures
à 24 heures au plus avant l'apparition du trouble, l'accotrt-
pagnent pendant toute sa durée, et disparaissent de quel'
ques heures à.24 heures après la cessation du trouble.
3° Que l'importance de ces variations est en rapport avec
l'intensité du trouble hallucinatoire ou de l'activité géné-
rale.
4° Dans l'état hallucinatoire la variation du champ vi-
suel est caractérisée par un rétrécissement constant en haut)
très fréquent en haut et en dehors.
5° Dans l'état de dépression la variation de l'étendue du
champ visuel est caractérisée par un rétrécissement portant
constamment en haut quelquefois en haut et en dehors.
6° Dans l'état d'excitation, la variation du champ visuel
se traduit par un élargissement global.
Conclusions CLINIQUES. - Il serait évidemment té-
méraire de chercher à tirer des faits qui précèdent des
conclusions cliniques définitives ; et nous n'avons pas la
prétention de croire que nos constatations seront d'un
appoint considérable pour établir le diagnostic et le pro-
nostic des maladies mentales.
Néanmoins, nous parait intéressant de faire remar-
quer que, chez le plus grand nombre d'aliénés que nous
36 CLINIQUE MENTALE.
avons examinés, et en particulier dans des cas d'inter-
mittences irrégulières, où aucun autre signe clinique ne
laissait entrevoir une modification prochaine de l'état
'mental, il nous a été facile de prévoir à l'aide du tracé du
champ visuel l'apparition de l'hallucination quelques
heures avant, souvent dès la veille ; et de noter dans les
mêmes conditions les troubles de l'activité générale qui
précèdent, accompagnent et suivent les états d'excita-
tion et de dépression. La répétition d'une variation du
champ visuel, en plus ou en moins, pendant plusieurs
jours, nous a permis, en outre, d'annoncer le début, ou la
disparition d'un accès aigu.
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Les fugues dans les psychoses et les démences ;
Par le D' Maurice DUCOS'l'1 ?
Les fugues des hystériques, épileptiques et dégénérés
ont suscité de très nombreux travaux. Je les ai étudiés
moi-môme (1) il y a quelques années, et l'on me permet-
tra de reproduire ici le tableau qui résumait les dévelop -
pements de ce premier travail. Je rappelle que je rejetais
dès cette époque, les deux caractères considérés comme
constants dans les impulsions épileptiques : l'incons-
cience et l'amnésie.
Il ne paraît pas qu'il faille rien modifier à ces conclu-
sions déjà vieilles ; elles ont été très solidement établies.
On ne connaît pas une seule étude d'ensemble sur les
fugues des aliénés. A lire les auteurs, elles semblent ne
pas exister. Cependant on peut en appeler à tous les alié-
nistes de leur fréquence et de leur intérêt qui s'imposent
certainement aux cliniciens les moins avisés. II est per-
mis de croire qu'une des raisons qui en ont fait dédai-
gner jusqu'ici l'étude est que les maîtres de l'enseigne-
ment neurologique (qui ont tous abondamment parlé des
fugues chez les épileptiques, les hystériques et les dé-
générés) (2) n'ont rien dit de celles des psychoses. Le
(1)lAuliicE DoCOSTt : . -1)e l'épilepsie consciente et mnésique et
en particulier d'un de ses équivalents psychiques : le suicide im-
pulsif conscient. Th. Bordeaux 1899.
(2) CHARCOT.- Leçons du mardi T. 1(1887-88) p. 112; T. H (1888-89)
p. 303.
PITRES,- Leçons clinicl. sur l'hyst. et l'hypnol. 1891. T. Il p. 268.
RAYMOxn. Leçons sur les maladies du système nerveux. 1"
série 1894-95. « Les délires ambulatoires et les fugues » p. 592.
Grasset, Leçons de clinique médicale, ? série (1895-98) p. 137.
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DÉMENCES. 30
respect de leurs opinions s'est fortement imposé aux
nosograpbes qui ont suivi, même lorsqu'ils observaient
dans les asiles. D'autre part, malgré ses lacunes, la
vieille classification des fugues suffisait aux médecins
experts, civils ou militaires, qui, fort heureusement,
trouvaient dans le vocable « dégénéré » et dans ses va-
gues synonymes suffisamment d'étiquettes consacrées
pour faire admettre aux juges l'irresponsabilité d'un
aliéné ou d'un dément. Ainsi le silence des auteurs sur
ces phénomènes si intéressants au point de vue social n'a '
pas eu d'importance pratique.
40 CLINIQUE MENTALE.
Pour ètrejuste, M. Tissié a parlé des fugues des alié-
nés dans sa thèse si souvent citée (1). M. Meige, dans un
mémoire bien-connu 1°) s'en rapporte simplement à l'au-
torité de M. Tissié. -
Parfois, dans des monographies diverses, on rencontre
quelques exemples de fugues chez des aliénés ; il faut
avouer qu'on n'en peut retenir aucun. En effet, les auteurs
paraissent avoir une conception extrêmement vague de
la signification du mot « fugue D qu'ils évitent de définir;
il est évident que beaucoup d'entre eux ignorent à peu
près tout des formes typiques d'aliénation ; ils ont géné-
ralement une tendance fâcheuse à accepter comme réels
et bien observés, des faits très anciens, très singuliers
dont certains se rapportent à des personnages légendai-
(1) Les citations suivantes donneront une juste idée du travail de
M. Tissié : « Nous avons pris, dit l'auteur, pour établir le détermi-
nisme des fugues, cinq types bien définis : les délirants, les
hallucinés, les déments, les impulsifs et les captivés. ». Les cinq
types de cette classification inattendue sont en effet bien dé-
finis par l'auteur, car, par exemple, « les impulsifs qui s'en vont
inconscients, ce sont les épileptiques » (p. 6) et « les déments ce
sont les imbéciles, idiots, crétins » (p. ;6). A la p. 18, on lit :
«Après l'observation du paralytique P, qui marchait beaucoup, ci-
tons l'observation suivante que \i. llillod a classée dans la faiblesse
de volonté, le malade ne pouvant se décider à marcher » ce qui
constitue, en effet, une espèce de fugue très curieuse.
Comme autres exemples de fugues,nous apprenons que « les dip-
somanes s'échappent quand ils sentent, venir leur fugue » (p. 22)
et que « les claustrophobies s'enfuient éperdus pour ne pas mourir
étouffes dans un lieu qu'il sentent se resserrer peu à peu sur
eux (1' 23). « A citer encore les érotomanes qu'on peut classer
dans les délirants par instinct, de la conservation et qui voyagent
pour le satisfaire. » (p. 23).
« La lycanthropie est une cause de fugues » (p. 27). « L'anthro-
pophagie peut être aussi une cause de fugues» (id.), etc., elc...
Sans doute, à l'appui de ces allégations, les observations sont
rares ou absentes ; mais une d'elles, en revanche, occupe exac-
tement la moitié de l'ouvrage. Elle se rapporte il un malade
qui paraît être un hystérique et que M. Tissié définit ainsi :
« AlberL D... est un héréditaire, faible d'esprit mais intelligent
(p. ]0<) qui pari sous l'influence d'une idée fixe qui l'élreint et le
captive » (p. 105). (Tissié. Les Aliénés voyageurs. Th. Rordeaux
1887.) ,
(2) II. Meige, Etudes sur certains névropathes voyageurs. Le
Juif errant à la Salpêtrière. Thèse Paris, 18911.
1
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DEMENCES. -il
res ou mythologiques ; presque toujours l'existence de
fugues est notée sans aucun détail ; l'examen du malade
parait superficiel ; enfin beaucoup d'observations très
défectueuses sont admises sans aucune critique et ser-
vent de base à des conclusions autoritaires, comme s'il
était vrai qu'un fait, sans valeur à son apparition, en ac-
quiert une de plus en plus grande à mesure qu'il est plus
souvent reproduit.
. En Allemagne, on s'est très peu occupé de l'automa-
tisme ambulatoire. Ce n'est que tout récemment que E.
Schultze, Donalt et Heilbronner ont fait sur ce sujet
des travaux d'ensemble.Ils répètent d'ailleurs, sans mo-
dification sensible, les idées françaises telles que les ont
fixées les leçons de Charcot. (1).
La question des fugues des aliénés n'a donc pas, à pro-
prement parler, de bibliographie. Dans mon mémoire
sur les Fugues dans la démence precoce (2), j'ai donné
huit observations et tenté une classification des fugues si
intéressantes des déments précoces (3).
J'ai montré dans ce mémoire qu'aucun des caractères
invoqués jusqu'ici pour définir les fugues ne semblait
valable et j'ai proposé la définition suivante : « La fugue
est un accès de vagabondage sans motif n (4). Cette for-
mule, qui parait applicable à tous les cas de véritables
fugues élimine une foule de faits qu'on leur avait assimilés
à tort et sépare nettement les malades que nous allons
(1) Le dernier en date de ces travaux allemands est d'IIeilbron-
ner : Ueber Fugues und fllgue-all1lliche Zustande. «Jall1'b. f.Psych.
u. Neurol. Bd. XXIII 103.) Bebr en a donné une analyse in Ceutr, f.
Nerf. und Psych. XXVII p. 358 (1904.)
(2) Maurice DUCOSTÉ.-Les fugues dans la démence précoce. (En-
céphale, décembre 1900.)
(3) M. Matrice a soutenu en 1900, à Paris, une thèse sur Les fu-
gues chéries enfants. MM. Deny et Roy, dans leur volume. La dé-
mence précoce (Paris 1903), ont rapporté (p. 70-71) une observation
de fugue chez un dément précoce, et en note, très succinctement,
un fait de M. Joffroy (fugue chez un paralytique général). le note-
rai encore une communication de M. Wahl à la Soc. méd. psych.
de Paris. (Trois observations de dégénérés migrateurs. (Ann.méd.
psych., XVII, 1903 p. 425 et sq.) où il apparaît nettement que MM.
Thivet et Ballet ont vu des exemples de ces fugues que l'ont pres-
que tous les circulaires à leur période d'excitation.
(4) Il convient ici de faire une dislinction entre le « but. » et le
« motif ». Si tous nos malades partent et vagabondent sans motif,
42 CLINIQUE MENTALE.
étudier des vagabonds d'habitude avec lesquels on les a
maintes fois confondus (1).
Or, la distinction s'impose d'autant plus que les vaga-
bonds sont en grande majorité des malades et qu'on peut
les rattacher individuellement à des types cliniques
connus. Charcot qui avait remarqué que l'hystéro-neu-
rasthénie est « chose vraiment fréquente » chez les vaga-
bonds, se demandait « si le vagabondage conduit à l'hys-
téro-neurasthénie ou si celle-ci, inversement conduit au
vagabondage. » (2). Cette question délicate)) comme le
disait Charcot, a été abordée en de très nombreuses pu-
blications. L'étude de Wilmanns est particulièrement
suggestive (3). Sur 127 vagabonds, presque tous des hom-
mes, examinés par ce clinicien, cinq seulement paru-
rent normaux.Parmi les autres étaient particulièrement
nombreux : les imbéciles, les hystériques, les épilepti-
ques, les déments précoces. Ceux-ci forment à peu près
la moitié des vagabonds. Il serait très intéressant de
savoir si les vagabonds se recrutent parmi les malades
qui ont fait des fugues plus ou moins longues ; assuré-
ment la fugue est parfois l'apprentissage du vagabon-
il n'y a que les déments qui ne fixent pas débuta tours voyages.
L'absence de but caractérise les fugues démentielles, j'entends la
démence profonde (Blodsinn) et non l'affaiblissement intellectuel
léger (Schwachsinn). Les épileptiques eux-mêmes ne parlent pas
sans savoir où ils vont. l'our citer l'exemple si connu rapporté par
Legrand du Saulle, l'épileptique qui, parti du Havre, se retrouva
sur un bateau en vue de Bombay, sans savoir comment il y était
venu, avaiL évidemmenL,en état second, voulu gagner les Indes et
vécu sur le paquebot, de la vie des autres passagers.
(1) Certains auteurs emploient pour désigner les fugues les
mots : Automatisme ambulatoire (CIIarcot, Grasset et leurs élè-
ves), vagabondage impulsif (Pitres), déterminisme impulsif (Du-
ponchel), délire ambulatoire (Raymond), dromomanie (Régis), dé-
ambulationpaLhologilje (divers), etc.. Tous ces mots ne s'appli-
quent qu'à tel ou tel groupe de cas. Le mot « fugue » plus court
d'ailleurs, et ne préjugeant rien, est seul suflisammenL compréhensif.
(2) CHARCOT, - Cité par II. Meige in Thèse.
(3) K.WlDtNNS ? Mp'cAosM desvagabonds. (Cent. f. Nerv.
XXV. N. F. XIII. 1902). Analysé par P. Kéraval. Arch. Neurologie
XVIII, 1904. p. 407. C'est grâce à l'amabilité de M. le ! )" Kera-
val, donL l'érudition et la connaissance des langues étrangères
m'ont été infiniment précieuses, que j'ai pu consulter les travaux
allemands, russes, etc., approchant plus ou moins du sujet que je
traite. Je l'en remercie très vivement.
LES fugues dans LES psychoses ET LES démences. 43
dage ; mais il ne faudrait pas poser en principe qu'aban-
donnés à eux-mêmes tous ces malades deviennent né-
cessairement des vagabonds, Heilbronner paraît être de
cet avis : d'après lui, les fugues se produisent chez des
instables sous des excitations relativement minimes.
Peu à peu ces excitations deviennent de plus en plus in-
signifiantes et il en résulte « un état habituel de fugues
morbides », autrement dit de vagabondage; il est à crain-
dre que cette explication soit tout hypothétique.
Meige, dans sa thèse sur le Juif Errant a abordé la
question du vagabondage de race. Les opinions sur ce
point sont diverses. Pour les uns la race errante serait
la Sémite, pour les autres « l'Allemande (1). Au de-
meurant, les Juifs, observés par M. Meige à la Salpê-
trière étaient des hystéro -neurasthéniques. Quoi qu'il
en soit, les fugues que nous étudions ici se distinguent
nettement du vagabondage par leur caractère accidentel
et transitoire.
Les observations qui suivent se rapportent à des ma-
lades atteints d'alcoolisme ou de diverses psychoses.
Tous, sauf ceux des observations 1 et IV ont été suivis
à la Maison de Santé de Ville-Evrard (2). Il est très pos-
sible qu'on puisse observer des fugues dans d'autres
psychoses.
Les fugues alcooliques sont incontestablement mieux
connues que les fugues des aliénés. Il faut remarquer que
les hallucinations jouent dans le déterminisme de ces
fugues un rôle moins important qu'on ne l'admet. Beau-
coup de praticiens sont persuadés que, dans leurs fu-
gues, les alcooliques fuient toujours leurs visions terri-
fiantes. Il en est ainsi dans un certain nombre de cas ;
malgré les apparences, ils sont assez rares, et d'ailleurs,
d'après notre définition, ces actes de défense des alcoo-
(1) Cii. Schoebel. (La légende du Juif errant. Paris 1877) cité
par II. Meige, loc. cit. p. 45, 46, 47.
(2) Comme pour mon mémoire sur les Fugues dans la démence pré-
coce, ces observations proviennent du service de M. le Dl Sérieux,
médecin en chef de la Maison de Santé de Ville-Evrard. C'est
grâce aux observations de cet excellent Maître et à ses conseils
précieux que ce travail a pu être mené à bonne fin. Je suis heureux
de pouvoir lui témoigner ici toute ma reconnaissance.
44 f CLINIQUE MENTALE.
liques ne sont pas des fugues. Les fugues alcooliques
sont plutôt fonction de ce besoin d'activité, de mouve-
ment, indépendant de tout processus hallucinatoire que
l'alcool développe tout d'abord, et facilement chez beau-
coup d'individus, même lorsqu'il est pris à dose très fai-
ble. Ces fugues sont généralement courtes, conscientes,
mnésiques, et leur origine toxique est facile à reconnaître.
Si l'intoxication est plus profonde on peut observer
une autre espèce de fugue qui revêt les allures des fugues
épileptiques ou hystériques. L'alcool, en effet, développe
fréquemment des états de conscience tout à fait sembla-
bles à ceux des épileptiques et des hystériques et en ce
sens on peut, en dehors de tout phénomène convulsif.
parler, par analogie, d'épilepsie ou d'hystérie alcooliques
(Francotte). La connaissance des excès alcooliques du
sujetet l'anamnèse sont, dans ces cas, fort utiles et sou-
vent même nécessaires au diagnostic différentiel..le re-
trouve dans des notes anciennes l'histoire d'un alcooli-
que invétéré entré à l'Asile de Cadillac au mois de sep-
tembre 18 ! )7 et qui avait fait, plusieurs mois avant son
internement une fugue dont l'allure comitiale pouvait
faire croire à l'existence de l'épilepsie larvée.
Observation I. X. 37 ans, entre à l'asile pour « folie alcoo-
lique », manie alcoolique héréditaire «.C'est son troisième inter-
nemenL. Son père serait alcoolique. A son entrée, le malade est
agité, violent, parle avec abondance sur un ton déclamatoire.
Cet état maniaque cède au bout de quelques jours. 11 présente les
stigmates ordinaires de l'alcoolisme (Zoopsie, terreurs nocturnes,
crampes, tremblements, pituites.)
Il y a six à sept mois, à la suite de libations abondantes, il est
parti de Bordeaux et s'est retrouvé onze jours après son départ
dans les environs de Limoges. Ce qui s'était passé pendant ces
onze jours, ce qu'il avait fait fait et la façon dont ils'était rendu
à Limoges, il n'en savait absolument rien. Tout souvenir s'était
effacé de ces quelques jours.
Ce malade ne présente aucun stigmate d'hystérie ou d'épilep-
sie ; on ne relève dans ses antécédents aucune crise convulsive,
aucun vertige, aucune absence qui puissent faire croire au mal
comitial. On est forcé de conclure à une fugue accomplie en un
véritable état second développé sous l'influence de l'alcool.
Dans l'hypnose provoquée, le souvenir peut être rap-
pelé, on le sait, d'actes accomplis par les alcooliques en
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DÉMENCES. 45
état d'ivresse et complètement oubliés dans l'état nor-
mal. On trouvera dans une communication de Dobrot-
worsky (1), une observation assez semblable à celle de
notre alcoolique.
Ces. deux variétés de fugues alcooliques, celles qui sont
dues au besoin de mouvement des premières périodes
de l'ivresse et celles qui sont exécutées en état second ap-
pellent deux remarques intéressantes.
On rapporte à l'alcoolisme des troubles intellectuels
ou des réactions, motrices ou morales, qui reconnais-
sent souvent une tout autre influence. C'est ainsi que
les phases maniaques de la folie intermittente peuvent
être mises sur le compte d'excès de boissons. Ils n'en
constituent qu'un symptôme. Fugues, dypsomanie,excès
sexuels, apparaissent généralement ensemble au début
de la manie ; beaucoup de ces cas sont catalogués à tort
« alcoolisme ». Il semble qu'en de tels diagnostics, le mé-
decin se laisse influencer trop facilement par les opi-
nions du malade et de son entourage : le sujet, dit-on, a
cherché dans l'alcool un remède à la dépression,une con-
solation à la tristesse qui précèdent si souvent,toujours
peut-être, les épisodes maniaques, et l'intoxication al-
coolique fait éclater l'agitation.
Interprétation d'une psychologie simpliste ; il con-
vient de ne pas trop s'y attacher et précisément en ce
qui concerne les fugues. Je veux placer ici l'observation
d'un malade pris pour un alcoolique par lui-même, par
sa femme et par ses médecins, alors qu'il rentre sans
efforts dans le cadre de la folie intermittente.
Observation Il. X. 37 ans, entre à la Maison de Santé de
Ville-Evrard au mois de mars 190G, avec le diagnostic d'« al-
coolisme subaigu avec impulsion iL la déambulation. Plusieurs
lugues sans motifs mais conscientes et sans obsessions ». Père mort
à ')0 ans de diabète ; mère morte à GO ans d'affection cardiaque.
Un frère, une sneur bien portants. Pas de tares nerveuses ou
mentales dans la famille.
tttccfepet'sottK.ek. A 20 ans, fièvre typhoïde grave. A 26
(1) S. Dobiiotwoiisky. Cas d'automatisme ambulatoire e extrême-
ment prolongé. (06ro;rémé psicltiatrü IV. 1899). Analysée par P.
Keraval in Arch. Neur. 2° s. XII, 1901, lr. 130,
46 CLINIQUE MENTALE.
ans maladie infectieuse indéterminée avec fièvre intense et éry-
tltèiiie aux jambes et aux fesses. Pas de syphilis. Pas d'accidents
convulsifs. A toujours été d'humeur très changeante. Par mo-
ments était découragé, avait « des idées tristes à pleurer » . à
d'autres moments était exubérant, courtisait les femmes, buvait.
Fugues. La première date de 1896 (il avait 27 ans) ; étant
acteur dans un théâtre ambulant, il partit, sans avoir rien pré-
médité, à midi, avant la représentation où il devait jouer ; il
avait fait des excès alcooliques depuis quelques jours ; il re-
vient quelques heures plus tard. Depuis, il a l'ail d'autres fugues
sans grande importance jusqu'en octobre 1905. « La maladie,
écrit la famille, consiste en l'idée de voyage, il se sauve à tout
moment. » Mais « depuis octobre 1905 l'idée de voyage l'a repris
déplus fort et il est parti environ 4 à 5 fois à Marseille, Cor-
deaux, Rouen, Tours. » Au mois d'août 1905, son caractère chan-
gel il devient irritable, commet des actes extravagants qu'il
explique mal, ilest« faillie moialement et physiquement», ilné-,
glige ses occupations professionnelles, fréquente les cafés, fait
des excès sexuels.
En octobre 1905 il quitte brusquement sans aucun motif la
maison où il est comptable depuis un an et demi, et part pour
Bordeaux ; arrivé à Orléans, il se dit : « Pourquoi vais-je à Bor-
deaux ? C'est idiot ! » 11 se fait rembourser son billet et rentre à
Paris.
En janvier 1906, autre fugue semblable à Marseille. Deux
heures après son arrivée, il reprend le train pour Paris. Dès le
lendemain il repart pour Bordeaux, y couche et revient à Paris s
par le premier train du matin.
Ces fugues sont entièrement conscientes et mnésiques ; bien
qu'il dise lui-même qu'elles ne sont pas motivées, le malade ne
s'embarque pas sans argent, il prend un billet, mange au buffet
ou au wagon-restaurant : il est cependant surexcité, agité, ne
peut supporter aucun contre-temps. Simultanément, il fait des
excès alcooliques et sexuels. Il dit boire « pour se remonter» et
a remarqué « que ses fugues suivent les excès de boisson. »
Pas de stigmates hystériques, ni de crises convulsives, ni d'ab-
sences. Pas de cauchemars, pas d'hallucinations terrifiantes, pas
de symptômes objectifs d'alcoolisme,
Ti embleineiil des mains, de la langue ( ? )
A son entrée à la Maison de santé, il est légèrement déprimé ;
il écrit lui-même ie jour de son admission : « Je suis malade mo-
ralement ; je manque de forces, faiblesse extrême. Etourdisse-
ments, crampes. La nuit manque de sommeil ; l'énergie me fait
absolument défaut. » En peu de jours, il redevient gai « sent sa
mémoire el son énergie revenir. » Il conserve un peu de tremble-
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DÉMENCES. 47
mont des mains. Il attribue sa maladie l'alcoolisme. 11 peut être
rendu à la liberté un mois après son entrée.
Voici donc un malade jugé alcoolique. Les fugues
sont, on le voit, absolument différentes des deux espèces
précédentes qui, elles, reconnaissent une origine alcooli-
que : si l'on avait connu la symptomatologie de ces fu-
gues, l'erreur de diagnostic n'eùt pas sans doute été
commise. X. est réellement un circulaire. Il a depuis
longtemps des accès de manie et de mélancolie qui, de-
puis quelque temps sont devenus très manifestes ; ces
accès sont parfois très courts : dans la même journée le
malade peut passer successivement de l'agitation à
l'abattement ou à l'état normal. Il part pour Bordeaux,
par exemple. et soudainement en rémission, il a la cons-
cience nette du cachet maladif de son acte, il s'arrête à
Orléans, non sans s'être fait rembourser son billet, et
revient à Paris.
Comme tous les malades guéris, il avoue que ces fugues
ne sont pas motivées,mais comme la grande majorité des
malades conscients, il interprète ses actes : « Il boit
parce qu'il est déprimé, il court après les femmes et fait
des fugues parce qu'il a bu. » Explication banale et sans
valeur : en réalité, il fait des fugues, il commet des excès
sexuels et alcooliques dans les phases maniaques, il est
découragé, déprimé « triste à pleurer » dans les phases
mélancoliques de sa psychose.
L'autre remarque que je désire faire à propos des fu-
gues alcooliques se rapporte à ces besoins de mouve-
ment périodiques, sans raison plausible, tout à fait
semblables à ceux de l'ivresse légère que présentent
certains individus d'apparence normale. l ? Janet en a
observé quelques exemples (1).
Il y voit des « crises de marche pour la marche » chez
des psychasthéniques ; il les classe parmi les « proces-
sus obsédants» de Thomsen (2) (Zwangsvorgange) par op-
position aux « idées obsidantes » (Zwangsvorstellungen),
Ces « agités » ont des crises plus ou moins durables dans
(1) P . -1,%.iL'T. Les obsessions de la psychasthénie, I. p. 176.
(2) 'rfi0ssv. Contrib. à l'étude clin, des idées obsédantes. (Arch
. Psycho XXVII. 1895,) cité par Janel.
48 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES
lesquelles ils marchent, parlent et boivent avec excès.
Certains tentent quelques maladroites explications de
leur conduite. Il n'est pas douteux que la fréquence de
'l'alcoolisme et les préjugés populaires ne facilitent sou-
vent à leur sujet des diagnostics erronés. Peut-être s'agit-
il ici parfois de circulaires frustes. Des « crises de mar-
che » similaires se rencontrent encore souvent au début
de la démence précoce. J'en ai cité deux observations
dans mon mémoire précité et j'ai donné à ces phénomè-
nes le nom de « fugues d'instabilité ».
En résumé, en ce qui concerne l'alcoolisme, on y ob-
serve deux espèces de fugues : les « fugues d'instabilité »
du début de l'ivresse, et les fugues de l'état second alcoo-
lique. Plutôt que sur les constatations de quelques excès
alcooliques chose banale on basera le diagnostip
sur les caractères même de la fugue. On songera, pour
élablir le diagnostic différentiel des premières, aux états
maniaques des circulaires, frustes ou non, aux « fugues
d'instabilité » (d'origine parfois indéterminée), et pour
les secondes, on les distinguera, par l'anamnèse, les
concomitances (crises convulsives,- stigmates), des fugues
hystériques (diagnostic généralement facile) et épilepti-
ques (diagnostic souvent délicat). (A suivre.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
l. - L'action de quelques bactéries anaérobies princi-
palement par symbiose avec des bactéries aérobies ainsi
que de leurs toxines, sur les nerfs périphériques, les
ganglions spinaux et la moelle épinière, parle Professeur
A, Homen. (r&Et<6)t aus dem pathologischem Institut der Uni-
versitoet Helsingfors, 1905.) 1
Le professeur Homen traite dans ce travail du bacillus botuli-
nus ou bacille du botulisme. Les principaux résultats obtenus par
l'auteur peuvent se résumer comme suit : le bacillus hotulinus
injecté seul disparaît très vite ; qu'on injecte le bacille ou le li-
quide de culture filtré, les altérations produites sont les mêmes ;
l'injection dans les nerfs ne provoque jpas d'altérations des cel-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 49
Iules de la moelle ; l'injection dans la moelle s'accompagne au
contraire dechromatolyse cellulaire, par action toxique probable.
Mais l'auteur s'est principalement attaché à étudier au sujet du
bacillus botulinus. les faits d'association microbienne. De nom-
breuses et minutieuses expériences ont été laites principalement
sur des lapins, afin de déterminer les conditions dans lesquelles
s'exerce l'action d'autres microbes. Homen a ainsi recherché les
effets de la symbiose avec le streptococus, le bacillus prodigiosus,
elle micl'oéoccus, fIa, us liquel'aciens WIÜgcL'), et le micrococcus
roseus(Eisenborg). C'est l'association avecle strepLococcus la plus
intéressante et celle dont l'influence est la plus marquée : le bo-
tulinus se propage avec lui le long des gaines lymphatiques. L'au-
teur conclut : les recherches précédentes établissent ce fait im-
portant pour la pathologie humaine qu'un saprophyte complète-
ment anaérobie mais fortement toxi-ène continue à vivre et à se
multiplier en symbiose avec certaines bactéries aérobies, au
moins aussi longtemps qu'il peut exercer des propriétés toxiques
spécifiques. L'auteur va poursuivre ses recherches avec d'autres
bactéries anaérobies. Les planches jointes au travail, et qui re-
présentent à des grossissements divers les coupe, des nerfs étu-
diés, sont particulièrement démonstratives. Th. Swton.
Nous croyons'devoir signaler dansle même volume les mémoi-
res suivants :
Drci Falle von IiaudaalfecLionen nebst Ceilragen zur topo-
graphischen Analyse der Ilinter strangerkrankungen. Von Do-
lient I)r CI ? SibeliusTaf. Ill. IV.
Sludien zur l'oliomyelilis acuta-zugleieh ein Bcilrag zur
lienntnis der Myelitis acuta, von Ivar Wickmann. (Taf.V.Xll.
%ur IiennLnis der sog. Dactylitis svphilitica, von Prof. DrJ. J.
Kun onen. (Taf. XIII. XIX).
Zurlienntnis der durch den Aspergillus fumigatus in (leiiluii-
gcn ]11.'I'yorgcrul'enen Veranderungen, von Dozent Dr 0. v. Ilel-
lens, (Taf. XV. XVI.)
Die Einw irkung einiger l3al : Lerien und ilmer Toxine auf deu I leiz,
ll1usl\el, \'on 1) Max Hjorksten.
, Ein Fall vom bitemporaler llemianopsie mik SelLio nsbefund.
Von D. ,1. Sill'vast. 1.
Selle ne Sektionsfalle, von Prof. ])1 E. A. Homen.
II. La science et une vie future ; par William Graham. Janvier
1905.)
Travail intéressant mais encore plus métaphysique que scienti-
fique. ' IL M, C.
.\CIII' s, 3' série, 100 î, 1. 1. 4
50 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
111. - Sur la continuité des cellules nerveuses et sur quelques
autres sujets connexes; par John Turner (The Journal of Men-
tal Science, avril 1905.)
L'auteur après avoir résumé l'opinion de Bethe rapporte ses ob-
servations personnelles faites avec la méthode pseudo-vitale. Il
incline à croire qu'on s'apercevra que le réseau péri- cellulaire en
chapelet estlegrand moyen par lequel s'établit une connexion en-
tre les différentes cellules du système nerveux central ; et bien qu'il
soit aisé de construire un schéma de l'écorce cérébrale qui réconci-
lie les faits observés par Cajal avec sa méthode et ceux que l'au-
teur a constatés par la sienne propre.il y a encore tant de points
qui ne sont pas éclaircis qu'il ne voit aucun avantage à proposer
une théorie que des faits nouveaux pourraient renverser demain.
D'ailleurs, avant qu'un schéma de ce genre puisse aspirer à quel-
que durée, il faudrait qu'il comprît aussi les rapports des cellules
cérébelleuses que nous ignorons encore à peu près complètement.
Sa méthode d'ailleurs lui a montré une foule de détails qu'il est,
pour le moment incapable d'interpréter. Mais le point qui lui pa-
rait bien établi, c'est que cette méthode montre une continuité
réelle entre les différentes cellules corticales ; car non seulement
les cellules intercalaires sont réunies par leurs prolongements.
mais du réseau péri -cellulaire en chapelet partant des fibres qui
passent directement dans les axones des cellules pyramidales.
IL DE MUSGRAVE CLAY.
IV. Psychologie d'une forme particulière d'intoxication patho-
logique ; par le professeur A. I'IC>; (de Prague).(T/re Journal of
Mental Science, janvier 1905.)
Remarques intéressantes, basées sur des observations, sur les
formes et les causes des délires toxémlques. R. M. C.
V. La dépression mentale et la mélancolie considérées dans
leurs rapports avec l'auto-intoxication et au point de vue spécial
de la présence de l'indoxyl dans l'urine et de sa valeur clinique ;
par Arthur A. D. TowSED. (The Journal of Mental Science,
janvier 1905.)
Voici les déductions de l'auteur : 1° dans les états de dépression
l'excrétion de l'indoxyl est en excès ; 2° les malades qui excrè-
LenLde l'indoxyl en excès présentent des symptômes et des si-
gnes de toxémie ; 3° dans les cas d'exaltation mentale l'indoxyl
est rarement augmenté ; son taux est normal ou inférieur au
taux normal ; 4° dans quelques cas de troubles mentaux, l'indoxyl
est en excès aussi bien pendant la phase maniaque que pendant
la phase mélancohque ;5° plus l'atteinte mentale est grave plusl'in-
doxyl est en excès ; 60 plus l'excès (l'indoxyl est considérable, plus
REVUE DE 'PATHOLOGIE NERVEUSE. 5t t
les symptômes et les signes de toxémie sont accusés ; ; 5° dans les
cas rapportés par l'auteur, la guérison mentale a été précédée
par le retour à l'état normal du taux de l'indoxyl.
Il n'est pas douteux que les sujets atteints de mélancolie souf- f-
frent plus ou moins de l'absorption de toxines, lesquelles sont le
résultat de putréfactions anormales dans le tube intestinal, et il
est reconnu que l'excès d'indoxyl dans l'urine est le signe indé-
niable de processus morbides de putréfactions ayant leur siège
dans la partie supérieure de l'intestin. C'est ce qui se passe dans
la mélancolie aiguë : il reste à rechercher si ces processus de pu-
tréfaction sont primitifs et ont une valeur causale, ou bien s'ils
sont secondaires et présentent le caractère d'une complication.
R. DE MuSGRAVE CLAY.
VI. Relevé quantitatif et qualitatif des leucocytes dans
différentes formes de maladies mentales ; par A. S. 11. PEEBL s.
(The Journal of Mental Science, juillet 1904.)
Recherches intéressantes et variées, mais qui nécessiteraient
la reproduction intégrale des chiffres qu'elles ont fournis pour
conserver leur intérêt. TI, M. C.
VII. Etudes histologiques sur la localisation de la fonction
cérébrale; par Alfred W. Campbell. (The Journal of Mental
Science, Octobre 1904.)
Travail intéressant accompagné de planches qu'il faudrait t
reproduire pour la bonne intelligence du texte R. 111. C
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. Un cas de pseudo-angine de poitrine chez un épileptique,
par, II. HO\\'E JEREMY. (The JOll/'1laloj mental Science, janvier
1905.)
Il s'agit bien ici d'un cas de fausse angine de poitrine, c'est-à-
dire d'angine de poitrine vaso-motrice, survenu chez une épilepti-
que de 39 ans. Lulenburg qui a été un des premiers à ranger le,
troubles du système nerveux vaso-moteur parmi les variétés de
névroses cardiaques capables de provoquer l'angine de poitrine
avait déjà noté que cette angine se rencontre dans les familles en-
tachées de folie ou d'épilepsie. Survenant chez un sujet atteint
d'épilepsie, ce fait est intéressant, car il suggère l'idée que l'attaque
d'angine de poitrine pourrait être due à une perturbation des cel-
lules du centre vaso-moteur de la moelle allongée, semblable à la
.-)2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
perturbation des cellules cérébrales corticales qui donne naissance
à l'attaque d'épilepsie. R. de Musgrave CLaY.
II. Anévrysme cérébral de dimensions remarquables avec
- remarques sur l'observation; par D. Rire (Th Journal of
Mental Science, avril 1904.)
Il s'agit d'une femme de 65 ans,morte à l'asile après une période
de faiblesse et d'agitation. Il y avait atrophie du cerveau dans
les deux régions pariétales. Un anévrysme de la cérébrale anté-
rieure droite comprime et déprime la circonvolution orbitaire
droite qui est aplatie; postérieurement, il comprime et aplatit
le chiasma et le nerf optique droit qui ont l'aspect d'une gelée
verdâtre : le nerf optique gauche est intact ; l'anévrysme est
rempli, sauf tout à fait à son extrémité où la sonde passe de
la carotide interne dans la cérébrale antérieure.
Le caillot mesure 3 cent. 4 dans le sens antéro-postérieur,
3 cent. 2 dans le sens vertical et 2 cent. 9 dans le sens tranversal.
Il pèse 20 gr. 33 Ces dimensions et ce poids sont exceptionnels.
R. de Musgrave-Clay.
III. Syphilis cérébrale avec ophthalmoplégie double; par
lcHa&n. (Bullelcn médical, n° 28, 1906.)
Leçon clinique de l'hôpital Tenon. Un sujet présente de la para-
lysie bilatérale des releveurs des paupières, du droit interne et. à
un degré moindre, des droits supérieur e t inférieur, du petit obli-
que et du grand oblique mais qui respectait le droit externe et la
musculature interne de l'oeil : muscle du corps ciliaire et muscle
irien. C'était évidemment une lésion d'origine centrale qui atta-
quait certains noyaux d'origine du moteur oculaire commun, en
respectait d'autres, et atteignait anssi le noyau du nerf pathéti-
que. Le début avait été brusque. La malade avait eu autrefois
une iritis double traitée par le mercure : on constata de l'al-
bumine. Malgré cela Achard institua un traitement hydargy-
rique très intense qui amena une guérison des phénomènes ocu-
laires, mais laissa intactes l'albuminurie et les lésions hépa-
tiques. L. Watt.
V. La neurasthénie chez les ouvriers ; par le Dr GLO-
Rmux. (l3edl, de la Soc. tue mw.t2le de liclgique, 1UOj. ue
121.)
Sur 9. 9S1 malades, atteints tI'afrecli()n nerveuses l'auteur a
relevé 1071 cas de neurasthénie, dont S03 chez l'homme et 808
chez la femme. Il a constaté en outre'la fréquence particulière
de la neurasthénie chez les ménagères (30(5 fois) et chez les lail-
leuses, modistes, ou lingères (189j. Chez l'homme, les employés
de bureau arrivent un tète avec le chiffre de 113, puis ce sont les
REVUE DE PATHOLOGIE IOERVEI.;Sr. 1) :
menuisiers ébénistes (.')7 cas), les cordonniers (0 cal. les peints es
( ! x) el les tylonraphes (°1)., ,
D'après cette statistique, la,. moyenne des cas de neuraslliénie
chez l'ouvrier est de 1 i; ? chez l'homme et de 16 n /0 chez la
femme. Un autre fait qui se dégage de cette statistique c'est que
la neurasthénie frappe tout spécialemement les ouvriers et les
ouvrièrcsqui travaillent en chambre, dans des bureaux fermés,
mal ventilés ou insuffisamment aérés, etc., que, par contre, elle
est très rare chez l'ouvrier, soumis il nu travail iiiteil.
sif, lorsque ce travail est à à l'air libre. G. Deny.
V. Un cas de glossoplégie unilatérale isolée due probablement
à l'intoxication par l'oxyde de carbone ; par Riva. (Rivista
sperimentale di Freniatria. Heggio Emilia 1905 \'01. XXXI.
fasc. IL)
Un malade, toujours bien portant jusque-là, et n'ayant aucune
tare héréditaire, présenta une glossoplégie gauche unilatérale à
la suite de céphalée par intoxication légère par le coke. On ob-
serve une atrophie totale de la moitié gauche de la langue, avec
mouvements irréguliers de celle-ci. La surface est rugueuse, les
mouvements sont impossibles du côté gauche. L'atrophie est net-
tement limitée u la ligne médiane, s'étendant à toute la moitié
gauche, mais cependant moins prononcée à la région posté-
rieure.
La parole est gênée, surtout la prononciation des lettres l,r, sol[. t.
La corde vocale du même côté est parfaitement normale et
fonctionne régulièrement. y a une notable diminution de l'ex-
oitahilit3 électrique des muscles au courant faradique du côté
gauche et sur le territoire de l'hyponlosse du même côté.
1 .1. S.
VI. Observation d'une forme rare de pseudoesthésie ; par
le Dr MATTiROLO (Journal, de Neurologie 1906, n° 15.)
Après avoir retracé en quelques mots les caractères généraux
des pseudo-esthésies, l'auteur relate l'observation d'un sujet chez
lequel, depuis l'enfance, certaines paroles éveillent des sensations
gustatives correspondant à la saveur de certains fruits ou de cer-
tains mets, ou même d'objets non comestibles. Ces sensations gus-
tatives restent presque toujours à l'état de simple représentation
mentale, quelquefois cependant elles sont assez fortes pour pro-
duire une augmentation de la sécrétion salivaire. En outre, lors-
que ce sujet mange un aliment qui lui plaît, il prononce toujours
automatiquement et mentalement la parole ou le mot qui ont la
propriété d'éveiller la saveur de cet aliment.
D'après M. Mattirolo, le phénomène de la pseudo-esthésie
qui vient d'être décrit, et qui est l'analogue de celui plus fréquent
."il i REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de l'audition colorée, serait dû soit à une association fortuite
d'idées datant de la jeunesse et développée d'une manière incons-
ciente, soit à un processus psychique spécial dont la nature mtime
nous échappe et qui aurait une certaine analogie avec celui qui
préside au développement des hallucinations. G. DENY.
VII. Un cas de tumeur du lobe temporal; par le Dr Déroute.
(Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belgique, 1906, n° 125.)
L'observation qui fait l'objet de ce travail est celle d'un
hypochondriaque, àl'aulopsie duquel on trouva, outre . quelques
tubercules disséminés dans le poumon gauche, une tumeur carci-
nomateuse du mésocôlon ascendant avec métasase au niveau
du lobe temporal gauche. Cette tumeur secondaire avait détruit
la temporale supérieure, sauf le gyrus supra-marginalis, la
partie antérieure de la temporale moyenne et de la temporale
inférieure, la moitié antérieure de l'occipito-temporale externe,
la circonvolution de l'hippocampe, les circonvoluions de l'insula
et l'avant-mur.
La particularité intéressante sur laquelle insiste l'auteur est que
bien qu'il fût droitier, le malade n'avait présenté à aucun mo-
ment de surdité verbale : il comprenait le langage oral, ses réponses
étaient justes et son vocabulaire intact. G. DENY.
VIII. Amaurose permanente soudaine avec atrophie optique
et épilepsie dans un cas de porencéphalie avec pachyméningite
hémorragique; par T. K. Monro et John Findlay. (The
Journal of Mental Science, juillet 1904.)
Il n'est pas facile dans ce cas dont l'auteur publie l'observation
clinique d'expliquer la perte soudaine et bilatérale de la vision.
Le docteur Findlay qui a fait l'examen histologique pense que
la porencéphalie a pris naissance dans un gliome devenu le siège
d'une hémorhagie. Si cette interprétation est exacte, et bien
qu'elle nesoit pas entièrement satisfaisante, l'auteur n'en a pas de
meilleure à proposer, il a lieu de noter plusieurs points intéres-
sants : d'abord il est curieux qu'une tumeur de ce volume, don-
nant lieu comme elle l'a fait à de la névrite optique, n'ait provoqué
aucun autre symptôme (céphalalgie, parésie par exemple); en-
suite si, dans ces conditions, l'hémorhagie joue un rôle dans
l'amaurose soudaine, il est singulier qu'elle non plus n'ait pas pro -
voqué d'autres symptômes; enfin ce cas est intéressant et en-
courageant en tant que démontrant 1 a possibilité d'un arrêt
dans le développement d'une tumeur intracrànienne non syphili-
tique, fait d'ailleurs' déjà observé par l'auteur dans les tumeurs
tuberculeuses et les myxomes. Il semble donc que cette malade il
l'âge de 33 ans, ait eu une névrite optique dépendant d'une tu-
meur intra-cranienne ne donnant lieu à aucun symptôme.
REVUE DE THERAPEUIIQUG..>.
Un facteur inconnu peut-être l'hémorrhagie survenue dans
la tumeur, a subitement aggravé la névrite et causé la perte
soudaine de la vision. R. DE l\IU3GR.WE Ci.AY.
IX. Sur la coexistence des lésions syphilitiques tertiaires
avec le tabss; par Moulût (Bulletin médical, n° 14, 1906.)
C'est une coïncidence rare que celle des lésions syphilitiques
tertiaires avec le tabes. Lorsqu'elle existe, le tabes ne se distin-
gue en rien du tabes vulgaire si ce n'est que la période ataxiqe
paraît assez précoce. Les accidents spécifiques n'ow rien de par-
ticulier dans leur évolution : ils sont parfois très tardifs : ils ne
permettent nullement d'apprécier la virulence particulière dans
ces cas, mais ils montrent d'une façon certaine l'action étiologi-
que de la syphilis dans les cas où cette infection a été ignorée.
Le traitement de l'accident tertiaire a peut-être une action effi-
cace sur le tabes incipiens, il n'en a aucune sur le tabès confirmé,
L. WHAL.
REVUE DE THERAPEUTIQUE
I. Sur un cas dans lequel le traitement par l'extrait thy-
roïdien a donné à diverses reprises des résultats temporaires;
par ? 10RAH KEMP, (The Journal of Mental Science, Janvier 1904)
Observation intéressante d'un cas de manie aiguë, datant de
9 ans, chez une femme de 25 ans, et s'accompagnant d'une extrême
agitation. Non pas une seule fois, mais à diverses reprises, l'ex-
trait thyroïdien a amené chez cette malade un calme complet,
qui malheureusement, disparaissait promptement avec la cessa-
lion du médicament. Malheureusement aussi, on ne pouvait en
continuer l'emploi de manière à obtenir une sédation permanente
ou tout du moins durable, car les symptômes physiologiques (ady-
namie et asthénie cardiaque) ne tardaient pas à se manisfester.
R. DE MUSGBAVE CLAY.
II. Un cas d'épilepsie : cessation des attaques sous l'influence
de la Salicine; par W. T. Vincent. (The Journal of Mental
Science, avril 1904.)
Le titre de ce travail peut lui servir de résumé. R.M.C.
III. Les rapports des symptômes mentaux avec les maladies
somatiques, considérés principalement au point de vue de leur
traitement hors des asiles d'aliénés; par ? 1ahan RAw. (The
Journal of Mental Science, janvier 1904.)
Une longue observation des aliénés (2.500 certificats d'inter-
50 REVUE DE THÉRV.PEU1TQUE.
nement) a conduit l'auteur à la conviction très nette que beau-
coup de personnes sont internées dans des asiles alors qu'elbs
présentent simplement une folie passagère consécutive ou asso-
ciée à une maladie somatique ou à une intoxication : ces mala-
~- des ne sont pas réellement fous et ne doivent pas être mêlés
aux aliénés : ils guérissent très vite au moyen d'un traitement
approprié et il serait avantageux pour eux, pour leur famille et
pour la société de les soigner dans des hôpitaux spéciaux.
R. de Musgrave-Clay.
,\ IV.' Note clinique sur un cas de constipation rebelle causée
^"par une accumulation de noyaux de prunes dans le rectum;
ft par J. OGILVIE VEITCH. (The Journal nf Mental Science,
. avril 1904.)
Il s'agit d'une femme, démente, dans le rectum de laquelle
s'étaient accumulés une cinquantaine de noyaux de prunes, qui
s'étaient incorporés à la masse fécale, qui n'ont donné lieu à
aucun autre symptôme que la constipation et qui ont été enle-
vés à l'aide de doigts. R.M. C.
V - Sur l'emploi expérimental des antisérums dans la folie
aiguë; par Lewis C. BrtucE (The Journal of Mental Science,
avril 1904.)
Les sérums expérimentés ont été l'anti-streptococcique, l'anti-
staphylococcique et le sérum antagoniste du bacillus-coli. En
faisant ces essais on a obéi à l'idée que beaucoup de folies aiguës
avaient une origine bactérienne. Il faut noter d'abord que la voie
buccale a toujours paru nettement préférable à la voie sous-cuta-
née. Dans plusieurs cas on a pu constater que l'emploi de ces
sérums n'avait rien de spécifique, puisque l'on pouvait emplo-
yer l'un ou l'autre d'entre eux avec des résultats équivalents,dont
le principal et le plue fidèle est une action hypnotique manifeste
(50% des cas). Les sérums ont aussi pour conséquence ordinaire)
un abaissement de la température. Il. de Misgrave-Clay.
VI. Le traitement éducationnel des jeunes épileptiques ; par
G. E. SHUTTLEWOR1'J[. (The Journal of Mental Science, oc-
tobre 1904.)
L'auteur a été amené par des recherches poursuivies avec per-
sévérance aux conclusions suivantes.
1° Chez les enfants l'épilepsie per se ne doit pas être considérée
comme une disqualification à l'égard de l'éducation.
2° En ce qui touche les classes élémentaires de l'école, tous les
enfants réputés épileptiques doivent être classés à part par l'au-
torité scolaire et soumis à l'examen du médecin au point de vue
de la direction à donner à leur travail et à leur éducation.
REVUE DE THliRVPEU TIQUE. 07
Il va de soi que le traitement éducationnel des enfants épilep-
tiques doit être médico-pédagogique, c'est à-dire que le médecin et
le maître doivent le régler et le diriger de concert.
ii ' R. DE MUSGRAVE CLAY.
Vil. Action de l'atropine dans un cas de pouls lent per-
manent ; par Simon (de Paris) et Schmidt (de Molsheini).
(Bulletin médical, n° 18, 1906.)
Un sujet de 75 ans est depuis trois ans atteint de crises verti-
gineuses-syncopales, avec diplopie. Sous l'influence de trois
demi-milligrammes d'atropine et de 1-6 milligrammes de tétrani-
trol, les syncopes diminuèrent, et peu à'peu disparurent ; cela
était évidemment dû à l'action physiologique de l'atropine sur
le pneumogastrique (terminaisons intra-cardiaques du X) : le
tétranitrol employé seul n'avait pas eu d'action. L WAHL.
111. -L'antisepsie générale dans le traitement des neuro-psychoses :
par Edward BLAKE.(77je Journal of Mental Science, juillet 1905.)
L'auteur relate sommairement un cas de folie avec stupeur et un
ras d'érotomanie épileptique, tous deux stéréotypé* par la staphy-
lotoxine. R. lit C.
IX. -Note sur le véronal étudié comme hypnotique et comme sé-
datif dans les affections mentales ; par H. de M. Alezan-
DER. (The Journal of mental Science, janvier 1905.)
Le véronal ressemble par son aspect au trional; il est sans odeur,
il peu près sans saveur, et facilement soluble dans les liquides
chauds. L'auteur l'a employé dans les diverses formes de maladies
mentales, toujours avec succès, et voici le résultat de ses constata-
tions : 1° dans l'insomnie de la mélancolie aiguë, il est le meilleur
des hypnotiques et donne un sommeil naturel sans troubler l'ap-
pétit et sans modifier le poids du corps. Il faut régler la dose comme
on réglerait la dose d'un laxatif dans un cas de constipation : ordi-
nairement cette dose varie de 0,50 à 0,75 centig. Il est essentiel
dans la mélancolie, surtout au début, de combattre l'insomnie,
parce qu'elle contribue à augmenter ce que Kraepelin a appelé
la « dépression appréhensive ».
Le véronal donne ici un sommeil semblable au sommeil naturel.
l'état de langueur qui peut lui succéder est de la vraie somnolence
et non de la lassitude. 2° Pour maitriser l'excitation dans la manie
aiguë l'auteur donne le véronal à la dose de 0,90 centig. et une nou-
velle dose presque égale si au bout d'une heure le calme ne se pro-
duit pas : il n'a jamais été nécessaire de dépasser la dose initiale de
1 gr. 50 centig. 3° Dans l'excitation motrice de la paralysie géné-
rale et du délirium tremens les effets utiles du véronal sont particu-
culièrement manifestes. o Dans l'agitation persistante de la ma-
58 REVUE DE THÉRAPUUIIQUE.
nie sénile, le véronal est supérieur au sulfonal et une petite dose
donnée trois fois fois par jour agit plus efficacement qu'une dose
ordinaire donnée en une fois. 5° Le véronal est efficace aussi dans
les cas chroniques lorsque l'exacerbation de l'agitation est'due à la
vivacité subjective d'une hallucination sensorielle. 6° Dans tous les
cas de folie où une sédation est nécessaire et où le malade refuse
toute nourriture le véronal est plus facile à administrer par le tube
que le sulfonal ou le trional. 7° L'incoordination musculaire des
extrémités a été notée dans deux cas de manie très aiguë après
l'administration de 1 gr. 50 de véronal en deux jours ; elle était t
aussi accentuée que celle que l'on observe quelquefois après les
doses élevées de sulfonal ; elle a disparu rapidement dès qu'on a
suspendu l'emploi du médicament et ne s'est accompagnées d'au-
cune modification ni du pouls ni de l'aspect général du malade. 8°
Jamais l'urine n'a présenté le moindre caractère anormal. 9° Une
éruption d'aspect oéséoleux a été notée sur là face et le thorax d'un
malade après la première dose, et s'est reproduite après l'adminis-
tration de chaque dose ultérieure, ce qui a fait supposer qu'il s'a-
gissait d'une idiosyncrasie. 10° Le véronal est représenté comme
un médicament sans danger et il a pu en effet être administré avec
des résultats favorables à un malade qui présentait une agitation
extrême associé au délirium tremens, et dont le cas se compliquait
de congestion pulmonaire, de dilatation du coeur et de névrite mul-
tiple très accentuée. 11°Le seul reproche que l'on puisse l'aire au
véronal c'est que son prix est élevé. R. de Musgrave Cl.1)-.
X. Le travail dans la thérapeutique des maladies
mentales ; par le Dr CUYI.ITES ((3ull. de la .Soc. de méd. men-
tale de l3elrirue, octobre 1905).
(Voir l'analyse de ce travail in Archives de Neurologie,
11 novembre I;JO,5). Compte-rendu du 1er Congrès belge de neuro-
logie et de psychiatrie.
XI . Le caractère et le tempérament de nos malades et comment
ils peuvent nous aider dans le traitement; par Lionel A. Wc ?
THERLY. (The Journal of mental Science, juillet 1905.)
C'est un inconvénient des grands asiles que les chefs de service
ne puissent pas y connaître plus complètement, plus personnelle-
ment leurs malades,leurs caractères et le tempérament de leurs
maladies.Le traitement y gagnerait; pour ne prendre qu'un exem-
ple, on éviterait à certains malades bien des crises d'agitation en
respectant certaines de leurs habitudes, de leurs manies même ;
en effet la répugnance que nous avons tous à subir une direction
dans les menus détails de la vie courante s'exagère souvent chez
les aliénés, et les minces contrariétés qui en résultent se traduisent t
souvent chez eux par de la colère et de l'agitation. Même au
REVUE DE thérapeutique. ro
point de vue de la discipline, ils doivent être traités comme les en-
fants auxquels une discipline rigoureusement uniforme ne saurait
être ni applicable ni utile en raison même de la diversité des tem-
péraments et des caractères. ' ` R. DE Musgrave CLAY.
XII Sur l'emploi des médicaments hypnotiques dans le traite-
ment de l'insomnie; par M. Maule SMlTII.(The Journal of Mental
Science. Juillet 1905)
On considère avec raison comme suspects tous les médicaments
qui modifient le fonctionnement des fonctions cérébrales supé-
rieures, et par conséquent la question de savoir s'il faut ou s'il ne
faut pas donner d'hypnotique constitue pour chaque cas particu-
lier un petit problème à résoudre.
Evidemment, ce sont les hypnotiques qui donnent .un sommeil
aussi voisin que possible du sommeil naturel qui agissent le moins
sur les centres supérieurs : ceux qui tout en donnant le sommeil
modifient sensiblement l'état des vaisseaux sanguins s'accompa-
gnent de malaise au réveil.
Le sommeil naturel n'a manifestement qu'un seul facteur pri-
mordial qui est la fatigue ; mais la fatigue détermine -t-elle une
modification des cellules nerveuses elles-mêmes, ou bien des tissus
environnants ? et si ces deux causes interviennent, quelle est leur
part respective ? c'est un point à déterminer. On pourrait penser
que si la fatigue des éléments psychiques est le facteur primitif
de la productiondu sommeil et l'abaissement de la pression san-
guine un phénomène consécutif la courbe de l'intensité de l'incons-
cience et la courbe indicatrice de la tension vasculaire doivent être
conformes l'une à l'autre : il n'en est rien et ces deux courbes
peuvent varier considérablement. l.
Toute insomnie pathologique, quel qu'en soit le degré, implique
une lésion plus ou moins accusée des territoires psychiques, et puis-
que le sommeil naturel est probablement le résultat des modifi-
tions imposées à ces territoires par la fatigue saine, il en résulte que
l'msomnie est causée par un trouble intervenu dans leur fonction-
nement physiologique ; et si variables que soient les causes, elles
sont, les unes physiques, les autres mentales.
Passant ensuite au traitement de l'insomnie,l'auteur la considère
comme un des symptômes qu'il est le plus nécessaire de combattre
parce que, chez les sujets sains, sa persistance peut devenir la cause
d'un véritable effondrement mental et chez les aliénés elle aggrave
la maladie et conduit le malade à la prostration.
Les hypnotiques peuvent être divisés en deux catégories; 1° hyp-
notiques indirects (exercices physiques, bains, massage, régime,
toniques) 2° hypnotiques directs (air pur, médicaments).
Dans l'insomnie de cause physique, les hypnotiques, en règle
générale, ne sont pas nécessaires et sont même nuisibles, à
nu RI-V ? L DE .\II[)E, IC LEGALE.
moins pourtant que par sa persistance elle ne menace d'avoir
des conéquences mentales. Dans les cas où la mentalité est en -
core saine, dans les neurasthénies par exemple, il faut s'en abste-
nir le plus longtemps possible. Dans les maladies mentales, au
contraire, leur emploi doit être considéré comme un auxiliaire
important et nécessaire du traitement : il faut donner aux
centres psychiques détraqués un temps de repos, seule chance
pour eux de retrouver leur équilibre normal.
Si l'on peut être amené à s'abstenir de médicaments hypnotiques
dans les cas récents et probablement curables, l'humanité tant à
l'égard du malade qu'à l'égard de ceux qui l'entourent, en impo-
sera l'emploi dans les cas où il n'y a aucun espoir de guérison. Au
point de vue du choix de l'hypnotique l'auteur ne conclut pas mais
constate que le véronal a donné jusqu'ici des résultats non umfor-
mes mais fort satisfaisants. R. de MUSGRAVE CLAY.
REVUE DE MEDECINE LEGALE
I. La paralysie générale et le crime ; par John BAKER.
(The Journal of Mental Science, juillet 1904.)
L'auteur rapporte avec plus ou moins de détails plusieurs
car intéressants mais sans for muler de conclusions générales.
R. 111. C.
II. Simulation de la crise d'épilepsie-; par Cn.wIO : NY. (Bulle-
tin médical, n° 27, 1906.) .
Il est en général très difficile d'être fixé sur la nature exacte
d'une crise nerveuse à laquelle on n'a pas assisté et qui d'après les
renseignements peut être anormale : très difficile est le diagnostic
de la simulation dans ce cas. à moins qu'elle ne soit très gros-
sière ou que l'on ait constaté des signes nettement apocryphes.
Maison sait que les crises sont souvent identiques chez un même
sujet,de plus la crise laisse après elle des troubles de la réflectivité,
généralement de la diminution (Féré) plus rarement une augmen-
tation très transitoire, de la faiblesse musculaire, du tremblement,
de la parésie des membres inférieurs, des troubles de la parole qui
rappellent ceux de la paralysie générale, du nystagmus, du my-
xoedeme, de la stupeur, de l'anesthésie cutanée.de diminution
de l'acuité visuelle et de l'activité des échanges organiques. Nous
sommes étonné de ne pas voir citer par l'auteur, comme élément
de diagnostic, l'élévation de température signalée depuis long-
temps par M. Bourneville. L. WAML.
- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 61
III. Expertise médico-légale; par les D5 de BoECK et de
Rode. (Bull. de la Soc. de med. ment, de Belgique, 1906,' n" 126.)
11 s'agit d'une femme qui avait empoisonné ses trois enfants
avec de l'arsenic. Au cours de la prévention, cette femme présen-
ta des phénomènes d'agitation, avec hallucinations de l'ouie qui
nécessitèrent son internement. Les experts ayant déclaré que
l'inculpée était atteinte de folie homicide et qu'elle était déjà en
cetétat de démence au moment où elle empoisonnait ses enfants,
une ordonnance de non-lieu fut rendue et la collocation mainte-
nue. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. Rapport de la commission nommée par l'Association
Médico-Psychologique pour étudier un cas de double cons-
cience ; par Alfred Wilson (The Journal of Mental Science,
Juillet 1904.)
11 s'agit d'une femme de 22 ans présentant des phénomènes
très curieux de-double conscience, et dont l'observation abrégée
a été publiée dans le Journal of Mental science de 1903 et
l'observation intégrale dans le N° d'octobre 1904 du même
journal ; elle a été soumise à l'examen d'une commission et les
conclusions de cette commission constituent le meilleur résumé
que l'on puisse donner, c'est pourquoi nous ne pouvons mieux
faire que de les reproduire à peu près complètement.
1° La commission, dont quelques membres avaient abordé
l'étude de cette malade avec un certain scepticisme a été d'accord
pour admettre que les manifestations observées sont incontesta-
blement authentiques.
2° La malade a présenté des changements de personnalité
tantôt incomplets, tantôt brusques, tantôt graduels. Dans cer-
tains de ces étals, elle était entièrement,- et dans tous partiel-
lement- ignorante de sa propre vie dans les autres états. Avant t
sa maladie de Pâques 1895 elle était selon toute apparence saine
de corps et d'esprit.
3° Dans quelques-uns de ces états elle perdait complètement
les notions acquises et facilement mises en pratique dans les
autres états (dessin, écriture, nomenclature).
4° Dans d'autres états son sens de la différenciation était con-
sidérablement augmenté, par exemple le sens du toucher dans
ses rapports avec la copie de dessins ou de mots en état de cécité.
5° Dans ces différents états, quelques-unes de ses facultés ou
gaz REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
de ses possibilités normales étaient également abolies soit brus-
quement, soit graduellement et reparaissaient ensuite de la
même manière : cette observation s'applique plus spécialement
à la paralysie des pieds et-plus rarement des mains. Elle perdait
aussi la vue subitement (sans aucun signe ophtalmoscopique),
et par intervalles elle la recouvrait soudainement pour un temps
très court. La parole et l'audition étaient également atteintes.
A d'autres moments l'intelligence était abolie et elle devenait
imbécile.
6° La commission estime que la faculté qu'elle a récemment
acquise de dessiner en état de cécité, particulièrement avec l'aide
du toucher seul, est un fait extrêmement remarquable. Même
remarque pour la réversion des idées, la substitution des couleurs
complémentaires et l'écriture de gauche à droite. a
7° Ses dispositions, son caractère, présentaient d'un état
à un autre des différences considérables.
Dans son état actuel, qui est anormal, elle est bienveillante et
a d'excellents principes, et il en est de même dans un ou deux au-
tres états.
Au contraire, dans certains autres états, elle ressemble à une
enfant très méchante et très volontaire ; dans d'autres enfin elle
est cruelle, vicieuse, voleuse, détruit tout et a même des tendan-
ces homicides. A ces moments, elle n'est influencée ni par le rai-
sonnement ni par la persuasion ou la suggestion, et toute menace
de châtiment physique provoque un ressentiment hostile.
8° Son écriture est nettement modifiée dans quelques-uns
des états par où elle passe, et l'on peut y distinguer trois ou
quatre types différents.
9° La commission insiste particulièrement sur ce point que la
continuité de la mémoire s'étend sur toutes les circonstances et
sur toutes les périodes afférentes à un état donné. Quand elle
est dans tel ou tel de ses états, elle se souvient de tout ce qui s'est
passé dans cet état soit actuellement soit dans tous les états
semblables passés. Mais le vide de la mémoire est absolu dès qu'il
s'agit des autres états. Au bout de sept mois elle demande à
finir le repas qu'un changement d'état a interrompu.
10° Au point de vue sensoriel on n'a pas noté l'anesthésie.
Mais dans certaines circonstances, associées surtout à la catalep-
sie, il y avait de l'hypersthésie. A noter aussi que dans un de
ses états elle était très sujette aux maux de dents et que dans
l'état suivant elle n'avait ni souvenir ni conscience de la douleur.
11° Sa santé générale variait selon les différents états : on l'a
vue passer en quelques minutes d'un état de collapsus en appa-
rence inquiétant à un état de réelle vigueur et de surprenante ac-
tivité.
12° Cette douzième conclusion qui n'est utile que pour la
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. G3
lecture de l'observation indique la classification adoptée par la
commission pour désigner les diverses phases : elle a appelé A
l'état normal et B, B2, B'1, etc. la série des états anormaux, tout
en reconnaissant qu'il y a entre plusieurs d'entre eux d'assez
étroites relations :
130 Jamais, dans aucun de ses états, la malade n'a été mal-
propre.
14 Bien qu'aucun de ces états ne puisse être considéré comme
appartenant au « petit mal » il est important de noter que la
malade a eu trois crises épileptiformesdans aucune desquelles elle
ne s'est mordu la langue.
150 La durée maxima d'un même état a été de dix semaines;
d'autres ont duré de quatre à neuf semaines : la durée minima a
été de deux à trois minutes : on l'a vue une fois changer trois
fois d'état en cinq minutes. Elle passait d'un état anormal à
l'état normal, puis de l'état normal à un autre état anormal.
L'apparition d'une période intercalaire normale entre deux états
anormaux a été notée plus d'une fois.
16° La succession des différents états n'obéissait à aucune
règle; cependant on les a vus assez souvent se succéder dans
l'ordre de leur progression initiale.
17° Cette succession d'états différents dura environ trois ans,
au bout desquels la malade se fixa dans l'un d'eux, où elle est
demeurée, sans que l'état normal ait paru jamais reprendre sa
place.
En terminant, le rapporteur déclare que la Commission ne
propose aucune explication des faits observés et se borne à
demander la publication de l'observation intégrale avec fac-
simile d'écriture dans le Journal of Mental Science. On
trouvera cette observation avec tous ses détails dans le numéro
d'octobre 1904.
Il.- Une note clinique sur l'automatisme alcoolique; par W. C.
Sullivan. (The Journal of Mental Science, avril 1904.)
L'autour rapporte avec détails quatre observations d'auto-
matisme alcoolique auxquelles il en a joint une cinquième dans
laquelle des phénomènes similaires se sont développés sous une
influence difficile à préciser. En se basant sur ces observations,
il étudie et discute : 1° les conditions qui prédisposent à l'auto-
matisme dans l'intoxication alcoolique; 2° les caractères du
défaut de mémoire dans la phase automatique; 3° les conditions
capables d'influencer la conduite pendant la phase automatique.
L'automatisme alcoolique étant assez souvent invoqué pour
se disculper d'actes criminels, M. Sullivan ne croit pas inutile
d'insister sur les éléments qui aident à faire un diagnostic précis :
ces éléments sont les suivants : 1° existence d'une ou plusieurs
Ci REVUE DE PATHOL OGIE MENTALE.
des prédispositions névropathiques à l'ivrognerie pathologique ;
2° existence de l'automatisme dans les circonstances antérieures
sous l'influence de l'alcool ; 3° amnésie pendant la phase auto-
matique, ou, dans les cas où l'amnésie est incomplète, conser-
vation, toutes choses égales d'ailleurs, des impressions émotion-
nelles les plus vives de préférence aux impressions plus indif-
férentes ; 4° manière de se comporter du sujet; 5° caractère
de l'acte, Les deux derniers points ont une grande valeur;
le troisième a une valeur très grande si l'amnésie est incomplète;
il est beaucoup moins important si elle est complète. Les deux
premiers points ont une réelle valeur soit positive soit néga-
tive. R. DE nIUSGItAVE-CLAY.
III. Note clinique sur un cas de manie aiguë pour servir
à l'histoire de la manière dont les maladies aiguës affectent
l'état mental ; par LEwis BRUCE. (The Journal of Mental
Science, avril 1904.)
L'observation que publie l'auteur montre qu'une maladie
aiguë intercurrente (dans l'espèce une diarrhée dysentériforme),
peut amener la guérison d'une manie devenue chronique.
L'auteur ajoute que probablement si l'on avait provoqué
chez le malade une leucocytose intense au moyen d'injections de
térébène on lui aurait épargné une longue maladie destructrice
des cellules cérébrales. Plusieurs faits publiés paraissent indiquer
que le point le plus important du traitement de la manie aiguë.
consiste à provoquer une leucocytose polymorphonucléaire intense
R. DE DIUSGRAVT;-CLAY.
IV. Obsessions ; par James SHAW. (The Journal of Mental
Science, avril 1904.)
Etude intéressante, relatant divers cas d'obsessions, mais trop
variée et trop détaillée pour se prêter à une analyse utile.
R. M. C.
V.- Les rapports de l'hystérie et de la folie; par F. W. EDRIDGE
GREEN. (The Journal of Mental Science, avril 1904.)
Ce travail se résume ainsi : non seulement il n'y a entre la folie
et l'hystérie aucune ligne de séparation nette, mais il y a beau-
coup de cas qui seront qualifiés d'hystérie par tel médecin et de
folie par tel autre : l'auteur pense que dans beaucoup de cas d'hys-
térie et de folie, la cause est exactement la même,et cette opinion
s'applique particulièrement aux cas qui débutent par l'hystérie
pour finir par la folie. Il est remarquable que beaucoup de sujets
hystériques, en devenant définitivement aliénés, perdent beau-
coup des symptômes caractéristiques de l'hystérie; les crises hysté-
riques notamment disparaissent souvent. R. de l\[rrS<1RAVE Ct.AV.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 65
VI. Un cas de folie aiguë hallucinatoire d'origine trauma-
tique ; par Thomas Drapes. (The Journal of Mental Science,
juillet 1904.) - ,
Observation intéressante et publiée avec soin dans tous ses
détails. R. M. C.
VII. Un cas de démence précoce; par Henry M. EusTACE.
(The Journal of Mental Science, juillet 1904.) .
Les .cas de démence précoce ne sont pas extrêmement com-
muns, il est donc intéressant d'augmenter le nombre des observa-
tions publiées et c'est pourquoi l'auteur relate avec détails le cas
d'un jeune homme de 21 ans qui présentait les symtômes que l'on
considère d'ordinaire comme caractéristiques de cette maladie.
R. M. C.
VIII. La « psychologie» de Jane Cakebread; par ROBERT
JONCS (The Journal of Mental Science, avril 1904.)
On ne peut que signaler cette étude sur la psychologie et la men-
talité d'une ivrognesse qui fut universellement connue dans les
rues de Londres.
IX. Observations cliniques de psychose de KoRsAKow; par
J. ToTE. (The Journal of Mental Science, janvier 1904.)
L'auteur a pu recueillir et publier avec détail six observations
de cette psychose intéressante et peu commune sur laquelle Kor-
sakow a le premier attiré l'attention de 1885 à 1891.
R. M. C.
X. L'étiologie de la paralysie générale. (British médical
journal, 28 juillet 1906.)
Dans toutes les contrées civilisées, le mal connu sous le nom de
paralysie générale des aliénés, paralysie progressive ou démence
paralytique est fortement en augmentation. Cette recrudes-
cence dans un mal irrésistiblement progressif, réfractaire au trai-
tement curatif, produisant, doucement, mais sûrement, l'impoten-
ce du corps et de l'esprit et finissant invariablement par la mort
a naturellement excité le vif intérêt des neuropathologues. Une
masse de documents venant des cliniques concernant ce mal et
son jumeau, le tabes dorsalis, a été recueillie. Jusqu'à 1867 quand
Essmarch et Jessen énoncèrent les premiers leur opinion que la
paralysie générale était le résultat d'une infection syphilitique,
des causes de toutes sortes étaient invoquées : excès sexuels, alcoo-
lisme, excès de travail physique et intellectuel, exposition au froid
et à la chaleur, etc.
Depuis des statistiques individuelles, comme celle de Rieger
Archives, 3- série 1907, t. I. 5
00 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
qui collationna les résultats de onze observateurs, Mendel, Rom-
berg, Ilischl et beaucoup d'autres, ont montré la préexistence
.de la syphilis dans la grande majorité des paralysies générales
avec une évidence irréfragable. La paralysie générale et la syphi-
lis coïncident en distribution topographique ; les statistiques
affectent inégalement les deux sexes, mais dans la même propor-
tion relativement à l'exposition aux chances de syphilis (exem-
ple : prostituées). La paralysie générale est plus répandue dans
les classes : (soldats, marins, voyageurs, etc.) qui plus fréquem-
ment contractent la syphilis. Krafft-Ebbing, sur près de 3.000
hommes atteints de paralysie générale, n'a trouvé au contraire
qu'un prêtre catholique; or il avait autrefois souffert de la syphi-
lis ; d'autre part, les cas juvéniles de paralysie générale so nt
presque toujours (probablement toujours) le résultat de l'hérédo-
syphilis ou de la syphilis infantile ; tabes dorsalis et paralysie
générale considérés comme distincts sont connus comme le résultat
possible d'un même point de départ syphilitique; enfin plus on
cherche l'antécédent spécifique dans cet ordre d'idées plus on le
trouve. Ceci et bien d'autres faits inclinent fortement à la conclu-
sion qu'une affection syphilitique antécédente est le plus impor-
tant facteur dans l'éclosion de la maladie, si, en vérité ce n'en
est pas le sine qua non étiologique.
Néanmoins, les neuro-pathologistes doivent convenir de leur
ignorance entière de la part exacte prise ici par la syphilis tant pour
la paralysie générale que pour le tabes dorsal. La pierre de tou-
che des traitements antisyphilitiques préconisés de bonne heure
malgré l'opinion de Hirschl et de Nesser, reste douteuse et
l'action problématique; aussi les observateurs ont-ils été conduits
aux hypothèses de para-syphilis ou meta-syphilis.
Dès lors, la paralysie générale et le tabès dorsal seraient les
résultats, non de l'action directe du virus syphilitique, mais com-
me un empoisonnement en retour produit par le dit virus ou ses
dérivés. C'est du moins la vue qui à présent rallie le plus d'auteurs.
Elle ne repose cependant encore sur aucun fait bio-chimique,
c'est encore une hypothèse directe et une satisfaction de mots (1).
Dans ces circonstances beaucoup se sont tournés vers l'investi-
gation bactériologique.
Parmi ces investigateurs est le Dr Ford Roberston. directeur
des asiles Ecossais, dont les conférences sur la pathogénie de la
paralysie générale des aliénés (2) ont été récemment publiées.
(1) Les recherches de Wanerman, Plant, Neisser et l3ruck en
Allemagne, de Lavadite et moi-même en France, peuvent cepen-
dant être comme un commencement de démonstration positive sur
le terrain bio-chimi<lue. (Voir Soc.,41ed. des Hôp., 21 décembre 1906.)
(2) La palhogénie de la paralysie générale par W. Ford Hohcrt-
sonM. 11. l. (t.cs confércnccs do llinrison pour 190G.)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 67
Ses vues et celles de ses collaborateurs concernant l'étiologie de
la paralysie générale en feraient une maladie infectieuse aussi spé-
cifique que la tuberculose, la fièvre typhoïde ou la diphtérie. Elle
serait due' un organisme ressemblant au bacille de Kloebs-Loef-
fler, nommé par eux le Bacillus paralyticans et ayant ses points
d'attaque au dehors de l'encéphale dans les systèmes respiratoires
et digestifs. Dès 1901 deux articles du Dr Roberston et du Dr Le
wis C. Bruce (1) se fondaient surdes investigations indépendantes
qui parurent dans le même numéro du journal médical anglais.
Depuis cette hypothèse diphtérique de la paralysie générale a for-
mé l'objet principal des recherches au Laboratoire des Asiles Ecos-
sais par les D" Roberston, M. Rae, Jeffrey and Théodore Shennan
Leurs résultats, à cette date, furent résumés dans un rapport au
Meeting de l'Association médicale anglaise en 1903 ; il fit grand
bruit. Ils avaient trouvé post-mortem dans les systèmes digestifs
et respiratoires sur beaucoup de cas de paralysies générales et dans
le système urinaire et génital dans tous les cas, leur bacille para-
lycans (apparemment un bacille de Klebs-Loeffler atténué, poly-
morphique, formant acide dans un bouillon de glucose) ; ce fait
prouvait, suivant eux, qu'il ne s'agissait pas du bacille de Hoff-
mann, ni du bacille xerosis ni d'une forme actmo-mycosique
ou leptothrix équivalent en beaucoup d'autres cas). Ils ont isolé
le bacille dans le cerveau, en 4 cas et en grand nombre dans les
foyers de la pneumonie. Sur trois de cinq cas, ils avaient trouvé
des bacilles dans le fluide cérébro-spinal centrifugé. Après quel-
ques échecs ils parvinrent à cultiver l'organisme provenant du
sang et du fluide cerebro-spinal d'un paralytique général vivant.
Le sérum de sang de paralytique général dissout ce bacille plus
nettement que le sérum normal. Trois rats et une chèvre infectés
par des bacilles diphtéroides isolés d'un cas de paralysie présen-
tèrent des symptômes pre mortem et des changements de tissus
ressemblant à ceux de la paralysie générale. Les rats se tenaient t
immobiles avec peu de sûreté dans les mouvements, semblaient
assoupis et de plus en plus faibles, sans équilibre tandis que la
chèvre devint capricieuse dans sa loge, et vers la fin eut une
attaque ressemblant à un ictus épileptiforme.
Les résultats des investigations du Dr Roberston et de ses col-
lègues furent analysés et critiqués par le Dr Ferrier dans ses
Lumleian conférences imprimées dans le Journal britannique
du 1 avril dernier.Il démontrait que Eyre et Flashman étaient
incapables de déterminer des différences entre des diphtéroides
recueillis dans les voies aériennes des aliénés et dans ceux des
lucides. Ces organismes peuvent se rencontrer dans le cas de san-
té comme en cas de maladies. D'autre part, les D" Emery et le
(1) British med. Joii ? ? jiiiie 21 Ilr. 1901.
68 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Dr Bulloch trouvent le fluide cérébro- spinal, le sang et
l'urine de plusieurscas de tabès et de paralysie absolument
stériles. Le Dr Ferrier, considère donc comme non encore dé-
monstratives les recherches précitées. On ne peut cependant les
suivre sans un intérêt sympathique. Peut-être bien le dévelop-
pement des organismes diphtéroides dans les systèmes digestifs
et respiratoires peut-ilo ffrir une explication de l'occurence des
attaques épileptiformes ou congestives des P. G. Quand il ne res-
terait que cela d'acquis par les recherches de l'Ecole Ecossaise
il y aurait de quoi légitimer leurs espérances d'arriver un jour à
enrayer les ravages ultimes de la maladie par une thérapeutique
immunisante consolidatrice des rémissions obtenues. Empêcher
le dernier assaut microbien greffer, sur la déchéance paralyti-
que, sans prétendre en remonter le cours n'est-ce pas déjà un
progrès dans la thérapeutique encore si pauvre de cette terrible
affection ? Dr Marie.
XI. - L'angoisse au cours de la paralysie générale ; par FERÉ,
(Revue de Médecine ; avril 190G.)
Deux observations de paralytiques généraux sujets à des accès
d'angoisse cessant à l'apparition de crises épileptiformes ; l'au-
teur se demande s'il n'y a pas dans ce cas corrélation entre les
deux syndromes angoisse et épilepsie. M. ÏÏAMEI.
XII. Discours présidentiel sur la « Paranoïa « prononcé à
la 63e réunion annuelle de l'Association Médico-Psychologique
tenue à Londres le 21 et le 22 juillet 1904 ; par R. PERCY SMiTH.
(The Journal of Mental Science, octobre 1904.)
L'orateur s'est proposé dans ce discours d'étudier la « para-
noïa » sa situation en tant qu'entité clinique, ses rapports avec
'les autres troubles mentaux, et la valeur de l'assertion suivant
laquelle elle constituerait un trouble primitif de l'intelligence
par opposition avec les maladies que l'on a qualifiées de troubles
mentaux affectifs. Les conclusions de ce discours en constituent
un excellent résumé dont nous donnons ici la substance :
L'auteur constate que, même dans son pays d'origine (l'Alle-
magne) il s'en faut que le terme paranoïa réponde à une idée
précise et couvre un territoire nettement circonscrit.
En particulier, la doctrine qui fait de cette maladie un trouble
primitif de l'intelligence a été, durant ces dernières années,vigou-
reusement battue en brèche : d'ailleurs ce serait une faute grave
lorsqu'on étudie un cas de trouble mental, de laisser de côté
l'examen des différentes fonctions de l'esprit (sentiments, con-
naissance et volonté) car l'esprit n'est pas divisé en compar-
timents étanches. Suivant l'auteur, la séparation des troubles
primitivement affectifs d'avec les troubles primitivement intel-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 69
lectuels est purement artificielle. Ceci posé, voici l'opinion de
l'orateur : -
1° Le terme « paranoïa « est utile si on en restreint l'appli-
cation aux cas de folie chronique avec délusions dans lesquels
ces délusions sont organisées et systématisées, qu'il s'agisse d'ail-
leurs de persécution ou d'exaltation : peu importe d'ailleurs que
ces deux formes existent séparément, simultanément ou par trans-
formation de l'une en l'autre ; peu importe aussi qu'elles aient
débuté dans l'enfance ou la jeunesse ou à une période plus avan-
cée de la vie et qu'elles relèvent ou non de l'hérédité.
2° Dans tous ces cas, on doit tenir grand compte de l'impor-
tance de l'élément affectif de l'esprit et ce serait une erreur
d'attribuer au terme «paranoïa » le sens d'un désordre primitif de
l'intelligence qui exclurait ou précéderait le trouble affectif.
3° En admettant l'existence de cas aigus dans lesquels les délu-
sions paraissent organisées et systématisées et dans lesquels pour-
tant la guérison paraît se produire, beaucoup de ces cas ne sont
que la phase initiale d'une folie chronique avec délusions, présen-
tant une rémission des symptômes.
4° Dès que l'on est débarrassé de l'idée dé désordre primitive-
ment intellectuel, il n'y a aucune difficulté à reconnaïtre que cer-
tains cas de paranoïa débutent par un désordre mental aigu fonc-
tionnel de la nature de la mélancolie ou de la manie, (fait admis
d'ailleurs par les partisans même du début primitivement intellec-
tuel) ou même peuvent succéder à un état de délire ou de confu-
sion mentale.
5° Sauf cette exception, la folie confusionnelle aiguë et les états
délirants aigus doivent être considérés étiologiquement et clini-
quement aussi bien qu'au point de vue du diagnostic et du pronos-
tic comme entièrement distincts de la. paranoïa.
6° Le terme proposé par Mercier, de « délusions fixes » doit
être appliquée aux états consécutifs à des formes aiguës de folie
dans lesquels les délusions persistantes ne sont pas organisées ou
progressivement systématisées.
7° En ce qui touche la démence terminale dans la paranoïa,
c'est vouloir trop prouver que de dire, comme font quelques au-
teurs, que la démence ne survient jamais dans cet état, et l'auteur
considère comme discutable l'opinion de Kraepelin qui veut retran-
cher du domaine de la paranoïa pour les faire rentrer dans la dé-
mence précoce un groupe important de cas dans lesquels on obser-
ve de la débilité mentale terminale. Il est possible que la démence
précoce, avec ses formes hébéphrénique, catatonique et paranoide
devienne la nouvelle maladie universelle. (Umversalkrankheit) ou
l'on pourra faire rentrer un grand nombre de cas, et qui ne man-
quera pas, dans un avenir prochain, de soulever autant de discus-
sions que la paranoïa elle-même. R. de Musgrave CLAY.
70 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIII. Hystérie infantile, avec hallucination; pal' AItSUlOLES.
(Bulletin médical, u° 23, 1906.)
Rarement on a signalé des hallucinations terrifiantes chez les
jeunes hystériques.Ici le cas est typique, c'est celui d'un jeune dé-
généré de 11 ans, né de parents tarés et présentant toute une série
d'anomalies psychiques et en particulier dans la sphère éthique.
Il fitune chute sur la tête, deux jours après laquelle il présenta des
phénomènes d'excitation maniaque à laquelle succéda une crise
hystérique franche : ces phénomènes se renouvelèrent les jours
suivants et étaient accompagnés d'hallucinations de l'ouïe.
L'isolement et la psychothérapie amenèrent une guérison rapide;
nous regrettons vivement que l'auteur n'ait pas insisté sur la
manière dont il a employé la psychothérapie. L. WAHL.
Xl7. - Paralysie générale ; troubles trophiques cutanées ; par
MM..1. Lh4PINE et M. Loup. (Société des Sciences médicales de
Lyon, 11 juillet. (Lyon médical, 30 septembre 1 ! IOG.)
Observation d'un homme de 38 ans, paralytique général, par-
venu au dernier degré de la cachexie et chez lequel apparurent
des troubles trophiques des membres. Leur caractère principal
étaitl'oedème des téguments, elle caractère accessoire qui ne s'est
manifesté que dans les dernières heures de la vie,était l'hémor-
t'hagic interstitielle dans certaines régions OEllématiées.
Ces faits mentionnés comme rares ne semblent pas présenter
au dire des auteurs, une grande différence de nature avec les
autres accidents classiques des paralytiques généraux, comme
l'othématome.
Le système vasculaire de ces malades est sans doute rendu
plus vulnérable par les lésions de tl'op]¡oeùème qui s'accompa-
gnent de stases sanguines et de distensions capillaires exagérés.
La localisation des ecchymoses correspond sans doute à des
traumatismes extrêmement légers. G. C.
XV. Les troubles mentaux dans la lèpre à propos d'un cas de
psychose polynévritique chez un lépreux ; par DE BEURMANN,
Roubinowitch et GOUGLrROT. (Bulletin médical, n° 21 1906.)
Classiquement dans la lèpre, l'intelligence resterait intacte
jusque la fin ; cependant, Hardy et Labaresse (iib Dict. Jaccoud)
signalent des idées noires au début avec du découragement.
IIillairet avait fait la même remarque. Les auteurs rappellent,
d'après le texte russe exactement traduit, les principaux carac-
tères que Korsakoff assigne à la maladie qui aujourd'hui porte
son nom. Ils rapportent ensuite l'observation d'un lépreux âgé
de 35 ans qui présenta de l'impotence fonctionnelle des membres,
de la paralysie faciale, de l'irido-choroïde double et des troubles
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 71
mentaux caractérisés par de la dépression, des idées de persécution,
dos illusions, des hallucinations des divers sens et de l'amnésie
des faits récents. A l'autopsie,il y avait dans le cerveau une légère
chromatolyse diffuse de même 'dans les cornes antérieures de
la moelle.On ne put y mettre en évidence les bacilles de Hansen
Les nerfs présentaient les lésions, aujourd'hui classiques des
névrites lépreuses portant la fois sur le parenchyme et sur les
parties interstitielles qui semblent les premières atteintes. Le
bacille de Hansen a été trouvé dans les nerfs périphériques et
dans les lépromes sous-cutanés. Cette polynévrite lépreuse est
l'homologue des autres polynévrites; elle s'en distingue par l'ex-
trême lenteur de son évolution. On y trouve : l'amnésie d'évocation
et d'assimilation, l'affaiblissement intellectuel, l'apathie, l'in-
différence et les manifestations délirantes à base d'hallucina-
tion affectaient le type de la persécution, mais mal systématisée.
Ces troubles intellectuels débutent tardivement et aboutissent
fatalement à la mort. Il semble que la prédisposition joue un rôle
important dans l'étiologie de ces accidents. L. WAHL.
XVI. Quelques remarques sur deux cas de type épileptiforme
ayant présenté quelques caractères inusités; par S. F. E. RAINS-
Fotn (The Journal of Mental Science, Juillet 1904.)
Le premier cas est celui d'une femme de 57 ans, atteinte
de manie récurrente et admise à l'asile pour la onzième fois
qui, du 24 septembre au 1er octobre avait eu 282 attaques épi-
leptiformes : elle était dans un état fort grave : des injections
de morphine calmèrent cette série d'attaques qui se terminèrent
par une crise violente de manie aiguë qui dura six semaines
sans aucune attaque : depuis trois ans, la malade va très bien.
Le second cas est celui d'un enfant de treize ans et demi ayant
eu de nombreuses attaques d'épilepsie, et qui, fait remarquable
que l'auteur n'a jamais constaté chez les épileptiques, deman-
dait chaque soir qu'on l'attachât pour qu'il ne courût aucun
risque de se faire du mal. La menace d'un sérieux arrosage
avec quelques seaux d'eau fit cesser les attaques qui n'ont pas
reparu depuis. R. pF, MUSGRAVE-CLAY.
XVIL-Les Pervers; par le Dr MABANDON de nZONTYEL (Journal
de Neurologie, 1906, no' 10 et 11.)
L'auteur passe en revue dans ce travail les différents modes
d'assistance qui ont été successivement préconisés pour les
pervers. Selon lui, ces sujets qu'il considère à la fois comme des
anormaux et comme des malades doivent être traités dans des
asiles distincts : ils ne doivent être confondus ni avec les aliénés
ordinaires, ni avec les aliénés criminels, ni même avec les crimi-
nels-aliénés.
72 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
L'asile pour pervers devra être à la fois un asile de sûreté, à pa-
villons séparés, un hôpital et une école professionnelle ; il compor-
tera une école primaire, où le « pervers sera obligé de s'instruire
comme il sera obligé de travailler manuellement ».
D'autre part, le placement d'un pervers ne pourra jamais être
effectué au titre volontaire ; toujours il s'agira d'un placement
d'office opéré exclusivement par l'autorité judiciaire, notam-
ment par le Président du tribunal où est situé l'asile.
Quant à la sortie de cet asile, elle ne pourra avoir lieu qu'après
une guérison dûment constatée et encore sera-t-elle purement
conditionnelle, c'est-à-dire que le pervers sorti de l'asile de sûreté
devra passer un certain temps dans un asile ouvert, puis dans une
colonie familiale où il sera l'objet d'une surveillance constante et
assidue. G. D.
XVIIL- Note statistique sur les causes sociales de l'alcoolisme;
par W. C. SULLIVAN. (The Journal of Mental Science, juillet
1904.)
Les recherches de l'auteur le conduisent à poser les conclu-
sions suivantes :
1° Si l'on considère les causes sociales de l'intempérance,
qui sont de beaucoup les plus importantes, il est nécessaire
de distinguer deux façons de boire opposées, à savoir les excès
de boisson qui sont associés à des conditions de luxe relatif,
et qui trouvent leur forme la plus fréquente dans les excès qu'on
pourrait appeler conviviaux, et d'autre part ceux qui marchent
avec des conditions de misère relative, et dont des circonstances
industrielles mauvaises constituent le facteur le plus important.
2° Les excès conviviaux peuvent conduire, et conduisent
souvent à l'ivresse, mais, au moins dans leur forme pure, ils
ne tendent guère à l'alcoolisme chronique. Les excès ouvriers
d'autre part, tout en conduisant aussi, mais moins immédia-
tement à l'ivresse, tendent rapidement et fatalement à l'intoxi-
cation chronique.
3° Donc, au point de vue statistique, si l'alcoolisme chronique
implique toujours l'existence de l'ivresse, l'ivresse n'implique en
aucune façon l'existence de l'alcoolisme chronique. En Angle-
terre, cette divergence entre les deux phénomènes s'observe
d'une manière particulièrement nette dans les districts miniers
prospères où, .en raison même de cette prospérité, il y a plus
d'ivrognes, mais moins d'alcooliques que dans toute autre région.
4° Les maux sociaux les plus graves que cause l'alcool relè-
vent de l'intoxication chronique et sont par conséquent dus aux
excès ouvriers.
5° Alors que l'éducation, la religion et d'autres influences
analogues peuvent modifier les excès conviviaux, ces mêmes
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE3. 73
influences demeurent à peu près sans action sur l'alcoolisme
des pauvres, lequel ne peut guère être,enrayé que par l'augmen-
tation du bien-être, et, à moindre degré, par la restriction des
facilités à se procurer de l'alcool pendant les heures de travail
et la facilité compensatrice de substituer à l'alcool des boissons
hygiéniques. R. DE lluscaws-CL.1Y.
XIX.- «Morison Lectures»; par John MACPHERSON. (The Journal
of mental Science, juillet 1905.)
A. Lecture V. - Sur la la répartition de folie. L'auteur montre
1° que la folie est largement répandue parmi les races humaines et
qu'il n'y a probablement aucun peuple qui en soit exempt. 2° il
pense que dans ce pays elle est une variation plus ou moins cons-
tante eu égard à l'ensemble de la population et qu'il en a toujours
été ainsi. 3° il a essayé de montrer que les causes qui agissent sur
les fluctuations dans une population donnée sont semblables à cel-
les qui affectent les fluctuations de toute autre variation généti-
que.
B. Lecture VI. Les causes et le traitement de. la folie. L'au-
teur examine successivement les causes qui sont réputées produire
la folie de novo et celles qui ne font que précipiter les attaques de
folie individuelle. Il présente quelques considérations sur la durée
du traitement des malades qui guérissent.
Il s'occupe ensuite des cliniques psychiatriques et des asiles, et
espère que le moment approche où le traitement de la folie aigue
sera nettement séparé du traitement des cas chroniques, et où les
malades aigus seront traités dans les hôpitaux généraux, comme
les pneumoniques ou les typhiques. R. DE Musgrave Clay.
XX.- La folie de l'adolescence ; protestation contre l'emploi du
terme « démence précoce »., par J. C. lllc Conaghey. (The Jour-
^nal of menial Science. avril 1905.)
L'auteur rappelle sommairement la définition et la classification
de Kraepelin et il se range à l'avis de Clouston qui pense qu'il est
peu scientifique de ranger dans la démence un cas dont on peut
avoir ensuite à constater la guérison, ce qui arrive assez souvent ;
il a d'ailleurs été frappé du grand nombre de cas qui ne sont nulle-
ment conformes aux définitions de Kraepelin. Il propose de faire
disparaître la dénomination de « démence précoce » pour lui subs-
tituer celle de folie de l'adolescence, et de diviser les malades dont
il s'agit en trois groupes : 1° forme simple ; 2° forme délusionnelle ;
3° forme katatonique. R. DE Musgrave CLAY.
XXI.Observations statistiques sur la paralysie générale; par IIna-
YEN BAIRD (The Journal oi menlal Science, juillet 1905.)
Ce travail comporte les conclusions suivantes . .
Il J. REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Pathologie : 1° La formation de fausses membranes sous la dure-
mère, avec coloration'rouillée, se rencontre dans un quart des cas
au moins ; 2° la pie-mère et l'arachnoïde sont plus adhérentes à
l'écorce qu'à l'état normal, mais les érosions lors de leur enlève-
ment, manquent dans 40 b des cas ; 3° les granulations de l'épen-
dyme du quatrième ventricule sont assez constantes pour consti-
tuer, à l'autopsie. le principal caractère diagnostique.
Clinique : 1° l'âge moyen lors de l'entrée à l'asile est d'environ
. 40 ans ; 2° la durée moyenne de la maladie, à l'asile, est d'environ
14 mois ; elle est plus courte qu'autrefois ; 3° la maladie est encore
relativement beaucoup plus fréquente chez les sujets mariés ou
veufs ; 4° chez les hommes la profession est d'ordmaire, relative-
ment supérieure ; 5° une sensation illégitime de bien être se ren-
contre chez une petite majorité des hommes, mais elle est moins
commune qu'autrefois dans les cas où le diagnostic porté est celui
de paralysie générale ; 6° la mélancolie, le délire, de persécution,
les tendances au suicide sont plus communes ; 7° 80 % des cas,
lors de leur entrée à l'asile présentent des anomalies oculo-mo-
trices, ou do l'embarras de la parole ou des anomalies des réflexes.
R. DE MUSGRAVE CLAY.
XXII-Diseours présidentiel prononcé à la réunion de l'Association
médico-psychologique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande le 20
Juillet 1905 ; par J. OUTTERSON\VOOD, (The Journal of mental
Science. octobre 1905.)
Comme beaucoup de discours présidentiels, celui-ci touche à des
sujets très variés et résume principalement l'oeuvre pratique ac-
complie par l'Association médico-psychologique de la Grande-
Bretagne et de l'Irlande. R. M. C.
XXIII. Démence précoce; par Thomas Johnstone (The Jour-
nal of mental Science, octobre 1905.)
Le sujet a été à maintes reprises traité dans ce journal, et la dé-
nomination de démence précoce a été critiquée ; l'auteur recon-
naît qu'il vaudrait peut être mieux employer In terme de démence
prématurée. Les faits observés par lui tendent à lui faire admettre
que la démence précoce constitue bien réellement une maladie dis-
tincte, l'âge auquel elle fait son apparition demeurant toutefois
très variable. R. M. C.
XXIV. -- Les folies de déchéance; par Georges A. RORIE, (The
Journal of mental Science, juillet 1905.)
L'auteur a observé quelques cas de folie due à la déchéance de
l'âge (il n'est pas nécessaire que cet âge soit très avancé),et il donne
sur ces cas des détails intéressants. Il a essayé de déterminer si les
groupes qu'il a observés présentaient des symptômes caractéristi-
REVUE EE PATHOLOGIE MENTALE. 75
ques ; il a seulement été frappé de la prédominance marquée des
symptômes mélancoliques au voisinage de la ménopause sans que
probablement on puisse dire qu'il s'agit de mélancolie vraie. Les
autres points à noter sont le taux élevé des guérisons et la tendan-
ce aux rechutes chez les femmes, les délusions chez les sujets âgés
et l'apparition de symptômes aigus chez quelques imbéciles et
épileptiques. R. DE liZUS4RAYE CLAY.
XXV Non-sanité mentale et maladies mentales dans une prison
locale; par William COTTON (The Journal of mental Science',
janvier 1905.)
Etude intéressante sur la manière de discerner, de grouper et de
traiter ces malades dans une prison régionale. R. M. C.
XXVI. Les statistiques de la folie : un schéma universel ; par C.
C. EASTERBROOK. (The Journal of Mental Science. Avril 1905.)
Travail très étendu, très bien conduit,mais qui par sa nature ne
se prête pas à l'analyse. , R. M. C.
XXVII Une classification de la littérature de la folie avec index
relatif d'après le système décimal de DEWEY; par A. R. URQUHART
(The Journal of Mental Science, avril 1905.) -
L'auteur propose d'appliquer à la littérature de la folie le sys-
tème décimal du savant bibliothécaire de l'Etat de lTew-York qui
facilite et abrège les recherches; et donne des détails sur ce système
aujourd'hui bien connu, mais en somme plus connu que répandu,
R. M. C.
XXVIII-La variation dans ses rapports avec l'origine de la folie
etdes névrosesqui lui sont alliées; par John MAcpHEnsoN (Mori-
son Lectures n IV). (The Journal of Mental Science, avril 1905.)
Leçon intéressante qui se termine par les considérations sui-
vantes : ce que nous appelons la constitution névropathique im-
plique nécessairement trois choses : 1° une variation structurale
s'écartant du type normal de l'architecture cérébrale et consti,
tuant une grosse différence dans les dimensions ou dans l'arrange,
ment des cellules cérébrales, ou dans ces deux choses à la fois ;
2° une variation structurale dans la forme et dans les fonctions des
divers organes du corps; 3° une diminution de la puissance d'immu-
nité de la part des tissus du corps à l'égard de l'invasion des toxines
et des produits des micro-organismes.
Or il est évident que ces caractères doivent être en corrélation
avec la conformation physique bien que nous ne fassions guère que
commencer à saisir cette corrélation. Lorsque nous y serons par-
venus, nos conceptions tout entières auront subi une révolution si
radicale que la constitution névropathique, bien loin d'être une
76 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
abstraction et une entité intangible, sera devenu un fait de la plus
haute importance pour les sciences médicales et sociales.
R. DE MUSGRAVE CLAY.
XXIX - Un cas de paralysie générale des aliénés avec méningo-
myélite syphilitique ; par R. A. L. GRAIIAN. (The Journal of men-
tal Science. octobre 1905.)
Cette observation très intéressante, rapportée avec détail et
avec soin, et accompagnée de planches,est celle d'un homme de 33
ans, alcoolique et syphilitique (syphilis douze ans avant l'entrée à
l'asile) et ayant présenté des symptômes de paralysie générale et
de méningo-myélite syphilitique. Elle suggère à l'auteur diverses
réflexions importantes que nous analysons ici parce qu'elles résu-
men les points les plus importants de l'observation clinique elle-
même que nous ne pouvons reproduire dans tous ses détails.
Il est manifeste que la lésion médullaire a été primitive et que
c'est plus tard seulement qu'elle s'est étendue au cerveau où elle a
déterminé la dégénérescence des neurones supérieurs caractéristi-
ques de la paralysie générale.L'apport considérable de sang et de
lymphe que reçoit la moelle en fait un organe d'élection pour subir
l'influence des toxines syphilitiques.
Le début des accidents nerveux survenant à une date si éloignée
de la lésion primitive est un fait intéressant, carsuivantGilbertet
Lion, les symptômes méningés apparaissent d'ordinaire dans les
trois premières années qui suivent l'infection, et deviennent après
huit ans écoulés une complication rare. Il faut remarquer aussi que,
dans ce cas, alors que la lésion scléreuse est la lésion maxima par
sa quantité, la lésion vasculaire est comparativement minime
comme si la toxine n'avait pas été à un degré suffisant de concen-
tration pour déterminer une inflammation active des vaisseaux et
s'était lentement diffusée de manière à léser les tissus nerveux de
l'ordre le plus élevé et le plus vulnérable. Un autre point clinique
curieux, c'est que, environ un an avant l'entrée du malade à l'asile,
on avait porté le diagnostic de sclérose disséminée. Après l'entrée
à l'asile, d'ailleurs, le diagnostic est demeuré quelque temps
douteux, mais bientôt les symptômes inclinèrent nettement vers
la paralysie générale. Autre point : comment expliquer les symptô-
mes spinaux ? Voici un cas de méningo-myélite chronique avec no-
dules isolés dans la moelle, donnant lieu à des symptômes exacte-
ment semblables aux symptômes de débutde la sclérose disséminée
et ne fournissant aucun des symptômes qui caractérisent une lé-
sion méningée, comment expliquer ces faits ? La réponse est malai-
sée, et il faut une fois de plus, se résigner à reconnaître qu'il est des
cas de pathologie nerveuse où le diagnostic clinique est à peu près
impossible. R. de Musgrave CLAY.
SOCIETES SAVANTES
SOCIÉTÉ DT1YPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE.
Séance du 18 décembre 190G. - PRESIDENCE DE M. Voisin.
L'initiation sexuelle.
M. 13lILLON. D'une façon générale, les enfants normaux,
tenus à l'écart des influences pernicieuses,restent asexuels jusqu'à
l'âge de la puberté ; à l'époque de la formation, l'apparition des
fonctions génitales s'accompagne d'aspirations sexuelles, mais
elles sont vagues et imprécises. Cet état d'indétermination
sexuelle persiste le plus souvent jusqu'à ce qu'une initiation ou
même une véritable corruption calculée apporte à l'adolescent
des notions précises qu'il n'avait pas soupçonnées jusqu'alors.
Tandis que les idées sexuelles acquises par les lectures, les con-
versations, les exemples, ne laissent dans l'esprit que des impres-
sions le plus souvent passagères et fugitives, les leçons données
par un instituteur laissent des impressions profondes. capables de
se répercuter sur la vie génitale tout entièie.
Nous avons observé de nombreux faits dans lesquels des impul-
sions sexuelles normales avaient eu comme point de départ très
positif l'accomplissement d'actes inspirés ou conseillés par un
initiateur coupable. La première sensation éprouvée avait été
enregistrée par la mémoire avec une telle intensité que le sou-
venir de l'initiation se représentait dans toutes les circonstances
où l'individu se trouvait sous l'influence d'un désir sexuel. Les
habitudes sexuelles se trouvaient donc dans une dépendance
étroite avec la première sensation et le réflexe génital n'était
réveillé que par des idées se rapportant à cette sensation.
L'explication de ces états mentaux se trouve dans la suggesti-
bilité souvent excesssive qui caractérise souvent les adolescents.
On peut aussi admettre que les actes commis l'avaient été
dans un état d'attente affective réalisant un véritable état
d'hypnose, de monodéisme ou tout au moins d'expectante atten-
tion. Dans tous les cas, les idées introduites par l'initiateur
se comportaient comme des suggestions faites sur un sujet
très hypnotisable. De là, la ténacité et la fixité des premières
impressions normales ou anormales de la vie sexuelle. Les
succès très frappants observés dans le traitement des impul-
sions sexuelles anormales (inversion et perversion sexuelle,
fétichisme, onanisme, etc.) par la suggestion hypnotique indi-
quent que le point de départ de ces impulsions réside bien plus dans
78 SOCIÉTÉS SAVANTES.
une mauvaise initiation à la vie sexuelle, que dans un état de
dégénérescence.
11 y a à ce sujet un exemple classique, c'est celui d'un
jeune- homme qui, ayant été initié à la vie sexuelle par une
soubrette, ne peut réaliser l'acte sexuel après son mariage,
qu'en emmenant sa femme dans une chambre de bonne,au sixième
étage, après l'avoir ornée du tablier blanc, inspirateur de son
désir. r.
La suggestion hypnotique et le développement de la mémoire.
M. DAMOGLOU (du Caire). Un jeune homme doux et travail-
leur est incapable de retenir aucun mol d'une langue étrangère,
il passe pour inintelligent. Après trois séances d'hypnotisme, il
- peut apprendre 150 mots par jour ; il devient le premier de sa
classe et, au bout de six mois, parle couramment le français. ? Depuis il a appris très vite et sans aucune peine l'arabe, l'an-
- lais et principalement l'italien qu'il parle comme sa langue
(.maternelle.
/ Les tics chez les animaux.
h MM. Depinay et GMt.LET. Le tic chez les animaux revêt un
certain nombre de formes différentes. Chez eux on appelle tic un
mouvement spasmodique d'une partie du corps, contraction
musculaire ou autre, soit certaines habitudes que l'on considère
comme vicieuses. Un tic très fréquent chez le cheval est le tic à
l'écurie, avec appui sur les mangeoires, le bat-flanc, etc. Les
animaux paraissent se transmettre ce vice par hérédité et aussi
par imitation. Un autre tic est le « tic de l'ours » : il s'observe
chez les animaux à syslème nerveux impressionnable et parait
aussi se communiquer aux voisins. Un autre tic consiste soit en
déglution d'air, soit en rejet de gaz par la voie buccale. 11 y a
aussi « le tic en l'air» dans lequel l'animal porte le nez en haut
sans rien saisir avec les dents. Chez certains gros animaux on a
appelé tic testiculaire ou tic ovarique certaines habitudes
vicieuses.
Chez les petits animaux il existe un grand nombre de tics
qui peuvent être comparés à ces contractions que l'on rencontre
chez l'homme, dans les mêmes conditions et avec les mêmes
étiologies. Parmi ces tics, on observe chez les chiens et les
chats des « tics du grattage » que l'on rencontre aussi chez l'être
humain. Chez les oiseaux,on remarque divers tics. Certains pous-
sent continuellement et sans motif de petits gémissements, avec
contraction de la région pharyngienne, d'autres frappent avec
leur bec sur les objets qui les environnent. Il y a une grande
analogie entre certains tics que l'on rencontre chez l'homme et
chez les animaux.
Quant au traitement, on peut se demander si celui qu'on
sociétés savantes. 79
applique chez l'homme et qui est qualifié de rééducation et de
discipline psycho-motrice ne pourrait pas être appliqué aux ani-
maux. Il serait plus délicat à appliquer lorsqu'il s'agit des gros
animaux qui sont peu maniables, mais pour les petits animaux
on pourrait ainsi arriver à leur faire perdre les mauvaises habi-
tudes contractées. Au point de vue des tics, tout est à faire
en vétérinaire.
M. ISERILLON. Les tics ne surviennent que chez les gens
doués d'une psychologie particulière. Le liqueur est toujours un
aboulique ; il présente une diminution chronique de la volonté.
Le traitement du tic doit comporter d'abord la reéducation de la
volonté. Grâce à une discipline psycho-motrice, le sujet est
entraîné à se décider et à agir énergiquement. Le dressage des
animaux n'est qu'un art de cultiver les tirs,tel,par exemple,le tic
des souris valseuses.
M. REGSAULT. 11 est des races où l'on sélectionne les tics,
telle certaine race de pigeons que l'on a rendue aérophagique.
M. 13AHAODINCHAKIRBEV. -En Orient, pourpasserle temps,de
nombreuses personnes dévident toute la journée les grains d'une
sorte de chapelet, en prononçant ou non certaines paroles ; c'est
une sorte de tic qui provient de l'oisiveté.
Jl. DAURiAC. Il est curieux de constater que l'art, tout t
comme ce tic, a eu l'oisivité pour origine. C'est pour sortir de
l'oisiveté qu'on a fait de l'art. A un autre point de vue, le fait
suivant est intéressant. Un enfant que j'ai connu poussait un cet--
tain cri dès qu'on le regardait d'une certaine façon ; il était, en
quelque sorte, mécanisé ; on pouvait, à volonté, lui faire émettre
son cri,comme si l'on avait appuyé sur un ressort. Un beau jour,
comme on le regardait d'une certaine façon, il avait poussé un
cri : c'était une simple coïncidence ; il y vit un rapport de causa-
lité et le tic se trouva établi par cette sorte, de rationnalisation
du hasard.
M. 11A<iNIN. - On passe sa vie à rendre automatiques des
actes qui ne l'étaientpas, Pour rééduquer l'attention des tiqueurs,
il faut leur apprendre à faire, d'une façon coordonnée et voulue,
les mouvements qu'ils accomplissent automatiquement.
BIBLIOGRAPHIE
l. - L'Ame et le système nerveux (Hygiène et Pathologie] ;
par A. FORE, ancien professeur de psychiatrie à l'Univer z
site de Zurich. (Steinheil, éditeur 1906.)
Ce petit traité d'hygiène est une oeuvre de vulgarisation dont
l'opportunité n'est pas contestable. L'hygiène sociale du système
nerveux se trouve aujourd'hui en connexion intime avec tous
les rouages de notre vie sociale ; chacun devrait avoir des notions
sur l'aime et l'activité du cerveau, qui sont une même chose. Le
mysticisme dualiste,en séparant l'âme de l'activité cérébrale.com-
pliquait inutilement la question ; mais le monisme scientifique
permet de simplifier et de tout expliquer sans contradictions, car
les règles d'hygiène du système nerveux ne sauraient être com-
prises sans la connaissance exacte de l'organe, et toute notre psy-
chologie est le reflet de la vie de notre cerveau. Il est donc ra-
tionnel de faire précéder les notions d'hygiène de l'âme de l'é-
tude anatomo-physiologique, puis pathologique, de son organe,
le cerveau. Le livre de M. Forel est divisé en trois parties : 1° âme
cerveau et nerfs à l'état normal ; 2° pathologie nerveuse ; 3° hy-
giène.
Les phénomènes psychologiques se rapportent à trois grands
domaines de la vie de l'âme : connaissance, sentiments et volonté.
Le domaine de la connaissance est constitué par la combinaison
et l'adaptation des impressions de nos sens en gammes ; le
domaine du sentiment est celui de l'impression émotive générale
du cerveau-âme; le domaine de la volonté est celui de la projec-
tion des impressions et étals du cerveau-âme à l'extérieur, sous
forme d'actions. L'analyse de ces trois domaines est suivie de la
rapide esquisse de quelques autres notions psychologiques : lo-
gique, mémoire, attention, intelligence, imagination, raison, éthi-
que, esthétique, appétits et passions, suggestion, el le langage,
que Forel appelle la monnaie de la pensée. L'anatomie du sys-
tème nerveux, qui fait l'objet du chapitre suivant, nous a semblé,
il faut l'avouer, un peu simpliste etécourtée; mais n'oublions pas
que l'ouvrage s'adresse surtout au public extra-médical. (Quel-
ques détails, pour cette raison, sont inexacts : lesystèrne nerveux
est comparé à un appareil électrique, dont la substance grise
constituerait l'accumulateur, elles libres nerveuses les fils con-
ducteurs ; mais puisque nous rejetons l'hypothèse dualiste, il ne
faut pas dire que les cellules nerveuses sont un accumulateur;
elles ne se contentent pas d'emmagasiner, elles produisent ; elles
BIBLIOGRAPHIE. 81
s
sont une pile. Plus loin, il est dit que la moelle et les ganglions
ne constituent guère, chez l'homme que des appendices subor-
donnés au cerveau et qui s'y rattachent. Orla moelle nous appa-
raît toujours comme un centre autonome pouvant fonctionner
sans le contrôle du cerveau, dans certains cas pathologiques. En-
fin, nous lisons : « 11 ne peut pas exister de centre spécial pour
l'écriture parce que chacun peut écrire avec toutes les parties un
peu mobiles du corps, même avec les pieds. » Mais cela prouve
simplement que le centre de l'écriture a, grâce au système d'as-
sociation, dont ila été parléplus haut, des relations avec tous les
groupes de cellules motrices. Cesnotions d'anatomie sont suivies
de quelques réflexions snr les rapports de l'âme avec le cerveau ;
l'auteur recherche quels sont les véritables rapports de nos acti-
vités psychologiques intropectives avec les états d'irritation de
notrecerveau. Il établit, à l'aide de quelques faits, qu'on ne sau-
rait parler de perceptions ou d'actions inconscientes, d'oublis ;
il s'agit de dissociation psychique. Spinoza, Fechner et A. Com-
te, avant que l'on connût le cerveau ont été les précurseurs de
l'hypothèse du monisme scientifique; aujourd'hui l'étudedu systè-
me nerveux central a permis de découvrir que les actions et
réactions du neurocyme (onde nerveuse) obéissent à la loi fonda-
mentale delà conservation de l'énergie ; l'amené peut être consi-
dérée comme privéed'énergie, sinon l'on reviendrait à la croyan-
ce aux miracles, qui font éclore l'énergie de rien du tout pour
ensuite la faire disparaître dans le néant.
Li chapitre suivant e3Lcoilsicré à la physiologie du système
nerveux : M. Forel y passe en revue les muscles, les nerfs et les
neurocymes (ondes nerveuses), les réflexes, les instincts ou auto-
matismes hérités, les effets de l'extirpation du grand cerveau,
prouvant qu'ilne peut avoir d'organe de la conscience, le travail
plastique du grand cerveau, les automatismes secondaires (habi-
tudes), les localisations, et les divers sens. Enfin, l'élude du cer-
veau à l'état normal est complétée par quelques notions sur la
genèse individuelle (otongénie), l'hérédité et la phylogénie (des-
cendance). Nous y trouvons une critique fort judicieuse de l'en-
seignement que l'on donne à l'enfance, artificiel et plein de
préjugés, au lieu d'être une adaptation à la vie sociale, et une
défense du darwinisme ; le fait de la transformation des espèces,
c'est-à-dire de leur filiation, est aujourd'hui démontré. La se-
conde parlie de l'ouvrage contient des notions de pathologie ner-
veuse. La psycho et la neuro-pathologiè ne doivent pas être sépa-
rées. Les troubles des sensations, des perceptions 'hallucinations
et illusions), les idées délirantes et illusions du souvenir, l'auto-
suggestion obsessionnelle, les troubles nerveux qui ne sont pas
des maladies mentales, sontpassés en revue, et suivis des formes
mentales et nerveuses, M. Forel divise ces formes en 4 groupes :
.lncmvta, 3° série, 1907, 1. I. 6
82 BIBLIOGRAPHIE.
1° maladies embryogéniques(idiotismime, bécillité) ; 2" maladies
héréditaires (lésions de la phylogénie récentes) ou entrent les
obsessions, phobies, hypochondrie, anomalies sexuelles) ; 30 ma-
ladies acquises : épilepsie, vésanies, névroses, intoxications et
infections) ; 4." maladie par évolution rétrograde ou sénile, Les
causes des maladies mentales et nerveuses se rapportent à l'huez
rédité ou à la détérioration du germe (blastophothorie), à la pré-
disposition ontogénique ou sont acquises (physiques ou psychi-
ques).
Ces notions longuement exposées, l'auteur aborde enfin la
partie hygiénique. L'hygiène publique ou sociale, dit-il, doit pri-
mer partout l'hygiène individuelle. Les règles générales sont d'a-
bord exposées : il en est de négatives et de positives : parmi cel-
les-ci, la loi de l'exercice ou de l'entraînement est primordiale ;
l'exercice doit s'étendre à toutes les activités mentales et nerveu-
ses, et aussi au sommeil qui est nécessaire. Mais le développe-
ment doit être assuré aussi avec harmonie et choix, et selon la
nature, c'est-à-dire en évitant l'artificiel.- Chez les psychopathes
l'entraînement doit être doublement prudent. Ces règles généra-
lespermettent non seulement d'entretenir la santé, mais en ou-
tre d'être heureux, libre et riche (du moins eu capacité de tra-
vail). L'hygiène nerveuse de la conceptionet de l'hérédité fait l'ob-
jet du chapitre suivant : l'auteur est partisan d'un néo-mallhu-
sianisme scientifique judicieux, qui empêcherait certains éclopés
de corps et d'âme, qui veulent absolument se marier, d'avoir des
enfants ; il insiste à plusieurs reprises sur l'action blastophtho-
rique des poisons, et en particulier de l'alcool et de l'opium.L'hy-
giène nerveuse de l'enfance est ensuite examinée ; M. Forel est
un disciple convaincu des Rousseau, Pestalozzi, Froebel, Clwen,
etc,, et il parle avec enthousiasme de l'essai fructueux qui a été
fait de leurs principes dans divers pays par les Landel'ziechung-
sheime » ; il décrit en quelques mots le système de ces écoles,
quisont des « home d'éducation à la campagne » : l'abstinence
de boissons alcooliques y est totale ; les travaux corporels sont
combinés aux intellectuels ; les élèves sont libres et responsa-
bles, c'est à dire chargés de la discipline et soumis uniquement à
l'émulation ; pas d'examens ; entrainementà toutes les fatigues,
voyages, culture des arts. Le principe de l'enseignement scienti-
liqueest la leçon de chose» ; le jugement et l'observation sont
surtout développés. Le docteur Licht a fondé 3 écoles sembla-
bles ; les résultats sont dès aujourd'hui excellents. C;LLe descrip-
lion est suicide conseils d'hygiène pour la maison et la famille
établis sur les mêmes principes. Enfin M. Forel traite de l'hy-
giène nerveuse spéciale de l'adulte qui n'est guère qu'un résumé
des principes déjà développés avec quelques variantes adaptées
aux constitutions individuelles. L'homme doit être optimiste,
1 BIBLIOGRAPHIE. 83
d ans le sensde Strauss : « Heureux est celui qui oublie ce à quo
l'on ne peut plus rien changer. » La femme, le célibataire, le
vieillard et les név ropathes et psychopathes sont tour à tour
guidés et éclairés de quelques conseils destinés à mettre en har-
monie la santé du cerveau avec les aspirations supérieures à un
idéal qui va sans cesse s'élevant. Quelques mots sur les sanatoria
pour nerveux, sur la lutte contre l'alcool et l'enseignement de
l'hygiène du cerveau, terminent l'ouvrage du professeur Fore ! ,
qui nous a paru une excellente oeu\ re de vulgarisation de princi-
pes trop négligés ou trop ignorés à notre époque de lutte intense
pour la vie. Il n'est pas superflu de mettre en garde les généra-
tions actuelles contre les effets menaçants du surmenage cérébral
et des causes de dégénérescence inhérentes à notre civilisation ;
etc'est évidemment grâce à l'hygiène nerveuse que la culture
obligatoire des cerveaux des générations lutures pourra éviter de
devenir une cause de déchéance de la race. E. C.
Il. La ileiti-oi2oiibagie, par le Dr Sano, agrégé et assistant
à la Faculté de Bruxelles. Mémoire couronné par l'académie
royale de médecine de f3elgidue ? Bruxelles 1906.
Ce remarquable travail contribuera puissamment à éclaircir la
nature, la signification et la répartition du processus que Mari-
nesco appela : «Xeuronophagie».en l'appliquantd'abord à la des-
truction des cellulles nerveuses par phagocytose. M. Sano trans-
forme cette obscure question en un lumineux chapitre d'histologie
pathologique. La première définition de Marinesco est abandonnée,
car il n'est pas démontré que la pénétration d'éléments étrangers
dans le neurone soit, un phénomène de phagocytose; il vaut
mieux, sans préjuger, définir le terme : pénétration d'un ou plu-
sieurs éléments cellulaires dans la cellule nerveuse. Ainsi com-
prisse processus est connu depuis longtemps. Déjà. en 181l,\1'yss.
voit dans un ganglion de Casser, des globules de pus s'accoler à
des cellules nerveuses en creusant des encoches.
Depuis, de nombreux auteurs on), observé le phénomène, en lui
donnant les significations les plus contradictoires. M. Sano fait le
premier l'historique de ces travaux ; il en trouve 329 ayant trait
plus ou moinsàla question, parmi lesquels 206 à la n8ul'ono[lha-'
gieseule.
Aucune conclusion ne peut être tirée de ces travaux. Quelle est
la nature des éléments neuronophages- ? Le processus est-il pri-
maire ou secondaire ? Y a-t-il phagocytose ou histohse ? Quelle
est la fréquence et la répartition du phénomène ? Pour résoudre
la question, Jl.Sanu a entrepris des travaux personnels considé-
rables. Nous ne pouvons reproduire sa technique nom elle, faute
déplace : il nous suffira de dire que M. Sano la considère comme
la seule élective pour les fibrilles et les noyaux né\1'ogli<[ues; .
84 BIBLIOGRAPHIE.
il a constaté que les noyaux leucocytaires et conjonctifs se déco-
lorent moins vite, après teinture au carmin et au bleu de méthyle
ou analogues à celui-ci,que les noyaux névrogliques,si on différen-
cie parmi acide ou parla glycérine-éther.D'où.il décrit 6nowel-
les méthodes, qui lui ont donné des résultais excellents, et clura-
bles. La spécificité de ces méthodes est prouvée par ces deux faits,
qu'on peut suivre la différenciation sous le microscope, en com-
parant les noyaux des vaisseaux et ceux de la névroglie, et que,
dans une coupe de moelle, on constate que rien ne reste coloré
dans la substance blanche sauf les leucocytes dans les vaisseaux
et les noyaux de ceux-ci. Grâce à ces méthodes, M. Sano a pu
étudier le processus neuronophagique sous tous les aspects, et ti-
rer les conclusions suivantes : 1° Les noyaux libres du tissu ner-
veux sont uniquement névrogtiques à l'état normal ; et, à l'état
pathologique, quelques-uns sont des lymphocytes, les autres des
mononucléaires, des polynucléaires, des plasmazellen, des masl-
zellen ; les cellules granulo-graisseusesne se trouvent que dans les
zones nécL'osées.-2° Tout processus d'inflammation est caracté-
risé par un exsudât; mais dans cerlains cas, l'exsudat caractérise
aussi la sclérose.- 3° la neuronophagie, qui revêt un aspect dif-
férent dans les centres nerveux et les ganglions, ne peut se
produire dans les cellules saines. 4° Sa répartition est détail-
lée dans un long tableau où sont indiquées les découvertes
des auteurs ; on la rencontre, par ordre de fréquence dé-
croissante, dans : écorce etganglions de la base ; ganglions céré-
bro-spinaux et sympathiques ; bulbe et moelle ; cervelet.- à- les
éléments neuronophagiques sont toujours de nature nôvroglique,
exceptionnellement de nature leucocytaire, jamais microbienne.
la neuronophagie n'existant jamais dans la cellule saine, n'est ja-
mais primaire, mais primaire et secondaire, ou secondaire ; la
simple accumulation de noyaux autour de la cellule n'est qu'un
processus névroglique et non de la neuronophagie ; le critérium
consiste dans la pénétration d'un élément au moins dans la cel-
lule. 7° Elle n'est pas un processus de phagocytose, ni de
neurolyse, ni de cicatrisation, ni de destruction des microbes; elle
est un processus pathologique (inflammation ou sclérose) non
constant, qui nécessite 2 conditions : altération régressive de la
cellule nerveuse, et modification progressive delà névroglie. Elle
n'est pas spécifique, mais plus fréquente dans les processus lents;
ne se rencontrejamais dans la sénilité. Enfin, il n'y a que dégé-
nérescence de la cellule nerveuse suivie de cicatrisation par la
névroglie et non destruction de cette cellule par la név roglie.
Toutes ces conclusions ont pu être tirées de 1 examen des prépa-
rations selon les méthodes électives de 11. Sano. On comprend
tout l'intérêt qu'elles présentent, et 1 on peut dire que si ces mé-
thodes résistent au contrôle et la critique des expérimentateurs,
BIBLIOGRAPHIE. SJ
la question de la neuronophagie pourra enfin être envisagée sous
un jour scientifique Le mémoire se termine par l'énumération
des 329 travaux retrouvés par M.Sanoetpar 13 ligures coloriées.
.' E. COUL'ONJOU.
lll. - ., Rapport médical et compte moral et administratif sur
l'asile public d'aliénés de Pan (exercice 100·i) ; par le D' 0. CIR-
MA, médecin directeur. (Garet, éditeur à Pau.)
Existants au 1 cr janvier 1905 : IL 454 ; F. 432 ; total : 886. Ad-
missions : 11. 101 ; F. 86 ; total : 187. Sorties pendant l'année :
Il. 48 ; F. 44 ; total : 9 ? , dont 51 pour cause d'amélioration : 32
par guérison : 4 par transfèrement, 5 pour causes diverses.
« Comme de coutume, dit le 1) Girma, dans notre région la
proportion des admissions est sensiblement plus grande en fa-
veur des hommes, en raison de la paralysie générale et de l'al-
coolisme. Le plus grand nombre des admissions a eu lieu dans
deux mois consécutifs des saisons extrêmes (janvier, février ;
juillet, août). La diversité des genres de folies correspondant à
ces admissions ne permet pas de noter une influence saisonnière
prépondérante. La proportion des célibataires aliénés est très sen-
siblement plus forte que celle des gens mariés ; c'est un fait suf-
fisamment connu qu'explique le chiffre élevé des épileptiques, des
débiles mentaux^imbéciles et idiots, presque tous écartés du ma-
riage.
« Nous remarquons avec satisfaction que les alcooliques sont
moins nombreux dans notre région que dans certaines régions
de France. Leur nombre est toutefois en augmentation sensible
sur celui des années précédentes.
« Les 15 épileptiques admis durant l'année ont dû être ame-
nés à l'Asile à cause de la complication de leur névrose convul-
sive ; de l'excitation violente, des impulsions fréquentes, avaient
rendu dangereux ces malades. »
A propos des sorties d'essai, le Dr Girma, fait ressortir leur
avantage. Ces sorties, véritable instrument thérapeutique, insti-
tuées depuis longtemps à l'Asile Saint-Luc, donnent d'excellents
résultats :
« En comparant la proportion des sorties par guérison ou
amélioration au chiffre des malades admis annuellement, nous
trouvons une moyenne de 32.23 %, pour la période décennale
antérieure à l'institution des sorties d'essai et de 40.2 % pour la
période correspondant à celle des sorties. Le chiffre des sorties
se trouve donc augmente de 8 % et c'est ce pourcentage qui tra-
duit la valeur de ce régime. Il est très encourageant et ses effets
portent sur la décharge numérique de l'Asile et sur une écono-
mie budgétaire. '
Le total des sorties par guérison ou amélioration (32 et 51)
86 BIBLIOGRAPHIE.
.donne un clylTre de 83, accusant une proportion de 44,3 % sorties
par rapport au nombre des admissions de l'année. Le môme, cal-
cul pour l'année 1904 donne une proportion de 30 olu de sorties.
La mortalité à l'Asile Saint-Luc est-on augmentation ; en 1905,
elle a atteint le chiffre total de 72 ; en 1904 il n'y eut que 49 dé-
ces,chiffre le plus bas constaté. qui portait le pourcentage à 5 ? %
ce pourcentage est de 7.92 pour )OU.'). Le D1' Girma attribue celle
recrudescence à une augmentation notable de décès par paraly-
sie générale. 4 décès par tuberculose.
C'est à l'observation rigoureuse de la circulaire de juin 1901
que le Dr Girma attribue la faible proportion des décès par tu-
berculose.
21 autopsies ont été pratiquées par le 1),* Girma et le 1)1' Cornu,
médecin adjoint.
BIBLIOGRAPHIE. 87
aux infirmière et infirmières les pansements et les instruments
de chirurgie. » .
Les cours d'abord suivis par un assez grand nombre d'élèves
ont vu leurs auditeurs diminuer dans une assez forte proportion.
L'unique raison, dit le D Girma, fut que l'entendement de ce
monde, d'ailleurs plein de bonne volonté spontanée, mais qu'au-
cune instruction préalable n'a développé, s'est senti fermé au
langage scientifique, quelque simplification qu'on y eût apporté,
de là un découragement rapide et bien compréhensible. On se
lasse vite d'écouter quand on ne comprend rien et la honte de
son ignorance fait prendre la fuite. Ces résultats seraient peu en-
courageants mais j'espère qu'en conviant aux conferences futures,
non seulement les nouveaux venus, mais surtout l'élite des an-
ciens élèves dont l'instruction ne saurait être considérée comme
terminée, nous maintiendrons et développerons même une ins-
titution qui, incontestablement bonne dans son principe, doit
s'améliorer par une organisation mieux comprise. »
Le D1' Girma semble donc confiant dans l'avenir de ses écoles
d'infirmières et nous ne doutons pas que ses efforts et ses peines
ne soient un jour récompensés par la formation d'un groupe d'in-
firmiers éclairés et utilisables qui feront avec juste raison l'hon-
neur de leurs maîtres.
Parlant des nouvelles constructions effectuées, le D' Girma fait
remarquer que dans tous les quartiers de construction récente on
a prévu des chambrettes de nuit pour les infirmiers ; c'est une
nécessité, en effet, qui s'impose pour assurer la sécurité et la tran-
quilité des infirmiers durant leur repos et leur assurer une hy-
giène convenable.
Au sujet de l'application du nouveau règlement portant qu'à
l'avenir l'avancement du personnel infirmier et ouvrier aurait
lieu d'après le mérite et non plus àl'ancienneté, une grève du per-
sonnel éclata le 30 juin. Le service n'a pas souffert de cette grève,
le plus grand nombre des infirmiers ont demandé dès le lende-
main et obtenu la permission de réintégrer leur poste. L'Asile a
été de ce^fait purgé des agents les plus indisciplinés et les plus
paresseux. Le préfet, à l'annonce de cette grève, releva spontané-
ment de 2000 fr. au mois d'août 1906 l'ensemble du crédit des
salaires qui au mois d'av ril 1906 a été augmenté de 4000 fr. Le
der Girma déclare à ce propos :
« je crois qu'on ne recrutera pour la profession d'infirmiers
des candidats instruits et de bonne éducation morale que le jour
où on doublera tout au moins les traitements actuels et où, grâce
à un roulement de service, on permettra à ces agents de fonder
une famille et de disposer fréquemment de leurs nuits. »
La conviction du Dr Girma est celle de tous ceux qui ont cher-
SS Jf N^- .^BIBLIOGRAPHIE. : 1tj w ,io ?
ché à améliorer le sort' et l'éducation des infirmiers. Le temps
fera peut-être' exaucer leurs \ ceux. Bernard P. » ? *"
IV, - Leçons cliniques sur les maladies nerveuses et mentales,
par le professeur Alexandre Stcherbvx, 40 figures, GGt pages,
Varsovie 1901, en russe.
Un volume, grand format, bien édité ; son contenu très bien
choisi et intéressant, traite des différentes questions de la patho-
logie nerveuse et mentale.
Dans la première leçon, l'auteur analyse un cas de paralysie
spinale périodique qui se distingue de tous les cas connus de pa-
ralysie périodique, laquelle d'ailleurs se rencontre fort rarement
avec cette différence que dans ledit cas, pendant les accès de pa-
ralysie, on observait l'exagération du réflexe rotulien au lieu de
l'abolition de ce réflexe, observée ordinairement : outre cela,
l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles, contrairement à
la règle générale était conservée. La question de paralysie pério-
dique, exposée dans toute sa plénitude, représente comme une
monographie entière de cette intéressante forme clinique. ,
L'auteur donne beaucoup de détails surtout pour expliquer la
localisation et la nature éniginatique du processus de la paralysie
périodique. Il expose que les différentes théories qui 'traitent de
la nature de cette maladie ont été insuffisantes et propose alors
d'y substituer l'hypothèse d'amiboïsme. Il faut observer que l'au-
teur n'envisage cette hypothèse que dans le sens des modifica-
tions, des contacts entre les neurones et des momifications de la
direction du courant nerveux. Au moyen de l'hypothèse ci-des-
sus, Stcherback se croit en mesure d'expliquer les différentes for-
mes de paralysie périodique spinale, lesquelles présentent clini-
quement une étrange contradiction entre elles. En général,
l'hypothèse a d'aiiiiboisiiie » qui a aussi sa place dans les trois le-
çons suivantes : « Chorea vulgaris et mécanisme de l'origine des
mouvements choréïques », « nature du processus morbide de l'hys-
térie », et «les états psychopathiques typiques », est tracée par l'au-
teur avec beaucoup de suite. L'application de l'hypothèse d'ami-
boïsme faite plus largement et plus systématiquement que par
tout autre auteur, n'a pas conduit pourtant le professeur Stcher-
bax, à se priver de l'analyse objective : il est loin de se laisser en-
traîner par l'hypothèse donnée, trouvant nécessaire de fixer l'at-
tention du lecteur sur ce que cette hypothèse n'a pas encore
trouvé sa confirmation dans l'anatomie microscopique, de même
que nous manquons complètement de méthodes d'exploration
des contacts entre les neuromes aussi bien dans l'état phy-
siologique que dans l'état pathologique. La manière dont se pro-
duisent les décharges d'énergie nerveuse entre les neurones, reste
BIBLIOGRAPHIE. 89
aussi tout fait inconnue, la méthode de : olgi étant complète-
ment inefficace à faire la lumière sur ce sujet.
La 4''leçon est consacrée aux' états psychopathiques typique ? ,
c'est-à-dire aux syndromes psychopathiques déterminés, qu'on
doit strictement distinguer des formes cliniques, c'est-à-dire des
maladies mentales ; l'auteur est d'avis que l'étude de ces états
typiques, est non moins indispensable pour la psychiatrie que
l'est l'étude de l'inflammation ou de la fièvre pour la pathologie
interne. La classification psychologique de ces états qui est don-
née par l'auteur et qui diffère en quelques points des autres. est
comme suit : Au premier groupe, c'est-à-dire au groupe des états
psychopathiques dépendant de l'affection primaire de tout l'or-
gane phychique in-toto, se rapportent : 1° l'état maniaque ; 2°
l'état mélancolique ; 3° l'état amentif, dans ses formes variées ;
a) simple état amentif (conclusion' mentale], b état amentif hal-
lucinatoire et délirant ; c) état amentif de défense primitif et de
stupeur; dl élit amentif maniaque ; e) état amentif mélancoli-
que ; f) état amentif d'abasourdissement) ; 4° l'état de démence
atrophique ; 5° l'état de dégénérescence psychique ; tic l'état
d'automatisme. Au second groupe caractérisé par les altérations
primitives concernant la sphère d'émotion, se rapporte seulement
une espèce d'état psychopathique ; 7° l'état d'affectivité pathologi-
que. Au troisième groupe se rapportent les altérations primaires
de la sphère intellectuelle ; 8° l'état paranoique ; 9° l'état de
raisonnement pathologique ou l'état d'exclusivisme pathologi-
que.
Enfin, au quatrième groupe, concernant l'altération primaire
de la sphère motrice de la vie psychique se rapporte ; 1 Go l'état
impulsif. La description de chaque état psychopathique est faite
avec une concision, une clarté remarquable et avec une différen-
ciation nette des autres psychopathies.
La leçon suivante analyse les classifications des maladies men-
tales. Entre les classifications les plus usitées en Hussie, c'est-à-
dire les classifications de Krafft-Ebing et de Korsakof, l'auteur
choisitladernièreen y effectuant quelques changements.
Dans la 6e leçon, l'auteur en exposant un cas jHdiciaire-ps¡¡-
chiatrique (tentative de meurtre dans un état d'affectivité patho-
logique) s'arrête sur les défectuosités du procédé judiciaire et lé-
gislatif, nuisibles à l'expertise psychiatrique; quant à la méthode
de diriger l'expertise (levant le tribunal, l'auteur est d'avis que
l'expertise psychiatrique ne doit présenter « rien d'autre qu'une
leçon clinique bien exposée dans les termes les plus simples et les
plus clairs ».
La "e leçon roule sur un cas de psi/chose mixte dégénératif,
ayant pour élément principal l'état d'exclusivisme pathologi-
que. La leçon sert d'exemple évident de l'utilité de la connais-
90 BIBLIOGRAPHIE.
sance des états psychopathiques typiques pour s'orienter parmi les
symptômes de toute maladie mentale.
Ensuite Stchcrhak s'étend longuement sur 5 cas d'affection du
tronc cérébral (dont un cas avec autopsie), servant d'exacte illus-
tration démontrant ainsi l'importance au point de vue du dia-
gnostic et même du pronostic d'établir la localisation atiatoiiii-
que du processus morbide dans tous les cas de lésions, organi-
ques du système nerveux. Ces cas sont si bien choisis qu'ils ou-
vrent en détail devant le lecteur, toute l'anatomie physiologique
du tronc cérébral ; ces cas sont : 1° affection bulbo-spinale glioma-
tcuse ; 2° hèmorrhagie de la partie inférieure de la protubérance ; ,-
3e hèmorrhagie de la partie moyenne de la protubér'anee; 4° ra-
mollissement de la partie supérieure de la protubérance et du pé-
doncule cérébral ; 5° tumeur de l'hémisphère droit du cervelet.
L'auteur donne la place secondaire aux symptômes dits « clas-
siques » des maladies nerveuses. Dans ces conditions, cette partie
de l'ouvrage intitulée par l'auteur « anatomie physiologique du
tronc cérébral étudiée au moyen de l'observation clinique », repré-
sente non seulement les meilleurs matériaux pour l'étude de
l'anatomie microscopique du tronc cérébral pour ainsi dire au su-
jet vivant, mais encore elle sert au névropalhologistequi débute de
meilleure école pour s'initiera l'appréciation purement scientifi-
que des phénomènes cliniques..
Les trois leçons suivantes sont consacrées à l'hystérie ; ce
sont : « Spasme tonique du diaphragme d'origine. hystérique »,
« Paralysie hystérique » (deux cas), et « Pseudo-apoplexie hysté-
rique ».
Ces cas offrent à l'auteur la possibilité de se prononcer d'un
côté au sujet du traitement des troubles hystériques et de l'autre
côté sur l'origine des syndromes hystériques simulant parfois les
affections organiques. Quant à la thérapeutique, l'auteur trouve
indispensable de s'attacher à l'individualité de chaque malade
comme point de départ de l'application du traitement, lequel,
parfois sera, même inolfensif, plus utile que le traitement éner-
gique. Quanta la seconde question sur la simulation par l'hysté-
rie des différentes lésions organiques, l'auteur attribue un rôle
important à la suggestion de la part de l'entourage, et des mé-
decins qui, parfois par leurs questions répétées avec persistance
peuvent créer à leur insu chez un sujet suggestible un syndrome
caractéristique pour telle ou telle maladie, suivantl'idée erronée
qui existait.chez le médecin.
Dans la 12° leçon, l'auteur expose un cas d'inversion sexuelle
chez une femme guérie par l'hypnotisme ; l'auteur développe en
détail la question générale des anomalies sexuelles chez les fem-
mes, explique leur rareté comparative, leurs particularités spé-
ciales, etc. .
VARIA. 91
La 13e leçon « de la maladie de Friedreich et du faisceau céré-
belleux des cordons postérieurs de la moelle », occupant plus de
80 pages, constitue comme une monographie entière de celle
maladie. S'appuyant'sur les données anatomiques, l'auteur fait
connaître son point de vue concernant cette maladie, considérée
comme une lésion systématisée des voies cérébelleuses, ou comme
une lésion combinée systématisée, des voies cérébelleuses et d'au-
tres systèmes, du faisceau pyramidal par exemple ; encasd'alfec-
tion systématisée du cervelet même, il se produit l'ataxie hérédi-
taire cérébelleuse, que l'auteur propose de nommer «forme céré-
belleuse de la maladie de Friedreich. » Il est bien difficile de bien
exposer le contenu de cette leçon dans une courte analyse et elle
mériterait d'être citée en entier.
Dans la 14e leçon, l'auteur traite la question de la polynévrite
infectieuse sensitive, c'est-à-dire l'affection exclusive ou prédomi-
nante des fibres sensitives des nerfs périphériques, due à l'infec-
tion générale. La 15e leçon contient la description d'un cas d'hy-
pe1'trophie de la face combinée avec la sclérodermie.
Enfin dans la 16e leçon, l'auteur analyse 4 cas d'atrophie mus-
culaire progressive qui représentaient une combinaison de la
myopathie progressive avec les différentes autres formes de l'atro-
phie progressive, telles que : atrophie musculaire progressive spi-
nale, poliomyélite chronique progressive, amyotrophie de Charco-
j)Iarie atrophie névritique dans sa forme généralisée.
Selon l'avis de l'auteur, les symptômes » classiques » des dif-
férentes formes de l'atrophie musculaire progressive établis en
vertu des cas purs ne peuvent avoir qu'une signification limitée
en vue des fréquentes combinaisons, néanmoins il est très im-
portant pour Ieltropostic de fixer la forme fondamentale.
Alexandre AQUMAN,
Assistant à la Clinique des Maladies nerveuses
et mentales (Varsovie).
VARIA
FAMILLE FOLLE.
Niort. Une famille entière est devenue folle à Périgni
(Deux-Sèvres) dans une ferme exploitée par la famille Gilbert
Toute cette famille, composée du père, de la mère, d'un garçon
âgé de vingt-huit ans, d'une fille de vingt-trois ans, et d'une
domestique âgée de douze ans, vient d'être prise subitement et
collectivement d'accès de folie furieuse.
Les malheureux on cassé tous les meubles de la maison et tiré
92 VARIA.
des coups de feu sur tous ceux qui ont tenté d'approcher de la
ferme.
Presque nus, couverts de blessures causées par des éclats de
vitres, ils ont enfin été maîtrisés et internés à l'hospice de
Niort.
Un de leurs voisins, qui était en relations avec eux, et qui passe
dans le pays pour un « jeteur de sorts », est soupçonné de n'être
pas étranger à ce cas de folie extraordinaire; on parle de certains
faits dont la famille Gilbert et leur domestique auraient été vic-
times. (VAul'ore, 11 décembre 1906)
Lv surveillance dans les asiles.
Le /f//cAM[t)'tseA-K<'Mro/o<7. Wochensc. menlionne l'assassinat
d'une infirmière par une aliénée à l'asile de Matteawan, à Nez-
York.Ce crime a causé une émotion considérable. Une bohémienne,
Lizziellalliday, internée à l'asile à la suite de nombreux forfaits :
incendie volontaire de sa maison où périt son fils, assassinat de
son mari et de deux femmes, s'était comportée comme une alié-
née tranquille. L'infirmière chargée de sa surveillance, miss Nelly
Wicke, s'était particulièrement occupée d'elle et la démente lui
témoignait une vive reconnaissance et ne voulait pas se séparer
délie. Miss Nelly Wicke se fiança et, à la veille de son mariage,
elle se préparait à quitter l'asile, Lizzie llalliday en conçut un
vif chagrin, elle pleura, suppliant la jeune fiancée de demeurer
à l'asile. Devant le refus de cette dernière, llalliday se précipita
sur elle, l'entraîna dans une chambre dont elle ferma la porte, et
arrachant à la malheureuse jeune fille des ciseaux qui pendaient
à sa ceinture, elle les lui enfonça à plus de cent reprises dans la
nuque et dans la figure. Lorsque le personnel attiré par les cris
de douleur de la jeune fille et les hurlements de la folle, parvint L
à ouvrir la porte,on trouva llalliday souriante auprès du cadavre.
Miss Wicke, rendit le dernier soupir dans les bras de son fiancé
venu pour la chercher. IL p,
LES aliénés en LIBERTÉ.
,i,loi-tsubite.- On écrit de Courcelles, en date du 13 novembre
au Nouvelliste de la Sarthe du 14 novembre. h^ Il 1 novembre, vers
4 h. 1/2 du soir M. Julien Cahoreau, âgé de G8 ans, propriétaire, a
été trouvé couché sans vie dans un fossé sur la route de Mézeray.
M. le docteur Tourrenc, de Malicorne, est venu constater le décès s
qu'il attribue à une débilité sénile.
Une femme écrasée. - Comme nous le racontions dans notre
dernière édition, M. Pottier, commissaire de police du troisième
arrondissement, s'est rendu hier à l'amphithéâtre de l'hôpital, à
'2 heures 112 de l'après-midi, en compagnie d'une dame Cusson,
varia 93
demeurant Chemin- : ieuf-d'Al'l1age, pour confronter cette der-
nière avec le cadavre de la femme trouvée écrasée sur la \oie du
chemin de fer, près du passage à niveau des Sablons. Celait afin
d'établir l'identité de la victime que l'on croyait être la S<1'UI' de
Mme Cusson.
Ls confrontation a donné le résultat qu'onattendait.\Ime Cus-
son, en cIel, a reconnu la morte pour être sa soeur, Dutertrc
Léonline-Angélique, veuve Lemeunier, âgée de 56 ans, née à
'forcé. Elle ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés menta-
les et n'avait pas de domicile fixe.
La victimes était présentée récemment à l'hospice, pour y solli-
citer son admission et la concierge de l'établissement, lorsqu'on
" avait, hier, apporté la défunte, avait reconnu en elle la solliciteuse,
dont elle savait qu'une soeur -lllme Cusson était domiciliée
Chemut-Xeut-d'Arnage. C'est de cette façon qu'on a pu l'identi-
fier. ( \'ouv. de laSarthe 14 nov.)
Suicide. l. Loyau Jacqucs-Ambroise, propriétaire à la Char-
Lre) a été trouvé le 10 courant dans la matinée étendu suraonlit,
ne donnant plus signe dévie. Le cadavre portait un sillon bleuâ-
tre autour du cou, indice de la moi t par strangulation. )1. Loyau
était Lrèsà l'aise et très bien soigné par son fils, mais il ne possé-
dait plus toute sa raison. C'est ce qui explique son s-,lic7d .(iVouv.
de la Sarthe.) ' ' -
Un suicide. Mme vewe Pihan, âgée de 73 ans, qui ne jouis-
rail pas de toutes ses facultés mentales, a misfinà ses jours en se
noyant dans son lavoir. Son intention de se suicider était si bien
arrêtée qu'elle avait disposé des réchauds pour s'axphyxier et,
dans un autre endroit,une corde pour se pendre, mais elle a pré-
féré avoir recours à la rivière (Semeur de l'Oise, 1 ? dl'c.).
Une mort tragique. - Samedi dernier, Mme Quentin, née De-
saint (Alexandrine), 48 ans. atteintedepuis environ 15 ans d'alié-
nation, s'est donnée la mort dans les circonstances suivantes. Son
mari, M. Quenum (Arthur), âgé de 58 ans, ancien receveur des
contributions indirectes. était parti vers 11 heures du matin pour
Clermont.
A son retour par le train de : 1 heures du soir, il trouva son in-
fortunée compagne râlant sur un lit, au milieu d'une mare de
sang. Dans la salle à mangi r il vit une autre mare de sang près
do laquelle était son fusil de chasse.
Il put questionner Mme Quentin et lui demander si cotait elle
qui s'était tuée. Elle répondit : oui. En dépit des soins qui lui fu-
rent prodigués, elle rendit le dernier soupir vers huit hcures du
soir dans d'horrible souffrances.Pendant l'ahsence de son mari,la
malheureuse femme, prise soudain d'un accès de fièvre, avait
décroché le fusil en question et l'avait chargé, adossé la crosse de
01. 1'.\lTS DIVERS.
l'arme contre un canapé eL,s'éLanl placée à l'extrémité du canon,
elle avait fait jouer la détente à l'aide d'une canne. Ayant reçu la
décharge en plein ventre, elle avait eu la force de se coucher sur
le lit distant de six mètres où son mari la trouva mourante.
(Semeur de l'Oise 12 déc. 190G).
ASILES d'aliénés : Concours POUR l'adjuvat.
. En conformité du décret du le, août 1906, le concours pour
l'emploi de médecin-adjoint des asiles publics d'aliénés s'ouvrira
il Paris le lundi 4 mars 1907, et les demandes des candidats, à
ces épreuves seront reçues au Jlinistère de l'Intérieur (1er Bureau
de la Direction de l'Assistance et de l'Hygiène publiques, 7, rue
Cambacérès) du lundi 28 janvier au dimanche 10 février au plus
tard, accompagnées de toutes les pièces énuniérées dans le décret
-précité. té.
Le jury du concours, pour l'emploi de médecin adjoint des asi-
les publics d'aliénés est ainsi constitué : Président : M. Drouineau,
inspecteur général des services administratifs au ministère de
l'intérieur. Membres titulaires : MM. Thoinot, professeur de mé-
decine légale à la Faculté de médecine de Paris, ; Rémond, pro-
fesseur à la Faculté de médecine de Toulouse ; Paris, chargé de
cours à la faculté de médecine de \ancy ; Vallon, médecin en
chef de l'asile clinique (Sainte Anne) ; Girma, directeur médecin
à l'asile public d'aliénés de Pau ; Pichenot, médecin en chef de
l'asile public d'aliénés de Montdevergues ('aucluse)..luge sup-
pléant : Cbocreaux. médecin en chef à l'asile public d'aliénés de
Bailleul (Nord). Le nombre des candidats inscrits pour ce concours
est de 26.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Mouvement de décembre 1906 et janvier
1907. M. le Dr Griche, médecin-adjoint à l'asile de Saint-Ve-
nant (Pas-de-Calais), nommé médecin en cliel à 1 asile de Le) Ille
(Lot) et maintenu dans les cadres des médecins des asiles publics
d'aliénés. M. le ]jr Lépine, médecin-adjoint à Bron (Illiùiie)
promuà la 1 re classe du cadre. M. le Dr Dubourdieu, méde-
cin-adjoint à Saint-Gemmes (Maine-et-Loire) promu à la 2-
classe. - l. le ]jr Tissot, médecin-adjoint a l'asile de Dury
(Somme) promu à la 1 ré classe du cadre.
Etablissement D'UN A SILE D'ALIÉNÉ SA .\1 ONT- DE- .\JAR SAK .
Sur le rapport du président du conseil, par décret du 9 jan-
vier 1907, le département des Landes est autorisé à emprunter
une somme de 1 million de francs, applicable aux frais d'établis-
sement d'un asile d'aliénés à Mont-de-)Iarsan.
faits DIVERS. 95
Asiles PUBLICS d'aliénés DE BAILLÉUL ET AR-11ENTIÈRES. ·
Concours pour la nomination à 4 places d'interne titulaire
en médecine dont trois d Bailleul et une à Armentières et 3 pla-
ces d'interne provisoire dont deux'iL Bailleul et uneà Armentiè-
res. Le lundi 18 mars'1907, à 9 heures précises il sera ouvert à la
Faculté de médecine de Lille un concours public pour la nomi-'
nation des titulaires à ces fonctions.
Asiles PUBLICS d'aliénés DE BAILLEUL ET D'ARbiENTIÈ
RES. - Concours pour la nomination à 4 places d'interne titulaire
en médecine, dont trois à Baxlleul et une à Armentières, et 3 pla-
ces d'interne provisoire dont deux à Bctilleul et une à Armentières.
Le lundi 18 mars 1907, à 9 heures précises, il sera ouvert à la
Faculté de médecine de Lille, un concours public pour la nomi-
nation à quatre places d'interne en médecine et à trois places
d'interne provisoire aux asiles publics d'aliénés de Bailleul et
d'Armentières.
Conditions de l'admission aux concours et formalités à remplir :
Sont admis au concours les étudiants en médecine possédant au
moins dix inscriptions de doctorat, dans une faculté ou une école
de médecine de l'Etat. Les candidats devront, pour être inscrits
au concours, produire les pièces suivantes à la préfecture du
Nord : 1° Expedition.de l'acte de naissance ; 2° Extrait du casier
judiciaire ; 3° Certificat de revaccination datant de moins de trois
années ; 4° Certificat délivré par le doyen de la faculté ou le di-
recteur de l'école dans laquelle le candidat a fait ses études mé-
dicales constatant au moins dix inscriptions ; 5° Certificat de
bonnes vie et moeurs délivré par le maire de la commune ou
autre magistrat qualifié. (Ce certificat devra ne pas avoir plus
d'un mois de date). La liste des candidats sera close cinq jours
avant la date d'ouverture du concours.
Composition du jury du concours. Le jury est composé de
cinq membres, savoir : un docteur en médecine, délégué de-)Ion-
sieur le préfet, président ; deux professeurs de la faculté de mé-
decine proposés par Monsieur le doyen ; un médecin en chef de
l'asile de Bailleul ; un médecin en chef de l'asile<l'trmentivres ;
un juge suppléant pris parmi les médecins de ces deux établis-
sements. -
Les épreuves du concours sont réglées comme suit : 1° Une com-
position écrite, de trois heures, sur un sujet de pathologie médi-
cale ou chirurgicale, à l'exception des sujets de pathologie spé-
ciale. Il sera accordé trente points pour celte épreuve, qui peut
devenir éliminatoire si le nombre des candidats dépasse le triple
des places vacantes ; 2° Une épreuve orale, de quinze minutes
sur un sujet d'anatomie et de physiologie du système nerveux,
après quinze minutes de préparation. Il sera accordé vingt points
96 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
pour cette épreuve ;-3° Une épreuve orale, de cinq minutes, sur
une question, dite de « Garde », après cinq minutes de prépara-
tion. 11 sera accordé quinze points pour cette épreuve. Les can-
didats admis au concours peuvent seul pénétrer dans les locaux
réservés aux épreuves écrites. Le sujet de la composition écrite
est le même pour tous les candidats. Il est tiré au sort entre cinq
questions rédigées et arrêtées par le jury, aussitôt avant l'ouver-
ture de la séance. Pour les épreuves orales, la question sortie est
la même pour tous les candidats, et elle est tirée au sort comme
ci-dessus. Les candidats subissent les épreuves orales suivant un
ordre de tirage au sort effectué à l'ouverture de chaque séance.
Les épreuves orales sont publiques. Le jugement définitif porte
sur l'ensemble des épreuves.
Les fonctions des internes titulaires durent trois années et cel-
les des internes provisoires jusqu'au concours suivant, auquel ils
peuventd'ailleurs se représenter dans les conditions exigées. Les
internes nommés dans l'ordre de classement établi par le jury
entrent en fonctions à la date fixée dans leur arrêté de nomina-
tion. A l'expiration de leurs fonctions, les internesreçus docteurs
en médecine et se destinant à l'adjuvat des asiles, peuvent être
autorisés par décision préfectorale, sur la proposition du direc-
teur, et après avis favorable du chef de service et de la comm's-
sion de surveillance, à l'aire une quatrième année d'internat.
Les traitements alloués à 11J1. les internes sont fixés ainsi qu'il
suit : 1"* année, 800 francs ; 2e année, 90J francs ; : ;0 année, 1000
francs ; tannée, 1200 francs Les avantages en nature sont le
logement, la nourriture, le chauffage et l'éclairage.
Les internes provisoires reçoivent le traitement et les avanta-
ges des internes titulaires dont ils tiennent la place pendant tout
le temps, jour par jour, de leurs fonctions provisoires. Les inter-
nes titulaires et provisoires sont soumis, pendant toute la durée
de leurslonctions, aux règlements présents ou futurs concernant
le service intétieurde l'établissemenl.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Anstregksilo. dlimetism.lmbr·cis c Idrotas. Brochure in-S* de
12 pages Office de typographie de hospicio nncional de alienarlas,
Rio-de-·laneiro.
Monestieh. Rapport médirai el compte moral cL administratif
sur l'asile départemental des aliénés il Yzeure. Brochure de 42 pa-
ges. Fudez, rue du Vert-Galant, à Moulins
Sano (René). La neuronophagie, in-8° cle I"r, pages. En vente
chez Ilaycz, imprimeur, rue de Louvain, 112, il Bruxelles.
Le ri·dacteui-gérant : Boowev·n.t.e.
Clernioiit (Oise). - Imprimerie O.J1X Irères et 1'Inrun.
Vol. I. Février 1907. Ne 2
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
LEGISLATION
La revision de la loi du 30 juin 1838.
Examen critique de la nouvelle loi sur le régime des aliénés;
l'AR le D' V. BOUIIDIN '
Médecin en chef de l'Asile du Mans (SarLhe).
Pour leurs étrennes, en l'an de grâce 1907, les méde-
cins aliénistes français ont eu une surprise : la revision de
la loi du 30 juin 1838, tant de fois annoncée, tant de fois
inscrite à l'ordre du jour de la Chambre des Députés,
mais sans cesse ajournée, se trouvait inscrite tout en tête
des travaux de l'Assemblée, et sa discussion était annon-
cée comme certaine par tous les journaux politiques.
Cette discussion a eu lieu en effet ; elle a occupé quatre
séances de la Chambre,celles des lundi 14, jeudi 17,lundi
21 et mardi 22 janvier. Le rapporteur de la Commission
nommée par la Chambre pour examiner le projet était
M. Fernand Dubief, député de Saône-et-Loire, ancien
ministre, et ancien directeur administratif de l'Asile de
Marseille. M. Mirman, directeur de l'Assistance et de
l'hygiène publiques, était Commissaire du gouverne-
ment. L'urgence a été déclarée, et la discussion a immé-
diatement commencé.
- Je ne crois pouvoir mieux faire, pour apprécier les pro-
positions qui ont été successivement présentées et adop-
tées, que de suivre l'ordre même de la délibération : dis-
cussion générale d'abord, puis passage aux différents ar-
ticles.Bien qu'amené nécessairement à faire de larges ci-
tations, je supposerai connu le texte exact de la loi, que
d'ailleurs les lecteurs trouveront plus loin, dans le n6 de
mars.
rln : utvt : 8, 3^ ? ria, 1907, I. I. 7
US LEGISLATION.
A. - Discussion générale.
La discussion générale a occupé presque toute la séance
du 14 janvier. On y a entendu, outre le rapporteur, MM.
Joseph Reinach, auteur lui-même d'un ancien projet de
révision (1890), Cruppi, président de la Commission, Le-
fort, Simonet, Th. Reinach, Victor Fort, etc. M. ulirman,
commissaire du gouvernement, a présenté de très ju-
dicieuses observations. Cette intéressante discussion est
à rapprocher de celle qui eut lieu en 1886, au Sénat,quand
fut examiné le projet de M. Théophile Roussel, qui avait
précédé celui de M. J Reinach. Le projet Roussel, adopté
par le Sénat en mars 1887, fut transmis à la Chambre des
Députés qui nomma une Commission : M. Bourneville
déposa un rapport au nom de cette commission, mais ce
rapport ne fut jamais discuté. (On trouvera la relation
complète des débats de la Haute Assemblée (novembre
1886) dans les Archives de neurologie de 1887-88-89.)
Il est hors de conteste qu'à l'heure actuelle, à la suite
de quelques prétendues séquestrations arbitraires au-
tour desquelles la presse politique a fait grand bruit, un
courant d'cpinion s'était dessiné en faveur d'une promp-
te revision de la loi de 1838, et il semble que c'est le souci
d'éviter à l'avenir tout internement illégitime qui a dé-
ter miné la discussion du projet Dubief.
Nos lecteurs savent que ce projet date de 1902. Depuis
1862, il est question de refaire la loi de 1838, mais je crois
inutile de passer en revue tous les projets qui ont été suc-
cessivement présentés aux Chambres, et qui n'ont plus
qu'un intérêt historique : je préfère entrer dès mainte-
nant dans le vif de la question.
On connaît l'économie générale de la loi Dubief ; le
rapporteur en a retracé, avec une éloquence souvent ap-
plaudie, les grandes lignes devant ses collègues, qui ont
rendu un légitime hommage à sa ténacité et à son cons-
ciencieux labeur. Les principaux griefs adressés par le
rapporteur à la loi de 1838 sont les suivants : 10 Elle ne rè-
gle pas suffisamment les conditions de fonctionnement
des Asiles, de façon à en faire de véritables hôpitaux de
traitement ; 2° Elle n'a pas pris toutes les précautions
désirables pour sauvegarder les intérêts et les biens des
LA RÉVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1S3S. 99
aliénés ; 3° Elle n'offre pas de garantie suffisante à la
liberté individuelle.
Ce dernier est le grand reproche, celui de tous les'jour-
nalistes qui ont attaqué la loi de 1838,celui que l'opinion
publique, égarée par des critiques acerbes, croit le mieux
fondé. Nous nous permettrons de n'être aucunement de
cet avis, et si les médecins aliénistes étaient les premiers
à réclamer la revision de l'ancienne loi, qui ne s'adaptait
plus suffisamment aux exigences de la psychiatrie mo-
derne, ils ont tous rendu justice à cette belle loi, que la
pratique seule permet d'apprécier à sa réelle valeur.
M. Bourneville, lors de la discussion du projet Roussel
au Sénat, invitait, on reproduisant les débats dans ce
journal, les médecins des asiles à lui adreaser des lettres
commentant ou critiquant cette discussion. J'ai pensé
que cette invitation subsistait pour la, discussion de la
loi Dubief en 1907, et c'est ce qui m'a décidé à entre-
prendre ce travail critique, que je remercie vivement ici
M. Bourneville de vouloir bien insérer dans les Archives.
Plusieurs- des dispositions principales de la nouvelle
loi ont été résumées dans la discussion générale : je les
examinerai plus fructueusement avec les divers articles
qui s'y rapportent. Je ne veux m'occuper ici que du
grand principe qui a présidé à l'élaboration de la loi, du
grand moyen trouvé pour éviter les séquestrations ar-
bitraires, la substitution de l'autorité judiciaire à l'au-
torité administrative dans le placement dit volontaire
d'un aliéné.
L'internement ne sera tout d'abord que provisoire : on
exigera, non plus un simple certificat, mais un rapport dé-
taillé, établi par un médecin qui ne pourra être celui de
l'établissement vers lequel doit être dirigé le malade ;
puis, les certificats de vingt-quatre heures et de quinzaine
délivrés comme actuellement par le médecin traitant.
Toutes ces pièces seront communiquées au Tribunal ci-
vil du lieu, qui rendra alors, s'il y a lieu, un jugement
d'internement définitif. S'il a des doutes, on s'il y a op-
position, même de la part du malade, il pourra refuser
l'internement ou ordonner une expertise contradictoire.
On croit ainsi éviter à l'avenir les séquestrations arbi-
traires. Mais, tout d'abord, je demanderai : qu'est-co
[(Il() LÉGISLATION.
qu'une séquestration arbitraire ? La loi ne le dit pas. J'i-
magine cependant que c'est l'internement dans un asile
d'un individu qui n'est pas aliéné. Or, la loi de 1838 con-
tient une étrange lacune, qui subsiste dans celle de 1907 : v
il n'y a pas de définition de l'aliéné ! Serait-ce que cette
définition est jugée superflue ? En ce cas, il faudrait
avouer notre infériorité, nous autres médecins spécialis-
tes, qui ne tombons pas toujours d'accord sur le sens à
donner à ce mot. Fou et aliéné sont-ils deux termes sy-
nonymes ? Le public dit oui; la plupart d'entre nous ré-
pondent non : le mot aliéné est généralement considéré
comme ayant une plus large extension que le mot fou,
qui ne s'applique qu'aux psychoses, aux délires propre-
ment dits. Le débile, l'arriéré, l'idiot, le dément sénile,
sont-ils des aliénés ? Si le législateur, acceptant l'opi-
nion des médecins, opte pour l'affirmative, on ne voit
plus bien ce que peuvent être les séquestrations préten-
dues arbitraires. La plupart du temps, en effet, elles ont
pour objet des déments, des simples d'esprit que les
voisins, voire même les tribunaux, ne jugent pas assez
malades pour être enfermés, mais que leurs proches,
mieux en état de constater leurs méfaits, cherchent à
faire admettre dans un établissement où ils seront au
moins hospitalisés. Il est très vrai qu'ils se délivreront
ainsi d'une gêne continue et se débarrasseront d'un pa-
rent devenu encombrant : mais qui peut, en conscience,
le leur reprocher, s'il est vrai que tout aliéné peut à un
moment de sa vie devenir dangereux à l'égard d'autrui ?
Et de tels internements ne sont en rien contraires à la
lettre et à l'esprit de la loi de 1838.
Cependant puisque l'on nous parle sans cesse de sé-
questrations illégitimes, il faut bien admettre qu'il s'en
est produit quelques-unes. Mais à moins que le médecin
certificateur et le médecin de l'établissement ne soient de
connivence avec la famille, l'interné a toute liberté de
protester auprès de l'autorité judiciaire et administrative
contre sa séquestration et cela dès le premier jour de son
entrée. Déplus, la loi de 1838 accordait à l'individu placé
dans une maison de santé un supplément de garantie : la
contre-visite dans les trois jours. Etant donné la gravité
des peines encourues, il faut bien admettre que,même au
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838.
cas où il se serait trompé, le médecin a dû être de bonne
foi. Ce qui signifie qu'il a constaté au moins un symptôme
d'aliénation. Dès lors, qui peut dire que la séquestration
est arbitraire ' ? Dira-t-on qu'un seul symptôme est in-
suffisant, qu'il en fallait au moins 2, ou 3 ? Ces chiffres
n'auraient aucun sens, et en réalité, si le malade n'était
encore que peu atteint, il aurait tort de se plaindre d'a-
voir été soigné avant que son affection se soit aggravée.
Ce qui nous effraye précisément dans la nouvelle loi,ce
sont les obstacles apportés à l'internement. Il est à crain-
dre qu'ils n'aient d'autre effet que de rendre celui-ci, si-
non impossible parfois, du moins toujours plus tardif.
Or la folie, on ne saurait trop le répéter, n'a chance d'être
curable qu'à condition d'être traitée de bonne heure, le
plus près possible de son éclosion. Et que l'on n'objecte
pas que le placement provisoire sera facile : les familles
sauront que dans la quinzaine, interviendra un juge-
ment du tribunal, et elles reculeront trop souvent
devant les responsabilités encourues, devant aussi les
représailles 'possibles du malade. J'ai prononcé le mot
de jugement. Les tribunaux en effet ne rendaient jus-
qu'ici que des jugements et ne seront peut-être qu'à demi
satisfaits du rôle administratif qu'on veut leur faire jouer.
Et puis, un jugement amenant un internement définitif
ne sera-t-il pas regardé par le public comme une condam-
nation, et n'est-ce pas une nouvelle peine que la loi ins-
titue ? Il n'y a pas que les familles qui seront au cou-
rant des formalités légales : bien des malades en seront
également instruits et au besoinnousmédecins nous nous
ferions un devoir de les renseigner sur leurs droits.Dès lors,
ne pourra-t-il se faire que pendant quinze jours, un mois
et même plus, un aliéné très dangereux ne dissimule son
délire, ses hallucinations pour obtenir sa sortie ? La cli-
nique ne se charge que trop de répondre.
Il est un grand fait qui nous semble dominer tout le dé-
bat : c'est la question de responsabilité.Le Préfet est au-
jourd'hui considéré par la jurisprudence comme respon-
sable des placements, même volontaires : il peut tou-
jours provoquer la sortie immédiate (art. 16 de la loi de
38) et s'il ne le fait pas, c'est qu'il fait sien l'avis du méde-
cin traitant. S'il agissait contrairement à cet avis, ce se-
1M LÉGISLATION.
rait donc sous sa responsabilité directe : et les Préfets en
ont aujourd'hui tellement conscience qu'ils se rangent
toujours à l'opinion du médecin. C'est là le principal
avantage de la loi de 1838; le médecin est laissé seul juge
de la nécessité de l'internement.
Remarquez que l'autorité judiciaire n'était nullement
désarmée : l'art. 29 de la loi de 1838 lui donnait la pos-
sibilité de faire sortir sans justification, après ou sans ex-
pertise, tel ou tel malade séquestré ; et le fait s'est en
effet produit quelquefois. 11 est à craindre qu'avec la
nouvelle loi, ces dissentiments entre magistrats et mé-
decins ne soient fréquents, car l'opinion de l'expert ne
lie pas le juge. Et le danger vient encore de ce qu'un tri-
bunal n'est en rien responsable de ses jugements.
On commet, à mon avis, une erreur quand on prétend
justifier l'intervention de l'autorité judiciaire dans le
placement des aliénés, par cette considération qu'a la
magistrature seule.appartient le droit de disposer de la
liberté d'un citoyen. Il ne s'agit pas de priver l'aliéné de
sa liberté : il s'agit de le soigner et de lui concéder, au con-
traire, le maximum de liberté compatible avec son état.
Nos asiles modernes ne sont plus des « renfermeries» ; les
malades sortent, vont à la promenade, partent en congé.
A l'asile du Mans,on les conduit plusieurs fois par an aux
théâtres forains, dans les jardins publics, aux environs
même de la ville en tramways. Il me semble, puisque
l'on veut tant assimiler l'asile à un hôpital, que dans les
hôpitaux la liberté n'est guère plus grande, et si l'on
empêche l'aliéné de sortir de l'asile dès qu'il le réclame,
c'est parce que sa maladie ne nuit pas seulement à lui-
même, mais à autrui.
Enfin, je prétends que si l'on tient absolument à faire
intervenir la magistrature dans le placement des aliénés,
ce devrait être exclusivement dans les cas de placements
d'office. Les enquêtes policières nécessitées par ceux-ci
seraient mieux conduites par l'autorité judiciaire que par
l'autorité administrative. Du reste, pour les placements
volontaires, la justice a toute facilité de s'enquérir lors-
qu'elle le désire, puisqu'elle est avisée par les préfectures
(lès qu'une admission de ce genre s'est produite.
Le cauchemar, la phobie des séquestrations arbitraires
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. ion
disparaîtront-ils sous le régime de la loi Dubief ? Ce se-
rait trop présumer, et je pense que l'auteur même de la
loi ne se fait pas trop d'illusions sur ce point. En tous cas,
même si l'on tient pour capitale la considération de la
liberté individuelle à protéger, il faut admettre qu'elle
n'est pas unique ; l'aliéné étant élevé à la dignité de mala-
de a droit aux soins, même si l'autorité judiciaire con-
teste son affection psychique. Et puisqu'il est reconnu
que les séquestrations arbitraires n'ont été que l'infime
exception, si même il s'en est jamais produit, est-il bien
logique de se baser sur l'exception pour légiférer. ?
Je n'aurais pas osé insister autant sur les dangers et
inconvénients de l'intervention judiciaire, si j'avais eu
le sentiment d'être à peu près seul de mon avis. Mais, il
n'en est rien : un de nos confrères de Paris, le Dr Tou-
louse, avait, en 1903, consulté tous les médecins d'asiles
sur cette question si controversée : sur 36 réponses, 18
sont franchement hostiles à la réforme ; 13 sont entière-
ment favorables, et 5 font des réserves. (Revue de psy-
chiatrie, 1904). je suis donc en bonne compagnie .11
semble que le législateur eût pu tenir compte de cette
consultation et des critiques diverses formulées à cette
occasion par mes confrères. Elles sont toutes le fruit de
l'expérience, et la bonne foi et la sincérité de leurs auteurs
ne sauraient faire doute. Elles méritent donc d'être prises
en sérieuse considération. ?
B. Discussion DES articles. - - ?
Après la discussion générale, la Chambre décida de
passer à la discussion des articles. Le texte primitif fut
très peu modifié,et en définitive les débats furent assez
courts, puisqu'ils ne prirent que 4 séances, alors que la
discussion au Sénat en 1886, avait exigé deux délibéra-
tions et absorbé 17 séances. -
Le titre Ier de la loi Dubief consacre une dénomination
nouvelle : les établissements destinés au traitement des
maladies mentales ne s'appelleront plus « asiles » mais
hôpitaux. Il paraît que l'avantage est réel, et il était pro z
clamé depuis longtemps par nombre de mes confrères ;
j'avoue qu'il m'échappe. Le terme asile me plaisait ; ne
signifie-L-il pas refuge ? C'était bien un refuge, en effet,
101 î LÉGISLATION.
pour l'infortuné privé de sa raison, un refuge contre l'in-
différence, parfois la haine des voisins et des parents, un
abri où l'aliéné trouvait aide et protection contre les mé-
faits de la destinée, où cet infirme se retirait, n'étant plus
apte à la lutte dans le rude combat de la vie. Le mot d'hô-
pital ne modifiera d'ailleurs en rien les soins que l'aliéné
recevait déjà, et si l'on désirait absolument changer quel-
que chose, c'était non le mot « asile mais l'idée qui s'y at-
tache dans le public, la méfiance injustifiée qu'il éveille
et qui tient uniquement à la répulsion qu'évoque l'épi-
thètedefous. Le nouvel hôpital restera l'hôpital des fous,
et l'horreur qu'il inspire au public risque de n'être aucu-
nement diminuée. Mais les mots ne sont rien en eux-mê-
mes : voyons donc ce qui se cache sous les articles de la
nouvelle loi .
Le titre 1er est divisé en 2 sections : la première, com-
prenant 9 articles, est intitulée : « Des établissements
destinés au traitement des maladies mentales et à la
garde des aliénés ; des aliénés traités à domicile. »
L'article ter est ainsi conçu : « L'assistance et les soins
nécessaires aux aliénés sont obligatoires. » L'expé-
rience est là pour démontrer que, dans une loi,on ne sau-'
rait être trop sévère dans le choix des termes, de façon à
éviter autant que possible toute ambiguité d'interpré-
tation. Or je trouve l'article Ier bien peu explicite : « obli-
gatoires » pour qui ? sans doute les articles suivants
éclairciront le texte, mais ne serait-il pas préférable d'é-
tablir d'emblée une rédaction précise ? J'ai déjà parlé
de l'intérêt qu'il y a à définir le terme légal d'aliéné ; la
nécessité de cette définition avait été entrevue par le Sé-
nat qui, on ne sait pourquoi, s'était borné à définir le but
des établissements spéciaux : ce n'est pas tout de déclarer
que l'asile ne recevra que des aliénés, il faut savoir ce que
la loi entend par aliéné. L'article Ier ne pourrait-il être
rédigé ainsi : « Est considéré comme aliéné : 1 tout in-
dividu atteint d'un arrêt de développement de ses fa-
cultés intellectuelles ; 2° tout individu présentant une
perturbation passagère ou durable de ces facultés, cons-
tituant un délire susceptible de s'accompagner d'une
abolition partielle de l'intelligence ou d'amener ultérieu-
rement la disparition totale de celle-ci. » Rentrent
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838.. 105
dans la première catégorie : les débiles, les-arriérés, les
idiots et les crétins, enfants ou adultes ; dans la seconde,
les fous proprement dits et les déments séniles. Tout
aliéné est un malade qui a droit au traitement et aux
soins dans un établissement approprié à son état mor-
bide. »
Puisqu'on tient tant, et avec raison, à proclamer après
Pinel que l'aliéné est un malade,il ne serait peut-être pas
inutile de l'inscrire expressément dans la loi.
L'article 2 organise des asiles spéciaux pour alcooli-
ques, épileptiques, idiots et crétins. Le progrès ici est
réel,et il n'y a qu'à se féliciter de voir aboutir les efforts
si persévérants du rédacteur en chef de ce journal, M. le
Dr Bourneville, qui avait déj à présenté dans ses rapports de
1889 et 1890 un éloquent plaidoyer en faveur des enfants
arriérés. Toutefois, si pour <"-es derniers,des asiles-écoles et
des écoles spéciales s'imposent, je ne vois pas la nécessité
d'asiles distincts pour les buveurs, les épileptiques, les
idiots complets. Des quartiers annexés aux asiles seraient
suffisants. Outre la- dépense considérable que la construc-
tion de tant d'asiles spéciaux entraînera, je vois un autre
inconvénient. Les médecins chargés de ces services, déjà
spécialisés, se spécialiseront plus étroitement encore : ce
seront des spécialistes parmi d'autres spécialistes, et z
lorsqu'ils éprouveront le désir de changer de service, ce
qui arrivera quelquefois je suppose, ils pourraient se
trouver assez mal préparés à leurs nouvelles fonctions.
Si mes idées prévalaient, l'article 2 pourrait subsister,
sauf les mots : « dans l'attente d'asiles spéciaux. »
Quant aux colonies familiales, elles sont loin d'avoir
fait leurs preuves comme moyen de traitement. Mais ce
qui n'est pas démontré aujourd'hui peut l'être demain, et
du moment que ces colonies sont simplement autorisées,
non rendues obligatoires pour chaque département, je
n'ai aucune objection à formuler.
Enfin, l'art. 2 admet la possibilité de l'assistance à do-
micile. Assistance semble indiquer qu'il ne s'agit pas
d'un mode de traitement, qui en effet serait des plus dé-
fectueux. Nous savons tous que la première condition,
pour la curabilité d'une affection mentale, est que l'a-
liéné soit enlevé au milieu où se maladie a pris naissance.
100 LÉGISLATION.
L'assistance à domicile ne semble donc, d'après les ter-
mes de la loi, ne pouvoir s'appliquer qu'à des chroniques
inoffensifs : encore serait-il désirable, à mon avis, qu'ils
aient fait un séjour plus ou moins prolongé à l'asile, où le
médecin apprécierait leur état avant de les confier soit à
.leur propre famille, soit à une famille étrangère. Il ne se-
rait peut-être pas inutile non plus qu'ils soient visités de
temps à autre par un médecin, qu'ils restent enfin sou-
mis à une certaine surveillance. A mon sens, tout ce
qui, dans la loi nouvelle, est relatif au placement à domi-
cile, devrait être revisé pour plus de précision dans les
termes.
L'art. 3 tend à astreindre à l'autorisation préalable
toute maison de santé, même ne recevant pas d'aliénés en
principe ; cet article a été très discuté, réservé d'abord,
puis adopté avec une légère modification présentée par
\1. Mirman. Désormais toute maison dite de santé, des-
tinée à recevoir ou non des aliénés, sera obligatoirement
soumise à l'autorisation. Je ne puis, en ce qui me con-
cerne, que donner mon approbation complète à cette dis-
position. Nous savons tous trop bien combien d'aliénés
sont secrètement admis dans de prétendues maisons d'hy-
drothérapie, d'électrothérapie, massothérapie, etc., et
- les chefs de maisons de santé sérieuses, où l'on fait vrai-
ment du traitement, seront les premiers, je n'en doute
pas, à se féliciter de la décision de la Chambre.
Toutefois, j'estime que là encore l'absence d'une défi-
nition de la « maison de santé » est regrettable ; un texte
très net avait été proposé au Sénat lors de la discussion
de la loi Roussel : « Est qualifiée maison de santé toute
maison où se trouvent traités un ou plusieurs aliénés . »
Ce texte aura l'avantage de soumettre à la surveillance
les maisons où l'on fera de « l'assistance à domicile », et
étant donné les dangers de celle-ci (extorsion de signatu-
res, soins insuffisants, etc.), une telle précaution n'est
peut-être pas superflue.
L'art. 4 oblige chaque département à avoir son asile
dans un délai de dix ans. C'est le texte adopté au Sénat ;
il n'y a qu'à approuver, tout en trouvant le délai un peu
long.
L'art. 5, très important, maintient la Commission de
LA REVISION DE H LOI DU 30 JUIN f13$. 107
surveillance. Elle en prévoit même plusieurs dans certains
départements, sans doute en prévision de plusieurs asi-
les. Cette commission comprendra : 2 conseillers géné-
raux, 2 membres choisis par le Préfet, dont un docteur
en médecine, le curateur dont il sera parlé plus loin, et un
juge. Pourquoi ce juge ? Je Fignoie.La Commission en
effet n'a pas à s'occuper des placements, ainsi que cela
avait été très bien établi au Sénat : elle n'a qu'un rôle ad-
ministratif, et en ce qui concerne'1'administration provi-
soire des biens des aliénés, dont elle reste chargée, un
notaire ou un avocat eût, semble-t-il, bien mieux fait
l'affaire qu'un juge du tribunal.
Les attributions de la Commission de surveillance sont
bien mal indiquées dans le texte de la loi ; il faut espérer
qu'elles seront parfaitement délimitées par le règlement
d'administration publique qui nous est promis. Il est
dit, en effet,que la Commission a une triple attribution :
1° elle remplit les fonctions de « Conseil de famille » à
l'égard des aliénés non interdits. Que peut bien être cette
fonction nouvelle ? Nous connaissons les conseils de fa-
mille réunis par les soins des juges de paix et comprenant
divers parents de l'aliéné.Ces conseils sont fréquemment
consultés actuellement au grand avantage des malades :
ne le seront-ils plus désormais ? Ce serait de tout point
regrettable, et certaines dispositions de la loi, dans les
articles suivants, tendent à démontrer que mon inter-
prétation est erronée. Alors, de quoi s'agit-il ? Si ce
n'est que de l'administration provisoire des biens, pour-
quoi ne pas le dire expressément ? <
2" La Commission exercera sur les asiles publics une
surveillance administrative et financière. 3° Elle con-
trôlera les asiles privés.La seconde de ces fonctions est
d'un vague effrayant. C'est qu'en effet, à l'article 6, il
est dit que le directeur est responsable ; c'est même la
seule fois que le mot responsable est employé. Il faut donc
en conclure que la Commission n'a aucune responsabilité;
dès lors, quelle sera la nature des rapports entre la Com-
mission et le directeur ? Donnera-t-elle simplement « des
avis » sur les propositions qui lui sont soumises par le di-
recteur ? Et le directeur sera-t-il tenu, sous sa responsa-
bilité directe et personnelle, de suivre à la lettre un avis
108 LÉGISLATION.
de la Commission contraire au sien ? Enfin, la Commis-
sion aura-t-elle le droit d'initiative, quoique n'ayant au-
cune responsabilité ?
On a trop parlé à la Chambre des multiples conflits qui
existent dans les asiles, le Gouvernement et nos représen-
tants ont montré un trop réel souci de les éviter à l'ave-
nir, pour que j'hésite à poser ici toutes ces questions, que
le législateur de 1838 avait si fâcheusement oublié de so-
lutionner.
L'article 6, très important encore, est relatif à la direc-
tion des asiles et maisons de santé. Pour les asiles, la di-
rection appartiendrait au médecin en chef responsable.
Je me suis déjà expliqué sur ce mot responsable appliqué'
uniquement au directeur : mais il convient d'insister sur
le principe de la direction purement médicale des asiles
que M. Dubief a vigoureusement défendu. J'ai été per-
sonnellement très heureux de constater l'hommage élo-
quent rendu par le rapporteur aux efforts et au zèle
éclairé des médecins d'asile ; mais il faut avoir le courage
de l'avouer : contrairement à l'opinion d'Esquirol, tout
n'est pas médical dans le fonctionnement d'un asile, et
si l'on veut bien ne pas se laisser égarer par le mirage des
mots, on conviendra que la surveillance des cultures ma-
raîchères, les démarches auprès des fournisseurs, et les
mille détails futiles qui risquent d'accaparer la plus gran-
de partie du temps du médecin, n'ont rien à proprement
parler de médical. Aussi devons-nous savoir gré, ce me
semble, à M. Mirman d'avoir réussi à faire accepter par la
Commission un texte qui permettra au ministère, pour
certains grands asiles et ceux de la région de Paris en
particulier, de placer un administrateur à côté du méde-
cin. Il est entendu que les fonctions de l'un et de l'autre
seront étroitement délimitées par le Règlement du servi-
ce intérieur.
La question des médecins-adjoints me paraît avoir
été supérieurement traitée par M. Lefort, qui est mem-
bre de la Commission de surveillance de l'asile de Qua-
tremaies (Seine-Inférieure). - La nouvelle loi supprime
tout simplement les médecins-adjoints et les remplace
par des médecins traitants. S'il n'y avait que change-
. ment de qualificatif, le mal ne serait pas grand ; nos jeu-
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 109
nes confrères, nous le savons bien, n'aiment guère ce mot
d'adjoints, qui emporte à leurs yeux une certaine subor-
dination. Cependant, jusqu'ici, je crois qu'ils avaient
toujours été traités par leurs chefs comme des confrères,
des collaborateurs et nullement des subordonnés. Ils
pouvaient en apportant à leurs aînés un concours'effectif,
sans souci de la lettre du fameux règlement de 1857, un
peu trop laconique à leur égard ; en témoignant pour les
idées de leurs chefs le respect dû à l'expérience ; en se
souvenant qu'en médecine mentale la pratique seule
compte, les expressions nosologiques variant avec les épo-
ques ; ils pouvaient, dis-je, s'assurer dans les asiles une
situation facile et agréable, parce qu'exempte du lourd
souci des responsabilités. Peut-être, et il n'en faut accu-
ser que leur jeunesse, n'ont-ils pas toujours bien compris
la situation, et si certains d'entre eux ont pu éprouver
quelque déconvenue, je crois qu'à la réflexion, et le temps
aidant, ils reconnaîtront qu'ils ne peuvent vraiment s'en
prendre qu'à eux-mêmes.
D'ailleurs, le ministère, plein de mansuétude et de
bienveillance à l'égàrd des médecins-adjoints, leur avait
déjà donné satisfaction par une circulaire récente, qui
enjoignait de leur confier le service des chroniques. La
circulaire n'avait oublié qu'une chose, de nous dire ce
qu'il fallait entendre administrativement par chroniques.
En réalité, cette circulaire devançait les temps, car une
séparation des aigus et des chroniques, dans l'état ac-
tuel de nos asiles, est impossible.
Avec la nouvelle loi, les médecins-adjoints seront
d'emblée médecins traitants et chargés d'un service dis-
tinct. Jusqu'ici, lorsqu'on réclamait, dans les Congrès,
une réduction du stage des médecins-adjoints, véritable-
ment en effet trop prolongé, l'Inspecteur général, repré-
sentant de l'Administration centrale, ne manquait ja-
mais de faire observer qu'il y aurait un réel inconvénient
à diminuer par trop la durée de ce stage : trois ans était
un minimum jugé insuffisant. Aujourd'hui on a changé
tout cela, et on n'exigera plus aucun stage : c'est le pro-
grès 1
La Chambre a pourtant reconnu que la médecine men-
tale exige des connaissances spéciales, longues à acquérir.
t 1() LÉGISLATION.' --
En vérité, ce ne sont pas tant des connaissances théori-
ques qu'il faut au psychiâtre, c'est l'expérience, qui ne
s'acquiert qu'avec le temps et une fréquentation pro-
longée des malades. A côté du traitement proprement
dit, malheureusement trop souvent illusoire, il y a l'ob-
servation de l'aliéné, lequel est suivi dans ses actes, ses
propos, ses écrits, dans tous les menus faits de la vie or-
dinaire non seulement par le médecin, mais par tous les
collaborateurs de celui-ci, internes en médecine, infir-
miers, surveillants-chefs. Le médecin est renseigné par le
rapport journalier des faits et gestes actuels de l'aliéné,
et par sa famille il est mis au courant de ses antécédents
héréditaires et de sa vie passée. Aussi peut-il trancher en
connaissance de cause une foule de questions et rendre
indirectement au malade une série de services dont celui-
ci ne peut même se douter. En conseillant par exemple une
séparation qui s'impose, un changement de résidence,l'a-
bandon d'une profession, le médecin pourra arriver à
faire sortir de l'asile un malade qui, incomplètement
guéri, eût infailliblement rechuté sans ces précautions.
C'est parce que la pratique de la médecine mentale
exige le contact continu du médecin et du malade que je
m'élève contre la disposition de l'art. 6 qui autorise les
médecins traitants à résider hors des asiles et à faire de la
clientèle. Comment dès lors jugeront-ils de l'améliora-
tion souvent très relative d'un malade, comment pour-
ront-ils être en garde contre des apparences fallacieuses
et apprécier à sa juste valeur telle ou telle réaction de l'a-
liéné dans une circonstance donnée ? L'avantage des asi-
les actuels est de permettre au médecin d'observer à la
fois les curables et les chroniques, de les comparer entre
eux, et au risque de sembler émettre une idée paradoxale,
je prétends qu'il y a plus à apprendre au contact des
chroniques que des curables. Les aigus, en effet, sont
sous le coup d'accidents somatiques, d'états confusion-
nels qui masquent le délire futur qu'il présentera, si la
guérison ne survient pas. Au contraire, chez le chronique,
ces signes qui masquaient le délire ont disparu, et celui-ci
s'organise, se systématise, apparaît dans toute sa pureté.
C'est alors que le médecin est vraiment en présence d'un
aliéné, d'un individu ayant perdu la raison.
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 111
M. Lefort a fait justement observer que le médecin
traitant, faisant de la médecine générale,ne sera plus spé-
cialiste. Ce n'est que trop certain, et l'on peut même dire
que ce ne seront-pas les médecins d'asile qui feront de
la clientèle au dehors, ce seront les médecins du dehors
qui feront passagèrement de la médecine mentale. Il suf-
fira à d'anciens internes des hôpitaux d'étudier un peu
plus les maladies du cerveau, de s'astreindre au besoin
à un court internat dans un asile pour passer le concours
de l'adjuvat, et on recherchera les asiles, au début de la
carrière comme aujourd'hui l'on recherche les sociétés'de
secours mutuels ou les enfants assistés. Ce sera un ap-
point auquel renoncera vite le médecin si sa situation
vient à s'améliorer. Et vraiment, avec des services de 200
à 250 malades, dont les 4 /5 sont incurables, la visite dans
l'asile ne lui prendra pas trop de son temps. Il aura du
reste raison de ne pas s'attarder à son service psychiatri-
que, s'il veut pouvoir lutter à armes égales avec ses con-
frères de la^ville. Une autie objection très grave est celle-
ci : il y aura trop de disproportion, d'inégalité entre les
divers postes. Le' médecin traitant d'un asile situé dana
une grande ville aura trop d'avantages sur celui qui sera
appelé à exercer dans un établissement public placé
dans quelque petite commune loin du chef-lieu.
D'ailleurs ce système de médecins traitants, libres
d'exercer la médecine au dehors, a existé et existe sans
doute encore dans divers quartiers d'hospices consacrés
aux aliénés : on sait fort bien, au ministère, les résultats
qu'il a donnés, et les maires, présidents des Commissions
administratives de ces hospices, ont eux-mêmes dénon-
cé maintes fois la situation et réclamé un spécialiste.
I Au surplus, personne d'entre nous ne demandait à
exercer la médecine civile ; nous n'y sommes point pré-
parés, et il serait injuste actuellement de réduire nos
émoluments en argent ou en nature sous prétexte qu'il
nous est loisible de faire de la clientèle. Nous n'ambition-
nons que la faculté, que la loi devrait nous accorder en
termes exprès, de donner des consultations sur les cas de
notre ressort et de pratiquer les expertises judiciaires.
Il est une dernière disposition de l'article 6 que je ne
puis laisser sous silence dans cet examen critique : c'est
112 LÉGISLATION.
le paragraphe qui organise en commission les médecins
d'un asile, lorsqu'il y aura au moins 3 médecins traitants.
Encore une Commission ! le besoin ne s'en fait guère
sentir, car quel sera b rôle de celle-ci ? Il est dit qu'elle
aura un avis consultatif sur toutes les questions d'ordre
médical. Questions d'ordre médical est bien vague, et avis
consultatif signifie qu'on pourra dans tous les cas négliger
de le lui demander ou passer outre. D'ailleurs, même au
sein de la Commission médicale, suppose-t-on que des di-
vergences d'opinions ne se produiront pas ? Il a été dit,
lors de la discussion de la loi à la Chambre, que, lorsque
les médecins sont logés tous à l'asile, des difficultés sur-
gissent souvent de cette trop constante promiscuité de
diverses familles. C'est possible, en effet, mais alors pour-
quoi supposer que les médecins seuls s'entendront nécessai-
rement ? Veut-on prétendre que les discussions sont
provoquées par leurs dames ? Ce serait d'une galanterie
douteuse. En réalité, il est, non pas à croire, mais, j'ose
le dire, à souhaiter que l'entente entre médecins ne se
fasse pas. Car j'estime que, si l'on désire que la médecine
mentale réalise de plus rapides progrès, on doit laisser à
chaque médecin la liberté de traiter ses malades comme
bon lui semble : le temps jugera les diverses méthodes.
Or si l'un des médecins de l'asile demande à la Com-
mission de surveillance d'organi : er l'alitement dans son
service, les autres médecins, consultés en ce cas, je sup-
pose, devront-ils se ranger aux idées de leur collègue ?
Ou ils seront en désaccord d'opinions sur ce point pure-
ment technique, et le confrère devra-t-il renoncer à son
projet ? ou bien,même étant d'avis opposé, ils émettront
devant la Commission de surveillance un avis favorable,
et celle-ci ne manquera pas de s'étonner s'ils jugent l'ali-
tement si efficace, qu'ils ne l'organisent pas eux-mêmes
dsns leurs propres services. '
A propos de l'article 7, nous devons protester vigou-
reusement contre l'idée d'un concours sur titres pour la
nomination des médecins-traitants. De quels titres s'a-
gira-t-il ? Pas de titres purement médicaux sans doute,
car si l'on trouve que certains médecins peuvent faire de
médiocres administrateurs, ce n'est pas lorsqu'il sera dé-
montré que l'un d'eux a consacré sa vie à confectionner
- -- LA REVISION DE LA LOI DU 30 JLIN 1838. 113
des articles de revues ou des rapports de congrès qu'il de-
vra être déclaré spécialement apte pour l'administration.
D'ailleurs, cette disposition delà loi ne devrait pas avoir
d'effet rétroactif,- car lorsque les médecins actuellement
en fonction ont été nommés, après le concours de l'adju-
vat, il a été entendu, par décrets ministériels, qu'ils pour-
raient être nommés médecins en chef ou médecins-direc-
teurs dans tous les asiles de France. M. Mirman a déclaré,
au cours de la discussion, que le directeur serait le plus
ancien des médecins traitants dans chaque asile : à la
bonne heure, et ce titre n'est-il pas suffisant ? ' ?
Le même art. 7 spécifie que les nominations d'agents
et infirmiers sont faites par le directeur : mais la Com-
mission de surveillance doit-elle donner son avis ? Mes
confrères savent que la question n'est pas oiseuse. Es
pérons que le règlement d'administration publique nous
fixera nettement sur ce point.
Les articles 8 et 9 sont relatifs à la maintenue d'un
aliéné dans un domicile privé. J'ai déjà dit dans quel
sens ces articles, gagneraient à être remaniés.
Section II. Surveillance des aliénés.
L'article 10 (ancien article 11 du texte primitif) est re-
latif aux autorités ayant droit de visite dans les établis-
sements d'aliénés. L'art. 11 réorganise le corps des inspec-
teurs généraux, qui seront nommés au concours. Ces
articles, ainsi que l'art. 12, n'appellent aucun commen-
taire particulier, si ce n'est qu'ils multiplient beaucoup
certaines formalités administratives dont nous espérions
tous la simplification.
Titre II. Des placements faits dans les établisse-
ments d'aliénés.
Le titre II de la loi comprend 5 sections. La première
a pour objet : Les placements faits sur la demande des
particuliers. - La distinction entre placements volon-
taires et placements d'office est donc maintenue. J'avoue
que j'aurais préféré, et je sais que plusieurs confrères
partagent mon opinion, l'unification des placements : il
paraît peu démocratique, en un temps où ce mot est si
souvent employé, que les parents d'un aliéné riche puis-
ARCHIVES, 3' série, ]907, t. L. 8
1 £ f . z LÉGISLATION. -,
sent disposer à leur gré de leur malade, soit pour le faire
admettre, soit pour le faire sortir. L'observation m'en a
été souvent présentée par les familles pauvres qui vien-
nent solliciter la sortie d'un parent qui leur semble guéri :
si l'on payait pour lui, disent-elles, vous ne pourriez pas
me la refuser. Et c'est exact. A exiger que tous les pla-
cements soient d'office, ordonnés par l'autorité préfec-
torale il y aurait un autre gros avantage : c'est qu'ils ras-
sureraient l'opinion publique dans presque, peut-être
même dans tous les cas, parce qu'ils seraient nécessaire-
ment précédés d'une- enquête qui pourrait fort bien être
confiée à la justice. '
Quoi qu'il en soit, voyons quelles formalités exige la
nouvelle loi pour les placements volontaires. Elles sont
plutôt, compliquées ? jugez-en. Il faudra : 1° une de-
mande d'admission,, ce qui est logique, mais cettje de-
mande devra être visée par le maire, le juge de paix ou le
commissaire. de police. Pourquoi ? Il est difficile de s'en
rendre compte, puisqu'il est entendu que-l'autorité judi-
ciaire sera informée de tout placement de ce genre. Il y a
un inconvénient du reste à ce mode de procéder : c'est
que le secret d'une famille sera dévoilé et souvent mis à
la merci d'un employé de bureau. 2° Un rapport mé-
dical, datant. de moins de huit jours, et circonstancié ; il
indiquera la date de la dernière visite faite au malade, la-
quelle aura dû être notifiée au juge de paix ou au maire,
les symptômes et les faits observés journellement par le
médecin signataire et constituant la preuve de la folie,
ainsi que les motifs d'où résulte la nécessité de faire trai-
ter le malade dans un établissement d'aliénés et de l'v
tenir enfermé. Ce rapport ne pourra être admis s'il est
l'oeuvre d'un médecin attaché à l'établissement. 3°
Enfin, l'acte de naissance ou de mariage du malade.
Et encore le placement ne sera-t-il que provisoire. Ce
n'est qu'après un délai minimum de quinze jours que le
tribunal civil pourra, sur le vu des certificats de vingt-
quatre : heures, et de quinzaine délivrés par le médecin de
l'asile ou de la maison de santé, transformer, par un uge-
ment rendu en chambre du conseil, le placement provi-
soire en un placement définitif.
U va de soi que les objections ne manquent pas contre
LA REVISION DE LA LOf DU 30 JUIN 1838. 145
un pareil' enchevêtrement dé complications. Les plus
graves sont, relatives au rapport médical ; et d'abord
pourquoi ce mot rapport ? Le médecin n'a pas coutume
de délivrer des rapports aux particuliers ; certaines au-
torités ontseuldroitderequérirunrapport. Un certificat
sur papier timbré, puisqu'il doit être produit en justice,
suffirait parfaitement ; et ce certificat pourrait contenir
toutes les indications que l'on demande au rapport. Par-
mi ces indications,on est surpris de voir que la dernière
visite du médecin, dont la date devra être portée au cer-
tificat, aura été notifiée au maire ou au juge de paix r n'y
a-t-il pas là une violation du secret professionnel ? Puis,
quels sont les faits observés par le médecin lui-même et
qui seront la preuve de la folie ? Le médecin constate
bien des symptômes plus ou moins probants, car il n'y a
pas de preuves de la folie, mais il n'est généralement pas
témoin des faits et actes du malade, et s'en rapporte
pour cela à l'entourage.
Le grand danger de ces obstacles apportés à l'admis-
sion des aliénés a été dénoncé maintes fois déjà ; c'est
que le placement sera différé, au grand préjudice du ma-
lade, et lorsque la' folie sera devenue patente, indiscuta-
ble, elle aura cessé d'être curable.
Je m'étonne aussi que le législateur de 1907 ait main-
tenu l'erreur de celui de 1838. Ils déclarent l'un et l'autre
que le médecin attaché à l'établissement ne peut délivrer
le rapport d'admission. Pourquoi cet ostracisme ? Le
médecin d'un asile public est-il suspect d'avoir un inté-
rêt quelconque à l'admission ? Ce ne peut être un intérêt
pécuniaire à coup sûr; mais si on' le tient pour suspect,
comment expliquer qu'on va, dès le lendemain de l'en-
trée du malade, lui demander son avis, et quinze jours
après, le lui redemander ? Peut-être eût-il mieux. valu
solliciter cet avis la veille de l'admission, non., le lende-
main, car s'il est hostile au placement, on eût évité au
malade le désagrément de l'entrée à l'asile. En tous cas,
si l'on tient à ce que le certificat primitif soit établi par un
médecin du dehors, nous demandons que le médecin de
l'asile puisse être appelé en consultation et au besoin ap-
poser sa signature à côté de celle du confrère. Mais
voyez combien le médecin de- l'asile sera peu favorisé :
116 ? 1 législation.
on lui- permet de faire la clientèle, mais lorsqu'une fa-
mille, se fiant à sa compétence, viendra le consulter pour
un .aliéné et lui demander un certificat d'admission, il
sera obligé de la renvoyer à un confrère. Les familles n'y
comprendront rien, ni nous non plus.
Il est aisé de démontrer que le jugement du tribunal
rendant le placement définitif n'a aucun avantage, mais
beaucoup d'inconvénients. Que l'autorité judiciaire fasse
une enquête sur les circonstances qui ont déterminé le
placement d'un aliéné, rien de mieux ; qu'elle reçoive
copie des certificats délivrés à l'asile, passe encore, mal-
gré le surcroît d'écritures imposé à l'administration de
l'établissement ; mais pourquoi sanctionner son opinion
par un jugement ? Si le magistrat ne se croit pas suffi-
samment informé, qu'il fasse une contre-enquête ; s'il
n'accepte pas l'avis du médecin traitant, qu'il ordonne
une contre-expertise, et s'il est ensuite persuadé que la
séquestration est justifiée, qu'il laisse.les choses en l'état,
comme cela se pratique actuellement ; un jugement ne
s'explique que dans le cas où le tribunal croit devoir or-
donner d'office la sortie.
Les inconvénients de ce jugement sont multiples : le
malade se croira condamné, et même s'il vient à sortir, il
restera stigmatisé du nom de fou, aux yeux de tous ses
parents, amis ou voisins. J'ai vu mourir en quatre ou
cinq jours un paralytique général peu avancé, après la
réception d'un papier d'huissier l'informant qu'une ins-
tance en interdiction était introduite contre lui ; un au-
tre, un malheureux débile, atteint soudain d'une confu-
sion mentale grave, prélude d'une méningite qui l'em-
porta quelque temps après, par le seul fait de son pas-
sage devant un tribunal qui l'acquitta ! L'émotion d'un
jugement peut donc avoir un retentissement imprévu
sur un cerveau malade, et nous avons le devoir, nous
médecins, de le proclamer.
Enfin, si le tribunal ne se range pas à l'avis du méde-
cin traitant, et le fait se produira plus souvent qu'on ne
pense, le malade, car il restera tel, sera-t-il mis dans l'im-
possibilité de se faire soigner, et la famille devra-t-elle
encourir les risques d'un accès de fureur subit ? Les fous
confirmés sontpeu dangereux, parce qu'on s'en méfie ;
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN L838. 117
ce sont les aliénés au début, les individus sur les « fron-
tières de la folie », à responsabilité discutable, qui sont le
plus à redouter, et les faits divers des journaux sont là
pour montrer que tel aliéné, devenu criminel, avait jus-
que-là paru inoffensif.
L'art. 14, devenu l'art. 13, appellerait encore bien d'au-
tres réflexions, mais je ne puis insister davantage, et ar-
rive à l'art. 15, qui donne au maire le droit de faire con-
duire de force par la police le malade récalcitrant. M. de
Villebois-Mareuil, s'inspirant manifestement de la prati-
que, a réussi à faire accepter un amendement permet-
tant aux maires de demander que le transfèrement soit
opéré par le personnel de l'asile. C'est une mesure sage,
qui en fait est fréquemment employée aujourd'hui. Mais
il semble cependant qu'il y a ici une confusion dans la loi.
Il est question de placements volontaires ; si le maire in-
tervient, c'est un placement d'office, et cependant il n'y
a encore aucun jugement de fendu par le tribunal. Jus-
qu'ici le soin d'amener le malade à l'asile revenait à la
famille seule ; dans certains cas, on envoyait bien des
gardiens, voire même des internes, mais c'était aux frais
de la famille et par pure condescendance. Désormais, le
maire exercera-t-il un droit de réquisition non seulement
sur les gens de sa commune, mais encore sur le personnel
des asiles d'aliénés ? C'est franchement inadmissible et
l'article 15 ne doit s'appliquer qu'aux placements d'office'.
Encore devrait-il être établi que l'aliéné sera mis à la
disposition du personnel de l'asile dans un local convena-
ble, à l'hôpital par exemple, de façon que les infirmiers ne
courent aucun danger.
L'art. 16 autorise les placements demandés par les ma-
lades eux-mêmes, les auto-placements. Les, malades de
cette catégorie devront être en état de payer directe-
ment leur pension.
L'art. 17 parle des placements à l'étranger, l'art. 18
n'intéresse pas le médecin, mais multiplie fâcheusement
les paperasseries. Enfin l'art. 19 est celui qui institue le
jugement rendant définitif le placement. Je me suis étendu
suffisamment sur ce point pour n'avoir pas à y revenir
ici.
L'art. 20 règle la situation de l'aliéné transféré d'un
1 t8 '' LÉGISLATION.
établissement dans un autre. L'art. 21 maintient les
registres de la loi, qui font perdre un temps si précieux
aux médecins, sans aucune utilité pour personne. Nous
demandons la suppression du 3e paragraphe, astreignant
le médecin à consigner les changements survenus dans
l'état du malade. Une modification temporaire dans la
situation mentale de l'aliéné n'intéresse que le médecin,
et lorsqu'il y a guérison, le praticien réclame la sortie par
un certificat spécial, sans que le malade ait à attendre
qu'une autorité quelconque ait jeté les yeux précisément
sur le folio 6 le concernant et où serait mentionnée sa
guérison (art. 22).
L'article 23,relatif aux sorties des malades volontaires,
reproduit les dispositions de la loi de 1838, mais sans plus
de clarté. L'énumération des personnes ayant droit de
faire sortir un malade volontaire a-t-elle une valeur hié-
rarchique en quelque sorte, c'est à dire l'avis du conjoint
passe-t'il avant celui des parents, et ce dernier l'emporte-
t-il, en cas de conflit, sur l'avis de la personne qui a de-
mandé le placement ? On n'a jamais bien su ce que ve-
nait faire ici le conseil de famille ; pour ma part, je ne
l'ai jamais vu consulter, et lorsqu'un malade est amé-
lioré ot que quelqu'un réclame sa sortie, s'il n'y a point
de parent, on ne faisait nulle difficulté de lui confier le
malade : le cas est très rare du reste, car il suppose le
décès de la personne qui a sollicité l'admission,
Seulement, si tant de monde peut requérir la sortie
même avant guérison, je me demande à quoi rime le ju-
gement du tribunal.Colui-ci, après s'être longuement ren-
seigné, ordonne le placement définitif, et lo lendemain,
un parent quelconque peut se présenter à l'asile et retirer
le malade 1
Je sais bien qu'un paragraphe de cet art. 23, calqué sur
un semblable de la loi de 1838, donne au médecin trai-
tant le pouvoir de s'opposer à la sortie et d'en référer au
préfet et au procureur. Mais nos législateurs auraient
tort de croire que nous faisons un usage courant de ce
droit ; je connais des médecins qui ont parcouru toute
leur carrière sans jamais y avoir recours. Pour mon comp-
te, je l'ai invoque bien rarement, deux ou trois fois peut'
être, et toujours en me basant, non sur mon opinion
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. Il9
personnelle mais sur des faits, à savoir les actes commis
par le malade soit au dehors ? soit à l'Asile même.
L'art. 24 autorise le préfet à ordonner là sortie sur avis
conforme du médecin traitant. Cette disposition a-t-elle
trait aux malades simplement améliorés ? Ce serait parfait
mais il ne semble pas, d'après le texte, que le médecin ait
l'initiative de la demande de sortie, ce qui est regrettable.
De plus, il y a une étrange restriction : la personne qui a
signé la demande d'admission peut faire opposition !
C'est, à mes yeux, une simple monstruosité : car si le tri-
bunal donne raison à l'opposant, jamais le malade ne
pourra sortir, et il sera complètement au pouvoir de la
personne qui l'aura fait interner. Vous entendez bien que,
mis en demeure, sous menace, de dire s'il garantit la gué-
rison, le médecin s'y refusera absolument : on ne peut pas
certifier de façon absolue la guérison d'un aliéné. Si l'on
tient à éviter les séquestrations illégales, il est indispensa-
ble de supprimer ce paragraphe. L'article du reste devrait
être modifié dans son entier. L'art. 25 est de pure forme.
SECTION II. - Des placements ordonnés par l'autorité
publique ou placements d'office.
Les dispositions de la loi de 1838 en matière de place-
ments d'office sont maintenues à peu près textuellement,
et complétées sur certains points. C'est le Préfet, comme
actuellement qui ordonne les placements d'office ; il de-
vra exiger un certificat médical aussi circonstancié que le
rapport pour placements volontaires, ce qui démontre
bien que j'avais raison de dire que le mot certificat suffi-
sait.
Un reproche que j'adresserai au nouveau texte, com-
me d'ailleurs;à celui delaloidel838,est de ne pas préciser
suffisamment quelles catégories d'aliénés devront être
placés d'office : s'agit-il des aliénés réputés dangereux,
ou bien de tout aliéné indigent, qu'il soit ou non jugé
dangereux ? A la vérité, tout aliéné est ou peut devenir
dangereux ; c'est pour cela que nous désirons l'interne-
ment de tout aliéné, quel qu'il soit ; mais jusqu'ici les
maires ne demandaient, et les préfets n'accordaient bien
souvent le placement d'office que si l'aliéné avait com-
mis quelque acte nocif. Cette pratique est éminemment
120 LÉGISLATION.
fâcheuse, tant pour le malade que pour la société ; c'est la
raison qui nous porte à demander un texte à la fois plus
bref et plus expressif. - L'art.26 déclare que devra être
placé d'office : «tout aliéné qui, laissé en liberté, compro-
mettrait la sécurité, la décence ou la tranquillité publi-
ques, sa propre sûreté ou sa guérison ». Je suis de ceux
qui pensent qu'un aliéné en liberté compromet toujours
sa guérison, lorsque celle-ci est encore possible. C'est
pourquoi je demande que tout aliéné, indigent ou non,
soit traité quelque temps à l'asile ou à la maison de santé,
et qu'on laisse au médecin traitant le soin de désigner, s'il
désespère ultérieurement de la guérison du malade, quel
mode d'assistance pourra lui être appliqué (colonie fami-
liale, traitement à domicile, etc.). Il y aurait évidemment
plus d'admissions,mais aussi plus de sorties et plus de gué-
risons ; et peut-être le public, se rendant compte que l'asi-
le n'est plus^un lieu duquel on doit perdre toute espérance
de sortir, dès qu'on en a franchi le seuil, modifierait-il
bien vite son sentiment sur les établissements d'aliénés.
Les art. 27 et 28 ne soulèvent aucune critique. Au
sujet de l'article 29, relatif au séjour que doivent faire les
aliénés dans les hôpitaux avant leur transfert à l'Asile,
M. Cazeneuve, qui est médecin, a rappelé que parfois des
malades atteints de délires symptomatiques avaient été
indûment placés dans un asile d'aliénés. Cette question
des délires symptomatiques avait déjà bien des fois été
traitée dans nos Congrès, et l'on était généralement d'ac-
cord pour déplorer le fait. J'avoue ne pas voir le mal. Je
suppose en effet que le médecin aliéniste, en même temps
qu'il posait le diagnostic exact, a soigné le malade en
conséquence, l'a guéri souvent : dès lors de quoi se plain-
drait ce dernier ? n'a-t-il pas été mis dans « l'hôpital des
maladies nerveuses », n'a-t-il pas reçu le traitement qui
convenait à son état ? A moins que l'on ne veuille ad-
mettre qu'il y a je ne sais quoi d'infamant à avoir sé-
journé dans un asile d'aliénés ! 1 , ,
L'art. 30 et l'art. 31 maintiennent, le premier, les certi-
ficats immédiats et de quinzaine pour les placements
d'office, le second les rapports semestriels déjà existants,
pure paperasserie dont nous espérions tous la suppres-
sion. .. - - .. -' 0 ? .
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DÉMENCES. 131
L'art. 23, autorisant la transformation en certains cas
du placement volontaire en placement d'office, me sem-
ble faire double emploi avec'les derniers paragraphes de
l'art. 22. -'
Enfin les art. 33 et 34, qui terminent la section, sont de
pure forme (A suivre.)
CLINIQUE MENTALE
Les fugues dans les psychoses et les démences ;
Pnr le D·Maurice DLCOS1'1 ?
Suite (1).
Les fugues de la folie intermittente (folie circulaire,
folie maniaque- dépressive, etc.) n'existent, à ma con-
naissance, que dans les phases maniaques de la psychose.
L'observationII se rapporte à un cas de folie maniaque
non délirante. La fugue ales caractères suivants : cons-
ciente et voulue par le malade (bien que sans motif), elle
reste parfaitement amnésique et bien coordonnée : elle
s'accompagne d'agitation psychomotrice, de tendances
et d'excès érotiques et alcooliques ; la brusque cessation
de la fugue et le retour du malade à son domicile mon-
trent bien l'influence de ces rémissions soudaines, par-
ibis très courtes, fréquences au cours des accès mania-
ques. Ces caractères, joints à l'ensemble symptomatique
habituel de la manie, permettent facilement derapporter
ces fugues à leur véritable cause.
Commc le malade de l'observation II dans ses premiè-
eres années, il y a, semble-t-il, beaucoup d'intermittents
qui vivent en dehors des asiles parce que leurs réactions s
ne les meLtcntpas en conflit violent avec la société, mais
à qui leur psychose, encore fruste, fait commettre une
foule d'actes considérés généralement comme dus à la
« déséquilibration, l'originalité, la dégénérescence ».
Ces malades pour lesquels l'internement ne s'impose
guère que vers la période d'involution pré-sénile, pré-
(1) Voir Archives de Neurologie, n° 1, janvier 1901, page 38. )
122 CLINIQUE MENTALE.
sentent des accès légers de manie dans lesquels ils com-
mettent volontiers des fugues plus ou moins caractéri-
sées. Un de nos amis qui est certainement un de ces cir-
culaires frustes, a fait pendant cinq années consécutives,
toujours au printemps, et pour des motifs dont l'insi-
gnifiance était patente, des fugues rappelant celles du
malade précédent. Voici une autre observation de fu-
gues chez un maniaque non délirant :
Observation III. X., ingénieur civil. actuellement âgé de 53
ans, entre une première fois à la maison de santé (le
au mois de septembre 1903, y demeure deux mois, y est interne
pour la seconde fois au mois d'août, 11JO6. Diagnostics antérieurs :
« Excitation maniaque, manie aigué ». Père et mère morts de
vieillesse, sans troubles mentaux ; un frère et une soeur sont
morts poitrinaires ; sept autres livres et. soeurs sont morts de ma-
ladies indéterminées.
Marié, le malade a eu deux enfants : un fils et une tille bien
portants. Il a eu quelques crises de colique hépatique ; a été con-
damné, dans sa jeunesse, comme tuberculeux. Son intelligence
est au-dessus de la moyenne.
Il a passé toute sa le par des périodes d'affaissement parfois
très marquées et poussées jusqu'à l'inertie à peu près complète ;
et des périodes d'excitation plus ou moins violente. lia été interné
une première fois, pour accès maniaque, de mai à juin 189 ? : il
avait alors 39 ans.
De 1892 à 1903, il a pu rester en liberté, mais a été, ces trois
dernières années, interné six fois.. Il s'est évadé, à deux reprises,
de maisons de santé particulières. Il a généralement deux accès
maniaques-dépressifs par an. L'accès maniaque dure six semaines, *
environ; l'accès mélancolique huit semaines ; il demeure ensuite
normal pendant plusieurs mois. A chaque accès maniaque «il
vivrait de Champagne » (il est sobre à son ordinaire), commet
des excès sexuels, jette son argent par les fenêtres, et s'échappe
de chez lui pour venir à Paris mener une v ie désordonnée. ¡o.
Dans sa dernière fugue (juin l ! IOG), il a fui brusquement le do-
micile conjugal, et est \enu à Paris où il a dépensé son argent
dans les cafés et s'est fait arrêter un matin à 4 heures pour scan-
dale sur les boulevards. Il donne de ces fugues des explications
spécieuses. z< N'est-il pas libre N'est-on pas en République ? »
etc.), mais son accès terminé, il i-egi-elle sa conduite et l'attribue
franchement à son dérangement cérébral.
Les observations II et III se rapportent à des mania-
ques non délirants ; les observations IV et Y à deux cas
de manie délirante.
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LLS DÉMENCLS. 123
Observation IV. X. représentant de commerce, actuellement
âgé de 40 ans (1903). Mère, 70 ans, hien portante- A eu des crises
de nerfs alors qu'elle était enceinte de noire malade (éclamp-
sie' ? ) Père, sans tare nerveuse ou mentale, mort à 51 ans de
pneumonie. Un frère alcoolique (' ! ) ou tout, au moins « ne sup-
portant pas la boisson », marié : un enfant de 3 ans, atteint de
tumeur blanche du genou. Une soeur bien portante, mariée : "
trois enfants, bien portants : l'un d'eux a eu, à 6 ans, une ménin-
gite ( ? ) qui a guéri.
X. s'est marié à 32 ans, en 1895. 11 n'a pas eu d'enfants. Sa
femme a fait une fausse couche à six semaines. En 1894 « accès
de lièvre chaude à la suite de déceptions » ; le malade s'est jeté
par la fenêtre. Pas d'autres renseignements. Depuis cette épo-
que, il a régulièrement deux accès maniaques chaque année.
Chaque accès dure un mois à six semaines et est suivi d'un accès
de dépression mélancolique d'une durée un peu moindre. A cha-
que accès maniaque le malade fait des fugues. '
De 189G à 1903, il a été interné cinq lois à l'occasion de fugues
particulièrement extravagantes, mais il en à fait un nombre
beaucoup plus considérable. En 1895, huit jours après son maria-
ge, il a eu un accès de délire, a\ec agitation, qui a duré peu de
temps et à la suite duquel il est resté un mois très affaissé.
L'aimée suivante, il est interné pour la première fois (asile du
Mans), à la suite d'tlno fugue d'Angers à Paris. Hélait très exalté
depuis quelques jours, disait qu'on lui faisait des avanies dans
son administration, Il partit brusquement; adressa de Paris une
dépêche à sa femme : « Vais voir le ministre ». Quelques jours
après on le trouva errant dans les environs du .Mans avec une
blessure grave à la tête. Il avait complètement perdu le souvenir
des jours précédents (amnésie traumatique) ; à l'asile, où il resta
si\ semaines, la mémoire lui revint peu à peu.
Les autres fugues sont calquées sur la précédente : il a des
cauchemars, puis s'agite, ne dort plus, cherche querelle à sa
femme, a du délire de paroles et d'actes, de l'excitation génitale,
arrête les femmes dans la rue, ameute les passants en criant :
« qu'il a couché avec elles et )1asé une bonne nuit », etc., puis
part brusquement plus ou moins loin ; parfois il déménage sim-
plement d'un quartier à un autre. Il est ramené chez lui, les
W Lemenlson désordre, les souliers usés, sans chapeau, conscient
du chemin qu'il a parcouru, indiquant le but qu'il s'était fixé :
voir un de ses parents, aller déjeuner dans un restaurant de
banlieue, etc. La crise passée, il recouvre le sommeil, dort même
chaque nuit longtemps et profondément, est apathique, déprimé,
triste.
Pendant ses crises d'excitation, il a de la diarrhée, des sueurs
froides aux deux mains « lesjambes glacées jusqu'aux genoux o
124
CLINIQUE MENTALE.
la tête congestionnée, les yeux brillants ; il mange très peu et
maigrit beaucoup. '
Observation V. X., ingénieur, actuellement (le 33 ans.
Grand'père mort dans un asile d'aliénés à l'âge de 80 ans.
Une soeur mélancolique.
Le malade a eu de 16 mois à 7 ans, quatre ou cinq crises con-
sulaires qui débutaient par des vomissements et qui s'accompa-
gnaient de cri, écume à la bouche et miction. Depuis, cinq ou
six fois, des vertiges de quelques secondes, de 18 à 20 ans notam-
ment. 11 se som iei1l qu'étant à Lourdes, ilaeu pendant quelques
minutes « une espèce de nirvana )' marchant automatiquement,
mais sans aucune pensée. 11 présente de nombreux « stigmates
de dégénérescence ».
Il est entré à 18 ans à l'Ecole Polytechnique, en est sorti deux
ans après très fatigué, « très neurasthénique». Il devint rapi-
dement sombre, déprimé, sans pouvoir donner de raisons de ce
changement d'humeur. Après un an passé à l'école de Fontaine-
bleau, il donne sa démission pour se livrer à l'industrie, fait des
voyages d'études à l'étranger ; pris du désir d'entrer dans les or-
dres, il est admis en 1898 au Grand-Séminaire, mais en sort
au bout de quatre mois pour raisons de santé : est chargé d'une
mission industrielle aux Antilles, la remplit exactement, mais
revient en France plus malade ; est très déprimé, mélancolique,
inactif, se plaint d'une fatigue perpétuelle : entre temps fait des
excentricités multiples, reste un an sans sortir de chez lui.
Placé en novembre 1900 dans une maison de santé dont le
médecin traitant porte le diagnostic de « neurasthénie psychi-
que '. Périodes de stupeur. Sorti cinq mois après son en-
trée, il reste à Paris dans une maison de famille pendant six
mois environ ; il y commet une foule de désordres, 'vagabonde
la nuit au hasard, est tantôt taquin, querelleur, agité, tantôt dé-
primé, triste. Il a des perles séminales. Traitement « reconsti-
tuant ».
Finalement est placé à la maison de Ville-Evrard, en juillet
1901. Etat maniaque. Violences. Délire incohérent. 11 se calme
rapidement, a nettement conscience de son état mental, présente
à nouveau un accès maniaque, se dit anarchiste, accuse le cuisi-
nier de mettre du poison dans les aliments, a quelques idées de
persécution. Sort onze mois après son. entrée, un peu énervé.
Voyage et reste à la campagne pendant six mois. Revenu chez
lui, il se livre à des violences et menaces diverses, est interné
dans un asile de province dont il s'évade au bout de deux mois ,
reste quelque temps chez lui, où on peut le garder « en usant de
heaucoup de patience. »
En mars il il part brusquement de chez lui, parcourt à pied
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DÉMENCES. 125
une cinquantaine de kilomètres, arrive chez un de ses parents,
les vêtements déchirés et boueux, après avoir laissé à l'orée d'un
hois sa montre, ses clefs, son épingle de cravate et même son
dentier. 11 repart quatre jours après, et retourne, toujours à pied,
chez ses parents, où il arrive nu ; dans son voyage, en effet, il
s'est disputé avec la femme d'un éclusier, s'est jeté à l'eau et a
laissé ses vêtements sur la rive « les trouvant trop lourds », dit-
il. A lasuite de cette fugue, il est interné pour la seconde fois à
Ville-Evrard (mars 1905). Il est, dès son entrée, déprimé, avec
quelques raptus, état qui persiste jusqu'en juillet 190u, où le ma-
lade entl dans une phase d'agitation maniaque.
Voici l'observation d'un débile circulaire qui a fait de
nombreuses fugues dans ses périodes de manie.
Observation 'I. X., 17 ans. entre à la maison de santé de
Ville-Evrard, le 4 juillet 1906, avec le diagnostic de « dégénéres-
cense mentale », etc. La mère a eu une méningite avant la nais-
sance du malade. L'arrière grand-père maternel a été atteint d'é-
pilepsie tardive. Un oncle maternelaélé épileptique jusqu'à l'âge
de 24 ans ; est actuellement guéri. Une tante etun arrière grand-
père sont morts de méningite. Un frère est interné à Ville-Evrard
(noire observation VU). Le grand-père est un savant distingué, le
pure occupe une haute situation dans l'armée. La lamille est riche
en intellecluels névropathes.
Le malade est un type de circulaire : il a des périodes de dé-
pression d'une dizaine de jours environ, où il reste dans le mu-
tisme et la stupeur, devient gâteux. Les périodes d'excitation sui-
vent sans transition, durent de à à 4 mois : état maniaque avec
langage caractéristique, actes délictueux de toutes sortes, fu-
gues, insomnie, tendances à déchirer et à briser tout ce qui lui
tombe sous la main, violences : quelques jour» avant son entrée
iL Ville-Evrard, a assommé à demi son concierge « dont la tête
ne lui revenait pas. » Dans, les intervalles où il est « normal »,
sa débilité mentale est évidente. Il est très en retard pour ses
éludes qu'on a du lui faire cesser d'ailleurs; n'a aucune connais-
sance exacte sur quoi que ce soit A la Maison de santé de Ville-
Evrard, nous avons pu examiner le malade dans ses trois phases :
maniaque, mélancolique et normale.
Fugues : 1" Il y a un an environ, il sort de chez lui le malin
vers 8 heures, se promène dans Paris pendant quelques heures,
arrive la gare de l'Est, va au bureau des renseignements, se fait
indiquer le train pour Melz, monte dans un wagon, sans billet
et sans argent, arrive a Metz d'où il est rapatrié par les soins de
sa famille.
2° Quelque temps après, il part de Paris à 2 hem es de l'après-
126 CLINIQUE MENTALE
midi, se rend à la gare Saint-Lazare, pénètre sur le quai du dé-
part, attend que le contrôle des billets du train pour le Havre
soit terminé, -monte dans un compartiment, toujours sans billet
et sans argent, arrive au Havre où il va loger chez une cou-
sine.
30 Celle-ci lui donne un billet pour Paris et met le malade
dans un wagon, en le recommandant au chef de train. Arrive à
Rouen, il s'échappe, jette son billet,prend le train pour Dieppe, y
arrive la nuit, monte sur un bateau en partance pour Newhawen
où son état d'excitation le fait remarquer et remettre à terre. Les
parents viennent le chercher à Dieppe.
4» Un autre jour,, se rend de Paris à Versailles, à pied, en
longeant la voie du chemin de fer, monte dans un train partant
pour (lest, y parvient, est arrêté pour avoir voyagé sans billet
et ramené à sa famille.
Lorsqu'on demande au malade le motifquiapu lopousser à faire
ces fugues, ses explications sont différentes selon qu'il est dans
son état normal de débilité intellectuelle ou dans la phase ma-
niaque de sa psychose. (Dans sa phase mélancolique, il n'est pas
possible d'obtenir de réponses). Normal, il avoue que ses fugues
n'avaient pas démolit'. « Pourquoi il est parti, il n'en sait trop
rien lui-même », et il est curieux de voir qu'ici le malade répond
non comme les débiles, qui tentent, avec leurs faibles moyens
d'invention, de légitimer leurs fugues, mais comme les circulaires
revenus au calme. Dans ses phases maniaques il donne de ses fu-
gues des explications d'ailleu : s inacceptables. Il a été à Met
« pour voir la fameuse porte de la ville, une porte de marbre re-
couverte de terre» ; au Havre « pour voir la jetée et la mer » ; à
Brest « pourcoucher avec les matelots », etc..
En somme, ces fugues sont bien calculées, conscientes, et ont t
un but. Le souvenir en est conservé intact et le malade les ra-
conte dans leurs moindres détails.
Les deux observations suivantes sont des exemples de
fugues accomplies par des malades atteints de debilité
mentale. Le premier est le frère aîné du circulaire précé-
dent. ,
Observation VII. X., 19 ans, entre il la maison de santé de
Ville-Evrard, au mois de janvier 1905. avec le diagnostic de « dé-
générescence mentale ». C est un débile congénital; il a des no-
tions très obscures sur les éléments des sciences qu'on a essayé
de lui inculquer. Il a été en retard pour parler et marcher. Dès
son enfance. il a montré une religiosité exagérée, voulait se faire
prêtre, el passait ses journées dans les églises, se sauvait de chez
lui pour aller jouer de l'orgue et sonner les cloches. Querelleur,
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DEMENCES. 121
taquin, violent, grossier en paroles et en actes. Masturbateur
invétéré. 0 1
Fugues : 1° Il part à pied, un soir de juillet 1901, où il avait fait
quelques excès sexuels, et arrivé vers minuit en suivant la voie
du chemin de fer'âune ville située à 15 kilomètres de chez lui. Il
couche près de la gare ; au petit jour, il monte sans billet dans un
train et voyage ainsi pendant 4 heures ; il tente de changer de
train, mais est arrêté parqu'il n'a. pas de billet, conduit à la gen-
darmerie oii sa famille envoie le prendre. Ils explique- sa fugue
par des excès de boisson.
2° Un an après, il repart à pied, fait 20 kilomètres dans la nuit.
ensuivant la voie du chemin de fer : est arrêté au moment où il
va prendre le train à une gare. Il explique cette fugue par la co-
lère où l'avait mis une dispute avec un de ses camarades.
3° Il part peu de temps après toujours à pied. passe la nuit à
errer dans une forêt. Revient spontanément chez lui. « Il avait
voulu faire une promenade. »
4° Au mois de janvier 1005, quelques jours avant son interne-
ment, il se dispute avec un passant, luicrache au visage, se sauve,
saute dans un train de ceinture, arrive à la gare du Nord, monte
dans un train en partance pour Montdidier , est arrêté sans
billet, dans cette gare, et revient à Paris avec l'argent envoyé
par sa famille IL fait ce voyage « pour échapper au passant
qu'il avait injurié. »
IL a fait bien d'autres fugues, la plupart du temps en chemin
de fer : il s'introduisait avec adresse dans la gare.se cachait dans
la cabine du serre-frein, et lorsque le train étaiten route, descen-
dait dans un wagon. Il donne de toutes ces fugues des explica-
tions puériles semblables aux précédentes.
Observation Vlll.X., employé J (13 (li- 30 ans en-
tre il la Maison de sanlé de Ville-Evrard en septembre 1905 avec
le diagnostic de «Confusion mentale, idées hypocondriaques, hal-
lucinations auditives, tendances au suicide. » Une tante est morte
aliénée. Uncousingermain est interné àSainte-lnne : Le malade
a toujours eu une intelligence très bornée : iln'a pu faire ses étu-
des ni rester chez aucun de ses patrons. a contracté une dou-
b'e otile sèche au régiment ,et il a l'ouïe très dure depuis celle
époque. En octobre 10114, il s'est plaint de l'estomac, a refusé de
manger sous prétexte que son père, alors gravement malade, ne
mangeait pas. Il a eu quelques idées de persécution contre ses
amiset ses clients. Il a fait une tentative de suicide par défenes-
tration et a été interné dans une maison de santé particulière oit
il est resté un mois.
A sa sortie, il refuse encore de manger, dit qu'on le dévisage
dans la rue, qu'on se moque de lui ; il voit le diable qui lui pré-
dit une mort prochaine. Interné à nouveau pendant' deux mois.
128 CLINIQUE MENTALE.
Rentré chez lui, il reste inactif, se plaint de bruits de sifflement
dans les oreilles,accuse le médecin traitant de la maison de santé
dont il sort d'être la cause de ces bruits.- Mutisme pendant plu-
sieurs mois. Il se met bientôt à vagabonder la nuit, ne rentrant
qu'à 7 heures du matin. 11 donne pour raison de ces promenades
nocturnes, que ses bourdonnements d'oreilles l'empêchent de dor-
mir el le contraignent à se enfin, il disparait et reste ab-
sent quatre jours. Un ne sait ce qu'il est devenu lorsqu'on reçoit
une carte-postale avertissant qu'il est au poste de police à Rouen.
En effet, on l'y retrouve. Il est parti sans argent dans un train à
destination de liotien : il n'avait pas de billet ; à la gare il vou-
lait reprendre le train pour Paris : on l'amena au poste où il res-
La quatre jours sans parler ni manger, ne voulant pas écrire à sa
mère, sous prétexte qu'elle n'ajouterait pas foi à sa fugue. De re-
tour chez les siens, il explique sa fugue « par bêtise, par tocluade,
.le voulais voir du pays, prendre l'air. » -
Quatre ou cinq jours après, il veut repartir, brutalise sa mère
qui lento de le retenir, fait du scandale dans la maison,sort fina-
lement el ne rentre qu'à cinq heures du matin. Il est alors inter-
né à la maison de santé de Ville-Evrard.
C'est un débile congénital avec un stock d'idées et de connais-
sances très restreint.il bégaye,sourit niaisementàtoutes les(lues-
tions qu'on lui pose, il interprète ses sifflements d'oreilles et en
donne des raisons variables : « C'est Dieu, c'est Femina ; c'est du
Hobert boudin, de la fantasmagorie » De temps en temps il dus
impulsions subites qu'il excuse par l'agacement que lui produi-
sent ses sifflements d'oreilles : il casse alors des carreaux de vitre
à coups de poings ou de tête. Sorti de la maison de santé au mois
d avril 1)06,il il ne larda pas à se faire réinterner à l'asile de Ville-
Evrard à la suite d'une autre fugue et excentricités niaises de
divers ordres.
On voit les caractères de ces fugues des débiles : ils
partent subitement,se donnent un but, savent où ils veu-
lent aller, ont un souvenir net de tous les détails de leur
voyage. Ils récidivent fréquemment. Le dernier malade
est certainement un débile, mais il est peut-être aussi
un dément précoce ; la démence précoce peut frapper
les malades d'un faible niveau intellectuel. D'ailleurs les
fugues des débiles et certaines fugues des déments pré-
coces sont très semblables. Les fugues de notre malade
VIII seraient des « fugues d'impulsion » si le diagnostic,
de démence précoce se confirmait. Je renvoie à mon pre-
mier mémoire pour l'exposition des caractères de ces fu-
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DEMENCES. 129
gues.- La folie morale donne fréquemment lieu à des
fugue*. \. '
Observation IX. X. 28 ans, entre à la maison desanL6 de '
Ville-Evrard au mois de mars 1905 avec leriiagnoslic de troubles
nerveux caractérisés par des impulsions, par des actes répréhen-
sibles et délictueux », etc. Deux grands-pères alcooliques ; deux
nièces aliénées : un frère bègue.
Le malade n'a jamais pu faire ses éludes, non qu'il fut d'une in-
telligence trop inférieure, mais par absence d'application, et in-
capacité de se plier à une règle. A,11 ans, il eut une fièvre ty-
phoïde grave avec délire pendant dix jours et dix nuits. Après sa
guérison, il fut mis successivement dans divers collèges des-
quels il s'échappa et d'où sa mauvaise conduite le fit renvoyer.
Envoyé en Tunisie chez des parents, grands agriculteurs, il mène
une v ie déréglée, fait des délies, disparait pendant un mois, re-
tourne en France où on le place dans une maison de correction
d'où il s'évade au bout de quelques semaines, non sans s'être ap-
proprié frauduleusement des sommes importantes.
Rappelé près des siens, dans l'Est de la France, il s'arrête à
mi-chemin, se fait héberger par une dameamiedesa famille, lui
vole ses bijoux et file sur Paris.Engagé aux dragons, il déserte au
bout d'un mois. On le retrouve e Bruxelles : il est placé en obser-
vation au Val-de-Grâce et réformé pour « inconscience et manie
ambulatoire «.lise rend alors en Angleterre où reste six mois,
pendant lesquels il aurait eu plusieurs crises hystériformes.
Deux ans après sa réforme, il s'engage aux Spahis, déserte six
mois après, est encore retrouvé à 131'uxelles, et réformé une se-
conde fois. Il vient alors à Paris, commet des vols et autres actes
délictueux, part subitement pour Bruxelles, puis pour Londres
et l'Ecosse. Il se marie avec une Anglaise à laquelle il fait croire
qu'il a une grosse fortune, a trois enfants (bien portants). Quitte
cinq ou six fois sa femme pour faire des fugues à l'étranger avec
des femmes de rencontre. Il est extrêmement menteur « ne peut
pas dire la vérité » invente de toutes pièces des histoires compli-
quées romanesques, qu'il affirme être vraies.
Grande faiblesse de la mémoire : il est forcé de tout écrire : il
localise très mal dans le passé les faits de son existence. Il boit de
l'absinthe, ne s'enivre pas facilement. Il passe par des phases de
dépression et d'excitation, mais fait des fugues indirectement
dans l'une et l'autre. Il n'est d'ailleurs ni méchant, ni malfaisant
ce qui ne l'empêche pas d'avoir ruiné toute sa famille qui occu-
pant des situations en vue, a toujours désintéressé les" dupes de
ce malade. Interrogé sur les vols, les fugues, etc., qu'il a commis
il avoue tout sans réticences ni atténuations. Il est poussé, dit-il,
par une force invincible, est angoissé tant qu'il n'a pas exécuté
Aucun-ES, 3' série, 1007, t. 1. 9
130 clinique mentale.
l'acte dont il a l'idée. Il cède tout de suite, sans réfléchir aux consé-
quences, sans lutte aucune. Il se sentalors soulagé el tranquille ;
ce n'est qu'ensuite qu'il se rend' compte de la gravité de ses
actes : iln'en éprouve aucun remords ; il reste imlilférent. L^
fugues sont accomplies en pleine conscience.
La multiplicité des fugues, qui ne s'accompagnent d'au-
cun caractère morbide particulier et font partie en quel-
que sorte de la mentalité même du sujet, l'absence de
volonté et de moralité du malade donnent à ces actes un
cachet suffisamment spécial pour qu'on n'ait pas à y in-
sister davantage. -
Les fugues démentielles sont à étudier chez les paraly-
tiques généraux, les séniles, les organiques, et les dé-
ments précoces sur lesquels je n'ai plus à revenir.
Lorsque les paralytique généraux font des fugues à la
période d'état de leur maladie,ces fugues frappées au coin
démentiel, avec cette absurdité dans les détails qui sem-
ble l'apanage des paralytiques appellent en quelque sorte
ie diagnostic.il n'en est plus de même au début de la ma-
ladie,à la période, justement dénommée « médico-légale), »
alors que la démence est légère et que les malades sein z
blent même parfois d'une intelligence très éveillée. Ce-
pendant il est des cas où la véritable cause de la fugue
ne saurait passer inaperçue. Un de nos malades, entré
tout récemment à la. Maison de santé de Ville-Evrard a
fait, au début de sa maladie, une fugue et une tentative
de suicide pathognomoniques ; un soir, alors qu'il était
encore soigné chez lui pour « neurasthénie rhumatismale» »
il échappa à ses gardes et ne reparut que le lendemain
matin. Il raconta qu'il était descendu vers la iivière avec
l'intention de s'aller noyer ; mais s'étant aperçu qu'il
pleuvait et que ses vêtements étaient traversés par la
pluie il pensa que l'eau serait bien froide pour le rhuma-
tisant qu'il était. Il remit donc son suicide à plus tard,
se coucha sur la berge et s'endormit jusqu'au matin. Voi-
ci un exemple de fugue chez un paralytique général con-
firmé.
Observation X.X.,ca : n : ]ie ! 'ra.nf, atteint de paralysie génie-
rale au cours d'un lahès datant de dix ans. - S)philis à.1 : ) ans.
régulièrement soignée. Sa femme eslalaxiquc. La paralysie génr-
raleilu malade est certaine et toulà l'ail classique : démence, signes
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DEMENCES. 131
physiques, délire de grandeurs. Je n'y insiste pas davantage. Il
entre à la Maison de santé de Ville-Evrard au mois d'octobre 1905.
Les jours précédents, il a fait deux fugues. Dans la première,
il est parti le malin de chez lui, a acheté un appareil photogra-
phique coûteux, pris des v ues nomhreuses ; a déjeuné à 4 heures.
Il ne rentre chez lui que le lendemain matin à 7 heures, avant
perdu son chapeau, son pardessus, son parapluie et son appareil
photographique. Il était trempé jusqu'aux os. couvert de boue, se
rappelait vaguement avoir couché dans un champ, il ne savait
où. Il avait sous le bras un disque de chemin de fer dont l'origine
lui était inconnue. Interrogé sur la perte de son pardessus, il
affirma l'avoir laissé chez le photographe : mais ii n'en était rien .
On appela deux médecins en consultation : ils arrivèrent chez
lui le lendemain vers 10 heures 1. ? , heure convenue, mais le ma-
lade était déjà parti, hien qu'on eut tout fait pour le retenir.
Par hasard, on le retrouva, le lendemain, vagabondant avec
insouciance dans les environs de Paris. Il s'était fait transporter
au hasard en voilure : il expliqua qu'il cherchait son appareil
perdu. Il n'avait pas voulu payer le cocher, qui le conduisit alors
il la gendarmerie. Là, il avait voulu consulter la carie d'état-ma-
jonc pour retrouver son chemin n. s'élail hallu avec le cocher;
finalement, il fut reconduit chez lui, et interné le lendemain.
A son entrée à la Maison de santé. il est très agité, incohérent,
"e déshabille, crie, se roule à terre. Idées de grandeur énormes.
11 ne peut rien dire de ses fugues dont il a perdu la mémoire, el
répond au hasard. Quelques mois après, en rémission il paraît
avoir un vague sjuvenir de ces fugues, mais ne les explique pas,
ou en donne des raisons variabbs d'un jour à l'autre et impossi-
bles à admettre.
Les fugues des paralytiques généraux sont toujours
semblables à celles-là. Elles sont, comme les autres actes
de ces malades, accomplies sans but, sans motif, ou sous
la poussée de motifs absurdes : N. parcourt les environs
de Paris en voiture pour découvrir un appareil photo-
graphique perdu la veille il ne sait oit La conscience des
malades pendant leurs fugues est, sinon absente, du
moins très affaiblie; la mémoire des lieux traversés etdes
incidents du voyage est généralement absente ou très
confuse.
Le plus souvent, dans leurs fugues, les paralytiques
généraux marchent beaucoup : la plupart du temps ils ne
mangent ni ne boivent, ne s'arrètont pas. Une paralyti-
que générale, entrée il l'asile de Vauclusc au mois de
132. CLINIQUE MENTALE.
mai 1904 et dont Mlle la doctoresse C. Pascal m'a obli-
geamment communiqué l'observation, partit de Paris,
fut retrouvée quatre jours après à Pontoise et marcha
tellement pendant ces quatre jours qu'elle arriva à l'a-
sile avec des excoriations de la plante des pieds suffisam-
ment profondes pour qu'on pensât les premiers jours à
des maux perforants. Aucun détail ne put être obtenu de
celle démente paralytique sur sa fugue toute récente.
Les fugues des Déments séniles sont très fréquentes,
sans but et sans motif. Les malades se perdent, incons-
cients, dans les rues de leur quartier, ne se souviennent
plus de leur adresse, errent au hasard toute la nuit ; ra-
menés chez eux,'ils ne savent dire oùilsont été. Certains
déments séniles sont tracassiers, turbulents, ne peuvent
tenir en place. Dès que la surveillance se relâche, ils
prennent la clef des champs etne savent plus revenir. Ces
faits sont très communs ils ne constituent pas d'ailleurs
des fugues au sens propre du mot. Il est inutile d'y insis-
ter.
le n'ai pas observé de fugues de déments par lésions
circonscrites.
On a vu, par ce rapide exposé, les caractères qui dis-
tinguent les fugues des psychoses des fugues démentiel-
les. Si elles ne sont motivées ni les unes ni les autres, les
premières du moins ont un.but, tandis que les secondes
n'en ont point. Cette particularité, pour difficile qu'elle
soit à mettre parfois en évidence, n'en a pas moins une
certaine importance théorique.
D'une façon générale, les fugues seront rattachées à
l'all'ection mentale qui en est la cause, moins par leurs
caractères propres que par la constatation des signes
concomitants de cette altection mentale. En ce sens,elles
pourront souvent, par la perturbation qu'elles provo-
quent dans les rapports sociaux des sujets, pousser à
l'examen sérieux d'un malade jusque là considéré comme
normal. '
Je ne doute pas cependant que l'attention une fois at-
tirée sur ces intéressantes impulsions, des .observations
nombreuses ne permettent d'en dégager le* traits carac-
téristiques. -)e résumerai ici, en quelques lignes, à titre
de simple essai, la symptomatologie des diverses fugues,
LES FUGUES DANS LES PSYCHOSES ET LES DEMENCES. 133
telle que l'étude de nos malades nous la fait paraître,
abstraction faite des caractères concomitants des diver
ses psychoses dont elles sont des manifestations.
I Alcoolisme. Deux espèces de fugues : 1° «Fugues
d'instabilité ». Ivresse légère. Fugues conscientes, mné-
siques. répétées ; le sujet présente une véritable crise de
mouvement inquiet. Diagnostic différentiel a) fugues
d instabilité des déments précoces, b) crises de marche
des psychasthéniques, c) fugues des accès maniaques
frustes des circulaires.
2° Fugues de l'état second alcoolique. L'état de la
conscience n'est pas connu, mais bien que l'amnésie soit
complète, on ne peut, vu la longue durée de ces fugues
et l'absence de délits commis par les malades, affirmer
qu'ils soient inconscients. Très grande similitude aveu
les fugues comitiales. l ?
II. Folie intermittente (maniaque dépressive, circu-
laire, psychique). Fugues de l'état maniaque ; conscien-
tes, mnésiques, bien conduites, parfois brusquement in·
terrompues par suite de rémissions soudaines; et re-
connues non motivées par le malade lui-même dès que
l'accès est terminé.
III. Folie morale. Fugues fréquemment répétées, cons-
cientes, et dont le souvenir est généralement intact. Très
bien conduites. Peuvent parfois sembler motivées par
le désir prêté au malade de fuir les conséquences d'actes
délictueux.
IV. Débilité mentale. La conscience et la mémoire des
fugues sont intactes ou plus ou moins troubles comme les
autres actes des débiles, Les fugues sont parfois bien
conduites, d'autres fois elles portent le cachet de la débi-
lité originaire.
V. Paralysie générale. Deux espèces de fugues : 1°
fugues du début de la paralysie générale (période mé-
dico-légale). La conscience et la mémoire sont à peu
près nettes ; en elle-même, la fugue ne paraît pas tou-
jours l'acte d'un affaibli : cependant, parfois, même à ce
début de la maladie, elle est évidemmentabsurde et déjà
démentielle, sans but ; 2° Fugues de la démence conf4>;·.
134 RrVlr DE PATHOLOGIE NERVEUSE*
mée : Conscience et mémoire nulles ou vagues ; la fugue
n'a ni but ni motif : souvent la malade marche jusqu'à
cessation des forces, sans dormir ni manger.
VI. Démence sénile. Conscience et mémoire nulles ;
les fugues sont faites au hasard, le malade « se perd » à
chaque instant.
Je joins à ces conclusions les caractères des fugues
dans la démence précoce.
Vil. Démence précoce. Quatre espèces de fugues : 1
fugues d'instabilité, courtes, agitées, récidivantes, sem-
blables à celles des alcooliques ; 2" fugues d'impulsion ;
conscience et mémoire obscurcies. La fugue débute brus-
quement ; elle est généralement violente, accompagnée
de désordre dans les actes et les paroles ; le plus souvent
de courte durée ; l'impulsion tombée, le malade cherche
à s'orienter, -se réfugie chez des personnes connues ou
retourne à son domicile; '6° fugues de déficit intellectuel :
elles ont un but, sont assez bien conduites, conscientes ;
le souvenir est parfois il peine atténué ; \° fugues de dé-
mence profonde, sans but, inconscientes, amnésiques en
totalité, ou presque.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
X. A propos ds récents travaux sur l'auscultation du muscle
dans les paralysies,la contracture et la réaction de dégénéres-
cence. Quelques considérations sur la théorie motrice du sar-
Coplasme ; par Mlle Ioteyko. (.fourn, de Neurologie, 1906,
n" 14.)
L'auteur attire l'attention, dans celle noie, sur un récent travail
de Link qui eo'ouscullanlle muscle ,Ion.; diverses afrcelions du
système musculaire et nerveux a obtenu des résultats conlirma-
.tirs des fdens en ce qui concerne notamment l'explication de la
contracture et du mécanisme physiologique de la dégénérescence.
Un a affaire suivant les cas soit il la contraction anisoll'ope
qui est discontinue et produit le son musculaire, soit à la con-
traction sal'cnplasmatiquc qui est continue et silencieuse. Aux
signes déjà connus de la réaction de dégénérescence on peut ajoll-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 135
ter maintenant celui de l'absence de bruit musculaire lors de la
contraction galvanique du muscle dégénéré.
Link ayant en outre, émis l'hypothèse que des centres nerveux
différents doivent présider à la contraction de la substance an iso-
trope et du sarcoplasme. Mlle Yoleyko n'hésite pas à considérer
la première comme obéissant à l'influence des centres moteurs
corticaux et la seconde à l'action des centres moteurs inférieurs
ou médullaires. (î. 1).
XI. - Quelques considérations sur l'écriture en miroir. Les trou-
bles de l'orientation et son éducation ; par te D' Boulenger.
(Jol/m. de Neurologie, ]906,n 13 et 14.)
De celle étude basée à la fois sur la bibliographie de la ques-
tion et sur les observations d'un certain nombre d'enfants dont
il relate l'histoire, l'auteur conclut qu'il existe un trouble primitif
de l'orientation chez toutes les personnes qui écrivent « en mi-
roir « involontairement el habituellement. L'écriture « en miroir»
accidentelle nese produit qu'à la suite d'une desorientation éga-
lement accidentelle du sujet. D'autre pari, chez tous les vrais spé-
culaires il existe de l'instabilité mentale, des lies variés et d'autres
signes de dégénérescence physique ou intellectuelle (imbécillité,
hyslél'ie,elc.)Chez les hémiplégiques il semble comme l'avait déjà
soutenu Abt que l'écriture « en miroir « ne se rencontre pas plus
souvent que chez les individus normaux. Enfin l'écriture spécu-
laire n'ect pas. comme on l'a dit, l'écriture naturelle des gauchers
placée par conséquent sous la dépendance de l'hémisphère droit
du cerveau. Elle n'est pas non plus celle du cerveau qui n'a pas
(olé éd : 1qué pour l'écriture, puisque beaucoup de sujets écrivent
spontanément mieux en miroir de la main qui a appris écrire,
C'est plutôt le sens des attitudes qui est en défaut à un degré
plus ou moins grand chez les spéculaires et ceux-ci sont des anor-
maux au même litre que les sujets qui sont incapables d'écrire
en miroir lorsqu'on leur a montre le mouvement qui permet do
réaliser celte écriture. G. Deny.
XII. Ostéomalacie et goitre exophtalmique, par ToLOT et SAR-
VONAT. (Revue de médecine, mai 1906.)
Observation d'une femme de 12 ans avec symptômes thyroï-
diens depuissajl'l11H'sseeL morte de compression médullaire avec
déformation rachidienne. L'auteur cite également quelques obser-
vations où l'ostéomalacie se trouve liée au goitre ainsi que les
données expérimentales qu'oui pu fournir la physiologie et la
chirurgie sur les rapports de cette affection avec les fonctions
thyroïdiennes et les fonctions testiculaires el ovariques. L'ostéo-
malacieneseraitquele syndrome de la déminéralisation os-
133G REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
seuso dont la physiologie est encore mal connue et qui parait se
rattachera des maladies différentes. M. Il.
XIII. Sur l'origine du sommeil. Etude des relations entre le
sommeil et le fonctionnement de la glande pituitaire ; par Al-
berto SALOON (de Florence). (Revue de médecine, avril 1906.)
L'auteur cite un grand nombre d'affections où soit la somno-
lence, soit l'insomnie paraissent liées à des troubles de font.
tionnement de l'hypophyse et il émet cette hypothèse que le
sommeil physiologique est essentiellement dû à la sécrétion de
la glande pituitaire. il.
XIV. Sur un cas de myotonie. Considérations sur le syndrome
myotonique ; par \IonNn et SICCAIIDI . (Rivisla sperinrentals
de Freniarria. Reggio Emilia, 1905. Vol. XX, Xlfasc. II.) ,
La doctrine myopalhique pure ne peut plus être soutenue, et
l'on doit plutôt incliner vers une palhogénie mixte. neuro myo-
pathique, de la myotonie. La myotonie, par ses manifestations
cliniquesrlui dépendent des centres nerveux, par les lésions des
muscles, par son association fréquente avec les maladies du y-
tt'me nerveux, et surtout, avec l'atrophie musculaire, démontre
que sa cause est bien plus complexe qu'une simple allée ! ion
locale exclusive de la lilne c striée. Pour Giovanni, depuis les
manifestations simples des formes névrosiques jusqu'aux diver-
ses formes cliniques, parmi lesquelles il faut citer la maladie de
Thomsen, tout est lié intimement au processus évolutif des élé-
ments constitutifs des tissus ncneux, ,1. ? i.
XV. Aphasie sensorielle avec hémianopsie latérale homonyme
droite ; parle Dr DESnny. (Journal de Neurologie, 1906, na 2.)
Il s'agit d'un homme de 57 ans, qui fut atteint d'un petit iclus
sans chute ni perte de connaissance proprement dite, mais avec
impossibilité de se diriger etde parler. En l'examinant, quelques
jours après, on constate une hémianopsie homonyme latérale
droite et une aphasie sans paralysie des membres ou de la face,
sans déviation conjuguée de la tète. ni des yeux. Les symptômes
sont rattachés par l'auteur aune lésion sous-corticale, probable-
ment une embolie du lobe occipital droit, lésion qui a détruit les
libres reliant l'écorce avoisinant le pli courbe où siège le centre
visuel verbal, aux voies motrices et aux centres moteurs du lan-
gage.
Comme la plupart des hémianopsiques, cet homme avait con-,
serve la perception des différences de lumière dans son champ
amaurotique. Celte particularité serait due, d'après M. Dehray,
nonàun degré insuffisant d'altération de la zone calcarone (Bard)
revue DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 137
mais bien plutôt à ce que le restant du lobe occipital perçoit, lui
aussi, la sensation de la lumière. G. DENY.
XVI. Encéphalite aigue chez les enfants ; par Comby. (Bulle-
lire médical, n° 5, 1906.)
L'auteur laisse de côté l'encéphalite suppurée ou abcès du
cerveau : l'affection dont traite Comby est celle queStrumpell
a décrile sous le nom de « polyoencéphahte)) elle a été étudiée,
par Packelt et Batten (1902) et Concerte (1903). C'est une affec-
tion rare, survenant chez des enfants héréditairement tarés le
plus souvent à la suite de la grippe, plus rarement de la co-
queluche, du choléra infantile. quelquefois même simplement
de la constipation.
Au point de vue anatomique, on constate des modifications
vasculaires diffuses dans le cerveau, de la congestion de la surface,
on-voilrsurjes coupes des piquetés hémorragiques : au microscope,
on constate des thrombus, des extravasa sanguins sous-corti-
caux ; les cellules de l'écorce sont gonflées mais ne paraissent pas
altérées. Parfois ces lésions sont susceptibles de rétrocéder, d'au-
tres fois elles laissent des suites; la ponction lombaire est néga-
tive. Cette affection comme nous l'avons dit, est généralement
secondaire : les convulsions et parfois l'état comateux ouvrent la
scène. Ils sont accompagnées d'hémiplégie flasque, d'athétose,
de chorée, d'ataxie, de sclérose en plaques de psychose et quel-
quefois de coma et de mort. On peut distinguer des formes légères,
et des formes' graves avec séquelles. Le pronostic varie avec la
forme.Les formes graves sont parfois mortelles.Le diagnostic est
très difficile : il doit être fait avec l'éclampsie, avec les tumeurs,
les hémorragies, les ramollissements qui ont des signes spéciaux.
Les méningites s'accompagnent de raideur de la nuque, de
vomissements et surtout de céphalées, d'irrégularité du pouls et
de la respiration. Enfin la ponction lombaire permet de recon-
naître de la lymphocytose dans les méningites tuberculeuses, de la
polynucléose dans les méningites aiguës. Les hémorragies ménin-
gées donnent à la ponction lombaire un liquide sanguinolent.
Le traitement consiste à mettre de la glace sur la tête, des sang-
sues aux mastoïdes, des lavements purgatifs, des bottes d'ouate,
le calomel à dose fractionnée, des bains tièdes toutes les 3 ou 4
heures et des lavements au chloral et au bromure, puis de l'iodure
de potassium, et, on devra surveiller l'alimentation.
. . L. Waiil.
XVII. La syphilis spinale à forme amyotrophique ; par LAU-
Nois et POROT, (Revue de médecine, 1906.)
La maladie d'Alhert Duchesne tend à être envisagée comme
un syndrome dont l'origine est variable. Le type de celle aller-
138 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
lion avec altération intéressant uniquement les cellules des cor-
nes antél ieurns est rare. D'un autre côlé on a détaché depuis
quelques années de l'alleclioii type une amyotropllie mm : cu1ail û
progressive d'origine syphilitique. Les auteurs en rapportent une
observation suivie d'autopsie d'un syphilitique déjà présentée par
eux en 1 flOU et mort en l9D;r d'amyotrophie progressive. Les
symptômes dominants étaient une atrophie progressive accom-
pagnée de troubles vasomoteurs des mains (main succulentel.
Mort par suite d'accidents pulmonaires. A l'autopsie, prédo-
minance de lésions Illúnin) ! iliques qui paraissent avoir été pri-
mitives, avec, névrite hyperlrophique des racines etatrophie des
cornes antérieures. Cette méningite avait deux localisations pré-
dominantes, l'une aux parties antéro-latérales de la région cer-
vicale inférieure, l'autre au\ régions postérieures de la moelle
lombaire (tahes alpyolrophillue). JI. IL
XVIIL- Des névroses et des névrites du pneumogastrique chez
les tuberculeux et particulièrement de l'asthme des tuber-
culeux ; par Dumesnil (Bulletin médical, nov. 1900).
Des cas analogues ont déjà été signalés par Berlin (1905) et
dans la thèse d')Jpschtein (1906) : ils sont en relation avec des
lésions dans la sphère du pneumogastrique chez des sujets at-
teints de tuberculose : on les rencontre surtout chez de vieux
tuberculeux à lésions fibreuses et ces troubles paraissent être
en raison directe de l'étendue et de l'intensité du processus à
évolution fibreuse ; on rencontre alors.dans les cas exceptionnels
où le tableau est au grand complet : de la dyspepsie secrétaire et
motrice, des troubles cardiaques divers, de la dyspepsie : lorsque
les terminaisons nerveuses sont englobées dans le tissus fibreux
il semble que les médications intempestives favorisent l'appari-
tion des accès dyspnéiques qui .peuvent simuler l'accès d'asthme
vrai : il y a lésion du nerf, donc c'est de l'asthme faux.
L. Wahl.
Le trypanosome de la maladie du sommeil; par ROBENT
JoxEs. (The Journal of Mental Science, Avril 1904.)
Cette question alors nouvelle aété51souveilt étudiée depuis qu'il
n'y a pas lieu à l'heure actuelle, d'insister sur ce mémoire.
XX. Fièvre hystérique chez l'enfant; par Comby. (Bulletin
y7)e'ea/,n'' 36, 1906.)
Une fillette de 13 ans est pris de secousses électriques : on lui
ordonne du bromure de potassium, de la morphine et de l'éther;
elle a alors des hallucinations et de la céphalalgie; la température
s'élève à 42° le matin et 44° le soir, les convulsions continuent
mais l'état général reste bon'; après une discussion très'longiip
REVUE DE» PATHOLOGIE NERVEUSE. L3J
l'auteur montre qu'il s'agit d'une fièvre hystérique sans gra-
vité. ' - L. Wahl
XXI. Pathogénie d'un cas d'hystérie liée à une tumeur céré-
belleuse; par le Pl BERNHEIM, de Nancy. (Bulletin médical,
n° 52, 1906.)
Les crises dites hystériques ne sont qu'une réaction psychody-
namique d'origine émotive qui peut être provoquée chez
certains sujets par certaines émotions spéciales agissant comme
des modificateur;; passagers de l'organisme et sucsptibles de se
reproduire par autosuggestion émotive. Il s'agit d'une femme de
3S ans qui depuis huit mois, présentait des crises nerveuses à type
hystérique, puis la vue se perdit progressivement. L'examen
ophtalmoscopique montra qu'il s'agissait non d'une cécité psy-'
chique, mais d'une lésion organique du fond de l'oeil; la marche
devint titubante, les vomissements et les douleurs occipitales
apparurent; enfin le signe de Kernig. A l'autopsie, tumeur
du cervelet. L. WAHL.
XXII. - Formes frustes du Tabes ; par Raymond. (Bulletin
médical, n" 55.)
Le professeur Raymond insiste avec raison sur ces formes qui
sont si souvent d'un diagnostic si difficile, particulièrement à la
période préataxique : des trois cas que rapporte l'auteur l'un est
relatif à une femme qui présenta tout d'abord un engourdisse-
ment qui débuta brusquement en envahissant la jambe gauche,
la parUe gauche du tronc puis le bras dumême côté pendant quel-
ques instants et se renouvela ensuite à plusieurs reprises tantôt
du côté droit, tantôt du côté gauche : puis apparut une crise
épileptiforme bravais-jacksonienne typique. Elle présente actuel-
lement outre les principaux signes du tabès, quelques symptômes qui
ont fait penser à la P. G. : achoppement des syllabes, etc. Un autre
concerne un homme de39ansqui en tra à l'hôpi tal ayec un mal per-
forant plantaire, bilatéral : quinze ans auparavant, il avait ou des
douleurs fulgurantes, 8 ans après le chancre initial : un examen
attentif révèle un tabes incipiens des plus nets. La troisième
malade est une femme qui eut il y a dix ans des douleurs ful-
gurantes, puis des vomissements incolores et à une autre
époque des douleurs thoraciques très violentes localisées au
creux épig,,i3tiiqtie ;fausses envies d'uriner, diplopie intermit
foule. Ces exemples montrent combien est parfois bizarre la
marche de la maladie de Duchenne. L. 1VuL.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XXX. Folie communiquée (folie à deux, folie simultanée)
survenue chez une mère et sa fille; par JoHx R. Lord. (The
Journal of Mental Science, avril 1904.)
Observation intéressante, mais ne différant par aucun carac-
tère particulier des faits analogues qui ont été publiés : la forme
du délire était la paranoïa chronique. 1.11LC.
XXXI.-Les effets moraux et mentaux de la guerre sud-africaine
(1899-1902) sur le peuple anglais; par R. S. STE-\VAItT. (The
Journal of Mental Science, janvier 1904.)
Voici le résumé de cette curieuse étude : Les impressions pro-
duites par les évènements des trois derniers mois de l'année 1899.
ont été de nature à provoquer une indiscutable modification,
au caractère national, modification très profonde qui s'est mani-
festée, du mOll1s en Angleterre et en Irlande, d'une façon immé-
diate, dans tous les rangs de la société, qui a porté également t
sur les deux sexes, et qui ne peut en aucune manière s'expliquer
par la simple disparition du milieu social des hommes affectés
à la défense du pays. La nation, dans son ensemble, a vu ses
tendances criminelles diminuer; l'égoisme pratique sous toutes
ses formes s'est restreint : il y a eu un relèvement du respect
pour la vie et le bien d'autrui et un amoindrissement des tendances
à écarter les ennuis et les responsabilités de la vie. La stabilité
mentale de la nation a été en progrès ainsi que le pouvoir des
individus sur eux-mêmes.
Il y a pour le moment actuel une amélioration très nette
de l'ensemble de la morale nationale, certainement due aux
circonstances qui ont mis en échec la gandeur nationale et
menacé l'existence même de la Patrie. Mais peu à peu on voit
disparaître les conséquences de ces évènements, si bien qu'au
bout d'une année, elles sont totalement effacées, et font place
à un état qui est même pire que l'état antérieur : on a été bru-
talement et douloureusement réveillé d'un lourd sommeil, mais
le danger passé, la réaction s'est faite et aboutira probablement
dans l'avenir aux plus graves résultats. R. de l\IUSGRAVE Clay.
XXXII. Stéréotypie graphique chez un dément précoce ; par
L. Marchand. (Journ. de Neurologie, 1JOG, n° 20.)
11 s'agit d'un jeune homme de 20 ans, étudiant, atteint de dé-
mence précoce, qui présenta au début même de la maladie, pen-
dant la période délirante, de la stéréotypie graphique. Pour l'au-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 141
leur, celle stéréotypie était secondaire aux idées de persécution
du malade, est comme elle coexistait avec une certaine.conserva-
lion de la mémoire el de la lucidité (ce qui est le propre dans
la démence paranoide), il se croit en droit de conclure que la
stéréotypie des écrits est « un indice de chronicité mais nulle-
ment la mu'que d'une démence commençante ou non. »
XXXIII. Un cas de paralysie générale de développement; par
Jas. Middlemass. (The Journal of Mental Science, janvier
1904.) -
Deux remarques : 1° l'éticlogie syphilitique était ici indiscu-
table ; 2° les âges auxquels on peut voir débùter la paralysie
générale chez les jeunes sujets et chez les adultes étant respective-
ment six ans et vingt-cinq ans, et le premier groupe allant jusqu'à
vingt deux ans, en résulte que si, comme la plupart des auteurs,
on admet l'origine syphilitique, il n'y a d'autre différence étiolo-
gique que la présence d'une syphilis héréditaire ou d'une syphilis
acquise. R. DE Musgrave CLAY.
XXXIV.-Sur les rapports des salaires.de la folie etdu crime dans
le sud du Pays de Galles; par R. S. STwv.RT. (The Journal
of Mental Science, janvier 1904.) -
En s'appuyânt sur des données numériques l'auteur est amené
à conclure que le relèvement des salaires, la diminution des heures
de travail, l'augmentation du loisir s'accompagnent d'un accrois-
sement de l'ivrognerie, de la folie et du crime.
R. DE IUS(3RAVR CL.1Y.
XXXV.-Le « Stress »; par Ch. 11-PRCIEE.(The Journal of Mental
Science, avril 1904.)
XXXVL-Eneore le « Stress "; par Ch. Mercier.) The Journal
of Mental Science, octobre 1904.)
Il y a une quinzaine d'années, dans un ouvrage connu intitulé
« Sammy and Insamly n 11L Mercier a posé en principe que la
folie était fonction de deux variables : l'hérédité et le stress ?
Il nous esl malheureusement très difficile de traduire le mol
« stress » dont la signification en anglais est très élastique et
dépend beaucoup du contexte : une pesée» exercée sur quelque
chose», une «influence puissante et déterminante en indiquent t
;\ peu près le sens, que 51..Mercier lui-même nous explique d'ail-
leurs par des exemples : ainsi l'alcool qui circule dans le sang.
stress; l'hémorhagie cérébrale, stress; l'apparition de la puberté,
stress; la ruine, stress; l'accession à la fortune, stress. Dans un
mémoire sur les rapports des salaires ouvriers avec le crime et
la folie, M. Slewart a cité la proposition de 1\I. Mercier, mais en
112 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
attribuant au mot stress un sens manifestement différent de
celui que lui avait donné M. Mercier et c'est de quoi se plaint
M. Mercier. Querelles de mot, dira-t-on ? Pas tout à fait,car la
querelle.ici passe par-dessus les mots. M. Mercier, dont on salit
l'esprit scientifique et précis profite de ce fait pour regretter
que lorsque, dans une science ou une branche d'une science, un
mot (il déclare d'ailleurs iieteiiir nullementau sien) aété investi
d'une signification précise et en quelque sorte reconnue, cette
signification fût-elle arbitraire, personne ne soit fondé à se servir
de ce mot en lui attribuant une signification différente; car
enfin, dit-il, il serait fort' incommode dans la vie pratique de
désigner par le même mot une pièce de vingt sous et une pièce
de cinq francs : on peut d'ailleurs aller plus loin encore et se
demander si l'inexactitude du terme ne correspond pas à l'inexac-
titude des idées. R. de DIUSCR1VE CLIY.
XXXVII. La psychologie de l'hallucination; par W. H. B. STOV -
DABT. (The Journal ot Mental Science, octobre 1904.)
Travail interressant accompagné de figures et de schémas
nécessaires à l'intelligence du texte; nous pouvons cependant 1,
reproduire les considérations finales de l'auteur qui sont t
les suivantes : pour bien comprendre l'hallucination, il fant
comparer la perception, l'idéation, l'illusion et l'hallucination en
tenant compte de la manière dont le centre cortical est stimulé
dans chacun de ces processus.
Dans la perception, le stimulus est transmis de la périphérie;
il n'y a ni association iranseoi-ticale (pour employer l'expression de
Tanzi) ni dissociation périphérique. Dans l'idéation, le centre est
stimulé par la voie des fibres associées : mais là non plus, il n'y a
pas dissociation venant de la périphérie : à noter toutefois que
l'association périphérique (non dissociation) ne joue aucun rôle
dans l'idéation.' Dans l'illusion, la stimulation du centre'se fait
d'un^ part par les fibres associées et vient d'autre part de la péri-
phérie ; et la tendance à l'unité rdéatronnelle combine les sensa-
tions fournies par les deux ordres de stimulations; à noter que la
différence physiologique entre l'idéation et l'illusion consiste en ce
que le stimulus périphérique n'intervient pas dans l'idéation,
tandis qu'il est nécessaire dans l'illusion. On a vu que dans l'hallu-
cination il y a association transcorticale et dissociation périphé-
rique ; il faut donc remarquer que le facteur essentiel de l'halluci-
nation est son facteur négatif : c'est ce qui la différencie essen-
tiellement de la perception, de l'idéation et de l'illusion.
Il n'y a pas de différence psychologique entre ces processus, et
leur identité psychologique apparaîtra encore plus nettement si
l'on observe un état transitionnel entre l'idéation et l'hallu-
crnalrun. H. de 111uaR.wL Cl1Y.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 143
XXXVIII. Traumatisme et Paralysie générale; par James Mid-
dlemass. (The Journal of Mental Science, juillet · 1904. )
Ce n'est pa3 un mémoire, mais l'ouverture; d'une discussion à
laquelle prennent part plusieurs des membres présents; en effet,
en dehors du côté purement scientifique, il s'agit de savoir si une
paralysie générale peut-être créée ou hâtée par un accident du'
travail et par là ouvrir la porte à une demande d'indemnité.
R. M. C.
XXXI IX. - Note ssur la folie de l'adolescence dans le Comté de
Dorset ; par George A. RORIE. (The Journal oi Mental Science,
avril 1904.) -
Etude intéressante mais ne portant naturellement que sur un
nombre de cas assez restreint. R. M. C.
XL. Les présentations obsédantes, hallucinatoires et hallucina-
tions obsédantes ; par Serge ranoff. (Rivui de médecine, avril
1906.) ,
Les dégénérés obsédés étaient considérés par Falret commj J
n'étant pas sujets aux hallucinations ; toutefois certains cas ac-
compagnés de troubles hallucinatoires ont été observés depuis ;
on a aussi rapporté des hallucinations obsédantes dans certaine^
allections nerveuses. L'auteur pense qu'il faut distinguer dans
ces divers cas plusieurs catégories cliniques. /
1° Représentations obsédantes h1,llni/¡ xtoiu ? s dans le t c,Jn,li-
lution idéo-obsessice. C'est le cas des dégénérés obsédés à luni -
dérament émotif. Ici, l'hallucination est rudimentaire ; elle est
secondaire à l'obsession ; elle n'est que la tendance à la maté-
rialisation de l'idée obsédante, elle se manifeste chez le sujet avec
un état toujours conscient ; elle ne lui apparaît pas comme une
hallucination vraie ; l'image est toujours élémentaire et n'est
qu'une faible expression des perceptions réelles et objectives.
'2" Les hallucinations obsédantes qui se rencontrent dans certains
états pathologiques. (Hystérie, état épileplique. Ce sont
des hallucinations vraies, elles sont extériorisées, nettes, détail-
lées.
Elles ne son ! pas sous la dépendance d'un état itléo-obsessif.
Elles sont primitives, et n'apparaissent plus au sujet comme une
image purement mentale.
3° Enfin il faut distinguer des obssédanti halluci-
natoires en rapport avc les associations obsédantes de contrarie
dans certains états mélancoliques aiyuî. Ces sortes d'hallucina-
tions se produisent dans des étals mixtes, par exemple chez des
prédisposés obsédés au cours d'un accès mélancolique.
M. I I v n ra..
144 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XLI. Note sur l'épilepsie massive : par Ch. Féré. (Revue de
- médecine, avril 1 ! )OG.)
Il faut entendre ici parépilepsie massive les accès épileptiques
se manifestant exclusivement par groupes de crises subintrantes
ou très rapprochées, les intervalles n'étant troublés par aucun pa-
siiie.
Les observations que rapporte l'auteur s'adressent à des sujets
déjà âgés dont l'épilepsie débuta et continua à se manifester par
des accès en masse. Pendant les intervalles les malades étaient
normaux et pouvaient vaquer à leurs affaires. Le traitement bro-
mure appliqué intenshemententpour effet de dissocier cette épi-
lepsie massive, ce qui diminua des chances de mort pendant
l'accès mais fut une aggravai ion au point de vue de la vie cou-
rante, les accès se manifestant il des intervalles irréguliers.
)1. ]{AMEL.
Pli 1.- Les sortes de folies; parCh.iIERCIE it.(The Journal of Men-
tal Science, janvier 1904.)
Malgré, son très réel intérêt, ce travail comme celui que l'auteur
a consacré à la réorganisation des statistiques en matière de pa-
thologie mentale, demanderait une traduction et non une analyse.
R. M. C.
XLIII.-La sorcellerie moderne : étude d'une phase de la paranoia;
par Conolly NOR ? IAiN. (The Journal of Mental Science.Janvier
1905.)
L'auteur rapporte avec des détails très curieux dans lesquels nous
ne pouvons malheureusement pas le suivre à cause de leur longueur
et de l'impossibilité de les abréger sans supprimer leur intérêt,
l'observation de trois malades. Il constate non sans surprise que
chez les paranoiaques d'aujourd'hui on observe des idées qui ont
la plus grande analogie avec les vieilles superstitions de la sorcel-
lerie, et cela dans des cas où nous pouvons être à peu près certains
que les victimes actuelles de ces délusions sont dans l'ignorance
complète de l'histoire des anciennes croyances.
R. DE lIIUSGR.\VI; CLAY.
XLiy. Plaidoyer en faveur d'une étude plus attentive du poids
du corps et de ses rapports avec les maladies mentales : par C. Hu-
/ bert BoND. (The Journal of mental Science, janvier 1904.)
L'auteur n'ignore pas que le sujet qu'il traite n'est pas nouveau :
mais il désire simplement insister sur deux points : d'abord il pense
que la méthode généralement adoptée pour apprécier ce qu'on ap-
pelle le gain ou la perte de poids d'un sujet n'est ni la plus satis-
faisante ni la plus propre à fournir des résultats utiles, et celte ob-
servation s'applique aussi bien à la méthode des médecins qu'à
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 145
celle des gens du monde ; ensuite il suggère l'idée que la méthode
des pesées, en aliénation mentale, pourrait non seulement être uti-
lisée comme elle l'est actuellement pour la direction du traite-
ment, mais encore pour arriver à une meilleure classification des
maladies mentales. R. DE IUSGRAVE CLAY.
XL ? - Maladie mentale avec goitre exophtalmique; par R. H.
STEEN. (The Journal of mental Science, janvier 1905.)
L'auteur rapporte l'observation de quatre malades chez les-
quels il y avait association du goitre exophtalmique et de la folie ;
il n'ignore pas que ce chiffre est trop faible pour justifier descon-
clusions précises ; mais l'observation de ces malades lui a suggéré
les réflexions suivantes : 1° dans la folie avec goitre exophtalmique
les symptômes sont dans l'ensemble ceux de la mélancolie avec
agitation ; 2° les hallucinations existent et sont souvent intenses;
3° le début des symptômes mentaux bien prononcés est souvent
soudain; 4° la guérison de la maladie mentale survient : même' : dans
les cas qui paraissent désespérés ; mais il ne faut pas perdre de vue
la possibilité d'une syncope dans la période aiguë ; 5° une augmen-
tation de poids très accentuée accompagne l'amélioration de l'état
mental; 6° l'extrait de capsules surrénales donne des résultats
avantageux. , . R. DE Musgrave Clan.
XLVI. Un cas d'idiotie amaurotique de famille ; par James
BuRNET. (The Journal of Mental Science, janvier 1905.)
Les cas de celle maladie sont rares ; l'auteur n'a pu enrassem-
bler'que 27 dans la littérature ; aussi a-t-il bien fait de rapporter
avec soin et avec détail le cas qu'il a observé et qui, ainsi qu'il
arrive presque toujours, s'est terminé par la mort avant que l'en-
fant ait atteintl'âge de deux ans. Le cas actuel n'était pas d'origine
syphilitique ; il était probablement dû à une défectuosité de déve-
loppement du tissu nerveux. Il faut noter que presque tous les cas,
sinon tous les cas, de cette maladie ont été rencontrés dans des fa-
milles juives. R. DE MUSGRAVE CLAY,
XL VI 1. - Des mesures qu'il est nécessaire de prendre à l'égard
des faibles d'esprit dans la première et la seconde enfance;
par Henry Rayner. (The Journal of Mental Science, juillet 19010.)
La nécessité de surveiller et de soigner d'une manière spéciale
les enfants dont le développement cérébral est défectueux est de
plus en plus généralement reconnue; mais on a beaucoup écrit et
parlé, on a peu agi. L'importance des sept premières années de
l'enfant dans son développement cérébral est pourtant démon-
trée d'une façon simple et nette par l'accroissement de poids du
cerveau durant cette période de la vie. Toutes les fonctions
organiques sont à surveiller à cette époque,car, activement ou
Archives, : 1° série 1907, t. I. 10
Ho REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
passivement, presque toutes sont fonction du développement cé-
rébral. Le régime alimentaire, les troubles digestifs, la constipa-
tion jouent- ici un rôle important. L'évolution dentaire réclame
une attention particulière aussi bien que le mode respiratoire,
souvent influencé par l'état des amydales ou par la présence de
végétations adénoïdes; l'air pur nuit et jour est ici de première
nécessité. Le système musculaire réclame un fonctionnement
régulier et souvent méthodique. Les mauvaises habitudes deman-
dent, pour être décelées, unesurveillance particulière et soigneuse.
Mais, pour que ces buts divers puissent être atteints,il faut que
la défectuosité mentale soit d'abord connue. Le service d'ins-
pection des enfants à domicile qui commence il fontionner(en An-
gleterre) rendra à cet égard de signalés services. Non seule-
ment il découvrirait les malades mais il renseignerait les
mères. Les institutions consacrées au traitement des fai-
bles d'esprit nous démontrent par les résultats obtenus que beau-
coup de ces malades peu veut arriver à un état suffisam-
ment normal pour subvenir à leurs propres besoins. Ces résul-
tats seraient plus favorables encore si l'on pouvait donner à ces
petits malades, pendant la première et la seconde enfance, des
soins appropriés à leur état. R. de IUSGRAVIr CLAY.
XLVIII. Sur la nécessité de soins de famille pour les personnes
dont l'esprit n'est pas sain en Irlande; par CONOLLY TOi : mArr.
(The Journal of Mental Science, juillet 1904.)
L'auteur insiste sur le fait que ces soins de famille seraient
chose nouvelle en Irlande et sur l'utilité que de pareilles mesures
présenteraient tant pour les malades que pour les malades qui se-
raient ainsi moins exposés à encombrer les asiles alors que l'inter-
nement ne leur est nullement indispensable. R. M. C.
XLIX.-Les prodromes des psychoses et leur signification; par
T. CLOUSTON. (The Journal of Mental Science, avril 190 ? )
On n'a pas fait suffisamment ressortir qu'il y a, en psychiatrie,
des symptômes précoces dépourvus de tout caractère mental, tout
comme il y a en neurologie des symptômes qui peuvent fort bien
n'être que les préludes d'une crise d'aliénation mentale.L'auteur
examine et discute avec l'autorité d'une longue et savante expé-
rience les principaux prodromes des affections mentales,c'est-à-
dire les symptômes sensoriels, et particulièrement le plus banal
mais non le moins significatif de tous, le mal de tête, les troubles
moteurs, la neurasthénie (qui est au moins proche parente des
psychoses), l'insomnie, les attaques d'hystérie, les troubles de la
circulation, les altérations du sang et la leucocytose, les troubles
de la nutrition et de la digestion,les modifications menstruelles,
enfin les troubles mentaux eux-mêmes. Il conclut <le celle élude
SOCIÉTÉS SAVANTES. 147
(que nous avons le regret de résumer d'une façon forcément brève
que l'apparition .d'une maladie mentale est ordinairement un
phénomène qui n'est m simple ni localisé, et que les faits qu'il
a indiqués montrent une fois de plus la solidarité d'action
de l'ensemble du cerveau et de l'ensemble des centres nerveux
de la moelle et des ganglions spéciaux sur les systèmes organi-
ques du corps. Ils semblentindiquor en outre que l'écorce mentale
est le centre de l'organisme et que les centres supérieurs pré-
sentent à la maladie un maximum de résistance.
R. DE IUSGRaVE CLAY.
SOCIETES SAVANTES
SOCIÉTÉ lII;DICO-PS CIIOLOGIRUhJ
Séance du 29 janvier 1906. Présidence de MM. Vallon
et Marcel Briand.
M. Vallon, président sortant, passe en revue les événements
qui se sont déroulés devant la Société, dans le cours de l'année et
rappelle la perte qu'elle a faite, en la personne de M. Paul GarI11er,
enlevé prématurément par une mort inopinée : il adresse ses féli-
citations à 111\I. l;tti et Marandon de Montyel, à l'occasion de leur
nomination dans la Légion d'honneur. Il invite ensuite M. Marcel
Briand à venir prendre place au fauteuil présidentiel.
M. Marcel Briand se réjouit de ce que la guérison complète de
son ami M. Vallon ait fait de la vice-présidence une sinécure et le
félicite de la croix de la Légion d'honneur qui lui a été attribuée
par le Ministre de l'Intérieur. Il renouvelle ses compliments pour
le même objet, à MM. Ritti et Marandon de Montyel. Il exprime le
voeu que les jeunes auteurs ne négligent pas de traiter dans leurs
communications le côté médico-légal qu'elles peuvent présenter, car
des lois nouvelles lui donnent une importance encore plus considé-
rable qu'autrefois. Il termine sou allocution en renouvelant ses
remerciements à ses collègues, pour l'honneur qu'ils lui ont fait en
l'appelant à présider leurs travaux.
M. RTTt remercie les deux Présidents des éloges qu'ils lui ont
adressés. C'est pour moi, dit-il, la plus douce récompense de mes
z5 années de Secrétariat général.
M. DENY, absent à la dernière séance, adresse tous ses remercie-
ments à ses collègues qui l'ont élu à la vice-présidence.
Prix Aubaitel. Le Secrétaire général fait connaître que
quatre mémoires ont été envoyés pour le, prix sur le sujet
148 SOCIÉTÉS SAVANTES
suivant : Valeur diagnostique des symptômes oculaires aux di.jjé
renies périodes de la paralysie générale, appuyée Slll'tout SllI' des ob-
scrvatiolts personnelles. -
Prix Esquirol. Un seul mémoire a été envoyé.
Commission des prix. Prix Aubanel : MM. ARNAUD, Iwcorr,
PACTET, SÉRIEUX, et SOLLIE H. Pl'ix Esquirol' MM. DL1N, Colin
KÉRAVAI., Moreau (de Tours), ROURINO\1'ITCII.
, De la confusion du langage.
Rapport sur le travail de .31. E. Stransky.
l.'auV'ur a fait des expériences sur les associations d'idées chez
les personnes normales et les déments précoces, expériences dont
M. KÉRAVAL donne le résumé.
Malformation congénitale uni-latérale de la face chez ur idiot
i épileptique.
- illll. Hn,7EL et \\'.\111. communiquent l'observation d'un jeune
idiot. épileptique, présentant une hypertrophie congénitale de tout
un côté de la faco.
, ., =· ,. =e%e Aphasie et tuberculose.
M. PROV communique l'observation d'un tuberculeux devenu
aphasique. '... -' M. B.
Séance du 26 février 1906. -PRÉSIDENCE de M. Marcel BRIGAND.
r, Etude nosologique et pathogénique du délire des négations.
MM. DENY et P. CAMus/à propos d'un cas de délire de négation
corporelle et d'un autre cas de délire de négation intellectuelle,
font ressortir que les Idées de négation, les idées de doute, d'étran-
geté, de changement, de transformation, les tendances aux muti-
lations et au suicide, devraient être groupées sous une même ru-
brique et former ce qu'on pourrait désigner sous le nom de syn-
drome cénesthésiopathique.
M. Vallon, tout en se refusant à admettre une origine périphé-
rique aux idées hypochondriaques, approuve la distinction faite
par les auteurs entre les deux délires hypochondriaques, intellec-
tuel et corporel, présentés par leurs malades.
M. VIGOUIIOUX pense qu'une lésion périphérique peut orienter
le délire, mais ne croit pas que MM. Deny et Camus soient autori-
sés à faire intervenir une lésion cérébrale pour le déterminer.
M. ARNAUD fait observer que, dans le délire de négation pure-
ment intellectuel, la lésion des centres corticaux ne saurait être
invoquée. La question de l'influence de la cynesthésie organique
SOCIÉTÉS SAVANTES. 149
devrait, d'ailleurs, être posée dans tous les délires, quels qu'ils
soient. t,
M. PACTET ne s'explique pas par quel mécanisme les perturba-
tions de la sensibilité du cerveau peuvent conduire un aliéné à nier,
non seulement l'existence de ses organes, mais celle du monde en-
tier. Il s'élève, en outre, contre la terminologie étrangère du mot
paranoïa, alors qu'en France nous avons le mot délire qui exprime
la même idée.
M. DENY répond qu'il ne suffit pas à un sujet de ne pas avoir la
sensation de ses organes pour en mer l'existence ; il lui faut aussi
et surtout une prédisposition à délirer.
M. LAROUSSINIE cite le cas d'un jeune homme qui, au cours
d'une grippe à forme intestinale, croyait ne plus avoir d'estomac.
M. Vallon considère qu'il s'agit plutôt là d'un cas de délire in-
fectieux.
Note sur l'emploi, du véronal dans les maladies mentales.
MM. Lof et RENON font connaître les résultats de l'expéri-
mentation qu'ils ont faite du véronal, dans différentes formes
mentales.
Troubles mentaux dans la sclérose en plaques. (Présentation de.
... - malade.)
MM. LiiEnMiTTE et HALBERSTADT présentent une malade du
service de M. Briand et dont ils communiquent l'observation. Il
s'agit d'une jeune fille, atteinte de sclérose en plaques et de troubles
intellectuels qui paraissent liés aux lésions du cerveau.
M. LAPOINTE pense que la malade est hystérique.
M. Colin incline vers le diagnostic de débilité mentale avec sclé-
rose en plaques chez une hystérique. Pour lui, les malades at-
teints de sclérose en plaques sont moins déments qu'ils ne le pa-
raissent. t.
M. PACTET a observé un malade, frappé de sclérose en plaques,
qui présentait une grande confusion mentale. Celle-ci s'est amé-
liorée et le malade a pu quitter l'asile. Peut-être en sera-t-il de
même pour la malade présentée.
M. Thivet ne nie pas la coexistence de la sclérose avec un état
manifestement démentiel, mais il ne voit dans ce fait qu'une asso-
ciation sans relation de cause à effet.
M. Marcel Briand, qui suit sa malade depuis longtemps, la
considère comme frappée d'une démence, déjà accusée, qui n'a pas
cessé de progresser.
M. VIGOUROUX expose que l'état démentiel doit être en rapport
avec le nombre et l'étendue des plaques de sclérose.
M. Vallon constate que la malade présente quelques stigmates
physiques de dégénérescence. M. B.
150 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 26 mars 1906.
Psychose polynépritiqne parjmto-intoxication gastrique.
MM. Sollier et DUIlEM communiquent l'observation d'un ma-
lade atteint de délire infectieux, puis de polynévrite avec amnésie
cl d'une psychose caractéristique de la maladie de Korsakoff.
Délire hypochondriaque en rapport avec une ectasie aortique.
M. Régis rapporte l'histoire d'un artério-scléreux, âgé de 67
ans, qui présenta un délire d'obstruction et de négation, en relation
de caractère et de localisation avec de l'ectasie aortique. La radios-
cupie et la radiographie confirmèrent le diagnostic d'ectasie aorti-
que, à forme légèrement ampullaire. II insiste sur les services que
peut rendre, à la médecine mentale, ce mode d'investigation.
M. Vallon fait remarquer que si le malade de M. Régis a orienté
et localisé son délire, sous l'influence d'un processus scléreux, il était t
déjà antérieurement délirant.
M. ARNAUD croit que celle observation vient à l'appui de ce
qu'il pense sur la localisation topographique des idées délirantes.
M. TOULOUSE. Le malade était-il affaibli intellectuellement ?
M. Régis. L'mtelligence n'avait pas baissé, après six ans de
délire.
M. Vallon fait remarquer, propos de l'aggravation du délire
consécutivement à deux voyages, qu'il vaut mieux ne pas faire
voyager les aliénés délirants.
M. VIGounoux se demande si le délire ne tient pas plutôt à l'in-
loxication occasionnée par l'artério-sclérose qu'à celle-ci.
M. Colin rappelle que Charcot a déjà signalé les inconvénients
des voyages chez les neurasthéniques.
M. Marcel Bncnrrn voit dans cette observation de M. Régis un
appui à la théorie d'après laquelle le délire hypochondriaque ne
serait qu'une étape du délire systématisé, étape correspondant,
dans le délire chronique de Magnan, à la période des idées de gran-
deur. Hypochondriaques et persécutés commencent par être des
inquiets et des mélancoliques qui cherchent leur voie. Les déli-
rants (type Magnan) deviennent persécutés et mégalomanes et les
déprimés (type Cotard) passent par l'hypocondrie pour aboutir
au délire de négation ou au délire d'énormité, appelé aussi mégalo-
mélancolie par M. Régis.
Simulation sur une 6ae morbide.
M. TuivET rapporte l'observation d'un prédisposé névropathi-
que, héréditaire, ayant simulé.pendant cinq mois, dans un but dé-
terminé, des symptômes ressemblant à de l'agitation maniaque,
et qui eut, plus tard, un véritable accès de manie. M. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 151
Séance du 30 avril 1900. Présidence de M. Marcel Briand.
LE Président fait connaître'que M. Thivet vient d'être l'objet
d'une tentative de meurtre de la part du malade dont il a commu-
niqué l'observation dans la dernière séance. Cet aliéné l'a frappé
dans la région orbitaire, à l'aide d'un goulot de bouteille. Deux
infirmiers ont été également blessés, en désarmant l'agresseur.
M. Briand félicite M. Thivet d'avoir échappé à son meurtrier.
Délire mystique provoque par les pratiques d'un magnétiseur.
M. Durrenr donne l'observation d'un homme, âgé d'une quaran-
taine d'années, chez lequel éclatèrent des troubles intellectuels à
forme mystique, consécutivement à des pratiques de magnétisme,
opérées par une guérisseuse.
Le PRÉSIDENT rappelle qu'une observation analogue, recueillie
dans son service, a été publiée par M. LworF. Un cas comparable
a encore été communiqué par M. Dheur.
Troubles mentaux consécutifs à un accident de travail.
MM. Vigouroux et Delmas rapportent les observations de
deux hommes -ayant présenté des troubles intellectuels à la suite
d'un accident de travail ; l'administrateur provisoire des aliénés,
ajoutent-ils.s'occupe de leur faire obtenir l'indemnitéàlaquelle ils
paraissent avoir droit. Les auteurs estiment que le médecin d'asile
doit dans ses certificats signaler, s'il y a lieu, la possibilité d'un
rapport de cause à effet entre l'accident et les troubles mentaux
consécutivement constatés.
M. VALLON. - Lorsqu'un médecin agit comme expert, il reçoit
des magistrats des documents recueillis par l'enquête. Il n'en est
pas demême du médecin d'asile qui doit se montrer très prudent
dans les certificats qu'il délivre aux familles intéressées. Il doit
aussi ne pas oublier qu'il est lié par le secret professionnel.
M. GIRAUD. Dans le département de la Seine-Inférieure, c'est
un mandataire ad litem , désigné par le tribunal, et non par l'Ad-
ministrateur provisoire, qui serait intervenu dans un cas analo-
gue.
M. Marcel Briand estime que le médecin d'asile doit, dans son
certificat, faire connaître à l'Administration préfectorale les faits
relatifs aux intérêts de ses malades. L'administrateur provisoire,
ainsi prévenu pourra faire, après enquête, nommer un mandataire
ad litem, qui poursuivra les personnes responsables.
M. B.
152 sociétés savantes.
.Séance du 2S mai 1906. Présidence de I. Marcel l1RJANO.
Délire d'interprétation et paranoïa.
)I\l. D> : NV et Camus résument l'histoire d'un aliéné, présen-
tant un délire systématisé chronique d'interprétation, compara-
ble aux cas signalés par Sérieux et Capgras et chez lequel
on retrouve la conservation des facultés logiques, correspondant t
à l'absence des facultés auto-critiques. Celle absence d'auto-cri-
tique, avec intégrité de la logique, ne peut être imputée qu'à une
anomalie psychique congénitale, dont les caractères sont sufli-
fisamment tranchés puur,justilier la dénomination de paranoïa,
qui lui a été attribuée par certains auteurs italiens, allemands,
portugais, etc. En se basant sur la prépondérance de l'un ou l'au-
tre de leurs éléments constitutifs, les délires paranoïaques peu-
vent être divisés en trois grandes catégories ; a) les délires à
base de représentations mentales exagérées ou obsédantes (per-
sécutés-persécuteurs) ; b) les délires à base d'interprétations
erronées ; c) les délires à troubles perceptifs ; ces derniers
peuvent à leur four se subdiviser en deux groupes : les délires
à base de troubles cynesthésiques (folie hypochondriaque) et les
délires à base de troubles sensitivo-sensoriels (délire chronique.)
En présence de ces différences constitutive et'évolutive, les
auteurs proposent, sinon de rattacher avec Kraepelin, tous ces
délires à la démence précoce, du moins de les considérer comme
une espèce psychopathique intermédiaire entre les délires para-
noiaquesproprement dits et la variété paranoide de la démence
précoce.
M. Vallon n'admet pas que les délires systématisés aboutis-
sent à la démence. M. Deny estime qu'il faudrait d'abord s'en-
tendre sur le terme démence. Pour les uns, c'est la perte totale
des facultés intellectuelles. Pour lui et la majorité des aliénistes
la démence débute avec la désagrégation des facultés.
M. PACTET s'élève contre la terminologie nouvelle de paranoïa
qui a, en français, son équivalent dans l'expression état men-
tal des dégénérés.
M. ARNAUD ne croit pas que le délire chronique aboutisse à
la démence ; les délirants chroniques d'un âge avancé lisent en-
core lesjournaux. Il reproche au mot paranoïa d'avoir changé de
sens,depuissacréation. .M. DENY.- Si les déments lisent les
journaux, c'est sans les comprendre.
M. TOULOUSE est d'avis que la démence vésaniquo n'est pas
une démence. C'est de la confusion mentale. Le paralytique gé-
néral seul est un dément type. je, 1 )UPR I ne peut se résoudre
à considérer, comme atteints de confusion mentale, les vieux
sociétés savantes. 153
\éS[lI1ÏI[UeS qualifiés habituellement de déments. Il conservera
volontiers le terme paranoïa, qui convient pour désigner certains
états congénitaux caractérisés par des anomalies de la sensibilité
et de l'intelligence-.
M. VALLON.- Le mot «paranoia » varie de sens, avec les édi-
tions des livres de Ivraeplin.
M. 111 ? RAVAL. La théorie de Kraeplin est fortement battue en
brèche, même dans son pavs, notamment par Zichem. : \1. r>.
Séance du 25 juin 190( (1). Présidence de M. Marcel Briand.
1'ri.r Aubuxxel. -Gonformément aux conclusions du rapport
deM. 1,0% FF, le prix Aubanel est décerné à MM. Schrameck, Mi-
enot, et Parrot avec une somme de 1200 francs ; une récompense
de 650 francs est décernée à MM. Privât de Fortunié, Raviard et
Lorthiois, co-auteursd'un mémoire ; la même somme est accor-
dée dans les mêmes conditions à MM.llodiet, Dubos, Caus, Pan-
sier et Bricka ; enlin, une mention très honorable est attribuée
à M. Cornu.
Le sujet du Prix Aubanel pour 1908 est le suivant : Des amne-
sies dans les lésions organiques du cerveau.
Eloges de Jules Falret. - Le Secrétaire général prononce
un éloquent éloge de Jules IaBRF'l', ancien Président de la,So-
ciété. M. H.
Séance du 23 juillet 190G. Présidence de M. Marcel Briand.
La phraséologie de certains dégénérés.
M. WAHL lit l'observation d'une quérulente, où l'on retrouve
une phraséologie caractéristique de sa débilité mentale
Un cas de délire chronique à forme nxégalomaniaque, avec autopsie.
M. Marchand communique, en son nom personnel et au nom
de M. DOUTRT : BEN7-E, les particularités cliniques et anatomo-pa-
thologiques présentées par un débile, délirant chronique, mort à
la période des idées ambitieuses. A l'autopsie on trouvera une
méningc-corticalite chronique que les auteurs considèrent com-
comme étant en rapport avec l'évolution du délire. M.B.
(l Le soir au Banquet annuel, auquel assistaient la plupart des
Membres de la Société el. plusieurs des lauréats de la journée. les
collègues de M. Itilli remettaient il leur Secrétaire général un
bronze en souvenir de sa promotion dans sa Légion d'honneur.
151 i sociétés savantes.
Séance du 29 octobre 1906. - Présider ce de M. Marcel Briand.
Paralysie générale traumatique.
.\1. COLI ET donne lecture de l'observation d'un paralytique
général du Service de.\1. Vigoureux et dontiltait remonter le
début et la cause de la maladie aune chute de bicyclette. Cet
accident aurait eu lieu sept ans avant la mort. A l'autopsie, on
remarque que le crâne avait conservé la trace d'un traumatisme
et, en outre des lésions habituelles de la paralysie générale, on
constata la présence d'une lésion cérébelleuse.
,\1. ,IOFFROY demande si le malade présenta de l'amnésie rétro-
antéro-grade, au moment de son accident. Celle-ci on effet cons-
tilue, avec les troubles oculaires, un symptôme important de trau-
matisme cérébral. Si dans le cas cité le traumatisme est inter-
venu dans l'étiologie de la pal'lll) sic générale, il semhle qu'il n'en
soit pas la cause unique ou même principale.
.\1. \'IGOUROU-1. Le malade ne présenta, tout d'abord, aucun
trouble intellectuel et put reprendre son travail, mais à l'autop-
sie nous pûmes nous convaincre que les lésions prédominaient
dans la région protubéranlielle, au niveau même d'une exostose
d'origine cicatricielle.
AI. Vallon considère celle observation comme caractéristique,
parce qu'en dehors du traumatisme, on ne trouve aucune des cau-
ses habituelles de la paralysie générale : syphilis, alcool ou pré-
disposition.
11. Briand insiste sur l'intérêt à la fois scientifique et médico-
légal de l'étiologie traumatique de la paralysie générale. Il lui est
arrivé plusieurs l'ois de rechercher quelle pouvait avoir été l'in-
fluence de l'accident invoqué, comme cause déterminante d'une
méningo-encépha Ii Le chronique, lia pu toujours établir que c'é-
tait au contraire,une paralysie générale méconnue à son début,
qui avait favorisé l'accident incriminé, par suite d'une maladres'
se, ou même d'un ictus.
,,1. VALLON. - Dans le cas présenté par M. Collet, le trauma-
tisme s'est produit sept ans avant la mort ; il ne semble donc pas
qu'on puisse mettre la chute de bicyclette sur le compte d'un ic-
tus. Tous les traumatisés du cerveau, ni tous les syphilitiques ne
deviennent pas paralytiques généraux et cependant personne ne
nie plus aujourd'hui l'origine syphilitique de certaines paralysies
générales. Il se range iL l'opinion de M. Vigoureux et estime qu'il
s'agit bien d'une paralysie générale traumatique.
AI. Christian considère le traumatisme comme une cause
adjuvante possible, mais d'autant moins démontrée que la mala-
die a débuté longtemps après l'accident.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ]5j
M.Jop']Roy.testraumatismesducer\eau sont extrêmement
fréquents et comme les traumatisés ne deviennent pas paralyti-
ques généraux, le traumatisme ne suflit donc pas à produire la
méningo encéphalite chronique; il faut autre chose. 11 y a loul
lieu de croire que le malade, dont l'observation vient d'être expo-
sée, serait devenu paralytique général, quand bien même il n'au-
rait jamais faitdecitute.
.\1. [;I\IB.IL indique qu'il a observé dans le service de M. Pac-
Ici, un homme devenu paralytique général, quelque temps après
s'être tiré un coup de revolver dans la teie.
M.tttASD. 'élait-il pas déjà paralytique au moment de
sa tenlati\1' de suicide ? -
.\1. Collet répond qu'il a observé aussi des paralytiques géné-
rcux, victimes d'accidents sans rapport etiologique avec leur ma-
ladie ; mais il lui semble que. dans son observation, la cause dé-
lerminanle de la maladie a bien été la chute de la bicyclette. Il
existe bien, conclut-il, une pneumonie Ifaumaticlue, une pleuré-
sie traumatique ; pourquoi n'y aurait-il pas de paralysie séné-
ralc traumatique ? . ? \I. 1.
Séance dit 26 novembre. - Présidence de )1. )larcel Briand.
- - llalctdie rl'.trldisorz et délire.
.\1.\1. ÙGOUROI1X el DEUIAS communiquent l'ohservaLiunn d'un
addisonnien ayant présenté des idées de persécution et de richesse,
vans pouvoir répondre à la question qu'ils se posent, relativement
à l'éliologie du délire, les auteurs se demandent si l'insuffisance
fonctionnelle des capsules surrénales a été son unique cause
ou bien si elle n'a l'ait que l'orienter. JInaCI : I. IiRLND.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 10 janvier 1907
Au début do la séance, allocution (le}1. ,1. n IBII"5"I, prési-
dent.
Syl'il1 ! 10mlle/ie post-traumaliqvte.
MM. Lejonnic et Chartier présentent un malade de 44 ans,
qui, il la suite d'un écrasement de l'index droit, présente lente-
menl el progressivement dans le membre correspondant les si-
gnes d'une syringomyélie : atrophie scapulo-huniérale, exagéra-
lion des réflexes, )))perest)tesie et dissociations, douleurs profon-
des, scoliose, etc. Ils posent la question de l'influence du trauma-
tisme surl'alfection médullaire.
Ptosis paralytique dans l'hystérie.
111. W uvlNr..nd cn caplurtcylcux ca clur tlerjuunca lillcs gué-
1511 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ries, l'une par suggestion, l'autre par suggestion et corruclion
d'astigmatisme.
Neurasthénie thyroïdienne.
lI\I. L. Lévi et Il. de IiOTHSCH1LD présentent une jeune fille
atteinte neurasthénie et d'hypothyroïdie chronique, guérie de
tous ces phénomènes parla médication thyroïdienne, alors que la
psychothérapie avait échoué ; à l'intérêt du résultat thérapeutique
s'ajoute celui de de l'étude de l'asthénie nerveuse dans ses rap-
ports avec les actes thyroïdiens de la vie féminine el, avec Par--
thritisme en général.
. Phobie hystérique de la marche.
}1. ,\ ? CHARPENTIER présente une femme de GO ans qui, à la
suite d'une émotion violente, survenue il a quinze ans, ne peut
marcher seule autrement qu'à petits pas, lents et hésitants ; l'ab-
sence de tout signe organique amena AIAI. Charpentier et
Babinski au diagnostic de phobie hystérique, diagnostic confirmé
par le traitement psychique.
Acromégalie et diabète.
A1M. GRENET et TANON présentent une malade du service de
au. Brissaud, acromégalique avec apparition tardive de glyco-
surie ; celle-ci ayant cédé au régime anfidiabélique, l'efficacité
du traitementpeut s'expliquer par la théorie qui rattache la gly-
cosurie à un trouble de sécrétion hypophysaire plutôt qu'à une
compression par tumeur.
Lésions des racines des ganglions rachidiens et des nerfs dans un
cas de maladie de hriedreich.
"1;\1, D;JERINE et A. Thomas présentent des pièces qu'ils ont
examinées par l'imprégnation à l'argent (méthode de ltamon y
Cajal.)
Action de la scopolamine sur la chorée de Sydenham.
,,1. [hBtNSK¡ a obtenu dans certains cas de bons résultats par
l'injection de bromhydrate de scopolamine.
Réactions électriques dans le tétanos guéri.
M. E. ! 30NNIOT a examiné à ce point de vue un malade du ser-
vice de M. OEtlinger ; l'excitabilité galvanique des nerfs est mo-
difiée, il est difficile de provoquer le tétanos musculaire de fer-
meture, ce qui établit la différence avec la tétanie, où les réac-
tions sont normales et même exagérées.
Petites hémorrhagiessous la pie-mère cérébrale dans l'épilepsie.
AI.QUIER et Anfimou ont constaté l'existence, sur dix
BIBLIOGRAPHIE. 157
cerveaux d'épileptiques, de petites hémorragies superficielles et
disséminées intéressant les fibres tangentielles et évoluant vers
la sclérose. Ces lésions destructives peuvent expliquer la progres-
sion des troubles mentaux chez les épileptiques, et la sclérose
dans ce cas est la conséquence et non la cause de l'épilepsie.
Cas de trophoedème chronique par MM. Parhon et Florian (note
communiquée par M. J lenry i\leige). Ce cas intéressant est attri-
hué aune altération des centres psychiques du tissu conjonctif
sous-cutané. 1
Communication de ;\1.\1. LENOBLE et 'AUBINEAU sur un cas de
nystagmus miJoclonie.
Dissociation des réflexes tendineux el cutanés dans l'hémiplégie
organique spasmodique , par MM. Noica et Marbré (Note communi-
quée par AI. Uabinki.) J.BOLET,
BIBLIOGRAPHIE
Y.-Demi'fous et demi-responsables, par le prof. Grasset, in-8°
de 295 pages, 1907. Alcan, édit. (Bibl. de philos. conlemp.)
Le nouvel ouvrage du prof. Grasset, qui avait été annoncé et
préparé par un article delà Revue des Deux-Mondes du 15 février
1906, nous parait destiné à soulever les plus graves objections
dans le monde aliéniste : c'est que le sujet en est d'un très grand
intérêt actuel. et l'auteur, l'éminent clinicien de llontpellier.l)é,jà.
Al. Parant, en une critique courtoise, mais sévère, parue dans les
- inti. méd. psych. de mai-juin 1906, s'était élevé avec énergie
contre les conclusions de l'article de la Revue des Deux-Mondes ;
mais ) ! . Grasset maintient plus que jamais ses conclusions dans
son livre et leur donne un large développement. Il faut donc s'at-
tendre, puisque sa théorie ne tend a rien moins qu'à renverser
toutes les doctrines psychiatriques en cours, à une générale levée
de boucliers. On ne trouvera ici, bien entendu, qu'une rapide
analyse ; nous n'avons ni l'autorité, ni l'expérience nécessaires
pour nous permettre une critique du prof. Grasset ; nous n'au-
rons pas l'impudence de donner notre personnelle opinion sur
.son ouvrage.
Tout d'abord, l'existence de la demi-folie est posée en principe
dans l'introduction : les demi-fous ont existé de tout temps ; ils
nous coudoient dans la rue ; mais tandis que les fous ont leu,.
158 BIBLIOGRAPHIE.
place dans la société actuelle, celle des demi-fous n'est pas préci-
sée ; on les juge mal : certains d'entre eu vont une haute valeur
sociale, d'autres sont. des êtres nuisible ? Le but de l'auteur est
d'abord de prouver l'existence médicale des demi-fous, ensuite
d'établir leur valeur sociale, et, conséquemment d'étudier les
droits et devoirs de la Société envers ces malades. C'est la ques-
tion de la responsabilité atténuée, que 11. Grasset identifie avec sa
demi-responsabilité, ("est, dil-il une question exclusivement mé-
dicale.
Dans le chapitre ICI', M. Grasset établit l'existence des demi-fous
en les montrant dans la littérature et au théâtre. Le grand nombre
de héros de romans demi-fous, affirnlC-L-il, est une première
preuve de leur présence dans la société, preuve populaire. Et il
cite : le Don Quichotte de 1ticlif-l)iii, llacbeth, Ilamlet, de Sha-
kespeare, les héros d'Ibsen, de Hjornson, de Wagner, ceux de la
littérature russe, le malade imaginaire de Molière, certains types
de ftalzac, Flaubert, Zola, II. Jlalol, P. llourgel,elc...
Le chapitre 11 est consacré à la réfutation des doctrines qui, se-
lon JI. Grasset, nient les demi-fous. Ces doctrines se ramènent à
deux : 10 celle des deux blocs : on est fou ou on ne l'est pas; l'hu-
manité est divisée en deux groupes : ceux que l'on enferme et ceux
qui enferment ; '2' celle du bloc unique : il n'y a que des gens
plus ou moins raisonnables. c'est une question de degré, sans
ligne de démarcation possible. AL Grasset réfute la doctrine des
deux blocsen disant en substance : cette doctrine se base surfin-
divisibilité de la personne humaine, grâce à laquelle il ne peut y
avoir de demi-altération. Mais. si la personne humaine est indi-
visible, dit M. Grasset, les organes psychiques sonl multiples et
complexes et peuvent être partiellement altérés. Il y a des cen-
tres psychiques supérieurs et inférieurs, dans des zones diffé-
rentes, et il y a deux catégories de malades : les mentaux, qui sont
des fous, et les psychiques ou demi-fous. Nous ne pouvons in-
sister sur le développement, mais nous n'avons pas compris com-
ment, la personne humaine étant une et indivisible, le cerveau
humain, qui est son substratum, son organe, serait divisible ?
Quelle force cachée, extra-humaine, établit donc celle unité : ' On
ne peut faire de l'àme, ou personnalité, quelque chose de diffé-
rent de son organe, le cerveau. De plus, si l'on connaît un peu
le siège des fonctions psycho-motrices, où est celui des fonctions
psychiques supérieures il le lobe frontal ? Mais où est la lésion
préfrontale des délirants chroniques, des fous moraux, etc..., de
tous les demi-fous de M. el'assel ?
Au sujet de la théorie du bloc unique, AI. Grasset (lit que pour
ses partisans, l'humanité ne forme qu'un bloc, une série, allant
du plus sensé au plus fou : «Alors, conclut-il, il n'y aurait pas
BIBLIOGRAPHIE. 1¡)9
"-
de demi-fous, puisqu'il n'y a plus de fous, ou, que tout le monde est
¡'ou à des degrés divers »..Mais il nous semble que le fait d'admet-
tre une série d'un point à un autre n'entraîne pas la négation de
ces points : si l'on dit que, du raisonnable au fou, il y a une sé-
rie d'intermédiaires, cela ne veut pas dire qu'il n'y a que des fous
ou que des raisonnables ; si l'on dit que, du moins riche au plus
riche, il y a des intermédiaires, cela ne veuf pas dire qu'il n'y a
plus de riches ou qu'il n'y a plus de pauvres. En second lieu,
11. Grassel dit que l'édification de celle théorie repose sur cette
idée que l'existence d intermédiaires entre deux êtres prouve l'iden-
tité de ces deux êtres. « Non, répond-il, cela n'est pas plus exact
que de dire que l'état de santé ne diffère pas de l'état de maladie
parce qu'il y a des degrés de maladie ». C'est évident ; mais on
n'a jamais dil cela, et les théories darwiniennes, qui établissent
la filiation de l'homme au singe, ne signifient pas que l'homme
esl un singe. Si les deux points exlrèmes de la sél ie étaient iden-
tiques, il n'y aurait pas heu d'admettre des intermédiaires !
Après avoir ainsi déblayé le terrain, 1. Grasset tenle une dé-
monslration clinique de la demi-folie. Il rappelle d'abord Trélat,
elacceplecomme demi-fous tous ses « fous lucides ». Puis,d'après
la neuroclinique moderne, il classe les demi-fous en 3 groupes ;
sont demi-fous : lu certains fous internés dans les asiles, c'etl-à-
dire tous les délirants partiels « avec qui l'on peut causer longue-
ment sans rien observer que de la bizarrerie, jusqu'à ce qu'ils
vous disent qu'ilssont empereurs ou persécutés par les loges... » ; -
2° les périodiques, qui sortent de l'asile pour un temps et restent
sous la menace d'une rechute : 3° ceux qui ne sont jamais fous
cl restent demi-fous toute leur vie (excentriques, originaux,
etc.)
Cette classification, dont ai. Parant a déjà dit qu'elle ne cor-
respond pas aux notions cliniques de la psychiatrie, est suivie
de l'analyse des symptômes de la demi-folie ; ils sont les mêmes
que chez les fous, mais s'en distinguent par leur limitation plus
grande et leur moindre durée. Ce sont : les illusions et halluci-
nations ; les obsessions ; les délires ( ! ), idées de grandeurs, d'in-
ventions, de ruine, de négation, de transformation, de persécu-
tion, de défense, mystiques, erofiques ; les impulsions ( ! I même
homicides, les aboulies, les troubles de la cénesthésie, de l'idée
du moi, du psychisme social, sexuel et familial. Puis, vient l'énu-
mération des maladies dans lesquelles on trouve des deiiii-fous,en
adoptant la classification de Ilégis : « On peut trouver des demi-
fous à peu près dans chacun des types établis par les psychiatres»,
dit,)I. Gi assel. Ainsi, le délire systématisé secondaire qui se mon-
tre dans les manies chroniques, est de la demi-folie ! Certains
confus mentaux sont des demi-tous; certaines psychoses systémati-
sées progressives appartiennent il la demi-folie, jusqu'à ce que le
160 BIBLIOGRAPHIE.
malade cherche la cause de ses maux en dehors de lui (n'est-ce
pas un peu tard ? ) ; les déséquilibtés, tous ceux qu'on a mis sur
les frontières de la folie sont des demi-fous. Mais que d'objections
nous parait pouvoir soulever cette assertion ! De même, les dégé-
nérés moyens, dangereux ou non, persécutés, processifs, etc., les
fous moraux, certains imbéciles, épileptiques, hystériques, neu-
rasthéniques. La conclusion est que les demi-fous existent; et
que chez eux, « il y a affaiblissement du psychisme supérieur, et
hyperactivité fonctionnelle, non contrôlée, du psychisme infé-
rieur. » Nous prenons la liberté de demander si cette définition
du demi-fou ne pourrait pas s'appliquer à des fous. complets car,
du moment qu'il y a hyperactivité non contrôlée des fonctions du
psychisme inférieur (impulsions par exemple), peul-on dire qu'un
individu qui ne peut exercer ses facullés de contrôle n'est pas un
aliéné . !
Dans le chapitre IV est établie la valeur sociale des demi-fous ;
certains sont très actifs et peuvent rendre des serv ices à la Société,
être même très supérieurs. Comme preuve, M. Grasset énumère
un grand nombre de penseurs et de prétendus génies, en relevant
leurs tares psychiques (selon lui. leur demi-folie) : Socrate, Pas-
cal, A. Comte, St-Simon, Tolstoï, de Maupassant, Villemain, J..l.
Ilousseau, Flaubert (épilepsie', llaudelaire. Jlussel, Jlontesquieu
(qui agitait les pieds en travaillant), Cujas (qui travaillait couché),
Bossuet (qui travaillait dans une chambre froide), Zola. Balzac,
Hugo, Le Tasse, 1\ietzsclce,L : . Poe. Newton, Darwin (neurasthénie],
Nlozart (précoce), Beethoven (qui se lavait à l'eau froide), enfin un
certain nombre d'épileptiques. La conclusion. c'est que le génie
n'est pas une névrose, mais la névrose est la rançon du génie.
« Donc, dit 11. Grasset, certains demi-fous ont une haute valeur
sociale, ce qui les distinguo des fous ». S il y a des demi-fous
utiles, il en est de nuisibles. Quelle doit être la conduite de la so-
ciété vis-à-vis d'eux ? Cette question est l'objet du chap. V.
La nocivité des demi-fous s'exerce soit par l'exercice régulier
de leurs droits d'hommes libres (mariage, descendance), soit di-
rectement (délits et crimes). Au point de vue criminel, M. Grasset
estime que les idées de Lombroso ont des rapports étroits avec la
doctrine de la demi-folie. Mais il lui reproche d'avoir fait jouer
à l'hérédité ancestrale un rôle exclusif. Il faut, dit ll, Grasset, le-
nir compte de deux grands éléments : la morale elle milieu. Les
crimes des demi-fous sont caractérisés par le fait que leurs au-
teurs passaient jusque-là pour normaux ; puis, un examen mé-
dical a montré des lares : telles sont les empoisonneuses,étudiées
récemment par Il. Charpentier. Mais alois, pourquoi Jl. Grasset
consLitue-t-il son 2- groupe de demi fous avec d'anciens fous ? : '
Ceux-là aussi commettent des crimes ! par quel moyen pourrons-
nous distinguer les nuisibles des utiles.' M. Grasset ne le dit pas...
BIBLIOGRAPHIE. 161
Dès lors, la société doit : 1° traiter les demi-fous, par un iso-
lement spécial (services spéciaux d'hospices) ; 2° se garantir
contre leurs méfaits. Cette prophylaxie doit être dirigée contre :
l'hérédité, la contagion nerveuse, la mauvaise hygiène, les infec-
tions ou intoxications. Le médecin dirige cette lutte par la sur-
veillance du mariage (JI. Grasset conseille de provoquer une con-
férence des médecins des deux familles avant toute union) et
celle de la formation de l'enfant et du citoyen : éducation, sur-
menage à éviter, choix d'une carrière (agriculture pour les gros
tarés). Ici, nous trouvons ces deux phrases : « le mariage, le
célibat, la nie religieuse, ne font que du bien, s'ilssont une voca-
tion ; le service militaire fait en général plutôt du bien aux pré-
disposés nerveux » ; (les mots soulignés le sont par l'auteur).
Combien de psychiatres considèrent au contraire la vocation mo-
nacale comme une tare ! Et la vie militaire, peut-elle fournir les
éléments de la psychothérapie nécessaire aux demi-fous ? suivent
quelques règles d'hygiène générale pour les prédisposés nerveux :
pas de vie à outrance, d'arrivisme, etc...
Et nous arrivons à la partie la plus grave du livi e : les demi-
fous devant la justice. La responsabilité ne doit pas être envisa-
gée au point de vue philosophique, mais physiopathologique : le
système nerveux est ou non en état d'intégrité, et l'individu peut
ou non peser les motifs. Le médecin n'a pas à s'occuper de l'âme,
dit M. Grasset. (Mais pourquoi donc ? puisque l'âme n'est que
l'ensemble des fonctions du cerveau ? peut-on séparer un organe
de ses fonctions ? ) Et il ajoute : « Pour qu'un sujet soit médica-
lement responsable d'un acte, il suffit qu'il ait une saine notion
de ce que permet ou défend la loi civile... » (Oh ! combien de
fous, archi-fous, savent pourtant qu'il est défendu de tuer, de
voler ! ) Le critérium de la responsabilité est l'intégrité des neu-
rones psychiques. (Mais où sont ces neurones ? et comment sont-
ils malades ? le savons-nous ? ). Et cependant M. Grasset conclut
que la responsabilité est fonction des neurones psychiques, et que
le rôle de l'expert consiste uniquement à déterminer l'état et le
fonctionnement des neurones psychiques (on avouera que c'est
là une ingrate besogne dans l'état de la science). Il adopte, en
l'adaptant aux demi-fous, la doctrine de Saleilles, qui concerne
les fous. M. Grasset réfute ensuite les doctrines de ceux qui nient
la responsabilité atténuée : il faut séparer la question médicale
de la responsabilité atténuée de la conduite légale à tenir vis-à-
vis des demi-responsables. La responsabilité atténuée (est-ce bien
la demi-responsabilité ? ) existe : elle est la conséquence de l'al-
tération partielle des neurones psychiques (' ? ). Dans l'examen de
la conduite à tenir, M. Grasset déclare qu'il n'est paspaUisan des
peines raccourcies. Le demi-fou doit être mis en prison : . il com-
prend le gendarme ! dans un quartier spécial de prison ou de mai-
.IRCIIIVES, 3' série, 1907, t. I. 11
162 ISii3LiOG1lrtPüli : :
son de éàt3lé, Mie Médecin intervient'; Mais il faut queson tt'ai-
luméiit soit infligé ctinBÜe uüegieioie. Après ravoir 'purgé celle
Condamnation, 16 demi-fou doit Cire retend, 'quand il cesse d'être
détenu dads une maison Spéciale, pôtti' un temps illimité et sou-
nlis à 1 aj3|irè'cidltdtt médicale. Quant à l'autorité qui prondticéhàit l
là peiner ! : Grasset se déclare incompétent pour le décider, Inais
ses préférences iraient à un jury technique exclusivement médi-
cal : Là Î1oÍ.ivelJè loi sur les aliènes devrait contenir un titre spé-
cial consacre aux 'demi-tous ht à la responsabilité atténuée.
Enfin, le livre se termine rial- une réponse aux 'objections si
judicieuses que Parant formula dans l'article cité plus haut (Ann.
mri, psjeh., mai-juin 1906). 11. Grasset 'maintient cependant ses
conclusions géhéralés, que nous Venons d'analyser. Quant à
nous, trop respectueux pburoser émettre des critiqués, hous at-
tendrons avec confiance de nouvelles réfutations autorisées des
doctrines de M. Grasset, que né manquera pas de provoquer son
bitt`t·ae. b. Coulonjou.
"1. Lâ 3xèurci-sthéxié génitale féminine) par le D1' .1. ¡iATUAUOj
in Bill, dé la nutrition, Maloine éd. 100u, vol. de 260 pages.
Ces études avaient déjà pain, sous' forint ! d'articles, dans la
l,éuue dé ifacilcidies de la nutritibx, dè 1U3 à 1906. L'auteur se
proposé de démontrer que nombre 'd'affections génitales chez
la le ni nie ont des rapports avec la neurasthénie, soit qu'elles en
dérivent, soit qu'elles lu provoquent ; il définit la neurasthénie
comitie liùt : hâiul, la ilévrose arthritique, l'atihrilisme étant sa
caractéristique humorale. Tout d'abord, l'influence de la neuras-
tliônié sur l'appareil ut'éro-ovarieii est théoritluementratiunnelle,
car on sait que les plosés iscerales sont la caractéristique ana-
tomo-pathologique de l'arthritisme. Celle influence se traduit par
des troubles de statique utérine (atonie de l'appareil suspenseur),
l'instabilité utérine, et les rëtrodëviations. Dans le traitement de
la seconde, oh doit pratiquer la gymnastique des abducteurs et
des adducteurs, le massage de l'utérus ; pas d'immobilité ! Les
rétrodéviatibns des nullipares sont dues en grande partie à la
hë\r6se, et souvent aussi celles des multipares ; il ne faut pas les
opérer, niais faire un traitement gynécologique médical, la ré-
duction rnanue)le(procedes de la bascule etdusoulcvemenl), le
massage utérin, le pessaire de l\odge-13ouilly. Après les trou-
bles dé statique, 1..l\atual1ll étudie les névralgies pelviennes,
qui souvent reposent sur de petites lésions : le pronostic en
devient favorable si on me du traitement médical : re\uision,
'dilatation du col-, massage, traitement thermal (Néris), repos rela-
tif, régime des dilatés et reconstituant, douches écossaises. (i2
observations de sa pratique, suivies depuis 10 ans). Comme
asiles publics d'aliénés. 1G3
troubles circulatoires et trophiques, il décrit : ies congestions uLé-
ro-annexielles; les pseuuu-Illétriles ; l'hypertrophie transitoire de
l'utérus ; les adhérences pelviennes. Il existe, par Contre, une
neurasthénie d'origine génitale ; il faut une tare névropalhique,
mais la névrose est bien plus souvent cause qu'effet; il existe sur-
tout une neurasthénie post-opératoire (Picqué et 1)agoneL), à côté
des psychoses de même origine ; puis, l'auteur consacre un cha-
pitre il la clinomanie neurasthénique, s'observant chez les femmes
qui ontune lésion génitale chronique et que Bouilly appelait les
endolories ; ce sont toujours des phobiques de la douleur ou de la
mort. Un dernier chapitre résume l'ouvrage et surtout la théra-
peutique, en laquelle M. Batuaud a une grande confiance, grâce
au : . nombreux succès qu'elle lui a donnés dans sa pratique.
E. COULONJOU.
ASILES PUBLICS D'ALIENES
Asiles privés luisant fonctions d'asiles publics, quartiers d'hospice
et maisons particulières, avec les noms des médecins en chef et
médecins adjoints et le nombre des internes. ,
Afin. Pas d'asile public d'aliénés. 2 asiles privés faisant
fonctions d'asiles publics : 1° Asile St-Georges (hommes), à Bourg.
Directeur-médecin, Dr Adam, 1 interne. po Asile Site-madeleine
flemmes), à Bourg. Médecin-chef. Dr Louis ; Médecin-adjoint, Dl
Dupré ; pas d'interne.
aisé. Asile public de Prémontré. Médecin-directeur, Dr
Pilleyre ; Médecin adjoint, Dt Girnbal ; 2 internes.
Allier. Asile public de Ste-Catherine, près Moulins : Méde-
cin-directeur, Dr Monestier ; Médecin adjoint, Dr Vernet ; 2 inter-
nes. Colonie familiale d'Ainay-le-Chdteau : Médecin-directeur,
Dr Bonnet ; pas d'interne.
Alpes (Basses-). Pas d'asile.
Alpes (Hautes-). Pas d'asile.
ALPE Pas d'asile public.-Asile privé St-Polis,
faisant fonctions d'asile public : Médecin-chef, D''Planat; Méde-
cins adjoints, Drs Auby, Pietri; Cossa, médecin en chef inspecteur;
pas d'interne.
Anni,cnc. - Pas d'asile public. - 1 asile privé, Sainte-
Marie-de-1' Assomption, faisant fonctions d'asile public : Médecin-
chef, Dr X... ; Médecin-adjoint, Dr Daday ; 2 médecins suppléants :
Dr. Blache, Delloi (Pierre) ; pas d'interne.
1G
ASILES publics D : 1111 : \liS.
ARD E N N C S. - Pas d'asile.
AniÈc;r. Asile public de Saint-Lizier : Directeur-médecin. Dr : lla1(ilatre ; 1 interne. -
AUBE. - Pas d'asile.
Aude. Pas d'asile public. 1 asile privé faisant fonctions
d'asile public. Limoux : Médecin-chef, Dr Rongé ; Médecin adjoint,
Dr Giret ; pas d'interne.
Aveyron. Asile public de Rodez : Directeur-médecin, Dr
Fenayrou ; 2 internes.
Bouches-du-Riione. 2 asiles publics : 1° Saint-Pierre, à
Marseille : Directeur, M. Denizet ; Médecins-chefs, Drs Journtac,
Allombert, Goget ; Médecins-adjoints : Drs Pelissier, Dromard ; 2
internes en médecine ; 2 internes en pharmacie. 2° Aix. Direc-
teur..lI1. Guichet ; Médecins chefs, Des Maunier et Toy ; pas d'in-
terne. 3 maisons de santé : Sainte-Marthe : Directeur-médecin,
Dr Lachaux . Le Canet : Médecin-chef, Dr Bidon. Saint-Paul,
Médecin-chef, Dr Séja.
Calvados. Pas d'asile public. 1 asile privé faisant fonc-
tions d'asile public : Le bon-Sauveur, à Caen : Médecins-chefs : Drs
Guillot, Gosselin ; Médecins adjoints : Dr Corchet, Lemonnier,
officier de santé ; pas d'interne.
Cantal. Pas d'asile public. Quartier d'hospice à Aurillac
Médecin chef, Dr Fesq ; Médecin adjoint, Dr Béniac ; pas d'interne.
CnARENTE. Asile public de Breuty-la-Couronne, près Angou-
lemme : Médecin-directeur, Dr Bellat ; ? 2 internes.
Charente-Inférieure. Asile public de Lafond près la Po-
chelle : Médecin-directeur, Dr Mabille; Médecin adjoint, Dr Ducos;
1 interne.
Cher. 1° Asile public de Beauregard, près Bourges : Mé-
decin-directeur, Dr Homery ; 1 interne. 2° Colonie familiale de
Dun-sur-Auron : Médecins adjoints : Des Truelle, Ameline, Cap-
gras ; pas d'interne.
CORRL ZE. Pas d'asile public. 1 asile privé faisant fonctions
d'asile public : La Cellette : Médecin-chef, Dr Bargy ; Médecin ad-
joint, Dr Louradou ; pas d'interne.
Corse. Pas d'asile.
CÔTE-D'OR. - Asile public d'aliénés de Dijon : Médecin direc-
teur, Dr Garnier ; Médecin adjoint, Dr Castin ; 2 internes.
Côtes-du-Nord. Pas d'asile public. 1° Quartier d'hospice
à Saint-Brieuc : Médecin-chef, Dr Guibert ; Médecin adjoint, Dr
Tostivint ; pas d'interne. 2° Asile privé faisant fonctions d'asile
public : Lehou : Médecin-chef, Dr Olivier ; Médecin adjoint, Dr
Chatellet ; pas d'interne. 3 Asile privé faisant fonctions d'asile
public : Bégard : Médecin-chef, Dr Le Cuziat ; Médecin adjoint,
N... ; pas d'interne.
Creuse. Pas d'asile.
, asiles publics d'aliénés, 1G5
DORDOGNE. -Pas d'asile.
Douas. - Pas d'asile. Quartier d'hospice à Besançon : Mé-
decin-chef, Dr Baudm ; Médecin adjoint, Dr Toulin ; Chirurgien,
Dr Gounaud ; 1 interne.
DROME. - Pas d'asile.
Bure. Asile public d'Evreux : Médecin-chef-directeur, D'
Bessières ; Médecin faisant fonction de médecin adjoint, Dr Bro-
quère ; 2 internes.
EURE-ET-LoiR. Asile public de Bonneval : Médecin-directeur,
Dr Dericq ; 2 internes.
FINIST1 : RE. Asile public de Saint-Athanase, près Quimper :
Médecin-directeur, Dr Meilhon; Médecin adjoint, Dr Lagriffe; lin-
terne. Quartier.d'hospice à Morlaix : Dr Bodros ; pas d'interne.
GARD. -Pas d'asile.
GARONNE (Haute-). 1° Asile public de Braqueville : Méde-
cin directeur, Dr Dubuisson ; Médecins adjoints : Drs Bonne, Cou-
lonjon ; 2 internes. 2° Maison de santé du Dr Parant : Dr Parant;
pas d'interne. 3° Clinique d'observation à l'hospice de la Grave,
à Toulouse : Dr Rémond (professeur) ; 2 internes.
Gers. Asile public d'Auch : Médecin directeur, Dr Chevalier-
Lavaure ; 2 internes.
GIIIONDE.-2 asiles publics : 1° Bordeaux : Directeur, M. Jos-
serand ; Médecin-chef, Dr Anglade ; Médecin adjoint, Dr Jacquin ;
2 internes. 2° Cadillac : Directeur M. Léo oeillet ; Médecin-
chef. Nicoulau ; 3 internes. -Asile privé de Castel-d'Andorte, au
Bouscat : Médecin-directeur, Dr Lalanne ; 1 interne.
HÉRAULT. - 1° Quartier d'hospice à Montpellier : Médecin-
chef, Dr Mairet (professeur) ; Médecin adjoint, Dr Ardin-Delteil :
3 internes. 2° Maison de santé Rech : Directeur, Dr Bonnaud ;
Médecin-chef, Dr Baumel ; pas d'interne.
Ille-et-Vilaine. Asile public de Rennes : Directeur, M. Cu-
velier ; Médecin-chef, Dr Sizaret ; Médecin adjoint, Dr Dide ; 3 in-
ternes.
INDRE. Pas d'asile.
INDRE-ET-LOIaE. - Pas d'asile public. Quartier d'hospice à
Tours : Médecin-chef, Dr Archambault ; 1 interne.
ISÈRE. -Asile privé de Saint-Robert : Directeur, M. Gex ; 1\Ié-
decin-chef, Dr Allaman ; 2 internes. Asile privé de 1\IeYZleux :
Médecin-directeur, Dr Courjon ; Médecin adjoint, Dr Larrivé, pas
d'interne.
JURA. - Asile public de Saint- Ylie : Directeur, M. Biery ; Méde-
cin-chef ,Dr Santenoise ; Médecin adjoint : Dr X... ; 2 internes.
Maison de santé : Les Capucines (Dôle), Drs Rouby et Venassier.
LANDES. -Pas d'asile.
Loir-et-Cher. Asile public de Blois : Médecin-directeur, Dr
Ramadier ; Médecin adjoint. Dr Marchand ; 1 interne.
166 asiles n'BLICS d'aliénés.
LoiRE. Pas d'asile. -
LaIRE (Haute-). Pas d'asile public. 1 asile privé faisant
fonctions d'asile public : lllontredon; Médecin-chef, Dr Bonhomme;
Alédecins adjoints : D" Abrial, Koeppfhn ; pas d'interne.
LotRE-lKFERiEURE. Pas d'asile public. 1° Quartier d'hos-
pice Saint-Jacques, à Nantes : Médecin-chef, Dr Biaute ; Alédecin
adjoint, Dr Houeix delà Brousse ; 2 internes. - 2p Maison de santé
Francheteau : Directeur-médecin, Dr Fortineau ; pas d'interne.
L.oIRET. - Pas d'asile public. Quartier d'hospice à Orléans :
Alédecin-chef, Dr Raynaud ; 2 internes.
LoT. Pas d'asile public. 1 asile privé faisant fonctions d'a-
sile public : Leyme : Médecin-chef, D Briche ; Alédecin adjoint :
l\1. Arsimoles ; pas d'interne.
LOT-ET-GARONNE. Pas d'asile public. Quartier d'hospice à
Agen : l\IédeC'În-chrf. Dr Mahon ; pas d'interne.
LOZÈRE. Asile public de Saint-Alban ; Médecin-directeur, Dr
Noie : 2 Internes.
MAtNB ET-LGIR15, Asile public de Sainte-Gemmes, près d'An-
gers : Médecin-directeur, Dr Diibourdieii Médecin adjoint Dr
Charpentier ; 2 internes.
MANCHE. Pas d'asile public. 3 asiles privé. ? faisant fonc-
tions d'asiles publies : 1° Pontorson : Médecin-chef, Dr François -,
Médecin adjoint, Dr Bailleul ; pas d'interne ? 2° Picaumlle : Mé-
decin-chef, Dr Viel ; Suppléant, Dr Belles pas d'interne. 3°
Saint-Lô : Alédecin-chef, Dr Lhomond ; pas d'interne.
MARNE. Asile public de Châlons-snr-Marne : lllédecin-direc-
teur, Dr Guyot; Médecin adjoint, Dr Guiard ; 1 interne. '
MARNE (Haute-). Asile public de Saint-Dizier : Médecin-di-
recteur, Dr Chaussinand ; 2 internes.
IIIAYENN1;. - Asile publie de Laroche-Gandon : Médecin-direc-
teur, Drain ; Médecin adjoint, Dix... ; 1 interne.
bI>3unTxE-Er-Aloser,r.r. 1° Asile public de lllarévllle : Direc-
teur, nI. Gruhier; Médecins-chefs, Drs Paris, Charnel, Lalanne ;
Médecin adjoint, Dr Aubrv ; 5 internes. 2° Maison de sanlé de
la Alalgrange : Médecin-directeur, Dr Picard ; pas d'interne. z
3° Quartier d'hospice de Sain t-Nicoll : \s : Médecin-chef, Dr Dupré ;
pas d'interne,
Meulez Asile public de Fains : l\IédeciJ1-directeur, Dr Gain-
pain ; Médecin adjoint, Dr Tripoux ; 3 internes.
lloxsrtcns. Asile public de Lesvellec : Médecin-directeur, Dr
Croustel ; Médecin adjoint, Dr Récue j 1 interne.
lTràyR>a. Asile public de la Charité : Médecin-directeur, Dr
Levet ; Médecin adjoint, D'l'errade; 2 internes.
NORD. - 1° Asile public d'Armentières : Directeur, nI. Gaspa ;
Médecin-chef, Dr Chardon ; Médecins adjoints, Dr l1avl¡Jrt et Pri-
vat de Fortunié ; 2 internes, 2° Asile public de J1qillcul : Dires-
ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS, 107
teur, 1\I. ,S-imonnet ; 1\Iéqec ! ps-chefs, Drs Chocreapx et Maup¡¡.t4 :
Médecins adjoints, Dr Halberchtadt ; 2 iqternes. 3° Asile privé
faisant fonctions d'asile public Lommelet : 1\Iédsçin-chef, Du
Bouchaud ; Médecin adjoint, Dr Lecocq ; pas d'interne.
OISE. Asile public de Clermont : Directeur, nI. Mabitle ; Mé-
decins-chefs, Drs Boiteux, Thivet ; Médecins adjoints, Drs Ro-
ques de Fursac, 1\Iasselon ; 4 internes,
Orne. Asile public d'AIencon : Médecin-directeur, Dr Baruk ;
Médecin adjoint, Dr Levassort ; 1 interne.
Pas-de-Calais. Asile public de Saint-Venant ; Médecin-dj-
riccteur, Dr Cortyl ; Médecin adjoint, Dr Damay ; 1 interne.
Puy-de-Dôme. Pas d'asile public. 1 asile privé faisant
fonctions d'asile publie : Sainte-Marie-de-1'Assomption : Alédpcin-
chef, Dr Dubois ; Médecin adjoint, Dr Fouriaux (J.). ; 2 internes.
PYRÉNÉES (Basses-). Asile public de Saint-Luc : Médecin-
directeur, Dr Girma ; Médecin adjoint, Dr Cornu ; 3 internes.
PYRÉNÉES (Hautes-). - Pas d'asile.
PYRÉNÉES-ORIENTALES. Pas d'asile.
RHIN (Haut-). (Territoire de Belfort). -Pas d'asile.
RHÔNE. - 1° Asile public de Brpn : Directeur, AI. Sabail ; Mé-
decins-chefs, Drs Rousset, Viallon; Médecins adjoints, Drs Papillon
Lépine, Dodero.; internes. 2° Asile privé faisant fonctions
d'asile public : Saint-Jean-de-Dieu : Médecin-chef, Dr Devay ;
Médecins adjoints, Drs Carrier, lllartin ; pas d'interne. 3° 4 mai-
sons de santé : Saint-Vincept-de-Paul ; Médecin-chef directeur,
Dr Carrier ; 2 internes. Champ-Vert : llfédecin-cllef-directeur,
Dr Rabattél ; 2 internes. Vaugneray : Médecin-chef-directeur,
Dr Serullaz pas d'interne. Verbe-Incarné : Médecin-chef-dl'
recteur, Dr, Bertoye ; pas d'ipterne.
SAÔNE (Haute-) et S.1,ÔNE-rT-LoiRE. -Pas d'asile.
SARTHE. Asile public du Mans : Directeur, AI. Grisez ; Méde-
cin-chef, Dr Bourdin ; 2 internes.
SA VOIE.- Asile public de Bassens : Directeur, 111. X...; Médecin
en chef, Dr Dumaz ; Médecin adjoint, Dr X... ; 2 internes.
SAVOIE (Haute-). -Pas d'asile.
SEINE. 1° Asile clinique : Directeur, AI. Guillot ; Médecins en
chefs, Drs Magnan, professeur A. Joffroy, Dubuisson, Dagonet,
Vallon ; 2° 71llei uif . Directeur, AI. Monteit ; 5 médecins en chef,
AIAI. Briand, Toulouse, Marie, Col]ip, Paplet. 3° Biçêtre : Mé-
decins-chefs, Drs Féré, Séglas, Chaslin, Nageotte ; Médecin-adjoint
Dr Riche. 4° Salpêtrière : Médecins-chefs, Drs Voisin, Charpen-
tier, Deny ; Médecin adjoint, Dr Roubinowitch ; 43 internes pour
tous les asiles de la Seine. Ville-Evrard (en Seine-et-Oise) ; Di-
recteur, AI. Sigismont-Lacroix ; 4 médecins en chef 111111. Keraval,
Legrain, Marandon de Dioytyal, Sérieux ; 5 internes en médecine,
3 en pharmacie. 5° Charenton : Directeur, M. Dubranle ; 2 mé-
1GS ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS.
decins en chef, 1\1M : . Ritti et X...; 1\Iéc ! ecin-sup. : N... ; 4 internes.
6° 12 maisons privées, 23 médecins en chef et 11 médecins adjoints;
6 internes (1 ). -i -
SEINE-INFÉRIEURE. - 1° Asile public de SainL-1'on : Médecin-
directeur : Dr Giraud ; Médecins adjoints : Drs Pochon, Brunet ; 3
internes, 2° Asile public de Quatre-Mares : Médecin-directeur,
Dr Lallemand ; Médecin-chef, Dr Thibaut ; 2 internes. 3° Quar-
tier d'hospice au Havre : Dr Caron ; 1 interne. 4° Quartier d'hos-
pice à Dieppe : Médecin-chef, Dr IIurpy ; Médecin adjoint, Dr
Piquet; 1 interne.
Seine-et-marne. - Pas d'asile.
SEINE-ET-OISE. Maison-Blanche : Directeur, 1\1. Michel ; 2
médecins en chef : MM. Boudrie et Lw off ; 2 internes en médecine,
2 en pharmacie. Vaucluse ; Directeur, 1\1. Pichon : 3 médecins
en chef : Blin, Dupain et Vigoureux; 3 internes en médecine, 2
en pharmacie. Ville-Evrard (Voir le département de la Seine).
Sèvres (Deux-). Pas d'asile public. La Providence (dé-
pendance de l'hospice de Niort) : Médecin-chef, Dr Quinemant ; 1
interne.
SOMME, - Asile public de Dury-lès-Amiens : Médecin-directeur,
Dr Charon ; Médecin adjoint, Dr Tissot ; 2 internes.
Tarn. Pas d'asile public. asile privé public du Bon-Sauveur :
Médecin-chef, Dr Pailhas; Médecin adjoint, Dr Guy; pas d'interne.
, Tarn-et-Garonne. Pas d'asile public. Quartier d'hospice
à lllontauban : Médecin-directeur, Dr Periès ; 2 internes.
VAR. Asile public de Pierrefeu : Médecin-chef, Dr Belletrud ;
Médecin adjoint, Dr Mercier ; 2 internes en médecine ; 1 interne en
pharmacie.
VAUCLUSE. Asile public de Mont-de Vergues : Directeur, 1\1.
Mougnet ; Médecin-chef, Dr Pichenot ; Médecins adjoints ; Drs Ro-
diet, Dejean ; 4 internes.
Ventée. Asile public de la Roche-sur--1 on : Médecin-direc-
teur, Dr Cullerre ; 2 internes.
VIENNE. Pas d'asile public. Quartier d'hospice à Poitiers :
Médecin-directeur, Dr Lagrange ; Médecin suppléant, 1\I. Berlaud ;
1 interne.
Vienne (Haute-). Asile public de Naugeat : 1\Iédecin-direc-
teur, Dr Deswarte ; Médecin adjoint, Dr Pasturel ; 3 internes.
VoscES.-Pas d'asile public.- Une maison particulière dite
Pensionnat de Alattaincourt : Dr Calbot ; pas d'interne.
YONNE. - Asile public d'Auxerre : Médecin-directeur, Dr Hua-
mel ; Médecin adjoint, Dr Wahl ; 1 interne.
ALGÉRIE. Pas d'asile.
(1) Fondation Vallée, annexe de l31cêlrc ; médecin en chef,
]j' Bourneville.
VARIA
L'enseignement des arriérés ET des anormaux en
Allemagne.
L'Educateur Moderne de février public sous ce litre un travail
très intéressant dont nous extrayons ce qui concerne les projets
relatifs à Berlin.
«Chaque école comprendra six classes divisées en 3 degrés
(petits,moyens, grands). De celle manière 2 années de scolarité
seront consacrées à chaque degré. Le nombre d'heures de cha-
que classe sera de 20 dans le degré 1. 24 dans le degré Il, 28 dans
le degré Ill. (Ce dernier paraît trop chargé). Chez les petits, il y
aura au plan d'enseignement de l'école : La religion sera ensei-
gnée 3 heures par semaine. L'allemand, 5 heures dans les degrés
1 et 11 ; G heures dans le degré 111.- Le calcul, 3 heures dans le
degré 1, 4 heures dans les deux autres. L'enseignement scienti-
fique par l'aspect aura G heures dans le degré 1, 4 heures dans le
degré H, 3 heures dans le degré 111. Le travail manuel sera en-
seine heures dans toutes les classes. Le chant et la gymnas-
tique compléteront l'emploi du temps. Tel est le plan qui doit
être suivi dans les Ecoles de Rerlin.
« Veut-on savoir maintenant où en est l'Allemagne dans cet
enseignement ? Il y avait en 1905, dans 15U villes allemandes,
'30 Ililssschulen avec 660 classes et 15,000 enfants.
« Rien que pour la Prusse, 70 villes avaient 143 écoles avec 385
classes et 8,207 élèves. Pour les instruire, on comptait un per-
sonnel enseignant de 317 instituteurs, 81 institutrices, z mai-
tresses techniques. D'autre part, on a établi qu'en 1901,83 0/0
des anormaux sortis des écoles avaient pu trouver un emploi ou
faire un métier et gagneileurnie. D'après les derniers renseigne-
ments, ce chiffre serait inférieur à ceux qu'on obtient actuelle-
ment. Il y a donc en Allemagne un enseignement des arriérés
qui se développe chaque année et qui donne déjà de bons résul-
tats. L'élat actuel est tout à fait encourageant pour l'avenir. »
La surveillance DES aliénés.
Nous l'avons dit et nous le répétons, la législation qui régit la
surveillance, des maisons d'aliénés nous paraît insuffisante. Des
faits récemment portés devantles tribunaux, d'autres faits d'une
haute gravité qui nous ont été confiés, nous semblent évidem-
ment prouver celte insuffisance. Sans doute il est accordé aux
magistrats (ouïe latitude pour visiter les maisons d'aliénés; colle
170 varia
visite leur est même recommandée ; mais nous savons, de source
certaine, que les nombreuses el incessantes occupations des ma-
gistrats, dont le personnel est d'ailleurs trop souventhors de pro-
portion avec les travaux qui les surchargent, rendent ces inspec-
tions tellement rares qu'elles sont pour ainsi dire illusoires. Il
nous semblerait donc utile de créer des inspections au moins
semi-mensuelles, particulièrement affectées il la surveillance des
maisons d'aliénés et composées d'un médecin et d'un magistral,
alin que les réclamations fussent soumises a un examen contra-
dictoire. Sans doute, la justice ne fait jamais défaut lorsqu'elle
est suffisamment édifiée ; mais combien de formalités, combien
de difficultés pour qu'elle le soit, et surtout lorsque le malheu-
reux qui a besoin d'implorer son appui, se trouvant dans un état
de suspicion, d'isolement, de séquestration forcée n'a pas au de-
hors un ami pour prendre sa défense et réclamer, en son nom,au-
près de'l'autorilé ! - \'appartient-il dpnc pas au pouvoir civil il
d'aller au devant de ces réclamations par une surveillance pério-
dique fortement organisée ? . ?
Et ce que nous disons des maisons d'aliénés doit s'appliquer
plus impérieusement encore aux couvents de femmes, aux mai-
sons habitées par des congrégations. Des griefs aussi très récents,
très évidents et dont la France entière a retenti, ont malheureu-
sement prouvé que la violence, que les séquestrations, que les
traitements barbares, que les détournements de mineures, que
l'emprisonnement illégal, accompagné de tortures, étaient des
faits sinon fréquents, du moins possibles, dans les maisons reli-
gieuses. Il a fallu des hasards singuliers, d'audacieuses et cyni-
ques brutalités, pour que ces détestables actions parvinssent à la
connaissance du public. Combien d'autres victimes ont été et sont
'peut-être encore ensevelies dans ces grandes maisons silencieuses,
'où nul regard profane ne pénètre, et qui, de par les immunités
du clergé, échappent à la surveillance du pouvoir civil ! - N'est-
il pas déplorable que ces demeures ne soient pas soumises aussi
aune inspection périodique, composée, si l'on veut, d'un aumô-
nier, d'un magistrat, ou de quelque délégué de l'autorité mu-
nicipale ?
- S'iL ne se passe rien que de licite, que d'humain, que de cha-
ritable, dans ces établissements qui ont tout le caractère et par
conséquent encourent toute la responsabilité des établissements
publics, pourquoi celle révolte, pourquoi cette indignation cour-
roucée du parti prêtre, lorsqu'il s'agitde toucher à ce qu'il appelle
ses franchises ' ! Il y a quelque chose au-dessus des constitutions
délibérées et promulguées il Home : c'est la 'loi française, la
loi commune à tous, qui accorde à tous protection, mais qui, en
retour, impose à tous respect et obéissance. (Eugène Sur, Le Jui/
errant.) .
varia. 171
1
LES aliénés en liberté
Dans l'après-midi d'hier, l'un des gardiens du cimetière Alonl-
martre apercevait'une femme qui, accroupie sur une tombe,
semblait fouiller la terre de ses doigts. Intrigué par ce manège
étrange, le gardien s'approcha et, soudain, recula épouvanté. Sur
la terre remuée, retournée, gisaient, au milieu des planches de
bois brisées, provenant de cercueils, les cadavres de trois pe-
tits enfants complètement dépourvus de suaires. Le premier émoi
passé, le gardien interpella l'inconnue qui, toujours accroupie,ser-
rait un cadavre entre ses mains, mais elle ne répondit aux ques-
tions qu'on lui posait que par des paroles incohérentes ; le gar-
dien l'emmena de force jusqu'au bureau du conservateur. Mais
les propos qu'elle tint ne laissèrent aucun doute sur son état
mental. Comment avait-elle déterré les trois morts' ? On ne put
le savoir ; on croit qu'elle a dû pénétrer dans le cimetière nui-
tamment et retourner la terre avec une' pioche. Toutefois, on
sait que la démente se nomme Marie Paret, âgée de trente-cinq
ans, domiciliée au Petit-Treuil ; son mari habiterait l'Allemagne.
On suppose que cette malheureuse a perdu ses enfants successi-
vement et qu'à la suite de ce malheur elle a perdu la raison. (Li-
bercé.)
- Depuis plus de deux mois, un tailleur d'habits nommé Charles
Despouy donnait des signes de dérangement cérébral. II vivait à
Cazarilh, petite commune de la vallée de la flarousse, dans sa
iamille, composée deson père, instituteur en retraite,de ses deux
frères et de sa soeur, âgée de trente-cinq ans, ancienne institu-
trice en Savoie. Son état ne paraissait pas dangereux et il avait
été laissé libre de ses mouvements.
Or, avant-hier soir, sans que rien eut annoncé un accès, il
pril un rasoir et coupa la gorge de sa soeur qui venait de se met-
tre au lit : la pauvre fille eut l'artère carotide tranchée net; il
essaya ensuite d'assommer son frère cadet à coups de bâton l'erré.
Le frère aîné arriva sur ces entrefaits et eut grand'peine a mai-
triser le fou, qui était devenu furieux, et à le maintenir jusqu'à
l'arrivée des voisins attirés par les cris et le bruit de la lutte.
Charles Despouy été conduit à l'hôpital de Tarbes où il a élé
mis en observation. Il est redevenu absolument calme. Il semble
n'avoir gardé aucun souvenir de son crime. (Liberté).
DiX-SEPTIÈME congrès des médecins aliénistes et NEU-
ROLOGISTES de france et DES pays de langue FRAN-
ÇAISE(;pnè'Ç).Lausallnc, août 1907.)
Le XAMI0 congrès des médecins aliénistes et neurologistes de
France et des pays de langue française se tiendra cette année à
172 VARIA.
Genève et à Lausanne, du 1er au 7 août, sous la présidence do
AI. le professeur Prévost, de Genève.
1. Rapports et discussions sur les questions choisies par le con-
grès de Lille : a) Psychiatrie. Les psychoses périodiques. Rap-
porteur : : 'Il. le I)r AntUcaume, de Paris. 6) Neurologie. Déli-
nition et nature de l'hystérie. Rapporteurs : ;\1. le D'' Claude, de
Paris. ;\1. le Dr Schnyder. de Berne. c) Médecine légale. L'ex-
pertise médico-légale et la question de responsabilité, Happol'-
leur : M. le Dr Gilbcrt Ballet, de Paris.
II. Communications originales sur des sujets de psychiatrie
et de neurologie Présentations de malades, de pièces anatomi-
ques et de coupes hisfologiques. Une séance sera réservée aux dé-
monstrations avec projections lumineuses. Les adhérents qui au-
ront des communications à faire devront en envoyer les titres
et les résumés au secrétaire général avant le le.' juillet.
[Il. Visite des asiles d'aliénés de Bel-Air, Cày, Jla,'sens.
L3s séances auront lieu à Genève, les jeudi Ier, vendredi 2. et
samedi 3 août et à Lausanne, le lundi 5 août. Le dimanche 4 ne
comportera aucune réunion officielle. Le Comité a été informé
que des invitations seraient envoyées pour ce jour-là aux con-
gressistespour les stations françaises de Divonnc-les-Cains (Ain)
et Evian-les-Bains (lite Savoie), l'une et l'autre peu distantes de
Genève et de Lausanne. Pour les deux derniers jours du Con-
grès, mardi C et mercredi 7 août, des excursions seront organi-
sées à Montreur, Territet, Glion, Caux, les Rochers de Nave, la
Gruyère, etc. Un programme détaillé des travaux et des excur-
sions sera envoyé ultérieurement à tous les membres adhérents.
Le Congrès comprend : 1° des membres adhérents ; 2° des
membres associés (dames, membres de la famille, étudiants en
médecine) présentés par un membre adhérent. Les asiles d'alié-
nés inscrits au Congrès sont considérés comme membres adhé-
rents. Le prix do cotisation est de 20 francs pour les membres
adhérents, de 10 francs pour les membres associés. Les membres
adhérents recevront avant l'ouverture du congrès les trois rap-
ports, après le Congrès, le volume des compte-rendus. Les méde-
cins de toutes nationalités peuvent adhérer à ce Congrès, mais
les communications et discussions ne peuvent être faites qu'en
langue française. Des réductions de tarif seront très v raisem-
blablement accordées par les Compagnies françaises de chemin de
fer. Les membres du Congrès seront invités ultérieurement à
(aire connaître l'itinéraire qu'ils suivront pour se rendre à Ge-
nève. Prière d'adresser les adhésions et cotisations et toutes com-
munications ou demandes de renseignements au I) Long, 6, rue
Constantan. Genève.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Mouvement de février 190G. - \I. le DI'
DAMOYE, médecin-adjoint à l'asile de Bassens (Savoie), nommé
médecin-adjoint à l'asile d'aliénés de Saint-Venant (Pa-3e-Ca-
lais). MM. les Dr> TOULOUSE, médecin en chef à l'asile de Ville-
juif ; Sérieux, médecin en chef à Ville-);vrard, PACTET,médecin en
chef à Villejuif, DAGONET, médecin en chef a l'Asile clinique
(Sainte-Anne), promus à la classe exceptionnelle du cadre. 11. le
Dr ANGLADE, médecin en chef de l'asile d'aliénés de Chàteau-l'i-
(on (Gironde) est promu à la l10 classe du cadre. 1\I. le Dr PRI-
VAT de I' ORTUNIÉ, médecin-adjoint à l'asile d'Armentières (Nord),
est promu à la lre classe du cadre.- M. le Dr CAPGRAS, médecin-
adjoint de la colonie familiale de Dun-sur-Auron (Cher) promu à
la classe exceptionnelle du cadre. NI. le Dr MERCIER , médecin-
adjoint à l'asile d'aliénés de Pierrefeu (Var) promu à la classe ex-
ceptionnelle du cadre.
Distinctions honorifiques. M. le Dr PICHENOT, médecin en
chef de l'asile d'aliénés de Montdevergués (Vaucluse), est nommé
officier d'Académie.
Asile d'aliénés DE NAUGEAT. Poste vacant d'élève inter-
ne. Un poste d'élève interne en médecine est actuellement va-
cant à l'asile d'aliénés de Naugeat (Haute-Vienne). Les élèves-in-
ternes reçoivent à l'asile un traitement annuel de 800 francs; les
uvantages en nature comportent la nourriture, le logement, le
chauffage, l'éclairage et le blanchissage. Il y a deux élèves internes
a l'établissement. Adresser au directeur-médecin une demande de
nomination accompagnée : 1° d'un certificat constatant que le can-
didat à au moins 10 inscriptions ; 2" un certificat de moralité.
Asile public d'aliénées DE Saint-Yon. Concours pour la
nomination de deux internes en médecine. Le lundi 11 mars
1 ! IOî, à 10 heures du matin il sera ouvert, à l'école de médecine
de Rouen,un concours public pour la nomination de deux internes
en médecine. Les candidats qui désirent prendre part à ce .con-
cours devront se faire inscrire à la Préfecture de la Seine-Infé-
rieure, 3e division, Sjours au moins avant l'ouverture du concours.
On peut se fa1re inscrire par correspondance, en envoyant 'toutes
les pièces exigées.
Conditions de l'admission au concours et formalités à remplir.
Pourront prendre part au concours tous les docteurs ou étu-
diants en médecine, âgés de moins de 30 ans révolus le jour de
l'ouverturo du concours et pourvus d'au moins 10 inscriptions de
doctorat. Chaque candidat devra produire : 1° un certificat d'ins-
cription 1° livret militaire ou certificat attestant qu'il a satisfait à
1 a loi sur le recrutement ; 3° un extrait du casier judiciaire. Toute
174 FAITS DIVERS.
demande d'inscription faite après l'époque fixée par l'affiche pour
la clôture de la liste ne sera pas accueillie.
Les épreuves du concours sont réglées comme suit : 1° épreuve
écrite de trois heures sur un sujet d'anatomie et de pathologie in-
terne ou externe : 2° épreuve orale de quinze minutes après quinze
minutes de réflexion sur un sujet d'anatomie et de pathologie in-
terne ou externe. Le maximum de points à attribuer à chaque
épreuve est de : pour l'épreuve écrite 30 points ; podr l'épreuve
orale 20 points. Les candidats déclarés admis entreront en fonc-
tions dès que leurs nominations auront été faites par M. le Préfet.
La durée des fonctions est de trois ans, mais peut être prolon-
gée par décision préfectorale ; ils recevront, outre le logement, le
chauffage, l'éclairage, le blanchissage et la nourriture dans les
proportions déterminées par le règlement, une indemnité annuelle
de 800 francs pour la première année, 9U0 francs la seconde, 1000
francs la 3°, 1100 francs pour la 4e en cas de prorogation. Les in-
ternes docteurs recevront une indemnité annuelle, de 1200 francs.
N. B. Ordre des épreuves : 1° épreuve orale ; 2° épreuve écrite.
Hospice DE Bicêtre (Fondation Vallée). 111. BOUCANE-
ville. Visite du service (gymnastique, travail manuel, écoles et
présentation de malades), le samedi à 10 h. très précises. Consul-
tations médico-pédagogiques, gratuites pour les enfants indi-
gents atteints de maladies du système nerveux, le jeudi à 9 h. 1 ?
On peut se rendre à la Fondation par les tramways de Mont-
rouge, par les tramways de la Porte d'Orléans à Vincennes (Mé-
tropolitain) : arrêt route de l'Hay. La Fondation est à 500 metres
de cet Arrêt.
MAISON nationale DE CHARENTON. - Une place de mé-
decin en chef étant vacante à la maison nationale de Charenton,
les médecins en chef d'asiles publics d'aliénés qui désirent poser
leur candidature à ce poste, devront faire parvenir au ministère
de l'Intérieur (direction de l'Assistance et de l'hygiène publiques)
avant le 1er mars 1907, leur demande accompagnée de la justifi
cation de leurs titres scientifiques. La résidence effective dans
'l'établissement est obligatoire pour le médecin en chef. Il s'agit
du remplacement de ]1,1. le Dr Antheaumë, nommé médecin hono-
raire.
Un SOLDAT Ex-AL1ÉNÉ acquitta. D'après une dépêche dC .I11-
lons-sur-Alarne du 30 octobre, le conseil de guerre du 6e corps a
acquitté aujomdJmi le soldat B.... du 151° d'infanterie, à Verdun
inculpé dévoies de Fait envers un supérieur. Le 53 août, étant
ivre, B .. avait porté àson caporal, à trois reprises, des coups de
poing et des coups de tête. L..., ayant été enfermé dans un asile
de fous à l'âge de treize ans, et l'examen médical auquel il fut t
soumis par l'autorité militaire concluant à une rcsponsalilé très
atténuée, le ministère public a abandonné l'accusation à l'au-
dience. Rappelons a ce propos que notre ami lé D1' Dieu, an-
cien directeur du service de santé, conseillait do réformer tous
les cunscrits de ce genre, c'est-à-dire ayant été aliénés.
^BULLETIN BIBrJOGRA1;¡.jIQÚE. 1 Il lui
HRttÀTA.Lu livre dont 11. lé Z- Coulonjdu a fait l'uril11y"e
dans le dernier- h° dès Archives (p : 83) est nonpas de ) ! . Sans,
mais dû D''SAND. Autre conectioll à faire, dans l'analyse du
livre du 1)' OREL. Page 80, àlaf4e ligne du second paragraphe,
il faut lire, «... des' impressions de nos sens en grammes.» >
NÉCROLOGIE. - Nous apprenods avec regret la mort d(, )I.
Paul .1. MoBfus, ancien privât docent de neurologie à la Faculté
de médecine de Leipzig. 11 avait publié d'intéressants ouvrages
dé critique médicale historique sur J.-J. Rousseau, sur Goethe,
Scliopenhauer, Nietzsche. En 1905 parut une importante élude
sur la vie et les travaux de F.-J. Gall. La même année, à la
Faculté de Médecine de Lyon, le docteur Lélang avait présenté
une excellente thèse sur le même sujet.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
EN VENTE AUX BUREAUX DU PROGRES MEDICAL
1, rue des Carmes.
BOURNEVILLE. Traitement médico-pédagogique des
différentes formes de l'idiotie. In-8° de 136 pages avec 55
fig. Prix ...»-. 4 fr.
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tiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu
du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre et
de la Fondation Vallée pendant l'année 1904, avec la collaboration
de 11111. Durand, Friedel et Perrin. Vol. de 314 pages avec 17 fig.
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vue intellectuel et moral. In-18 de 24 pages. Prix : pour nos
abonnés (franco) 0 fr. 50
BOURNEVILLE. Fixation du nombre des méde-
cins dans les asiles publics d'aliénés. Rapport fait au
Conseil supérieur de l'Assistance publique. In-i° de 58 pages,
avec de nombreux tableaux.
ri
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/ BOURNEVILLE. Rapports présentés à la commission
de surveillance des asiles publics d'aliénés du départe-
ment de la Seine. (Année 1J04). Brochure grand in-8° de 180
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peutique et légal, toutes les questions relatives à la folie, aux
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jurisconsultes, des administrateurs et des personnes qui se consa-
crent à l'enseignement. Dix volumes reliés (prix, 50 fr.). En vente
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traitement des maladies mentales. Rapport présenté au
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes tenu à Rennes
du 1er au 7 août 1905. 1 vol. in-8" de l.')0 pages. Prix : pour
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SEGUIN (Ed.). Premiers mémoires de Séguin sur
l'idiotie (1833-1843), publiés par Bourneville, in-Su de 182 pages.
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cation des idiots et des autres enfants arriérés ouretardés
dans leur développement, agités de mouvements involon-
taires, débiles muets, non sourds, bègues, etc. Préface par
Bourneville. 1 vol. In-8° de 534 pages avec un portrait de
l'auteur. Prix 10 fr.
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The Journal of Mental Sciences. Published by Anthority ,
of the Medico-Psychological Association. (Années 1880-1881-1882-
1583-1854-ISSS-ISSS-tSS-IS90). Belle reliure en basane. Prix :
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système nerveux sont vendues au 'prix réduit de
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Clerniont (Oise). Imprimerie Daix frète : ) etl'htron.
Vol. 1. 3- Série. Mars 1907. 1 Nô 3
ARCHIVES I i WT E U 1-L 0, 0 ,- FS
PSYCHOLOGIE
Sur la symétrie bilatérale du corps et sur l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères céré-
braux.
(A PROPOS D'UN livre récent).
Par Cil. BONNE,]
Médecin-adjoint à l'asile de Craueville.
Bien avant la connaissance des localisations cérébra-
les, la dualité des hémisphères avait été opposée à l'unité
fondamentale-de la conscience et prise pour point de dé-
part de l'explication de certains processus physiologi-
ques ou psychiques, normaux ou anormaux. Les théories
faites sur ce sujet et basées surtout sur l'observation de
troubles mentaux, notamment d'hallucinations unilatéra-
le, sont pour 'la plupart tombées dans l'oubli. On en trou-
vera une longue bibliographie dans'la`thèse dej'Bérillon
(Paris 1884), surtout p. 103 à 132 ; ce travail contient en
outre l'analyse des plus importantes, depuis celle de Wi-
gan (1844) qui admettait « la dualité de l'esprit», jusqu'à
celles de Bail (1883) et de Magnan (1883) qui admettaient
seulement «le dédoublement et l'indépendance fonction-
nelle des hémisphères cérébraux. »
En 1882, les fameuses expériences d'hypnotisme de
Dumdntpallier, Burq, Magnin et Charcot lui-même four-
nirent des arguments nouveaux à la théorie de l'indépen-
dance fonctionnelle, car,à cette époque, les faits anatomi-
ques, physiologiques et anatomo-pathologiques qui s'op-
posent d'une façon formelle à l'indépendance telle qu'on
la comprenait alors, étaient à peine soupçonnés.
Le 25 février 1882, Dumontpallier déclara à la Société de Biolo-
rllu;uwn ? 3°séric, 1007, I I. 12
178 psychologie.
gie, qu'en fixant du regard le tendon d'un muscle contracturé, chez
une hystérique, et à l'insu de la malade, on pouvait faire disparaître
la contracture. Une assertion aussi stupéfiante ne pouvait manquer
de soulever des objections et, pour en maintenir l'essentiel, il fallait L
faire des concessions; mais sur quoi ? Le choix de l'auteur ne fuit
pas heureux, malgré des avertissements antérieurs : l'essentiel, ce
fut « à l'insu de la malade », et les concessions, car les déclarations
de l'auteur ont nettement ce caractère, portèrent sur le mode d'ac-
tion du regard : le regard n'avait pas d'action spéciale autre que
celle de la lumière probablement réfléchie par les globes oculaires
de l'expérimentateur ; - des yeux de verre auraient sûrement
le même effet ; la contracture et la décontracture des muscles
pouvaient être produites, chez l'hystérique hypnotisée, et toujours
à l'insu de la malade, par des actions diverses témoignant toutes
« d'une excessive impressionnabilité » (1882, p. 172) : chaleur du
corps, des mains, du visage de l'expérimentateur, froid, vent d'un
soufflet capillaire, son produit au voisinage du muscle par la per-
cussion sur un verre, etc.
Une commission fut nommée (MM. Pouchet et Javal), qui ne
put « constater aucune relation entre les mouvements de la malade
et la position des yeux de ^observateur. » Dans le procès-verbal
des expériences de contrôle,Pouchet s'exprima en véritable pré-
curseur de la psychologie contemporaine, tout en s'èxcusant de la
difficulté de l'exposition de « choses si peu étudiées. » « Dans les
malades comme celle qui a été soumise à notre examen ? il suffit
d'admettre une sorte de dédoublement plus ou moins complet de
ce que nous appellerons la personnalité ou la conscience... pour
expliquer de la façon la plus nette les résultats des expériences pra-
tiquées devant nous ou par nous-mêmes... Tout ce qui s'est passé
autour de la malade n'aura laissé à sa mémoire aucune notion coor-
donnée dans le temps ou dans l'espace... mais les impressions
étaient perçues et devenaient le point de départ d'actes voulus,
vaguement voulus- si l'on veut, plus ou moins pénibles, incertains
dans l'exécution. Tout s'est passé comme si nous avions été en
présence d'un être faible d'intelligence, de mauvaise foi, manifes-
tant très bien quand il sait ce qu'on veut de lui, tâtonnant et don-
nant la moitié du temps à côté quand il ne sait pas au juste, de-
meurant tranquille dès qu'on ne s'occupe plus de lui. » (1882,
séance du 4 mars p. 166 à 169.)
Ce sage avertissement, qui aurait pu éviter à Dumontpallier el
à ses acolytes la plupart des lourdes bévues qu'il commirent dans
la suite, ne fut naturellement pas écouté : D. négligea la question
primordiale de la persistance de la conscience, de la connaissance
temporaire,par le sujet,des résultats qu'il est question d'obtenir, et
s'en tint à ses conclusions antérieures sur le pouvoir « direct ou
médiat » du regard et de certaines autres actions : froid, électri-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 179
cité, etc. Les communications suivantes dénotent toutes la même
absence d'esprit critique ; voici l'indication des observations se-
rapportant à la question de l'indépendance des hémisphères,
qu'il souleva et résolut la même année par l'affirmative : .
Séance du 25 jêvr. (p. 139, 140). Hémianesthésique sensitivo-
sensorielle : (1 L'achromatopsie passe de droite à gauche ou de
g. à d. aux différents temps de l'expérience ; de même la sensi-
bilité spéciale des organes de l'odorat et du goût. »
Séance du 3 juin (p. 393 à 397). Léthargie artificielle pour lé
membre inférieur droit et le membre inférieur gauche. « De même
pour les états cataleptique et somnambulique.... La malade étant
réveillée, nous constatons qu'elle ne distingue aucun objet de
l'O. G. et ne sent pas la pression sur le membre supérieur gau-
che. » Le lendemain, après transfert par des plaques métalliques,
l'O. G. était devenu sensible, à l'exclusion de l'O. D. : « Le cer-
veau droit se trouvait donc dans les conditions où était le cerveau
gauche. L'action des plaques métalliques avait transféré d'un
côté à l'autre l'activité cérébrale et l'hypnotisme avait rendu ma-
nifeste cette activité cérébrale unilatérale n.
Séance du 8 juillet (voir l'index). Un bandeau est placé
sur l'O. G. ; le regard n'est dirigé que sur l'O. D. : « le côté
droit, seul hypnotisé, présente donc seul les diverses ma-
nifestations des - périodes léthargique, cataleptique et som -
nambulique.Le côté gauche est en résolution complète ». Mais si,
le bandeau restant en place, « l'expérimentateur fixe simultané-
ment les deux yeux du sujet... l'action du regard est entière sur
l'oeil libre et ouvert ; elle est amoindrie sur l'ceil recouvert par le
bandeau. Alors on constate que l'excitation cérébrale croisée est
en rapport avec le degré de la cause excitante rétinienne, ce qui
est démontré par les différents degrés des manifestations léthar-
gique, cataleptique et somnambulique observées de chaque côté
du corps. » p. 520). D., on l'a vu, admettait que le regard agissait.
d'une manière indéterminée, à l'insu du sujet.
Séance du 16 décembre (voir l'index). C'est dans cette séance que
fut communiquée la fameuse observation du sujet dont chaque
moitié de la face présentait une mimique spéciale en rapport avec
les suggestions faites par les organes du même côté (récits agréable
et terrifiant; attitudes différentes, (geste du baiser, geste de la peur)
imprimées aux membres supérieurs ; illusions et hallucinations ol-
factives ou gustatives unilatérales et opposées etc.) « La malade
est dans la période somnambulique »; on ferme l'oreille droite et
on décrit à l'oreille gauche«un tableau champêtre» : elle continue la
description. En même temps on décrit à l'oreille droite « une scène
de chasse au sanglier... La malade est effrayée : Assez, dit-elle,
cela me fait horreur, et son visage exprime du côté droit la
frayeur et du côté gauche la satisfaction. »
180
PSYCHOLOGIE.
Nous ne rapporterons pas d'autres expériences; (ouïes ont été
citées fréquemment et reproduites dans la thèse de Bérillon (188').
Séglas (1903) a surabondamment démontré la fausseté absolue
de l'interprétation qui voit dans leurs résultats des effets de l'in-
dépendance même relative des hémisphères cérébraux ; elles n'ont L
à ce sujet pas plus de valeur que les hallucinations unilatérales el.
antagonistes, malgré l'adjonction de phénomènes somatiques
dimidiés. On remarquera d'ailleurs que la malade parlait pour les
deux hallucinations et exprimait la conservation du sentiment de
sa personnalité. D. dit en outre (1882, note de la p. 788) : «Chez les 2
malades hystériques qui sont, les sujets de ces expériences, la sen-
sibilité est répartie d'une façon opposée pour les deux régions sus
et sous-ombilicales du corps. Il en résulte que tous les phénomè-
nes des différentes périodes de l'hypnotisme sont opposés pour les
régions sus et sous-ombilicales ; mais... nous ne mentionnerons
que les résultats constatés sur les membres supérieurs, la face et
les organes des sens. »
On a déjà remarqué que les faits qui s'opposent à l'indépendance
fonctionnnelle n'étaient pas encore connus en 1884 (Ribot, 1884 ;
Berillon, 1884 etc.). Bien plus tard encore (1901). on verra des
expérimentateurs poser en principe que l'occlusion de l'oeil gauche
exclut l'hémisphère droit de toute participation à la vision,ou bien
admettre implicitement un effet équivalent.
La thèse de Bérillon (Paris 1884) représente le travail le plus
important qui ait paru jusqu'ici sur la question ; celle-ci y est réso-
lue affirmativement d'après les expériences de Dumontpallier,
mais la plus grande partie du mémoire est employée à rechercher
si ces expériences ne seraient pas en désaccord par quelque côté
« avec les données actuellement acquises dans chacune des diverses
branches des sciences biologiques ». Les arguments, tirés successive-
mentdel'anatomie,de la physiologie, de la thermométrie cérébrale,
etc., sont tels qu'on se les représente en se reportant à la date du
travail. Parmi les plus intéressants : l'absence de corps calleux
demeurée latente (p. 23 à 26) ; l'indépendance de la circulation
artérielle des deux hémisphères (p. 27) ; des observations de
G. Delaunay, d'après lesquelles les Primates, Carnivores, Ongulés,
la majorité des Oiseaux seraient droitiers ; ;- les expériences d'a-
blation d'un hémisphère chez diverses espèces ; les suppléances
cérébrales ; les atrophies cérébrales unilatérales ; les hallu-
cinations unilatérales ; la « double vie du somnambulisme » et
les manifestations spirites « montrant la coexistence, au même
instant, dans le même individu, de deux pensées,de deux volontés.
de deux actions distinctes, l'une dont il a la conscience, l'autre
dont il n'a pas conscience » ; les rêves ; les« faits d'atten-
tion multiple ». Aucun de ces arguments ne paraît aujourd'hui
probant, et quelques-uns paraissent difficiles à accorder, mais leur
SUR La SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 181
nombre et leur variété, tels que dans la suite on n'en trouva guère
de nouveaux, forment aujourd'hui présomption contre la thèse
de l'indépendance. 1
l'IvEns (1885, cité, d'après P. JaneL,1894) rapprocha le dévelop-
pement de deux consciences parallèles, observé par lui chez les
médiums et dans l'hypnotisme, de la dualité et des différences phy-
siologiques des hémisphères cérébraux. Supposant que' dans les cas
d'agraphie ou d'aphasie par lésion de l'hémisphère gauche, « la res-
tauration du langage et de l'écriture, quand elle a lieu, s'opère
grâce à une suppléance de l'hémisphère droit », il rattache l'écri-
ture automatique des médiums à « une action obscure d ? . l'hémis-
phère le moins utilisé. » Celte théorie et celles qui s'y rattachent
(attribution de chaque personnalité ou état de conscience à l'un des
hémisphères, etc.) ont été facilement réduites à néant par P.
Janet (1894, p. 415 à 419).
Entre temps,la question du dualisme cérébral et des rapports de
chaque hémisphère avec les deux moitiés du corps était abordée à
différents points'de vue par les physiologistes, les médecins et les
psychiatres. L'année même où Dumontpallier communiquait ses
expériences à la Société de Biologie, Brown-Séquard (1882) entre-
tenait cette Société des faits démontrant la multiplicité et la com-
plexité des voies de communication. On trouvera dans l'important
travail de Ch.FéI·é sur l'alternance d'activité des deux hémisphères
(1902) l'indication de quelques-uns des travaux faits sur le dua-
lisme cérébral depuis Wigan. On peut ajouter à cette liste ceux de
Blervliet (1897, 1899, 1901) sur l'asymétrie sensorielle et motrice
de l'homme, de Séglas (1901) sur les hallucinations*unilatérales et
des revues générales sur les connexions bilatérales deshémisphères :
Grasset, 1905; voir aussi Werlheimer : article Bulbe in Dici. de
Ch. Richet.
Les deux théories de Dumontpallier et de Myers respectent
l'unité fondamentale de la conscience ; de plus, comme elles n'ad-
mettent pas la duplicité complète de l'homme, et ne prennent
en considération que le dualisme des hémisphères, elles échappent
en grande partie aux objections tenues en réserve par la systémati-
que. Cette dernière, avons-nous vu, était d'ailleurs infiniment moins
avancée que de nos jours. En troisième lieu, ce dualisme d'action
n'était pas continuel, mais supposé tel que, à certains moments,
un hémisphère fournirait certains des éléments d'un état de cons-
cience,'et l'autre certains autres, chose, en somme,assez vraisem-
blable, même si on la suppose se prolongeant un certain temps ;
les deux théories admettent aussi que les données de chaque hé-
misphère peuvent occuper seules le champ de la conscience pen-
dant un certain temps, tout en laissant parmi les actes sub-
conscients les associations histologiques intracorticales résul-
tant de certaines manifestations extérieures, telles que la mimique
182 " PSYCHOLOGIE.
Du reste, à ce point de vue, les critiques de Pouchet, puis celles de
Binet et Janet, puis les connaissances nouvelles dues à Dejerine, à
ses élèves, à JUonakow,Flechsig,Bechterew ,sur lasystématique,ont
depuis longtemps fait la part définitive de ce qu'il y a à prendre
et à laisser dans les nombreuses théories qui concernent plus ou
moins le dualisme cérébral. Remarquons enfin que toutes ces hy-
pothèses se limitaient à l'homme et, par là encore, échappaient
aux objections que l'on pouvait leur faire d'après la physiologie,
par exemple d'après les expériences bien connues de Brown-Sé-
quard, démontrant que chez tous les Mammifères étudiés (singe,
chien,lapin, etc. ) chaque hémisphère était relié par des voies multi-
ples aux noyaux bulbaires ou médullaires des quatre membres,
des deux moitiés du tronc et de la face, et de tous les appareils
viscéraux(1882).
La théorie nouvelle de M. C. Sabatier (1907) concerne
au contraire tous les Artiozoaires et étend le dualisme à
l'organisme entier et à la conscience ; de cette conscience
double fondamentale elle fait sortir une conscience sim-
ple. Pour réaliser cet étonnant tour de force, l'Auteur
n'apporte aucune considération psychologique nouvelle
et a mis son amour-propre à se restreindre aux seuls ar-
guments tour à tour produits et détruits par ses prédé-
cesseurs. Son originalité consiste encore à avoir introduit
dans la psychologie des faits découverts depuis long-
temps par les zoologues et les embryologistes, mais qui
attendaient encore leur explication.
Système ! dira-t-on peut être, synthèse hardie, ingé-
nieuse sans doute ; mais que faire d'un nouveau système ?
\'on : en maint passage, l'Auteur stigmatise en sincère
positiviste les « faiseurs de syllogismes » et les « coups
de la métaphysique » ; et s'il apporte une solution à cer-
taines questions « éternellement discutées »,c'est « aux
faits expérimentaux et logiquement déduits » qu'il affir-
me la devoir. Sous son faible volume, son livre est plus
qu'un système, mieux qu'une théorie : ce qu'il est, il ne
pouvait pas ne pas l'être, et l'Auteur le reconnaît bien :
« toute une philosophie » (p. 85), capable, à son tour,de
servir de base à « un édifice immense de morale, de droit
et de politique » (p. 84).
Mais c'est surtout aux biologistes que l'ouvrage est
destiné ; o'est eux d'abord qu'il veut convaincre : il est
en effet précédé d'une- préface où le Dr J. E. Abelolls,
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 183
professeur de physiologie à l'Université de Toulouse,
membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique,
s'est porté garant de la valeur scientifique, de la philo-
sophie nouvelle; en a même précisé certains points d'im-
portance secondaire et comblé quelques lacunes.
Avant de parcourir les fondements biologiques (I) du
«duplicisme,», - c'est le nom proposé, .- et d'examiner
successivement sa valeur psychologique (II) et ses appli-
cations (III), il est bon d'en faire connaître les points
principaux afin de pouvoir au besoin abandonner le plan
suivi par l'Auteur et comparer entre elles des parties
éloignées les unes des autres et sans rapports apparents.
«L'homme est double», c'est-à-dire comme tout Artio-
zoaire, formé de deux individus, les « co-êtres », conjugués
en vue d'une existence commune, mais indépendants l'un
del'autre non seulement pour le fonctionnement physiolo-
gique, mais encore et surtout pour la vie psychologique :
chacun d'eux, en effet, à sa conscience, sa sensibilité, sa
mémoire, son expérience et jusqu'à sa raison particulière,
mais reste soumis à la fatalité la plus absolue,à l'impul-
sion de ses instincts ; chacun d'eux,d'autre part, accapare
la moitié du système nerveux, la moitié de tout l'organis-
me, l'un des organes pairs, la moitié des organes impairs
etc. Chez tous les animaux, chez l'enfant,chez l'hypnotisé
dans certains cas pathologiques et chez les sujets arrêtés
de bonne heure dans leur développement intellectuel, la
vie psychique est tout entière fonction des co-êtres ; mais
chez l'homme normal, apparaît un principe supérieur qui
à la vie des co-êtres, à la conscience double fait succéder
la conscience unique, la Raison supérieure, là Volonté
libre de l'Etre complet. En effet, les co-êtres « ne sont
égaux et semblables en tien » leurs tendances, appétits,
instincts sont opposés ; mais, la synergie, qui leur est
pourtant imposée par la nécessité de vivre, leur impose à
son tour un modus vivendi, une délibération continuelle
sur « le point de savoir, par exemple, en quelle mesure la
satisfaction accordée aux motifs actuels pourra concilier,
d'abord les motifs actuels entre eux, puis avec la loi de
l'être vivant » (p. 106),et sur d'autres points connexes.
C'est dans cette délibération, secondaire elle-même à
l'entente des co-êtres, que prend naissance le Moi unique
184 PSYCHOLOGIE
qu'on a eu le tort d'envisager seul jusqu'ici. Nous
verrons par,quel processus il succède'aux co-êtres, se
substitue à eux, superpose entièrement ou partielle-
ment sa conscience aux leurs, ou enfin s'ajoute simple-
ment,avec ou sans soudure des états de conscience : les hy-
pothèses ne manquent pas. Le Moi qui prend en main
la vie psychique et lui donne le caractère de l'unité de
conscience- à l'état normal -, a naturellement des attri-
buts supérieurs à ceux des co-êtres : le plus important,
c'est celui dont la conscience elle-même ne permet pas
de douter : la liberté. Or, si le déterminisme ne peut se
concilier avec la liberté,le duplicisme « l'explique » tout
naturellement : le Moi supérieur étant distinct des co-
êtres, les instincts, les motifs, qui font à eux seuls agir
ces derniers, n'ont pas prise sur lui et le laissent choisir
librement, mettre en jeu sa raison, et sa raison seule.
Passons aux applications : la délibération des co-êtres
est la même chez tous les hommes ; identique aussi l'au-
tonomie de la « Personne » ou être complet ; identique,
en général, le but de la délibération et des efforts libres de
la Personne libre sur le milieu : c'est-à-dire l'activité ex-
térieure coordonnée, le travail, la lutte contre ce milieu ;
identiques enfin les notions de bien et de mal. Donc dans
le duplicisme, la conscience, au lieu d'être « mobile et
fugace », comme la conscience [proprement dite] du dé-
terminisme (sic) contient,en véritable conscience [morale] l
des données stables, communes à tous les hommes, acces-
sibles à l'introspection et immédiatement généralisables
à l'ensemble de l'humanité, tandis que dans la philoso-
phie déterministe, elle n'a qu'une valeur très restreinte
et même nulle pour les sciences sociales.
Enfin cette introspection généralisée ou « intuduction »
devient elle-même une preuve a posteriori de la théorie,
car elle proclame « la liberté, l'universalité des notions
de bien et de mal, » et « d'une règle de justice avec res-
ponsabilité de l'homme c'est-à-dire avec sanction ... la
puissance de la Raison, et la majesté du Travail »,
toutes choses indéniables, affirmées par le Bon sens,
mais que pourtant la « philosophie déterministe » n'était
pas parvenue à comprendre et à expliquer.
SUR LA SYMÉTRIE BIUTHRALE DU CORPS. 1S5
I. FONDEMENTS BIOLOGIQUES
A. PHYLOGENÈSE, - A une certaine époque de l'évo-
lution phylogénique, « le système de deux individus
longitudinalement accolés en vue d'une existence conju-
guée s'est substitué au régime des rayonnés où l'on voit
plusieurs individus disposés en rayons vivre déjà d'une
existence conjuguée. » (p. 22 et 23). « On voit la dualité
organique... se substituer, à un certain stade, à l'unité
primitive de l'amibe ... » (n. 7.)
Les seuls animaux simples seraient donc ceux qui man-
quent de toute symétrie : sans remarquer que chacun des
« individus », chaque « animal particulier » (p. 52) com-
posant un Rayonné présente souvent lui-même une symé-
trie bilatérale aussi accusée que celle d'un Mammifère,
l'Au>ur considère la symétrie bilatérale comme l'indice
constant de la bi-individualité : là est l'erreur fondamen-
tale de sa théorie.Cette symétrie est,en effet,commune et
essentielle à tous les êtres dont les fonctions se sont pola-
risées : à la cellule' glandulaire à double sécrétion, à la cel-
lule musculaire dont la contraction doit agir dans une di-
rection donnée, à la cellule nerveuse, quand le champ où
elle recueille des excitations est distinct et éloigné de ce-
lui auquel elle en transmet : tel est le cas de la cellule py-
ramidale, etc.
Quant aux organismes, l'Auteur est inexcusable d'avoir ignoré
qur tous les zoologistes assignent aux Phytozoaires et aux Artio-
zoaires des formes ancestrales communes « simples, analogues, à
une blastula, puis à une gastrula » (Carlf.t, 1896, p. 127) c'est-à-
dire à peu près sphérique à l'état adulte, quoique lasymétrie bi-
latérale prédominât toujours dans le cours du développement;ces
formes étaient aptes par conséquent à acquérir dans la suite l'une
ou l'autre symétrie et celle-ci fut commandée avant tout par la
fonction dont dérivent toutes celles par lesquelles l'animal agit
sur le milieu : la locomotion. Chez les formes primitivement fixes,
ou devenues ultérieurement capables de se déplacer indifférem-
ment dans tous les sens (Spongiaires, Coelentérés, Échinodermes),
«toute la surface des parois latérales du corps se trouve avec le
milieu extérieur dans des conditions identiques... il n'y a pas,
en général, de raison pour que l'accroissement se fasse plus en un
poinl qu'à un autre. Il n'y a donc pas de partie antérieure ni de
ISG PSYCHOLOGIE.
partie postérieure. Il peut ne pas y avoir de symétrie, ou bien il y a
symétrie par rapport à un axe ; ou encore, dans le cas d'une irrégu-
larité dans le développement des parties,... il y asymétrie rayon-
née. » (1d., ibid., p. 127.) -
Chez les êtres libres, nageant ou rampant, « la partie dans le sens
de laquelle se fait le mouvement se différencie.... par une sorte
de balancement, les organes abandonnent l'extrémité postérieure...
De plus, la locomotion se fait toujours de telle sorte que l'animal
a toujours le même région tournée vers le bas... Cette région cons-
titue la face ventrale. Quant aux deux côtés, ils sont dans les mê-
mes conditions par rapport au milieu extérieur, ils sont sembla-
bles ; il y a symétrie bilatérale. » (In. ibid., p. 128 et 129.)
Mais la symétrie bilatérale apparaît en outre chez les Phyto-
zoaires dans deux ordres de circonstances qui montrent combien
peu elle est l'indice d'une bi-individualité :
1° Chez les Échinodermes qui sont de tous les Phytozoaires, ceux
dont le mode de développement se rapproche le plus de celui des
Artiozoaires (quoique leur symétrie radiéesoit toujours impaire), la
symétrie bilatérale est très accusée durant une longue période du
développement , notamment chez les larves libres (Pluteas) des
Ophiurides et des Oursins (réguliers et irréguliers).
2° Dans le même embranchement, au-dessus des animaux (As-
téries) dont la locomotion est lente et peut se faire indifférem-
ment dans la direction de l'un quelconque des rayons, il en est
dont la progression est plus rapide et a toujours lieu dans le même
sens ; aussi, et par différents processus,la symétrie bilatérale se
superpose-t-elle à la symétrie radiée et la rend-elle souvent mé-
connaissable ; d'ailleurs, celle-ci n'existe jamais seule même
chez les Oursins dits réguliers; quant aux Oursins irréguliers et
aux HoluLhurides, il suffira d'une simple allusion aux processus
très divers et partout décrits qui aboutissent à la substitution
complète de la symétrie bilatérale à la symétrie radiée (déplace-
ments de la bouche et de l'anus, formation du bivium et du tri-
vium ; différenciation d'une face ventrale comprenant trois des
cinqambulacres ; reploiement du corps en U, etc.). ·
Rien n'autorise donc à voir dans la symétrie bilatérale l'indice
d'une bi-individualité. «A l'unicité primitive de l'amibe »(p. 7) a
fait suite,non pas lapluri-Individualité,mais l'unité persistante et
fondamentale, d'abord d'une individualité peu accusée, à cause de
la simplicité des organes et des fonctions, qui permettait aux par-
ties détachées de continuer à vivre et même de reproduire la partie
manquante, puis d'une individualité assez absolue pour nécessi-
ter la collaboration constante de tous les organes. Il n'y a donc pas
à se demander si la conjugaison de deux individus ne s'est pas opé-
rée, et particulièrement dans le sens longitudinal, précisément afin
de faciliter la locomotion.
SUR LI SYMÉTRIE BILATERALE. OU CORPS. 187
L'opinion classique sur l'essence et l'ancienneté de la
symétrie bilatérale,.sur ses rapports avec le mode de pro-
gression,coordonne tous les faits connus et subordonne
toujours l'organe et la forme à la fonction : l'Au-
teur n'y fait aucune allusion et l'a certainement igno-
rée, car elle lui aurait sans doute fait remarquer le vice
logique de sa théorie : les deux individus, dit le duplicisme . z
sont unis en vue d'une existence conjuguée : « Pourquoi
voit-on la dualité organique ou parité se substituer...
à l'unicité primitive de l'amibe ? Pourquoi l'homme est-
il une paire, si ce n'est pour réaliser la conjugaison d'exis-
tence de deux êtres simples tels que le sont les animaux
inférieurs. » (p. 7). De plus, pour préparer son interven-
tion dans la psychologie, le duplicisme attribue à chacun
des individus accolés des tendances, des aptitudes, des
instincts divers et même opposés, sans quoi « on com-
prendrait mal que l'unité absolue d'existence et de fonc-
tion n'ait pas, à travers les âges et les évolutions de la sé-
rie animale, abouti... à la disparition graduelle... de ce
duplicisme morpholagique » (p. 95). L'argument vaut ce
ce qu'il vaut. Mais plus d'un lecteur se demandera pour-
quoi la conjugaison de deux individus seulement, d'ail-
leurs toujours fondus l'un dans l'autre à un certain mo-
ment de leur existence, a gouverné exclusivement l'évo-
lution de toute la série à partir des Phytozoaircs (et même
l'évolution d'une partie de ceux-ci) : l'union de 4, 5 ou 6
individus n'aurait-elle pas représenté des conditions au
moins aussi favorables' à la diversité des aptitudes et de
la division du travail, étant donnée la nécessaire comple-
xité croissante des réactions imposées par le milieu ?
Cette question, quelque vaine qu'elle paraisse,l'Auteur ne
pouvait se dispenser de la résoudre, avant tout dévelop-
pement : mais l'a-t-il bien envisagée ? A-t-il compris son
importance et surtout l'obligation où il se trouvait d'y
répondre quand il conçut ceci : » L'embranchement qu'ils
(les Echinodermes) forment, reste comme une impasse,
comme un cul-de-sac dans les grandes artères par où laVie
ira semant ses créations successives. En effet, après le
type radié, la Nature se ravise et change le plan de ses
créations » (p. 52) ! Encore une fois, en quoi le type aban-
donné était-il inférieur à l'antre, puisque ce qui pour
188 PSYCHOLOGIE.
vous, dupliciste, est l'union de quatre, cinq, huit indivi-
dus, peut exister et se conformer de telle sorte que la pro-
gression devienne possible comme chez les animaux à sy-
métrie bilatérale, c'est-à-dire formés, d'après vous, de
deux individus, et de deux seulement ?
. Créée et entretenue par la locomotion, la symétrie bilatérale peut t
disparaître soit de l'ensemble du corps (certains Mollusques) soit
des organes qui perdent leurs rapports directs ou indirects avec
elle.c'esl-à-dire avec les organes qui lui sont propres et avec la con-
formation des parois du corps. De même, la symétrie radiée, mani-
feste dans le tube digestif chez les Coelentérés où il ne fait qu'un,
pour ainsi dire, avec les parois du corps, en a complètement disparu
chez les Echinodermes à tube digestif libre dans la cavité générale.
La locomotion exerce encore une influence indirecte sur la forme
du corps et des organes par les fonctions dérivées (préhension) ou
subordonnées (fonctions sensorielles différenciées, destinées origi-
nellement à renseigner l'animal à distance sur les modifications du
milieu extérieur dans le sens même de la progression et dans la
double direction perpendiculaire à ce sens). Mais cette influence
ne s'étend pas jusqu'aux viscères proprement dits, qui, lorsque des
relations topographiques avec les parois du corps, nécessaires à leur
fonctionnement, ne leur imposent pas la dualité symétrique, ten-
dent toujours à l'unité et à l'asymétrie : tels le foie, le pancréas,
et en général, toutes les glandes de la portion abdominale ou viscé-
rale du tube digestif, qui s'opposent naturellement en cela aux
glandes annexes de la portion buccopharyngée, portion dans la-
quelle des rapports topographiques et fonctionnels nécessaires avec
les organes des fonctions de préhension et des fonctions sensoriel-
les, maintiennent rigoureusement la symétrie bilatérale.
Sauf quelques exceptions faciles à expliquer (Pleuronectes,etc.),
les organes de la vie de relation conservent chez tous les Artiozoai-
res, et notamment chez l'immense majorité des espèces mammifères,
la parfaite symétrie et les identiques aptitudes fonctionnelles néces-
saires à l'accomplissement intégral des fonctions mécaniques de
s(ation, progression, préhension et des fonctions connexes ou déri-
vées ; si donc une dissemblance anatomique et fonctionnelle des deux
moitiés de chaque animal, dissemblance originelle, antérieure à
l'apparition du système nerveux, est nécessaire au duplicisme, le
système se trouve condamné parcela seul : les différences observées
entre les deux côtés chez l'homme et quelques autres Mammifères
sont relativement minimes et, surtout, d'acquisition récente ; il
est absolument illicite de conclure d'elles seules à des différences
originelles, contemporaines même de l'apparition de la symétrie
SUR LA SI-A1LCRIà : BIL.1TI : Ii.ILI : DU CORPS. 189
Pour fixer la « place du co-être dans l'échelle animale» »
(p. 51), l'Auteur étudie l'organisation nerveuse « synthèse
de tout l'animal » (p. 50). Après avoir remarqué que
« chacun de nos co-êtres... serait placé parmi les animaux
à système nerveux continu)-, et par conséquent supérieur
au plus piquant des Coelentérés, il cherche, par une in-
concevable inconséquence, parmi les Artiozoaires,c'est-à-
dire, parmi des animaux qui, pour lui, sont tous formés
de deux individus conjugués, il cherche, et s'étonne de ne
pas trouver, un animal à système nerveux simple : « A
en croire les classifications adoptées, dès que le système
nerveux se présente d'un seul tenant, il se. présente mul-
tiple ou double » (p. 51). « On n'en est pas moins très
surpris de ne pas trouver dans les classifications en usage
pour les organisations nerveuses, entre le système ner-
veux disséminé... et le type nerveux continu multiple
ou double, un type nerveux continu simple » (p. 53). La
phrase suivante accentue la méprise : « S'il est vrai que la
nature ne fait pas de sauts, 'elle a dû à un moment donné
créer ce type» » (p. 53). Et l'auteur trouve, en effet, chez
les Rotifères, «au'dessus du pharynx, un ganglion céré-
bral simple ou bilobé». Il se demande si « de la simpli-
cité de leur ganglion cérébral », on peut « conclure à la
simplicité de leur système nerveux entier » (p.;53 et 54).
Malheureusement le physiologiste qui a étudié les
moeurs de ces vers « à la vérité les comprend dans la
même description que ceux à ganglion bilobé » (p. 93'.
1
Mais quittons provisoirement ces rapprochements stériles éta-
blis par l'Auteur entre des classes trop éloignées : pour tirer quel-
que enseignement pratique de la phylogénie du système nerveux,
il est bon de s'en tenir aux seuls Vertébrés. On constate alors
que son évolution, au lieu de témoigner d'une dualité primitive
et fondamentale du névraxe, présente la prédominance anato
inique de ses portions latérales sur sa portion médiane comme
un perfectionnement de date relativement récente, surtout si
l'on considère la portion du névraxe où cette prédominance
est le plus accusée, c'est-à-dire le télencéphale.
Chez des Cyclostomes, en effet, la moelle, mince ruban trans-
versal, est dépourvue de sillons médians, et l'encéphale ne pré-
sente, sur toute sa longueur, que de très légères dépressions mé-
dianes. Chez les Oiseaux, le télencéphale, encore rudimentaire, m
joue guère quelque rôle physiologique que par le corps strié et les
190 PSYCHOLOGIE.
régions voisines ; les lobes optiques, centre plus important, sont
souvent à peine déprimés sur la ligne médiane.
Dans le cervelet, les centres corticaux préposés aux synergies
bilatérales, et, par conséquent, impairs et médians, par exemple
la partie du lobe postérieur représentant le vermis de l'anthro-
potomie, diminuent progressivement, chez les Mammifères, au
profit des centres pairs (lobules ansiformes, etc.), à mesure que
la synergie bilatérale initiale et exclusive de la progression fait
place à l'indépendance croissante de chacun des quatre membres.
En d'autres termes, dans tous les ordres, et notamment chezles
Carnivores et les Primates, l'évolution anatomique du cervelet
montre les coordinations unilatérales se dégageant de la coor-
dinat ion bilatérale primitive. et l'appareil de l'équilibre
s'adaptant progressivement, par une complexité croissante, aux
nouvelles conditions statiques (Voir L. Bolk, 1906, surtout p.
383 à 398).
Les hémisphères cérébraux suivent un développement en
rapport avec la complexité croissante des fonctions connexes ou
dérivées de celles de la locomotion (préhension, organes dessens).
En effet, à mesure que les fonctions se compliquent,
elles se subordonnent les unes aux autres, ou plutôt on
voit se développer des fonctions supérieures qui consis-
tent à assurer la collaboration synergique des fonctions
d'organes distants les uns des autres (Wundt, 1902, 1.
p. 228), organes dont les centres nerveux primitifs sont
eux-mêmes très distants : au sur et à mesure de l'évolution,
ces centres d'abord autonomes se soumettent à des cen-
tres bulbo-pontiques ou mésocéphaliques déjà plus rap-
prochés les uns des autres, puis à des centres corticaux
que l'on tend de plus en plus à considérer comme les
agents primordiaux de l'unité fonctionnelle; ces centres
sont formés de deux moitiés séparées,mais ils ne sont pas
doubles : il existe deux rétines oculaires, deux corps ge-
nouillés externes, deux quadrijumeaux antérieurs, deux
pulvinars, mais il n'y a qu'une rétine cérébrale. Nous dé-
lopperons ce point à propos de la physiologie, en parlant
des effets de cette centralisation progressive poprement
dite que met en évidence la phylogénèse. Mais celle-ci
montre encore une autre évolution dont le résultat est de
foute importance pour la question du duplicisme, quoi-
que l'Auteur n'ait pas même songé à l'envisager au point
de vue phylogénétique et n'en fasse mention- d'autres
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 191
sujets que d'une facon accesscire et toujours erronée :
c'est l'entrecroisement des voies de conduction que Wundt
considère avec raison « comme une des conditions princi-
pales de la fusion des fonctions d'organes périphériques
distants en une fonction résultante unique » (1902, I, p.
229).
Pourquoi chez les Vertébrés, même les moins élevés,
les deux co-êtres échangent-ils quelques-uns de leurs cen-
tres nerveux, dont les fibres afférentes ou efférentes tra-
versent ainsi obliquement le plan médian, tandis que chez
les Invertébrés, même les plus élevés quant àlavie psy-
chique, les Hyménoptères par exemple, les centres ner-
veux de chaque côté, tout en échangeant de multiples
fibres commissurales avec ceux du côté opposé, président
seuls à la motilité et à la sensibilité de la moitié homony-
me du corps ? Comment le duplicisme n'a-t-il pas envi-
sagé ce fait, si curieux et vraiment pour lui paradoxal, de
la compénétration réciproque des co-êtres ? Serait-ce qu'il
se contente de l'hypothèse bien connue de R. y Cajal,
d'après laquelle..tous les entrecroisements sont com-
mandés par l'entrecroisement originel des voies optiques,
nécessité lui-même par la présence d'un appareil dioptri-
que qui renverse les images rétiniennes ? (On trouvera
l'exposé de cette hypothèse et les critiques de Wundt, à
la fin du paragraphe sur la phylogénèse).Mais,pour s'en
tenir au seul chiasma optique, comment le duplicisme a-
t-il pu négliger les entrecroisements incomplets des ani-
maux à vision stéréoscopique, entrecroisements grâce
auxquels, au fonctionnement successif des deux yeux, de
leurs centres et de leurs muscles, des animaux à vision
unioculaire ou panoramique, s'est substitué un fonction-
nement essentiellement synchrone ? Nous verrons que le
duplicisme ne s'embarrasse pas de la nécessité de la sy-
nergie des deux co-êtres; mais,puisqu'il prétend se baser
sur l'organisation, son Auteur a eu tort de ne pas tenir
compte, dans son étude phylogénétique, d'une disposi-
tion liée à l'unité de la rétine cérébiale et qui nécessite la
syneigie primitive et constante des parties des deux ré-
tines dont précisément les fibres ne sont pas entrecroi-
sées, pour une fonction capitale dans la vie psychique, la
perception visuelle de la profondeur. ,
192 PSYCHOLOGIE.
Mais les centres optiques et ceux qui président à des fonctions
motrices et sensrtivo-sensorielles,dont la mise en oeuvre intéresse
toujours manifestement les deux moitiés du corps, ne sont pas les
seuls à présider à l'innervation de chacune de ces dernières par un
double et partiel entrecroisement. Tous les centres de projection
sont en rapport avec les deux moitiés du corps (1) ; nous traite-
rons plus tard de l'expression physiologique de cette disposition
que l'Auteur ignorait certainement, car, toutes les fois qu'il fait
allusion à un entrecroisement, il le suppose complet et rattache
obstinément la vie psychologique d'une moitié du corps au fonc-
tionnement du seul hémisphère opposé. Nous y perdons certai-
nement des vues ingénieuses sur l'entrecroisement progressif, chez
les Mammifères, des voies cortico-médullaires descendantes ou
voies pyramidales, sur la coexistence de telles voies restées en-
core directes avec les entrecroisements sensitifs et sensoriels, en-
fin sur la coexistence, chez les Amamaliens,de voies d'union de
la moelle avec le toit optique, le cervelet, le corps strié, tantôt di-
rectes et tantôt croisées, avec des chiasmas optiques présentant
toutes les proportions possibles de fibres directes et de fibres
croisées, quelquefois complets (Poissons), et des entrecroisements
acoustiques et olfactifs constamment partiels et solidarisant
ainsi dès l'origine de la vie psychique les deux moitiés du névraxe.
Du reste, si de tous les entrecroisements des voies de conduc-
tion, aucun n'est si bien connu que celui des voies optiques, dans
ses conditions physiologiques et dans son évolution phylogénétique,
si aucun même n'a une origine plus ancienne,il ne s'ensuit pas qu'il
faille admettre avec Cajal que l'entrecroisement optique a été la
cause de tous les autres. Wundt fait à ce sujet une remarque qui
constitue une grave objection au duplicisme : « La synergie qui
existe pour les autres organes sensoriels et moteurs, et notamment
pour les rapports entre les excitations sensorielles et les réactions
motrices, pourra avoir partout d'elle-même les mêmes effets, les-
quels,d'autre part, peuvent se consolider réciproquement. L'indé-
pendance relative est mise en évidence par ce fait, par exemple,
que,chez les Vertébrés inférieurs à chiasma optique complet, d'au-
(l) La phylogenése el l'minlomic des voies honlOnWI'('3 nscciidaii.
le» ou descendants sonl aujourd'hui bien connues ; niais il n'en
est pas de même pour leur physiologie : bien des résultats des ex
périences de l3rown Sequard sur « les prétendu» centres psycho-
moteurs » t1 : 7, 182) sont encore inexpliqués. On connait toutes les
variétés imaginables du (le., pyramides chez l'homme
mais les fonctions des fibres pyramidales lioniolalcrales sonl encore
obscures : si leur lésion était l'unique substratum des houhics dn
« côté sain » dans l'hémiplégie- organique, on ne devrait jamais
observer d'hémiplégie complète. a cause de la présence de lihll' s
homolatérales saines dans le côté paralyse.
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 193
tres entrecroisements, par exemple ceux des voies motrices des
muscles du squelette, sont beaucoup plus incomplets que chez
l'homme. De même.chez tous les Vertébrés, jusqu'à l'homme, la
moelle est bien certainement la portion du névraxe dans laquelle
les voies de conduction restent le plus souvent dans le même côté.
Par contre, dans le bulbe déjà, le grand nombre des fonctions
motrices à caractère symétrique bilatéral] qui y possèdent leurs
centres (mouvements de la respiration, de la déglutition, de la
mastication, de la mimique), introduisent un grand nombre de
croisements partiels. Il en est de même dans les territoires des nerfs
olfactifs et optiques, où ces entrecroisements sont probablement
liés à la synergie motrice. > (I. p. 237). -
En résumé, de par la phylogenèse, la vie psychique la
plus simple est impossible, dès qu'il existe un système
nerveux, continu si les deux moitiés de ce système sont
fonctionnellement indépendantes ; elle est impossible
parce que l'est la formation de ses éléments ; mais une
fois celle-ci effectuée, ou bien et dès le début, pour les
actes inconscients,certaines parties du système nerveux
peuvent fonctionner sans la partie homonyme du côté
opposé. Mais on. verra que ce fonctionnement présente
des caractères spéciaux et ne fournit à la synthèse psy-
chique que des contributions provisoires et toujours in-
complétés par quelque endroit.
Les critiques adressées par Wundt à la théorie de Cajal parais-
sent absolument justes et méritent d'être reproduites ici.car les
vues propres à l'auteur allemand sur le rôle des synergies motrices
dans la phylogenèse des entrecroisements moteurs et sensitifs sont t
d'une importance capitale au point de vue du duplicisme, qui a
pourtant négligé toute l'immense classe des faits qu'elles concer-
nent. t.
« Dans les yeux composés à facettes des Insectes, l'image réti-
nienne forme une mosaïque grossière ; comme chaque facette re-
présente un appareil dioptrique indépendant, l'image composée
présente la même orientation que l'objet. Aussi quand un tel oeil
est pourvu d'un appareil musculaire, au lieu de tourner sur un
centre situé dans son intérieur, il se meut comme un organe
tactile, grâce à la tige mobile qui le supporte, autour d'un centre
situé derrière lui dans le corps de l'animal. » (Wundt). Cet oeil
réalise à merveille la vision « toucher à distance » des anciens phi-
losophes. D'autre part, comme.chez les Invertébrés, les voies ner-
veuses afférentes et efférentes ne traversent pas le plan médian,
les voies optiques ne subissent non plus aucun entrecroisement. t.
Archives, ;1' série l'JO ? t.
13
194 rsrc>ioLOCm.
On sait que chez les Vertébrés il n'en est plus de même; que, dès les
Cyclostomes,l'entrecroisement est complet.Chez les Vertébrés in ré-
rieurs, les yeux sont en général placés latéralement et leurs hAlI1rS
visuels sont complètement distincts, peut-être même pas toujours
contigus ; mais, chez les animaux plus élevés, les yeux se placent t
de plus en plus en avant et leurs champs visuels se confondent en
partie ; l'entrecroisement devant progressivement partiel.
On connaît l'hypothèse de Cajal et l'on sait que, pour la vision
en particulier, elle considère que l'image de l'objet, est divisée par
la vision uni-oculaire en deux parties, dont chacune est renversée
par un cristallin, son côté interne devenant externe, et serait ainsi
inutilisable pour l'animal s'il n'y avait pas entrecroisement com-
plet. Cette hypothèse suppose en effet que l'image rétinienne est
portée intégralement par les voies optiques de la rétine au centre
visuel, sans être dissociée et sans même que son orientation soit
modifiée ; il est facile de comprendre qu'elle reprend alors dans le
centre visuel sa position naturelle par rapport à celle donnée par
l'autre oeil ; son extrémité externe sur la rétine redevient interne
sur le centre visuel, et par conséquent, sinon contiguë à l'extré-
mité interne de l'image donnée par l'autre oeil et également trans-
portée sur le centre visuel, du moins tournée vers son extrémité.
Voici la substance des objections que Wundt fait à cette théorie.
1° La rétine oculaire est une portion du névraxe repoussée il la
périphérie ; on ne peut donc supposer qu'une mauvaise orientation
de l'image sur l'écorce centrale troublerait notre esprit alors que la
mauvaise orientation sur la rétine n'est pas même connue de lui.
- 2° 11 est difficile d'admettre que « la conscience réside immédiate-
ment dans l'écorce» et y perçoive l'image du monde extérieUl',lIua¡re
qui devrait ainsi correspondre exactement àr la situation réelle des
objets dans l'espace.
3° L'existence des circonvolutions chez beaucoup d'animaux :
rend cette hypothèse déjà bien invraisemblable, ainsi que-Cajal
le reconnaît lui-même ; comment admettre que la répartition des
fibres entrecroisées puisse corriger la désorientation due à la pré-
sence des plis !
4° S'il est vrai que l'image centrale reproduise exactement la
situation de l'objet etde tousses détails, doit yavoir non seulement
correction des rapports mutuels des images rétiniennes des doux
yeux, mais encore redressement, dans le centre nerveux, de chaque
image rétinienne : ce qui, dans celle-ci, est situé en haut.devrait.
dans l'image centrale, se trouver en bas. Or rien ne démontre que,
outre l'entrecroisement transmédian, il y ait dans chaque nerf op-
tique un croisement vertical de ses fibres.
5° Les symptômes de l'hémianopsie corticale sont moins nets que
ceux de l'hémianopsie par lésion de la bandelette ou du thalamus :
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE. DU CORPS. 195
de petites lésions corticales peuvent rester latentes ou ne se tra-
duire que par une simple diminution de la sensibilité à la lumière..
Le contraire devraitexistersi l'acte visuel reposait sur une « Re-
construction parfaite dans l'écorce des qualités spatiales de l'ob-
jet.
6° La vision des objets dans leur vraie position malgré le ren-
versement de leurs images est facile à expliquer sans l'hypothèse
du croisement vertical des fibres ; dans tous les yeux pourvus d'un
système dioptrique opérant le renversement des images, le centre
de rotation est intérieur à l'oeil, au lieu de lui être extérieur comme
dans les yeux pédonculés des Invertébrés. Quand la tache jaune,
point de vision distincte, se meut de bas en haut, le point fixé sur
l'objet extérieur se meut de haut en bas-. Or nous jugeons de la si-
tuation des objets d'après les parties et les mouvements de la ligne
de fixation qui sont situées et qui se passent en avantducentrede
rotation, et non d'après ce qui est situé derrière ou d'après l'image
rétinienne dont la situation nous est par elle-même aussi incon-
nue que celle de l'hypothétique image centrale.
Wundt explique par un mécanisme semblable, c'est-à-dire, par
les mouvements,des deux yeux, l'orientation adéquate de3 deux
images rétiniennes dans la vision binoculaire. Chez les animaux il
vision panoramique, pour que les deux moitiés du champ visuel
soient bien orientées, il-faut que le mouvement d'un objet passant
de l'une dans l'autre ne présente aucune discontinuité ; cette con-
dition est remplie de la façon suivante, pour la vision d'un objet
allant par exemple du bord externe du champ visuel de l'oeil droit
au bord externe du champ visuel de l'oeil gauche : l'oeil droit accom-
pagne l'objetgrâce à la con traction progressive du droit interne; dès
quel'objet passe dans le champ visuelgauche, l'oeil gauche le saisit t
car il est dirigé en dedans par la contraction de son droit interne, la-
quelle a suivi immédiatement celle du droit interne droit, et est à
son tour suivie immédiatement de celle du droit externe, grâce à
laquelle l'oeil gauche accompagne l'objet jusqu'à sa sortie du
champ visuel. D'autre part « il n'est pas invraisemblable que les
appareils servant à transformer les impressions sensorielles en in-
flux moteurs possèdent dans les centres une certaine symétrie. »
Or, s'd n'y avait pas entrecroisement, l'innervation (des centres
corticaux transmettant les impulsions aux centres musculaires)
devrait suivre une marche interrompue : par exemple, tant que
l'oeil droit se meut, se propager de dedans en dehors, pour, quand
l'oeil gauche se meut à son tour.sauter aux centres du côté opposé
et s'y propager aussi de dedans en dehors. Donc,si les deux moitiés
du champ visuel sont bien orientées l'une par rapport à l'autre,
cela ne tient pas à l'ordre dans lequel les images de chaque point
sont projetés dans le cerveau, mais à ce que, dans l'ordre prési-
dan taux mouvements comme à la localisation dans l'organe visuel
196 PSYCHOLOGIE.
au repos, il y a, dans chaque perception spatiale, correspondance
exacte des fonctions sensorielle et motrice.
La vision binoculaire diffère de la vision panoramique par ce
fait que dans la vision des objets rapprochés situés dans le champ
visuel commun, les mouvements des yeux sont exécutés synergi-
quement et symétriquement par rapport au plan médian, et les
points également éloignés de celui-ci sont homologues les uns
des autres.En d'autres termes,aux mouvements successifs et paral-
lèles de la vision panoramique s'opposent les mouvements syn-
chrones de convergence de la vision stéréoscopique : dans ces der-
niers mouvements (d'examen successif de l'extrémité rapprochée
et de l'extrémité éloignée de l'objet situé dans le champ visuel com-
mun), les muscles sont associés, non plus d'après leur situation
par rapport à l'espace extérieur (droit externe droit,puis droit in-
interne droit, puis droit interne gauche, etc.),mais d'après leur si-
tuation par rapport au plan médian et, conséquemment, par rap-
port à chaque oeil. Les conditions présidant dans les centres à la
genèse réflexe des mouvements par l'excitation lumineuse seront
aussi inverties ; les points les plus internes de chaque rétine corres-
pondent aux points de l'objet les plus éloignés ; leur excitation est
le point de départ (dans la portion interne de chaque centre visuel)
du réflexe aboutissant à la contraction des deux droits internes,
c'est-à-dire à l'augmentation de la convergence. Un mécanisme
inverse préside à la contraction des droits externes, c'est-à-dire à
la diminution de la convergence. Wundt suppose.d'autre part.que
les éléments des organes centraux présentent une disposition sy-
métrique par rapport au plan médian, ainsi que les appareils ré-
flexes qui sont le point de départ des influx moteurs destinés à
chaque muscle : centres (corticaux) des droits internes situés en
dedans des centres des droits externes.
L'hypothèse de Cajal est insuffisante parce qu'elle ne considère
que l'appareil et les impressions sensoriels ; celle de Wundt, qui
au contraire envisage tout le système sensori-moteur,permet seule
de comprendre les rapports que l'on constate entre « le passage de
l'entrecroisement total à l'entrecroisement partiel et celui de la
vision panoramique à la vision stéréoscopique ». Une conséquence
ou condition de l'adaptation de l'organe visuel à ce mode de fonc-
tionnement et au mécanisme de la convergence, c'est que, pour
toute la portion du champ visuel commun aux deux yeux et ser-
vant à la vision stéréoscopique, les voies optiques sont directes.
Mais tous les animaux à vision stéréoscopique possèdent aussi
la vision panoramique à laquelle sont affectées les portions in ternes
ou nasales des deux rétines et aux lois particulières de laquelle
sont soumis les mouvements des yeux. Elle impose naturellement
le croisement complet des fibres optiques venues des moitiés in-
ternes des deux rétines, entrecroisement nécessaire pour que les
SUR LA- 5YMTRJ¡ ? UILATÉRALE DUCORPS. 197
deux yeux fonctionnent symétriquement par rapport à l'un des
plans latéraux et non plus au plan médian.
B. EMBRYOLOGIE ET ANATOMIE. - 1" Dualité
d'origine. Préoccupé avant tout de multiplier des exem-
ples où le nombre deux tînt une place quelconque, l'Au-
teur mentionne d'abord (p. 12) la dualité d'oligine de
l'oeuf : « Peut-être l'un [l'homme] anivait-il de New-
York eu l'autre [la femmej de Paiis » (p. 12). Cet argu-
ment ne mélite pas d'être discuté, mais il met bien en le-
lief le genre d'esprit critique qui a présidé au choix des
arguments : l'Auteur en reconnaît d'abord l'inanité : » Ce
n'est pas ... qu'on puisse conclme de celle-ci [la double
origine] à la bi-individualité de l'oeuf humain » (p. 12);
mais, cette concession faite, il cite à maintes repiises la
« dualité d'origine » en faveur de sa thèse : « double en
ses engendreurs ... double en ses organes physiologiques,
l'Homme.... » (p. 15) « ... ces trois caractères, que
l'oeuf est formé de deux éléments absolument étrangers
l'un à l'autre, que.... » (p. 15) « .... qu'importe qu'il n'y ait
pas corrélation apparente entre la dualité sexuelle des
engendreurs et la dualité blastomérique. » (p. 14). Je re-
grette d'ignorer comment les choses se passent chez les
Rayonnés.
2° «Dualité blastomérique » (p. 14). On sait que le pre-
mier plan de division de l'oeuf en segmentation est méri-
dien et indique le plan de la future symétrie bilatérale :
«Dès que l'oeuf humain est né ? sa masse va se diviser,
se séparer en deux petites masses de forme ovoïde,
qu'on nomme blastomères. Dès ce moment,c'est-à-dire ab
ititio, le dualisme s'institue » (p. 13).
Mais cette dualité,qui n'aurait de valeur pour le dupli-
cisme que si elle était persistante, ne disparaît-elle pas
bientôt,pour une période souvent très longue,car elle est
sans rapport direct avec le mode de progression ? N'exis-
te-t-elle pas chez les Rayonnés, chez nombre desquels le
2e plan est encore méridien, accusant ainsi la symétrie
binaire, et précisément chez des animaux à symétrie défi-
nie pentaradiée,avant qu'apparaisse le 1er plan équatorial
qui séparera l'hémisphère végétatif et l'hémisphère ani-
mal i .
108 , PSYCHOLOGIE
Chez fous les animaux,dès le stade où un même paral-
lèle à l'équateur rencontre quatre cellules (4 cellules en
tout chez les Echinodermes, 8 en tout chez les Ascidies,
etc.),on ne peut plus reconnaître les 2 cellules provenant
d'un blastomère donné.
Le 2e plan méridien crée donc une symétrie quaterne
aussi nette que la symétrie bilatérale initiale, et, pour
avoir le droit de rattacher à celle-ci la symétrie de l'a-
dulte, l'Auteur aurait dû montrer chez ce dernier des tra-
ces de la symétrie quaterne.
3° Sous le titre de preuve tératologique expérimentale,
l'Auteur rapporte les classiques expériences de Chabry
sur des oeufs d'Ascidies : piqûre d'un des deux blastomères,
formation d'une larve monstrueuse : « Un seul blasto
mère fut tué, tandis que l'autre, continuant à se dévelop-
per,donna naissance à un demi individu dans le sens lon-
gitudinal, c'est-à-dire à un des deux co-êtres simples dont
la conjugaison constitue l'être double.» (p.16). Par une
nouvelle application de la théorie aujourd'hui ridicule de
la préformation,l'Auteur attribue donc à l'oeuf une struc-
ture comparahle, superposable à celle de l'adulte. Il re-
connaît d'ailleurs que l'expérience ne réussit pas tou-
jours : « l'animal se développe double mais plus petit de
volume ». Mais tant de causes peuvent l'expliquer : « On
peut craindre qu'à l'un des deux blastomères soit restée
adhérente une parcelle de l'autre ». Je cite ce passage pour
montrer de quelle documentation l'Auteur s'est contenté
pour une partie si importante de son sujet, et combien il
est ignorant des conditions habituelles de ces recherches :
du reste « les expériences à résultat divergeant... ne peu-
vent rien contre ce fait... qu'on a vu un des deux blas-
tomères survivre et donner naissance... à un individu
simple » (p. 17).
Est-il besoin d'ajouter que jamais, en réalité, l'expé-
rience de Chabry n'a abouti au résultat auquel l'Auteur
fait allusion et dont il tire des déductions qui se trouvent
par conséquent radicalement fausses.
Driesch (voir 0. Maas, 1903) puis Campton ont en effet,
surabondamment démontré que, chez les Ascidies, chaque
blastomère séparé de son congénère donne naissance non
pas à une demi larve, mais et.toujours, à une larve com-
SUR L4 SYMÉTRIE BILATERALE DC CORPS. 1 oq
plète mais plus petite et dépourvue seulement de quel-
ques organes secondaires, dont l'absence n'est d'ailleurs
pas constante : otolithe, tache. oculaire, etc. La première
ébauche de la corde est notamment multistratifiée com-
me chez la larve normale ; ce n'est que plus tard qu'elle n'est
plus représentée que par un cordon formé d'une seule
rangée de cellules, ce qui esc aussi le cas dans le dévolop-
pement normal ; seulement, chez la larve dérivée d'un
seul blastomère, le nombre des cellules est relativement
plus petit. Enfin, sans séparer les deux blastomères,on
peut obtenir des larves identiques (de taille réduite et sou-
vent privées de certains organes) en laissant un certain
temps l'oeuf encore insegmenté dans de l'eau insuffisam-
ment pure, ou en le soumettant à un éclairage intense.
Bref, le blastomère isolé ne montre aucune tendance à une «demi
segmentation » (Otto Iaas) et à la formation d'une demi gastrula ;
de très bonne heure il tend à régulariser, à rétablir les conditions
normales. Il n'en est pas tout à fait de même chez les Echinoder-
mes ; mais les conditions nouvelles que l'on rencontre chez ces ani-
maux mettent encore mieux en évidence la fausseté de la théorie
qui considère chaque blastomère comme représentant un individu.
Chez les Oursins, réguliers et irréguliers, le deuxième plan de
division est encore méridien, le troisième seulement divise cha-
cun des quatre blastomètres en une cellule animale et une cellule
végétative, celle-ci reconnaissable chez certaines espèces à la pré-
sence d'un anneau pigmenté. La quatrième segmentation donne
8 cellules animales et 8 végétatives dont quatre,très petites et dé-
pourvues de pigment, les micromères.s'accumulent au pôle végé-
tatif. Or, on a pu isoler les unes des autres sans arrêter leur déve-
loppement ultérieur, non seulement ces 16 cellules, mais les 32 de
la génération suivante ; les résultats, constamment contraires à la
théorie de la pluriindividualité (il s'agit d'ailleurs ici d'animaux
rayonnes dont beaucoup présentent aussi la symétrie bilatérale).
méritent d'être rapportés avec quelque détail. Rien à craindre, tout
d'abord, de « l'adhérence d'une parcelle de l'autre blastomère »
ou de la lésion simultanée de plusieurs d'entre eux ; pour opérer la
dissociation, il suffit à IIerbst (v. 0. Maas, 1903), d'immerger tem-
porairement chaque oeuf, arrivé au stade à étudier, dans de l'eau
de mer privée de sels de chaux. L'isolement effectué, il n'y a qu'a
replonger les cellules (dont la nature, avons-nous vu, peut chez
certaines espèces être reconnue) dans de l'eau de mer naturelle,
pour les voir proliférer. Les cellules du stade 2, en d'autres termes,
les deux blastomères primitifs donnent chacun tantôt une demi-
200 PSYCHOLOGIE
blastula, c'est-à-dire un hémisphère creux, tantôt une blastula
normale, le trouble de la segmentation disparaissant rapidement ;
mais, dans tous les cas, les cellules se rapprochent et finissent par
fermer complètement l'orifice, c'est-à-dire par donner une blas-
tula entière, de taille, il est vrai, légèrement réduite, mais qui
évoluera jusqu'à la formation d'un Pluteus parfait. Les blastomè-
res du stade 4 n'arrivent plus à ce terme, mais poussent encore
très loin leur développement. Les cellules du stade 8 (dont 4 ani-
males et 4 végétatives) donnent encore, non seulement une morula
fermée, mais une gastrula avec intestin segmenté et ébauche d'un
squelette au sein du mésenchyme : les divers potentiels contenus
dans le noyau unique du début ne se répartissent donc pas d'une
façon rigoureusement tranchée entre les cellules animales et végé-
tatives ; les unes et les autres conservent encore une assez grande
quantité des diverses propriétés de la cellule primitive nécessaires
à l'être complet : il semble que latendance de chacune à développer
toutes les forces qu'elle contient soit enrayée et guidée par la
présence des autres cellules. Ainsi les cellules végétatives qui,
dans l'oeuf complet, ne donnent que l'intestin et, par les micro-
mères, le mésenchyme,arrivent à former après isolement artificiel
des blastulas complètes : celles-ci sont soumises, il est vrai, à
une forte mortalité, mais les survivantes gastrulent presque tou-
tes normalement. Au contraire, les blastulas provenant des
quatre cellules animales vivent plus longtemps et en plus grand
nombre, mais n'arrivent que rarement à former des gastrulas,
d'ailleurs souvent dépourvues de mésenchyme ; le plus souvent
leur développement s'arrête à la formation d'une blastula à cel-
lules claires et pourvues de longs cils, sans qu'il y ait indication
d'une cavité intestinale. La différence n'est donc pas absolue :
chez les unes, tendance plus marquée à l'activité animale (forma-
tion des cils) ; chez les autres, à l'activité végétative (gastru-
lation), -
Enfin, les cellules du stade 16 peuvent encore donner chacune
une gastrula, mais sans segmentation de l'intestin, et la plupart
des 32 de la génération suivante vont encore à la blastula.
Je'rappelle que les Pluteus (larves à vie libre d'Oursins et d'O-
phiurides) sont à symétrie exclusivement bilatérale. En appliquant
ici la théorie de l'auteur, on devrait considérer chaque moitié comme
formée de deux/.voire même de quatre individus entiers, c'est-à-
dire doubles, c'est-à-dire encore équivalant à l'individu qui les
renferme ; tel cet être énimagtique dont le corps, une fois condensé
dans une masse limitée de matière, se retrouve tout entier, après
rupture de cette masse, dans chacune des parcelles produites.
4° Dualité ou unité passagères ou permanentes de divers
organes.«Doubles tous les organes chargés de fonctions par-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 201
ticaZières : double le poumon, double le coeur qui chez
l'embryon est constitué même par deux organes séparés,
l'un de droite, l'autre de gauche, double le foie, tout au
moins dans la vie embryonnaire, double de même le pan-
créas, séparé en deux parties chez l'embryon » (p. 7). Et
l'Auteur cite encore,sans plus de discernement,des organes
dérivés d'ébauches doubles,ou d'ébauches simples primi-
tivement ou par coalescence : « La langue double dans ses
bases l'est anatomiquement dans le corps médian. La
glande thyroïde, le thymus sont bilobés dans l'embryon ».
Cette accumulation vous désarme vraiment,tant par les
multiples et grossières erreurs qu'elle sous-entend, que
par les nombreuses lacunes qu'elle présente et l'absence
de tout essai d'interprétation : «Pourquoi, se demande
de son côté l'Auteur de la préface, possédons-nous deux
poumons, deux reins, alors qu'un seul de ces organes
pourrait parfaitement suffire... ? ... Pourquoi la nature
confondrait-elle ultérieurement en un seul des organes
primitivement doubles (langue, foie, etc.) et désavoue-
t-elle ainsi son plan primitif ? >> (p. XII et XIII). Voici
toute la réponse : « Tous les organes sont doubles, excep-
té ceux qui présentent le double caractère d'être à la fois
situés dans l'axe longitudinal et de ne servir qu'au ratta-
chement, à la ligature, au support des deux parties de
l'être, ou encore au passage des matériaux étrangers à
l'organisme, soit que ceux-ci soient amenés au contact
des principes digérants, soit au contraire pour qu'ils
soient rejetés comme déchets » (p. 7 et 8). Y aurait-il là,
à la rigueur, les éléments d'une explication de l'unicité
primitive de l'allantoïde,du placenta, de la rate, du vagin,
du tubercule génital, du canal thoracique, de l'unicité se-
condaire,mais si pleine d'enseignements, de plusieurs des
gros vaisseaux ? Hélas ! « Les organes, dit l'Auteur de la
préface, qui nous paraissent uniques dans l'individu ar-
rivé à son complet développement, sont en réalité origi-
nellement pairs dans les premières phases de la vie......
embryonnaire et foetale » (p. XII). Et l'Auteur du livre
ne trouve que deux organes qui « paraissent non doubles
... la colonne vertébrale et le tube digestif » (p. 8). Mais
pour la première, « la dualité originelle de la corde dor-
sale..., sur laquelle se modèle.ia en sa complexe forma-
202 PSYCHOLOGIE.
tion la colonne vertébrale ..\ , a été constatée chez divers
animaux » (p. 8). J'ajoute que,chez beaucoup d'autres,
la première ébauche est, sur coupe transversale, pluri-
cellulaire, et peut se voir appliquer le sublime raisonne-
ment que nous rencontrerons tout à l'heure à propos du
système nerveux.
Quant au tube digestif (moins la portion bucco-pha-
ryngée sans doute) « ... en temps que route [dans sa pre-
mière partie] et qu'égout [dans sa seconde], il n'est pas
un organe ... mais un simple vide. Or un vide ne peut
être ni simple ni double. Au contraire, les glandes de sécré-
tion.... sont réparties sur la paroi du vide digestif entre
les deux co-êtres et sont par paires » (p. 9). Tels sont, no-
tamment, le foie et le pancréas.
Considérant d'ores et déjà, et de par la seule phylogénie, le du-
plicisme comme une erreur, nous n'avons pas à répondre, contrai-
rement à l'Auteur du livre, à l'insidieuse question posée dans
la préface ; mais il ne sera peut-être pas inutile de remarquer que
le développement ontogénique confirme les relations générales que
montre la phylogénèse entre la fonction de locomotion et la symé-
trie bilatérale. La première est représentée, pour l'embryologiste,
par la forme du corps et de ses cavités propres ; la seconde est en
question pour l'unité ou la dualité, la symétrie ou la dyssymétrie
des organes.
Quand se forment les coeurs, l'embryon présente deux extré-
mités,deux faces et deux cô tés,etestentouré.à peu près departout,
par l'aire vasculaire ; les tubes cardiaques se forment à la limite
interne de cette dernière, qu'ils vont mettre en relation fonction-
nelle avec le corps de l'embryon, c'est-à-dire sur les côtés de l'ex-
trémité céphalique de ce dernier. Mais dès que les replis cardiaques
se sont rejoints en avant de la gouttière intestinale, les deux tubes
se soudent en un seul qui devient fortement asymétrique avant
même que sa cavité soit unique sur toute sa longueur : ce tube n'a
plus, en effet, comme ses deux éléments formateurs,de rapports
étroits avec la forme du corps ; il est maintenant libre dans une
poche qui lui est propre et dont l'évolution sera longtemps indé-
pendante de celle des parois proprement dites du corps de l'em-
bryon.
Les organes primitifs doubles ou symétriques, expression
temporaire de la loi du moindre effort, peuvent, ou perdre leur
dualité ou leur symétrie originelles par régression unilatérale
ou partielle quand une portion ou un seul des deuxorganes for-
més d'abord est suffisant, ou bien être employés à la formation
SUR L\ SYMÉTRIE IULATÉIÎALE DI' CORPS. 2U3
d'organes de fonctions différentes, quelquefois même complé-
mentaires : ces deux modes d'évolution, si évidemment con-
traires au duplicisme, se rencontrent dans le développement
des gros vaisseaux. : des deux artères omphalomésentériques,
l'une disparaît toujours de bonne heure (la droite chez le lapin,
au 10e jour : la gauche, chez l'homme, vers le 35e : Tourneux,
Précis d'embryologie humaine, 1re édition, p.379). Un des arcs aor-
tiques (le 5e ou 6e) sera accaparé par la circulation pulmonaire. Le
système éminemment impair et asymétrique de la veine porte
et du canal d'Arantius succède à la portion proximale des deux
veines vitellines. Aux cardinales inférieures et supérieures, paires
et symétriques succèdent les deux systèmes impairs et asymétri-
ques des veines caves et des azygos.
L'appareil respiratoire serait-il, pour un dupliciste, moins uni-
que que le vide digestif, dans sa portion sus-bronchique ? Au fond,
peu importe : cette portion se développe sur la ligne médiane ;
mais l'extrémité inférieure de la gouttière respiratoire ne peut
s'étendre et proliférer qu'en se dédoublant et en engageant chacun
de ses bourgeons, révêtu d'une enveloppe fournie par le méso
oesophagien,dans les prolongements supérieurs et pairs de la cavité
enelomique, en arrière de la poche cardiaque.Quoique les poumons
soient destinés à un fonctionnement constamment et rigoureuse-
ment synergique, -quoique l'unité de chacun des deux coeurs rende
absolument vaine, au point de vue physiologique, la séparation
en deux parties distantes de la portion inférieure de l'appareil res-
piratoire, cette séparation persiste dès le début de l'évolution phy-
logéiiique de cet appareil : celle-ci est en effet relativement récente;
révolution ontogénique est donc tardive et ne commence que lors-
que les formes du corps et de ses cavités sont à peu près définiti-
vement arrêtées. De plus.le fonctionnement mécanique des pou-
mons leur impose des rapports directs avec les agents de mouve-
ment des parois du tronc : c'est pour cela qu'ils sont doubles, tan-
dis que l'autre organe moteur asservi à la fonction de l'hématose,
le coeur droit, non seulement est unique, mais ne représente qu'une
partie d'un organe antérieurement simple et asymétrique. La rate,
d'apparition également tardive, et privée dès l'origine de toute
relation topographique ou fonctionnelle avec les parois du corps,
se présente constamment impaire et asymétrique.
Destiné à assurer de bonne heure l'excrétion des produits de
déchet et à mettre le coelome en communication avec l'extérieur,
le pronéphros,dont le développement est ainsi nécessairement pré-
coce,ne peut apparaître que là où se trouve dès lors une certaine
masse de mésenchyme, c'est-à-dire latéralement : il est donc pair et
symétrique car le développement du mésentère assure sa -diia-
lité, celle de l'organe qui lui fait suite, phylogéniquement et onto-
géniqnement, le corps de \Voll1', et celle de leurs dérivés.
- 201 ' PSYCHOLOGIE.
Parmi ces derniers,les glandes génitales, dont l'évolution forma-
trice est très lente et qui gardent pendant longtemps des rapports
étroits avec les parois du corps, conservent la dualité, physiologi-
quement annulée par l'unicité constante d'une partie au moins des
voies d'issue de leurs produits : urèthre chez le mâle, portion fu-
sionnée des canaux de Millier chez la femelle.
Enfin, les organes urinaires et génitaux pairs sont alliés physio-
logiquement à des organes impairs et médians, dont l'ébauche
primitive ne peut raisonnablement être tenue pour double; allan-
toide, tubercule génital, lame épithéliale du vagin (1·ournem et
Logay.) ,
5) Unité organique et systématique du névraxe. « Double
le cerveau, et très distinct en ses deux hémisphères, dou-
ble la moelle, double tout le système nerveux » (p. 7).
Pourtant, le développement de la gouttière médullaire
n'a-t-il pas quelque analogie avec celui de la gouttière
intestinale : les parois de cette dernière se rapprochent
puis se fusionnent ; puis les deux somatopleures se sou-
dent l'une à l'autre sur la ligne médiane et forment pont
par dessus le « vide digestif » maintenant indépendant.
Semblablement, les parois de la gouttière médullaire,
d'abord largement étalées, rapprochent progressivement
leurs bords externes qui finissent par se souder l'un à
l'autre sur la ligne médiane,puis perdent leur connexion
primitive de continuité avec l'ectoderme cutané : celui-
ci, finalement, forme pont au-dessus du «vide nerveux »
maintenant indépendant du feuillet qui lui donna nais-
sance.
Questionné par l'Auteur sur la dualité du névraxe,M.
le Pr Delage a vainement répondu que « l'ébauche primi-
tive [en est] simple et médiane » et « par suite de l'évo-
lution prend l'aspect d'une formation double et symétri-
que ». Donc, '«la constitution double et symétrique du
système nerveux central n'a pas pour origine le rap-
prochement de deux ébauches primitivement indépen-
dantes... Cette évolution n'a nullement la signification
de l'établissement de deux parties distinctes rappro-
chées » (p 10). La réponse est retardée « de quelques
pages... en vue d'une plus grande clarté », pour pré-
senter préalablement au lecteur les preuves que l'ordre
naturel nous conduisit à examiner plus haut. Mais
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 20.')
vraiment, la réponse avait le droit de se faire attendre :
notons qu'il est précisément question de la bi-individua-
lité, de l'existence de ce que l'Auteur appelle les co-êtres,
et que sa première preuve,la preuve morphologique», de-
vait porter tout d'abord la discussion sur le névraxe,dont
le développement précéda celui de tous les autres appa-
reils et guide celui de plusieurs d'entre eux. Or, « M. De-
lage peut-il se porter garant que les deux co-êtres ne con-
courent pas également à la formation du Lubc nerveux ?
... Mais la chose est infiniment vraisemblable, puisque
M. Delage nous apprend lui-même que le tube s'est formé
sur la ligne médiane. Les deux co-êtres y ont donc égale-
ment participé. » (p. 18 et 19). N'est-ce pas mieux trouvé
que la virtus dormitiva !
D'ailleurs si, dans certains segments du névraxe, la moelle
par exemple, les parois sont plus épaisses latéralement que sur la
ligne médiane.il n'en est plus de même pour les vésicules encépha-
liques qui sont presque toujours nettement indiqués avant qu'ap-
paraisse la moindre dépression médiane ; les hémisphères céré-
braux forment encore à la fin du premier mois chez l'homme une
vésicule unique, bien distincte en arrière du thalamencéphale et,
en bas, du rhinencéphale, mais dont les parois ne présentent en-
core sur la ligne médiane ni saillie ni dépression : le développemen t
considérable des hémisphères, c'est-à-dire de la seule portion du
névraxe où la substance grise ne se continue pas directement d'un
côté à l'autre, est dû à la complexité brusquement accrue des fonc-
tions sensorielles, des mouvements qui leur sont liés et de toutes
les associations nécessitées par ces fonctions. Mais ce grand déve-
loppement, qui rend plus profonde la scissure médiane, est com-
pensé, ou plutôt complété par le développement parallèle du corps
calleux qui finit par l'emporter de beaucoup sur l'ensemble des
autres commissures du prosencéphale et dont le rôle est surtout
d'unir entre eux des points hétérotopiques des deux hémisphères.
Nous croyons inutile de revenir, après ce qui en a été dit dans
la Phylogenèse, sur les relations périphériques bilatérales, directes
ou indirectes, de chacun des centres du cortex : on nous pardonne-
ra de rappeler à ce sujet le travail d'ensemble de Wertheimer et la
revue générale de Grasset. Mais certaines de ces relations nécessi-
tent ou impliquent une symétrie constante pour l'obtention de
certaines données simples en apparence ; par exemple celle de l'é-
loignement ou de la profondeur des corps situés soit dans le plan
médian, soit à droite, soit à gauche. La vision stéréoscopique s'op-
pose donc à l'argument qui dirait, pour rétablir une corrélation
S06 PSYCHOLOGIE. -
fondamentale et exclusive entre chaque co-être et chaque moitié
physiologique du névraxe : « Chaque hémisphère voit et regarde
la portion de l'espace qu'il touche et explore par ses autres
centres. » D'ailleurs, chaque paire d'organes sensoriels, avec ses
muscles et organes annexés, est commune aux deux co-êtres.
Quant au système sympathique,si important pour la genèse des
sentiments et l'évolution des tendances, on sait que ses fibres,
avant même de formes plexus pour innerver les organes aux-
quels elles sont destinées, même les organes pairs, s'envoient de
nombreuses anastomoses transmédianes. Les-plexus ganglion-
naires situés a la surface et dans l'épaisseur des. parois des vis-
cères sont organisés de telle sorte que les réflexes dont ils sont t
le centre sont toujours diffus.
1
Asymétrie du névraxe. « Les deux individus qui for-
ment l'homme ne sont égaux et semblables en rien. Les
deux cerveaux,par exemple,sont inégaux en poids, inéga-
lement distants de l'axe et leur topographie superficielle
n'est pas strictement pareille» » (p.24 et 25). «Nous savons
que... les deux co-êtres se différencient l'un de l'autre
par le poids du cerveau et son relief topographique, par
des différences organiques dans le poumon... et par le
poids total de leur masse » (p. 95). Telles sont les diffé-
rences, les seules, que l'auteur ait trouvées, et qui justi-
fient à ses yeux la permanence de la bi-individualité et
l'opposition des caractères psychiques. Il en a lui-même
marqué la valeur en admettant le poumon dans sa brève
nomenclature. Il a négligé de chercher la signification
physiologique de ces différences, tout comme il en avait
négligé l'origine phylogénique. (On peut voir sur ce sujet
Wundt, 1902, I, p. 237 et p. 239 ; Cajal, 1906.)
. C. Physiologie. -« « L'a vie normale de l'être dou-
ble résulte à la fois de la participation de chacun des deux
individus à l'oeuvre commune et de la coordination cons-
tante de chacune de ces deux activités... Il y aura ano-
malie lorsque la coordination entre les deux activités in-
dividuelles cessera d'être complète · (p. 23).
Cette coordination est ici une fonction nouvelle, tout
autre que celle qu'envisage la physiologie classique/diffé-
rente également de ce que l'Auteur appellera plus tard le
« modus vivendi» des co-êtres : elle est en effet supérieure
à ces derniers, les gouverne, leur préexiste, comme elle
SI12 l. 51'J11 : 'lltlli BIL.1'l'L13 : 11.1; DI' C01215. ·n/
préexiste au Aloi : elle est la raison d'être de leur conju-
gaison. Elle n'a à son service aucun organe propre. Enfin
lorsqu'elle est en souffrance dans les états pathologiques
où se démasque la bi-individualité, elle continue à s'exer-
cer partiellement dans les fonctions viscérales et plusieurs
des fonctions de relation, telles que la phonation, la mi-
mique etc. Or l'Auteur a négligé de limiter son domaine.
« Il y aura, dit-il, anomalie lorsqu'un des deux individus
récluÍ1 ou supprimera sonconcours» (p. 23). Pourtant on
chercherait vainement dans son livre l'exposé des pro-
cessus par lesquels un seulco-être arrive à prendre mo-
mentanément en main la direction de la vie d'ensemble.
Quant aux manifestations unilatérales de la motricité,
quoique la plupart d'entre elles impliquent la synergie
des deux moitiés, il ne cherche pas à savoir comment cette
synergie constante qui intéresse toute la vie de relation,
peut s'allier avec l'indépendance de vie des deux co-êtres;
il ne dit pas, non plus, comment cette coordination, qui
porte, avons-nous vu, sur les fonctions de nutrition et les
fonctions de relation s'accorde avec les tendances oppo-
sées qu'il attribue chaque moitié et qui entretiennent
entre celles-ci un continuel état de guerre.
Nous n'avons pas à répondre pour lui à toutes ces ques-
tions : ce serait refaire toute la physiologie, car la coordi-
nation, toute naturelle en cas d'unité, est au moins diffi-
cile à se représenter, sinon inexplicable, entre deux indi-
vidus « conjugués » mais manifestant indépendamment
l'un de l'autre, d'après le duplicisme, la meilleure part de
leur activité.
D'ailleurs,que sont ces tendances ? Comment s'en faire
une idée exacte puisqu'elles ne se manifestent jamais à
l'état normal : chez l'adulte, en effet, gouverné par le
oc moi supérieur », la conscience ne les connaît pas. Chez
l'enfant, avant l'apparition du moi, l'Auteur lui-même
ne'songerait pas à en voir un exemple dans l'incoordina-
tion primordiale et passagère des mouvements. S'expri-
mcraient-elles dans les modifications passagères du carac-
tère et de la conduite de l'enfant, modifications compara-
bles aux alternances que l'on observe chez l'adulte à l'état
pathologique, et où l'Auteur voit une manifestation de
la diversité des tendances ? Non, car il y aurait alors un
208 PSYCHOLOGIE.
état prime et un état second analogues à ceux de l'hyp-
nose, et c'est ce que l'on n'observe jamais.
Il ne serait cependant pas légitime de conclure de cela
que les tendances n'existent pas chez l'enfant comme
chez l'adulte, quoique « l'effort en vue de la coordina-
tion » caractérise, ainsi que le fait remarquer l'Auteur
(p. 122), la période (de 3 à 18 mois) où s'organisent les
fonctions de relation. Nous admettons provisoirement
que la fonction mystérieuse de la coordination des deux
individus,fonction innée,est conciliable avec les tendances
et aptitudes opposées : nous prendrons ces deux derniè-
res dans leur sens le plus général, faute de toute définition foi
donnée par l'Auteur, et n'aurons plus qu'à examiner : 1° si
les différences physiologiques normales entre les deux
moitiés autorisent l'attribution d'aptitudes différentes
et de tendances opposées; 2° si les conditions habituelles
de la vie de l'individu et de la race expliquent la persis-
tance de tendances opposées. ,
D'autre part, puisqu'il y a anomalie « quand l'un des
deux individus réduit ou supprime son concours », et que
chaque moitié est présente à tout acte eta toute sensation
dans la mesure permise par son organisation, puisque
chaque co-être «vit sur un fond de notions, d'habitudes,
de règles de conduite antérieurement incorporées à sa
mémoire » (p. 56), nous aurons à recheicher (3°) si, dans
les conditions habituelles, chaque moitié peut acquérir
des souvenirs qui lui soient propres,et dans quelles limites
ces souvenirs peuvent différer de ceux de l'autre moi-
tié.
1° Les seules différences physiologiques que l'on cons-
tate entre les deux moitiés sont : la prédominance de la
force musculaire et une sensibilité un peu plus délicate
dans le côté droit du corps. (Van Biervliet, 1900-1901)ec £
la localisation des centres du langage dans l'hémisphère
gauche. Y-a-t-il vraiment là des aptitudes différentes ?
Est-il légitime de se baser sur cela pour avancer que
« l'individu auquel appartient le cerveau gauche est pro-
bablement plus intellectuel » (1). ) ? Remarquons d'a-
bord que les deux hémisphères coopèrent presque tou-
jours pour la lecture et l'audition des mots, et pour four-
nir les images ou idées évoquées par les signes vus ou en-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 209
tendus. De plus, en l'absence de toute indication précise,
quelle qualité attribuer au cerveau droit ? Dira-t-on que,
« moins intellectuel' », il est plus porté à l'action ? Non,
puisque ses muscles sont précisément moins forts et sur-
tout moins exercés que ceux du cerveau gauche. Plus
étroitement soumis à ses « impulsions » ? Non, répon-
drait l'Auteur, car les deux cerveaux sont égaux devant
leurs impulsions, auxquelles ils obéissent l'un et l'autre,
tant que le Moi ou leurs raisons personnelles ne viennent
pas les arrêter. Ce n'est pas à nous de proposer d'autres
hypothèses,mais puisque chaque cerveau a sa vie psycho-
logique propre, une vie à laquelle ne manquent que la
« Raison supérieure et la volonté », puisque chacun d'eux
peut avoir des qualités morales, l'un étant bon, par
exemple, ou dirigeant la personne en l'absence du
Moi quand celle-ci se montre bonne, l'autre étant
mauvais (p. 45 et 46), il est évident que le cerveau droit
a, tout comme l'autre, en supposant possible leur indé-
pendance psychologique, des idées abstraites et des idées
générales. Or, si l'on peut penser sans mots (Galton, Ro-
manes, Ribot 1898)î on ne le fait que rarement, et la vie
psychique attribuée par l'Auteur aux co-êtres est infini-
ment plus étendue et plus complexe que la simple logique
des images. On ne peut avoir présents à l'esprit des con-
cepts abstraits ou généraux sans avoir en même temps
dans la conscience les termes qui les expriment directe-
ment ou par métaphore. Le raisonnement proprement
dit, inductif ou déductif, que l'Auteur octroie aussi aux
co-êtres, est également impossible sans l'afflux et l'inté-
gration rapide des images d'un grand nombre de mots.
Puis, donc, que le cerveau droit a à sa disposition tous
les matériaux du langage, comment le langage peut-il être
une source de différences entre les deux co-êtres ? Je ne
demanderai pas comment il se fait que le cerveau droit
soit moins intellectuel,car je laisse à l'Auteur l'éclaircisse-
ment de cette épithète irréfléchie. D'autre part, si,dans
les actes les plus élevés de la vie psychique des eo- êtres, la
« coordination » admise, mais inexpliquée, intervient en-
core, si, là encore, la synergie est constante, que devient
leur indépendance, où se placent leurs vies propres ?
Le substrat physiologique des différences d'aptitudes
Archives, ;J' série, 1907, I. I. 14
210 PSYCHOLOGIE.
et de tendances n'a donc pas plus de valeur que leu' subs-
strat anatomique.
2° Admettons pourtant, puisqu'il le faut pour de si
bonnes raisons (persistance du duplicisme, existence
de, la liberté) de multiples tendances et aptitudes
originellement différentes. Voici deux co-êtres qui parta-
gent avec la plus parfaite équité l'air et la nourriture,
souffrent des mêmes humeurs et des mêmes besoins,
ont ensemble des périodes d'épuisement et d'activi-
té, de santé et de maladie ; non contents de désirer,
posséder, intercl1anger (more canino ; niore paterno) et
abandonner à la fois leurs respectives demi-maîtresses,
sans même songer à soulever à l'ocasion la question de la
paternité, ils vont jusqu'.à se prêter obligeamment leurs
organes : « On peut vivre avec un seul rein », remarque
l'Auteur de la préface (p. XII), tout en notant que cette
faculté, latente à l'état normal, ne peut guère être prise
pour indice d'une sûre entente nutritionnelle des deux co-
êtres : en un mot, le milieu intérieur, la cénesthésie sont
constamment identiques pour les deux moitiés ; le milieu
extérieur l'est presque toujours : milieux et cénesthésie
l'étaient depuis les époques géologiques, et les tendances
et aptitudes persistent à être différentes : «non seulement
l'aspect dupliste a subsisté ; mais il ne semble pas qu'il
soit même en voie de s'atténuer » (p. 95) !
A l'identité de la cénesthésie on pourrait rattacher
celle des sentiments, mais il vaut mieux considérer ceux-
ci aveç les sensations, propos des acquisitions de chaque
co-être. ? '
Quant cette synergie qui dépasse du beaucoup la coordination
envisagée par l'Auteur, qui pénètre, avons-nous vu, tous les actes
de la vie psychique, toutes les manifestations des fonctions de rela-
tion (courants simultanés d'actionnement et d'inhibition), cette
synergie, bien plus constante que celle qui crée une ressemblance
morale et jusqu'à une certaine ressemblance physique entre les
époux unis depuis longtemps, ne serait-elle pas capable à elle seule
d'abolir les différences originelles ? lorsqu'une cause accidentelle)
immobilise la main droite, la main gauche, chargée d'une plus
grande somme de Lravall,n'acqmerL=elle pas rapidement une force
et une habileté, jusqu'alors inconnues d'elle, mais qu'elle perdra
bientôt si les anciennes conditions se rétablissent ? 7
On sait que. dans les mouvements unilatéraux,t'asynergie n'est
SUR Li S\MÉ11UE Y31LWI : It.11.1; DU CORPS. 211
" ,
jamais absolue ; que, pour les mouvements bilatéraux dyssymé-
triqués (tête, yeux, mouvements de la marche. etc.), il existe des
centres de coordination spécialement chargés d'assurer la syner-
gle des deux moitiés et dont l'hypnose- respecte toujours l'activité,
l'hypnose qui, pour l'Auteur, dissocierait les deux moitiés ; la syner-
gie est une condition fondementalede vie, je parle 'de la synergie e *
constatée par l'observation, tandis que la coordination inexpliquée
de l'Auteur peut être, d'après lui, enrayée sans que'la mort s'en
suive. Les équivalents psychiques des mouvements coordonnés
(marche, actes techniques, etc.) deviennent vite indissociables; l'es-
prit les évoque en bloc sans y voir la part de chaque moitié du
corps. Par la facilité et le caractère souvent' inconscient de leur
jeu, ils ressemblent aux tendances, aux impulsiôns : 'Quand de tels
mouvements sont exécutés, dira-f-on que leur simplicité représen-
tative les laisse indifféremment' la' disposition des deuxco-êtres.
que ceux-ci s'en servent quand ils veulent ? Alors', encore une fois,
que devient ce continuel état de guerre auquel l'Auteur fait si sou-
vent allusion et qui impliqué et explique les tendances opposées "
Quelle place celles-ci trouvent-elles dans la vie normale pour v
subsister en silence, et, ce ménage des co-ëtrés si uni dans son foyer,
si exemplaire en public, où se cache-t-il pour manifester et'entre-
tenir tant d'aigreur > ,. ,. w h . H..., , 1 ! r, ".
1 1 ¡J ?
3° « Chaque cb-ctie est susceptible ... de percevoir
l'idée des objets et de ressentir des sensations très com-
plexes ... de saisir les rapports' qui unissent' lés 'objets
entre eux, les idées entre elles "ou avec les objets, enfin les'
idées, sensations et objets avec le sujet même... Il vit sur
un fond de notions, d'habitudes.... antérieurement in-
corporées i ba mémoire, comme le sont les images, les ob-
jets, les sensations ressenties et les mots'qui représentent
ces idées et ces sensations » (p. 56).
11 existe en effet des preuves de l'existence dans cha-
que hémisphère, 'd'associations histologiques servant'de
base (tes souvenus et capables de se manifester séparé-
ment'. Telles sont les agnosies unilatérales ? et notamment
1 astereognosie, dune main, par exemple, dues à une
lésion en l'oycr d'un hémisphère. Mais'quelle que soit leur
importance pour la connaissance, ces groupements ne
portent que sur un ordre restreint de sensations et, outre
que, sauf ceux des images visuelles et auditives des mots, ils
sont probablement semblables dans les deux hémisphères
(v. p. 216), leur valeur affective est nulle : ils sont inertes :
rien en eux né uoùsse au mouvement : ce sont de simules
l' 1; 1 ,1v l, v ·. 1 W · , v 11 , .1 .. -tf Át ?
212 PSYCHOLOGIE.
documents, à eux seuls insuffisants pour la perception
des rapports indirects, objet d'un raisonnement propre-
ment dit. -
Suivons maintenant les sensations, les sentiments, les
idées, bref, tout ce que peut contenir la mémoire, pour
faire la part des éléments communs aux deux moitiés et
de ceux qui peuvent être propres à chacune.
On a vu grâce à quelle fondamentale erreur anatomique l'Au-
teur considère chaque moitié anatomique du névraxe comme prési-
dant à la vie psychique de la moitié opposée du corps..Nous ne
reviendrons pas sur les sensations visuelles déjà trop longuement
envisagées à propos des voies et centres optiques.
Les sensations gustatives et olfactives unilatérales sont extrê-
mement rares. Il en est à peu près de même pour les sensations au-
ditives, qui, du reste, mieux encore que les sensations visuelles.
mettent en jeu les deux hémisphères, lors même qu'une oreille est
seule affectée. De plus, celles qui sont psychiquement les plus im-
portantes, celles que donne le langage articulé, emmagasinent
leurs résidus dans l'hémisphère gauche à côté des images verbales
visuelles. On sait, d'autre part, que tout ébranlement sensoriel
met forcément en jeu les deux hémisphères.
Parmi les sensations données par la peau et les muqueuses, beau-
coup naissent à l'occasion de mouvements coordonnés et entrent
par là dans des groupes mnémoniques indissociables ; beaucoup
de celles-ci et d'autres encore entrent dans des complexus
psychiques où les deux côtés du corps ne sont pas opposés. Presque
toutes les sensations, si importantes comme repères mnémoniques.
dues à l'action directe du milieu extérieur (température, pression)
se joignent indissolublement à des souvenirs cénesthésiques et
sont identiques pour les deux côtés.Les sensations nées de l'effort,
capitales pour la genèse de la notion de résistance et dans l'opposi-
tion du non-moi au moi sont identiques quel que soit le côté qui
agisse sur le milieu extérieure même uniques et communes aux deux
côtés,tant par leur origine que par leurs effets psychiques et leur
place dans la mémoire. Il en est de même pour la plupart des élé-
ments affectifs de chaque sensation, même lorsque ces éléments ne
sont pas déjà réveillés par l'évocation d'une sensation antérieure.
Enfin, certaines des sensations tactiles liées aux « appétits » les
plus élémentaires des co-êtres, celles que fournit le revêtement des
organes génitaux et dont le rôle psychique est de toute importance,
sunt toujours, sous tous les rapports, identiques pour les deux
côtés.
D'un autre côté, les ébranlements venus des organes des sens
spéciaux ne sont pas seuls à intéresser les deux hémisphères ; toute
SUR L1 SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 513
sensation tactile nu thermique est conduite par des fibres aban-
donnant des collatérales à des centres gris qui en reçoivent aussi,
directement ou indirectement, des fibres homologues du côté op-
posé : quand un nouvel ébranlement passera par ce dernier côté ,
il éveillera, pour s'en charger et en être modifié plus ou moins, des
résidus laissés par les ébranlements venus de l'autre côté du corps.
Déjà multiples dans la moelle, ces connexions entre les diverses
voies sensitives et les noyaux qui en dépendent deviennent encore
plus nombreuses et plus complexes dans le cerveau postérieur et
le cerveau moyen, si bien que les ébranlements qui arrivent au
diencéphale sont des complexus où l'ébranlement principal ne fait
que prédominer sur les résidus laissés par ses prédécesseurs venus
de l'un et de l'autre côté. Cette fusion paraît même nécessaire à la
création des signes locaux quels qu'ils soient,comme elle l'est à la
formation, grâce à la répétition qui élimine les extrêmes ,des cen-
tres corticaux physiologiques. Les sensations les plus simples sont
d'abord vagues ; ce n'est que grâce à leur répétition, produite dans
des circonstances forcément différentes, que l'enfant les localise
par rapport à son plan médian, à la surface de son corps, comme
dans le milieu externe, puis passe progressivement à des localisa-
tions plus fines.
Admettons pourtant que, pour les sensations tactiles, la part
du côté non impressionné soit absolument négligeable ; on sait,
par contre, que, non seulement pour la perception, mais bien
moins encore, pour la simple reconnaissance, il faut souvent
que la sensation s'associe à des sensations visuelles, auditives, à
des complexus ayant cette double base, et impliquant, quelle que
soit leur importance, la collaboration passée et présente des deux
hémisphères.
Les sensations les plus facilement évoquées par la mémoire sont
celles dont la teinte affective était le plus accusée; ce sont aussi cel-
les dont le souvenir est le plus vivace et qui ont le plus d'impor-
tance dans la vie active. Or, le caractère affectif est dénué par
essence de toute particularité locale : c'est par abus de langage
qu'on parle de localisation de la douleur : ce serait par un abus
semblable qu'on parlerait de la localisation du plaisir que donne,
par exemple, la rencontre d'un corps tiède par la main engourdie
par le froid. La teinte affective des états neutres en eux-mêmes,
due au réveil d'un souvenir, est également la propriété de l'or-
ganisme tout entier.
D'autre part, c'est par leur teinte affective que les sensations
sont ordinairement le point de départ d'une réaction, soit « volon-
taire » et précise (dans ce cas il se peut qu'un seul côté agisse, mais
les deux ont participé à la genèse de l'acte), soit spontanée et alors
locale ou généralisée; dans ce dernier cas, celui des émotions, le
plus fréquent et le plus important pour ses conséquences psycholo-
214 PSYCHOLOGIE.
giq'ues ultérieures, l'organisme entier est intéressé et les deux hé-
misphères marquent encore chacun le même nombre de points ;
que l'on considère en effet la réaction viscérale comme primitive
(.lames. Lange) ou secondaire au sentiment ? quel que soil le point
dé départ, uni- ou bilatéral, del'élémentditintellectuel, souvent
ici très faible et même négligeable, la réaction viscérale, inconnue
dans ses détails, forme un tout indivisible et commun aux deux
moitiés, dans sa représentation comme dans ses effets ; l'in'dépen-
'dance très relative des vaso-moteurs des deux côtés du corps n'est
que très rarement mise en jeu dans l'émotion. Les réactions vaso-
motrices ne sont 'd'ailleurs qu'un facteur de second ordre, si on les
compare aux modifications des boni radions du coeur, du rythme
respiratoire et de l'action des divers muscles du larynx, du tube
digestif, etc.
A la base de toute tendance est un sentiment : on voit donc, non
seulement combien,, jusqu'à présent, le bagage 'psychologique des
co-êtres diffère peu'de l'un à l'autre', mais aussi combien invraisem-
blable est la diversité 'des tendances que, l'Auteur leur prête : la ten-
dance, l'impulsion, serait telle, en effet, chez eux, qu'ils agiraient
dès 'que les circonstances le permettent, c'est-à-dire après des
ébranlements ne contenant qu'un minime élément de connaissance :
cela restreindrait encore leurs chances de diversité, s'ils pouvaient
en avoir.
Revenons aux acquisitions. Chaque moitié 'aurait ses idées pro-
pres ; cela aurait du moins demandé a être prouvé; car il est vrai-
semblable d'après plusieurs passages qu'il ne s'agît par de simples
idées images, mais d'idées quelconques', abstraites ou cô'ric5·ètes,
particulières ou générales, d'idées symbolisant des jugements et des
raisonnements'. Or ici le cas est tout 'autre 'que pour les 'complexus
dont l'altération cause les agnosies; f1 ite s'agSL plus de résiC1Üs em-
magasinés et rendus tels quels pàr 1a mémoire', mais de processus,
(1'(iclé.s'qi'ie l'esprit reproduit instantanément quand 'quelque chose
en est évoqué. Ils échappent par là à une localisation quelconque,
'quoique certaines lésions puissent rendre impossibles les opéra-
tions dont ils résultent. Nous avons déjà parlé, à propos 'des ten-
dances, de, là nécessité 'de l'intervention du cerveau gauche pour
les idées abstraites et générales, qui n'ont guère d'autre image
maniable et commode que celle du 'mot qui les exprime et qui n'en
ont pas de plus fixe ni de plus solide. Peut-on en conclure que les
opérations complexes de l'entendement se passent nécessairement
dans le cerveau gauche, le droit ii'iiiteivenànt'(Ii'indiie*ctereiit,
par les souvenirs évoqués ? Cela serait au moins prématuré. Mais
s'il est franchement illogique d'a LLl'ibu'er 'à 'cJ\'aqÙ'e hémisphère des
idées préformées, qui, pour le( psychologue, ne sont que des suites
de mots, et siègent par conséquent à gauche, il l'est bien, plus en-
SUR LA Sl-DII;IIiÎ(;lSfT,ITliR.ILI; DU CORPS. . : 21;)
cbi'é d'attribuer à chacun la faculté de forger des idées et de les
travailler indépendamment dé son congénère.
Considérons pour finir les notions d'espace et de durée et admet-
tons avec l'Auteur que les deux cb-étres sont présents à toutes tes
actions du non-moi sur le moi et réciproquement ; on se rappelle
qu'il y a anomalie « quand un dés deux individus réduit pu suppri-
me son concours ». et l'on sait que leur présence ou prédominance
alternative se traduit par l'apparition de deux séries d'états de
conscience. Il est évident, d'autre part, que la synthèse de sensa-
tions ou d'états 'de conscience qui implique les formes de temps et
d'espace et constitue les notions dé durée et d'étendue ne peut pas
être l'effet du moi conscient.
Si donc les sensations s'unissaient en deux séries ditiiitéà,élià-
que co-être aurait sa notion spéciale de la durée, notion qui pour-
rait être distincte de celle de l'autre : laquelle choisirait le moi, 'ou
comment rétablirait-il l'accord ? Si, au contraire, là notion de du-
rée est toujours identique pour les deux co-êtres, c'est que chacun
non seulement participe aux sensations et actes de l'autre, niais
encore connaît ses états de conscience primitivement et à mesure
qu'ils se succèdent ; nous verrons plus loin ce qu'on peut penser de
ces deux consciences contiguës, mais, dans là seconde hypothèse,
que devient l'indépendance ? Tomberions-nous encore ici dans ce
domaine 'delà « coordination » 'dont les limites ont été laissées si va-
gues ? , . ,
11 eu est de même pour là notion d'étendue, dont les constituants
les premiers dans l'ordre chronologique et les plus importants s'ont
fournis par les actes synergiques 'des d'eux moitiés : on peut ad-
mettre que cette notion, formée en commun (par les organes dit
tact et du mouvement, les yeux et leurs 11ll ! scles)est ensuite uti-
lisée par chacun; ce serait un simple effet 'de la coordination pri-
mordiale adinisé par l'Auteur, la l'orme espace existant coiigéhi1
talement `citez chacun. Mais il n'en est pas moins vrai que, 'dans
la plupart des 'cas, l'estimation où la simple notion vague dé la pro-
fondeur, 'de là distance à l'objet. de l'étendue. nécessite et impli-
que l'intégration primordiale et spontanée des sensations des 'deux
hémisphères. Or il est impossible de dissocier .ces sensations du
reste du contenu de Fêtât de conscience, et, d'autre part, l'idée
d'étendue intervient, plus '6'ù moins nette, 'dans là plupart 'dé nos
pensées, soiis des formes diverses : nouvelle c'oininunauté, nouvelle
'dépendance réciproque à enregistrer. «Chaque fonction psyclt'ophy-
sique arrivant à notre observation, dit \YÚWdt (1902, I. p. 229), est
déjà éh soi une fonction 'centralisée, nue collaboration
synergique dé plusieurs fonctions périphériques. Nous ne savons
pas et ne saurons jamais 'quelle 'est là contribution particulière de
l'oreille ou 'de la rétine dans là "formation, (le'iïàs perceptions, parce
que les fon'cti'ohs (je '¿es 'deux 'Ol'gl1'n'es, c'(¡11Wn'e celles de tons les an-
SIC PSYCHOLOGIE.'
très, ne sont accessibles à notre observation qu'à l'état centralisé,
c'est-à-dire unies à d'autres fonctions. »
La revue générale déjà indiquée sur les fonctions motrices(Gras-
set, 1905) bilatérales des hémisphères contient la plupart des indi-
cations essentielles sur ce sujet. Mais nous croyons utile d'insister
ici, à propos des centres à action unilatérale, sur ce fait que ces
centres, les seuls qui par eux-mêmes ne constituent pas une objec-
tion au duplicisme,sont les plus récents phylogéniquement,contrai-
rement à ce qu'implique cette théorie. Chez les Mammifères infé-
rieurs, et souvent même chez le chien et quelques singes (Brown
Séquard, 1882), leur excitation, précédée ou non d'une hémisec-
tion d'un côté quelconque de la moelle, est le plus souvent suivie
de mouvements bilatéraux ; ces derniers, chose curieuse, portent
tantôt sur les deux membres antérieurs ou postérieurs, tantôt sur
l'un quelconque des bipèdes diagonaux, comme si le groupe des
deux mouvements synchrones de la marche avait une représenta-
tion unique dans différents centres. Ces expériences démontrent
par une autre voie la synergie primordiale des deux moitiés du né-
vraxe ; c'est par l'inhibition ou la dynamogénie, et par l'exaltation
ou la diminution de la sensibilité dans une moitié du corps, que
sont créées les variétés symptomatiques qui suivent soit les hé-
misections, soit certaines excitations centrales.
Quant aux centres plus spécialement affectés à la sensibilité
générale ou spéciale, outre les «centres de perception» qui sont
ceux dont il a été déjà question (calcannes, TI et T2 etc.), il
existe des «centres de souvenir (Wilbrand)(.l\Ierkcentra de Cajal,
1906) que certains auteurs, Cajal entre autres, distinguent encore
en primaires et secondaires (voiries arguments de cet auteur, 1906,
p. 53). Les uns et les autres sont considérés comme unilatéraux :
« Tous les centres de souvenir ou centres commémoratifs connus
sont unilatéraux (aphasie, cécité verbale, surdité verbale).... Il
serait étonnant que l'image optique ou acoustique d'une lettre ou
d'un mot fût localisée exclusivement dans un hémisphère et que
l'image de souvenir d'un son ou d'une figure géométrique existât
dans des champs symétriques des deux hémisphères.... Donc, les
centres commémoratifs d'un côté, bien qu'homologues de ceux
de l'autre côté à l'égard de la fonction générale, ne renferment pas
les mêmes représentations... D'où augmentation de la « capacité»
du cerveau et réunion dans des régions voisines d'un même
côté d'acquisitions diverses se rapportant à un même objet exté-
rieur et nécessitant ainsi des voies d'union courtes et nombreuses». ».
Enfin, chaque centre de souvenir primaire et secondaire est uni
aux centres perceptifs et commémoratifs des deux côtés (p. 56)
par des voies, qui pour la plupart sont formées de fibres de direc-
tion contraire. D'après Tanzi (1901), les hallucinations ont leur
origine dans un centre de souvenir duquel part l'excitation qui met
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 217
en branle les deux centres de perception. Si, par exemple, une hallu-
cination de la vue naissait dans un des territoires calcariniens, elle
serait hémiopique.
t- Quant aux centres de perception,`le principe de 1' « unité d'im-
pression ou de sensation », défendu aussi par Cajal est également
contraire à l'essence du duplicisme.On remarquera à ce propos que
cette théorie ne pourrait pass'appuyer sur la diversité des acquisi-
tions de chaque hémisphère pour expliquer la persistance de l'op-
position des aptitudes et tendances des co-êtres : ces résidus que
Cajal suppose avec raison différer d'un côté à l'autre concernent
des associations ou souvenirs élémentaires, essentie)lement sim-
ples, si simples que, comme les images verbales ou visuelles des
mots, ils entrent forcément comme composants dans les actes les
moins compliqués de l'entendement, et sont toujours donnés par
la mémoire conjointement avec des souvenirs élémentaires emma-
gasinés dans le côté opposé. Du reste le principe de l'unité d'im-
pression met encore mieux en évidence la nécessité de la synergie ;
dans les cas où l'impression périphérique a un caractère spatial,
« chaque fibre sensorielle conduisant un signe spatial se termine
d'un seul côté du cerveau ? les fibres [continuant physiologique-
ment les fibres] nées en des points identiques des deux rétines se
terminent dans un seul groupe de pyramidales isodynamiques.
L'unité de la rétine cérébrale corrige la dualité de l'impression
centrale. La dualité de l'image quand les axes sont déplacés tient
à ce que les points rétiniens identiques correspondent, non plus à un
seul, mais à deux groupes de pyramidales isodynamiques.» Pour
les sens non spatiaux, l'impression est purement qualitative et affec-
te simultanément les deux hémisphères : son intensité est ainsi
augmentée. Quant à son unité, elle est. d'après Cajal, assurée
par ce double fait que des groupes isodynamiques de cellules (af-
fectées à la même qualité) sont répartis dans les deux moitiés du
cerveau ; que chaque fibre sensorielle afférente se divise en un
rameau direct pour le groupe cellulaire homomère et un rameau
indirect pour le groupe hétéromère.
En un mot, la structura du système nerveux est telle
que tout ce qui lui arrive, tout ce qu'il fait, se trouve inté-
gré en fonction des deux moitiés. En le suivant du bas
au sommet de la série des Artiozoaires, on voit que sa
complexité croissante a pour but de défendre l'organisme,
non pas contre une dualité fictive, dont la seule expres-
sion serait la symétrie bilatérale, mais contre la mul-
tiplicité et la complexité croissantes des fonctions et
de leurs organes. 11 y obvie par la division du travail,
218 PSYCHOLOGIE.
poussée à un tel point qu'aucune de ses parties n'a exac-
tement les mêmes fonctions qu'une autre. Les deux lobu-
les paracentraux se partagent l'innervation directrice de
la marche, comme les deux calcarines se partagent le
champ visuel. Dans l'encéphale, les suppléances, après
déficit, hétéromères ou homomères, sont différentes de
celles des autres organes : elles ne sont pas immédiates et
spontanées, car elles ne consistent pas en une simple aug-
mentation, de la tâche de la partie'suppléante : elles s'é-
tablissent lentement et progressivement, car elles néces-
sitent un remaniement des résidus préexistants et la
'création dé nouveaux résidus par lés ébranlements arri-
vés 'au centre suppléant par des voies déterminées. Mais
si le déficit est précoce, par exemple antérieur à la hais-,
sahce, s'il a agénésie, il n'est pas nécessaire que s'établis-
se une suppléance proprement dite et la lésion peut pas-
ser inapercue : agéhésies partielles du cervelet, vastes
porencéphalies détruisant la presque totalité d'un hé-
misphère : on a vu qu'un co-être peut vivre sans rein (p.
XII) ; il n'est pas sans intérêt de constater qu'il peut
aussi vivre saris cerveau, sans même que s'es caractères
psychologiques propres paraissent sensiblement altérés.
L'absence d'un hémisphère a été souvent 'Objectée aux
théories parentes de celles que nous combattons (Cotard,
etc.). Dans certains cas, quoique le déficit unilatéral ne
soit pas total, ne porte, par exemple, que sur les zones mo-
trices et les centres du langage, la suppléance par l'au-
tre hémisphère, ne peut être mise en doute. Tels sont les
cas où manquent dans le pédoncule et la moelle les fibres
(la voie pyramidale notamment) provenant du côté ma-
lade du cerveau et du côté correspondant (croisé) dû
cerveau moyen et du pont.
Une observation d'Ugolitti (1905) est à ce point de vue
tout à fait caractéristique- Dans ce cas, et dans beaucoup
d'autres où le déficit était encore plus considérable, un
seul hémisphère a donc pourvu à là vie organique et psy-
chique de deux co-'êtres, et cela, d'une façon telle que,
malgré son étendue, la lésion resta et reste souvent la-
tente.
Le duphcisme est contraire tontes les données des
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS.
2t'9
sciences biologiques'. Basé sur une interprétation sim-
pliste et manifestement erronée 'de la symétrie bilatérale;
il est contredit par l'évoluti'6h..phylogémque et 'Ónt'o'gë-
nique desArtiozoàires ; la « dualité d'origine », la situa-
tion du premier plan 'de segmentation rie prouvent n'en
eh sa faveur ; les expériences 'de térâtogénie lui sont net-
tement opposées. Il ne donne aucune éxplicàtioii satis-
faisante de l'unicité originelle de certains organes, ni de
l'unicité acquise et asymétrique de certains autres. Il ne
tiènt pas compte des connexions bilatérales motrices et
sensitivo-sëhsorielles 'de-chaque moitié du système ner-
veux et serait incapable d'expliquer les enti ecroiseménts
partiels où totaux des voies de conduction, et les variétés
que présentent ces 'entrecroisements dàns la série des Ver-
tébrés.
" " \\.. ... It-
Au point de vue physiologique, il suppose une nouvelle^
fonction qui aurait en elle-même 3n raison d'être : 10.' coor-
dination de deux individus et de deux individus seule-
ment ; il n'explique pas l'a facilité des suppléances viscé-
rales et néglige-la synergie nécessaire de la plupart des
organes pairs de la vie de relation ; il n'explique pas la
persistance d'aptitudes et tendances différentes chez les
co-êtres, persistance en 'contradiction avec là communau-
té forcée du milieu intérieur, du milieu extérieur le plus
souvent, et de toute la vie affective. Il est en contradic-
tion absolue avec la synergie nécessaire des deux moitiés
du système nerveux, et notamment des hémisphères,
pour la formation des'éléments de la vie psychique, puis
pour les actes psychiques les plus élémentaires Ou les plus
compliqués, synergie telle que les manifestations connues
de l'activité d'un seul hémisphère, on plutôt de sa,p'é9
1llIlance ? ont toujours accompagnées, si elles sont cons-
cientes, de la collaboration de l'autre hémisphère ; il est
en contradiction avec l'unité ou unilatéralité de tous les
.centres de perception afférant aux sens spatiaux et avec
l'unité ou iiiiilatéralité de tous les centrés de souvenir
primaires et secondaires,ainsi qu'avec l'existence des nom-
breuses fibres du corps calleux et des deux commissures
blanches réunissant des points hétérotopiques. Tous ces
faits font que les concessions faites autrefois par Ribot.
et d'autres philosophes sur l'indépendance possible des
220 LÉGISLATION.
hémisphères cérébraux ne sont plus admissibles aujour-
d'hui, du moins pour les circonstances envisagées par ces
auteurs et par le duplicisme, c'est-à-dire pour le fonction-
nement à équivalent psychique complexe. Le duplicisme
est en désaccord avec la psychologie comparée et avec
l'évolution anatomique et physiologique du système ner-
veux et surtout du cerveau dans la série des Vertébrés. Il
est enfin incapable d'expliquer les nombreux cas connus
d'hémiatrophie cérébrale ou de vaste porencéphalie uni-
latérale demeurés latents pendant toute une vie qui dé-
passa souvent l'âge adulte. Bref, en but à toutes les ob-
jections faites aux théories antérieures à lui et qui ne
supposaient que l'indépendance fonctionnelle, tempo-
raire ou permanente, des hémisphères cérébraux, ill'est,
en outre, à toutes celles qui visent la duplicité qu'il attri-
bue à l'organisme entier de tout Artiozoaire.
(A suivre.)
LEGISLATION
La revision de la loi du 30 juin 1838.
Examen critique.dela nouvelle loi sur le régime des aliénés
(Suite et fin.)
Par LE D' Y. DOURDI : \'
Médecin en chef de l'Asile du Mans (Sarthe).
Section III. Des condamnés reconnus aliénés ; des
aliénés dits criminels.
Cette section est l'une des plus intéressantes ; elle
comblera une grave lacune de la loi de 1838. L'art. 35
prescrit, que les condamnés reconnus épileptiques ou
aliénés en cours de peine seront sur rapport d'un spécia-
liste, placés dans un asile de sûreté, s'ils sont condamnés à
des peines afïlictives ou infamantes ou à plus d'un an de
(1) Voir le n° de février. , .. - .
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 221
prison ; à l'asile départemental, ils sont une moindre
peine.
Je me permettrai deux observations sur cet article,
dont le principe ne.mérite que des éloges. La première est
que le spécialiste devra être désigné par le préfet : je pré-
férerais qu'il fût spécifié que ce serait l'un des médecins
de l'asile, par rang d'ancienneté de services autant que
possible ; à leur défaut, un médecin de maison de santé
ou d'un asile départemental voisin, ce qui se justifie dans
certains cas. On éviterait ainsi le danger que ces con-
damnés soient examinés par de soi-disant spécialistes qui
ne manquent pas dans certaines villes, et envoyés à l'asile
où le médecin traitant ne pourra que demander leur ren-
voi s'il ne les juge pas aliénés. Du reste, pour se pronon-
cer en connaissance de cause, il n'aura plus les éléments
d'information (dossier judiciaire, enquête officieuse, au-
dition de témoins, etc.), dont dispose l'expert. Il serait
bon aussi que le mode du règlement des honoraires de cet
expert administratif soit déterminé.
La seconde observation porte sur la sélection des alié-
nés condamnés ;"les uns seront envoyés à l'asile, les au-
tres au quartier de sûreté uniquement en raison du degré
de leur peine. On s'explique mal ce dispositif : si l'in-
dividu est reconnu aliéné en cours de détention, il faut
bien supposer qu'il était déjà, sinon fou, du moins désé-
quilibré, prédisposé, au moment de la condamnation. Il
avait une tare cérébrale qui a été méconnue et qui était
de nature à faire modifier le jugement : est-il juste de
n'en pas tenir compte au condamné lorsque son état mor-
bide a été découvert ? J'estime que tout condamné
reconnu aliéné devrait être dirigé sur l'asile ordinaire ; ce
sera au médecin traitant à demander l'évacuation sur le
quartier de sûreté, lorsqu'il lui sera démontré quele crimi-
nel est un objet de désordre ou même un danger à l'asile.
Le même art. 35 organise le service d'inspection dans
les prisons. Nous espérons que ce service sera régional ; il
pourrait être confié annuellement à tour de rôle aux mé-
decins en chef d'asiles départementaux voisins, si on ne
veut pas que chaque médecin en chef soit inspecteur
dans son département.
L'art. 36 a trait aux prévenus déclarés irresponsables
222 LÉGISLATION'.
pour; cause d'aliénation ; cet article est long et la rédac-
tion un peu obscure. Il gagnerait 'd'ailleurs à être com-
plètement refondu.
Avant d'être déclaré, irresponsable comme aliéné re-
connu, l'inculpé a été présumé aliéné ; il est nécessaire
que la loi décide ce qui devra être, fait ! 1pan il y a pré-
somption de folie. Actuellement, en pareil cas,' le magis-
trat instructeur réclame une expertise, mais il n'y est pas
tenu, et parfois il n'en voit pas la nécessité ou refuse de
l'admettre en raison même de la pâture du crime. La
faculté de solliciter l'expertise apparent, aussi, en prati-
que, à l'avocat ; cette expertise, si justifiée soit=elle, est
souvent refusée, au grand dam de l'inculpé. Un texte v
précis devrait figurer dans la loi,dans le genre de celui-ci :
« Tpjites les fois que chez un inculpé, prévenu ou accusé,
il y a présomption d'aliénation mentale, soit en raison
de ses antécédents héréditaires ou personnels, soit d'a-
près la nature même ou les circonstances de l'acte cpm-
mis, une expertise médicale sera ordonnée. La défense
aura qualité pour solliciter cette expertise. »
On s'étonne encore de ne rencontrer dans la loi aucun
article visant la responsabilité dite atténuée ou mitigée.
On s'était déjà plaint que la responsabilité restreinte ne
soit pas reconnue par la loi, d'où les divergences de
vues à ce sujet entre médecins. Il est certain que si la
diminution de responsabilité doit entraîner une réduction
de peine dans tous les cas, et même souvent l'acquitte-
ment, elle constitue un non-sens, et, comme on l'a dit, si-
gnifie : danger social augmenté. Je. crois, quant à moi,
qu'un individu à responsabilité atténuée, souvent plus
redoutable qu'un aliéné, doit être considéré dans tous les
cas comme un malade, et, par suite, être admis à l'asile,
d'où il pourra être, si besoin s'en révèle ultérieurement,
envoyé au quartier de sûreté. S'il vient guérir, ou au
moins à cesser d'être dangereux, car, par définition même,
il n'est pas un pur impulsif et est susceptible d'amende-
ment moral, il sera remis en liberté,.
Dans la discussion qui a surgi sur l'art. 36, un député a
mentionné la possibilité d'un désaccord entre le juge
d'instruction et le tribunal : il y en aura bien d'autres,
mais ce qui m'a surpris, c'est la déclaration du rappor-
LA REVISION DE LA LOI DU 3U JUIN 1,su;. 223
teur affirmant que le différend sera tranché par le méde-
cin. Comme je l'ai déjà dit, le médecin ne fait qu'émettre
un avis qui n'enchaîne pas le jugé du reste, cet avis, il
l'a donné au magistrat instructeur, et, s'il y a divergen-
ces d'opinion entre celui-ci et le tribunal, c'est bien que
l'avis de l'expert n'a pas été admis.
Une bizarrerie de cet art. 36 est de renvoyer devant le
tribunal un inculpé déclaré irresponsable : nous méde-
cins, lorsque nous sommes en présence d'un aliéné crimi-
nel, nous nous efforçons toujours de lui éviter une com-
parution devant les tribunaux. Celle-ci d'ailleurs n'est
d'aucune utilité, â moins que la Cour ne prétende "serez-
dre compte par elle-même de l'état mental du prévenu :
dès lors, à quoi aura servi l'expertise ? En réalité,' si un
jugement ou une ordonnance de non-lieu a déjà proclamé
l'irresponsabilité du prévenu, après expertise, qu'est-il
besoin d'un nouveau jugement ? ? 1 ,
Mais l'art. 36 va plus loin : ce second jugement devra
être précédé d'une- nouvelle expertise qui sera contra-
dictoire. ' Que de complications-, et que de frais ! 1
Et puis, l'expertise contradictoire est un mythe ;
en fait, elle n'existe pas. Ou le diagnostic de l'aliénation
s'impose, et il n'y a pas lieu à discussion ; ou le cas est
douteux, et alors, l'opinion d'un des médecins, jugé
plus compétent par ses collègues ou jouissant de plus
d'autorité auprès d'eux, va prévaloir d'emblée, ou il y
aura discussion. En telle occurrence, les médecins se met-
tront bien d'accord sans doute, mais en se faisant des
concessions mutuelles sur le dos de dame Vérité.
L'article 37, auquel j'arrive maintenant, institue une
procédure d'assises toute neuve' : c'est le jury qui, dans
tous les cas, sera appelé à prononcer sur la question de
responsabilité de l'accusé ! - D'où lui vient cette compé-
tence ? Et s'il déclare iesponsable, ce qui arrivera sou-
vent, un aliéné en raison de l'horreur de son forfait, mal-
gré tout ce que pourra dire le médecin, cet aliéné sera-t-il
condamné ? Oui, d'après la loi, mais pour la forme sans
doute, car, quelques jours après, lorsque les journaux ne
parleront plus de l'affaire, le médecin de la maison d'arrêt
aura beau jeu pour établir un certificat constatant la fo-
lie. Et la procédure applicable aux criminels devenus
224 1 LÉGISLATION'.
aliénés (art. 35) va entrer en ligne : nouvelle expertise
par conséquent, et nouveaux frais. Les formes actuelles
sont plus simples,et par suite me paraissent préférables.
Les art. 3S et 39 sont ceux qui traitent de la question
des asiles ou quartiers spéciaux, dits de sûreté, pour alié-
nés' criminels. La question est de celles qui ont été le
plus débattues dans les Congrès psychiatriques,en France
ou à l'étranger. Je rappelle seulement que les opinions
peuvent se ramener à trois : 1° les partisans de ces asiles
spéciaux ; 2° les auteurs comme le rédacteur en chef de ce
journal, qui n'en voient en aucun cas le besoin ; et 3°
ceux qui demandent que ces asiles soient destinés aux
aliénés dangereux, criminels ou -non, qui n'ont pu, être
conservés dans les asiles ordinaires. J'ai moi-même émis
l'idée que ces asiles soient construits, sur un type spé-
cial,hors de la métropole, dans quelqu'une de nos loin-
taines colonies. La loi met la construction de ces asiles
de sûreté au compte de l'Etat mais n'exige pas qu'ils
soient sur le sol même de la France : ils pourront donc
être bâtis, sinon tous,au moins quelques-uns,dans les co-
lonies où l'on pourrait concéder aux aliénés de ce genre
une certaine liberté. -
L'art. 40 prévoit la sortie de ces criminels aliénés,
mais il faudra que le médecin certifie qu'il n'y aucun ris-
que de rechute. Comme on l'a dit à la Chambre, il est à
supposer que jamais le médecin ne voudra encourir une
telle responsabilité, et dès lors l'article est destiné à rester
lettre morte. Une pareille pratique n'a rien de médical,
et si les malades placés dans les asiles de sûreté n'en doi-
vent jamais sortir, je demande qu'aucun médecin ne
soit attaché à ces établissements : des gardes-chiourmes
suffiront.
Cependant voici un individu à responsabilité incom-
plète,atténuée,sinon nulle,sur le compte duquel les méde-
cins auront discuté aux Assises ; le jury admet l'irrespon-
sabilité totale. Il est envoyé à l'asile de sûreté, mais ce
malade alcoolique, hystérique, épileptique même, va
s'améliorer ou guérir totalement ; il a toujours compris
la gravité de son acte, l'a regretté dès les assises et
après guérison il en sent mieux encore toute l'horreur.
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 225
Doit-on l'interner à vie ? La loi le voudra ainsi,car ce taré,
ce prédisposé à responsabilité atténuée plutôt que nulle,
sera toujours en imminence de -rechute et le médecin ne
pourra garantir sa-guérison absolue.
En ce qui me concerne,autant je suis hostile à l'inter-
vention du pouvoir judiciaire, dans le placement des
aliénés volontaires, autant j'en suis partisan lorsqu'il
s'agit d'aliénés criminels : c'est la justice qui doit faire
entrer à l'asile ces malades, sur avis d'un médecin, c'est
elle qui doit les^faire'sortir, encore sur^avis médical, mais
en tenant compte des actes qui leur ont été imputés. Il ne
doit pas y avoir impossibilité légale de sortie.
\
Section IV. Sorties définitives ; sorties provisoires ;
, évasions. '
Les sorties, définitives ou provisoires, font l'objet des
art. 41 'à 44. Les sorties provisoires, ce sont les sorties z
d'essai, dont tous avons été ou sommes encore partisans.
Plusieurs d'entre nous ont obtenu, sous le régime actuel
de la loi de 38,une règlementation administrative de cette
pratique des sorties provisoires. La mesure m'avait long-
temps paru merveilleuse,l'expérience m'en a fait rabattre;
outre les complications administratives qu'elles entraî-
nent, et qui font le désespoir des comptables, je n'en vois
guère aujourd'hui la nécessité. Elles ne peuvent convenir
qu'à des malades améliorés ; or les parents qui désirent
retirer un des leurs ne manquent jamais de le trouver
parfaitement rétabli, et du reste ils prennent la respon-
sabilité purement morale et sans risque de tout ce
qu'il pourra faire au-dehors ; ils s'engagent enfin à le ra-
mener s'il voient le moindre symptôme de rechute. Et
ils auront beau jeu, nous ne le savons que trop, à faire
partager leur opinion à une autorité quelconque : puis-
qu'il ne s'agit que d'un essai, nous objecte-t-on sans cesse,
et nous finissons toujours par céder. En réalité, les enga-
gements des parents ne signifient rien ; leur compétence
est nulle, et leur bonne foi souvent suspecte. Une sortie
d'essai est forcément de courte durée : un mois, dit la loi.
Or je prétends, et l'expérience clinique le démontré,
qu'un aliéné d'ordinaire agité peut se maîtriser et rester
Archives. 3° aut·i·, 1PC7, t. 1. 15
22G LÉGISLATION.
calme, dissimuler ses idées délirantes pendant un mois et
même plus : mais le danger n'en subsiste pas moins, et la
sortie d'essai ne sera qu'un trompa-l'oeil.
Cette pratique soulève une autre question : quelle peut
être la capacité civile et la responsabilité pénale d'un
individu en sortie d'essai ? Ce point n'est pas envisagé
par le nouveau texte ; il a seulement été parlé dans la dis-
cussion des secours que l'asile devra accorder à ces mala-
des pendant la durée de leur congé. Et précisément la
difficulté s'est présentée immédiatement de savoir qui
recevrait l'argent. Le curateur ? C'est inadmissible, s'il
n'habite pas le village du malade, et force lui sera bien de
se dessaisir de ces sommes : alors à quoi aura servi son
intermédiaire ? Et si l'aliéné sorti en essai n'a pas sa ca-
pacité civile, comme tend à le faire admettre la discus-
sion de la Chambre, il a encore bien moins sa responsabi-
lité pénale, celle-ci étant beaucoup plus étroite que celle-
là. Dès lors on ne voit pas bien le médecin d'asile laissant
aller, sous sa responsabilité bien qu'à son corps défen-
dant, un individu qu'il croit encore dangereux, qui le sera
en fait bien souvent, et qui est absolument irresponsable.
C'est la négation même du principe de la loi qui doit pro-
téger la société au moins autant qu'assister le malade lui-
même.
Pour toutes ces raisons, je préférerais la faculté accor-
dée au médecin traitant de demander la sortie au Préfet,
dès que ['amélioration du malade lui paraîtrait suffisante,
que le placement soit volontaire ou d'office. Si une réci-
dive se produit, la famille pourra toujours reconduire le
malade à l'asile, surtout si l'on donnait aux admissions
la facilité que je souhaite. Actuellement du reste, un pre-
mier séjour rend plus aisé une réintégration.
Il a été beaucoup parlé à la Chambre des détentions
prolongées après amélioration ou même guérison ; puis,
on s'est plaint que nous laissions souvent sortir trop vite
les alcooliques ! C'est une contradiction que j'avoue ne
pas comprendre : la folie alcoolique est peut-être la plus
curable de toutes, et les alcooliques ne sont pas plus
dangereux que les autres aliénés : si l'on voit dans les
journaux beaucoup de crimes d'alcooliques, c'est qu'il y
a de plus en plus de buveurs en France, et ce n.'est plus
LA REVISION DE LA Loi DU 30 JUIN 1838. 221
qu'une question de proportion. Tous ces criminels alcoo-
hques ne sont du. reste pas des aliénés.
Que n'a-t-on pris exemple de la folie alcoolique pour
légiférer, puisque'ce genre de folie est le plus connu ! Le
buveur guéri ne rechutera que s'il boit de nouveau; il
semble donc que, dès la disparition des symptômes aigus,
on devrait lui donner son exeat. Au contraire, l'aliéné
ordinaire est un prédisposé qui n'est point maître de se
débarrasser de sa tare mentale et que le moindre' choc
moral peut faire retomber. Dès lors, n'est-ce pas pour ce
dernier que le médecin doit se montrer prudent, d'au-
tant plus que les signes dénotant le degré exact de
prédisposition, de réceptivité morbide, échappent autre-
ment que les symptômes d'intoxication alcoolique ? Et si
nous gardons à l'asile les buveurs six mois, un an ou
même davantage,c'est que nous savons qu'eux aussi sont
généralement des prédisposés, que leur appétence pour
l'alcool est de nature maladive, et qu'il y a lieu dès lors de
les traiter comme les aliénés véritables. Ainsi que je ne
cesse de le répéter dans tous mes rapports annuels,l'expé-
rience est là pour prouver qu'on ne saurait être trop sé-
vère sur la durée de la-convalescence, à l'asile même.
Section V. Administration des biens.
L'administration des biens des aliénés a été longue-
ment étudiée 'dans le nouveau projet de loi ; il y avait
beaucoup à faire de ce côté, la loi de 1838 était certaine-
ment insuffisante et^ses dispositions sur la gestion des
biens, par trop brèves. Cependant je pense que tout n'est
pas également heureux dans les articles votés par la
Chambre, et un examen sérieux s'impose.
L'art. 44 dit que, si la Commission de surveillance n'a
pas désigné un de ses membres comme administrateur
provisoire, il en sera nommé un par le Ministre de l'Inté-
rieur, sur une liste dressée par le tribunal civil du lieu.
J'ai déjà fait mes réserves sur le rôle administrati^nou-
veau dévolu aux tribunaux ; mais ici, il s'agirait de sa-
voir expressément si l'administration des biens appar-
tient en droit à la Commission de surveillance. Si elle
constitue une de ses fonctions essentielles, la Commission
228 LliGISL.i f Il7N N.
ne peut se refuser, comme on a semblé le craindre à la
Chambre, à désigner un de ses membres pour l'exercer ;
au besoin, elle pourrait demander au Préfet qu'il lui soit
adjoint un membre supplémentaire, ancien notaire, avoué
ou magistrat d'une compétence et d'une honorabilité
éprouvées. Une bizarrerie de la loi est de décider que l'ad-
ministrateur étranger à la Commission sera payé : pour-
quoi celui-là seulement ? Mais le principe de cette rétri-
bution est des plus discutables ; on s'imaginerait peut-
être à tort que tous les administrateurs provisoires ac-
tuels, même appartenant aux Commissions de surveil-
lance, s'acquittent gratuitement de leurs fonctions, et
pourtant j'ai toujours entendu dire à ceux qui remplis-
sent cette lourde tâche avec le plus de zèle et de dévoue-
ment et gratuitement, que l'idée d'un salaire quelconque
leur répugnerait, car leur mission acquerrait ainsi un ca-
ractère qu'elle ne doit pas avoir. D'ailleurs, si la Commis-
sion a la possibilité de faire nommer quelque fonctionnai-
re nouveau, convenablement rétribué, on conçoit sans
peine à quelles sollicitations elle sera exposée. -
L'avant-dernier paragraphe de l'art. 44 institue une
fonction nouvelle, celle de curateur ci la personne, et l'art.
45 précise les attributions de ce curateur.A la vérité, cette
création n'en est pas une, car la loi de 38 avait prévu la
nomination par le tribunal d'un curateur, dans des cas
déterminés (art. 38), mais ces cas devaient être fort rares,
car pour mon compte je ne me souviens pas avoir jamais
su qu'un curateur ait été désigné à l'un des malades que
j'ai eu à traiter. La nouvelle loi semble attacher une gran-
de importance au curateur ; cependant ses attributions
sont bien vagues. Il doit veiller : 1° à ce que les revenus
de l'aliéné soient employés à adoucir son sort et à accé-
lérer sa guérison. Ce sont les termes même de la loi de 38 :
adoucir son sort doit signifier simplement que le malade
sera placé à la classe de pension qu'il peut s'offrir par sa
situation de fortune ; encore faut-il tenir compte des be-
soins de la famille qu'il laisse derrière lui, et l'administra-
teur provisoire, dressant l'inventaire exact de la fortune,
semblait suffisant. Quant à l'accélération de la guérison,
j'avoue ne pas comprendre ; un médecin, même dans la
maison de santé la plus suspecte, fera toujours de son
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN' 1838. 229
mieux pour guérir son malade, sans égard pour la fortune
de l'aliéné.
2° Le curateur doit veiller à ce que l'aliéné, en cas do
sortie ou d'évasion, n'accomplisse aucun acte de nature à
nuire à ses intérêts. Je ne vois pas bien comment il y
parviendra, surtout en cas d'évasion ; et si l'aliéné a des
idées de suicide !
3° Enfin, il veillera à ce que l'aliéné soit rendu à ses
droits aussitôt que sa situation le permet. Mais le mé-
decin suffit ; le curateur sera-t-il plus autorisé que lui
pour réclamer la sortie ?
Il est dit aussi que ce curateur, qui assiste aux réu-
nions de la Commission de surveillance, peut faire appel
contre l'administrateur provisoire, membre de cette
commission, au moins dans ia plupart des cas ! On peut
prévoir de sérieuses difficultés de ce côté. Une autre sour-
ce de difficultés sera l'immixtion forcée du curateur au
sein de la famille, car pour surveiller l'emploi des revenus
de l'aliéné, il faut connaître ces revenus. Plutôt que de
subir une telle ingérence, les familles garderont auprès
d'elles leurs malades ; la loi les y autorise,sous prétexte
de traitement à domicile. Et c'est alors que les revenus
de l'aliéné pourront être dilapidés !
Je vais émettre une idée bien révolutionnaire, et je de-
mande pardon à l'avance,d'une conception aussi hardie ;
ce curateur, cet homme bienfaisant, cet ami de l'aliéné
veillant sur ses biens et sur sa personne, je voudrais que
ce soit...... le médecin traitant. Il me semble que le
médecin pourrait, de concert avec l'administrateur légal,
comme cela du reste-se produit actuellement, mais sans
autorité suffisante chez le médecin, s'entendre avec cet
administrateur pour donner à son malade les meilleures
garanties quant à la gestion de ses intérêts et à ceux de sa
famille. Il existe des cas où tel aliéné riche paye inutile-
ment une pension supérieure : il n'aura pas de chambre
particulière parce qu'il a des idées de suicide, n'aura pas
le régime de sa classe parce que sa santé physique ne le
permet pas : cet excès de dépense fait peut-être l'affaire
de l'établissement, mais moins sûrement celle du malade
et de ses parents. Or, le médecin connaît la situation de
santé de l'intéressé, il reçoit chez lui ses parents, ses amis,
O LEGISLATION.
est tenu au courant des changements apportés par la sé-
questration de l'aliéné au sein de la famille, et ce n'est que
lorsqu'il a des doutes sur les bonnes intentions de celle-ci,
qu'il pourrait,par l'intermédiaire de l'administrateur pro-
visoire, faire prendre quelques renseignements sur la si-
tuation de fortune.
Les art. 46 et 47 prévoient, outre l'administrateur légal,
un administrateur judiciaire, nommé par le tribunal
comme actuellement et un administrateur datif, ce der-
nier nommé par le conseil de famille seul, sans interven-
tion du tribunal. Cet administrateur datif est une super-
fluité et nous savons trop par expérience ce qui se passe
dans les conseils de famille pour ne pas entrevoir les abus
auxquels conduira cette disposition de la loi.
Aujourd'hui, la nomination d'un administrateur'judi-
ciaire est des plus simples et la mesure, peu coûteuse, de-
vrait être exigée pour tous les placements d'aliénés jouis-
sant de quelque fortune. Comme je l'indiquais plus haut,
il est très difficile sinon impossible à l'administrateur
provisoire de connaître la fortune des malades riches ; s'il
tente de s'informer;la 'famille, dès qu'elle a vent de la
chose, retire le malade. L'administrateur provisoire nom-
mé par le tribunal peut être pris parmi les membres de la
famille ; il est même souvent désigné par le conseil de fa-
mille, et le tribunal ne fait qu'homologuer le choix de ce-
lui-ci ; il offre ainsi de sérieuses garanties, et sa provoca-
tion ne soulève aucune opposition. Il suffirait donc de
prier la Commission do surveillance de déclarer, une fois
pour toutes, à partir de quelle classe de pension, elle en-
tend se dessaisir de l'administration provisoire, à charge
par la personne qui requiert le placement de faire nommer
dans le plus bref délai un administrateur judiciaire.
L'art. 48 dispose que le mari sera de droit administra-
teur des biens de sa femme internée. Il y aurait peut-être
quelques réserves à faire à ce sujet, de même que sur l'art.
49. Pour ce dernier, qui exige qu'un état de la fortune do
l'aliéné soit remis annuellement au curateur et au pro-
cureur,j'aidéjà fait connaître mon sentiment sur ce modo
de procéder.
L'art, 50 tend a augmenter les droits de l'administra-
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN IS3J. 231
teur provisoire. Sur ce point, aucune discussion ; c'est
précisément ce que tous les médecins,tous les hommes de
loi qui se sont occupés de la question réclamaient depuis
longtemps. Nous demandons que l'administrateur ait les
mêmes droits qu'actuellement le tuteur de l'interdit, au
moins quant aux biens : mais l'art. 50 soulève une sérieu-
se objection. L'administrateur pourra vendre le mobilier
de l'aliéné après avis du médecin traitant sur l'état du
malade. Cet avis est toujours très délicat à donner ; je ne
suis pas bien sûr qu'il ne soit pas contraire au secret pro-
fessionnel, surtout lorsque l'administrateur ne sera pas
membre de la Commission de surveillance, et enfin il ne
signifiera rien, car tel malade déclaré incurable par le
médecin et dont le mobilier aura été vendu, peut fort
bien être libéré quelque temps après par le tribunal ou le
Parquet, et il se trouvera sans ressources. Qui nous ga-
rantit aussi que l'avis du médecin, sollicité pour une ven-
te de mobilier, ne sera pas utilisé dans une autre circons-
tance, séparation, divorce, etc. ?
Les art. suivants, jusqu'à 55]inclus sont des disposi-
tions d'ordre juridique sur lesquels je m'abstiendrai de
commentaires, faute de la compétence nécessaire. J'aime
mieux terminer ce qui a trait à l'administration des biens
par une protestation contre le maintien de l'interdiction,
mesure inique dont on réclame depuis longtemps la ra-
diation dans nos codes.
Si l'interdit n'était privé que de la gestion de ses biens,
le mal ne serait pas trop grand. Encore me semble-t-il
préférable que l'administrateur, dont la fonction cessera
dès la sortie du malade ait les mêmes droits que le tuteur
à l'interdit. Mais cette mesure s'étend à la personne,non
seulement pendant le séjour à l'asile, mais même après la
mise en liberté.C'est dire que, pendant son internement.
le malade ne pourra recevoir que les visites qu'il plaira à
son tuteur ; celui-ci peut défendre que l'aliéné soit vu par
les gens auxquels il tient le plus, et je parle, ici comme
dans tout ce travail, par expérience personnelle. Il peut
lui interdire les promenades en ville, les congés, etc., mal-
gré l'opinion du médecin traitant. A la sortie, si celle-ci
est obtenue, ce qui est bien exceptionnel en cas d'inter-
diction, il peut s'opposer à ce que son pupille aille dans
232 i n,isc.a'cioN.
telle ou telle maison, habite dans telle localité, etc. Et
notez bien que la loi de 1838 n'exige pas que le médecin
soit nécessairement consulté en matière d'interdiction ;
et quand il l'est, le juge a toute faculté de ne pas se ranger
à son avis.
Je sais bien que l'interdit peut demander main levée ;
mais en pratique il éprouvera bien des difficultés : il n'est
pas sûr de l'obtenir, ne dispose d'aucun capital pour en-
tamer l'instance, le médecin ne peut certifier la guérison
parfaite; les tracas mêmes de la procédure peuvent être
une cause de rechute. J'émets donc ici le voeu que l'in-
terdiction disparaisse de nos lois.
TITRE III. Dépenses et recettes du service des aliénés.
La dépense du service des aliénés est réglée par les art.
56 à 63 inclus.Cette dépense restera une charge départe-
mentale, mais les aliénés, sans domicile des ecours, seront
hospitalisés dans les asiles aux frais de l'Etat.
L'art. 60 mérite une mention spéciale ; il rend obliga-
toires pour les départements, les traitements non seule-
ment des médecins en chef des asiles publics, mais des
asiles privés faisant fonction d'asiles publics, et des pré-
posés responsables des quartiers d'hospices. Enfin, il rè-
gle au grand avantage des médecins, la question des
retraites. Sur ce point, nous n'avons qu'à nous féliciter
de cette attention des pouvoirs publics à notre égard, et à
adresser tous nos remerciements à nos représentants.
TITRE IV. Pénalités. ,
Les pénalités de la loi de 38 sont maintenues et même
augmentées contre les directeurs et médecins ; il reste
donc établi qu'eux seuls sont responsables.
A noter que la loi de sursis peut être appliquée dans
tous les cas ; c'est une consolation.
TITRE V.- Dispositions générales et transitoires.
Des règlements d'administration publique détermine-
ront : 1" les devoirs et attributions des Commissions de
LA REVISION DU LA LOI DU 30 JUIN L.3S. 233
surveillance ; 2° les conditions d'organisation et de
fonctionnement des asiles privés et maisons de santé, des
établissements pour aliénés criminels, pour épileptiques,
arriérés et idiots, pour alcooliques ; 3° les conditions de
traitement et d'avancement du personnel médical et ad-
ministratif. z
Il est à espérer que ces règlements trancheront les ques-
tions restées un peu vagues d'après le texte législatif,
qu'ils seront clairs autant que ccmplets. Il serait aussi à
souhaiter que les traitements des médecins, stationnaires
depuis 1875, soient revisés dans le sens d'une augmenta-
tion, surtout s'ils doivent être privés de leurs avantages
en nature. Je crois que sur ce point nous pouvons comp-
ter sur la bienveillance du Ministère et de notre chef di-
rect, M. Mirman,le distingué directeur de l'assistance et
de l'hygiène publiques.
Telle est, dans ses principales dispositions, la nouvelle
loi sur le régime des aliénés, que l'on désigne fort juste-
ment déjà sous le nom de loi Dubief. S'il s'était agi d'une
loi définitivement promulguée, je ne me serais certes pas
permis de la discuter : mais elle n'a encore été examinée
que par l'une de nos grandes assemblées délibérantes ; des
modifications seront très probablement apportées par le
Sénat au texte actuel, et tant de projets de revision'de la
loi de 38 ont déjà vu le jour, ont été ballottés de l'une à
l'autre Chambre qu'il est bien permis de supposer que la
loi Dubief reviendra une fois encore devant l'assemblée
législative. La question des aliénés est jugée par tous si
délicate,elle soulève tant de problèmes que vraiment il
n'est pas possible que le législateur arrive d'emblée à la
forme définitive.
Telle qu'elle est, la loi de 1907 ne mérite pas que des
critiques, bien loin de là, et j'aurais à regretter de m'être
bien mal fait comprendre si, à la lecture de mon travail,
on me regardait comme un détracteur systématique du
projet. Mon but a été de soumettre, avant les délibéra-
tions du Sénat, à l'appréciation de mes confrères, les ré-
flexions que m'inspirait le texte adopté las Chambre ;
j'ai ainsi l'espoir que d'autres protestations se joindront
aux'miennes, que des observations seront échangées en-
tre nous, et que nos critiques, nées de l'expérience, pour-
234 ! t asiles d'aliénés.
ront être entendues du législateur. Elles peuvent pro-
voquer telles variations dans les termes de la loi qui
nous en rendront l'application singulièrement plus aisée.
Le temps presse ; à l'heure où j'écris ces dernières li-
gnes, la Commission sénatoriale vient d'être nommée ;
elle se compose de MM. Rolland, Genoux, Delestable,
Lozé, Strauss, Blanchier, Gérente, Beaupin et Piettre.
D'après le journal le Matin (12 février 1907), la majeure
partie de cette Commission « semblerait estimer qu'il
importe de modifier le texte voté par la Chambre ». Je
laisse au Matin la responsabilité de cette assertion, mais
le problème est si complexe, le Sénat en 1886 s'est montré
tellement soucieux d'approfondir la loi dans ses moindres
détails et d'en peser toutes les conséquences, qu'il est
permis de supposer que des remaniements seront appor-
tés à la rédaction actuelle (1). Dr V. BOURDIN.
ASILES D'ALIENES
Note sur l'asile suisse de Mindrisio à Casvegno
. du Tessin
Pal' le 1>" JI.\I\IE, lie \ïllpjuiJ'.
Lalllai,on (l'aliént"5 du cali ton du Tp5,ill qUI' je " i('n de ,isilPI'
est située dans la partie méridionale du canton presque totale-
ment SUI' le telTitoÍI'c des co " : 1 III 'JO cs de Jlinùl'isio et de Coildl'e.
l'io Elle occupa une étendue de lrrè : Ua ? 1;) mille m lres carrés ! L\ec untlé\'eloppel1lcnt pJl'illljtl'irlUP d'environ INO 1 : nèll'c;; pt
une altitude moyenne de ? >0 mètres au dessus du ni\eau de la
lIlel' : sa sU[lerfiie est gTossièl'cl1lell t pell tagollnle, a' cc 1111 an ! .(le
saillant ! LU nord-cst \1'1'3 le houl'g- (lJ Jlinlll'bio tlu : Ü l : Js [H'CIlIiè-
res maisons sont distantes de 700 mètres. L'extrémité sud horde
à 01) mètres la courbe du chemin de fer du (iolliurd en-dessous de
]11 gal'è dc .\lindI'isio.
A l'orienl, court la route cantonale de L : hia"o, \or,3 l'occident
(1) Cu travail élail terminé lorsqu'on me communique une série
d'articles parus dans" la Ui'p('che »11l' Toulouo.;p SUI' le nttiosuje
sous la signature de M. le Ue A, Hélllond, de rllclz, professeur il la la
Fneullé de celle ville..le suis parliculièremrnl heureux de me trou-
ver sur hien des points en complet accord avec mon cminenl con-
frère.
/
L : 1SIL.R i;ISSr DE \IINJ)RISIO A C.1S\'L : GrO DL : T1 : S31N. ·>
1,,le,. 30. -( : ouloir de surveillance au pavillon des agiles de Mindrisio.
FIG. 31. - Plan, coupe el élévation du (iligi-liei- des agiles.
L' \iL¡; suisse de mindrisio A CASVEGNO du 1 [SSJ ? 237 7
,ur envirou 600 mètres passe la roule de Stahio. Un aperçoit des
hauteurs de l'asile la pointe vois;nc du lac de Lugano rcs-jcrré
entre les contreforts du mont Gencruso.
La surface de l'asile comprend deux portions : l'une septentrio-
nale, sur colline, de plus- de G hectares, cultiW et annexés à la
colonie agricole; l'autre au sud-ouest d'environ 12 hectares où sont
(I¡r" 3 ? - Fenetre de sûreté de Ililzig- (asile de Mindrisio, pavillon
des agiles).
228 >' .1S1LL;S LAL113Nli5.
disséminée» les constructions proprement dites de l'asile. Ce pla-
1,eau. â déclivité orientale, descend vers le bassin do l'Adda et du
Tes,in.Le torrents \obin se de\eraentda)is les lacs de Cômect
de Luirano, -
L'asile d'aliénés est constitue sur le tvle l'asile v illac ; aussi
pour lui enlever tout aspect d' établissement n'est-il pas pour-
vu d'enceinte murale. Il est enclos d'un grillage métallique d'en-
viron un mètre de hauteur, retenu par des piliers de bois. L'en-
clos général est interrompu àproxiniitude la colonie agricole
sur la route cantonale par des passages pour les transports agri-
coles.
L'entrée principale de l'asile se trou\c sur la route Je.Mim) ri-
sio- Stahio, une modeste grille y ust ouverte jour et nuit. En face
de la grille d'entrée, croisant laroute circulaire le \leudriio-5tra-
bio, débouche une grande route carrossable pour aller à la sta-
tion de la gare de chemin de ter de Mendribio, sur un parcours
d'environ S00 mètres.
D'une masse de verdure émergent les blanches maisonnettes
aux toits rouges, d'architecture modeste, disséminées, comme in-
dépendantes les unes des autres en un désordre voulu et sans symé- ,
trie. Le long du la ligne médianusur les hauteurs, la chapelle, les
cuisines et buanderies ; en contre-bas, à mi coteau '2 petites \illas
de pensiunnaires.contre le potager, uu pavillon de femmes tran-
quilles de l'autre côté d'une pelouse, avec pavillon de demi-agi-
tés à l'opposé et un pavillon semblable pour les femmes demi-
tranquilles. Les pavillons des grands agités, la direction et les méde-
cins-adjoints sont vers l'entrée de l'autre côté de la colline,au le-
vant un cottage avec étables et annexes fermières. C'est l'autono-
mie des parties indépendantes et le triomphe a\ec des moyen*
simples, du concept conciliateur de la mise au traitement isolé
dans des conditions scientifiques a\ec le maximun de « no-res-
tl'aint" et d'isolement des groupes manicomiaux de classement.
Lupa\illon des agites est au rciule-chuusséc, il contient 16 lils
disposés en chambres d'isolement séparées paur chacun. Ces
chambres sont chauffées au calorifère à vapeur et une surveil-
lance permanente en 2 équipes est assurée. Ce papillon rappelle
assez la disposition des quartier» de sttrveillance et observatiun
continue pour agiles, édili= à 'ille,juif aw femmes il y a quel-
ques années et en achèvement au serv ice des hommes en ce mo-
ment. Une longue galerie de surveillance sur laquelle donnent l
toutes les chambres assure le- service ; nous en donnons la vue.
Lu Pavillon des demi-tranquilles contraste avec le précédent.
Il a 1 étage et 5S lits disposés en trois dortoirs, plus deux petites
chambres de 4 lits, i l'ig. 33)
Les murs sont ornés d'affiches artistiques et motifs décoratifs
qui en agrémentent heureusement l'aspect et atténuent lu carac-
Il1 1 I·'ic. a3- l'Inn, cuupc, i·l·v : alimn lu ·crviuc Ic cemi-U..uyuil·.
240
ASILES D AL1UNLS.
1 c. 40. - Services généraux de Mindrisio,
L'ASILB SUISSE DE MINDRISIO A CASEEGNO DU TESSIN. 241
1ère d'asile si difficile a éditer en établissements collectifs même
pavillonnaires. (Fig. 35 et 36.)
Une autre particularité de l'asile consiste dans sa colonie agri-
cole annexée à l'établissement bien que distante de près d'un ki-
lomètre 40 malades tranquilles y habitent dans un pavillon
angulaire rappelant le type de 1'okrowslc, préconisé par Korsa-
l;of1 et adopté pour la colonisation agricole de la Seine en pré-
paration à Chezal-Iknoit (Cher). Nous donnons le plan de cette
colonie ainsi que des services généraux de l'asile et le plan gé-
néral réduit.
,l'ai eu l'honneur de visiter ce bel établissement en octobre
dernier à la suite du Congrès International pour l'assistance des
aliénés tenu à Milan en lin septembre sous la présidence de }l,
le professeur Tambourins. z
Les Congressistes conviés à cette visite ont pu admirer le ca-
dre admirable dans lequel s'etagentet se développent les pav il-
lonscomme autant d'établissements distincts. Les murs sont ré-
duits au minimum et grâce aux accidents de terrain et à l'hori-
zon montagneux toutes les parties de l'établissement jouissent
d'une vue superbe. Un pique-nique servi sur l'herbe du 'plateau
dominant ou s'élève la Chapelle a permis de goûter doublement
les charmes de l'établissement. Les sections demi-tranquilles of-
frent une disposition rappelant celle du pavillon d'Altcherbilz,
aux agi lés les fenêtres sont du système de Hitiriz. les panneaux sont
à axe fixé sur lequel ils s'ouvrent comme un imposte à barre ver-
Iicale.Une fabrication spéciale de timbales en croûte de pain faite
à la boulangerie permet de servir les aliments aux agités sans as-
siettes. Ils mangent leur plat comme pain après en avoir absorbé
le contenu. Aux travailleurs, nous avons remarqué qu'on encou-
rage les pensionnai 'es à suivre leur verve artistique qui s'exerce
sur les murs en des compositions picturales assez curieuses. ' '
Des paillassons spéciaux en déchets de cuir constituent une
industrie facile qui permet d'utiliser des travailleurs très frustes
sans préparation longue'. Nous joignons à ces courtes notes quel-
ques tableaux et quelques chiffres complémentaires qui en diront l
plus sur le fonctionnement et l'excellence de cet établissement
qu'une description longue. Du* clichés que nous devons l'ex-
tremo obligeance de notre collègue. M. le docteur Manzoin.méde-
cin-directeur du Mindrizio achèveront de caractériser l'aspect si
particulier et riant de l'asile du canton du .Tcssins, que l'on peut
considérer comme un h pe du genre moderne tel qu'on le vou-
(Irait voirréalisé plus souvenl chez nous. r
Le personnel est ainsi composé : '
1 directeur-médecin un chef. 1 médecin-adjoint. 1 secrétaire,
1 sous-sucrélaire, 1 surveillauluu cltof, 10 iulirmiers, 1 surveil-
lante en chef, 14 infirmières, 3 soeurs pour le magasin, la cui-
.lr,cntvss,3° série, 1907, t. I. ]0
l'asile suisse de mindrisio A casvegno DU "J ESSiX. 243
Fie. ;Jú.
sine, le vestiaire ; 1 lille de cuisine ; 1 buandière, : 2 concierges,
1 jardinier. 1 homme de ]ICÏill'.
24 i asiles d'aliénés.
IH : Gi1E AI.IMENTAiRE.
Pensionnaires de 1re classe : .
Prcmieo déjcrcnrcr : café au lait ou chocolat, petit pain.
Déjeuner : potage, un ou deux plats de viande, légumes, fruits
ou fromage, pâtisserie une fois par semaine, vin 1. 10, pain.
Viner : Potage, un plat de viande, fruit ou fromage, in 0 1. lU,
Malades de z classe (régime commun).
Premier déjeuner : Café au lait (500 grain.).
Déjeuner : potage au riz, aux légumes ou aux pâtes, ou po-
lenta, viande de IJf1'uf (l50 gram.) 4 fois par semaine, rôti deux
fois, poisson une fois.
Dîner : potage, fromage ou viande avec salade, vin 0 1. ? U,
pain à discrétion (en moyenne, 500 gr.)
La proportion des infirmiers est de un pour trois malades dans
le pavillon des agités ; dm la section d'observation et dans le
pavillon des semi-agités, la proportion est de un pour sept. -Le
travail a été organisé de la façon la plus simple dans la division
des femmes, les malades travaillent dans tous les quartiers. Les
hommes sontoccupés aux travaux des champs, aux services géné-
raux, etc.- Les malades de 2e classe (régime commun) reçoivent
une ration de tabac et de cigares. Les travailleurs ont une ra-
tion supplémentaire de limonade vineuse.- Les malades ont il
leur disposition d2S jeux divers, des livres, des journaux, un
piano.
Le directeur médecin, le médecin adjoint, le secrétaire et le
secrétaire adjoint sont nomm ;s paur 4 ans par le Conseil d'Etat
sur la proposition de la Commission administrative. Le directeur
a un traitement variantde 3000 à 4500 fr., le médecin-adjoint rc-
soit de 1.800 à 2.500.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 243
L'établissement est administré par une commission de surveil-
lance composée du conseiller de l'Etat du Tessin, de 2 délégués
du conseil général, d'un délégué de la Commission sanitaire
cantonale et d'un représentant de la lI1'Jnicipalilé locale de Vlan=
drisio, le directeur général de l'hygiène pour la province du Tes-
sin préside. ·
Le budget administré par celte commission administrative tire
ses ressources des frais de séjour ds m llafls payants, du pro-
duit de la ferme, d'un dixième perçu sur la recette du monopole
d'Etal, sur l'alcool et d'une contribution cantonale complémen-
taire variable. Le nombre total de lits prévus est de t0 Ives 40
agents de surveillance.
L'asile date de 1818, le domaine cultural delà colonie agricole
comprend 27 hectares exploités par 'i0 travailleurs et"0 bt·tesde
somme. L'éclairage électrique est établi ainsi que le tout il
l'égout. L'approvisionnement en eau de source donne 324 hectolitre s
des bouches d'eau sous forte pression assurent le service d'incen-
die en chaque quartier). L'établissement possède le téléphone et
dispose d'une bibliothèque et d'un laboratoire comprenant l'élec-
trothérapie. Le traitement du petit personnel va de 25 à 45 1'1'.
plus les avantages matériels, ils jouissent du repos hebdomadaire.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
VU). Corps thyroïde et neuro-arthritisme : par \i)1,
Léopold LÉw et Henri de ROTHSCHILD. {Société de Biologie,
mars 1907.)
Dans une série de recherches antérieures, nous avons mon-
tré qu'à l'hypothyroïdie ressortissaient certaines variétés de
migraines, de rhumatisme chronique, d'asthme, d'urticaire
chronique, d'angines à répétition, d'herpès récidivants, d't -
porthermie, d'oedèmes transitoires, de neurasthénie, d'altéra-
tions dentaires, toutes manifestations morbides qu'on ratta-
che communément M'arthritisme.De ce fait, certain arthritisme
peut être considéré comme d'essence hypothyroidienne.
Dans une communication récente, nous avons soutenu d'autre
part l'opinion que certain nervosisme était réalisé par l'hyper-
lhyrmdie. La réunion, chez un même individu, de nervosisme et
d'arthritisme est fréquente. Il s'agit, dans ce cas, de sujets à la
fois hypo et hyperthyroïdiens qu'on peut ranger dans le groupe
210 revue n' \ : -1.\ 1 OIm ET de PHYSIOLOGIE pathologiques.
de l'instabilité thyroïdienne. Mais les deux éléments qui consti-
tuent l'association neuro-arthritique se prêtent à de multiples
combinaisons. Nous nous proposons d'étudier ici quelques parti-
cularités de cette instabilité lhyroïdienneet de fixer certains rap-
ports réciproques de l'hypo et de l'hyperthyroïdie.
La conception à laquelle nous a conduit l'observation des faits
cliniques peut s'exposer par une comparaison. L'équilibre thy-
roïdien, l'orthothyroidie représente si l'on veuf une corde raide.
L'équilibriste qui n'est autre que le fonctionnement thyroïdien,
a une tendance à pencher d'un côté (hypolh)-roidie). Dans les
efforts qu'il fait pour se redresser, il incline du côté opposé. Il
effectue, somme toute de part et d'autre de l'ortho(hyroldie, des
oscillations, et la déviation dans le second sens est plus ou moins
liée aux oscillations dans le premier. Pour justifier cette compa-
raison, il faut montrer tout d'abord que les oscillations dans le
fonctionnement thyroïdien existent. Déjà, dans diverses notes,
nous les avons évidemment enregistrées. C'est une femme hypo-
ihyroidienne qui devient basedouienne fruste à propos d'une
grossesse. C'est une malade hypollryroidienne qui fait une pous-
sée de Basedovv fruste à propos d'une cure thermale. '
L'emploi thérapeutique de corps thyroïde provoque encore ces
variations. Et il ne s'agit pas seulement do cas, comme celui
présenté ici même, dans lequel une hypothyronlie a été trans-
formée momentanément en hyperthyroidie par l'ingestion de 175
cachets, de corps thyroïde. D'autres sont plus suggestifs.
Un enfant de cinq ans retardé, présentant l'intelligence d'un
bébé indifférent tout, s'est éveillé sous l'influence de 14 cachets
mais il se bat sans cesse avec ses camarades. Une institutrice de
quarante-trois ans, présentant de la canitie précoce, migrai-
neuse, très frileuse des extrémités, atteinte d'entérite muco-mem-
braneuse, de dysménorrhée, souffrant de phlébalgie, a ressenti
pour avoir pris.') cachets de Ogr.10 de corps thyroïde, une surex-
citation cérébrale désagréable, des colères, des crises de larmes,
des points douloureux. Ultérieurement, un seul cachet de 0 gr.
06 a provoqué de l'insomnie, des crises de pleurs, de 1'liypeie;-
thénie cérébrale.
Il est permis d'admetlre dans ce dernier cas, que la malade, tout
en étant hypothyroidienne était en instance d'une hyperthyroi-
diequ'a révélée une dose insignifiante du corps thyroïde. C'est
bien le tempérament neuro-arthritique. Des cas de ce genre
montrent l'attention avec laquelle il faut chercher pour chaque
sujet la dose convenable du médicament. Ils rendent compte de
l'accentuation, au moins transitoire, de l'hyperthyroïdie que peut
produire le traitement chez les prédisposés.
Par contre, il n'est pas exceptionnel de voir, et c'estle second
point quenou< ! désirons établir dans cette note, les ttoublesner-
'REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 247
veux s'atténuer sous l'influence de l'opothérapie Iliyi-oidienticlec
qui nous amène ù conclure que dans les cas envisagés, l'hyper-
llhyroidie est la conséquence de réactions secondaires à l'hypo-
tlryroidie. Déjà cette opinion s'appuie sur l'analyse de certaines
observations.
Un de nos malades hypothyroidiens a fait la remarque que
son nervosisme esl à son apogée après une période plus ou moins
courte d'abattement. Un ennui qui l'abat, lui casse bras et jam-
bes, le rend en même temps très sensible.
Parmi les sujets que nous avons soignés, nous citerons : Une
fillette de cinq ans, «lui ne marchail pas seule à [rois ans, fut at-
teinte de végétations adénoïdes qui purent être opérées, d'enté-
rite, de prurigo, de frilosité. Elle pleurait continuellement pour
tout motif et sans motif. Déjà sous l'influence de 4 cachets de
U gr. 10, elle n'a plus pleuré une seule fois à l'école, est deve-
nue tout à fait gentille. Un malade migraineux présentant des
extrémités froides ayant de l'herpès à répétition constamment
enrhumé, ayant blanchi à vingt ans, est irascible, susceptible,
violent. En ml'me tcmps qu'il est amélioré de ses migraines, etc.
par 26 cachets son nervosisme diminue. Une dame de trente
sept ans, ayant souirerl d'angine il rechutes, frileuse, fatiguée
est coléreuse, tristCj pleure facilement. Le tout s'améliore par le
corps thyroïde,
Nous concluons donc que dans certaine combinaison hypohy-
perlhyroïdienne, l'hypothyroidie est l'élément primordial et qui
entraîne le nervosisme secondaire. Nous n'oublions pas toute-
fois que du fait de l'hypothyroïdie, le système nerveux est auto-
inloxiqué, ce qui facilite les réactions morbides, et que le corps
thyroïde auquel est subordonné en partie du moins, le système
nerveux, est subordonné lui-même il sa propre innervation. Il y
a ainsi une intrication complète d'ares réflexes ; c'est ce qui
rend l'interprétation des faits fort difficile. N'empêche que le trai-
tement met en relief une prédominance pathogénique et laisse
entrevoir un certain enchaînement de réactions.
En lin de compte, à côté de l'orthothyroidie, de l'hypo, de
l'liyperlhyroulie, on peut ranger l'instabilité thyroïdienne (fai-
sant partie de la dyslhyroidie) qui comporte elle-même une va-
riété ù hyperthyroidie secondaire.
IX. Conception clinique, anatomique et pathologique des
idioties méningitiques. Observations cliniques et anatomo-pa-
thologiques ; par Al. PRLI.IZZI. (in Rivista spéri»zentale diFre-
itiatra. Reggio en Emilie, 1905, Vol. XXXI, fasc. III, IV.)
Ou peut distinguer au point de vue clinique trois formes clini-
ques de l'idiotie : une forme avec pseudo-hypertrophie, une
seconde avec atrophie simple et uniforme, et enfin uno troisième
24S REVUE D'ANATOMIE UT DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
dans laquelle le processus de destruction estévidemmentirrégulier.
On peut voir ces trois formes en se reportant aux pièces conser-
vées par Eournoville et fixées par le liquide de \luller; de même,
on peut observer l'altération chronique de la pie-mêre et la dila-
tation ventriculaire. Les recherches microscopiques et bactériolo-
giques sur le liquide céplalo-racluden ont permis de déceler un
grand nombre de microbes pathogènes variés : le méningocoque de
Weickselbaum, le diplocoque de Frankel, le bacille d'Eberth, le
pyocyanique, le staphylocoque, le streptocoque, le bactérium coli
etc., Toutes ces variétés correspondent certainement à des formes
cliniques et anatomiques variées. Au point de vue clinique, l'idiotie
méningitique peut être congénitale,où apparaître dans les premiers
mois, dans un cas même, elle ne s'est développée qu'à i'âge de 13
ans.
La pathogénie de la microencéphalie permet de considérer deux
formes : la vraie et la fausse ; la vraie peut être simple ou associée,
la fausse est l'atrophie irrégulière de deux hémisphères à la suite
d'un processus phlogistique diffus.
Quant à l'hydrocéphalie hérédo-syphilitique, elle reconnaît deux
modes pathogénétiques de développement : 1' Il existe une hy-
drocéphalie de nature syphilitique, due à des lésions spécifiques
syphilitiques de l'épendyme et de la région oplostnée; 2° il existe
très probablement une hydrocéphalie d'origine syphilitique par
arrêt de développement du cerveau sous l'influence dystrophique
de la syphilis des parents. '
En somme, la coexistence surtout de caractères importants tels
que l'altération diffuse de l'écorce cérébrale sans altérations ma-
croscopiques, et l'absence de troubles moteurs graves (épilepsie,
paralysie) et d'autres symptômes liés à des altérations localisées ne
se rencontre dans aucune autre forme d'idiotie ; dans ces conditions
on peut la séparer nettement des trois autres citées au début, en
former un groupe à part,dont la dénomination montrera la patho-
génie ; ce sera l'idiotie méningitique. J. SÉGLAS.
X. Recherches sur l'influence de l'ancienneté, de l'intensité et
de la répétition de l'incitation sur les caractères de certaines réac-
tions nerveuses élémentaires. Contribution à l'étude de l'adapta-
tion ; par nIll. STÉFANI et UGOLOTTI. (Rivista sperimentale di
Freniatria. Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI, fasc. III. IV.)
. i
I. La méthode employée a consisté à rechercher le degré de dila-
tation où de retrécissement pupillaire, dus à l'extraordinaire mobi-
lité de l'iris. Voici les résultats obtenus.
II. Influence de la dose (Intensité de l'excitation.)
Expériences : ont porté sur l'action pupillaire de l'-atsepine et de
la pilocarpine sur les chats et les chiens. Emploi de solutions de
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 249
concentrations variées. Résultats et conclusions : l'augmenta-
tion de la dose abrège le temps d'attente, augmente la rapidité de
la dilatation et allonge sa durée ; l'augmentation de l'effet n'est pas
proportionnelle à l'augmentation de la dose ; le degré maximum de
la dilatation correspond à une dose moyenne. Abstraction faite du
degré de rapidité; la ligne d'ascension suit une route plus ou moins
brusque. v
III. Influence de l'ancienneté. Expériences ont porté sur la
dose. Conclusions : la réaction propre de l'état actuel se distingue, à
égalité de doses, de la réaction propre de l'état ancien par une plus
longue durée du temps d'attente, par une plus grande lenteur dans
l'ascension, par une plus longue durée de la descente.
IV. Influence de la répétition de l'excitation. Les expériences
ont porté sur l'action pupillaire de l'atropine et de la pilocarpine,
et sur l'action vaso-cardiaque de l'atropine. Conclusions : Les va-
riations de réaction, dues à la répétition de l'excitation, sont de
nature cellulaire : la capacité d'adaptation varie grandement sui-
vant l'état de l'individu et suivant l'action spéciale biologique ;
cette adaptation est précédée par une période préparatoire.
V. Considérations sur l'action intime des poisons et sur le
mécanisme de l'adaptation. On remarque surtout : la longueur de
la période d'attente, la rapidité de développement de la réaction,
les caractères des réactions déterminées par l'état et l'adaptation.
Enfin, l'auteur termine par quelques considérations générales sur
les recherches ci-dessus analysées. J. S.
XI. - Etude nosographique et clinique des infantilismes ; par
11. Santé de SYNCT;S.([;t7 ? tt'fsSpe/'tme) ! <a di Freniatra,
Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI. fasc. III, Fiv.).
Ce travail qui\n'a pu être publié entièrement dans le numéro
comprend plusieurs parties : 1 conception anthropologique et
anatomo-pathologique de l'infantilisme ; 2° infantilisme dystro-
phique et myxoedémateux ; 3 infantilismes partiels ; 4° infan-
tilismes mixtes ou combinés ; 5° pathogénie des infantilismes ; 6°
conception clinique fondamentale des infantilismes : 7° diagnotics
différentiels des infantilismes (rachitisme, achondroplasie, créti-
nisme, gigantisme, sénilisme, mongolisme) ; 8° classification des
infantilismes.Cette étude doit être continuée dans un numéro sui-
vant. J. S.
XII. Sur les rapports entre les « cellules à bâtonnets » (Stab-
cheuzellen) et les éléments nerveux dans la paralysie progressi-
ve ; par M.Cerletti. (in Rivista sperimentale di Freniatria.
Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI, fasc. III, IV.)
C'est en 1899. que Nissl en analysant les différentes altérations
cellulaires que l'on observe dans les états pathologiques de
250 REVUE D ? \.1«ATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
l'écorce cérébrale, signala pour la première fois un type cellulaire
bien caractérisé, se présentant au niveau de l'écorce dans un
certain nombre d'affections, mais surtout dans la paralysie pro-
gressive. Ce sont, dit-il, des cellules névrogliques allongées ; aux
deux pôles du protoplasma se trouve un noyau allongé ; le ca-
ryoplasma est clair, contient seulement de petits fragments nu-
cléaires, lesquels se disposent suivant une ligne correspondante à
l'axe longitudinal du noyau. Ces cellules allongées sont orientées
le plus souvent parallèlement à la direction des fibres de la cou-
ronne rayonnée. Ces cellules ont été nommées à Heidelberg :
« Wurstzellen », ou cellules en saucisse. Nissl et Alzheiner on[
préféré le nom de Stabcheuzellen » où cellules en bâtonnets.
Les cellules névrogliques allongées et à bâtonnets se rencontrent
de préférence dans les territoires où le tissu avoisinant a une con-
sistance spéciale ; dans les couches superficielles de l'écorce céré-
brale et dans la substance blanche. La très grande variété dans la
morphologie et dans l'affinité tinctoriale de ces éléments à bâton-
nets montre que les cellules à bâtonnets ayant un noyau large, un
carioplasma clair, des granulations chromatiques volumineuses
représentent probablement des éléments en état de modification
progressive, tandis que les cellules à bâtonnets, rétractées, très co-
lorées, représentent vraisemblablement des éléments malades dans
un stade régressif. J. S.
XIII. La persistance du pouvoir vital et pathogène de la spore
aspergillaire dans l'organisme animal. Contribution expérimen-
tale à la récidive de la pellagre,par l\IM. CEl\'1 et BECTA. (in Ri-
vista sperimentale di rreniatra. Reggio en Emilie, 1905, vol.
XXXI, fasc. III, IV.)
Les résultats actuels montrent que les spores aspergillaires
peuvent dans des conditions déterminées rester pendant longtemps
dans l'organisme et conserver leur pouvoir vital et pathogène. On
peut soutenir également qu'il y a une adaptation aux toxines
émanées d'une quantité déterminée non mortelle de spores. Ces
conclusions font admettre que la forme de pellagre due à une infec-
tion par la spore de l'aspergillus fumigatus, peut rester latente
pendant un temps plus ou moins long. J. S.
XIV Le pouvoir pathogène de l'aspergillus fumigatus. Re-
cherches expérimentales ; par M. Besta. (in Rivista sperimentale
di 1%neniatra. Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI, fasc. III, IV.)
L'aspergillus fumigatus est pathogène : 1° puisqu'il est capable de
proliférer à l'intérieur d'un tissu, eii y déterminant des foyers de
nécrose ; 2° puisque la spore est douée d'dn pouvoir irrita tif intense
qui se manifeste par l'accumulation des leucocytes, des phénd-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 25L
mène ? d'inflammation, etc., ; 3° puisque la spore, dans des condi-
tions biologiques déterminées, contient une substance tétanisante
spécifique, et si l'on vient alors à l'introduire dans l'organisme ani-
mal, elle peut, tout en restant à l'état de spore, élaborer et mettre
en liberté sa substance toxique. J. S.
XV. Sur une nouvelle espèce d'aspergillus varians et sur ses
propriétés pathogènes en rapport avec l'étiologie de la pellagre ;
par M. CENI. (in Rivista sperimentale di Freniatria. Reggio
en Emilie 1905, vol. XXXI, fasc. III, IV.)
La nouvelle espèce d'aspergillus varians qui est décrite a été
exclusivement rencontrée dans l'Apennin moyen. Le parasite
fut isolé dans l'atmosphère d'une campagne malsaine, dans une
famille atteinte depuis longtemps de pellagre chronique. Ce para-
site ne se développe pas en hiver à la température ambiante, et en
cette saison il se développe mal si on vient à le cultiver à l'étuve, à
une température qui correspond à son optimum de développe-
ment. 11 se développe bien et rapidement à la température am-
biante au printemps, en été et pendant une partie de l'automne.
Les caractères typiques morphologiques de ce parasite restent
invariables à toute époque de l'année, tandis que l'aspect macros-
copique de la surface et plus encore la couleur de sa traîne changent
notablement et en très peu de temps pendant le cycle biologique
annuel du germe. Pendant l'hiver, 'c'est la couleur rose et le gris
rouge qui prédominent; au printemps et en été, c'est surtout le vert
et ses différentes graduations ; en automne, c'est surtout le vert
pâle et le rose carmin. Ce parasite est pathogène ; il est capable d'é :
laborer des toxines spécifiques qui peuvent notablement varier
d'intensité suivant la période de l'année. Les périodes de toxicité
maxima correspondent au printemps et à l'automne, pendant les-
quels le pouvoir pathogène du germe est très élevé et peut même
dépasser celui de l'aspergillus fumigatus. Les périodes de toxicité
minima correspondent au milieu de l'hiver et de l'été, et pendant
ces deux saisons le pouvoir toxique du germe est tellement dimi-
nué qu'il peut être considéré comme nul.
Les toxines élaborées par le germe peuvent encore être de nature
différente et opposée suivant les périodes de l'année ; certains
principes toxiques sont de nature déprimante et paralysante, d'au-
tres sont de nature excitante et convulsivante. Les toxines de na-
ture déprimante et paralysante sont plus fréquentes que celles de
nature excitante et convulsivante ; les secondes ne se rencontrent à
aucun moment de l'été et de l'automne, tandis que les premières
ont été rencontrées à toute époque de l'année. Le degré et lanatuie e
des toxines n'ont aucun rapport avec les parties nutritives Sur
lesquelles le germe se développe, mais sont en rapport avec les con-
ditions d'ambiance extérieure au milieu desquelles le germe se dé-
252 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES,
veloppe. Les toxines sont toujours isolables avec les moyens habi-
tuels et n'ont aucun rapport avec les composés phénolés. Ce germe,
par le degré et la nature de ses principes toxiques, peut être cons¡-
- déré comme ayant un rapport de cause aussi hien avec la pellagre
chronique qu'avec la pellagre aiguë..1. Si : ci.as.
XVI. - Recherches histologiques et embryologiques sur la struc-
. ture de la gaine myélique des fibres nerveuses périphériques ; par
M. BE STA.in Rivista sperimentale di Freniatra.Reggio en Emilie,
1905, vol. XXXI, fasc. III, IV.)
Les pièces sont d'abord fixées dans la solution suivante :
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 253
fonctionnel peut apparaître comme presque normale avec la mé-
thode de Donaggio, mais il ne s'agit alors que d'un désordre transi-
toire.- 2o L'altération de la substance chromatique précède et est
toujours plus grave que' l'altération de la neurofibrille. 3° Un
arrêt de la circulation, prolongé pendant trois heures, amène une
désintégration granulaire du réticulum endocellulaire. 4°
Cette désintégration se présente sous un mode uniforme dans
le réticulum, mais est plus tardive dans les prolongements prolo-
plasmiques et cylindraxiles, et dans les fibrilles longues. 5°
Dans ces conditions, l'élément nerveux est gravement, compromis
et peut être irrémédiablement perdu. 6° Si une désintégration
aussi avancée vient à faire manquer la coloration par la thionine,
le noyau épais reste coloré. J. S.
XX. Contribution expérimentale et statistique à l'étude de la
mémoire ; par M. GUICCL1RD i. (in Revista sperimentale di Frenia-
tria. Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI, III, IV.)
Etudiée au moyen de tables spéciales, la mémoire verbale est
plus étendue que la mémoire des images ; il y a également des va-
riations suivant l'ancienneté de l'épreuve et surtout suivant la cul-
ture du sujet. J. S.
XXI. Accommodations de l'oreillo à des bruits distants variés ;
par AI. G t icci,iii3 i.(iit Revista sperimentale di Freniatria. Reggio
el¡ Emilie, 1905, vol. XXXI, fasc. III, IV.)
C'est à une distance moyenne que les différents bruits sont le
mieux entendus; la position latérale uni-auriculaire est de beau-
coup celle qui est préférable ; l'accommodation auriculaire, se
fait tantôt par l'audition bi-auriculaire, tantôt par l'audition
uni-auriculaire. J. S.
XXII. Les altérations cadavériques des cellules nerveuses étu-
diées par la méthode de DonaggIo ; par M. SCAI\PINr. (in Revista
sperimentale di Freniatria. Reggio en Emilie, 1905, vol. XXXI,
fasc. III, IV.)
Les expériences, faites sur des animaux, ont permis de constater
que pendant les 24 premières heures on n'observe aucune modifi-
cation neuro-fibrillaire vraiment importante ; vers la 30e heure la
délicatesse de la cellule commence à se manifester par un réseau
moins régulier et moins distinct ; en même temps, le réticulum
présente des altérations.Les fibrilles longues prennent un aspect
tortueux, le noyau est bien différencié et toujours nettement colo-
ré. Puis le contour de la'cellule devient moins net par la présence
de granulations plus ou moins faiblement colorées qui envahissent
la périphérie. La méthode de Nissl ruct bien en évidence ces altéra-
trous purement cadavériques de la cellule nerveuse. Cette méthode
bÍ i LEGISLATION.
de Donaggio,serait intéressante à appliquer à l'étude de la pathu-
Iogie humaine, surtout dans l'anatomie pathologique des maladies
nerveuses et mentales. J. S.
LEGISLATION.
Proposition de loi sur les aliénés. ,
Voici le texte de la proposition de loi adoptée par la Chambre
des députés dans sa séance du 22 janvier 1907, et soumise aux dé-
libérations du Sénat.
TiTRE Premier. Des hôpitaux et établissements destinés au
traitement des maladies mentales et à la garde des aliénés ;
des aliénés traités à domicile ; de la surveillance du service des
aliénés. Section première : Des hôpitaux et établissements
destinés au traitement des maladies mentales et à la garde des alié-
nés ; des aliénés traités à domicile.
Article premier. -L'assistance et les soins nécessaires aux
aliénés sont obligatoires.
ART. 2. Les établissements destinés au traitement et à la
garde des aliénés sont de deux sortes : publics et privés. Les asiles
publics doivent comprendre, à défaut et dans l'attente d'asiles sapé-
ciaux, des quartiers annexes ou des divisions pour les épileptiques,
les alcooliques, les idiots et les crétins. Les alcooliques, les épilepti-
ques, les idiots et les crétins continueront à être admis dans les asi-
les d'aliénés en attendant l'ouverture d'asiles spéciaux. Dans un
délai de dix ans, les départements devront ouvrir des établisse-
ments spéciaux ou des sections spéciales destinés au traitement et
à l'éducation des enfants idiots, imbéciles, arriérés, crétins ou épi-
leptiques, et au traitement des buveurs. Plusieurs départements
pourront se réunir pour créer ces établissements ou sections.
Les établissements prévus aux paragraphes précédents seront
soumis à la surveillance instituée par la présente loi dans la mesure
déterminée par un règlement d'administration publique. Les dé-
penses des malades ou infirmes qui y sont admis seront imputées
et réglées conformément aux articles 56 et 57 ci-après.
Les départements sont autorisés à créer, suivant les besoins, dos
colonies familiales pour les aliénés qui y seront envoyés après un
séjour d'observation dans les asiles. Ces colonies familiales seront
confiées aux soins des médecins appartenant au service des aliénés.
Les départements pourront organiser l'assistance à domicile
PROPOSITION DE, LOI SUR LES ALIENES 255
des aliénés sous les conditions déplacement prévues parla présente
loi.
ART. 3. Les établissements publics comprennent les asiles
proprement dits, les quartiers d'hospice spécialement affectés aux
aliénés et les pensionnats.
Les établissements privés comprennent les maisons de santé qui
reçoivent des pensionnaires et les établissements dénommés asiles
privés faisant fonctions d'asiles publics, qui reçoivent, en outre, en
vertu de traités, les aliénés à la charge d'un ou plusieurs départe-
ments, jusqu'à l'exécution de l'obligation prescrite par le paragra.
phe 1er de l'article 4.
Nul ne peut créer ni diriger un établissement privé sans l'auto-
risation du Gouvernement et sans avoir déposé un cautionnement
dont le montant sera déterminé par l'arrêté d'autorisation. Nul
ne peut créer ni diriger un établissement quelconque destiné à trai-
ter des malades pensionnaires et ne recevant pas d'aliénés, sans
l'autorisation du Gouvernement. Ces établissements sont, ainsi
que les asiles d'aliénés publics et privés, placés sous la surveillance
de l'autorité publique. '
LENT. 4. Chaque département est tenu d'avoir, dans un délai
de dix ans, un établissement public destiné à recevoir les aliénés ou
de traiter à cet effet avec un établissement d'un autre départe-
ment. Jusqu'à l'expiration du délai prévu au paragraphe précé-
dent, les départements pourront traiter avec les établissements
privés sans que la durée du traité puisse excéder cette période
décennale. Les traités passés parles départements avec un établis-
sement public ou privé pour le traitement et la garde de leurs alié-
nés indigents doivent être approuvés par le ministre de l'Intérieur.
Les règlements intérieurs des établissements publics ou privés
consacrés aux aliénés sont soumis à l'approbation du ministre de
l'Intérieur.
Deux ou plusieurs départements peuvent créer et entretenir à
frais communs un asile public d'aliénés. Les conditions de leur as-
sociation sont réglées par les délibérations des Conseils généraux
intéressés, conformément aux articles 89 et 90 de la loi du 19 août
1871. Il est statué par un décret rendu en Conseil d'Etat sur le
mode d'administration de l'établissement.-Si un département
n'a pas pris en temps voulu les dispositions nécessaires pour assu-
rer l'exécution de l'obligation prévue au paragraphe premier, il
pourra y être pourvu par décret rendu en Conseil d'Etat, et les dé-
penses nécessaires pour l'exécution du dit décret pourront être ins-
crites d'office par le ministre de l'Intérieur au budget départé-
mental. -
AnT. 5. Dans chaque département, il est institué une ou plu-
sieurs Commissions* de surveillance. La Commission de surveillance
256 REVUE D'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
est composée de six membres, savoir : deux conseillers généraux
élus par le Conseil général, deux membres choisis par le préfet,
dont un docteur en médecine, un juge titulaire ou suppléant, dé-
signé par le tribunal de l'arrondissement où l'établissement est si-
tué, et le curateur à la personne dont il est parlé à l'article 44 ci-
après.
Le nombre des membres de ces commissions peut être augmenté
par décision du ministre de l'Intérieur.
Dans ce cas, les membres supplémentaires sont nommés moitié
par le Conseil général, moitié par le préfet.
Cette Commission a pour attributions : 1° de remplir les fonc-
tions de conseil de famille à l'égard des personnes non interdites,
placés dans les établissements publics ou privés et non pourvues
d'un administrateur judiciaire ou datif ; 2° d'exercer sur les asiles
publics départementaux une surveillance administrative et finan-
cière ; 3° de contrôler dans les asiles privés et dans les asiles fai-
sant fonction d'asiles publics, le régime des aliénés, l'exécution des
règlements relatifs à ces asiles et des traités passés entre eux et les
départements.
Quand deux départements auront créé à frais communs un asile
d'aliénés, les deux préfets et les deux Conseils généraux se partage-
ront le droit de nommer les membres de la Commission laissés» à
leur choix par le présent article. Les dispositions de cet article s'ap-
pliquent au cas où un département aura traité avec un départe-
ment voisin pour la garde et le soin de ses aliénés.
ART. 6. Les asiles publics sont administrés, sous l'autorité du
ministre de l'Intérieur et des préfets des départements, par un di-
recteur-médecin responsable. Les quartiers spéciaux annexés aux
hôpitaux et hospices sont administrés par les Commissions admi-
nistratives de ces établissements, ils sont assimilés aux asiles pu-
blics en ce qui concerne la direction médicale, le traitement et la
surveillance des aliénés. Cette partie du service est confiée à un
médecin en chef préposé responsable. Toutefois le ministre peut,
sur l'avis du Conseil supérieur de l'assistance publique et du Con-
seil général du département, ordonner la disjonction des fonc-
tions de médecin et de directeur de l'asile public, ainsi que de celles
de médecin et de préposé responsable d'un quartier d'hospice.
Dans les asiles où les services médicaux sont répartis entre trois
médecins au moins, la réunion des médecins constitue le conseil
des médecins de l'asile ; il y a un avis consultatif sur toutes les
questions d'ordre médical. Le médecin-directeur en fait partie et le
préside-Dans certains cas, le ministre de l'Intérieur peut, sur l'avis
du Conseil supérieur de l'assistance publique et à la demande du
Conseil général, adjoindre au directeur-médecin un secrétaire gé-
néral, pour l'administration ou le décharger de fout service médi-
PROPOSITION DE 'LOI SUR LES ALIÉNÉS. 25 ?
cal particulier. Les médecins traitants résident ou non dans l'asile
suivant la décision prise par le préfet après avis du Conseil général.
Ils peuvent exercer librement la médecine. Leur nombre sera déter-
miné pour chaque asile par décret rendu en Conseil d'Etat,
après avis du Conseil -supérieur de l'assistance publique.
Les médecins-directeurs et les médecins traitants ne peuvent
être attachés par un intérêt quelconque à l'exploitation d'un asile
privé. Tout directeur d'asile privé faisant fonction d'asile public
peut, dans les cas prévus par les règlements d'administration faits
en exécution de la présente loi, être suspendu par un décret du
Président de la République et remplacé par un régisseur provi-
soire. Le fonctionnaire chargé de la régie conserve tous ses droits à
l'avancement et à la retraite. Cette régie provisoire ne peut avoir
une durée de plus de six mois.
Art. 7. Les médecins directeurs et les médecins préposés res-
ponsables sont choisis parmi les médecins traitants et nommés à la
suite d'un concours public sur titres par le ministre de l'Intérieur.
Les médecins traitants dans les asiles publics et les médecins des
asiles privés faisant fonction d'asiles publics sont nommés par le
ministre de l'Intérieur sur une liste dressée à la suite d'un concours
public et annuel à l'exception des professeurs des facultés de mé-
decine, chargés de l'enseignement clinique des maladies mentales,
qui sont de droit médecins traitants des asiles d'aliénés destinés
à cet enseignement. Les internes sont nommés au concours par le
préfet.
Dans les asiles publics, les pharmaciens, les secrétaires généraux,
les archivistes, les receveurs, les économes et autres employés
ayant droit à une pension de retraite sont nommés par le préfet.
Les nominations d'agents et infirmiers sont faites par le directeur-
médecin dans les asiles et par le préposé responsable dans les quar-
tiers d'hospice.
Ait. 8. Nul, en dehors des personnes ci-dessous exceptées par
l'article 9, ne peut retenir une personne atteinte de maladie men-
tale dans un domicile privé sans qu'il en ait fait la déclaration
écrite, dans le délai de quinze jours, au procureur de la Républi-
que du domicile où elle est retenue. Il est joint à cette déclaration
un rapport dressé par un docteur en médecine, conformément aux
prescriptions des paragraphes 5 et 6 de l'article 13 ci-après. Si la
personne qui retient ainsi un aliéné dans son domicile privé est
médecin, elle ne peut dresser elle-même le rapport médical joint à
la déclaration. Tout aliéné retenu dans un domicile privé, comme
il vient d'être dit, est placé sous la surveillance instituée en exécu-
tion de l'article 10 ci-après. A défaut de la déclaration, il peut être
pourvu au placement de l'aliéné, conformément à l'article 26 ci-
après.
Archives, 3' série, 1007, t. 1. 17
58 SOCILLS savanies.
ART. 9. Un aliéné peut être traité dans un domicile privé
sans déclaration lorsque le tuteur, autorisé par le conseil de famille
à se charger du traitement, le conjoint, l'un des ascendants ou l'un
des descendants, le frère et la soeur, l'oncle ou la tante du malade
réside dans le domicile et préside personnellement aux soins qui
lui sont donnés. Si la nécessité de tenir le malade enfermé a duré
trois mois, le tuteur, conjoint ou parent qui préside au traitement
est tenu d'en faire la déclaration et de fournir le rapport médical
prescrit par le paragraphe 2 de l'article précédent. Le procureur de
la République peut, toutes les fois qu'il le juge nécessaire, deman-
der qu'un nouveau rapport médical lui soit fourni.
Dans le cas où il serait reconnu que l'aliéné ne reçoit pas les
soins suffisants, le tribunal, à la demande du procureur de la Ré-
publique ou d'un délégué spécial nommé par le conseil de famille,
pourra ordonner en chambre du conseil qu'il sera confié à un autre
parent ou même placé dans un asile. La décision est prise en pré-
sence du tuteur parent qui retient le malade ou après qu'il aura
été mis en demeure d'intervenir. Appel pourra en être relevé par
toute partie ou par le procureur de la République dans les cinq
jours qui suivent celui où la décision aura été rendue. La Cour de-
vra statuer en chambre du conseil dans la quinzaine à compter de
la date de l'appel. ' (A suivre.)
SOCIETES SAVANTES
SOCIETE 1)'IIYI'ULUGII ET DE PSYCHOLOGIE.
Présidence de .M. le Dr Jules Voisin.
Séance du 15 janvier et du 19 février 1907.
La psychologie de l'entraînement.
M. 1,.IGI(ANGE (de vichys L'entraînement, conduit avec tou-
te la prudence et les précautions voulues, a mérité do prendre
rang en médecine et se place, dans certaines maladies, bien au-
dessus des remèdes pharmaceutiques, mais le point de vue édu-
catif est aussi intéressant que le point de vue médical, dans l'nli-
lisation des effets de l'entraînement corporel ; l'éducation morale
n'étant autre chose qu'une suggestion lente et répétée et l'éduca-
tion intellectuelle n'étant que l'entraînement de l'esprit, 'foules
lesdiverses facultés de l'esprit prennent une part considérable à
l'éducation du corps, l'éducation physique porte toujours avec
elle un certain degré d'éducation intellectuelle et morale. L'en-
traînement corporel pourrait être utilisé comme une sorte d'en-
sociétés savantes. 259
Lrée en matière, chez les sujets mal doués au point de vue de l'es-
prit.
Chez les enfants arriérés, par exemple,l'apprentissage desmou-
vements pourrait être une préparation à celui des matières plus
difficiles des programmes scolaires. Et chez les sujets de caractère
faible, on trouverait dans l'accoutumance à faire effort, dans l'ha-
bitude de supporter la fatigue, un moyen de développer la volonté
tout en atténuant la sensibilité qui vient si souvent lui faire
échec. -
Les éléments d'ww1'sychothémpie prevetilive.
M. Héru-lon. La question de l'entraînement domine toute
la psychologie. L'homme qui a la notion de l'entraînement est,
par ce seul fait, un homme déjà de beaucoup supérieur à la moyen-
ne des autres hommes. Dans la pratique de la psychothérapie,
cette notion (le l'entraînement s'impose forcément au médecin.
Ce n'est que par un entraînement progressif qu'il arrive à possé-
der cette dextérité professionnelle, cette résistance soutenue qui
peuvent seules triompher des résistances du malade. On peut
arriverpar la continuité de l'entraînement professionnel à faire
face à des obligations extrêmement pénibles. Il se passe dans la
pratique de la psychothérapie quelque chose d'analogue à ce que
réalise le chirurgien dont l'habileté opératoire ne cesse de s'ac-
croître à mesure qu'il se livre à des opérations de plus en plus
difficiles. La véritable méthode d'entraînement pour le psychothé-
rapeute, c'est la pratique de l'hypnotisme. C'est seulement en
s'exerçant à hypnotiser et en avançant dans la technique de
l'hypnotisme qu'on peut acquérir une habileté réelle et préten-
dre connaître toutes les ressources delà psychotérapie. Sans l'ad-
jonction de l'hypnotisme, la psychothérapie est une chose vaine,
qui ne correspond à rien de sérieux, ni de réel.
Un cas de Toxicomanie traité par la suggestion hypnotique.
JI. DAMOGLOU (du Caire) rapporte l'observation d'un jeune
homme à la fois alcoolique, cocaïnomane, haschishomane, qui
avait perdu toute notion de travail et s'était fait révoquer de son
emploi. Au bout de deux mois de traitementpar la suggestion hyp-
notique, ilest devenu travailleur, exact, rangé et s'est trouvé tout
à fait débarrassé de sa triple passion. Ce succès date de trois ans
et ne s'est pas démenti un seul instant.
Le retour de la conscience après l'évanouissement.
M. Lionel 1)aoiunc se demande si la reprise de la connaissance
après l'évanouissement ne comporte pas, tout d'abord, la cons-
cience à l'état pur, la conscience inhabitée pourrait-on dire, la
simple conscience de soi, en dehors de tout état affectif ou intel-
lectuel et de toute tendance au mouvement. L
2GU sociétés savantes.
A la suite d'une discussion à laquelle prennent part, MM. Paul
Farez, llérillon, Lw, Cazaux, Voisin et 1tairegeati, la Société dé-
cide de maintenir cette question il son ordre du jour.
Delà valeur suggestive des médicaments en thérapeutique, en
particulier dans le traitement de l'incontinence d'urine prise
comme cas-type.
M. C.HAHN.La suggestion involontaire joue un rôle immen-
se sous toutes les formes dans la production de maints effets ohte-
nus dans la thérapeutique de l'incontinence d'urine. Déjà en
1894 le ]Jr Bérillon soupçonna le rôle considérable joué en cas
d'incontinence d'urine par la suggestion, dans les résultats ob-
tenus par l'emploi des médications si multiples qui y furent ap-
pliquées. 11 a bien montré que toute la différence dans l'action
des médicaments aclisseiiiployés chez les incontinents pour vain-
cre les spasmes ou renforcer l'atonie des sphincters provient
d'une façon générale de ce que l'on a affaire à des individus sug-
;;estibles ou autosuâgestionnahles à des degrés différents.
Au point de vue psychophysiologique l'étal de confiance en leur
guérison, auquel sont soumis un grand nombre d'indu idus auto.
suggestionnes sur la verlu curative de leurs remèdes, apporte lu
preuve que ce processus doit être généralisé à la marche clini-
que de toutes les maladies, il est donc nécessaire que le médecin
exerce volontairement, d'une façon plus usuelle qu'il n'a encore
été fait jusqu'à présent sa puissance persuasive à l'état de veille.
Psychothérapie graphique : importance des exercices d'écriture
appliquée dans le traitement des aboulies.
M. Les aboulies sont constituées par une associa-
tion d'états de conscience parmi lesquels les plus apparents sont
l'indécision, la sensation d'impuissance à agir et surtout la dif-
ficulté d'appliquer son attention, réalisant la distraction.
Mais à ces symptômes difficiles à analyser el à apprécier s'en
joignent d'autres d'une constatation plus facile et plus précise,
tels sont l'abolition du goût de la lecture et la dysgraphie.
Depuis longtemps, je suis frappé de ce fait que les véritables
abouliques évitent de lire et ont le plus grand dédain pour l'écri-
ture. Aussi de toutes les questions qu'on doit poser à un malade
atteint de névrose ou de psychonévrose la plus importante est la
suivante : Aimez-vous la lecture ! Lisez-vous ?
Tant qu'un malade aime la lecture et y trou, une satisfac-
tion. le pronostic n'est pas défavorable. Il en est de même s'il a
conservé le goût d'écrire. Par contre, le dégoût de la lecture et
de l'écriture doit être envisagé comme un caractère d'abouliecon-
firmée et une disposition à 1 aggravation de l'étal pathologique.
Au contraire le retour progressif du l'aptitude à lire et à écrire
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
constitue un signe important de tendance à la guérison. Ce re-
tour doit donc être encouragé et favorisé par tous les moyens
possibles.
L'écriture, a-t-ondit avec raison, est le geste de la pensée, il
importe donc de reconstituer la possibilité de ce geste.
(,'est dans ce but que depuis de longues années, je me suis ap-
plique il constitner les éléments d'une méthode psychothérapi-
que basée sur des exercices d'écriture appliquée. Ces exercices
doivent suivre une progression successive et comportent : 1° des
exercices d'écriture dictée, 2° des exercices d'écriture copiée, 3°
des exercices d'écriture volontaire. Dans chacun de ces exercices
la plus grande application doit être exigée. Il s'agit, en effet, d'un
exercice ayant pour but de mettre en jeu tous les phénomènes
de l'attention. Le choix des phrases à dicter ou à copier joue un
rôle important et autant que possible doit se rapporter aux be-
soins psychologiques du malade. Les maximes, les pensées, se
rattacheront a\ecutilité à des idées relatives à la culture de la
volonté, à l'éducation du caractère, au courage, à la force morale,
etc.
Les résultats obtenus par l'intervention des exercices (Técriture
appliquée dans le traitement psychothérapique sont si frappants
queje n'hésite pas à exprimer l'opinion que la salle d'écriture
devrait être instituée dans toute maison de santé consacrée au
traitement des maladies nerveuses et dans tout asile d'aliénés.
J'ajouterai que ces exercices d'écriture devront être effectués
sous la direction du médecin. En elfet,ils ne donneront tout leur
effet que s'ils s'opèrent sous l'influence d'une autorité compé-
tente, mettant au service du traitement toutes les ressources do
l'habileté psychologique.
Valeur de la rééducation de l'attention dans le traitement de
l'hystérie.
M. Paul MAGNtN. Il ne suffit pas pour guérir la névrose
d'employer la persuasion basée sur le raisonnement, de faire l'é-
ducation de la raison et de la volonté. Une telle prétention est
en contradiction avec le fond même de l'hystérie, qui est caracté-
risée avant tout par une faiblesse énorme de la synthèse mentale.
L'étude des troubles de la mémoire et de la volonté chez les
hystériques est, à ce point de vue, très intéressante. Les amnésies
continues d'une part, les aboulies intellectuelles, de l'autre, se
confondent intimement avec l'aprosexie, si grande, comme on le
sait, chez ces malades et le rùle de la rééducation de l'attention
apparaît précisément comme le plus important facteur de res-
tauraLionde la volonté et surtout de la synthèse mentale.
Les divers agents physiques, qu'ils agissent uniquement par
suggestion (plaques métalliques, aimanfs, etc.) ou qu'ils aient en
262 ' bibliographie.
môme temps une action propre (excitations mécaiiiclues,cotiiaiits
électriques, massage vibratoire, gymnastique suédoise d'opposi-
tion, etc.) servent aussi grandement à la rééducation de l'atten-
tion, , la condition toutefois qu'ils soient bien employés. Celle
méthode de la rééducation de l'attention est essentiellement due
aux travaux français. Inaugurée par Charcot, de\ eloppée par 11.
.lanet, elle est celle qu'enseigne depuis près de quinze ans M. le
professeur Raymond. Voilà bientôt dix ans qu'elle me donne les
meilleurs résultats.
L'attention pourra Cire rééduquée il l'état de veille et avanta-
geusement aussi à l'état d'hypnose qnand faire se pourra ; mais
il faut bien se souvenir que ce sont surtout les degrés du som-
meil les plus rapprochés de l'état de veille qu'il faudra chercher
à provoquer, les états d'inhibition légers dans lesquels la résis-
tance pathologique du sujet sera éteinte, sans que soit abolie pour
cela sa personnalité consciente.
Le cas de Soleillant devant la médecine psychiatrique
M. Félix Régnaui.t. Les journaux politiques ont entretenu
et excité l'indignation publique contre Soleillant, au lieu de la
calmer ; ils ont affirmé la complète responsabilité du criminel
alors que, seul, le médecin légiste a le droit do se prononcer sur
ce point. La plupart des violateurs et assassins d'enfants sont
des aliénés et des irresponsables, plus un crime est horrible et
maladroit, plus il y a chance qu'il ait été accompli par un fou.
Vacher le tueur de bergers avait à la base du cerveau une balle
qu'on trouva à l'autopsie ; \lenesclou était atteint de méningite
chronique et pourtant, tous deux ont été guillotinés. Quelques
particularités de son interrogatoire obligent à rechercher si So-
leillant n'a pas commis son crime pendant une sorte d'absence
comportant l'oubli de quelques actes faisant partie d'une série
bien coordonnée.
BIBLIOGRAPHIE
VI. -Rapport sur l'asile public d'aliénés de la Hante-Garonne
pour l'exercice 190j; par le Dr Dubuisson, médecin-directeur.
Existants au 1er janvier HI()5, 455 IL, 475 1 ? total 930. Entrées
dans l'année, 72 11. et 103 F. Sorties et décès, 105 IL. el 102 1'.
Restants au 31 décembre 422 II. et 476 1 ? Total : 898.
BIBLIOGRAPHIE. 263
Le prix de revient d'un aliéné indigent est, pour 1905, de 1 fr,
327.
Le département de la Haute-Garonne paie pour ses malades
indigents 0 fr. 90. M. le Dr Dubuisson rappelant que dans les
asiles de France, non* compris ceux de la Seine, le prix moyen
de la journée est de 1 1*1-. 15. demande de porter ce prix à un
liane et il a raison, car il reste encore beaucoup il. faire à l'asile
et l'augmentation de traitement du personnel de surveillance
porté, selon les classes, à 20, 25, 30 et 35 fr. par mois pour les
femmes, et à 30, 35, 40 et 45 fr. pour les hommes, occasionne-
ra une dépense supplémentaire de 8,003 fr. » C'est là une ré-
forme indispensable. Si l'on veut que les malades soient bien
soignés il faut rémunérer ('011\ enablement le personnel et il faut
l'instruire. D'où la réalité d'avoir une bonne école d'infirmiers et
d'infirmières il Toulouse et des cours spéciaux à l'asile de Bra-
queville.
Sorties par guérison, 19 ; par amélioration, 8 ; décès 123. La
population au 31 décembre 1905, qui était de S ! )S, comprenait 534
aliénés indigents de la Haute garenne, 248 au compte de la Seine,
10 au compte d'autres départements, 105 pensionnaires pla-
cés volontairement et 1 militaire au compte du Ministère de la
('lierre. Parmi les admissions, signalons 14 cas de folies alcoo-
liques, au lieu de 0-en 1904 et les vieillards de 61 à 70 avec 18 ad-
missions ; de 71 à 80 ans 16.
« Sûrement et bien malgré nous, nous empiétons sur le domaine
des hospices d'incurables, dit M. le In' Dubuisson. D'une façon
absolue, on peut interner, comme atteints de démence, les trois
quarts au moins des ramollis apoplectiques de 70 à 80 ans, mais
même lorsque ces pauvres vieux sont bruyants, gâteux, excita-
])les, puisqu'ils ne peuvent pas se mouvoir, ils ne sont guère dan-
gereux pour la sécurité publique, et alors disparaît une des condi-
tions requises pour l'internement. Il faudraitassister ailleurs qu'à
l'asileles ramollis de 70 à 80 ans et même au-delà. Nous répétons
qu'il ne faut pas attendre, pour conduire les malades à l'asile qu'ils
soient incurables, qu'il faut surtout intervenir hâtivement quand
les malades refusent de s'alimenter, et, dans tous les cas, ne pas
les ligoter avec de grosses cordes d'écurie et pas davantage avec
des ficelles coupantes; un mouchoir, une serviette plies en pointe
cnmme un foulard, suffisent à maintenir les plus agités.
« Quarante-deux d'entre nos pensionnaires ont bénéficié pen-
dant l'année dernière, avant la sortie définitive, de sorties à titre
d'essai. Celles-ci ne sont ni autorisées ni mômes prévues dans la
loi de 1838, mais nous y avons recours toutes les l'ois que s'y prê-
tent l'état de l'interné en voie d'amélioration el le milieu ¡ou il
doit vivre pour parfaire sa guérison.
« Nous restons convaincu qu'il faudrait un mode d'assistance,
264 hygiène publique.
permettant de ne pas jeter à la rue un certain nombre d'infir-
mes mentaux dont il serait possible de débarrasser les asiles,
s'il existait un établissement approprié pour les accueillir.
« En 1905, il y a eu 123 décès. A signaler le chiffre toujours élevé é
de nos décès par tuberculose pulmonaire, 17, et par infection tuber-
culeuse d'autres organes. 4, soitau total 21. Il est plus que ja-
mais à désirer que nos ressources nous permettent de faire ce qu il
faut pour isoler et traiter nos tuberculeux comme il convien-
drait. «Nous appuyons ce voeu bien justifié. M. Dubuisson fait
remarquer l'absence de décès par suite de la fièvre typhoïde qui
avait causé l'année dernière la mort de il malades et de 3 infir-
miers, cet heureux résultat est dû a la substitution d'une bonne
eau potable à une eau mauvaise.
Nous prions tous les médecins directeurs, les direc-
teurs administratifs et les médecins en chef de nous
envoyer deux exemplaires de leurs rapports que nous
nous ferons un devoir d'analyser, soit dans le Progrès
Médical, soit dans les Arclt ivesde Neurologie.
HYGIÈNE PUBLIQUE
Du rôle de l'alcoolisme dans la production de la folie
Paris, le 25 février 1907.
Le président du Conseil, ministre de l'Intérieur,
à Messieurs les Préfets.
Je tiens à connaître et à pouvoir renseigner le Parlement,
de façon aussi exacte que possible, sur l'importance du rôle
joué dans l'aliénation mentale par l'alcool et les boissons à
base d'alcool, contenant des essences. Vous voudrez donc
bien faire remplir avec soin et me retourner, dans un bref
délai, des tableaux correspondant à chacun des établissements
d'aliénés situés sur le territoire de votre département (asiles
publics, quartiers d'hospice, asiles privés faisant fonction
d'asiles publics, maisons de santé) ; vous observerez que ces
renseignements ont un caractère scientifique et impersonnel
et que les malades visés ne doivent y être désignés que par
des numéros d'ordre. Afin de rendre le dépouillement moins
malaisé il est indispensable que ces tableaux soient dressés
sur un type uniforme; voici, à ce sujet, les prescriptions qu'il
conviendra de suivre.
ROLE DE L'ALCOOLISME DANS L1 PRODUCTION DE L1 FOLIE. 2G5
1. Les malades que nous nous proposons de dénombrer
seront classés en trois groupes :
A) Le premier comprendra tous les cas d'alcoolisme simple,
quelle qu'en soit la forme (confusion mentale, délire hallu-
cinatoire, épilepsié; allaiblissement des facultés, paralysie gé-
nérale,etc.) où l'intoxication alcoolique aété reconnue comme
cause exclusive des troubles cérébraux.
B) Le second groupe comprendra les cas d'alcoolisme pré-
sentant l'un ou l'autre de çes caractères, savoir : que le cas
soit compliqué de dégénérescence ou de débilité mentale, ou
qu'il y ait de l'alcoolisme caractérisé chez les ascendants,une
colonne spéciale sera consacrée à chacune de ces deux cir-
constances spéciales ; on ne perdra pas de vue qu'il s'agit là,
non d'une description, mais d'un simple dénombrement.
C) Enfin le troisième groupe comprendra les cas de folies
de toute espèce (manie, folie intermittente,paralysie générale,
délires systématisés, etc.) qui, sans être des cas d'alcoolisme
proprement dits, comptent l'intoxication alcoolique au nom-
bre de leurs causes déterminantes. '
- IL-Je formulerai ici diverses observations générales ; vous
recommanderez aux auteurs de ce travail de s'y conformer.
1° à chaque groupe devront correspondre deux tableaux dis-
tincts, l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes ; 2° il
serait extrêmement désirable que, sur chaque feuille les ma-
lades fussent inscrits par rang d'Age, les plus jeunes étant
cités les premiers ; 3' chaque tableau devra indiquer, en au-
tant de colonnes distinctes : .
1. Le numéro d'ordre du malade sur le tableau ; '2" l'âge au
1 janvier 1907 (on comptera l'âge en années, en indiquant
comme âgé de 56 ans par exemple, le malade ayant, à cette
date, dépassé cet Age de moins de 6 mois, et comme âgé de 57 î
ans le malade ayant dépassé 56 uns de plus de 6 mois) ; 3
l'Age du malade'lors de son entrée ou desa première entrée
dans un établissement d'aliénés. 4. Le département d'origine
du malade ; 5° s'il y a lieu, le département, autre que le pré-
cédent, où le malade a contracté ses habitudes alcooliques ;
6° la profession.
4° Chaque tableau comportera une dernière co-
lonne dans laquelle sera notée la boisson habituelle qui
paraît la plus directement responsable de l'état du malade ;
on indiquera, en particulier, si l'absinthe doit être incrimi-
née à titre principal ou accessoire. 5° Nous aurons ainsi neuf
colonnes pour chaque tableau B ; elles seront disposées
comme suit :
2G6 HYGIÈNE PUBLIQUE.
B. - Alcoolisme compliqué de dégénérescence ou débilité
mentale ou d'hérédité alcoolique.
VARIA
Internat des asiles de la Seine.
Service des Aliénés de la Seine. Concours pour la nomi-
nation aux places d'interne titulaire en médecine, dans les Asiles
publics d'aliénés du département de la Seine : Asile Clinique,
Asiles de Vaucluse, Ville-Evrard, Villejuif, Maison-Blanche,
Moisselles, et l'Infirmerie Spéciale des Aliénés à la Préfecture de
police.
Le lundi 8 avril L907, deux heures précises, il sera ouvert, à
la préfecture de la Seine, à Paris, un Concours pour la nomina-
tion aux places d'Interne titulaire en Médecine dans lesdits éta-
blissements. Les candidats qui désirent prendre part à ce Con-
cours devront se faire inscrire à la Préfecture de la Seine, Ser-
vicedes Aliénés, annexe de l'Hôtel de Ville, 2, rue Lobau, tous
les jours, dimanches et fûtes exceptés, de dix heures à midi et de
deux, à cinq heures, du lundi 11 au samedi 23 mars 1907 inclusi-
vement.
Conditions de l'admission au Concours et formalités à remplir :
Pourront prendra.part au Concours des Docteurs en Médecine
munis du diplôme délivrés par les Facultés de l'Etat et les Elu-
diantsou Etudiantes en médecine, sans distinction de nationa-
lité, possédant seize inscriptions de doctorat. Les Candidats de-
vront, pour être inscrits au Concours, produire les pièces sui-
vantes à la Préfecture de la Seine (Service des Aliénés') ; 1° Ex-
pédition d'acte de naissance ; 2° Extrait du casier judiciaire ; 3°
Certificat de revaccination ; 4° Diplôme de docteur en médecine
ou certificat de seize inscriptions prises dans une des Facultés ou '
Ecoles de médecine de l'Etat. Ce dernier certificat devra indiquer
que l'intéressé n'a pas subi de peines disciplinaires graves ; ai
Certificat de bonnes vie et moeurs, délivré par le maire de la
commune ou le commissaire de police du quartier ; Go Certificat
de l'Assistance publique indiquant les services hospitaliers du
Candidat et témoignant qu'il n'a pas subi de peines disciplinai-
res graves.
Les Candidats devront en outre n'avoir pas atteint l'âge de
(rente ails révolus au 1er avril de l'année où aura lieu le Concours.
Les années de présence sous les drapeaux accomplies parles
Candidats français ne seront pas comptées dans ce délai. La liste
des Candidats sera close quinze jours avant la datd de l'on* erlure
du Concours.
Les épreuves du Concours sont les suivantes : 1° Une composi-
1101, écrite de trois heures, sur un sujet de pathologie externe
268 VARIA
(médecine et chirurgie). Il sera accordé trente points pour cette
épreuve. Elle pourra être éliminatoire si le nombre des Candidats
dépasse le triple des places vacantes. 2° Une épreuve écrite de
deux heures sur un sujet d'anatomie etde physiologie du système
nerveux. Il sera accordé vingt points pour celle épreuve. 3* Une
épreuve orale de dix minutes sur une question de garde. Sur ces
dix minutes, cinq pourront être utilisées par le Candidat pour la
réfleaion. Il sem accol'dé quinze points pour celte épreuve. 1 ai-
réflexion. Il sera accordé quinze points pour cette épreuve. Par
question de garde on doit entendre une épreuve orale relative à
la conduite immédiate à tenir par le médecin en présence d'un
cas clinique urgent de médecine, de chirurgie ou d'obstétrique.
Seront seuls admis dans la salle où aura lieu la composition
écrite, les Candidats porteurs d'un bulletin spécial délivré par
l'Administration et constatant leur admission au Concours. Le
sujet des compositions écrite est le même pour tous les Candi-
dats ; il est tiré au sort entre trois questions qui sont rédigées et
arrêtées par le .fury immédiatement axant l'ouverture de la
séance. Pour l'épreuve orale, la question sortie e>t la même pour
ceux des Candidats qui sont appelés dans la même séance. Elle
est tirée au sort comme il est dit ci-dessus. L'épreuve orale peut
être l'aile en plusieurs jours, si le nombre des Candidats ne per-
met pas de la faire subir à tous dans la même séance ; dans re
cas, les questions sont rédigées par le Jury chaque jour d'épreu-
ves, au nombre de trois, immédiatement avant d'entrer en
séance.
Les Candidats qui doivent subir l'épreuve orale sont tirés au
sort avant l'ouverture de chaque séance. ' L'épreuve orale est pu-
blique. Le jugement définitif porte sur l'ensemble des épreuves.
11 pourra être nommé des internes provisoires en nombre égal
au nombre des internes titulaires.
Les internes nommés dans l'ordre déclassement établi par le
jury d'examen entreront en fonctions le 1er mai qui suivra l'ou-
verture du Concours. La durée des fonctions des Internes titulai-
res est de trois ans ; celle des fonctions d'interne provisoire,
d'une année. Les fonctions d'interne dans les Asiles sont incom-
patibles avec les fonctions d'interne ou d'externe dans les hôpi-
taux, hospices ou autres établissements. Les internes provisoires
peuvent se représenter au Concours pour les places d'internes
titulaires, sous réserve des conditions ci-dessus. La répartition
des internes dans les divers services d'aliénés se fait au 1er mai de
chaque année. Les internes de première année choisissent leurs
places d'après l'ordre de classement. Pour les années suivantes,
le choix se fait suivant l'ordre d'ancienneté, tous ces choix ne
seront définitifs qu'après ratification par l'Administration.
A l'expiration de leurs fonctions, les internes qui auront sou-
tenu leur thèse pourront être autorisés à faire une quatrième
varia. 269
année d'internat etceux qui auront passé avecsucces le Concours
de I'adju\at pourront être maintenus en fonctions une. cinquième
année. Ce» prorogations seront autorisées par décisions préfec-
torales sur demandes motivées du chef deservice. Un interne ne
pourra rester plus de deux ans dans le même service ; toutefois,
cette règle ne sera pas appliquée aux internes prorogés, qui res-
teront atl'ecLés au ser\ ¡eu auquel ils étaient attachés, l'année pré-
cédant leur prorogation.
Les traitements alloués aux interne» sont fixés de la manière
suivante : ,
270 , VARIA.
.VARIA. 271
lui les questions relatives à l'éducation, au traitement, à l'étude
et il l'assistance de ces enfants ; 3° de vulgariser les résultats de
ses études parla voie de son bulletin officiel, de conférences, bro-
chures, etc. ; 4° de provoquer la fondation dans les villes imper-
tantes. et plus spécialement dans les villes possédant une Uni-
versité, de groupes régionaux, affiliés au Comité, mais autono-
mes ; ces groupes ayant pour mission de fonderou de faire fou.
der par les pouvoirs publics ou par l'initiative privée des établis-
sements médico-pédagogiques régionaux ou de patronner s'il y a
lieu les établissements de ce genre déjà existants ; de fonder ou
défaire fonder des asiles-ateliers pour anormaux adultes amé-
liorés ; de patronner, après leur sortie des établissements médi-
co-pédagogiques, les enfants anormaux guéris et de leur procurer
autant que possible les moyens de gagner leur viehonnétement ;
5° de participer par ses délégués aux travaux du Comité interna-
tional pour l'Elude de la Protection de l'Enfan ce anormale.
Le Comité comprend : 1° des memhres fondateurs, versant un
droit d'admission de 250francs et une cotisation annuelle de 20
francs au minimum ; 2° desmemhres honoraires versant une co-
tisation annuelle de 20 francs au minimum (cette cotisation peut
èlre rachetée par un versement unique de 250 francs ; il en est
de mèmepour celle des membres fondateurs ; 3° des membres
actifs versant une cotisation annuelle de 5 francs au minimum.
Le Comité public un bulletin : L'enfance anormale, sous la di-
rection deM. Louis Grandvillier., dont le dévouement est connu
de tous. Adresser les adhésions au secrétaire général, .\1. Louis
Orandvilliers, àMey7.ieu\(lsère), qui enverra sur demande le texte
complet des statuts. Nous ne saurions trop engager nos lecteurs
à encourager cette tI'uvre d'une utilité de premier ordre.
Enfants ARNORM.\UX.
Le numéro de janvier des .1 nnales de Lllliance d'hygiène sociale,
présidée par M. Casimir-Péricr, dont tout le momie regrette
profondément la mort prématurée, est consacré tout entier au
Recensement des enfants anormaux des écoles publiques de
garçons 'de la ville de Bordeaux. Ce recensement est exposé
dans le 'rapport général de la commission d'enquête présenté par
notre distingué collaborateur M. le I) Juan .\.BADDE qui mérite,
les plus grands éloges pour la façon dont il s'est acquitté de sa
lâche difficile.
Internat des asiles d'aliénés du NOUD. - Le jury du
concours d'internat dos asiles d'aliénés a été ainsi constitué. jDI.
les Prof. .0111BRDIeILR, président : SURJIONT. INGELRAS; les
11« CHOCHEAUX, médecin en chef de l>ailleul, Chardom, mé-
decin en chef de l'asile cI'.\I'll1enlièl'cs ; M. le D1' nAVIART, mé-
decin-adjointde l'Asile d'Arinentièrcs, juge suppléant.
FAITS DIVERS
Médecin honoraire de CHARENTON. - M. le I)1' AN-
THEAUME, démissionaire, est nommé médecin honoraire, en re-
connaissance des services rendus il la Maison nationale de Cha-
renton.
Asile public D'ALIÉNÉS de CLERMONT (Oise). - Une place
d'interne de médecine est actuellement vacante àl'Asile des alié-
nés de Clermont. Les avantages attachés à cette fonction sont les
suivants : Indemnité annuelle, 800 1'r. logement, nourriture,
blanchissage, éclairage et chauffage. Conditions : Nationalité
irançaise. seize inscriptions valables pour le doctorat en méde-
cine, certificat de bonne vie et moeurs. Adresser les demandes a
M. le directeur de l'asile de Clermont.
Asiles D'ALIÉNÉS. - Concours de l'adjuval. - Les candi-
dats au nombre de 26, ont eu à traiter comme question d'anato-
mie et de physiologie : Nerf optique, anatomie et physiologie. -'
Questions restées dans l'urne ; 1° Capsule interne : anatomie et
physiologie; 2° racines des nerfs rachidiens : anatomie et plysio-
gie. -Comme question d'Administration et de législation : 1°
Responsabilité des médecins-directeurs et des médecins en chef
dans les cas d'évasion, suicide, ou d'accidents graves. - Les
questions restées dans l'urine étaient : 1° Conditions juridiques
des aliénés internés et non internés (Leurs droits civils et politi-
dues) ? ? ° Des relations de l'aliéné avec l'extérieur (Visites el
correspondance. -1)ruitset obligations de contrôle du médecin).
Huit candidats appartiennent au cadre des Asiles delaSeine.
Le nombre des places à distribuer est de 8.
Séance du 4 mars 1907. Candidats admissibles aux épreuves
orales. -11\I. les docteurs Charpentier, 43 points 1/2 ; Du-
pouy. 42 p. ; Alaize, 40 p. 1/2 ; Audemard, 39 p. ; Robert, 38 p.
1/2 ; Rounean, aï p. 1/2; 5clwarlz, 37 p. 1/2 ; Albès, 37 p. ;
Courbon, 37 p. ; Arsimoles, 36 p. ; Fournial, 35 p. 112 ; Olivier,
- 3 p. 1,2 ; Olivier, 35 p. 1/2 ; Carrier, 34 p.; Loup 32 p. 1'2 ;
Corckel, 31 p. ; Courilhet, 3U p. 1/2 ; de Lavaissière, 30 p.
Asile d'aliénés DFLA,7EINE-INFÉIIIEURE. - Ni. CANTEL
a été nommé, après concours, interne titulaire à l'asile St-Yon.
Le jury était coin posé de MM. Pennètre, président ; ( : erné, Gi-
raud. Lallemand et Pochon.
Le rédacteur-gérant : BOUKEV]LLE.
Clermont (Oise). Imprimerie 1)aix Itères et. itnron.
Vol. 1. 3e Série. Avril 1907. No 4
ARCHIVES DE ..NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE
Formes mélancoliques de la démence précoce
(Période initiale) ;
Par \111e PASCAL.
t'1· avail Vu Service de M. Sémçrs. à la Maison de saule de
Ville-Evrard).
Guislain et Zeller affirmaient qu'au début de toutes
les affections de l'âme on rencontre une période
triste, la mélancolie. On sait actuellement que cette opi-
nion ne correspond pas il tous les faits cliniques et qu'il
y a des maladies mentales dont le début est caractérisé
par un état spécial de suractivité organique et d'exalta-
tion psychique. Toutefois la démence précoce, comme le
prouvent les statistiques, débute presque toujours (sauf
dans ses formes fébriles) par des phénomènes particu-
liers où se reflète l'abaissement du ton all'ectif et du ton
vital.
Au congrès de Lille, j'ai apporté le résultat de mes
études sur la période prodromique de 75 déments précoces
de la maison de santé de Ville-Evrard. Chez aucun de
ces malades je n'ai trouvé cette période d'excitation eu-
phorique ou de dynamie fonctionnelle que Maudsleya
signalée au début de la démence sénile et que M. Ilégis a
magistralement décrite à la période d'invasion de la pa-
ralysie générale. Il n'y a chez les déments précoces au-
cun état d'optimisme ni d'exaltation des facultés avant
la déchéance évidente ; de leur vie habituelle ils passent
.par une phase d'abaissement progressif de toutes les fa-
cultés psychiques et organiques où dominent la torpeur
et la dépression morale.
Archives. 3° sério, 1007, l I. 18
'274 clinique mentale.
En étudiant ces états dépressifs prodromiques, j'ai pu
isoler une forme neurasthénique, une tormeneurasthénico-
hystérique, et une forme mélancolique. La forme mélan-
colique de la démence précoce représente le plus haut
degré de la dépression physique et morale. -*
L'apparition des phénomènes aigus (conceptions déli-
rantes, hallucinations, anxiété, stupeur) pendant l'évo-
lution de cet étatdépressif, permet de considérer la mé-
lancolie comme une forme appartenant à la fois à la pé-
riode prodromique et au stade initial (début apparent)
qui nécessite l'internement.
Si lapériode prodromique appartient aux praticiens, la
période initiale est exclusivement du ressort des aliénis-
tes. Son étude est de la plus haute importance, car il s'a-
git de découvrir les traits fondamentaux de la démence
précoce au milieu des troubles aigus fortement dissem-
blables les uns des autres.
Commedans la paralysie générale et'la démence sé-
nile, sur le fond constant et essentiel de l'affaiblissement
intellectuel,se greffent des symptômes psychiques et dé-
lirants accessoires et variables. Ces phénomènes secon-
daires revotent l'aspect clinique de toutes les psychoses
aiguës. Ainsi, on rencontre au stade initial de la démence
précoce toutes les variétés psychosiques connues : états
mélancoliques; états maniaques ; états mixtes (mélanco-
lico-maniaques) : états conjllsiomzels : délires pseudo-
systématisés, etc.
M. Meeus,dans son remarquable travail sur la démence
précoce (1), oùil étudie 40 cas,nous donne des renseigne-
ments précis sur la période initiale (période d'augment),
de 29 malades.
. ,
10 cas : mélancolies.
8 cas : états délirants et hallucinatoires. <
7 cas : manies.
4 cas : stupidités.
M. le Dr Albrechl, de Riga 12J : apporte une statistique
(1) Merl·.- De la démeucel-rccoce. (Journal de Neurologie, 20 nuv.
1902).' .' Co)ilribiitioz à l'étiide de laç),iiplo)zalologie de la
(2) Aliirixiit. Contribution à l'étude de la symptomatologie de la
démence précoce (Allg. Zen. J. Psyciriatr., 1905).
FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRECOCE. 275
sur 202 déments précoces de l'asile de Treptow. Le titre
de démence précoce s'applique à la modalité mordide
décrite par Kroepelin. Ces démences précoces se décom-
posent ainsi : ,
82 démences paranoides. .
fi4 catatonies. ,
55 hébéphrénies.
La dépression a constitué le début de l'affection dans
la proportion de 5 : ! pour 100 à peu près ; elle a débuté
par de l'excitation maniaque dans lu % ; le début en a
été indéterminé dans B-1 %. La dépression initiale est
surtout fréquente dans la catatonie (63 % ) ; elle l'est
moins dans la démence paranoïde (52 % ), le début in-
déterminé et généralement chronique s'observe plus que
ladépression initiale dans l'hébephrénie ; le premier y
est de 43 % la seconde de 49 %.
M. Ley, médecin en chef de santé du Fort-JacoàUccle,
(Bruxelles) a bien .voulu nous envoyer la statistique
suivante : -
Il cas : états dépressifs,
4 cas : états confusionnels. '
2 cas : états mixtes 111a111aC0-(ll)l'PSSIf.
1 cas : stupeur. '
M. Baruk, médecin directeur de l'asile d'Alençon,
nous a également communiqué le résultat de ses recher-
ches portant sur 20 malades.
li cas : mélancolies.
6 cas : états maniaques.
5 cas ! confusion mentale.
2 cas ! démence d'emblée. ! cas : délire hallucinatoire aigu.
L'analyse des 20 observations publiées dans lu thèse
de Trepsat (1 nous permet de les répartir ainsi :
7 cas : mélancolies,
n cas : étals maniaques.
4 cas : états mixtes (mélancolie et agitation).
(1) Trepsat. Etude des- troubles physiques dans la démence pré-
coce. Thèse de Paris, 1 <.JO : ; ,
. 76 CLINIQUE MENTALE. '
3 cas : confusions mentales.
2 cas : début fébrile.
Dans la thèse de CUcnais (1), sur 10 catatoniques nous
trouvons :
7 cas : mélancolies .
(icas : états maniaques.
5 cas : états mixtes.
1 cas : confusion mentale.
Notre étude sur 75 déments précoces nous fait cons-
tater les faits suivants :
Période prodromique.
65 cas : états dépressifs (neurasthénies
1 et mélancolies). '
' , cas états neurasthénico-hystérifOl'me".
4 cas : états psychasthéniques (neurasthénies
avec obsessions et phobies.)
Période initiale.
35 cas : mélancolies.
21 cas : états mixtes (maniaco-dépressifs
ou états de stupeur suivis d'agitation).
13 cas : états maniaques.
4 cas : états confusionnels.
2 cas : délires pseudo-systématisés
iL base d'interprétation délirante.
Tous ces faits nous démontrent que les états dépres-
sifs prédominent non seulement à la période prodromi-
que, mais encore à la période initiale. Ils nous appren-
nent également qu'à la phase mélancolique succède
souvent une période d'agitation maniaque. Ces états
mixtes se trouvent à la période initiale de toutes les va-
riétés de la démence précoce : ils ne sont pas spéciaux à
la catatonie, comme l'avait établi Kahlbaum.
Les états mélancoliques symptomatiques de la démence
précoce ont été signalés depuis longtemps par d'émi-
nents auteurs : Kahlbaum, Haeker, l3rosius, Iaraszl : ie-
vicz, Kroepelin, Ziehen, etc.Tous ont insisté sur leur pré-
dominance au début de cette affection.M. Masselon,dans
(1) Ciiekais. Recherches sur les symptômes de la démence pré-
coce. Thèse de Paris, 1902.
FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 277
son intéressant ouvrage sur la mélancolie, en a montré
gaiement l'importance diagnostique et pronostique. On
peut donc affirmer que la dépression morale constitue
dans la majorité- des cas le fonds principal de la démence
précoce ; on l'y trouve à tous les degrés et sous tous les
aspects cliniques. On peut rencontrer sur une série de
malades différemment atteints ou suivre sur le môme in-
dividu toutes les étapes depuis la dépression simple
jusqu'à l'etat mélancolique le plus accusé (anxiété, déli-
re ou stupeur).
Nous avons vu en étudiant la forme neurasthénique (1)
comme les réactions individuelles' sont variables ;
nous avons vu également que c'est d'elles que dépendent
toutes les modalités et les nuances cliniques de la période
prodromique. Les dill'érences de sensibilité font les diffé-
rences de manifestations initiales. Les déments précoces
mélancoliques sont des malades qui, au début de leur
affection, souffrent de leurs modifications organiques et
psychiques. La souffrance met en évidence les qualités
de résistance et d'énergie vitales. Ce fait souligne ce
que M. Masselon a fort bien formulé : « La douleur mo-
rale est le résultat de la conscience que le sujet prend de
son arrêt mental par suite du relèvement de ses tendan-
ces fondamentales » .
Dans ces cas, la douleur morale luit un moment dans
le champ de la conscience et ne fait place qu'au bout
d'un certain temps à l'indifférence émotionnelle. Mais
la mélancolie comme la neurasthénie n'est qu'un voile
jeté sur la démence. Celle-ci se manifeste dans l'expres-
sion del'elatnzental,dans les conceptions délirantes etdans
les réactions morbides.
Troubles intellectuels. Lorsque le déficit intellectuel
est manifeste et la douleur morale passagère comme dans
les formes rapides (la catatonie principalement), le dia-
gnostic est plus facile à établir. Mais le plus souvent, le
déficit intellectuel est peu appréciable à cette période.
Pour en mesurer le degré, on est obligé de recourir aux
diverses épreuves employées pour l'évaluation de l'in-
(1) Mlle 1'A"C.\L,- Pseudo-rteurasthéuie prodromiquede la démence
précoce. <Presse\médicale, 19 jan\ ier 1907). -
278 CLINIQUE MENTALE
telligence. Les épreuves de Masselon (1), de Ziehen (2)
et d'h.bbinghaus (3), permettent de déceler les moindres
troubles de la synthèse mentale : attention volontaire,
attention spontanée, associations des idées, évocation
des images. Pour-Ziehen, il serait désirable qu'on lit de
telles recherches sur les individus sains et particulière-
ment sur les soldats. -Cet auteur a pu, grâce à ces procé-
dés, diagnostiquer trois cas d'hébéphrénie à début mé-
lancolique chez des jeunes soldats.
Les malades qui se plaignent spontanément se prêtent
plus facilement il l'examen clinique. Il faut alors les
écouter parler et analyser les raisonnements, les inter-
prétations et toutes les tentatives de ces malades pour
expliquer les modifications survenues dans leur état
mental. Griesinger écrit : La loi de causalité exige que
toute tristesse ait un motif et une cause,etc. » et M. Du-
mas dit à ce sujet : « C'est un besoin interne de logique,
une horreur inconsciente ou consciente de l'absurde qui
déterminent et coordonnent les associations d'idées ».
Dans la démence précoce, la conscience est moins
claire et le raisonnement moins bien marqué. Le ma-
lade sent les modifications de son état psychique, mais
il ne les explique pas avec la' logique des mélanco-
liques. Les associations des idées ne sont pas guidées
exclusivement par la douleur morale comme dans la
mélancolie , elles dépassent souvent son cercle étroit,
d'où l'absurdité et la contradiction des déductions et
l'impossibilité de se coordonner en un système délirant
fixe. « Les mélancoliques tendent vers l'équilibre ins-
table, ajoute M. Dumas, ils ne veulent pas être en con-
tradiction avec eux-mêmes ou avec les choses. » Par
contre, la synthèse mentale des déments précoces n'a au~
cime tendance à l'adaptation rationnelle.
M. Masselon (4) décrit l'état d'anxiété des déments pré-
coces mélancoliques, comme une activité mentale présen-
(1) IIIASI3t.ON. - Psychologie des déments précoces. Thèse de Pa-
ris, 1902. '
(2) TH. ZIEIOEN, - Die Di/Jel'elltial diagnose der iiielaizeholie und
der Dementia hebeahrenica, namentlich bei Soldatem. Sondernlulruk
aus der Leulltolrl-sedenkschril'l. Il. liand.
(3) Cité par Ziehen.
(4) MASSELON. - La mélancolie. r.Alcan, 1906.
l'ORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 279
tant visiblement l'empreinte de l'affaiblissement intel-
lectuel. G est une terreur intense, écrit cet auteur, une
crainte irraisonnée, accompagnées souvent d'une sorte
d'hébétude qui fait que le malade réagit automatique-
ment et violemment à la douleur morale qui l'oppresse.» »
Le diagnostic devient difficile dans les cas où les mala-
des gardent le mutisme. Il s'agit alors d'établir si on se
trouve en présence, d'une inhibition mélancolique ou
d'un barrage de la volonté de cause démentielle.
On aura recours aux moyens utilisables pour tous les
malades renfermés dans le mutisme. On essayera ainsi
de provoquer un « oui » ou un « non » ou un simple
mouvement de tète par des questions simples et sou-
vent répétées. Si on ne réussit pas, on cherchera à faire
écrire le malade spontanément d'abord, ensuite on exi-
gera des réponses par écrit; on peut également leur faire
copier des textes. ,
Dans ces épreuves écrites, on voit combien les asso-
ciations des idées sont correctes chez les mélancoliques
à part la longueur du temps, la lenteur d'évocation, et
l'introduction "d'idées délirantes) et combien elles'sont
troublées chez les déments précoces. Mais pour être
sur du diagnostic, il faut faire des examens cliniques
répétés, on peut même dire qu'il est impossible de se
prononcer à la suite d'un seul examen. Les gestes, les
attitudes et le moindre mouvement au cours de l'interro-
gatoire doivent être pris en considération. C'est ainsi
que Ziehen a pu établir un diagnostic très difficile chez
un malade dont tous les phénomènes (dépression, con-
tenu des idées délirantes, déficit intellectuel peu appré-
ciable) semblaient exclure la démence précoce. Son atti-
tude bizarre vis-à-vis du médecin (il s'amusait il le ta-
ter, fut le seul symptôme qui fit penser à la démence
précoce. Le diagnostic s'affirma par la suite.
Dans les cas difficiles, il faut une surveillance pro-
longée de jour et de nuit pour constater les réactions
anormales et les actes bizarres caractéristiques de la
démence précoce.
N. Tanzi, professeur il Florence, insiste sur ce fait que
l'état mental des déments p-,»-coces se manifeste mieux
dans ce qu'ils font que dans ce qu'ils pensent. C'estunvrai
2b0 CL1NIQL1; MENTALE.
délire des actes riche en extravagance et puérilités. Quel-
ques-uns de ces faits morbides se groupent en synthè-
ses partielles qui se détachent de plus en plus de la
conscience, tendent il devenir autonomes et finissent
même par être à un moment donné, prépondérants :
ce sont les premières stéréotypées.
Troubles affectifs. L'intensité de la douleur morale
n'a aucune valeur diagnostique ; il en est de même de
l'angoisse précordiale et des autres troubles physiques qui
accompagnent les crises paroxystiques. La disparition
des sentiments de famille n'est guère plus importante. M.
Dumas a cité des mélancoliques devenues complète-
ment indifférentes a l'égard de leurs parents. Les senli-
timents supérieurs comme la curiosité et l'intérêt, sont
émoussés dans les deux affections.
Par contre le début et l'évolution des troubles affectifs
sont de la plus haute importance. Dans la mélancolie,
la dépression et la douleur morale s'installent d'une fa-
çon aiguë il la suite d'un choc psychique. Dans la de-
mence précoce, comme nous l'avons vu en étudiant la
neurasthénie, on ne trouve pas toujours de causes mo-
rales et les troubles psychiques (amour contrarié, cha-
grins, jalousie) sont plutôt des effets que des causes Je
maladie (Daraszkiewiecz, Christian). La discontinuité
des troubles affectifs est le caractère le plus important
de la mélancolie symptomatique de la démence précoce.
Dans la mélancolie, la douleur morale tend àt progresser
ou à s'améliorer dans les cas bénins. Elle évolue sans
solution de continuité. Dans la démence précoce, la dé-
pression la plus profonde est interrompue par des réac-
tions morbides non adéquates l'état de tristesse et
d'abattement. Parmi ces réactions il faut signaler les
impulsions, les grimaces, les colères violentes, le sourire
et le rire sans motif. Ce dernier symptôme, d'une impor-
tance capitale, met en évidence l'absence de concordance
entre les réactions mimiques et l'attitude douloureuse du
malade.
Les explosions de rire brèves peuvent passer inaper-
çues, de môme les grimaces et les tics. La surveillance
prolongée est alors absolument nécessaire.
FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 281
CONCEPT10 ? S D1LIRANTES. -Les premières idées déli-
rantes sont les idées hypocondriaques, les idées de
transformation et les idées de négation. Elles sont en rap-
port avec des troubles cénesthésiques profonds et visent
il la fois le corps et l'esprit.
Ziehen insiste sur la prédominance des idées hypo-
condriaques d'origine sexuelle. Dans les formes mélan-
coliques, la nutrition générale est plus compromise que
-dans la neurasthénie, d'où un état cénesthésique plus
pénible et un délire hypocondiaque plus riche.
Les idées de transformation corporelle sont extrême-
ment fréquentes. Les idées de possession corporelle (dé-
lire métabolique) aboutissant des idées de transforma-
tion, représentent le plus haut degré des troubles cé
nesthésiques. Kraepelin considère les idées de posses-
sion comme un symptôme de catatonie, même en l'ab-
sence d'affaiblissement intellectuel. La rapidité avec la-
quelle s'installent et disparaissent ces idées pathologi-
ques est un de leurs caractères essentiels. Dans la mé-
lancolie elles ont une évolution lente, sourde et tenace.
L'idée morbide apparait comme un corps étranger hors s
de la personnalité et et peu ù peu, écrit M. Ribot (1) par
accoutumance, elle y fait sa place, en devient partie inté-
grante, en change la constitution et si elle est de nature
envahissante la transforme en entier ». '
Il y a donc une invasion progressive du champ de la
conscience par le sentiment de transformation et « toutes
les faibles ressources de l'esprit sont employées 'secon-
dairement àjustifier et a renforcer ce sentiment » (mas-
selon). Chez les déments précoces, les idées de transfor-
mation changent il chaque instant, se succédent sans
ordre ; les malades cherchent rarement à les justifier
spontanément et quand ils les expliquent les arguments
qu'ils donnent sont toujours absurdes. Un autre fait par-
ticulier à ces idées de transformation symptomatiques de
la démence précoce, c'est l'izpsence absolue du sentiment
d'effroi et d'épouvante qui les accompagne chez les mé-
lancoliques. Ce sentiment ne se trouve pas chez les dé-
ments précoces même pendant les périodes de lucidité
si fréquentes a cette période.
(1) Iiltmr. Maladies de la pérsoll11alité, page. 01.
282 CLINIQUE MENTALE
Idées de négation. Les idées de négation annoncent la
fragmentation de la personnalité physique et intellec-
tuelle. Elles sont secondaires aux troubles cénésthési-
ques et aux premières lésions delà synthèse mentale.
Ces idées pathologiques concordent bien avec la tendance
à nier spéciale des déments précoces. Il existe chez eux
toutes les variétés de la « folie des négations » depuis
l'entêtement simple, puéril et opiniâtre de la période
prodromique jusqu'au négatisme démentiel « automati- ,
que, universel, sans justification, sans délire, sans dou-
leur (Séglas) pathognomonique de la démence précoce.
Les idées de négation complètent ce syndrome. Elles
sont indépendantes du degré de la dépression morale,
on les trouve même, dans les états neurasthéniques
légers. Une malade de Ville-Evrard citée dans la thèse
de Monod (1\, écrivait au début de son affection. « Je ne
vois plus que des ombres ; ma famille, le monde n'exis-
tent plus ».
Comme les idées de négation qui surviennent dans les
formes mélancoliques delaparalysie générale, elles sont
asystématiques et épisodiques. Elles annoncent la dé-
mence et disparaissent avec la dissolution complète de
la personnalité. C'est en effet par des négations partiel-
les que les déments précoces mélancoliques arrivent iL la
négation totale de leur moi organique et psychique.
Lorsque la faillite psychique n'est pas considérable, les
idées de négation peuvent se fixer et persister jusqu à
une période avancée. M. Rogues de Fursac (2) cite des
cas de syndrome de Cotard.
Les autres conceptions délirantes présentent toutes
les nuances des délires tristes : idées de culpabilité, do
ruine, etc. Comme les idées de négation et de transfor-
mation, elles ont des épisodes aigus au cours de l'évolu-
tion du processus morbide et disparaissent sous l'effon-
drement psychique a la suite de l'effacement des images
mentales et des éléments affectifs aux dépens desquels el-
les s'étaient constituées. Ces idées ne constituent jamais
un système délirant de tristesse pure rattaché intime-
(1) MoNOn.- l'ormes frustes de la démence précoce. (le Pa-
ris, 1903.
(2) Boc;uhs de F'UI1S,\C, Précis de Psychiatrie.
FORCES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMbNCtS PRÉCOCE. 283
ment à la douleur morale comme dans la mélancolie.
Des idées étrangères aux états dépressifs s'insinuent
parmi les idées tristes ; ce sont particulièrement des
idées de grandeur et de persécution.
Cotard a signalé de vraies idées de grandeur dans la
mélancolie, elles ont surtout trait au passé, à l'ancienne
personnalité du malade, c'est un délire rétrospectif.
Dans la démence précoce, les idées de grandeur sont
niaises etpuériles et portent sur la personnalité actuelle.
Mais, fait particulier àces idées de grandeur des déments
précoces : elles ne s'accompagnent pas de cet état de cé-
nesthésie agréable, d'euphorie béate, de satisfaction et
de ce besoin de générosité, qu'on trouve chez les para-
lytiques généraux. Les déments précoces ne font pa,
de délire d'altruisme. Ils gardent, au milieu de leurs ri-
chesses et de leurs titres de prince, roi, financiers, un
faciès passif, indifférent (souvent pâle), dépourvu d'émo-
tion et un état de cénesthésie pénible.
Les idées de persécution existent. également dans la
mélancolie, mais leur tonalité n'est pas la même que
dans la démence précoce. Ce sont le plus souvent des
idées d'expiation que les malades acceptent sans réagir.
D'autres fois, ils cherchent à s'expliquer et surtout à
s'excuser ? iehcn dit qu'on peut appliquer à ces malades,
le proverbe suivant : » qui s'excuse, s'accuse ». Par contre
les déments précoces s'excusent pour se défendre. Au dé-
but de la mélancolie on peut rencontrer des idées de dé-
fense,mais celles-ci sont éphémères et font vite place à la
résignation. Dans la démence précoce, l'humilité et la
résignation sont des états transitoires et le malade passe
facilement de la défense -il l'accusation. Chez les mélan-
coliques les idées de persécution et les idées d'expiation
renforcent le système du délire mélancolique. Che1 les
déments précoces, elles tendent à désagréger les idées
existantes et à reconstituer un système nouveau qui ac-
capare toute la personnalité ou qui est remplacé lui-même
par d'autres idées délirantes appelées à disparaître avec
les progrès de la démence.
Hallucinations. Pour Ziehen., les hallucinations n'ont
aucune valeur diagnostique. Pourtant leur étude m'a a
28 i CLINIQUE MENTALE. ,
permis de distinguer certains caractères. Elles peuvent
manquer dans les deux affections, mais plus rarement
dans la démence précoce (forme simple de M. Sérieux).
Le plus souvent elles sont nombreuses et variables ; les
hallucinations cénésthésiques, tactiles et auditives sont
les premières en date et les plus fréquentes. l'our Wey-
gandt, les hallucinations génitales dominent la scène
dans l'hébéphrénie. Il faut apporter beaucoup de soins
dans leur recherche et analyser minutieusement le moin-
dre trouble accusé parles malades. Il est souvent diffi-
cile sinon impossible de les distinguer des interpréta-
tions délirantes. Les hallucinations sensorielles des dé-
ments précoces sont plus accentuées et moins éphémères
que celles des mélancoliques. Très souvent on remarque
des associations hallucinatoires diverses concernant au
même moment la même personne. Ainsi, un de mes
malades sent, voit et entend simultanément la même per-
sonne.
Les illusions s'amalgament aux phénomènes précé-
dents et les perceptions s'altèrent comme dans un
rêve. Les malades ne reconnaissent pas leurs parents
leurs proches, leur médecin. La multiplicité, la fré z
quence et la persistance de tous ces troubles sensoriels,
et leur combinaison avec les troubles cénesthésiques
(idées de transformation, idées de négation etc.; cons-
tituent un véritable syndrome céuesthésio-serrsoricl qui
masque à la phase initiale le déficit intellectuel. Les al-
térations de la personnalité des déments précoces sont
dues particulièrement aux troubles des perceptions sen-
sorielles et cénesthésiques.La conscience est donc atteinte
dès le début dans sa source même, d'où l'effrolldrement ra-
pide de l'édifice psychique.
Réactions morbides. Tous les actes et toutes les
réactions de ces malades portent l'empreinte de l'état
mental démentiel. Les tentatives de su : cide marquent
souvent le début de la démence précoce comme l'a signalé
Ziehen. Je les ai observées très fréquemment. Le plus
souvent on trouve qu'elles n'ont pas de motif et ne sont
accompagnées d'aucun sentiment de désespoir. Le refus
d'aliments (négativisme démentiel) les auto-mutilations,
FORMES MÉLANCOLIQUES' DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 285
les fugues (Deny et Roy, Ducosté) et tous les autres si-
gnes avant-coureurs de la démence précoce (1) particu-
lièrement les impulsions, les colères paies et le rire doi-
vent être pris en considération. La négligence de la tenue
et la malpropreté extrême peuvent aider à faire le dia-
gnostic. On peut même ajouter que les déments précoces
sont les plus sales de tous les aliénés.
L'attitude du malade, l'affaissement et son ex-
pression de tristesse ne sont d'aucune importance. Les
stéréotypies précoces peuvent être confondues avec les
mouvements monotones (décharges de la douleur) que
l'on trouve dans la mélancolie anxieuse. Parmi les signes
secondaires, il faut signaler le clignement des paupières
(Ziehen) ; les crises d'hypersécrétion sudorale (Ziehen, Trom-
ner)lasialorrhée (Tromner).J'ai constaté fréquemment les
crises d'hypersécrétion sudorale. Quant à la sialorrhée,
je l'ai rencontrée il la fois dans la l'hébéphrénie et dans
la mélancolie anxieuse. Le dermographisme et les trou-
bles des réflexes n'aident pas toujours à faire le diagnos-
tic de démence précoce.
Trômner et Dünton insistent sur l'hyperexcitabilité
mécanique du nerf facial,ce symptôme nous a paru assez
fréquent dans les états toxiques aigus (agitation, stupeur
etc).
Quant ù la stupeur de la démence précoce et son
diagnostic d'avec celle des lypéméniaques, nous n'a-
vons pas à nous en occuper ici. Elle a été l'objet de
nombreux travaux de la part des auteurs remarquables :
Delasiauve, Kahlbaum, Kroepclin. Séglas, Dunton, Claus
Ziehen, Deroubaix. Masselon, etc .
M. Régis, dans son excellent Précis de Psychiatrie
fait une étude parallèle et comparative d'un cata-
tonique et d'un mélancolique, tous deux en état de stu-
peur. L'auteur met en évidence avec beaucoup de finesse
clinique une série de nuances spéciales il la démence
précoce.
observation 1. Duc il l'obligeance de \IU. Lwo(l' et 13cnon.
(1) Lo= cit , p. 277. ,
280 CLINIQUE MENTALE.
Résumé : Anxiété extrême. Prédominance des idées hypocon-
driaques et de négation. Apathie. Aboulie. Déficit intellectuel.
«
Il s'agit d'une malade âgée de 21 ans, entrée il Maison-Blanche
au mois de lévrier 1905. -
Antécédents héréditaires. Pure mort d'accident, mère bien
portante.
Antécédents personnels. Jamais malade avant celle époque.
Aucune maladie infectieuse. A eu un enfanta 19 ans. -
Début. - Les premières manifestations deviennent évidentes
au mois de décembre 19(lu (il 20 ans).Ce sont de nombreuses idées
hypocondriaques. A cette époque, elle était en relation avec une
jeune lille morte de la tuberculose. Elle n'a jamais craché le sang
ni toussé. Elle se plaiij'naitd'etoun'er et d'avoir une douleur au ni-
veau de la poitrine. Ces symptômes augmentent en jaii iet-,eile
dit à Loutle monde qu'elle est poitrinaire et qu'elle va mourir. La
mort de son amie l'avait beancoup impressionnée. Elle se réveil-
lait au milieu de la nuit en disant : « ,le vais mourir ".«Je suis
perdue ». Elle ne coulait plus sortir, restait des journées entières
enfermée.
Malgré ses idées morbides, son état général se maintenait. Elle
mangeait bien. Pas de céphalée. Aucun trouble digestif. De temps
à autre, dit-elle, elle présentait des palpitations en montant les
escaliers. Elle consulte un médecin qui la traite pour l'anémie.
Son état ne s'améliore pas. Elle en xoif un autre, qui lui donne
des fortifiants. Finalement, elle consulte 1\1. le D" Charpentier.
Le certificat de ce médecin constate qu'elle est atteinte de c· )lé-
lancolie anxieuse avec idées pénibles et hypochondriaques variées.
Insomnie ». JI. le 1) Magnan signe le certificat suivant : 1)éprea-
sion mélancolique avec préoccupations hypocondriaques, décou-
ragement. Insomnie. »
Elle entre au mois de février 1905 dans le service de M. Lvvoiï.
Ce qui frappe tout d'abord à l'examen de la malade c'est son état
d'anxiété profonde. Elle se plaint de ne pas avoir de force dans
les côtés et au cretiz de l'estomac. Ce qu'elle mange ne lui pru-
lite pas. Elle sent qu'elle maigrit. Elle croit avoir perdu environ
10 livres. Elle dit qu'elle est gênée pour respirer. « .le ne peux pas
respirer jusqu'au fond ». Elle sent tout un \ ide dans l'estomac
quand elle respire. « .le sens bien que je ne respire pas comme
avant ·. La nuil, elle dort mal « parce qu'elle n'a pas de force
dans l'estomac». Elle s'inquiète de son étal el elle sent « que
tous les jours elle est plus mal ». (Iliaque matin à la visite, elle
formule les mêmes lamentations. «Elle ne sent elle a la
peau jaune ». Ellesupplie de prévenir sa mère de sa mort pro-
chaine. Les yeux en larmes elle insiste pour qu'on aille la cher-
cher de suite. « .le vais mourir, je n'ai plus rien. je sens que c'est
- FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 287
lilli», A cclà s'a,juule un état d'asthénie complète. Elle ne peut
plus se tenir debout, ses jambes n'ont plus de force pas plus d'ail-
leurs que « ses cùtés ».
Elle dit toujours, qu'elle a un trou, dans l'estomac. Si on leva-
mine cet organe, elle, abandonne l'idée émise pour en exprimer
une autre. « elle a les pieds glacés » etc. Elle pleure beaucoup el
elle conserve une attitude triste penchée ; elle aies mains sur son
estomac. L'état général reste bon. La malade ne maigrit pas.
Elle mange et dort bien. Pas d'idées de suicide.
Le 15 mars 10 ? onadu l'isoler parce qu'au milieu de la nuit
précédente, elle a réveillé la plupart des malades pour leur dire
qu'elle allait mourir. Elle réclamait sa mère « sa fin est proche »,
« Je suis la première jeune lille qui mourra sans revoir sa mère».
Cet étal d'agitation anxieuse dure quelques jours. Elle frappe les
vitres de sa chambre, supplient ceux qui la regardent de rester là
pour qu'elle ne meure pas seule. Elle répète tout le temps. « Je
suis à moitié morte, c'est fini".
' Le 18 mars. Elle resta cachée dan- le bureau de la sous-sur-
veillante. Ensuite,elle a cassé une chaine qu'elle a jetée dans les
cabinets. Elle a cassé un carreau pour aller voir sa mère qui est
malade. Toute la nuitdes lamentations. Elle sort de son lit pour
aller se coucher dans lelil d'une autre malade sous prétexte « de
s(' réchaul1'er ? - .
31 mars. Négativisme. 4 avril. Tentative d'évasion. Légère ex-
citation. Elle se cache dans les placards « pour s'en aller Les
troubles cencsthesiquessnnt profonds, elle a de nombreuses idées
de négation.
Tout son corps est mort, elle demande « de la faire ressusciter »
plie n'a plu- de cervelle "faite ? moi revenir mi cervelle qui est
vide, ma tête est toute verte ». «.le meurs, je ne saulrre 11 : lS,PU[ ?
que tout cela est mort » Elle garde longtemps la main droite ap-
pliquée sur la poitrine.
Les idées de négation dominent pendant longtemps la scène.
Elle est toujours mode, raide. corps est mort, elle ne peut plus
rien » ; sa poitrine est jaune etc. Plusieurs tentatives d'évasion.
Le- troubles cenesthesiques et ces phénomènes délirants se disi- ! '('nt pl'ot : : l'essill'll1('nl. Au mois cle se}Jtem/JI'e la malade ne parle
plus de ses idées hypocondriaques, u'cL plus anxieuse, ne cher-
che plus à s'évader, elle reste toute la journée assise, apathique,
aboulique, ne s'ol'clll'ant et ne s'intéressant à rien.
Sa tenue est négligée. Elle a beaucoup maigri. L'examen de
l'intelligence pt'rmet de conslaler un déficit appréciable. Elle e>l,
complètement désorientée. Elle ne sait Ila· où elle est, elle ne se
rend pas compte qu'elle a des aliénées autour d'elle. Les troubles
délirants n'uni laissé aucun souvenir dans son esprit, elle reste
288 CLINIQUE MENTALE.
comme obnubilée el inconsciente de son état. Elle répond par
monosyllabes. Son intelligence est paresseuse. Rien ne l'impres-
sionne, elle est complètement apathique.
Aucun travail nI) l'attire, elle ne parait avoir aucun désir, elle
ne se préoccupe plus de sa sortie, elle ne s'ennuie plus. L'indiffé-
rence, l'apathie, l'aboulie, l'asthénie et le déficit'intellectuel se
maintiennent et justifient le diagnostic de démence précoce posé
par 11. le I)' L\\ 011'.
Observation II. (Personnelle). Résumé. Troubles cénesthési-
ques variables. niées de culpabilité associées aux idées de gran
lieur et de persécution.
1. -,^tué de 26 ans, est entré à la Maison de santé de Ville-
Evrard en février 1899.
Antécédents héréditaires . Grand-père mort aliéné.
Antécédents personnels. - Bonne santé dans le jeune âge, Au
régiment, une congestion pulmonaire double. ,
Début. -Le premiers troubles paraissent en 1894, l'âge de 22
ans. Ce sont des phénomènes vaeues de fatigue et d'apathie. Le
malade est incapable de faire un effort ou de s'appliquer à un
travail sérieux. 11 a cherché ¡d'aire du théâtre. Sa mémoire était
prodigieuse. Les sentiments affectifs vis-à-vis de sa famille ? (\['-
faiblissent. Par moments, il a des accès de violence. Dans le mi-
lieu où il vivait, il passait pour un original à cause (le ses extra-
vagances. Progressivement son apathie s'accentue. A cette dé-
pression croissante s'ajoutent des conceptions délirantes mélan-
coliques. Il est très conscient de son état et demande lui-même à
èlre soigné dans un asile. Il entre ù Sainte-Anne. Le certificat
médical (1), Dubuisson) relate l'étal mental suivant .-Etal de mé-
lancolie anxieuse ; idées de culpabilité, impulsions, incohérence
dans les idées el dans les actes, mélange d'idées de persécution
et de grandeur. Hallucinations nombreuses, troubles cénesthé-
siques profonds, il s'imagine èlre hypnotisé et magnétisé par son
entourage. En effet, le lroublcs cénesthésiques semblent do-
miner la scène- Son esprit se déplace et son corps reste à Sainte-
Anne. Il a la sensation d'être souvent piqué à la fesse, lia de
nombreuses impulsions, des crises d'agitation dangereuses mais
de courte durée, elles sont suivies de période de calme. Il demande
lui-même à être mis en cellule et qu'on lui melte la camisole de
force.
Il passe 3 ans à Sainte-Anne, son affection s'aggravait de plus
en plus. Il est toujours déprimé et conserve les mêmes idées dé-
liranlcs. Il a de nombreux moments de lucidité pendant les-
quels il apprend des tragédies par coeur (théâtre de V. I luol tlu'il
FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DÉMENCE PRÉCOCE. 2SI
récite à voix haute. Des tics agitent sa face, particulièrement un
clignement des paupières. Rires explosifs au réveil.
A son entrée à la Maison de santé de Ville-Evrard, en 159fi, il
se trouve dans le même état de mélancolie. Il demande à aller
en cellule car il est le grand coupable ; il a tous les vices, c'est
un voleur, il a pris tous les sous qu'il a pu,il mérite d'être enfer-
mé pendant ans. /
Il reste des heures entières immobile à fixer le soleil, pour s'é-
tourdir et pour ne pas voir ce qui se passe en lui et en dehors de
lui. Il est d'un peuple conquérant, il faut qu'il satisfasse tous ses
instincts. Une voix lui dit qu'il est un « homme de génie ». Tous
les directeurs de théâtre le persécutent. Il refuse de manger par-
ce qu'il n'a pas gagné sa vie ; il refuse de même toutes les dou-
ceurs que sa mère lui apporte. Nombreuses interprétations déli-
rantes. Hallucinations de l'ouïe et de la vue. Il voità travers les
carreaux des enfants qui passent et il distingue la tête de tous
ceux qu'il connaît.
Il est toujours magnétisé, on lui envoie des courants à distance.
Il demande souvent d'aller en cellule, il ne mérite pas de 'vivre
au milieu des autres. Il s'excite facilement. Impulsions dange-
reuses. Attitude préoccupée et triste.
Instants lucides ,.où il lit beaucoup, mais presque toujours le
même livre. Parfois besoin de mouvement, il marche beaucoup,
il fait plusieurs ibis le tour du jardin, dans le même sens ; il fait t
souvent des sauts ou il s'étend par (erre. Explosions de rires fré-
quentes. Quand il cause, il s'anime, toute sa ligure se contracte
nombreux spasmes de la lace.
Réflexe conjonctiva1 normal, mydriase, pas d'Argyll ; réflexe
rotulien et des poignets normaux ; réflexe crémastérien aboli ; ré-
Ilexe plantaire, normal à droite, aboli à gauche ; réflexes massé-
térins normaux ; pas de dermographisme ; pas de clonus ; réflexe
abdominal normal à droite, aboli à gauche, sensibilité à la dou-
leur normale.
Observation 111 Ziehen : Die dillerential Diagnose der
lelancholie und der Dementia hoehephrenicn namentlich bei
Soldaten. Sonderabdndt aus der Leuthohl Uedenhschrifft. Il
Rand) Résumé. Idées (l'auto-accusation et d'expiation. Idées de
{/)'a ! t(eu) ? \''ottt&;'eMSg hallucinations. Anxiété extrême.
Il s'agit d'un malade âgé de 24 ans. de profession employé d'as-
suranceetcélibataire. Le père alcoolique s'est suicidé. Croissance
normale. Depuis longtemps des troubles neurasthéniques. Un
mois avant l'internement, première manifestation de la psychose
actuelle. Il affirme que ses camarades cherchent à le tromper et
que l'empereur a parlé de lui.
Archives, 3' série, 1007, t. I. , 19
290 CLINIQUE MENTALE.
A son entrée, le malade n'est pas du tout désorienté. Il parle
bas et d'une façon interrompue ; o-4 mots s'associent bien et puis
il s'arrête : il répète quelques mots trois ou quatre fois de suile.
Les manifestations caractéristiques de son état mental résident
dans les phrases suivantes :
« On est venu me chercher, parce (pie je suis malade et parce
qu'on a répandu le bruit que je menais une mauvaise ie..I'ai mis
du ten ps pour m'en apercevoir que j'avais tort..t'avais tout mal
compris. Ma \ie est manquée. Le jugement dernier approche. Je
dois subir ma punition ;.je dois expier ce que je n'ai pas bien fait
1). Quels sont ces choses ' ?
11. J'ai pratiqué l'onanisme et j'étais mécontent au Lravail..I'é-
tais aussi négligent parce que j'étais faible pour bien juger; je
dois aller chez lu médecin pour savoir si je 'vais être sauvé ou sije
vais mourir..le suis perdu et c'est une punition pour moi de lan-
guir et d'endurer une si forte douleur.
I). Quel âge avez-vous lt..le ne peux pas le dire.
D. Pourquoi . ! Il : Parce que c'est le jugement dernier, une voix
douce me l'a dit. d'autres voix se rapportent aussi à maladie, je
l'ai entendue de mes propres oreilles, mes pensées sont répétées
notamment toute la journée et même si haut que tout le monde
peut les entendre.
J'ai perdu mon nom, je suis dans un vrai enfer, je sais, je dois
expier tout ce que j'ai fait, j'avais tout à l'heure un trouble de la
pensée, je sais, que ce que je viens de dire ne partait pas du coeur,
ma conscience est chargée (le malade avait des idées de suicide
avant son entrée, il n'en a plus). On m'a empêché, et mon jour
de mort est passé : ma punition sera au jugement dernier ; l'en-
fer.
Examen de l'intelligence par une série de chiures.
,le ne veux pas répéter, je vais écrire d'après mon coeur, je
ne pense pas am chiffres, et je n'aime pas les écrire, parce que je
veux écrire spontanément, je sais queje ne suis plus bon pour
le monde, je suis condamné à morl, je suis damné pour Loujutua,
je voudrais revenir à Dieu.
1). Comment s'appelle votre père ? . .- 1 : ,- Jlon père était le
bon Dieu - ma mère est morte folle.
Après plusieurs questions, il donne enfin le vrai nom de son
pète. Il déchire sa chemise et dit : « ,le ne suis pas digne de la
porter.je dois mourir » Il montre sa main gauche « ("elle main
est lourde comme du plomb, cela doit être une puni lion. le diable
me tourmente, cette main lait mal n. 11 refuse de s'alimenter, l',
parce qu'il ne mérite pas et parce quecela ne lui appartient pas,
il est damné pour toujours, il est temps qu'il meure, les oiseau\
crient,on attend sa mort. L'empereur pitié de lui, de même
tout lierlin et toute l'Allelllao-ne, c'pst une voix inlérieuie qui le
FORMES MÉLANCOLIQUES DE LA DEMENCE PRÉCOCE. 291
lui dit : Tout le monde sera heureux quand il sera mort. l'en-
dant son séjour à la clinique, il l'l"te dans un état de dépression
prolonde-avec aoecÙs d'angoisses intenses.
OBS 1\ ? (Personnelle). Résumé : Etat mélancolique avec idées
d'auto-accusation et de grandew' passo{/13res. Prédominance des
troubles cénésthésiques et des idées de persécution. Démence para-
noïde se transformant en quelques mois en démence catatoni-
que.
11. \.... étudiant en médecine, âge de 30 ans. Débuta 18 ans
pai une longue période prodromique caractérisée par de la dé-
pression morale. Progressivement s'affirment divers phénomè-
nes psychaslhsniques : fatigue psychique ; sentiment d'incomplé-
tude : nombreuses obsessions et phobies ; idées hypocondria-
ques. Il croyait avoir toutes les maladies et redoutait les micro-
heÓ, Lorsqu'il recevait une lettre- de la part de ses amis méde-
cins, il prenait de nombreuses précautions antiseptique ? Cette
phobie fut la source des premioes idées de persécution qui pré-
cédèrent de quelques années l'internement.
Lesinterpretations délirantes, les hallucinations, les troubles
cénestbésirlues, la dépression morale avec des crises d'anxiété,
ouvrent la scène morbide de la période initiale. Il est obsédé par
des idées d'empoisonnement. Il a des battements de coeur et
des accès de suffocation, des bourdonnements d'oreille qu'il con-
sidère comme des troubles d'empoisonnement par le CO.
ll Iait plusieurs tentatives de suicide. Au mois de février IS'JJ,
il est interné à Sainte-Anne et le 5 avril de la même année, il
entre à la maison de santé de Ville-Evrard. 11 est déprimé et
triste ; il pleure souvent. 11 est très conscient de son état « .le
suis perdu. Õe vais mourir, je sens que je deviens fou >. Par mo-
ments, il a de véritables crises d'angoisse accompagnées de phé-
nomènes d'oppression et de battements de coeur.
1\ a une céphalée violente et dit avoir la téle en (eu et que son
cerveau tourne de l'axe du crâne. 11 ne veut pas expliquer la
cause de sa tristesse et dit avoir un gros chagrin depuis trois ans
Ces idées de grandeur, comme les idées de culpabilité et d'ex-
piation tendent à s'ell'acer de plus en plus. Ces dernières appa-
raissent encore dans les moments d'angoisse, mais mesure que
la maladie progresse, les (roubles cénesthésiques et les idées de
persécution tendent à occuper le premier plan.
Il sent continuellement des coups de couteaux qu'on lui en-
fonce dans le corps et du matin au soir son corps engraisse et
maigrit alternativement. Il reste immobile sur une chaise longue
des heures entières. Il est. sobre de gestes et de paroles.
Ces phases de dépression sont interrompues brusquement par
? ü2 CLINIQUE MENTALE.
des impulsions violente.11 s'est jeté plusieurs fois sur un infirmier
pour l'étrangler. D'autres fois, ce sont des explosions de'rires brè-
ves ou de véritables crises de « /'ou rire » durant environ une
demi-heure et finissant par des crises de larmes, qui viennent
interrompre la dépression. Dans ses écrits on remarque de nom-
breux néologismes. «Les tortures ne cessent pas,puisque c'était la
condamnation du système astral, la rotation xat aléti que etc.11 y a
impossibilité de communication par distalité d'expression etiilu.
sions sensorielles, etc. Parfois les phases de dépression alternent
avec des phases d'excitation de courte durée. Le malade marche
alors beaucoup, fait le lour du jardin, du matin au soir, dans le
même sens. Cette agitation est quelquefois muette,caractérisée uni-
quement par une richesse de restes et de mouvements. D'autres
fois il répète àhaute voix pendant 10 heures de suite, la même
phrase : « la ruine, la ruine ou la république », etc.
2(i Juin 1899. Attaques hystéJ'i/'onnes de 7, 8, minutes. Pas de
troubles consécutifs.
Août. Il reste inerte des journées entières.
Septembre. Rires et colères. On 1 hypnotise. Il se couche sur
le parquet dans ses couvertures.
Octobre. Impulsions. Il escalade la grille, puis, phase de tiis-
tesse et d'immobilité. Idées de suicide. Négativisme.
.Yovembre, Nouvelle tentative d'évasion. Il demande qu'on le
lue. « Il se sent mourir. »
Janvier 1900. Il demande du poison pim ils
Négativisme.
Février 1900. Stupeur. Catatonie, Cet état alterne depuis G an a
avec des phases de demi-stupeur et d'immobilité. Le malade a
présenté fréquemment des troubles trophiques. Actuellement, il
est dans la demi-stupeur.
« Je suis tombé neurasthénique comme une feuille morte.
personne ne veut le croire ». Il a de nombreux scrupules. Il
craint d'avoir dit des choses désagréables. « le demande pardon
des lamentables grossièretés auxquelles m'a poussé l'exaspéra-
lion la plus légitime. » Il s'accuse d'avoir fait du mal à ses amis
et à sa famille, mais à mesure qu'il cause le ton de sa voiv
change et passe rapidement de l'humilité et de l'auto-accusa-
tion à l'accusation pure.
« Depuis dix mois on me congestionne. Un m'a fait avaler
tous les poisons et tous les bacilles, sans que mon expérience ai
répondu autrement que par le sourire. On m'a placé ici sous
le coup d'accusation infamante d'espionnage, etc. Un sinistre
(,i-e(lin,l. Il. a profité de mon internement pour m'accuse('(1 être
un espion, de vouloir tuer mon frère, mesamis, les gens, d'avoir
négligé mon service, d'être un anarchiste, de conspirer contre
le gouvernement.
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 293
Les hallucinations sonl nombreuses et portent sur tous les
sens. Quelques voix lui souhaitent ironiquement « bonne nuit n
Ma mère est morte, entre elle et moi en lettres de fer'l' VELE E
existe une voix épouvantable qui tourne dans un espace d'as-
tres, les mots : « Tu -n fait du mzl, tu serai puni. » Je me sens
quelque fois obligé du répéter ces mots très rapidement ».
On me fait du mal,jour et nuit, minute par minute, je crois
pouvoir dire sans l'aire fausse route que ma pauvre cervelle si
obstruée pjr les poisons maçonniques, ne fut pas sans quelque
valeur. »
« J'accuse au moins ingt chefs maçons d'avoir essayé par haine
atroce de tuer deux fois mon père et d'avoir essayé de le rui-
net,». 1
De temps en temps il manifeste quelques idées de grandeur.
« La franc-maçonnerie a pour but de tuer mon génie, soit par
l'assassinat. soit par le Irauma des sensibilités contrariées. Mon
internement amènera le malheur universel. Depuis dix mois on
insulte en moi, l'art, la science et l'imagination créatrice ».
PSYCHOLOGIE
Sur la symétrie bilatérale du corps et sur l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères céré-
braux. (1)
(A PROPOS D'UN livre RÉCENT). ,
(Suite).
Pli- Cil. 13n1;,
Médecin- idjoiiil à l'asile de BI'3qllevilk
II. VALEUR PSYCHOLOGIQUE
A l'état normal « la coordination entre les deux activi-
tés est complète, ces deux activités n'apparaissent plus
distinctes et nous avons le seulement de notre unité »
(p. 25). Mais plusieurs catégories de faits anormaux peu-
vent mettre en évidence l'indépendance des co-êtres,
« soit que l'anomalie soit durable, comme il advient dans
les maladies mentales, soit qu'elle n'ait qu'une durée pas-
. (1) Voirie numéro de mars, p. 177.
204 ' PSYCHOLOGIE.
sagère comme dans les cas d'hypnose » (p. 26). C'est donc
à la simple analyse de quelques observations de troubles
de la personnalité que l'Auteur va demander la confirma-
tion du duplicisme, après quoi il n'aura « plus de preuve
directe à apporter n (p. 49). Pouri;ant-,toutes les cbserva-
tions qu'il cite sans même s'être reporté aux documents
originaux ont été déjà maintes fois données comme argu-
ments en faveur de l'indépendance des deux hemisphèles
dans des théories qui,au point de vue spécial envisagé
dans ce chapitre,ne diffèrent en rien de celle de l'Auteur.
Deplus il a'ét'é démontré à plusieurs reprises,soit pour cer-
taines observations' en' particulier (Séglas, 1903 ; Janel
etc.), soit d'une façon générale dans de nombreux travaux
psychiatriques récents que ces observations ne prouvaient
rien en faveur de la*théorie pour laquelle on les cilau
N'importe : l'auteur délaiss^outes ces objections ou plu-
tôt néglige de parti pris la conception moderne qui a rem
placé la théorie qu'il pl ésente en la donnant comme
sienne ; il se targue de quelques concessions faites par des
représentant-, de la doctrine classique et qui aujourd'hui
ne sont plus admissibles (Ribot. 1884) pour les raisons
données dans le chapitre précédent. Nous allons examine¡
les interprétations qu'il propose après tant d'autres
(Dumontpallier, Bé,'ilion, : \Jagnin, Magnan, Luys, Bail,
Myers etc.) (A),avant de passer aux attribut ? des coêtres
(B), puis à lem fonctionnement et à la iormation du moi
f C)..
A. Arguments TIRÉS DE la psycho-pathologie.
Onsaitdepuis longtemps quelles sont les conditions psy-
chologiques des troubles de synthèse mentale observés à
l'état normal ou pathologique, par exemple chez certains
dégénérée, les hystériques, les spirites, au coins de l'hyp-
nose, troubles qui, de la simple impression non connue
sur le moment, ou des modifications passagères de la
coenesthrsii' et du caractère,vont jusqu'aux altérations
profondes et persistantes de la personnalité. Les travaux
de.Ribot,Pierre Janet,A.Binet,Pitres et d'un grand nom-
bre de psychiatres contemporains ont rattaché' ces faits
à d'autres plus.simples et déjà connus, de manière à en
élucider parfaitement le mécanisme, et à créer pour leur
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 295
étude une nomenclature aujourd'hui bien arrêtée et ab-
solument justifiée.
La condition principale qui fait qu'une sensation se lie ou est ca-
pable d'être rattachée par la mémoire à la masse de celles qui l'ont
précédée depuis un certain temps,est la persistance du fond ceenes.
thésique, ou, en d'autres termes, de l'état affectif, des sensations
internes : et de l'état des organes sensitive -sensoriels : si la
coenesthésie s'est profondément modifiée, si de vastes anesthésies
tactiles sont survenues depuis peu, les sensations nouvelles venues
pourront ultérieurement s'évoquer réciproquement : elles auront
constitué une nouvelle série ; mais cette série restera indéfiniment
indépendante de la première : le lien de chaque série ou état de
conscience est représenté par le sentiment que le sujet a de son
identité personnelle depuis le début de la série présente. Celle-ci
peut prendre fin et céder la place,ouàune nouvelle série,ou et plus
souvent, à la série antérieurement commencée.La cause de ce chan-
gement, quelquefois spontané en apparence, réside dans le retour
brusque des principales conditions organiques et psychiques de
l'état rappelé : modification de la coenesthésie,de la sensibilité cu-
tanée ou sensorielle, survenance d'une sensation forte et à teinte
affective accusée, ou bien banale en soi mais solidement et exclusi-
vement associée dans l'esprit du sujet à un état de conscience
donné.
On dit avec raison que dans tous ces cas il y a des consciences,
voire même des personnalités successives : quoique chaque état
comprenne nécessairement beaucoup d'éléments communs à tous,
il ignore le plus souvent ces autres états ; lorsqu'il les connaît, c'est
ordinairement indirectement et sous l'aspect d'une personnalité
étrangère. D'autres fois, par exemple dans la suggestion sous hyp-
nose, on voit une sensation fortement affective, riche en associa-
tions de toutes sortes, survivre à l'état de conscience au cours du-
quel elle a été reçue et se prolonger dans l'état suivant, dans la
veille : elle est alors active mais agit sans être distinguée, ni
même connue : les associations qui la représentent se mêlent ou
s'adjoignent à la plupart de celles de l'état de veille, et,sans que le
sujet s'en rende compte, elle influe puissamment sur sa conduite et
ses actes : un tel processus est dit subconscient et se rapproche na-
turellement des « perceptions incomplètes » de Leibniz, c'est-à-dire
de toutes les sensations restées au-dessous du seuil de la conscience
mais capables de le franchir sous l'action de leur sommation ou d'une
cause étrangère. Celle-ci est le plus souvent la création de « l'état
fort » au cours duquel les sensations en question ont été reçues : ce
mécanisme est d'observation couran te dans la vie psychique nor-
male : un ébranlement non perçu, à peine senti au cours d'une pré-
occupation, crée cependant un état sous-jacent qui survit au pre-
290 PSYCHOLOGIE
mier et dont la cause n'est souvent connue que tardivement et in-
directement ; ou bien, sous l'influence d'une impulsion à peine
consciente ou inconsciente survenue au cours d'un état d'atten-
tion profonde, un acte est commencé ou même parachevé avant
'que son motif, inconnu ou oublié, ne soit cherché puis trouvé.
Ces exemples forment transition avec les faits également classi-
ques que l'on désigne sous la rubrique de cas de double conscience
simultanée, et qui, comme les précédents, ont leurs degrés inférieurs
représentés dans la vie normale : l'artiste qui, en peignant, cause
avec son modèle, l'orateur qui se critique en parlant, l'hôte qui
compte les coups de chaque heure en écoutant son mterlocuteur,
n'ont pas deux consciences, mais deux séries d'associations, séries
dont, le plus souvent, l'une est réglée d'avance.Chez les sujets à
synthèse mentale insuffisante ou sujette à se restreindre, chaque
groupe pourra devenir indépendant de l'autre, et alors, ou bien
être connu du sujet alternativement avec cet autre, ou bien ne pas
l'être du tout, sortir définitivement du domaine de la conscience,
mais pourtant se manifester à l'extérieur non seulement par des
actes réflexes tels que la mimique, ou par des actes appris et coor-
donnés depuis longtemps, mais par des actes complexes et d'une
exécution longue, conjointement, cela va sans dire, pourvu que les
manifestations motrices puissent coïncider, avec ceux de l'état
conscient.
Ce cas conduit au groupe très important des associations entre
états ou syndromes organiques et états de conscience. Dans tous
les cas de synthèse mentale défectueuse il peut y avoir groupement
exclusif de représentations organiques et, de plus, association du-
rable de ces groupements soit entre eux, soit avec une série donnée
d'états de conscience, c'est-à-dire une personnalité. Ainsi, le sujet
associe la représentation des mouvements de la moitié gauche de
son corps ou de son bras gauche avec celle de la sensibilité ou de
l'ensemble des sensations du côté gauche ou du bras gauche. Dans
les cas précédemment envisagés, il avait formé des groupements
de représentations de mouvements ou de sensations, considérées
dans le temps : maintenant les mouvements, sensations sont consi-
dérés et groupés d'après leurs rapports connus dans l'espace. La
cause de ces groupements n'est pas complètement élucidée.ouplu-
tôt, s'il est possible de les rattacher dans certains cas à des circons-
tances particulières, on n'a pas encore dégagé leur mécanisme gé-
rai : il est certain seulement que l'introspection joue un certain
rôle dans ces associations et qu'elles sont le plus souvent de pures
créations de l'esprit du sujet.
Une fois établi, ce groupement de représentations organiques
peut s'associer, et le fait affectivement souvent et pour des causes
multiples, avec une série synthétique d'états de conscience suc-
cessifs, c'est-à-dire une personnalité bien distincte ou une mnclifi-
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 297
cation plus ou moins profonde du caractère et de la mémoire, avec
persistance de quelques idées et souvenirs communs à plusieurs états.
Plusieurs conjonctures sont alors possibles : si le groupement de
représentations organiques est dominé par une idée mhibitrice, la
série consciente jointe à ce groupement s'accompagnera de paraly-
sie ou d'anesthésie, ou de l'une et de l'autre diversement réparties.
Si le groupement organique ne contient pas d'élément inhibiteur,
son entrée en scène se manifestera par des mouvements ou des con-
tractures, des illusions et des hallucinations, les uns et les autres lo-
calisés.
Enfin,l'association de la personnalité avec le groupement de re-
présentations organiques permet le rappel de l'un par l'autre : de la
personnalité.par exemple, par l'anesthésie créée par le transfert ;
ou bien,les modifications oenesthésiques ou une sensation forte et
remplissant certaines conditions ayant produit le retour apparem-
ment spontané de la personnalité, les troubles organiques survien-
nent en même temps. L'exemple est aussi bien connu du rappel
d'une série donnée d'états de conscience par la suggestion de l'in-
capaciîé fonctionnelle d'un organe, d'un groupe de muscles.ou des
deux à la fois.
Qu'ils soient spontanés comme dans la catégorie des sujets
tarés, dont les hystériques sont les mieux caractérisés, ou créés
par l'hypnose, ces groupements ne sont jamais guidés par la to-
pographie des divers centres intéressés dans toute l'étendue du
névrax et principalement dans le cortex, mais uniquement par
la représentation subjective des fonctions intéressées : en d'autres
termes.ils sont.et de par leur seule topographie,d'origine manifes-
tement psychique et non pas organique.le sujet associe,par exem-
ple, les sensibilités tactiles du côté gauche aux sensibilités spécifi-
ques de la narine gauche de la moitié gauche de la langue. la vi-
sion par l'oeil gauche et non pas à la vision dans la moitié gau-
che des champs visuels dea deux yeux ; la motricité des deux
membres gauches à la motricité volontaire et réflexes de la moi-
tié gauche de la face. Les zones anesthésiques ou hyperesthésiques
auront une topographie particulière, ni métamérique, ni radicu-
laire, etc., mais déterminée parla représentation régionale que
le sujet a de son propre corps.
On connaît les différences de l'hémiplégie, de l'hémianesthésie e
organiques et de l'hémiplégie et surtout de l'hémianesthésie hys-
térique : rien ne met mieux en relief le rôle au premier abord si
hypothétique des représentations fonctionnelles dans l'esprit du
sujet : rien non plus ne montre mieux l'absence de toute corré-
lation entre les troubles organiques à localisation hémiplégique
et la topographie des centres nerveux des fonctions compromi-
ses, la division anatomique du névraxe en deux moitiés symétri-
ques. Le sujet ignore la localisation unilatérale des centres du lan-
298 PSYCHOLOGIE. 1
gage. Aussi les troubles aphasiques de cette fonction ne font-ils
pas partie des syndromes hystériques classiques, ou bien et de
même que le mutisme, surviennent-ils dans des circonstances
(coïncidence avec d'autres troubles) qui mettent elles-mêmes en
évidence leur origine inorganique.
La représentation, l'idée que le sujet a de chaque fonction ne se
borne pas à agir sur la topographie et le groupement des troubles
organiques : on peut encore déceler son rôle dans chaque trouble
considéré isolément et, montrer ainsi que ce trouble diffère essen-
tiellement du trouble organique au premier abord identique.Ainsi,
quelle que soit sa cause occasionnelle, la dyschromatopsie pour
une couleur donnée, est toujours basée sur l'idée,nécessairement
incomplète,que le sujet s'est formée de la perception de cette cou-
leur : l'hystérique qui ne voit pas le rouge perçoit cependant nor-
lement le blanc composité dû à la fusion des trois couleurs dites
primitives. De même.une main anesthésique aux pressions légères
et profondes conserve cependant la stéréognosie dans certaines
circonstance. Dans l'amaurose hystérique unilatérale, l'oeil atteint
fonctionne dans la vision binoculaire, ce qui rend le diagnostic avec
la simulation quelquefois très difficile.
L'alliance entre certaines séries d'états de conscience etcertams
troubles organiques dépend donc de circonstances fortuites et est
gouvernée'pour ainsi dire par l'idée que se fait le sujet du fonction-
nement des 'organes atteints-. Mais la localisation des troubles or-
niques peutêtre modifiée par des causes internes, que le change-
ment s'accompagne ou non de modifications de l'état mental. La
thèse de Lebar (Paris 1906) (d'après une analyse de ]aPresse Mê-
clicale),contient des faits très intéressants de transfert d'une anes-
thésie et d'une hyperesthésie sous l'influence de la survenance de
lésions' viscérales unilatérales aiguës : les troubles de la sensibilité,
passagers ou permanents, peuvent en outre présenter la même to-
pographie que des troubles moteurs, vasomoteurs, trophiques etc.
L'auteur rapproche tous ces faits observés chez des sujets indem-
nes de toute névrose, de certains accidents hystériques connus et
cite à cette occasion une remarque de Brown Séquard sur l'exal-
tation passagère de la sensibilité du même côté par une irritation
quelconque du système nerveux, avec abaissement du côté opposé
(1882). Dumontpallier en rapportant ses expériences de transfert
par la métallothérapie, le « soufflet capillaire ». la pression sur la
tête etc, avait souvent fait allusion à la constance de la somme de
sensibilité manifestée sur toute la surface du corps.
Le théoricien du dupliscime, en rapportanten faveur de
sa thèse quelques-uns des faits dont nous venons de rap-
peler le mécanisme, a repris la nomenclature qui leur est
SUR L SYdfl ? TRI1; BILATÉRALE DU CORPS. 20J
attachée, De celle-ci il fait deux paits, rejette l'une et
adopte l'autre : « La subconscience de M. Janet n'est
évidemment qu'une hypothèse bin plus digne d'un mé-
taphysicien que d'un psycho-physiologiste » (p. 37).
Pourtant, l'Auteur adoptera plus tard et sans remar-
quer la flagrante contradiction, la division introduite
par Leibniz entre les perceptions normales et « les petites
perceptions sans aperceptions .... que nous laissons
passer sans réflexions et même sans être remarquées »
(p. 59 et 60) : les premières seront celles de l'être complet
les autres celles du coêtre. L'exemple rapporté d'après
Leibniz est même étonnamment semblable à celui rapporté
(p. 29),d'après Harald-Hâffding et à propos du quel l'Au-
teur tourne en ridicule la théorie de la subconscience.
N'importe pour le moment, celle-ci n'est qu'uno imagi-
nation des « physiologistes » (p. 32).« Ce n'était pas assez,
dit le dupliciste, d'avoir, grâce à Rousseau, cette « cons-
cience, conscience ! voix divine ! »que nous ne savions où
placer d'ailleurs. Il nous en faut deux maintenant, une
conscience. et une subsconscience qui feront même par-
fois mauvais ménage »(p.32). Nous rencontrerons encore
nombre de passages mettant absolument hors de doute
l'invraisemblable confusion commise par l'Auteur entre
la conscience morale et la conscience proprement dite.
Quant à la « conscience successive de M. Ribot [que
l'Auteur oppose à la subconscience de M. Janet (p. 371,
vaut-elle mieux ? » Non : dans les cas visés il y avait
« simultanéité » ; de plus « s'il faut que j'admette que
l'homme a le don d'une conscience protéique (sic), il est
logique d'admettre que son semblable qui sera doté du
même privilège, le saura de science certaine, en sorte que
le phénomène serait tellement naturel pour tous les hom-
mes qu'il ne serait pas venu à l'idée de M. Janet et de M.
Ribot d'en chercher une explication ». (p. 37 et 38). Les
«savants qui connaissaient tous le dualisme organique,sans
se douter qu'ils se le cachaient à eux-mêmes sous le nom
de symétrie » (p. 31) et auxquels « Chabry vient démon-
trer qu'effectivement les deux individus existent )) (p. 32),
ont donc à plaisir imaginé, pour ne pas se rendre à l'évi-
dence, « sous l'empire d'un préjugé d'éducation » (p. 30),
des « rouages moraux aussi compliqués sinon plus que la
300 PSYCHOLOGIE.
Grâce divine de nos aïeux » «p. 32). « 0 métaphysique ! 1
voilà de tes coups ! » (p. 32). Mais si « les hommes de
science sont les derniers à voir ce qui saute aux yeux n
(p. 31), la vérité s'est pourtant imposée, et.à contre coeur
sans doute, ils ont, en exposant les faits, parlé « de deux
personnalités ayant chacune sa mémoire » (p. 30),
« d'une double conscience simultanée » (p. 29) ; ils ont
eux-mêmes décrit des troubles dans lesquels, de leur
propre aveu « il semble qu'il y ait deux moi... deux per-
sonnes ayant chacune sa mémoire, sa synthèse » (p. 30).
Ces propositions, l'Auteur les adopte tout en les dé-
tournant de leur signification. Son « sentiment d'humble
ignorant », c'est qu'il faut « tenir compte de ces appa-
rences que tous constatent l'un après l'autre et reconnaî-
tre en elles la réalité ... l'homme se révèle sous l'analyse
hypnotique mentalement' double parce qu'il l'est »
(p. 33).
Le simple exposé des faits va donc suffire à l'Auteur,
non seulement pourmontrer la double individualité,mais
pour mettre en parfaite lumière tous les détails de la psy-
chologie des co êtres : des données biologiques qui prou-
vent d'après lui la bi- individualité organique,il passe di-
rectement aux faits pathologiques qui prouvent le dou-
ble individualité psychique, sans avoir eu soin de définir
auparavant les attributs des co-êtres, de montrer com-
ment la physiologie et la systématique qui s'adaptaient
à la formation directe d'une conscience unique condui-
sent en réalité à l'existence de deux consciences inter-
médiaires, de suivre pas à pas la formation de ces deux
consciences en partant des organes ou paires d'organes
viscéraux, moteurs, sensoriels, communs pour la plupart
aux deux individus, d'expliquer enfin comment un des
co-êtres peut temporairement dominer l'autre et « gou-
verner » la personne entière.
La valeur probante n'est pas même restreinte aux cas
de troubles de la synthèse psychique accompagnés de
symptômes organiques unilatéraux, le dipsomane « qui
se réprouve pendant qu'il boit »,les « personnes lunatiques
qui par périodes sont aimables ou hargneuses» (p. 47)
témoignent également d'une modification « de la relation
entre nos deux coêtrcs » (p. 47). Les cas avec symptômes
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS ? 101
organiques auraient en effet prouvé une fois pour toutes,
et par la seule coexistence de ces symptômes,que la dualité
des hémisphères est en cause pour les troubles de la per-
sonnalité, des plus simples aux plus complexes, et
même accompagnés de symptômes organiques bilaté-
raux, qu'un hémisphère peut avoir son « caractère » et
régir à lui seul une longue série d'états de conscience.
Le lien est évident; nul besoin d'explication : c'est une
localisation nouvelle dont il n'y a plus,qu'à trouver la
place. Mais, comme on devait s'y attendre, l'incompé-
tence de l'Auteur en toutes lesbranches de la neurologie,
après lui avoir permis de citer en faveur de l'indépendance
physiologique des hémisphères, des faits qui impliquent
leur synergie, l'a amené à attribuer implicitement à l'un
d'entre eux (le droit),en même temps que la persistance et
la réapparition d'un état de conscience donné, des trou-
bles (aphasiques) qui relèvent de l'hémisphère gauche !
On peut diviser en deux catégories les faits rapportés
suivant qu'il y a simultanéité ou succession de « cons-
ciences » et absence ou coexistence de symptômes organi-
ques, unilatéraux ou bilatéraux, mais dimidiés.
1° Dans la première, deux moi se succèdent sans signes
organiques dimidiés. Tel est le cas de cette « démente »
alternativement religieuse et prostituée que l'Auteur cite
(p. 41) après Ribot : « Nulle théorie dit-il (p. 42), n'a ox-
pliqué jusqu'à présent de manière satisfaisante la re-
d'activité entre les deux personnalités ». Cette périodicité
constitution d'une personnalité et surtout la périodicité
effet ne peut pas faire l'objet d'une explication générale,
mais les difficultés que cette explication, rencontrerait,
sont bien plus complexes dans l'hypothèse de l'Auteur : En
admettant même que chaque moitié physiologique du cer-
veau puisse « gouverner» l'autre (1) et.par elle, tout l'or-
(1) Une intéressante observation d'apraxie unilatérale parue le 1 :
mars 1907) nu cours de la correclion de nos épreuves, nous paraît
devoir être brièvement mentionnée ici ainsi que quelques obser-
vations antérieures semblables. Elle sera d'ailleurs analysée et cri-
tiquée ultérieurement dans ces Archives.
En 1902, meuler avait publié un cas de « délire unilatéral », dé-
lire des actes de la moitié droite du COI'p8.11 admet'ait. la possi-
bilité d'une « séparation fonctionnelle transitoire » des deux moi-
tiés du cerveau et faisait remarquer que, pour un autre cas (Licp-
302 -> PSYCHOLOGIE.
ganisme, il faudrait avant tout démontrer que les im-
pressions et états de conscience anciens, dont le réveil-
constitue l'une des personnalités alternantes, ont eu leur
siège préféré sinon exclusif dans un des hémisphères ; il
s'agit bien, en effet, de la mise en jeu des centres des hé-
misphères, d'après la seule « explication » que l'Auteur
donne : « Quand les conditions de la relation entre nos
deux co-êtres se modifient, il y a trouble moral ...léger...
ou très grave,comme chez cette malade qui voulait pério-
diquement etc. » (p. 47). Or,n'est-il pas indéniable que
tuanu, I ! 101) analogue, il était également logique de penser a une
certaine « unitatératité des fonctions psychiques )). ». Mais le malade
de Bleuler était atteint de paralysie générale et par conséquent
peu propre à l'étude des questions ici envisagées eldéjà abordées à
propos des agnosies unilatérales (voir p. 000)7
Plus récemment, il propos d'une observation nouvelle, Bleuler a
précisé son hypothèse : « Dans beaucoup d'étals pathologiques et
peut-être même à l'état normal dans les processus psychiques com-
pliqués, un seul aurait (batte) la direction, de telle sorte qu'il se-
rait le siège de tous les processus essenliels, tandis que l'autre ne
jouerait qu'un rôle secondaire ». (Abraham. 1907, page 220). Abra-
ham remarque à son tour que cette manière de voir est devenue
très plausible « depuis que l'on sait que les hémisphères
peuvent agir indépendamment l'un de l'autre ». Le malade
à propos duquel il invoque cette notion présentait, consécutive
nient à une hémiplégie droite avec aphasie sensorielle guérie, de
l'apraxie des deux membres droits. De plus l'intervention de la
main droite gênait ou empêchait l'exécution des actes commencés
et facilement exécutés par la main gauche seule à l'état normal.Les
actes commencés « sous.la direction » de la main droite ne pou-
vaient être menés à bonne fin malgré l'intervention de la gauche.
« L'état de conscience correspondant (die aktuelle Psyché) serait
dit Abraham, profondément altéra par le fonctionnement faux ou
insuffisant des centres de l'hémisphère gauche, tant que cet hémis.
phère à la direction. Par contre, le trouble (des centres de l'Itémis-
phère gauche) n'aurait (halle) aucune influence sur les états de
conscience dont lesubslratum est dans l'hémisphère droit (aufdic
von der nechlen ttemisphare gefuhrte Psysche).
Ce terme de psyché, probablement choisi pour son imprécision
même est, de toutes façons, trop compréhensif. Admettons que,
dans les cas envisagés, la conscience ait pu avoir pour subs-
trat les engrammes et processus d'un seul hémisphère : en pas-
sant à l'autre, du moment qu'il y a, suppose-l-on, indépendance
fonctionnelle ((;nal>hangigkeit, Abspallung), elle ne pourrait man-
quer de subir un changement quelconque dans ce qui constitue le
moi, ne fut-ce que temporairement. Or, dans l'observation d'A-
braham, il propos de laquelle cet auteur et 13lculr·r ont repris l'hy-
pothèse de l'iucl·puudauce, leloi assiste sans changer lui-mêmc
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 303
dans la plupart des actes qui entrent dans la mémoire,
dans ceux surtout dont la répétition a quelque importance
pour la formation de la personalité, le siège des im-
pressions par rapport à la ligne médiane n'est pas remar-
qué ou ne l'est qu'après par réflexion, incidemment
et pour une cause accessoire.
L'Auteur a d'ailleurs compliqué lui-même la question
des personnalités en admettant la possibilité de trois per-
sonnalités successives chez le même sujet : l'une d'elles
(la normale, dit-il) étant celle de l'être complet, celle qui
traduit 1' « accord entre les coêtres ». Il ne pense d'ail-
aux actes tour à tour vains et fructueux ([n'accomplissent successi-
vement le côté malade et le côté sain. Comme dans les agnosies
(voir p. 000) le trouble fonctionnel reste relativement localisé, mal-
gré son extension éventuelle aux membres des deux côtés. Cette
diffusion, qui n'est d'ailleurs caractéristique que dans l'exécution
des mouvements devenus habituels, témoigne de l'union transmé-
,liane anatomique et fonctionnelle des centres des deux membres ;
on voit sans peine son analogie avec la synergie ancestrale mise
en lumière par L. Bolk (voir p. 000) à propos de l'évolution phylo-
génique du cervelet et dont dérive tardivement l'indépendance
fonctionnelle, complète il l'état sain, des deux membres de chaque
ceinture. Les associations histologiques intracorticales ! lui vont
présider au mouvement a exécuter par ces deux membres peu-
vent se former dans l'hémisphère maladeet être alors défectueuses
le mouvement commencé par la main apraxique ne peut pas ètre
achevé même. avec l'aide de la main normale ; elles peuvent aussi
se former dans 1 hémisphère sain, mais faire place, sur une in.jonc-
lion,par exemple, à celles formées dans l'hémisphère malade ou
être perturbées par l'intervention do ces dernières.
Mais dans les deux cas, non seulement les deux hémisphères
fonctionnent, mais il est non moins évident que les substrats fon-
damentaux de la vie psychique, la « Itsyché » d'Abraham, ne su-
bissent pas le déplacement supposé par cet auteur et Bleuler : en
effel les associations histologiques dont nous parlons plus haut
concernent des mouvements habituels, et l'observation démontre
qu'elles sont inconscientes, ou du moins, ne deviennent conscien-
tes qu'indirectement : le malade ne s'aperçoit pas lui-même de
son erreur. Il n'y a rien dans son allure qui ressemble à la suc-
cession d'un état second il un état prime : ses pensées se sui-
vent sans la moindre lacune, et leurs manifestations volontaires
(langage) ou instinctives, autre que celles du membre apraxique,
ne témoignent nullement delà substitution d'une «psyché» il
une autre. Ce qui fait le fond de la conscience et passera partiel-
lement au premier plan une fois l'acte terminé ou même au cours
de cet acte est infiniment complexe, extrêmement diffus et échappe
par sa nature même à toute localisation (Cf. avec la critique du cas
Louis V. p. 000 à 000.>
: 301 1 ' PSYCHOLOGIE.
leurs même pas à spécifier à quelle conscience (un des
co-êtres ou le moi) se rattache chaque personnalité dans
les cas où il y en a deux seulement, comme chez les luna-
tiques, comme dans l'exemple que nous venons de citer,
ni même à donner quelques-uns seulement des caractères
permettant une attribution certaine : chose indispensa-
ble dans une théorie qui affirme l'indépendance et l'oppo-
sition foncière (de chaque coêtre à l'autre et au moi) des
individualités en présence. '
Mais après la perte de la personnalité synthétique, il
faut qu'il y ait prédominance soit de l'individu gauche,
soit de l'individu droit » ; le duplicisme exige qu'il n'y ait
pas plus de trois personnalités, conclusion à laquelle
s'arrête naturellement l'Auteur sans dire que la question
avait été soulevé dès 1889 et résolue dans un sens con-
traire par un psychologue qu'il cite pourtant fréquem-
ment dans ce chapitre, M. Pierre Janet. Celui-ci avait
même envisagé la question précisément à l'occasion de la
critique d'une théorie qui attribuait chaque personnalité
à l'un des hémisphères : « M. Myers, comme il l'a fait à
propos de six existences de Louis V., range toutes les
existences anormales en une seule, qu'il oppose à l'exis-
tence normale. Mais cela est fort artificiel ; l'exis-
tence psychologique qu'on appelle normale n'a pas de ca-
ractères si nets qui l'opposent aux autres. Les différents
groupes anormaux... sont bien distincts les uns des au-
tres comme le somnambulisme est distinct de la veille.
Léonie et Lucie (sujets longuement étudiés par l'auteur)
onttrois personnalités et non deux ; Rose(ibid p.32,33,48,
49, 121, 126, 334, 492) en a quatre au moins bien dis-
tinctes ; faut-il supposer qu'elles ont trois ou quatre cer-
veaux ? ... J'aime mieux croire qu'il s'agit de simples
groupements psychologiques, qui peuvent être nombreux
car ils ne correspondent pas à la division physique du
système nerveux. Sans doute une certaine modification
physiologique doit accompagner cette désagrégation
psychologique, mais elle nous est absolument inconnue et
elle doit être anormale et bien plus délicate que cette di-
vision régulière du cerveau en deux liémisDlières.»(L',l il-
tomatisme psycla.,p.419).L'auteur a-t-il cherché à la faire
connaître et à montrer les rapports nécessaires du trou-
SUR LA SYMI : TI211, BILATERALE DU CORPS. 305
ble causal avec « la division du cerveau en deux hémis-
phères» ? Restons-en donc à l'opinion si bien présentée et
soutenue par Ribot (1894, p. 76 et 77), Janet, Griesinger
(cité par Ribot, ibid.) et continuons à admettre que le
nombre des personnalités que peut présenter un même
sujet, chacune même à plusieurs reprises, théoriquement
illimité, pratiquement a été souvent supérieur à trois.
2° L'auteur rapporte deux faits,empruntés à M. Ribot,
comme exemples de simultanéité de deux moi sans signes
organiques dimidiés : les deux cas sont d'ordre pathologi-
que.Le premier est celui du dipsomane(p.34)qui éprouve
de la réprobation pour lui-même au moment où il bo it.
M. Ribot le cite à plusieurs reprises et le rapproche avec
raison de certains cas normaux : « L'orateur maître de
sa parole, qui, en parlant, se juge, l'acteur qui se re-
garde jouer.... sont encore des exemples de cette scis-
sion normale dans le moi ». (p. 77). Pourquoi l'Au-
teur du duplicisme n'a-t-il pas choisi ces deux derniers
exemples de préférence à celui de l'acte impulsif ? Les
aurait-il jugés susceptibles d'une autre explication ou
même contraire, au duplicisme ? Ou bien est-ce par ce que
il faut qu'il y ait « trouble moral » pour que la biindividua-
lité devienne évidente (p. 47) ? Les trois cas relèvent du
même mécanisme, mais les deux derniers, un peu plus
simples, peuvent servir à éclaircir le premier : ils montrent
qu'un acte complexe, tel que celui de la parole, du jeu de
l'acteur,peut très bien ne pas occuper tout le cham p de
la conscience et laisser place non seulement à des juge-
ments et raisonnements, mais encore à un grand nombre
de perceptions parfaitement claires : l'acteur et l'orateur
non seulemeni; se jugent eux-mêmes,mais jugent de l'effet
produit. -
L'impulsion du dipsomane peut elle, psychologique-
ment, être aussi limitée ? Sans aucun doute, lors même
qu'elle serait relativement récente et que l'acte qu'elle
entraîne n'aurait été répété qu'un petit nombre de fois, et
surtout lorsqu'elle a reçu satisfaction : elle laisse alors le
champ libre aux associations d'idées qu'elle entraine ha-
bituellement et qui forment la base de la réprobation
pour l'acte éprouvé par le sujet. En quoi celui-ci diffère-
t-il alors de l'acteur ou de l'orateur ? L'Auteur dira-t-il
Archives, 3' série, 1907, t. 1. 20
300 PSYCHOLOGIE.
que, chez ces deux derniers,ce sont les deux co-êtres qui
discourent ou qui jouent ? Nous dirons alors que,chez le
dipsomane, c'est l'« être complet » qui blâme et la paire
.- des co-êtres qui boit » ? Mais,sans chercher dès mainte-
nant si chacun des coêtres est consoient de l'acte exécuté
et de la collaboration de son congénère, s'il est d'autre
part distinct du moi, qui a pourtant conscience et de l'acte
et' de la réprobation, si l'acte, par conséquent, est connu
deux fois,si enfin la conscience du co-être est connue au
moins d'elle-même, sans examiner toutes ces questions
qui,disons le par anticipation, ne sont même pas abor-'
dées par l'Auteur, que trouvons-nous chez le dipsomane;
l'opposition des « ardents appétits » des coêtres,c'est-à-
dire des désirs et des tendances, aux notions morales
fournies par l'éducation et l'action du milieu : qu'y-a-t-il
là que le duplicisme puisse réclamer ou se vanter d'é-
claircir ; il aurait toujours à donner la raison de cette
entente des co-êtres échappés à l'action du moi. Si, par
contre,comme dans le deuxième exemple que nous allons
citer,les coêtres sont seuls en scène, d'où vient quel'im-
pulsion est suivie d'effet et comment lecoêtrequi réprou-
velaisse-t-ilagir celui qui boit,c'est-à-dire met à contribu-
tion les fonctions motrices des deux moitiés du névraxe ?
Dans ce cas donc il n'y aurait pas simple « gouverne-
ment » de l'être entier par un co-être et on ne peut pas
dire, comme on le dira plus tard : « le bon,le réprobateur,
est celui que dirige le cerveau gauche par exemple; le
mauvais, le buveur, celui que dirige le cerveau droit ». Il
y a bien deux groupes distincts de faits psychiques,mais
la « dualité » anatomique du système nerveux n'y est
pour rien : l'un de ces groupes occupe ou dirige tout
l'appareil moteurs ; l'autre,étranger au mouvement,n'est
fait que de souvenirs et de raisonnements. Mais y-a-t-il
deux consciences ; les deux groupes ne sont ils pas con-
tenus dans la même ? De toutes façons, on retombe
dans la conception classique, que justifie si exactement
l'observation de tant de faits analogues.
Le deuxième cas est celui d'un sujet qui « entretient en
même temps deux conversations, l'une par écrit, l'autre
verbalement. » (p. 38). Cet exemple soulève les mêmes
remarques que le précédent : il relève de la subconscience,
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 307 Î
(( hypothèse,affil'lne 1'.\ ui : .eur ,imaginée seulement pour ex z
pliquer un fait que la dualité de notre nature explique ».
(p. 39). La « dualité de notre nature » est-elle donc plus
explicite ? Le fait met-il en lumière « l'indépendance re-
lative des deux hémisphères » (p. 39) ? Les centres du
langage ne siègent -ils pas tous dans le même ? Il arrive
souvent, d'ailleurs, que l'on réponde à une question sans
interrompre l'acte d'écrire, de même que, mais plus rare-
ment,soit en parlant, soit en écoutant, on peut noter par
écrit quelque idée tout à fait étrangère à la conversation.
Dans l'un et l'autre cas, l'hémisphère gauche, non seule-
ment « gouverne »,mais accomplit à lui seul les actes qui,
pour l'Auteur, dépendraient chacun d'un hémisphère et
démontreraient ainsi l'indépendance fonctionnelle des
deux. De plus, ces actes eux-mêmes, comme les souvenirs
qu'ils expriment, demandent et traduisent la collabora-
tion des deux moitiés du télencéphale.
Le choix de cet exemple est donc particulièrement mal-
heureux, car la lecture et l'écriture sont des plus com-
plexes parmis les actes simultanés connus ; ils sont aussi
de ceux dont-il est le plus facile de contrôler le degré
d'indépendance et de perfection.
3° On connaît de nombreuses observations de succes-
sion de deux moi avec symptômes organiques dimidiés.
L'Auteur en rapporte une citée par Ribot(31aladies delà
Personnalité),1894,p. 80 à 89) d'après Camuset, Borru et
Burot et maintes fois reproduite depuis. Nous ne la
rapporterons pas ni ne critiquerons pas en détail les con-
clusions qu'en tire l'Auteur. Elles sont passibles des
objections faites pour les exemples précédents : « V...,
le bon est celui que dirige l'hémisphère gauche, V... le
mauvais celui que dirige l'hémisphère droit. » (p. 46).
Pourtant « quand les conditions de la relation entre nos
deux co-êtres se modifient, il y a trouble moral en nous»
(p. 47). Or l'état - ou les états - dans lesquels il n'y
avait pas de trouble moral se sont présentés chez Louis
V... tantôt avec symptômes dimidiés, tantôt en l'ab-
sence de ces symptômes : de quel droit faire alors de
cette observation un argument en faveur de l'alternance
d'action ou de suprématie des hémisphères cérébraux ? i
Du reste, avant de passcspar les«six états » sur lesquels
30S PSYCHOLOGIE. \
se porte l'attention de l'Auteur, le sujet avait présenté
une période de réveil des sentiments moraux, absolu-
ment semblable, moins les troubles de la parole à certai-
nes des périodes envisagées par l'Auteur, et au cours de
laquelle aucun symptôme n'avait permis de mettre en
causé la prééminence de l'un des hémisphères : il y avait
à ce moment en effet de la paraplégie. Cette paraplégie
reparaît dans un état observé ultérieurement, le
sixième. A ce moment, V... est « bon »' mais il y a dps
lacunes dans sa mémoire et « il a oublié à écrire et à
lire » : l'hémisphère malade est donc l'hémisphère gauche,
partiellement d'ailleurs, puisque le membre supérieur
est indemne de tout trouble. Mais la perte de la lecture
et de l'écriture équivaut bien, je pense, ne serait-ce que
par l'étendue de la zone corticale troublée, à l'hémiplé-
gie et hémianesthésie droites que l'Auteur considère
comme indiquant d'une façon certaine le trouble et l'in-
fériorité de l'hémisphère gauche et la suprématie effective
de l'hémisphère droit. La phrase citée plus haut : « Y.
le bon, est celui que dirige l'hémisphère gauche» est donc
en contradiction avec les faits mêmessul'lesquels l'A uteur
s'appuye : une analyse un peu moins sommaire de son ob-
servation aurait suffi sans doute à lui en faire choisir unc
autre et à lui démontrer, non seulement que la coexistence
de tel état mental avec un trouble donné de la senso-mo-
tilité était purement contingente (paraplégie, troubles du
langage), mais encore que cette coexistence n'avait pas
même eu lieu dans le sens qu'il indique et qui seul peut
en effet cadrer avec sa théorie. On a d'ailleurs remarqué
que tous les troubles dimidiés étaient de nature hystéri-
que, et, par conséquent, qu'il est impossible de les ratta-
cher à un trouble fonctionnel d'un hémisphère, comme
l'hémiplégie et l'hémianesthésie organiques.
4° Cette remarque trouve encore son application dans
la dernière des catégories entre lesquelles nous avons ré-
parti les cas cités par l'Auteur (p.27 à 29) à l'appui de sa
thèse, celle des observations de simultanéité de deux moi
avec symptômes organiques dimidiés. Une femme en ca-
talepsie est invitée à se laver les mains et les frotte vive-
ment l'une contre l'autre. « Ferme-t-on un oeil du sujet,
le bras du même'côté retombe inerte, tandis que l'autre
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 3CO
cherche à continuer le mouvement de friction ».Il est inu-
tile d'insister sur le rôle de l'éducation.parfaitement in-
consciente dans ces faits d'hypnotisme ; ils démontrent,
quelle que soit leur pathogénie, l'alliance de certaines as-
sociations motrices avec certaines associations sensitives
sensorielles. Mais ces alliances peuvent s'établir d'un hé-
misphère à l'autre et ne sont donc pas en faveur de la
théorie de l'Auteur ; l'observation de Louis V... montre
qu'elles peuvent réaliser toutes les combinaisons possi-
bles. Le dernier cas milite dans le même sens : l'occlu-
sion d'un oeil agit également sur les deux hémisphères :
il n'y a aucune raison qui permette de supposer que
l'inertie du bras produite par l'occlusion de l'oeil droit
résulte de la suppression fonctionnelle d'un hémisphère,
ou, en d'autres termes, que, dans ce cas, les hémisphè-
res agissent, même pour un temps très court, indépen-
damment l'un de l'autre. Ce fait met bien en lumière,
quoiqu'il soit très simple en apparence, l'extrême com-
plicité des phénomènes de l'hypnose.
L'Auteur rapporte encore, d'après l'ouvrage cité de
Ribot, le cas d'un sujet en train de lire et dont la lecture
est interrompue par l'occlusion d'un oeil, le droit, tandis
que l'occlusion de l'oeil gauche reste sans effet. Il suffira
de rapporter les considérations inspirées à l'Auteur :
« A la théorie dupliste d'aucuns objecteront que des
faisceaux nerveux relient ensemble la droite et la gauche
et les solidarisent. Cela serait surtout vrai des yeux, car,
de chaque oeil partent des nerfs qui vont de l'un à l'autre
cerveau (sic). Or cela n'empêche pas que le cerveau gau-
che à cessé de voir ? quand on a fermé l'oeil droit du su-
jet. » (p. 28). Il faudrait avoir depuis longtemps suivi le
malade pour dépister la cause de l'association, probable-
ment fortuite et due peut être à une circonstance tout à
fait accessoire, établie entie la vision par l'oeil droit (im-
pression des deux moitiés du champ visuel de cet oeil,
fonctionnement de ses muscles,etc.)et l'exercice des centres
du langage. Mais, quels que soient cette cause et le méca-
nisme mis en jeu, il est doublement fautif de dire, avec l'Au-
teur : « L'arrêt du fonctionnement de la circonvolution
de Broca, et par suite l'arrêt de la parole, ne s'explique
qu'en supposant l'arrêt de la vision » (p. 2S) ; la suppres-
310 psychologie. '
sion totale du champ visuel d'un oeil ne peut avoir avec
l'inhibition des centres du langage que des connexions
-contingentes créées par' les particularités de l'évolution
individuelle et elles-mêmes sans rapport avec la localisa-
tion des diverses régions corticales intéressées dans les
deux hémisphères. ,
Le troisième cas, également cité d'après Ribot qui l'a-
vait emprunté à Dumontpallier, paraît beaucoup plus
caractéristique : la mimique de la face est dissociée et ex-
prime dans chaque moitié, des sentiments en rapport
juste aveo les souvenirs réveillés par un récit fait à l'oreil-
le correspondante : « Le côté droit sourit... le côté gau-
che traduit le désagrément... Le visage exprime à droite
la satisfaction,à gauche l'inquiétude » (p. 28 et 29). D'a-
près Bérillon, l'expérience a été répétée avec variantes
par Charcot ou d'autres observateurs sur plusieurs sujets.
Dans plusieurs cas, de certains détails (parole, opposition ici
par la malade elle-même de l'état affectif créé par un récit
à l'état affectif créé par l'autre), on peut conclure que le
moi persistait, comme c'est le cas habituel dans les hallu-
. cinations unilatérales antagonistes alternantes ou si-
multanées (voir Séglas, 1903, surtout p. 20 et 599). Ces
détails, joints à ce fait que des hallucinations visuelles ar-
tificielles pouvaient également provoquer ou entretenir
la dissociation mimique, montrent d'ailleurs une fois de
plus que chaque état affectif, avec sa cause (récit provo-
quant une hallucination visuelle ou auditive) et ses mani-
festations (mimique) concernait les deux hémisphères.
Le point capital, sur lequel l'expérimentateur insistait
déjà pour prévenir l'objection de simulation est la discor-
dante mimique à droite et à gauche : cette discordance est
en effet difficile à reproduire volontairement, du moins
pour un sujet sain ; mais il n'en est pas de même pour
l'hystérique, chez lequel des faits nombreux démontrent
que des associations entre des phénomènes moteurs et des
idées ou impressions peuvent s'effectuer suivant toutes
les combinaisons possibles et môme au détriment de mou-
vements complexes à rapprocher dcladissociationdesen-
sation complexes,tels que ceux de la mimique lesquels se
trouvent ainsi dissociés, dimidiés dans le cas actuel. Le
sujet avait, comme les précédents, associé soit spontané-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 311
ment, soit grâce à la longue et puissante éducation dont
il avait été l'objet,àlaperception par les organes, tenson"
des d'un côté, les mouvements du même côté. La persis-
tance de la conscience, ou au moins de certains souvenirs
récents de l'état de veille,* indéniable dans certaines ex-
périences, surtout au début de chacune d'elles, sans per'
mettre l'hypothèse de simulation, rend le résultat un peu
moins extraordinaire chez des êtres « faibles d'intelligen-
ce...manifestant très bien quand il savent ce qu'on veut t
d'eux » (Pouchet). Dans plusieuis autres expériences
du même ordre,le moi semble avoir disparu complètement;
la dissociation mimique, mise en jeu par l'habitude asso-
ciatrice entre perceptions et mouvements d'un côté, s'ex-
plique de même,grâce à l'existence des nombreux centres
hiérarchisés du diencéphale et du tronc cérébral qui pré-
sident aux mouvements de la face et qui peuvent agir seuls,
une fois soustraits à l'influence du cortex, soit par des lé-
sions du lobe frontal corticales ou centrovalaires bila-
térales, soit par certaines lésions thalamiques, soit par
l'inhibition créée par l'hypnose ou certains états émotifs
intenses. Dans tous les cas où la nature des excitants est
telle que l'on ne puisse admettre un simple lien réflexe
entre eux et les manifestations somatiques,rien ne prouve
que chaque excitant soit connu par une conscience qui
ne connaît pas l'autre,car les impressions peuvent disparaî-
tre du champ de la conscience lors même que persistent
leurs manifestations extérieures ; inversement, la mani-
festation d'un état de conscience peut persister alors que
la conscience est ocupée par une représentation différente
même opposée. Or, dans toutes les expériences relatées
par Bérillon la mimique de chaque côté de la face une
fois établie, durait un certain temps et se trouvait en
rapport avec les excitations reçues par les organes du
même côté, identiques ou selnblables à l'excitation prin-
ceps.
La dimidiation des phénomènes moteurs ne prouve
rien en faveur de l'indépendance psychologique ni même
physiologique des hémisphères : Cette dimidiation suppo-
se souvent même la mise en jou de souvenirs et images
complexes, autres que ceux du langage qui impliquent
forcement la synergie des deux hémisphères dans chaque
312 PSYCHOLOGIE.
état affectif : elle n'a pas été notée après des excitations
simples, non prévues et ne nécessitant pas d'interpréta-
tion.
- Enfin, l'expérience suivante, d'autant plus démonstra-
tive ? que sa valeur probante se tourne évidemment contre
l'opinion soutenue par ses auteurs, rend palpable, pour
ainsi dire, l'absence de toute relation entre les phénomè-
nes moteurs ou sensitifs dimidiés et les dédoublements
apparents de la conscience, d'une part, et l'indépendance
fonctionnelle des hémisphères d'autre part :
« M. C... est mise en somnambulisme par légère pression sur le
vertex...; on lui ordonne d'ouvrir complètement les yeux.On fixe
alors dans le plan vertical médian de la figure du sujet un écran
disposé de telle façon que chacun de ses yeux ne puisse voir que les
objets situés du côté correspondant de l'écran. Un des assistants
place alors son visage dans le champ visuel de l'O. D. ; un autre dans
le champ de l'O. G. L'expérimentateur, par un geste, simule alors
une difformité ridicule sur le visage placé du côté droit et une dif-
formité repoussante sur le visage placé du côté gauche. Aussitôt et
simultanément, la face de la malade exprime, à droite, la gaîté la
plus franche, tandis qu'à gauche elle revêt l'expression de l'hor-
reur la plus profonde. Cette double expression... persiste assez
longtemps pourqu'on puisse la photographier à loisir (Bérillon,
1884, p. 183 et 184.)
A propos du rôle des troubles de la mémoire dans les
variations de la personnalité.l'Auteur expose une théorie
nouvelle sur la genèse du sentiment de l'identité. Tandis
que les philosophes qui ne connaissent pas la biindividua-
lité « ne peuvent l'expliquer que par la mémoire » (p. 45),
le duplicisme « reconnaît et fonde le sentiment de l'iden-
tité, non dans la succession des impressions et sensations
car... ». J'interromps la citation pour faire remarquer
une grave méconnaissance des données élémentaires de la
psychologie : la mémoire qui joue un rôle dans le senti-
ment de l'identité ne comprend pas seulement « la suc-
cession des impressions et sensations » ainsi que l'Au-
leur le fait dire injustement à ses adversaires, mais tous
les processus psychiques qui entretiennent et qui for-
ment l'idée du moi : Sentiment d'effort, apports coenes-
thésiques..... ou encore «la réflexion, le jugement et la
décision » que l'Auteur exclut à tort de la conception
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 113
ordinaire du sentiment de l'identité. Qu'il consulte à ce
sujet deux livres classiques de tendances opposées : la
Psychologie de Il. Hoffding (p. 179 et sqq.) et celle de
Rabier (6 édit ? 1898, p. 443 à 454).
Je reprends la citation : «...car ces impressions peu-
vent n'appartenir qu'à une seule de nos deux individua-
lités... »;il y aurait à l'état normal deux consciences co-
existantes pouvant se communiquer leurs impressions ( ! )
mais pouvant aussi garder leur indépendance. Cha-
cune d'elles, puisque conscience elle est, apourtant droit
à un « sentiment d'identité ». Ce sentiment, où le placer ?
qui en a connaissance ? Se confond-il temporairement, ou
définitivement à un certain stade de l'évolution, avec ce-
lui de l'autre co-être puis avec celui de « la personne » ?
Bref, le duplicisme place le sentiment de l'identité « dans
l'activité coordonnée de nos deux activités élémentaires
...coordination qui s'affirme ... par la raison et la vo-
lonté.C'est.. le sens que j'ai dans le passé de cette Raison
et de cette Volonté qui constitue la personnalité et l'unité
de moi. » (p..45-et 46). Mais si les deux coêtres peuvent
être, au moins temporairement, complètement indépen-
dants, leur activité sera-t-elle constamment coordonnée,
et n'y aurait-il pas tôt ou tard dans la mémoire des lacu-
nes pouvant se manifester par du désordre apparent des
actes ou des idées ? De plus, à quoi est dû,pour le dupli-
cisme.le sentiment de l'identité chez l'enfant avant l'éta-
blissement ou la formation de la Raison et de la Volonté ?
Or, chez l'enfant, ce sentiment, évidemment moins com-
plexe que chez l'adulte, est relativement aussi puissant
et peut être davantage, car la force de fixation de la mé-
moire est plus élevée que chez l'adulte (Adamkiewicz) et
les représentations qui jouent le plus grand rôle dans le
sentiment du moi, etque l'Auteur néglige pourtant pres-
que complètement,celles que fournit la coenesthésie,sont-
relativement aux autres, plus nombreuses que chez l'a-
dulte. Enfin, le duplicisme, qui n'explique pas le senti-
ment de l'identité ou le sentiment équivalent chez l'en-
fant,serait également incapable d'en expliquer la soudure
au sentiment dû plus tard à la Raison et à la Volonté de
la « Personne entière ». D'ailleurs si, à l'origine des altéra-
tions de la personnalité,on peut observer des troubles du
314 PSYCHOLOGIE.
.
raisonnement et des volitions, on sait que Ces troubles ne
sont pas primitifs, mais secondaires à des modifications
profondes de la coenesthésie ou de la sensibilité tactiles,
modifications dont des troubles organiques donnent sou-
vent la raison d'être.
B. Attributs des co-ËTRËs.L'Ai'tiozoaire est essen-
tiellement un, et les faits patliologiques pris comme preuve
du contraire montrent en réalité dans l'unité de la cons-
cience normale, comme dans la pluralité des synthèses
pathologiques partielles, la synergie constante et néces-
saire des deux moitiés de l'organisme. Se pourrait-il pour-
tant que le duplicisme eût la valeur d'un symbole, et aux
« observations et classifications admises par les psycho-
logues... apportât une singulière clarté » (p. 49) ?
1° On est surpris du petit nombre des faits psychiques
normaux auquel l'Auteur cherche à faire l'application de
sa théorie : ces faits, même, se réduisent à un seul,la déli-
bération qui précède la décision ; du reste, comme les
faits pathologiques, ils sont censés prouver le dualisme
par leur seule existence et dispenser de toute explication.
Si, en effet, la conscience devenait une, par exemple, par
« subordination absolue et permanente d'un co-être à
l'autre..., toute la vie psychique, toute la vie morale res-
teraient aussi ténébreuses qu'elles le sont aujourd'hui,et Ce
sentiment universel que les romanciers non moins que les
philosophes ont si souvent mis en relief, cette délibération
en soi-même, ces hésitations de conscience...resteraient
inexpliquées malgré les efforts de MM. Ribot et Janet. s
(p. 96 et 97).
Mais si, dans tout le reste du livre.l'Auteur paraît véri-
tablement oublier son sujet, la démonstration, évidem-
ment ardue, de l'indépendance des coêtres, il se rejette
sur un développement facile, souvent indiqué, (voir no-
tamment Grasset, 1904), et même, en un certain sens,
depuis longtemps classique : l'opposition des faits psy-
chiques dans lesquels domine la part du spontané, du ré-
ilexe,de l'organisme,à ceux où s'affirment surtout la rai-
son, le séntiment du libre arbitre,et qui aboutissent à des
connaissances plus générales et moins empiriques les
premiers, on le devine, appartiennent aux co-êtres ; les
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 31.*)
seconds sont le propre du « moi supérieur » ou « Etre com-
plet ». A ce dualisme par lequel l'Auteur cherche à com-
plèter et à confirmer le dualisme originel ou de juxtapo-
sition,et qu'il tend même parfois à subsituer à ce dernier,
on peut donner provisoirement le nom de dualisme trans-
versal.
Mais, quoiqu'il soit très logique de parler de conscience
et de subconscience, il est évident que le dualisme trans-
versal, bon pour les facultés ou opérations de l'esprit, ne
peut pas s'appliquer au caractère commun à tous ces ac-
tes, celui d'être accompagné de Conscience. Cherchons
donc, avant de passer aux attributs proprement dits des
coêtres, si les actes extérieurs, les manifestations de l'ani-
mal ou de l'homme, auxquels assistent les deux co-êtres,
sont pour chacun de ceux-ci des actes mentaux, si les
sensations de l'un sont communiquées à l'autre comme
sensations ou comme ébranlements : cherchons en un
mot à développer la notion de l'indépendance psycholo-
gique des co-êtres et à voir si la vie psychique de chacun
d'eux, sa conscience, peut-on dire par abréviation, peut
coexister avec celle de l'autre et celle du moi, la rem-
placer au besoin, s'y souder, bref,si cette dualité et cette
cette indépendance sont d'accord avec les données de
l'observation interne, seule bon juge en l'espèce.
2° Conscience des co-êtres. L'Auteur ne l'étudié jamais
en elle-même, c'est-à-dire au point de vue de sa dualité :
suivant son habitude, il affirme à plusieurs reprises l'in-
dépendance et même l'opposition des co-êtres, mais il
évite de les préciser et de les limiter. Que conclure
des passages suivants ? « Même en les supposant com-
muniquées d'un co-être à l'autre, les sensations peu-
vent, si elles ne sont pas contradictoires, s'ajouter sans
donner lieu au contrôle de l'Etre complet, ou au contraire.
... En ce dernier cas, au dualisme entre les deux cosses
sentants... » (p. 79). « ... Les deux coêtres organique-
ment distincts quoique en relations régulières ... (p.
97). Si les coêtres, dit l'auteur, devenaient parfaitement
identiques l'un à l'autre, jusqu'à n'en faire plus qu'un
moralement, « la même sensation surgirait en même
temps dans chacun d'eux » (p. 95). Avec la meilleure
volonté du monde, on ne voit là qu'une affirmation répé-
316 PSYCHOLOGIE.
tée sous des formes diverses sans le moindre effort pour
apporter quelque éclaircissement sur cette indépendance
avec communications. Pourtant, dira-t-on peut-être, « in-
dépendance avec communications» qu'y-a-t-il deplus fré-
quent et de plus facile à concevoir ? Deux interlocuteurs,
deux correspondants ne représentent-ils pas cet état ? Il
est même probable que c'est à cela que l'Auteur a pensé
et que c'est cela qu'il a chargé de représenter et résoudre
la difficulté dans l'esprit des lecteurs. Mais, la cons-
cience de gauche,par exemple, étant remplie par une sen-
sation, la conscience de droite l'est-elle aussi et simulta-
nément par la même sensation ? Non, d'après les données
mêmes du problème. La conscience de gauche communi-
que t-elle la sensation à celle de droite ? Si elle ne le fait
pas toujours, elle peut le faire ; elle paraît même agir le
plus souvent ainsi,d'après les dernières parties du livre.
Cette communication ne peut-elle pas ne se faire que par
une manifestation qui n'est déjà plus la sensation, mais
un signe, naturel ou conventionnel, représentant cette
sensation ? L'ouvrage entier reste muet sur ce point. Je con-
tinue donc : en effet,un fait psychologique commun à deux
consciences n'est plus un,mais deux faits psychologiques.
Donc, dire que la sensation est communiquée comme sen-
sation, ce serait dire qu'une même sensation est double
étant connue des deux coêtres, chose contraire aux don-
nées du problème d'après lesquelles il y a deux conscien-
ces indépendantes,^ qu'elles ne seraient pas si leurs con-
tenus é baien b, même temp oraireme nt, ide n'ti q u es, chose qui,
par surplus, renferme une contradiction. D'autre part,
cette manifestation, naturellement connue de la cons-
cience du co-être qui la fait,comment est-elle connue de la
conscience à qui elle est destinée ? Elle ne peut pas l'être
de la même facon que de la conscience de celui qui la fait,
sans quoi nous retomberions dans les difficultés rencon-
trées à propos de la communication de la sensation elle-
même. Elle est donc connue d'une façon différente, vue
pour ainsi dire par chacune de ses faces par chacun des co-
êtres ; ce n'est donc pas une chose immatérielle, une chose
inétendue, par exemple une suggestion pure, ce ne peut
pas être seulement une idée commune : c'est forcément
un fait complexe^ susceptible d'êtrcenvisagé sous'plu-
SU)) LA SYMÉTRIE' BILATÉRALE DU CORPS. 317
sieurs aspects, c'est-à-dire un fait matériel, une modifica-
tion organique. Mais cette modification nép de la sen-
sation, nécessaire à la théorie, ne voit-on pas d'emblée
l'impossibilité de l'admettre, "et tout d'abord, de la lo-
caliser, puis dela supposer connue des deux consciences,
en l'absence, ou plutôt indépendamment du moi !
Concluons donc provisoirement que, si la conscience
d'un co-être, c'est-à-dire d'un animal simple idéal, est
possible, l'Auteur n'a pas su démontrer cette conscience
chez l'animal conjugué, ce qui revenait uniquement à
montrer l'indépendance des consciences des deux co-êtres
.en se réservant, il est vrai, un chemin pour le retour à
l'unité. ,
Prenons l'hypothèse contraire,inapplicable à l'homme,
qui doit précisément au commerce psychique incessant
des deux co-êtres sa supériorité intellectuelle, mais, à la
rigueur, admissible pour les animaux chez lesquels les co-
êtres se contentent d'une collaboration instinctive et in-
consciente : les deux consciences ne communiqueraient
pas et seraient parfaitement indépendantes ; elles seraient
même étrangères- l'une à l'autre. Mais le rôle de l'Auteur
était justement de considérer les actes des animaux qui
dépassent la vie purement instinctive et d'y menti er la
manifestation de deux consciences distinctes, apparte-
nant à des êtres à tendances opposées. Il a complètement
négligé de le faire : ce n'est pas à nous de le faire à sa place,
ni même d'en chercher la manière. D'autre part, l'Au-
teur se défend de soutenir, avec Wagan, que l'homme
ait « deux esprits » (p. 22), tandis qu'il s'étend à maintes
reprises sur les actes psychologiques des co-êtres et leur
« tendance au fonctionnement indépendant et autonome
dans le domaine de la motilité, de la sensibilité tactile
.. » (p. 78). On ne saurait douter, dit-il encore, qu'il y
ait, chez le coêtre dissocié, « rapport conscient entre l'im-
pression perçue et la réaction qui s'ensuit » (p. 92). Ré-
duisons pour plus de sûreté la donnée de la conscience du
co-être à sa plus grande simplicité, laissant de côté la
question de l'indépendance,et voyons si cette conscience
est justifiée par les nouvelles considérations biologiques
de l'Auteur. '
« Un des blastomères [dans l'expérience dc Chabrysur-
319 £ > PSYCHOLOGIE.
vit et donne naissance à un demi-individu ou plutôt Il
un individu simple... En face de cette confirmation ex-
périmentale... est-il permis de douter de la biindividua-
. lité de l'être humain ? » (p. 17 et 18). Or, si l'on peut con-
sidérer l'individu comme défini par sa seule organisation,
on ne peut séparer celle-ci de sa vie psychologique. Lors
même que l'expérience de Chabry n'aurait pas été fausse-
ment interprétée,l'Auteur n'avait pas le droit d'en trans-
porter à l'homme les conclusions, sans donner du mot
individu une définition nouvelle : appliqué à l'homme, ce
concept est inséparablement lié à celui de personne. Dire
« qu'aucun des deux individus n'est une fin en lui-même,
et que leur raison d'être commune à tous deux et égale,
c'est l'être double qu'ils constituent et qui seul devient
la personne humaine » (p. 23 et 24), c'est esquiver la
définition attendue. En disant que la personne est une fin
en soi, Kant n'entendait pas non plus la définir et ne cher-
chait qu'à donner une formule morale.Si l'Auteur avait
à son tour cherché à définir la personne, il aurait remar-
qué sans doute qu'il n'y a pas de différence essentielle en-
tre elle et l'individu, et que le premier terme implique
seulement un degré plus élevé des fonctions psychique ? ,
fonctions que l'Auleur accorde, du reste, dans la plus
large mesure, à chaque co-être : il ne pouvait pas faire de
ce dernier un individu entier et une personne incomplè-
te, ou, puisque la personne est pour lui « un produit et
non une somme », un individu humain qui ne fût pas
une personne.
Le fait que les Artiozaires à système nerveux disséminé,
les Rotifères, par exemple, sont doués « de sensibilité,
d'intelligence et de volonté » (p. 55), est-il « une sérieuse
raison d'analogie physiologique » (p. 54) donnant le droit
d'attribuer aux co-êtres,non pas même « une vie psychi
que relativement très haute», mais simplement une cons-
cience propre ? La généralisation serait à la rigueur légi-
time pour les Arthropodes où les relations entre les centres
et la périphérie sont le plus souvent directes et où les
anastomoses transmédianes sont relativement peu dé-
veloppées (quoiqu'elles le soient pourtant beaucoup plus
qu'on ne le croyait avant les derniers travaux sur les neu-
ro-fibrilles). Mais pour les Vertébrés^ chez lesquels on
SUR La Symétrie bilatérale du Corps. z
constate, dès les premiers degrés de la série, do puissantes
commissures et des entrecroisements multiples, la géné-
ralisation n'est plus possible ; elle l'est d'autant moins
que les centres sont d'autant plus sévèrement subordon-
nés les uns aux autres que l'animal est plus élevé.
Du reste, pour que son raisonnement par analogie eût
quelque valeur, l'Auteur aurait dû,ou partir d'un animal
à système nerveux simple, qu'il a vainement cherché ou
d'observations faites sur un Artiozaire divisé,en ses deux
moitiés, et prouver que les réactions de chacune de cel-
les-ci traduisaient la conscience des excitations. En des-
cendant jusqu'aux animaux inférieurs aux Artiozoaires,
il a condamné lui-même son système.
Admettons néanmoins que la conscience du co-être soit
possible : quel peut être son contenu ? Chez l'enfant, dit
l'Auteur,le moi n'est pas encore formé, les co-êtres seuls
sentent et agissent : le font-ils simultanément ? Mais on
n'a jamais rien observé chez l'enfant qui permît d'affir-
mer que chez lui, comme chez certains hypnotisés, les
états de conscience s'intégrassent en deux sériesparallè-
les. Le font-ils-alternativement ? Maison n'a jamais non
plus rien observé qui rappelât l'alternance d'un état pri-
me et d'un état'second. La communication des sensations
d'un co-être à l'autre,mentionnée plusieurs fois par l'Au-
teur ne peut pas résoudre la difficulté : deux personnes
qui communiquent par téléphone gardent bien chacune
leur existence propre.
Chez l'adulte,la conscience du co-être ne peut pas être
confondue avec celle du moi, en être, par exemple, le de-
gré inférieur, représenter la conscience spontanée ou élé-
mentaire de la personne : en effet, elle a une existence in-
pendante, dit l'Auteur, qui d'ailleurs,à plusieurs reprises
a repoussé la « subconscience » (p. 32) ; elle préexistait au
moi. On ne peut dire non plus qu'elle forme celle du moi à
un moment donné ; tout au moins elle en reste distincte,
puisque le moi l'interroge et peut repousser ses impulsions.
Or on a vu que l'Auteur proclame l'unité de la conscience :
c'est du reste la donnée fondamentale de l'observation
interne. En admettant même que le moi communique
avec les co.êtres,on ne peut dire qu'il connaisse leur cons-
cience, ou plutôt leurs actes, qu'il leude lui-même ces
320 ' 1 psychologie; .
actes conscients : il n'en connaîtrait que les manifesta-
tions lorsqu'elles impressionneraient sa conscience pro-
pre. Différente de celle du moi, inconnue de la psycholo-
' gie,la conscience du co-être se connaîtrait-plie elle-même
en d'autres termes, pourrait-elle connaître le monde exté-
rieur, connaître une modification quelconque produite
en elle par celui-ci ? Le seul cas qui permettrait d'envi-
sager cette possibilité est celui où la conscience du moi
serait fermée, puisque l'observation interne affirme com-
me constante l'unité de la conscience. Or, ce cas n'existe
pas : une intégration, un système d'états de conscience
peut se manifester seul, avons-nous vu, en cas de synthè-
se antérieure insuffisante ; ces manifestations peuvent
même être telles que le sujet ait oublié sa personnalité
habituelle, et telles aussi qué leur réintégration avec les
états de conscience antérieurs soit à jamais impossible.
Mais on a vu que ces faits, clairement expliqués par la
psychologie classique, sont absolument incompatibles
avec le dup licisme. Il en est de même pour ceux de « dou-
ble conscience » simultanée. '
Donc en aucun cas, la conscience qui est en scène n'est
celle du co-êtr'3.Du reste. dans les faits pris comme preu-
ve par l'Auteur, n'y a-t-il pas manifestation de facultés
qu'il refuse au co-être, et ne convient-il pas lui-même
ainsi que l'individu qui agit (en un seul sens ou en deux)
manifeste la conscience du moi.
Inconnue de tout ce qui peut connaître, car elle ne se
manifeste jamais,même d'après les prémisses de l'Auteur,
la conscience du co-être ne se connaît pas elle-même,car
tout ce qui pourrait être de son domaine, d'après le du-
plicisme, est connu par le moi et ne Test qu'une fois; elle
n'existe donc pas, car on ne peutpas dire que, sans se con-
naître elle-même, elle connaisse quelque chose.
Reste donc à admettre que les actes des co-êtres sont
inconscients, donc sans équivalent psychique en tant
qu'actes des co-êtl'8s.et qu'ils ne sont connus que par h
moi : mais ces deux propositions, également contraires au
duplicisme, sont également vraies, et tenues depuis long-
temps pour telles, suivant qu'on les applique aux réflexes
inconscients ou aux actes conscients.
3° Il est donc, croyons-nous, inutile de discuter les al-
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 321
tributs proprement dits des coêtres : ces attributs sont très
nombreux puisqu'il manque « seulement le pouvoir de se
contrôler, de se diriger et de découvrir » (p. 57). Chaque
co-être « est en son privé doué d'une sensibilité exquise,
d'une plus ou moins grande intelligence, d'une plus ou
moins énergique volonté » (p. 56). Bref, « chacune de'nos
facultés présente une forme inférieure correspondant*à5la
vie psychique de l'individu, du coêtre, et une forme'su-
périeure correspondant à la vie psychique de l'être com-
plet, de la personne humaine » (p. 65). Sous le couvert de
Leibniz « une Sensibilité rudimentaire et une Mémoire
sommaire » s'opposent à « la Sensibilité supérieure qui
raisonne et précise ses sensations et à une Mémoire supé-
rieure [celles du MoiJ qui classe et burine ses archives »
(p. 62). Pourtant nous lisons ailleurs : « Chacun de ces
deux co-êtres dissociés vit sur un fond de notions ,d'ha-
bitudes, de règles de conduite... » (p. 56) « il garde mé-
moire des dangers à éviter et des moyens qu'il avait l'ha-
bitude d'employer. Il a des désirs et n'a pas oublié les
pratiques par lesquelles il les satisfait » (p. 92). Quant
au Moi, qui a maintenant des sensations et des percep-
tions propres, il sera présenté plus tard comme un « pro-
duit » de l'activité des co-êtres et sera réduit petit à petit
àla Raison et à la Volonté libre.
Ri Les « parties insensibles de nos perceptions sensibles »,
les perceptions « trop petites pour être remarquées » dont
Leibniz fait « un tableau exact dans ses peintures, mais si
insuffisant dans ses explications » (p. 63) deviennent la
propriété des co-êtres.Mais, maintenant, leur activité est
«obscure, plutôt passive, c'est-à-dire faible en tant qu'ac-
tivité réagissante... Celle de l'Etre complet... est éner-
gique, consciente et raisonnable. L'une et l'autre sont in-
térieures car comment cottcevrais-je une sensation qui ne se-
rait pas en moi » (p. 68). Et « du fait indéniable de la
coexistence en nous de deux activités, la théorie dupliciste
peut seule donner une satisfaisante explication » (p. 68).
Le philosophe, en effet (Fouillée), auquel est empruntée la
distinction des deux activités, n'a fourni sur ce .sujet
qu' « une argumentation imprécise ». A un autre (M.Ri-
bot) est empruntée la distinction classique de l'attention
spontanée et de l'attention volontaire, mais la',tliéoi-i(3
Archives, 3' Série, 1f07, L, I. 1. 21
3S2 psychologie.
dupliste dit, «plus simplement», que la première est celle
du co-être,la seconde « celle que l'Etre complet a directe-
ment exercée » (p. 70). Suivent de longues citations,
empruntées à Laromiguière, Maine de Biran, Diderot,
Ribot, en plusieurs points mal interprétées, sur l'abstrac-
lion sensorielle, propriété du co-être,opposée à la générali-
sation maintenant réservée au seul Moi ; sur l'imagination
et enfin la voloiité ? tais dans tout ce long chapitre, l'Au-
teur perd de vue le dualisme longitudinal et ne songe
qu'au dualisme transversal : il se demande si leur assimi-
lation est légitime' (p. 78) et, quoiqu'il n'aît pas une seule
fois pensé à montrer le jeu indépendant des deux co-êtres
dans les nombreux faits qu'il a passés en revue,il répond,
suivant sa coutume, en affirmant simplement ce qu'il
fallait démontrer : « L'assimilation est légitime, sous ré-
serve d'une explication : c'est que dans l'ordre physiolo-
gique comme dans l'ordre psychologique, il y a en réalité
deux dualismes qui se superposent » (p. 78). Il rappelle
un exemple pris dans l'hypnologie : « Dans l'ordre psy-
chologique, il semble bien qu'il y ait même dualité de
dualismes.Le sujet hypnotisé qui rit à droite et pleure à
gauche... » (p. 79). Mais la confusion commise est si
bien établie que l'Auteur reproche aux « psychologues )1
qui ont vu le dualisme longitudinal « dans notre corps,
sur la table d'autopsie où leurs mains pouvaient le palper
où leur scalpel pouvait le rendre plus manifeste encore »
(p. 81),de n'avoir pas vu le dualisme transversal pourtant
constaté par eux-mêmes dans les phénomènes de l'esprit,
aveuglés par un préjugé, «le concept mystique et absolu
de l'unité del'âmefl ] ..., ils ont accumulé les subtilités pour
expliquer, sans y parvenir..., comment,dans l'âme une,
pouvaient exister des instincts contradictoires, comment
dans l'âme homogène pouvaient exister des comparti-
ments et des antagonismes » (p. 81).
On a pu remarquer que la hiérarchisation imposée par
l'Auteur aux faits psychologiques n'a pas pour tous la
même valeur et que l'attribution des seuls degrés inférieurs
à des êtres capables de juger, de comparer, de délibérer,
est souvent arbitraire et jamais justifiée ; on a remarqué
aussi combien varie, suivant les besoins du moment, la
capacité des co-êtres. On se demandera sans doute ce que
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 323
peut devenir leur indépendance réciproque, leur cons-
cience propre, dans' cette compénétration du moi et d'eux-
mêmes et si cette conipénétration, cette continuité par-
faite n'est pas à elle seule une négation de la biindividua-
lité, puisque une conscience unique préside en réalité à
l'exercice des facultés du moi et des deux co-êtres.
Nous avonsdejfi vu que le seul attribut des cu-êtres qui ne fut
pas contradictoire avecles prémisses posées par l'Auteur consistait
clans des tendances-inconscientes. Arrètons-nou6; pourtant sur trois
de leurs attributs, la raison, t'nttttf/t'naftot et le désir, qui ont
quelque rapport avec ces tendances.
Les co -êtres n'a\ aient tout [(l'heure qu'une mémoire rudimen-
taireo et pourtant ils enregistraient toutes leurs expériences. Ils
sont oués ait fatum, soumis humblement à leurs impulsions,
mais capables de «saisir les rapports qui unissent les objets entre
eux, les idées entre elles...» (p. 56) Bien, plus ils possèdent un
certain degré de raison directrice : «Sous l'influence des motifs...
pour éviter l'incoordination d'activité..., ils font entrer en confé-
rence leur respective faculté déraison. Les deux raisons indi-
viclurlles... s'accordent... » (p. ](\6); elles envisagent lea consé-
quences lointaines de l'acte en question, « prendront connais-
sance du milieu et de la manière dont il serait influencé par la
résolution à prendra » (p. 106). On a peine à croire que dans tout
ce passage il s'agisse réellement des coêtres et de l'état normal.
Il en est pourtant ainsi. Laconsrience serait-elle alors douhle ?
\ou ; on peut rapprocher ce passage de celui, déjà cité, ou l'Au-
teur voit dans la délibération, l'hésitation sur une détermination
à prendre, un rait bien connu, mais inexpliqué avant lui, inex-
plicable pour qui n'y % oit pas l'effet d'une double individualité ;
les deux consciences individuelles se fondraient en une seule !
Mais pendant ce lumps, que t*ai[, que devient le mui ? 1-t-il cun-
naissance des faits de conscience des co-êtres ,¡ Uui,puisqu'apr6s
la manifestation des raisons des co-etres,«interviendra la décision
fendue, elle, au nom de la Personne humaine.» (p. 107). Voilà
donc que les trois consciences n'en feraient maintenant plus
qu'une ; voilà le rôle des cu-êlres au moins aussi complexe et
aussi élevé que celui du moi et confondu avec lui jusqu'à être in-
discernable .
A côté d'une raison si prudente, l'imagination des co-êtres « est
purement passive et reproduit au hasard »(p. 75). L'Auteur adopte
ace propos la distinction habituelle.présentée par Maine de Biran,
entre les deux formes ,de cette faculté, passive ou reproductrice, et
active ou constructrice. Pourtant, cette distinction est basée sur ce
quo « l'être sentant obéit à des lois d'association ou d'agrégation
324 À : PSYCHOLOGIE. '
qu'il ne fait pas et ne peut connaître. » (p. 72). L'être sentant
opposé à l'être intelligent- est ici le co-être, le coêtre ici purement
passif, et qui tout à l'heure était capable de raisonner, de délibérer
et de prévoir ! D'autre part, Maine de Biran remarque que « le
principe de l'unité qui caractérise toutes les combinaisons de l'm-
ligence ne réside point dans notre nature sensible » (p. 74). L'au-
teur dit un peu plus loin : «Ce n'est que par notre intelligence [le
Moi] que se réalise le Un dans le multiple » (p.. 75). Mais pourquoi
les co êtres ne manifesteraient-ils jamais dans leur imagination
leur persistante activité ? Ne le font-ils pas quand ils essayent de
prévoir les conséquences d'un acte ? Ne se montrent-ils pas alors
capables de suivre un plan, et, au milieu des motifs qui les pous-
sent et de leurs nombreux souvenirs, de réaliser le Un dans le Mul-
tiple ? Pourquoi donc les réduire « aux agrégations fortuites des
songes » (p. 74) et à d'autres constructions semblables ?
L'Auteur de la préface voit aussi dans le rêve un effet de l'ab-
sence du « contrôle de la conscience raisonnante, de la conscience
supérieure, la mentalité (sic) des deux co-êtres restant dès lors
abandonnée sans frein à une activité déréglée. » (p. XV). La psy-
chologie classique explique facilement le rêve en admettant que la
fatigue produisant le sommeil supprime progressivement les sen-
sations, puis le fonctionnement du cerveau sur les données four-
nies par les sens, c'est-à-dire la comparaison, le jugement, le con-
trôle et le choix : les associations se font alors au hasard,guidées.
mais non contrôlées, par celles d'entre elles qu'ont favorisées les
souvenirs de la veille et par celles que créent les sensations sub-
sistantes, la plupart d'origine interne. Ce n'est pas par « le défaut
de contrôle des organes des sens » qu'on explique l'incohérence du
rêve, mais par le défaut de contrôle par les souvenirs complexes
qui guident l'entendement à l'état de veille. Si dans le rêve « les co-
êtres sont abandonnés sans frein à leur activité déréglée », pour-
quoi cette activité ne se manifeste-t-elle que par l'évocation,cnor-
donnée ou incohérente, peu importe, de sensations antérieures ?
Pourquoi les sensations et perceptions sont elles supprimées ou
très amoindries alors qu'elles constituent leurs propriété ? Pour-
quoi l'activité des coêtres est-elle toujours déréglée ? On a vu qu'elle
est loin de l'être quand ils sont seuls en scène,soif chez l'hypnotisé,
soit chez l'enfant. Bref,pourquoi le sommeil porterait-il son effet,
d'une part sur l'organisme, d'autre part sur le moi, en respectant
leur intermédiaire nécessaire, les co-êtres ? 11 semble au contraire
que, si le duplicisme était vrai, si le sommeil pouvait dissocier le
moi et les co-êtres, ceux-ci, plus actifs matériellement,exposés à la
fatigue, devraient tomber dans l'assoupissement,tandis que le MOI
conserverait, au moins pendant longtemps encore, la meilleure
part de son activité. Toutes ces difficultés disparaissent si on sup-
prime la séparation du moi et des co-êtres pour considérer toute la
SUR LA SY.MÉIR11Î BILATERALE DU CORPS. 325
vie psychologique comme profondément une.D'ailleurs, les souve-
nirs mis en jeu dans le rêve concernent aussi souvent la vie du
moi que celle du coêtre. Enfin, les rêves où la personne paraît
dédoublée en deux individus qui s'opposent l'un à l'autre, « par les
impulsions qu'elles excitent ou les discussions qu'elles soulèvent »
comme il est dit (p. XIV) à propos des hallucinations hypnagogi-
ques, démontrent particulièrement combien la conscience ne peut
comprendre d'états divers : le dormeur,en effet, constate l'opposi-
tion, qui fait la caractéristique de ce genre de rêves ; il n'en voit
pas, il est vrai, l'absurdité, puisqu'il ne se rend pas compte qu'il
constate, mais, au moment où il assiste à l'acte d'un des person-
nages, il garde souvenir de l'acte de l'autre : ou bien, s'il voit les
deux actes à la fois, il les embrasse tous deux dans sa conscience :
le duplicisme longitudinal n'a rien à voir ici : dira-t-on que les per-
sonnages vus en rêve sont conscients ? Si, au contraire, le moi se
voit en rêve réellement dédoublé, il a conscience du dédouble-
ment, et, par cela même, de son unité.
L'Auteur refuse la volonté aux co-êtres ; l'hypnotisé chez qui une
volition se manifeste aurait donc laissé accaparer par un co-être la
volonté du moi.Mais l'Auteur est ici formel : «'le co-être a des im-
pulsions dont il prend conscience, qui deviennent en lui des désirs
et actionnent la volonté » (p. 56) ; il n'est « susceptible que de dé-
sirs,d'inclinations,.d'instincts et de passions» (p. 76). (On sait
que les Rotifères sont bien mieux partagés ! ).Tout cela s'accorde
assez bien avec les « tendances » dont nous avons déjà parlé, mais
puisque l'Auteur attribue aux co-êtres des désirs et des impulsions,
il ne peut leur refuser le sentiment naturellement illusoire de
la liberté. En effet, ils agissent par impulsion, mais aussi « sous
l'influence de motifs » (p. 106). Leur mémoire entre donc en jeu
dans les préliminaires de leurs actes; or l'essence de la mémoire est
de ne pas représenter à l'esprit toutes ses conditions passées ; les
coêtres ne connaîtraient donc que quelques unes des causes qui le
font agir, causes d'aspect assez caractérisé pour avoir l'apparence
de motifs, ils croiraient donc se déterminer librement, et de-
vraient ainsi forcément et tout comme le moi, avoir l'illusion du
libre arbitre, illusion d'ailleurs compatible avec l'obéissance à une
impulsion.
Admettons, avec certains passages, que c'est le moi qui décide ;
le sentiment de liberté des coêtres à largement sa place « dans la
conférence où ils font entrer leur respective faculté de Raison » p.
106. L'opposition du coêtre au monde extérieur serait moins tran-
chée, moins vive que celle du moi mais n'en différerait pas essen-
tiellement, de même que le réflexe instantané ne diffère pas eqzpn-
tiellement de la volition la plus longtemps différée.
Les citations rapportées dans cet article montrent dans quelle
imprécision/probablement involontaire, l'Auteur a laissé la partie
.iG ' LÉGISLATION.
capitale de sa thèse : la part de l'individu double, c'est-à-dire des
deux consciences coexistantes différant par leur contenu, dans les
diverses phases de la vie psychique : chezl'animal,olle moi n'existe
pas, chez l'enfant où il est longtemps rudimentaire, chez l'adulte
- surtout, où la question devient particulièrement pressante : dans les
actes, tels que la délibération, ou co-êtres et Moi sont à la fois en
scène,quels sont les rapports de ces trois consciences ? Le problème
n'est même pas posé. Dans les états pathologiques où le Moi ne se
manifeste, pas ce que d'ailleurs le duplicisme n'a pas songé à expli-
quer quels sont les rapports des deux consciences en présence ?
Comment les co-êtres peuvent-ils acquérir des qualités complexes,
attributs ordinaires de la personnalité alors disparue ? Comment
l'un deux parvient-il essentiellement à gouverner l'homme entier
en lui laissant ou en lui retirant l'habitus de l'homme normal ?
Loin d'éclaircir ces difficultés, l'apparition du Moi va mettre en re-
lief l'absurdité du système qui les a créées. -
(A slIi¡'I'e).
LEGISLATION.
Les garanties de la liberté individuelle dans la
loi de 1838 et dans la nouvelle loi adoptée par
la Chambre des Députés :
PAn I. CI ! , 11Z1 ? MAlt,
Interne de la Maibon de anl(' de Pif'IJI1S,
La Chambre des Députés vient de voter la proposition
de loi de : 19. Dubief sur le régime des aliénés, destinée il
remplacer les dispositions de la loi du 30 juin 1838,
Depuis plus de trente ans, il plusieurs reprises, les rap-
ports ont été faits au Parlement par des hommes émi-
nents et même le Sénat a voté un projet en 1886. Tous
ceux qui s'occupent de cette question connaissent les
rapports successifs do Gambotta et Magirin (1870), de
Th. Roussel, (1872), de Bourneville (1889 et 1890), de
Lafont et Rêinach (1893).
Le point de départ commun de toutes ces tentatives de
réforme est l'idée de donner des garanties plus efficaces à
la, liberté individuelle, qui serait insuffisamment proté-
gée par la loi de 1838. Dans la discussion qui vient de se
LES GARANTIES DE LA DBERTM INDIVIDUELLE. 327
développer à la Chambre, la même préoccupation de la
garantie de la liberté individuelle a dominé le débat. Il
nous a paru intéressant de comparer les garanties contre
des séquestrations arbitraires que donnent l'ancien et le
nouveau texte. -"
Voyons d'abord de quelle manière fonctionne la loi du
30 juin 1838 ; 1° dans le cas d'un internement à la suite
duquel aucune réclamation ne se produit, 2° à la suite de
protestations des malades ou des tiers.
Nous supposerons dans les deux cas qu'il s'agit d'un
placement volontaire dans un asile privé, un de ceux à
propos desquels, M. Cruppi, dans la discussion disait :
cc Nous n'avons pas voulu aller jusque là (à la suppression
de ces asiles)bien que nous n'ignorions pas que la plupart
des incidents douloureux et des cas de séquestrations
arbitraires, se produisent dans les établissements de cette
nature. » (1).
I. - Mécanisme normal de la loi. On constate dans
une famille un changement de l'état mental d'une per-
sonne, on s'inquiète autour d'elle, le médecin de la famille
est consulté, souvent il demande l'avis d'un spécialiste,
trop souvent aussi la famille hésite, ne se décide à con-
duire le malade dans une Maison de santé, qu'après beau-
coup de retards, d'essais de « séjour à la campagne »,
d'un « « voyage en Suisse, en général, on ne prend de dé-
cision qu'après un fait grave qui a donné de l'inquiétude.
Le médecin délivre un certificat, et sur la présentation de
cette pièce et d'une demande d'admission signée par un
membre de la famille ou un ami, le directeur de l'asile
reçoit le malade après avoir constaté son identité et cille
de la personne qui a signé la demande d'admission. Le
certificat doit avoir moins de quinze jours de date et le
signataire ne doit être parent ni du directeur de l'établis-
sement, ni de la personne qui a signé la demande. Dès
son arrivée, le malade est examiné, interrogé par le mé-
decin de l'établissement et dans-les 24 heures de l'entrée,
ce dernier est tenu de transmettre au Préfet du Départe-
ment la copie de la demande d'admission, du certificat
médical d'entrée, accompagnés d'un nouveau certificat
(1) .10111'n. off. Ch. de Dép., 17 janv. 07, p. 53, col. 2.
3' ? 8 LÉGISLATION.
où il relate les constatations qu'il vient de faire sur l'état
du malade (art. 8).
Dans les trois jours de l'entrée, le malade est de nou-
veau examiné par un médecin inspecteur, commis à cet
effet par le Préfet qui peut lui adjoindre telle personne
qu'il désignera. L'Inspecteur rédige un rapport où il
constate l'état du malade et conclut à son maintien ou à
sa sortie (art : 9). Dans les mêmes délais,le Préfet doit
transmettre toutes ces pièces au Procureur de la Répu-
blique du domicile du malade et au Procureur de l'arron-
dissement de la situation de l'établissement. A la suite de
ces rapports, une enquête (pas toujours discrète) est faite
pour constater les circonstances qui ont accompagné le
placement du malade, se renseigner sur sa situation de
fortune et celle de ses proches (art. 10). Enfin quinze jours
après.le médecin de l'établissement rédige et envoie un
nouveau certificat où il consigne l'observation du malade
et où il conclut au maintien ou à la sortie.
Telles sont les premières formalités, il y a donc trois
médecins au moins qui examinent le malade, jugent son
état, et doivent conclure d'une manière identique au
maintien de l'aliéné. Il faudrait donc pour réaliser un at-
tentat à la liberté individuelle qu'il y ait complicité entre
la famille et ces trois médecins. Si deux d'entre eux peu-
vent être soupconnés, le médecin familial de complaisan-
ce, le médecin de l'établissement d'intérêt à avoir un nou-
veau pensionnaire, le troisième médecin fonctionnaire
de l'administration, sera en dehors de ces soupçons et
rien n'aura à le détourner de son devoir ; nous laissons
de côté l'intérêt supérieur du médecin de l'établisse-
ment;de ne pas discréditer sa maison par des discus-
sions publiques possibles qui peuvent, pour un seul pen-
sionnaire, lui en faire perdre beaucoup d'autres. Mais
les garanties du malade ne se bornent pas là, ultérieure-
ment son internement sera soumis au contrôle du Préfet
et des personnes désignées par lui ou le Ministre de l'In-
térieur, du Président du Tribunal, du Procureur de la
République, du juge de paix, du maire de la commune,
dans le cas particulier où nous nous sommes mis, la vi-
site, du Procureur est obligatoire au moins une fois par
trimestre (art. 4). Ces personnes doivent laisser une tra-
LES GARANTIES DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE. 320
\
ce de leur passage par le visa du registre d'Inscription
des malades, qui doit leur être présenté (art. 12). De plus,
le médecin doit .noter, au moins tous le mois, sur ce
registre, ] 'évolution de l'état'mental, hs incidents de la
maladie, suivre en un mot, l'observation complète de
l'aliéné (art. 12). -
Dans le premier mois de chaque semestre, le médecin
de l'établissement doit adiesser au Préfet un rapport in-
dividuel sur tous les malades présents et le Préfet-sta-
tuera sur leur maintien ou sur leur sortie. (art. 12.)
II. - Supposons que le malade réclame contre la me-
suie prise à son égaid, que des amis, ou des tiers protes-
tent contre son internement. Le malade poura écrire aux
autorités administratives,se pourvoir auprès du tribunal
qui peut ordonner sa sortie immédiate sur simple requête
en Chambre du Conseil,sans délais et sans motifs. Les ré-
clamations des malades ne peuvent être retenues (art. 29)
sous conditions de pénalités (art. 41).
Dans la réalité à la suite de ces réclamations les tribu-
naux envoient soit un représentant du Parquet, soit un
médecin expeït'qui interrogent le malade, étudient son
dossier, consultent les notes mensuelles et peuvent con-
clure à la sortie du malade en dehors de toute intervention
administrative. Des tiers pcuvent intervenir et provoquer
les mêmes examens et les mêmes sanctions.
Malgré l'avis du médecin et quoique non guéri un ma-
lade peut sortir sur la demande du curateur, de l'époux,
des ascendants, des descendants. S'il existe un désaccord
dans la famille,le malade peut sortir sur avis du conseil de
famille, même si une opposition est faite par un des avant
droit. (art. 14.)
Examinons maintenant quelles seront les formalités
qui accompagneront un internement d'après les disposi-
tions nouvelles votées par la Chambre. Nous retrouve-
rons, avec les constatations d'identité, la demande d'ad-
mission, qui devra être visée par le juge de paix, le maire
ou le commissaire de police. Le certificat médical a chan-
gé de nom,il s'appelle maintenant rapport au Procureur
de la République,il doit dater de S jours au plus et la date
de la dernière visite faite au malade par le signataire'doit
être notifiée au juge de paix ou au maire.Ce rapport ne
330 " \- LÉGISLATION.
peut être rédigé par un parent du directeur de l'établisse-
ment ou de la personne qui a signé la demande d'admis-
sion (art. 14).
Dans les 24 heures, les pièces ci-dessus accompagnées
d'un certificat dit de 24 heures, doivent être transmises
au Préfet, au Procureur de la République du domicile du
malade et au Procureur du Tribunal de la situation de
l'établissement.Quinze jours après, un nouveau certificat
doit être transmis aux mômes personnes. Dans les trois
jours de l'entrée, le malade est vu par un médecin-ins-
pecteur commis par l'administration (art. 18). -
A ce moment le Procureur adresse des réquisitions
écrites au Président du Tribunal de la situation de l'éta-
blissement qui statue sur simple ordonnance ou en cham-
bre du Conseil, s'il y a opposition du malade, du conjoint,
d'un membre de la famille ou d'un ami. Le tribunal peut
demander une expertise contradictoire ; sa décision est
sujette à l'appel (art. 11 ? ). Les dispositions concernant les
visites du Préfet, du Procureur, du Président du Tribunal
etc, sont à peu de chose près,'les mêmes quo dans la loi
ancienne, les réclamations des malades et des tiers sont
instruites identiquement.
Voilà donc en présence les deux systèmes, cherchons
quelles nouvelles garanties, la loi votée par la Chambre,
offre aux aliénés. Ce ne seront pas les visas de la demande e
la réduction de la durée de validité du certifiât, ce sont là
choses minimes. M. Cruppi en a énuméré. d'autres dan"
la discussion de l'article 18.
« Nous avons organisé des garanties . Le rapport cir-
« constancié qui doit être il l'origine do la dernande,
« quand il s'agit d'un placement privé, et qui est signé
» par un médecin, le rapport qui doit être rédigé dans les
« vingt-quatre heures et signé par le médecin de l'établis-
« sèment, le rapport de quinzaine signé par le médecin do
Il l'établissement et le rapport dressé dans les trois jours
« et signé par le médecin du Préfet, tout ce dossier que nom
« avons organisé et qui constitue les garanties nouvelles de la
« loi doit être transmis ceux qui sont responsables de
« l'internement, qui ont à statuer sur l'internement, au
«préfet qui l'a provoqué, peut-6tie,au Procureur do la
« République, qui doit l'examiner et l'aire sortir le malade
LES GARANTIES DE LA LIBERTÉ. INDIVIDUELLE. 331
« s'il y a lieu, au Président du Tribunal qui statuera par
« ordonnance sur le maintien ou la sortie ". (1).
Il est assez extraordinaire d'entendre un juriste de la
valeur du Président de la Commission qui a examiné le
pl'ojet,pronoJ1cer-de telles paroles.Ce dossier dont il reven-
diqur, l'organisation, existait avec la loi de 1838, il était
transmis aux mêmes personnes. On n'y ajoute pas nne
pièce nouvelle et même la Ccmmission avait oublié ce qui
est, à notre avis, la pièce essentielle, nous voulons pailer
durappert fait par le médecin inspecteur dans les tiois
jOU1S de l'entrée.On n'en trouve pas trace dans le texte
proposé pai la Commission ct le paiagraphe qui concerne
ce rapport a été ajouté au moment de la discussion, sm la
demande du Commissaire du Gouvernement (1) (2).
En jéalité la modification essentielle de la loi ipnt dans
l'intervention du pouvoir judiciaire qui remplace le pou-
voir administiatif dans l'internement définitif du malade.
Nous ne reproduirons pas ici les longues discussions
théoriques qui ont été développées dans les sociétés sa-
vantes et dans les journaux spéciaux sur la nécessité de
remettre aux-magistrats seuls le droit de priver de sa li-
berté un membre de la société. Cette question a été Ion
guement controversée, tous les arguments ont été donnés
de part et d'autre pour soutenir ou réfuter ce principe.
En dernière analyse, et tout le monde est d'accord sur
ce point, le dernier mot dans la question doit revenir aux
médecins puisqu'il s'agit ici de malades. Ce sont les mécle- z
cins seuls qui peuvent apprécier le danger qu'il y a pour
la société ou pour l'aliéné de laisser les malades en liberté,
eux seuls peuvent conclure à la nécessité de l'internement
La décision, qu'elle émane de l'autorité administrative
ou de l'autorité judiciaire ne devrait être que l'entérine-
ment des conclusions médicales.C'est donc sur l'interne-
ment définitif prononcé par le Tribunal que porte le prin-
cipe de la nouvelle loi et que résident les garanties nou-
velles qu'on a voulu offrir aux malades. 'ID
Mais ne retrouvons-nous pas dans la loi de 1838 la mê-
me intervention du pouvoir judiciaire, qui se manifeste
dès qu'uneréclamation est formulée par un malade ?
(1) .lourn. off. Ch. de Dép. 17 janvier 0-1 p. 65 col. 3.
(2) Jourt. Uf. Ch. de Dés. 17 janvier, 07 p. 85 col. 2.
332 LÉGISLATION.
N'est-ce pas au pouvoir judiciaire qu'appartient la déci-
sion de mettre en liberté un malade réclamant malgré
l'avis du Préfet et du médecin ? Les dispcsitions de la loi
du 30 juin 183S que nous avons rapportées plus haut ne
laissent aucun doute à cet égard. Le païquet est saisi de
l'internement dans tous les cas et il a le droit de pour-
suivi e d'office, même sans que le malade se plaigne.
Il ne reste plus au bénéfice de la nouvelle loi que l'ex-
pertise ccntradictoire et le droit pour l'aliéné d'en appe-
ler de la décision du Tribunal. Ce sont là deux plcorès
très manifestes ceitainement, surtout en ce qui concerne
le principe de l'expertise contradictoire,pri ncipe nouveau
dont la création honore ceux qui cherchent à l'introduire
dans toutes les discussions judiciaires ou administratives.
Ces progrès seuls se justifient par les amères critiques
que la loi de 1838 a suscitéesde toutes parts.Elle a trouvé
bien peu de défenseurs et personne au Parlement n'est
venu lui apporter les éloges que méritent ses dispositions
si complètes et si judicieuses, : 1 tel point qu'elle a servi
de modèle il toutes les législations ciéées en Europe sur la
matière après sa promulgation. La loi du 30 juin 1838 a
été étudiée par un Parlement où les maîtres de la philcso-
phie du XIXe siècle avaient une voix autorisée. C'est une
des meilleures lois d'assistance qui aient été faites et elle
a donné des garanties qu'il est bien difficile de rendre
plus complètes.
Nous ne voulons pas dire qu'elle ne soit pas perfecti-
ble.L'évolution de la société comporte de nouvelles dispo-
sitions basées sur des besoins nouveaux et sur des situa-
tions différentes. Il y a dans le texte proposé par la Cham-
bre de nombreuses choses nouvelles et excellentes : la né-
cessité reconnue de soigner davantage les aliénés en aug-
mentant le nombre des médecins des asiles, et en enle-
vant à ces nouveaux hôpitaux de traitement les séniles et
les déments qui trouvent mieux leur place dans les colo-
nies rurales ou dans le placement familial ; une compré-
hension plus moderne et plus complète du rôle de l'ad-
ministrateur provisoire qui devient toujours obligatoire ;
l'obligation aussi de la nomination du curateur à la per-
sonne ; le statut des aliénés dits criminels,des alcooliques,
ce qu'on a appelé l'auto-placement (art. 16) etc...Mais
LES GARANTIES DE LA LIBERTE INDIVIDUELLE. 333 3
toutes les entraves qu'on mettra au placement des mala-
les sous le prétexte d'une protection plus efficace de la
liberté individuelle, iront à rencontre des vues du légis-
lateur qui veut que l'aliéné soit plus complètement et sur-
tout plus promptement traité.
Qu'on multiplie les examens,les inspections, le contrôle
après l'entrée des malades dans les asiles, mais que les por-
tes soient largement ouvertes pour l'admission, qu'un
traitement prématuré soit facile à instituer et le résultat
sera certainement meilleur pour les malades et pour la so-
ciété. Ce ne seront pas d'ailleurs toutes les nouvelles me-
sures d'intervention judiciaire, d'expertise contradic-
toire d'appel, qui empêcheront certains malades de pro-
tester contre leur séquestration. Les persécutés, les rai-
sonnants, dont les facultés intellectuelles n'ont pas baissé,
qui restent capables d'écrire correctement leurs réclama-
tions, d'exposer leurs récriminations avec la logique ou-
trancière qui les caractérise continueront à assiéger les
tribunaux de leurs plaintes, à provoquer dans les jour-
naux des polémiques retentissantes qui jetteront l'émoi
dans l'opinion publique et amèneront de nouvelles dis-
cussions sur la liberté individuelle.'
Ce ne sont pas l'eper tise contradictoireni l'appel à des
juges supérieur, -qui arriveront à convaincre un quéru-
lant de l'inanité de ses revendications et mettront obs-
tacle aux réactions souvent terribles que provoquent les
dénis de justice dont il se croient les victimes. Le fait de
protester, de se plaindre est pourrait-on dire, un symp-
tôme de leur maladie, ces malades protestent comme un
bronchiteux tousse. Et malgré les exemples trop nom-
breux que donne la rubrique des crimes commis par les
aliénés en liberté, ces malades impressionneront ceux qui
leur servent de porte-parole dans la Presse et dans les
Parlements et il nous revient à l'esprit une intéressante
observation de la thèse de Raoul Lcroy (1) où à piopos
de l'internement d'une malade qui se disait la fille d'une
grande tragédiennne et de l'héritier d'une couronne ro-
yale et qui poursuivait ses prétendus parents de récla-
mations incessantes, l'auteur raconte qu'il faillit y avoir,
(1) Th. Paris 1800, Les pel'sél'ulès-IH'r'H'clllcul ? p. 38.
334 - LÉGISLATION.
après des polémiques passionnées, une interpellation à la
chambre des Députés.
Proposition de loi sur les aliénés.
(Suite.)
Section Il, De la surveillance des aliénés.
ART. 10. Le préfet du département est tenu de visiter, une
fois au moins chaque semestre, les établissements publics ou privés
situés dans le département. Le procureur de la République de l'ar-
rondissement dans lequel un ou plusieurs établissements d'aliénés
sont situés est tenu de visiter ces établissements une fois au moins
chaque semestre. Les personnes spécialement déléguées à cet effet
par le ministre de l'Intérieur ou le préfet, le président du tribunal
de l'arrondissement, le juge de paix du canton, le maire de la coin,
mune où est situé l'établissement public ou privé d'aliénés peu-
Vent visiter le dit établissement lorsqu'ils le jugent convenable-
Ils reçoivent les réclamations des personnes qui y sont placées et
prennent à leur égard tous les renseignements propres à faire con-
naître leur position.
ART. 11. Un décret du Président de la République, délibéré
en Conseil d'Etat et rendu dans le délai d'un an, à partir de la pro-
mulgation de la présente loi, règlera l'organisme et le fonctionne-
ment,ainsi que le cadre du personnel et les conditions du recrute-
ment de l'inspection générale du service des aliénés. Les inspec-
teurs généraux sont nommés à la suite d'un concours sur titres
dont le ministre de l'Intérieur détermine les conditions. Sont ad-
mis à concourir : les membres de l'Académie de médecine, les pro-
fesseurs et agrégés des facultés de médecine, les docteurs en méde-
cine ayant rempli pendant cinq ans au moins les fonctions de di-
recteur, de directeur-médecin ou de médecin en chef d'un asile d'a-
liénés ou des quartiers d'hospices, les docteurs en médecine qui,
s'étant distingués par leur enseignement ou leurs écrits sur les ma-
ladies mentales, seraient l'objet d'une présentation du Conseil su-
périeur.
Chacun des établissements publics ou privés d'aliénés est visité,
au moins une fois chaque année, par un desjnspecteurs généraux.
Dans leurs tournées annuelles, qui doivent comprendre tous les
départements, les inspecteurs généraux s'assurent de la bonne
exécution des lois et règlements relatifs aux aliénés et de la bonne
tenue des archives du service des aliénés.
ART. 12. Le Conseil supérieur de l'Assistance publique, dont
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 335
feront partie de droit les inspecteurs généraux des services d'alié-
nés, reçoit du ministre de l'Intérieur communication de tous do-
cuments et rapports ; il donne son avis sur les règlements particu-
liers, sur les plans,et projets de construction générale ou partielle
des asiles, sur les traités passés par les départements pour le trai-
tement de leurs aliénés indigents, sur. les tarifs des prix de jour-
née des aliénés, sur les autorisations à accorder aux asiles privés,
et sur toutes les mesures propres à assurer l'exécution des lois et
règlements concernant le service des aliénés ; il reçoit chaque an-
née du ministre de l'Intérieur communication du rapport général
qui sera présenté par le ministre, publié au Journal officiel et dis-
tribué aux Chambres.
Titre II. Des placements faits dans les établissements d'alié-
nés. Section première. Des placements faits sur la de-
mande des particuliers.
AnT. 13. Les chefs responsables des asiles publics et privés
consacrés aux aliénés ne peuvent recevoir une personne présentée
comme atteinte d'aliénation mentale s'il leur est remis :
1° Une demande d'admission contenant les nom, prénom, pro-
fession, âge et domicile tant de la personne qui la forme que de
celle dont le placement est réclamé, et l'indication du degré de pa-
renté ou, à défaut, de la nature des relations qui existent entre
elles. La demande est écrite et signée par celui qui la forme : elle
est visée par le juge de paix, le maire ou le commissaire de police.
En cas d'urgence, le visa n'est exigible que dans les quarante-huit
heures de l'admission. Si l'auteur de la demande ne sait pas écrire,
celle-ci est reçue par le fonctionnaire dont le visa est réclamé, qui
en donne acte. Si la demande est formée par le tuteur d'un interdit
il doit fournir à l'appui, dans un délai de quinze jours,un extrait
du jugement d'interdiction et un extrait de la délibération du con-
seil de famille prise en vertu de l'article 510 du Code civil ;
2° Un rapport au procureur de la République sur l'état mental
de la personne à placer.signé d'un docteur en médecine et dûment
légalisé. Ce rapport doit être circonstancié ; il doit indiquer no-
tamment : la date de la dernière visite faite au malade par le signa-
taire, et qui aura été notifiée au juge de paix ou au maire, sans que
cette date puisse remonter à plus de huit jours'; les symptômes et
les faits observés journellement par le signataire et constituant la
preuve de la folie, ainsi que les motifs d'où résulte la nécessité de
faire traiter le malade dans un établissement d'aliénés et de l'y tenir
enfermé. Ce rapport ne peut être admis s'il a été dressé plus de
huit jours avant la remise au chef responsable de l'établissement,
s'il est l'oeuvre d'un médecin attaché à l'établissement, ou si l'au-
teur est parent ou allié au second degré inclusivement du chef res-
336 LÉGISLATION.
ponsable, ou du propriétaire de l'établissement, ou des médecins
qui y sont attachés, ou de la personne qui fait effectuer le place-
ment, ou de la personne à placer. En cas d'urgence, l'admission
- peut avoir lieu sur la présentation d'un rapport médical sommaire
mais le médecin certificateur doit, dans le délai de deux jours, pro-
duire un rapport détaillé, conformément aux dispositions ci-des-
sus, sous l'une des peines portées à l'article 63 ci-après :
3° L'acte de naissance ou de mariage de la personne à placer ou
toute autre pièce propre à établir l'identité de cette personne. Les
personnes admises dans les établissement d'aliénés, conformément
aux dispositions précédentes, ainsi que les personnes dont le place-
ment aura été ordonné d'office, ne sont internées qu'à titre provi-
soire, et sont placées en conséquence dans un quartier d'observa-
tion spécial ou, à défaut, à l'infirmerie de l'asile et inscrites sur un
registre spécial. Elles y sont maintenues autant que les exigences
du traitement permettent. Si le médecin, avant la décision de l'au-
torité judiciaire prévue à l'article 18, les fait passer dans un autre
quartier, il doit indiquer la date et les motifs de ce changement sur
le registre prescrit par l'article 20 ci-après.
ART. 14. Lorsque les formalités nécessaires pour le placement
d'une personne dans un établissement d'aliénés ont été remplies,
si cette personne s'oppose par la force à son transport dans cet éta-
blissement, le maire ou le commissaire de police doit être requis,
par le demandeur au placement, d'assurer ce transport suivant les
prescriptions de l'article 29. En ce cas, le fonctionnaire ainsi requis
doit faire procéder à l'exécution du placement, en dresser un pro-
cès-verbal et le transmettre dans les vingt-quatre heures au pro-
cureur de la République. Si le maire ou le commissaire de police le
demande, le transport sera effectué par les soins du personnel des
établissements d'aliénés.
ART. 15. Toute personne majeure qui, ayant conscience de
son état d'aliénation mentale, demande à être placée dans un éta-
blissement d'aliénés peut y être admise sans les formalités pres-
crites par l'article 13. Une demande signée par elle et la production
d'une pièce propre à constater son identité sont suffisantes. Si elle
ne sait pas écrire, la demande est reçue conformément aux pres-
criptions du paragraphe 3 de l'article 13. La personne ainsi admise
est soumise aux prescriptions de l'article 17 ci-après et aux autres
dispositions de la présente loi concernant les placements faits sur
demande des particuliers.
ART. 16. Nul ne peut être conduit à l'étranger pour être placé
dans un établissement recevant des aliénés, sans que la déclara-
tion en ait été faite, avant le départ, au procureur de la Républi-
que du domicile du malade ; cette déclaration devra être accom-
pagnée du rapport médical circonstancié prescrit à l'article 13.
PROPOSITION DE LOI SUR LES ALIÉNÉS* 337
Tou Français qui, à l'étranger, provoque le placement d'un Fran-
çais à,us un établissement recevant des aliénés, est tenu de faire,
dans le délai d'un mois à partir du placement, la déclaration de ce
placement au procureur de la République du dernier domicile en
France du malade.
Les dispositions de la présente loi relatives à l'administration
des biens sont applicables aux biens des aliénés placés à l'étranger.
L'administrateur provisoire du lieu de leur dernier domicile rem-
plit à leur égard ces fonctions, ainsi que le curateur à la personne,
de concert avec la Commission de surveillance donc celui-ci fait
partie, le tout comme il est prévu aux articles 5 et 44.
Nul étranger conduit en France pour être placé dans un établis-
sement d'aliénés ne peut être admis dans cet établissement sans
une demande et sans un certificat médical, légalisés dans son pays
d'origine ou par un représentant diplomatique de ce pays en
France. Si la demande et le certificat ne sont pas écrits en français,
il y est joint une traduction française cert '-fiée conforme.
Dans les trois. jours de la notification de ce placement, fait con-
formément au paragraphe premier de l'article 17 ci-après, le-préfet
en donne avis au Gouvernement, qui prévient le représentant di-
plomatique du pays d'origine de la personne placée. Le même avis
de placement doit être donné dans le même délai au représentant
diplomatique du -pays d'origine de tout étranger résidant ou de
passage en France, dont l'état d'aliénation aurait exigé le place-
ment, conformément aux termes soit de l'article 13, soit de l'article
26 de la présente loi.
ART. 17. Dans les vingt-quatre heures qui suivent l'admission
de la personne présentée comme atteinte d'aliénation mentale, le
directeur de l'établissement public ou privé adresse le bulletin d'en-
trée du malade, accompagné de la copie de la demande d'admis-
sion, de celle du rapport prescrit à l'article 13 et de celle du cer-
tificat du médecin de l'établissement, dit certificat de vingt-qua-
tre heures : 1° au préfet du département où l'établissement est
situé ; 2° au procureur de la République de l'arrondissement du
domicile de la personne placée ; 3° au procureur de la République
de l'arrondissement où l'établissement est situé.
Si le placement est fait dans un établissement privé, le préfet,
dans les trois jours de la réception du bulletin, chargera un méde-
cin de visiter la personne désignée dans ce bulletin, à l'effet de
cuiibtatei- son état mental et d'en faire un rapport sur-le-champ à
lui-même et au procureur de la République. Quinze jours après
ce placement, il est adressé au préfet et aux procureurs de la Ré-
publique un certificat circonstancié du médecin de l'établissement.
Ce certificat confirmera ou rectifiera, s'il y a lieu, les observa-
tions contenues dans le premier certificat, en indiquant le retour
plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence.
Archives, 3° série, ¡9C7, t. 1. ` ? .3
338 LÉGISLATION.
ART. 18. Aussitôt après les formalités prescrites à l'article
.précédent ,1e procureur de la République adresse ses réquisitions
écrites, avec le rapport médical d'admission, les rapports médi-
caux de vingt-quatre heures et de quinzaine du médecin de l'éta-
blissement et le rapport du médecin commis par le préfet, s'il y a
lieu, au président du tribunal de l'arrondissement où l'établisse-
ment est situé.
Le président statue sur la maintenue ou la sortie de la personne
placée. Lorsque le président a des doutes, lorsqu'une opposition
à l'internement a été formulée par l'aliéné, le conjoint, un membre
de la famille, un ami, la décision sera prise par le tribunal, qui sta-
tuera d'urgence, en chambre du conseil. Toutes les fois que le tri-
bunal ne croit pas devoir statuer définitivement, il ordonne, sous
la réserve de tous autres moyens d'information, une expertise
qui sera faite contradictoirement par deux médecins, dont l'un
sera désigné par l'aliéné ou son représentant. La décision du tri-
bunal est notifiée sur-le-champ au préfet et au chef responsable
de l'établissement.
La minute de l'ordonnance du président, la copie de .la décision
de la chambre du conseil seront remises au directeur de l'établis-
sement, et elles demeureront annexées au registre prescrit par l'ar-
ticle 20 ci-après. Appel de la décision du tribunal pourra être relevé
dans les délais et formes prévus à l'article 9.
ART. 19. Dans les cas de transfèrement d'un aliéné d'un éta-
blissement dans un autre, l'admission de l'aliéné transféré a heu,
après avis médical qu'il n'y a pas d'inconvénient.sur le vu du cer-
tificat délivré par le chef responsable de l'établissement d'où pro-
vient ce malade et des pièces légales concernant ce dernier ou
d'une copie de ces pièces. Le médecin de l'établissement où l'aliéné
est transféré fait les certificats de vingt-quatre heures et de quin-
zaine, et le chef responsable fait les notifications prescrites par
l'article 17. L'administration provisoire légale des biens de l'a-
liéné transféré continuera d'être exercée par la Commission de sur-
veillance du département où cet aliéné a son domicile de secours.
Mais les fonctions de curateur seront transmises au curateur insti-
tué près l'établissement où il sera transféré. ,
ART. 20. - Il y a dans chaque établissement un registre coté et
paraphé par le maire, sur lequel sont immédiatement inscrits les
nom, prénoms, profession, âge, domicile et état civil des personnes
qui y sont placées ; la mention du jugement d'interdiction, si elle
a été prononcée, et le nom du tuteur, la date de leur placement ;
les nom, prénoms, profession et demeure de la personne, parenle
ou non parente, qui l'aura demandée. Sont également transcrits
sur ce registre : 1° la demande d'admission ; 2° le rapport médical
prescrit par l'article 13; 3° le certificat de vingt-quatre heures et le
PROPOSITION. DE LOI SUR LES ALIÉNÉS. 339
certificat de quinzaine ; 4° la décision du président ou du tribunal
civil ou de la Cour. Le médecin est tenu de consigner sur ce registre
les changements survenus dans l'état mental de chaque malade, au
moins chaque semaine pendant le premier mois de séjour, au moins
chaque mois pendant le reste de la première année, et ultérieure-
ment au moins chaque trimestre. Le médecin constate également
sur ce registre la date de la sortie et l'état mental au moment où
elle a lieu, la date et les causes du décès. Ce registre est exclusive-
ment communiqué aux personnes qui, d'après l'article 10, ont le
droit de visiter l'établissement ; après chacune de leurs visites,
elles doivent apposer sur le registre, avec la date, leur visa, leur
signature et leurs observations s'il y a lieu.
AnT. 21. Toute personne placée dans un établissement d'a-
liénés en vertu des articles précédents cesse d'y être retenue aus-
sitôt que le médecin de l'établissement a déclaré, sur le registre
susénoncé, que la guérison est obtenue ou que la sortie peut être
accordée. S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il est donné im-
médiatement avis de la déclaration du médecin aux personnes aux-
quelles ce mineur ou cet interdit doit être remis, ainsi qu'au procu-'
reur de la République.
ART. 22. Avant même que le médecin ait fait la déclaration
prévue à l'article 21, toute personne placée dans un établissement t
d'aliénés, en vertu des articles précédents, cesse également d'y
être retenue dès que la sortie est requise par l'une des personnes
ci-après désignées, savoir : 1° Le curateur à la personne de l'aliéné ;
2 Le conjoint ; 3° A défaut du conjoint, les ascendants ; 4° A dé-
faut des ascendants, les descendants ; 5° La personne qui a signé
la demande d'admission, à moins qu'un parent n'ait déclaré s'op-
poser à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil
de famille ; 6° Toute personne à ce autorisée par délibération du
conseil de famille, homologuée par le tribunal ou, à défaut, auto-
risée par le tribunal lui-même.
S'il résulte d'une opposition, notifiée au chef de l'établissement
par un ayant droit, qu'il y a dissentiment soit entre les ascendants,
soit entre les descendants, le conseil de famille décide. Cesse éga-
lement d'être retenue, si elle le demande, toute personne entrée
volontairement et-ayant signé elle-même sa demande d'admission.
Néanmoins, si le médecin traitant est d'avis que l'état mental du
malade pourrait compromettre la sécurité, la décence, la tranquil-
lité publiques, sa propre sûreté ou sa guérison, ou si l'administra-
teur provisoire est d'avis que la personne qui réclame la sortie n'est
pas en situation de lui donner les soins nécessaires, le chef respon-
sable en informe immédiatement le préfet de police dans; son
ressort et, dans les départements, le préfet ; il informe en même
temps le procureur de la République, et il est provisoirement sur-
340 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
sis à la sortie. Ce sursis provisoire cesse de plein droit à l'expiration
de la quinzaine, si le préfet n'a pas, dans ce temps, donné l'ordre
contraire, conformément à l'article 32.
ART. 23. Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs
responsables des établissements en donnent avis aux fonctionnai-
res auxquels la notification du placement a été faite, conformé-
ment à l'article 17, et leur font connaître le nom, la résidence des
personnes qui ont retiré le malade, son état mental au moment de
la sortie et, autant que possible, l'indication du lieu où il a été con-
duit. t.
Aile. 24. Le préfet peut toujours, après avoir pris l'avis du
médecin traitant, ordonner la sortie des personnes placées dans les
établissements d'aliénés. Cet ordre est notifié à la personne qui a
signé la demande d'admission, laquelle peut former opposition
dans les vingt-quatre heures de la notification. L'opposition est
jugée parle tribunal civil en chambre du conseil, l'opposant enten-
du, s'il y a lieu.
AnT. 2c. En aucun cas, l'interdit, ne peut être remis qu'à son
tuteur ou à la personne désignée par le conseil de famille, et le mi-
neur qu'à ceux sous l'autorité desquels il est placé par la loi.
(.a suivie.)
REVUE DE MEDECINE LEGALE
IV. - Alcoolisme, crime et folie ; par nI. MI. Bevan LEws.
(The Journal of mental Science, avril 1906.)
- L'auteur se propose dans ce travail d'étudier quelques points de
l'alcoolisme, de noter quelques faits concernant la distribution
géographique de l'alcoolisme et de la folie et d'examiner sommai-
rement l'action physiologique de l'alcool sur la formation delà
chaleur, et ses effets sur les centres que l'on présume être préposés
à la différenciation du sens musculaire.
Alcoolisme et thermogenèse. -Les observations calorimétriques
faites sur des animaux (lapin) avec des doses graduées d'alcool ont
très nettement montré l'existence de deux périodes, l'une primitive
caractériséo par la stimulation des centres vaso-moteurs de la
moelle, par la contraction des artérioles et l'augmentation de la
pression sanguine, l'autre, secondaire, caractérisée par la paraly-
sie des mêmes centres et l'inhibition par l'intermédiaire du pneu-
mogastrique.
L'intensité et la durée de la première période paraissent être en
raison inverse de la dose d'alcool administrée ; et il faut noter qu'il
ne s'agit pas ici d'une diminution de décharge thermique, non plus
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 341
que d'une rétention thermique, car dans les deux' cas il y aurait
une augmentation de température, tandis que l'abaissement est
net dans tous les cas.
Dans la seconde période (parésié' vasculaire et abaissement de la
pression sanguine) la décharge thermique a une durée et une in-
tensité proportionnelles à la dose ingérée ; la crise thermique,c'est-
à-dire la période du maximum de thermogénie, survient plus tar-
divement avec des doses fortes, et la prolongation de la décharge
thermique totale mérite d'être signalée : ici donc, les conditions
thermiques sont inverses,et la thermogenèse est augmentée; il faut
bien en effet qu'il se produise un développement de chaleur : consi-
dérable, puisque, malgré une décharge thermique importante, la
température du corps ne s'abaisse pas.
Avec le chloral, la marche des phénomènes est la même ; seule-
ment ils sont plus accusés. La caféine,elle aussi,stimule énergique-
ment la formation de la chaleur,mais elle diffère des agents précé-
dents en ce qu'elle en favorise considérablement aussi la rétention.
Diminution du sens musculaire et du temps de réaction. L'au-
teur rappelle que, dès 1878, dans le il il a émis l'avis qu'il n'y
avait pas dans les couches corticales de modifications structurales
brusques, et que les éléments frontière de deux territoires se fon-
daient pour constituer des territoires de transition ; et il indiquait
la pariétale ascendante comme une de ces régions de transition. Le
territoire qui limite les surfaces frontale et pariétale de l'écorce
motrice vraie est un de ceux qui, à en juger par les faits cliniques
et anatomo-patlhologiques, est facilement atteint dans trois mala-
dies bien définies du système nerveux, l'alcoolisme.la paralysie gé-
nérale et la folie de l'adolescence, ou si l'on préfère, la démence
précoce. Dans ces trois maladies, le sens musculaire est notable-
ment compromis ; mais un point sur lequel il faut insister, c'est que
dans tous les cas, durant les premières périodes, alors que la perte
du sens musculaire est profonde, on voit subsister un sens très dé-
licat de la température et une sensibilité tactile très affinée. Ce
fait donne lieu naturellement à deux déductions : 1° les centres en-
registreurs de la différenciation du sens musculaire sont entière-
ment distincts de ceux qui enregistrent les sensations tactiles et
thermiques ; 2° les centres qui reçoivent ces impressions muscu-
laires sont probablement constitués en grande partie par les terri-
toires pré-central,post-central, et de transition de l'écorce dont il a
été question, et c'est ainsi qu'il est obvié à la séparation absolue
d'une écorce corticale d'avec les dispositions sensorielles qui la gui-
dent ; ceci est en accord parfait avec les doctrines de Hughlings
Jackson sur l'évolution nerveuse, et avec son opinion au sujet des
centres représentatifs et re-représentatifs. 1
La diminution de la différenciation du sens musculaire est pré
342 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
coce dans la paralysie générale, où nous savons que la lésion prin-
cipale porte sur cette région de l'écorce, et l'on en peut dire autant
des premières périodes de la folie alcoolique; bien plus, une sembla-
ble diminution peut être constatée passagèrement sous l'influence
de l'alcool chez un sujet sain. Le temps de réaction total à l'égard
des stimulations visuelles ou auditives est notablement retardé par
une dose même modérée d'alcool.
Distribution géographique et Ae/'ette.Bornant ses recherches à
l'Angleterre et au Pays de Galles, l'auteur montre que, suivant les
contrées, les condamnations pourivressevariententre0,7etiï.5,la
moyenne étant de 5.8. La nature du pays, le paupérisme, la prédo-
minance de certains métiers,contribuent à expliquer cette variabi-
lité. En somme, l'étude des chiffres et de leur répartition paraît
justifier les conclusions suivantes : les agglomérations agricoles,
(terriennes ou maritimes) sont les moins intempérantes, et présen-
tent la plus forte proportion d'indigents et d'aliénés ; les agglo-
mérations minières ou industrielles (terriennes ou maritimes) sont
au contraire les plus intempérantes, et présentent la proportion la
plus faible d'indigents et d'aliénés ; les agglomérations mariti-
mes, minières et industrielles sont de beaucoup les plus intempé-
rantes, tout en donnant les proportions les plus faibles de paupé-
risme et de folie.
On voit donc ici la dissociation de l'alcoolisme d'avec la folie. Le
maximum d'intempérance ne coincide pas avec le maximum de
folie, tandis qu'il coïncide,comme on le sait, avec le crime, et com-
me l'auteur essaye de le démontrer, avec les épilepsies et les psy-
choses convulsives en général. '
Alcoolisme et hérédité. - En ce qui touche l'hérédité alcoolique,
la conception la plus générale de cette maladie est celle d'une réac-
tion très universelle de l'organisme à l'égard de l'action directe de
l'agent toxique, l'auteur insiste sur le mot directe parce que récem-
ment un patholugiste distingué a soutenu que l'hérédité alcoolique
était due à une toxémie bactérienne secondaire due à l'écroule-
ment, sous la poussée de l'alcool, de la première ligne de défense.
La dose d'alcool qui dépasse les limites physiologiques est pro-
bablement très faible et pour les sujets à susceptibilité spéciale elle
est presque insignifiante. L'étude de la thermogenèse chez les sujets
permettrait de la préciser pour le cas particulier. Ilérite-t-on de
l'alcool ? L'auteur pense que l'alcoolisme n'est pas héréditaire en
tant qu'alcoolisme, pas plus que la tuberculose n'est héréditaire
en tant que tuberculose ; il faut ici se souvenir que la diathèse
n'est pas la maladie, et que les caractères acquis ne sont pas trans-
missibles.
Mais alors de quoi hérite-t-on dans le cas d'alcoolisme des ascen-
dants ? Probablement d'une organisation défectueuse des neuro-
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. , 313
nes ou d'une déchéance moléculaire du tissu nerveux, se révélant par
l'affaiblissement ou la perte de l'attribut essentiel qui caractérise
les mécanismes composés de' cellules nerveuses,l'inhibition. L'ins-
tabilité fonctionnelle, est la marque prédominante d'un héritage
névropathique, mais celle qui résulte de l'hérédité alcoolique est,-
plus que toutes les autres formes d'instabilité, révélée par a) sa na·
ture convulsive ; b) sa tendance à la limitation (comme dans les
formes de folie dites systématisées) ; c) sa périodicité rythmique
et sa nature paroxystique. Ces derniers points sont particulière-
ment dignes d'attention. L'épilepsie, la chorée, l'hystérie, les psy-
choses convulsives (formes morales et impulsives de folie) et quel-
ques états délirants systématisés sont les premiers fruits d'un hé-
ritage alcoolique : l'élément moteur de la mentalité, si l'on peut ainsi
parler, est particulièrement exposé à ces sortes de troubles, dans
les formes paternelles de transmission. D'autre part, les arrêts de
développement, révélés par la faiblesse mentale congénitale, l'im-
bécillité, l'idiotie,paraissent être surtout les résultats d'une toxé-
mie maternelle, et être dus en grande partie, sinon totalement,à l'in-
toxication directe du germe ou de l'oeuf. ,
Le mot héritage névropathique est un mot très vaste, qui englobe
des facteurs très complexes : l'instabilité, qui probablement about
tira à la folie, à l'épilepsie, ou au crime, à l'ivrognerie, à la chorée,
à l'hystérie, peut- exister, plus ou moins, tout entière chez le même
individu, à des degrés variables : mais il est raisonnable de suppo-
ser que les agents ambiants, comme l'alcool, agissant directement
soit sur la cellule du germe soit sur celle du sperme, peuvent ac-
croître dans certains cas l'intensité de l'un ou de l'autre de ces fac-
teurs héréditaires, ou, dans d'autres cas, les éliminer. Car la cellule
du germe a sa vie propre, comme les autres éléments somatiques ;
elle se nourrit aux mêmes sources qu'eux,et elle agit ou réagit vis-à-
vis des mêmes agents ambiants ; mais ceci, bien entendu, ne veut
pas dire que « les caractères acquis soient transmissibles. »
R. DE MUSGRAVE-CLAY.
V. Observations et considérations sur un homicide commis
dans un état second d'Azam » ; par M. BIANCONE et 1\IARAN.
(In Rivisla sperimentale di Fre/iiatra.Vieggio en Emilie, 1905, vol.
XXXI, fasc. III-IV.) - C'est la continuation et la fin d'une
observation détaillée, dont le début se trouvait dans un précé
' dent numéro. J. S.
La responsabilité et l'assistance des aliénés,par le Dr CLAUSES,
(Bull. de la Soc. de méd. mentale de Belgiqne, juin 1906.)
Vigoureux et éloquent plaidoyer en faveur de la transforma-
tion radicale eL complète du régime d'assistance des aliénés en
Belgique. L'auteur réclame, cn'particulier, l'extension de plus eu
344 REVU[-- DE MÉDECINE LÉGALE.
plus grande des différents modes d'assistance familiale (colonies,
placements,chez les paysans, etc.), le développement de l'instruc-
tion en même temps que l'augmentation numérique du person-
nel médical et infirmier des asiles, l'organisation rationnelle de
ces établissements au point de we àla fois scientifique et théra-
peutique, la suppression absolue des moyens de contrainte (en-
traves, camisole, maillot) et aussi du régime cellulaire.
La réalisation de ces réformes ne sera possible que le jour ou
les médecins jouiront d'une indépendance complète vits-nazis
des directeurs ou des propriétaires des établissements d'aliénés.
M. Claus s'efforce ensuite de définir les diverses circonstances
qui peuvent mettre en cause les responsabilités du directeur, du
médecin et de l'aliéné. La responsabilité médicale est régie par
le droit commun ; elle ne peut être engagée qu'en cas de faule
ou de négligence grave. ,
S'il arrive des accidents imputables à un manque de surveil-
lance, c'est évidemment le directeur qui doit être rendu respon-
sable puisque c'est à lui qu'appartient en général le choix et le
renvoi du personnel.
Dans le cas contraire, c'est l'Etat ou la province qui pourraient
être condamnés. En aucun cas, il n'est permis au médecin de se
soustraire par pusillanimité aux obligations qu'il a assumées vis-
à-vis de ses malades. Il leur doit tous les traitements que lui dic-
tent sa conscience et la science.
La loi respecte, du reste, ce principe, mais 's'il était mé-
connu par hasard ou par suite d'une interprétation défectueuse
de la loi, le médecin n'en devrait pas moins continuer à s'y con-
former, car il est le seul qui lui assure une complète et entière in-
dépendance. G. 1).
VII. Lesaliénés dissimulateurs, par les Drs de muon et Ducrtn-
TEAU. (Bull.de la Soc. de 7K<M. mental : de B : : lgiq .oe, octobre 190G.)
La dissimulation ne pouvant être réalisée qu'à la faveur d'une
conservation au moins relative du jugement et de la volonté, on
ne doit pas s'attendre à la rencontrer dans les cas où existe un
déficit notable des facultés intellectuelles, tels que la paralysie
générale, les démences précoces, séniles, etc. La manie,par suite
de l'incohérence des idées, de l'exaltation de toutes les facultés,
est également incompatible avec la dissimulation.
La dissimulatiou s'observe surtout dans la mélancolie, la pa-
ranoïa et la dégénérescence mentale. Son importance médico-lé-
gale est beaucoup plus grande que celle de la simulation, sur-
tout quand il s'agit d'aliénés réclamant leur sortie. Le diagnostic
de la dissimulation exige une observation personnelle prolongée,
de préférence dans un établissement fermé ou un hôpital. G. U>rrav.
BIBLIOGRAPHIE
\'111. Traité des variations des os de la face de l'homme et
de leur signification au point de vue de l'anthropologie zoolo-
gique, par le Dr Le Double. Volume, in-8° de 4 il pages, orné
de 163 dessins ou schémas. (Vigot, Paris, 10(i.)
On ne peut faire un plus grand éloge au nouveau livre de JI.
Le Double qu'en constatant que c'est un travail qui restera, en
raison de l'honnêteté scientifique, qu'il dénote, et de la méthode
avec laquelle ila été conçu, Basé sur l'expérience et l'observation
il généralise les faits cL çonstituc une synthèse de ce qui a été dit
sur ce sujet.
Toutes les variations des os faciaux sont étudiées et expliquées.
Elles témoignent du défaut de fixité du système nerveux et du sys-
tème musculaire et de la corrélation étroite qui existe enlre
eux. Elles montrent que les anomalies varient suivant les races
et fournissent des renseignements sur l'origine, la supériorité ou
l'inférioi ité d'une race aussi bien que la craniométrie, les nuances
de la peau, etc. Elles démontrent que les Cormes animales se ren-
conlrenl plus nu moins pures dans l'espèce humaine. Venant
après le Traité des variations crâniennes et le Traité des varia-
lions musculaires, ce volume constitue une \éritable encyclopédie
qui mérite défigurer dans les bibliothèques médicales et scien-
tiliques. Ajoutons, et cela n'est pas sa moindre qualité, que ce li-
vre (bien qu'on l'ignore ou feigne de l'ignorer) est le premier de
ce genre aussi bien en France qu'à l'étranger. G.P.-B.
1'll. Recherches cliniqu-si et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hystérie et l'idiotie, t. XXV, par BOURNEVILLE, avec la colla-
boration de Durand, Friedel et Perrin. Un vol. in-S°, avec 17 î
ligures dans le texte, Paris 1001-) aux bureaux du Progrès mé-
dical, ef Félix Alcan, éditeur.
Il été rendu compte dans le Centre, médical (voir t. 8, t. 9 et
t. 10) des 3 volumes précédents de cette vaste publication que )I.
lourneville a eu le mérite d'inaugurer il y a 23 ans et qu'il a
continuée avec courage et persévérance jusqu'à ce jour. Celle
collection n'est autre chose que le compte rendu annuel du ser-
vice des enfants idiots, epiteptiques et arriérés de ftirétre. Et
c'est le compte rendu de l'année 1901 dont nous annonçons au-
jourd'hui la publication. Ce volume comprend deux parties : la
1 ? consacrée à l'histoire du service, traite de l'enseignement pri-
maire et professionnel et donne lastatistilue successive du ser-
346 BIBLIOGRAPHIE.
vice de Bicètre proprement dit, puis de la Fondation Vallée : la 2e
partie plus technique, comprend la clinique, la thérapeutique et
l'anatomie pathologique. Nous signalons une contribution à l'é-
tude de la démence épileptique, la relation de deux cas de mé-
- ningo encéphalite non tuberculeuse de la base avec cécité,des re-
cherches surla température dans le stade initial de la fièvre ty-
phoïde, une observation d'épilepsie a\ec asphyxie au cours d'un
accès, Une note sur les dangers du décubitus abdominal, et une
observation d'idiotie traumatique chez un épileptique Iiérédi-
taire. Ce nouveau volume, on le voit, ne le cède pas en intérêt
aux 24 volumes précédents. (Centre médical.)
IX. - .Rapport sur le service médical du quartier d'aliénés de
l'hospice général de Kan/es pendant l'année 1905 ; par Il. le Dr
BIAUTI;. (Mollinet, édit. à Nantes.)
. M. le D1' Piaule rappelle d'abord que les travaux d'agrandisse-
ment ont été autorisés par l'Administration supérieure à la con-
dition que le quartier d'aliénés rentrât, avant que la législation
en fasse une obligation, sous la dépendance plus directe du mi-
nistère de l'Intérieur.
« De la sorte, la nomination des membres du corps médical
est enlevée a la Commission administrative et ces fonctionnai-
res feront partie du grand cadre des médecins aliénistes, c'esl-a-
dire, qu'ils auront la même origine par concours, la même inves-
titure par le Ministre de l'Intérieur, le même avancement, les
mêmes droits à une retraite, auxquels ne doivent jamais porter
atteinte et préjudice les déplacements par contenances personnel-
les ou par nécessité de service reconnue par l'Administration su-
périeure.
« .le suis armé à dessein à cette question de retraite pour l'aire
remarquer un oubli qui a été l'ait dans le règlement do la
Caisse des retraites desfonctionnaires départementaux delà Loi-
re-lnférieure quand, sur l'invitation du Ministre de l'Intérieur,
le personnel médical du Quartier d'aliénés a été admis par le
Conseil général aux bénéfices et aux charges de cette Caisse.
» Si un fonctionnaire des services départementaux,quitte la Loi-
re-Inférieure etxa remplir un emploi, même analogue, dans un
autre département, les retenues qu'il a subies ne le suivent pas
pour être versées il la caisse du département dans lequel il se rend
et où il perd, par conséquent, le bénéfice de tous ses services
antérieurs- D'après le règlement existant, il en serait de même
pour les médecins du Quartier d'aliénés.
« Il faut admettre qu'un médecin en chef ne fera pas toute sa
Carrière à Nantes, bien moins encore les médecins adjoints. Il y
aura des changements fréquents, souvent- imposés par le Minus-
tre pour les besoins du service et pour l'avancement. C'est ce
BIBLIOGRAPHIE. 347'
qui se passe dans tous les asiles d'aliénés. Aussi a-t-on inséré
dans les règlements des caisses de retraites départementales l'ar-
ticle suivante : « Le montant des retenues opérées sur les trai-
tements des directeurs ou médecins de l'asile d'aliénés sera. titre
de réciprocité, reversé à la caisse des départements ou ils seront
appelés. »
« Les départements pourliquiderles pensions d'après tous les
services antérieurs exigent néanmoins que l'on ait passé un cer-
tain nombre d'années dans l'emploi tributaire de leur caisse, or-
dinairement dix ans. C'est cet article, dont je viens de donner
l'énoncé, qui a été omis dans la Loire-Inférieure. On voit qu'il
stipule nettement que le département devra recevoir les retenues
opérées ailleurs sur les tfaitements des médecins qui viendront
en fonction à Saint-Jacques, mais qu'il les reversera, si ces méde-
cins ne prennent pas ici leur retraite. aux départements' dans les-
quels ils seront appelés dans la suite.
Cette omission peut soulever des litiges qui seront toujours tran-
chés, d'après des arrêts du Conseil d'Etat, en faveur des fonction-
naires du service médical. Il vaut donc mieux la réparer au plus
lùt et j'ai l'honneur de vous demander, M. le préfet, de vouloir
bien le proposer au Conseil général. Si la situation restait la même
il arriverait que les fonctions de médecin en chef est de mé-
decin-adjoint ne seraient pas facilement acceptées pour le Quar-
lier d'aliénés de Nantes, qu'elles seraient fréquemment vacantes,
parfois pendant un temps assez long, ce qui serait sous tous les
rapports très préjudiciable au ])on fonctionnement du service ».
Au 31 décembre 1904. 703 malades (290 Il. et 413 F.) Au 31 dé-
cembre 1903 la population est de 755 personnes (308 Il. est 447 F.
319 admissions. En 1892, la moyenne des admissions était de
240 pour une période de '2t ans. Pour la période décennale
de 189 : ; à 1903, elle était arrivée à 281. Huit hommes et 3 femmes
sont venus de diverses maisons d'aL'l'èt .-2'2 cas de l'ulie toxique
(°0 IL=' 1 .).
Sorties : 104 guérisons (j4 Il. d0 F.); améliorations : 31.
« Un sait que la nouvelle législation doit s'occuper des aliénés
à domicile et définir le mode de surveillance à laquelle ils seront 1
soumis pour empêcher les séquestrations imméritées et arbitrai-
res, et aussi les séquestrations inhumaines et contraires à toutes
les règles d'hygiène convenant au traitement d'un être malade,
atteint d'une affection mentale.
Le parquet de Saint-Xazaire a découvert l'an dernier, dans sa
circonscription, une séquestration de ce second genre. Une jeune
tille, déjà démente incurable, avait été retirée de l'asile par ses
parents, avares paysans, pour n'avoir pas à payer une pension de
3° classe.
« Ils l'avaient installée dans une étroite cellule en bois
H48 VARIA.
construite à dessein dans le grenier de leur maison d'habitation
et ne l'en sortaient jamais. La justice, après des menaces de pour-
suites bien méritées, fait cesser cet état de choses en enjoignant t
au Maire de la commune de procéder, en vertu de l'article 1\1, à
un réinternement d'office aux frais de la famille.»
Décès : 1v9 (àS.II. - 51. F.) L'ùge moyen des aliénés décédés,
est 66,89 pour les II. et 66-47 pourles F.
Nous conservons encore les deux malades qui depuis longtemps
sont les plus anciens dans' l'établissement, un idiot entré en
1839 et une idiote entrée en ISj3. L'idiot entré en 1839 doit avoir
difficilement son pareil en France el à l'étranger avec ses 66ans
de séjour dans un asile. t,
Signalons une lacune : l'indication des causes de décès avec les
chiffre , par exemple ceux de la tuberculose et l'absence du chif-
fres des autopsies pratiquées en 1905.
M. Diaule entre dans des considérations très judicieuses au
sujet des suicides, du martyrologue du personnel médical et de
surveillance, sur l'amélioration des logements des infirmier ? .
M. l11aute a obtenu de la Commission administrative que,
«dans les pavillons neufs et dans les anciens, chaque gardien aitsa
chamhre particulière d'où il exercera la surveillance aussi bien
que s'il était couché en plein dortoir, au milieu des malades. Ces
chambres donneront aussi une habitation aux gardiens qui, au-
paravant. ne savaient ou se réfugier durant leurs heures de li-
berté et ils étaient ainsi nécessairement forcés d'aller au dehors
prendre ou continuer de déplorables habitudes d'alcoolisme. On'
les voyait alors rentrer dans des états que je ne veux pas décrire
J'ai facilement obtenu cette amélioration en présentant les dan-
gers qu'ils couraient en citant les attentats dont ils étaient sou- >
vent victimes et en faisant i-essoi tir la lourde responsabilité qui
en résulte pour l'Administration.
Rappelons, en terminant, que M. Giaute fait tous les ans des
leçons sur les maladies mentales et sur la médecine légale des
aliénés. Tous les ans, la Gazelle Médicale de .1'ai2Ges publie quel-
ques-unes de ces bonnes leçons, fout à fait pratiques. B.
VARIA
Dix-septième Congrès des médecins aliénistes et NEUROf.O-
GISTES de France et des pays de langue française (Genè-
ve-Lausanne, août 1907). ' ,
Le XVIIe congrès des médecins aliénislcs et neurologisles do
'France et des pays de langue française se tiendra cette année à
VARIA. 349
Genève et à Lausanne, du 1"' au 7 août sous la présidence de
M. le Prof. Prévost, de Genève.
Prière d'adresser les adhésions et coLisationset toutes commu-
nications ou demandes de renseignements au Dr Long, G, rue
Constantin, Genève.
- LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ
r Un mari assassin. A7J{JeI's.-llier matin, vers six heures et
demie,un nommé Charles Lemoine, âge de quarante-neuf ans, do-
micilié 16, avenue de la Gare, à Angers, au coin de la place du
même nom, entrait dans la chambre de ses trois enfants, deux
garçons, âgés de treize et onze ans, et une fille de quatre ans. A
ce moment. Mme Lemoine était penchée sur le lit de la petite fil-
le. Soudain sans dire un mot, le mari se précipita sur la malheu-
reuse et lui coupa la gorge d'une coup de rasoir. La pauvre fem-
me s'affaissa, perdant un flot de sang. Ses enfants regardaient,
terrifiés, cette horrible scène.
Mme Lemoine paraissailmorlc, mais le forcené s'acharnait sur
elle. 11 lui porta successivement des coups de rasoir à la cuisse et
au bras : puis, sortant un revolver qu'il a\aitdans sa poche, il le
déchargea à quatre reprises sur sa victime. Les enfants affolés, se
jetèrent alors à'bas deleurliL. En chemise, les pauvres petits se
précipitèrent dans la rue et mirent les voisins au courant du d a-
meaffreuxautjuet ils venaientd'assister.Les voibinsaccoururentet
désarmèrent le forcené, qui fut ensuite livré au\ agents. On attri-
bue ce crime à la folie : l'assassin avait été interné il y a peu de
temps dans un asile d'aliénés. (ta Liberté, G avril 1 VUï ,)
Horrible drame dc/nm ? Un cultivateur de (hàteaull1(-
baud, près de Xantes, Julien Perthuis, âge de 55 ans, marié et
père de famille, se trouvait ce matin seul avec ses deux enfants,
un garçon, âge de 13 ans, et une fillette de 7 ans, lorsque pris
d'un accès soudain de folie, il s'arma d'un couteau à greffer et, se
jetanl sur son fils, lui trancha la gorge. L'enfant fut tué net. Le
dément tourna ensuite sa rage contre sa fillette et la frappa à
plusieurs reprises. Aux cris de la petite victime, des voisins
accoururent et purent la tirer des mains de son meurtrier. Son
crime accompli, Julien Pertlmis est tombé dans une sorte de
stupeur, répétant seulement, à toutes les question» qu'on lui
posait : « Je suis perdu : j'ai tuâmes enfants». Le parquet de
Nantes s'est transporté dans l'après-midi sur les lieux du crime.
Il résulte de son enquête que Perthuis a agi dans un moment de
folie. Le meurtrier va être conduit à tantes et interné dans un
asile d'aliénés. Ajoutons que l'état de la fillette est désespéré.
Liberté du 8 avril.)
350 VARIA.
Disparition. - Sous ce titre, le journal La Sarthe publie le
fait suivant : Hier, ]¡l. Guillois, 55 ans, cultivateur à la
Planche, a quitté furtivement son domicile et n'est pas : rentré.
Cet homme ne, jouit plus de toutes ses facultés ; on craint qu'il
n'ait mis fin à ses jours.
Tentative de suicide.- Autre fait du même journal : Hier soir,
Mlle \' alen line 13mrd,de Chahaignes(Sal,the),àgée de 53 ans,a tenté
do se suicider en se jetant dans l'étang situé près de la gare.
Après avoir quitté ses sabots,elle s'est jetée à l'eau la tête la pre-
mière. A cet endroit, la profondeur de l'étang est d'environ 3
mètres. Un des ouvriers de M, Dupuy,le nommé Edmond Proust,
voyant cette femme se débattre sur l'eau, où elle était maintenue
par ses jupes, s'est empressé due la retirer de sa périlleuse situa-
tion. Mlle lIral't1 ne jouit pas de toutes ses facultés.
CONCOURS d'internat DES asiles d'aliénés DE LÎA1LLEUL et
D'ARMENTIÈRES.
Unt été nommés internes titulaires : D1J1. Marie IiOLLA\D,PtlU1
LEGRAND et Charles Nollen. Epreuve écrite de 3 heures :
Pneumothorax; signes et diagnostic des fractures du, crâne. Res-
taient dans l'urne : Endocardite rhumatismale; fractures du col du,
fémur. Phlegmon diffus; complications abdominales de la fièvre
typhoïde. Formes cliniques de la variole ; fractures de côtes. Diagnos-
tic de la tuberculose pulmonaire à la période cavitaire; luxation de
l'épaule.
Révision DE la LOI sur les aliénés. - Notre collabu-
rateur, M. le Dr Bourdin, a ouvert par son remar-
quable article, la discussion M. Azémar a continué. Les
Archives n'en restent pas moins ouvertes à tous nos col-
lègues, et à l'occasion le Progrès Médical. Toutefois nous
invitons nos correspondants il nous adresser des arti-
cles aussi résumés que possible.
FAITS DIVERS
Epreuve orale de 15 minutes : Faisceau pyramidal. {les-
taient dans l'urne : Pneumogastrique. Nerfs sensoriels, sensitif et et
moteurs de l'oeil. Bulbe rachidien. Centres moteurs corticaux.
Epreuve orale '(dite « de garde »)de 5 minutes : De la condui-
te à tenir en cas de rétention complète d'urine. Restaient dans
faits divers, 351
l'urne : Quels moyens employer en présence d'un aliéné qui refuse
de s'alimenter. Mode d'application et indication des ventouses sea-
1'ifÙies. Secours d'urgence en casd'laémoptysie abondante. Conduite
à tenir en cas d'asphyxie par pendaison. ,
Asile D'ALIÉNÉS de LESVELLEC, prés Vannes PIORBIHAN;. Un
poste Il'interne en médecine est vacant a l'asile d'aliénés de Les-
vellec près Vannes. Conditions : Avoir 12 inscriptions et avoir
passé sa pathologie externe. Avantages : Logement, nourriture,
chaulfage, éclairage et blanchissage. 800 francs la première an-
née, 900 francs la deuxième et 1.000 francs la troisième année.
Ecrire au directeur de l'asile, médecin de l'établissement. Nota.
- Gratification de fin d'année, facilité de passer ses examens.
L'asile possède deux internes.
L'AFFAIRE de séquestration, à Arpajon dont on a parlé se
réduit à fort peu de chose. Les époux L..., à CIIelltaim ille, ont
une fille, âgée de vingt-neuf ans, qui ne jouit pas de la pléni-
tude de ses facultés mentales. Cette jeune fille était naturelle-
ment soumise à une surveillance spéciale, mais elle n'était pas
l'objet d'une séquestration. Nous citons ce fait à propos do
l'assistance des aliénés dans leurs familles. Ce mode d'assistanco
exige une surveillance rigoureuse de la part de l'administration
et do la justice.
Opinion du Dr Chervin au sujet du maintien des INSTITU-
TIONS DE sourds-muets au ministère DE L'INTÉRIEUR, - 11 en l'é-
sulte que la fâche des éducateurs des sourds-muets Cbt particu-
lièrement laborieuse et ingrate et qu'elle, nécessite une prépara-
tion technique longue et difficile, El je ne comprends pas com-
ment des philanthropes, d'ordinaire miew informés, veulent,
contre tout bon sens, assimiler les sourds-muets aux enfants
anormaux et leur donner les instituteurs habituels des en tendants
parlants. Le Ministère de l'Intérieur «.entouré jusqu'ici les sourds
muets de tous les soins désirables et je ne vois vraiment pas ce
qu'ils gagneraient il passer sous l'administration de l'Instruction
publique. (Association française pourl'avancement des sciences,
conférence de Paris, 1906.1
Cours LIBRE DE PSYCHOP.\THOLOGIE du TUBE digestif LA FA·
culté DE médecine de Paris (2° semestre de l'année scolaire
190foi-1907). M. le docleur F.\REZ reprendra à la faculté de méde-
cine (amphithéâtre Cruvcilhier, 15. rue de l'Ecole-de-médecine),
le samedi 13 avril, il 5 heures du soir, -un cours libre de psycho-
pathologie du tube digestif ; il le continuera le samelli de chaque
semaine, à la même heure.
352 faits divers.
Cours LIBRE SUR LES NÉVROSES ET psychoses DES ÉCO-
LIEns. - Jl. le Dr Jacques iiouBINOVITGII, médecin de la Sal-
pêfrière ancien chef de clinique de la faculté de médecine de
Paris, expert près les tribunaux, reprendra ce cours à l'amphi-
théâtre Cru\-eilhier (Ecole pratique, 15, rue de l'Ecole-de-}Iédeci-
ne), le jeudi 25 avril 1907, à 5 heures, et le continuera les jeudis
suivants à la même heure.
Asiles d'aliénés. Promotion. il. le docteur Guiard, mé-
decin-adjoint à Citalons (Marne], est élevé à la lie classe du cadre.
ECOLE DE psychologie 49, RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS,
4U (Semestre d'été 1907). Cours de Psychologie appliquée à l'édu-
cation. JI. le Dr Bérillon, professeur, médecin inspecteur des
Asiles d'aliénés, commencera son cours le jeudi 25 Avril, à cinq
heures (Salle des Conférences de l'Ecole de Psychologie, 4\1, rue
Saint-André-des-Arts) et le continuera les Jeudis suivants à cinq
heures. Sujet du Cours : Les maladies nerveuses des enfants
et des adolescents,Applications de l'hypnotisme à la pédagogie
- Jeudi 25 Avril. Le nervosisme chez les enfants.- Surmenage
scolaire etsédentarité. Jeudi 2 Mai. Les traitements préventifs
de la neurasthénie. Jeudi 9 Mai. Congé DE L'ASCEYSION. -
Jeudi 16 Mai. La mollesse et la paresse chez l'enfant. L'adapta-
tion de l'organisme au travail. Jeudi 23 mais La question des
enfants anormaux'. Iitablissements médico-pédagogiques.
Jeudi 30 Mai. L'hypnotisme.et 1 orthopédie morale.-La méthode
hypuo-pé<lagogique. -Jeudi 6 Juin. Applications de l'hypnotisme
à la pédagogie des enfants nerveux et vicieux. -Jeudi 13 Juin.
La formation du caractère.- La lutte de l'éducation contre l'hé-
rédité. Jeudi 20 Juin-Le traitement psychologique des maladies
sociales : alcoolisme, kleptomanie, perversité, etc..
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Morel et A. Marie. Mémento de l'infirmier d'asile. Suivi i
ùes Ins/1'ucliojsconcl1' ? j((nt l'organisation du service médical
de la Maison de santé de 1 iIle-livJ'al'd et Ils soins à donner aux
personnes atteintes de maladies mentales, parles IJlb P- 5-
rieux cl : \11GI"Or. \'(JI. grand in-S°. Prix 4 l'r. Pour les abon-
nés du Progrès Médical et des Archives de Neurologie, 2 francs,
franco, 2 fr. GO.
' Le rédacteur-gérant : l3ot;wsvtLLE.
Clerniont (Vise). Imprimerie' Dalx frères et Thiron.
Vo'. 1. 3e Série. Mai 1907, ? S 5
ARCHIVES DE-NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
Hystérie et sommeil ( \ \ <\ \
/lo, 1
- (Théorie physiologique de l'hyst 1-7 .ÉY;QA , ,
Par le 1l° Pnu. SOLLII ? R.
La question de la nature de l'hystérie est plus que
jamais à l'ordre du jour. On en est cependant toujours à
pou près au même point qu'il y a dix ans. Pour les uns,
c'est un trouble psychologique, variable d'ailleurs, qui
entraine tous les accidents somatiques et psychiques;
pour les autres,' c'est un trouble physiologique de l'é-
corce cérébrale, unique dans sa nature, mais variable
dans son intensité et son étendue, d'où découlent au
même titre les manifestations somatiques et psychiques.
Je voudrais revenir aujourd'hui sur la théorie physio-
logique do l'hystérie, telle que je l'ai exposée pour la
première fois en 1897 dans Genèse et nature de l'hystérie (1),
et qui est basée sur l'association de l'état hystérique à un
état d'engourdissement, d'inhibition du cerveau, à une
sorte de sommeil spécial plus ou moins genéiaiisé et
aboutissant alors à ce qu'on a décrit bien avant moi sous
le nom do«vigilambulisme n. Je voudrais en même temps
répondre à certaines objections, préciser certains points
qui ont été mal compris, ou mal interprétés, et dissiper
certains malentendus. Je ne reviendrai pas sur les dif-
férentes théories psychologiques, ou pour mieux dire sur
les diverses interprétations psychologiques qu'on a pro-
posées pour expliquer et l'hystérie en général et ses di-
vers symptômes en particulier. Un exemple montrera
(1) Paris, I élixAlcan,15J7, 2 vol.
Archives, 3* série, 1007, t. 1. 23
354 CLINIQUE NERVEUSE.
mieux que tout ce que je pourrais en dire leur variabilité
et leur insuffisance.
Voici une paralysie, hystérique type, d'un bras par
exemple, avec anesthésie superficielle et profonde, avec
incapacité de la représentation des mouvements, avec
indifférence du sujet à cette paralysie. Comment les
partisans de l'hystérie maladie psychique vont-ils l'ex-
pliquer ?
L'un dit : il y a paralysie parce que le sujet est
anesthésie. Ne sentant plus son bras, ne peut le remuer.
Sous l'influence d'excitations externes, si on lui fait exé-
cuter des mouvements passifs il ne peut pas davantage
les continuer parce qu'il n'a pas sa sensibilité profonde.
C'est donc l'anesthésie qui est la cause de la paralysie.
Mais cette anesthésie n'est que la perte de la conscience
des sensations, car dans certains cas le sujet qui pré-
tend ne pas percevoir les excitations qu'on lui fait y
réagit cependant automatiquement. Mais si ce n'est
que la conscience des sensations qui est perdue dans
l'anesthésie, pourquoi cette anesthésie psychique n'en-
traîne- t-elle pas toujours la paralysie ? La paralysie
devrait être au prorata de la subconscience ou de l'in-
conscience. Or il n'en est lien. Et puis à quoi tiennent
eux-mêmes les différents degrés de la conscience et de
la subconsoience ? Quel en est le substratum ? Aussi
voyons-nous surgir une seconde interprétation : ce
n'estpas la sensibilité consciente qui est en cause,c'est
le pouvoir de représentation. Si le malade est paralysé,
c'est tout simplement qu'il a perdu le pouvoir de repré-
sentation dos mouvements de son bras. Il ne saurait
exécuter des mouvements qu'il ne peut se représenter.
Cependant il se repiésente fort bien les mêmes mouve-
ments du côté opposé. Le pouvoir de représentation est
donc dissociable ? Mais alors ce phénomène psychologi-
que est inhérent à chaque région du cerveau, à tel ou tel
centre fonctionnel ; il est donc lui-même fonction de ce
centre ? Dans ce cas, c'Est l'état de ce centre qui importe,
et non pas le phénomène psychologique lui-même ?
D'ailleurs, les partisans de l'hystérie maladie psychique
'par représentation se divisent en deux camps : pour les
uns,c'est la'perte du pouvoir de représentation qui en-
hystérie'et SOMMEIL. 355
traîne les troubles hystériques ; pour les autres, c'est au
contraire une représentation exagérée, obsédante, une
idée fixe du trouble observé. Avec cette dernière manière
de voir, la paralysie tient à ce que le sujet a l'idée fixe
que son bras est paralysé.
On voit qu'en faisant de l'hystérie une maladie par
représentation, on ne risque pas de rester court en fait
d'explication. Seulement il faut toujours en revenir à
cette question : pourquoi perd-on ou exagère-t-on son
pouvoir do représentation ? Et, d'ailleurs,en quoi con-
siste le pouvoir de représentation,où se font les représen-
tations mentales : dans les centres de projection ou dans
les centres supérieurs, psychiques ? La question vaut la
peine d'être discutée sinon résolue. Trouble de représen-
tation est une formule insuffisante, et, d'ailleurs, com-
ment une représentation amène-t-elle un trouble soma-
tique ? Comment les fonctions dont nous n'avons pas de
représentation consciente peuvent-elles être troublées
par une représentation ? Les partisans de l'hystérie psy-
chique ne paraissent pas avoir vu toutes les questions
psychologiques 'que cela soulève et qui sont d'un puis-
sant intérêt pour la psychologie générale. La théorie
physicologique permet au contraire d'entrevoir leur solu-
tion ou d'en proposer tout au moins une vraisemblable
que les faits semblent bien confirmer.
Voilà déjà trois opinions sur le même cas. En voici une
quatrième ; il ne s'agit pas de représentation, il s'agit
d'amnésie ; la paralysie n'est qu'une amnésie systéma-
tisée des mouvcments du bras. C'est le pouvoir d'évoca-
tion qui fait défaut. Mais pourquoi cette amnésie s'est-
elle produite, pourquoi s'est-elle restreinte aux seuls
mouvements du bras ?
Vous n'y êtes pas, dit un cinquième : si votre malade
est paralysé du bras, c'est qu'il ne veut pas le remuer ;
c'est de l'aboulie ;-et la preuve, c'est quo si vous le mena-
cez ou lui faites une injonction énergique,il arrive-dans
certains cas à le mouvoir.
La volonté ne saurait se dissocier déjà sorte, et ces-
ser d'exister pour tels mouvements, alors qu'elle subsis-
te pour ceux du côté opposé, dit un sixième : il ne.
s'agit pas d'aboulie, mais de distraction. Le malade est
356 CLINIQUE NERVEUSE.
paralysé parce qu'il est distrait. Il oublie de remuer son
bras par distraction, non par absence de volonté ou
mauvaise volonté. Et la preuve c'est que si vous arrivez
,à fixer son attention dessus, il pourra faire certains
mouvements. Mais pourquoi cette distraction ne se pro-
duit-elle que pour les mouvements de ce bras,et com-
ment peut-on arriver à être tellement distrait qu'on
oublie un bras qui vous appartient ?
Rien de plus simple, explique un septième interpré-
tateur : cela tient à un rétrécissement du champ de la
conscience qui ne peut plus embrasser dans une seule
synthèse personnelle les sensations musculaires et les
représentations de mouvements associés. Mais il est sin-
gulier que cette synthèse personnelle continue à se faire
d'une façon très convenable pour les autres membres, et
qu'il n'y ait pas constamment suppléance ou substitu-
tions de paralysies entre elles, au sur et à mesure que tel
membre devient utile ou cesse de l'être.
C'est qu'il ne s'agit en tout ceci que de désagréga-
tion mentale, dit un huitième. Si ce malade est para-
lysé d'un bras, c'est que le système d'impressions et de
représentations mentales inhérentes à ce membre s'est
séparé de sa synthèse personnelle, d'où le dédouble-
ment du moi. Mais si, par suite de cette désagrégation
mentale,le sujet se trouve en possession de deux person-
nalités au lieu d'une, c'est donc qu'il se fait deux syn-
thèses personnelles conscientes ; et alors que devien-
nent les explications par perte de pouvoir de représenta-
tion, par rétrécissement du champ de la conscience, par
amnésie systématisée, etc.
Tout se réduit à quelque chose de beaucoup plus sim-
ple encore, dit un neuvième. La cause de tout est
dans la suggestibilité. Si le sujet est paralysé, c'est
qu'il s'est auto-suggestionné qu'il l'est, à moins que ce
ne soit son médecin lui-même qui le lui ait maladroite-
ment suggéré en l'examinant, comme il crée chez lui
de la sorte l'anesthésie, le rétrécissement du champ
visuel, les points ovariens et généralement tous les soi-
disant stigmates.
Voilà* donc, en présence d'un phénomène aussi gros-
sier qu'une paralysie hysté11que d'un bras,neuf manières
HYSTÉRIE ET sommeil. 357
de l'expliquer psychologiquement. Peut-on raisonnable-
ment considérer ces interprétations contradictoir es
comme une théorie psychologique de l'hystérie ? La
question se pose d'ailleurs immédiatement de savoir si
la paralysie peut dépendre de toutes ces différentes cause»
psychologiques,- en admettant,pour le momènt,que ce
soit le phénomène psychologique accompagnant la pa-
ralysie, qui en soit la cause-, ou si .elle ne dépend que
d'une seule. Les partisans de l'hystérie maladie psychi-
que ont omis de se mettre d'accord sur ce point. Si,
comme il est scientifique de le faire, on doit chercher à
tout ramener à une cause pathogénique unique, nous
sommes aussitôt forcés de reconnaître que sur les neuf
explications précédentes il doit y en avoir huit de faus-
ses. Quelle est la bonne. ?
La théorie psychologique a cette rare fortune que
toutes sont bonnes, et que cela dépend uniquement des
cas, et peut-être bien aussi du point de vue où l'on se
place, de façon qu'on est toujours sûr d'avoir raison.
C'est là sans doute ce qui a valu à cette soi-disant théorie
psychologique, constituée comme l'habit d'Arlequin
de pièces fort disparates, une certaine faveur auprès des
médecins qu'on se serait attendu à être un peu plus
exigeants au point de vue physiologique.
Quand je dis que toutes ces explications sont bonnes,
je devrais dire qu'il n'y en. a aucune de bonne, par la
simple raison que ce ne sont pas des explications. Ce ne
sont que l'énoncé des caractères psychologiques qui se
rencontrent associés au phénomène somatique. Et,
de fait, dans le cas que je viens de prendre comme exem-.
ple, toutes ces explications peuvent être bonnes ; la plu-
partsont non seulement possibles,mais vraies. Seulement
une seule d'entre elles s'applique à un cas donné. De
sorte qu'il semble vraiment assez, difficile de voir dans
tout cela un corps de doctrine, une théorie uniciste de.
l'hystérie. Il faudrait tout au moins que l'un de ces phé-
nomènes psychologiques subordonnât tous les autres.
Or, on ne voit pas,si la paralysie est le fait d'une amnésie
systématisée par exemple, pourquoi le sujet perd du
même coup le sentiment de la propriété personnelle de
son bras, ainsi que la volonté et le désir de le récupérer ;
358 CLINIQUE NERVEUSE.
ou,si elle est le résultat d'une aboulie, pourquoi il perd lo
pouvoir de représentation des mouvements de son bras,
( et est on même temps obsédé parl'idée fixe de sa paralysie.
'Et de même pour toutes les autres particularités psy-
chologiques invoquées pour expliquer cette paralysie.
Mais il y a plus.Un hystérique présente toujours plu-
sieurs manifestations de la névrose ; l'hystérie soi-disant
monosymptomatique est un mythe. Or il arrive que
l'une de ces' manifestations s'expliquera par de l'amné-
sie, une autre par de l'aboulie, une autre encore par une
idée fixe. Chez le même sujet nous voyons survenir
également, à des époques diverses, le même trouble qui
sera rattachable dans chaque circonstance à une inter-
prétation psychologique différente. Que faut-il en con-
clure,sinon que ce n'est pas dans l'explication psycholo-
gique qu'il faut chercher la véritable nature du phéno-
mène, et que le trouble psychologique n'est qu'un attri-
but secondaire dépendant,comme le trouble somatique
lui-même, d'un état des centres fonctionnels, dont la na-
ture est à déterminer et qui commande les deux.
D'ailleurs, dans ce domaine des interprétations psy-
chologiques des troubles hystériques,il faut être très cir-
conspect. Il faut se défier singulièrement de ne pas prê-
ter à son sujet des explications qu'il ne trouverait pas
lui-même, de ne pas lui prêter ou lui suggérer dos raison-
nements qu'il n'aurait jamais formulés spontanément.
L'ingéniosité et les qualités de psychologue de l'observa-
teur sont presque gênantes dans certains cas, et il m'est
arrivé souvent de découvrir des causes très banales et
très physiologiques à des troubles pour lesquels on aurait
pu édifier, et dans certains cas même on avait édifié, des
interprétations vraiment étonnantes de subtilité et d'ob-
servation psychologique chez les sujets en cause.
Suivant sa finesse d'esprit, ses connaissances psycho-
logiques, on pourra donc juger très diversement un
même trouble hystérique au point de vue de son soi-
disant mécanisme psychologique. Si c'est là un grand
inconvénient pour une -théorie solide sur sa base, c'est
par contre d'une bien grande commodité d'explication.
Au .surplus cela n'a guère d'importance, car il ne semble
pas que les résultats thérapeutiques basés sur ces con-
HYSTÉROEKTSOMMEtL. ' .359
ceptions psychologiques aient été bien fameux. Il n'en
saurait être autrement d'une méthode dont la valeur
est forcément très subjective et très personnelle, qui n'a
rien de fixe, qui.n'a pas de règles déterminées, logiques,
et qui est constituée par une série de petits procédés plus
oumoins ingénieux et qui ne sort p as à la portée de tout le
monde. On ne saurait donc prendre la théorie psycholo-
gique de l'hystérie comme base d'une méthode thérapeu-
tique, et cela seul montre déjà qu'il est peu vraisembla-
ble qu'elle soit suffisante et même juste, car si la patho-
génie était vraiment psychique, il devrait en découler
une thérapeutique dont les résultats lui serviraient en
même temps de preuve. i
Toutes les théories psychologiques de l'hystérie se
résument donc en ceci qui est vraiment un peu vague ;
l'hystérie est une maladie psychique ; ou : les troubles
hystériques sont d'origine psychique ou d'ordre psycho-
logique. N'est-il pas singulier qu'en présence d'une mala-
die à manifestations somatiques aussi importantes que
l'hystérie on ait ainsi subordonné les troubles physiques
aux troubles psychiques. Et pourquoi, d'ailleurs, les su-
bordonner les uns aux autres ? Pourquoi ne pas les con-
sidérer tout simplement comme la double manifestation
d'un même trouble fonctionnel du système nerveux cen-
tral ? Au lieu de faire appel à une psychologie dont les
fondements sont encore bien incertains et sur laquelle
personne n'est d'accord, pourquoi ne pas s'adresser à la
physiologie cérébrale qui est mieux connue, et comment
nous,médecins,avons-nous pu oublier cette physiologie et
cette anatomie du cerveau en présence de paralysies, de
contractures, d'anesthésies que nous sommes habi-
tués à rattacher à des troubles du système nerveux cen-
tral ? M. Pierre Marie reprochait un jour aux psychiatres
de ne pas penser anatomiquement ; il aurait pu ajouter
physiologiquement. Il avait absolument raison,et s'il est
un cas où la nécessité de penser de la sorte s'impose c'est
bien en matière d'hystérie. C'est frappé par ce fait élé-
mentaire que j'ai été amené à rechercher s'il n'y avait
pas un trouble de'cerveau, des centres cérébraux - où
tout le monde. est ,'d'accord,je crois.pour placer le siège
du trouble hystérique - capabled'expliquer à la fois
300 clinique nerveuse.
les manifestations 'somatiques et psychiques concomi-
tantes. -,
Notre écorce cérébrale est formée de deux parties :
l'une postéro-latérale où sont répartis tous les centres
sensitivo-moteurs et sensoriels, auxquels il convient
d'ajouter des centres viscéraux, non admis encore chez
l'homme ou du moins non démontrés, et que je crois
pour ma part avoir en partie déterminés. Quoi qu'il en
soit,on admet que,sur l'écorce cérébrale, l'organisme tout
entier se trouve projeté dans des centres fonctionnels,
moteurs, sensoriels, viscéraux et vaso-moteurs, réunis
entre eux par des fibres et des faisceaux d'association.
C'est à cette région la plus considérable, que j'ai donné
le nom de cerveau organique. C'est là que se font au
point de vue psychologique la perception et la repré-
sentation des images. En avant, se trouve une partie
beaucoup plus limitée et où aucune localisation ne sem-
ble encore possible ni même probable, et qui paraît pré-
parée aux fonctions psychiques les plus élevées, de cons-
cience, d'aperception. de mémoire, d'évocation, de syn-
thèse de la personnalité. C'est pourquoi j'ai donné à cette
région- antérieure des lobes frontaux le nom de cerveau
psychique.
Que se passe-t-il à l'état normal ? Toutes les impres-
sions venues du dehors ou de l'organisme aboutissent
aux centres du cerveau organique. Elles y déterminent
un état moléculaire particulier, correspondant à chaque
impression. C'est là le phénomène de la perception brute.
Cet état moléculaire réagit à son tour sur le cerveau psy-
chique et y détermine également un état moléculaire
particulier. C'est alors seulement que le phénomène
psychologique de l'aperception, c'est-à-dire de la per-
ception consciente et de son assimilation à la' personna-
lité, se produit.C'est là aussi que s'emmagasine le sou-
venir de l'impression venue du dehors, et que s'en
évoquera la représentation. Chaque fois que le centre
psychique se trouvera dans le même état moléculaire, il
déterminera dans le centre organique un même état molé-
culaire. Celui-ci ayant été déterminé antérieurement par
une impression venue du dehors, l'image de l'objet qui
a provoqué cette impression se trouve ramenée, et l'on
. lit , s y ! ? 4f nr. '
HYSTERIE 1 ! T SOMMEIL : "\ 1.' ? 361
... ' . \"j ? .. ?
dit alors qu il y a représentation. ,,c,erveau
organique sont donc les centres de la "perception et de la
représentation des images, tandis que le cerveau psy-
chique est le centre de la conscience, de la conservation
et de l'évocation de ces mêmes images, ou pour mieux
dire des états qui leur correspondent.
Sous quelle forme se conservent ces images ; comment
les centres organiques s'associent-ils et réagissent-ils
réciproquement ; comment se fait l'évocation des repré-
sentations, ce sont là des questions que j'ai traitées ail-
leurs (1) et qui, dans l'espèce, ne sont pas utiles à tran-
cher.
Supposons maintenant qu'un arrêt, qu'un phéno-
mène d'inhibition, d'engourdissement, -de sommeil, peu
importe le mot,frappe un centre du cerveau organique,
que va-t-il se produire ?
Reprenons notre exemple de tout à l'heure, de la pa-
ralysie d'un bras. Nous savons que le centre moteur de
ce bras est non seulement moteur, mais sensitivo-mo-
teur et psycho-moteur, c'est-à-dire que c'est là qu'abou-
tissent les sensations parties de la périphérie du mem-
bre, tant externes .qu'internes ; et que c'est là aussi que
doivent se former les représentations des mouvements
que nous voulons exécuter. Dès lors nous comprenons
immédiatement que la paralysie s'accompagne d'anes-
thésie et de perte de représentation mentale.L'évoca-
tion des mouvements ne se transmettant plus au centre
inhibé, le sujet a l'air d'être paralysé par amnésie.Ad-
mettons que le centre moteur ne soit pas complètement
inhibé ; les excitations parties de la périphérie n'y déter-
mineront qu'un état insuffisant pour provoquer le mou-
vement et la sensation consciente dont il est la réponse,
mais suffisant cependant pour déterminer des réactions
subconscientes qui font croire à certains observateurs
que l'hystérique simule ou que la conscience seulement
est atteinte, alors que les perceptions se font normale-
ment. ,
Supposons maintenant qu'au moment même où l'inhi-
bition s'est produite le centre moteur était le siège d'une
(1) ,"oir Le problème de la mémoire 1900,e61'.lssocialion en psychologie
1;)7. In 131bIioLl. de philos, contemporaine, Paris, (' ..llcan.
362 CLINIQUE NERVEUSE.
représentation. C'est ce qui arrive dans les paralysies
par émotion, dont les effets sont soumis aux lois de lo-
calisation des émotions, que j'ai étudiées ailleurs (1).
Il reste en quelque sorte figé dans cet état momentané;
fatalement la représentation qui lui était liée persiste de
même aussi longtemps qu'il ne change pas. Nous avons
alors l'idée fixe qui varie et disparaît avec l'état soma-
tique, lié lui-même à l'état moléculaire du'centre inhibé.
Mais,en même temps que le -centre moteur du bras est
inhibé, et cesse ainsi de percevoir les impressions de la
périphérie, de les transmettre au centre d'aperception,
au centre psychique, et de recevoir de ce dernier les évo-
cations de représentations aboutissant à des mouvements,
les autres centres continuent à fonctionner plus ou moins
normalement. Le sujet a donc le sentiment que certaines
parties de son organisme répondent à son impulsion per-
sonnelle et que d'autres n'y répondent pas. Il a l'im-
pression d'être divisé, dédoublé.
- Mais pour cela, il est nécessaire- et c'est le cas le plus
fréquent que l'inhibition ne soit pas absolument com-
plète, de sorte que subconsciemment il perçoive les
excitations affaiblies qui lui parviennent encore du cen-
tre moteur inhibé. Si, au contraire,l'inhibition de ce der-
nier est complète, aucune perception même subcons-
ciente ne se produisant, le sujet regarde son bras
comme s'il ne lui appartenait pas ; il y est complètement
indifférent, et ne fait pas plus d'effort pour le mouvoir
que s'il appartenait à une autre personne.Il a donc l'air
de le laisser paralysé par aboulie, ou par distraction.
le Dire dans ce cas que le champ de conscience est dimi-
nué, que la synthèse personnelle ne se fait plus, qu'il
existe de. la désagrégation mentale, ce n'est pas expli-
quer les choses, c'est constater simplement le même
phénomène. Il est évident qu'un des centres de l'écorce
étant soustrait au fonctionnement de l'ensemble, ne réa-
gissant plus aux excitations du dehors, ne les transmet- '
tant plus au centre de conscience, de synthèse person-
nelle, ne répondant plus à l'évocation partie de ce der-
nier, le champ de conscience se trouve diminué d'au-
11 Voir le Mécanisme des émotions. Bilil. de philos. conlhmp. Paris
F. Alcan, 1905.
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 3u3
tant,que la synthèse des impressions constituant la per-
sonnalité est incomplète. et que la séparation d'un cen-
tre de ses congénères constitue de la désagrégation.
Mais tout cela n'est pas psychique ; le caractère psycho-
logique de la paralysie n'est qu'apparent ; il n'est que
secondaire ; ce qui est primitif, fondamental, c'est l'état
physiologique, disons même physique du centre moteur.
Appliquons ce que nous venons -de dire à n'importe
quel centre sensitivo-moteur, sensoriel ou viscéral, et
nous verrons que l'explication psychologique n'est que
l'énoncé d'une des conséquences du trouble fondamen-
tal physiologique. Si, maintenant,au lieu d'envisager un
seul centre atteint, nous en considérons plusieurs frappés
simultanément, comme c'est le cas ordinaire, si nous
remarquons en outre qu'ils sont touchés inégalement, et
que, sous diverses influences, ils présentent des varia-
tions dans leur état, nous comprendrons facilement les
aspects si multiples, si variables, des manifestations hys-
tériques, en même temps que la grande simplicité de leur
mécanisme sous cette apparente complexité.
Du reste, malgré toutes les subtilités employées pour
l'interprétation psychologique des symptômes de l'hysté-
rie, les partisans eux-mêmes d'une théorie psychologique
sont obligés de reconnaître qu'un grand nombre de mani-
festations échappent à cette explication. C'est ainsi que
M. Pierre Janet avoue très franchement : « Mais il existe
d'autres accidents hystériques,dont l'interprétation psy-
chologique est beaucoup moins avancée et même beau-
coup moins vraisemblable ; nous croyons pouvoir les
ranger dans trois catégories principales : 1° les acci-
dents viscéraux ; 2° les troubles vaso-moteurs et sécré-
toires ; 3° les troubles trophiques. » C'est un gros mor-
ceau, et il faut avouer qu'une théorie pathogénique qui
laisse de côté tant de phénomènes si importants et si
habituels de la maladie ne peut guère prétendre à être
juste, complète et suffisante.
Pour trouver une solution au problème de la nature^de
l'hystérie, il faut s'adresser à la physiologie. La théorie
physiologique dont j'ai montré tout à l'heure l'applica-
tion à un cas de paralysie pour la mettre en parallèle
avec la théorie psychologique, ou plutôt avec les inter-
3G4 CLINIQUE NERVEUSE.
prétations psychologiques multiples qu'on pouvait en
proposer, n'est donc nullement en opposition avec celles-
ci : Elle fait comprendre au contraire comment elles
sont toutes soutenables et toutes possibles. Elle leur sert
de base et de justification au lieu de paraître livrées à
l'arbitraire de l'observateur.
Et, à ce propos, je voudrais dissiper tout de suite un
malentendu que j'ai déjà essayé de détruire dans mon
ouvrage « l'Hystérie et son traitement », à propos de
l'opposition qui existe entre ma manière de voir et celle
de M. Pierre Janet. Deux auteurs ont cependant bien
compris que cette opposition n'existait qu'en apparence,
ce sont MM.Alfred Binet et José Ingegnieros,qui ont
montré en quoi nos deux théories se complétaient,bien
loin d'être en contradiction. Mais, récemment, àpropos
d'une étude sur une théorie biologique du sommeil, dans
laquelle il consacre une grande partie aux rapports de
l'hystérie et du sommeil sur lesquels j'aurai lieu de re-
venir tout à l'heure, M. Claparède (de Genève) relève
ma discussion de la théorie de Janet et trouve « curieux »
mon « acharnement » à tomber sur cette conception,
comme s'il s'agissait d'une question personnelle entre
nous. Je ne sais si j'ai mis de 1' « acharnement» à défen-
dre ma théorie. Jel'ai défendue avec conviction parce que
je la crois vraie, je me suis servi des arguments et des
exemples que pouvait me fournir la théorie contraire. Si
l'on trouve que je n'ai pas rendu tout l'hommage qu'ils mé-
ritent aux travaux si remarquables deM. Pierre Janet, le
seul fait de n'avoir pris à partie que ses idées et ses théories,
prouve en quelle estime je les tiens et quelle incontes-
table supériorité jeleur reconnais.S'il en était qui,comme
M. Claparède, pouvaient en douter, je pense que M. Pierre
Janet lui-même n'en a jamais douté, étant, à mon avis,
un des psychologues contemporains qui fait le plus d'hon-
neur à notre pays. Sur le terrain des faits et de la clini-
que j'ai toujours été pleinement d'accord avec lui, et j'ai
admiré plus que personne, la merveilleuse analyse qu'il
a su faire de l'état mental des hystériques. Où j'ai toujours
différé d'avis avec lui, c'est sur la valeur relative des phé-
nomènes psychologiques et des troubles somatiques, et
sur la prééminence des premiers ; et surtout sur le fait
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 365
que ce n'est pas dans une explication puremént psycho-
logique, mais au contraire essentiellement physiologique,
qu'il faut chercher la clef des troubles hystériques. Au
surplus, comme je le disais plus haut, M. P. Janet a con-
venu lui-même que pour un grand nombre de manifesta-
tions une interprétation psychologique était peu vrai-
semblable. Et dans maintes occasions, en ces dernières
années, il a parlé comme moi de l'engourdissement des
centres cérébraux comme fondement des troubles hysté-
riques. Nous ne sommes donc pas si loin de nous enten-
dre, quoiqu'en pense M.Claparède,qui semble n'avoir pas
vu que nos deux manières de voir se complétent plus
qu'elles ne s'opposent. S'il s'agit d'analyser l'enchaîne-
ment des phénomènes psychiques inhérents à un trouble
hystérique,nul mieux que M. P. Janet ne, l'a fait. Mais
l'évolution d'un symptôme ne saurait constituer une
explication pathogénique de la maladie qui présente ce
symptôme. S'il s'agit au contraire de chercher le fond
commun sur lequel tous les symptômes somatiques et
psychiques se développent, alors la psychologie, de
l'aveu même- de M. P. Janet, ne suffit plus ; il faut
s'adresser à la physiologie, dont la psychologie n'est au
surplus qu'une branche. Les troubles psychiques de
l'hystérie sont conséquence et non cause do l'état hys-
térique, dont il s'agit maintenant de définir la nature.
J'ai dit que le trouble fondamental de l'hystérie est
constitué par une sorte de sommeil,d'engourdissement,
d'inhibition du cerveau. Déjà l'aspect des malades, leur
état de somnolence, de rêverie qui aboutit si souvent à
des attaques de sommeil, leur somnambulisme si fré-
quent, leurs aveux qu'elles ne savent si elles dorment ou
sont éveillées, qu'elles se sentent engourdies, leur chan-
gement d'aspect, d'activité, quand on les secoue de leur
torpeur, leur anesthésie enfin qui n'est que le signe objec-
tif de l'inactivité de leur cerveau , en pourraient être des
témoignages. Mais ce sont-là des présomptions insuffi-
santes. Il faut une démonstration plus nette et qui, pour
être véritablement scientifique, soit reproduisible à vo-
lonté. '
Voici celle que j'imaginai. J'avais été frappé de l'in-
somnie complète des grandes hystériques à manifesta-
366 CLINIQUE NERVEUSE.
tions multiples et surtout viscérales. On ne résiste pas
plusieurs mois de suite à l'insomnie. Je pensai donc que
si elles ne dormaient pas du sommeil naturel, c'est qu'el-
les étaient plongées dans un état d'engourdissement, de
sommeil pathologique. Pour m'en assurer j'avais deux
moyens : les réveiller par une forte excitation comme si
elles étaient réellement endormies ; ou les endormir plus
profondément par hypnose et les interroger.
Charcot avait déjà montré que certaines hystériques
qui paraissent éveillées, dorment en réalité et sont plon-
gées dans un état de vigilambulisme.Et,pour le prouver,
il en prenait une qui avait do l'amnésie portant sur toute
sa vie,sauf sur les cinq dernières années, et qui était tota-
lement anesthésique. En lui enjoignant énergiquement
et à plusieurs reprises de se réveiller, quoiqu'elle préten-
dît ne pas dormir, elle ébauchait une attaque, et, tout
étant rapidement rentré dans l'ordre, elle se trouvait
reportée à cinq ans en arrière, recouvrait tous les souve-
nirs de son existence passée, sauf les cinq dernières an-
nées, se croyait à 32 ans au lieu de 37,et, au lieu d'être
totalement anesthésique comme tout à l'heure, n'était
plus qu'hémianesthésique, entre autres particularités
nombreuses de la modification de son état.
Quoiqu'il se servît do cet exemple de réveil pour dé-
montrer que certaines hystériques sont endormies, vigi-
lambules, ce n'est pas à ce point de vue qu'il présentait
ce sujet. Il voulait montrer qu'il s'agissait là de dédouble-
ment de la personnalité et que ces modifications de la
personnalité étaient comparables au délire de la grande
attaque. Et il ne voyait dans cet état de vigilambulismo
qu'une sorte d'attaque d'hystérie transformée, un équi-
valent de la phase délirante de la grande attaque.
Les conclusions de son enseignement étaient si éloi-
gnées de la conception que j'ai proposée de l'hystérie,
que ce passage m'échappe, et échappa d'ailleurs à ceux
qui présentèrent des objections à ma théorie. J'ai déjà
réparé cet oubli involontaire de cette expérience si dé-
monstrative de Charcot, qui a corroboré par avance les
miennes propres.
'* Il suffisait de la généraliser, de la poursuivre comme
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. . 3P7-
je l'ai fait, pour voir se dérouler tous les- phénomènes s
que j'ai signalés depuis.
Non seulcment je procédai, des réveils d'emblée par
une excitation br.usque, impérieuse, à la suite desquels
des sujets se trouvèrent ramenés à plusieurs années en
arrière, mais je poussai plus loin,et par des excitations
successivesje produisis des réveils de plus en plus com-
plets, amenant des retours en arrière de la personnalité
de plus en plus marqués,et s'accompagnant de toutes les
manifestations somatiques ou psychiques, que les sujets
présentaient aux diverses phases de leur existence où ils
se trouvaient ramenés, manifestations que j'ignorais
moi-même, tout autant que l'époque à laquelle allait se
produire le réveil que jo provoquais.
En état d'hypnose, j'appris en interrogeant les mala-
des sur la cause do leur insomnie nocturne, qu'ils ne dor-
maient pas,ou parce qu'ils dormaient tout lé temps, ou
parce qu'on ne peut pas dormir deux fois ; d'autres me
répondaient qu'ils ne savaient jamais s'ils dormaient ou
s'ils étaient éveillés, qu'ils se sentaient toujours engour-
dis, ou qu'ils "étaient endolmis depuis telle époque. Il
suffisait alors do les réveiller énergiquement pour ame-
ner le retour en arrière de leur personnalité physique et
morale. C'est ce que j'ai appelé la régression de la person-
nalité, dont les conséquences, au point de vue du méca-
nisme de la pensée, de la mémoire, et de la constitution
du moi, sont si intéressantes et si importantes. '
En provoquant de plus en plus le réveil, on arrive à un
moment où la régression de la personnalité ne se produit
plus et où le sujet ne présente plus aucun stigmate ni ac-
cident hystérique. Cela correspond à l'époque où le sujet
était normal et a commencé à s'engourdir, à tomber dans
le vigilambulisme et dans l'hystérie. Et l'on saisit alors
facilement quel a été l'incident, l'émotion le plus souvent
ou une maladie intercurrente, ciui a amené l'état hystéri-
que, que d'autres incidents n'ont fait qu'accentuer en-
suite. Ces incidents apparaissent à leui tour au sur et à
mesure que la personnalité se reforme sous l'influencé
au réveil progressif. Après la régression vient, en ef-
fet, la progression de la personnalité dans l'ordre'
même de la vie du sujet, et cela ramène tous les
268 CLINIQUE NERVEUSE.
événements que l'on a vus se dérouler dans l'ordre
inverse pendant la régression. On constate alors à
quelles causes sont dues les aggravations, ou les recru-
descences de la maladie, et comment des idées fixes se
sont substituées les unes aux autres, liées qu'elles étaient
à des états cérébraux nouveaux provoqués par ces
causes. On a ainsi l'explication de la disparition de cer-
tains troubles sous l'influence de la disparition do certai-
nes idées fixes. En réalité, ces idées disparaissent par ce
que l'état cérébral qui amenait ces troubles les entrete-
nait en même temps : il n'y a pas de rapport do cause à
effet entre l'idée fixe et 'le* trouble hystérique, il n'y a
qu'un rapport de concomitance par suite d'une cause
unique. ' .
- Enfin, quand le réveil est complet, le sujet neprésente
plus aucun stigmate hystérique, et se trouve en même
temps complètement transformé au point de vue moral.
Il en est quelquefois stupéfait, car il passe presque brus-
quement de la personnalité qu'il avait au moment où il
est entré dans le vigilambulisme hystérique à celle qu'il
aurait actuellement si sa vie s'était déroulée normale-
ment.La transformation progressive de l'une à l'autre,
qui s'est faite inconsciemment, lui apparaît tout à coup
consciemment. On a vraiment alors le sentiment de se
trouver en présence d'un autre état, d'un autre individu.
Il a lui-même l'impression de sortir d'un rêve, d'un cau-
chemar plutôt, et est rempli d'une joie de vivre intense.
Or,à ce moment, on constate un phénomène qui vient
corroborer la, théorie que je donnais plus haut de l'in-
somnie des hystériques, à savoir qu'elle était due à ce
qu'ils étaient plongés dans un sommeil pathologique,
c'est le retoui du sommeil normal. Dès que le sommeil
pathologique disparaît, le sommeil normal reparaît,
car c'est une fonction normale du cerveau en activité
normale.
Le réveil cérébral s'accompagne de réactions motrices,
sensitives, sensorielles, viscérales, vaso-motrices et psy-
chiques. Et l'on peut alors constater que toutes ces réac-
tions ne diffèrent que par leur intensité et leur durée, de
celles qu'on observe à l'état normal quand'on a un arrêt
de fonctionnement d'un nerf par exemple. Seulement
HYSTÉRIE ET SOMMEIL 369
ici c'est le cerveau lui-même qui est frappé d'arrêt de
fonctionnement, et l'on conçoit que le réveil de ce fonc-
tionnement doit's'accompagner de sensations et de réac-
tions psychiques un peu particulières. On comprend
également qu'un organe qui est engourdi depuis des an-
nées, doit présenter, quand il recouvre ses fonctions, des
réactions singulièrement longues et intenses. Je ne sau-
rais insister ici sur ces réactions qui se présentent dans
un ordre parfaitement précis et déterminé. Je les ai dé-
crites ailleurs (1) dans leurs moindres détails ; j'ai mon-
tré leur hiérarchie, leur ordre de succession, leurs degrés
pour tous les organes,depuis le muscle jusqu'au cerveau,
en passant par les organes des sens et les viscères.J'ai pu
ainsi établir des échelles de sensibilité qui permettent,
étant donnés une sensation, un trouble sensitif quelcon-
que, de savoir à quel degré est atteint le centre de l'or-
gane intéressé, ou,étant donné un état somatique déter-
miné,de prévoir quelles sont les sensations éprouvées par
le sujet.
Cette étude permet de comprendre à quoi tiennent les
variétés si nombreuses de manifestations hystériques.
Elles tiennent à deux causes : 1° le degré de l'engourdis-
sement, de l'inhibition cérébrale, et 2° l'étendue,le nom-
bre des centres atteints.
On constate en outre que ces réactions ne sont autres
que celles qu'on observe dans les attaques, et qu'ainsi
les attaques ne sont que la tendance des centres céré-
braux à reprendre leur activité. Quand elles se dérou-
lent complètement,elles amènent le réveil, et on s'expli-
que alors comment, s'il est partiel, on voit souvent à
leur suite reparaître des états anciens du sujet, s'il est
complet, la guérison de tous les accidents.
Il y a encore un autre facteur à considérer dans la
forme des manifestations hystériques, ce sont les varia-
tions de l'état d'engourdissement des centres cérébraux
atteints. Ceux-ci peuvent bien dans certains cas - comme
dans ces paralysies ou contractures qui durent des an-
nées persister d'une façon fixe. Le plus souvent il y a
dans l'inhibition des augmentations ou des diminutions
sous des causes diverses. Ces variations s'accompagnent
(1) Voir Genèse et Nature de l'hystérie.
Archives, 3'SàPiO, 1907, t. I. \ . 24
370 PSYCHOLOGIE.
de changement dans la forme et l'intensité des troubles
hystériques, et les réactions du réveil nous font appa-
raître nettement le rapport existant entre ces variations
parallèles des troubles hystériques et de l'engourdisse-
ment cérébral. Nous avons ainsi, dans les expériences
dr réveil, non seulement une confirmation de la théorie
que je propose de l'hystérie, mais encore une méthode
expérimentale permettant de rapporter chaque phé-
nomène à tel ou tel degré du sommeil cérébral, et aus-
si une méthode thérapeutique, pathogénique et ration-
nelle, puisque le réveil complet amène la guérison
complète de l'hystérie. (A suivre).
PSYCHOLOGIE
Sur la symétrie bilatérale du corps et sur l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères céré-
braux. (Suite) (1)..
(A PROPOS d'un livre régent).
. (Suite).
Par Co. 13U\\I : ,
Médecin-adjoint à l'asile de Braqueville.
C. LE MOI, sa formation et ses attributs. Le moi
n'entre en scène qu'assez tard, ou plutôt, s'il y est fait
allusion dans les deuxième et troisième chapitres, n'est
spécialement envisagé qu'à propos des applications de la
théorie à l'objet particulier des sciences sociologiques :
on dirait que l'Auteur, préoccupé avant tout de ces der-
fières, avait déjà édifié son système et le leur avait rat-
taché, quand un avertissement quelconque le conduisit
à faire une place à l'unité de la conscience. Mais le siège
était fait : les deux coêtres étaient maitres totius .subs-
lantiæ ; la dualité de leur conscience surnageait définiti-
(1) Voiries numéros de mars, p. 177 et d'av·ril, p. 293.
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 371
vement. On verra par quelle tentative l'Auteur de la pré-
face s'est efforcé de remédier à l'étrange oubli d'une
théorie qui prétend se baser sur l'organisation et s'en te-'
nir « aux faits expérimentalement observés ou logique-
ment et rigoureusement déduits»(p.91) : lemoi,expression
de la conscience unique,dominant les coêtres, attendant
encore son substrat anatomique. Voyons ^d'abord com-
ment le moi se forme.
La Formation du moi est envisagée à propos de la li-
berté, et à propos de cela seulement : « Si la sensibilité est
attribut d'individu, la volonté consciente est attribut de
la personne, c'est-à-dire de l'être complet » (p. 88). « La
matière est exceptionnellement grave puisqu'il ne s'agit
de rien moins que d'une théorie nouvelle de la liberté »
(p. 90). Et l'Auteur, s'apprêtant à une « démonstration
rigoureuse » formule enfin la question : « Comment se
sera formée cette personne humaine en deux individus ? ..
Sera-t-elle distincte de chacun d'eux ? » (p. 90). Il re-
vient à trois reprises sur le « mécanisme » de cette forma-
tion : p. 88 : « Cette explication, eh bien ! la philosophie
dupliste la donne» : p. 91 : «Il a raison, le lecteur,de vou-
loir se rendre compte.... » ; p. 106 : « La démonstration
qui précède a été trop rapide, trop synthétique. Repre-
nons-la ». Puis vient un paragraphe (p. 111 à 113) qui
spécifie ce que le moi n'est pas. Mais chaque nouvel ef-
fort est plus embarrassé, plus incohérent, plus oublieux
des prémisses posées, et la solution attendue, difficile à
dégager des développements qui l'embarrassent, appa-
raît tellement monstrueuse qu'on tend à croire à une
inadvertance qui aurait laissé la question ouverte.
Les deux coêtres sont « en relations régulières » (p. 97);
leurs sensations de perceptions peuvent être « communi-
quées par la voie cérébrale, d'un individu à l'autre indivi-
du » (p. 89). Incapables de se fusionner, « de devenir
identiques l'un à l'autre » (p. 95) ou de « se subordonner
l'un à l'autre » (p. 96), forcés par conséquent de s'enten-
dre, ils « se concertent en vue de la coordination de leur
activité » (p. 97), « établissent un modus vivendi » (p. 98)
et entrent en délibération. Ils sont donc toujours bien
distincts et parfaitement indépendants l'un de l'autre :
« lorsque même elles délibèrent, chaque raison indivi-
372 PSYCHOLOGIE. '
duelle reste propre » (p. 109) ; « pour délibérer, il faut
être deux » (p. 90). C'est pourtant de cette dualité, « de
ce concours », et de cela seulement (p. 105) que naît la
conscience unique « propriété essentielle de la personna-
lité ». Nous verrons dans un instant les rapports de cette
conscience avec les deux consciences originelles.
Reprenons les détails de la formation. La simple addi-
tion des aptitudes des coêtres ne peut expliquer l'exis-
tence chez l'être complet des facultés de contrôle, de di-
rection et d'invention qui leur manquent : « Les facultés
des deux individus ont donc réagi, celles de l'une sur
celles de l'autre.... elles se sont multipliées l'une pàr l'au-
tre et le résultat.... a été non une somme mais un pro-
duit » (p. 58). Pour plus de clarté : « Les deux coêtres
associeront la raison, l'intelligence, la volonté de chacun
d'eux... et chaque faculté s'exaltera jusqu'à une défini-
tive synthèse... Il n'y aura plus quand l'action psychique
aura évolué jusqu'à son terme que la Sensibilité, la Rai-
son, la Volonté de la personne humaine » (p. 58). Pour-
tant,la conscience du moi reste complètement indépen-
dante de celle des coêtres : elle a son rôle propre dans la
délibération, qu'elle présuppose (p. 105 et passim),et dans
ce qui la suit ; les motifs qui font agir aveuglément les
coêtres n'ont pas prise sur elle et lui laissent la liberté ;
enfin elle est une.
1 Cette unité; l'Auteur en examine les différentes faces
sans voir qu'elle contredit son système : « La Conscience
est l'état de.l'Homme qui se sent en jouissance de ses fa-
cultés d'Entendement et de son pouvoir de Volonté.
Elle est le grand phénomène en qui se réalise l'Unité du
moi » (p. 105) ; « l'Unité du Moi se révèle dans l'unité de
la décision »(p. 107) ; il n'est, « ni mon individualité de
droite ni celle de gauche... il n'a plus rien qui soit de
droite ou qui soit de gauche... il est impersonnel par rap-
port à nos deux coêtres » (p. 111). Il se reflète « en sa
conscience... dans tout le secret de ses organes les plus
profonds » (p.113).
Cette série un peu longue de citations met en pleine
lumière la méprise de l'Auteur. Considérons une cons-
cience unique ou plutôt l'ensemble de son contenu : il y a
dans ce contenu nombre de faits, sensations, perceptions
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 373
qui ne sont pour rien dans l'unité perçue de la con-
science, qui, au contraire, doivent être spécialement visés
par toute théorie. de la formation du sentiment de l'unité,
de l'identité dans le temps. Dans cette conscience, cer-
tains processus, l'effort, la perception de la résistance, la
considération par l'esprit des actes propres, successifs,
jugement, raisonnement, décision,dont il se sent la seule
cause, sont les points de repère de l'unité du moi ; il,est
pourtant exagéré de dire que « l'acte de volonté... donne
seul à la personne humaine le sentiment de son existence »
(p. 112). Mais que peuvent tous ces agents de l'unité ou
de l'identité perçue ou consciente, quand on les met eu
présence de deux consciences distinctes ? 'Comment
peuvent-ils d'abord devenir communs aux deux cons-
ciences, puis les fondre en une seule,ou du moins/tout en
laissant persister l'indépendance des deux consciences,en
tirer une conscience ? Il est évident qu'ici encore l'Auteur
a été trompé par le langage philosophique : la volonté, la
raison, etc.,ou plutôt les actes qui manifestent ce mode
de l'activité, font le sentiment de l'unité, mais ne font
pas l'unité : ils sont, au contraire, effet de l'unité de l'esprit
basée sur celle de l'organisme.
Or, suffisait-il au duplicisme d'avoir rétabli le sentiment
de l'Unité et se trouvait-il ainsi mis d'accord avec la don-
née fondamentale de l'observation interne ? Non, car ce
sentiment reste inexpliqué étant donnée la duplicité fon-
damentale attribuée à la conscience : il est simplement
affirmé et reste incompréhensible.
Rapports des trois consciences. Les trois consciences
sont nécessaires,et quoique l'Auteur dise souvent que
l'unité du moi ne s'affirme, ne se révèle, que dans et par
certains actes seulement, le Moi,l'Etre complet, n'en a
pas moins besoin d'une conscience qui lui soit propre.
D'ailleurs,puisque les trois êtres interviennent simulta-
nément dans certains actes psychiques, pour y jouer
chacun son rôle, il est bien clair que ces trois êtres n'en
font pas qu'un seul : or,si l'individualité, l'indépendance
de chacun, ne réside pas dans sa conscience,où peut-on
bien la chercher ? Donc, inéluctablement, trois conscien-
ces distinctes et persistant à être distinctes, et non pas,
quoique l'existence des deux premières n'ait pas pu être
: ;7-t PSYCHOLOGIE.
démontrée et que la formation de la troisième soit restée
inexplicable, non pas une seule conscience à triple face,
d'un modèle particulier, une conscience à trois voies,si
l'on veut, simple en haut, bifide en bas.
. Quels sont donc les rapports de ces trois consciences,
rapports inconnus et rapports connus du sujet ? L'impré-
cision malheureusement augmente de page en page, à
l'apparition de chaque nouvelle donnée : l'Auteur ne sor-
tira plus du domaine des métaphores que pour tomber
dans celui des affirmations gratuites ou des erreurs ma-
nifestes : les deux coêtres continueront à agir de concert
en individus indépendants, mais désormais le mot cons-
cience sera au singulier, et la Sensibilité, l'Intelligence, la
Raison, attributs de la seule « Personne » humaine, s'écri-
ront avec une majuscule. ,
Dès que l'on envisage, en effet, les divers modes pos-
sibles de rapports,on devient convaincu que l'Auteur a
perdu de vue dans tout le chapitre consacré au moi, et
dans les chapitres suivants la dualité des consciences des
coêtres : il met ceux-ci en scène, par exemple dans la dé-
libération (p. 106 et 107), en même temps que le moi et
les fait agir comme les personnages d'un drame dont cha-
cun connaît au moins en partie les actes et les idées de ses
interlocuteurs, et concourt à l'action. Mais l'Auteur ne
réfléchit pas que si des faits extérieurs, des manifestations
peuvent être connus de plusieurs personnes, c'est-à-dire
de plusieurs consciences, il n'en est pas de même pour des
faits psychologiques pour lesquels exister et être connu
ne sont qu'une seule et même chose. Faut-il rappeler en-
core qu'un fait psychologique ne peut pas être connu de
plusieurs consciences ? Or,quelle est,dans la délibération,
la conscience qui a connaissance des arguments pour et
contre, de l'estimation de ces motifs, et dans le domaine
de laquelle est enfin prise la décision ? C'est forcément
celle du moi : celles des coêtres sont donc non seulement
inutiles mais ici inadmissibles. Je ne puis admettre en
effet que ma conscience succède à une autre : cela ne satis-
ferait ni le sentiment que j'ai de l'unité de la cause de
tous les actes de la délibération, ni le sentiment de
l'identité de la conscience ou du moi qui a assisté à la sé-
rie de ces actes.
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 375
Admettons pourtant que cette succession soit possible
et qu'une double et parfaite soudure donne au sujet l'il-
lusion de la permanence et de l'identité du théâtre de la
vie psychique ; cette soudure, ce raccord, se répéterait à
chaque intervention de la conscience du moi : les rap-
ports des trois consciences deviendraient-ils alors conce-
vables ? .
La tendance de l'Auteur, dès que le moi est intervenu.
est d'étendre indéfinimemt les attributs et la part de col-
laboration des co êtres : « les Raisons individuelles pren-
dront connaissance du milieu.... » (p. IOÛ). « Le conflit
persistant « [des coêtres] prolongera l'incertitude. Or
l'incertitude est une douleur [parqui ressentie ? ]. Le désir
de sortir de cette incertitude naîtra dans chaque coêtre
et leur sera commun..Ce motif postérieur tendra à su-
bordonner la réalisation des motifs originels.... à l'élabo-
boration d'une solution d'accord » (p. 100). « Par leurs
communes et logiques déductions» (p. 103), les coêtres
trouvent même « les formules de la sagesse immédiate » à
laquelle s'arrêtent beaucoup d'hommes « qui s'en tien-
nent ainsi aux conclusions de la prudence dans le tra-
vail ». D'autre part, l'Auteur restreint la conscience du
moi aux faits psychiques les plus élevés, sinon les plus
complexes : « C'est dans le sentiment que le Moi prend de
la conformité aux lois de l'Étre que gît la conscience» »
(p.107).La conscience du moi n'interviendrait-elle donc
qu'à de certaines occasions, rares et courtes, comme l'Au-
teur paraît quelquefois vouloir le laisser comprendre, par
exemple dans les circonstances où la personne a la cons-
cience réfléchie de sa vie psychique ? Il y aurait alors ac-
cord immédiat avec celle des consciences des coêtres qui
était antérieurement en activité, ou, si l'on veut, super-
position passagère. De telles suppositions, en elles-mêmes
illicites, ne permettent même pas une interprétation ac-
ceptable des données du duplicisme ; les états psychiques
dans lesquels interviendrait la conscience supérieure ne
se soudent pas entre eux comme un état premier se soude
à un état premier antérieur : ils continuent simplement
le dernier état de conscience, quel qu'en aît été le con-
tenu : ils appartiennent donc à la même conscience. Bien
plus, tous les états de conscience ne diffèrent pas essen-
37li PSYCHOLOGIE.
tiellement les uns des autres, ce n'est qu'artificiellement
que l'on peut séparer une volition ou une délibérationdu
reste du contenu de la conscience : c'est par un moyen
semblable que l'Auteur a réparti a priori entre les coêtres
et l'être complet tous les actes, et toutes les aptitudes de
l'esprit.
Faisons d'autres suppositions : l'imprécision du texte laisse toute
latitude à cet égard. Imaginons parmi les diverses conditions de
la vie psychique normale, une combinaison qui se rapproche le
le plus possible des données du duplicisme : supposons que la syn-
thèse mentale qui, à l'état normal, forme la personnalité, soit tou-
jours incomplète et en même temps élective ; qu'elle se fasse de
telle sorte que les processus en lesquels « se révèle » l'unité du moi
soient seuls connus de celui-ci : les autres faits seraient inconscients
au moment où ils ont lieu, mais, avant de « vouloir », le moi en au-
rait une notion que, par une illusion constante.il reporterait et éten-
drait dans le passé, de manière à se faire un tableau du monde
extérieur. Cette hypothèse fait une part à la bi-individualité des
coêtres, lesquels seraient chargés des opérations préparatoires et
pourraient s'en acquitter en gardant leur indépendance consciente :
en d'autres termes, ces actes se répartiraient eux-mêmes en deux
séries distinctes inconnues du moi, c'est-à-dire inconscientes,
sauf au moment précis de la volition : à ce moment, les deux « états
seconds», second et tierce, si l'on permet, se souderaient à l'état
premier, puis la volition achevée, la synthèse totale transitoire
prendrait fin : le moi ne garderait qu'un souvenir de cette synthèse
transitoire, et, par ce souvenir seulement et les souvenirs précédents
analogues, connaîtrait le monde extérieur. Cette hypothèse n'est
pas le duplicisme : elle cherche seulement à imaginer un cas s'en
rapprochant le plus possible ; je la résume encore : subconscience
large et presque constante des faits « inférieurs » ; conscience claire
réservée aux seuls faits où se révèle 1' « unité du moi », c'est-à-dire
aux processus les plus élevés de choix et de volition ; intégration de
ces faits en deux séries distinctes, dont l'une est quelquefois de son
côté dédoublée (périodes de non-communication entre les coêtres) ; ,-
mais soudure intermittente de ces deux séries : cette soudure est
nécessaire pour expliquer la connaissance du monde extérieur, en
d'autres termes,... toute la psychologie, sans d'ailleurs en expliquer
la continuité : il faudra toujours que cette soudure se fasse, autre-
ment le «Moi » mourrait d'inanition. Ace moment,la conscience du
Moi, ou, plus simplement, le Moi connaîtra tout le contenu de la
vie psychique, les deux séries n'en feront qu'une seule. Mais ici,
malgré les invraisemblables concessions faites pour suivre autant
que possible leduplicisme, force est bien de le quitter : la conscience
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 377 Î
redevient une, l'anomalie disparaît. En d'autres termes, les faits
sur lesquels s'étend le plus longuement l'Auteur pour y montrer
l'action combinée .du'moi et des coêtres sont inconciliables avec
l'attribution d'une conscience propre à chacun de ceux-ci. Le moi
pourra être inattentif, étranger, à la rigueur, à la plupart des actes
psychiques, mais, du moment qu'il peut tous les connaître, tous lui
appartiennent, car il est contradictoire, il est franchement absurde
d'imaginer un fait psychologique, un évènement intérieur unique
connu de plusieurs consciences. Si je supposais, au contraire, que
les états supérieurs, ceux de la série appelée plus haut l'état pre-
mier, se soudent seulement entre eux et récusent les états infé-
rieurs, je laisse la porte ouverte au duplicisme, à l'indépendance
des coêtres vis-à-vis du moi, voire même à leur indépendance mu-
tuelle, mais je la ferme au monde extérieur : je n'ai plus qu'un moi
virtuel, vide de tout contenu, peut-être capable de vouloir, de choi-
sir, le faisant même, à la rigueur, sur des données anciennes et
fournies une fois seulement par la soudure temporaire-qui lui aura
donné la vie, mais n'assistant même pas à l'accomplissement de sa
volition. ,
En réalité, et malgré les nombreuses affirmations irré-
fléchies de l'Auteur, la donnée fondamentale et irrécu-
sable de l'unité de la conscience est incompréhensible
dans le duplicisme et incompatible avec la dualité pri-
mordiale organique et psychique des individus. En lui
cherchant un substrat anatomique, l'Auteur de la pré-
face s'est donné une peine inutile. Dire que cette unité,
qui présuppose la délibération des coêtres, naît de leur
seul concours, c'est affirmer qu'elle n'a pas sa source
dans l'organisme et rappeler que celui-ci y serait opposé
de par sa structure, d'après les données de la théorie ;
c'est rendre plus incroyable ce monstrueux mystère d'une
trinité de consciences en une seule personne,ou réduire le
lecteur à des antinomies plus pénibles encore : des faits
psychiques simples,tels que l'impression faite par un mo-
tif sur une conscience, connus directement, accaparés par
trois consciences ; ou bien des faits psychiques non seule-
ment déterminés par action directe du milieu extérieur,
mais encore inconscients : une sorte de délibération mé-
canique ! Le duplicisme démontre donc lui-même que,
dans la réalité, l'Unité de la conscience ne provient pas
des actes psychiques qu'il considère comme étant le par-
tage de deux individus accouplés, et que la philosophie
378 PSYCHOLOGIE
classique considère comme étant en général relativement
simples, que cette unité est fondamentale, quitte à ne se
manifester, d'après la théorie, qu'à l'occasion de certains
actes. Si donc l'unité préexiste à l'exercice des puissances
élémentaires de l'esprit et s'affirme ou peut s'affirmer à
l'occasion de tous les faits de conscience,contrairement
aux assertions du duplicisme, n'est-ce pas qu'elle a sa
source dans l'organisation ? Comme, d'autre part, cette
même unité se retrouve au sommet de la vie psychique,
et s'affirme, de l'aveu de tous,dans les processus les plus
élevés, que devient cet épisode intermédiaire de son par-
tage entre deux individus, et de quel droit dire que
« l'homme est double » ?
Le Moi du duplicisme est donc non seulement inadmis-
sible en soi, mais encore, chose plus grave, inconciliable
avec les prémisses de la théorie. C'est un deus ex machina
rendu nécessaire par la charpente du drame et maladroi-
tement amené au cinquième acte sans que rien n'ait aupa-
ravant justifié son intervention. Avant d'examiner les
attributs dont il va s'enrichir, voyons s'il peut s'unir à
un substrat matériel et si l'Auteur de la préface n'a pas,
en en proposant un, jugé la théorie susceptible d'une in-
terprétation qui nous aurait échappé.
Substrat matériel de la conscience unique. Le moi'est
un potentat dispensé de tout travail extérieur et chargé
seulement de vouloir. Il a une mémoire : les archives en
sont « classées dans les registres privés de la Mémoire de
chaque coêtre » (p. 112). Tandis que chaque coêtre puise
le sentiment de son existence propre dans ses actes les
plus simples (je pense, donc je suis), le Moi n'a conscience
de son existence que « dans l'acte de délibération aboutis-
sant à une décision... et dans l'acte de volonté » (p. 112).
« C'est à travers les souvenirs inscrits dans ces registres
[tenus par les coêtres] qu'il prend conscience de lui-même
et garde le sentiment de son identité » (p. 112). Veut-il
agir ? Il n'a qu'un mot à dire : les coêtres exécutent le
mouvement. Sent-il, perçoit-il ? C'est toujours par l'in-
termédiaire des organes des coêtres. Quand on parle d'un
centre psychique, on envisage une accumulation, dans un
point donné du névraxe,de résidus dont la mise en jeu ou
la destruction constituent ou détruisent le souvenir : or
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 379
ces centres placés chez les coêtres sont à la disposition du
moi.
En second lieu, l'Auteur a dit cent fois pour une que les
communications entre coêtres, leur entente, leurs déli-
bérations.préexistaient au moi et permettaient seules sa
formation. 1
Enfin,n'a-t-on pas justement considéré pendant long-;
temps comme essentiellement privé d'un substrat maté-
riel l'attribut principal du moi : la liberté ? Le duplicisme
se rattacherait ainsi au spiritualisme, d'assez mauvaise
grâce, il est vrai ; il ferait en même temps sa part à la
« thèse déterministe... Tout effet a une cause » (p. 85).
Cette part pourrait même être de taille à satisfaire les
psychologues qui. admettent que tout acte psychique,
même la volition d'apparence libre, a un équivalent ma-
tériel,un processus histologique quelconque : ce processus
se passerait à l'occasion dans les centres de l'un ou de
l'autre hémisphère, voire même exclusivement dans les
centres du langage. Donc pas de substrat anatomique
propre. ,
Mais, d'un'autre côté, puisque l'organisation est par-
tagée tout entière (ou à peu près : l'Auteur a heureusement
ment oublié quelque chose) entre les deux coêtres, puis-
que de cette organisation découle un déterminisme ab-
solu, le spiritualisme est récusé implicitement par le du-
plicisme. Et pourtant celui-ci fait une place à la liberté :
il lui aurait donc réservé un substrat matériel, dont l'exis-
tence est d'autant plus vraisemblable que les trois cons-
ciences se raccordent l'une à l'autre : elles auraient donc
quelque chose de commun Si cette manière de s'expri-
mer paraît dépasser en originalité le duplicisme même
l'Auteur reconnaîtra bien, encore une fois, que le moi a
connaissance, non seulement des faits «où gît », -en qui
« se révèle » son unité, mais encore de ceux qui sont la
propriété des coêtres. « L'hypothèse de l'âme universelle
n'est pas inconciliable avec la théorie dupliste ; mais elle
ne lui est pas nécessaire » (p. 91). En serait-il de même
pour le substrat du Moi ? Non, probablement : l'Auteur de
la préface a détruit l'alternative et a ouvert par ce simple
geste de nouveaux horizons sur la théorie dont il s'est fait
bénévolement le défenseur. Ses raisons sont-elles bien
380 . PSYCHOLOGIE, -
d'accord avec les données de la thèse : nécessité d'une
fusion des deux personnalités, d'une coordination ? N'im-
porte, « une coordination nouvelle s'opère, et c'est cette
intégration qui crée la personne humaine... Cette coordi-
nation des deux cerveaux, siège des deux personnalités...
où s'effectue-t-elle ? » (p. XI). On le prévoit « sans vouloir
être trop affirmatif » : c'est dans le corps calleux. Les tu-
meurs de cet organe « entraînent une altération plus ou
moins profonde du caractère, une véritable incoordina-
tion morale » (p. XII). Mais de pareils troubles sont-ils
spéciaux à de telles tumeurs ? Ne s'expliquent-ils pas
par le défaut de synergie physiologique et psychologique
des centres corticaux dont les fibres calleuses ont été at-
teintes ? D'ailleurs, l'altération du caractère,l'incoordina-
tion morale ne sont pas équivalentes la pure volition
libre dent l'Auteur du livre fait la caractéristique suprême
du moi fonctionnant et qui persiste intacte dans les cas
envisagés.
1
' D'autre part, « le corps calleux est d'autant plus développé dans
l'échelle des Vertébrés que l'individualité psychique se précise da-
vantage » (p. XII). Cela peut être admis ;mais en même temps qu'il
acquiert un développement proportionnel à celui du manteau cé-
rébral, les autres commissures et voies transmédianes d'associa-
tion perdent leur considérable importance primitive : commissures
du télencéphale, du diencéphale et surtout des cerveaux moyen et
postérieur, quj, de concert avec le corps strié, assuraient seules pn-
mitivement la synergie et l'association des centres des deux côtés :
le corps calleux n'est donc qu'une annexe, un dérivé de l'écorce
cérébrale ; il n'apporte pas à son fonctionnement d'élément par-
ticulier. Loin de représenter un centre surajouté aux deux moitiés
du cerveau, il souligne par son évolution phylogénique la pro-
fonde unité fonctionnelle de celles-ci.
Comment, en effet, pourrait s'y effectuer la moindre action ré-
ciproque des influx auxquels il donne passage, « l'intégration des
sensations conscientes provenant des deux moitiés du corps »
(p. XII) ? Pour constituer un centre, il faut qu'il y ait rapports
directs d'éléments conducteurs, rapports, par continuité ou conti-
guïté, d'axiterminales amyéliniques avec les ramifications den-
dritiques ou le cytosome, voire même avec les axiterminales de
cellules autres que celles dont proviennent les fibres afférentes.
Cela ne veut pas dire, ainsi qu'on l'a soutenu lors de la première
vulgarisation des résultats de la méthode de Golgi, qu'un centre
simple soit constitué par le contact d'une fibre cellulifuge avec une
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 381
fibre cellulipète appartenant à un autre élément, et que la trans-
formation de l'influx sensitif en influx moteur se fasse à ce niveau.
Considérons,en effet, les centres corticaux, le modèle de ceux qui
devraient, d'après la théorie, exister dans le corps calleux : il y a «
toujours convergence d'éléments venus de centres distincts et eux-.
mêmes en rapport avec d'autres centres encore plus étrangers les
uns aux autres : les ébranlements apportés, par exemple par les
fibres thalamo-corticales,avant de diffuser dans la zone des pyra-
midales moyennes,ont déjà impressionné directement ou par les .
cellules à court taxone, dans les couches plus profondes,une infinité
de cellules, elles-mêmes en rapport direct ou indirect par les fibres
corticipètes d'association et aussi grâce aux longues fibres de) la
couche zonale, avec des territoires corticaux qui entretiennent des
relations analogues avec des domaines périphériques essentielle-
ment distincts. On sait comment, grâce aux successives associa-
tions formées,peuvent prendre naissance, soit un mouvement, soit
un état de conscience, soit les deux à la fois, et comment, grâce au
jeu des résidus des cellules intéressées, sont évoqués les souvenirs
rudimentaires qui président à la reconnaissance de la sensation,à la
perception et à toute la série d'actes psychiques dont elle peut être
le point de départ. Or,existe-il dans le corps calleux.non pas des cen-
tres comparables à ceux du cortex lesquels, même,leur seraient su-
bordonnés,mais dès centres rudimentaires ? Il est inutile de détailler
aux lecteurs de ce journal les classiques recherches de Cajal, dont
les premières sont antérieures à 1891 et ont été depuis tant de fois
confirmées, recherches dont il découle avec la dernière évidence
qu'il n'y a pas dans le corps calleux, pas plus que dans le centre
ovale ou dans toute autre masse blanche, de terminaisons nerveuses :
' dans l'état actuel de la neurhistogenèse, on ne pourrait même
pas se représenter l'existence de pareils éléments dans les terri-
toires exclusivement réservés chez l'adulte aux fibres myélini-
ques. Quel peut donc être le sens caché du mot « intégration » ? ?
Attributs du moi. Passant sur la Raison supérieure, ar-
rêtons-nous à l'attribut suprême, au grand cheval de ba-
taille du duplicisme, à la liberté, «mystère «Vainement
abordé jusqu'ici, « aussi inexplicable que certain » (p. 88),
«antinomie (xtravagante » (p. 84), à laquelle « la théorie
de l'homme double apporte une solution ». Or, chose
curieuse, l'Auteur a la prétention de connaître « l'argu-
ment déterministe » (p. 85 à 88) : il l'expose tant bien que
mal, et pourtant il néglige ce qui devenait alors le pre-
mier de ses devoirs, puisqu'il croit à la liberté : la réfu-
tation de cet argument. Bien plus, il prétend lui faire
382 PSYCHOLOGIE.
dans sa théorie toute la place qu'il mérite à côté de la li-
berté.
Il en est du libre arbitre'comme du hasard : celui-ci nous sert à
sous-entendre notre ignorance des causes des événements exté-
rieurs, et la liberté, notre ignorance des causes de nos volitions, ou,
plus généralement, des modifications successives de notre
conscience, c'est-à-dire du monde intérieur. Quand on consi-
dère le monde extérieur, soit dans l'avenir, soif dans le pas-
sé, en être actif ou en historien, on est tenu de faire sa part
au hasard. Quand on considère le monde intérieur, en moraliste,
en sociologue ou en historien, on ne peut pas ne pas tenir compte
de la liberté. En effet, à côté des motifs, à côté du caractère et
même de l'état d'esprit présidant à la volition, qui, à la rigueur,
peuvent qtre connus du sujet et même d'autrui, il existe un grand
nombre de causes que leur nature commune soustrait à la connais-
tance. Envisageons les volitions complexes : les composants coenes-
thésiques et affectifs de l'état de conscience,au moment de la déli-
bération, participent tout comme les éléments de pure connais-
sance à l'évocation des états de conscience antérieurs qui ont con-
tenu les divers motifs. Ceux-ci, d'autre part, se répartissent pres-
que toujours et naturellement entre des états de conscience de
teinte affective opposée.
De ces derniers, évoqués pour la délibération, les uns vont donc
avoir le même signe affectif que l'état évocateur, les autres un si-
gne contraire : ces derniers apparaissent dépourvus de ce qui en-
traîne ou cause le désir, comme de pures abstractions ; de plus,
en perdant leur ton affectif, ils ont perdu une partie de la force as-
sociative et ne sont plus capables, comme leurs adversaires, de
créer des associations nouvelles. Mais, en même temps, leurs élé-
ments intellectuels ont été dégagés : l'esprit les en connaît d'au-
tant plus clairement, et lorsque, l'acte accompli, le sujet considère
le motif qu'il n'a pas suivi, il a d'autant mieux l'illusion d'avoir
agi librement que ce motif lui était apparu plus clairement.
De ces volitions avec profond sentiment de liberté et dans les-
quelles les idées les plus abstraites paraissent souvent intervenir
seules,on passe par une série d'intermédiaires, sur lesquels il est
inutile de s'arrêter, aux décisions que l'on croit abandonner à l'em-
pire des circonstances extérieures,aux résultats desquelles on croit
être indifférent, et dans lesquelles les circonstances internes jouent
pourtant le plus grand rôle.
Pour les volitions très simples, dans lesquelles l'impulsion, gui-
dée et servie par l'expérience, est rapidement suivie d'effet, la ques-
tion du libre arbitre ne se présente pas au sujet, à moins d'un re-
tour en arrière : le sentiment naîtra alors si les conditions de cons-
, SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 38 ,
cience de l'accomplissement de l'acte, en particulier le ton coenes-
thésique,se sont déjà modifiées jusqu'à un certain point ; dans le
cas contraire le sujet verra dans l'acte le résultat d'une habitude.
Enfin, les auteuçs pour qui le sentiment du libre arbitre est l'ex-
pression de la réalité n'envisagent le plus souvent pas la multi-
plicité et la futilité apparente des causes extérieures agissant au
dernier moment. Un exemple souvent donné d'acte parfaitement
indifférent : fléchir le doigt ou ne pas le fléchir ; le motif détermi-
nant paraît être dans plus d'un cas la prédominance de l'image
d'un des mots de la phrase qui exprime, mentalement ou orale-
ment, l'alternative.
Il est enfin à remarquer que, dans les délibérations longues et
pénibles, là décision est presque toujours précédée d'un moment
d'oubli, ordinairement très court, des motifs ruminés.Cet oubli est
quelquefois causé, ou rempli, par une sensation intercurrente ou
tout autre état de conscience complètement étranger à l'objet de
la délibération et précédant immédiatement l'acte ou la décision.
Ce cas met en évidence l'influence prépondérante des causes je
ne dis pas des motifs, ce mot ne comprend pas tout-inconnais-
sables dans la détermination.
Après avoir- constaté que le sentiment de liberté est
« universellement ressenti », que, par conséquent, il n'y
a pas à le prouver (p. 84) ; que, d'autre part, la liberté
serait, si elle existait, on désaccord avec le déterminis-
uu, briserait la continuité des effets, continuité qui est la
base de toute science, qu'aurait dû faire l'Auteur ? Inter-
préter ce sentiment, chercher s'il n'a pas, lui aussi, sa
cause dans la nature même de l'esprit. Mais, sans remar-
quer qu'il confond l'idée et la chose, il constate qu'il n'a
pas à « prouver la liberté », oubliant en cela les objec-
tions déterministes auxquelles il a lui-même fait allusion,
et annonce pompeusement qu'il a enfin trouvé « une
explication très simple de ce fait universel de liberté (sic) »,
et qu'il va consacrer « en le fondant sur la liberté, tout un
édifice immense de morale, de droit et de politique» (p. 84).
Cette « explication » est d'ailleurs telle qu'on devait
s'y attendre. -
Elle repose sur ls doux dualismes- :
1° Sur le dualisme longitudinal, la dualité des coêtres,
qui, ayant chacun sa « mentalité propre, peuvent être si-
multanément affectés de façon différente par des motifs
différents » (p. 88).
384 PSYCHOLOGIE
2° Sur le dualisme tranversal, ici non moins absolu que
le précédent, et qui soustrait la raison supérieure aux in-
fluences irrésistibles auxquelles sont soumis les coêtres :
« Là où chaque individu eût été impuissant à résister à
l'impulsion.... eUe a pris son temps... réservé l'occasion
de l'option...Elle pèse les motifs propres à chaque indi-
vidu... laisse des motifs divers surgir de droite et de gau-
che » (p. 89) et enfin choisit, et choisit librement.
Envisageons séparément la part de chaque dualisme.
Nous verrons ensuite si l'Auteur a su concilier d'une façon
logique et acceptable avec « la somme do fatalité... qui
nous rattache à l'animalité inférieure » (p. 114) et qui re-
présente la place de « l'argument déterministe » dans la
théorie, la « somme de liberté » supposée démontrée qui
est, elle aussi, « le fruit de la coopération de deux ani-
maux conjugués ».
Le dualisme longitudinal, la dualité des coêtres,est com-
plètement inutile au raisonnement, nouvel exemple du
désarroi, de la faiblesse de la notion fondamentale de la
thèse ; cette donnée gêne l'Auteur toutes les fois qu'elle
intervient.ainsi qu'on l'a vu pour la tentative de retour
à l'unité de la conscience, pourla description et l'inter-
prétation des actes où la dualité intervient de concert avec
« l'Etre complet ». C'était en effet la partie délicate, sur
laquelle unpsychologue,quelles que fussent ses tendances,
aurait porté toute son attention, de manière à en em-
brasser toutes les conséquences possibles avant de passer
à toute autre chose.
Quelle est,en effet,la seule idée apportée par la dualité
des coêtres dans 1' « explication » du libre arbitre, idée
du reste inadmissible, comme toutes celles qui sont pro-
pres à la théorie ? C'est la simultanéité des états affectifs
(conscients ! ) différents créés par des causes différentes.
Cette simultanéité est inutile. De plus, le moi doit né-
cessairement connaîtra et connaît en fait ces états affec-
tifs divers, ce qu'il ne peut faire qu'en les partageant,
c'est-à-dire en les éprouvant ; et il ne peut les éprouver
que successivement. Si maintenant, au lieu des états af-
fectifs, on envisage spécialement les motifs, dégagés, l'un
tout au moins, de toute teinte affective, et plus ou moins
schématisés, il n'est pas besoin du duplicisme pour expli-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 85
quer ou faire admettre leur présence simultanée dans la
conscience qui va choisir ou concilier.
La contribution du dualisme transversal, présente un
tout autre défaut d'ensemble : c'est la réédition avec modi-
fications regrettables, d'arguments auxquels réponse a
été faite depuis longtemps : la liberté existe parce que la
raison qui choisit est une faculté vraie, radicalement
distincte des autres facultés de l'entendement, de celles,
au moins, qui président à la connaissance élémentaire, et
de celles d'ordre affectif,émotions et passions : « la barrière
opposée aux motifs déterminants », c'est « le Moi-Un, à
qui la puissance de la Raison donne la maîtrise des deux
coêtres.... Par-dessus les ardents appétits dos coêtres, le
Moi peut dégager la notion conforme aux lois de l'Etre...
et en imposer @le respect aux coêtres domptés »
(p. 110). Mais, comme « l'étagement des facultés psychi-
ques » (p. 58), est-ce là une conception neuve ? et, par ces
affirmations inélégantes,le duplicisme ajoute-t il la moin-
dre notion utile à la manière de voir commune à tous
les systèmes spiritualistes ?
L'argumentation classique concernant les motifs est
trop connue pour que l'Auteur n'ait pas songé à la mesu-
rer à sa thèse : mais sa bonne foi fut mal récompensée.
Les motifs, se demande-t-il (p. 107-108), fournis par les
coêtres, ou tirés par la Raison elle-même du « dossier de
la Mémoire ou de l'étude des conditions du milieu.... ne
sont-ce point des forces qui ont agi sur la Raison ? » Et la
raison n'aura-t-elle pas, en fin de compte, suivi le motif
le plus fort, non pas toujours celui qui apparaissait tel au
début de la délibération, mais celui que des associations
- et un mécanisme inconscient auront rendu tel au cours de
la délibération ? Mais l'Auteur substitue à la simple vo-
lition, la « faculté de conciliation » : le rôle de la Raison
n'est pas « de faire prévaloir sa volonté à travers les di-
vers ordres.... La faculté de concilier les divers motifs et
de se déterminer suivant la formule de cette conciliation,
c'est bien ce que nous appelons la liberté de l'homme : ; et
cette liberté nous suffit parce que nous n'en saurions
concevoir une autre », p. 108.
Il est facile de voir que l'introduction de l'idée de conci-
liation n'enlève rien à la force de l'argument dirigé contre
Archives, 3' série, 1007, t. 1 25
386 PSYCHOLOGIE.
I
la liberté : aux motifs simples primitifs, elle substituo
simplement d'autres solutions à envisager, que l'esprit
devra toujours examiner deux par deux, ou plutôt en
deux groupes opposés,groupes à l'un desquels le méca-
nisme exposé plus haut donnera plus ou moins rapide-
ment la prépondérance effective.
D'un autre côté, pour faire une part au rôle des motifs,
l'auteur les oppose arbitrairement au « caprice » : « Une
liberté agissant sans motifs agirait sans raison. Elle ne se-
rait donc pas une liberté, car nous ne concevons la liberté
que comme raisonnable » (p. 109). « Motif » est pris ici
dans le sens particulier de motifs connus comme tels par
l'esprit et connus clairement, qu'ils soientbons ou mau-
vais. Mais toute philosophie doit envisager aussi les mo-
tifs inconscients ou connus confusément qui se retrouvent
à la base de toute'volition, raisonnable ou insensée. Or.
toute volition peut être accompagnée, et l'est, en effet, le
plus souvent, du sentiment de libre arbitre, sentiment
qui, pour l'Auteur, est la liberté même. Pourquoi alors la
restreindre aux seuls actes raisonnables ? C'est que, nous
l'avons vu, la solution tant attendue apportée par le du-
plicisme au problème du libre arbitre se réduit à la simple
affirmation de l'existence d'une raison inaccessible aux
motifs et libre puisque la conscience le dit ! ccC'estlerlloi
qui évoque les motifs, apprécie leur validité... la sanc-
tionne. Comment ne pas reconnaître la...part qu'a le Moi
raisonnable à la conduite du Moi, et... en présence de ce
pouvoir de ma Raison..., comment ne pas reconnaître
une manifestation de ma liberté ? » (p. 110). C'était là une
bonne occasion de faire intervenir « cette étincelle d'âme
universelle » (p. 90) avec laquelle la théorie duplistc se
flatte d'être conciliable.
La liberté « expliquée » et accordée par l'Auteur est
une « faculté » en contradiction absolue avec la part qu'il
prétend faire à « l'argument déterministe » : cela découle
encore du caractère qu'il attribue à cette liberté : la Iiiiii-
tation : « la conscience est le débat incessant entre les
deux coêtres. La liberté se mouvra'dans toute la distance
qui séparera les deux impulsions individuelles » (p. 150).
Ce passage somblo indiquer une confusion, dont nous au-
rons bientôt la démonstration, entre la conscience propre-
i SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 387
ment dite et la conscience morale. « La conscience ains i
comprise, c'est-à-dire libre dans certaines limites...... »
(p. 152).Or, l'Auteur l'a dit et montré plusieurs fois, pour
lui, liberté et sentiment de la liberté ne sont qu'une seule
et même chose : Ce sentiment est-il limité ? N'est-il pas
absolu, et pourrait-il exister s'il était limité ? Du moment
que, par une nouvelle inconséquence, l'Auteur identifiait
l'idée et la chose, il devait prendre l'idée telle qu'elle est
fournie par l'observation interne ; il devait, du moins, ne
pas se contenter de ridiculiser tour à tour « la race des
gens qui se battent à coups de syllogismes» (p. 83), et les
« psychophysiologistes » (p. 148 et 149), mais leur dé-
montrer que le sentiment de liberté n'est pas tel qu'on
l'avait cru jusqu'à lui. Jeparle,bienentendu,dusentiment
spontané, seul envisagé, naturellement dans les discus-
sions sur le libre arbitre,et par l'Auteur lui-même quand il
rappelle qu' « il est universellement ressenti », sentiment
toujours éveillé, même chez l'homme cultivé capable
d'envisager le rôle des « motifs » internes.
La « part do-fatalité » n'est guère mieux traitée que la
part de liberté : cependant, ce fait si simple de la supré-
matie habituelle ou temporaire des impulsions irraison-
nées, des désirs et des passions, sur la raison, le dupli-
cisme le complique d'une difficulté : la parfaite indépen-
dance de la raison, indépendance sans laquelle la liberté
n'existerait pas. L'Auteur dit bien que,faute d'énergie ou
de documentation, la raison « peut être débordée et vain-
Cl » (p. 107) : mais cette affirmation est inconciliable
avec le resto de la thèse : énergique ou faible qu'en-
tendre d'ailleurs par une raison énergique ? la raison
est indépendante ; les «ardents appétits des coêtres» p'ont
pas prise sur elle : rien ne l'empêche donc de prendre son
temps et de s'éclairer ; bien plus, rien ne la force à se déci-
der et à ne pas opposer une simple et insurmontable iner-
tie aux impulsions des coêtres. Je sais bien que dans nom-
bre d'états pathologiques, « l'Etre complet » ,la «Raison »,
disparaît ou du moins est subordonnée à un coêtre ou aux
deux. Mais ces états dont il fit sa seule preuve directe, le
duplicisme a-t-il seulement songé à en refaire la patho-
génie d'après ses propres données !
Après l'étude théorique des coêtres et du Moi, l'Auteur
388 PSYCHOLOGIE.
annonce la description de leur évolution, « l'histoire du
développement psychique des coêtres et de la formation
de la conscience » (chap. V, p. 114 à 141) : il n'est plus
question, dans ce titre, de la biindividualité originelle et,
pas plus par le titre que par le contenu du chapitre.on ne
peut savoir à qui appartient la« conscience » à chaque
étape considérée. L'Auteur reconnaît deux périodes l'une
où la vie psychique est tout entière l'oeuvre des coêtres
l'autre où « c'est la personne humaine qui délibère, com-
prend et veut ». (p. 114). Les points délicats, la question
de la dualité de la conscience dans la première période
puis dans la seconde, la question de la coopération (su-
perposition partielle ! ) des trois consciences sont consi-
dérés comme suffisamment éclaircis par les chapitres pré-
cédents ; par contre, nous trouvons une longue descrip-
tion de l'évolution psychique, de la naissance à l'état
adulte,où l'Auteur mêle à des conseils aux jeunes mères
(p. 122, 123 et 125) et aux instituteurs (p. 128), de fines
observations de naturaliste : « L'enfant se saisit les mains,
se prend le menton ou l'oreille, monte ses petites mains à
hauteur de ses yeux ». (p. 122) et de psychologue : « Du
dix-huitième mois à trois ans, l'enfant demandait : com-
ment se nomment les choses ; de tiois à six, comment
elles sont. Maintenant, il va demander pourquoi elles
sont ainsi. La notion de cause à effet (sic) va lui paraître
d'un intérêt croissant » (p. 126). .
On voit que cette « histoire » est d'une banalité extrê-
me, d'autant plus étonnante que rien n'aurait été plus
nouveau que la mise en. évidence de la bi-individualité
dans l'évolution psychique individuelle : l'Auteur dit
pourtant en parlant du développement de l'enfant de six
à neuf ans : «Nous n'avons à constater que le développe-
ment graduel et simultané de l'un et l'autre coêtres »
(p. 127). Non seulement nous ne trouvons que des consi-
dérations dans le genre de celle-ci : : « Poussé par ses ins-
tincts ou par les notions de crainte ou d'espérance,
d'obéissance ou de respect humain qu'on lui a suggérées,
l'enfant est resté purement déterminé» (p. 127) mais en-
core si nous avions adopté les idées de l'Auteur sur «l'Etre
complet » et ses rapports avec « le groupe des coêtres »,
nous nous verrions obligés de les modifier profondément.
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN lu38. - " 3S9
La « personne complète » n'est plus cet être fait unique-
ment de raison et de volonté, qui n'a qu'à choisir parmi
les motifs offerts et à provoquer des enquêtes sur la cons-
titution du milieu : ce n'est plus cette formation tardive
en ce sens qu'elle n'acquiert sa puissance et sa complexité
particulière qu'après une longue collaboration au cours
de laquelle se seront « exaltées » les facultés des coêtres.
L'auteur en prend à son aise avec ses anciennes assertions
et s'écarte de plus en plus de la déduction scientifique
pour tomber dans le développement purement littéraire :
Vers l'âge de neuf ans « une force intérieure naît qui va....
soumettre à une sorte de contrôle sensations, idées, no-
tions et volitions » (p. 130). Cette force, c'est « la Person-
ne complète » (p. 136), maintenant pourvue d' « appétits
et d'instincts », capable d'acquérir, on ne sait par quelle
voie, des notions nouvelles pour les coêtres et que ceux-ci
«s'incorporeront comme acquises ». Ses attributs et ceux
des coêtres ne sont plus complémentaires ; ce n'est plus
la simple expression, la résultante du « concours » des
coêtres : elle se développe parallèlement à eux, et malgré
eux : « La deuxième grande période peut s'appeler celle
du développement parallèle et rival des coêtres et de la
personne humaine » (p. 136). Quant au problème de
l'unité de la conscience dans cette lutte continuelle où
trois individus psychiques sont en présence, et de l'iden-
tité de la conscience qui en embrasse les diverses phases,
il n'est pas plus abordé ici que dans les chapitres précé-
dents. (A suivre.) -,
LEGISLATION
Revision de la loi du 30 juin 1838 sur les
aliénés. Unité de direction des asiles.
Médecins-directeurs.
22 avril 1907.
, Monsieur le Rédacteur en chef,
Permettez-moi d'user de la large hospitalité de votre
journal pour répondre à l'article du Dr Bourdin refusant
390 LÉGISLATION.
d'admettre que'tout n'est pas médical dans un asile'd'a-
liénés et partant qu'il n'y a pas d'inconvénients à diviser
les fonctions. Pour essayer de le prouver, il nous dit qu'on
« conviendra que les cultures maraîchères, les démarches
auprès des fournisseurs, etc., n'ont rien à proprement
parler de médical. » Eh bien ! notre collègue se trompe, et
je vais essayer de le démontrer.
Prenons la culture maraîchère. Est-il donc indifférent
de la faire d'une façon quelconque ! Je ne lo crois pas. Il
existe, en effet, un Asile, en France, administré par un
Directeur et où la culture maraîchère se fait à grands ren-
forts de purin constitué par des déjections animales et
par les matières fécales des malades et du personnel de
l'établissement. Si, avec ce purin, on se contentait de
fumer la terre,il n'y aurait guère de mal ! mais on arrose
avec, les légumes et notamment les salades et les choux,
qui, en sont souvent recouverts d'une épaisse couche. J'ai
vu, de mes propres yeux vu, ramasser de la salade de pis-
senlit pour les malades, juste dix jours après que celle-ci
avait été copieusement arrosée de matières fécales à tel
point que certains pieds de pissenlit en avaient une épais-
seur d'un quart de centimètre. Un autre jour, on asper-
geait des choux, avec un arrosoir, et voyez dans la cir-
constance les beautés de la division des fonctions ! Mon
prédécesseur et moi-même, avons fortement récriminé
contre cette façon de faire, mais comme après tout, elle
procurait à l'Etablissement une augmentation de revenus,
notre intervention fut plutôt jugée déplacée et intem-
pestive. Aussi, avait-on continué ces vieux errements et
le personnel et les malades étaient décimés par la fièvre
typhoïde et les affections intestinales. Pas plus que nous,
notre successeur n'a eu gai n de cause;la dothiénentérie con-
tinue à régner en maîtresse là-bas. Ayant pris, en 1906 la
forme épidémique, elle a fait de nombreuses victimes.
Lui aussi a protesté mais, comme nous, il s'est heurté à
un parti pris évident. Cet exemple, malheureusement
vécu, ne prouve-t-il pas,jusqu'à l'évidence, que la culture
maraîchère peut devenir un acte essentiellement médi-
cal ?
J'en dirai autant des démarches auprès des fournis-
seurs. Loin de moi la pensé de vouloir démontrer que le
- - LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. 391
Directeur doit les faire toutes. A quoi servirait dès lors
l'Econome ? Mais je prétends que certaines démarches
s'imposent au médecin et que lui seul peut les mener à
bien. ..
Je précise. Dans le même asile cité plus haut, il s'agit
d'acheter des sondes nasopharyngiennes.L'économe s'ac-
quitta de ce soin, mais mal. Je lui proposai de m'en occu-^.
per. J'essuyai un refus. De guerre lasse, je laissai faire et
seulement au bout d'un mois et demi environ, je pus
avoir ce que je désirais. Pendant ce temps, je ne pouvais
utilement et facilement sonder mes malades. Dans un
asile dirigé par un Directeur médecin, de tels faits se
seraient-ils produits ? J'ai peine à le croire. Et les som-
miers et les objets de literie, et beaucoup d'autres usten-
siles en usage dans les asiles ? N'y a-t-il donc pas in-
térêt majeur à les faire acheter par les personnes telles
que les médecins, seuls capables de connaître le bien des
aliénés ; et un Directeur-médecin d'asile,va-t-il donc dé-
choir parce qu'il se sera occupé de ces multiples détails
et se sera rendu chez les fournisseurs pour choisir le
type, répondant le mieux aux besoins de ses malades
et aux desideratas de l'hygiène ? 'r
J'espère avoir démontré à l'aide de ces quelques exem-
ples de la pratique journalière l'utilité qu'il y a à mettre
à la tête des asiles, des médecins aliénistes et en disant
«que tout est médical dans un asile » Esquirol ne faisait
qu'exprimer une vérité qui selon moi est un véritable
axiome. Si je me trompe, en tout cas, c'est en nombreuse
compagnie, comme je vais le démontrer tout de suite.
A Toulouse, en 1897, au Congrès de Médecine mentale,
dans un rapport sur l'organisation médicale des asiles
d'aliénés, le Dr Doutrebente a rappelé dans une étude his-
torique complète et documentée, l'opinion de médecins
aliénistes les plus remarquables de France et de l'Etran-
ger, sur la question de la réunion des fonctions. De ce
rapport, je ne puis m'empêcher d'en donner des extraits
peut-être trop oubliés aujourd'hni :
« Dans une maison d'aliénés disait Esquirol, il doit y
avoir un chef et rien qu'un chef, de qui tout doit ressortir ;
c'est le médecin qui dans cet établissement doit donner
392 PSYCHOLOGIE.
l'impulsion, diriger, conseiller et surveiller malades et
gens de service. » .
« En 1834, Brierre- de Boismont était partisan con-
vaincu de la réunion des fonctions administratives et
médicales. » cc'A la même date, Ferrus disait ; « L'autorité
du médecin doit être sans limite,sous le rapport du traite-
- .ment et de la Direction intérieure des asiles d'aliénés»; et
plus tard commentant l'ordonnance du 18 décembre 1839,
qui autorisait la réunion des fonctions do médecins et de
directeur, il ajoutait : « La réflexion et l'expérience ont
suffisamment appris que la direction médicale dl asiles
d'aliénés ne ressemble en rien à celle d'un hôpital ordi-
naire ; un médecin d'aliénés, outro le traitement médical,
doit s'occuper de tous les détails administratifs qui peu-
vent concourir à la guérison de ses malades . Il faut une
Direction médicale et morale, à l'appui de la Direction
administrative. » .
« Unus Consensus,Consentia omnia », rappelait Girard
de Cailleux, en 1843, dans un article inséré dans les An-
nales médico-psychologiques sur l'organisation et l'admi-
nistration des asiles d'aliénés, « où l'ordre, l'harmonie,
l'unité de Direction, réclament l'intervention d'un seul
homme contrôlé, d'ailleurs, par une Commission de sur-
veillance sage et éclairée. Si-l'on veut marcher, disait-il,
dans la voie d'une réforme radicale des asiles d'aliénés ;
si l'on veut réaliser des idées du bien,inspirées par une sage
et haute philanthropie, il'est nécessaire, dans l'organisa-
tion et l'administration de ces hospices, d'allier les princi-
pes médicaux à une judicieuse économie, à celle qui con-
siste, moins dans l'épargne de l'argent que dans son
meilleur emploi. Pour atteindre ce but vraiment humani-
taire, il faut avoir une connaissance approfondie des alié-
niés, avoir étudié leurs besoins, surpris leurs inclinations
avant d'appliquer les lois de la thérapeutique àleur gué-
rison, c'est-à-dire à la construction de leur asile, au
genre de surveillance qui leur convient, à l'hygiène ré-
clamée par leur état. »
« L'immortel Pinel, considérait un hospice d'aliénés,
comme un petit gouvernement absolu avec un organisme
à tendances vicieuses, réclamant une'forcemédicatrice,
constamment. dirigée'par l'autorité centrale.] 1
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. ·je3
« Girard de Cailleux démontrait « que pour construire
et organiser un asile d'aliénés, choisir le terrain, le site,
l'emplacement et la nature des bâtiments, leur distribu-
tion, leur séparation pour le classement des malades,
l'ameublement, le régime alimentaire, et les vêtements, le
Directeur médecin était nécessaire, indispensable. »
« Le Dr Moreau de Tours,publiant ses notes de voyage
sur les établissements d'aliénés en Allemagne, était parti-
san convaincu de la réunion des fonctions de Directeur et
de médecin en chef. » .
« Dans un asile d'aliénés, disait Falret, j'ai beau chercher
les fondions d'un Directeur et celles d'un médecin, je ne
trouve que celles d'un médecin. ».-Le Dr Morel, ayant re-
marqué les avantages obtenus par la réunion des fonc-
tions écrivait : « Pour éviter que l'autorité tiraillée en di-
vers sens n'ait pas l'unité d'action si nécessaire pour at-
teindre le bien,en Allemagne, les médecins sont en même
temps les Directeurs. '
« Le Dr Renaudin, qui était certainement un savant de
premier ordre,-a, laissé aussi une grande réputation d'Ad-
ministrateur.En 1845, il a fait sur l'administration des asi-
les d'aliénés, des remarques judicieuses consignées en
deux articles, dans lesquels il dit : « La direction d'un
Asile d'aliénés est devenue une science médicale, intéres-
sante à plus d'un titre. En devenant administrateurs,
nous sommes devenus si je puis m'exprimer ainsi, plus
médecins. »
Et plus loin : « L'ordonnance du 18 décembre 1839, au-
torise, disait-il, une heureuse innovation dont l'Allema-
gne donnait depuis longtemps l'exemple : la réunion
des fonctions do Directeur et de Médecin. Cette orga-
nisation, la seule normale, quelle que soit l'étendue de
l'asile, sera un jour étendue à tous les établissements,
car malgré les minutieuses précautions prévues par le
règlement du service intérieur, il y aura toujours des frois-
sements entre le médecin et le directeur, préjudiciables aux
intérêts du service. Le médecin est l'âme de l'Asile ;
c'est sur lui que'repose la responsabilité morale et, lui
seul, est compétent pour résoudre et étudier les ques-
tions les plus importantes ; ses inspirations vivifient la
règle morte des règlements. Dans un asile d'aliénés, il faut
394 LÉGISLATION.
l'unité de Direction, l'homogénéité du personnel, la su-
bordination hiérarchique de tous les membres qui le
composent, des attributions bien définies, l'absence de
toute influence occulte et extra-réglementaire. Les limites
imposées à l'action du médecin ne peuvent être fixées ;
l'administrateur doit s'effacer devant les préceptes d'une
science qu'il ne peut contrôler ; l'organisation médico-
administrative est la seule possible, mais le Directeur
médecin doit consacrer toute son existence, à la mission
qui lui est confiée, il
Le Dr Mundy (Moravie, réclamait pour les médecins
aliénistes la Direction des asiles. »
« La Direction de l'asile public suivant Griesinger, doit
toujours être entre les mains d'un médecin en chef, d'un
aliéniste, vrai médecin. ». Le Dr Dagonet parlant du
Dr Renaudin dit : .
« Nous croyons comme lui qu'il faut être d'abord médecin pour ad-
ministrer convenablement un asile d'aliénés. La santé du malade,
son bien être, tel est le but de l'institution ; tout doit être régle-
menté en vue de cet objet : le choix des moyens de traitement, leur
application, l'impulsion à donner aux agents chargés d'exécuter
les prescriptions, les dépenses elles-mêmes doivent avoir, dans leur
majeure partie un caractère essentiellement médical. Nous ne trai-
terons pas ici la question de savoir, si un médecin peut administrer
sans perdre ses qualités médicales et si la double fonction ne dépas-
se pas la mesure de ses forces. Pour nous, nous croyons que le véri-
table médecin reste médecin 'quand même, qu'il peut sans aucune
crainte prendre la responsabilité des services médicaux et administra-
tifs si grands qu'ils puissent être, pourvu que ceux-ci soient conve-
nablement organisés et que lui-même trouve dans le personnel qui
l'entoure un concours efficace. Loin de s'épuiser dans des luttes
stériles et dans des vues divergentes, les forces du médecin-admi-
nistrateur ne peuvent que s'agrandir en présence de la mission qui
lui est confiée et le double service fonctionnera alors dans un par-
fait accord, si nécessaire à la prospérité de l'établissement. Que
serait après tout l'asile où l'administration n'aurait pas ce carac-
tère médical ? Ce ne serait plus la maison de santé ! Le traitement
n'y deviendrait plus qu'une chose accessoire. »
Comme cela est vrai, moi-même personnellement j'ai
éprouvé les effets de cette opinion de Dagonet 1 il
, « Le Dr Henri Bonnet (1864) qui a été successivement
LA REVISION DE LA LOI DU 30 JUIN 1838. ,3cJJ
médecin en chef, puis Directeur médecin, se déclare par-
tisan convaincu de la réunion des fonctions, et regarde
comme une chose mauvaise,.la division des pouvoirs con-
duisant fatalement à la lutte et aux rivalités forcées, soi-
gneusement entretenues par les subalternes. » « Le Dr
Girolami, médecin-directeur du manicome de Pesaro en
1865, se déclare partisan de la réunion des fonctions. » -
Lo Dr Miraglia partageait les idées de son compatriote ».
« Le Dr Le Menant des Chesnais disait en parlant de la
réunion des fonctions médico-administratives : « Nous
croyons cette mesure bonne, parce que l'unité du service,
les besoins du malade, les règles de l'hygiène et du trai-
tement ne peuvent que gagner sous une direction médi-
cale et consciencieuse. Pour notre compte nous ne pen-
sons pas que l'importance de l'établissement puisse faire
exception ».
«Le DT Lunier dans un travail sur l'aliénation mentale
enSuisse,prétendait que dans tous les asiles fondés depuis
vingt ans,les fonctions avaient été réunies sur une seule
tête,le médecin en chef, dont l'autorité était indiscutée :
« partout en Suisse, disait-il, on admet sans conteste que
dans une maison d'aliénés la situation de médecin en chef
ne doit jamais être subordonnée et qu'il doit toujours
pouvoir manier sans entraves, ce précieux instrument de
traitement, qu'on appelle l'Asile et surtout le personnel
de surveillance. »
« Le Dr Pétrequin de Lyon, en 1873, concluait avec Es-
quirol que tout est médical dans un asile d'aliénés,que la
médecine doit y avoir la haute main. » - « La sépara-
tion des fonctions médicales et administratives, à peu
près impossible à circonscrire en pratique d'une manière
satisfaisante,est,à un autre point de vue, une chose regret-
table, elle devient une source de conflits où le bien-être
des malades disparaît devant les questions d'intérêt per-
sonnel,elle porte trop souvent enfin une atteinte sérieuse,
à la dignité du médecin par suite de l'empiètement iné-
vitable sur ses attributions et de l'effacement qui peut en
résulter de son influence morale et légitime. »
« Le Dr Guiseppe-Néry, médecin-directeur de l'Asile
des aliénés de Pérouse, ne cachait pas sa répugnance
profonde de voir un médecin en chef à côté d'un direc-
39u 1 - LÉGISLATION.
teur il voyait là une cause permanente de conflits. »
« Le Dr Bourneville, en 1879, proposait de donner la
direction des asiles au médecin en chef,en confiant le ser-
vice administratif à un agent comptable, placé hiérar-
chiquement après le médecin en chef et en sous-ordre. »
« Le Dr Bourneville, reproduisant les idées de la majo-
rité de la Commission ministérielle pour la réforme de la
loi sur les aliénés en 1885 (et non les siennes propres) re-
connaît la nécessité de la réunion des fonctions dans les
asiles où s n'y a qu'un médecin en chef et leur séparation,
quand il y aura plusieurs chefs de service. » Et le Dr Dou-
trebente de dire à ce propos : « ce qui serait bien néces-
saire et de l'avis général pour les asiles de 500 à 600 ma-
lades, ne le serait plus au-dessus de ce chiffre ! C'est parce
qu'il y aurait plusieurs médecins qu'il faudrait un direc-
teur non médecin ! A l'étranger on ne s'est jamais préoc-
cupé de semblable objection. S'il y a trop de malades
pour un médecin, on augmente le nombre des médecins ;
mais on ne change pas le système ; on ne modifie pas la
situation du directeur médecin. Ce qui se fait en Allema-
gne et en Suisse, ne serait pas possible en France ! Nous
ne partageons pas cette manière de voir, car si les direc-
teurs médecins sont surchargés de travail, ils peuvent se
décharger sur le secrétaire de la direction d'une foule de
détails qui absorbent leur temps et leur activité et, pour
le service médical, il est toujours possible de leur donner
un ou deux médecins adjoints si cela est nécessaire. »
« L'Inspecteur général Constans, en 1888, a longuement
traité la question de savoir s'il convenait mieux pour les
asiles grands ou petits d'avoir un directeur médecin, ou
les deux avec des fonctions distinctes; il se montre très
sévère pour les directeurs administratifs, et « ce rouage
encombrant, d'une utilité contestable, pour ces déten-
teurs d'une fonction devenue la proie des gens qui n'en
avaient jamais eu ou qui n'en avaient plus, une monnaie
courante des faveurs ministérielles. C'est ainsi que l'on
vit sans justification d'aptitude, desjournalistes,desim-
primeurs, d'anciens militaires, d'anciens commerçants et
autres, des politiciens besogneux, par exemple, devenir
directeurs. »
« Sans incriminer personne, attaquant seulement l'ins-
LA REVISION DE LA LA LOI DU 30 JUIN 183S. 3J7
titution, le Dr Constant a démontré que le directeur, soit
du'il.fût inerte ou entreprenant, entravait le mouvement
progressif ou faisait de fausses manoeuvres, découra-
geait les médecins en chef qui n'avaient d'autre tort que
celui de n'être que médecins.
« Tout dans un asile, disait-il, peut entre Directeur et
médecin devenir un casus belli. En droit, le directeur et le
médecin sont hiérarchiquement égaux ; en fait le Direc-
teur a toujours le pas sur le médecin ».
Quand le rapport de M. le Dr Doutrebente,dont je viens
de donner des extraits, vint en discussion, de notables
aliénistes et même des congressistes non aliénistes y ré-
pondirent. Ecoutons les paroles qu'ils prononcèrent à
cette occasion.
M. Brunet : « Le service médical et administratif des
asiles publics d'aliénés doit être confié à un Directeur
médecin, excepté dans certains grands établissements,
comme ceux de la Seine où le mouvement des malades est
trop considérable, où le personnel est très nombreux,
tron difficile à surveiller. La réunion des fonctions médi-
cales et administratives est le meilleur moyen d'assu-
rer l'unité et l'harmonie dans les services, d'organiser
le travail des aliénés dans des conditions convenables,
d'améliorer rapidement toutes les conditions hygiéni-
ques, d'unir le bien-être des malades à une économie
bien entendue dont nous sommes bien forcés de nous
préoccuper. »
« M. Rey est un partisan formel de la réunion des
fonctions de médecins et de celle de directeurs. Ayant
été médecin en chef, il a pu, par expérience, se faire une
opinion à ce sujet. Il a la conviction profonde que la
réunion des fonctions permet seule d'assurer pleinement,
le bien-être matériel et moral des malades, chose tou-
jours difficile et trop souvent impossible quand les fonc-
tions sont divisées ».
« M. Drouineau, Inspecteur général, intervenant dans
la discussion, déclare tout d'abord qu'il n'entend pas
donner l'opinion de l'administration supérieure, ne la
connaissant pas, mais qu'il peut donner la sienne et celle
de l'Inspection générale. Lui aussi, il est partisan de la
réunion des fonctions, de celles du directeur et de celles du
39S LÉGISLATION. '
médecin, ayant eu maintes fois à constater les inconvé-
nients graves que créent les conflits qui surgissent là où
la division des fonctions existe. Co sont les aliénés qui
finalement ont le plus à souffrir de ces conflits. Au con-
traire, là où le service médical et la direction sont dans
une même main, on a, le plus ordinairement, constaté
bonne administration, bon ordre, progrès et régularité
dans le soin des malades. »
« M. Cullerre se range absolument à l'opinion émise
par M. Doutrebente dans son rapport en ce qui concerne
les directeurs médecins. »
« M. Giraud : « Messieurs, mon collègue le Dr Rey de-
mande que chacun de nous vienne donner son opinion.
Je réponds à cet appel.Je suis partisan de la réunion des
fonctions de directeur médecin en chef et de directeur,
'parce que à mon avis le médecin doit avoir la-haute Di-
rection dans l'Asile et l'unité des services ne peut être as-
suré que s'il y a un chef unique. »
«M. Brianddit que, personnellement, il n'a jamais eu de
conflits avec le directeur de l'asile de Villejuif, où il est
médecin en chef. Il se déclare partisan de la réunion des
fonctions de celles de directeur et de celles de médecin,
parce qu'il estime que les unes et les autres ont une con-
nexité intime et que dans tout ce qu'il fait,le directeur est
obligé de tenir compte de l'élément médical et qu'il se
trouve toujours obligé malgré lui à faire oeuvre de mé-
decin. »
M. Rebatel : « Je viens apporter mon approbation aux
conclusions de notre confrère Doutrebente, non pas com-
me médecin aliéniste (mon opinion aurait peu de valeur,
après celles beaucoup plus autorisées qui viennent de se
produire), mais comme membre du Conseil Général d'un
département dans l'Asile d'aliénés duquel il y a division
des fonctions.J'ai maintes fois constaté,les inconvénients
de cette division au point do vue des relations qui exis-
tent entre l'Asile d'une part, le Conseil général et ''admi-
nistration préfectorale de l'autre. L'unité manque sou-
vent dans les idées directrices de l'Asile, et ce défaut res-
sort clairement de la comparaison des' rapports annuels
adressés au Conseil général par le directeur et 1< chef du
service médical. Ces rapports, partant d'un point de vue
LA REVISION DE' LA LOI DU 30 JUIM 1838. 399
différent, contiennent des observations, des désidérata
dissemblables pour ne pas dire contradictoires. Ils per-
dent forcément toute autorité. Le Conseil général ne de-
mande pas mieux que de lés opposer l'un à l'autre pour
rester dans une inertie préjudiciable à l'amélioration de
l'asile{1 ).Aussi,pour peu qu'il y ait conflit entre médecin et
directeur,toute amélioration, tout progrès, toute mesure
d'ordre devient impossible. Le médecin demande des ré-
formes, que le directeur ne peut ou ne veut pas réaliser et
celui-ci dit, que s'il ne fait rien de bien, la faute en est au
médecin. Une situation de ce genre est des plus mauvai-
ses. Mais l'inconvénient le plus grave est certainement
l'absence d'une responsabilité unique. Toute responsabi-
lité divisée est rendue par cela même presque illusoire. Le
règlement le plus minutieux pourrait-il limiter exacte-
ment les responsabilités de la Direction et du service mé-
dical ? Il ne faut pas y compter et de ce manque d'unité
résulte aussi bien une inattention dans la prévision d'un
accident possible, qu'une incertitude inévitable dans la
répression, une fois l'accident survenu. »
Après les manifestations de ces diverses opinions,' M.
DouLrebento résumant les débats s'exprimait ainsi :
« J'ai proposé de placer la Direction médicale et admi-
nistrative entre les mains d'un seul, parce que de l'en-
quête à laquelle je me suis livré, tant en France qu'à
l'étranger, du dépouillement des nombreusecs fiches bi-
bliographiques, que j'avais prises en parcourant les tra-
vaux de nos prédécesseurs, il résultait pour moi cette
(1) 11 existe quelque pari en Fiance un asile où pour plus de
1000 malades il n'y a qu'un médecin en chef et. 2 internes, non nom-
més au concours d'ailleurs, pour assurer le service médical. En
viin, les médecins en chef qui s'y sont succédé, l'inspection géné-
et le ministère lui-même nans plusieurs iettres successives
ont-ils à diverses reprises demandé la création d'un poste de
médecin adjoint . Toujours le directeur administratif ou s'yosl op-
posé ouvertement ou bien, après avoir fait prendre une délibéra-
lion à la commission de surveillance en faveur de celte création a
intrigué auprès du Conseil général (c'est du moins ce qui m'a ete
nfliriiié) en lui en démontrant l'inutilité. C'est dans le même asile,
n'ailleurs, qu'il y a un quartierd'agités contenant 110 malade ? et
quels malades ! ! avec seulement 4 infirmier- ! préposés il leur sur-
11'lllance, el cl'la malgré les demandes réitérées eL de l'iuspec'.ion
générale et, du médecin en chef de l'asile.
- 400 LÉGISLATION. N.
conviction : que le Directeur médecin était réclamé à l'u-
nanimité à l'exception bien entendu de MM. Chambard,
et surtout Marandon de Montyel, et je suis heureux
de constater qu'en leur absence regrettable de ce con-
grès personne n'a fait d'opposition à cette mesure. Notre
excellent collègue, M. Charpentier, a bien fait quelques ré-
serves en disant qu'un bon médecin aliéniste ne pouvait
bien ne pas être un administrateur. Cela est possible, je
l'accorde : mais jo me permets, cependant, d'insister, en
lui faisant remarquer qu'une semblable exception ne peut
infirmer la règle et qu'il n'y a pas d'ailleurs en matière
administrative des choses pour apprendre à un médecin
qui en a vu bien d'autres. » ,
D'une étude approfondie à laquelle je me suis livré, il
résulte qu'à l'étranger, toujours et partout les fonctions
médico-administratives sont réunies. Il en est ainsi en
Angleterre, en Ecosse, en Allemagne, en Suisse, en Italie,
en Norvège, en Suède, en Russie, dans la République Ar-
gentine, etc. Serait-ce que, dans ces pays, la science psy-
chiatrique, l'assistance des aliénés et l'organisation mé-
dicale des asiles sont en retard sur nous ? Mais alors, pour-
quoi, dans notre beau pays de France, certains médecins
aliénistes s'évertuent-ils sans cesse à nous donner en
exemple tout ce qui se fait à l'étranger ? Dans le numéro
d'Avril des Archives de Neurologie, le Dl' Marie ne nous
fait-il pas un éloge mérité de l'Asile de Mindrisio, dans le
Tessin ? Et cependant, là encore dans cet asile ultra-
moderne, il y a un directeur-médecin ! i-
La nécessité de la réunion des fonctions médicales et
administratives s'est d'ailleurs imposée pour notre ar-
mée nationale. Depuis dix-huit ans, la Direction du ser-
vice de santé militaire a passé des intendants aux méde-
cins militaires, justifiant ainsi, une fois de plus, les avanta-
ges de l'unité dans la Direction du service médical.« Qu'on
ne dise pas, disait un médecin militaire, qu'un médecin ne
peut pas être un administrateur, un directeur d'établisse-
ment ; les loisirs que lui laissent le service clinique peu-
vent être fructueusement employés à faire de la bonne
Direction dans l'hôpital. C'est ce «qu'apprécient actuelle-
ment tous les médecins militaires qui sont à même de
faire le parallèle, entre l'ancien et le nouveau régime. »
LA REVISION DE LA LOI DU : 30 JUIN 18 : 38. /101 1
Le Dr Marie, cité plus haut, dans un article sur la tu-
berculose dans les asiles, n'a-.t-il pas presque condamné
la Direction administrative des asiles de la Seine en écri-
vant textuellement ceci ,à propos de la méconnaissance
des avis médicaux par les directeurs dans une question
si importante : « Tout cela montre la prépondérance né-
cessaire des avis médicaux dans un milieu où la direction
tend à devenir purement administrative» .(Revue de Psychia-
trie, novembre 1905.)
Le Dr Dubief veut un directeur médecin, n la tête de
tout asile. Au cours des débats de la Chambre, il en a dé-
montré l'utilité absolue et ce n'est que contraint et
après bien des hésitations et dans un but de conciliation
qu'il a laissé inscrire dans la nouvelle législation, qu'ex-
ceptionnellement,le ministère aura la latitude de nommer
des directeurs non médecins. '
Enfin, pour terminer, une Commission composée des
Dr5 Pitres, Régis, Bégouin, Verger, Abadie, Lalanne, et
Anglade,rapporteur, tous médecins dont on ne saurait nier
la compétence;nommée récemment par la Société de méde-
cine et de chirurgie de Bordeaux pour examiner le projet
Dubief, s'exprime ainsi dans son rapport au paragraphe 8,
concernant le service médical : « Un asile doit être dirigé
par un médecin aliéniste. C'est un principe peu contesta-
ble et d'ailleurs peu contesté. Le plus administratif des
actes ql i s'accomplissent dans un asile a un caractère
médical et la loi établit une règle qui ne devrait souffrir
que bien peu d'exceptions ».
Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur en chef et
. très honoré Maître, l'assurance de ma parfaite considé-
ration et de mes meilleurs sentiments confraternels.
Dr DUBOURDIEU.
Les Archives de Neurologie laissent toute liberté à
leurs collaborateurs pour exprimer leur opinion. M. le Dr
BoURDiN a fait ses réserves au sujet de la réunion des
fonctions de directeur et de médecin Nous ne parta-
geons pas son avis, ainsi que nous n'avons cessé de le
proclamer. Nous nous proposions de relever ce passage
du travail critique très intéressant de M. le Dr Bourdin
1\ nr.III1'I ? : 1' série, ]937, I. I. 20
402 ' LÉGISLATION.
lorsque nous avons reçu la lettre de M. le Dr DUBOUR-
dieu, qui fournit toutes les raisons qui militent en faveur
de la réunion des fonctions de médecin et de directeur.
C'est ce qui existe dans la plupart des pays sinon tous :
l'usine aux ingénieurs, le comptoir aux commerçants,
l'hôpital (et l'asile qui doit être un -hôpital) aux méde-
cins. ' BOURNEVILLE.
Proposition de loi sur les aliénés.
(Siiiie et fin.) Voir p. 2;II et p. 334.
.
Section ii. - Des placements ordonnés par l'autorité publique
ou placements d'office.
ART. 26. Le préfet de police dans son ressort, et, dans les dé-
partements, les préfets, ordonnent d'office le placement dans un
établissement d'aliénés de toute personne dont le maintien en
liberté compromettrait, en raison de son état d'aliénation, dû-
ment constaté par un certificat médical dressé conformément aux
prescriptions de l'article 13, la sécurité,la décence ou la tranquillité
publiques, sa propre sûreté ou sa guérison. Les ordres des préfets
sont motivés et doivent énoncer les circonstances qui les ont ren-
dus nécessaires. Ces ordres, ainsi que ceux qui sont donnés confor-
mément aux articles 27, 29-et 30 sont mentionnés sur le registre
prescrit par l'article 20 ci-dessus, dont toutes les dispositions sont
applicables aux individus placés d'office. Les arrêtés des préfets
qui n'ont pas reçu leur exécution dans un délai de quinze jours ces-
sent d'être exécutoires.
ART. 27. En cas de danger imminent, attesté par le certificat
d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de po-
lices dans le ressort de la Préfecture de police,et les maires, dans les
autres communes,ordonnent à l'égard des personnes atteintes d'a-
liénation mentale toutes les mesures provisoires nécessaires, à la
condition d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet, qui
statue sans délai, conformément aux prescriptions de l'article pré-
cédent.
ART. 28. Dans un aucun cas, les aliénés dirigés sur un asile
ne peuvent être ni conduits avec des condamnés ou des prévenus,
ni déposés dans une prison. Lorsque, pendant le voyage de trans-
port ,un arrêt est indispensable, le malade est déposé dans un hos-
pice ou hôpital civil, ou, à défaut, dans un local loué à cet effet.
Dans tout chef-lieu judiciaire où il n'existe pas d'établissement
public d'aliénés, l'hospice ou l'hôpital civil qui doit recevoir pro-
PROPOSITION DE LOI SUR LES ALIENES. 403
visoirement les personnes qui lui sont adressées en vertu des ar-
ticles 26 et 27 est tenu d'établir et d'approprier un local d'observa-
tion et de dépôt destiné à recevoir provisoirement les aliénés non
encore internés,'avant ou pendant leur voyage et transport à l'a-
sile. L'organisation et le fonctionnement de ces'quartiers ou lo-
càux sont à la charge du département et confiés au préfet.
ART. 29. Les aliénés ne doivent pas être retenus en observa-
tion dans les hôpitaux et hospices civils ordinaires que le temps né-
cessaire pour pourvoir à leur transfèrement dans l'asile. Ces per-
sonnes doivent être renvoyées directement et immédiatement
dans l'asile qui reçoit les aliénés du département. L'asile est as-
similé dans toute la mesure possible à l'hôpital.
AnT. 30. - Les admissions prononcées en vertu des articles pré-
cédents sont soumises aux dispositions des articles 17 et 18 de la
présence loi.
ART. 31. Le chef responsable de l'établissement est tenu d'a.
dresser au préfet, dans le premier mois de chaque semestre, un rap-
port rédigé par le médecin de l'établissement sur chaque personne
qui y est retenue, sur la nature de sa maladie et les résultats du
traitement. Le préfet prononce sur chacune individuellement, or-
donne sa maintenue ou sa sortie.
ART. 32. A l'égard des personnes dont le- placement a été ef-
fectué volontairement ou sur la demande des particuliers, et dans
le cas où leur état mental pourrait compromettre la sécurité, la
décence ou la tranquillité publiques, leur propre sûreté ou leur
guérison, le préfet peut dans les formes tracées par l'article 26 et
sur l'avis du médecin de l'établissement, décerner un ordre spé-
cial à l'effet d'empêcher qu'elles ne sortent de l'établissement sans
son autorisation, si ce n'est pour être placées dans un autre éta-
blissement. Le maintien ainsi prononcé est soumis aux dispositions
des articles 17 et 18 de la présente loi. -
ART. 33. Les ordres donnés en vertu des articles, 26, 27 et 32
sont notifiés admimstrativement, dans un délai de trois jours, au
maire du domicile des personnes soumises au placement, qui en
donne immédiatement avis aux familles. »
ART. 34. Aussitôt que le médecin a déclaré, sur le registre
tenu en exécution de l'article 20, que la sortie peut être ordonnée,
conformément à l'article 21, les chefs responsables des établisse-
ments sont tenus, sous peine d'être poursuivis conformément à l'ar-
ticle 63, d'en référer au préfet qui statue dans les cinq jours, après
avoir pns l'avis du curateur à la personne. Si le préfet n'a pas,
dans ce délai, ordonné la sortie, le chef responsable ,de l'établisse-
ment est tenu, sous les mêmes peines, d'envoyer copie de la dé-
claration du médecin au procureur de la République, lequel adres-
401 f \ 1 ÉCISLATION.
401 1 IEGISLATION.
se ses réquisitions écrites au président du tribunal. Celui-ci statue
conformément à l'article 18.
Section iii. Des condamnés reconnus aliénés et des aliénés dits
criminels.
Part. 35. Les individus de l'un ou de l'autre sexe, condamnés
à des peines afflictives et infamantes ou à des peines correction-
nelles de plus d'un an et un jour d'emprisonnement, qui sont re-
connus épileptiques ou aliénés pendant qu'ils subissent leur peine,
et dont l'état d'épilepsie ou d'aliénation a été constaté par un cer-
tificat du médecin de l'établissement pénitentiaire, sont, après
avis du médecin désigné par le préfet, retenus jusqu'à leur guéri-
son ou jusqu'à l'expiration de leur peine dans les asiles ou quar-
tiers de sûreté. Les autres condamnés épileptiques ou aliénés sont
dirigés sur l'asile départemental, en vertu d'une décision du minis-
tre de l'Intérieur. Chaque année, le ministre de l'Intérieur prescrit
une inspection dans les prisons civiles et militaires aux fins d'exa-
men des détenus qui pourraient se trouver dans les conditions pré-
vues au présent article.
ART. 36. - Tout inculpé, prévenu ou accusé qui, à raison de son
état d'aliénation mentale au moment de l'action, a été, à la suite
d'une déclaration d'irresponsabilité, l'objet soit d'une ordonnance
ou d'un arrêt de non-lieu, soit d'un jugement ou arrêt d'acquitte-
ment rendu par la juridiction correctionnelle, soit d'un acquitte-
ment en Conseil de guerre ou en Cour d'assises, est renvoyé devant
le tribunal siégeant dans le même arrondissement que la juridic-
tion de répression. Ce tribunal, en chambre du conseil, le procu-
reur de la République entendu, ordonnera son internement soit
dans un établissement d'aliénés, soit dans un asile ou quartier de
sûieté, si son état est de nature à compromettre la sécurité, la dé-
cence ou la tranquillité publiques, sa propre sûreté ou sa guérison.
La décision, par laquelle le prévenu ou l'accusé déclaré irresponsa-
ble est renvoyé devant le. tribunal, interdit sa misé en liberté et or-
donne qu'il sera retenu jusqu'à la décision du tribunal, soit dans
un établissement public d'aliénés, soit dans un établissement privé
faisant fonction d'établissement public, soit dans le local d'obser-.
vation et de dépôt provisoire établi à l'hôpital ou à l'hospice, con-
formément à l'article 28. Le tribunal est saisi par l'ordonnance, le
jugement ou l'arrêt qui prononce le non-lieu ou l'acquittement, ou
par un arrêt de la Cour d'assisses, rendu en conformité du verdict
déclarant l'irresponsabilité. Il est tenu, avant de statuer, d'ordon-
ner une nouvelle expertise qui doit être contradictoire.
ART. 37. En toute matière criminelle, le président, après avoir
posé les questions résultant de l'acte d'accusation et des débats,
avertit le jury, à peine do nullité, que s'il pense, à la majorité, que
proposition de LOI sur lus aliénés. lux
l'accusé ou l'un des accusés est irresponsable il doit en faire la dé-
claration en ces termes : « A la majorité, l'accusé, à raison de son
état d'aliénation mentale au moment de l'action, est irresponsa-
ble. » 1
ART. 38. L'Etat fera construire ou approprier un ou plusieurs
asiles ou quartiers de sûreté pour les aliénés de l'un et de l'autre
sexe, qui doivent y être conduits et retenus, par les soins du minis-
tre de l'Intérieur, en vertu de la présente loi.
ART. 39. Pourront également être conduits et retenus dans
les asiles ci-dessus spécifiés : 1° Les aliénés qui, placés dans un asile
y auront commis un acte qualifié crime ou délit contre les person-
nes ; 2° Les condamnés reconnus aliénés dont il a été parlé à l'ar-
ticle 36, lorsqu'à l'expiration de leur peine le ministre de l'Inté-
rieur aura reconnu dangereux, soit de les remettre en liberté, soit
de les transférer dans l'asile de leur département. t.
Les aliénés dont il est question dans les deux paragraphes pré-
cédents seront immédiatement renvoyés devant le tribunal de
l'arrondissement du lieu où est situé l'asile, qui statuera en cham-
bre du conseil, dans les formes prévues à l'article 36, sur leur main-
tien dans l'asile ou le quartier de sûreté. Tout aliéné traité dans
l'asile ou les asiles spéciaux créés en vertu du présent article peut
être transféré dans l'asile de son département en vertu d'une dé-
cision du ministre de l'Intérieur, rendue sur la proposition moti-
vée du médecin traitant.
ART. 40. Lorsque la sortie d'un des aliénés internés en vertu
des articles 35, 36, 39 est demandée, le médecin traitant doit dé-
clarer si l'intéressé est ou non guéri, et, en cas de guérison, s'il est
ou non suspect d'une rechute de nature à compromettre la sécurité
la décence ou la tranquillité publiques et sa propre sûreté. La de-
mande et la déclaration susdites sont déférées de droit au tribunal,
qui statue en chambre du conseil dans les formes prescrites par
l'article 36. Si la sortie n'est pas accordée, la' chambre du conseil
peut décider qu'il ne sera procédé à l'examen de toute nouvelle
demande qu'à l'expiration d'un délai qui ne peut se profonger au
delà de six mois. La sortie accordée est révocable et ne peut' être
que conditionnelle. Elle est alors soumise à des mesures de surveil-
lance réglées par la chambre du conseil d'après les circonstances de
chaque cas particulier. Si ces conditions ne sont pas remplies, ou
s'il se produit des menaces de rechute, la réintégration immédiate
à l'asile doit être effectuée, conformément aux dispositions pres-
crites par les articles 14, 27 et 36 de la présente loi.
Section IV. Sorties définitives ; sorties provisoires ; évasions.
ART, 41. Toute personne retenue dans un établissement d'a-
liénés peut, à quelque époque que ce soit, se pourvoir devant le
400 " - législation.
tribunal du lieu où est situé l'établissement, qui, après les vérifi.
cations nécessaires, ordonne, s'il y alieu, la sortie immédiate. Il
suffit, à cet effet, que le réclamant adresse une demande sur pa.
pier non timbré au procureur de la République, qui doit, sans re-
tard, en saisir la chambre du conseil. Les personnes qui ont de-
mandé le placement, le tuteur, le curateur l'administrateur judi-
ciaire ou datif et le procureur de la République, d'office, ou toute
autre' personne, peuvent se pourvoir aux mêmes fins. Dans tous
les cas communication de la demande est faite par le procureur
de la République à la personne qui a fait le placement, au curateur,
à l'administrateur judiciaire ou datif et au tuteur, s'il s'agit d'un
interdit. La décision est rendue sans délai en chambre du conseil.
Cette décision, ainsi que celles prévues dans les articles 18 et 27 de
la présente loi, peuvent être rendues sans le ministère d'avoué se-
ront exécutoires sur minute ; les notifications à faire au préfet et
au chef responsable de l'établissement ont lieu en la forme admi.
nistrative. Les frais de procédure faits à la requête du ministère
public sont avancés conformément aux dispositions de l'article 61.
Les actes judiciaires ou extrajudiciaires exclusivement relatifs à
- l'exécution du présent article et des articles 18 et 27 ci-dessus sont
visés pour timbre et enregistrées en débet. Aucunes requêtes, au-
cunes réclamations adressées, soit à l'autorité judiciaire, soit àl'au-
torité administrative, soit au curateur, soit à l'administrateur pro-
visoire, ne peuvent être supprimées ou retenues par les chefs d'é.
tablissements, sous les peines portées au titre IV ci-après.
ART. 42. Les médecins des établissements autres que ceux
mentionnés aux articles 35 et 38 peuvent autoriser la sortie, à titre
- d'essai, des malades pour une durée indéterminée. Si cette durée
excède un mois, l'autorisation doit être approuvée par le préfet.
Mention de ces mesures est faite sur le registre prescrit par l'ar-
ticle 20, et notification en est adressée au préfet, au procureur de
la République, au maire de la commune et au curateur à la per-
sonne. Ce dernier, en cas de rechute du malade pendant son congé,
doit veiller à sa prompte réintégration dans l'asile. A l'expira-
tion du congé il fait les diligences nécessaires, soit pour la réinté-
gration dans l'asile, soit pour la prolongation du congé, soit pour
la régularisation de la sortie définitive. Une subvention qui n'ex-
cédera pas le prix de journée payé à l'asile pourra être accordée,
sur le budget de l'établissement, à tout malade, pendant la sortie
provisoire.
ART. 43. Lorsqu'un aliéné s'est évadé d'un asile public ou
privé, sa réintégration peut s'accomplir sans formalité, si elle a
lieu dans un délai de quinze jours. Passé ce délai, il ne peut être
réadmis dans un asile qu'à la condition qu'il soit procédé à son
placement, soit volontaire, soit d'office, conformément aux près-
proposition DE LOI SUR LES aliénés. 407
criptions de la présente loi. Les mesures prescrites par l'article 13
sont applicables à la réintégration des aliénés évadés.
Section v. Administration des biens.
ART. 44. - Dans chaque département, si la Commission de sur-
veillance n'a pas'désigné un ou quelques-uns de ses membres pour
gérer gratuitement les biens des aliénés, une ou plusieurs person-
nes, nommées par le ministre de l'Intérieur sur une liste dressée par
le tribunal civil du chef-lieu, remplissent, chacune dans sa cir-
conscription, pour les personnes placées soit dans les établisse-
ments publics ou privés d'aliénés, soit dans les colonies familiales,
les fonctions d'administrateur provisoire aux biens. Il'est pour-
vu de même à la nomination on désignation des personnes
chargées des fonctions d'administrateur à la personne. Pour les
aliénés étrangers au département, s'il y a plusieurs administra-
teurs, la désignation de l'administrateur est faite par ordon-
nance du président du tribunal du domicile de l'aliéné.
ART. 45. Le curateur à la personne, nommé conformément à
l'article précédent, doit veiller : 1° A ce que les revenus de l'aliéné
soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison, con-
formément à l'article 610 du Code civil ; 2° A ce que l'aliéné, en
cas de sortie provisoire ou d'évasion, n'accomplisse aucun acte de
nature à nuire à ses intérêts ; 3° A ce que l'aliéné soit rendu à l'exer-
cice de ses droits aussitôt que sa situation le permet.
Le curateur peut provoquer la réunion du conseil de famille et
le saisir de toute proposition tendant à la bonne gestion [des inté-
rêts de l'aliéné. Il peut faire appel devant le tribunal civil, contre
le tuteur, le mari, l'administrateur provisoire légal, judiciaire ou
datif, de toute mesure ordonnée ou autorisée par le conseil de fa-
mille ou la Commission de surveillance qui lui paraîtrait de nature
à nuire aux intérêts de l'aliéné.
ART. 46. - L'administrateur provisoire, nommé conformément t
à l'article 44 ci-dessus, exerce les fonctions d'administrateur pro-
visoire légal à l'égard de tout aliéné non interdit, placé dans un
établissement public ou privé ou dans une colonie familiale, tant
qu'il n'a pas été pourvu par le tribunal ou par le conseil de famille
à la nomination d'un administrateur judiciaire ou datif.
ART. 47. Les parents, le conjoint, l'associé de l'aliéné, l'admi-
nistrateur provisoire, le curateur à la personne et le procureur de è
la République peuvent toujours provoquer la nomination d'un ad-
ministrateur judiciaire. Cette nomination est faite par le tribunal
civil du domicile de l'aliéné, en chambre du conseil. Elle doit être
précédée de l'avis du conseil de famille, mais seulement lorsqu'elle
est demandée par les parents, le conjoint ou l'associé. Dans le cas
où l'aliéné a des parents proches, compris dans l'énumération de
408 législation.
l'article 9, paragraphe 1er, ci-dessus, il peut être pourvu d'un ad-
ministrateur datif ; cet administrateur est nommé par le conseil de
famille de l'aliéné, réuni à la demande de tout parent, et même
d'office. Cette nomination doit être homologuée par le tribunal
statuant en chambre du conseil, le ministère public entendu. Sur
la notification de cette nomination, l'administrateur provisoire lé-
gal, s'il a exercé ses fonctions, rend son compte d'administration,
qui est reçu par l'administrateur datif. Ce compte est rendu de
même en cas de nomination d'un administrateur judiciaire.
ART. 48. Le mari non séparé de corps est de droit l'adminis-
trateur provisoire des biens de sa femme placée dans un établisse-
ment d'aliénés ou dans une colonie familiale. La femme non séparée
de corps dont le mari est placé dans un établissement d'aliénés ou
dans une colonie familiale peut être autorisée, par ordonnance du
président, a faire les actes d'administration qu'il déterminera. Si
l'aliéné est commerçant ou s'il est engagé dans une exploitation
industrielle ou agricole, le président peut, sur la demande du con-
joint ou de l'associé,et contradictoirement avec l'administrateur
provisoire légal, judiciaire ou datif, conserver, soit au conjoint,
soit à l'associé, la direction des affaires particulières ou sociales,
Dans ce cas, le conjoint ou l'associé doivent communiquer à l'ad-
ministrateur ,au moins une fois par an un état sur la situation fi-
nancière de l'entreprise.
ART. 49. Dans tous les cas, la personne chargée de l'adminis-
tration des biens d'un aliéné, autre que le mari, doit remettre au
curateur, qui le communique au procureur de la République, un
état de la situation de la fortune de l'aliéné, une première fois dans
le mois de son entrée en fonctions, et ultérieurement, une fois tous
les ans. ,
ART. 50. L'administrateur provisoire peut faire tous actes
conservatoires et intenter toute action mobilière ou possessoire,
défendre à toute action mobilière ou immobilière dès l'admission de
l'aliéné dans un établissement public ou privé, et sans attendre la
décision de l'autorité judiciaire sur sa maintenue ou sa sortie. Néan-
moins,le président du tribunal, statuant en référé, peut, sur la de-
mande de la personne internée ou de toute autre personne en son
nom, ordonner que l'administrateur provisoire s'abstiendra de
tout acte d'immixtion pendant le délai qu'il fixera. L'administra-
teur provisoire procède au recouvrement des sommes dues à l'a-
liéné et à l'acquittement des dettes ; il passe les baux dont la durée
n'excède pas trois ans. Les baux de plus de trois ans, sans qu'ils
puissent excéder neuf ans, conformément à l'article 1429 du Code
civil, doivent être autorisés spécialement par la Commission de
surveillance. Avec la même autorisation, précédée de l'avis du mé-
cin traitant sur l'état de l'aliéné, l'administrateur peut vendre
proposition de LUI sur les aliénés. 400
les biens mobiliers de l'aliéné, lorsque leur valeur .d'après l'appré-
ciation de la Commission de surveillance, n'excède pas 1.500 francs
en capital. Si la valeur dépasse cette somme ou s'il s'agit d'immeu-
bles, il faut, en outre, l'homologation du tribunal statuant en
chambre du conseil, le ministère public entendu. Dans ce dernier
cas, la vente des immeubles se fera aux enchères publiques, soit
devant le tribunal, soit devant un notaire commis. L'administra-
teur provisoire reçoit toutes les sommes appartenant à l'aliéné, soit
qu'on les trouve sur la personne de celui-ci ou à son domicile, soit
qu'elles proviennent des recouvrements et ventes ou de toute autre
cause. Il en donne quittance aux tiers.
Si l'aliéné est placé dans un établissement public, l'administra-
teur provisoire doit dans le plus bref délai et au sur et à mesure des
rentrées .verser toutes les sommes appartenant à l'aliéné à la caisse
de l'établissement ,et le cautionnement du receveur est affecté à la
garantie desdits deniers par préférence aux créanciers de toute na-
ture. Lorsque les sommes dont il s'agit excèdent les besoins cou-
rants de l'aliéné, il en est fait emploi par l'administrateur provi-
soire. Cet emploi est réglé, le curateur entendu, par la Commission
de surveillance quand le capital ne dépasse pas 1.500 francs, avec
l'homologation du tribunal statuant en chambre du conseil quand
le chiffre est supérieur. Si l'aliéné est placé dans un établissement
privé, l'administrateur provisoire est autorisé à conserver entre
ses mains, sous le contrôle du curateur, les sommes nécessaires aux
besoins de l'aliéné lorsqu'elles n'excèdent pas 1.500 francs. Au-
dessus de ce chiffre, le mode de conservation doit être approuvé
par le président du tribunal. L'emploi des sommes qui ne sont pas
nécessaires aux besoins de l'aliéné est réglé, suivant qu'elles excè-
dent ou non 1.500 francs, comme il est dit au paragraphe précé-
dent. Les titres provenant de ces emplois et tous autres titres ap-
partenant à l'aliéné, s'ils sont au porteur, doivent être déposés à la
Caisse des dépôts et consignations.
ART. 51. Les pouvoirs de l'administrateur judiciaire ou de
l'administrateur datif, quant aux biens, sont les mêmes que ceux
du tuteur de l'interdit. Ils sont régis par les mêmes règles et sou-
mis aux mêmes conditions, à l'exception de l'hypothèque légale.
Dans aucun cas, ces pouvoirs ne peuvent être moindres que ceux
de l'administrateur provisoire légal. L'article 511 du Code civil est
applicable auxaliénés placés dan sun établissement public ou privé.
Les successions ouvertes au profit d'un aliéné ne peuvent être ré-
pudiées qu'avec l'autorisation du conseil de famille, homologuée
par le tribunal civil. L'autorisation de la Commission de surveil-
lance ne peut, en ce cas, suppléer l'autorisation du conseil de fa-
mille. Elle suffit au contraire pour l'acceptation bénéficiaire.Sont
applicables à l'administrateur provisoire légal, judiciaire ou datif,
410 législation.
les dispositions des sections 8 et 9 et titre X, livre 1, du Code civil,
ainsi que celles de la loi du 27 février 1880, en tant qu'elles ne sont
pas contraires aux dispositions de la présente loi. Ces administra-
teurs ne sont pas assujettis à l'hypothèque légale. Toutefois, sur la
demande des parties intéressées, du curateur ou du procureur
de la République, le jugement qui nomme l'administrateur judi-
ciaire,peut en même temps constituer sur ses biens une hypothèque
générale ou spéciale, jusqu'à concurrence d'une somme déterminée
par le jugement.
En ce qui concerne l'administrateur datif, le conseil de famille
peut, soit dans la délibération contenant nomination, soit à toute
époque postérieure, demander la constitution sur ses biens d'une
hypothèque générale ou spéciale ; la délibération est transmise par
le juge de paix au procureur de la République, qui la soumet à
l'homologation du tribunal statuant en chambre du conseil. Le
procureur de la République doit, dans le délai de quinzaine et
après acceptation de ses fonctions par l'administrateur judiciaire
ou datif, faire inscrire l'hypothèque. Elle ne date que du jour de
son inscription. Les dispositions du Code civil sur les causes qui
dispensent de laftutelle,sttr les incapacités les exclusions ou des blu-
tions des tuteurs, sont applicables à l'administrateur judiciaire ou
datif.
AnT. 52. Les significations à faire à la personne placée dans un
établissement d'aliénés ou dans une colonie familiale doivent être
faites au tuteur, si la personne est interdite à l'administrateur pro-
visoire légal, judiciaire ou datif, suivant le cas.
Dans le cas de signification de pièces relatives à une instance en
interdiction, en divorce, en séparation de corps ou de biens, en
désaveu de paternité, en maintenue du placement ou en sortie de
l'établissement, cette signification doit être faite, en outre, à peine
de nullité, à l'aliéné lui-même, parlant à sa personne. Il n'est point
dérogé aux dispositions de l'article 173 du Code de commerce. Le
curateur intervient de droit dans toutes les instances mentionnées
au deuxième paragraphe du présent article. Le tuteur de l'aliéné
interdit et, en cas de non-interdiction, l'administrateur provisoire,
légal judiciaire ou datif, peuvent, en vertu du mandat exprès
.qu'ils en auront reçu du conseil de famille ou, à son défaut, du tri-
buna),intenter au nom de l'aliéné une action en divorce, en sépara-
tion de corps ou de biens. Si le conjoint est administrateur, l'ac-
tion pourra être intentée en vertu d'une délibération conforme du
conseil de famille provoquée par le tribunal qui désignera un admi-
nistrateur ad hoc chargé d'intenter et de suivre le procès. Les dé-
lais de l'action en désaveu de paternité, fixés par les articles 31
et suivants du Code civil, ne courent pas contre l'aliéné placé dans
un établissement public ou privé, jusqu'au jour de sa sortie défi-
nitive de l'établissement et, en cas d'interdiction judiciaire, jus-
.qu'au jugement de main-levée.
proposition' de LOI SUR les aliénés. 411
PART. 53. Les pouvoirs de la Commission de surveillance et de
l'administrateur provisoire légal, ceux de l'administrateur judi-
ciaire ou datif, cesseront de plein droit dès que la personne placée
est sortie définitivement de l'établissement ; ils subsistent pendant
les sorties provisoires, et, en cas d'évasion, jusqu'à ce que la sortie
définitive ait été décidée. Les pouvoirs de l'administrateur judi-
ciaire cessent de plein droit à l'expiration du délai de trois ans ; ils
ne peuvent -être renouvelés qu'après que ledit administrateur a
fourni au curateur les états de,situation prescrits par la présente
loi. 1
ART. 54. Tous actes faits par l'aliéné, même non interdit, dès
le premier jour de son admission et pendant la durée de son inter-
nement, nonobstant toute sortie provisoire, sont,comme ceux faits
par l'interdit, soumis aux règles des articles 512 et 1125 du Code
civil. L'action en nullité est soumise aux règles de l'article 1304
du Code civil. Toutefois les dix ans ne courent, à l'égard de l'aliéné,
après sa sortie définitive,qu'à dater de la signification qui lui a été
faite des actes souscrits par lui ou de la connaissance qu'il en a
eue, et, à l'égard de ses héritiers, qu'à dater de la signification qui
leur en a été faite ou de la connaissance qu'ils en ont eue après sa
mort. Lorsque les dix ans ont commencé à courir contre l'aliéné,
ils continuent de courir contre les héritiers. L'internement dans
un asile d'aliénés, maintenu par décision de l'autorité judiciaire,
a le même effet qu'une demande en interdiction, au point de vue
de l'application.de l'article 504 du Code civil.
ART. 55. Les causes concernant les personnes, même non in-
terdites, qui sont placées dans un établissement public ou privé
d'aliénés ou dans une colonie familiale, sont communiquées au mi,
nistère public.
Toutes les décisions judiciaires prévues par la présente loi, à
l'exception de celles rendues en vertu des articles 47, 50, 51, 52,
sont susceptibles d'appel à la requête de tout intéressé et du pro-
cureur de la République, quand il est partie principale. L'appel
doit être relevé dans les cinq jours, à partir de celui où la décision
aura été rendue ; il sera fait par simple déclaration au greffe et
porté, par les soins du parquet, à la connaissance des intéressés.
La Cour devra statuer dans la quinzaine à compter de la date de
l'appel, en chambre du conseil, les intéressés prévenus par les soins
du procureur général ; l'arrêt pourra être rendu sans le ministère
d'avoué ; il sera exécutoire sur minute.
Titre III. Dépenses et recettes du service des aliénés.
ART. 56. Sont conduits dans l'établissement départemental,
les aliénés dont le placement a été ordonné par le préfet, à moins
que la famille ne demande leur admission dans un autre établisse-
ment spécial et ne subvienne aux frais de leur entretien. Les alié-
nés placés volontairement ou sur la demande des particuliers y
sont également admis dans les conditions réglées sur la proposition
du préfet par le Conseil général.
Art. 57. La dépense du transport des personnes dirigées par
412 , législation.
l'Administration sur les établissements d'aliénés est arrêtée par le
préfet, sur le mémoire des agents préposés au transport. En l'ab-
sence de traités réglant la dépense de l'entretien, du séjour etdu
traitement des aliénés placés dans les établissements publics, cette
dépense est réglée d'après un prix de journée arrêté par le ministre
de l'Intérieur pour les asiles de l'Etat, par les Conseils généraux
pour les asiles départementaux, par les Commissions administra-
tives pour les quartiers d'hospices et par les Commissions de sur-
veillance pour les asiles qui jouissent de la personnalité civile.
Pour les asiles privés faisant fonction d'asiles publics, la dépense
ci-dessus est fixée par les traités passés avec le département, con-
formément à l'article 4. Dans aucun cas, les Conseils généraux ne
peuvent disposer des réserves ou des excédents de recettes des asr=
les pour les appliquer à un autre service qu'à celui des élubliae-
ments qui les auront réalisés. Les recettes et les dépenses des quar-
tiers d'hospice affectés aux aliénés sont l'objet d'une section dis-
tincte dans le budget de l'établissement hospitalier dont ils funt
partie, et le produit de leurs recettes doit leur être intégralement
réservé.
ART. 58 .- 1 es dépenses énoncées en l'article 57 sont à la char-
ge des personnes placées ; à lrnr défaut, à la charge de ceux aux-
quels il peut être demandé des aliments, aux termes des articles
205 et suivants du Code civil. S'il y a contestation sur l'obligation
de fournir les aliments ou sur leur quotité, il est statué par le tri-
bunal compétent, à la diligence du curateur à la personne de l'a-
liéné. Le recouvrement des sommes dues est poursuivi et opéré
par le comptable du département, comme en matière de contribu. ·
tions directes. -
ART. 59.- A défaut ou en cas d'insuffisance des ressources énon-
cées en l'article précédent, il est pourvu à la dépense par le dépar-
tement, sans préjudice du concours de la commune du domicile
de secours de l'aliéné, tel qu'il résulte de la loi du 15 juillet 1893
d'après un tarif arrêté par le Conseil général, sur les propositions
du préfet.
Les hospices sont tenus à une indemnité proportionnée au nom-
bre des aliénés dont le traitement ou l'entretien était à leur charge
et qui seraient placés dans un établissement spécial d'aliénés. En
cas de contestation, il est statué par le Conseil de préfecture.
Art. 60. Sont payés par l'Etat : 1° Les traitements et pen-
sions de retraite des inspecteurs généraux du service des aliénés ;
2 Lesdépenses des aliénés indigents n'ayant pas de domicile de se-
cours départemental. Sont obligatoires pour les départe nieii ts : 1,, Leq
traitements des médecins directeurs, directeurs administratifs,
secrétaires généraux et médecins traitants des asiles départemen-
taux ; 2 Les traitements des médecins en chef préposés responsa-
bles, des médecins et des préposés responsables des quartiers d'hos-
proposition de LOI sur les aliénés. 413
pice ; 3° Les traitements des médecins des asiles privés faisant
fonction d'asiles publics situés dans les départements. Les traite-
ments prévus aux deux paragraphes précédents sont remboursés
aux départements par les établissements intéressés.
Ces fonctionnaires et les fonctionnaires et employés des asiles
publics, nommés par les préfets," conformément au paragraphe 4
de l'article 7, sont associés aux charges et bénéfices de la caisse des
retraites du département où est situé l'asile. En cas de change-
ment d'un de ces fonctionnaires d'un département dans un autre,
les retenues versées par lui dans la caisse des retraites du départe-
ment qu'il quitte, sont reversées dans la caisse du département où
il se rend. Si l'un des fonctionnaires départementaux susdits est
ou a été appelé à un emploi rétribué par l'Etat, conformément à à
la présente loi, les sommes versées par lui à la caisse des retraites
du département qu'il quitte ou a quitté sont reversées au Trésor
public, au compte du'fonds des pensions civiles.
AlI1', 61. Les honoraires de l'administrateur provisoire con-
cernant les aliénés indigents sont mandatés par le préfet, sur taxe
du tribunal et visa de la Commission de surveillance de l'asile et
prélevés sur les biens des aliénés, d'après un tarif arrêté par un rè-
glement d'administration publique.
Art, 62. --La dépense d'entretien des personnes traitées en
exécution des alinéas 1° et 2° de l'article 30, dans les asiles spéciaux
construits par l'Etat, est supportée par les départements auxquels
ces personnes appartiennent, jusqu'à concurrence du prix de jour-
née payé par chacun de ces départements pour ses aliénés ordinai-
res. Le surplus de la dépense d'entreiien, s'il y en a. et les dépen-
ses du transfèrement sont à la charge de l'Etat. Les dépenses d'en- z
tretien et de transfert des condamnés visés par l'article 35 restent
entièrement à la charge de l'administration pénitentiaire. lien
est de même de la dépense des personnes placées pour une exper-
tise médico-légale dans un établissement d'aliénés ou dans un
quartier ou local d'observation ou dépôt, conformément à l'arti-
cle 28 ci-dessus, jusqu'à ce qu'il ait étéstatué sur la poursuite dont
elles sont l'objet. -
Titre IV. Pénalités.
Anf. 63. Les chefs responsables des établissements publics
ou privés d'aliénés ne peuvent, sous les peines portées à l'article
120 du Code pénal, relenir une personne placée dans un établisse-
ment, dès que sa sortie a été ordonnée par le préfet ou par le tri-
bunal, conformément aux prescriptions de la présente loi, ni lors- ^
que cette personne se trouve dans les cas énoncés aux articles 21
et 22.
414 . LÉGISLATION.
ART. 64. Les contraventions aux' dispositions des articles,
8, 9, 13, 14, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 28, 29, 31, 32, 33, 36, 41 et
43 de la présente loi et aux règlements rendus en vertu de l'article
68, qui sont commises par les chefs responsables des établissements
publics ou privés d'aliénés, et par les médecins employés par ces
établissements, sont punies d'un emprisonnement de cinq jours il
un an, et d'une amende de cinquante francs (50 fr.) à trois mille
francs (3.000 fr), ou de l'une de ces deux peines seulement.
ART. 65. - Toute personne employée dans un établissement pu-
blic ou privé d'aliénés qui, volontairement, s'est rendue coupable
de sévices ou voies de fait sur la personne d'un malade, est puuie
d'un emprisonnement de cinq jours à trois mois et d'une amende
de seize francs (16 fr.) à deux cents francs (200 fr.). ou l'une de ces
deux peines seulement. Toute personne préposée à la garde, à la
surveillance et aux soins des aliénés qui, par négligence ou inobser-
vation des règlements, a compromis la santé d'un malade à elle
confié, est punie d'une amende de seize francs (16 fr.). à cent francs
(100 fr.). Le tout sans préjudice de l'application, s'il y a lieu, des
peines édictées dans les articles 309, 311, 319, et 320 du Code pénal.
AnT. 66. Dans les établissements publics ou privés, visés à la
présente loi, tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans
violence sur la personne d'un aliéné, idiot, crétin, épileptique ou
hystéro-épileptique de l'un ou de l'autre sexe, et avec connaissance
de l'état de cette personne, est puni de la réclusion.
ART. 67. Dans les cas prévus aux articles 63, 6'i, 65 et 66 ci-
dessus, il peut être fait application de l'article 463 du Code pénal.
Titre V. Dispositions générales et transitoires.
Art. 68. Des règlements d'administration publique détermi-
neront : 1° Les devoirs et attributions des commissions de surveil-
lance et de tout le personnel médical et administratif ; 2° Les con-
ditions auxquelles sont accordées les autorisations énoncées à l'ar-
ticle 3, les cas ou ces autorisations peuvent être retirées, les obli-
gations auxquelles sont soumis les établissements privés autorisés,
les bases sur lesquelles doit être calculé le montant des cautionne-
ments ; 3° Les conditions d'organisation et de fonctionnement des
asiles privés faisant fonction d'asiles publics, ainsi que les condi-
tions du retrait d'autorisation et de la mise en régie de ces établis-
sements, prévues par l'article 6 de la présente loi; '1° Les conditions
d'organisation, de fonctionnement et de surveillance des établisse-
ments prévus par l'article 2 de la présente loi ; des quartiers ou
locaux établis, conformément à l'article 28 de la présente loi, pour
le dépôt provisoire des aliénés non encore internés ou pour les ex-
pertises médico-légales sur l'état mental des inculpés ; 5° Les con-
ditions dans lesquelles pourront être admis et hospitalisés pi'ovi-
revue DE pathologie mentale. 415
soirement, dans les asiles d'aliénés et plus tard dans les quartiers et
établissements spéciaux, les épileptiques non aliénés, les idiots,
les crétins et les buveurs ; 6° Les. conditions de traitement et d'a-
vancement du personnel médical ou administratif nommé par le
ministre ; 7° Et généralement toutes les mesures nécessaires à'
l'exécution de la présente loi.
ART. 69. Dans les cas prévus par l'article 3 et 4, si le Gou-
vernement refuse son autorisation, cette décision, qui sera mo-
tivée, est susceptible d'un recours au Conseil d'Etat dans les
formes légales.
ART. 70. La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colo-
nies, dans les conditions à déterminer par un'règlement d'adminis-
tration publique. Elle sera affichée dans les parloirs ou vestibules
des asiles ou établissements recevant des aliénés. , . -
Art, 71. La loi du 30 juin* 1838 est abrogée ; toutefois celles
de ses dispositions visées par l'ordonnance du 18 décembre 1839
qui ne sont pas contraires à la présente loi,restant en vigueur jus-
qu'à la promulagtion des règlements d'administration publique,
mentionnés à l'article 68, qui seront rendus pour l'exécution de la
présente loi.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
1 . Modifications hématologiques dans le délira transitoire ;
par KLIPPEL. (L'Encéphale, 1906, n° 3.)
Des modifications dans l'état du sang peuvent accompagner des
états Yesaniques simples. L'observation rapportée concerne un
jeune homme, dégénéré héréditaire, qui présenta, deux années
consécutives, un accès délirant à caractère maniaque, de courte
durée et chaque fois suivi de guérison. Le dernier de ces accès a
été traité iLl'hûpilal ; la phase d'acméc délirante s'est accompa-
gnée d'une leucocytose abondante, le taux leucocytaire étant re-
tombé à la normale à la fin de l'accès. 11 est vraisemblable que
dans de tels états, qui sont la marque d'une constitution psychi-
que et non de lésions (apparemment du moins), les seules modi-
(icationscirculaLoiresliéesau dynamisme fonctionnel, des centres
nerveux suffisent à provoquer des^ modifications bémalologi-
flues, au contraire d'une infection ou d'une intoxication qui
produisent des troubles simultanés sur les organes hématopoié-
tiques et sur le système nerveux. F. TtssoT.
4L6 revue de pathologie mentale.
LI. Euphorie délirante des phtisiques. Hétérotopie médul-
laire ; par DUPRÉ et Camus. (L'Encéphale, 1000, n° 5.)
Observation dont l'intérêt clinique réside dans l'association
d'un état onirique très prolongé avec cet optimisme aveugle et
cet illusionnisme continus qui caractérisent l'euphorie délirante
des phtisiques. Cet état mental semble manifestement en rap-
port avec les lésions diffuses de l'écorce surtout frontale. Un re-
trouve des troubles psychiques très analogues chez les cancéreux
morphinismes. Les intoxications diverses qui se développent sur
ces lorrains prédisposés déterminent les altérations du cortex et
les réactions psychopathiclues constatées. Le sujet que concerne
cette observation, présentait en outre une malformation médul-
Iairecuricus3 consistant dans un bouleversement complet de la
substance grise, surtout des cornes antérieures, à la région dorso-
supérieure, et dans la déformation et le déplacement des cornes
postérieures, à la région dorso-intérieure. Il n'y avait pas de
lrouhle médullaire pendant la vie ; aucune altération hisloloni-
cluo n'a élé constatée. Il s'agit bien d'une anomalie congénitale,
véritable stigmate physique de dégénérescence. F. TiSSOT.
Lll - Les séquelles psychiques des méningites cérébro-spinales
[ aiguës ; par SmNTON et Voisin. (L'Encéphale, 1906, ni3.)
L'existence de psychoses consécutives aux méningites cérébro-
spinales est une vérité clinique admise par tout le monde, mais
à laquelle manque la confirmation de -documents précis CeLte
lacune lient à l'interruption de l'histoire pathologique des ma-
Jactes entre leur entrée à l'hôpital pour accidents méningiliques
et l'éclosion des troubles psychiques.il appartiendrait auxaliunis-
les de fouiller le passé de leurs malades, pour établir la réalité des
rapports entre les dpux ordres de faits. F. TISSOT.
LUI. Les troubles psychiques dans les altérations des glandes à
sécrétion interne ; par SAIYTON. L'En°éph2le, 1rJ06,n'° 3 et 4.)
Importante revue générale, bibliographique et critique, des
troubles psychiques liés aux altérations des glandes à sécrétion
interne. Une large place y est faite aux manifestations thyroïdien-
nes : beaucoup de goitres exophtalmiques relèvent de l'intoxica-
tion thyroïdienne ; c'est à elle qu'il faut rapporter l'état mental
des haserlowiens, les troubles psychiques plus marqués fêtais
d'excitation le plus souvent), enfin l'éclosion de syndromes mor-
bides divers révélateurs de lares constitutionnelles (névroses
dégénérescence mentale) et qui coexistent fréquemment avec le
goitre exophtalmique. L'bypolhyroidation chez l'adulte se traduit
parune chute de l'activité cerëbralea\ec conservation de l'intel-
ligence ; chez l'enfant, le riiy ? (2(lètiie consiste en un arrêt de dé-
revue DE pathologie mentale. 417
veloppement qui est d'autant plus complet que l'insuffisance
thyroïdienne s'établit à une époque plus précoce de l'évolution
ontogénique. <
L'influence de la castration sur le psychisme est réelle : si l'a-
blation des testicules est pratiquée dans l'enfance, les modifica-
tions du caractère et de l'intelligence sont considérables (eunu-
chisme) ; plus tard cette influenceest moindre, nulle même dans
les cas de mutilation acceptée : (castration rituelle des skoptzys.
Il en va autrement chez les individus castrés à la suite d'affection
testiculaires : quand des troubles psychiques existent, il est ce-
pendant difficile de faire la part de ce qui revient à l'insuffisance
de sécrétion interne et à la mentalité habituelle de ces ma-
lades.
L'insuffisance ovarienne peut être congénitale ou acquise : dans
le premier cas elle produit l'infantilisme (dystrophie ovarienne
de Dalché). Comme psychoses pouvant être rapportées à l'insuf-
tisance ovarienne, on pourrait citer par hypothèse l'hébéphrénie
Il est en effet fort difficile de préciser le rùle de l'ovaire dans les
troubles mentaux de la menstruation et de la'ménopause, comme
aussi dans ceux qui suivent l'ovarectomie ; les résultats du trai-
tement opothérapique peuvent seuls donner des indications sur
ce point. Les troubles psychiques dus aux altérations de la pi-
tuitaire sont généralement assez légers ils ont été bien éludiés-
chez les géants acromégaliques par Launois et Roy.
Ou a décrit diverses manifestations de l'altération des capsu-
les surrénales : une véritableencéphalopathio addisonnienne (flip p
pcl), du délire (Addison), des états neurasthéniques (Dufour et
Dogues de Fursac). L'insuffisance surrénale peut èlre une cause
d'infantilisme (moblot). L'hyperfonction crée l'hypertension et
l'athérome artériels, origine de troubles mentaux.
Trop rares sont les documents sur les troubles psychiques liés
à la persistance du thymus. Les diverses glandes à sécrétion in-
terne fonctionnant dans une dépendance réciproque faite de
synergies et d'antagonismes, les syndromes mentaux liés leurs
altérations sont ordinairement complexes, résultant de troubles
concomitants dans le fonctionnement de plusieurs glandes. La
conclusion pratique de cette étude est dans l'emploi systémati-
que de l'opothérapie dans tous les cas qui peuvent en être justi-
ciables. F. TISSOT..
LIV. - La poésie dans les maladies mentales ; par E. Régis.
(L'Encéphale, n° 3, 19oO.)
De tout temps on a voulu établir des rapports entre la folie et
le génie. Il est certain que nombre de poètes sont des déséqui-
brés, même des délirants ; les littérateurs décadents en particu-
lier fournissent un notable contingent de névrosés, d'excentri-
Ancntvrs, 3" série, 1907, t. I. 27
.1
418 revue DE pathologie mentale.
ques, plus ou moins adonnés aux intoxications de luxe ; ce sont
là des « malades poètes » plutôt que des « poètes malades », ils
touchent ainsi de près à l'aliénation qui, loin d'anéantir chez
l'homme le goût de la poésie,est susceptible de l'accroître et même
de le créer ; l'auteur cite de nombreuses pièces devers d'où l'art
n'est pas exclu. F. T.
LV. Contribution à l'étude de la démence précoce ; par M.
Pihgini. (In Rivista sperimentale di Freniatria. Reggio en Emilie,
1905, vol. XXXI, fasc. III-IV.)
Deux faits sont étudiés rapidement dans ce petit travail : 1 les
caractères du pouls dans la démence précoce. On prend des cas de
démence précoce paranoide, hébéphrénique, paranoide-calatonl-
que, catatonique, hébéphréno-catatonique, dont plusieurs à une
phase terminale.On observe ainsi une grande variation de fréquence
du pouls, et une augmentation de tension de la paroi des artères.
On peut conclure à une hypertension des parois des vaisseaux
artériels, se traduisant par un tracé sphygmographique caracté-
ristique du pouls : 2° action d'un extrait spécial des glandes
parathyroïdiennes sur la circulation et sur les échanges organiques
des déments précoces. Cet extrait a un pouvoir anti-tétanique, et
l'opothérapie paçathyroidienne améliore les symptômes. La con-
tracture catatonique, la tachycardie, l'hypothermie et les autres
troubles des échanges organiques seraient donc sous la dépen-
dance d'une altération ou d'une absence fonctionnelle parathy-
roïdienne. J. S.
LVI. Folie et indieanurie (indoxylurie) ; note critique; par M.
C. C. EASTEILBROCK.(The Journal of mental science,octobre 1906.)
Après une étude critique des techniques employées par MM. Lewis
Bruce et Townsend dans des recherches dont nous avons rendu
. compte ici même, l'auteur expose sa technique personnelle et le
résultat de ses propres travaux : il a été amené à conclure que la
présence d'un excès d'indican dans l'urine est due surtout à la
constipation, souvent ancienne et rebelle chez les aliénés.
R. M. C.
LVII. - Alcool et folie : effets de l'alcool sur le corps et l'esprit,
tels qu'on les observe dans les salles des hôpitaux et des asiles et
dans les salles d'autopsie ; par M. F. W. l\IOTT, (The Journal
of mental Science, octobre 1906.)
Travail très nourri de faits et de recherches personnelles, accom-
pagné do tableaux, très utile à consulter, mais dont une analyse
même étendue ne donnerait qu'une idée très imparfaite.
R. M. C.
revue DE pathologie mentale. - HO
L\'II1. Sur la psychologie des croisades ; par MM. William W.
Iner.AND. (The Journal of mental Science, octobre 1906.)
M. Ireland se plaît aux études de psychologie rétrospective, his-
toriques ou littéraires où il utilise les richesses d'une érudition qui
n'est pas seulement spéciale. A la vérité dans le présent travail, la
psychologie des Croisades n'est pour ainsi dire pas formulée ; mais
elle se dégage d'elle-même d'un tableau historique succinct, mais
chaud et coloré. Misère en bas, oisiveté en haut, voilà les deux
causes différentes et pourtant connexes qui ont poussé paysans et
seigneurs à se laisser entraîner dans des expéditions follement im-
prévoyantes,où les uns espéraient trouver les jouissances de là terre
dont ils étaient sevrés, les autres un aliment à leur activité sans em-
ploi, et tous, par surcroît, les bénédictions du ciel. Et ces causes,
parce qu'elles sont éternelles comme le monde, ne sont-elles pas les
mêmes que celles qui poussent aujourd'hui encore la foule souf-
frante ou désenchantée vers toutes les idoles, aussi bien vers le
char de Juggernauth que vers la grotte de Lourdes. En terminant
l'auteur rappelle comme un symptôme de la mentalité de l'époque
ces croisades d'enfants qui succédèrent aux autres et dont l'une
dut être rapatriée, du moins ce qui en survivait, par le Pape.
R. de 1\IUSGRAVE Clan.
Liez La pathologie de quatre cas d'idiotie épileptique ; par M.
HARVE7 B.11RD. (The Journal of mental Science, juillet 1906.)
Les conclusions générales de ce mémoire servent en même
temps de résumé aux points principaux de chacun des cas rap-
portés ; nous les reproduisons donc à peu près intégralement.
1° Ces cas démontrent la variété des lésions dans l'idiotie épi-
leptique et la difficulté de donner une classification pathologique
de l'idiotie. Au Congrès International de Médecine de Paris de 1900
Shuttleworth et Beach ainsi que Bourneville ont proposé des clas-
sifications à base anatomo-pathologique, mais il est malaisé de
trouver un cas particulier qui soit conforme à un seul de leurs
types ; en sorte que, à l'heure actuelle, il semble, que la classifica-
tion d'Ireland, qui est surtout clinique et étiologique, demeure la
plus commode.
2" Ils indiquent aussi que de grosses lésions se rencontrent dans
l'idiotie épileptique, par opposition à l'idiotie non épileptique
Andriezen soutient que les lésions essentielles de l'idiotie épilepti-
que sont de deux ordres : 1° une sclérose diffuse ou un développe-
ment exagéré des fibres nerveuses de la névroglie dans la substance
cérébrale ; et 2° une altération simultanément étendue des cellules
nerveuses qui est négative ou positive, la lésion négative étant ca-
ractérisée comme chez les imbéciles par une cellule à peu de pro-
longements, et la lésion positive par une augmentation du pig
420 revue DE pathologie mentale.
ment et un déplacement du noyau,c'est-à-dire une dégénérescence.
Les cas rapportés par l'auteur ne révèlent aucune- augmentation
du pigment dans les cellules nerveuses ; 3° mais ils montrent la
fréquence des altérations des membranes. Sur 73 cas de kystes de
l'arachnoïde, Lewis a trouvé un seul cas d'idiotie et quatre d'épilep-
sie ; or, sur les quatre cas de l'auteur, il y avait dans deux forma-
tion de fausses membranes et dans un autre formation d'une pla-
que ostéoïde dans la dure-mère. Mais ce qui est plus important en-
core,c'est que dans tous les cas la pie-mère et l'arachnoïde étaient
épaissies et opaques et que dans deux d'entre eux il y avait des
adhérences très accusées. L'auteur pense que dans beaucoup de cas
la méningite est la lésion primitive de l'idiotie épileptique ; dans
un des cas il est manifeste qu'il en a été ainsi, mais dans deux au-
tres il est à remarquer que la gliose a paru envahir les tissus de de-
hors en dedans, avec début et maximum d'intensité sous la pie-
mère comme dans la paralysie générale. La dégénérescence myxoe-
démateuse consécutive peut s'expliquer par des lésions vasculaires,
car les régions envahies correspondent en grande partie à la zone
de distribution de la cérébrale moyenne. On conçoit facilement,
d'ailleurs, que la méningite puisse être si souvent la lésion primitive
car dans les intoxications des autres organes, dans les maladies fé-
briles, etc., si le système nerveux est atteint, c'est la méningite qui
est la lésion la plus probable. -
4° On voit aussi,par les observations rapportées.que les diverses
couches de cellules cérébrales réagissent différemment à l'égard
des agents irritants. Les grandes cellules pyramidales ont paru être
les dernières à dégénérer et à disparaître, ce qui concorde avec
l'observation de Lewis qui a constaté que dans l'idiotie épileptique,
on voit se modifier le contour des cellules des couches supérieures,
tandis que celui des cellules pyramidales demeure sans change-
ment.
5° Enfin un autre fait résulte de ces observations.c'est la faculté
que possède la substance grise de s'adapter à des conditions mo-
difiées, c'est ce que démontre la quatrième observation dans la-
quelle l'idiotie était bien plutôt le résultat d'une défectuosité des
voies conductrices entre les différentes parties de la substance grise
que d'une défectuosité de la substance grise elle-même.
Au point de vue étiologique les cas rapportés ne comportent au-
cune explication satisfaisante. " R. DE Musgrave CLAY.
LX. Pathologie de la paralysie générale des aliénés ; par '1'.
Ford RoBERTSON. (Morison Lectures V.) (The Journal of
mental Science, avril 1906.)
Ce travail renferme des recherches et des vues intéressantes et
relativement nouvelles dont nous essayons de donner un aperçu,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. , 421
qui sera forcément incomplet, le texte publié ici étant lui-même
un résumé. 1 1
Les statistiques paraissent démontrer que la paralysie générale
augmente de fréquence, son étiologie et sa pathogénie demeurent
très obscures,car-on voit que, de plus en plus,l'hypothèse de l'étio-
logie syphihtique est considérée comme insuffisante. Déjà en 1901,
le Dr Bruce a publié des recherches sur la température et la leuco-
cytose dans cette maladie, et montré que les accès fébriles repa-
raissent toutes les deux ou trois semaines et s'accompagnent de
leucocytose, et que dans les dernières périodes la leucocytose re-
parait de temps en temps sans élévation de la température. Il a
conclu de ses observations que la paralysie générale est une mala-
die directement due à des toxines bactériennes attaquant l'orga-
nisme par la voie des muqueuses gastriques et intestinale, et il a
confirmé son opinion par la recherche des modifications anatomi-
quesdu tube digestif. De nouvelles preuves de toxémie chronique
ont été fournies par ie Dr Ainslie qui a constaté une endartérite
étendue et souvent très accusée des vaisseaux extra-cérébraux
dans des cas où la sénilité ne pouvait pas être accusée de ces alté-
rations.
De nouvelles recherches encore, personnelles ou dues à d'autres
observateurs, ont révélé la présence dans les voies digestives et
aériennes d'un bacille diphthéroide, que l'on peut quelquefois iso-
ler du cerveau.- Les examens histologiques ont fourni un nouvel
appoint à cette doctrine, ainsi que les cultures et les inoculations
du bacille incriminé. Enfin on a pu s'assurer que des bacilles, pos-
sédant peu d'affinité pour les réactifs colorants, mais ayant une
étroite ressemblance avec les bacilles diplitéroides, existaient dans
le sang pendant les attaques congestives, dans le dépôt centrifuge
du liquide cérébro-spinal retiré par la ponction lombaire, et dans
l'urine.
Ces faits ont donné à penser que ces bacilles pouvaient quelque-
fois passer dans le sang et y être détruits par phagocytisme ; on a
recherché alors l'action du sang vivant sur les cultures pures, et on
a constaté que ces bacilles étaient très rapidement absorbés par
les leucocytes et pouvaient être complètement dissous dans l'in-
térieur des globules blancs dans un espace de deux à trois heures;
on a vu en outre que le pouvoir phagocytaire était beaucoup plus
élevé chez les leucocytes des paralytiques généraux.
Il y a bien des raisons puissantes de contester l'origine essentiel-
lement syphilitique de la paralysie générale et du tabes, et Bianchi
et d'autres auteurs les ont savamment développées. Il n'est pas
douteux que la syphilis joue ici un rôle important, mais ce rôle
n'est pas directement pathogène et consiste à diminuer les moyens
généraux et locaux de défense contre les bactéries, et nous som-
mes en possession des preuves les plus nettes que le paralytique
422 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
général subit une réelle toxémie bactérienne : l'auteur ici reprend
ot développe les arguments expérimentaux qui permettent de sou-
tenir cette opinion, puis revenant à l'observation du malade, il
montre que dans quelques cas une invasion bacillaire est repousséo
avec succès (phagocytisme), après quoi survient une période plus
ou moins longue où le bacille est tenu à distance : cliniquement,
ceci correspond aux rémissions. Plus communément, il y a une ab-
sorption continue, mais comparativement légère, des toxines, et
une succession d'invasions plus ou moins sérieuses, mais chaque
fois repoussées. Finalement toutefois les forces défensives sont
vaincues, et alors survient l'attaque congestive terminale. L'au-
teur aborde ensuite les applications du même ordre de faits au ta-
bès. Il est évident que le paralytique général se défend, et souvent
avec un succès prolongé, en fabriquant des éléments bactériolyti-
ques. Il semble donc qu'il vaille la peine de reproduire ces éléments
de défense chez des animaux inférieurs appropriés et de les em-
ployer comme agents thérapeutiques.
Cette méthode de traitement va d'ailleurs être expérimentée à
l'Asile Royal d'Edinburgh. R. de Musgrave ClaY.
LXI. - Quelques notes sur l'étude de la folle ; par A. Graham
Crookshank. (The Journal of mental Science, janvier 1906.)
Au sens conventionnel ou empirique.nous devons admettre que la
folie est plus qu'une condition ou un état d'esprit et que la somme
d'une série de phénomènes psychiques, et qu'elle comprend un état
physique, une série de conditions physiques dont les signes diffè-
rent, non dans leur nature, mais dans leur groupement et leurs
rapports, des signes physiques morbides que nous ne considérons
pas d'ordinaire comme indicateurs de ce que nous appelons la folie.
Mais il est nécessaire,dans l'étude de la folie, de considérer séparé-
ment la série des phénomènes psychiques et la série des phénomè-
nes physiques. La série psychique à notre portée est très courte,
et comme nous ne pouvons pas utilement chercher les causes psy-
chiques des phénomènes psychiques de la folie, nous ne devrions
pas parler des causes psychiques de la folie, pas plus que du trai-
tement moral ou mental de la folie qui n'est qu'une partie d'un
traitement physique. Et ici, il n'est peut être pas inutile de résu-
mer en deux phrases la célèbre doctrine de Jackson sur la con-
comitance ou le parallélisme : Les états de conscience sont abso-
lument différents des états nerveux, mais se rencontrent concur-
remment avec eux. Pour tout état mental il y a un état nerveux
corrélatif mais sans interférence connue. Les partisans de cette
doctrine ne peuvent évidemment pas admettre que les états psy-
chiques soient l'effet des états physiques corrélatifs, mais ils peu-
vent concevoir entre ces états une coïncidence nécessaire.
Les phénomènes physiques essentiels de la folie se rencontrent
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 423
0
dans les états ou dans les rapports de celles des cellules cérébrales
dont les activités normales sont accompagnées d'états de cons-
cience qui, dans la folie, sont ou absents, ou troublés, ou anormaux.
L'étude systématique de la folie doit par conséquent comprendre :
1° les phénomènes psychiques : mais nous ne pouvons pas observer
les états de conscience chez les autres ; nous ne pouvons constater
que ce que nous considérons comme l'expression physique des élé-
ments nerveux concomitants des états conscients ; 2° les phéno-
mènes physiques essentiels de la folie. Ceux-ci nous ne pouvons
les étudier qu'en tenant compte des effets physiologiques des cel-
lules dont les effets sont en corrélation avec le désordre des états
de conscience, et en faisant la supposition, qui n'est après tout ni
démontrée, ni démontrable, que les états de conscience qui, pour
nous-mêmes, sont en corrélation avec certains états nerveux,
ayant une expression physiologique définie, sont identiques aux
états de conscience qui chez les autres,sont en corrélation avec des
états nerveux ayant en fin de compte une expression identique.
Il y a bien des années, Lewes a défini l'« esprit » comme la som-
me des « phénomènes mentaux », cette définition rappelait fâcheu-
sement celle de l'anatomiste qui décrivait le rein « un organe d'as-
pect réniforme». Mais il faut se rappeler que la somme des états de
conscience qui, chez un individu sain d'esprit ou non, constitue
l'esprit, se compose non seulement de la conscience du moment,
mais encore de la conscience devenue inconsciente, c'est-à-dire de
phénomènes recouvrables par la mémoire. Et il se peut que l'on
puisse concevoir ces états psychiques comme accompagnant des
états fonctionnels et dynamiques de tous les centres nerveux, ou
tout au moins ces états de conscience qui accompagnent des états
nerveux inférieurs dans des conditions qui ne sont pas normales,
mais peuvent ne pas exister dans des conditions normales, ou du
moins n'existent,qu'à un degré inférieur de vivacité.L'auteur pense
que l'étude des phénomènes psychiques ou de la série psychique,
doit être dans une grande mesure, l'étude de l'ordre qui persiste
dans la somme des états psychiques qui constituent pour chacun
de nous et pour tous les « moi » du moment.
L'auteur entre ici dans des considérations intéressantes sur l'é-
volution de l'esprit chez l'individu, où elle est comme l'ont montré
Schneider et Haeckel, une réflexion ou une image abrégée de l'évo-
lution ascendants de l'espèce, et il rappelle les beaux travaux de
Ribot sur l'évolution de la mémoire. Puis il fait remarquer que,
dans la folie progressive, les totaux des états de conscience parais-
sent se succéder dans un ordre qui n'est pas seulement aussi net et
aussi inexorable qu'à l'état sain, mais qui est effectivement le
même.
Clouston a dit que la tendance pathologique et clinique la
plus forte de toute forme de maladie mentale, était d'aboutir à la
424 REVUE DE PAIHOLOGIE MENTALE.
/4
démence, ou en d'autres termes, de progresser : cette proposition
n'est qu'une forme nouvelle de la doctrine déjà ancienne de Sankey
qui enseignait que la folie ne comporte qu'un seul et unique pro-
cessus dont les diverses variétés ne sont différenciées que par des
phénomènes nullement essentiels, que toutes les folies débutent
par la mélancolie et tendent à se succéder dans l'ordre suivant : 10
mélancolie ; 2° manie ; 3° démence, succession qui peut, à n'im-
porte quel moment, être interrompue par la guérison, laquelle
donne alors heu à une succession en sens inverse, 1° démence ; 20
manie ; 3° mélancolie. L'auteur entre ici dans quelques considéra-
tions où il serait trop long de le suivre sur ces diverses formes
de maladies mentales.
La conception que propose l'auteur de la marche et du processus
de la folie correspond exactement à la théorie de Sankey, et aussi à
ce que nous pouvons prévoir, à priori, étant admis que la folie est
un processus réductif de la mentalité agissant en sens inverse du
processus de l'évolution. *
On croit donc pouvoir considérer ici comme démontré : 1° que
les phénomènes psychiques de la folie se manifestent dans le même
ordre que ceux du sommeil, du délire, de l'intoxication, de l'anes-
thésie et de la sénilité ; 2° que cet ordre est inverse de celui que l'on
observe dans le développement de l'individu ou de la race et après
la terminaison du sommeil, du délire, de l'intoxication ou de l'a-
nesthésie ; 3° que lorsque la folie guérit, l'ordre des phénomènes
psychiques est celui du développement de l'individu ou de la race;
4° que la survenue, dans la folie, de délusions, d'hallucinations et
d'obsessions, n'est pas en contradiction avec l'ordre ci-dessus
énoncé de l'ordre des états de conscience, mats qu'elle en est au
contraire la conséquence, ainsi que des états qui le déterminent,
et qu'elle trouve -des analogies dans l'histoire du développement
et de la déchéance de l'individu et de la race ; et^que, en outre, le
caractère particulier des délusions et des hallucinations est déter-
miné par l'extension et la régularité (ou par les états inverses) du
processus de dissolution.
Il est donc nécessaire, pour étudier systématiquement la folie,
d'étudier séparément la série psychique et la série physique, sans
confusion ou transmutation des termes. Dans la série physique, il
est indispensable de considérer non seulement les différentes sor-
tes d'états conscients, mais l'ordre suivant lequel ils apparaissent ;
et c'est seulement lorsqu'on abordera l'étude de la série physique
que l'on sera fondé à s'occuper de l'étiologie et du traitement. Par-
ticulièrement on aura à étudier ce qui a été défini comme les signes
physiques de la folie. En procédant ainsi, on verra que la folie est
un processus parallèle de dissolution psychique et physique, ayant
l'aspect clinique décrit par Sankey ; on verra aussi que nous n'a-
vons point à faire à des « maladies mentales », mais à des dissolu-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 425
tions de l'esprit et du système nerveux, lesquelles varient d'inté-
gralité, de régularité et de rapidité, et sont déterminées, en ce qui
concerne le système nerveux, par diverses causes physiques. On
abandonnera la vaine pratique qui consiste à essayer de classer ces
processus en considérant comme des choses différentes ce qui n'est
en réalité que des périodes différentes d'un seul et même processus,
et on instituera une classification basée sur les causes des phéno-
mènes physiques. On traitera la folie non plus par des paroles vi-
des de sens « sur les remèdes appropriés moraux et mentaux »,
mais en employant les moyens physiques, sachant par expérience
que la restauration des états physiques (nerveux) s'accompagne
nécessairement de la restauration des états psychiques.
R. DE MUSGRAVE CLAY.
LlIL- Note sur la terminologie et la classification psychiatriques ;
par M. Thomas Drapes. (The Journal of Mental Science, jan-
vier 1906.)
L'observation que nous avons faite sur plusieurs travaux du
même genre, quelle que soit leur importance, s'applique également t
à celui-ci : tous échappent à l'analyse. R. M. C.
LXIII. - Sur quelques rapports entre l'aphasie et les maladies
mentales ; par M. Sydney J. CoLC. (The Journal of mental
Science, janvier 1906.)
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on a pensé que l'étude
de l'aphasie pourrait peut-être nous conduire à une connais-
sancj plus approfondie des maladies mentales, et Wernicke en
particulier a signalé l'importance des aphasies dites transcortica-
les considérées comme lien entre les aphasies et les maladies men-
tales ; l'auteur rappelle ensuite les travaux de Lichtheim, et attire
particulièrement l'attention sur l'écholalie signalée par Lichtheim
comme pathognomonique de l'état dont il s'agit. Il faut rappeler
ici que l'écholalie n'a pas toujours été considérée par elle-même
comme un symptôme aphasique : elle se rencontre en effet dans
d'autres états mentaux où l'aphasie n'est pas signalée. L'écholalie
comporte des degrés et aussi des formes différentes. Arnaud a es-
sayé d'en décrire six formes, mais elles se confondent facilement
les unes dans les autres,ce qui diminue la valeur de la classification :
elle peut être passagère, notamment dans les empoisonnements
par l'alcool et le chloroforme, et aussi, ce qui est plus intéressant,
dans la ré-évolution consécutive aux crises d'épilepsie ; on la trou-
ve aussi dans les états confusionnels épileptiques, sans que ceux-ci
puissent être nettement rattachés aux attaques (Raecke) et l'au-
teur relate un cas dans lequel elle survint pendant des attaques
Jacksoniennes.
, Dans beaucoup de cas de folie aiguë à forme confusionnelle, on
428 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
constate, pendant de courtes périodes, des degrés moins accusés
d'écholalie, mais il semble que ce soit toujours dans des cas où
l'intelligence du langage parlé est défeclueuse.
Si l'on passe aux cas d'écholalie s'accompagnant d'aphasie trans-
corticale sensorielle,on voit qu'elle se rencontre quelquefois dans
les cas de lésions massives, surtout au voisinage du lobe temporal
gauche ; mais souvent aussi dans des cas qui ne présentent aucune
lésion de ce genre et qui sont tout simplement des cas de dé-
mence sénile, avec atrophie et dégénérescence artérielles très ac-
cusées. L'auteur rapporte ici plusieurs observations.
Les cas d'écholalie les plus difficiles à interpréter sont ceux qui
accompagnent la manie grave, à début précoce et présentant à
leur période initiale des symptômes de folie aiguë.
Plusieurs de ces cas paraissent répondre à la description de la
démence précoce ; et ce serait surtout dans la forme katatonique
que se rencontrerait l'écholalie (Kraepelin). Son apparition est le
plus ordinairement tardive et coïncide alors avec une démence pro-
fonde, une inintelligence marquée du langage parlé et de l'incohé-
rence paraphasique. Le diagnostic de katatonie ne paraît avoir
ici aucune signification étiologique. L'auteur rapporte ici une très
longue observation.
Comment se produit l'écholalie ? Pick interprète la conservation
du langage imitatif chez certains déments aphasiques dans le sens
de la doctrine de l'évolution et de la dissolution de IIughlings Ja-
ckson. '
En effet, chez l'enfant, les premières acquisitions du langage
(association des mots et des choses) se font par imitation : ce sont
les plus simples et aussi les plus résistantes. Les autres associa-
tions, se rapportant à la signification des mots, sont complexes,
mal définies,variables et beaucoup plus accessibles à la dissolution.
L'auteur termine par diverses considérations se rapportant aux
cas rapportés dans le mémoire. R. de Mus grave CLAN.
LXIV.- Lipomes multiples dans la paralysie générale ; par M :
Conolly NOR ! AN, (The Journal of Mental Science, janvier 1906.)
Il s'agit d'un cas de paralysie générale qui présentait quelques
particularités intéressantes, notamment le caractère très accentué
des crises douloureuses au début, ce qui est inusité, ensuite la ten-
dance au suicide, qui n'est pas exceptionnelle, mais qui est beau-
coup moins fréquente qu'on ne le dit généralement, enfin la crainte
délirante d'une infidélité conjugale. Mais le point qui attire ici le
plus l'attention est la présence chez ce malade de lipômes multi-
ples, fait qui n'a été, à la connaissance de l'auteur, signalé par au-
cun auteur anglais, et qui n'est signalé que dans l'ouvrage de Ma-
gnan et Sérieux, et dans un travail de Zargowla (Annales médico-
psychologiques de 1891). Du fait actuel, l'auteur en rapproche un
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 427
autre, qu'il doit à l'obligeance du Dr Travers Smith ; ce second
malade portait un certain nombre de petites tumeurs sous-cuta-
nées, non douloureuses et paraissant être des lipomes ; mais ici le
diagnostic est demeuré douteux'en ce qui touche la paralysie gé-
nérale. R. de MUSGRAVE CLAY.
LXV. Le pronostic de la démence paralytique ; par M. Georges
Greens, (The Journal of mental Science, avril 1906.)
L'auteur se propose d'étudier dans l'ordre suivant les différents
points qui touchent à son sujet : 1° variations dans la marche de
la maladie aux différentes périodes de la vie ; 2° influence du sexe ;
3° effets de l'alcool-; 4° variations dans la marche de la maladie
suivant les états mentaux concomitants; 3° renseignements fournis
parl'examen du fond de [l'oeil, des pupilles et des réflexes pupil-
laires ; 6° effet des convulsions épileptiformes ; 7° pronostic chez
les dégénérés comparés'aux sujets d'un développement supérieur ;
t° caractères spéciaux des cas juvéniles ; 9° caractères spéciaux
dans l'association avec le tabes dorsalis ; 10° les types de mala-
des chez lesquels surviennent des rémissions.
De]son étude ainsi poursuivie, il a été amené à tirer les conclu-
sions suivantes.
La principale indication favorable au point de vue de la possibi-
lité des rémissions, consiste en la présence de la mélancolie, des hal-
lucinations de l'ouie,de pupilles égales répondant à la lumière et de
l'ivrognerie récente, mais il semble qu'il reste peu de chances de
guérison passagère si après une période qui dépasse six mois on ne
constate aucune amélioration.
a) La possibilité de survie existe surtout chez les jeunes sujets ;
de 15 à 35 ans la durée de la maladie va régulièrement en dimi-
nuant ; de 35 à 40 ans on constate les formes les plus aiguës, et
après ce dernier âge, la durée augmente, mois pour fléchir de nou-
veau quand la vieillesse approche, b) Les femmes vivent presque
deux fois aussi longtemps que les hommes.
c) La marche de la maladie est ordinairement favorable dans les
cas où l'alcoolisme est d'acquisition récente; d) l'apparition précoce
de la démence est un signe très défavorable. Peu de mélancoliques
survivent au-delà d'un an. S'il y a de la manie et de l'exaltation
des idées,la marche est variable ; la présence d'idées fixes et de dé-
lire systématisé indique ordinairement que le cours de la maladie
sera prolongé ; e) l'insensibilité des pupilles à la lumière, la lenteur
de leurs réactions, leur alternance rapide sont autant de signes dé-
favorables. Leur réaction normale à la lumière et l'apparition pré-
coce de l'atrophie du nerf optique,sont des symptômes favorables
au point de vue de la durée de la maladie ; /) les convulsions épilep-
tiformes n'ont qu'une influence générale faible ou nulle sur la durée;
9) les dégénérés vivent plus longtemps que les sujets à organisa-
4'28 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tion supérieure ; h) chez les sujets jeunes la maladie suit une mar-
che longue et chronique pour aboutir d'une façon régulièrement
progressive à la démence ; i) l'association d'un début de tabes à un
début de paralysie générale indique que le cours de cette dernière
maladie sera prolongé. H. de Musgrave CLAY.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XX III. - Industrie et alcoolisme ; par M. W. C. 3ULLIV \N.
(The Journal of mental Science, juillet 1906.)
L'auteur rappelle que, dans un précédent travail, s'est attaché
à distinguer deux formes d'alcoolisme, l'alcoolisme qu'il appelle
convivial, et qui de sa nature est plutôt accidentel, et l'alcoolisme
ouvrier, qui plus habituel, ou même tout à fait habituel est considéré
par celui qui le pratique comme un adjuvant du travail. Chez la plu-
part des sujets, l'alcool à doses modérées agit en effet comme
un véritable stimulant psycho-moteur augmentant considérable-
ment le développementdu travail musculaire ; mais cette action sti-
mulante est courte et ordinairement suivie d'un phase de dépression
qui'dépasse sensiblement la stimulation ini tiale; en outre l'action de
l'alcool surles fonctions sensorielles est invariablement déprimante :
il diminue l'acuité des sensations et la rapidité des perceptions. Il
faut donc pour que l'action, primitivement et en apparence utile
de l'alcool se manifeste chez l'ouvrier, que son travail soit surtout
un travail de force musculaire et que la dose d'alcool puisse être
renouvelée fréquemment ; c'est alors que l'alcoolisme ouvrier de-
vient fréquent il sera beaucoup plus rare chez un artisan exerçant
un métier qui demande surtout de l'habileté et de l'adresse; et dans
la pratique on sait qu'il en est le plus souvent ainsi.
On pourrait presque dire qu'il existe pour chaque métier ouvrier
une forme traditionnelle d'alcoolisme, ayant pour base l'influence
de l'alcool sur la capacité de travail nécessaire à l'ouvrier pour le
bon exercice de son métier. Cette règle varie naturellement,suivant
la facon spéciale dont chaque ouvrier se comporte organiquement
vis-à-vis de l'alcool. Mais l'élément qui introduit le plus de varié-
té dans les formes de l'alcoolisme ouvrier, c'est la facilité plus ou
moins grande de se procurer de l'alcool pendant les heures de tra-
vail. C'est peut être par l'étude de ces considérations et par les in-
dications qu'elles fournissent que l'on pourrait parvenir à restrein-
dre l'alcoolisme ouvrier. R. de Musgrive CFAY-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 429
l lIr.- Un cas de tumeur cérébrale avec sommeil; par 11AILLARD
et J\ ! ILHIT, (L'Encéphale, 1906,n° 3.)
Dans cette observation, le sommeil fut le symptôme dominant,
presque unique, -puisqu'il faut lui rapporter les troubles de la
sensibilité, des réflexes, de la parole, de la marche, qui cessaient
(1 exister si l'on parvenait à réveiller la malade de son sommeil
invincible (car il s'agit bien ici d'un sommeil véritable et non
d'un état comateux). Comme autres symptômes importants il y
avait de la fatigue, de la céphalée et un notable degré d'obnubi-
lation intellectuelle.La marche fut assez rapide.les derniersjours
furent marqués par un maigrissement considérable et rapide (plus
d'un kilogramme par jour.
A l'autopsie : pas d'oedème, pas de liquide céphalo-rachidien,
une tumeur (glio-sarcome très vascularisé) dans le lobe temporo-
sphénoidal gauche. En raison de la diversité du siège des tumeurs
cérébrales, il parait impossible de rapporter le symptôme som-
meil à l'altération d'un centre anatomique spécial ; de même
que l'absence fréquente d'hypertension ne permet pas de le met-
tre sur le compte d'une compression générale de l'encéphale ; il
est plus vraisemblable de l'attribuer à l'intoxication néoplasique.
- F. 'Ctssor.
XXV. Un cas de maladie de Recklinghausen avec dystrophies
multiples et prédominance unilatérale ; par Klippeel et Mail-
lard. (Nouv. Icon. dr la Salp" 1906, n° 3.)
Obsel'1 ation d'un homme,dans les antécédents familiaux duquel
on note le rhumatisme et des manifestations isolées de la neuro-
fibromatosc, rhumatisant lui-même, et qui présente deux catégo-
ries de troubles trophiques différenciés par leur origine embryolo-
gique : les uns symptomatiques de la maladie de Hecklinghausen,
d'origine ectodermique, les, autres dépendants d'une dystrophie
spéciale congénitale du tissu libro-élastique, donc d'origine méso-
dermique. De la première il a les tumeurs sous-cutanées (névro-
mesl et les nOEI pigmentaires. De la deuxième, il a tout un en-
semble de signes : luxation spontanée de l'épaule, glissement
des téguments de la région scapulo-humérale, hernie du pou-
mon, abaissement du foie, du testicule et des bourses. Tous
ces troubles trophiques siègent du côté droit : or chez cet
homme ce côté du corps est en état d'infériorité mani-
feste au point de vue dynamique : la force musculaire, la sensi-
sibilité générale, l'acuité visuelle et auditive y sont nettement
diminuées (le malade est du reste gaucher) ; il en est de même
au point de Nue du développement général : asymétrie faciale,
hypertrophie du sein et atrophie du testicule droit. Pour expli-
quer cette unitéraliLé dystrophique, il faut admettre en partie
1U REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'influence du système nerveux central sur le développement on-
togénique, se traduisant ici par l'infériorité fonctionnelle et nu-
tritive de l'hëmisphèregauche, contrairement à la règle générale.
Il y a donc lieu de distinguer de la maladie de Ilecklinghausen,
une maladie plus complexe dans laquelle la trophicité est mo-
difiée congénitalement à la fois dans les tissus qui dépendent du
feuillet externe et dans ceux qui dépendent du feuillet moyen
dé l'embryon. I ? l'tssoT.
XXVI. Iconographie de l'évolution d'un cas de maladie des tics;
par I,OUHINOVITCH. (Nouv. Icon. de la Salp, 1906, n° 3.)
L'intérêt de cette observation réside dans ce fait que le ma-
lade a pu reproduire devant l'objectif photographique et dans
l'ordre chronologique de leur apparition, les tics dont il est atteint
depuis dix ans. Ce cas démontre que la seule volonté du liqueur
ne suffit pas toujours âla cure des tics. Employée sans méthode,
sans direction, sans moyens adjuvants, cette volonté peut n'abou-
tir qu'à leur transformation ou à leur extension. F. T.
XXVII. -Otite chronique purulente, abcès cérébelleux, épilepsie ;
par le Dr Déroute. (Bull, de la Soc. de méd. ment, de Belgique,
juin 1906.)
Il s'agit d'un malade atteint depuis son enfance d'épilepsie et
d'une otite chronique purulente et qui a succombé à 32 ans à un
abcès du cervelet. 11 semble bien que l'épilepsie était dans ce cas
symptomatique, car quand l'écoulement de l'oreille, pour une
cause quelconque, se tarissait, les accès conNLlISifi étaient fré-
quents et précédés de migraines violentes. Lorsqu'au contraire
le pus s'écoulait librement, migraines et accès convulsifs dispa-
raissaient ou étaient rares.
A l'autopsie on constata une suppuration des cellules iiiistoi-
diennes, une atrophie du nerf auditif, et un abcès du lobe gauche
du cervelet (substance blanche et ;;rise) et et quelques altérations
dégénératives de la moelle. G. D.
XXVIIL-La neurasthénie vraie et les syndromes neurasthénifor-
mes ; par le Dr Crocq. (Bulletin de la Soc. de médecine mentale
de Belgique, décembre 1906.)
L'auteur s'efforce de réagir, dans celle note, contre la doctrine
qui fait de la neurasthénie un syndrome défini, doctrine utile
peut-être pour marquer notre ignorance, mais qui conduit à des
erreurs de diagnostic et de pronostic des plus regrettables.
D'après 11. Crocq les états neurasthéniques comprennent trois
choses bien distinctes 10 la neurasthénie vraie, maladie autonome
et curable, qui n'exige pas un terrain héréditairement ou consti-
asiles d'aliénés. 431 1
tulionnellemenf prédisposé et qui reconnaît comme causes : le
surmenage intellectuel et physique, les intoxications auto-intoxi-
cations, et toai-infections, les chagrins prolongés, les traumatis-
mes, etc. <,
2° Les états neuraslhéniformes constitutionnels indélébiles et
incurables (neurasthénie héréditaire ou constitutionnelle de
Charcot), qui seraient en réalité des stigmates de la dégénéres-
cence mentale.
3° Les syndromes neurasfhéniformes accompagnant ou précé-
dant certaines maladies organiques (tabes. démence précoce,
paralysie générale, etc.) Le pronostic se confond naturellement
avec celui des affections sus-indiquées. G. DERNY.
ASILES D'ALIENES
1. -Sur quelques aspects de la question des aliénés colo-
niaux ; par 113. Dr A. l\IAIlIE, (Bull. de la Société de méd. mentale
de Belgique, 1905, n° 124.)
L'auteur établit dans ce travail que deux pays seulement ont
constitué jusqu'à présent une assistance méthodique de leurs
aliénés coloniaux : l'Angleterre et la Hollande. Il relate en outre
un certain nombre de détails intéressants sur le fonctionnement
de 1 asile réorganisé d'Abatrich au Caire et insiste d'une façon
particulière sur les conditions défectueuses dans lesquelles se
trouvent placés les aliénés de nos colonies africaines ou asiati-
ques que, faute d'établissements spéciaux où ils puissent être soi-
gnés, on est obligé de rapatrier le plus souvent avec beaucoup
de difficultés dans les asiles du midi de la France. G. D.
II - Les gardes-malades mentales (ou dressées au service des
asiles) ; leur situation et leur enregistrement ; par T. OUT-
TERSON WooD. (The Journal of mental Science, avril 1906.)
Travail concernant des questions d'administration intérieure
des asiles. R. M. C.
]Il - Le personnel de gardes-malades à l'asile Métropolitain de
Leavesden ; notes sur un projet de promotion ; par Frank
ASIIDY ELKINS. (The Journal of mental Science, avril 1906.)
Même observation. R. M. C.
432 asiles d'aliénés.
IV. - La colonie épileptique Daniel Lewens, à Manehestor; par
M. Alcan MAC DOUGALL. (The Journal of mental Science,
janvier 1906.)
Nous ne pouvons pas suivre l'auteur, et nous le regrettons, dans
la description très détaillée des aménagements et des règlements
intérieurs de cette colonie qui reçoit, des malades (hommes, fem-
mes et enfants) de toutes les classes de la Société, et peut actuel-
lement recevoir deux cents personnes. R. M. C.
V.- Nécessité de l'intervention de l'Etat au profit des imbéciles ; par
M. F. E. RAINSFORD. (The Journal of Mental Science, janvier
1906.) '
Le titre de ce travail en résume la pensée ; l'auteur étudie en
détail le mécanisme possible de cette protection.
R. M. C.
VI. - Sur l'étiologie de la dysenterie des asiles; par M. W. Bernard
KNOBEL. (The Journal of mental Science, avril 1906.)
Ce très intéressant travail, très documenté et accompagné de
graphiques se termine par les conclusions suivantes :
La dysenterie en Angleterre est presque entièrement confinée
dans les asiles d'aliénés. Elle ne se rencontre que rarement dans les
autres grands établissements (prisons, workhouses.) L'accroisse-
ment des précautions prises durant les dernières années n'a déter-
miné aucune influence appréciable sur la mortalité causée par cette
maladie. Il y a de fortes preuves en faveur de l'opinion suivant
laquelle ce n'est pas un seul micro-organisme, mais plusieurs, qui,
soit isolément, soit par infection mixte, peuvent donner naissance
à la dysenterie.
Les mouvements du sous-sol au voisinage d'un asile d'aliénés
sont très susceptibles d'être suivis d'une apparition de la dysente-
rie dans cet asile. Les preuves déduites du rapport qui existe entre
l'inhalation des effluves du sevrage et la dysenterie,plaident éner-
giquement en faveur de la théorie suivant laquelle la dysenterie
des asiles peut être causée par un micro-organisme qui habite nor-
malement le colon et qui devient pathogène lorsque le pouvoir
de résistance des tissus est suffisamment abaissé. L'apparition de
la dysenterie chez les membres du personnel des asiles est proba-
blement due,soit à une infection par une forme virulente de quel-
que micro-organisme très répandu, soit à un micro-organisme du
colon devenu pathogène, par suite d'un abaissement de l'immunité lé
dû à la respiration fréquente d'une atmosphère imprégné d'odeurs
fécales.
' Il y a de fortes preuves en faveur de la théorie suivant laquelle
chez les aliénés,la vitalité et le pouvoir de résistance à l'infection de
tous les tissus sont diminués par suite de l'altération du système
asiles d'aliénés. 433
nerveux trophique. La dysenterie trouve un terrain particulière-
ment favorable chez les aliénés par suite de la détérioration des cel-
lules nerveuses qui modifie les fonctions nerveuses trophiques du
colon. Elle apparaît beaucoup'moins facilement dans les cas de
folie congénitale et chez les sujets dont la maladie mentale de-
meure stationnaire. Les arguments fournis par la statistique sont
absolument contraires à l'opinion suivant laquelle la dysenterie se
propagerait par le transfert d'une salle à une autre des malades
guéris. R. de MUSGRAVE CLAY.
vils Sur quelques points concernant la tuberculose dans les asi-
les ; par W. F. Menzies. (The Journal of Mental Science, juillet
1905,)
Non seulement la tuberculose trouve dans les asiles un terrain
tout préparé à favoriser ses ravages, mais au point de vue du pro-
nostic des maladies mentales, il est certain qu'elle active d'une
manière très appréciable la marche des cas aigus, surtout chez les
adolescents : il est donc nécessaire de ne jamais désarmer vis à-vis
d'elle.
L'auteur indique les moyens qui lui paraissent les plus utiles
pour combattre efficacement la maladie et qui sont relatifs d'abord
à l'examen du malade et à la constatation de son état bacillaire
à son entrée, et ensuite aux mesures intérieures propres à empê-
cher la propagation de la maladie. R. de MUSGRAVE CLAY.
XIII. - Notes sur la tuberculose dans les asiles ; par M. Georges
GREENE. (The Journal of mental Science, janvier 1906.)
On peut noter au passage dans ce travail plusieurs données inté-
ressantes ;on a soutenu que la mortalité par tuberculose dans les asi-
les était considérable, et cela est assurément vrai pour l'Irlande où
cette mortalité atteint 30 mais dans les asiles d'Angleterre
elle ne dépasse pas le pourcentage qu'elle présente dans la popu-
lation générale. Chez les aliénés, la mort par tuberculose est relati-
vement et absolument plus fréquente chez les femmes que chez les
hommes, différence qui pourrait s'expliquer par ce fait que chez les
hommes la paralysie générale, où la phtisie est rare, est la cause
d'un quart environ des décès. Un grand nombre des malades qui
meurent de tuberculose à l'asile étaient déjà tuberculeux quand ils
y sont entrés. Les symptômes cliniques et les signes physiques de
la tuberculose pulmonaire diffèrent chez l'aliéné de ce qu'ils sont
chez le malade ordinaire par des caractères importants ; il faut
donc une certaine expérience pour les découvrir et les interpréter.
L'amaigrissement et les modifications de l'état mental sont des si-
gnes d'une grande importance ; la fièvre est plus commune qu'on
ne le dit généralement ; elle est inconstante et irrégulière dans les
périodes de début ; la toux est rare le jour, plus commune la nuit
Archives, 3, série, MOT, l. 1. 23
434 asiles d'aliénés.
et le matin : l'expectoration est peu fréquente (les crachats étant
le plus souvent avalés) ; l'hémoptysie est rare. La diarrhée est un
signe incertain. En examinant un aliéné au point de vue de la tu-
berculose, il faut le considérer dans son ensemble,plulôt que de
s'arrêter avec complaisance à la présence ou à l'absence de certains
signes ou symptômes. Il. de MUSGRAVE CLAY.
IX. Sur les aménagements appropriés qu'il conviendrait de
fournir aux différentes formes de folie; par John MiLsoMRnoDEs
(The Journal of mental Science, octobre 1905.)
Suivant l'auteur, il faut, au point de vue des aménagements qui
leur sont nécessaires. diviser les aliénés en quatre groupes : 1° les
cas d'hôpital (infirmerie). 2° les cas chroniques dangereux ; 3° les
cas chroniques inoffensifs et capables de travailler ; 4° les cas chro-
niques inoffensifs et incapables de travailler. R. M. C.
X. Les tableaux statistiques; par CHARLES A. Mercier-
(The Journal of Mental Science, octobre 1904.)
Etude critique de la forme usuelle des tableaux statistiques en
matière d'aliénation mentale et proposition d'une classification
nouvelle. R. M. C.
XII. Courte histoire de l'hôpital Saint-Luc ; par WILLIAM
RawFS. (The Journal of Mental Science, Janvier 1904.)
Etude intéressante mais trop détaillée pour être utilement
résumée. R. M. C.
XIII. Description d'une addition à l'hôpital de Cheadle ; par
JORAN SUTOLIFF. (The Journal of Mental Science, avril 1904.)
Nous ne pouvons que mentionner ici ce travail qui en effet est
purement descriptif. R. M. C.
XIV. Causerie à propos de Gheel; par CONOLLY Norman. (The
Journal of Mental Science, Janvier 1904.)
Causerie variée et intéressante sur la célèbre colonie : nous ne
pouvons ici qu'en recommander la lecture. R. M. C
XV. Imbécillité mongolienne ; par C. H. Fenhell. (The
Journal of Mental Science, janvier 1904.)
Ce type, assez commun en Angleterre, se rencontre surtout
dans les institutions spéciales et à la consultation des hôpitaux
d'enfants. La littérature du sujet est maigre, et les descriptions du
type peu uniformes, peut-être parce que l'on s'entend assez mal
sur le degré de déviation des autres types d'imbécillité qui constitue
le type mongolien. L'auteur a examiné 21 échantillons bien carac-
térisés de ce type, et il donne de l'imbécillité mongolienne la défi-
asiles d'aliénés 135
nition suivante : un arrêt intra-utérin du développement physi-
que et mental, caractérisé par de la brachycéphahe, par une ten-
dance des tissus aux inflammations atones et chroniques et par
des particularités mentales caractéristiques. L'obliquité de bas
en haut des fentes palpébrales, le nez court et large, les pau-
pières ouvertes en avant sont des caractères fréquents et de va-
leur. La blépharite est commune, ainsi que le strabisme double
convergent et le strabisme simple. Les joues sont molles et bouf-
fies, et il est usuel d'observer une rougeur allant de l'os malaire à
la mâchoire inférieure et contrastant avec la coloration du reste
du visage. Les fissures transversales ou irrégulières de la langue,
l'hypertrophie des papilles sont des signes si fréquents qu'on serait
tenté de les considérer comme pathognomoniques. Les modifica-
tions de la voûte palatine sont à peu près constantes, mais pareil-
les à celles que l'on observe chez les autres types d'imbéciles.
Le type mongolien parait spécialement prédisposé au rachi-
tisme. La circulation est souvent défectueuse (engelures), les
malformations congénitales du coeur sont fréquentes. L'auteur
n'a pas constaté (au contraire) la diminution ni l'abolition des
réflexes profonds qui ont été signalés. Au point de vue mental
il n'a pas constaté que l'imbécillité atteignit un degré très élevé;
mais les aptitudes à être éduqué restent-elles aussi très peu éle-
vées, et les progrès sont lents et peu accusés, surtout en lecture et
en calcul. Quoiqu'on en ait dit,il est malaisé de leur enseigner la
propreté. En somme le mongolien est un enfant qui promet beau-
coup, mais qui tient peu et le pronostic en ce qui touche la menta-
lité doit toujours demeurer très réservé. R. de MUSGRA VB CLAY
1\'IL- Placement familial des vieillards et des infirmes;
par CARNOT. (Bulletin médical, n° 40, 1906.)
XVIII.-Sur l'emploi des cartes de mise en garde dans les asiles,
par J. Marna. (The Journal of Mental Science, avril 1904.)
Ces fiches sont destinées à mettre le personnel en garde afin
qu'il surveille d'une manière toute spéciale les aliénés qui ont des
tendances au suicide; elles sont particulièrement utiles dans les
grands asiles et lors des changements de quartier de certains alié-
nés. ' R. M. C.
IX. La surveillance des aliénés sortant des asiles sans fa-
mille et sans amis telle qu'elle est établie par la procédure
conditionnelle écossaise ; par J. CARLYLE JOH : 7STONE. (The
Journal of Mental Science, juillet 1904), ,
Examen critique de ces mesures faisant ressortir leurs avanta-
ges ot éventuellement leurs lacunes ou leurs inconvénients
430 asiles d'aliénés.
XX. Sur la possibilité de diminuer le nombre des aliénés par
voie législative; par M. W. Y. NOLAN. (The Journal of mental
Science, octobre 1906.)
L'auteur ne se dissimule pas que beaucoup des causes de l'alié-
nation mentale échappent nécessairement à l'influence de la lé-
gislation ; mais il pense néanmoins que la loi ne serait pas impuis-
sante à restreindre le nombre des aliénés, et il indique comme ca-
pables d'atteindre ce but les mesures suivantes : une meilleure
éducation physique et mentale des enfants ; l'enseignement aux
adolescents des lois psychologiques ; la réglementation par l'Etat
de la prostitution ; l'application de lois sévères sur la tempérance;
l'enregistrement des incapables mentaux ; l'interdiction des ma-
riages précoces et consanguins et des mariages des sujets dont la
santé mentale est atteinte ; la création d'un ministère de la santé
publique qui donnerait aux maladies mentales l'attention qu'elles
méritent ; l'organisation d'un laboratoire d'Etat en vue des re-
cherches de pathologie mentale. R. DE li1·URGRAVE CLAY.
XXI. La loi sur l'assistance des aliénés, son histoire et ses
résultats ; par le Dr ME au s. (Bulletin de la Soc. de médecine
mentale de Belgique,décembre 1906).
Après un exposé historique et critique du régime des aliénés
en Belgique, l'auteur proclame la nécessité de procéder à une
réorganisation complète de l'assistance de ces malades.
Deux catégories seulement d'aliénés doivent être désormais in-
ternés, c'est-à-dire placés dans des établissements fermés : les
curables et les dangereux.
Les incurables inoffensifs qui encombrent actuellement les
asiles devraient être placés, à frais moins élevés, soit chez eu\,
soit dans une colonie familiale.
Tout -médecin qui délivre un certificat d'aliénation mentale
devrait être à même de juger du traitement provisoire qui con-
vient dans chaque cas et son avis devrait être motivé dans le
bulletin de collocation. Le médecin d'asile, à son tour, devrait se
spécialiser dans sa besogne, être indépendant du propriétaire-di-
recteur et avoir un traitement fixe. Dans ces conditions d'auto-
nomie et de stabilité professionnelles, il classerait lui-même ses
malades suivant les besoins et les aptitudes de chacun. Il lui ap-
partiendrait en outre de désigner après observation suffisante les
malades qui rassortissent du régime do l'asile et ceux qui doi-
vent être placés dans les familles. C'est à lui également qu'il ap-
partiendrait de déclarer quels sont les malades valides qui
rendent des services suffisamment rémunérateurs pour dimi-
nuer leurs Irais d'entretien et quels sont les incurables qui evi-
sociétés savantes. 437
crent des soins plus spéciaux et par conséquent une journée
d'entretien plus élevée.
Il conviendrait aussi d'organiser sur de nouvelles bases l'ins-
pection des asiles et enfin les dépulations permanentes, de-
vraient veiller à la stricte observation des lois et des règle-
ments. G. Deny.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE . ¡I
Séance du 7 février 1907. PRÉSIDENCE DE JI. 13ABINSKi : !
Communication de M. 13ABINSKI sur deux cas de signe d'Ar-
gyll-Roberison sans lymphocytose du liquide céphalo-rachidien,
et qui s'ajoutent aux cas déjà relevés de tabès sans lympho-
cytose.
Présentation par 11\I. HAYMOND et (7PPEIST d'un homme de
32 ans. tabétique, qui présente peut-être, en plus de ses lésions
postérieures, une méningo-radiculite antérieure; il existe en
effet dans le territoire des deux dernières lombaires et delà
première sacrée des troubles moteurs à type radiculaire. Ils ont L
noté la lymphocytose du liquide céphalo-rachidien.
Poliomyélite d'origine traumatique.
)H1. OppERT et SCH;111ERGELD présentent un sujet de 23 ans,
peintre, atteint, la suite d'une chute,de paraplégie avec atrophie
et dégénérescence accentuée surtout au membre inférieur droit;
il n'y a pas de troubles de la sensibilité, pas de troubles sphinge-
tériens, pas de fièvre ni d'infection, pas de lymphocytose céphalo-
rachidienne. La syphilis est peu probable et le diagnostic se pose
entre le saturnisme et une poliomyélite d'origine traumatique.
Syndrome incomplet de paralysie pseudo-bulbaire.
Il. LAMY présente deux observations de sujets âgés, arté-
rioscléreux, ayant fait sans doute un petit foyer unilatéral du
noyau lenticulaire et occasionnel du syndrome bulbaire incom-
plet qu'ils présentent; il y a en effet absence de paralysie du
côté des membres, parésie du facial inférieur droit seulement,
avec intégrité du peaucier et disproportion entre les troubles
fonctionnels accentués et les signes vagues de paralysie glosso-
],Ibio-Ial,¥ngée. c D ">
43S ' SOCIÉTÉS SAVANTES
Paihogénie du tremblement mercuriel.
Présentation par JIM. GUILLAIN et LAROCHE de deux sujets
âgés, anciens doreurs sur métaux, ayant quitté le métier depuis
trente ans et présentant encore du tremblement mercuriel. Ils
ajoutent que, dans certains cas analogues, on a trouvé de la lym-
phocytose avec des traces de mercure dans le liquide céphalo-
rachidien ; d'après eux le tremblement mercuriel ne serait pas
d'origine hystérique, mais analogue à celui de la sclérose en
plaques, il aurait son origine dans des lésions cérébelleuses.
Les mêmes auteurs présentent aussi un ancien hémiplégique
syphilitique ayant présenté quatre ans après des phénomènes
tabétiques actuellement en voie d'évolution.
Opothérapie hypophysaire. ,
MM. LÉOPOLD Lévy et II. DE Iïotschild présentent trois
petits malades, dont deux idiots et un atteint de maladie de
Little, très améliorés par l'opothérapie hypophysaire ; ce traite-
ment n'est pas toxique. L'opothérapie hypophysaire et ovarienne
a donné des résultats analogues à MM. A. DELiLLEetC. VIN-
cent chez un sujet de 21 ans atteint de myasthénie bulbo-spi-
nale.
M. SiCARD a usé avec succès de l'opothérapie thymique.
Paraplégie et paralysie infantile.
M. CRouzoN présente un malade âgé de 40 ans, atteint jadis
do paralysie spinale infantile et qui présente des crises de para-
lysie passagère depuis l'âge de 18 ans. Il rapproche ces crises
spinales de celles qu'ont discutées MM. Ballet et Dutil.
Amyotrophie juvénile progressive.
Constatée par MM. LEJONNE et F. Rose sur un malade âge
do quinze ans, avec troubles des réactions électriques, exagération
des réflexes sans trouble de la sensibilité ; ils posent la question
d'une forme atypique d'atrophie du type Charcol-Marie.
MM. CLAUDE et F. Rose présentent une hystérique qui a des
crises convulsives avec hématémèses abondantes, et un cas de
néoplasme cérébral ayant débuté par une hémorragie, précédée
elle-même d'une hémianopsie comme unique symptôme, et sui-
vie du syndrome thalamique avec hémiplégie.
M. CLAUDE rapporte aussi le cas d'une épileptique dont l'aura
consiste en une sensation de fausse reconnaissance des objets
environnants.
Hémiplégie avec atrophie croisée du cervelet.
Observation présentée par NI. Thomas d'un vieillard hémi-
plégique du côté gauche avec lésions cérébrales du côté droit,
SOCIÉTÉS SAVANTES. in
mais atrophie des lobes quadrilatères du cervelet du côté gau-
che ; l'examen histologique des lésions est rapporté,
Ophtalmoplégie nucléaire chez un labélique.
Observation rapportée par MM. GRENET et'l'ANON.
Séance du 7 mars 190-1. - PRÉSIDENCE DE 11. DABINSKI,
/'o ! t<'ttCfp/KïHte ophtalmoplégie et paralysie bilatérale de la branche
motrice du trijumeau.
Il. LAnY, présente une femme atteinte d'ophtalmoplégie
double avec faciès d'llutchinson et paralysie bilatérale avec atro-
phie des masticateurs ; la constatation de l'abolition duréfleae Pa-
tcllaire etdu signe d'Argyll font diagnostiquer un début de tabes;
l'oplOalmoplégie double n'est pas rare au cours de cette affection,
mais la paralysie dans la sphère motrice du trijumeau est excep-
tionnelle.
M. Souques a vu récemment un cas analogue avec ophtalmo-
plégie externe bilatérale et paralysie du voile du palais.
Contribution au traitement thyroïdien des enfants arriérés.
MM. Léopold Lkvi et Il. de HOTSCHILÚ IH'ésimtent trois enfants
arriérés considérablement améliorés par ce traitement ; complè-
tement inéducables ils avaient dû quitter l'école ; soumis à l'o-
potltérapie thyroïdienne (cachet d'extrait total de 10 centi-r.),
ils ont présenté une diminution très prononcée du bégaiement,
de l'apathie et de tous les symptômes d'hypothyrofdie qu'on re
trouve si fréquemment dans les cas d'arriération mentale. Il con-
vient d'insister particulièrement sur l'importance, au poinlde vue
pédagogique, de-ce traitement thyroïdien dans le cas de bégaie-
ment.
Epuisement rapide de la sensibilité au contact et à la pression.
M. MAx'EGGER présente un travail fait dans le service du prof.
Raymond ; après avoir trouvé chez les sujets atteints de maladie
de Friedrcich diverses altérations do la sensibilité à la vibration,
ila fait des recherches analogues au point de vue de la sensibi-
lité au contact et, à la pression : la plupart des malades observés .
ont présenté un épuisement rapide ; ces troubles, qui affectent
une topographie radiculaire, sont assurément l'expression d'un
défaut de fonctionnement du cordon postérieur.
Paralysie faciale récidivante.
\I11. IIULT et LEJONNE, présentent un malade de 12 ans 1/2
atteint pour la troisième fois en quatre ans de paralysie faciale
du côté gauche. Les circonstances qui entourent la pathogénie de
ces récidives semblent prouver l'origine réelle infectieuse de la
440 sociétés savantes.
plupart des paralysies faciales dites a frigorc, théorie confirmée
parles recherches anatomiques de M. 1)l·,jérine.
Traitement des névralgies du trijumeau par les injections
profondes d'alcool.
)1.\1, [hUSS.\UD, Sicard el TAN ON, ont obtenu des résultats
encourageants par leurmétllode dont la technique opératoire est
le perfectionnement de celle do MM. Luvyet Roaudouin.
Un cas de maladie de Dercum.
MM. CROuzoNct Marcul Nathan lisent une note sur une ma..
lade atteinte de celle allection caractérisée par l'adipose des
membres inférieurs, dite en culotte de zouave et la douleur pro.
voquée par la palpation. Les troubles psychiques sont ici assez art.
ténués.
llcrèdo-ataxie cérébelleuse précoce.
lI\I ? ARIOT et CONNIOT présentent une enfantde douze ans et
demi atteinte de cette affection, avec des troubles auditifs intenses
laissant supposer une lésion profonde des noyauwditifs accom-
pagnant la dégénérescence de la partie postéro-latéralc du bulbe.
Polynévrite apoplectifol'me aoec association probable de
poliomyélite. '
Il. CLAUDE et CHARTIER, lisent l'observation d'une malade
de 17 ans frappée soudainement, après quelques jours d'état fé-
brile, de paralysie totale avec douleurs violentes ; il en reste ac-
tuellement une atrophie musculaire des quatre memhres : les au-
teurs posent le diagnostic de polynévrite associée peut-être à de
la poliomyélite.
Atrophie optique chez les hydrocéphales.
Présentation de pièces par M. liOCHON-DU1'rG : .AtiD.
Sitiomanie symptôme de psychose périodique.
M. GiLBERT 13\LI.F : T apporle uneobservalion à l'appui de deux
cas où il a cherché à prouver que la sitiomanie est une forme ,le
psychose intermittente, en particulier de mélancolie, plutôt
qu'une impulsion. M. Duré croit 1\ une -.impie association.
Un cas de tabes trophique.
)1. Gilbert lit l'observai ion d'un cas de tabes du service de
M. OUI.%IONT ayant débuté par une double fracture spontanée du
calcanéum.
1"aso et thermo asymétrie : dissociation syringomyélique de la
sensibilité dans deux cas de lésion pedonculaire et protubérantielle.
MM. Souques et CI.. rapportent deux cas sur celte
question;
/
bibliographie. 441 L
Un signe de paralysie organique du membre inférieur.
)1. t;RASSET (de Montpellier) fait une communication sur ce
point : il s'agit de la possibilité-de spulever isolément le mem-
bre paralysé avec impossibilité de soulever simultanément les
deux membres. z
Il'euro fibroniatose périphérique et centrale.
Communication de M. Roux (de Saint-Etienne).
M. GILBERT BALLET apporte un addendum à la séance du 7
janvier ; il s'agit d'un syndrome, caractérisé par des troubles
myotoniques de la musculature des yeux, de la langue et des
membres supérieurs survenus chez deux malades dont il fait la
présentation. ,1. Rolet. ' \
BIBLIOGRAPHIE
X. Les fibres myéliniques du cortex de l'homme, d'après le
. récent atlas du Dr Th. IinES, de Hambourg (1).
De tous les cléments anatomiques que le pathologiste a à consi-
dérer dans l'écorce cérébrale, les fibres myéliniques sont certai-
nement ceux dont l'examen méthodique est capable de fournir
les résultats les plus précis et les plus justement comparables en-
tre eux. On ne peut méconnaître les progrès accomplis pendant
ces dernières années dans l'étude du cytosome des cellules ner-
veuses, des fibres amyéliniques axiles et dentriliques, de la né-
vroglieet des éléments conjonctifs du cortex, mais l'interpré-
tation des lésions qu'ils peuvent présenter est particulièrement
délicate ; ces lésions sont en effet multiples elles manipulations
techniques, voire même les altérations spontanées, ont sur elles
une influence beaucoup plus considérable que sur celles des libres
myéliniques.
Il est vrai que pour ces dernières la technique à suivre n'est
pas sans présim ter mainte difficulté, surtout si l'on vise à mettre
en évidence les libres de tous calibres réparties de la surface à la
profondeur dans plusieurs régions de l'écorce, chez 'un même su-
jet, et, plus encore, si l'on veut avoir des résultats comparables
(I) Die G,'osshil'/Z1'inde des Menschen in ihrell Massen und in ihrem
Fasergehalt, par Th. Kaes, Allas de 79 planches avec courbes et
ligures schématiques, accompagné d'un volume de texte et de ta-
lilcaua. Edité par Gustave Fischer, léna. 190' ? :
442
bibliographie.
pour des cerveaux d'âges différents : l'affinité de la myéline pour
l'hématoxyline, la résistance aux agents de différenciation va-
rient pour chaque système, et même pour chaque région : seule
une longue pratique permet d'adapter à ces multiples conditions
naturelles les manoeuvres de décoloration les mieux appro-
priées, v
Quant aux difficultés qui surgissent une fois les préparations
obtenues, elles sont peut-être encore plus nombreuses malgré la
simplicité relative des lésions : celles-ci se réduisent à peu près
à la raréfaction ou à la disparition partielle ou générale de cer-
tains systèmes tangentiels bien définis et des libres situés dans
leurs intervalles. Mais la richesse et l'épaisseur de ces systèmes
varient considérablement pour chaque région ; elles changent
aussi suivant l'âge, quelque peu suivant la race. Enfin et surtout
surviennent les variations individuelles, si étendues que, si l'on
s'en tient à l'examen d'un petit nombre de cas, il peut fort bien
arriver qu'elles masquent ou défigurent complètement les varia-
tions d'autre ordre : celles-ci n'ont pu, en effet, être mises hors de
toute contestation que grâce à la comparaison d'un très grand
nombre de cerveaux.
Le Dr Kaes, dont les travaux, joints à ceux de ses élèves (Crüc-
kmann, etc.) ont répandu la plupart des donnéas certaines que
possède aujourd'hui la science sur les différentes questions envi-
sagées jci, -vient décondenser ses recherches antérieures dans
une importante publication, en les confirmant et les complétant
par l'examen d'un grand nombre de cas nouveaux. Son ouvrage,
de tous points remarquable, ne peut manquer de servir de point
de départ aux recherches ultérieures, tant à cause du grand nom-
bre de matériaux dont il contient la critique et la synthèse, que
par les conclusions que l'auteur a su en tirer et dont plusieurs
sont déjà universellement considérées comme de véritables lois.
L'anatomo-pathologiste y trouvera en nombre largement suffi-
sant les éléments de comparaison nécessaires à une interpréta-
tion juste de l'aspect des fibres mises en évidence.
Un programme invariable, établi depuis longtemps déjà par les
recherches préliminaires de l'auteur, guida l'examen de toute-; les
pièces, et l'exposé des résultats obtenus : division du cortex en
un certain nombre de régions dans l'étendue de chacune desquel-
les les fibres myéliniques n'offrent que des variai ions légères, et
que l'expérience a démontrées avoir des limites constantes et re-
lativement bien marquées, quoique toujours moins précises que
celles des territoires cytoarchitectoniques ; application à cha,
que région do la technique appropriée ; mensuration sur un
grand nombre découpes pratiquées dans chaque région des diffé-
rentes couches de libre, et de l'épaisseur totale de l'écorce dans
les portions superficielles et latérales des circonvolutions et
bibliographie. 443
dans le fond dessillons ; moyenne de ces mensurations et des
numérations des faisceaux des radiations médullaires.
La topographie- en surface fut ainsi fixée : l régions : frontale
antérieure, fr. pose. ; Fa. Pa ; opercule, insula ; régions tempo-
rale antérieure, temp. post. ; pariétale supérieure, par. inférieure ;
région occipitale, écorce visuelle ; gyrus fornicatus.
Pour la topographie en profondeur, l'autour adopta un type
moyen, facilement applicable à toute les variations locales et re-
présenté dans une ligure schématique.
Système superficiel :
Couche sans fibres.
C. zonale. -
cl pauci-cellulaire.
C. correspondant il c. Il etc. III de )Ieynert.
Système profond :
Strie externe de Baillarger.
C. intermédiaire.
Strie interne de Baillarger.
Fibres d'association du système profond.
Fibres arquées de lleynert ou fibne pi,opiit,.
Faisceaux radiaires de projection.
L'examen porta sur les deux hémisphères de 41 sujets ayant
de 3 mois à 97 ans, indemnes de lésion cérébrale, pour lesquels
l'auteur asoin de donner les renseignements utiles(poids des dif-
férentes parties de l'encéphale, cause de la mort, sexe, race, pro-
fession, état mental etc.). La méthode employée fut celle de \Vei-
gert, « méthode parvenue à un haut degré de perfection et qui,
bien employée, donne des résultats absolument positifs et régu-
liers », modifiée par l'auteur en 1902. /
De nombreux tableaux, accompagnés d'un texte explicatif qui
en fait ressortir les points saillants, donnentsous diverses formes
le résultat de toutes les opérations effectuées : épaisseurs moyen-
nes de chaque système de libres et de l'écorce (face superficielle,
faces latérales des circonvolutions, fond des sillons), nombre
moyen des faisceaux de projection pour toute la face externe de
chaque hémisphère de chaque sujet (tableau 2) : mêmes détails
pour chacune des 12 régions (tabl. 3 à 15) ; épaisseur moyenne
de l'écorce et de chaque couche de fibres etc. établie pour chaque
région de chaque hémisphère d'après l'ensemble des mensura-
tions effectuées sur tous les cerveaux examinés (tabl. 1G).
La partie proprement iconographique comprend la reproduc-
tion de chacune des 12 régions de chaque hémisphère pour les
41 sujets : indispensable à l'anatomo-patholo¡ ! iste qui ne pourra
guère, nous semble-t-il, se dispenser de s'y reporter, elle est réel-
lement intéressante à feuilleter à cause de la façon dont elle
melen évidence l'étendue des variations individuelles, lesquelles
44-1 bibliographie.
apparaissent d'autant plus nettement que plusieurs des sujets
examinés sont de même sexe, de même race, et à peu près do
même âge. ,
Enfin, l'auteur a eu sbin de synthétiser l'ensemble des résultats
obtenus par des tracés particulièrement destinés à faire ressortir
les variations d'après l'âge : les âges des 41 sujets examinés sont
reportés sur l'abscisse, et les épaisseurs mesurées dans chaque
hémisphère sont représentées séparément.
La disposition adoptée serait un peu complexe pour certains
tracés où un grand nombre de lignes se croisent ou se superpo-
sent, si la lecture n'en était facilitée par le tableau répondant à
chaque courbe et par les développements du texte explicatif. Elle
a du moins l'immense avantage de faire saisir à la fois les varia-
tions individuelles et les variations suivant l'âge, de montrer
leur importance relative et d'indiquer les limites au delàdes(luel-
les, toutes les conditions étant connues, on peut affirmer que
commence l'anomalie.
Une première série de 5 courbes (en noir), où les différences
régionales sont laissées de côté, donne successivement l'épaisseur
moyenne de l'écorce de la face externe dans les faces superficiel-
les et latérales des cire, et dans le fond des sillons, l'épaisseur
moyenne des deux systèmes (superficiel et profond), de la strie
externe de Raillarger, - de la couche zonale et de la ,ouche
paucicellulaire, enfin le nombre des faisceaux radiaires par mil-
limètre.
Une deuxième série de 10 courbes, où chaque région est repré-
tée par un trait d'unecouleur spéciale répète les mêmes données
pour chaque région en particulier : épaisseur totale dans le fond
des sillons, épaisseurs de la couche zonale, de la couche paucicellu-
laire et de la strie externe, etc. Dans tous les tracés, l'auteur a eu
soin d'exclure les grandeurs exceptionnelles toutenles indiquant
à leur place. En vérité, aucune de ces dispositions ne paraît injus-
tifiée ; la lecture des courhesen estsimpliliée et les faits généraux
ne rassortent que mieux. Quelques-uns de ceux-ci, sur lesquels
d'ailleurs l'auteur présente d'intéressantes considérations, sont
particulièrement frappants ; telle est (courbes 9, 10 et 15) la di-
minution progressivedu système superficiel, d'abord de beaucoup
le plus épais, au profit du système profond, qui, de 3 à 7 ans envi- i.
ron, présente une épaisseur à peu près égale à la sienne, puis pré-
domine définitivement 1. (jusqu'à l'âge ultime, ! )7 ans) en s'épais-
sissant légèrement, et présente une nouvelle tendance à l'égalité
d'épaisseur vers Il ? 5;') ans. Ce fait intéressant, « point nodal des
mensurations » (p. 45), vaguement mentionné par les traités
classiques, d'après les travaux antérieurs du ]Jr Kaes, est main-
lenant au-dessus de toute objection. L'auteur le rapproche judi.
vicieusement de celle autre donnée plus générale, que le cortex
' bibliographie. 445
est d'autant moins épais qu'il est plus avancé en développement
et plus riche en libres myéliniques; ce principe s'applique non
seulement à l'évolution normale, mais encore à celle qui est
troubleedans sa marche ou qui''Subit un arrêt prématuré : l'écorce
des dégénérés inférieurs, des hommes des races primitives se
rapproche en cela, comme par beaucoup d'autres détails, de celle
de l'enfant. Je ne suivrai pas l'auteur dans les longues considé-
rations embryologiques par lesquelles il explique et développe
ces assertions : je voudrais seulement avoir su montrer avec quel
art il a groupé la masse de faits nouveaux qu'il apporte, et qui
par eux-mêmes s'imposeraient à l'attention, de manière à faciliter
l'assimilation et l'application à des recherches pratiques des lois
générales qu'il'en a tirées. Ch. Donne.
XI. De la Pathologie nerveuse et mentale chez les anciens
hébneuxet dans la race Juive. Th. Paris 1907, par le Dr VULFING-
LUER.
L'étude clinique de la pathologie nerveuse et mentale des Juifs
n'existe pas encore ; et tous les travaux que l'on peut consulter
sur ce sujet ne sontétablis que sur des statistiques dressées dans
les services et asiles. Les Juifs semblent être peu sujets aux lé-
sions organiques du cerveau et de la moelle. Par contre, les lé-
sions fonctionnelles du cerveau et de la moelle, notamment les
névroses (surtout l'hystérie et la neurasthénie) et les psychoses
se rencontrent très fréquemmentchez les Juifs, et dans des pro-
portions plus fortes que chez les autres peuples. Les névroses des
Juifs ne semblent pas présenter de caractères spéciaux et les
symptômes observés sont ceux qui sont décrits chez les auteurs.
Quant aux troubles mentaux, ils paraissent offrir un pronos-
tic plus sombre chez les Juifs. En tous cas, ils sont prédisposés à
la folie et à la paralysie générale. Il semble que l'on puisse ratta-
cher ces prédispositions àcei-tains caractères de la race,tenant à
la consanguinéilé si équente des mariages, aux professions com-
merciales et intellectuelles vers lesquelles elle s'oriente le plus
souvent, à son genre de vie dans les agglomérations et au sur-
menage cérébral et psychique qui en est le corollaire.
Peut-être pourrait-on dire que les persécutions auxquelles la
race fut en butte de tous temps, et l'isolement dans lequel les
Juifs furent tenus de vivre, sont les deux causes essentielles qui
dominent celle étiologie. J. BOLET.
VARIA'
Concours DU 1 mars 1907 pour l'emploi DE médecin-adjoint
DES ASILES PUBLICS D'ALENES.
Questions traitées : 1° Epreuves écrites. Anatômic et physio-
logie du système nerveux : Nerf optique (anatomie et physiolo-
gie). Administration : Delà responsabilité des médecins direc-
teurs et des médecins en chef des asiles publics d'aliénés dans les
cas de suicide, d'évasion ou d'accidents graves. 2° Epreuves
orales : 1° Pneumothorax (étiologie, signes, diagnostic et traite-
ment) : 2°anurie (causes, signes, diagnostic) ; 3° accidents de la
lithiase biliaire ; 4° fractures de la base du crâne (signes, dia-
gnostic).
Le concours d'adjuvat des médecins des établissements d'alié-
nés s'est terminé le 19 mars 1907. Les candidats reçus sont, sui-
vant l'ordre de classement : MM. Charpentier, Dupuy, Allies,
(Seine) ;Audemard, Carrier (tthône) : Courson, Alaize (Seine) ;
Robert (Gironde) ; Ilougean (llaute-Garonne) ; Olivier (Loir-el-
Cher) ; Arsimoles (Lot). D'après des renseignements puisés à
plusieurs sources, les épreuves, d'une façon générale, auraient
été excellentes.
Asiles d'amenés. Mouvement d'uvril 1907. M. le 1)'' MA-
12ANDON DE \loN-rvL : L, médecin en chef de l'asile des aliénés 'le
Ville-Evrard, est admis à faire valoir ses droits à la retraite, et
est nommé médecin en chef honoraire des asiles publics d'alié-
nés. M. le Dr Bou ORlE. médecin en chef de l'asile d'aliénés
de Maison-Blanche, est nommé médecin en chef de l'asile (I'ali6-,
nés de \'ille-1 ? rard. M. le Dr TRENEL, directeur médecin du
l'asile de Moisselles (S.-et-U. ), nommé médecin en chef de l'asile
de Maison-Blanche. M. le Dr LEROY, médecin-adjoint à l'a-
gile de Ville-Evrard, nommé directeur-médecin à l'asile de Mois-
selle. M. le Dr Roques du Fursac, médecin-adjointà Cler-
munt (Uie), nommé médecin-adjoint iL \ïlle-I1'I'ard.
Sont nommés médecins-adjoints des asiles publics d'aliénés a
la suite du concours de mars 1907 : MM. les Dr' CHARPENTIER
appelé au poste de Saint- Venant (Pas-de-Calais) ; Dupouv,main-
tenu comme chef de clinique des maladies mentales à l'Asile cli-
nique (Seine) ; I\LBHS, appelé au poste de Saint-Dizier (Haute-
Marne) ; AI1DEMARD, maintenu dans ses fonctions d'inspecteur
des asiles privés du I\I11JIW; Carrier, maintenu dans ses lonc-
Lions à la Maison de Santé de Saint-\'incent-de-Paul à Lyon;
Alaize, mis en disponibilité sur sa demande ; Courbon, appelé
un posle de Saint-Venant (Pas-de-Calais) ; Robert, appelé au
FAITS DIVERS. 147
poste delà Roche-Gandon (Mayenne) ; Rougean, appelé au poste
de Cassons (Sa\oie); OLIVIER,* appelé au poste .le Saint-l'lie
(Jura) ; Arsimoles, appelé au poste de Leyme (Lot).
Mouvement de mai 1907. M. le no CttocRL.w, médecin en
chef l'asile d'aliénés de Ilailleul (Nord), nommé médecin enchef
à l'asile de Lommelet (Nord), poste créé. M. le D'l'smwoL,
médecin-adjoint l'asile d'aliénés de la Charité nommé
médecin en chef à Bailleul. - M. PLANTIE, nommé directeur de
l'asile d'aliénés de Clcrmont (Oise), en remplacement de M.
Maille. M. le Dr MIGNOT, nommé médecin en chef de la Mai-
son Nationale de Charcnton. en remplacement de M. le Dr ,\1'-
THEAUME, nommé médecin en chef honoraire. M. le Do IlODIE1;.
medecin-adjointuMonIdovergues (Vauclusc), nommé, en la même
qualité, à r.lel'l1lOnt (Oise). M. le 1)' COULVYJOU, médecin-ad-
joint à Craqueville (Haute-Garonne), promu à la classe excep-
tionnelle du cadre.
FAITS DIVERS
I)1SIINCTIO\S honorifiques. - J[ai 1907. Médaille d'argent
de l'Assistance publique : Mlle 1)ELAU.tI' (Joséphine), gardienne-
inlilmière à l'asile d'aliénés de dois (Loir-et-Cher). Médailles
de bronze de l'Assistance publique : Mme 1)ELECHOTTE (Emi-
lienne), infirmière en chef à la Maison Nationale de Charenton ;
Ille Marchai. (Amélie), infirmière en chef à la Maison Natio-
nale de Charenton ; )llle Marchai. (Fmnl;'oise), infirmière à la
Maison Nationale de Charenton.
Asiles de la Seine. Concours DE l'Internat EN médecine
(1907). Le Concours s'est ouvert le S avril à 2 heures, pour huit
places vacantes. I)ouze candidats s'étaient faitinscrire, mais onze
seulement ont répondu à l'appel de leur nom. Il été procédé
dans cette séance à la première épreuve écrite sur un sujet de
pathologie interne et de pathologie externe (médecine et chirur-
gie). Les candidats ont eu à traiter : Gangrène pulmonaire.Rcten-
tion d'urine. Les questions restées dans l'urne étaient : Com-
plications de la rougeole et Symptômes, diagnostic el traitement
du mal de Pott ; Diagnostic des ictères et fracture du col chirur-
gical du fémur.
I,e 17 avril, il 1ll'lé procédé à la oc épreuve écrite sur un sujet
d'anatomie et de physiologie du système nerveux. Les onze can-
didats ont eu à traiter : Artères cérébrales. Les questions restées
dans l'urne étaient : Cordons postérieurs de la lII'1elle : méninges
crâniennes. v
448 faits divers.
La question de garde que les candidats ont eu à traiter était :
Corps étrangers des voies digestives et aériennes supérieures. Les
deux questions restées dans l'une étaient : Métrorrhagies, Coma.
domination des Internes en médecine des asiles, titulaires et pro-
visoires en 1907 : Internes titulaires : sont nommés : MM. Gelrr.a,
Mignard, Courjon, Courilhet, Guichard, Vieux-Pernon, Cuissot,
Foret. -
Interne provisoire : M. Crinon, pour la titularisation duquel
.le Jury aémis un '% (eu si un poste d'interne titulaire vient autre
vacant avant le le, mai 1908.
Hôpital DE la PiTIÉ. Afa/atS nerveuses. M. le Dr DABINSKI,
médecin de l'hôpital de la Pitié, reprendra ses conférences cli-
niques sur les maladies du système nerveux le samedi 4 mai
1907, à 10 heures et demie du matin, et les continuera les sa-
medis suivants à la même heure.
HOSPICE DE la Salpétrière. -- Le Or Oi1.NV commencera le
dimanche 26 mai à 10 heures (section Ilamhuteau) une nouvelle
série de conférences cliniques sur les maladies mentales elles
continuera les dimanches suivants à la même heure.
Hospice DE Bicètre (Fondation Vallée). M. DOURE\'II.I.E,
Visite du service (gymnastique, travail manuel, écoles et pré-
sentation de malades) le samedi à 10 h. très précises. Consulta-
tions mJdico-pédagogiques, gratuites pour les enfants indigents
atteints de maladies du système nerveux, le jeudi à ! ) It. 1/2.
On] peut se rendre à la Fondation par les tramways de Mont-
rouge, par les tramways de la Porte d'Orléans à Vincennes (Mé-
troltulilain); arrêt route de l'llay. La Fondation està 500 mètres
de cet Arrêt.
Cours d'Electrothérapie et de Radiographie. (Ecole pra-
tique de la Faculté). Le docteur FOYE \U de COURII : Ll.ES, lau-
réat de l'Académie de médecine, licencié ès sciences physiques et
naturelles, reprendra son cours d'Electrothérapie et de Hadiologie
le lundi 15 avril, à six heures du soir, à l'Ecole pratique de la
Faculté de médecine de Paris, amphithéâtre Cru 1'eilhicl', et le
continuera les lundis à ü heures.
Programme du Cours : Electrolyse médicamenteuse et Ions. -
Elat colloïdal. Radioscopie. Radiographie el radiothérapie.
- Lumière et photothérapie. - Yibrothérapie. - Radium et
radioactivité.
Le rédacteur-gérant : l3oumOEvlLLE.
Clermont (Oise). Imp. DAIX frères et I'IIIRON.
Vol. 1. 3e Série. Juin 1907. N° 6
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
Hystérie et sommeil
(Théorie physiologique de l'Hystérie. (Suite et fin). '
Pau le D' Paul SOLLIER.
La définition suivante, que j'ai proposée de l'hystérie,
paraît donc répondre aux différents points de vue aux-
quels on peut se placer dans son étude :
L'hystérieest un trouble physique fonctionnel du cer-
veau, consistant dans un engourdissement ou un sommeil'
localisé ou généralisé, passager ou permanent, des centres
cérébraux, et se traduisant, par conséquent, suivant les cen-
tres atteints, par des manifestations vaso-motrices ou tro-
phiques, viscérales, sensorielles et sensitives, motrices et
enfin psychiques, et, suivant ses variations, son degré et sa
durée, par des crises transitoires, des stigmates perma-
nents ou des accidents paroxystiques. Les hystériques con-
firmés ne sont que des vigilambules dont l'état de sommeil
est plus ou moins profond, plus ou moins étendu (1).
Je n'ai rien à changer à cette définition que j'ai donnée
il y a dix ans et que les faits que j'ai observés moi-même
ou qui ont été observés par d'autres auteurs ayant ap-
pliqué mes méthodes et refait mes expériences ont con-
firmée. Je devrais cependant y ajouter quelque chose,
c'est que tous les centres cérébraux étant doués d'irrita-
bilité, toute diminution de cette irritabilité amène une
(1) Pour qu'il y ait vigilambulisme,il faut que toute la corticalilé
soit prise, ce qui n'est le cas que des grandes hystériques a manifesta-
tions multiples et généralisées : dans les cas plus légers il n'y a pas de
vigilambulisme, il n'y a que des états d'inhibition, de sommeil, par-
tiels, atteignant seulement certaines parties de l'écorce cérébrale.
A;cames, 3° série, 1907, t. I. 29
450 CLINIQUE NERVEUSE.
modification de la sensibilité objective et subjective, et
que, quelles que soient les fonctions atteintes, la sensibilité
de la région où s'exerce cette fonction est fatalement et
immédiatement modifiée. Les troubles de la sensibilité
tant objective que subjective sont donc constants et
leur absence dans un trouble d'une fonction quelconque
suffit à écarter l'idée de toute origine hystérique. L'anes-
thésie à tous les degrés est le véritable sigillum hyste-
rioe, car elle traduit exactement l'étendue et l'intensité
de l'inhibition cérébrale.
Prenons, en effet, un centre cérébral quelconque et
supposons-le frappé d'un état d'inactivité présentant
toute une gamme de degrés d'intensité, sujet à des aug-
mentations et des diminutions sous diverses causes,ou à
une fixité de durée indéterminée. Que va-t-il se passer
dans la sphère somatique sous la dépendance de ce cen-
tre ? Tout d'abord la fonction organique en rapport avec
ce centre va se trouver diminuée, et, suivant le rôle du
centre cérébral intéressé, nous observerons des troubles
de sensibilité, de motricité, ou des troubles sensoriels,
cénesthésiques et vaso-moteurs.Par suite de la réparti-
tion des centres intéressés, par suite de leur nombre plus
ou moins grand, nous allons avoir une variété infinie de
combinaisons de troubles hystériques, d'où l'apparence
de fantaisie, d'irrégularité de l'hystérie. Mais si l'hystérie
présente,en effet,des aspects multiples, des variétés en
nombre indéterminé, chaque trouble individuellement
présente au contraire un déterminisme remarquable.
Mais ce n'est pas tout, non seulement l'hystérie revêt
des aspects multiples, mais encore chaque trouble pris
en particulier présente des degrés divers qui ont l'air de
compliquer les choses. A chaque degré d'engour-
dissement d'un centre donné correspond.en effet, objec-
tivement et subjectivement une manifestation spéciale.
D'où la nécessité de considérer encore,pour cette raison,
chaque centre fonctionnel individuellement dans l'ap-
préciation de l'état hystérique général qui n'est que la
sommation, en quelque sorte, ou la synthèse de tous ces
troubles localisés.
Enfin ce centre atteint l'est tantôt d'une façon per-
manente, et alors tous les troubles objectifs et subjectifs
HYSTÉRIE ET sommeil.. 451
qui en résultent, dans le domaine somatique comme dans
le domaine psychique, sont permanents, et c'est à ces
troubles permanents qu'on donne le nom de stigmates ;
il l'est tantôt d'une façon passagère et s'accompagne
alors de réactions transitoires, paroxystiques, dont il
faut distinguer d'ailleurs celles qui tiennent à l'envahis-
sement du centre par l'engourdissement, l'inhibition, et
celles qui sont dues au retour de son fonctionnement
normal. Ce sont ces dernières qu'on obtient quand on
procède au réveil dans un but thérapeutique. Au cours
de l'hystérie on comprend que l'on peut voir certains
centres présenter un état permanent et certains autres
présenter des variations pouvant aller jusqu'au retour
normal de la fonction sous des influences diverses, d'où
les changements d'aspect du malade, et les accidents
qu'il présente successivement et dont l'enchaînement
paraît incohérent si on ne tient pas compte de cette no-
tion fondamentale : que l'hystérie, dans son ensemble,
n'est qu'une agglomération d'états hystériques locaux.
Faute de cette notion, on est complètement déconcerté
en présence de ce protée, qu'on a cru insaississable, de
l'hystérie, tout simplement parce qu'on l'a considérée
comme une maladie frappant le cerveau dans son en-
semble, alors qu'en réalité chaque centre fonctionnel^
agit jusqu'à un certain point individuellement. Il faut
tenir compte évidemment, à un moment donné, des
interactions des centres entre eux, mais si cela complique
le problème, cela ne change en rien la nature et le méca-
uisme fondamental des troubles (1).
(1) On a trouvé que j'exagérais le déterminisme des centres céré-
braux. Cependant de deux choses l'une : ou l'on admet les localisa-
tions cérébrales, et alors il est naturel d'admettre que les centres corti-
caux, qui constituent le point d'arrivée et de départ des fibres de pro-
jection, doivent entraîner des troubles de la périphérie s'ils sont modi-
fiés dans leur activité, d'une part, et que, d'autre part, les troubles cons-
tatés à la périphérie doivent être rapportés à des modifications des
centres fonctionnels ; ou on n'admet pas les localisations cérébrales,
et alors je ne peux m'expliquer comment l'esprit peut agir sur la péri-
phérie sans passer par les fibres qui la relient au cerveau, sans se sou-
mettre en un mot aux voies physiologiques de la motricité et de la sen-
sibilité. Ce qu'on pourrait me reprocher,c'est d'avoir paru donner une
importance trop grande et une délimitation trop précise aux centres
corticaux. Mais je me permettrai de faire remarquer que j'ai parlé de
centres fonctionnels, et que depuis longtemps je soutiens que les cen-
tres cérébraux sont avant tout des centres dynamiques. Leur siège,
452 clinique NERVEUSE.
Les phénomènes psychiques de l'hystérie sont, on le
conçoit, avec cette manière de voir, éminemment va-
riables, et suivant la part que lapsychicité a dans la
fonction du centre intéressé, et suivant le degré auquel
ce centre est atteint. Il y a lieu d'ailleurs de considérer
deux ordres distincts dans les troubles psychologiques
hystériques : d'une part ceux qui tiennent à la diminu-
tion et à la perte de la fonction de tels ou tels centres
psycho-moteurs ou psycho-sensoriels, ou cénesthési-
ques (dont l'importance est si considérable dans la for-
mation de la personnalité) ; et d'autre part ceux qui ré-
sultent de l'envahissement des centres psychiques eux-
mêmes par l'engourdissement hystérique. C'est ce qui
nous explique que certaines hystériques ne présentent que
très peu de phénomènes psychologiques, alors que d'au-
tres présentent de très gros troubles psychiques.
Si donc l'état hystérique consiste dans un trouble loca-
lisé d'un ou plusieurs centres du cerveau, et que la plus
grande hystérie ne soit jamais que la généralisation
d'états locaux, si, comme je le soutiens, ce trouble hys-
térique consiste dans un état d'engourdissement, d'in-
hibition, de sommeil et il reste à déterminer quelle
espèce de sommeil-on comprend qu'il n'y ait aucune
leurs délimitations anatomiques, leur unicité même ou leur multipli-
cité pour une seule fonction, n'ont aucune importance dans la ques-
tion,qui se résume à ceci : les troubles fonctionnels observés dans l'hys-
térie sont-ils liés à une modification des centres corticaux tenant les
différentes fonctions sous leur dépendance, ou en sont-ils indépen-
dants, et dans ce dernier cas comment se fait le passage d'une repré-
sentation mentale, suggérée ou non, à un phénomène somatique ?
Il faut prendre garde, en effet, en laissant de côté toutes les notions
physiologiques, aux conséquences que cela peut avoir, de même
qu'en énonçant une théorie psychologique il faut penser à ce que les
mots recouvrent, et se demander ce que représentent exactement les
mots image, représentation, suggestion, autosuggestion, conscience,
personnalité, sur lesquels l'accord est encore bien moins fait que sur la
définition de l'hystérie. Nous savons un peu mieux ce qu'est un centre
cortical, ce que sont les fibres nerveuses qui le relient aux organes pé-
riphériques ; nous savons un peu mieux quelles sont les réactions mo-
trices et sensitives de l'activité ou de l'arrêt, encore que nous igno-
rions exactement ce que c'est que l'activité nerveuse elle-même, que
nous ne pouvons que comparer à d'autres activités physiologiques et
biologiques.
Je me suis demandé si certains troubles hystériques ne pouvaient
pas résulter de l'inhibition, de l'engourdissement de la moelle ou des
nerfs ; mais je n'ai jamais rencontré aucun fait permettant de justi-
fier cette hypothèse, et, pour ma part, les troubles hystériques sont ex-
clusivement dus à des modifications de l'activité corticale.
hystérie et SOMMEIL. " * 453
différence de nature, malgré une différence considéra-
ble d'aspect, entre une manifestation hystérique loca-
lisée à une fonction quelconque, si tant est qu'il y ait
jamais une hystérie moriosymptomatique et un état
de vigilambùlisme complet avec toutes les manifesta-
tions les plus variées, les plus variables aussi, permanen-
tes ou paroxystiques, de l'hystérie. Dans un cas il y a un
engourdissement.localisé, dans l'autre il y a un engour-
dissement généralisé. Entre les deux il y a une foule de
degrés, mais la nature fondamentale du trouble hysté-
rique est toujours la même naturellement.
Je dis que l'état hystérique est une sorte de sommeil
des centres fonctionnels du cerveau. Avant de voir en
quoi peut consister ce sommeil et comment il peut se
produire je dois dire quelques mots des procédés de
réveil..Ils dépendent dans une certaine mesure de la
cause du sommeil lui-même, mais leur fond commun est
le rétablissement des fonctions, et à ce dernier point de
vue il y a une série de petits moyens sur lesquels je n'ai
pas à insister ici et que j'ai indiqués ailleurs dans les plus
grands détails (1). Par exemple, un sujet épuisé, amai-
gri, comme les anorexiques, se réveillera sous l'influence
de l'isolement, de l'alitement et de la suralimenta-
ton. Un autre, atteint par une émotion morale, avec une
idée fixe concomitante de son état somatique fixe,pourra
se réveiller sous l'influence de procédés psychiques, de
représentations normales ramenées par une rééducation
psychique (méthode psychothérapique proprement dite),
ou, si les troubles somatiques concomitants sont accessi-
bles, comme une contracture ou une paralysie, la réédu-
cation fonctionnelle, en rétablissant le fonctionnement
du centre psycho-moteur, amènera en même temps la
disparition de l'idée fixe née au même titre que la con-
tracture ou la paralysie. Si l'état est plus ancien, si l'hys-
térie est plus généralisée, ces procédés seront ordinaire-
ment insuffisants,il faudra recourir à des méthodes gêné-,
raies : isolement, alimentation, et mécanothérapie géné-
rale (non plus seulement rééducation localisée). Enfin,si
on a affaire à un cas de vigilambulisme, le réveil dans
l'hypnose se trouvera indiqué conjointement à la méca-
(1) Voir : L'hystérie et son traitement». F. Alcan, 19ùl.
454 CLINIQUE NERVEUSE.
nothérapie. C'est alors qu'on assistera à ces phénomènes
si curieux de régression de la personnalité que j'ai étu-
diés en détail et qui permettent de mettre en évidence
l'enchaînement de tous les troubles hystériques, soma-
tiques et psychiques, depuis les phénomènes les plus
élémentaires comme l'anesthésie cutanée, jusqu'aux
plus complexes, comme le sentiment de la personnalité
physique et du moi moral et intellectuel. '
Notre théorie a, en effet,cet avantage de concilierles
différentes méthodes thérapeutiques qu'on a vantées
de façon trop exclusive, mais qui ont toutes et leur rai-
son d'être et leur application suivant les cas, en tenant
compte soit de la cause de la maladie, soit de son évo-
lution actuelle, soit de son étendue ou de sa profondeur.
Tous les centres cérébraux ne participent pas au mê-
me titre à la fonction psychique du cerveau. 11 est donc
naturel que certains réagissent plus aux excitations psy-
chiques, et d'autres aux excitations sensitives, ou sen-
sorielles, ou cénesthésiques. Il est encore rationnel,
lorsque toute la corticalité est atteinte, et qu'il est dif-
ficile de déterminer la prédominance du trouble sur tel
ou tel point d'autant qu'il faut tenir compte non
seulement de l'état actuel, mais de l'évolution anté-
rieure de s'adresser à des méthodes générales d'exci-
tation du cerveau.
Cette excitation peut être produite de deux façons :
par la périphérie mécanothérapie, et excitations sen-
sitives et sensorielles qui sont moins efficaces ; par le
centre, c'est-à-dire par la psychothérapie sous toutes les
formes. Il est absurde de se priver de telle méthode ou
de telle autre. On doit employer la méthode périphéri-
que et la méthode centrale concurremment : mais les
phénomènes psychologiques étant la conséquence de
l'état cérébral et non sa cause,et n'étant pas constants,
il est plus logique de commencer parla méthode périphé-
rique vraiment physiologique -, avant de recourir
à la méthode centrale psychologique, - dont on peut
souvent se passer,d ailleurs,après l'emploi de la première,
ou qui ne lui sert que de complément, de perfectionne-
ment. ,
Et maintenant, j'en reviens à ma théorie du trouble
HYSTÉRIE ET sommeil. 455
primitif de l'hystérie constitué par une sorte de sommeil
des centres cérébraux, d'engourdissement cérébral. Pour
le dire je m'appuie sur ce fait, sur cette expérience de
Chacrot, reprise, répétée et complétée par moi, du réveil
des hystériques vigilambules. Je ne sais comment appe-
ler autrement que sommeil, l'état où se trouve plongé un
individu présentant une série de troubles somatiques et
psychiques, lorsqu'en enjoignant à cet individu de se
réveiller, \\ sort de cet état et cesse de présenter ces trou-
bles,- je ne sais pas comment appeler autrement que
sommeil, l'état dans lequel cet individu était plongé
quand, après son réveil, il se trouve ramené à l'époque
où il a commencé à y tomber. Il n'y a, en effet, là qu'une
question de différence dans la durée de son état, entre
un dormeur qui serait resté endormi pendant 48 heures
consécutives et qui en se réveillant, se croirait non pas
le surlendemain, mais le lendemain du jour où il s'est
couché et endormi.
Chez l'hystérique ce n'est pas par jours que se compte
la durée du sommeil, mais par années, comme en témoi-
gnent les nombreux cas de vigilambulisme que j'ai rap-
portés, avec des régressions de la personnalité à 10, 20,
30 ans et plus en arrière. Et j'ajoute que ces régressions,
ne se produisent pas seulement chez les grandes vigilam-
bules et sous l'influence du réveil dans l'hypnose ; elles
se produisent partiellement ou sous forme de rêves,
de retours inopinés et spontanés de souvenirs,chez tous
les grands hystériques à manifestations multiples à la
fois somatiques surtout viscérales et cénesthésiques
et psychiques.
Je dis qu'un individu qui,plongé dans un état anormal,
redevient normal quand on lui ordonne de se réveiller
ou qu'on emploie des excitations habituelles dans ce but
concurremment avec cette injonction, est un individu
qui dort. Et comme, en étudiant toutes les dégradations
de cet état, toutes ses variétés, on constate que l'on passe
par des transitions insensibles de ce trouble général
aux troubles les plus limités et les plus localisés, que
ceux-ci disparaissent par des excitations analogues aux
excitations générales employées pour le réveil des vigi-
lambules, et que les réactions provoquées par ces excita-
456 CLINIQUE nerveuse.
tions locales dans des cas de troubles localisés sont iden-
tiques à celles qui se produisent sous l'influence du réveil
général chez des vigilambules, je me crois en droit d'af-
firmer que le trouble local, comme le trouble général, est
de même nature et consiste essentiellement dans une
sorte de sommeil des centres cérébraux.
Mais quel est ce sommeil ? J'ai fait à ce sujet diver-
ses hypothèses et je préfère avouer tout de suite que je
n'en sais pas plus là dessus que sur le sommeil hypno-
tique lui-même. On m'a cependant fait certaines criti-
ques qui m'amènent à revenir sur cette question.
M. Claparède (de Genève), m'ayant particulièrement
combattu sur ce point - et même avec un « acharne-
ment » qu'il me reprochait à tort à l'égard de M. Pierre
Janet, je prendrai ses objections pour base à mes répon-
ses. Il les a formulées dans un mémoire publié en 1905
dans les Archives de Psychologie et ayant pour titre :
« Esquisse d'une théorie biologique du sommeil.». Je me
garderai bien de critiquer cette théorie, qui consiste à
regarder le sommeil comme une réaction de désintérêt,
comme une fonction de défense qui nous empêche d'airi-
ver à l'épuisement du cerveau. «Nous ne dormons pas parce
que nous sommes intoxiqués, nous dormons pour ne pas
l'être. » Comme il y a déjà une respectable quantité de
théories du sommeil, dont aucune n'est démontrée ni sa-
tisfaisante, il n'y a pas grand inconvénient à en imaginer
une de plus.
Mais dans la seconde partie de son mémoire, M. Cla-
parède consacre un long chapitre à une étude comparée
de l'hystérie et du sommeil, dont la conclusion est une
théorie de l'hystérie considérée comme une manifesta--
tion de même ordre que le sommeil, suivant sa définition
nouvelle. Notons donc immédiatement que, pour M. Cla-
parède comme pour moi, l'hystérie est une sorte de som-
meil. Cela ne l'empêche pas' cependant de critiquer vive-
ment ma théorie. D'ailleurs, celle de M. P. Janet ne
trouve pas plus grâce*, devant lui ; il ne lui reconnaît pas
plus de^valeur explicative qu'à la mienne. Cela ne l'em-
pêche pas davantage de l'utiliser pour appuyer la sienne,
en prenant pour base une,une seule des différentes inter-
prétations psychologiques de M. Janet, la distraction.
HYSTP-l 11-- ET SOMMEIL. 457
Il ne voit dans l'hystérie qu'un phénomène de distrac-
tion, de désintérêt, tout comme dans le sommeil.L'hys-
térie est donc.un phénomène comparable au sommeil
naturel, du moins compris'à sa manière.
Or cette conclusion paraît bien singulière quand on le
voit ensuite me reprocher-à tort du reste-d'avoir con-
fondu le sommeil cérébral, cause de l'hystérie, avec le
sommeil naturel. Sentant la contradiction, il écrit : « Mon
intention n'est pas de reprendre à mon compte l'hypo-
thèse de Sollier, en substituant à la sienne ma concep-
tion du sommeil. Non, comme je l'ai dit tout à l'heure, je
crois qu'il n'y a aucun profit à identifier des phénomènes
manifestement différents, et qu'il ne faut les rapprocher
que pour pouvoir mieux noter quels en sont les points
qui ne se recouvrent pas. Lorsqu'on a dit que l'hystérie
est un sommeil on n'a rien gagné du tout, car il reste en-
core à déterminer quelle sorte de sommeil, ce qui différen-
cie l'hystérie du sommeil normal. Et c'est là toute la
question. » Mais où M.Claparède prend-il que j'ai iden-
tifié l'hystérie avec le sommeil normal ? J'ai dit un som-
meil et noir le sommeil ; j'ai même ajouté, pour bien
montrer qu'il s'agissait d'autre chose que du sommeil
normal, naturel, un engourdissement. Si quelqu'un iden-
tifie l'hystérie et le sommeil naturel, il me semble que
c'est M. Claparède, et cela en se basant sur un carac-
tère inconstant et non fondamental de l'hystérie, en face
d'une hypothèse des plus contestables du sommeil na-
turel.
Je n'ai ni identifié ni comparé le sommeil du cerveau
dans l'hystérie au sommeil naturel. M. Claparède pré-
tend qu'on n'a rien gagné du tout quand on a d t que
l'hystérie est un sommeil. Je lui demande bien pardon ;
on y a gagné qu'en réveillant le sujet de ce sommeil on
fait disparaître les phénomènes hystériques,qu'on le gué-
rit, ce qui est bien quelque chose en vérité.
M. Claparède pense que toute la question est de savoir
en quoi consiste ce sommeil. Cela peut être intéressant
pour lui au point de vue d'une théorie du sommeil. Pour
moi,j'avoue que c'est là une question secondaire ; lors-
qu'un homme dort, je n'ai pas besoin de savoir en quoi
consiste le sommeil pour reconnaître qu'il dort, et savoir
458 CLINIQUE NERVEUSE.
comment le réveiller. Et s'il se réveille quand je l'excite
par la parole et par des secousses, je n'ai pas encore be-
soin d'avoir une théorie du sommeil pour savoir qu'il est
réveillé. Or,quand il s'agit d'hystériques, lorsque je cons-
tate que leurs fonctions sont diminuées, ralenties, en-
gourdies, et que, si je les excite par des procédés analo-
gues à ceux qu'on emploie chez un dormeur pour le ré-
veiller,elles me présentent des réactions analogues- très
amplifiées naturellement à celles du dormeur qui se
réveille, je dis qu'elles dormaient, sans me préoccuper
autrement du genre de sommeil dans lequel elles étaient
plongées. Je sais seulement que c'est une sorte de som-
meil, mais que ce n'est pas le sommeil naturel. Lors-
qu'on plonge un sujet dans le sommeil hypnotique il s'a-
git bien aussi d'un sommeil, et ce sommeil est en tous
points semblable à celui qui constitue l'hystérie. M. Cla-
parède nie-t-il que ce soit un sommeil ? Il ne sait pas ce-
pendant en quoi il diffère du sommeil normal ; ni moi
non plus, et cela pour une bonne raison, c'est que ni lui
ni moi ne savons en quoi consiste le sommeil naturel.
Cela nous empêche-t-il de savoir que le sujet dort, et de
savoir comment on le réveille ?
Je n'ai pas été cependant sans m'inquiéter de la natu-
re de ce sommeil cérébral,ou pour mieux dire de sa cause.
Car,sur sa nature, je crois que nous n'en saurons jamais
rien ;quant à sa cause, à son mécanisme, c'est une autre
affaire, et c'est ce que M. Claparède ne semble pas avoir
aperçu. Quand il dit que le sommeil naturel est une réac-
tion de désintérêt, cela, en admettant que ce soit vrai,
ne nous renseigne en rien sur la nature du sommeil, mais
tout au plus sur sa cause, et pas davantage que si on
l'attribue à de l'épuisement ou de l'intoxication, ou toute
autre cause. Si j'ai recherché non pas la nature de ce
sommeil mais ses causes possibles, c'est' que cela a une
portée pratique au point de vue thérapeutique.Si l'adage
Sublata causa, tollitur ef fectus n'est pas toujours suffi-
sant, il n'en est pas moins utile pour le praticien de sa-
voir à quelle cause est imputable une maladie pour la
mieux combattre. C'est à ce point de vue que je me suis
placé pour faire certaines hypothèses qui me valent de
nouvelles critiques de M. Claparède, lequel feint de les
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 459
regarder comme des affirmations de ma part, en conti-
nuant toujours à croire que j'assimile l'état de sommeil
des centres neryeux dans l'hystérie au sommeil naturel.
Il m'accuse de rattacher cet engourdissement cérébral
à de l'épuisement, intoxiqué que j'étais par la théorie
classique du sommeil naturel, qui le rapporte à cette
cause. Est-ce là la théorie classique du sommeil ? Ilyena
tant que je n'en sais rien. Cela importe peu d'ailleurs.
J'ai pensé que l'épuisement nerveux pouvait être incri-
miné, parce que c'est souvent à la suite de causes dépri-
mantes physiquement et moralement que l'hystérie
apparaît. Et je le crois encore.
Plus tard j'ai reconnu -que c'était là une cause insuf-
fisante, et j'ai constaté que le choc traumatique, le dé-
faut de fonctionnement de la périphérie, le retard de
l'évolution du cerveau, l'émotion surtout, étaient des
causes aussi fréquentes. M. Claparède, obstiné dans son
erreur de croire que j'assimile le sommeil naturel à l'en-
gourdissement hystérique, me fait grief de ne pas m'être
aperçu que ce n'était pas là des fauteurs du sommeil or-
dinaire, et dès lors il ne comprend pas comment j'iden-
tifie le mécanisme de l'hystérie avec celui du sommeil
normal. Mais je n'ai jamais pris les causes sus-indiquées
pour des causes de sommeil naturel, et s'il veut se donner
la peine de relire mes ouvrages, il verra que nulle part je
n'ai fait la confusion qu'il m'attribue. Je pense que. le
choc traumatique, surtout quand il porte sur le cerveau
et détermine des pertes de connaissance, amène des états
d'inertie du cerveau, une inhibition des fonctions céré-
brales, qui entraîne les manifestations de l'hystérie. A
côté de l'arrêt par épuisement des centres corticaux, il
y a l'arrêt par inertie.
D'autre part, chez des sujets prédisposés, le fait qu'un
centre cesse d'être mis en activité entraîne aussi son
arrêt, son inertie. C'est ce qui se produit si souvent chez
des hystériques à l'état latent, quand on immobilise un
de leurs membres pour une raison ou une autre. Spon-
tanément aussi il se produit au cours de l'adolescence
des arrêts dans le développement cérébral. Ces arrêts
peuvent persister, et l'écart entre la normale et l'état
d'arrêt se traduit à un moment donné par des manifes-
460 CLINIQUE NERVEUSE.
tations fonctionnelles, d'ordre général le plus souvent,
dont le type est l'anorexie primitive, mais qui s'accom-
pagnent bientôt d'accidents secondaires hystériques.
Enfin j'en arrive à l'émotion. M. Claparède me repro-
che là un soi-disant cercle vicieux, consistant à dire que
l'émotion provoque l'anesthésie, en engourdissant les
centres nerveux, et qu'elle les engourdit en anesthésiant
l'individu. M. Claparède ne cite pas les textes sur lesquels
il s'appuie pour me prêter ce raisonnement absurde. Je
me suis donné plus d'une fois la peine d'expliquer com-
ment agit l'émotion sur le cerveau, comment elle l'en-
gourdit, et comment l'anesthésie résulte de cet engour-
dissement, dont elle n'est que la manifestation objecti-
vement constatable. Je me vois obligé de la renouveler
ici. Sous l'influence d'une émotion il se produit une dé-
charge d'énergie qui laisse le cerveau épuisé. Le maxi-
mum d'effet de cette émotion estlasyncope,dans laquelle
les fonctions motrices, sensitives, sensorielles et intel-
lectuelles sont suspendues pour un moment. Si, comme
cela arrive dans la plupart des cas, le cerveau recouvre
son fonctionnement normal, la sensibilité, le mouve-
ment, l'intelligence reparaissent intégralement. Mais que,
par suite de la faible résistance, de la faiblesse constitu-
tionnelle du cerveau, la réparation de l'épuisement ainsi
produit ne se fasse pas, le cerveau reste dans un état
d'activité diminuée et par conséquent sa perceptivité
et sa réactivité seront diminuées aussi, ce qui se traduit
par de l'anesthésie, soit générale, soit d'une façon pré-
dominante en certains points sur lesquels la décharge
émotionnelle s'est faite plus particulièrement, comme je
l'ai indiqué ailleurs en étudiant les émotions localisées (1).
A ce moment je dis que l'état hystérique est constitué,
non pas parce qu'il y a de l'anesthésie ou de la paralysie
ou tel autre trouble, mais parce que ces troubles sont le
témoignage objectif de l'état d'engourdissement du cer-
veau, soit dans son entier, soit dans certains centres,
engourdissement qui peut disparaître à la longue spon-
tanément ou au contraire s'accentuer et se généraliser
sous les moindres influences à partir de ce moment. J'ai
(1) Voir : « Le mécanisme des émotions ». F. Alcan, 1905.
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 461
soutenu depuis longtemps que ce qui caractérisait l'état
hystérique c'était la tendance qu'avaient les centres céré-
braux à rester dans l'état où ils étaient mis quand leur
activité était diminuée, enrayée, inhibée par une cause
quelconque. D'où la fréquence des idées fixes, des trou-
bles systématisés persistants. C'est ce qui m'a fait dire
dès 1893 Il), et non en 1904, comme le prétend M. Clapa-
rède, bien avant M. Bernheim par conséquent, que l'hys-
térie n'est pas tant une maladie qu'une manière spéciale
de réagir du cerveau, qu'il n'y a pas de maladie hystéri-
que et que l'hystérie est une manière de fonctionner du
cerveau, que c'est le mécanisme cérébral qui est hys-
térique, et non l'affection.
Parmi les hypothèses sur la nature du sommeil spécial,
cause de l'hystérie, j'avais indiqué, sans m'y. arrêter, et
en employant même le conditionnel, que cette sorte de
vie latente des grandes hystériques vigilambules pour-
rait être comparée au sommeil des hibernants dû, d'après
le professeur Raphaël Dubois, à l'auto-narcose par les
produits d'excrétion, l'acide carbonique en particulier.
M. Claparède m'en fait cependant un gros grief, quoique
je n'aie fait que signaler cette manière de voir sans l'a-
dopter. Mon idée de l'engourdissement cérébral provo-
quant l'hystérie est qu'il est analogue à l'engourdisse-
ment provoqué dans un nerf par une cause quelconque,
le froid par exemple, ou une compression. Il cesse de
transmettre et de laisser passer les excitations, d'où
insensibilité, puis paralysie. Quand il reprend son acti-
vité, ce retour s'accompagne d'une série de sensations
qui se présentent dans un ordre et avec des caractères
particuliers. Le sujet dit que le membre dont le nerf est
ainsi engourdi est endormi. Quand c'est le cerveau qui
est frappé d'inhibition il se produit des phénomènes
semblables. Même perte d'excitabilité, de perceptivité,
de sensibilité et de motricité, mêmes réactions sensiti-
ves et motrices quand il reprend son activité normale.
Je dis que le cerveau est endormi, comme l'était le nerf,
et pour le prouver je le réveille; je dis que ces troubles
hystériques sont dus à ce sommeil, à cet engourdisse-
ment spécial de cerveau, et pour le prouver je les fais
(1) « Les troubles de la mémoire a ? HuPff, 1893.
462 CLINIQUE NERVEUSE.
disparaître en me bornant simplement à le réveiller (1).
Il me semble que dire, comme M. Claparède,que l'hys-
térie est un état de sommeil parce que c'est un état
de distraction, et que le sommeil est psychologiquement
un état de désintérêt, de distraction totale de la situation
présente, n'éclaircit pas beaucoup ni la question du
sommeil normal, ni celle du sommeil cérébral spécial
à l'hystérie, et que, au point de vue clinique, l'assimila-
tion de ces deux états de sommeil est un peu hasardée,
après m'avoir reproché surtout à tort il est vrai -
cette même assimilation du sommeil normal et de l'en-
gourdissement hystérique.
M. Claparède prétend que la théorie physiologique de
l'hystérie ne rend pas compte de ce qui fait le caractère
des manifestations hystériques, à savoir leur caprice,
leur mobilité, leur systématisation, leur dépendance de
l'attention du sujet. Mais cette mobilité est-elle due au
caprice ? Il suffit d'en rechercher la cause pour voir qu'au
contraire tout dans l'hystérie est soumis à un déter-
minisme rigoureux, et j'ai montré plus haut comment
toutes ces apparentes contradictions dans les manifes-
tations hystériques s'expliquaient fort naturellement
quand on regardait le fonctionnement physiologique
du cerveau. Aussi le Professeur Lépine écrivait-il : « Je
suis pour ma part fort enclin à adopter cette manière
de voir (que l'hystérie n'est qu'un sommeil local du cer-
veau plus ou moins généralisé); comme une infinité de
centres peuvent être atteints et à des degrés différents,
la variabilité infinie de l'hystérie est expliquée. »
Ce qui trompe M. Claparède, c'est qu'il pense que l'en-
gourdissement, le sommeil spécial, implique au premier
chef l'idée de passivité, l'idée d'un processus fatal sur
lequel le moi du sujet ne peut avoir aucune prise. Com-
ment dès lors cet état d'engourdissement cérébral tout
(1) Ce réveil amène des réactions très spéciales que j'ai décrites en
détail. Dans les critiques qu'on fait de la théorie physiologique,on pa-
rait les avoir complètement laissées de côté. Ce sont là cependant des
faits d'expérience, que tout le monde peut contrôler facilement.Qu'on
en donne l'interprétation qu'on voudra, elles n'en existent pas moins
et demandent une explication. J'ai donné la mienne ; que ceux
qui veulent en donner une autre commencent par les reproduire, à
moins de prétendre que je les ai inventées, ainsi que ceux qui, à ma sui-
te, les ont renouvelées.
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 463
négatif pourrait-il être le concomitant physiologique
de phénomènes aussi mobiles, aussi vivants, aussi actifs
que ceux que manifestent les hystériques ? Et il prétend
que je nie le cachet d'activité des stigmates hystériques,
parce que je les attribue à une diminution de l'irrita-
bilité cérébrale, produisant un état de vie latente qui se
traduit par des altérations plus ou moins profondes
et étendues de la sensibilité, conception qui soumet l'hys-
térie aux grandes lois de la physiologie générale.
Je ne crois pas avoir jamais dénié aux stigmates hys-
tériques un caractère d'activité positive, pour la bonne
raison que je n'ai même pas soulevé cette question qui ne
se pose pas à mon avis. Il est rare en effet que l'arrêt
cérébral soit complet, même dans le cas où il apparaît
comme tel (paralysie flasque, léthargie). Dès lors, tout
en restant toujours au-dessous de la normale de l'activité
cérébrale, les centres engourdis et ils ne le sont pas
tous au même degré - participent de l'activité géné-
rale du cerveau et subissent les mêmes variations, tou-
tes proportions gardées, que celles d'un cerveau ordi-
naire. Je ne vois pas pourquoi un centre diminué dans
son activité serait purement passif et ne réagirait pas
sur les autres au prorata de ce qui lui reste d'activité.
Et la meilleure preuve qu'il en est ainsi,c'est la conser-
vation des fonctions subconscientes, laquelle dénote l'in-
teraction des centres engourdis, mais d'une façoninsuf-
fisante pour déterminer le phénomène conscience, par
un mécanisme que je me suis efforcé de démontrer dans
mon ouvrage sur les «Phénomènes d'autoscopie» (1).
On a fait encore certaines objections à cette théorie.
On a dit que les réactions présentées par les sujets qui
se réveillent étaient produites par suggestion. Je ferai
remarquer d'abord que même si j'avais suggéré aux su-
jets d'avoir telle ou telle sensation, de faire tel ou tel
mouvement, cela n'enlèverait rien à ce fait que ces réac-
tions amènent la régression de leur personnalité et une
transformation complète de leur état,leur réveil cérébral
et leur guérison de ce fait même.
Mais cette suggestion, j'aurais été bien embarrassé de
la faire,car ces réactions, je ne les connaissais pas. Et ce
(1) Les Phénomènes d'autoscopie ». Paris, F. Alcan, 1903.
461 CLINIQUE NERVEUSE.
fut une surprise pour moi de voir des sujets à qui je
disais simplement en état d'hypnose « réveillez-vous » ou
« sentez-vous », s'étirer, secouer la tête, éprouver des
sensations diverses,se. mettre tout à coup à repasser leur
vie antérieure, et à un moment donné se réveiller en se
croyant à plusieurs années en arrière ; ensuite en conti-
nuant à les exciter, à leur enjoindre de se réveiller, les
voir repasser de nouveau toute leur existence dans l'or-
dre normal cette fois, en reproduisant tous les accidents,
tous les sentiments éprouvés dans son cours, et enfin se
réveiller définitivement, sans troubles, sans stigmates,
guéris et ayant recouvré le sommeil normal, en même
temps qu'une difficulté beaucoup plus grande à l'hypnose.
Et lorsque ces réactions se produisent sous l'influence
unique d'excitations mécaniques, sans hypnose, sans
inponctions, est-ce encore de la suggestion ? Lorsque des
sujets soumis à la mécanothérapie active, à la gymnas-
tique de résistance, se mettent, quelque temps après la
séance, à rêver dans un état de demi-conscience à tous
les événements d'une certaine époque de leur existence
passée, à éprouver tous les sentiments, toutes les sensa-
tions qu'ils avaient eus alors, à penser à des détails infimes
de cette époque, à des personnes qu'ils croyaient avoir
oubliées, dira-t-on toujours que c'est de la suggestion ?
On a dit encore : cette théorie s'applique aux grands
sujets. Je ne sais pas quelle différence il y a entre un
grand et un petit sujet, où est la limite qui les sépare,
et je ne comprends pas comment la pathogénie des
accidents peut être différente quand ils sont peu ou très
nombreux, passagers ou tenaces. La vérité est que le mé-
canisme est le même, et il suffit pour cela d'observer
d'un peu près les soi-disant petits sujets. On retrouve
chez eux toutes les réactions observées au maximum
chez les grands, mais atténuées et au prorata naturelle-
ment du degré de l'engourdissement.
Si je n'ai publié autrefois que 20 observations comme
base de ma théorie c'est que ce sont les premiers cas qui
se sont présentés moi, et que, par cela même, n'étant
pas choisis,ils sont plus démonstratifs. Depuis 1897 j'en
ai traité plus de 200 et si, sur quelques points de détail,
j'ai pu modifier certaines appréciations, je n'ai fait que
HYSTÉRIE ET SOMMEIL. 465
me confirmer davantage dans ma théorie fondamentale,
que la thérapeutique venait démontrer comme une véri-
table expérience de laboratoire. Tous les médecins, tant
en France qu-'à l'étranger, qui ont pris la peine de véri-
fier mes expériences et mes méthodes ont obtenu les
mêmes résultats. Beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs
venus se rendre compte par eux-mêmes au Sanatorium
de la façon dont je procède.
On a dit encore que c'étaient les hystériques elles-
mêmes qui se suggestionnaient.Mais,pour le faire,il aurait
fallu qu'elles -connussent ce que j'attendais d'elles. Or,
je ne le savais pas moi-même. Et même encore aujour-
d'hui il m'est souvent difficile de prévoir exactement
le moment où la régression de leur personnalité va com-
mencer. Quant à savoir où elle s'arrêtera, je le constate,
mais je ne puis jamais le prévoir. Qui leur apprend à
faire cettè régression jusqu'au moment seulement où elles
ont commencé à s'engourdir sous l'influence d'une émo-
tion ou d'une cause inhibitrice quelconque, à traverser,
au cours de.leur progression, très lentement les périodes
où elles ont été le plus malades,le plus engourdies par con-
séquent, et beaucoup plus vite celles où elles se rappro-
chaient plus de la normale ? Et que d'autres preuves ne
donnerais-je pas ?
Mais il est si simple de reproduire soi-même ces expé-
riences. Voilà treize ans que je les poursuis, et que tous
ceux qui les ont refaites ont corroboré ce que j'ai vu.
Les faits sont les faits.L'interprétation peut différer. Mais
avant de les interpréter il faut d'abord les constater. La
question comporte en effet . deux choses : 1° l'existence
des phénomènes réactionnels somatiques et psychiques
observés chez les hystériques sous l'influence d'excita-
tions d'ordres divers sur le cerveau ; et 2° l'interpré-
tation de ces phénomènes comme des réactions dues au
réveil de l'activité cérébrale.
Sur le premier point aucune discussion a priori, théori-
que, ne peut apporter de lumière, l'expérience 'seule
doit être employée; sur le second aucune discussion ne
peut être ouverte avant que le prcmier ne soit tranché.
Je pense que tout esprit scientifique souscrira à cette
manière de voir.
Archives. 3' série 1907, t. I. 30
466 CLINIQUE NERVEUSE.
En résumé, la théorie physiologique que j'ai propo-
sée est la seule qui repose sur l'expérimentation en mê-
me temps que sur la clinique. Elle consiste essentielle-
ment en ceci : l'hystérie est constituée par un état
d'activité moindre - depuis la légère diminution jus-
qu'à l'inhibition complète des centres fonctionnels de
l'écorce cérébrale. L'hystérie n'est donc que l'exagéra-
tion de ce qui se produit constamment à l'état nor-
mal, avec cette différence seulement que l'inertie ou
l'inhibition peuvent se généraliser à toute l'écorce et
persister indéfiniment. Qu'on appelle engourdissement,
sommeil,irihibition, cet état de l'écorce, peu importe (1).
L'essentiel est de le constater et cela pour deux raisons :
la première c'est que cela permet de comprendre le
double caractère physiologique et psychologique des
troubles hystérique'. ; la seconde, c'est que cela
nous fournit une thérapeutique pathogénique, laquelle
sert en même temps de contrôle et de confirmation à
la théorie physiologique. Quant à rapporter rigoureu-
sement aux centres anatomiques du cerveau tels qu'on
les délimite actuellement les troubles fonctionnels hys-
tériques, j'abandonne d'autant plus volontiers cette
question secondaire que je l'ai présentée avec beaucoup
de réserve, d'une part, et que, d'autre part, toutes mes
recherches de psychologie générale m'amènent à défen-
dre de plus en plus une conception dynamique et non
purement mécanique de l'activité cérébrale, dans laquel-
le l'autonomie étroite des centres corticaux telle qu'on
la conçoit encore disparaît en grande partie.
(1) Je dois rappeler ici que le professeur Lépine dés 1804 (fiel',
fie l1léd., p. 126) et en 189G (Itou. Oc méU., 1. 651) établissait l'analogie
qui apparaît entre le sommeil et la paralysie hystérique, eu Tes
rapportant l'un et l'autre une cause mécanique, à une interruption
de l'influx nerveux au niveau des extrémités de deux neurones
contigus. Cette théorie mécanique de l'hystérie essenliellcmenl 1111 ?
siologiyue, elle aussi, montre un des' aspects sous lesquels on
peul se placer pour édifier une théorie physiologique complète,
comme ai essayé de le faire.
PSYCHOLOGIE
Sur la symétrie bilatérale du corps et sur l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères céré-
braux. (Suite.)
(A PROPOS D'UN LIVRE RÉCENT.)
Par Cil, BONNE
Médecin-adjoint il l'asile de Braqueville.
Ill. APPLICATIONS DE LA 'l'IIGU : U1 : . CONCLUSIONS (1).
Quoique l'Auteur n'ait voulu que « poser la question du
duplicisme et non certes la développer en toutes ses par-
ties et conséquences » (p. 141), ce premier aperçu de la
théorie permet déjà de donner des nouvelles bases à la
morale (p. 104) et une nouvelle méthode « aux investiga-
tions sociologiques » (p. 141).
A. La Morale. L'Auteur paraît méconnaître les sys-
tèmes de morale basés sur l'intérêt.Du moins n'en tient-
il aucun compte : après avoir constaté que le raisonne-
ment « éclairé et guidé parles seuls instincts primordiaux »
(p. 104) a découvert un certain nombre de règles pra-
tiques, il s'écrie « Eh oui ! La théorie dupliciste permet
ainsi de fonder la Morale, non sur une règle ou une auto-
rité suprahumaine, mais sur les principes découverts par
l'humble raison..... » (p. 104). La base fournie à la morale
par les systèmes de l'intérêt paraît pourtant bien aussi
solide.
Ces « principes ». tels, du moins, qu'ils sont présentés,
peuvent-ils constituer « un code de morale » ? Non, car ils
ne sont pas systématisés : la pratique les trouvera un
jour ou l'autre en défaut; ils ne peuvent même pas consti-
tuer la matière d'un code et l'Auteur est d'autant plus
présomptueux en opposant une telle morale aux morales
fondées sur une obligation supra humaine et, partant,
sur une sanction, que ces morales, par ailleurs franche-
(1) Voir les Il-- de mars (p. 1), d'avril fa. 293) et de mai (p. 371 \
408 PSYCHOLOGIE
ment inadmissibles, forment plus que toute autre un sys-
tème complet où tout est prévu, tout se tient, tout est
ordonné. Les règles du duplicisme ne seraient jamais,
on mettant les choses au mieux, que des règles empiriques
dont la généralisation pourrait se trouver injustifiée. Les
règles des morales de l'intérêt, basées non pas sur une
expérience unique mais sur la synthèse d'un grand nom-
bre d'expériences comparées et coordonnées auront tou-
jours une autre portée. En effet, si l'on peut- la ri-
gueur admettre que l'homme livré à ses propres forces
découvre qu'il faut « être prudent et modéré, respectueux
des lois, doux, serviable », (p. 104), ce n'est pas au raison-
nement qu'il le devra, même au raisonnement guidé par
les instincts primordiaux, maintenant bienfaisants, des
coêtres, mais à l'expérience. Et, pour donner une valeur
générale à ces principes communs à tous les systèmes, le
duplicisme est sans force, car il est incapable df fournir
un moyen nouveau et qui lui soit propre pour les dégager
des particularités de l'expérience par l'observation ulté-
rieure de leur application dans un grand nombre de con-
ditions diverses, pour les ramener, si possible à des prin-
cipes plus généraux, et en faire, en un mot, un système
complet
B. LA'l11ÉTHOIJE POUR LES SCIENCES BIOLOGIQUES.
.Aux yeux de l'Auteur,cette méthode, d'un ordre tout à
fait particulier et qui serait seule applicable dans les
sciences biologiques, ne tire pas tant son importance de
cette valeur pratique pourtant remarquable, c'est-à-dire
des résultats auxquels elle pourra conduire,que de ceux
auxquels elle a déjà abouti : explication de plusieurs prin-
cipes ou faits généraux inexpliqués ou inadmissibles pour
tout système autre que le duplicisme. Justifiée par consé-
quent par ses propres résultats,obtenus il est vrai depuis
longtemps, mais par des voies obscures et peu scienti-
fiques, elle justifierait à son tour le système duquel elle
découle.
1° L'Auteur commence par poser en principe que ni
l'induction, ni la déduction « n'est applicable, du moins
dans la grande généralité des cas, aux sciences sociolo- z
giques » (p. 143. Par conséquent, ou bien ces dernières
ne seront pas de véritables sciences : on pourra bien
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 469
« faire quelque chose comme une sociologie descriptive ;
mais la morale, le droit,la politique, seront des illogismes,
des contresens, des vanités » (p.149); -ou bien « il existe
un troisième moyen de connaître, propre à la sociologie a.
Ce double dilemme est injustifié : à côté des sciences propre-
ment dites,il y a des groupes de connaissances, tels que l'histoire et
la géographie, dont la première, soit dit en passant, joue un assez
grand rôle en sociologie, qui ne peuvent en aucune façon prétendre
au titre de sciences. Entre ces groupes et les sciences parfaites, il
y a les sciences, encore pauvres en abstractions et en généralités,
dont la tâche principale est l'acquisition du plus grand nombre
possible de faits particuliers réservés en majeure partie à des élabo-
rations ultérieures ; elles ne peuvent prétendre au titre de sciences
qu'en avouant leurs caractères de débutantes ; enfin, elles utili-
sent, presque exclusivement, un troisième moyen de connaître que
l'auteur élimine sans raisons, et qui, logiquement et chronologique-
ment, précède l'induction et la déduction : la simple observation
des faits, suivie de leur classement provisoire.
La connaissance indirecte, celle dont l'induction et la déduction
sont les deux seules « sources positives », n'est pas seule-en effet
l'objet de la'science : celle-ci comprend encore la connaissance di-
recte,due au simple témoignage des sens avant le travail de l'esprit
qui la généralisera, lorsque ce travail est suspendu dans l'attente
d'une documentation plus complète et plus sûre ; tel est, on ne sau-
rait le nier, le cas de la sociologie, du moins dans ses parties les
mieux assises et, probablement, les plus utiles.
Du reste l'Auteur dénature et limite arbitrairement le rôle de
l'induction dans la sociologie en restreignant la portée de l'obser-
vation : le sujet direct de l'observation ne saurait être autre
qu' « une nation, considérée isolément dans l'ensemble de la Société
humaine » (p. 145). Il n'y aura donc qu'un très petit nombre de su-
jets capables de servir de point de départ à des généralisations : 15
ou 20 nations .seulement remplissent les conditions demandées.
Grâce à une application fautive du lieu commun qui compare une
société à un organisme, les phénomènes à observer acquièrent une
durée incompatible avec une bonne observation : « Un peuple
ayant une longévité de 12 à 15 siècles..., le phénomène qui chez
l'homme aura duré six mois durera dix ans chez le peuple » (p.146),
ou bien leur théâtre est trop vaste pour être embrassé par un seul
observateur. Mais est-ce une raison pour qùe l'observation, non
pas telle qu'on peut l'imaginer, mais telle qu'elle doit être en l'es-
pèce, soit « incomplète » ? Quelle est la science où la nécessité de la -
collaboration de plusieurs observateurs passe pour une mauvaise
condition ? -
,
470 PSYCHOLOGIE.
Enfin, il est illicite de déprécier la méthode par les défauts sup-
posés de ceux qui l'appliquent, et d'affirmer que l'induction est
nécessairement influencée par les préjugés, les préventions, l'inté-
rêt personnel, la passion-de parti (p. 146) : un tel procédé ne peut
que mettre en défiance à l'égard des raisonnements ultérieurs.
Quant à la déduction, notons provisoirement qu' « il n'y a pas de
principe a priori.... ou acquis par expérience qu'on puisse tenir
pour absolu. Les quelques principes qui paraissent généralement
acceptés ne sont que relatifs » (p. 143).
En résumé, même en tenant pour vraie « l'impuissance simul-
tanée de la déduction et de l'induction » (p. 146), on ne supprime
pas la sociologie : elle a encore d'autres ressources au moins pro-
visoires. Mais elle pourrait aussi avoir à son service un autre
moyen de connaître ; et ce moyen, pour ne plus être comme le vou-
drait l'Auteur, seul ou à peu près seul employé, n'en mérite pas
moins d'être examiné.
2° Après avoir dénaturé le rôle de l'observation et du
raisonnement dans la sociologie, l'Auteur prétend que
celle-ci ne peut être une science que si elle se base sur des
principes généraux, des règles de morale universelle. En
d'autres termes, si l'on veut envisager spécialement la
preuve a posteriori du duplicisme, la sociologie serait
basée sur trois faits ou principes généraux dont elle ferait
une. constante application, qui guideraient et facilite-
raient sa marche, et dont le duplicisme serait seul à faire
connaître l'origine et à expliquer le parti qu'on en tire.
Voici ces trois « faits généraux ».
a.-Nuisance de la passion, qui désaccorde les impul-
tions individuelles ».,Si le déterminisme était vrai, l'hom-
me serait « le jouet des forces aveugles... qui déterminent
et asservissent sa volonté » (p. 153). Mais, dans le dupli-
cisme, «la personne humaine, une en sa dualité, prend
conscience de son autonomie » : la théorie explique la
« souveraineté de la raison ».
b. Réaction forcée de la personne humaine sur le
milieu pour en « reculer la résistance », développer ses
propres facultés et aptitudes, et réaliser sa volonté.
c.-Sentiment de chaque homme qu'il a le droit déju-
ger des autres par lui-même et le devoir [ ? ] de se soumet-
tre au jugement d'autrui. L'énoncé assez obscur de ce
principe et son importance paraissent nécessiter la cita-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DÛ CORPS. 471 1
tion intégrale du texte : «... le troisième grand fait géné-
ral, qu'au nom de la philosophie dupliste nous avons à
constater comme fondement d'une- méthode sociolo-
gique nouvelle, à savoir que l'homme va se sentir auto-
risé à juger dès autres par lui-même et, du même coup,
par voie de conséquence logique, ri se soumettre au juge-
ment des autres hommes » (p. 155).
Nous ne chercherons pas quelles peuvent être la place
et l'importance de ces « faits » en sociologie : tout est là
affaire de définitions et l'Auteur n'en est pas lrodiun.I1
est permis de penser que la sociologie peut se passer de
règles morales, qu'elle leur est même tout à fait étran-
gère, et que, au dessus des règles donnéees par l'intros-
pection, il y a celles données par l'observation et dont la
portée est ici tout autre ; on pourrait aussi soutenir avec
plusieurs philosophes connus que le point de départ de
la sociologie est purement et essentiellement objectif.
Enfin, le troisième grand fait, basé sur une déduction (la
similitude apparente entraîne l'identité de nature) est en
lui même une induction pure (des caractères du juge-
ment de tous d'après ceux du jugement d'un seul) et l'Au-
teur a refusé l'entrée de la sociologie à tous les principes
généraux (p. 143).
Ces détails importent peu à la critique de la mé-
thode et de la théorie. Le point capital, c'est que, si dans
ce groupe hétéroclyte de faits et de principes, il y avait
quelque chose de réellement utile et spécial aux sciences
sociologiques, le duplicisme n'en serait pas démontré, car
ces faits sont connus, expliqués et rattachés à une foule
d'autres par la philosophie classique.L'Auteur, il est vrai,
prétend celle-ci incapable d'expliquer ou de justifier les
efforts de l'intelligence en vue de certaines connaissances,
la généralisation de certaines données de la conscience,
la lutte contre le milieu, « la haute dignité du travail »
(p. 154), le sentiment de responsabilité, etc. Mais cette
opinion erronée repose : 1° sur une confusion entre les deux
sens du mot conscience, 2° sur l'ignorance de la psycho-
logie classique.
1° Cette confusion est en effet manifeste : à la « con-
science, voix divine » de Rousseau (p. 147) enrichie au
besoin par une révélation, c'est-à-dire à la conscience mo-
472 PSYCHOLOGIE.
raie, l'Auteur oppose la « conscience des déterministes »
(p. 149) qui « évolue... sous l'action successivement accu-
mulée des idées..... des souvenirs... des impressions....
synthèse de phénomènes organiques déterminés en dehors
de notre libre volonté » (p. 148), 'bref la conscience pro-
prement dite, connue de tous. D'autre part, cette même
conscience «mouvante et fugace» (p.149)." sorte de coenes-
thésie de l'esprit... qui ne peut prétendre à reconnaître en
ses lois les lois d'autrui» (p. 152). est opposée ensuite à la
conscience morale, « tribunal intérieur » (p. 151) où les
forces aveugles dont la conscience déterministe est le
jouet sont soumises à la souveraineté de la Raison. Enfin
l'Auteur adresse à la conscience proprement dite, la
« conscience déterministe », non seulement les reproches
injustifiés « d'échapper à toute observation de durée suf-
fisante» (p.149), et de se confiner dans « la connaissance
de nos seules,propres et accidentelles sensations» (p. 149),
mais encore celui de ne pas fournir de règles morales.
Mais, dira-t-on peut-être, l'assimilation n'était-elle pas
permise dans ce cas particulier où il s'agit de généraliser
des notions ou des principes donnés par la conscience ?
L'Auteur aurait alors dû en prévenir le lecteur et considé-
rer successivement les deux acceptions dans tous les sys-
tèmes qu'il envisage, au lieu de tenir chacune d'elles
pour propre à un système et comme le caractérisant.
' 2° Cette erreur concernant le « déterminisme » est cer-
tainement une des moindres que' l'Auteur ait commises
au sujet de la philosophie classique d'aujourd'hui. Mais
exposer comment cette philosophie explique l'existence et
les divers caractères des principes et des idées que l'on
veut lui refuser,ce serait abuser de la patience des lecteurs
qui ont poussé la lecture de cet article au-delà de l'énoncé
de la thèse qu'il critique. Rappelons simplement à l'Au-
teur, en le renvoyant à ses classiques, que tous les déter-
ministes dignes du titre de psychologue, et non pas seu-
lement ceux qu'il appelle avec un certain mépris « les
psychophysiologistes », connaissent et justifient l'exis-
tence en chacun de nous, au sein de la « conscience mou-
vante», d'un groupe permanent de principes rationnels
dus au travail de l'esprit sur les données des sens (princi-
pes d'identité,de raison suffisante, etc. ), certainement com-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 473
muns et essentiels à tous les hommes ; qu'au dessous de
ces principes, et en partie grâce à eux, il existe en chaque
homme un complexus stable de notions d'abord étroites
et pauvres, puis de plus en plus compréhensives, dues à
l'expérience personnelle, à l'influence plus ou moins sen-
tie du milieu, plus ou moins approfondies et éclaircies
par l'éducation générale et par une éducation spéciale,
liées, d'autre part, à des habitudes, à des tendances
dont souvent elles ne sont guère que l'expression tan-
tôt riches (caractères religieux,etc.), tantôt pauvres (ra-
tionalistes) en éléments affectifs, et qui constituent la
conscience morale : conscience dont les ordres peuvent
être d'une précision telle que de grands philosophes s'y
sont trompés et l'ont considérée comme innée, tandis que,
en réalité, elle est fonction du milieu et varie avec celui-ci,
ce dont le duplicisme ne tient d'ailleurs aucun compte.
Il est facile de voir que dans la conscience morale ainsi
comprise, se retrouvent tous les principes au monopole
desquels aspire le duplicisme, et que ces principes ou faits
y ont une tout autre portée, naturellement fonction de
leur valeur intrinsèque.
Le déterminisme absolu, de Spinoza aux penseurs mo-
dernes, a toujours expliqué le rôle de la raison discur-
sive et de la raison pratique, et la souveraineté que celle-
ci peut exercer sur les forces extérieures ou intérieures,
souveraineté faite en dernière analyse de la connaissance
des conditions de ces forces, souveraineté consciente mê-
me chez le déterministe ou l'épicurien pratiquants, qui se
savent capables de prévoir et de modifier, souveraineté,
active chez tout homme, sur les sollicitations de 1 ? épi-
thumia » comme sur les forces extérieures, tant pour les
avantages immédiats de la victoire, pour « reculer la ré-
, sistance du milieu », que pour les avantages à longue
échéance, pour le « développement des facultés et apti-
tudes ». Le déterminisme explique ainsi « cette prédo-
minance de plus en plus'considérable de l'homme sur la
nature » (p. 153) que son adversaire se vante d'expliquer
seul (p. 154) ; il reconnaît «la haute dignité du travail ».
C'est commettre entre ce système scientifique et le fata-
lisme une confusion grossière et d'autant plus inexcu-
sable qu'elle est en contradiction avec les faits et a été
474 PSYCHOLOGIE.
maintes fois relevée, que,de dire : « Dans la doctrine dé-
terministe, l'homme ne peut logiquement que se laisser
aller, s'abandonner au courant qui l'entraîne ». (p. 149).
L'homme même à l'esprit duquel serait toujours présent3
la parfaite conviction de la nature illusoire du sentiment
de liberté, sait que les notions qu'il retire de l'étude et du
travail, conscientes ou inconscientes deviendront plus
tard des motifs d'action, le guideront et le serviront
d'autant mieux qu'elles auront été mieux coordonnées
et seront plus adéquates à la réalité.
Le duplicisme réclame encore pour lui seul le droit à la généra-
lisation des données de l'observation intérieure, au double point
de vue descriptif et pratique.
Il est surprenant au premier abord que des conclusions d'ordre
scientifique soient refusées aux prémisses du déterminisme et ac-
cordées à celles d'un système dont la liberté est un des fondements.
Pourtant ce système se targue d'atteindre seul « à la connaissance
de la vérité, non seulement pour et dans soi-même, mais encore sur
et dans autrui » (p. 157), de connaître la nature « des motifs chez
autrui » (p. 17), mais cela au prix de quelle confusion ! « Dans la
théorie déterministe... chacun s'isolait dans l'introspection de
lui-même sans que rien l'autorisât à conclure de son état de cons-
cience à l'état de conscience d'autrui » (p. 155). De ce que la cons-
cience proprement dite ou plutôt le caractère conscient des faits in-
térieurs est impossible à définir,l'Auteur aurait-il conclu qu'il n'y
a pas à en tenir compte ? Il est de fait que dans tout son livre il ne
l'a jamais traitée d'une façon raisonnable.
Bien plus importante au point de vue pratique, la généralisation
est nettement et à plusieurs reprises refusée au déterminisme dans
lequel les motifs apparaissent « tous légitimes au même titre, pres-
que fatals » (p. 155). La conscience ne pourra jamais « amener à la
connaissance d'autre chose que de nos seules sensations » et celte
connaissance ne pourra « jamais, même pour nous et à plus forte
raison pour autrui, se traduire en formule de règle, de devoir » (p.
149). En vérité, devant un tel adversaire, le déterminisme a-t-il
besoin d'une intervention quelconque ? Les motifs ont-ils une va-
leur appréciable en dehors de l'état social, et tous les hommes qui
partagent cet état n'ont-ils pas le droit d'apprécier les motifs et les
actes, ou du moins ce qu'ils en peuvent connaître en dépit du du-
plicisme par l'observation et le raisonnement, au point de vue, et à
ce point de vue seulement, du rapport de ces faits avec les prin-
cipes d'une valeur évidemment toute relative qui assurent la sta-
bilité de l'état social ?
Le duplicisme veut asseoir le droit à la généralisation et au juge-
SUR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 475
ment sur un principe,non pas inné,mais antérieur ou tout au moins
étranger dans son origine à l'état.social, fondé sur la seule organi-
sation de l'esprit, -et ayant pourtant la force impérative des règles
fondées sur l'existence d'une cause supra-humaine. Il est donc par
là/passible des objections insurmontables à tous les systèmes qui
essayèrent de fonder sur les seules données de la biologie une mo-
rale proprement dite, par exemple, sur la tendance à persévérer
dans l'être (Guyau etc.).
Bien plus, admettons que « les lois ou règles de conduite » (p.
151) formulées par l'intelligence après étude « des conditions du
milieu et de l'être » soient immédiatement généralisables, cette
intelligence étant.supposée infaillible, sans confrontation avec les
lois formulées par d'autres intelligences ; qu'elles découlent par
conséquent en partie de l'étude du milieu social : ces lois pourront-
elles jamais « se traduire en formule de règle, de devoir » (p. 149),
cesser d'être relatives pour entrer dans le domaine de l'incondi-
tionné, ainsi que l'Auteur le dit implicitement ? Il récuse en effet
les lois fondées sur la seule expérience sociale, et veut un droit de
juger inconditionné, dont il fait, chose curieuse, la condition es-
sentielle, non seulement du droit proprement dit, simple conven-
tion, mais encore de la sociologie. Or de telles formules, dans la ge-
nèse desquelles la pratique sociale (que l'on peut supposer
comprise dans 1' « Etude des conditions du milieu ») ne joue qu'un
rôle secondaire, et qui pourtant voudraient intervenir dans la
sociologie pratique et théorique de par leur origine et leur
caractère de formules de devoir absolu, n'ont en réalité, nul accès
dans les rapports réciproques des hommes : elles n'ont pas, et ne
pourraient avoir, lors même que le duplicisme serait vrai, le carac-
tère absolu que l'Auteur leur attribue à l'imitation des spiritua-
listes. D'autre part, l'Auteur lui-même repousse de son système
tous les modes d'information de la « conscience déterministe » : il
cherche un critérium absolu pour l'appréciation des motifs et de la
conduite de chaque homme ; il oublie enfin que dans tout système
fermé au surnaturel, la formule de devoir la plus catégorique et la
plus claire, ne représente jamais que la conclusion d'un raisonne-
ment qui l'aura tout au plus justifiée, mais sans la pourvoir de la
valeur pratique que l'expérience peut donner à des pactes, à des
modus vivendi : qu'une telle formule est par conséquent parfaite-
ment inutile, qu'il s'agisse de juger, ou bien de diriger une collec-
tivité.
Enfin, dans ce jugement, application intempestive de l'induc-
tion et de la déduction, quelle part fait le duplicisme aux condi-
tions intérieures et extérieures des deux esprits en présence, à la
connaissance de ces conditions par celui qui juge, et surtout à la
capacité intellectuelle de ce dernier ? 7
47U V PSYCHOLOGIE.
Le duplicisme a donc fermé devant lui la porte dont il
prétendait interdire l'accès au déterminisme. Dans tous
les faits sociaux,celui-ci reconnaît le sentiment de liberté
et dans les faits en apparence les plus spontanés, dans les
guerres, les révolutions « accomplies par les hommes au
cri de leur conscience... sans se soucier de ce qu'en pour-
raient penser les faiseurs de théories philosophiques »
(p. 157), les historiens les plus accrédités, les Taine, les
Mommsen et leurs élèves n'ont vu et ne verront jamais
que l'application, sinon la vérification impossible à dis-
tance, du déterminisme le plus absolu.
Le duplicisme revendique enfin la responsabilité ; cela
est naturel puisqu'il admet la liberté ; mais,cette liberté,
étant « limitée», c'est à tort qu'il a négligé d'indiquer les
caractères particuliers qui en découlent pour le sentiment
de responsabilité, et de spécifier ou tout au moins d'indi-
quer les circonstances dans lesquelles ce sentiment exis-
tera, sera limité ou non, ou, enfin, fera défaut. Mais est-il
juste de refuser au déterminisme la connaissance de ce
sentiment (p. 158), de ses formes et de ses effets ?
La foule de ceux qui n'ont jamais soulevé la question de la li-
berté mais la résoudraient affirmativement si elle leur était posée, z
et qui se croient soumis à des lois d'origine supra-humaine,croient
leur responsabilité absolue en elle-même et limitée seulement par
les causes extérieures, lesquelles seules, en cas de faute, seront
prises pour excuse. Le déterministe qui sait que son sentiment de
responsabilité, une fois débarrassé des croyances inculquées, n'est
créé et entretenu dans son esprit que par la vie en société, ne ta-
blera que sur la responsabilité purement relative que lui attribue
cette société condamnée à ignorer les motifs d'action et à se com-
porter ainsi, comme si la liberté existait effectivement.
Entre ces deux extrêmes, ceux qui admettent le libre arbitre
mais le croient souvent limité par des causes internes, auront ou
un sentiment de responsabilité illimité, ou bien le sentiment de non
responsabilité dans les cas ou les causes internes (états affectifs,
états morbides etc.) auront agi. Chez tous, d'ailleurs, le détermi-
nisme, qui explique facilement des nuances inconnues et inacces-
sibles au duplicisme, distinguera le sentiment immédiat et spon-
tané, où prédomine l'élément affectif, du sentiment secondaire où
la réflexion ou des associations fortuites ont fait prédominer l'élé-
ment intellectuel.
Il n'existe donc dans les sciences sociologiques ni fait
SLR LA SYMÉTRIE BILATERALE DU CORPS. 477
général, ni principe, ni moyen d'investigation dont le dé-
terminisme ne contienne l'explication complète, tandis
que les « explications » proposées par le duplicisme sont
manifestement insuffisantes : la soi-disant preuve a poste-
riori n'a donc nulle valeur probante. Nous pouvons main-
tenant la considérer en elle-même, c'est-à-dire, puisque
l'Auteur la donne pour une nouvelle méthode d'investiga-
tion (p. 142, 146, 156), examiner la place qui lui est assi-
gnée et sa valeur pratique.
1° Sur le premier point, les idées de l'Auteur sont d'une
regrettable indécision ; à plusieurs reprises il a annoncé
une méthode dont le champ d'application est bien dis-
tinct de ceux de la déduction et'de l'induction ; puis on
voit à la mise en oeuvre que cette méthode, quoique pour-
vue d'un nom spécial (intuduction), ne conduit pas à
des connaissances nouvelles, mais se réduit à des proces-
sus inductifs ou déductifs très simples, par lesquels l'esprit
arriverait à certaines notions de nombre limité, processus
si simples que l'Auteur n'a pas jugé utile de les décrire ;
en effet, l'humanité se trouvait depuis longtemps en pos-
session des notions qu'elle est censée leur devoir, sans
avoir jamais remarqué par quelle voie y était arrivée, et
sans que les grands penseurs eussent songé à le lui dire :
« La clarté des recherches introspectives, de l'intuduc-
tion, a de tout temps dirigé les politiques, organisé les ins-
titutions » (p. 157). Finalement, la « méthode » se confond
avec le bon sens et, vers la fin du livre, l'Auteur ne la
considère plus que comme la preuve de son système, elle-
même « confirmée, sinon par une fidèle et constante pra-
tique, du moins par le sentiment universel des hommes »
(p. 157). Cette intuduction conduit donc à des principes,
vrais ou faux, peu importe, mais depuis longtemps con-
nus et mis en pratique par le bon sens : elle n'aurait donc
que la valeur d'un procédé de démonstration et l'Auteur
s'est contredit en la donnant pour une méthode capable
de conduire à des connaissances nouvelles. Il a, du reste
négligé d'en tracer les règles : on ne voit pas.en effet,à à
quelles règles soumettre les vagues et hétérogènes géné-
rations que nous avons analysées ci-dessus. Pour cette
première raison,il était illicite de chercher à caser cette
soi-disant méthode dans l'arsenal de la logique à côté de
478 PSYCHOLOGIE.
l'induction et de la déduction : elle use en effet delà pre-
mière,lorsqu'elle généralise à l'universalité des conscien-
ces les données fournies par l'observation d'une seule,et,
pour être juste, cette généralisation doit être faite suivant
les règles de l'induction ; c'est en partie grâce à un raison-
nement déductif que l'esprit a la notion de l'identité de
nature de tous les hommes.
L'intuduction n'est donc pas un procédé logique. Sa
dénomination est doublement injustifiée, d'abord parce
qu'elle la place à côté de l'induction et de la déduction,
procédés généraux, ensuite parce que ce n'est pas une
méthode, mais simplement, et en mettant les choses au
mieux, une suite de raisonnements inductifs et déductifs
faits en vue d'un objet spécial : or s'il est en logique des
raisonnements pourvus de noms spéciaux, ils les doivent
non à leur matière, ainsi que l'intuduction, mais à leur
forme.
2° En donnant donc à sa méthode,qu'il croit à tort
bien individualisée, une dénomination particulière l'Au-
teur en a reconnu implicitement la stérilité.Que viendrait
faire en effet l'observation interne suivie de la générali-
sation la plus sage dans la connaissance des phéno-
mènes dont il fait lui-même le sujet de la sociologie et à
propos desquels il critique si malencontreusement la por-
tée de l'induction et de la déduction : dans l'observation
« d'une nation considérée isolément », d'une guerre, d'une
révolution, etc. ? S'il existe des notions de bien et de mal
communes à tous les hommes, est-ce l'observation inté-
rieure qui donnera à la sociologie ce que précisément elle
a besoin de connaître : les différences de ces notions, soi-
disant communes, d'une nation, d'une classe, d'une col-
lectivité à une autre ? Du reste, la sociologie n'est-elle
pas surtout une science d'observation en voie de progrès
continuel, et n'est-ce pas la dénaturer, même la suppri-
mer, que de vouloir la réduire à des formules générales,
ou tout au moins faire jouer à celles-ci le rôle prépondé-
rant ? Or, telle est l'idée de l'Auteur,ou telle est la conclu-
sion qui découle de ses assertions : « Ce moyen de pénétrer
autrui.... de découvrir la formule de ses besoins, de ses
désirs, ne sera ni l'induction ni la déduction, il sera l'in-
tudnction » (p. 157).
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 479
Si en effet la méthode préconisée pai l'Auteur venait à
être employée seule ou de préférence aux autres dans les
sciences sociologiques, celles-ci ne seraient bientôt plus
qu'une scolastique nouvelle : l'intuduction conduit à des
principes, dont un au moins, le plus important, est faux
de toute évidence ;le déterminisme conduit à des connais-
sances équivalentes, toujours et essentiellement soumises
à de nouvelles enquêtes ; appliquée à la psychologie indi-
viduelle, ouverte tout entière au déterminisme, l'intu-
duction est incapable de faire connaître à la sociologie,
au droit, à la politique, ce qui précisément lui est le plus
nécessaire : les différences individuelles, les différences
ethniques, ou d'après la classe, la caste, la profession
etc. Et l'Auteur qui a imaginé « ce troisième moyen de
connaître propre à la sociologie (p. 142), abandonnée,
d'après lui, de l'induction et de la déduction, accuse le
déterminisme et « toute doctrine de non liberté « p. 158)
do méconnaître « les plus incontestables enseignements
de l'histoire » (p. 153) et de fermer obstinément l'oreille
à la voix du bon sens ! 1
La valeur psychologique du duplicisme est donc rigou-
reusement nulle : l'Auteur n'est pas parvenu à démontrer l'exis-
tence d'une double individualité, même dans les cas donnés par lui
comme les plus probants ; puis, partant de ses propres prémisses,il il
lui a été impossible de revenir à l'unité de la conscience et de ratta-
cher logiquement la conscience une de ce qu'il appelle la personne
complète, àla conscience propre qu'il attribue à chaque moitié de
l'organisme. Continuant la série de ses raisonnements, il a attri-
bué à tort à sa philosophie le mérite d'expliquer certains faits de-
vnt lesquels elle reste en réalité muette, même si l'on concède au
duplicisme ses points capitaux ; ces faits sont d'ailleurs familiers à
tous les systèmes déterministes, contrairement aux assertions répé-
tées de l'Auteur.Les applications qu'il a faites lui-même de sa théo-
rie en prouvent l'inanité, soit que l'on récuse, soit que l'on accorde
les assertions erronées par lesquelles il prépare le terrain pour ses
tentatives de vérification.
Les défauts signalés dans la partie biologique se retrouvent dans
la partie psychologique où ils peuvent aussi être rattachés pour la
plupart à une insuffisance de documentation : de là les confusions
entre objets différents, la méconnaissance des systèmes combattus
et des objections déjà faites aux arguments donnés comme neufs,
de fréquentes tautologies présentées comme définitions ou comme
démonstrations, des raisonnements sans force, et quelquefois sans
480 PSYCHOLOGIE.
suite, qui, joints à une absence de précision réellement étonnante
vu la nature du sujet,conduisent l'Auteur à des contradictions im-
plicites et même à des incohérences que lui cache précisément l'in-
suffisance de ses connaissances en physiologie et en -psychologie.
Mais si la double individualité qui est à la base du duplicisme
ne mérite pas d'être prise au sérieux, il n'en est pas de même de la
question de l'indépendance fonctionnelle relative des hémisphères
cérébraux, non pas telle que la présente le duplicisme, dont la con-
ception est tellement encombrée d'erreurs et de contradictions
qu'elle ne pourrait même pas servir à l'unicismo de démonstration
par l'absurde, mais telle qu'elle a été envisagée par des psycho-
logues ou des physiologistes.
On a vu, ou plutôt on pourra se convaincre grâce aux
indications bibliographiques données dans le cours de
cet article que tous les arguments invoqués de part et
d'autre en faveur de l'indépendance psychologique des
hémisphères sont insuffisants ; ce n'est peut-être là
qu'une présomption qui pourra disparaître devant une
connaissance plus approfondie des conditions du fonc-
tionnement du cerveau. Mais il paraît incontestable que
la tendance actuelle est de restreindre de plus en plus
cette indépendance (t le champ de l'activité isolée de
chaque hémisphère : peut-être même cette activité isolée
sera-t-elle un jour considérée comme incapable d'alimen-
ter la conscience par ses équivalents psychiques, au
moins pendant un certain temps.Toujours est-il que l'on
voit aujourd'hui des manifestations de la synergie des
deux hémisphères, là où l'on voyait autrefois soit l'in-
fluence de centres subordonnés, soit celle d'une seule
moitié du cerveau : action sur différents viscères
fonctionnant seuls ou avec d'autres : estomac et intes-
tin, coeur et muscles de la respiration ; action sur
les organes moteurs affectés aux organes sensoriels :
vision stéréoscopique ; courant d'inhibition dans les mou
vements latéraux des yeux : mouvements de l'accomo
dation ; manifestations elles mêmes de la sensibilité
des sens spatiaux (vue) ou des sens dits qualitatifs (voir
Cajal 1906, ou p. 216 ) ; rature des centres de souvenir.
L'hypothèse de Cajal à ce sujet (voir p. 217) est des plus
plausible ; et, à s'en tenir aux seuls centres de souvenir
connus, ceux des images verbales auditives et visuelles,
le contenu de ces centres apparaît tel que leur interven-
SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. l¡Sl
tion sembla nécessaire dans les actes psychiques encore
simples mais dépassant les bornes de la logique des
images ; la synergie des hémisphères est dans ces cas
presque certaine, même si l'on ne tient pas compte de
l'hypothèse de Cajal sur la diversité du contenu des cen-
trips de souvenir homologues, diversité en accord avec la
loi de division du travail, et dont le résultat naturel est
d'accroître la « capacité » physiologique du cerveau.
Pour les opérations de l'entendement où les images des
objets sont seules présentées par la mémoire, sans les
mots qui les expriment, la collaboration des hémisphères
paraît également nécessaire, collaboration effective et
actuelle surajoutée à celle qui a présidé à l'acquisition
par les sens des images réveillées, acquisition pour
laquelle on a vu que la synergie des deux hémisphères
est toujours indispensable, contrairement à ce que l'on-
croyait autrefois et quel que soit l'organe sensoriel qui
ait recueilli l'ébranlement. Supposons, en effet, que
toutes les images réveillées siègent dans un seul hémis-
phère, supposition déjà par elle-même infiniment in-
vraisemblable ; on sait que chaque centre de souvenirs,
primaire ou secondaire, est uni non seulement au centre
de perception du même côté, mais encore (Cajal, Déje-
rine, Monakow, etc.), à celui du côté opposé, et, à cha-
cun de ces deux centres, par des fibres dirigées dans les
deux sens (Cajal, Déjerine, etc.) ; il l'est, en outre, et
d'une façon certaine au centre homologue (homoto-
pique) du côté opposé. Par conséquent, en admettant
même que l'entendement trouve dans un seul centre de
souvenirs les éléments d'une opération ou d'une série
a'opérations qui toutes, par hypothèse, auraient encore
leurs équivalents organiques dans le même hémisphère
on voit que les centres correspondants, de perception et
de souvenir, de l'hémisphère opposé seront forcément
excités. Il est naturellement impossible de dégager du ré-
sultat commun l'action surajoutée, et contingente, si l'on
veut, de l'hémisphère, dont l'intervention a été suppo-
sée secondaire ; mais il paraît probable qLe le réveil de
quelques-uns des résidus qu'y a laissés l'impression pré-
mièie donnera plus de vivacité et peut-être même plus de
précision aux images de souvenir.
Archives, 31 série, 1907, t. I. 31
482 PSYCHOLOGIE
Que l'on considère enfin, soit la notion d'espace visuel,
tactile ou auditif et les représentatiors qui lui sont liées,
soit les sensations, perceptions ou reconnaissances les
plus simples, c'est-à-dire les éléments nécessaires à tous
les actps de l'entendement,on voit que la synergie des
deux moitiés du cerveau est indispensable pour la for-
mation de ces éléinellts,cOmIDf> olle le sera plus tard
pour leur mise enjeu, dans les opérations simples por-
tant sur les images concrètes et dans celles plus com-
plexes qui portent sur les concepts. Qu'une des moitiés
du cerveau manque, tous les résidus s'accumuleront for-
ce'ment dans certains centres où leur réveil sera toujours
possible : la lésion pourra ne se traduire par aucun symp-
tôme psychique.Mais on a vu,que dans le névraxe intact,
la disposition histologique et macroscopique des voies
afférentes est telle que tout ébranlement diffuse plus ou
moins dans les voies des deux côtés, puis laisse à l'occa-
sion une trace plus ou moins profonde dans des points
homotopiques des deux hémisphères : la présence de ré-
sidus dans l'un et l'autre côté amène la formation de
centres sensori-moteurs homologues, mais non équiva-
lents,dont le champ se précise par l'exercice pt qui ne se-
ront jamais appelés à fonctionner que d'une façon syner-
gique, de telle sorte que l'esprit ne connaît jamais que
leur contribution commune, quelle que soit la forme sous
laquelle elle lui est présentée : notions simples, notions
intégrées avec celles données par d'autres sens, etc. ; de
telle sorte également que le réveil d'une image fournie
par ces centres ou plutôt par les centres de souvenir cor-
respondants, met automatiquement en jeu les deux hé-
misphères, ou, en d'autres termes, est l'expression ou
l'équivalent de leur fonctionnement simultané.
6 février 1907. : BIBLIOGRAPHIE
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graphie du dualisme cérébral (p. 107 et 108 et 146 à la fin). Ce mé-
moire (expériences d'ergographie) est une nouvelle démonstration
indirecte de l'existence de fibres unissant « chaque moitié de la
484 PSYCHOLOGIE.
moelle et chaque organe périphérique aux deux hémisphères....
Lorsqu'il existe un obstacle à un mouvement volontaire unilatéral,
l'influx nerveux tend à prendre la voie symétrique du côté opposé.'
Cette tendance au transfert est d'autant plus marquée que le sujet
a plus l'habitude des'mouvements symétriques... Le transfert des
actes qui ont nécessité un apprentissage démontre la réalité de
l'éducation croisée », par exemple de la main gauche par la main
droite pendant que celle-ci apprend à écrire. ·
Grasset (J.).-Plan d'une physiopathologie clinique des centres
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tion bibliographique, l'exposé critique des travaux cités de Cha-
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SUR LA SYMÉTRIE BILATÉRALE DU CORPS. 18.")
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patol. nervosa e mentale, X, n° 9, p. 413 à 422, septembre 1905.
(D'après une analyse des Annales médico-psychologiques).
WurtDT (Wilhelm).- Grundziige der physiologischen Psychologie,
5°édit., Leipzig, W. Engelmann, t. I, 1902.
La partie de ce mémoire qui a paru dans le numéro
d'avril n'a pu être revue qu'une fois entre la composition
et le tirage. Voici la correction des fautes d'impression
les plus importantes. -
.BEVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
XXIII. -Anomalies multiples congénitales par atrophie numéri-
que des tissus; par Klippel. (Nouv. Icon. de la Salpêtrière, 1906,
n° 2.)
Il faut entendre par atrophie numérique un arrêt de développe-
ment d'un organe sans aucune autre lésion que la diminution du
nombre des éléments anatomiques qui composent cet organe et
sans aucun autre trouble fonctionnel que ceux qui peuvent ré-
sulter d'un moindre volume organique (diminution de l'étendue
des mouvements par exemple). F. T.
XXIV. Hypotrophie d'origine bacillaire ; troubles de la voie py-
ramidale ; par CLAUDE et LEJONNE. (Nouv.Icon.de la Salpê-
trière, 1906, n° 2.)
Observation d'infantilisme annangioplasique chez une femme
de 20 ans à antécédents tuberculeux, tuberculeuse elle-même et
présentant une double lésion mitrale. - Il est 'probable que la
maladie de coeur reconnaît pour cause une endocardite tubercu-
leuse foetale et que c'est à l'action combinée de la bacillose et de
la lésion cardiaque qu'est due l'hypotrophie. A rapprocher des cas
de nanisme mitral. La malade présente en outre des troubles mo-
teurs et réflexes indiquant une lésion du faisceau pyramidal. Les
auteurs admettent comme vraisemblable un arrêt de développe-
ment de ce faisceau, reconnaissant la même cause que la mal-
formation cardiaque : l'infection tuberculeuse foetale nées pen-
dant la vie intra-utérine, les deux lésions, cardiaque et pyrami-
dale, sont restées longtemps à peu près latentes et n'ont mani-
festé leurs symptômes qu'au moment de la puberté.
F. TissoT.
XXV. Régénération collatérale de fibres nerveuses terminées
par des massues de croissance, à l'état pathologique et à l'état
normal ; lésions tabétiques des racines médullaires ; par NA-
ge otte. (Nouv. Icon. de la Salpêtrière, 1906, n° 3.)
La seule forme de réparation nerveuse connue jusqu'ici est celle
décrite par Ranvier : la régénération terminale ; il en existe une
autre que l'auteur est parvenu à mettre en évidence, dans les gan-
glions et les racines postérieures des tabétiques par la méthode de
Ramon Y Cajal et à laquelle il propose l'appellation de régénéra-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487
tion collatérale : les fibres néoformées, très fines et amyéliniques
pour la plupart, naissent par bourgeonnement soit du corps cel-
lulaire, soit de l'axone sous forme de collatérales, présentent un
trajet plus ou moins compliqué de ramifications, d'enroulements
et se terminent -toutes par des massues qui représentent à l'âge
adulte les cônes'de croissance de la période embryonnaire. Ces
fibres à massues ne sont point l'apanage de l'état pathologique,
elles existent à l'état normal : Cajal en a décrit dans les ganglions
rachidiens et sympathiques, l'auteur en a trouvé dans les cornes de
la moelle. C'est là une disposition probablement générale dans le
système nerveux et ces fibres à massues de croissance doivent être
considérées comme des organes de réparation, des axones de rem-
placement destinés à remédier à l'usure physiologique des fibres,
nerveuses. Leur multiplication excessive dans le tabes, l'orienta-
tion des massues et leur accumulation au pôle supérieur des gan-
glions indiquent sans aucun doute que ces néoformations sont ap-
pelées à remplacer les fibres radiculaires détruites. Peut-être ce
processus régénérateur aboutirait-il à restaurer la fonction si le
foyer de névrite radiculaire ne semblait créer sinon un obstacle
infranchissable du moins une zone dangereuse pour les massues.
L'emploi de(la méthode de R. Y. Cajal a permis à l'auteur de cons-
tater en outre que des lésions des racines, peuvent être décelées
par la présence- de fibres régénérées terminées en massues, avant
que soit appréciable la sclérose des cordons postérieurs ; que d'au-
tre part il existe dans le tabes une lésion des fibres radiculaires qui
précède leur destruction : cette lésion, qui consiste dans un gon-
flement momliformo des cylindraxes, occupe dès le début toute
la hauteur des fibres radiculaires postérieures ; dans la racine an-
térieure elle ne se rencontre, au début du tabes, qu'au niveau et
au-dessous du foyer inflammatoire de la névrite radiculaire trans-
verse. j F. Tisser.
XXVI. Abcès cérébral, nécrose corticale, syndrome méningé ;
par DUPRÉ et De vaux. (Nouv. Icon. de .la Salpêtrière, 1906,
no 3.) -
Les abcès cérébraux les plus nettement circonscrits, s'ils repré-
sentent grossièrement des lésions en foyer, équivalent en réalité,
par l'extension lointaine de leurs produits toxiques, à des encé-
phalopathies histologiquement diffuses, dont l'expression clini-
que trahit le caractère général et la nature toxique. A l'appui,
observation d'un homme tuberculeux qui, au milieu de troubles
nerveux vagues, fait quelque ictus successifs et meurt avec le
tableau de la méningite tuberculeuse ; à l'autopsie on trouve deux
abcès tuberculeux collectés, mais aucune trace de lésion ménin-
gée. Sous le microscope, deux ordres de lésions : les unes, celles des
abcès circonscrites, de nature inflammatoire, d'évolution lente,
4vS REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
produites par l'infection microbienne partie du poumon ; les au-
tres, celles de l'écorce, diffuses, de nature nécrotique, d'évolution
aiguë.relèvent de l'imprégnation toxique du cortex par les produits
émanés des abcès. « Il est intéressant de rapprocher la double
évolution clinique des accidents de la double évplution anatomi-
que des lésions. Aux lésions centrales et lentes des régions tolé-
rantes correspond le syndrome insidieux et fruste des abcès céré-
braux latents. Aux lésions corticales, rapides et massives, aiguës,
correspond l'explosion des symptômes manifestes d'une méningo-
encéphalopathie diffuse, aiguë, dont le'tableau était celui d'une
méningite tuberculeuse. ».
Ce fait montre une fois de plus que la pathologie des méninges
est presque toute d'emprunt, et que certaines encéphalopathies
peuvent revêtir, en'.l'absence de toute lésion méningée, une ex-
pression clinique que l'on qualifie de méningitique, alors qu'elle
ne relève que de l'intoxication corticale. F. TISSOT.
XXVIL-De quelques altérations du tissu cérébral dues à la pré-
sence de tumeurs (Suite) ; par Weber. (Nouv. Icon. Salpê-
trière, 1906, n° 3.)
Comme suite à un travail publié dans la Nouvelle Iconographie
1905, n° 2, analysé dans les Archives de Neurologie 1906, n° 123,
l'auteur apporte deux nouvelles observations avec autopsie, qui
confirment en tous points ses premières conclusions : l'existence
d'un courant liquide allant des ventricules latéraux au troisième
et de là par l'aqueduc au quatrième ; la production d'altérations
du tissu cérébral sous l'influence de la pression développée par
l'obstruction de ce courant par une tumeur ; la plus grande résis-
tance de l'écorce à la pression que de la substance blanche. Les
néoplasmes développés dans la substance blanche sont particu-
lièrement bien placés pour intercepter le courant lymphatique
qui se dirige vers les ventricules. L'évacuation de liquide céphalo-
rachidien peut remédier à l'augmentation de pression produite
par la croissance d'une tumeur. , F. TrssoT.
XXVIII. Remarques sur la stéréotypie graphique ; par
ANTIIEAUME et VIGNOT. (L'Encéphale, 1906, n° 4.)
Exposé d'un cas remarquable par la complexité du contenu et
la fixité de la forme : il s'agit d'un malade qui depuis sept ans ré-
dige chaque semaine, et sans modèle sous les yeux, six lettres si
exactement identiques en tout qu'elles sont superposables comme
les épreuves d'une planche stéréotype : « les mêmes phrases, les
mêmes mots, les mêmes signes sont invariablement toujours au
même endroit, à la même place ; les pages commencent et finissent
chaque fois sur les mêmes termes ; elles contiennent toutes le
même nombre de lignes. » Cet homme a dans ses habitudes et ses
revue d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 489
manières d'être, la même fixité que dans ses écrits ; ses réactions
extérieures annoncent à première vue un dément, elles cachent en
fait un délirant -systématique persécuté, ce qui prouve qu'en gé-
néral les actes ne suffisent pas pour apprécier un état mental,
qu'un diagnostic ne peut être posé qu'à la suite d'examens répé-
tés et fouillés. Dans le cas spécial, l'idée délirante commande la
discipline sévère qui dirige le malade dans ses pensées et dans ses
actes, et qui fait de lui un stéréotypé volontaire et conscient mais
non automatique. A ce propos les auteurs critiquent la définition
de la stéréotypie donnée par Dromard comme trop étroite, en ex-
cluant « les manifestations motrices répondant à un contenu idée-
affectif actuel, quelque soit leur degré de fixité », en ne s'appli-
quant en somme qu'aux stéréotypies démentielles. F. Tisser.
XXIX. Infantilisme et dégénérescence psychique ; influence de
l'hérédité neuro-pathologique ; par Magalhaes LEMOS (Nouv.
Icon, de la Salpêtrière, 1906 n° 1.)
Observation très détaillée d'un cas d'infantilisme vrai, type
Brissaud,associé à la dégénérescence mentale, compliqué de my-
xoedème et d'obésité, à la production duquel concourt une héré-
dité convergente des plus chargées au,x points de vue nerveux,
mental et dégénératif. Influence favorable du traitement thyroï-
dien sur l'obésité, nulle sur l'état des organes génitaux et sur les
fonctions sexuelles, ainsi que sur l'état mental. F. T.
XXX.- La spondylose rhizomélique ; anatomie pathologique et
pathogénie ; par MM. Marie et Léri. (Nouv. Icon. de la Sal-
pêtrière, 1906, n° 1.) ,
Si la maladie décrite par P. Marie en 1898, comme une « affec-
tion singulière caractérisée essentiellement au point de vue clini-
que par une ankylose à peu près complète de la colonne vertébra-
le (spondylose) et des articulations de la racine des membres (rhi-
zomélique) » est bien connue cliniquement aujourd'hui, il n'en est
pas de même au point de vue anatomique ; car il n'existe guère en
fait d'autopsie que celle publiée en 1899 par P. Marie et Léri.
Une nouvelle autopsie- leur permet de confirmer entièrement les
hypothèses qu'ils avaient émises alors timidement sur la nature
de la spondylose rhizomélique, à savoir que cette affection est une
ostéopathie infectieuse ou toxi-infectieuse caractérisée primitive-
ment par une raréfaction osseuse et secondairement par une ossi-
fication compensatrice localisée aux ligaments, bourrelets et mé-
nisques. L'hyperossification apparaît ainsi comme une réaction
curatrice du processus raréfiant. De par l'anatomie et la patho-
génie la spondylose rhizomélique se distingue nettement de tou-
tes les autres affections ankylosantes de la colonne vertébrale
(cyphose hérédo-traumatique, rhumatisme vertébral ankylosant).
4Ç¡0 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Les indications thérapeutiques sont encore peu précises : un seul
procédé est recommandable parce que sans danger, c'est l'utilisa-
tion de la pesanteur pour leredressement des déformations ou l'ob-
tention d'ankyloses eri'bonne position. F. Tissot.
XXXI. Contribution expérimentale à la psychophysiologie de
l'usage des lunettes ; par Féré.(Nouv. Icon de la Salpêtrière,
1906, n° 1.)
L'usage d'appareils légers et bien construits augmente notable-
ment la capacité de travail et d'attention ; les lunettes sont à cet
effet de beaucoup supérieures aux lorgnons. F. T.
XXXII.- Le faisceau longitudinal inférieur et le faisceau optique
central ; quelques considérations sur les fibres d'association du
cerveau ; par La Salle Arciiambault. (Nouv. Icon. de la
Salpêtrière, 1906, no' 1 et 2.)
L'examen histologique en coupes sériées de huit cas de ramol-
lissement étendu des régions postérieures de l'hémisphère céré-
bral amène l'auteur à modifier sensiblement les notions classiques
admises sur l'origme et la nature de certains faisceaux, en particu-
lier du faisceau longtitudinal inférieur. D'abord ce faisceau ne
doit pas être confondu avec la couche sagittale externe (ces deux
appellations sont à tort considérées comme équivalentes) : il ne
constitue en effet qu'une partie de cette couche, au même titre
que les faisceaux de Sachs, de Wernicke, de Vialet. Selon l'op-
nion classique, le faisceau longitudinal inférieur est un long fais-
ceau d'association entre les lobes occipital et temporal. Dans ses
recherches l'auteur n'a jamais vu de dégénération du faisceau
longitudinal inférieur consécutive à des lésions occipitales ou tem-
porales corticales, par contre la dégénération a toujours suivi les
lésions du noyau lenticulaire, du corps genouillé externe, de la
partie de la couche optique immédiatement attenante. Il le consi-
dère donc comme un faisceau de projection, la couronne rayon-
nante corticipète du lobe occipital, ayant son origine dans le corps
genouillé externe et sa terminaison sur les deux lèvres de la scis-
sure calcarine (sphère visuelle corticale). Ce faisceau, que l'auteur,
propose d'appeler « faisceau optique central », apparaît ainsi
comme une partie du faisceau longitudinal inférieur des classiques
c'est ce dernier moins les fibres d'association qui encombrent son
territoire. Dans la capsule interne le faisceau optique central,
comme d'ailleurs les autres faisceaux de la couronne rayonnante,
est dissocié par les radiations thalamiques se rendant au pulvinar.
De son travail l'auteur tire d'autres conclusions ; le cingulum
relie les première et deuxième circonvolutions limbiques aux cir-
convolutions des faces médiane et latérale de l'hémisphère et vice
versa ; ses deuxsegmenLs,horizontal et inférieur.se continuent dans
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 491
le lobe occipital sous les noms de faisceaux de Sachs et' de Vialet,
ces deux derniers vaisssaux ne sont pas propres au lobe occipital,
ils existent également dans le lobe pariéto-temporal. Il en est
de même du faisceau vertical- de Wernicke qu'on retrouve dans
le lobe temporal. Les radiations thalamiques postérieures (parié-
to-occipitales) et inférieures (temporo-occipitales) proviennent de
toutes les circonvolutions des lobes temporal et occipital et de
la partie postérieure du lobe pariétal. Le tapetum est formé
exclusivement de fibres calleuses, il ne renferme pas de fibres
d'association. Il n'existe pas chez l'homme de faisceau d'associa-
tion occipito-frontal. Aucune fibre de l'écorce occipitale ne passe
dans le pied du pédoncule cérébral ; toutes les fibres que les ré-
gions postéro-inférieures de l'hémisphère envoient au pédoncule
proviennent du lobe temporal, surtout de la partie moyenne de
la deuxième circonvolution temporale et en partie de la troisième :
ces fibres constituent le faisceau de Turck. F. TISSOT.
XXXIII. Rachitisme tardif et scoliose des adolescents ; par
' BRISSAUD et Moutier. (Nouv. Icon. de la Salpêtrière, 1906, n°2.)
Scoliose survenue peu de temps avant la puberté, avec forma-
tion rapide d'une gibbosité très accusée, sans cause apparente :
donc scoliose essentielle dont certains caractères permettent de
dire qu'elle est une manifestation du rachitisme tardif. F. T.
. XXXIV. Quelques notes cliniques sur les analyses d'urine et leurs
résultats ; par Robert JoNES. (The Journal of mental Science,
Janvier 1906.)
Cette étude est basée sur 969 analyses d'urine faites
au lit du malade chez les aliénés de l'asile de Claybury, et dont
voici un résultat sommaire : 1° Quantité : Elle n'a pas été mesurée z
pour 24 heures; 2° Couleur : l'urine a paru être plus foncée au mo-
ment de l'entrée, c'est-à-dire dans les états plus ou moins aigus ;
mais il faut se souvenir que même à l'état sain la coloration de
l'urine est extrêmement variable ; 3° Réaction : L'urine était acide
85 fois sur 100, probablement à cause du phosphate acide de soude,
et non par suite de la présence d'un acide libre, elle était neutre 13
fois sur cent, et alcaline deux fois sur 100. 4° Consistance : varia-
ble, mais pas d'observations précises.
5°Odeur : pas notée dans tous les cas, mais quelquefois très forte
6° Densité : notée dans 963 cas : 1.000 à 1009, 5 fois ;-1010 à 1019;
364 fois ; 1020 à 1029 420 fois ; 1030 à 1039, 159 fois ;
1040 à 1019, 15 fois. 7° Constitution chimique ; phosphates.
Dans près de 25 pour % des cas (240 sur 969) les phosphates étaient
en excès, et cela non seulement dans les urines alcalines ou neutres
mais dans celles qui étaient acides ; 8° Albumine : Dans 7 pour cent
des cas, on a trouvé de l'albumine en plus ou moins grande quan-
492 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES
tité, sans que la nature de cette albumine ait été précisée. 43
pour cent des albuminuriques étaient des mélancoliques, 30 pour
cent des maniaques et 18 pour cent des déments ; 9° Sucre : Sa
présence a été constatée dans 25 pour cent de la totalité des cas ob-
servés. Mais tous ces cas étaient des cas de glycosurie, avec dispa-
rition éventuelle du sucre : aucun cas de diabète sucré n'a été cons-
taté. R. de MUSGRAVE CLAY.
YXXV.-Une réaction du sérum appparaissant chez des sujets en
état d'infection ; par M. Lewis C. BRUCE. (The Journal of
mental Science, août 1906.)
L'auteur a observé le sérum de tous les entrants à l'asile de
Perth, en utilisant comme agents passifs les globules rouges de son
propre sang : il décrit la technique employée et note les constata-
tions suivantes : la réaction agglutinative s'est produite sans
exception dans tous les cas de manie avec ou sans confusion de
folie circulaire, de folie manio-dépressive, de katatonie, d'hébé-
phrénie, d'épilepsie avec excitation. Elle ne s'est pas produite
dans les cas de folie ayant une autre cause que l'infection bacté-
rienne, par exemple dans la mélancolie d'origine métabolique dans
la folie avec délire systématisé, dans la folie par épuisement,
par anémie cérébrale, etc. Il a noté en outre que les globules rouges
d'un malade qui fournit cette réaction agglutinative sont proté- ,
gés non seulement contre l'agglutinine du sang du malade lui-
même, mais aussi contre l'agglutinine du sérum d'un autre malade,
c'est-à-dire que si l'on emploie les globules rouges d'un malade at-
teint de manie aiguë comme réactif du sérum d'un malade atteint
de folie circulaire, la réaction agglutinative ne se produit pas. L'au-
teur rapporte en terminant quelques expériences faites par lui sur
des lapins. R. de Musgrave CLAY.
XXXVL-Sur l'instinct : étude psycho-physique d'évolution et de
dissolution ; parM. W. II. B. STODDART, (The Journal of men-
tal Science, juillet 1906.)
Dans ce travail ingénieusement conduit et sévèrement déduit,
l'auteur s'est proposé d'établir : 1° Que les mouvements voli-
tionnels et les mouvements instinctifs sont exécutés par des trac-
tus différents du système nerveux ; 2° que le système moteur voli-
tionnel évoluant et se développant plus tardivement que le sys-
tème moteur instinctif est celui des deux qui est le plus tôt et le
plus facilement compromis dans le cas de trouble mental ; 3° que
lorsque le système moteur instinctif est atteint, les instincts dis-
paraissent dans l'ordre inverse de leur développement, c'est-à-dire
de leur évolution. R. DE Musgrave CLAY.
REVUE D'ANATOMIE ET' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 493
XXXVIL-La signification clinique de l'indoxyl dans Purine;par M.
Lewis C. Bruce. (The Journal of mental Science, juillet 1906.)
Les conclusions de ce mémoire sont les suivantes : 1° Il existe une
connexité entre, la présence d'un excès d'indoxyl dans l'urine et le
symptôme mental «dépression » ; 2° à en juger par les résultats du
traitement dans l'un des cas observés par l'auteur, la présence de
l'indoxyl pourrait bien avoir été le principal facteur étiologique
de la maladie mentale ; 3° les preuves semblent indiquer que l'in-
doxyl provoque la dépression bien plutôt que d'en être la consé-
quence ; 4° le fait d'avoir pu observer quatre cas types de mélan-
colie sans indoxyl urinaire semble démontrer que nous ne pouvons
pas considérer tous les cas de mélancolie comme présentant de l'in-
toxication par l'indoxyl. Nous devons toutefois nous souvenir que
beaucoup de toxines en s'unissant aux cellules nerveuses ou en
modifiant de toute autre manière leur activité fonctionnelle peu-
vent déterminer des effets mentaux prolongés alors même que la
toxine ne peut plus être décelée dans les excrétions. L'auteur pense
que c'est là probablement qu'il faut chercher l'explication de notre
impuissance à améliorer les malades dont le traitement a été com-
mencé tardivement ; 5° La présence d'un excès d'indoxyl dans
l'urine révèle une surcharge du tube digestif, qu'il faut traiter im-
médiatement par de grands lavements et le régime lacté pur ou
lacto-farineux R. de MUSGRAVE CLAY.
XXXVIII. Valeur des lésions corticales dans les psychoses d'o-
rigine toxique; par Ballet et LAIGNE1.-LAVASTINE. (L'En-
céphale, 1900. n° 5.)
Il y a des lésion ? de l'écorce dans les psychoses toxiques : ces
lésions ne sont pas constantes,elles ne difTèrentpas suivant la na-
ture de la psychose, elles ne sont pas inflammatoires mais dégé -
nératives. Chez 31 malades non délirants, ne fut observé qu'une
fois des lésions cellulaires corticales ; par contre sur 28 cas de
délirants manifestes, il existait 13 fois des lésions certaines (neu-
ronophagie, déformation globulaire, chromatolyse, migration
périphérique du noyau déformé). D'où il ressort que, dans les toxi-
infections, on ne trouve d'altérations corticales que chez les su-
jets délirants, que, par contre, souvent le délire existe sans lé-
sions corticales appréciables. Il semble donc qu'il n'y a pas un
rapport rigoureux, nécessaire, entre la lésion cellulaire et le
trouble mental; l'un et l'autre exprimeraient chacun à leur ma-
nière et dans une certaine mesure, indépendamment l'un de l'au -
tre, l'intoxication de l'écorce. C'est au reste bien plus la durée
d'un processus pathologique que sa cause et son aspect clinique
qui modifie l'histologie du cortex. F. TISSOT.
z494 REVUE t)E PATHOLOGIE MENTALE.
YI1.-L'applieation et la recherche des tests mentaux de Binet
chez les enfants des écoles communales de Gand ; par le Dr
DUPUREUX. (Journal de Neurologie, 1J0.
De l'étude, chez les enfants des écoles communales de Garni,
au moyen des tests mentaux modifiés de Binet, de la faculté de
comparaison, de la mémoire auditive, de la mémoire des images,
des chiffres, du dessin, etc., l'auteur tire la conclusion que l'in-
telligence des enfants de la classe ouvrière flamande s'éloigne
assez notablement par son mode d'extériorisation de celle des
enfants de la classe ouvrière parisienne. Cette infériorité appa-
rente des petits flamands seraitdue aux conditions de de mi-
lieu, etc., éminemment moins favorables au développement de
l'intelligence dans lesquelles sont placés ces enfants par rapport
aux enfants parisiens. G.-D.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
LXVL- Note sur quelques cas de trichotillomanie chez des alié-
nés ; par Féré. (Nouv. Icon. Salp. 1906, n° 2.)
Il s'agit de trois aliénés qui furent pris, presque en même temps
et dans le même service hospitalier, d'un besoin irrésistible de
s'arracher les poils, et chez lesquels toute hypothèse de sugges-
tion ou d'imitation doit être écartée*. Aucun n'a paru obéir à une
sensation subjective préalable, mais il est probable qu'ils ont eu
un prurit quelconque. F. T.
LXVII.- Arthropathie nerveuse chez un paralytique général non
tabétique ; par ETIEN1V et PERRIN. (Nouv. Icon. de la Salp.,
1906, n° 3.)
Les cas analogues connus sont relatifs à des paralytiques géné-
raux tabétiques. F. T.
LXVIIL- OEdème des pieds chez deux imbéciles; par TREPSAT
(Nouv. Icon. de la Salpêtrière, 1906, n° 1.)
Infiltration à forme de pseudo-oedème avec cyanose intense
et algidité, analogue à celle des myxoedémateux, et sur laquelle
l'influence du traitement thyroïdien a été à peu près nulle. Ces
oedèmes relèvent de troubles vaso-moteurs et trophiques.
F. T.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 495
LXIX. - La légende de l'immunité des Arabes syphilitiques
relativement à la paralysie générale, par A. Marie. (Revue de
Médecine, mai 1906.)
Au cours d'une mission en Egypte et d'une visiteà l'asile Abba-
sieh au Caire, l'auteur a recueilli des éléments statistiques sûr les
cas de syphilis et de paralysie générale chez les Arabes d'origine.
LesArabes constituent en dehors 92 pour 100 de la population et
représentent à l'asile environ 75 % de la population traitée. En
1901 il y avait 46 cas de paralysie générale dont la grande majo-
rité (3/ 4 environ) arabes égyptiens. Il fut relevé pour la même an-
née 76 cas de syphilis et sur 25 paralytiques généraux arabes
2' furent reconnus syphilitiques, les Arabes étaient pour la plu-
part des manouvriers et des artisans.
En résumé on peut constater que chez les Arabes égyptiens
dans les milieux urbains du moins, la proportion de P. G. est à
peu près ce qu'elle est en Europe.Si pareil fait a été mis en doute
en Algérie eten Tunisie, c'est que, dans ces pays, il n'y a encore
rien d'organisé au point de vue hospitalier : la plupart des mala-
des restent encore dans les familles et les cas de P. G. restent ordi-
nairement ignorés. C'est ce qui explique la légende qui s'est ac z
créditéejusqu'à présent. M. HAMEL.
LXX. -- -Contribution à l'étude des troubles de l'association vi-
suelle dans la folie ; par Sydney J. Cote. (7'he Journal of
Mental Science, juillet 1905.)
Travail intéressant mais trop détaillé pour être résumé : rappe-
lons seulement que le malade dont l'observation a servi de base à ce
mémoire était atteint de psychose de Korsalww. R. M. C
LXXI. Les symptômes médullaires de la démence précoee ; par
le Dr DEROUBAIX. (Bull. de la Soc. de méd. mentale de Belgique,
aoùt 1906).
Les troubles spinaux sont très fréquents dans la démence pré-
coce ; on les observe en effet dans les 31' des cas environ, d'après
l'auteur. Parmi ceux que l'on observe le plus souvent signalons
l'exagération des réflexes tendineux , le clonus du pied, l'aboli-
tion des réflexes cutanés abdominaux, le phénomène du gros
orteil, etc., tous symptômes qui tendraient à faire admettre une
lésion de la voie pyramidale. Mais d'autre part on a notéaussi
fréquemment des troubles de la sensibilité qui, d'une façon géné-
rale est obtuse, surtout à la douleur. Ces troubles spinaux se
rencontrent aussi bien dans les formes simples et hébéphréni-
quesque dans les variétés catatonique etparanoide de la démen-
ce précoce; mais dans aucune de ces formes ils ne semblent
avoir d'électivité spéciale pour la voie sensitive ou pour la voie
496 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
motrice. L'âge des malades et la durée de l'affection semblent
également sans influence sur le degré de fréquence ou la systéma-
tisation de ces troubles médullaires. G. Dl : nv.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
X X I X. - Deux frères atteints de myopathie primitive progressive
(Note additionnelle) ; par NOICA. (Nouv. Icon. de la Salpêtrière,
1906, n° 2.)
A une observation publiée dans la Nouvelle Iconographie, z
n° 4 et analysée dans les Archives de Neurologie, 1906, n° 129,
l'auteur ajoute deux nouveaux faits : l'existence de troubles sen-
sitifs et la constatation de lésions certaines dans un fragment de
nerf enlevé par biopsie, faits qui joints aux symptômes précédem-
ment décrits font penser à une polynévrite plutôt qu'à une myo-
pathie. Après tout il est possible qu'un élement nerveux soit venu
s'ajouter au cours d'une myopathie progressive. F. T.
XXX.-Sur un cas de « paralysie des béquilles» ; par SocA. (Nouv.
Icon de la Salpêtrière, 1906, n° 2.)
De son observation très étudiée et discutée l'auteur tire des con-
clusions tout à fait opposées à ce qui est généralement admis en
la matière, à savoir : la paralysie des béquilles n'est pas une para-
lysie du plexus, ni funiculaire, ni terminale, c'est une paralysie
radiculaire totale ; la compression seule est insuffisante à l'expli-
pliquer encore qu'elle ait une action dans la paralysie du radial ;
le véritable mécanisme en est dans la traction qui s'exerce sur les
racines du plexus brachial, la béquille jouant le rôle de poulie de
réflexion. F. T.
XXXI. Un cas de neuro-fibromatose généralisée. Note sur laneu-
ro-fibromatose animale ; par Rudler. (Nouv. Icon. de la Salpê-
trière, 1906. n° 2.)
Homme de 27 ans, à antécédents d'icthyose, présentant deux
symptômes de la triade de Recklinghauser : tumeurs cutanées et
pigmentation spéciale de la peau ; absence de tumeurs des nerfs.
L'affection est congénitale chez ce sujet qui n'est ni un infantile,
ni un hypothyroïdien, ni un débile.
A propos de ce cas l'auteur a recherché dans la littérature les
observations publiées de neuro-fibromatose généralisée dans la
série animale : cette affection y est rare, mais les cas décrits sont
REVUE de'pathologie nerveuse. 497
intéressants à rapprocher de ceux rapportés en médecine humaine
qui ont pu être suivis d'autopsie et dans lesquels les tumeurs cu-
Lanées coïncidaient avec des dégénérescences kystiques ou sar-
comateuses des glandes internes. F. T.
XYXIIL- Etude sur le : ; paraplégies par rétraction chez les vieil-
lards ; par LEJONNE et LHERMITTE. (Nouvelle Icon. de la Salp.,
1906, no 3.)
Etude d'une maladie du vieillard, la myosite chronique diffuse,
peu connue parce que confondue avec des types cliniques voisins
(rhumatisme chronique, sclérose médulaire polyfasciculaire), à
étiologie très obscure, mais favorisée par le grand âge et toutes les
causes de confinement au lit. Début insidieux par une parésie
progressive des membres inférieurs qui nécessite l'alitement ; dès
lors apparition de l'amyotrophie et de la rétraction musculaire
consécutive qui commandent l'attitude en flexion. Les muscles
prennent la forme de cordes rigides douloureuses à la pression ; la
mobilité et la force musculaire sont fonction de l'atrophie et de la
rétraction. Les articulations conservent leurs formes. Les nerfs
ne sont pas douloureux. Les réactions électriques des muscles ne
sont pas gravement modifiées. La contractilité idio-musculaire
est augmentée. Conservation des réflexes ; intégrité des réservoirs.
Extension progressive de l'amyotrophie à tout le système muscu-
laire. Terminaison dans le marasme. Les lésions sont limitées au
muscle, partout ailleurs les altérations rencontrées sont le fait de
la sénilité. Le muscle est sclérosé, rétracté, infiltré par une proli-
fération de tissu conjonctive-adipeux. Les particularités cliniques
et anatomiques de cette affection la différencient nettement d'une
part des paraplégies dont la cause revient à un processus encé-
phalique ou médullaire et d'autre part du rhumatisme chronique.
F. TISSOT.
XXXI\7. '- Encéphalite avec confusion mentale primitive ; par
KLIPPEL. (L'Encéphale, 1906, n° 4).
L'encéphalite peut se traduire par divers syndromes : démence
simple, paralysie générale, confusion mentale : c'est qu'en effet
l'encéphalite, si diffuse et si intense sort-elle, n'est pas la condi-
tion unique du syndrome paralytique, celui-ci n'étant pas néces-
sairement lié à des lésions inflammatoires. « Les agents pathogè-
nes, pour produire un syndrome donné, doivent agir sur l'encé-
phale sur un certain mode, en deçà et au delà duquel ces mêmes
agents produisent d'autres syndromes. Pour s'expliquer les divers
syndromes qu'uu même agent pathogène, qu'une même toxine
peuvent provoquer, leur mode d'action est aussi important à con-
sidérer que leur nature même. »
Le cas particulier à trait a un malade dont l'autopsie révéla
Archives, 3' série, 1907, t. I. 32
119S REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
une encéphalite diffuse'avec un syndrome confus, sans que rien,
absolument rien, n'ait d'autre part rappelé le moindre symptô-
me appartenant au syndrome paralytique. Quant à l'encéphalite
elle-même elle est remarquable par l'intensité de la congestion
vasculaire et de l'oedème,marquée au microscope par la présence
dans les gaines vasculaires de cellules conjonctives hypertro-
phiées, de cellules plasmatiques comme il en entre dans l'encépha-
lite paralytique, (preuve que ces éléments cellulaires ne sont pas
caractéristiques de la paralysie générale, ayant, été rencontrés
dans d'autres inflammations), de cellules diverses du type em-
bryonnaire. Klippel pose le problème de l'origine des cellules qui
infiltrent les gaines lymphatiques dans les encéphalites, de celles
du moins dont les caractères ne sont pas nettement tranchés dans
le sens leucocyte ou conjonctif, il émet l'hypothèse que l'agent
pathogène en action simultanée sur le sang et sur les cellules des
, gaines vasculaires entraîne ici et là des réactions cellulaires spé-
ciales suivant ces divers tissus. F. TISSOT.
XXXV. Les principales formes des troubles nerveux dans le
mal de Pott sans gibbosité ; par Alquier. (Nouv. Icon. de la Sal-
pêtrière, 1906, n° 1.)
Excellente étude séméiologique et diagnostique trop impor-
tante pour être résumée ou analysée succinctement. L'absence de
gibbosité qui, pour des raisons anatomiques, est un apanage du
mal de Pott de l'adulte, est une cause de grandes difficultés du
diagnostic ou d'erreurs cliniques, tous les syndromes de compres-
sion de la moelle et des racines pouvant être réalisés par les mani-
festations nerveuses d'origme pottique. Après l'exposé d'un grand
nombre de cas, personnels ou autres, l'auteur aborde le diagnos-
tic différentiel avec les affections nerveuses médullaires ou para-
médullaires dont le mal de Poil sans gibbosité peut prendre le
masque (névralgies, polynévrite, myopathie, myélite transverse,
/ syringomyélie etc..) ; il énumère ensuite les éléments qui per-
mettent de poser le diagnostic de tuberculose vertébrale et con-
clut enfin que parfois, et malgré une analyse conique minutieuse
des troubles nerveux, il est absolument impossible, en l'absence
de déformation rachidienne, de diagnostiquer le mal de Pott.
F. TISSOT.
XXXVL- Acromégalie partielle avec infantilisme ; par PEL (Nouv.
Icon. de la Salpêtrière, 1906, n° 1.) .
. Observation très fouillée dans l'exposé des symptômes, intéres-
sante par l'association des caractères physiques de l'infantilisme
et de signes certains d'acromégalie manifestes dès la naissance ;
discussion pathogénique documentée et serrée. F. T.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4P9
XXXVI. -Achondroplasie partielle, forme atypique ; par DUFOUR
(Nouv. Icon, de la Salpêtrière, 1906, nua 2,)
Observation comportant l'existence de certains signes nets
d'achondroplasie et l'absence de certains autres non moins typi-
ques. F, T.
XXXVII. Cyphose prononcée chez un tuberculeux; par Bris-
snun etJ\IouTIE R. (nous. Icon. de la Salpêtrière, 1906, n° 1.)
Complément d'une observation antérieure publiée dans la Nou-
velle Iconographie, 1904, n° 2.
SOCIÉTÉS SA.VANTES
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 11 avril 1907. PRÉSIDENCE de M. BABINSKI.
(Résumé des communications et présentations)
11%1.palll Camus et SEZARY : 1° Poliomyélite antérieure aiguë de
. l'adolescence à topographie radiculaire ; 2° Un cas de neuromyo-
site post-varicelleuse.- J\n1. LE¡ONJ\'E et C)PPERT . Paralysie uni-
latérale de plusieurs nerfs crâniens. MM. Roger Voisin etMACÉ
DE LÉPINAY : Syndromes cérébelleux congénitaux. LE-
Tonne et SCHMIERGELD : Poliomyélite antérieure aiguë de l'ado-
lescence à type d'hémiplégie spinale croisée. M. H. LAMY : Mo-
noplégie du membre supérieur survenue subitement chez un vieil-
ard artério-scléreux (distribution radiculaire supérieure de la pa-
ralysie). MM. Crouzon et NATHAN : Paralysie des masticateurs,
ophtalmoplégie totale et bilatérale, paralysie faciale unilatérale,
au cours du tabès. MM. C3t0UZOiV et VILLARET : Hémi-hypertro-
plùe congénitale. MM. II. CLAUDE et P. Lejonne : Sur une af-
fection méningo-encéphalique de nature mal déterminée. M.
Souques : Notes complémentaires sur l'intérêt médico-légal des
hémiplégies tardives traumatiques. MM. LEJONNE et Quartier
Hémiplégie d'origine thalamique à 23 ans. Paralysie générale et
tabès à 26 ans. - 11D,I. AlQUIE11 et CONOS : Sur les parésies spas-
modiques permanentes de l'urémie lente. MM. DEJERINE et An-
dré Thomas : les lésions radiculo-ganglionnaires du Zuna ? 11DI.
Souques et Virrcerur : Lésion pedouculaire avec thermo et vaso-
asymctrie. Lésion protubérantielle avec thermovaso-asymétrie et
500 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
dissociation syringomyélique de la sensibilité .- M. IARINRSCO
Un cas d'amyotrophie Charcot-Marie à début par les membres su-
périeurs, avec participation de quelques muscles de la face et des
muscles masticateurs. MM. Marinesco et liIINEA : Etude des
ganglions spinaux dans un nouveau cas de tabes. - M. NoïcA :
Sur le phénomène de dissociation des réflexes cutanés et tendineux
produit expérimentalement chez l'homme, M. EGGER - La fonc-
tion gnosique. '
Séance du 2 Mai 1907.
Présidence de M. BABiNsKi
Hystérie
M. DÉJERINE présente une femme de 45 ans, atteinte à l'âge
de 13 ans de crises hystériques, qui durèrent deux ans ; elle guérit,
se maria, eut des enfants. Il y a dix ans, ayant perdu son mari et
trois enfants, elle fit du délire avec tentative de suicide. Elle pré-
sente actuellement une forte contracture en extension des mem-
bres inférieurs avec flexion des orteils et une contracture du mem-
bre supérieur gauche avec pronation et rotation interne ; les ré-
flexes sont abolis; il y a anesthésie complète avec anosmie et agneu-
sie, spasme vésical avec émissions inpérieuses, mais sans incon-
tinence. La malade est soumise à la méthode d'isolement et de
psychothérapie et M. Déjerine espère la représenter guérie.
M. Déjerine signale encore un cas d'hémiplégie infantile avec
mouvement choréiformes dans le côté atteint.
Syringomyélie
M. BAR croit à l'origine congénitale de la syringomyélie dans
quelques cas ; il apporte à l'appui trois observations dans lesquelles
il a trouvé le début du processus chez des enfants et même chez un
embryon de quarante jours.
Hérédo-ataxie cérébelleuse z
M. R. Voisin et D'1ACÉ DE LÉPINAY présentent cinq sujets de
la même famille ; le début des accidents hérédo-ataxiques remonte
à l'âge de 35 ans chez la mère, vingt et vingt-cinq ans chez le fils
et la fille : le petit-fils et la petite-fille, qui sont tout enfants, ont
déjà des troubles moteurs accentués ; ils en concluent que dans
chaque génération les symptômes apparaissent de plus en plus
'tôt.
Mort rapide après ponction lombaire
M. de LAPER SONNE lit l'observation d'un sujet de vingt-quatre
SOCIÉTÉS SAVANTES. 501
ans atteint depuis trois mois de céphalée, vomissements et trou-
bles oculaires ; l'examen de l'oeil fit constater une stase papillaire
marquée à droite. La ponction lombaire,pratiquée dans la position
assise habituelle, amena avec peine 9 cent. cubes de liquide cé-
phalo-rachidien ; mais le malade fut pris de céphalée, puis de tor-
peur avec ralentissement du pouls, d'asphyxie avec cyanose, et
mourut au bout de soixante heures. L'autopsie découvrit l'exis-
tence d'un sarcome du lobe frontal droit de la grosseur d'un oeuf
de poule. La raison de cette mort rapide n'est guère évidente.
M. SICARD pense que la position de choix pour la ponction est le
décubitus latéral. -
M. BABINSKI fait remarquer que les malades qui sont soulagés
par la ponction sont ceux qui présentent les phénomènes d'hy-
pertension céphalo-rachidienne.
Injection d'alcool dans le nerf sciatique
MM. BRISSAUD,SICARD et TANON ont vu de ce fait deux cas de
paralysie des membres inférieurs avec abolition des contractilités
faradique et voltaïque. L'action destructive de l'alcool sur la
myéline et le cylindre axe est au contraire recherchée par cette
méthode qui donne des résultats remarquables dans les névralgies
du trijumeau.
Tic isolé de la paupière inférieure
Ce cas de dissociation rare,a été observé par MM. RAYMOND et
F. Rose; il est plus fréquent pour les gros muscles comme le deltoïde
et le trapèze. Ce manque de participation de la paupière supérieure
existe également dans le mouvement de la paupière inférieure que
la malade peut à volonté mouvoir isolément.
Chorée de Sydenham et syphilis secondaire
MM. CIIARTIER et F. RosE signalent l'apparition de chorée chez
une fille de dix-sept ans, deux mois après l'apparition des signes
primitifs de syphilis ; les auteurs pensent qu'il existe entre les deux
affections une relation marquée ; il faut remarquer qu'il s'agit bien
de chorée de Sydenham et non de chorée hystérique.
Traitement de la sciatique par les injections de sérum artificiel.
MM. LÉvy et BEAUDOUIN ont constaté expérimentalement les
résulats fâcheux de l'injection intranerveuse d'alcool dans les né-
vralgies sciatiques ; ils emploient la méthode et la technique alle-
mande en injectant des doses massives et répétées de sérum arti-
ficiel stovamé ; ils ont obtenu cinq résultats satisfaisants.
502 SOCIÉTÉS SAVANTES
Zona ophtalmique et paralysie du moteur oculaire externe et de
l'accommodation.
t
M. GALEZOVVSKI, qui présente ce cas de paralysie dissociée,
pense qu'il s'agit de lésions périphériques dues à l'inflammation du
ganglion ciliaire et du moteur oculaire externe dans son trajet in-
tra-caverneux. -
Paralysie pseudo-bulbaire
1 MlI1. RAYMOND et ALQUIER présentent la photographie de piè-
ces provenant d'un cas de paralysie pseudo-bulbaire ; on y voit
des lacunes dans l'écorce et la protubérance ; les voies pyramidales
'sont intactes. Les lésions protubérantielles se sont manifestées
cliniquement par du tremblement intentionnel. de la scansion de
la parole et du nystagums.
Syndrome de Weber avec hémianopsie
M. Rossi et Roussy ont étudié le cas par des coupes en série
où l'on voit un gros foyer allant de la région pédonculaire externe
gauche à la région sous-optique.
. Baresthésie
M. EGGER discute la théorie d'origine superficielle ou profonde
de la baresthésie.
Rhumatisme chronique et insuffisance thyroïdienne
M. Peppo-Acciiioli, professeur à Constantinople, lit une ob-
servation de rhumatisme articulaire chronique consécutif à une
insuffisance thyroïdienne due à l'action répétée de rayons X sur
la thyroïde.
J. ROLET.
NECROLOGIE -
FÉRÉ
(1852-1907)
Notre collègue Féré, médecin de Bicêtre, qui a suc-
combé, avant l'heure, à cinquante-quatre ans, après
avoir don;lé, un quart de siècle durant, l'exemple d'un
travail opiniâtre et méthodique entrepris par une haute
imelligerce.Pour lui rendre l'hommage auqueliladroit,
'nous ne saurions mieux faire que de reproduire le dis-
cours prononcé à ses obsèques par noti ami le Dr LE-
TULLE.
504 NÉCROLOGIE.
Né à Auffay, en Normandie, le 13 juin 1852, Féré avait
commencé ses études à Rouen, dans cette Ecole de médecine
qui façonne avec tant de vigueur et de science une pléiade
continue de solides cliniciens. Lauréat des hôpitaux de Rouen
en 1872, Féré venait à Paris, attiré par le prestige de notre
Internat des hôpitaux ; il passait les premières années de sa-
vie parisienne chez Alphonse Guérin, Constantin Paul, Jlor-
teloup, Mauriac, Gubler et enfin chez Bouchard, à Bicêtre, en
1876. où il devait trouver sa voie. Interne de Broca, de Gué-
niot, de Parrot, de Guyon, Féré se destinait d'abord à la chi-
rurgie, pour laquelle il avait une prédilection marquée. La
Salpêtrière, où la toute puissante influence de Charcot com-
mençait faire triomphante une Ecole scientifique nouvelle,
ouverte à toutes les personnalités et à tous les travailleurs,
décida Féré et l'entraîna dans l'étude de la neuropathologie.
Sa thèse (1882) sur les «Troubles fonctionnels de la vision par
lésions cérébrales (amblyopie croisée et hémianopsie) » en est
la preuve et est déjà marquée de l'empreinte ordonnée de
Charcot, qui portait sa méthode dans le chaos de la patholo-
gie nerveuse.
Bientôt, l'esprit mûri de notre collègue prenaitson propre
élan et allait faire de lui une personnalité des plus marquan-
tes dans les sciences biologiques. '
C'est qu'en effet, non content d'appliquer à la neuropatholo-
gie et à la psychopathologie ses qualités remarquables et sans
cesse cultivées d'observateur sagace et de clinicien plein de
finesse, Féré apportait à ses études médicales 1 enquête scien-
tifique, plus précise et plus sûre, de l'expérimentation. Notre
collègue aura eu le rare mérite de contribuer pour une part
capitale, par son labeur incessant et par les beaux résultats
obtenus, à une révolution bienfaisante, à la revision delà
psychologie, tant normale que pathologique, au moyen de
l'expérimental ion biologique.
Expérimentateur ingénieux autant qu'impeccable, allant
parfois mêmejusqldla minutie, Féré, soutenu par la pas-
sion de la science et par ses études approfondies, se façonna
psychophysiologiste et psychopathologiste de premier ordre.
Les innombrables travaux consacres par lui à la « Patholo-
gie des émotions , à la « Famille névropathique », à la « l'é-
généresoence et à la criminalilé » au,« Magnétisme animal»,à à
1' Evolution et à la dissolution de l'instinct sexuel » aux
«Troubles de l'intelligence », a 1' « Aphasie et à ses diverses
formes », au « Traitement des aliénés dans la famille »,
pour ne citer que ses principaux ouvrages,en font foi et mon-
trent la diversité de ses recherches, autant que la souplesse
de son esprit.
NÉCROLOGIE. 505
Mais ce qui donne peut-être à mon cher camarade et com-
patriote tant regrettgsa physionomiela plus personnelle, c'est
l'ardeur passionnée avec laquelle ce médecin aliéniste, si at-
taché à l'étude clinique de la paralysie générale, de l'épilepsie
de l'hystérie, de l'alcoolisme, de la morphinomanie et à' leur
thérapeutique, consacrait à des études de biologie pure tout
le temps de loisir qu'il pouvait encore trouver. Les archives
de la Société de Biologie sont remplies d'un nombre difficile
à compter de.ses travaux,tous marqués au sceau delascience
la plus élevée en même temps que de l'expérimentation la
plus ingénieuse, la plus fouillée, si l'on peut ainsi parler. Ses
expériences mémorables sur le « travail musculaire » et la
«physiologie des mouvements volontaires », sur le rôle des
excitations sensitives et sensorielles dans la « fatigue muscu-
laire » et sur leur enregistrement graphique, sur la « sensa-
tion et le mouvement sur le travail et le temps de réaction»
ont porté au loin et depuis plus de vingt ans la renommée
de Féré. -
Ses recherches sur la tératologie et surla tératogénie expé-
rimentale, conduites avec la ténacitéet l'inlassable volonté
d'une foi robuste dans la vérité scientifique mirent le comble
à sa réputation. Elles symbolisent, à vrai dire, le caractère de
de notre collègue : aborder une question bien précise, l'étu-
dier sous toutes ses faces, sans trêve ni repos, jusqu'au jour
où la démonstration apparaîtra éclatante et indiscutable,
telle t'ut sa vie scientifique. et, ajoutons-le, là restera la trace
glorieuse de ce grand travailleur.
L'homme n'était pas plus banal que son oeuvre. Grand,
maigre, avec un visage un peu triste, aux traits fortement
sculptés, au front large et bombé, Féré était l'affabilité même.
Il était d'un abord sympathique, et qu'on n'oubliait plus
quand on l'avait quelque peu fréquenté. Biologiste estimé,
doublé d'un médecin psychologue, il aura passé parmi nous
un peu fier, sans ambition, modeste comme tous les vrais sa-
vants. Il aura su trouver dans la culture de la science, qu'il
adorait, ses joies les plus élevées et, quand il le fallut, ses
consolations et sa récompense. '
Existence bien remplie, en somme, que celle entièrement
consacrée, comme la sienne, à interroger les problèmes les plus
ardus de la biologie ? Et heureux l'homme qui a pu en jouir
sans regrets ni amertume, en éclairant de quelques lueurs
bien pures le grand problème, encore si obscur, delà vie hu-
maine.
Féré a été pendant de nombreuses années un collabo-
rateur assidu du Progrès médical et des Archives de
506 CORRESPONDANCE.
neurologie (en dernier lieu, en 1904.) Dans l'un et l'autre
de ces journaux il a donné une série d'articles, de mé-
moires, d'un incontestable intérêt scientifique.
Principaux ouvrages DE "1. Ch. FÉRÉ. - Sensation et
mouvement, 1 vol., 1 IUU, traduction espagnole, Madrid, 19U3 ;
- Les épilepsies et les épileptiques, 1 vol., 1890, traduction al-
lemande, Leipzig, 1894 ; Traité élémcntaire d'anatomie médi-
cale du système nerveux, 1 vol., ISU 1 ; - La pathologie des
émotions,. 1 vol., 18U, traduction anglaise, Londres, 1S ! I ! 1 ; -
Le traitement des aliénés dans les familles (3e édition), i vol.,
1\J0 : >; Le magnétisme animal (4 édition), traduction anglai-
se, Londres et New-York, 1888; Dégénérescence el criminalilé
(3- édition), 1 vol., 1900 ; La famille névropalhique, (2- édi-
tion), 1 vol. 1898, traduction allemande, Merlin, 18U4, traduction
russe, Moscou, 1896 - - De l'aphasie el de ses différentes for-
mes, par D. Bernard, (2e édition), avec une préface et des notes,
par Cli. Féré, 1 vol. ; Du cancer de la vessie, 1 vol., 1881 ;
Contribution et l'étude des troubles fonctionnels delà vision par
lésions cérébrales. 1 vol, 1882 ; - Hysteria epilepsy and the
spasmodic neuroses (twentich century practice ol'medecine), Ne»
York, 1897 : - L'instinct sexuel, évolution et dissolution, (
édition), 1902, traduction anglaise. Londres, 1900, traduction tihé-
que, Prague, 1902; - Les troubles de l'intelligence (traité de
pathologie générale de Bouchard, tome 111, 1903.
CORRESPONDANCE
Depuis quelques années les médecins des asiles d'aliénés s'in-
téressent de plus en plus à leur personnel secondaire, ainsi que
nous a\ons eu souvent l'occasion de le montrer dans les analyses
de leurs rapports annuels. Les salaires ont été relevés ou des
demandes pressantes, dans ce sens, ont été faites. Des essais d'ins-
truction prol'esionncllc sont tentés dans divers asiles, seuls ou
en connexion avec les cours d'écoles municipales faits dansla mê-
me ville ou la ville voisine, par exemple les cours spéciaux de
l'asile Saint-Luc, près Pau et les cours de l'école d'infirmières de
l'hôpital de Pau. Des publications sur les soins à donner aux alié-
nés, sur la conduite des infirmiers et des infirmières envers les
malades ont paru. Nous citerons, après les chapitres de notre
Manuel/le l'infirmière, nos rapports à la commission de surveil-
lance des asiles de la Seine, les brochures du 1), LewL, du dur
Cornu, de notre dévoue collaborateur Charon, de Dury-les-
Amiens, elc. Nous renouvelons à cette occasion notre appel à nos
écoles d'infirmières. 507
collègues des asiles pour qu'ils nous renseignent, même sur les
essais imparfaits. Aujourd'hui nous sommes heureux de publier
une lettre très intéressante de M. le Di, Privât de Fortunié.
Cours d'infirmiers A l'Asile d'Armentières.
M. le rédacteur en chef, Conformément au voeu exprimé par
la Commission de surveillance et avec l'autorisation de M. le Di-
recteur qui voulut bien assister à la première séance, j'ai organisé
à l'Asile d'Armentières des cours d'infirmiers à partir du 9 octobre
1906. Commencé sous d'heureux auspices, cet enseignement ne
tarda pas à rencontrer un certain nombre de difficultés. Et d'abord
tous les infirmiers n'étaient pas également susceptibles de retirer
un profit de l'enseignement. Tel d'entre eux, par exemple,
avouait une connaissance imparfaite de la langue française.
D'autre part l'application du repos hebdomadaire en grossissant
chaque jour le nombre des gardiens sortis,ne permettait pas dans
divers quartiers de distraire une partie de l'effectif, sans danger
pour la surveillance. Aussi tous les gardiens qui ont suivi les cours
n'ont pu le faire d'une façon assidue et sans intermittence.
L'inconvénient que nous signalons était d'autant plus sensible
que le personnel infirmier dont le recrutement est déjà si difficile
se trouve raréfient au complet. La grande instabilité de ce per-
sonnel devenait un obstacle nouveau. C'est ainsi que depuis le
mois d'octobre nous avons vu partir cinq gardiens qui avaient
commencé à suivre les cours. A la 11e division, quartier des en-
trants, le chef a changé deux fois dans cet intervalle, de telle sorte
que pour ce quartier j'ai vu se succéder au cours trois chefs différents.
Malgré ces quelques difficultés, grâce à une bonne volonté récipro-
que le cours a pu fonctionner régulièrement sur les bases suivan-
tes :
Les leçons ont lieu deux fois par semaine aux jours et heures pa-
raissant le plus convenables à savoir le mardi et le vendredi à 3
heures du soir. En vue des exercices pratiques on a choisi comme
local le salon de la pension, de préférence à la salle du parloir uti-
lisé primitivement. La durée de chaque leçon varie de 3/4 d'heure
à 1 heure. Afin de restreindre les lacunes chez des gardiens qui ne
peuvent assister régulièrement aux séances, le commencement de
chaque leçon est consacré à une récapitulation de la leçon précé-
dente. L'ensemble du cours comprend à la fois des leçons théori-
ques et des exercices pratiques. Enfin pour compléter l'enseigne-
ment, il a été mis entre les mains des infirmiers,divers manuels où
ils peuvent revoir les notions données au cours.
Au point de vue du programme, je me suis inspiré de l'ensei-
gnement similaire institué dans les hôpitaux et de celui qui a été
adopté dans les asiles de la Seine. Ce dernier est ainsi réparti :
508 correspondance.
Anatomie et physiologie : 12 leçons ; .
Anatomie et hygiène : 12 leçons ;
Soins médicaux et chirurgicaux : 24 leçons ;
Soins aux aliénés : 20 leçons ;
Administration : 6 leçons.
Total : 80 leçons,.
C'est là, comme on le voit, un programme complexe, embrassant
un grand nombre de matières et nécessitant la collaboration de
plusieurs personnes. Aussi je n'ai pu le suivre dans toutes ses par-
ties. Voici le programme auquel je me suis arrêté :
Programme du cours.
I. Soins hygiéniques : 2 leçons : A) Hygiène de la salle de
malades : a) Causes de viciation de l'air par : 1° Respiration (phy-
siologie, cubage de place, ventilation) ; 2° Chauffage (dangers des
divers appareils, réglage, asphyxie par oxyde de carbone) ; 3°
Eclairage ; b) Nettoyage des planchers, murs ; inconvénients des
tapis, rideaux, etc. ; B) Hygiène du lit : conditions d'un bon cou-
chage ; C) Hygiène du malade : soins de propreté généraux.
IL-Soins médicaux généraux : 2 leçons : 1° Renouvellement de
l'air dans une chambre de fébricitant, température de la chambre :
2° Garniture d'un lit,changement du drap de dessous, changement
de lit, changement de position dans le lit ; 3° Soins de propreté spé-
ciaux chez fébricitants : bouche, nez, yeux, etc. ; 4° Prise et ins-
cription de la température ; 5° Surveillance du régime ; 6° Conser-
vation des excréta.
IIL-Utilisation des divers agents thérapeutiques : 1) Agents phy-
siques : 8 leçons ; 1° Ventouses ; 2° Thermocautère ; 3° Saignées et
sangsues ; 4° Applications d'eau chaude ; 5° Applications de glace ;
6° Enveloppements humides ; 7° Frictions sèches ; 8° Bains, tech-
nique de la méthode des bains froids ; 9° Respiration artificielle ;
B) Agents médicamenteux ; a) Pour l'usage externe : 3 leçons ;
1° Teinture d'iode ; 2° Vésicatoires ; 3° Sinapismes et bains de pieds
sinapisés; 4° Cataplasmes sinapisés, laudanisés et cataplasmes de
fécule de pomme de terre ; 5° Emplâtres ; 6° Pommades ; technique
de la friction mercurielle et de la friction soufrée contre la gale ; 70
Liniments; 8° Collyres ; 9° Collutoires et gargarismes ; 10° La-
vements ; b) Pour l'usage interne : 3 leçons : Leur forme : liquide
(potions, sirops, huiles, gouttes), solide (poudres, cachets, pilules,
capsules, comprimés), mode d'administration et heure de l'admi-
nistration.
IV. -Soins médicaux spéciaux : a) Maladies infectieuses : 10 le-
çons : 1° Infection et contagion ; 2° Fièvre typhoïde : divers
modes de contagion, soins à donner aux typhiques, prophylaxie ;
3° Tuberculose ; 4° Scarlatine ; 5° Variole; b) Maladies parasitaires :
écoles d'infirmières. 509
3 leçons ; 1° Ver solitaire ; 2° Gale ;'3° Teigne ; 4° Pelade (contagion
et prophylaxie).
V. Soins chirurgicaux spéciaux, : a) Plaies, pansements et
bandages : 15 leçons ; b) Fractures appareils plâtrés et massage : 3
leçons ; c) Hémorrhagies et hémostase : 1 leçon, Total : 50 leçons.
Jusqu'ici il a été fait 42 leçons, la majeure partie de notre pro-
gramme a donc été déjà traitée, nous espérons l'achever en une
dizaine de leçons. Qu'il nous soit permis de résumer les traits es-
sentiels de cet enseignement.
Pour l'hygiène nous nous sommes borné au strict nécessaire à
savoir : hygiène de la salle de malades au point de vue de l'aération,
du chauffage et de l'éclairage, nettoyage des murs, planchers, etc.,
hygiène du lit, soins de propreté pour les malades. Au lieu de 12
leçons généralement prévues pour cette partie,nous n'en avons fait
que deux. *
L'anatomie et la physiologie qui comptent dans les programmes
pour 12 leçons ont été complètement laissés de côté. Pour y sup-
pléer des explications anatomiques et physiologiques ont été don-
nées chemin faisant chaque fois que ces explications devenaient
nécessaires pour la clarté du sujet.
La part de la pharmacie a été également considérablement ré-
duite. Tout ce qui concerne la préparation des médicaments a été
négligé. Après quelques indications sur les principales formes
pharmaceutiques, nous nous sommes surtout attaché à décrire le
mode d'administration des médicaments,à signaler les divers pro-
cédés rendant leur absorption plus facile ou moins désagréable, à
préciser les conditions dans lesquelles leur action est le plus utile,
c'est-à-dire l'heure du médicament.
Tout ce qui concerne la mise en oeuvre des divers agents thé-
rapeutiques : agents physiques et médicaments pour l'usage exter-
ne a été minutieusement étudié. Nous avons accordé une grande
importance aux soins médicaux spéciaux à donner aux sujets at-
teints de maladies infectieuses en insistant particulièrement sur
celles qui se rencontrent à l'Asile : tuberculose, fièvre typhoide,
scarlatine. Contagion et prophylaxie ont été étudiées dans les di-
vers cas. Il en a été de même pour certaines maladies parasitaires,
gale, teigne, pelade, ver solitaire. Pour rendre cette étude plus at-
trayante, nous avons tenu à montrer aux élèves le microbe ou le
parasite cause de la maladie. Enfin les soins chirurgicaux : désin-
fection des plaies, hémostase et confection des divers pansements,
bandages et appareils plâtrés ont pris un grand nombre de leçons.
Une grande importance a été donnée aux exercices pratiques :
transport de malades, prise de la température, respiration artifi-
cielle, application de ventouses, frictions médicamenteuses, pré-
paration de lavements, enveloppements humides, pansements des
510 correspondance.
escarres, etc. Jusqu'à présent, il nous a été 'impossible, et nous le
regrettons, de parler des soins spéciaux à donner aux aliénés. C'est
un sujet qui mérite d'être traité minutieusement; aussi nous prou-
posons-nous de l'aborder dans un avenir très prochain.
Tel a été le programme. Examinons quels en ont été les résultats.
A chaque séance le nombre des auditeurs est en moyenne de 10.
La moitié de ce nombre est représentée par le personnel du pavillon
des enfants. De ce quartier ont assisté régulièrement au cours 3
soeurs et 2 infirmières. Le reste de l'Asile, et c'est là sans doute une
disproportion, fournit à chaque séance cinq gardiens. Mais il im-
porte d'ajouter que pour ceux-ci existe une sorte de roulement qui
ramène à chaque séance de nouveaux auditeurs, tandis que d'au-
tres font défaut.De telle sorte que si l'on compte le nombre total des
gardiens qui d'une façon plus ou moins régulière assistent au cours,
ce nombre s'élève à 10. Bien que ce chiffre soit relativement peu
élevé,il convient de remarquer que la plupart des quartiers sont
représentés au coure par un auditeur et presque toujours il s'agit
du chef de quartier. C'est ainsi qu'en plus du pavillon des enfants,
la pension, le quartier des entrants, le quartier des épileptiques,
la 7e division ou quartier de délirants subaigus et chroniques, le
quartier des agités, le quartier des tuberculeux, l'infirmerie nous
ont fourni des élèves. Enfin ces jours-ci le pavillon Pinel vient de
nous envoyer une recrue qui pourrait devenir un excellent stimu-
lant pour les autres gardiens ; il s'agit d'un infirmier qui a déjà
suivi des cours à Paris et qui parait très au courant de la pratique
des pansements.
Il m'est encore difficile d'apprécier le degré d'instruction de ces
divers infirmiers. J'en compte cependant deux des plus assidus
et des plus zélés qui deviendront d'ici peu d'excellents serviteurs.
D'autres venus au cours plus tardivement nous donn ent également
de fermes espérances. Même pour ceux qui restent, certains faits
nous prouvent que tout n'a pas été perdu pour eux, puisque dans
un cas d'asphyxie par pendaison nous avons trouvé des infir-
miers en train de pratiquer la respiration artificielle avant l'arri-
vée des médecins. Si cet enseignement n'a peut-être pas encore
donné tous les résultats qu'on doit en attendre, nous estimons
néanmoins que le principe en est posé et qu'une réaction est en
train de s'opérer. La possibilité d'instruire le personnel nous ap-
paraît d'ores et déjà comme hors de conteste. A l'heure actuelle,
un noyau d'élèves est formé et il s'accroîtra certainement si l'on
trouve le moyen de rendre le personnel plus stable. En instruisant
ce personnel et en lui donnant véritablement un métier on y con-
tribuera sans doute. C'est là, on ne saurait trop le dire, une amé-
lioration urgente destinée à rendre les plus grands services au
point de vue de la thérapeutique, car à l'Asile, plus .qu'à l'hôpital
1 bibliographie. 511
peut-être, les infinnicrs sont pour le médecin de véritables collabo-
rateurs.
Dr Privât DE Fortunié,
- - 1 Médecin adjoint de l'Asile
- - d'Armentières.
BIBLIOGRAPHIE
Yll. Les anormaux pslichi(lites des écoles. Rapport à M. le
Maire de la ville de Bordeaux, par E. Régis. (Gounouilhou, édi-
teur à Bordeaux.)
M. le Dr Régis présente au maire délégué à la division de
l'Assistance et de l'hygiène publiques de Bordeaux un rap-
port où il donne d'abord un rapide aperçu de la question des
anormaux psychiques et la solution qui lui a été donnée en
France et dans les pays étrangers; puis il donne son avis sur ce
qui de\ rait être fait pour l'éducation des enfants anormaux dans
les écoles bordelaises. Dès le début de cette brochure, deux cho-
ses intéressantes sont à noter : une définition des enfants men-
talement anormaux ut leur classification. Pour 11. Régis, les en-
fants mentalement anormaux ou ano''mauxpsychiques sont ceux
qui présentent des infirmités, des arrêts de développement, des
déviations, des désharmonies, ou plus simplement de l'excitabi-
lité, de l'instabilité morbide du cerveau, empêchant ou dimi-
nuant leur adaptation aux méthodes d'éducation communes et
réclamant l'intervention de l'hygiéniste. Ils se divisent en : Anor-
maux d'école. susceptibles de bénéficier de l'instruction scolaire ;
Anormaux d'hôpital, éducables mais ayant besoin de soins hospi-
taliers ; Anormaux de réforme, ayant des tendances v icieuses à
corriger ; Anormaux d'asiles, représentant les plus profonds de-
grés delà dégénérescence.Nous ne nous permettrons pas de dis-
cuter la définition et la classification doM. Régis, mais il serait à
souhaiter qu'une fois pour toutes, éducateurs spécialistes et
médecins se décident pour l'adoption- d'une définition et d'une
classification définitive aussi satisfaisantes que le permettra l'é-
tat de laquestion et qui éviteront des confusions fréquentes cau-
sées par le nombre considérable des définitions et des classili-
rations actuelles. Pareille besogne avait été tentée par 31. llour-
neHIe dans sa Lettre à 31. Cariot, puis par un groupe d'éduca-
Leurs spécialistes ; un tel effort de\rail être repris et encouragé
par tous ceux que la question intéresse.
512 bibliographie.
Le D' Régis donne ensuite brièvement l'état des organisations
scolaires à l'étranger et fait constater les puissants eflorts de la
Suisse, de la Hollande, de la Belgique, de l'Italie, de l'Angleterre
et de l'Allemane.
En Prusse, 76 villes ont 141 écoles avec- 3S;r classes et 8207
élèves ; z317 instituteurs, 81 institutrices et 31 maîtresses techni-
(lues les instruisent, et,chose encourageante, 82 ? des anormaux
sortis peuvent gagner leur vie, En Anâleterre, 31 villes ont 152
écoles avec 7383 élèves. Londres seule compte 89 écoles pour
4423 élèves. Le total des classes en Suisse est de Ci pour 123(3 û-
lèves, soit une moyenne par classe de 20 élèves. Pareils bilans ne
se retrouvent pas en France ; à part les récentes tentatives de
Paris, de Lyon et de Bordeaux, rien n'est organisé. Cependant,
l'utilité des classes pour anormaux n'est pas à démontrer. La
longue et pénible campagne menée par le Dr Bourneville ? le
promoteur de l'assistance et de l'éducation des arriérés en France
a surtout donné des fruits' à l'étranger. Cependantun léger mou-
vement semble se dessiner, dans notre pays, en faveur des anor-
maux d'école. Le projet de loi. proposé par la commission plé-
nière instituée en 1904 au ministère de l'Intérieur, vient d'être
récemment déposé par le Ministre : deux classes spéciales d'anor-
maux se sont crées à Paris.
1... Le D1' Régis a'provoqué dans Bordeaux la réunion d'une commis-
sion de spécialistes chargée d'établir la statistique des anormaux
répartis dans les écoles bordelaises, En voici les résultais : sur
8735 élèves des écoles publiques de garçons, il a été trouvé 452
anormaux, soit 5, 17 010. Parmi ces anormaux : 13u sont des a-
normaux non arriérés et 31S des anormaux arriérés. Ces derniers
comprennent : 6 arriérés d'hôpitaux et 312 arriérés d'école. La
statistique pour les écoles de filles n'a pas encore été faite.
L'organisation proposée par le Dr Régis comprend : la des
écoles spéciales autonomes de 8 classes avec 25 élèves au maxi-
mum, peut-être mixtes si ce système, que M. Régis qualifie de
hasardeux, est possible. Les classes seraient confiées à des maîtres
spécialisés etautant que possible à des maîtresses. Un médecin
spécialiste seraitattaché à chacune des écoles. 2° des consulta-
tions-médico-pédagogiques, ayant lieu au moins une lois par
mois. Ces consultations purement médico-pédagogiques fonction-
neraient sans porter atteinte au droit des parents de recourir au
médecin de leur choix pour les traitements à suivre. 3° des cours
spéciaux aux instituteurs. Ces cours seraient faits dans les éco-
les normales par des médecins spéciaux et par les directeurs des
écoles spéciales. Celte question si importante du choix et de la
formation des maîtres de classes spéciales aurait gagné à être
développée par le D1' Régis ; elle mérite certainement d'être élu-
cidée par des esprits éclairés et tranchée par des gens compétents
bibliographie. 513
Espérons que tous ceux qu'intéressent la question de l'éducation
des anormaux et dont l'avis serait précieux en l'occurrence nous
fourniront une solution dont la nécessité s'impose. B.P.
X11L - Le roman scientifique d'Emile Zola. - La Médecine et les
/ ! onpoM-3/< ! cna)'t : par le Dr Henri JIARTINEAU, ,1.- £ 3. Bail-
lière, Paris, 1907.
Il est classique de dire que le toman d'EmileZola est du roman
expérimental et que son histoire naturelle et sociale' d'une famille
sous second Empire a été scientifiquement conçue et exécutée.
Le public a pu s'y laisser prendre et beaucoup ont ajouté à la
satisfaction littéraire, celle de faire de la science au coin du feu :
on lisait une scène d'accouchement, un tableau de viol, une des-
cription d'ambulance avec le même esprit qu'on va entendre une
conférence sur la tuberculose ou assister à quelque sensationnelle
opération médico-légale.
Le monde littéraire et scientifique en a jugé autrement. Ce
n'est pas ici le lieu d'aborder la critique littéraire ; mais après
Courge, Maurice Barrés, Anatole France, et en s'inspirant de
leur jugement, M. Martineau ieiit d'étudier au point de vue de
la conception scientifique, l'histoire des Rougon-Macquart.
Le sujet avait déjà tenté des spécialistes comme Toulouse et
I,omhrosa,.\l. \Iartincau lui donne ici plus d'extension. L'ouvrage
s'ouvre par une vue d'ensemble sur la conception scientifique de
Zola, puis il aborde ce problème de l'hérédité que l'auteur pen-
sait ou peut-être prétendait avoir scientifiquement mené, et dont
le critique nous montre les truquages ; les procédés de complai-
sance sont encore de mise dans les données de médecine géné-
rale ; l'intéressant personnage qu'est le D' Pascal, le dernier des
types dessinés par Zola, avec d'autant plus de soin qu'il le donne
comme l'apôtre de sa théorie scientifique est par ce fait même, de
la part de M. Martineau, l'objet d'une étude critique conscien-
cieuse.
Comme Flaubert disait de Zola qu'il était un romantique, M.
Martineau nous le montre comme une sorte de dilettante scienti-
fique. Peut-être le lui reproche-t-il avec un peu de partialité. A
l'heure actuelle, les admirateurs de Zola aiment en lui le poète
incontesté plus que le savant discutable. Il ne faut pas oublier
non plus que Zola n'écrivait pas pour-le même public que Claude-
Bernard, quoiqu'il s'en défende.
M. Martineau s'est sowentlaissé aller à la critique de l'homme
de lettres, tendance qui ajoute, d'ailleurs, à l'allure vivante et pei-
sonuelle de cette intéressante étude critique; elle franchira le
cercle du inonde médical pour être connue du public, des Zolalâ-
tres comme des Zolaphiles, pour employer un terme de la belle
époque du romantisme. J. BOLET.
AnctvES, 3° séric, 19C7, t. 1. 33
514 bibliographie. '
XIV. Traitements utiles du tabès, par le Dr Belugou, de La
Malou, Davy-Paris, 1906.
Le tabes est-il absolument incurable, et son pronostic est-il,
comme le dit Romberg, nécessairement fatal ? Ne peut-il,au con-
traire, sous l'influence de traitements spéciaux, être enrayé, ré-
gresser et même climquement guérir ?
Si l'on passe en revue les principales méthodes thérapeutiques,
on voit que le traitement antisyphilitique est le plus usité ; mais
l'examen de ses effets montre qu'il a surtout une action préventive
et que son efficacité est beaucoup plus douteuse chez les tabéti-
ques avérés; quoi qu'il en soit, la forme d'application de choix est
l'injection hypodermique de sels solubles, benzoate, bichlorure,
cacodylate ou hermophényl.
Le traitement par les agents physiques constitue une seconde
classe ; les procédés mécaniques : élongation de la moelle et des
nerfs, suspension etc., n'ont donné que de médiocres résultats ;
l'application rationnelle de la rééducation motrice en donne de
meilleurs. -
Tout autre est l'efficacité du traitement hydrothermal sur le
tabes ; Leyden, Grasset, Raymond,Landouzy attestent la valeur
thérapeutique de la balnéothérapie et les stations thermales utiles
peuvent d'après M. Belugou être ramenées à trois types princi-
paux : Néris, Balaruc et La,lllalou ; cette dernière station est réel-
lement spécialisée pour les tabétiques ; celle de Royat s'en rappro-
che ; c'est d'ailleurs l'étude de l'état général, de la nature des symp-
tômes et des complications coexistantes qui fixe pour le malade
l'indication de l'une des stations thermales étudiées.
Il va sans dire que l'hygiène des organes, de l'alimentation, du
système musculaire, ainsi que l'hygiène climatérique et psychique
seront de précieux adjuvants du traitement entrepris.
Traitement utile, affirme M. Belugou. Médecin de La Malou, il
est compétent dans la question et l'ouvrage qu'il présente aujour-
d'hui au monde médical continue la bérie de ses intéressants tra-
vaux sur les effets du traitement, hydrothermal dans les maladies
du système nerveux et en particulier de la moelle épinière.
. J. ROLET.
XV, Les lois psychophysiologiques du. développement des reli-
gions. (L'évolution religieuse chez llabelais; Pascal et Racine';
par le Dr 131NIn-S,\NGLÉ, prof.à l'Ecole de psychologie. (Un vol.
in-18 1907, chez Maloine).
Cet ouvrage est un nouveau chapitre de l'élude de psychophy-
siologie anthropologique entreprise parle prof. Binet-Sanglé avec
les « Prophètes Juifs «et dont il est superflu do souligner de
nouveau l'importance. L'histoire des suggestions religieuses chez
Rabelais et dans les familles Pascal et Racine lui permettra au-
bibliographie. 515
jourd'hui de poser les premières assises psychologiques de l'hié-
rogénie.-Dans l'introduction sont rappelées les diverses formes de
la croyance : on croit parce qu'on objective ses sensations, ou
par raisonnement, ou par sentiment, ou par crédulité (croyan-
ce par ouï-dire); on croit encore parce qu'on veut croire, et enfin
par suggestibilité (croyance Les idées religieuses s'ins-
tallent dans l'esprit par suggestion, par ouï-dire ou par senti-
ment. Elles ont évolué : d'abord le fétichisme, puis l'animisme,
puis les divinités, enfin le monothéisme, mais elles restenl en
dehors de la science, Dieu est une hypothèse. Les sentiments
qui en facilitent la pénétration suivent deux gammes : l'une
dans le ton de la peur, l'autre de l'émotion tendre. Mais elles
se sont heurtées aux vérités sensorio-raLionnelles et ont décliné :
les religions aboutissent à une sèche philosophie religieuse, et
les dogmatistes l'emportent sur les mystiques. Ces mystiques
ont un air de famille, ce sont des hypersuggestibles et ils se con-
tagionnent. Cette contagion est plus aisée entre les membres
d'unemême famille : les Arnauld, les Pascal, les Racine. Le
livre est divisé en 4 parties : les trois premières contiennent l'his-
toire des suggestions religieuses chez Rabelais et dans les famil-
les Pascal et Racine; la 4° est un aperçu des lois psychophysiolo-
girlues du développement des religions, d'après ces données his-
toriques.
1° Rabelais, nous dit M. Biiiet-Sanglé, était bien l'homme de
son livre, un être riche en substance, bien en chair, haut en cou-
leur, robuste, énergique « sain et dégourdi», plein de vie et de
gaité. Et, le suivant dans les grandes étapes de son existence, il
nous le montre soumis à toutes les suggestions des ordres reli-
gieux dont il fut membre, bénédictins et cordeliers; travaillant
beaucoup et pensant, lisant des lh res grecs interdits au couvent !
puis chanoine bénédictin, et peu après prêtre séculier parcourant
le monde, fait pour lequel il fut déclaré apostat « ab ordine sus-
cepto ». Rabelais commence alors à se montrer sévère pour les
moines; il se libère en partie des suggestions religieuses de son
enfance, entre en relations avec des partisans de la Réforme,aveC
Jean de Coyssonné, luthérien, qui dut abjurer à Toulouse les
idées qu'il partageait avec Rabelais. 11 devient bachelier en mé-
decine, publie son second livre.où il bafoue les papes, la faculté
de théologie, qui condamna l'ouvrage. 11 épouse les haines de Lu-
ther, dont il conserve en partie la foi cependant, il adresse au
pape une supplique où il demande l'absolution, qu'il obtient;
mais cette supplique est expliquée par le grand besoin d'argent :
Rabelais cherchait à redevenir moine pour avoir sa vie assurée-
Plus tard, grâce à une nom elle supplique, il devient chanoine
à ainL-nlaur,ott il reste juste le temps de s'assurer les bénéfices et
ensuite curé de Saint-Chrislophc.La condamnation[d'Etienne Do-
516 bibliographie.
Ici l'incite à faire des retouches à ses deux premiers livres;il pu-
blie le troisième, qui est dénoncé comme hérétique à François 1 ?
mais le roi le lut et s'en amusa fort. Rabelais restait d'ailleurs
déiste. Enfin il est nommé curé de lleudon;il résigne ses deux cu-
res et donne le 4e livre de son roman, où il s'attaque surtout au
pape. 11 meurt à 58 ans, en laissant les matériaux du 5e livre,
qui ne parut que 11 ans plus tard. - L'histoire de Rabelais mon-
tre qu'il se « dégagea peu à peu de la plupart des erreurs qui
s'étaient, par d'incessantes suggestions, imprimées dans son cer-
veau ; il le dut à sa science et à son intelligence, au nombre, à
l'activité, à la cohésion de ses neurones cérébraux, à l'excellente
constitution dont sagaité n'était qu'un signe, sabelle santé ».
2e Dans les '-le et 3° parties, l'auteur nous montre au contraire
les familles Pascal et Racine, victimes de leur hérédité et de leur
milieu, constituant un excellent terrain pour la culture des idées
religieuses. La famille Pascal s'éteignit, décimée par l'erreur,
après avoir subi la contagion de ces idées, à cause de sa constitu-
tion psychopathique, lI. Binet-Sanglé a dressé, pour sa démons-
tration, les observations médicales de tous les membres de cette
famille, et, en vérité, rien n'est plus probant..Le cas de la famille
Racine n'est pas moins frappant : tous les ascendants et col-
latéraux du poète ont présenté des tares.
Après l'histoire, vient la partie sociologique : des constatations
qu'il a faites, l'auteur tire un type dévot; le dévot esl un être ma-
ladif, prédisposé aux troubles du système nerveux, smémutil,
triste, humble .craintif, égoïste, éminemment suggestible, me-
nant une vie anormale, parce qu'il est anormal. Puis, il étudie
les conditions de la suggestion religieuse, les adjuvants de cette
suggestion (sexe, âge, docilité, surémotivité... faiblesse d'esprit,
veilles, jeûnes, sensations), les modes de contagion religieuse.
Cette contagion donne lieu à des foyers d'épidémie, et, pour en
faire saisir le mode de formation, l'auteur emploie très ingénieu-
sement des comparaisons géométriques : les chapelets de suggestion
ou séries de suggestionnés;la soudure de ces chapelets conduit
à des triangles, où le sommet est occupé par le suggestionneUl'
et la base par les suggestionnés, à des doubles triangles, à des rec-
tangles, etc.... La soudure de ces figures a pour résultat la for-
mation d'agrégats de suggestion religieuse ou hiérosyncrotèmes
familiaux, qui s'accroissent comme les îles madréporiques. Celte
représentation graphique des résultats de la contagion reli-
gieuse est très intéressante : rien ne fait mieux comprendre ce
qu'a voulu établir l'auteur, c'est-à-dire la cohésion intime et fa-
tale des dégénérés dévots d'une famille. lit dans sa conclusion, il
généralise, il évoque l'image de toutes les suggestions religieuses
de la terre, qui forment autour d'elle comme un filet immense :
« Ce filet, cette toile d'erreurs, que tissèrent les fondateurs de
. bibliographie. 517
religions, étouffe les peuples, en leur voilant le soleil et l'infini.
Maia la science y promènera sa torche : elle fondera la morale
future, plus saine, basée sur la physiologie, la psychologie, la so-
ciologie et qui préconisera avant tout cette qualité aryenne par
excellence : l'amour de la vérité. E COULONJOU.
1'1. L'oculistisme hier et aujourd'hui, Le merveilleux pré-
scientifique ; par le Prof. S. Grasset, P. Masson, éditeur, 1907.
M. le prof. Grasset, à qui la connaissance des centres nerveux
doit tant de progrès, vient de publier une intéressante étude de
l'Occultisme, qui contient à la fois une histoire et un exposé, une
discussion et un plan de trav ail.
On sait que, d'après lui, il faut distinguer, chez l'homme, la
fonction psychique supérieure et'la fonction psychique inférieure.
A la première appartiennent les actes conscients volontaires, à la
seconde les actes conscients automatiques. Or, la dualité analo-
gue des centres psychiques doit exister.
Tel est le principe qui a inspiré la théorie du prof. Grasset. Les
phénomènes occultes, dit-il, sont des phénomènes psychiques
préscientifiques qui n'appartiennent pas encore à la science,
mais peuvent entrer plus tard, et dès ce moment cessent d'être
merveilleux et occultes ; l'occultisme est donc comme une terre
promise dont la science approche et qu'elle s'efforce d'envahir
tous les jours. Ce caractère préscientinque distingue l'occultisme
du surnaturel, du miracle qui resteront toujours hors de la
science. ,
Or, constamment la science désocculte un certain nombre de
phénomènes et recule les frontières de l'occultisme. Mais ce fai-
sant elle n'influence pas les doctrines philosophiques et religieu-
ses, et il ne faut rechercher dans les faits occultes aucune preuve
nouvelle en faveur de la survie pas plus qu'aucun argument con-
tre le spiritualisme. Quoi qu'il en soit, la démonstration scientifi-
que de nombreux phénomènes occultes n'est pas impossible et ce
sont là des questions dignes de tenter les savants qui veulent
travailler pour la science positive. - " .I. PIOLET.
X\ 11. - Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et des
autres enfants-arriérés ; par Edouard Séguin, préface par Gour-
neville. Un volume in-8u de pages, 526 III bis de la Bibliothè-
que d'Education spéciale, chez Félix Alcan, Paris, L9(i. ,
La première édition de cet ouvrage date de 1846, nous devons
savoir gré à M. Bourneville d'avoir fait revivre dans cette deu-
xième édition l'enthousiasme, la persévérance et les idées prati-
ques de Séguin. ,
La question de l'éducation, base du traitement de l'idiotie, ap-
paraît déjà dans le livre de Séguin, le point d'appui du traitement
518 VARIA.
moral do l'enfant normal, comme de l'enfant pathologique ; le
traitement médico-pédagogique assidu exigé par l'idiotie prépare
les matériaux d'une étude d'éducation physiologique de l'espèce
humaine. (Revue neurologique, 15 avril.; E. FEINDi;L.
1\'lll.- Traitement médi--o-pédagogiqt6e des différentes formes de
l'idiotie; par BOURNEVILLE. (Vol. de 135 pages de la Biblio-
thèque d'Education spéciale, n° XIII, chez Félix Alcan, Paris,
1905 et Librairie du Progrés Médical.)
Depuis de nombreuses années,M.Boul'lleville démontre dansses
publications queletraitementmédico-pédagogique des idiots donne
des résultats extrêmement favorables. Môme les idiots complets,
lès idiots profonds sont améliorables ; à plus forte raison, les
imbéciles et les arriérés sont perfectibles, et ils peuvent être ren-
dus utiles à la Société. M. Bourneville, tenant essentiellement à
ce que ses assertions soient vérifiées, réunit dans le présent vo-
lume un grand nombre d'observations d'idiots qui sont encore
dans son service et que, par conséquent, tout médecin peut exa-
miner à loisir. Chez la plupart de ces enfants, l'idiotie était assez
profonde avant le traitement médico-pédagogique.
Seulement, ce traitement doitêtre commencé de bonne heure,
dès que les premiers signes de l'idiotie sont constatés. Le traite-'
ment doit être maintenu rigoureux, et il faut être très réservé
sur la déclaration de l'incurabilité du petit malade; on ne sau-
rait trop insister sur la nécessité d'une persévérance soutenue,
car quelquefois, ce n'est qu'au bout de 2 ans, de 3 ans, que l'on
observe le premier éveil de l'intelligence.
Les acquisitions scolaires de ces enfants vont quelquefois jus-
qu'à l'obtention du certificat d'études. Mais l'éducation spéciale
visesuotouL à rendre ces sujets utiles à eux-mêmes et aux autres,
à les rendre aptes aux travaux manuels. Menuiserie, serrurerie,
imprimerie, couture, cordonnerie, vannerie, cannage et paillage
des chaises sont les métiers qu'on s'efforce d'apprendre aux gar-
çons. Travaux du ménage, blanchissage, repassage, couture, ta-
pisserie, broderie, etc., sont les connaissances que l'on donne
aux filles. (Revue neurologique, 15 avril.) E. Feindel.
VARIA
Congrès international de psychiatrie, de neurologie,
de psychologie ET d'assistance des aliénés.
(Amsterdam, 2-7 septembre 1907.)
Règlement du, Congrès. 1. Le Congrès aura lieu du 2 au 7
septembre, datls l'Université Oudetnaiihuispoort, ; entrée Klo-
VARIA. 519
vcniersburgvval près du No. 78 ou 0. Z. Achterburgvval près du
No. 227). Pendant le Congrès le secrétariat siégera dans une des
salles de l'Université. Jusqu'à cette date, le secrétariat restera
Prinsengracht î 1 î.-II. Les Gouvernements étrangers seront in-
formés de la réunion du Congrès et pourront s'y faire représen-
Ler.-lI1.Tnus ceux qui s'intéressent au développement de la psy-
chiatrie, neurologie et psychologie ou de l'assistance des aliénés
pourront se faire inscrire comme membres du Congrès. IV. Le
droit d'admission est fixé à 20 fr. puur MM. les membres et à
10 fr. pour les Dames des membres. -
V. Les souscripteurs recevront après le versement du montant
de la cotisation au secrétariat leur carte d'identité qui leur don-
nera le droit : a) de participera tous les travaux du Congrès ; b)
d'assister à toutes les fêtes; c) de recevoir un exemplaire du com-
pte-rendu, rédigé par le Secrétariat ; d) de jouir de tous les
avantages offerts à les congressistes. Vs. Les langues ad-
mises seront : le français, l'allemand et l'anglais.
Vit. Les travaux du Congrès seront divisés en séances généra-
les et séances de sections. YIlL Les séances générales seront diri-
gées par les présidents honoraires qui seront nommés dans la
séance d'ouverture du Congrès, par un des membres du comité
international ou par un autre membre éminenl, du Congrès, qui
assisterai la séance.
IX. Les séances des sections seront dirigées parleurs présidents
ou à la suite d'une invitation, par un membre quelconque du
comité international nu par un membre éminent du Congrès qui
assistera à la séance. '
X. Le président fixera l'ordre des travaux ; les secrétaires des
sections rédigeront les procès-verbaux de chaque séance. XL
Dans la séance des sections seront traitées d'abord les questions
pour lesquelles un ou plusieurs rapporteurs auront été désignés.
Puis viendront les communications présentées par MM. les
membres. XII. MM. les rapporteurs disposeront de 20 minutes
pour lire leur rappott, tandis qu'ils ne sera pas accordé plus de
5 minutes pour chaque membre qui prendra partàla discussion.
La durée d'une communication présentée par un des membres
du Congrès n'excédera pas 15 minutes. Pour la discussion chaque
orateur pourra disposer de 5 minutes et ne prendra pas plus
d'une fois la parole lors de la discussion de la même communica-
tion, à moins que le président ne lui en donne l'autorisation.
XIII. Lorsqu'un membre aura pris la parole dans une discussion.
il devra remettre avant la lin de la session ou dans les 24 heures,
au secrétaire de la section, le résumé de sa communication, faute
de quoi une simple mention en sera l'aile au procès-verbal. XIV.
L'ordre des sujets qui seront Imités dans les séances des sections
sera réglé par le secrétariat, de concert avec le comité de la sec-
20 VARIA
tion. XV. Quand l'ordre du jour d'une séance n'aura pas étéépuisô,
la suite en sera remise à la séance du lendemain, à moins que
l'assemblée n'en décide autrement. XVI. les rapporteurs qui
désireraient voir imprimer leurs rapports ou un résumé succinct
de leurs rapports, sont priés d'envoyer l'un ou l'autre au secréta-
riat avant le 15 juillet.
Le manuscrit ne pourra excéder 15 pages d'impression. On
n'acceptera pas de planches, plans, ou diagrammes, à moins que
les auteurs ne s'engagent à en supporter les frais. Quant aux
communications que MM. les membres désireraient présenter, le
secrétariat devra être informé de leurs titres avant le 1er août.
\\'II. Les membres qui auraient l'intention d'envoyer des instru-
ments ou de faire des expériences sont priés d'en informer le
secrétariat avant le 15 juillet. \\'lll. I)ans la séance de clôture on
traitera des intérêts du Congrès et, éventuellement, de ceux des
Congrès suivants. Les questions suivantes seront traitées par MM.
les rapporteurs : I. Psychiatrie, Neurologie. Théories modernes
sur la genèse de l'Hystérie. Psychoses alcooliques chroniques,
les formes pures de Démence exceptées. Asymbolie et Aphasie.
Diagnose différentielle entre la Démence-Paralytique et les
autres formes de Démence acquise. Localisation corticale des
fonctions sensibles.-SymptOmes locaux dans l'Epilepsie genuinr.
Le tonus provenant du labyrinthe. Le tonus cérébellaire.
Contractures secondaires de l'hémiplégie.
Myasthenia gravis et autres formes de myasthénie. Il. Psycho-
logie et Psyclio -physique. La Psychologie de la Puberté. Etat
actuel de la théorie Lange-James concernant les émotions.Dif-
férence entre la Perception et l'Image.- La Fonction secondaire
- 'L'histoire antérieure des Psychopathes. Ifl..lssistance des
aliénés. L'organisation de la direction des asiles d'aliénés et
l'inspection des asiles par l'Etat. - Le personnel infirmier, son
éducation, ses droits et ses devoirs. L'assistance familiale et le
travail agricole. Le traitement des aliénés ayant comparu en
justice. L'application de la psycho-synthèse et de la psycho-
analyse dans le traitement des aliénés.- L'éducation des enfants
mentalement arriérés.
Programme des fêtes. ftécep tion par les autorités de la ville
Visite au « llijksmuseum n. Représentation spéciale au théâtre.
Excursion par bateau dans la ville d'Amsterdam. Réception au
Club des étudiants. Excursion à Leyde (visite à l'hospice des
aliénés « I;ndegeesL »), la Haye, Scheveningue (dîner de clôture).
IIJX-SEPTIi.'1,19 CONGRUS DES MÉDECINS ALIÉNISTES El' NEUROI.O-
GISTES de France ET des pays DE langue française (Genève-
Lausanne, août 1907.)
Le XVIIe Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de
VARIA. Il 521
France et des pays de langue française se tiendra cette année à,
Genève et à Lausanne, du 1er au 7 août sous la présidence de M.
le Prof. Prévost, de Genève. -
Prière d'adresser les adhésions et cotisations et toutes commu-
nications ou -demandes de renseignements au Dr Long, G, rue
Constantin, Genève. Voici le programme :
Genève. Jeudi 1er août : Matin, séance d'inauguration. Après-
midi, 1er rapport, il. GILBERT Ballet : L'expertise médico-
légale et la question de responsabilité. Discussion. Soir : Promenade
en bateau et diner sur le lac.
Vendredi 2 août : Malin, séance à l'asile de Bel-Air. Commu-
nicalions diverses. Après-midi, 2e rapport, M. ANTHEAUME : Les
psychoses périodiques. Discussion. Réunion du Comité permanent.
Samedi 3 août : Matin, communications diverses, démonstra-
tions anatomiques et projections. Après-midi, communications
diverses, réunion du Congrès en Assemblée générale.
Dimanche 4 août : Pas de réunion officielle, les congressistes
iront à Dn'onne-les-l3ains (Ain) où à Evian-Ies-l3ains (Ilaute-
Savoie), où des réceptions sont organisées par les établissements
hydrothérapiques de ces stations.
Lausanne. Lundi 5 août : Matin, séance au palais de Rumine.
rapport, 1111. CLAUns et ScxrrYnFR : Nature et définition de
l'hystérie, -discussion. Après-midi, asile de Cery-sur-Lausanne.
Dernière séance, communications diverses, collation offerte par
l'asile, départ pour Montreux-Territel. «
Mardi 6 août : Excursion à Glion, Caux, Rochers de \aye.
Déjeuner à Caux, diner au Kursaal de Jlontreux. 1
Mercredi 7 août : Excursion dans la Gruyère. Réception par
l'asile de Marsens (prés Bulle). Dislocation du Congrès.
Le Congrès comprend : 1° Des membres adhérents (docteurs
en médecine) ; 2° Des membres associés (dames, membres de la
famille, étudiants en médecine, présentés par un membre adhé-
rent). Les asiles qui s'inscrivent au Congrès figurent parmi les
membres adhérents. Le prix de la cotisation est de : 20 francs -
pour les membres adhérents et 10 francs pour les membres
associés.
Prière d'adresser sans retard il)i. le Dr LONG, secrétaire général
du Congrès, 6, rue Constantin, Genève : 10 Les adhésions et le
montant des cotisations ; 2° Les titres et résumés des communi-
cations. Un programme plus détaillé avec des indications pour
les hôtels, excursions, etc., sera envoyé à la fin de juin aux
adhérents déjà inscrits et aux médecins qui en feront la demande.
Les membres adhérents et associés inscrits recevront en même
temps un formulaire à remplir pour les demandes de billets de
réduction sur les chemins de fer français (réduction 50 0/0, durée : -.
2 : i juillet-1 août). Ce formulaire avec l'indication du trajet à
522 varia.
parcourir jusqu'à Genève (gare du P. L. M.) devra revenir au
Secrétariat général avant le 10 juillet.
SÉQUESTRATIONS ARBITRAIRES.
Sous ce titre « L'Epouse de /o II », la Liberté, du 25 mars,
publie une correspondance de Vienne, datée du 22 mars, d'où
nous extrayons le passage suivant :
« Le comte Paul de FestetLit ? père ùe Mlle Georgina de ],'esteL[is
déjà à demi-mariée au tzigane Nyary, subit le sort que l'éclat de
son infortune ne lui permet guère d'éviter : il est interviewé. «Ce
qui se raconte, dit-il, à un journaliste de Pmlapest, est malheu-
reusement véridique : ma fille épouse un tzigane..l'ai usé de
tous les moyens permis pour la retenir, mais je me suis abstenu
de ceux auxquels on recourt volontiers aujourd'hui et que je n'ap-
)Jl'o1tvepas.ll est d'usage qu'on interne dans des maisons de sonlé
les enfants qui font des folies. Ma fortune,mon influence person-
nelle, l'influence de ma famille et de mes amis me permettaient
de faire sans difficulté la même chose que tant d'autres. Je n'ai
pas voulu. Je me suis contenté de dissuader ma fille de son pro-
jet ; je lui ai fait dire le nécessaire par un avocat ; quand j'ai vu
que sa résolution était prise, je me suis abstenu d'insister ou de
recourir à la contrainte. » Ceci est à rapprocher de la citation
d'Eugène Sue de notre n° de février (p. 169).
Les aliénés EN liberté
.-
Dans un accès de lolie, Mme Pamplume, de Coulommiers, âgée
de 3 ? ans, femme de l'officier des pompiersde Saisonnières, as-
sommé à coups do marleau son enfant, âgé de sepl mois, qui re-
posait dans son berceau. L'enfant a succombé à ses blessures. La
mère a été dirigée sur l'hospice de Coulommiers.
Le délire de la persécution - Charles Vignaud, lnocanteur il
Champeuil, près Corbeil, est un alcoolique et un déséquilibré. En
proie au délire de la persécution, il importunait, depuis quel-
que temps, de ses lettres, le procureur de la République, ainsi
que le préfet de Seine-et-Uise, leur dénonçant quantité d'indivi-
dus acharnés à sa perle. Enfin tout dernièrement, il avait dé-
claré au garde champêtre que puisque les magistrats ne voulaient
pas s'occuper de lui, il saurait bien les y contraindre en tuant
quelqu'un. lia tenu parole.
Charles Vignaud passait hier aîtallancourt, traînant sa voiture
dans laquelle s'entassaient les marchandises les plus diverses.
Deux ouvriers, Léon Voiry et Simon Loiseau, s'amusèrent à lui
jouer un bon tour. Chacun d'eux saisit les rayons d'une roue,
s'eH'orrant d'immobiliser le véhicule que le colporteur s'éver-
tuait à traîner. La plaisanterie était innocente. Mais Vignaud se
lâcha tout rouge. Il prit, dans sa poche un pistolet et se retour
' varia. 523
nant, sans explication aucune, fit feu sur Voit'y. Atteint, en plei-
ne poitrine,le malheureux ouvrier s'affaissa lourdement sur le sol.
Son ami Loiseau, secondé par quelques personnes,le releva le
fit panser dans une pharmacie-puis le ramena chez lui, où le doc-
teur Duclos vint lui prodiguer des soins. Le praticien ne conser-
ve que peu d'espoir de sauver le blessé. (La Liberté du 24 mai).
ENTRE ALIÉNISTE ET aliéné.
Un docteur est blessé par un confrère dément, prématurément
libère du cabanon. - Hier matin,3 juin, iL onze heures, aux abords
de l'hôpital Saint-Jean, à Bruxelles, un drame s'est déroulé qui a
provoqué une émotion énorme par toute la ville,
Le 1), de Bouck sortait. Le 1)1' de Bouck est professeur à l'Uni-
versité, chef du service des aliénés, un homme très connu et
populaire. Un individu s'approcha, porteur d'un fusil à deux
cuups et il ajusta le docteur si rapidement, qu'il n'eutpas le temps
de se mettre sur la défensive ou de s'effacer. On eut beaucoup de
peine, aussitôt l'attentat,à s'emparer du meurtrier, lequel opposa
une furieuse résistance, agitant son arme par le canon comme
une massue. r
Il fut reconnu pour un médecin, lequel, il y a quelques semai-
nes, interné par mesure administrative, avait été incorporé dans
le service du docteur de Bouck. Ce dernier récemment avait dé-
ridé sa mise en liberté, le jugeant définitivement guéri. Les bles-
sures du docteur ne paraissent pas devoir être mortelles ; mais
l'état général de l'infortuné praticien est très sérieux. (L'Aurore
du 5 juin.) '
La Folie. Un ouvrier graveur en pierres fines, Johannès
.louve, 47 ans, a tué à coups de revolver sa gouvernante, et s'est
suicidé en se logeant une balle dans la tête. Depuis quelque
temps. Jouve donnait des signes d'aliénation mentale.
Les EFFETS du spiritisme.
On écrit de Saint-Calais au Journal de la Sarthe (4 mars).
Avant-hier, M. Guillaume Claustre, ;lâé de 33 ans, ouvrier plâ-
trier chez M. Lelong, est venu à la gendarmerie porter plainte
contre son ancien patron, M. Laborde, plâtrier à la Chartre, en
disant : « Toutes les nuits, j'entends des voix qui me disent qu'el-
les vont aller trouver mon nouveau patron pour m'empêcher de
travailler. Les paroles qui sont prononcées, je les reconnais pour
être celles de M. Aborde. Il me les transmet soit par les rayons
X, soit par la pensée. Elles m'ont appris des choses qui ont trait
a ma vie que je ne connaissais pas encore, si bien que mainte-
nantje ne suis plus maître de mes idées. Cet état de choses ne
peut durer, je vous prie de le faire cesser. x ai. Claustre, dont
les nuits sont si agitées, est un fervent adepte du spiritisme et
lecteur assidu des revues qui concernent cette... science.
524 varia.
Enfants anormaux en France, NOMBRE, modalités CLINI-
QUES ; assistance ; par ROUEINOVITCH. (Bulletin médical, n°
58, 1906.)
C'est la première d'une série de leçons faites par l'auteur sur ce
sujet à l'ordre du jour.Des chiffres qu'il cite,il résulte que 4.453 en-
fants de cette catégorie sont internés dans les asiles d'aliénés et
peuvent être considérés comme les plus gravement atteints. Les
écoles publiques contiendraient d'après une statistique officielle
31.791 enfants anormaux.arriérés etc.,sans compter ceux qui ont
échappé à la statistique : il y aurait 1.858 aveugles, 4.349 sourds-
muets, 7.984 anormaux médicaux, 14.000 arriérés simples et 3.4 10
instables. On peut dire, avec Esquirol, « la folie est en germe
chez les enfants, il faut donc les traiter pour éviter l'éclosion de
cette grave maladie : évidemment, il y a peu de chances de modi-
fier les idiots profonds, les autres peuvent être améliorés et même
guéris suivant les modalités cliniques ; les uns doivent être
traités dans des internats médico pédagogiques, les autres dans
des classes spéciales. Ceux qu'on ne peut utiliser doivent être
recueillis dans des garderies. L. 4VARS.
Aux termes Internat médico-pédagogiqtte, nous préférant ceuv
d' Asile-école . Les idiots profonds, même les idiots complets
peuvent être améliorés à des degrés divers. Un enfant gâteux
qu'on rend propre, un enfant invalide auquel on apprend à mar-
cher, un idiot muet auquel on apprend à parler ne peuvent-ils
être considérés comme améliorés Y Nous donnons des exemples
de ces améliorations dans nos comptes rendus annuels. B.
Asiles publics, privés, maison DE santé, quartiers
d'hospice.
Au le janvier 1907, le nombre des aliénés était le suivant :
FAITS DIVERS
EptLEPSiE.Pourquoi a-t-on appelé l'épilepsie mal de terre' ! La
réponse est facile. Terre n'a pas ;ci son sens habituel et ne vient
pas du latin terra, mais de terror, terreur. Mal de terre signifie
mal de terreur. On comprend aisément combien les esprits de-
vaient être impressionnés en présence d'un malade atteint d'une
crise de haut mal : les convulsions, l'aspect grimaçant de la fi-
gure, l'écume des lèvres, devaient frapper l'imagination des assis-
tants et les terroriser. Dans certaines contrées du Midi, on appel-
le encore l'épilepsie ma, de terrour, mal de terreur, l'usage a
fait supprimer l'r final du mot et terreur est devenu terro. (Chro-
nique médicale, 15 avril 1907.)
Apportez un certificat médical... Un enfant de onze
ans, un innocent, comme on dit en pays campagnard, un
faible d'esprit, a été souillé par un monsieur très bien, un satyre
à barbe vénérable, à redingote - il s'en trouve et sa mère,
une pauvre marchande, ayant porté plainte à propos de ce crime
au magistrat compétent, s'est vu congédier sans autre forme,
avec ce mot administratif et imbécile :
Apportez-moi un certificat médical . ! Or, là mère indignée
manquait de l'argent nécessaire. Un certificat est consécutif d'or-
dinaire à une consultation. Et une consultation, cela se paye ?
La semaine passée, une fruitière de la rue d'Ursel (Mme Du-
chaillod, revenait des Ilalles centrales, vers neuf heures du ma-
lin. Son fils, un garçonnet de onze ans, la suivait en jouant. Sur-
vint un vieillard, grand, portant beau, à l'airgrave. Une conver-
sation s'engagea entre l'homme et l'enfant.Rue \Iontmartre,Dlme
Duchaillod, dans un embarras de voitures, perdit de vue son fils.
Le vieillard on profita pour engager le garçonnet à le suivre.
Mme Duchaillod réintégra seule son logis. Deux heures plus tard
le petit reparaissait. Il était d'une pâleur extrême, et marchait
avec difficulté.
Interrogé, il avoua que le vieillard auguste l'ayant pris à l'é-
cart, l'avait obligé à subir des pratiques qui ne se racontentpas
A la suite de quoi, et pour venir à bout du chagrin du pauvret, il
l'avait gavé de bonbons et gratifié de six francs en bonne mon-
naie. La fruitière ne lit qu'un saut jusqu'au prochain commis-
sariat. On l'y accueillit comme nous l'avons dit, en dépit de son
insistance. Est-il besoin de commentaires après ce récit ? (L'Au-
rorc, 1er mai). - 1)'où la nécessité d'hospitaliser les innocents.
Les drames DE la folie. - Un fabricant de meubles, très
honorablement connu, de la rue de 1'llôtel-de ? ille, dans le quar-
526 FAITS DIVERS.
tier Saint-Merri, Léon Blondel, quinquagénaire, à la suite de dif-
férents revers de fortune, avait le cerveau quelque peu détraqué.
Mais jusqu'ici, sa famille n'avait pas cru devoir consulter un spé-
cialiste.llier matin, à9 heures.au cours d'une crise subite de folie
aiguë, M. Blondel s'arma d'un revolver de fort calibre et, abais-
sant son arme, il fit feu à six reprises sur sa femme. Heureuse-
ment, Mme Blondel ne fut blessée que légèrement à l'épaule
droite, et parvint à gagner la porte. /
Resté seul, le dément entassa des meubles au milieu de la salle
à manger et y mit le feu. Mais, à ce moment, les voisins accou-
raient en foule et, après une lutte acharnée, le pauvre fou fut mai-
Lrisé et garroté, puis dirigé sur l'infirmerie spéciale du Dépôt.
L'étatde Mme Blondel estaussi satisfaisant que possible. (1,'Au-
rore 6 mai.) D'où vient la nécessité d'hospitaliser et de trai-
ter les aliénés dans l'intérêt des personnes... et de la propriété.
Asiles d'aliénés DE la SEINE. - Un arrêté ministériel en
date du 2S mars, a nommé au poste de médecin en chef à l'asile pu-
blic d'aliénés de Ville-Evrard M. le Dr BOUDRIE, médecin en chef
de l'asile d'aliénés de Maison-Blanche. Par un arrêté du 16 avril
1907, le Dr Boudrie, médecin en chef de l'asile public d'aliénés
de Ville-Evrard (Seine-et-Oise), est maintenu dans la classe excep-
tionnelle du cadre. Il continuera à recevoir, en conséquence, à
dater du jour de son installation, outre le logement, le chauffage
et l'éclairage dans l'établissement, le traitement de 8,000 fr. dé-
terminé par le décret du 19 octobre 1894.
DÉLIRE MACABRE. - Un habitant de la rue Saint-Allian
près Roanne, nommé Clairet.devenu fou subitement, était hanté
par l'idée de voir les cadavres de deux enfants qu'il avait per-
dus. La nuit dernière, on le surprit au cimetière au moment où
il déterrait les corps de ses enfants. Le pauvre fou a été enfermé
dans un asile. (La Liberté, du 23 mai).
Suicide d'un adolescent. Lucien Godefroy, groom de qua-
torze ans, avait été renvoyé, hier, par une rentière de la rue
Godot-de-Mauroy, où il était en service. N'osant pas rentrer chez
ses parents, il se jeta dansa Seine au pont de la Concorde.
Deux fonctionnaires de la Compagnie générale des Bateaux-
Parisiens, MM. Durand et Garrot, ont pu le repêcher. (LaLiberté
du 15 avril).
Suicide D'ENFANTS. - Le jeune Jean Prigent, de Brest dix
ans, s'est pendu à une branche de chêne. On en ignore le motif,
(Le Journal, (j avril 1907).
Suicides D'ADOLESCENTES. - Le poids de la règle. Saint-
Pétershourg. Deux fillettes de douze et quatorze ans, Nadège
fille du général Koudaourof, et Olga Zavenkof, élèves de l'insti-
tut des demoiselles nobles de Smolna, à Saint-Pétersbourg, se
BULLETIN bibliographique. 527
sont précipitéessamedi parla fenêtre du troisième étage de l'ins-
titut. La première se couvrit la tête d'un drap, avant de s'élan-
cer dans le vide ; elle tomba sur le balcon de l'étage inférieur
et mourut peu après. Mlle Olga Saviekof se blessa légèrement.
Dans une lettre préparée, les désespérées annonçaient leur de-
termination. La règle sévère de l'institut contrariait leurs carac-
tèresindépendants et leurs idées libérales ; elles avaient été
punies récemment pour la lecture de brochures révolutionnaires
(L'Aurore du 28 avril.)
UN drame DE la folie. Upsal (Suède). - llier, dans un
accès de folie mystique, un malade en traitement à l'hôpital a
tué trois autres malades et en a blessé grièvement un' quatrième..
Ce fait est emprunté à la Liberté du 18 mars. La place de ce ma-
lade n'était pas à l'hôpital, mais dans un asile d'aliénés.
Agrégation. - Deux médecins-adjoints des asiles viennent
d'être nommés agrégés (Section de Médecine), ,,1. le Dr LÉPINE,
fils de notre ami, le professeur Lépine, médecin-adjoint de l'Asile
de Dron, pour la Faculté de Lon ; M. le I)r Raviart, méde-
cin-adjoint de l'asile d'Armentières, notre collaborateur, pour la
Faculté de Lille.
LE couvent D'ËQUESRMES abritera désormais des aliénés
ET DES ENFANTS ASSISTÉS.- La commission du Conseil général
du Nord a décidé d'affecter l'ancien couvent tl'Esquermes\ habi-
té précédemment par les dames Bernardines, à un hôpital d'alié-
nés, et au dépôt des Enfants-Assistés. (L'aurore, G juin.)
Hospice DE 131CÊTRE. Fondation Vallée. - BOURNEVILLE.
Visite du service (gymnastique, travail manuel école et présen-
tation de malades) le samedi à 10 h. très précises. Consulta-
tions médico-pédagogiques, gratuites pour les enfants indigents
atteints de maladies du système nerveux, le jeudi à 9 h. t ?
On peut se rendre à la Fondation par les tramways de Mont-
rouge, par les tramways de la Porte d'Orléans à Vincennes (Mé-
tropolitain) ; arrêt route de l'Hay. La Fondation est à 500 mètres
du cet Arrêt.
Hospice delà Salpêtrière. Maladies mentales M. le D--
1>ENx, dimanche à 10 heures.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Ilanotasoa. Rapport sur l'Asile public d'aliénés de la llaute-
Garollne en laOi.
MONT1\EUIL. (M). Les hôpitaux et les .écoles d'infirmières de
528 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Londres. 10e volume de la bibliothèque de l'infirmière. Broch. de
53 pages.in-16 Prix 0.50
MORET, et A. MARIE. - Memento de l'infirmier d'asile. Suivi des
Instructions concernant l'organisation du service médical de la maison de
santé de Ville-Evrard et les soins à donner aux personnes atteintes de.
maladies mentales, par les D", P. Sérieux el R. '01. gr111(i
in-S- Prix : 3 fr. OU. Pour les abonnés du Progrès Médical et des Ar-
chives de Neurologe 2 francs ; franco, 2 fr. GO.
Revue philosophique de MAI 1907. Sommaire du p° de mai
1907 (3^° année) B. Bourdon. La perception du le-1),. - DUPRAT
La spaLiallle des faits psychiques. - Th, ItII30T. Sur une forme
d'illusion affective. - BOGUES DE FunsAc. Notes de psychologie re-
ligieuse ; les conversions. - Analyses et comptes rendus. Revue
des périodiques étrangers. - Livres nouveaux. Abonnement, du
1" janvier ; Un an, Paris, 30 fr. ; départements et étranger, 33 fr.
La livraison. 3 fr. Félix A'can, éditeur, 108, boulevard Saint-Ger-
main, Paris (6°).
G. Rouma. - L'organisation de cours de traitement pour enfants
troublés de la parole. Brochure de 170 pages. W. Engelmaiiii, (édi-
leur, Leipzig).
AVIS A NOS ABONNES. - L'échéance du 1 ?
juillet étant l'une des plus importantes de i'année, nous
prions- instamment nos souscripteurs, dont l'abonnement
cesse à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le
montant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser
le montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée. Nous
prenons à notre charge les frais de 3 0]0 prélevés par la
poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du prix de
leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir du 15
juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer de suite
leur renouvellement par un mandat poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la BANDE de leur journal.
- Nous rappelons ci nos lecteurs que l'abonnement col-
lectif des Archives de Neurologie et du Progrès Mé-
dical est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs
pour l'Etranger.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Clcrmont (Oise). Imprimerie Daix frères et Thiron.
TABLE- DES MATIÈRES
Voir Otite. - cérébral,
nécrose corticale, syndrome
méningé ; par Dupré et Der-
viiix, p. 187.
Aboulies. Voir Psychothérapie.
Achondroplasie partielle, for-
me atypique ; par Dufour, p.
409.
Acromégalie et diabète ; par
Grenet et Tanon, p. 156. -
partielle avec infantilisme ;
par Pel, p. 498.
Adaptation. Recherches sur l'in- 1
fluence de l'ancienneté, de l'in-
tensité et de la répétition de
l'incitation sur les caractères 1
de certaines réactions nerveu-
ses élémentaires. Contribution
à l'étude de l'- ; par Stéfani et
Ugolotti; p. 248.
Addison. Maladie d' et délire;
par Vigouroux et Delmas, p.
155.
Affections mentales. Voir Vé-
ronal.
Alcool et folie. Effets de l'- sur
le corps et l'esprit, tels qu'on
les observe dans les salles des
hôpitaux et des asiles et dans
les salles d'autopsie ; par Mott,
p. 418.
Alcoolisme. Note statistique
sur les causes sociales de l'-
par Sulliyan, p. 72. Du rôle de
1'- dans la production de la
folie (circulaire du Ministre de
l'Intérieur), p. 266. -, crime et
folie ; par Bevan Le\\ is, p. 310.
Industrie et - ; par Sullivan,
p. 428.
Aliénés. Voir OEil. Voir Pa-
ralysie générale. Les - en li-
berté, p. 92, 171, 319, 522. -
Voir Législation. Voir Hô-
pilaux. - Voir Assistance.
Les dissimulateurs ; par de
Moor et Duclrateau, p. 344.
Voir Loi. Voir Paralysie gé-
nérale. Sur quelques aspects de
la question des - coloniaux ;
Archives, 3° série, 1907, t. 1-
par A. Marie, p. -131. La sur-
veillance des - sortant des
asiles sans famille et sans amis,
telle qu'elle est établie par la
procédure conditionnelle écos-
saise ; par Carlyle Johnstone,
p. 435. Sur la possibilité de di-
minuer le nombre des aliénés
par voie législative ; par No-
lan, p. 436. La loi sur l'assis-
tance des ; son histoire et
ses résultats ; par Meeus, p.
436.
Asiles d'aliénés. Voir Rapport.
La surveillance dans les -,p.
92. -, Mouvement de décem-
bre 1906 et janvier 1907, p. 94.
Etablissement d'un-à Mont-
de-Marsan, p. 94. de Bail-
leul et Armentières : concours
pour la nomination de 4 places
d'interne, p. 95.- privés fai-
sant fonctions d'- publics,
quartier d'hospice et maisons
particulières avec les noms des
médecins en chef et médecins
adjoints et le nombre des in-
ternes, p. 163. Mouvement
de février 1907, p. 173. de
Naugeat : poste vacant d'élève
interne, p. 173. de Saint-
Yon : concours pour la nomi-
nation de deux internes en mé-
decine, p. 173. Note snr l' -
suisse de Mindrisio à Casvegno
du Tesson ; par A. Marie, p.
231. Rapport sur l'- de la
Haute-Garonne pour l'exercice
1905 ; par Dubuisson, p. 262.
- de Clermont (Oise), p. 271.
Concours de l'Adjuvat, p.
271. - de la Seine-Inférieure,
p. 271. - de Lesvellec, près
Vannes (Morbihan), p. 351.
Promotion, p. 352. Voir
Dysenterie. -. Voir Tubercu-
lose. -. Voir Caries. Mou-
vement d'avril 1907, p. 446.
Mouvement de mai, p. 447.
de la Seine. Concours de l'In-
34
530
TABLE DES MATIERES .
ternat en médecine (1907), p.
447.
Amaurose permanente soudaine
avec atrophie optique et épi-
lepsie dans un cas de poren-
céphalie avec pachyméningite
hémorragique ; par Monro et
Findlay, p. 54.
Aw. L'- et le système nerveux;
par Forel, p. 80.
Amyotrophie juvénile progres-
sive ; par Lejonne et Rose, p.
438.
Anévrysme cérébral de dimen-
sions remarquables avec re-
marques sur l'observation ;
par l31ce, p. 52.
Angoisse. L'- au cours de la
paralysie générale ; par Féré,
p. 68.
Anomalies. Voir Atrophie.
Anormaux. Voir Enseignement.
Les - psychiques des écoles ;
par Régis, p. 511. Enfants -
en France ; par Roubinowitch,
p. 524.
Anthropologie. Traité des va-
riations dcs os de la face de
l'homme, et de leur signifi-
cation au point de vue de l'-
zoologique ; par Le Double, p.
345.
Antisepsie. L'- générale dans
le traitement des neuro-psy-
choses ; par Biaxe, p. 57.
Antisérums. Sur l'cmploi expé-
rimental des - dans la folie
aigué ; par Bruce, p. 56.
Aphasie sensorielle avec hémia-
nopsie latérale homonyme
droite ; par Debray, p. 136. -
et tuberculose ; par Pron, p.
148. Sur quelques rapports
entre l'- et les maladies men-
tales ; par Sydney J. Cole, p.
425.
Arabes syphilitiques. La lé-
gende de l'immunité des - re-
lativement à la paralysie géné-
rale ; par A. Marie, p. 495.
ARQYLI.-HoBEIISTO ? Sur deux
cas de signe d'- sans lympho-
cytose du liquide céphalo-ra-
chidien, par Babinski, p. 437.
Arriérés. Voir Enseignement.
Arthropatiiie nerveuse chez un
paralytique général non tabé-
tique ; par Etienne et Perrin,
p. 49 1.
Aspergillus flligatus. Le pou-
voir pathogène de l'- ; recher-
ches expérimentales ; par Bes-
ta, p. 250. Sur une nouvelle es-
pèce d'- varians et sur ses
propriétés pathogènes en rap-
port avec l'étiologie de la pel-
lagre ; par Ceni, p. 251.
Assistance. La responsabilité et
l'- des aliénés ; par Claus, p.
343.
Asthme. Voir Névrose.
Asymétrie. Vaso et thermo ;
dissociation syringomyélique de
de la sensibilité dans deux cas
de lésion pédonculairc et pro-
tubérantielle ; par Souques et
CI. Vincent, p. 440.
Atrophie optique. Voir Ainiiii-
rose, - optique chez les hydro-
céphales : par Rochon-Duvi-
gnaud, p. 440. numérique ;
anomalies multiples congé-
nitales par des tissus ; par
Klippel, p. 486.
Atropine. Action de l'- dans un
cas de pouls lent permanent ;
par Simon et Schmidt, p. 57.
Attention. Voir Hystérie.
Auscultation. Voir Muscle.
UTO-I1T0\ICATIOT.VGiI' Déprrs-
.sion mélancolique. Voir
Psychose.
Automatisme. Une note clinique
sur l'- alcoolique ; par Sulli-
van, p. 63.
Azam. Observations et considé-
rations sur un homicide com-
mis dans un état second d'-
par Piancone et Maran, p. 343.
Bactéries. L'action de quelques
- - anaérobies principalement
par symbiose avec des aéro-
bies ainsi que de leurs toxines,
sur les nerfs périphériques, les
ganglions spinaux et la moelle
épinière ; par Homen, p. 48.
Baresthésie ; par Egger, p.
502. *
PINET. Voir Tesl mentaux.
CAIOEBREAD. La psychologie de
Jane par Robert Jones, p.
5.
Caractère. Le et le tempéra-
ment de nos malades et com-
ment ils peuvent nous aider
TABLE DES MATIERES.
331
dans le traitement ; par Lion-
ne ! lVelhcrly, p. fil/.
Cartes. Sur l'emploi des - de
mise en garde dans les asiles ;
par Marnaj.p. 435.
Cellules. Sur la continuité des
- nerveuses et sur quelques
autres sujets connexes ; par
Turner, p. 50. Sur les rapports
cuire les à bâtonnets et les
éléments nerveux dans la para-
il sic progressÏ\ e ; par CerlcLLi,
p. 219. - : voir Réticulum
fibrillaire. Les altérations ca-
davériques des - nerveuses
étudiées par la méthode de
Donaggio. par Scarpini, p. 253.
Cerveau. Voir Faisceau longi-
tuclinal.
Cervelet. Voir Hémiplégie.
CJJEADLE. Voir Hôpital.
CitLORunEd'cthyle.Voir7<'e< ! -
calum fvritlaiuc.
Chorée de Sydenham et syphilis
secondaire ; par Chartier et
Rose, p. 501.
Colonie épileptique. La Da-
niel Lewens, 1 \Ianchester ;
lar.llcan-\lac Dougall, p. -132.
CONCOURS d'internat des asiles
d'aliénés de Bailleur el d'Ar-
mentières, p. 350. du 4 mars
1907 pour l'emploi de médecin-
adjoint des asiles d'aliénés, p.
ttp.
Contusion mentale. Voir Encé-
phalite.
Congrès. XVII0 des médecins
aliénistes et' neurologistes de
France et des pays de langue
française, p. 171,'343,520.
international de psychiatrie, de
neurologie, et d'assistance des
aliénés, p. 518.
Conscifnce. Rapport de la Com-
mission nommée par l'Asso-
ciation médico-psychologique
pour étudier un cas de double
; par Wilson, p. 61. Le re-
tour de ]aaprès l'évanouis-
- l'ment; par Lionec Dauriae,
]J, 2 ! J.
Constipation. Noie clinique sur
un cas dercbcUccauseepar
une accumulation de noyaux
de prunes dans le rectum ; par
Yeitch,. ? . 56.
Coups. Sur la symétrie bilatérale
du et sur l'indépendance
fonctionnelle des hémisphères
cérébraux,; par Bonne, p. 177,
293, 370, 466. - thyroïde et
neuro-arthritisme ; par Lévy
et de Rnthsclüld, p. 245.
Cortex. Voir Fibres.
Cours libre de psychopathologie
du tube digestif à la Faculté de
médecine de Paris, p. 331 ?
libre sur les névroses et psy-
choses des écoliers ; par Rou-
hinovitch, p. 352. - d'électro-
thérapie et de radiographie, p.
418.
Crime. Voir Paralysie. -- Voir
Folie.
Crise d'épilepsie. Simulation de
la ; par Chavigny, p. 60.
Croisades. Sur la psychologie
des ; par Ireland, p. 419.
Cyphose prononcée chez un tu-
berculeux ; par Brissaud et
Moutier, P. 499.
Dégénérés. Voir Phraséologie.
Dégénérescence psychique.
Voir Infantilisme.
Délire. Etude nosologique et z
pathogénique du des néga-
tions ; par Deny et Camus, p.
148. hypochondriaque en
rapport avec une ectasie aor-
tique ; par Régis, p. 150.
mystique provoqué par les pra-
tiques d'un magnétiseur ; par
Duhem, p. 151. -- d'interpré-
tation et paranoïa ; par Deny
et Camus, p. 152. Un cas de
chronique à forme mégalo-
maniaque, avec autopsie, par
Marchand, p. 153. Voir
dcddison. Modifications hema-
tologiques dans le transi-
toire ; par Klippel, p. 415.
Démences. Voir Fugues. Un cas
de précoce ; par Henry M.
Eustache, p. fi5. précoce.
Voir Folie. - précoce ; par
Johnstonc, 1). 74. Formes mé-
lancoliques de la - précoce,
par \1 ? Pascal, p. 273. Contri-
bution à l'étude de la - prE-
coce ; par Pinhgini, p. 418. Le
pronostic de la - paralytique : -.
par Greene, p. 427. Les symp-
tômes médullaires de la - z
précoce ; par Deroubaix, p.
·19J.
Dément. Voir SLéoéof,ynie.
532
TABLE DES MATIÈRES.
Demi-fous et demi-responsabhs;
par Grasset, p. 157.
Dépression mentale. La et la
mélancolie considérées dans
clans leurs rapports avec l'auto-
iinoxicalion et au point de vue
spécial de la présence de l'in-
doxyl dans l'urine et de sa va-
leur clinique ; par '1'0\\ mend,
p. 50.
Dercum. Un cas de maladie de
; par C ! '0u ? On el Nathan, p.
4-10.
DEWEY. Voir Folie.
Diabète. Voir .tC/'(lméy'¡[ie.
Discours. Voir Paranoïa.
présidentiel prononcé à la réu-
nion de l'Association médico-
psychologique de la Grande-
Bretagne el de l'Irlande le 20
juillet 1905 ; par Outterson
Wood, p. 71.
Distinctions honorifiques, p.
173.
Dowwccro. Voir Réticutum fibre[-
[aire. Voir Cellules ner-
VCllSPS.
Dysenterie. Sur l'étiologie de
la -- des asiles ; par Knobel,
p. 432.
DYSTIIOPIIII-S. Voir Uccklin-
ghausen.
Ectasie. Voir Délire.
Ecole de psychologie, p. 352.
d'infirmières,p. 507.
ECRITUBI'. Quelques considéra-
tions sur ! ' -- pu miroir. Les
troubles de l'orientation et son
éducation ; par Boulenger, p.
135. Voir Psf/e/ic//)et'n/)ie.
Effets moraux et mentaux, de
la guerre sud-africaine (1899-
1902) sur le peuple anglais ;
par Stewarl, p. 1 10.
Encéphalite aiguë chez les en-
fants ; par Comby, p. 137. -
avec confusion mentale pri-
mitive ; par Klippel, p. 497.
Enfants. Voir Encéphalite. -
Voir Fièvre hystérique. -- anor-
maux, p. 271. - arriérés : voir
Traitement.
Enseignement. L' des arrir-
rés et des anormaux en Alle-
magne, p. 169.
ENTIIAIXEMENT. La psychologie
de l'- ; par Lagrange, p. 258.
EPILEPSIE. Voir Amaurose. Un
cas d'- : cessation des atta-
ques sous l'influence de la sa-
licinc : par Vincent, p. 3 ?
Note sur l'- massive ; par
Féré, p. 144. -- Voir Ilémor-
rhagies. Recherches cliniques
et thérapeutiques sur l'- : par
Bourneville, p. 3-(5. Voir
Otite.
Epileptiforme. Quelques re-
marques sur deux cas de type
ayant présenté quelques
caractères inusités ; par nains-
ford, p. 71.
l;ru.l : P'ryr : . Voir l'seusto-arl-
llinc. - Voir 1 railenll'nl édu-
calionncl.
Euphorie délirant des phly-
siques. Ilétérolopie médul-
laire ; par Dupré et Camus, p.
,116.
Evanouissement. Voir Cons-
cience.
Expertise médico-légale ; par
de Bocck et de Rode, p. 61.
Extrait thyroïdien. Sur un cas
dans lequel le traitement par
1 ? a donné diverses reprises
des résultais temporaires ; par
Norah Kemp, p. 55.
Face. Voir Malfaimailon.
1· mr.cs d'esprit. Des mesures
qu'il est nécessaire de prendre
à l'égard des dans la pre-
mière, et seconde enfance ; par
Rayner, p. 1 15.
Faisceau. Le longitudinal in-
férieur et le optique central ;
quelques considérations sur les
fibres d'association du cerveau;
har I.a Salle .rchambault, p.
490.
Familie folle, n. 91.
FII'HES. Voir Calfle muéliql1r. La
dégénération et la régénération
des nerveuses "périphéri-
ques : par l3esta, p. 253. Ies-
myéliniqucs rlu corte, de l'hom-
me ; par Kaes, p. 441. Régéné-
ration collaté'-ale de ner-
veuses terminées par des mas-
sues de croissance, iL J'état pa-
thologique et à l'état normal ;
lésions tabétiques des racines
médullaires ; par Nngeotte, p.
48(;. -. Voir Fa/scewl longl-
ludinal.
TABLE des matières.
533
Fièvre hystérique chez l'enfant ;
par Comby, p. 138.
Folie. Voir 11 nlisérums. Voir
Hystérie. Un cas de -- aigui'
hallucinatoire d'origine trau-
matique ; "par Drapes, p. 65.
La de l'adolescence ; pro-
testation contre l'emploi du
terme « démence précoce ; par
Conaghey, p. 73. Les de dé-
chéance. Les statistiques de la : un schéma universel ; par
Easterhrook, p. 75.' La varia-
tion dans ses rapports avec
l'origine de la - et des névro-
ses qui lui sont alliées ; par
lllacpherson, p. 75. Une classi-
fication de la littérature de la
avec index relatif d'après le
système décimal de Dewcy ;
par Urquhart, p. zoom-
muniquée, survenue à une mè-
re et sa fille ; par Lord, p. 140.
Sur les rapports des salaires,
de la et du crime dans le sud
du pays de Galles ; par Sle-
wart, p. 141. Note sur la -
de l'adolescence dans le comté
de Dorset ; par Rorie, p. 143.
Les sortes de ; par Mercier,
p. 144. - Voir Alcoolisme.
et indicanurie (indowylurie) ;
note critique ; par Easterbrock
p. 418. -. Voir Alcool. Quel-
ques notes sur l'étude de la -
par Graham Crookshank, p.
423. Sur les aménagements ap-
propriés qu'il conviendrait de
fournir aux différentes formes
de folie ; par Atilson Rhodes,
p. -131. -, Voir Troubles.
Fonction cérébrale. Etudes his-
tologiques sur la localisation
de la - ; par Campbell, p. 51.
FIIIEDREICII. Lésions des racines
des ganglions rachidiens et des
nerfs dans un cas de maladie de
; par Déjerine et Thomas,
p. 156.
Fugues. Les - dans les psycho-
ses et les démences ; par Du-
costé, p. 38, 121.
Gaine myélique. Recherches his-
tologiques et embryologiques
sur la structure de la des
libres nerveuses périphériques ;
par BesLa, p. 252.
Ganglions spinaux ; voir Bac-
téries. rachidiens ; voir Frie-
drich.
Gardes-malades mentales (ou
dressées au service des asiles) ;
leur situation et leur enregis-
trcment ; par Outterson \\'ood,
p. 431. Le personnel de - à
l'asile Métropolitain de I.ea-
v·esdcn ; notes sur un projet
de promotion ; par Ashbv
Elhins, p. 431.
GIIEEL. Causerie à propos de ;
par Conolly Norman, p. 43 1.
Glande pituitaire.Voir Sommeil.
- Voir Troubles psychiques.
GLOSSOPI,1 : GIE. Un cas de -
unilatérale isolée, due proba-
blement à l'intoxication par
l'oxvde de carbone ; par Riva,
p. 53.
Goitre exophtalmique. Voir Os-
léomalaric. Voir ^Maladie
mentale.
Hallucination. Voir Hystérie.
La psychologie de l'- ; par
Stoddart, p. 142. Les présen-
tations obsédantes, hallucina-
Loires et obsédantes ; par
Sergeranoff, p. 143.
Hémianopsie. Voir Aphasie.-
Voir 11'éber.
Hémiplégie avec atrophie croi-
sée du cervelet ; par Thomas,
p. 438.
Hémisphères cérébraux. Voir
Corps.
Hémorkiiagies. Petites sous
la pie-mère cérébrale dans
l'épilepsie ; par Alquier et An-
fimou, p. 156.
Hérédité. Voir Infantilisme.
11ÉRÉr)O-ATAXIE cérébelleuse pré-
coce ; par Variot et Bonniot,
p. 440. - cérébelleuse ; par
Voisin et Macé de Lépinay, p.
500.
1-IÉTÉROTOPIE. Voir Euphorie.
Homicide. Voir Azam.
Hôpital. Courte histoire de l'-
Saint-Luc ; par Rawes. p. 434.
Description d'une addition à
l'- de Cheadle ; par Sutcliff,
p. -134.
Hôpitaux. Les - et établisse-
ments destinés au traitement
des maladies mentales et à la
garde des aliénés ; des aliénés
traités à domicile ; de la sur-
534
veillance du service des alié-
nés, p. 254.
Hydrocéphales. Voir Atrophie
optique.
HVPOTROPIIIE d'origine bacil-
laire ; troubles de la voie pyra-
mygale ; par Claude et Le-
jonne, p. 48G. -
Hystérie. Les rapports de l'-
et de la folie ; par Green, p. 6 4.
- infantile avec hallucination;
par Arsimoles, p. 70. Patho-
génie d'un cas d'- liée à une
tumeur cérébelleuse : par Bern-
heim, p. 139. - Voir Ptosis.
Valeur de la rééducation de
l'attention dans le traitement
de l'- ; par P. i\Iagnin, p. 261.
et sommeil ; par P. Sollier,
p. 353, 449. ; par Déjerine,
p. 500.
IDIOTIE. Un cas d'- amauro-
tique de famille ; par Burnet,
'p. 145. Conception clinique,
anatomique et pathologique de
méningitiques. Observa-
tions cliniques et anatomo-
pathologiques ; par Pellizzi, p.
247. La pathologie de quatre
ans d'- épileptique ; par Har-
vey Baird, p. 419.
IDIOTS. Traitement moral des ;
par Séguin, p. 517.
Imbéciles. Nécessité de l'inter-
vention de l'Etat au profit des
imbéciles ; par Rainsford, p.
432. Voir OEdème.
Imbécillité mongolienne ; par
Fennel, p. 434.
Immunité. Voir Arabes syphili-
tiques.
Incitation. Voir Adaptation.
Incontinence d'urinc. Voir Olé-
dicaments.
Indicanurie. Voir Folie.
IIQD01YL. Voir Dépression mé-
lancolique. La signification cli-
nique de l'- dans l'urine ; par
Bruce, p. 493.
INDUSTRIE. Voir Alcoolisme.
Infantilisme. Etude nosogra-
phique et clinique des ; par
Sante de Sanctis, p. 249. el
dégénérescence psychique ; in-
fluence de l'hérédité neuro-
pathologique ; par illagalhaes
Lemos, p. 489. Voir Acro-
mégalic.
TABLE DES MATIERES.
Infirmes. Voir Placement.
Initiation sexuelle ; par Beril-
lon, p. 77.
Injection d'alcool dans le nerf
sciatique ; par Brissaud, Si-
card, Tanon, p. 501.
Instinct. Sur 1 ? étude psycho-
physique d'évolution et de dis-
solution ; par Stoddart, p. 492.
Instruments. Nouveaux- pour
les recherches, psycho-physi-
ques ; par Guicciardi, p. 252.
Insuffisance thyroïdienne. Voir
Rhumatisme.
Internat des asiles de la Seine.
p. 267. des asiles d'aliénés
du Nord, p. 271. ·
Intoxication. Psychologie d'une
forme particulière d'- patho-
logique ; par Pick, p. 50.
Voir Glossoplégie,
KORSAKOW. Observations cli-
niques de psychose de ; par
Tote, p. 65.
Langage. De la confusion du :
par Kéraval, p. 148.
Leçons cliniques sur les maladies
nerveuses et mentales ; par
Stcherbax, p. 88.
Législation. Examen critique
de la nouvelle loi sur le régime
des aliénés ; par Bourdin, p. 97,
220. Les garanties de la liberté
individuelle dans la loi de 1838
et dans la nouvelle loi adoptée
par la Chambre des députés ;
par Azémar, p. 326. Revision
de la loi du 30 juin 1838 sur les
aliénés. Unité de direction des
asiles. Médecins-directeurs ; par
Dubour(licu, p. 401. Voir
Loi.
Lèpre. Voir Troubles mentaux.
Lésions. Sur la coexistence des
syphilitiques tertiaires avec
le tabès : par Moulot, p. 55.
pédonculaire ; voir Asymétrie.
tabétiques ; voir Fibres. Va-
leur des corticales dans les
psychoses d'origine toxique ;
par Ballet et Laignel-Lavas-
tine, p. 493.
LEUCOCYTES. Relevé quantitatif
et qualitatif des dans diffé-
rentes formes de maladies
mentales ; par Peebles, p. 51.
Lipomes multiples dans la para-
TABLE DES MATIÈRES ? )00
lysie générale ; par Conolly
Normon, p. 426.
LOBE temporal. Voir Tumeur.
Localisation. Voir Fonction cé-
1 rébi-cile.
Loi. Voir Législation. Proposition
de - sur les aliénés, p. 254,
334, 402. Revision de la sur
les aliénés, p. 350.
Lunettes. Contribution expéri-
. mentale à la psychophysiologie
' de l'usage des ; par Féré, p.
490.
Malades. Voir Caractère.
.Maladies somatiques. Les rap-
ports des symptômes mentaux
avec les -, considérés princi-
palement au point de vue de
leur traitement hors des asiles
d'aliénés ; par Raw, p. 55.
mentales ; voir Travail. ai-
guës ; voir Manie. mentales.
Voir non-sanilé mentale. - du
sommeil ; voir Trypanosome.
mentales ; voir Poids.
mentale avec goitre exoph-
talmique, par Steen, p. 145. -
mentales ; voir Véronal. La
poésie dans les - mentales;
par Régis, p. 417. mentales;
voir Aphasie. Voir Tics.
Malformation congénitale uni-
latérale de la face chez un idiot
épileptique ; par Ilamel et
Wahl, p. 148.
Manie. Note clinique sur un cas
de aiguë pour servir à l'his-
toire de la manière dont les
maladies aiguës affectent l'état
mental ; par Lewis Bruce, p.6 1. 4.
Marche. Voir Phobie.
Médecine psychiatrique. Le cas
de Soleillant devant la - ; par
l3égnaull, p. 262.
Médecins. Voir Congrès.
Médicaments. De la valeur sug-
gestive des - en thérapeu-
tique, en particulier dans le
traitement de l'incontinence
d'urine prise comme cas-type ;
par Hahn, p. 260.
Médicaments hypnotiques. Sur
1'emploi des dans le traite-
ment de l'insomnie,; par 1\laule
Smith, p. 59.
Mélancolie. Voir Dépression
mentale.
Mémoire. Voir Suggestion.
Mémoire. Contribution expéri-
mentale et statistique à l'élude
de la - ; par Guicciardi, p.
253.
Méningites. Les séquelles psy-
chiques des - cérébro-spinales
aiguës ; par Sainton et Voisin,
p. 416.
l\IÉ1'ÕINGO-l\IYÉLITE. Voir Para-
lysie générale.
Méningo-radiculite antérieure;
par Raymond et Oppert, p.
437.
Moelle ÉPiNiÈRE.Voir Bactéries.
Morison Lectures, par Macphcr-
son, p. 73.
Muscle. A propos de récents tra-
vaux sur l'auscultation du
dans les paralysies, la contrac-
ture et la réaction de dégéné-
rescence. Quelques considéra-
tions sur la théorie motrice du
sarcoplasme ; par M110 Ioteyko,
p. 134.
Myopathie. Deux frères atteints
de primitive progressive ;
par Noica, p. 496.
i\IYOTO : \'IE. Sur un cas de ;
considération sur le syndrome
myotonique ; par Modena et
Siccardi, p. 136.
Nécrologie, p. 175, 503.
Nécrose corticale, Voir Abcès.
Nerfs périphériques. Voir Bac-
léries. Voir Friedrcich.
sciatique ; voir Infection.
Neurasthénie. La - chez les
ouvriers ; par Glorieux, p. 52.
- thyroïdienne ; par Lévi et
II. de Rothschild, p. 156. La-
génitale féminine ; par Ba-
tuaud, p. 162. La vraie et les
syndromes neurasthéniformes :
par Crocq, p. 430.
Neurofibromatose périphéri-
que et centrale ; par Houx,
p. 441. Un cas de généra-
lisée. Note sur la - animale ;
par Hudler, p. 496.
Neuronophagie. La ; par Sa-
no, p. 83.
NE\;Ho-PSYCHOsES.Voir Antiscp-
sie.
Névralgies. Voir Traitement.
Névrites. Voir Névroses.
Névroses. Voir Folie. Des et
des névrites du pncumogas-
trique chez les tuberculeux et
536
TABLE DES MATIERES.
particulièrement de l'asthme
des tuberculeux ; par Dumesnil
p. 138. - Voir Cours.
NOK-SAXITÉ mentale et maladies
mentales dans une-prison lo-
cale ; par Cotton, p. 75.
Nystagmus myoclonie ; par Le-
noble et Aubineau, p. 157.
Obsessions ; par Shaw, p. 64.
Occultisme. L' hier et au-
jourd'hui ; par Grasset, p. 517.
dème des pieds chez deux int--
béciles ; par Trepsat. p. 494.
Q31L. Contribution à l'étude do
l'- chez les aliénés ; par Mézie
et Bailliart, p. 1.
OPIITAL71OPLL : CiIE. Voir Syphilis.
nucléaire chez un tabétique;
par Grenet et Tanon, p. 439.
Voir Poliencéplwllie.
OPOTIIÉRAPIE hypophysaire; par
L. Lévy et H. de Rotschild, p.
438.
Oreille. Accommodations de
l' et des bruits distants va-
riés ; par Guicciardi, p. 253.
Os. Voir Anthropologie.
Ostéomalacie et goitre exoph-
talmique ; par Tolot et Sar-
vonat, p. 135.
Otite chronique purulente, abcès
cérébelleux, épilepsie ; par De-
roitle, p. 430.
Oxyde de carbone. Voir Glosso-
plégie.
PACllYMÉNixaiTE. Voir Amau-
rose.
Paralysie. La générale et le
crime ; par Baker, p. 60. L'étio-
logie de la générale, p. 65. -
générale ; voir Angoisse. gé-
nérale. Troubles trophiques
cutanés ; par Lépine et Loup,
p. 70.Observations statistiques
sur la ; par Ilarvey Baird,
p. 73. Un cas de générale
des aliénés avec méningo-myé-
lite syphilitique ; par Grahan,
p.76.- Voir Muscle. Un cas de
générale de développement;
par lliddlcmass, p. 141. - gé-
nérale ; voir Traumatisme.
générale traumatique; par
Collet, p. 154.- progressive ;
voir Cellules. Pathologie de la
générale des aliénés ; par
Ford Robertson, p. 420. gé-
nérale. Voir Lipomes. Syn-
drome incomplet de - pseudo-
bulbaire ; par Lamy, p. 437. -
Voir Paraplégie. -. Voir Poli-
encéphalite. - faciale récidi-
vante ; par Huct et Lejonne, p.
439. Un signe de - organique
du membre inférieur; par Gras-
seL, p. 441. - générale ; voir
Arabes syphilitiques. Sur un cas
de - des béquilles ; par Soca,
p. 496. - Voir Zona. pseu-
do-bulbaire ; par Raymond et
Alquier, p. 502.
Paralytique général. Voir Ar-
llropathie.
Paranoïa. Discours présidentiel
sur la - prononcé à la 63c réu-
nion annuelle de l'Association
méclico-psychologique tenue a
Londres le 21 et le 22 juillet
1904 ; par Percy Smith, p. 68.
Voir Sorcellerie. Voir
Délire.
Paraplégie et paralysie infan-
tile ; par Crouzon, p. 438.
PAHAPLÉSIES. Etude sur les
par rétraction chez les vieil-
lards ; par Lejonne et Lher-
mitte, p. 497.
Pathologie. Voir Idiotie. -
Voir ]'amll/sie- générale. De la
- nerveuse et mentale chez
les anciens hébreux et dans la
race juive ; par Wulfing-Luer,
p. 415.
Pellagre. La persistance du
pouvoir vital et pathogène de
la spore aspcrgillairc dans l'or-
ganisme animal. Contribution
expérimentale à la récidive de
la-; par Ceni et Besta, p. 250.
- . Voir Aspergillus.
Pervers. Les - : par Marandon
de \Ionlyel, p. 71.
Phobie hystérique de la marche ;
par Charpentier, p. 156.
Phraséologie. La de certains
dégénérés ; par Walil, p. 153.
PttTYStuLS. Voir Euphorie.
Pie-mère. Voir Hémorragie.
Placement familial des vieil-
lards et des infirmes ; par Car-
not, p. 435.
Pneumogastrique. Voir Né-
viroses.
Poésie. Voir Maladies mentales.
Poids du corps. Plaidoyer en fa-
veur d'une étude plus attcn-
TABLE DES MATIERES.
537
tive du et de ses rapports
avec les maladies mentales ;
par Bond. p. 144.
POLIENCÉPIIALITE. Oplltalmo-
plégie et paralysie bilatérale
* de la branche motrice du tri-
jumeau ; par Lamy, p. 439.
Poliomyélite d'origine trau-
malique : par Oppert et
Schmiergeld, p. 437. - Voir
Poliomyélite. antérieure ai-
guë de l'adolescence à topogra-
phie radiculaire ; par Camus et
Sézary, p. 499.
Polynévrite apoplectiforme
avec association probable de
poliomyélite ; par Claude et
Chartier, p. 440.
Ponction lombaire. Mort rapide
après ; par de Lapersonne,
p. 500.
Porencépiialie. Voir Amaurose.
l'OTT. Voir Troubles nerveux.
Pouls. Voir Atropine.
l'sr..ono-angine. Un cas de de
poitrine chez un épileptique ;
par Rowe .Icremy, p. 51.
Pseudoesth ésie. Observation
d'une forme rare de ; par
Matlirolo, p. 53.
Psychiatrie. Voir Terminologie.
Psychologie. Voir Croisades.
PSYCHOPIIYSIOLOGIE. Voir Lu-
nettes.
Psychoses. Voir Fugues.
Voir Korsakow. polynévri-
tique ; voir Troubles mentaux.
Les prodromes des et leur si-
gnification ; par Clouston, p.
1-16. polvnévrilique par
auto-intoxication gastrique ;
par Sollier et Duheul, p. 150.
Voir Sitionlanie. Voir
Lésions corticales.
Psychothérapie. Les éléments
d'une - préventive ; par Bé-
rillon, p. 259. graphique ;
importance des exercices
d'écriture appliquée dans le
traitement des aboulies ; par
Bérillon, p. 260.
PTOSIS paralytique dans l'hysté-
rie ; par Sauvincau, p. 155.
Rachitisme el scoliose des ado-
]eseeuls : par l3rissauU CL Mou-
tier, il 191.
Racines médullaires. Voir Fibres
nerveuses.
Rapport médical et compte mo-
ral et administratif sur l'asile
public d'aliénés de Pau (exer-
cice 1905) ; par Girma, p. 85.
Voir Asiles d'aliénés. sur
le service médical du quartier
d'aliénés de l'hospice général
de Nantes pendant l'année
1905 ; par Biaute, p. 346.
Réactions électriques dans le
tétanos guéri ; par Bonniot,
p. 156. - Voir Sérum.
Réactions nerveuses. Voir "[dl/p-
falioLL.
Recherches cliniques. Voir Epi-
lepsie.
RECKLINGHAUSEX. Un cas de
maladie de - avec dystrophies
multiples et prédominance uni-
latérale ; par Klippel et Mail-
lard, p. 429.
Rééducation. Voir Hystérie.
Religions. Les lois psychophy-
siologiques du développement
des ; par Binet-Sanglé, p.
514.
Réticulum fibrillaire. Sur une
altération primitive du en-
docellulaire et des fibres lon-
gues dans les cellules de la
moelle épinière. Recherches
expérimentales sur l'empoi-
sonnement par le chlorure
d'éthyle et sur la compression
de l'aorte abdominale effec-
tuée par la méthode de Donag-
gio ; par Scarpini, p. 252.
Rhumatisme chronique et insuf-
fisance thyroïdienne ; par Pep-
po-Acchioli, p. 502.
Snwr-Luc. Voir Hôpital.
Salicine. Voir Epilepsie.
Sarcoplasme. Voir Muscle.
Sciatique. Traitement de la
par les injections de sérum ar-
tificiel ; par Levy et Beaudoin,
p. 501.
Science. La - et une vie future ;
par Graham, p. 49.
Sclérose en plaques. Voir Trou-
bles mentaux.
Scoliose. Voir Rachitisme.
SCOI01,A',NIINi ? Action dcla-sur
la chorée de Sydenham ; par
Babinski, p. 156.
Sensibilité. Epuisement rapide
de la au contact et a la pres-
z138 table DES matières.
sion ; par Max Egger, p. 439.
- . Voir Asymétrie.
Séquelles psychiques. Voir Jlé-
ningites.
Séquestration. L'affaire de ;
p. 351.
Sérum. Une réaction du ap-
paraissant chez des sujets en
état d'infection ; par Lewis et
Bruce, p. 492. -. V. Sciatique.
Simulation. Voir Crise d'épilep-
sic. - sur une base morbide ;
par Thivet, p. 150.
SiTion.wç. Symptôme de psy-
chose périodique ; par Gilbert-
Ballet, p. 440.
Société médico-psychologique
(séance du 29 janv. 1906) p.147.
Soins de famille. Sur la nécessité
de pour les personnes dont
l'esprit n'est pas sain, en Ir-
lande ; par Conolly Norman,
p. 146.
Soldat. Un ex-aliéné acquit-
té, p. 174.
Sommeil. Sur l'origine du-.
Etude des relations entre le z
et le fonctionnement de la
glande pituilaire ; par Albert
Salmon, p. 136. - Voir Try-
panosome. Voir Hystérie
Voir Tumeur.
Sorcellerie. La moderne :
étude d'une phase de la para-
nota; par Conolly Norman, p.
144.
Sourds-Muets. Opinion du Dr
Chervin au sujet du maintien
des institutions de au mi-
nistère de l'intérieur,p. 351.
Spiritisme. Effets du -, p. 523.
SPONOYLOSE rhizomélique.La ;
anatomie pathologique et pa-
thogénie ; par P. Marie et Léri,
p. 489.
Spore aspergillaire. V. Pellagre.
Stéréotypie graphique chez un
, dément précoce ; par Marchand
p. 140. Remarques sur la -
graphique ; par Antheaume et
.1111gnot, p. 488.
Stress. Le ; par Mercier, p.
1 44. Encore le
p. 111.
Suggestion. La hypnotique
et le développement de la mé-
moire ; par Damoglou, p. 78.
- . Voir Toxicomanie.
Surveillance. Voir Aliénés.
SYDENIlA1\'. Voir Chorée.
Sydenham. Voir Scopolamine.
Symétrie. Voir Corps.
Symptômes mentaux. Voir 111C/-
ladies somatiques.
Syndrome méningé. Voir Abcès.
Syphilis cérébrale avec ophtal-
moplégie double ; par Achard,
p. 52. La - spinale à forme
amyotrophique ; par Launois
et Porot, p. 137. V. Chorée.
Syringomyélie post-trauma-
tique ; par Lejonne et Charticr,
p. 155. - par Bar, p. 500.
SYSTÈME nerveux. Voir Ame.
Tabès. Voir Lésions syphilitiques.
Formes frustes du - ; par
Raymond, p. 139. Un cas de
trophique ; par Gilbert, p. 440.
Le traitement utile du - ; par
Belugou de La Plalou, p. 514.
Tableaux statistiques. Les ;
par Mercier, p. 434.
Terminologie. Note sur la et
la classification psychiatrique :
par Drapes, p. 425.
Test mentaux. L'application et
la recherche des de Binet
chez les enfants des écoles
communales de Gand ; par Du-
pureux, p. 494.
Tétanos. Voir Réactions.
Tics. Les chez les animaux ;
par Depinay et Grollet, p. 78.
Iconographie de l'évolution
d'un cas de maladie des tics ;
par Roubinovitch, p. 430.
Tissus. Voir Atrophie. céré-
bral ; voir Tumeur.
Toxicomanie. Un cas de Irai-
té par la suggestion hypno-
tique ; par Damoglou, p. 259.
Traité. Voir Anthropologie.
Traitement. Voir Extrait lhy-
roïdien. éducationnel des
jeunes épileptiques; par Shutt-
lcworth, p. 56. Contribution
au - thyroïdien des enfants
arriérés ; par L. Lévi et II. de
l3otschild, p. 439. - des né-
vralgies du trijumeau par les
injections profondes d'alcool ;
par 13rissaud, Sicard, et Tanon,
p. -1.10. Voir Sciatique.
Voir Tubes. - Voir Idiols.
midico-péclanogiqucs des dif-
férentes formes de l'idiotie ;
par Bourneville, p. 518.
table des auteurs et DES collaborateurs.
539
Traumatisme et paralysie géné-
rale ; par Middlemass, p. 143.
Travail. Le dans la thérapeu-
tique des maladies mentales ;
par Cuylites, p. 58. 1
Tremblement. Pathogénie du
mercuriel ; par Guillain et La-
roche, p. 438.
THlCIIOTlLLOIA : -¡ lE. Note sur
quelques cas de chez des
aliénés ; par Féré, p. 494.
Trijumeau. Voir l'OlieILCél)11(1-
lite. Voir Traitement.
'l'nll'.\ : >IOSOME. Le de la ma-
ladie du sommeil ; par Robert
Jones, p. 138.
'l'noPIIOEDÈAIE. Cas de chro-
nique ; par I'arhou et Florian,
p. 157.
Troubles trophiques. Voir Pa-
ralysie générale. Les - men-
taux dans la lèpre à propos d'un
d'un cas de psychose polyné-
v ritique chez un lépreux ; par
de Beurmann, Roubinowitch
cl Gougerot, p. 70.- de l'orien-
tation ; voir Ecriture. - men-
' taux dans la sclérose en pla-
ques ; par Lhermitte et Hal-
bcrstadt,'p. 149. - mentaux
consécutifs à un accident du
travail ; par Vigouroux et Del-
mas, p. 151. Les psychiques
dans les altérations des glandes
à sécrétion interne ; par Sain-
ton, p. 416. - de la voie pyra-
midale ; voir Ilypotrophie.Con-
tribution à l'étude des - (le
l'association visuelle dans la
folie ; par Sydney J. Cole, p.
495. Les principales formes des
nerveux dans le mal de Pott
sans gibbosité ; par Alquier, p.
498.
Tuberculeux. Voir Névroses.
Voir Cyphose.
Tuberculose. Sur quelques
points concernant la dans
les asiles ; par Menzies, p. 433.
Tumeur. Un cas de - du lobe
temporal ; par Deroitte, p. 54.
cérébelleuse ; voir Hystérie.
Un cas de-cérébrale avec som-
meil ; par Maillard ct Dlilliit,1>.
429. De quelques altérations
du tissu cérébral dues à la pré-
sence de ; par Weber, p. 488.
Urine. Quelques notes cliniques
sur les analyses d'- et leurs
résultats ; par Robert Jones,
p. 491. Voir Dépression
mélancolique. Voir Irldo : l yf.
Véronal. Note sur le étudié
comme hypnotique et comme
sédatif dans les affections men-
tales ; par Alexander, p. 57.
Note sur l'emploi du dans
les maladies mentales ; par
Lwof et Renon, p. 149.
Vieillards. Voir Infirmes.
Weber. Syndrome de - avec
hémianopsie ; par Rossy et
Roussy, p. 502.
Zola. Le roman scientifique
d'Emile -. La médecine et les
Rougon-\Iacquart ; par Mar-
tineau, p. 513.
Zona ophtalmique et paralysie
du moteur oculaire externe et
de l'accommodation ; par Ga-
lezowski, p. 502.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Achard, 53. Alexander, 57. Al-
([nier, 156, 198, 502. Aulintou,
156. rlrsimoles, 70. Ashby El-
kins, 431. Aubineau, 157. Azé-
mar, 326.
Bahinski, 156, 437. Bailliarl, 1.
Baird.73.419.BaHe)., 440, lil,
493. Baker, 60. Bar, 500. Ba-
taud. 162. Beaudoin, 501. Be-
lugou de la Matou, 514. Béril-
lon, 77, 259, 260. Bernlieint,
139. Besla250, 252. Beurmann il
70. Bevau Lewis, 340.Bianco-
nc, 343. 'Biaute, 346." Binel-
Sanglé, 51 Blake, 57. Boeck
(cle), 61. Bond 144. Bonne, 177,
293, 370, 466. Bonniot, 156,
440. Boulenger, 135. Bourrin,
97,220. Bourneville, 345,402,
517, 518. Brissaud, -1-10, -1J1,
499, 500. Bruce, 56, 64, .192 ,
493. Burnet, 145.
Campbell, 51. Camus, 118, 152,
416, 19J. Carlvle Johnstone,
135. Carnot, -135. Ceni, 250,
251.Ccrletti, 219. Charpentier,
5u0
table des auteurs ET des collaborateurs.
156. Charrier,- 155, 440, 501.
Chaviguy, 60. Claude, 438,440,
186. Claus, 343. Clouston, 146.
Cole, 425, 495. Collet, 154.Com-
by, 137, 138. Conaghey, 73.
Conolly Norman, 146. Cotton,
75. Crocq,430.Crookshane 422.
Crouzon, 438. 440. Cuylites, 58.
Datnoclou,578, 259. Dauriac, 259.
Debray, 136. Déjerine, 156,
500. Delmas, 151, 155. Deny,
148, 152. Dépinay, 78. Deroit-
te, 54, 430. Deroubaix, 495.
Devaux 487. Doutrebente,153.
Drapes, 65, 425. Dubourdieu,
389. Dubuisson, 262. Duchâ-
leau, 344. Ducosté, 38, 121.
Dufour, 499. Duhem, 150, 151.
Dumesnil, 138. Dupré, 416.
Dupureux, 494. Durand, 345.
Easterbrook, 75,418. Egger,439,
502. Etienne, 494. Eustace, 65.
Fennel, 434. Féré, 68, 144, 490,
494. Findlay, 5J. Florian, 157.
Forel, 80. Friedel, 345.
Galézowski, 502. Girma, 85. Glo-
rieux. 52. Grahan, 76. Grasset,
157, 441, 517. Green, 64, 427,
433.- Grenel, 157, 439. Grol-
let, 78. Guicciardi, 252, 253.
Guillain, 438.
Halbersladt, 149. Hahn, 260. ITa-
me, 148. IIomen, 48. Iluct,-J39.
Iotcyko (I1),134. Ireland, 419.
Johnstone, 74. Jones Robert, 65,
138.
Kaes, 441. Kemp, 55. i Klippel,
415, 429. 486,497. Knbel,432.
Lagrange, 258. Laignel-Lavasti-
ne, 493. Lamy, 437, 439. La-
personne (de), 500. Laroche,
438. La Salle Archambault,
490. Launois, 137. Le Double,
345. Lhermitte, 497. Lejonne,
155, 438, 439, 486, 497. Lemos,
489. Lenoble, 157. Lépine, 70.
Léri, 489. Lévy, 156,245, 438,
439, 501.Lhermitte, 149. Lord,
140. Loup, 70. Lwof, 149.
Mac Dougall, 432. IAIacé de Lé-
pinoy, 500. Macpherson, 73, 75..
l\laillard" 429. Magnin, 261.
Maran. 343. Marandon deMon-
tycl, 71. Marbé, 157. Mar-
chand, 14). 153. Marie (A.),
68, 234, 431, 495. Marie (P.),
480. Marna, 435. Martineau,
499. \Ialtirolo, 35. \Iaule, 59.
Mécrus, 436. Menties, 433.
.Mercier, 141, 144, 434. \Iézie,
1. Dliddlemass, 141, 143. Mi-
guot,488. Milhit, 429. Milsom
Rhoclcs, 434. llodena,136.11on-
1'0, 55. Mo or (de), 344. 1\Iott,
418. Moulot, 55. Moutier, 419,
499.
IvTageotte 486.Natlan 440. Noica,
157, 496. Nolan, 436.Norman,
144, 426, 434. Oppert, 437.
Outterson Wood, 74, 431.
Parhon, 157. Pascal (iIll-) 273.
Peebles, 51. Pel, 499. Pellizzi,
247. Pépo rcchioli, 502. Percy
Smith, 68. Perrin, 345, 494.
Pick. 50. Pihgini, 418. Po-
rot, 137. Privât de Fortunié.
511. Pron, 148.
Rainsford, 71, 432. Raw, ? 5,Ray-
mond, 139, 437, 501, 5l)2.
Rayner, 145. Rawes, 434. Ré-
gis, 150, 417. Régnault, 262.
Renon, 149. Riva, 53. Robert
.Joncs, 419. Robertson, 420.
Rochon-Duvignaud, 440. Ro-
de (de), 61. Rorie, 74, 143.
Rossi, 502. Botliscliild (1-1. de),
156, 245, 438, 439. Rose 8,
501. Roubinowitch, 70,-130.
Roussy, 502. Rowe Jércmy,
51. Rudler, 496.
Saintoni, 416. Salmon, 136. Sa-
no, 83. Santé de Sanctis, 2d9.
Sarvonat, 135. Scarpini, 252,
253. Sézary, 499. Schmidt, 57.
Schmiergeld, 437. Scrgeranofl,
143. Shaw, 64. Shuttleworlh,
56. Sicard, 440, 501. Siccardi,
136. Simon, 57. Soca, 496. Sol-
fier, 150, 353, 449. Souques, 440.
Slcherbax, 88. Sleen, 145. Sté-
fani, 248. Stewart, 140, 111.
Sloddart, 142, 492. Sullivan,
63, 72, 428. Suteliff, 43-1.
Tanon, 156, 439, 440, 501. Thicct,
150. Thomas, 156, 438. Tolot,
135. Tote, 65. Townsend, 50.
Trcpsal, 494. Turner, 50.
Ugolotti, 248. Urguharl, 75.
Valbon, 147. Variot, 440. Veitch,
56. Vigoureux, 151. 155. vin-
cent, 55, ·110. Voisin, 416, 500.
raid, 148, 152. \'caltcrly, ,i8.
Weber, 488. Wilson, (il. \\'il-
liam, 419. \Vulling-Lucr, 445.
Clermont (Oise) Imprimerie Daix frères et Thiron.