(1903) Archives de neurologie [2ème série, tome 16, n° 91-96] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1903) Archives de neurologie [2ème série, tome 16, n° 91-96] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DB

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par J.-M. CHARCOT

PUNLIfiE SOUS I.A DIRECTION UR plpl.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecin*

de Paris.

COLLABOUATEUNS PRINCIPAUX

Ml4.ABAUIB (J.), ARNAUD, BAUINSK1, DALLE'P, HLAN( : HAIiU(li.), BLIN, BOISSIRIt (F.),

BONCOUft (P.), BOYER (J.), ftItIANU (h1.), It111SAUU (E.), BltOUAItUEL (P.),

BIU1NET (D.), ÇARRIFR(G.), CAPGRAS, CALDRON, CESTAN,CEIARON,( : HAltPENTlER,

CHARBON, CHRISTIAN, COLOLIAN, CULLEMOE, OARCANNE, DEBOVE (M.). UENÏ,

MRVAT, UUVAL (Mwele), FÉIIÉ (cru ), FENAYit0t), FRIiIIIEH,FLETI.HER-BEACH,

FIiANCOTTE, GAItNIEIi (S.), GOhlltA l1 LT, GItASSRT,JUQUELIEIt, KI : ItA VA L,KOUINI1J Y,

LADAME,%.ANUOI1ZY, LEGI1AIN, LEROY, LWOFF, MABILLE,

MAHANDON DE MONTYEL, h1A111R (A.), MIERZEJE\VSKI, MIRALLIÉ, HI1SGIIA VE-f : I,AY,

PARIS (A.), DE PERRY, PEUGNIEZ, PHILIPPE, PlCQlIÉ, PIEIIIIFT, PITRES,

RAIIIRT,RAYNEAU, [tFGNAIIII(I'.),IIÉGNIRII(P.), 1114 : nElt (P.),IIOTH(W.), ROY,

SÉCLAS,SeillEUX, bOLLIEIt, SOUKHANOFF, SOI QURS, S0UTZ0,TAGUET,TCH1RIEW,

THULIÉ(H.), URRIOLA, VALLON, VIGOUROUX, V1LLARD, VOISIN (J.), YVON (P.).

Rédacteur en cliej : BOURNEVILLE

Secrétaires de la rédaction : J -B. CHARCOT ET J. NOIR

Deuxième série, tome XVI. 19 03.

Avec 39 figures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1903

Vol. XVI. Juillet 1903. N° 91.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE. i

Délire et petit brightisme ;

FIR

A. VIGOUROUX, ' et T P. JUQUELIER

médecin en chef. interne.

à l'asile de Vaucluse.

I. Dans un premier mémoire nous avons cherché à

montrer, qu'à côté des délires bruyants, accompagnant la

grande insuffisance hépatique, délires étudiés par MM. Klip-

pel, Lévi et M. Faure, il existe des troubles délirants, d'al-

lure plus tranquille, en rapport avec la petite insuffisance

hépatique. Celle-ci se manifeste par des symptômes cliniques

plus discrets et se traduit expérimentalement par la glyco-

surie alimentaire et l'urobilinurie.

Aujourd'hui nous cherchons à montrer qu'à côté du délire

urémique aigu, à grand fracas, il existe également des trou-

bles intellectuels en rapport avec une insuffisance modérée

de la fonction rénale, insuffisance qui constitue le petit

brightisme. Etant donné le genre même de malades que nous

observons, il nous est arrivé souvent de ne pouvoir utiliser

les signes subjectifs du petit brightisme, souvent si précieux

pour le diagnostic, car les délirants ne rendent pas un

compte exact de leurs sensations. Aussi parmi les procédés

en usage permettant de trahir une lésion rénale, nous som-

mes-nous fort souvent adressés dans ce but à l'épreuve clini-

quement commode du bleu de méthylène.

Suivant le procédé décrit par MM. Achard et Castaigne ,

Société médico psychologique, 30 juin 1902 : l'Insuffisance hépatique

et délire {Revue de psychiatrie, septembre 1902).

2 Acliard et Castaine; L'xav7ea clinique des fondions rénales par l'éli-

1)ilialion pi-ovoqziée, Masson 1900.

Archives, 2- série, t. XVI. 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

nous avons injecté un centimètre cube de, solution stérilisée

de bleu à 1 p. 20, et nous avons surveillé le début, la durée

et les irrégularités de l'élimination. Le retard du moment d'ap-

parition de la matière colorante, la prolongation du temps de

la durée de l'élimination, la diminution du taux de l'élimina-

tion nous permettaient d'affirmer un degré plus ou moins

avancé d'imperméabilité rénale et l'on sait d'autre part que

d'après les expériences de M. Léon Bernard 1 et l'observation

de M. Charrin il y a le plus souvent concordance entre les

résultats donnés par l'épreuve du bleu et ceux obtenus par

la recherche si délicate de la toxicité des urines.

Dans quelques cas, nous avons trouvé à la fois des signes

d'insuffisance hépatique et d'insuffisance rénale, sans pou-

voir déterminer exactement la part qui revient à chaque or-

gane dans la pathogénie du délire. Il s'agit là d'un syndrome

mental hépato-rénal analogue à celui que décrivit M. Maurice

Faure dans des cas plus aigus 3.

IL- Dans une excellente revue sur « les troubles mentaux

de l'urémie», M. le docteur Toulouse 's'étonne que, malgré sa

fréquence probable, l'urémie ne figure pas plus souvent dans

l'étiologie des maladies mentales. « Les aliénés, ajoute-t-il

comme explication de ce fait, attirent assez rarement l'atten-

tion sur les troubles de leurs fonctions physiologiques, aussi

est-il peu d'endroits où l'on ait moins parlé de folie urémi-

que que dans les asiles. » Il est, en effet possible, que dans

certains cas, l'étiologie rénale passe inaperçue chezdes aliénés

auxquels il manque le gros symptôme albuminurie, et dont

l'état mental seul attire toute l'attention du médecin. Toute-

fois parmi les troubles psychiques par auto-intoxication, les

délires d'origine urémique sont de ceux qui ont été le plus

anciennement décrits 5 et étudiés, et si leur fréquence n'est pas

1 Léon Bernard. Etude critique des méthodes de détermination de la

toxicité du sérum sanguin et de l'urine [Revue de médecine 1900).

i Charrin, Société de Biologie, 3 mars 1900.

6 Maurice Faure. Thèse, Pans 1900.

4 Gazelle des Hôpitaux, 18 juin 1891.

'- Ce mémoire ne constituant pas une revue sur la question du délire

dans l'urémie, nous n'avons pas cru devoir rappeler, dans un chapitre

d'historique les travaux bien connus de Lasègue, Gubler, Jaccoud, Bour-

iieville, Raymond, etc. ; nous renvoyons : 1° à la thèse de M. Florand

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 3

aussi grande que semblent l'admettre certains auteurs (Wer-

berg, Sankey 1) il est probable que leur nombre ira en aug-

mentant à mesure que se perfectionneront les moyens d'in-

vestigation clinique appliqués aux aliénés.

Sans parler de l'examen des urines systématiquement

pratiqué, nous avons recherché chez tous nos malades les

signes cliniques manifestant l'insuffisance rénale. Il s'agit

bien entendu de cas chroniques et frustes, de petite urémie

et non de grande insuffisance rénale, avec délire aigu et ter-

minal, qui est le plus souvent observée dans les hôpitaux.

Chez tous les sujets soumis à notre examen (malades d'asile,

par conséquent), nous avons poussé l'enquête du côté des pe-

tits signes du brightisme, réunis par ie professeur Dieulafoy.

Nous avons recherché la polyurie, la pollakiurie, les déman-

geaisons, les crampes douloureuses, le signe du doigt mort,

les sifflements et les bourdonnements d'oreille, les troubles

visuels, les épistaxis, les vomissements, la dyspnée, les dou-

leurs lombaires, la céphalée, l'hypothermie, le bruit de galop,

le myosis, la cryesthésie, etc. Nous avons recherché dans les

urines la diminution de l'excrétion de l'urée, la preuve de

l'imperméabilité relative du rein par le bleu de méthylène.

Or, si cette investigation nous a permis de déceler l'étiologie

rénale dans quelques cas, dont nous rapportons les plus

typiques, ces cas n'en sont pas moins relativement très rares.

De plus il ne suffit pas de constater chez un sujet, d'une

part des troubles psychiques, d'autre part des signes d'in-

suffisance rénale pour établir entre les deux phénomènes une

relation de cause à effet.

D'après M. le professeur Joffroy 1, la coexistence de trou-

bles rénaux et de troubles délirants peut se rencontrer dans

trois cas 1" Un délire aigu peut être le symptôme passager

d'une néphrite ; 2° Un aliéné peut présenter de l'albuminu-

rie au cours de sa vésanie ; 3° Une albuminurie existante

crée de toutes pièces des troubles mentaux, temporaires ou

définitifs, suivant la prédisposition du malade. Seuls les

(1891) Des manifestations délirantes de V urémie : 2- à la revue déjà citée

du docteur Toulouse [Gazette des hôpitaux, 18 juin 1894) ; 3- à la thèse

de M. Maurice Faure. Sur un syndrome mental lie à l'insuffisance des

fondions hépalo-î,éitales. Paris 1900.

' Cité par Couvât. Essai sur l'urémie délirante, Thèse de Lyon 1883.

Joffroy. Leçons delà &t<p<'7;'t'e, 11 décembre 1890.

4 CLINIQUE NERVEUSE.

sujets du troisième groupe rentrent dans le cadre de notre

étude.

Suivant la classification de Koeppen1, les troubles mentaux

accompagnant l'albuminurie peuvent être divisés en trois

groupes : 1° Ceux qui sont sous la dépendance d'une lésion

rénale ; 2° Ceux qui sont de même que la lésion rénale,

symptômes d'une maladie générale ; 3° Les psychoses et

les maladies nerveuses provoquant de l'albuminurie.

Sans insister sur ce troisième groupe nous étudierons des

faits du premier et du second groupe. Nous dirons que l'in-

suffisance de la fonction rénale est la cause efficiente du

délire, quand, en l'absence de toute autre cause, nous verrons

le délire apparaître, évoluer et disparaître avec elle. Dans le

second groupe qui comprend surtout l'artério-sclérose et

les infections, nous verrons que parfois la lésion rénale parait

réagir sur l'état mental.

Enfin si l'étiologie rénale peut échapper à l'attention du

médecin dans les cas mêmes où le brightisme doit être mis

en cause, c'est sans doute aussi parce que, parmi les phé-

nomènes délirants qui le manifestent, il n'existe pas de

caractère propre, pathognomonique, permettant de le recon-

naître en l'absence de tout autre symptôme clinique.

Il est des cas, dit M. le professeur Dieulafoy-, où le délire

apparaît comme l'unique manifestation du brightisme. Le

malade n'a plus les apparences d'un brightique, il a l'air d'un

aliéné. Or ce délire, seul témoin de la lésion rénale, est-il

pathognomonique ? Il semble bien que non. Il n'y a pas dans

les manifestations psychiques du brightisme de signe carac-

téristique du brightisme. M. Cullère 3 a cité deux cas assez

probants à cet égard : dans l'un l'étiologie rénale des trou-

bles mentaux ne fut établie qu'à l'autopsie. Dans l'autre c'est-

parce que la mort fut consécutive à des phénomènes de

grande urémie, qu'on put rattacher à l'altération des reins

des accès intermittents de mélancolie survenant depuis 9 ans.

D'après leur allure clinique les troubles délirants d'origine

' Koeppen. De l'albuminurie chez les aliénés (XIII0 Congrès des neuro-

logistes et des aliénisles de l'Allemagne du Sud-Ouest, 1889). Archives

de neurologie. T. XVIII, p. 418.

2 Folie Brightique. Société médicale des hôpitaux, 1885.

' Cullère. Archives de Neurologie, décembre 1901.

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 5

rénale peuvent rentrer dans la classe plus vaste des délires

toxiques.

Qu'il s'agisse d'auto-intoxication ou d'intoxication d'ori-

gine externe on retrouve toujours dans les grandes lignes le

même délire hallucinatoire, délire onirique, état de rêve

prolongé avec confusion mentale profonde. Délire alcoolique,

délire consécutif aux grandes infections, délires autotoxiques,

tous ces troubles psychiques d'origine toxique qui frappent

des sujets prédisposés, par leur hérédité ou leurs antécédents

personnels, ont des points généraux de ressemblance. A

propos de la folie urémique, MM. Régis et Chevalier Lavaure 1

écrivaient en 1893 : « Ces psychoses sont si bien toxiques

que la plupart des auteurs qui les ont décrites ont été frap-

pés de leur analogie avec la folie alcoolique et ont insisté

sur cette analogie. »

Il y a plus : les agents toxiques d'origine externe, l'alcool

en particulier si fréquemment incriminé, n'agissent directe-

ment sur la production des troubles cérébraux que dans les

cas aigus (ivresse délirante). M. Klippel a montré que les

accès délirants survenant chez les alcooliques chroniques ne

sont pas dus à l'alcool, mais à l'auto-intoxication rendue

possible parles altérations organiques produites par l'alcool.

L'insuffisance hépatique, des troubles gastriques d'origine

éthylique peuvent développer et entretenir des états déli-

rants, véritables rêves prolongés, que M. Klippel rapproche

du délire du rêve de Lasègue dont ils ont la physionomie

clinique. Or, le délire par insuffisance rénale rentre complè-

tement dans le cadre des délires de rêve et se confond avec

eux : de telle sorte, que lorsque les signes physiques du

brightisme n'attirent pas l'attention, lorsqu'il s'agit de petit

brightisme, en l'absence de renseignements précis sur les

antécédents du malade, et devant la confusion mentale ou le

délire hallucinatoire que ce malade présente, le médecin con-

clut volontiers à un délire toxique, et parmi les toxiques

accuse le plus souvent l'alcool, s'en rapportant à l'usage si

fréquent de ce poison.

Dans un cas de M. Régis le syndrome délirium tremens

termina l'évolution d'une granulie. Le même syndrome fut

' Régis et Chevalier Lavaure. Des aulo-inloxicalions dans les maladies

mentales (Rapport-Congrès de la Roclielle, 1893).

6 CLINIQUE NERVEUSE.

décrit par M. Waler chez un individu indemne de tout alcoo-

lisme '. -

Parmi les observations que nous rapportons, soit complè-

tes, soit brièvement résumées, quelques-unes présentent avec

celles-ci bien des analogies :

Celle de M..., garçon boucher de 4 ans, soigné depuis

8 ans pour des accidents cardiaques d'origine rhumatismale,

ayant présenté des attaques répétées d'asystolie, au régime

lacté depuis trois ans, manifestant sous l'influence d'un écart

de régime alimentaire, des accidents d'obstruction rénale et

du délire très actif, qualifié d'alcoolique.

Celle de R..., boulanger de 36 ans, buveur de vin, mais

chez qui les accidents délirants ont disparu en même temps

que les divers signes de néphrite subaiguë (oligurie, albumi-

nurie, céphalées, épistaxis, oedème malléolaire).

Celle de K... enfin, homme de peine de 58 ans, chez qui le

brightisme n'avait pas été soupçonné, qui était soigné pour

de la bronchite et dont le délire, les cauchemars, les cram-

pes avaient été considérés comme des accidents exclusive-

ment alcooliques.

D'ailleurs, en présence de tels malades, n'est-ce point déjà

avoir fait un grand pas que d'avoir établi le diagnostic de

délire toxique ? Au point de vue thérapeutique, le traitement

immédiat des accidents délirants toxiques sera, pour tous et

avant tout, le régime lacté absolu. Toutefois, pousser plus

loin l'investigation, rechercher aussi exactement que possi-

ble la cause de l'intoxication n'est point faire une constata-

tion théorique sans importance. Certains médicaments pour-

ront être utilement adjoints au régime alimentaire (calomel,

diurétiques, benzo-naphtol) suivant que le foie, le rein, ou

l'intestin paraîtront devoir être mis en cause. De plus, il faut

s'inquiéter de l'avenir d'un malade dont le délire paraît être

passager et pouvoir le mettre en garde contre le retour des

accidents qui l'ont amené à l'asile.

Le malade ayant présenté de l'ivresse délirante et guéri

pourra, toute boisson alcoolique mise à part, reprendre le

régime alimentaire de tout le monde ; le brightique même

latent, s'il n'a pas le courage de supporter en tout temps le

régime lacté absolu devra pourtant se soumettre à une ali-

' Cités par Klippel. Délire et aizlo-i)iloxicalio ? i hépatique [Revue de

psychiatrie, 1897).

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 1

mentation sévère, et savoir reprendre le lait au moindre

symptôme avant-coureur d'intoxication urinaire.

Devant un délire onirique, hallucinatoire, confus, toxique

en un mot, la recherche de l'agent, toxique s'impose donc.

Le problème étant ainsi posé, ce n'est pas, nous venons de

le voir, dans les nuances des manifestations délirantes qu'il

faut en rechercher la solution, mais dans l'examen des prin-

cipaux organes et de leur fonctionnement.

Dans les cas difficiles et douteux (comme le sont souvent

ceux que nous avons eu à examiner, il faut s'adresser aux

procédés d'expérimentation les plus cliniques : l'examen des

urines, leur analyse aussi rigoureuse que possible, avant et

après épreuves, rend en particulier de grands services. La

constatation de la glycosurie alimentaire, de l'urobilinurie 1,

de l'hypoazoturie, feront penser à l'insuffisance hépatique.

L'indicanurie mettra en garde contre l'auto-intoxication

d'origine intestinale.

L'élimination retardée et prolongée du bleu de méthylène

indique que le rein ne possède qu'une perméabilité douteuse ;

et que le retard correspond « à des troubles purement

fonctionnels provoqués par un spasme du système vascu-

laire des reins, ou à une intoxication de cellules glandu-

laires 2 » il mettra sur la voie de la découverte du brightisme

latent.

Cette dernière épreuve a été pratiquée sur un grand nom-

bre de nos malades, surtout chez ceux dont les signes clini-

ques d'intoxication urémique étaient rares et peu probants.

Elle nous a donné d'utiles confirmations. Mais d'autre part,

l'examen complet des urines nous a montré souvent que

l'auto-intoxication révélée parle délire est complexe et peut

dépendre du mauvais fonctionnement de plusieurs appareils

(voir observation D...). Il est donc très difficile dans ces

conditions, de distinguer, au point de vue mental, le délire

d'origine hépatique et d'origine intestinale du délire urémi-

que ou des autres délires toxiques.

Et si l'on pouvait admettre qu'un brightique possède au

début de sa crise délirante une allure spéciale, il n'en serait

' Disons à ce propos que M. le professeur Gilbert, MM. Lereboullet et

Herscher admettent l'origine rénale de l'urobiline. Voir Presse médicale,

3 septembre 1902 (Gilbeil et Herscher). ! Dieulafoy, Manuel de pathologie interne, 7° édition. T. III. p. 75.

8 CLINIQUE NERVEUSE.

ainsi qu'au début. Comme le fait remarquer Moreau de Tours' i

« quand il est dépouillé de ses caractères primitifs les plus

propres à mettre sur la voie de son origine réelle, l'état ma-

ladif est méconnaissable. »

Il est des cas où les toxines rénales produisent sur le cer-

veau des altérations durables, et dans ces cas la démence con-

sécutive au délire n'a aucun caractère spécial. Or il est excep-

tionnel que le médecin aliéniste assiste dans les asiles au début

d'une crise délirante d'origine urémique. Dans les cas cura-

bles, il voit des malades pour ainsi dire «déflorés. » Dans les

cas chroniques il peut constater un trouble mental persistant

après une lésion rénale guérie et qu'il ignore peut-être. Il

peut constater aussi la coexistence d'un état démentiel pro-

fond et d'une albuminurie symptomatique d'une néphrite

chronique, sans oser établir une relation de cause à effet entre

ces deux phénomènes.

Quel a été le rôle de l'altération du rein chez le malade

Br... (dément précoce albuminurique) et chez les malades

Ca... et Sch..., aujourd'hui déments et également atteints de

troubles rénaux ? Il faudrait pour déterminer au juste ce

rôle, pouvoir remonter mieux que nous n'avons pu le faire

dans le passé de ces malades. Pourtant quelques-unes de nos

observations semblent bien démontrer la réalité d'un lien

entre l'état psychique et la lésion viscérale éloignée (Du Cai.,

Schu...).

Chez de tels malades, à qui il est impossible de faire ad-

mettre la nécessité d'une alimentation exclusivement lactée,

il nous a fallu parfois interrompre, parce qu'ils le refusaient,

le régime antitoxique par excellence. Dans ces conditions,

sur le fond de démence, pendant que l'albuminurie augmen-

tait et que la quantité des urines excrétées diminuait, nous

avons constaté souvent des modifications de l'état mental.

En dehors même du changement d'alimentation, nous avons

plusieurs fois constaté chez les malades Dus... et So... que

les périodes de dépression coïncidaient avec l'oligurie ou une

reprise de l'albuminurie. D'une façon générale, et ce fait a

été constaté déjà parle professeur Raymond, l'augmentation

de la quantité d'albumine semble coïncider avec l'aggrava-

tion de l'état mental. Il est vrai que le régime alimentaire

' -Moreau de Tours, De l'identité de l'état de rêve et de la folie (An-

nales : ëico-/)c/t0<oues, 1853).

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 9

peut provoquer par lui-même une série d'auto-intoxications

parmi lesquelles l'insuffisance rénale n'est qu'un des fac-

teurs.

Mais tout en tenantcompte de cette objection, il faut, dans

les cas aigus comme dans les cas chroniques, rechercher chez

les aliénés les causes d'auto-intoxication d'origine rénale.

Cette constatation pathogénique, que nous avons appuyée

dans le cas particulier sur l'épreuve du bleu nous a conduit

àdes indications thérapeutiques fort utiles.

III. Il semble donc que, si les délires urémiques bruyants

se rencontrent à l'hôpital et y sont soignés, on trouve dans

les asiles des délires subaigus qui reconnaissent comme

cause la même auto-intoxication. Comme le fait justement

remarquer M. le professeur Dieulafoy, la connaissance de

cette étiologie a une grande importance, car elle commande

le traitement.

Dans les cas subaigus comme dans les cas chroniques, le

régime lacté absolu est la base de la thérapeutique.

A l'asile les seuls procédés thérapeutiques ne sont pas

comme semble le craindre le professeur Dieulafoyl, l'alimen-

tation forcée et la douche.

Entre les cas observés dans les hôpitaux et les nôtres,

s'établit une transition insensible, et reconnus ou non, des

brightiques délirants sont internés dans les asiles, sans qu'il

en résulte pour eux tout le mal que certains paraissent crain-

dre.

Quant à la tare que provoque l'internement, est-elle

aussi réelle qu'on veut bien le dire ? N'est-ce pas, plutôt que

l'internement, la prédisposition au délire qui constitue la

tare ? Les descendants d'un malade nous paraissent avoir

tout intérêt pour leur hygiène personnelle à connaître l'exis-

tence de cette prédisposition.

Observation I. (Jean), cinquante-huit ans, est entré

dans la division des hommes de l'Asile de Vaucluse, le 31 mai 1902,

venant de l'Asile clinique; avec le diagnostic suivant : Délire mé-

lancoliqave avec idées confuses de persécution, découragement, ten-

dances au suicide, par intervalles, quelques excès de boissons

(Magnan). A l'infirmerie de la Préfecture, M. le D'' Legras avait

1 Dieulafoy, Société médicale des hôpitaux, 10 juillet 188à.

10 CLINIQUE NERVEUSE.

porté le diagnostic : Alcoolisme, hallucinations. Insomnie. Propos

désordonnés. Idées de suicide.

K ? exerce la profession de garçon de bureau et il est marié

depuis une vingtaine d'années. Nous savons par sa femme qu'il a

été bien portant dans sa jeunesse, et qu'il a eu, vers l'âge de cin-

quante-un ans, une crise de rhumatismes articulaires généralisés

qui l'a obligé à garder le lit assez longtemps. Ses antécédents hé-

réditaires ne nous sont pas connus. Lui-même a trois enfants, les

deux aines sont bien portants, le troisième est atteint de' mal de

Pott. La quatrième grossesse de la femme du malade a coincidé

il y a sept ans avec l'affection rhumatismale dont lui-même fut

atteint. Elle s'est terminée par une fausse couche.

Jusqu'en 1901. la santé de K... fut généralement bonne. Il tra-

vaillait régulièrement, mais n'était pas d'une sobriété parfaite Il

est vrai qu'une très petite quantité de boisson suffisait a le rendre

malade. Il y a un an, il fut brusquement pris de troubles respira-

toires qui le forcèrent à suspendre son travail et à s'aliter. Il fut

pendant quelques jours dyspnéïque. Il se plaignit de céphalalgies

violentes et eut des pertes de connaissance. -

Cet état aigu ne dura que quelques jours, mais depuis le malade

est sujet à la céphalée et aux étourdissements. II a remarqué que

quelquefois le soir ses chevilles sont légèrement enflées. Il lui

arrive aussi de saigner du nez, d'avoir le matin les yeux bouffis,

de ressentir des crampes dans les jambes.

Il y a deux mois, une nouvelle crise de dyspnée le fit suspendre

son travail et garder le lit. Il ne s'est jamais rétabli complètement

depuis cette époque. Mais aux troubles d'abord exclusivement

physiques qu'il présenta en avril (dyspnée, oedème généralisé) s'a-

joutèrent, au début du mois de mai, des troubles délirants dont

l'apparition coïncida, a remarqué sa femme, avec de l'oligurie. Le

4 mai il n'urina même pas un demi-litre ; il présenta pendant la

nuit un véritable délire de rêve; il vit sa fille et sa soeur mortes

depuis plusieurs années, il conversa avec elles, et quand sa femme

lui demanda avec qui il causait, il le lui dit, ne s'étonnant pas de

l'invraisemblance de la chose et ne paraissant pas dormir. Ce dé-

lire hallucinatoire, surtout nocturne, alternait avec des périodes

de confusion simple. Au milieu de la nuit, réveillé par d'impé-

rieuses envies d'uriner, il se levait, se perdait dans l'appartement;

prenait les fenêtres pour la porte, disait n'être plus chez lui.

D'autres fois, sous l'influence d'hallucinations terrifiantes, il

menaçait d'un revolver qu'il n'avait pas, des ennemis imaginaires

qui l'entouraient. Dans le jour, il était généralement plus calme ;

quelquefois il se plaignait de ne plus voir clair, et voulait allumer

la lampe.

Il avait des périodes de lucidité, au cours desquelles il attribuait

à des cauchemars ses actes déraisonnables, et par crainte défaire

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 'Il

des bêtises dans la rue, il ne voulait pas sortir. Son agitation

nocturne persistant, sa femme provoqua son admission. l'Asile.

Entré le 27 mai à Sainte-Anne, il arriva dans le service le 31 mai.

Examiné au moment de son entrée, le malade est calme ; c'est

un homme bien constitué, de 1 m 73 cm de taille, ne présentant pas

d'anomalies physiques, ni d'asymétrie faciale. Son indice cépha-

lique est de 8G cm, sa nutrition générale est relativement bonne.

Il pesé 60 kilogrammes. Il supporte volontiers le séjour au lit. La

face est pâle, les artères temporales sont sinueuses, les paupières

inférieures sont légèrement oedématiées. Les pupilles sont sensi-

blement égales, mais contractées et irrégulières. Les réflexes pupil-

laires sont lents. La langue est saburrale, animée à la pointe d'un

certain degré de tremblement fibrillaire. Il n'y a pas de trouble de

la parole, mais le malade cherche ses mots, parle peu. Les réflexes

patellaires sont conservés. Les réflexes cutanées sont faibles. La

sensibilité générale est intacte, la force musculaire est peu déve-

loppée, la station debout est incertaine.

A l'examen des principaux appareils on ne constate rien du

côté des poumons, mais la partie postérieure du thorax porte

encore des traces de révulsion récente (ventouses scarifiées et vési-

catoire). Le pouls est vibrant, l'auscultation du coeur révèle un

bruit de galop à rythme d'anapeste (bruit systolique surajouté).

Les urines pâles, abondantes, ne contiennent ni sucre, ni albumine

mais l'addition d'une petite quantité d'acide azotique y fait appa-

raître immédiatement un disque rougeâtre d'uro-hématine.

Au point de vue mental, le malade présente encore un certain

degré de confusion. Il croit avoir passé quinze jours à Sainte-

Anne au lieu de quatre jours. Il se rend mal compte du lieu où ii

se trouve; on l'a envoyé à la campagne pour se guérir. Il veut s'en

aller bientôt. Il est allé à Sainte-Anne tout seul, sur le conseil de

son médecin. 11 nie énergiquement avoir eu des hallucinations.

Cette confusion mentale est mise en évidence par le fait suivant.

Interrogé par écrit sur la cause de son entrée à l'asile, il répond :

« Parce que je suis malade », et continuant comme s'il écrivait à sa

femme, il ajoute : « Je suis à Vaucluse depuis maintenant. Si tu

peux me renvoyer 25 francs pour venir, je viendrai ici le premier

jour de la semaine. Je vous embrasse de tout coeur ». Pourtant il

est capable de donner quelques détails sur son état de santé anté-

rieur. Il nous dit qu'il est sujet aux maux de tête, aux etourdisse-

ments, et qu'il saigne souvent du nez. Ces renseignements déjà

notés ont été confirmés par sa femme.

Du le' au 8 juin, le malade est laissé au régime ordinaire, et son

état ne se modifie pas sensiblement. Moins calme que le jour de

son entrée, il veut quitter son lit, demande à s'en aller, dort très

mal, se plaint de cauchemars, devisions d'animaux. 11 va régu-

lièrement à la selle et mange avec assez d'appétit.

'1 il, CLINIQUE NERVEUSE.

Ses urines recueillies le 2 juin ont donné à l'analyse les résultats

suivants :

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. '13

Observation IL R... Ernest-Albert, 36 ans, entre dans le ser-

vice le 5 juillet 1902 avec les diagnostics suivants : délire alcooli-

que, hallucinations, peurs imaginaires, appels désespérés, Dl

Legras. « Dégénérescence mentale avec alcoolisme, préoccupa-

tions hypochondriaques, hallucinations multiples, frayeurs, excita-

tion passagère, tremblement des mains, D1' Magnan. C'est un

homme bien constitué, d'une force physique supérieure à la moyenne,

bien qu'à son entrée il ne pesât que 70 kilos, sa taille étant de lm73.

Il ne présente pas d'anomalies physiques; son indice céphalique

est de 84 centimètres, ses traits sont réguliers. 11 exerce la profes-

sion de garçon boulanger. On ne relève dans ses antécédents que

des habitudes alcooliques déjà anciennes (3 litres de vin et une

absinthe par jour), trahies d'ailleurs par l'examen somatique. Il

a pu travailler régulièrement jusqu'au le, juillet, mais dans la

nuit du 2 au 3 il a présenté du délire hallucinatoire; il a appelé,

pour qu'on pût le débarrasser d'ennemis imaginaires qui en vou-

laient à ses jours. Cette excitation fit place à son arrivée dans le

service à un état de dépression très prononcé, mais le délire per-

sistait toujours.

Il faut, pour l'examinera son arrivée, l'arracher à sa torpeur, sa

physionomie exprime l'abattement. Les pupilles sont légèrement

inégales au profit de la gauche. La langue est saburrale. La

parole rare, mais sans troubles réels. Le malade qui est d'origine

suisse parle assez mal le français. Les réflexes patellaires sont fai-

bles, les réflexes plantaires sont nuls et les crémastériens normaux.

Les mains sont animées d'un tremblement assez prononcé. La

force musculaire est conservée, la démarche est normale. Les

grands appareils ne présentent pas de troubles notables, toute-

fois, le foie parait à la percussion diminué de volume. L'examen

clinique des urines révèle une quantité notable d'albumine.

Au point de vue mental- le malade est assez confus. Invité à

répondre par écrit à un questionnaire simple, il reproduit les

questions au lieu d'y répondre : il se rend mal compte de sa situa-

tion : il est entré parce que la famille d'une femme avec qui il

voulait se marier, après s'être opposée à ce mariage, a voulu le

faire monter sur l'échafaud. Il prétend avoir eu la syphilis il y a

12 ans, et depuis, dit-il, il est devenu « loufoque »; chacune des

manifestations de sa syphilis l'a beaucoup préoccupé.

Il ne présente à l'heure actuelle aucun accident spécifique

et aucune trace de spécificité. Un peu plus lucide le lendemain

après une bonne nuit, il dit que depuis plusieurs semaines il a

quelquefois les chevilles enflées le soir, qu'il a parfois saigné du

nez, ou éprouvé la sensation doigt de mort. Il raconte que depuis

quelque temps tout le monde le regardait de travers dans la rue.

11 a pensé que c'était à cause d'un vol insignifiant commis dans

son enfance et il est allé chez le commissaire s'accuser de ce vol.

14 CLINIQUE NERVEUSE.

Des camarades le traitent de prussien, on lui en veut aussi parce

qu'il est bien avec la fille de son patron. Il dit avoir eu depuis

quelque temps des crampes dans les jambes, des pituites mati-

uales, des cauchemars interrompant son sommeil. Le régime lacté

absolu est institué. -

L'examen complet des urines pratiqué quelques jours après son

entrée a révélé une diminution de volume assez notable (850 gram-

mes en 34 heures) un coefficient d'oxydation normal, une excré-

tion suffisante d'urée (32 grammes), environ 0 gr. 75 d'albumine

par litre et la présence d'une certaine quantité d'indican. L'épreuve

de la glycosurie alimentaire a donné un résultat négatif.

Très rapidement le malade s'est amélioré. En dehors des idées

confuses de persécution dont il avait conservé le souvenir, le ma-

lade n'a pas présenté à l'asile de délire hallucinatoire. Il était sur-

tout confus et avait une conscience peu nette de son état. Au bout

de quelques jours il est devenu moins confus et moins triste : il

parle peu, mais joue volontiers avec ses camarades de salle. Au

bout de quinze jours d'observation, le régime lacté absolu a été

remplacé par un régime mixte, dont le lait, toutefois, fait la base.

Les urines sont plus abondantes et plus claires. L'albumine dimi-

nue.

Le 20 juillet, le malade* est mis au travail. Il a pu travailler

régulièrement du 20 juillet au 22 août et a été à cette époque mis

en liberté sur sa demande. La confusion mentale a disparu, ainsi

que toutes les idées délirantes, qu'il a presque totalement oubliées.

Un nouvel examen d'urine a donné dans les grandes lignes les

résultats suivants :

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITE DE GIESSEN. 15

délire. Mais d'autre part, il est impossible de ne pas être

frappé de la coïncidence des troubles délirants et des troubles

urémiques et de leur disparition simultanée. L'action de

l'alcool s'est peut-être limitée à créer au niveau des reins des

altérations, qui ont permis l'appaiition d'insuffisance rénale

passagère. " (d suivre.)

ENSEIGNEMENT.

La clinique psychiatrique de l'Université de

Giessen (Grand-Duché de Hesse) ;

[Suite 1)

Par M. le D' Peul SÉRIEUX,

Médecin en chef de la Maison de santé de Ville-Evrard.

Organisation de la Clinique.

Organisation du service médical. Le professeur de Clinique

psychiatrique, M. le docteur li. Sommer, est directeur de la Cli-

nique au point de vue des services médicaux et administra-

tifs 2.

Il est secondé réglementairement par quatre médecins dont trois

médecins assistants et un stagiaire (VotoKu'/tausa) ? ) qui habitent

tous la Clinique. Lors de notre visite le personnel médical était

composé, outre le professeur Sommer, d'un médecin en chef, Vu. le

docteur Dannemann, ayant le titre de professeur extraordi-

naire, de trois médecins assistants et d'un médecin volontaire

appartenant au corps de santé militaire. Tous sont logés à

la Clinique. Le premier médecin assistant est chargé de la divi-

sion des femmes, le second de la division des hommes. Leur loge-

ment est situé dans le bâtiment principal, c'est-à-dire à proximité

' Voir le numéro de juin, p. 13.

- Le professeur Sommer est l'auteur de travaux intéressants sur : le

Siège de l'âme, d'après Soemmermg; t'77ou'ee la psychologie et de

l'esthétique en Allemagne : - la Question des infirmiers; l'Église et

l'Glal, leur intervention dans l'assislance des aliénés; les Méthodes

d'investigation psychophysiques applicables aux aliénés, méthodes

ayant pour but de mesurer avec précision le niveau mental et l'ins-

truction des sujets, la durée et l'intensité des réactions psychiques, des

phénomènes d'association et d'automatisme, la faculté d'orientation, etc.

16 G ENSEIGNEMENT.

des bureaux administratifs, qui doivent adresser toutes les com-

munications concernant chaque division au médecin qui en est

chargé. La direction du service médical de chaque division est

donc tout entière entre les mains d'un seul médecin, responsable

devant le professeur. C'est au médecin de chaque division que

sont transmises les indications du professeur, les dossiers des

entrants, la correspondance des aliénés. Ce médecin est chargé

de tenir à jour les observations avec le concours du troisième

assistant ou du médecin stagiaire. Ces deux derniers médecins

habitent dans la division même à laquelle ils sont affectés (pa-

villon de surveillance) et sont chargés d'une partie du service,

de la surveillance du personnel. L'affectation des infirmiers, les

permissions de sorties sont réservées au médecin de la division.

Cette organisation du service médical présente un grand avan-

tage : dans chaque division il existe en effet deux médecins

connaissant à fond les malades et pouvant se remplacer mutuelle-

ment sans que le service en souffre. Le remplacement du médecin

d'une division par son collègue de l'autre division n'est pas admis;

on a établi ce principe qu'un des deux médecins de chaque divi-

sion doit toujours être présent à la Clinique ; de plus les deux mé-

decins chargés du service des deux divisions ne peuvent s'absenter

simultanément : de cette façon le professeur absent peut toujours

être remplacé par un médecin plus expérimenté que les jeunes

assistants ou volontaires.

Le premier assistant a encore dans ses attributions le service

de la Policlinique, la surveillance de la bibliothèque; le second est

chargé des laboratoires. Chacun d'eux est de service à tour de

rôle pour les leçons cliniques.

La Clinique disposant de 80 à 100 lits, c'est donc 20 à 25 malades

qui sont attribués à chaque médecin, sans tenir compte du pro-

fesseur. En raison de la collaboration d'un certain nombre de

médecins stagiaires supplémentaires, la proportion des médecins

est encore plus élevée et assure ainsi aux malades une surveillance

médicale et une observation scientifique assidues.

Personnel DE surveillance. Ce personnel est laïque. La pro-

portion élevée des infirmiers et infirmières permet de surveiller

les malades d'une façon constante. Pour chaque division d'hommes

et de femmes il y a 16 infirmiers ou infirmières (y compris veil-

leurs et veilleuses) avec un surveillant et une surveillante en chef;

soit pour 80 à 100 malades 34 agents, proportion considérable

(1 pour 3,5), qui paraîtrait même excessive si on ne tenait pas

compte du personnel plus nombreux qu'exige le système des pavil-

lons dispersés, du grand nombre de cas aigus, des exigences de

l'enseignement, du transport des aliments, du service des télé-

phones et enfin de l'organisation de trois salles de surveillance

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 17

continue pour chaque sexe. La proportion d'infirmiers ci-dessus

énoncée est celle qui convient pour tous les établissements de

traitement si l'on veut arriver à la suppression de lits spéciaux

pour gâteux, des cellules où les malades gisent dans le varech ou

la paille, etc.

Le surveillant et la surveillante en chef n'ont pas à s'occuper de

la répartition des infirmiers et des permissions de sortie du per-

sonnel : ces questions sont réservées aux médecins. Ils sont char-

gés de surveiller infirmiers et infirmières, de veiller à ce que l'ordre

et la propreté règnent dans les services, les magasins, les ves-

tiaires.

Les infirmiers ne sont pas affectés d'une façon permanente au

service du même pavillon : un roulement est organisé d'une façon

régulière. Un groupe de cinq infirmiers est attaché pour une

période de cinq jours au service d'un pavillon ; et les cinq postes

déterminés auxquels ce groupe est affecté sont occupés chaque

jour par un infirmier différent. Un groupe de cinq infirmiers est

ainsi affecté durant cinq jours au service du pavillon des pension-

naires, puis durant une période égale au pavillon des tranquilles,

suivie d'un stage de cinq jours au pavillon des agités, qu'il quitte

pour un service plus facile. '

Pendant chaque période de cinq jours un même infirmier n'est

en contact avec les malades que les premier, troisième et cin-

quième jours. Le deuxième jour il sert d'aide, après son service de

veille; le quatrième il a à s'occuper des corridors, des bains, des

travaux de propreté, du transport des aliments.

Ce roulement permanent du personnel présente des avantages

considérables à côté de légers inconvénients.

Le service de veille se fait par demi-nuit pendant une période

de cinq jours : un infirmier est de garde alternativement la pre-

mière et la deuxième moitié de la nuit. Le service prend fin et

commence à minuit. Dans la division des femmes la veilleuse est

de garde toute la nuit de 9 h. 30 de soir à 6 heures du matin. La

veilleuse se repose de 4 à 9 h. 30 avant de prendre son service et

durant quatre heures après avoir veillé.

Les infirmiers chargés de la surveillance d'une salle doivent

remplir un questionnaire ainsi conçu :

Des cours sont faits aux infirmiers et infirmières en vue de leur

instruction professionnelle : notions générales de médecine, rap-

ports avec les malades, conduite à tenir en présence d'agités, déli-

rants, etc.

Les infirmiers (Pfleger) ont un uniforme bleu avec casquette

de même couleur; les infirmières (7 ? eet'M ? eM) ont une robe à

carreaux noirs et blancs, de grands tabliers blancs, avec rubans

sur les épaules, un bonnet. Leur traitement est, au début, de

Archives, 2° série, t. XVI. 2

Rapport de surveillance du pavillon. Date : fait par l'infirmier

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 19

20 ENSEIGNEMENT.

cuisinière est assistée par cinq filles de service, elle dispose d'un

magasin spécial d'approvisionnements qui lui permet d'exécuter

toutes les prescriptions alimentaires extraordinaires prescrites

par les médecins.

Le service du chauffage est assuré par un mécanicien et deux

chauffeurs.

Il y a, en outre, un jardinier, un concierge et deux garçons de

bureau.

Fonctionnement DE la clinique. La clinique, dit M. Danne-

mann, a pour but le traitement et les soins des aliénés des deux

sexes, ainsi que l'enseignement des maladies mentales. L'intérêt

de la science et les exigences de l'enseignement doivent présider à

l'admission des malades. Si une clinique psychiatrique doit avant

tout être un établissement de traitement, cependant on ne peut se

baser uniquement sur la curabilité pour les admissions, en raison

de l'intérêt que présentent certaines affections incurables.

Pour avoir un matériel clinique nombreux, une clinique doit

disposer de lits gratuits en nombre suffisant et de lits à prix très

faible. Le professeur dispose de 10 lits gratuits. Le prix de pen-

sion le moins élevé est de 1 mark.

Pour l'admission des malades, la personne qui la sollicite doit

rédiger une demande écrite au directeur; c'est tantôt un parent,

le tuteur, un représentant de l'autorité civile ou militaire, le

directeur d'une autre clinique, le président d'une société de

secours mutuels, etc. On exige, en outre, un rapport médical et

un certificat délivré par l'autorité administrative constatant

l'identité, les ressources du patient, la nature de la maladie men-

tale, les motifs de l'internement.

On reçoit également des pensionnaires sur leur propre demande;

ils peuvent obtenir leur sertie sur leur demande, à moins de

danger pour la sécurité publique. Dans ce dernier cas, un avis est

envoyé au « médecin de cercle » qui fait un rapport sur le cas et

confirme ou non la nécessité du maintien. Dans les cas où la

sortie d'un malade est refusée à la famille par le médecin, le

ministre de l'Intérieur intervient. De même, dans tous les cas liti-

gieux qui peuvent se présenter.

En cas d'urgence, le directeur peut admettre un aliéné sous

réserve de l'examen du médecin expert qui rédige un rapport

concluant ou non au maintien.

En résumé : 10 la clinique peut recevoir des malades de toute

classe sans considération de nationalité, de domicile, de secours;

2° Les mesures sont prises pour que l'admission des patients

puisse avoir lieu sans retard;

3° En cas d'admission de sujets pour lesquels il n'y a pas de

certificat d'internement, l'intervention du médecin expert pré-

CLINIQUE psychiatrique DE l'université DE GIESSEN. 21

sente des garanties au point de vue de la protection de la liberté

individuelle et décharge le directeur de la responsabilité de l'ad-

mission.

La clinique n'est pas dans l'obligation d'admettre tous les alié-

nés placés d'office. Les agents de police qui conduisent un ma-

lade à la clinique doivent être en civil. '

Les prix de pension de la clinique varient de 1 à 6,50 mark. Le

prix habituel de la troisième classe est de 1 mark. Le prix de

pension payé par les pensionnaires est fixé après une entente

entre la direction et la famille. L'Etat fournit à la clinique une

subvention annuelle de 77.000 francs.

La clinique évacue ses malades dans les asiles de Heppenheim

et Hofheim. Il n'y a pas de durée maxima fixée pour le séjour

des aliénés ; on ne tient compte que des exigences de l'ensei-

gnement. Dans certains cas, des malades transférés dans les asiles

peuvent être ramenés de nouveau à la clinique, avec l'autorisa-

tion de la famille; cette faculté est importante au point de vue de

l'étude de l'évolution des psychoses.

Les sujets de nationalité hessoise mis en liberté peuvent être

réintégrés sans formalités pendant une période de trois mois à

partir du jour de leur sortie. Celle-ci ne devient, en effet, défini-

tive qu'après l'expiration de ce laps de temps.

La policlinique. La « policlinique pour les maladies ner-

veuses psychiques » (Poliklinik sur Psychisch-lYeruôse) a un double

but à remplir au point de vue de l'enseignement et du traitement

des troubles psychiques ne nécessitant pas l'internement et pou-

vant être suivis dans une consultation externe. Dans la seconde

année de son ouverture, la policlinique a traité 10 malades,

parmi lesquels 48 nerveux, 37 sujets atteints d'affections organi-

ques du système nerveux et 20 aliénés.

Statistique. La clinique de Giessen, ouverte le 25 février 1896,

a admis dans le cours de la première année de son fonctionnement

184 malades (hommes, 79; femmes, 10); le chiffre de sa popu-

lation à l'expiration de la première année était de 51, ce qui

donne 133 malades sortis se répartissant ainsi :

22 2 enseignement.

2° qu'un certain nombre de malades chroniques peuvent être mis

en liberté après l'amélioration d'un accès passager d'excitation;

3° que la clinique est fréquemment appelée à fournir des rapports

sur la demande de la justice, des sociétés d'assurances contre la

maladie, la vieillesse, etc.; 4- que le nombre de décès est relative-

ment élevé (paralysie générale, complications organiques).

La population de la clinique s'élevait, au Il, janvier 1898, à

56 malades (2G hommes et 30 femmes). Le nombre des admis-

sions, en 1897, avait été de 154 (76 hommes, 78 femmes).

La proportion des malades nécessitant une surveillance con-

tinue (malades à idées de suicide, malpropres, agités, isolés), s'est

élevée, pour les hommes, aux 3/4 , et pour les femmes, aux 2/3

de la population.

Les sujets admis peuvent être classés ainsi au point de vue

de la nature de leur affection :

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 23

tomie pathologique et médecine légale; 3° psychiatrie. Ajoutons

des visites dans des établissements intéressant l'hygiéniste.

Nous ne parlerons que du cours de psychiatrie, fait en 12 leçons

par le professeur Sommer. M. Sommer, après une vue d'ensemble

sur les divers troubles psychiques, a étudié en premier lieu les

psychoses organiques (paralysie générale, tumeurs cérébrales,

artério-sclérose, etc.), à l'aide de démonstrations cliniques et de

préparations anatomiques.

Il a insisté sur l'idiotie au point de vue de la pathogénie et du

traitement et sur les mesures d'assistance que réclament les

arriérés. Le professeur étudia ensuite le chapitre de l'épilepsie au

point de vue du diagnostic et de la médecine légale. A propos des

psychoses fonctionnelles, Sommer a insisté sur les formes peu

connues des praticiens (démence paranoïde, catatonie, etc.) et

surtout sur leurs symptômes précurseurs, sur leur traitement.

Dans la seconde semaine, eurent lieu des conférence avant tout

cliniques : présentation de malades atteints de psychoses simples,

interrogatoire des auditeurs. Le cours s'est terminé par une leçon

sur les applications pratiques de la psychatrie, sur l'organisation

des asiles et par une visite de la clinique. ZD

Laboratoires. La création de laboratoires de psychopatho-

logie a été inspirée par le désir d'appliquer à l'étude des troubles

psychiques la méthode expérimentale et de combler ainsi les

lacunes de l'examen clinique des faits par l'observation. On a

voulu faire bénéficier la psychopathologie des méthodes qui ont

donné en biologie et en médecine d'heureux résultats, et ajouter

aux données fournies par une observation consciencieuse et par

l'enregistrement des manifestations dues aux processus internes

ou provoquées par des interventions externes, les mesures pré-

cises des réactions consécutives à des excitations déterminées. On

se proposait de recueillir ainsi un grand nombre de documents

comparables entre eux. Mais deux conditions devaient être rem-

plies préalablement : la détermination des mesures ne devait en

aucun cas dépendre de l'appréciation subjective de l'expérimen-

tateur afin que les résultats fussent comparables entre eux

et d'autre part les excitations devaient être aussi simples que

possible, afin de pouvoir y soumettre le plus grand nombre des

malades. '

Le professeur R. Sommer, dans son Traité des méthodes d'exa-

lî2eit psycleopatlaologique (1899), a non seulement bien exposé les

méthodes qu'il emploie pour analyser, mesurer et reproduire les

diverses manifestations des troubles cérébraux, mais il en a

montré les utiles résultats au point de vue du diagnostic et du

pronostic dans certains cas douteux. Son livre est divisé en

quatre parties. La première est consacrée à la représentation des

24 ENSEIGNEMENT.

manifestations optiques à l'aide de la photographie, des photogra-

phies stéréoscopiques, du cinématographe, de la représentation

schématique des attitudes et des mouvements expérimentalement

réalisés (mouvements passifs, mouvements ou attitudes suggérés

au malade à l'aide de leur exécution par l'expérimentateur).

M. Sommer a fait une série d'essais, en combinant le cinémato-

graphe avec le stéréoscope.

Nous avons pu nous convaincre, avec M. le De Ladame, de l'im-

portance des portraits stéréoscopiques pour la démonstration de

la physionomie particulière des aliénés dans les diverses

psychoses, et suivant les moments d'excitation, de dépression ou

d'hallucination par lesquels ils passent. Le stéréoscope met bien

en relief les traits pathologiques de l'image. La clinique de Gies-

sen possède déjà un grand nombre de ces images très utiles pour

l'enseignement. « La méthode stéréoscopique, dit M. Ladame, est

excellente ; surtout pour l'étude des anomalies morphologiques

qu'elle fait ressortir avec force. » L'auteur en donne des exemples

avec deux portraits stéréoscopiques, dont l'un représente un aliéné

pendant un accès de manie périodique et l'autre un imbécile avec

de nombreux stigmates de dégénérescence, photographié pendant

une période d'excitation mentale '.

La deuxième partie traite de l'application de la méthode gra-

pltique aux manifestations du mouvement : influence du cerveau

sur le phénomène du genou et les réflexes pupillaires, signifi-

cation des mouvements d'expression des mains et des jambes,

modifications diverses des réflexes patellaires mises en évidence à

l'aide de l'appareil inventé par AI. Sommer, le Reflexmultiplicator,

résultats obtenus à l'aide de l'appareil pour l'analyse des mouve-

ments involontaires des doigts dans les trois dimensions de l'es-

pace. M. Sommer est arrivé à analyser dans leurs divers éléments

les tremblements alcooliques, neurasthéniques, celui de la para-

lysie agitante et d'autres maladies nerveuses. Son appareil lui

permet, aussi de faire une étude complète des mouvements incons-

cients et volontaires qui ont tant d'importance pour la psycho-

logie expérimentale.

Dans la troisième partie, Représentation des manifestations

acoustiques, il est surtout question des avantages des documents

fournis par le phonographe et des procédés les meilleurs à em-

ployer.

« L'emploi du phonographe pour fixer les extériorisations ver-

bales ou vocales de l'aliéné rend aussi, dit 111. Ladame, des ser-

vices appréciés à la clinique de Giessen. On peut ainsi reproduire

' Kurze Miltheilung iiber stereoscopische Portral-Aufnameii bei

Geisleslsranken, von Prof. Sommer, in Giessen. Internationale photo-

grapiiische. Monatschrift furMedicin. Baud IV, août 1897, p. 113.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 25

à volonté avec toutes les nuances des intonations différentes, des

modifications du rythme, les paroles et les cris d'un aliéné en

délire. Non seulement on peut par ce moyen étudier en tout

temps les particularités d'un délire dont l'expression rapide et

fugace, souvent confuse, a pu échapper à l'observation; mais on

peut aussi le reproduire a volonté, devant une salle remplie d'au-

diteurs, suivant les besoins de l'enseignement. » M. Sommer a

adapté, dans ce but, à son phonographe, de vastes porte-voix.

La quatrième partie du Traité, la plus importante, est con-

sacrée aux méthodes d'examen des manifestations psychiques.

Les documents photographiques et phonographiques ne peu-

vent être recueillis dans tous les cas; il en est de même des don-

nées fournies par les appareils de M. Sommer pour l'étude des

réflexes et des mouvements d'expression. Par contre, les mé-

thodes étudiées dans la quatrième partie peuvent être utilisées

chez tous les malades : telles sont les recherches sur l'orienta-

tion, les connaissances élémentaires des écoliers, le calcul, les

associations. Elles ne nécessitent que des questionnaires spéciaux,

tels que ceux élaborés par 1lf. Sommer, et un chronomètre dont

une aiguille spéciale, mise en marche au moment de l'excitation,

peut être arrêtée au moment de la réaction.

Voici quelques exemples des questionnaires divers qui sont

remplis sous la dictée des malades.

Questionnaire concernant l'orientation et les hallucinations.

Nom : Date : HEURE :

1. Comment vous nommez-vous ?

2. Qui êtes-vous ?

3. Quel âge avez-vous ?

4. Où habitez-vous ? - ?

5. En quelle année sommes-nous ?

6. En quel mois sommes-nous ? -

7. Quel est le quantième du mois ?

8. Quel jour de la semaine sommes-nous ?

9. Depuis quand êtes-vous ici ?

10. Dans quelle ville êtes-vous ?

14. Dans quelle maison êtes-vous ?

12. Qui vous a conduit ici ?

13. Quelles sont les personnes de votre entourage ?

14. Où étiez-vous il y a huit jours ?

45. Où étiez- vous il y a un mois ?

16. Où étiez-vous à Noël précédent ?

17- Etes-vous triste ?

48. Etes-vous malade ?

19. Etes-vous persécuté ?

20. Se moque-t-on de vous ?

21. Entendez-vous des voix injurieuses ?

26 ENSEIGNEMENT.

22. Avez-vous des visions effrayantes ?

Qui suis-je ?

Pourquoi vous ai-je posé toutes ces questions ?

Schéma pour l'examen des connaissances primaires.

1'0\I : Date : Heure :

, 1. Alphabet : .

2. Série de chiffres :

3. Noms des mois :

4. Jours de la semaine :

5. Chant patriotique :

6. Pater i\'oste· :

7. Le Decalogue :

S. Noms des plus grands fleuves d'Allemagne :

9. Comment se nomme la capitale :

de l'Allemagne ?

de la Prusse ?

de la Saxe ?

delà Bavière ?

du Wurttemberg ? .

de la Hesse ?

10. Qui a dirigé la guerre de 1870 ?

11. Qui a dirigé la guerre de 1806 ?

12. Comment se nomme le Grand-Duo de Hesse ?

13. Comment se nomme l'Empereur d'Allemagne actuel ?

14. Quand est mort l'Empereur Guillaume I" ?

Epreuve de la parole.

NOM : Date : Heure :

I. Alphabet : a, v, g, 1, f, n, z.

II. Série de lettres : a-s-p-c-t-r.

111. Série de chiffres : 7-3-9-5-2-6.

IV. Mots d'une syllabe : pam, vin, pied.

V. Série de mots d'une syllabe : pain-pied-vin.

VI. Mots de deux syllabes : dollar, diable, livre.

VII. Mots de plusieurs syllabes ; Exemples :

VIII. Mots polysyllabiques et mois composés . Exemples :

Lui. Sommer utilise aussi un schéma arithmétique, qui ne permet

pas seulement d'étudier une faculté déterminée, le savoir en

calcul, mais qui peut donner la solution des questions suivantes :

10 Le malade a-t-il reçu une instruction scolaire ?

2° Est-il atteint d'imbécillité congénitale ? -

3° Présente-t-il du ralentissement dans le cours des processus

psychiques ?

4° Observe-t-on des phénomènes d'automatisme ?

5° L'affection dont il est atteint est-elle continue ou intermittente ?

Schéma pour le calcul.

28 ENSEIGNEMENT.

Nous reproduisons ci-dessous les paragraphes les plus intéres-

sants du Règlement sur l'admission et la sortie des malades à la

clinique psychiatrique de Giessen, du 14 janvier 1896.

I. Destinatioît de l'établissement. § 1*1. La clinique psychiatrique a

pour but le traitement et l'assistance des aliénés des deux sexes ainsi

que l'enseignement de la psychiatrie.

A la clinique psychiatrique est annexée une clinique externe pour les

nerveux atteints de troubles psychiques.

II. Admission des malades. § 2. La clinique est destinée en premier

lieu à recevoir les Hessois, et, parmi les non-Hessois, ceux qui doivent

être traités aux frais de l'assistance publique de liesse.

Cependant peuvent être admis, en tant que leur admission n'aura

pas pour résultat d'empêcher de recevoir les Hessois, des malades non

Hessois ne faisant pas partie de la catégorie ci-dessus, si leur cas pré-

sente de l'intérêt au point de vue de renseignement.

§ 3. L'admission est faite par le directeur de la clinique, qui peut

refuser d'admettre les cas ne présentant pas d'intérêt au point de vue

de la science et de l'enseignement.

§ 4. Une demande d'admission écrite doit être adressée au directeur

par le représentant du malade, (parent le plus proche, tuteur, repré-

sentant de l'assistance publique) ou par le président d'une société de

secours mutuels, d'une société d'assurance contre la vieillesse et les

' infirmités, par l'autoiité militaire, le directeur d'une clinique. La

demande d'admission peut être faite par le malade lui-même.

§ 5. A la demande d'admission doivent être jointes les pièces sui-

vantes :

a. Un rapport sur la maladie, rédigé d'après un questionnaire par le

médecin du cercle.

b. Un certificat du maire fournissant les renseignements sur l'état

civil, le domicile, le domicile de secours, la profession, la religion, l'âge

(avec la date de la naissance), la situation de famille, les ressources du

malade. Il est fait mention du nom de la personne à qui, au point de

vue légal, peuvent être réclamés les frais de séjour.

c. Un certificat du maire constatant l'existence de troubles psychiques

et relatant les faits qui motivent cette opinion. S'il s'agit d'un sujet

dangeieux pour la sécurité publique, le maire transmettra les témoi-

gnages qu'il aura recueillis touchant les faits tendant à établir les

dangers que le malade aurait présentés pour la sécurité publique.

§ 6. Dans les cas urgents un malade pourra être admis provisoirement

par le Directeur sur la présentation d'une demande d'admission. Les

formalités prescrites par le paragraphe 5 devront alors être remplies dans

un laps de quatorze jours.

En cas d'admission provisoire d'un malade relevant de l'assistance

publique, ou faisant partie d'une Société de secours mutuels, etc., on

exigera de la personne qui signe la demande d'admission une obligation

par laquelle celle-ci s'engage à payer les frais de séjour.

Le paragraphe 7 fixe les conditions des frais de séjour, variables

suivant les cas.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 29

§8. Il n'y a pas d'admissions' gratuites, sauf pour les dix lits qui

sont à la disposition du Directeur.

Les §9, 10, 11,12, 13 ont trait à la question du payement des frais de

séjour.

§ 14. Les placements d'office ont lieu à la clinique : 1° par arrêté de

l'autorité policière : malades dangereux pour eux-mêmes ou pour la

sécurité publique.

2- par ordonnance de l'autorité judiciaire : inculpés à mettre en

observation.

3° par demande de l'administration pénitentiaire : détenus devenus

aliénés.

III. Transfert des malades à la clinique. § 16. Il est interdit aux

agents de police qui accompagnent un malade d'être en uniforme.

§ 17. Les frais du transport des malades à la clinique incombent à la

personne qui est responsable du paiement des frais de séjour.

§ 18. Les malades conduits à la clinique doivent toujours être accom-

pagnes par une personne capable de fournir tous renseignements pou-

vant être demandés par la clinique dans l'intérêt du malade.

Les paragraphes 19, 20, 21 fournissent des indications concernant le

trousseau à fournir par les malades, l'entretien du trousseau.

IV. Sorties de la clinique. § 22. La sortie des malades, sauf les cas

prévus par le paragraphe 29, est ordonnée par le Directeur. Peuvent

être mis en liberté non seulement les sujets guéris ou améliorés, mais

encore les malades non améliorés, devenus inoffensifs et n'ayant plus

besoin d'être traités dans un établissement spécial.

§23. La sortie des sujets Hessois est toujours une sortie provisoire,

dans les cas où le malade est mis en liberté et rentre dans le milieu où

il vivait antérieurement. Pendant un laps de temps de trois mois, à

dater du jour de sa sortie, le malade peut, en cas d'aggravation, être

réintégré à la clinique, après avis donné au Directeur.

§24. Après l'expiration du trimestre qui suit la sortie, celle-ci devient

définitive et le malade ne peut être placé de nouveau qu'après l'exécu-

tion des formalités prescrites pour la première admission.

§ 25. Le Directeur de la clinique, lorsqu'il a décidé la sortie d'un

malade, prévient son correspondant afin que celui-ci vienne le cher-

cher. Si ce correspondant n'est pas venu dans un délai de quatorze jours

et s'il ne fait pas valoir des raisons sérieuses contre la mise en liberté,

le malade est conduit à son domicile aux frais du correspondant.

§26. La sortie des malades non-Hessois est toujours définitive.

§ 27. Les malades qui ne peuvent être conservés à la clinique par

suite de l'encombrement ou pour des considérations ayant trait aux

nécessités de l'enseignement, sont transférés dans les asiles d'aliénés

du Grand-Duché, lorsque leur état exige encore des soins spéciaux.

Le correspondant du malade est alors avisé afin qu'il puisse donner

son consentement.

§ 29. Dans les cas où le représentant d'un malade déclarerait s'opposer

au transfert, le ministre de l'Intérieur et de la Justice décidera. De

30 ENSEIGNEMENT.

même lorsque la sortie, réclamée par le représentant du malade, serait

refusée par le Directeur de la clinique dans l'intérêt du patient ou de la

sécurité publique.

§ 30. La sortie d'un malade peut être prononcée d'une façon définitive

et non provisoire par le ministre : 1° lorsque toute chance de rechute

doit être écartée ; 2" sur la demande du représentant du malade ou sur

la propre requête de ce dernier lorsqu'il est complètement rétabli.

Terminons par quelques renseignements statistiques sur l'orga-

nisation du service des aliénés dans le Grand-Duché de Hesse, dont

la population était, il y a quelques années, (1898) de 1.039.020 ha-

bitants. Le nombre des asiles publics, sans compter la clinique de

Giessen, est de trois :

Asile de Hofheim, 863 malades ;

Asile de Heppenheim, 436 malades;

Asile de Darmstadt (pour idiots), 143 malades.

Le nombre total des malades est de 1497 (762 hommes,

733 femmes), avec 19 médecins (fer janvier 1898).

La création de deux nouveaux asiles d'aliénés est à l'étude :

l'un serait édifié près de Mayence, l'autre dans le voisinage de

Giessen. Le Grand-Duché, dont la population actuellement dépasse

1.200.000 habitants, possédera alors une clinique psychiatrique,

quatre asiles d'aliénés, un établissement d'idiots.

On compte trois admissions pour 10.000 habitants.

Dans le budget du Grand-Duché (1901-1902), on a prévu un

crédit de 132.000 marks pour l'agrandissement de l'asile de Hep-

penheim et une somme de 150.000 marks pour l'achat du terrain

destiné à la construction du troisième asile d'aliénés. Cet asile

sera situé à proximité de la clinique de Giessen dans le but de

faciliter le transfert des malades de ce dernier établissement et

aussi pour combler une lacune dans l'enseignement psychia-

trique. On pourra, en effet, présenter aux étudiants des sujets

atteints de maladies mentales chroniques et non pas seulement

des cas aigus; les élèves feront ainsi connaissance avec )'euoht<t0 ! t

et la terminaison des psychoses, avec les cas intéressants au point

de vue des questions ayant trait au Code civil et au Code pénal. Il

y aura un quartier spécial pour les aliénés criminels '.

Il importe de faire remarquer, en terminant, quels sacrifices

considérables font les universités allemandes en faveur de leurs

' Nous avons fait de larges emprunts à l'intéressante monographie de

M. le professeur A. Dannemann, médecin en chef à la clinique, Die

psychiatrische Htt7c zie Giessen. Karger, Berlin, 1899. Qu'il nous soit

permis d'adresser à NI. le professeur Dannemann nos sincères remercie-

ments pour son accueil très courtois et l'obligeance avec laquelle il a

bien voulu nous renseigner.

RACHITISME CONGENITAL AVEC NANISME. 31

cliniques de psychiatrie. L'Université de Giessen est une des moins

fréquentées d'Allemagne (149 étudiants en médecine) ; elle est

située dans un petit Etat, le Grand-Duché de Hesse, dont la popu-

lation ne dépasse guère 1 million d'habitants et dans une ville elle-

même peu importante z0000 habitants); cependant, on n'a pas

reculé devant l'énorme dépense de plus d'un million pour créer

une clinique psychiatrique modèle. On ne peut que déplorer de

voir nos universités provinciales si peu disposées à suivre cet

exemple. Depuis l'année 1878, dix cliniques psychiatriques auto-

nomes ont été fondées dans autant d'universités allemandes. En

France nous ne pouvons signaler que la création de la clinique

des maladies mentales de Paris (1879).

RECUEIL DE FAITS.

Sur un cas de rachitisme congénital avec nanisme,

chez un enfant arriéré ;

PAR LES DOCTEURS

S. GARNIER. et A. SANTENOISE,

Médecin en chef directeur Médecin-adjoint

de l'asile de Dijon.

Le nommé F... (Paul-Eugène), né à St-S... en B... (Côte-d'Or), le

23 mars 1891, est entré à l'asile le 13 décembre 1898.

Cet enfant, âgé aujourd'hui de dix ans, appartient à une famille

de 8 enfants dont voici les dates de naissance : 1° Angèle-Marie,

née le 19 juillet 1884; 2° Blanche-Marie, née le 18 septembre 1885 ;

31 Gustave-Diarius. né le 3 octobre 1887; 4° Faut-Eugène, né le

23 mars 1891; 50'Valentin, né le 20 février 1892, mort le lendemain;

6° Marie, née le 31 août 1893; 7° Joséphine et 8° Aurélie, nées le

1er juillet 1895.

Tous ces enfants sont aujourd'hui encore vivants et bien portants,

sauf Valentin qui est décédé le lendemain de sa naissance avec

des phénomènes convulsifs. Il était d'ailleurs infirme, sans que

nous puissions préciser la nature de son infirmité. On ne peut

trouver chez les parents aucun degré de consanguinité : ni syphilis

ni hérédité nerveuse ou mentale. D'ailleurs, les ascendants, par-

faitement connus de l'un de nous. ont été indemnes de toutes tares

et sontparvenus à un âge avancé. Le grand-père maternel, aujour-

32 RECUEIL DE FAITS.

d'hui âgé de quatre-vingt-cinq ans est encore très valide pour son

âge; la grand'mère maternelle est morte il y a deux ans environ,

âgée de soixante-dix-neuf ans. Quant aux grands parents pater-

nels, ils sont vivants tous deux et relativement bien portants, sauf

la mère qui commence à verser dans la démence sénile. Les pa-

rents de notre sujet sont morts, savoir : la mère, le 23 décembre

1893 par suite de fièvre typhoïde, et le père le 26 février 1901,

emporté par une pneumonie en quelques jours. Toutefois men-

tionnons que celui-ci était porteur d'un léger strabisme interne de

l'oeil droit, qu'il avait eu un frère mort phtisique à vingt et un ans,

qu'il a fait un peu d'abus de boissons, mais principalement les

dernières années de sa vie, et a eu une sorte d'accès d'alcoolisme

aigu deux ans avant sa mort. Il a été soldat à Tours pendant

quatre ans et s'est marié en rentrant du service, n'ayant jamais eu

la syphilis.

De concert avec sa femme qui s'occupait principalement du mé-

nage et du soin des enfants, il cultivait une petite propriété louée

à prix d'argent, Sur les 8 enfants qui sont nés du mariage des

époux F ? on remarquera, en consultant leurs dates de naissance,

que trois vinrent au monde successivement en 1884, 1885, 1887;

qu'il y eut ensuite un intervalle de trois ans entre la naissance du

troisième et celle du quatrième dont nous avons à nous occuper;

qu'enfin le 5°, le 0°, le 7° et le 8e sont nés de deux ans en deux

ans. Pendant qu'elle le portait dans son sein, la mère du jeune

Gustave n'a pas été malade, la grossesse a été tout à fait normale,

mais l'enfant venu à terme était déjà déformé. Lors de l'accouche-

ment, le placenta a paru normal; l'enfant a un peu dépéri après

sa naissance, a pu néanmoins prendre le sein et a été allaité pen-

dant un an. D'après le père son enfant aurait dit papa et maman

aussitôt que ses autres frères et soeurs. Laissant de côté tout ce

qui a trait à la mentalité de l'enfant, nous abordons immédiate-

ment son examen somatique.

Gustave se tient constamment à l'état de veille, dans la situation

indiquée par la photographie n" 1, c'est-à-dire accroupi à la façon

des tailleurs et des arabes, les membres inférieurs croisés l'un sur

l'autre en avant. Comme il lui est impossible d'utiliser ses membres

inférieurs, on comprend qu'il lui soit impossible de se tenir debout.

Toutefois il est capable de certains mouvements des membres supé-

rieurs et peut mettre sa chemise, son veston, lorsqu'on les lui pro-

cure. Il s'alimente seul de la même manière, et depuis quelque

temps on a pu parvenir à lui apprendre à coudre.

A l'aide des membres supérieurs, il exécute des mouvements

anormaux qui lui permettent de faire le salut militaire, ainsi que

l'indique la photographie n° 2..

Dépouillé de tous ses vêtements, il offre l'aspect classique du

rachitisme au dernier degré. La tête est comparable à celle d'un

RACHITISME CONGÉNITAL AVEC NANISME. 33

hydrocéphale, c'est-à-dire présente un crâne volumineux surmon-

tant une face amaigrie dont le squelette peu développé fait ressor-

tir encore l'exagération du crâne par rapport à la face. Le crâne

est aplati de telle sorte que le diamètre transversal est augmenté ;

le frontal et l'occipital ont perdu leur convexité par suite de cet

aplatissement. La circonférence crânienne est de 53 centimètres.

Le cou est petit et la tête enfoncée dans les épaules fait reposer le

menton sur le sternum.

A la partie postérieure du tronc, la colonne vertébrale n'est pas

déviée, tout en présentant un certain degré de cyphose et de sco-

liose à droite. En avant le thorax est beaucoup plus déformé et

fait une saillie globuleuse (thorax de polichinelle). Le tour de la

poitrine au niveau des deux mamelons est de 63 centimètres. La

respiration étant surtout abdominale, la circonférence thoracique

reste à peu près la même, soit à l'expiration, soit à l'inspiration. A

partir de la 7° côte, le thorax, très rétréci, va en s'élargissant de

plus en plus, de façon à figurer un auvent à sa base, en s'appuyant

sur les viscères abdominaux.

L'abdomen est volumineux; sa plus grande circonférence est de

65 centimètres ; son aspect est celui d'un ventre de grenouille.

Aux membres supérieurs, la déformation rachitique porte prin-

cipalement sur l'humérus de chaque côté. Cet os se trouve incurvé,

aminci et aplati en lame de sabre à la partie moyenne pour

retrouver en partie aux épiphyses sa forme cylindrique. Les arti-

culations scapulo-humérales, très lâches, permettent la rotation

complète de l'humérus sur lui-même, comme l'a indiqué la posi-

tion de la photographie n° 3. L'enfant ne peut étendre les bras, ce

qui a pour effet de diminuer l'envergure qui est de 73 centimètres

seulement. La longueur du bras est de 15 centimètres, égale à celle

de l'avant-bras; ce dernier n'offre rien de saillant qu'un peu d'atro-

phie. Quant aux déformations du bassin, il est impossible de les

décrire avec précision.

Du côté des membres inférieurs, les lésions sont très accentuées

et il y a lieu de les décrire séparément pour chaque membre. Au

membre inférieur droit, le fémur est incurvé de façon à offrir

une convexité postérieure (le malade étant supposé debout).

La diaphyse de l'os est aplatie en lame sur toute l'étendue de

la convexité; l'épiphyse inférieure est hypertrophiée. L'articula-

tion du genou est tout à fait déformée et la rotule très rudimen-

taire peut être assimilée à un os sésamoïde. Le tibia présentant

une convexité antérieure est aussi aplati en lame. Le péroné dont

on sent la tête parait suivre lacourbure du tibia. Le pied ne semble

pas déformé, mais il est plus petit que celui d'un enfant du même

âge; il est doué d'une très grande mobilité des orteils et par suite

l'enfant ayant pour ainsi dire le pied préhensible peut ramasser à

terre assez facilement un petit objet quelconque.

Archives, 2° série, t. XVI. 3

Fig. 1 et H.

RACHITISME- CONGÉNITAL AVEC NANISME. 35

Au membre inférieur gauche, contrairement à ce qui se passe

du côté droit, le fémur est incurvé de façon à présenter une con-

vexité antérieure. Il est moins aplati que son congénère du côté

opposé. L'épiphyse inférieure est également hypertrophiée. Quant

Fin. 3.

36 RECUEIL DE FAITS.

au tibia, l'incurvation étant moins accentuée qu'à droite il est d'au-

tant plus long, mais aplati.

Quand l'enfant croise ses jambes, il place toujours la jambe

droite sur la jambe gauche, par la raison, sans doute, que les

déformations, dans cette position, s'adaptent mieux ensemble.

Cette adaptation nous semble résulter de la position intra-utérine

prise par l'enfant. Le pied gauche aie même caractère que le pied

droit. La hauteur totale du corps dans l'extension la plus complète

possible (la jambe gauche étendue) est de 81 centimètres et son

poids de 11 kg. 400 gr. alors que le poids d'un enfant de son âge

est de 26 kg. 13.

Les organes génitaux participent de la petitesse du développe-

ment ; on perçoit deux testicules de la grosseur d'un pois; la verge

est normale, mais un peu atrophiée.

Au point de vue du développement psychique, l'enfant a le lan-

gage articulé, possède un vocabulaire assez complet, a quelques

idées simples, des sentiments affectifs, pas de mauvais instincts. Il

est propre et demande à faire ses besoms.

. Réflexions. Il s'agit évidemment dans cette observation

d'un exemple de rachitisme grave et plus spécialement de

rachitisme intra-utérin, car l'enfant, comme nous l'avons

relaté, est venu au monde déjà déformé, mais paraissait avoir

la taille et le poids d'un enfant nouveau-né ordinaire. On

comprend que son accroissement ultérieur ait été singulière-

ment entravé par les lésions existantes du système osseux,

et que par conséquent le nanisme actuel en ait été la consé-

quence naturelle. Les nains en général sont détaille normale

en venant au monde et l'accroissement de leur taille ne subit

de ralentissement qu'au bout de quelques mois. Dans notre

cas, le nanisme parait différer du nanisme ordinaire, dont la

cause échappe la plupart du temps, en ce qu'il résulte mani-

festement du rachitisme lui-même. Mais il reste à interpréter

ce rachitisme.

On sait que les cas de rachitisme intra-utérins sont peu

fréquents et au surplus ceux qui sont cités sont d'autant

moins nombreux que « presque toujours les enfants qui

naissent rachitiques ne vivent pas longtemps » (Guinard,

Précis de Tératologie, p. 137, Paris, J.-B. Baillère, 1873).

Pendant longtemps, l'existence elle-même du rachitisme

intra-utérin a été mise en doute, et les lésions inscrites au

compte d'arrêts de développement, mais il nous semble que

notre observation est singulièrement démonstrative de la

RACHITISME CONGÉNITAL AVEC NANISME. 37

nature rachitique des déformations décrites chez notre sujet.

Toutefois la cause en reste plus qu'obscure, malgré nos

recherches pour en dégager les facteurs possibles étiolo-

giques.

Du côté paternel, il n'y a eu aucun cas de rachitisme, ni

chez les ascendants, ni chez les collatéraux; même situation

négative du côté de la mère. Sur les 8 enfants issus des

époux F... (dont la famille est très connue de l'un de nous

comme nous l'avons dit), notre malade est le seul atteint de

rachitisme, et ce qui ajoute encore à la difficulté d'interpré-

tation pathogénique du cas, c'est qu'il se trouve intercalé

par son rang de naissance entre deux séries de produits

normaux. L'hérédité semble donc hors de cause dans l'espèce.

Quant aux conditions mêmes de la conception, elles

semblent à leur tour négatives, le père ayant nié formelle-

ment avoir été, soit en état d'ivresse, soit en état patholo-

gique quelconque à l'époque de la fécondation. Tout au plus

pourrait-on relever qu'à l'époque où se place la conception

du malade, c'est-à-dire en juin,' le père pouvait être sur-

mené par les travaux de la fenaison qui exige un labeur

considérable; mais nous avons appris qu'à ce moment le

père n'avait aucun surmenage. Quant à la mère, elle ne pou-

vait non plus avoir été épuisée par des grossesses antérieures

puisque précisément son dernier accouchement remontait

au 3 octobre 1887. Pendant le temps de sa grossesse, sa

santé générale avait été très bonne et aucun accident

(traumatisme, maladies infectieuses) n'était venu influencer

le produit.

En résumé, on voit qu'il est impossible d'incriminer, au

point de vue étiologique, aucune cause rationnelle apparente

de ce rachitisme, ce qui ajoute encore à l'intérêt qu'il pré-

sente.

Nota. Les photographies du sujet ont été exécutées par

M. Guillot, étudiant de l'école de médecine de Dijon que

nous remercions ici de son gracieux concours.

Nouveau journal. Nous venons de recevoir le premier numéro

des Annales antialcooliques, journal mensuel de vulgarisation et

d'études, publié sous la direction de M. le Dr Legrain. Bureaux :

12, rue de Condé, Paris. Abonnement . France, 3 fr. ; Union postale,

3 fr. 50. Nous souhaitons la bienvenue à notre nouveau confrère.

THÉRAPEUTIQUE IIÉDICO-PÉDAGOG1QUE

Idiotie profonde avec nanisme et infantilisme :

Amélioration considérable ;

Par BOURNEVILLE.

En dehors des petites notices qui figurent dans la pre-

mière partie des Comptes rendus annuels de notre service,

des communications que nous faisons de temps en temps

aux Congrès des aliénistes et neurologistes et de deux

thèses', nous n'avons publié que rarement, à tort, les obser-

vations complètes des enfants idiots améliorés ou guéris.

L'observation que nous allons relater, choisie entre beaucoup

d'autres, dans laquelle on suit année par année les progrès

de l'enfant, montrera à nos lecteurs que même dans les cas

les plus graves on obtient de très sérieux résultats.

Sommaire. Enfant naturel. Père, rien à noter. Renseigne-

meH<s nuls sur sa famille. Mère eczémateuse, pas d'accidents

nerveux. Grand-père maternel mort de paralysie du cerveau.

Grand'mère maternelle, alcoolique, morte d'une congestion céré-

brale. - Deux cousins germains morts de convulsions. z

convulsions de l'enfance.

Pas de consanguinité. Inégalité d'cdge de douze ans.

Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de pai-licil-

lier. Normal jusqu'à neuf mois. Convulsions répétées de

neuf mois à trois ans. Marche à deux ans et demi. Parole

nulle. Gâtisme. Intelligence nulle.

1890 : Teigne. 1891 : rougeole. 1892 : persistance de la

teigne ; diarrhée.

1893 : Guérison de la teigne. Rumination. -Début de l'anzé-

tère toujours sournois.

1864 : Diminution progressive des tics.

z Contribution à l'étude du traitement de l'idiotie, 1896;

- l3oyer (J.). Traitement médico-pédagogique de l'idiotie.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 39

1895 : Guérison du gâtisme. Développement de la parole.

Accès de colère persistants.

1896 : Progrès scolaires. Manies, bizarreries.

1897-1902 : Développement progressif de l' intelligence, l'enfant

sait lire, écrire, faire les premières règles, etc. Notions usuelles

très étendues. Parole libre. Guérison des tics.

Lem... (Georges), né à Paris le 21 mars 1887, entre à trois ans à

l'asile-école de Bicëtre, le 9 avril 4890. Fnfant nalttrel.

Antécédents héréditaires. Renseignements fournis par la mère

le 3 mai 1890. PÈRE : quarante-cinq ans, typographe, toujours

en bonne santé, non alcoolique. Intelligence ordinaire, travaillait

régulièrement, bon ouvrier. Pas de violence vis-à-vis de la mère.

Caractère calme. Il a abandonné la mère de ses enfants il y a

deux ans, et serait mort, on ne sait de quoi, peu de temps après

la séparation. Il n'a eu aucune discussion avec elle et, depuis, la

mère ne l'a pas revu. Indifférent vis-à-vis de ses enfants. Pas de

migraines. Pas de dartres ou d'affections cutanées. Aucun indice

de syphilis. W renseignement sur sa famille.

MÈRE, trente-trois ans, brocheuse. Santé toujours bonne. Femme

de taille élevée,'physionomie assez intelligente. Pas de convulsions,

réglée à quinze ans et demi. A quatorze ans, a eu un eczéma. Pas

de migraines, pas de signes de syphilis. Intelligence moyenne.

Famille de la mère. Père, sobre, mort d'une paralysie au cer-

veau (' ? ). Mère, alcoolique, elle buvait de tout et s'enivrait plu-

sieurs fois par semaine, violente, morte d'une congestion cérébrale

avec aphasie.Gr.-père maternel, pas de renseignements.-Grand'-

mère maternelle, sobre, morte d'une tumeur de l'estomac. Deux

tantes maternelles mortes jeunes de la poitrine.

Une soeur, en bonne santé ; de ses sept enfants un est mort

de convidsions ; un autre a eu des convulsions. On ne connaît ni

aliénés, ni épileptiques, ni arriérés, etc., dans la famille, d'ailleurs

limitée.

Pas de consanguinité. 12 ans de différence d'âge entre les

parents (père plus âgé).

Quatre enfants : 1° Garçon mort du croup à deux ans et demi.

Pas de convulsions, intelligent ; 20 Garçon mort à six mois du

choléra infantile. Pas de convulsions; 3° Fillette de cinq ans,

bien portante, bien développée pour son âge. Intelligence ordinaire.

Trois ou quatre convulsions à six semaines qui n'ontjamais reparu "

depuis. Pas d'incontinence nocturne d'urine.

4° Notre malade.-Ala corzception, les parents étaient encore bien

unis. Grossesse normale : pas d'accidents, pas de traumatisme; pas

d'émotions morales, pas de maladies infectieuses. Accouchement

40 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

normal. à terme par le sommet..Pas d'asphyxie à la naissance.

Nourri au sein pendant trois mois par une nourrice saine ; ensuite

a pris le lait au verre. A quatre mois, il se développait bien.

Revu par sa mère à huit mois, il était tout à fait normal, époque

où il a eu sa première dent : il regardait, gazouillait, jouait, se

tenait autour des chaises, en un mot-paraissait tout à fait normal.

A neuf mois, début des convulsions. Il en a eu 5 en trois jours,

l'une d'elles, vue par la'mère, aurait duré deux heures. Les mem-

bres étaient roides, retournés, la figure était de côté. Il ne pou-

vait plus se tenir sur les jambes. La mère l'a repris et l'a placé

à côté de son domicile. Les convulsions le prenaient deux ou trois

jours de suite, puis cessaient pendant denx ou trois jours. Elles

étaient surtout toniques, étaient égales des deux côtés et duraient

trois ou quatre minutes. De deux à trois ans, les convulsions se

sont espacées, venant toutes les semaines puis tous les quinze

jours. La physionomie était devenue sans expression.

Il a commencé à marcher à deux ans et demi. On a alors remar-

qué que l'un des pieds (on ne peut dire lequel) était tourné et

appuyait sur son bord externe. Cette sorte de pied bot varus

n'existait plus à l'entrée à Bicêtre.

Il ne comprend rien. Paraît complètement sourd, au dire de la

mère. Il a marché à deux ans et demi. Il n'a jamais dit qu'un mot

« maman » et encore il le dit très indistinctement et sans s'adres-

ser à sa mère. Il grimace beaucoup depuis ses premières convul-

sions, bave, tette sa langue, crie par moments, se jette de côté, se

ferait du mal si on ne le surveillait. Il ne reconnaît passa mère. Il

repousse les autres enfants, même sa soeur. Il ne demande

pas à manger, mastique mal, est gâteux. Le développement des

jambes ne paraît pas proportionnel à celui des bras. Pas de vers,

d'onanisme, de traumatisme. - La dentition n'a été complète qu'à

trois ans.

Pas d'autres maladies infectieuses qu'une rougeole à dix-huit

mois, qui aurait été forte (toux et fièvre). A deux ans il aurait eu

beaucoup de gourmes à la tête et à la face. On n'aurait pas remar-

qué de rumination` ? -Aucun signe de connaissance et d'affection.

La mère, à qui il ressemble, dit-elle, attribue l'idiotie aux convul-

sions.

État actuel (14 mai 1890) (Fig. 4). Enfant blond, lymphatique.

Pas d'adipose, d'émaciation ; air de maladie, crie fréquemment,

surtout s'il est seul ; quand on est près de lui. il se tait brusque-

ment. Peau blanche, glabre; aucune cicatrice de vaccin;

absence complète de poils. Ganglions assez nombreux au cou et

dans les plis de l'aine, aucun sous les aisselles. Cheveux implantés

régulièrement; tourbillon postérieur non dévié. Sourcils blonds,

régulièrement implantés. Cils longs, châtains.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 41

Tête assez grosse, volumineuse à la partie supérieure. Crâne :

forme ovoïde : la partie postérieure est très volumineuse et de

beaucoup prédominante sur la partie antérieure ; symétrique en

apparence. Bosses frontales très saillantes ; ecchymose au niveau

de la bosse frontale droite. Pas de persistance des fontanelles.

Front élevé (6 centimètres), mais peu large, se confondant rapi-

dement avec les tempes. Visage oval, arcades sourcilières peu

saillantes, pas d'exophtlialmie ; paupières normales, fentes palpé-

brales horizontales. Les yeux sont mobiles en tous les sens. Pas de

strabisme, pas de paralysies, pas de nystagmus. Iris bleuâtre ;

pupilles symétriques, non déformées, réagissant bien à la lumière

l'i ? 4. - Lem..., (Georges), né à Paris, le 21 mars 1887. Entré le

29 avril 1890. (Photographie prise en mai 1890.)

Il ), THERAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

et à l'accommodation. Pas de lésion de la cornée ou de la conjonc-

tive ; pas de larmoiement. L'examen fonctionnel ne peut être fait.

l'enfant fermant les yeux constamment d'une part, d'autre part

son absence complète d'intelligence, de compréhension empêchant

d'avoir des renseignements sur l'acuité visuelle, la notion des cou-

leurs. etc. Nez petit, arrondi, à courbé supérieure et dorsale ;

narines étroites, sillon naso-labial assez accentué. L'odomct parait

exister. - Pominettes peu marquées, régulières, symétriques. -

Bouche petite, horizontale, lèvres minces, l'inférieure plus volumi-

neuse, mais non éversée. Langue grosse, palais et voile nor-

maux. Amygdales normales. Le goût semble exister. Il y a 8

dents de lait à chaque mâchoire. L'expression du visage indique

que l'enfant fait la différence des saveurs. -Oreilles grandes, mais

non écartées. Ourlet régulier, ainsi que les autres parties consti-

tuantes de l'oreille ; conque large ; ouie obtuse, mais existante.

Cozc court, circonférence 27 centimètres. Corps thyroïde percep-

tible.

Thorax assez large, dilaté à la base, potelé comme le reste du

corps, pas de saillie des omoplates ni de déviation du rachis.

Battements du coeur réguliers. llien à l'auscultation des pou-

mons. - àb(lonie ? z peu volumineux. Rien du côté du foie ou de la

rate.

Organes génitaux : bourses petites, rétractées, les deux testicules

de la grosseur d'une olive sont dans les bourses. Verge : longueur,

4 centimètres ; circonférence, 3 centimètres. Prépuce long, gland

découvrable. Anus normal.

Membres supérieurs réguliers, normaux, cylindriques, potelés,

mais peu musclés; doigts longs, ongles courts.

Membres inférieurs : rien à signaler, pas de déviation osseuse,

pas de pied plat. Ongles et orteils courts.

Sensibilité normale à la piqûre, au pincement, à la température.

Réflexes rotuliens semblant disparus ainsi que les réflexes olécra-

niens ( ? ) ; réflexe pharyngien normal. Pas de trépidation spinale.

Lem... ne s'aide en rien, sauf qu'il se sert un peu de la cuiller.

Parole nulle. Il mange seul en se servant uniquement de la

cuiller. La mastication est bonne, pas de bave, de rumination ni

de vomissements. La digestion est bonne. Diarrhée très fréquente.

Très turbulent et entêté. Sommeil bon. Ne s'habille, ni ne fait

seul sa toilette. En résumé, idiotie profonde.

19 mai : Bronchite légère. Guérison le 2 juillet.

29 juillet : Corps glabre. Verge courte, longueur 4 centimètres.

Circonférence z ; prépuce court, ne peut être ramené en arrière.

Bourses pendantes, testicules égaux, un peu plus gros qu'une

olive. Anus normal. .

29 septembre. Entre au pavillon d'isolement pour la teigne.

ioctobre. Vaccination. Succès complet : six pustules vaccinales.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 43

Pendant toute l'année 1891, l'enfant ne fait aucun progrès.

Parole nulle. Gâte la nuit et le jour.

1891. 20 juin. Rougeole : éruption discrète qui commence àpitlir.

le 22. La température s'abaisse le même jour.

26 jittiz. - 11 n'y a plus trace de l'éruption, pas de complication.

3 juillet : Guérison complète.

1892. Commence à être un peu propre le jour à partir de sep-

tembre. En décembre, va seul aux cabinets. Mange proprement,

mais il ne se sert toujours que de la cuiller.

J8 mars. Plaque de teigne assez bien délimitée au niveau

du tourbillon ; petites plaques disséminées en avant. Traitement :

épilation, sublimé, emplâtre de Vigo.

1%i. 5. - Lem... (Geores) en octobre 159

44 THÉPAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

Juillet. État stationnaire de la teigne. Diarrhée. Organes

génitaux : Verge : longueur, 6 cent., circonférence, 5 cent. Phimo-

sis. Le gland n'est pas découvrable. Testicules de la grosseur d'un

gros haricot, égaux. Région anale normale.

8 octobre. Eruption pustuleuse disséminée sur toute la surface

de la tête. (F : . ? . 5).

1893. 16 juin. Amélioration considérable de la teigne, mais il

existe encore sur la tête une éruption papulo-pustuleuse. même

état des organes génitaux.

Août. Passe à la petite école. Il est guéri de la teigne. Il con-

tinue à gâter le jour et la nuit. Il rumine presque continuellement

pendant l'heure qui suit le repas. En classe est toujours souriant et

montre de la bonne volonté.

Octobre. Va seul aux cabinets le jour. La parole est toujours

Fig. 6. - Lem ? (Georges) eu avril 1894.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 45

nulle, mais l'enfant aime beaucoup entendre parler et chanter. Il

sourit à tout ce qu'on lui dit et se montre très docile et très

attentif à la classe. Il commence à lacer ses souliers et à placer

exactement les cartons sur le tableau de couleur, à exécuter les

premiers mouvements de gymnastique et saute les deux premiers

degrés de l'escabeau. Caressant, gai, joueur. Pleure très rare-

ment. Pas d'onanisme. Ni voleur, ni gourmand. Tenue générale

bonne,- soigneux; se regarde quand on lui met une robe propre ou

des souliers neufs et son attitude exprime la joie. Il se balance

latéralement, en levant alternativement les pieds et roulant la

langue dans la bouche.

1894. 16 juin. Même état des organes génitaux (Fig. 6). Parole

toujours nulle. Parait comprendre ce qu'on lui dit. N'est presque

Fig. 7. Lem..., (Georges) en octobre 1893.

46 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

plus du tout gâteux. Le balancement a presque disparu. Aujour-

d'hui il ne lui reste plus guère qu'un clignement de l'oeil gauche.

Caractère affectueux, aime les caresses, quelques colères sans

durée. Mange gloutonnement, ne semble jamais rassassié, flaire

' ses aliments. Place bien les couleurs, distingue les surfaces, uu plus

grand nombre d'un plus petit. Exécute les premiers mouvements

de la gymnastique des échelles.

Décembre. Essaie de balbutier quelques paroles : «attends, va

voir. » Place quelques lettres et quelques chiffres, mais ne les dis-

tingue pas. Les tics de balancement et de grincement ont beaucoup

diminué. Les cris ont cessé. Il demande à aller aux cabinets en

disant « envie ».

1895. Juillet. Puberté : visage, aisselles, pubis glabres. Verge,

longueur, 4 centimètres ; circonférence, 4 cent. 1/2. Testicules dans

les bourses, du volume d'un haricot, prépuce recouvrant entière-

ment le gland ; région anale normale.

Parole améliorée, essaie de répéter les mots, mais avec difficulté.

Articulation très défectueuse. Il connaît les lettres, les chiffres, les

couleurs. Exécute bien tous les mouvements de petite gymnastique.

Décembre. Tout à fait propre le jour, gâte quelquefois la nuit.

Connaît les parties de son corps, les vêtements, un peu les jours

de la semaine. Il est toujours méchant et sournois avec ses cama-

rades (Fig. 7).

1896. Parler toujours défectueux dans l'articulation. Les pro-

grès scolaires sont lents, car l'attention est toujours distraite. Les

tentatives pour le faire syllaber ne donnent pas encore de résultats.

Lem... est absolument propre, ne gâte plus ni jour ni nuit. Les

accès de cris, le balancement, les grincements de dents ont com-

plètement disparu. Lem... tient mieux le crayon, trace des bâtons,

lace, boutonne, mais ne parvient pas à nouer.

Décembre. Caractère fantasque ; reste parfois plusieurs jours

isolé volontairement de ses camarades, criant, riant, sautant et

paraissant manquer totalement de lucidité. Dans ces périodes il

est impossible de rien en tirer ; l'attention est absolument nulle.

D'autres fois, il est docile, s'applique à ce qu'il fait, est très heureux

qu'on s'occupe de lui, est sensible aux compliments et aux repro-

ches (Fig. 8). Il a la manie de promener sa langue dans sa bouche

et de la mordiller toutes les fois qu'il est occupé. Lorsqu'il est

joyeux, il ouvre la bouche démesurément, baisse la tête et saute

en crispant les poings.

1897. Août. Corps glabre. Verge : longueur, 5 centimètres;

circonférence, 4. centimètres ; phimosis. Testicules égaux. Anus

normal. Parole très améliorée, commence à faire de petites

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 47

phrases, telles que : « Je ne veux pas à la soupe. Il a battu Geor-

ges, etc. » (fig. 9).

Décembre. Beaucoup d'amélioration dans les exercices sco-

laires : il commence à savoir tenir la plume, à faire des C et des 0.

Il a fait beaucoup de progrès pour la lecture. Il est heureux quand

on le fait travailler. Lorsqu'on l'appelle pour lire, il se frotte

les mains et saute en signe de satisfaction. 11 reconnaît et nomme

les petites quantités. Il est toujours colère et fantasque. Il aime à

frotter son visage sur les oreilles et le cou de ses camarades et très

souvent la caresse se transfoime subitement et il mord avec

frénésie.

1898. Jmn. - Progrès dans l'écriture. Il lit et retient avec une

Fig. 8. Lem... Georges en juin 1896.

48 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

facilité surprenante les mots imprimés, mais n'apporte aucun goût

à la lecture dans le Syllabaire.

1899. Juin. Prend goût à la lecture du Syllabaire, qu'il ne

voulait pas regarder. Dans le Syllabaire de même que pour les

iîtols imprimés, il ne retient que les mots qu'il comprend et ces

mots il les lit indifféremment à l'envers et à) l'endroit. Il est doué

d'une mémoire surprenante. L'écriture s'améliore. Progrès abso-

luments surprenants dans la parole qui était absolument nulle.

Chaque jour il emploie des mots nouveaux (Fig. 10).

1900. Janvier. Lem... prend goût à tous les exercices clas-

siques. Il copie les mots qu'il lit et même en écrit un cer-

tain nombre de mémoire, tels que les jours de la semaine, les

illig. 9. Lem..., en octobre 1897.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 49

nombres dont il connait la valeur jusqu'à 10. Caractère plus

doux, plus docile, moins rageur.

Juin. Amélioration persistante et progressive dans la paroie,

la lecture, l'écriture. Lem... trace tous les chiffres, commence à

faire de petites additions.

1901. -Tout le corps est glabre, verge, 6 cent. 1/2 de longueur;

circonférence, 6 centimètres. Gland recouvert par le prépuce qui

ne décalotte pas. Testicules du volume d'un oeuf de moineau. Anus

normal.

Parole encore défectueuse, mais Lem ? a acquis cette année ch,

9, v, z, j, r, ill, gu, bl. Tous ces sons, bien articulés au commence-

ment ou dans le corps des mots, sont nuls lorsqu'ils forment la

syllabe finale d'un mot terminé par un e muet. Progrès pour tous

les exercices, surtout pour les leçons de choses.

Archives, 2» série, t. XVI. i

l'ig. 10. Lem..., (Georges) en octobre 1899.

50 THÉRAPEUTIQUE I%IÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

Juin. Progrès pour la classe, mais difficulté pour le calcul. Il

lit couramment, commence à faire des devoirs élémentaires sur la

grammaire. Caractère susceptible, ne supportant pas les taquine-

neries de ses camarades. Il a perdu l'habitude de flairer. Son goût

est encore bizarre, il ne veut ni charcuterie, ni aucun fruit.

Décembre -Commence quelques petits exercices de grammaire.

Difficulté pour le calcul, fait l'addition, commence la soustraction.

La parole est encore défectueuse pour certaines consonnes se trou-

vant dans le corps d'un mot. Ainsi il dira pi-oielioiz pour p2-ojectio21,

caîziiiet pour cabinet. De même, par paresse et non par difficulté.

il supprime d'habitude les syllabes finales, muettes, des mots. Son

caractère est toujours rageur. Lorsqu'il est en colère pour un motif

quelconque, tous ceux qui sont à sa portée en subissent le contre-

coup, et à défaut de camarades dans son voisinage, ce sont les

tables, les portes, les fenêtres, qui reçoivent coups de poings et

coups de pieds.

1902. Décembre. Lem... apporte beaucoup d'application à la

gymnastique et aux travaux de la classe. Il comprend bien ce qu'il

lit, écrit mieux, fait l'addition et la soustraction avec retenues,

ébauche la multiplication. Il aune mémoire extraordinaire pour

les mots qu'il a lus. Il fait quelques exercices élémentaires de gram-

maire ; il applique assez bien le genre et le nombre, copie des

verbes, fait un peu d'analyse. Il reste toujours maniaque. Il ne

faut pas que rien vienne intervertir l'ordre des choses établi, sinon

il est furieux. Si, pour une cause ou une autre, une des infirmières

change son jour de sortie, il l'invective et bougonne toute la jour-

née à ce sujet. Dans une promenade, si l'on ne revient pas par le

même chemin que l'on a pris en allant, il se met en colère et récri-

mine pendant le trajet. Si le jour où l'on a l'habitude de faire la leçon

orale de grammaire, on fait une leçon de choses, il est fâché, ne

veut rien écouter, ne répond que des bêtises aux questions qu'on

lui pose et fait en sorte de troubler l'ordre.

Ses camarades qui s'aperçoivent de sa bizarrerie de caractère,

le taquinent souvent, alors ce sont des rages : il crie, trépigne, tape

à droite, à gauche tout ce qui l'environne (meubles et gens) et ne

se calme que lorsque l'on fait signe de le conduire en cellule.

(Fig. 11). ·

Puberté et organes génitaux. Sauf un peu de duvet très fin

au-dessous des oreilles et aux extrémités de la lèvre supérieure,

tout le corps est glabre. Les bourses sont pendantes, les testicules

égaux, de la dimension à peine d'un oeuf de pie. La verge mesure

6 cent. de longueur et de circonférence. Le prépuce est long, étroit

et ne permet de voir que l'extrémité du gland. Le méat paraît plu-

tôt petit (Phimosis). Rien à l'anus. Lem... ressemble non à un

adolescent, mais à un enfant.

IDIOTIE PROFONDE AVEC NANISME ET INFANTILISME. 51 L

Réflexions. I.Nous n'avons rien à relever du côté du père,

enfant naturel, dont la famille est inconnue. -Du côté ma-

ternel, nous notons la mort du grand-père de l'enfant par

une paralysie ducerveau, celle de la grand'mère, alcoolique,

par une congestion cérébrale, des convulsions chez plusieurs

cousins.

II. Lem..., d'après les renseignements fournis par sa mère

et que nous avons tout lieu de croire exacts, aurait été tout

à fait normal, jusqu'à neuf mois. Surviennent à ce moment

des convulsions sous forme d'état de mal (2 heures), qui se

1'ir, tl. Lem.... Georges en octobre 1902.

52 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE. 1

54 THÉRAPEUTIQUE MÉDICO-PÉDAGOGIQUE.

répètent trois jours et déterminent l'idiotie complète :

absence de développement de la parole, persistance du

gâtisme, impotence des membres, regard sans expression,

attention nulle, arrêt de la dentition, etc. Les convulsions

se sont répétées fréquemment de neuf mois à deux ans presque

quotidiennement sous forme plutôt de petits accès. De deux

à trois ans, elles s'éloignent de plus en plus et enfin dispa-

raissent à 3 ans. Il se produit alors une première améliora-

tion, légère toutefois et portant exclusivement sur l'état phy-

sique : l'espèce de paralysie de l'un des membres inférieurs

disparaît. Intellectuellement rien : l'attention ne s'éveille

pas, la physionomie reste idiote, on croit l'enfant sourd.

III. De 1890 à 1893, en raison de la teigne, le traitement

médico-pédagogique n'a pas été sérieusement appliqué. Il

ne l'a été qu'à partir du mois d'août 1893. L'enfant est devenu

propre, la figure a offert un commencement d'expression,

l'attention s'est développée.

A partir de 1895, les tics ont diminué, puis disparu. La

parole est venue, l'enfant a appris à se laver, à s'habiller, à

manger seul, en un mot à ne plus avoir besoin d'aide. Enfin n

il a appris à lire, à écrire, à compter, à faire les trois pre-

mières règles, à connaître, nommer les personnes et les

choses. Les sentiments affectifs, nuls autrefois. se sont déve-

loppés, l'enfant est affectueux pour sa mère et les personnes

qui l'entourent. En résumé, aujourd'hui, si l'enfant était

présenté pour la première fois, ce ne serait plus le dia-

gnostic : idiotie profonde que nous porterions, mais celui

d'imbécillité.

IV. Il suit aussi de ce qui précède que l'on doit s'occuper

activement des idiots les plus malades, complets, êtres végé-

tatifs et ne pas les reléguer dans le coin le plus dissimulé des

hospices ou des asiles, comme certains médecins qui ne con-

naissent que superficiellement les malades, n'ont quelque-

fois ni vu ni lu, le demandent, les considérant comme insus-

ceptibles de toute amélioration. Il faut appliquer avec régula-

rité et patience le traitement médico-pédagogique pendant

plusieurs années, avant de déclarer les idiots complets incu-

rables. L'histoire de Lem... en est la preuve. Nous avons cité

bien d'autres cas analogues qui justifient notre opinion.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 55

V. Une particularité, observée chez Lem..., mérite d'être

relevée, c'est que pendant bien des années, jusqu'à son

admission à Bicêtre, il était considéré comme sourd. Il ne

l'était pas, en réalité; sa surdité n'était qu'apparente. Ce

qui lui manquait, c'était l'attention auditive. ,

VI. L'idiotie, ici, était compliquée de nanisme avec infan-

lilisnm. L'examen du tableau de la taille, prise deux fois par

an, de 1890 à 1902, montre qu'elle a toujours été notable-

ment au-dessous de la moyenne. A la fin de 1902, elle était

de 1 m. 36 au lieu de 1 m. 55, soit en moins 19 centimètres.

L'infantilisme est indubitable : physionomie enfantine,

absence de poils à la face, sur le corps, au pénil ; organes

génitaux peu développés, en somme aucun signe de puberté

malgré son âge (seize ans). Pas d'onanisme, aucune mani-

festation génitale.

VII. Bien que la mère n'ait pas remarqué la rumination,

elle a été constatée peu après l'entrée. Elle a été plus mar-

quée à certaines périodes et revient encore de temps en

temps. Les cas de rumination qui étaient nombreux dans le

service, autrefois, deviennent de plus en plus rares*.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Théorie des réflexes cutanés et tendineux basée sur la nature

fonctionnelle des deux faisceaux pyramidal et intra pyramidal ;

par le Dur IIELDENBERGH. (Jouraa. de Neurologie, 1902, n° 23).

II. Sur le réseau endocellulaire de Golgi dans les éléments ner-

veux en général et dans les cellules nerveuses des ganglions

sympathiques en particulier; par le D' SOU&H.1NOFF. (Journ. de

Neurologie, 1902, n° 25).

De l'examen d'un très grand nombre de coupes des ganglions

sympathiques, l'auteur conclut que le réseau de Golgi est bien un

' Le tableau des mensurations de la tête, offre quelques différences

qui s'expliquent soit par un amaigrissement momentané, soit parce

que les cheveux étaient plus ou moins courts. Les irrégularités dynamo-

métriques tiennent à ce qu'on ne peut pas toujours obtenir la même

attention chez l'enfant.

56 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

appareil endocellulaire composé de fins filaments entrelacés et

disposés tantôt autour du noyau, tantôt en dehors de lui. Une

particularité sur laquelle insiste Du. Soukhanoff, est que le réseau

endocellulaire des ganglions sympathiques ne présente pas des

rejetons semblables à ceux du même réseau des cellules spinales

motrices ou des cellules corticales pyramidales; pourtant on voit

çà et là, à la périphérie du réseau des cellules des ganglions

sympathiques, de petits appendices qui rappellent les rejetons du

réseau des autres cellules. G. DENY.

III. Le mécanisme du tonus et des réflexes dans l'état actuel de la

science ; par J. Crocq (Jo ? tr2t. de Neurologie, 1902, no, 19 et 20).

L'auteur passe en revue dans ce travail toutes les critiques qui

ont été dirigées contre le rapport présenté par lui en 1901 au

Congrès de Limoges, sur le mécanisme du tonus musculaire, des

réflexes et de la contracture. Parmi ces critiques, les plus sérieuses

sont, sans contredit, celles qui se basent sur les résultats observés

dans les cas de lésions transversales de la moelle : les uns pré-

tendent avec Bastian, Brun, von Gehuchtenet Crocq que la section

complète de la moelle provoque chez l'homme une abolition

totale du tonus et des réflexes avec persistance seulement de cer-

tains réflexes défensifs; les autres affirment avec Brissaud, Gras-

set, Raymond et Cestan que la section complète de la moelle ne

donne lieu à l'abolition du tonus et des réflexes que lorsque cette

section est brusque ; il y aurait au contraire conservation et même

exagération du tonus et des réflexes lorsqu'elle est lente et pro-

gressive.

Ces divergences d'opinions sont dues, d'après l'auteur, à ce

que les cliniciens interprètent différemment la nature de la lésion

qu'ils observent : les uns, convaincus que la section complète de

la moelle ne donne lieu à l'abolition du tonus et des réflexes que

si la lésion est brusque, considèrent comme répondant à une sec-

tion complète de la moelle les cas que d'autres et Crocq en parti-

culier rapportent à une section incomplète. **

L'examen histologique ne paraît pas jusqu'à présent susceptible

de trancher le différend, quelques tubes nerveux pouvant persis-

ter au milieu des foyers de myélite sans que les réactifs actuelle-

ment en usage puissent les déceler. G. D.

IV. Sur l'influence des excitations sensorielles comme agents pro-

vocateurs des accès d'épilepsie; par FÉa>; (Jozcr2. de Neurologie,

1902, n° 21).

L'influence des excitations périphériques des nerfs sur la pro-

duction de l'épilepsie est bien connue : ce sont en général des

irritations mécaniques ou des lésions traumatiques ou patholo-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 57

giques qui affectent plus ou moins grossièrement les structures.

Les organes sensoriels et en particulier l'appareil auditif sont sou-

vent le siège de ces lésions irritatives, mais les cas où la provoca-

tion est réalisée par l'excitation physiologique d'un nerf spécial

sont beaucoup plus rares.

L'auteur en rapporte deux exemples : dans le premier il s'agit

d'un idiot épileptique dont les crises se manifestent à propos des

excitations sensorielles les plus variées : bruits soudains, lumière

vive, ventilation, odeurs fortes, etc.

Le second concerne un homme de soixante-cinq ans chez lequel

des accès d'épilepsie s'étaient substitués à des crises de migraine

et survenaient constamment à la suite d'explosions bruyantes, de

changements brusques d'éclairage, etc. G. DENY.

V. Recherches expérimentales sur les localisations motrices spi-

nales ; par le professeur 111anIESCO.

L'auteur poursuit le cours de ses intéressantes recherches sur

les localisations motrices spinales, par l'étude du radial dont le

noyau est composé de deux groupes : un premier, plus considé-

rable et mieux défini qui, au niveau de la 7e et de la 8° racine, est

représenté par le noyau intermédiaire, duquel le triceps tire sa

source d'innervation ; et un second groupe postérieur et latéral.

Puis il étudie les altérations consécutives aux désarticulations,

chez le chien, désarticulation cubito-métacarpienne, et désarticu-

lation scaputo-humérate.

L'étude comparative des altérations consécutives aux résections

nerveuses et aux désarticulations semble démontrer que le noyau

de certains nerfs périphériques qui desservent plusieurs segments,

tels que le radial, le médian et le cubital ne constituent pas une

colonne unique et indivisible, mais que cette colonne se bifurque

dans son trajet.

Il en résulte que sur des coupes transversales, on voit assez sou-

vent non pas un noyau unique en réaction, mais deux noyaux.

Ces ramifications secondaires correspondent habituellement aux

segments que les nerfs en question desservent. Il y aurait là une

preuve en faveur de la localisation motrice segmentaire soutenue

par Van Gehuchten (Revue neurologique, juin 1901). E. BLIN.

1. L'auto-représentation de l'organisme chez quelques hysté-

riques ; par le Dr GoMAn.

L'auteur a constaté que non seulement l'hystérique dans l'état

d'hypnose pouvait éprouver plus nettement que d'autres la sensa-

tion de certains organes, mais aussi qu'elle pouvait avoir cons-

cience d'autres organes qui ne se révèlent jamais à nous dans aucun

cas soit physiologique, soit pathologique. Elle peut enfin avoir la

conscience de la constitution anatomique de ses organes et de

58 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

même qu'en passant de l'état d'anesthésie totale à l'état de sensi-

bilité parfaite, elle assiste chez elle-même au retour de la fonction

normale; de même elle peut, dans certains cas, reconnaître non

seulement la position et le fonctionnement d'un de ses organes,

mais aussi sa constitution anatomique et sa structure intime,

ainsi que le prouvent les faits rapportés dans le présent mémoire.

(Revue neurologique, mai 1901). E.B.

VII. L'origine réelle du nerf circonflexe ; par les Drs Parhon

et GOLDSTEIV.

Les auteurs ont étudié, chez le chien, par la méthode des réac-

tions à distance, l'origine réelle du nerf circonflexe.

Au niveau du 4° segment cervical, le contour de la corne anté-

rieure est arrondi ; les groupes cellulaires que l'on peut distinguer

sont au nombre de 6 : antéro-interne, antérieur, antéro-externe,

central, externe et postéro-externe. Le nerf circonflexe, qui innerve

chez l'homme deux muscles, le deltoïde et le petit rond, et qui,

chez le chien, donne encore quelques filets pour le grand rond et

pour le sous-scapulaire, a son origine constituée dans la moelle

par un seul groupe cellulaire, formant un noyau bien circonscrit,

le groupe externe. Alors que le nerf circonflexe a son origine appa-

rente commune avec le radial, son noyau d'origine se trouve tout

à fait indépendant de celui du radial et occupe une situation diffé-

rente dans un autre segment de la moelle cervicale (Revue neuro-

logique, mai 1901). E. B.

VIII. Agénésie bilatérale des lobes frontaux chez une femme ayant

présenté un développement intellectuel à peu près normal ; par

le Dl DIDE.

Il s'agit d'une femme de cinquante-huit ans, atteinte d'alcoo-

lisme chronique avec démence et à l'autopsie de laquelle on trouva

une atrophie symétrique de toutes les circonvolutions frontales,

sauf la frontale ascendante qui est normale.

Dans les régions atrophiées, la caractéristique histologique con-

siste dans la diminution marquée des éléments nobles de l'écorce,

sans que cette diminution résulte de phénomènes dégénératifs du

côté des cellules nerveuses : c'est une véritable agénésie.

Malgré cela, le développement intellectuel a pu s'opérer d'une

façon à peu près normale, permettant à cette femme d'apprendre

à parler, de s'instruire même un peu, à une époque où, en Bre-

tagne, les gens du peuple étaient presque tous illettrés, de s'occu-

per de son intérieur, d'en faire en somme une femme normale.

L'équilibre instable ne s'est traduit que d'une façon éphémère, à

l'âge de trente ans. Il y a lieu de s'étonner que de pareilles alté-

rations puissent coïncider avec une symptomatologie psychique

aussi légère (Revue neurologique, mai 1901). E. B.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 59

IX. Contribution à la psychologie des symptômes de la catatonie ;

parR. VoGT. (Centralbl. f. Nervenheilk. XXV. N. F. YIII. 1902.)

Kraepelin et Sommer disent que les divers symptômes de la

catatonie (catalepsie, écholalie, échopraxie, négativisme, stéréo-

typie des attitudes et des mouvements, incohérence des idées, gri-

maces, impulsivité), tous d'origine mentale, émanent d'un même

mécanisme, c'est-à-dire de la stéréotypie ou tendance au maintien

d'un jeu d'innervation déjà créé, voire à la répétition de catégories

de mouvements, et de la suggestibilité qui consiste en des troubles

morbides de l'activité volontaire.

En réalité, aucun acte ou mouvement conscient ne peut avoir

lieu que si, au préalable, le champ de la conscience est visité par

l'idée de ce mouvement ou de cet acte. Si cette idée ne se heurte

pas à des idées opposées, le mouvement, qui a dès lors lieu, est

idéomoteur, l'acte s'effectue sans qu'intervienne la décision de la

volonté. Tel est le cas de la plupart des actes habituels. S'il se pro-

duit des idées de mouvement concurrentes, il faut qu'elles soient

chassées du champ de la conscience : c'est le rôle de la volition ;

l'idée victorieuse entraîne l'acte de choix.

Le degré de netteté dans le champ de la conscience des idées de

mouvement dépend de l'activité des centres psychomoteurs. Les

mouvements en rapport avec l'exercice et la grande activité des

centres psychomoteurs s'effectuent, s'ils ne rencontrent pas de

stimulus contraires, sous l'influence d'une idée motrice toute pas-

sagère, à demi consciente, qui demeure à la périphérie de la con-

science : ce sont des mouvements coulants à demi involontaires.

Existe-t-il en revanche des stimulus concurrents, y a-t-il torpidité

des centres, il faut, pour que l'acte s'accomplisse, que l'idée de

mouvement soit renforcée par l'intensité de l'attention : travail

pénible entraînant la sensation d'une tension volontaire vigou-

reuse. Cette tension se traduit par des mouvements associés qui

tiennent à ce que l'irritation volontaire irradie sur les centres voi-

sins à raison d'un arrêt de la décharge.

Ce n'est pas tout. Les phénomènes physiologiques'corticaux qui

accompagnent une idée ne cessent pas immédiatement à l'instant

où cette idée disparait du champ de la conscience. Ils subsistent

bien qu'affaiblis et il suffit d'un choc minime pour leur rendre une

vigueur suffisante, pour que l'idée correspondante renaisse. Ceci

est manifeste en ce qui concerne les heures de cours et les récréa-

tions intervallaires : il reste pendant celles-ci une empreinte sub-

consciente du sujet de l'enseignement précédent, évidemment due

aux échanges nutritifs intracorticaux correspondants, qui ramène

les idées en question dès que l'on se dispose àreprendre la suite du

cours. Seulement la persistance du travail intra-cortical s'évanouit

dès que le champ de la conscience est pourvu d'un nouvel objet.

60 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Or, dans la catatonie, l'aptitude ci la persistance du fonctionnement

psychophysique engendré par le mécanisme d'une idée est exagérée.

Les phénomènes d'innervation dus à ce mécanisme tendent à se

prolonger et à se répéter. Les idées déjà effectuées demeurent

ainsi longtemps clichées et se peuvent à nouveau réengendrer.

Plus le même phénomène psychique se répète, plus facilement, à

raison de l'exercice, il se produit, d'où la stéréotypie. L'aptitude

exagérée à la persistance psychomécanique suppose que nul autre

objet n'occupe le champ de la conscience, que celui-ci est rétréci;

de là la ressemblance de l'état hypnotique et de l'état ca<a<0)ttMe.

Applications. On lève le bras d'un malade de ce genre, on

éveille ainsi en lui l'idée qui correspond à la position de son bras;

tant que cette idée se maintiendra sans concurrence dans le

champ de la conscience, le bras conservera la position qu'on lui a

donnée : catalepsie. Les idées concurrentes qui pourraient chasser

cette idée et, par suite, interrompre l'attitude, tels le sentiment

de la fatigue, l'idée de l'incommodité de la position, etc., etc., ces

idées dérivatrices ne viennent pas parce que le champ de la cons-

cience est diminué. La catalepsie subsiste. Plus forte est l'aptitude

à la persévérance du mécanisme cortical correspondant, plus fai-

blement agissent les idées dérivatrices. Levez l'autre bras du sujet,

ou persuadez lui que la position qu'il a-est absurde, vous dis-

trayez son attention de l'idée première, l'innervation du bras cata-

leptique ne s'effectue plus, il retombe.

Le rétrécissement du champ de la conscience du catatonique

explique que les actes des autres personnes puissent engendrer

chez eux des idées qui enchaînent leur attention et se maintiennent

sans concurrence : il en est qui sont ainsi imitateurs et suygeshbles.

Mais il peut arriver que des idées à mécanisme persévérant

bloquent le champ de la conscience et alors ces suggestions

restent inactives, ne pénètrent pas ce champ. Par contre, certains

stimulus accidentels ou erratiques peuvent y pénétrer et aboutir

aussitôt à des impulsions, précisément parce qu'à cause de l'étroi-

tesse du champ en question, ils ne sont point arrêtés.

L'état de négativisme consisterait simplement, d'après Sommer,

en l'exagération de la tendance à immobiliser les attitudes ; en

d'autres termes, la persistance du travail intra-cortical serait en

l'espèce très accusée. P. KERavaL.

X. Un macrotome ; par N. SCIIIPON. (Obozrénié psichiat7-ii.

vil, 1902.)

Appareil destiné à débiter le cerveau en coupes régulières plus

ou moins épaisses. Il se compose d'une plaque de cuivre horizon-

tale large de 10 centimètres, longue de 25 centimètres, épaisse de

5, munie d'une échelle métrique horizontale aussi. Le long de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 61

cette plaque et par suite de cette échelle se meut à frottement une

espèce de pont agrémenté d'un parapet vertical. Le long de ce

parapet et des montants verticaux du pont on fait glisser le

couteau. ·

On installe sous le pont le cerveau garni de ouate humide en

l'orientant comme on le désire, de façon à ce qu'il dépasse la

voûte formée par le parapet. Le rasoir ou le couteau glisse le

long de ce dernier et des montants. Il suffit ensuite de faire

avancer le pont de la longueur mesurée sur l'échelle de la plaque

pour obtenir une coupe de l'épaisseur voulue par rapport à la

première section et ainsi de suite. Tandis qu'on procède à la sec-

tion il est indiqué de maintenir le cerveau dans sa situation avec

la mam. On fera bien aussi de ne pas le placer directement sur la

plaque de cuivre mais sur une pièce de liège interposée.

P. E.ERAVAL.

XI. Contribution à l'anatomie pathologique de l'hydrocéphalie

interne ; par G.'l'R03CHI\E. (Oboarénié psichiatrii. VII, 1902.)

Les documents bibliographiques passés en revue par l'auteur

montrent l'intérêt qu'il y aurait à déterminer les lésions anato-

miques présidant : 1° à l'hydrocéphalie ventriculaire idiopathique

des adultes ou méningite séreuse des ventricules de Quinke; 2° à

la symptomatologie de la pression exercée, sur le cerveau soit

dans les limites de la théorie de Bergmann, soit dans celles de la

théorie d'Adamkiewicz ; 3° à l'état, du fait de cette pression, de

la substance blanche, de la substance grise, de la névroglie, des

vaisseaux et des méninges.

Voici cinq observations dans lesquelles les ventricules latéraux

étaient dilatés à des degrés et pour des raisons différentes. Les

cas 1 et 2 concernent une hydrocéphalie interne consécutive à

l'encéphalite chionique diffuse et à la folie systématisée chro-

nique, anatomiquement, à l'atrophie générale du cerveau. Dans

les observations 4 et 5 (sarcome de la région du quatrième ven-

tricule, tumeur des tubercules quadrijumeaux et du cervelet), le

trou de liagendie, la région des nerfs crâniens du quatrième ven-

tricule, l'acqueducde Sylvius, étaient comprimés.

Enfin le troisième cas a trait à l'hydrocéphalie interne idiopa-

pathique. L'affection a débuté soudain. La malade, une femme de

soixante ans, tombe tout à coup dans la rue, le 19 juin 1901 ; il

s'ensuit une perte de connaissance courte. On la transporte à

l'hôpital où on diagnostique une paralysie générale. A l'asile on

constate une faiblesse musculaire généralisée, des troubles du lan-

gage, de la confusion mentale; on diagnostique une démence

organique. Elle demeure presque constamment au lit sans faire

grand mouvement, et meurt dans le coma le 12 septembre. L'au-

topsie révèle que les vaisseaux méningés sont gorgés de sang, les

62 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

granulations de Pacchioni très accusées. La pie-mère épaissie et

trouble s'enlève très aisément. Circonvolutions grosses. Les ven-

tricules, fortement dilatés, sont pleins d'une grande quantité de

liquide séreux. -

En somme, la plus grande dilatation des ventricules appartient

aux cas à tumeurs ; vive aussi, celle de l'hydrocéphalie interne

idiopathique. Moindre est-elle dans les exemples d'atrophie du

cerveau. L'examen, dans tous ces types, du corps calleux, des

parois des ventricules latéraux, l'étude des altérations de l'épen-

dyme, des cellules épithéliales, de la substance grise sous-épen-

dymaire, des vaisseaux, et de la dégénérescence du corps calleux,

fort détaillés dans ce mémoire, se traduisent par les conclusions

qui suivent.

Il y a lieu d'admettre une hydrocéphalie interne inflammatoire.

Les différences marquées entre l'observation 3 d'hydrocéphalie

interne idiopathique ( ? ) et les autres cas sont topiques. On y voit

la prolifération des cellules épithéliales, l'hyperplasie de la névro-

glie et de la couche sous-épithéliale, la dilatation des vaisseaux,

l'infiltration du tissu par de petites cellules, les traces d'un

exsudat. Les autres cas ne présentaient pas toute la complexité de

ce tableau. Il existe une analogie entre la compression mécanique

de la moelle et l'hydrocéphalie interne, car dans celle-ci la subs-

tance blanche (corps calleux) est affectée ; or, dans la compres-

sion de la moelle, c'est elle qui est surtout altérée. Quant à l'ori-

gine et au substratum anatomique de l'hydrocéphalie interne, il

est impossible de n'alléguer que l'anémie qui, dans la théorie de

Bergmann, émane de la compression des vaisseaux : on se trouve

en présence d'une lésion du tissu même du cerveau et, par-dessus

tout, du corps calleux.

La dégénérescence du corps calleux est-elle capable d'expliquer

les manifestations cliniques qui accompagnent l'hydrocéphalie

interne ? Les phénomènes cliniques de cette dernière sont très

complexes et polymorphes : parfois elle passe inaperçue (Quinke);

elle peut se borner à des symptômes de neurasthénie cérébrale

(Quinke), elle peut aussi simuler la paralysie générale (Bresler,

Burr et Carthy). Les lésions du corps calleux sont aussi indécises

au point de vue symptomatique. Sur 17 tumeurs de cet organe,

2 seulement ont été diagnostiquées pendant la vie (Bristonie et

Giese) : on a dû se contenter du diagnostic de tumeur du cerveau.

Sur 20 cas de lésions du corps calleux (surtout des tumeurs),

4 ne se sont traduits par aucun symptôme (Kaufmann, Erb, Ber-

kley, Leichtenstern) et il n'a pas manqué de cas dans lesquels au heu

d'une tumeur on avait diagnostiqué une paralysie générale (Bruns).

Quant aux physiologistes leurs expérimentations sont, ou néga-

tives, ou contradictoires. L'étude anatomoclinique du corps cal-

leux a, du reste, le bilan suivant : sur 20 cas où le corps calleux

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 63

fut trouvé lésé, un seul, celui de Zingerle, témoigne d'une altéra-

tion isolée du corps calleux ; dans tous les autres, la destruction

de celui-ci s'accompagne de lésion d'une portion plus ou moins

moins étendue de l'hémisphère, et même dans le cas de Zingerle

il y a compression de la couche optique. Un symptôme seul,

relevé par la majorité des auteurs, est presque indubitablement

lié à la lésion du corps calleux, c'est la diminution de l'intelli-

gence. Rapprochons donc ce fait de la dégénérescence du corps

calleux dans l'hydrocéphalie interne, et de la destruction des

cellules de l'écorce cérébrale qui va de pair avec celle des fibres

du corps calleux (Forel). On peut adopter en conséquence l'opi-

nion de Bruns : « l'obtusion intellectuelle est le symptôme mental

spécifique... et la résultante de la compression générale du cerveau

et, en particulier, de l'hydrocéphalie interne. » P. KERAVaL.

XII. Calcification du Péricarde; par Francis 0. Simpson. (The Journal

of Mental science, juillet 1902).

C'est une affection rare : l'observation et l'autopsie suggèrent à

l'auteur les réflexions suivantes, qui en sont en quelque sorte le

résumé : 1° La lésion était très étendue, et, autant qu'on a pu s'en

assurer, elle n'était consécutive à aucune maladie sérieuse ayant

été remarquée par la famille, et elle était survenue sans que, à

aucun moment,le malade ait dû interrompre ses occupations de jar-

dinier.L'état pathologique était très ancien et n'avait certainement

pas pu prendre naissance pendant les seize mois que le malade a

passés à l'asile. 2° Pendant la dernière période de la vie, il y a eu

des vomissements qui paraissent se rattacher à une tumeur de

l'aine gauche, ayant simulé à certains égards une hernie épiploi-

que, et qui paraît avoir été un engorgement ganglionnaire. L'idée

d'une exploration sous le chloroforme fut examinée et repoussée,

heureusement, en raison des troubles cardiaques. 3° Il est très

difficile chez les aliénés atteints de maladies du coeur de préciser

les cas favorables à une intervention chirurgicale, car les signes

physiques sont souvent très obscurcis et les renseignements erro-

nés ou peu dignes de foi. Dans le cas actuel, il est à peu près cer-

tain que l'anesthésie aurait entraîné la mort.

R. de iIUSGRAVE-CLAM.

XIII. Note sur les lobes préfrontaux et la localisation des fonctions

mentales ; par P. W. IAC-DON.%LD. (The Journal of Mental

science, janvier 1902).

Le malade dont l'observation sert de base à cette note avait

séjourné à l'asile de Dorchester pendant plus de 23 ans et avait,

au moment de sa mort, près de 60 ans. C'était un imbécile congé-

nital, dont la tête était de forme à peu près normale, le corps et

64 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

les membres courts : il était atteint depuis sa naissance de para-

plé-ie spasmodique primitive ; il ne savait ni lire ni écrire, mais

il marmottait quelques mots, et jusqu'à un certain point, parais-

sait savoir ce qui se passait autour de lui, et arrivait, moitié par

ses marmottements, moitié par signes, à se faire comprendre ; il

succomba à une affection pulmonaire chronique. Le professeur

Heid, d'Aberdeen, qui a examiné le cerveau le décrit ainsi : « On

» remarque sur ce ce cerveau l'absence de scissure longitudinale

» supérieure à la région frontale et à la partie antérieure de la

» région pariétale, en sorte que les lobes des deux côtés opposés

» se continuent l'un avec l'autre, leurs circonvolutions se réunis-

» sant sans interruption. Il existe aussi une insuffisance marquée

» de développement du corps calleux. »

Ces constatations rendent la pièce anatomique fort intéressante :

on se serait attendu à rencontrer dans ce cas des déformations

crâniennes extérieures qui faisaient défaut. La pièce devant pro-

bablement servir de base à une note d'anatomie pathologique,

l'auteur n'insiste pas, et se borne à poser la question suggérée

par cet état cérébral, et par l'état mental du malade - de savoir

s'il y a un rapport, et quel est le rapport, entre les facultés intel-

lectuelles et l'arrêt de développement des lobes préfrontaux.

Il y a actuellement deux théories en présence relativement à la

localisation de la mentalité, ou, en termes plus concrets, des

facultés intellectuelles. La première place le siège de ces facultés

dans les lobes préfontaux, la seconde le place dans les lobes occi-

pitaux. Désirant s'appuyer sur des faits plutôt que sur des opi-

nions, l'auteur a relevé les autopsies d'idiots et d'imbéciles qui ont

été faites à l'asile de Dorchester de 1883 à 1901 et il a trouvé

les ' chiffras suivants : sur quarante autopsies, il a trouvé 25 fois

un cerveau de dimensions moyennes, sans arrêt marqué de

développement, mais avec de grandes irrégularités dans les circon-

volutions ; 12 fois des irrégularités très accentuées et accompa-

gnées d'arrêt de développement dans les lobes préfrontaux; -

2 fois des lobes occipitaux petits et 'arrêtés dans leur développe-

ment ; enfin dans un cas il y avait des irrégularités et un défaut

de développement à la fois dans les lobes préfrontaux et dans les

lobes occipitaux. Ces faits viennent donc à l'appui de la théorie

qui localise les fonctions intellectuelles dans les lobes antérieurs,

mais ce qu'ils démontrent plus clairement encore c'est que la loca-

lisation rigoureuse de ces facultés est loin d'être aussi précise

que le soutiennent l'une ou l'autre des deux écoles.

R. de MUSGRAVE-CLAY.

XIV. Localisation cérébrale et fonctionnement du cerveau ; par

L. HARR150N-IETTLEit. (Tlie Neto-Yoi,li médical Journal, 7 juin,

21 juin et 28 juin 1902).

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 65

L'auteur a résumé lui-même son intéressant travail dans lès con-

clusions suivantes :

1° Les aires motrice et sensorielle connues de l'écorce cérébrale

ne sont pas nettement différentiables l'une de l'autre, comme l'a-

vaient d'abord supposé Ferrier et ses partisans ;

2° Elles ne sont pas non plus, en tant que foyers séparés, d'une

telle nature ni d'une importance relative si faible que l'on puisse

considérer l'action du cerveau comme l'action d'un organe unique

ainsi que l'ont soutenu Goltz et son école ;

3° Il existe dans l'épaisseur de la couche corticale des centres

moteurs et des centres sensoriels, séparés; mais ils sont étroite-

ment entremêlés et présentent les uns avec les autres les plus inti-

mes connexions ;

4° Les aires motrice et sensorielle ont les unes et les autres des

foyers d'intensité spéciale, les premiers dans le lobule central, les

derniers dans les lobules postéro-pariétaux ;

5° En même tempsqu'uue communication générale et réciproque

entre tous les élément sensoriels et moteurs de l'écorce, il existe une

connexion des plus intimes entre les cellules sensorielles et mo-

trices reliées qui président aux régions correspondantes du

corps ;

6° La fonction primitive de ces groupes sensitivo-moteurs corti-

caux de cellules, en tant que groupes accouplés, consiste à déter-

miner des actions réflexes analogues à celles que déterminent les

arcs réflexes sensitivo-moteurs des divers segments de la moelle.

Ce fait est démontré par le développement morphologique et em-

bryologique de l'axe cérébro-spinal tout entier, et il explique de la

manière la plus satisfaisante la majorité des phénomènes sensitivo-

moteurs tant dans les expérimentations physiologiques que dans

les observations clinico-pathologiques;

7° La mentalité est sous la dépendance des phénomènes sensi-

tivo-moteurs, et il est probable par conséquent qu'elle est une

fonction des couches corticales, des ganglions de la base, et du

système nerveux tout entier. La mentalisation consciente est pro-

bablement une fonction des couches corticales seules. L'importance

relative des différentes zones corticales dans la production des

phénomènes mentaux n'est pas actuellement déterminée ;

8° L'inhibition paraît être la différenciation la plus tardive et la

plus élevée dans les fonctions de la substance nerveuse, bien que,

considérée en elle-même, elle ne soit qu'une fonction plus ou moins

latente de toute la substance nerveuse, dont le degré d'acti-

vité varie simplement suivant la période de développement ner-

veux ;

9° L'inhibition est probablement la fonction spéciale du cerveau

antérieur,, et, par là, elle confère à cette partie du système ner-

veux une sorte de commandement sur le reste de l'appareil ner-

AkCHIVRS, 2° série, t. \Vl. 5

66 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

veux. On a donc raison de dire du cerveau antérieur qu'il est sur-

tout un centre psychique, bien que, si l'on va au fond des choses,

on constate que ses fonctions réflexes et ses fonctions d'inhibition

différent plutôt par leur degré que parleur nature propre des fonc-

tions réflexes et des fonctions d'inhibition des ganglions qui siè-

gent en des régions beaucoup plus basses de l'axe cérébro-

spinal ;

10° L'action inhibitive du cerveau antérieur apparaît dans la

sphère de la conscience et constitue ainsi la base de la volition.

Elle est supérieure dans sa force et dans ses manifestations, mais

elle n'exclut pas l'exercice de cette même fonction, à un degré

inférieur, par des régions plus basses du système nerveux sur des

régions situées encore plus bas qu'elles;

11° Les fonctions sensitivo-motrices de l'écorce cérébrale sont de

nature psychique, mais elles agissent sur les parties extérieures du

corps par l'intermédiaire de la moelle et des ganglions spéciaux,

absolument de la même manière que le plus élevé de tous les cen-

tres psychiques, le cerveau antérieur et d'autres territoires

associés encore indéterminés à l'heure actuelle agit sur le corps

par l'intermédiaire de l'écorce sensitivo-motrice, des ganglions spé-

ciaux et de la moelle ; .

12° Finalement, l'inhibition et l'action réflexe étant la propriété

spéciale de toute substance nerveuse se rencontrent à des degrés

divers du haut en bas de l'échelle nerveuse, depuis la substance à

organisation élevée de l'écorce, qui parait à cause de cela être le

i-iège de la mentalité, jusqu'aux ganglions les plus primitifs de la

moelle, qui ne conservent que le degré le plus faible ou la forme

la plus élémentaire d'irritabilité réflexe.

H. DEMusGRAVE-CLAY.

XV. Un cas de tumeur cérébrale, par le Dr CUYLITZ. (l3zcll. de la

Soc. de Belgique), 1903, n° 108.

Il s'agit d'une femme de cinquante ans, se plaignant souvent de

'migraines qui était atteinte, mais seulement d'une façon intermit-

tente, d'hémiplégie droite avec aphasie, obnubilation des facul-

tés, etc., et à l'autopsie de laquelle on trouva au niveau de l'hémi-

sphère cérébral gauche dans la région rolandique, une volumineuse

tumeur charnue très vascularisée, et indépendante du cerveau.

L'examen histologique de cette tumeur n'a pas été pratiqué.

G. 1)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

1. Abcès traumatique du lobe occipital droit avec symptômes

cérébelleux Abcès cérébelleux d'origine otique à symptoma-

tologie fruste ; par MAI. S. L. Reverdin eteALLETTE. (lieu, médicale

de la Suisse romande, avril 1902.

Le titre de ce travail en indique nettement l'intérêt. Il s'agit de

deux cas d'abcès encéphalique dont l'unsiégeait dans le lobe occi-

pital droit bien qu'il fût accompagné de symptômes cérébelleux et

dont l'autre au contraire était situé dans le cervelet malgré l'ab-

sence de ces mêmes symptômes. La ponction lombaire fut prati-

tiquée deux fois sans inconvénient chez le premier malade dont

l'abcès avait eu pourpoint de départ une plaie infectée delà région

occipitale.

Chez le second malade c'est à une otite moyenne et à une mas-

toïdite suppurée opérée antérieurement qu'il faut attribuer la

cause de l'abcès du cervelet. A l'autopsie ou n'a pas pu trouver la

voie de propagation de la suppuration la face postérieure du

rocher et la dure-mère étaient saines, de la mastoïde au cervelet

on est donc obligé d'admettre que la propagation ne s'est pas

faite de proche en proche, mais que les germes infectueux ont été

transportés du foyer mastoïdien au cervelet, probablement par

les voies lymphatiques ou peut-être à la faveur d'une thrombose

veineuse. La voie mastoïdenue peut donc au point de vue chi-

rurgical se trouver en défaut et ne pas conduire toujours sur la

collection encéphalique. Si donc après une recherche infructueuse

par cette voie, les accidents persistants ne témoignent de l'exis-

tence de cette collection on devra ouvrir le crâne indépendam-

ment de la brèche mastoïdienne; malheureusement les signes de

de localisation sont trop souvent absents ou insuffisants.

Dans ce cas les signes qui pouvaient mettre sur la voie du dia-

gnostic étaient le nystagmus caractéristique des lésions du cer-

velet, puis la douleur occipitale et les signes de compression bulbo

protubérentielle causée par l'abcès.

Chez le premier malade, c'est la constatation de troubles allô-

niques, des vertiges, du strabisme qui a fait supposer que l'abcès

se trouvait dans le cervelet tandis qu'il siégeait au pôle occipital

au voisinage de la plaie osseuse constaté. Le seul symptôme qui

eût permis de localiser l'abcès dans le lobe occipital, l'hémianopsie

faisait défaut ou du moins les réponses évasives du malade n'ont

n'ont pas permis de la constater. G. DENT.

68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

IL A propos du goitre exophtalmique. Le centre bulbaire.

Traitement par le thymus; par le D1' Bienfait (de Liège) (./0 ! ;nt.

de Neurologie, 1902, n° 21).

Pour expliqner le rôle du grand sympathique et des nerfs vagues

dans la pathogénie de la maladie de Basedow l'auteur admet

l'existence, d'une lésion portant à la fois sur ces deux nerfs dans

la moelle allongée. D'après les expériences relatées dans cette

note cette lésion serait située au niveau du bord externe du 4e ven-

tricule au voisinage des corps restiformes. Cette région dont la

blessure donne lieu à la plupart des symptômes basedowiens peut

donc être considérée comme le centre bulbaire du goitre exophtal-

mique. Suit ensuite l'observation d'une malade atteinte de cette

affection qui a pris pendant deux mois plusieurs pilules par jour

de thymus de veau frais et cru et qui a été très améliorée par ce

traitement. G. DENY.

III. Syndrome occipito-cérébelleux; par L. Marchand (Journ. de

Neurologie, 1902, no 21).

La céphalalgie, les vomissements, les vertiges, la titubation, for-

ment les symptômes fondamentaux des tumeurs cétébelleuses.

Parmi les autres symptômes que l'on rencontre ordinairement, il

convient de mettre en première ligne les troubles visuels dus, soit

à l'hypérémie, soit à l'eedème de la pupille, soit encore à une

neuro-rétinite.

Dans l'observation qui fait l'objet de ce travail les troubles

visuels concomitants des symptômes cérébelleux étaient dus à une

compression des lobes occipitaux en même temps que du cervelet

par une gomme que l'auteur a cru pouvoir localiser sur la tente

du cervelet.

Le traitement spécifique énergique que subit la malade a eu

pour conséquence une résolution rapide des lésions. Il consista en

l'injection intra-musculaire de 10 centigrammes de biodure de

mercure et de 4 grammes d'iodure de potassium dissous dans

2 centimètres cubes d'eau. Cette injection fut renouvelée tous les

deux jours pendant un mois sans aucun accident.

Il faut noter que les accès d'épilepsie que présentait la malade

survécurent à la disparition des autres troubles organiques ce qui

semble prouver qu'ils n'étaient pas d'origine syphilitique bien que

l'apparition du premier accès quelque temps après le début de

l'infection semble plaider en faveur de cette étiologie. G. D.

IV. Deux cas de maladie nerveuse familiale intermédiaire entre

l'hérédo-ataxie cérébelleuse et la maladie de Friedreich; par

les Drs LENOBLE et AUBINFAU.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69

Il s'agit de deux cas d'hérédo-ataxie cérébelleuse d'une forme

particulière caractérisée :

10 Par le début précoce de signes oculaires dans l'enfance et

leur évolution progressivement croissante ;

2° Par l'apparition relativement tardive des autres phénomènes

nerveux ;

3e Par la tendance à revêtir un certain nombre de caractères de

la maladie de Friedreich.

On constate, en effet, chez les frères G.... des signes se ratta-

chant nettement à l'hérédo-ataxie cérébelleuse (manifestations du

fond de l'oeil, tremblement de la langue, tremblement des mains,

exagération légère des réflexes rotuliens, incertitude motrice dans

l'obscurité) ; des signes de la maladie de Friedreich (conservation

de l'intelligence, migraines, réflexes abolis d'un côté chez un

malade) ; et des signes communs à ces deux types cliniques

(nystagmus, déviation vertébrale, absence de troubles de sensi-

bilité, intégrité du goût, de l'ouïe, de l'odorat). (Revue neurolo-

gique, avril 1901). E. BLIN.

V. L'aphasie hystérique; par M. G. GUILLAIN.

L'histoire de l'aphasie hystérique prouve que son existence est

incontestable et que la grande névrose est susceptible de créer'une

des formes quelconques de l'aphasie motrice ou de l'aphasie

sensorielle.

L'auteur rapporte une intéressante observation où le diagnostic

se pose entre une hémiplégie organique avec aphasie et une

hémiplégie avec aphasie de nature hystérique : de par le mode

de début de l'affection, de par sa marche, de par l'apparence

symptomatique observée, l'hémiplégie droite ancienne et l'aphasie

dont est atteint le malade en question, doivent être considérées

comme de nature purement hystérique. Un fait à noter, c'est

qu'il est impossible de fixer actuellement les caractères de l'aphasie

hystérique. Ce sont les bizarreries dans l'aspect de l'affection,

dans son évolution, l'état mental particulier des malades qui per-

mettront d'éliminer l'idée de lésion organique (Revue neurologique,

avril 1901). E. B.

VI. Les causes provocatrices et la pathogénie des tics de la face

et du cou ; par les 1)S ME1GE et Feindel.

Au début, et à propos d'une cause banale, généralement afin

d'atténuer une gêne ou d'éviter une douleur, d'autres fois pour

éprouver une sensation nouvelle qui semble agréable à tort où à

raison, le futur liqueur veut faire un mouvement et le fait en effet,

avec raison, avec logique. Il le répète judicieusement peut-être ;

mais peu à peu, se laissant entraîner, il le répète encore, plus

70 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il ne serait raisonnable, sans se lasser. Ainsi se crée et se dresse

une habitude qui bientôt devient impérieuse, irrésistible ; voilà le

tic constitué.

Lorsqu'on a découvert la cause du mouvement initial qui peu a

peu est devenu un tic,-les procédés de correction à employer

contre ce dernier se déduisent logiquement de son étiologie même ;

le traitement semble alors d'une application plus facile ; ses effets

sont plus rapides.

Il n'est donc pas sans intérêt d'entrer, comme l'ont fait les

auteurs, dans quelques détails sur les causes provocatrices des

tics; leur connaissance peut éclairer la pathogénie de ces acci-

dents convulsifs et faciliter leur guérison.

Il demeure entendu que les causes occasionnelles sont insuf-

fisantes à elles seules pour créer les tics. Une prédisposition héré-

ditaire est indispensable pour opérer la transformation d'un geste

volontaire en un mouvement automatique irrésistible. Une insta-

bilité, une débilité congénitales de la volonté sont des facteurs

étiologiques qui ne peuvent jamais faire défaut chez les tiqueurs.

Sans eux le tic, maladie psychique par excellence, ne saurait

exister. (Revue neurologique, avril 1901). E. B.

VII. Sur une forme de myopathie progressive primitive avec

ptosis bilatéral et participation des muscles masticateurs ; par

M. le D 1. MARIE.

La division de la myopathie progressive en trois formes, d'après

la localisation de l'affaiblissement musculaire, est actuellement

classique.

Lorsque l'affaiblissement débute et se localise dans les membres

inférieurs, la forme est dite de Leyden llfubius; quand il occupe

surtout les muscles de la ceinture scapulaire et de la ceinture

pelvienne, on a affaire à la forme juvénile de Erb ; enfin, si les

muscles des lèvres et l'orbiculaire des paupières sont affectés, on

se trouve en présence de la forme facio-scapulo-liumérale de

Landouzyet Déjerine. Il semble cependant qu'a côté de ces formes

fondamentales il y ait lieu de faire une place à part à des cas

très rares qui, par suite de particularités assez importantes, ne

sauraient être classées dans aucune des formes précitées.

Dans l'observation qui fait l'objet du présent travail, à un

ensemble de symptômes bien nettement myopathiques se sont

joints des phénomènes de ptosis bilatéral et d'affaiblissement des

muscles masticateurs qui n'appartiennent nullement à la forme

facio-scapulo-liumérale de la myopathie. C'est ainsi que l'occlusion

des paupières est à la vérité affaiblie, mais elle peut cependant

s'exécuter d'une façon complète et il existe au contraire un ptosis

double très accentué, très différent de ces « yeux grands ouverts »

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. -il

dont il est question dans la description du type facio-scapulo-

huméral. De plus, les lèvres ne sont pas très grosses, il n'existe ni

« lèvre de tapir », ni « rire en travers », l'action des zygomatiques

est bien conservée.

En revanche, il existe un affaiblissement très prononcé, on

pourrait presque dire une disparition des mouvements de masti-

cation, qui n'appartient nullement à la forme facio-scapulo-

humérale. (Revue neurologique. lfai 19ûl). E. B.

VIII. Contribution à l'anatomie pathologique de la chorée hérédi-

taire ; par les De, LANNOIS, PAVIOT et IOUISSET.

La chorée héréditaire ou de Iluntington est aujourd'hui bien

connue en ce qui concerne son étiologie et sa symptomatologie,

mais les données fournies par les observateurs ne sont pas inter-

prêtées par eux de manière univoque. C'est ainsi qu'on retrouve

toujours une infiltration interstitielle et péricellulaire de petites

cellules rondes, à gros noyau, à protoplasma souvent impercep-

tible, dans tout le cortex.

Deux hypothèses sont en présence sur la nature de ces petites

cellules rondes ou grains. Pour les uns, ce sont des leucocytes et

la lésion de la chorée héréditaire est une inflammation circons-

crite corticale et sous-corticale ou une encéphalite interstitielle

chronique diffuse. Pour les autres, c'est une lésion d'origine

névrogtique.

Dans un cas rapporté tout au long par les auteurs, la lésion

dominante était l'infiltration de grains fortement colorés en bleu

par la méthode de Nissl dans l'écorce et la substance blanche de

la circonvolution, la couche moléculaire du manteau gris étant

respectée.

C'est bien là la lésion la plus évidente et la plus constante de la

chorée progressive héréditaire, celle que les observateurs les plus

récents s'accordent à regarder comme le substratum organique

delà maladie. On peut discuter sur sa signification, croire avec

les uns qu'il s'agit là d'éléments trahissant une évolution anormale

de la névroglie, ou bien admettre avec les autres une encéphalite

miliaire ou diffuse : il n'en reste pas moins acquis que cette lésion

existe et qu'elle est très facile à mettre en évidence. Et c'est elle

qui rend le mieux compte de l'évolution des symptômes dans la

chorée héréditaire. (Revue neurologique, mai 1901). E. B.

IX. Névrômes intra-médullaires dans deux cas de syringomyélie

avec mains succulentes ; par le Dr Bischossvverder.

L'auteur en étudiant des coupes de moelle dans deux cas de

syringomyélie, y a rencontré des névrômes dont il donne une

description topographique et anatomique.

72 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Or dans les deux cas il s'agissait de syringomyélie, avec mains

succulentes : il est donc légitime de se demander, autant que

permet de le faire l'étude de deux cas seulement, si la syringo-

myélie avec mains succulentes ne présente pas quelque chose de

particulier et si le renflement cervico-dorsal névromateux avec les

nerfs pathologiques du plexus bracliial, ne constitue pas un syn-

drome spécial à cette forme de syringomyélie (Revue neurologique.

Février 1901). E. B.

. X. Des mouvements athétosiques dans le tabes dorsalis ;

par le D BOINET.

Certains ataxiques peuvent présenter, même au repos, des, mou-

vements spontanés, involontaires, arythmiques, qui offrent tantôt

le type choréiforme, tantôt l'aspect athétosique. Ces mouvements

athétoïdes de l'ataxie sont moins violents, plus affaiblis, plus loca-

lisés aux extrémités que les mouvements de l'athétose double. Ils

débutent accidentellement et ne se manifestent avec une certaine

intensité qu'à la période confirmée de l'ataxie.

Leur intensité et leur amplitude augmentent pendant les actes

volontaires et l'occlusion des yeux, ou à l'occasion d'efforts et

diminuent, au contraire, sous l'influence de la volonté, de la dis-

traction, du contrôle de la vue. Le sommeil calme suspend ces

mouvements athétoïdes qui existent même au repos. Ils sont peu

prononcés au début du tabes; maison peut les mettre en évidence

en ordonnant au tabétique de tenir la main en l'air, sans la raidir,

et de fermer les yeux.

Les observations de tabes avec mouvements athétosiques intenses

sont encore assez rares pour justifier la publication des quelques

nouveaux cas présentés par l'auteur. De nombreuses théories ont

été proposées pour expliquer la pathogénie des mouvements athé-

tosiques dans le tabes. Elles ne constituent, pour la plupart, que

des hypothèses plus ou moins ingénieuses qui ne s'appuient sur

aucune autopsie (Revue neurologique, juin 1901). E. B.

XI. Contribution à l'étude des causes de la paraplégie dans le mal

de Pott ; par les Drs Long et MACHAM.

Quelles sont les causes exactes de la paraplégie au cours de la

carie tuberculeuse du rachis ? Dans presque tous les travaux publiés

récemment se retrouve une grande complexité des altérations his-

tologiques de la moelle dans la paraplégie. En dernière analyse,

on arrive aux conclusions suivantes : 1° Il est possible, mais très

rare, qu'un fragment de vertèbre vienne comprimer la moelle;

2° Il est rare également que la tuberculose atteigne la moelle

(tubercules disséminés ou tubercule solitaire); 3° Dans la règle, ce

sont les fongosités interposées entre le rachis et la dure-mère qui

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 73

constituent la cause première de la compression ; 4° Le mécanisme

par lequel surviennent des troubles fonctionnels ou des lésions

histologiques de la moelle est des plus complexe, car il est vrai-

semblable que, dans la majorité des cas, des troubles vasculaires

(ischémie, stase sanguine, oedème) se superposent dans des pro-

portions variables aux effets de la compression directe.

Les trois observations rapportées par les auteurs viennent à

l'appui des principaux travaux publiés sur les paraplégies du mal

de Pott et confirment une conclusion déjà énoncée par d'autres :

au point de vue clinique, ces paraplégies présentent peu de varia-'

tions individuelles ; mais leur anatomie pathologique et, ce qui

est important dans l'espèce, leur pronostic sont des plus variables

(Revue neurologique, avril 1901). E. B.

XI. Amnésie, avec une observation; par S. D. HopMNs. (Tile New-

York Médical Journal, 30 août 1902).

Il s'agit'd'un homme de 35 ans, qui au cours d'une période de

six mois d'excès alcooliques constata une diminution considérable

de sa mémoire surtout à l'égard des événements récents, parmi

lesquels il se souvient pourtant des principaux. A une date déter-

minée dont il se souvient, il était à 1\ew-Iork : plus tard il se

réveille à Denver (Colorado) sans savoir comment il y est venu, et

sans avoir gardé aucun souvenir des faits appartenant à la période

intercalaire, qui avait duré six semaines, 16 août au 21 septembre.

Pendant le mois de juillet l'amnésie avait été partielle, mais du-

rant ces quarant-cinq jours elle avait été totale. L'auteur termine

par quelques considérations sur l'amnésie en général, et conclut

que chez le malade qui fait le sujet de l'observation, la perte de la

mémoire est nettement sous la dépendance des excès alcooliques.

R. de Musgrave-Clay.

XII. Un cas d'atrophie musculaire progressive et un cas de para-

lysie pseudo-hypertrophique chez de jeunes enfants ; par

M. 1VEUSTARDTEII. (The Aew-Yo ? ,Ii médical Journal, 5 juillet

1902).

Cas. L Atrophie musculaire progressive juvénile, (forme

d'Er6). Fillette de six ans, d'origine russe : pas d'antécédents

héréditaires : à treize mois, la mère remarque qu'elle ne peut se

servir du bras droit, et à dix-huit mois qu'elle ne peut- marcher

droit : toutefois, aucune différence de circonférence entre les deux

extrémités : à deux ans, rougeole et coqueluche dont elle guérit

bien.

A l'examen, on trouve les muscles de la partie supérieure du

bras droit et de l'omoplate manifestement atrophiés ; l'enfant ne

peut pas élever le bras.

7t i REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Saillie accusée de l'omoplate droite par paralysie du grand

dentelé : deltoïde gauche nettement atteint. Pupille droite un peu

plus large que la gauche.

Muscles de l'extrémité inférieure gauche notablement atrophiés,

surtout ceux du pied. Démarche chancelante ; l'enfant ne peut se

porter sur la jambe malade. ,

Réflexe du genou absent à gauche, légèrement exagéré à droite.

Lordose accentuée et ventre très proéminent. Tous les muscles

atteints répondent au courant faradique : la réaction de dégénéres-

cence fait totalement défaut.

Ons. IL Pseudo-hypertrophie musculaire (Lipomalosis luxu-

riazzs muscnluris progressiva de Relier). Garçon de huit ans,

d'origine autrichienne, antécédents héréditaires négatifs. Chute

sur la tête ayant laissé une cicatrice frontale : puis faiblesse, mar-

che difficile, à cinq ans, augmentation de volume du mollet, impos-

sibilité de monter un escalier; l'enfant est faible d'esprit. - A

l'examen, démarche chancelante, ventre saillant, lordose lombaire

accentuée, lenteur et difficulté à lever les jambes, chute des orteils

par parésie des extenseurs dorsaux. Mollets volumineux et durs.

Plusieurs muscles (cuisses, bras, omoplate droite) sont hypertro-

phiés et ont perdu toute excitabilité électrique. Absence des

réflexes du genou. Il. DE Musgrave-Clay.

XIII. Tétanos; par Kennetii, E. 1",ELLOGG (T/teJVetu-Yor/c médical

Journal, 12 juillet 1902).

Plaidoyer en faveur de l'acide phénique contre l'antitoxine : l'au-

teur formule les conclusions suivantes :

1° Les chiffres nous montrent autant de guérisons par les agents

pharmaceutiques que par l'antitoxine ;

2° L'emploi du phénol n'empêche par l'administration de l'anti-

toxine ;

3° Il n'y a aucun moyen précis de mesurer l'antitoxine téta-

nique ;

4° L'antitoxine du tétanos n'est pas détruite par la solution

d'acide phénique ;

5° L'antitoxine n'étant pas un produit stable, nous ne sommes

pas autorisés à saturer continuellement l'organisme (ce qui parait

nécessaire) avec un agent sur lequel nous savons relativement peu

de chose. Nous sommes, au contraire, très renseignés sur l'acide

phénique, et nous possédons des moyens précis et sûrs de cons-

tater son action et de déterminer les limites dans lesquelles il con-

vient de l'employer ;

6° Les expérimentateurs n'ont pas toujours réussi à sauver des

animaux infectés, même en ayant recours à des doses énormes

d'antitoxine ;

SOCIÉTÉS SAVANTES. z

7° Il existe des cas qui ont été traités alternativement d'abord

par l'antitoxine, ensuite par les préparations phéniquées, et c'est

ce dernier traitement qui a donné les résultats les plus satisfai-

sants ;

8° Trois cas ont été récemment traités à New-York par l'anti-

toxine, et dans tous les trois la terminaison a été fatale.

R. de lloscnwr-Gr.ax.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 4 juin 1903. - PRÉSIDENCE DE M. P. Ricana

Deux cas d'izénzicraniose.

BRISSAUD LEREBOULLET,présententun malade devingt-qua-

tre ans, chez lequel depuis l'enfance on constate l'existence d'une

hémi-hypertrophie crânienne portant sur la région fronto-parié-

tale gauche et la région sus-orbitaire du même côté. Depuis quatre

ans ce malade a eu une dizaine de crises comitiales sans symptô-

mes associés. Or AIM. Brissaud et Lerebotillet ont observé une autre

malade présentant une hémi-hypertrophie crânienne droite absolu-

mentsuperposableàcelledu premiersujet. Cettemalade asuccombé

en présentant des signes nets de tumeur cérébrale (céphalée, vomis-

sements, cécité), etc.

A l'autopsie en même temps que l'hypertrophie osseuse fronto-

pariétale droite, ou trouva une série de tumeurs duremériennes,

dont une plus volumineuse naissant dans la fosse temporale; les

autres naissant principalement à la face interne de la dure-mère,

dans la région même de l'hypertrophie crânienne. Toutes avaient

les caractères hystologiques du sarcome angiolithique. On peut se

demander si les crises convulsives du premier malade ne sont pas

symptomatiques de productions analogues encore peu développés.

Enfin il y a lieu de rapprocher ces deux faits d'hémicraniose de

l'hémiatrophie faciale de ilomberg, car ils représentent un proces-

sus de même ordre, mais inverse, dont sans doute, on retrouvera

d'autres observations similaires.

Un cas de tabès ayant débuté cinquante ans après l'infection.

\111. DnaemNg, Ciiiray ET CORNÉLIUS. Il s'agit d'un malade, âgé de

soixante-sept ans, qui contracta la syphilis à seize ans. Depuis

76 SOCIÉTÉS SAVANTES.

deux ans, douleurs constrictives et fulgurantes dans les membres

inférieurs. Actuellement, en plus des douleurs qui persistent, on

constate une ulcération de la face inférieure du gros orteil gauche.

Pas de troubles radiculaires de la sensibilité. Incoordination légèie.

Abolition des réflexes tendineux. Signe d'Arôyll-lobertson. C'est

donc un tabes à incubation extrêmement prolongée (cinquante

ans) ; le fait n'a pas encore été signalé, les plus longues ne compre-

nant que trente années.

ni. Raymond, a vu un officier ayant contracté la syphilis en Cri-

mée lors de la campagne et dont le tabes a débuté quarante-cinq

ans après.

M. Babinski, a vu un cas de tabes débuter en 1896 pour une

syphilis prise en 1858, soit trente-huit ans après.

Maladie de Littlesans lésions cérébrales.

M. Déjerine, a pratiqué dans sa carrière trois autopsies de sujets

atteints du syndrome de Little. Un de ces sujets présentait les

lésions cérébrales classiques. Un autre avait un encéphale complè-

tement indemne et des lésions médullaires cervicales. Le dernier

qui fait l'objet de la présente communication était un homme de

soixante-cinq ans, fort intelligent 'atteint depuis sa naissance de

rigidité spasmodique des quatre membres. La congénitalité du

syndrome ne faisait pas de doute. Dans la famille on attribuaitl'in-

firmité du malade à la rencontre faite par sa mère, enceinte de

lui, d'un enfant raidi et paralysé des quatre membres. L'intelligence

était intacte, il n'y avait aucun trouble moteur de la face, pas

d'épilepsie, pas de troubles de la parole, rien du côté des sphinc-

ters, sensibilité normale. A l'autopsie, cerveau absolument intact;

mais à la moelle double lésion avec altérations vasculuires inten-

ses dans le troisième segment cervical, et avec agénésie du

faisceau pyramidal pouvant être suivie jusque dans la région lom-

baire. 11 y aurait donc des cas de la maladie dite de Little où la dou-

ble lésion cérébrale ferait défaut. Le diagnostic différentiel (d'inté-

rêt purement scientifique d'ailleurs) se ferait par l'intégrité de

l'intelligence et delà face et par l'absence d'attaques épileptilormes

Le cas actuel semblerait dû à une artérite syphilitique intra-utérine.

Une discussion s'engage entre MAL RAYMOND, Brissaud, MARIE et

Déjerine, concluant à conserver le nom de Little au seul syndrome

et cela par simple habitude mais sans laisser à cette dénomination

la valeur d'une entité morbide définie dans ses signes et dans ses

lésions.

Paralysie associée des globes oculaires pour la latéralité.

MM. Raymond ET CESTAN, ont recueilli une 3e observation anato-

mo-clinique de paralysie des mouvements associés de latéralité

SOCIÉTÉS SAVANTES. 77

des globes oculaires. Dans ces trois cas le syndrome observé a con-

sisté en cette paralysie sans strabisme interne, sans paralysie

faciale nucléaire ou tronculaire associée à une hémiplégie alterne

sensitive, à des troubles moteurs consistant non dans la perte de

la force segmentaire mais en des troubles de la motilité tels' qu'in-

coordination, asynergie, mouvements choreo-athéosique, trem-

blement intentionnel, dysarthrie spéciale, A l'autopsie on trouva un

tubercule solitaire dans la calotte de la partie supérieure de la pro-

tubérance épargnant d'une part la voie pyramidale, d'autre part,

les noyaux de la 3° et 4e paires. Les auteurs ne croient pas que la

4°;paire envoie des fibres directs dans le tissu de la 3e paire, en outre,

ils ont observé des altérations très particulières des olives bulbai-

res, vacuolisation, chromatolyse et vacuolisation des cellules,

sclérose et demyélinisation d'une grande partie des fibres surtout

de la capsule olivaire.

Pseudo-tcabes spondylilique.

M. Babinski, présente deux malades atteints de raideur de la

colonne vertébrale avec troubles des mouvements des membresinfé-

rieurs abolition des réflexes tendineux et douleurs lancinantes des

membres inférieurs. Cette abolition des réflexes tendineux est due

évidemment à l'altération des racines due à la compression de ces

dernières dansles trous de conjugaison par les lésions de spondylite.

M. MAROE, préfère le mot spondylosique au terme spondylitique

ou spondylique. M. Babinski accepte d'ailleurs cette rectification.

Maladie de Dercum.

M. DiDr, , rapporte le cas et montre les photographies d'une

femme de soixante ans, chez laquelle l'adipose douloureuse

progressive à localisation nettement segmentaire débuta classi-

quement à la suite d'un traumatisme. Plus tard, apparurent des

troubles mentaux sous la forme de catatonie agitée.

Réactions électriques des emboliques.

AIM. Babinski et Delerme, ont recherché les réactions électriques

dans divers cas d'embolies récentes des membres. La réaction de

dégénérescence présente dans ces cas un type particulier que les

auteurs comparent à la réaction musculaire post-mmtena.

Les tics du cheval.

RUDLER ET Chaumel ont étudié le « tic de l'ours » chez le

cheval et l'ont identifié aux tics de l'homme. Les chevaux tiqueurs

ont, comme les hommes tiqueurs, des tares physiques (asymé-

trie, etc.), et des stigmates psychiques de dégénérescence (manies,

78 SOCIÉTÉS SAVANTES.

peurs, etc.). Ils guérissent parles mêmes procédés que l'homme,

isolément, rééducation, surveillance spéciale.

Paralysie générale chez un Arabe.

Mii. SCHER]3 et Ben-Tomi (d'Alger) rappellent les communications

antérieures où 111. Scherb signalait l'extrême rareté de la paraly-

sie générale et du tabes chez les indigènes d'Algérie et rapportent

un cas de paralysie générale chez un arabe syphilitique, instruit et

civilisé.

Note sur l'état des réflexes tendineux et des réactions électriques

dans la maladie de Parkinson.

M. Huet et Alquier. Chez douze malades, aux différents degrés

de la maladie on a examiné l'état des réactions électriques : pas

de modifications qualitatives : Lorsque la rigidité prédomine] sur

certains muscles, ces derniers présentent le plus souvent, mais non

toujours, une légère diminution de l'excitabilité faradique et

galvanique, avec légère augmentation de la résistance, par compa-

raison avec les muscles moins malades. Ces modifications ne dif-

lérentpas sensiblement de ce qu'on trouve dans certaines hémiplé-

gies avec contractures.

Les réflexes tendineux ont été trouvés, exagérés chez 26 mala-

des (sur 27 examinés), une seule fois seulement, affaiblis. L'exagé-

ration est nette à toutes les périodes de la maladie. Toutefois chez

certains malades, la percussion des tendons ne déterminepas depro-

jection du membre, ce qui est dû tantôt au degré de] la raideur,

d'autres fois, à la contraction simultanée de tous les muscles d'un

segment de membre. Deux fois on a observé le réflexe paradoxal. Le

réflexe cutané plantaire a déterminé la flexion de l'orteil toutes les

foisque celui-ci n'était pascomplètementimmobilisé par la raideur

MM. \LnmLtL et DESCLAUX, envoient une communication sur la

participation des nerfs oculomoteurs dans les hémiplégies organiques

des adultes. 1. BoISSICU.

SOCIÉTÉ D'IIYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 29 mai 1903. Présidence de Ai. Voisin

Le secret médical au point de vue psychologique.

111. Z Les modifications profondes apportées dans

les idées sociologiques ne permettent plus de maintenir sous sa

forme absolue le dogme du secret professionnel. Si la maladie ne

sociétés savantes. 79 9

touche que le malade, le secret doit être gardé, c'est bien entendu,

mais si elle intéresse toute une famille ou la société tout entière,

pourquoi sacrifier la tranquillité de cette dernière à l'égoïste d'un

individu ? D'ailleurs, il faut distinguer entre le secret médical et la

discrétion médicale; il s'agit d'autoriser le médecin non pas à dé-

voiler sans motif les infirmités cachées de ses clients, mais à ne

pas garder le secret lorsque l'intérêt d'une famille ou de la société

l'exigent absolument.

M. BËMLLON. L'abolition du secret professionnel présenterait

dans certains cas spéciaux, des avantages indéniables; mais il ne

faut pas perdre de vue les nombreux inconvénients qui en résul-

teraient. En fait, dit-on, la loi a déjà, dans une certaine mesure.

entamé le secret médical, en prescrivant la déclaration de certaines

maladies contagieuses ; il n'est pas sûr que la loi ait eu raison de le

faire.

M. Hacuet SOUPLET. Les carnets médicaux qui tendent de plus

en plus à se généraliser dans les familles pourraient, sans que le

médecin manquât au secrer professionnel, éclairer ceux qu'il im-

porte socialement de renseigner.

M. Jules Voisin. Au double point de vue scientifique et social,

ces carnets sont fort importants : mais ce n'est pas au médecin,

c'est à la famille de les produire si elle le juge à propos. Le mé-

decin, lui, ne doit rien dire, il doit garder le secret.

M. de COYN : 1RD. - Vouloir inscrire sur le dit carnet les tares

familiales, c'est exercer sur les descendants une suggestion néfaste.

Le fils d'un fou, par exemple, pourra être obsédé par la crainte

perpétuelle d'un accès imminent d'aliénation.

ni. Demonchy. Dans la pratique courante, l'obligation du secret

médical permet de ^se débarrasser des parents, des amis, des com-

mères, des concierges, qui assaillent le médecin de questions indis-

crètes au sujet du malade qu'il vient de visiter.

11. PAUL AIagnin. Affranchis du secret professionnel, les mé-

decins donneraient des conseils d'après leurs préférences et leur

tournure d'esprit; ils jugeraient en tant qu'hommes et non plus

entant que savants; il en résulterait pour le public des vues con-

tradictoires. Ainsi, tel de nos collègues autorise le mariage de ses

syphilitiques après un certain nombre d'années de traitement,

tandis que moi, par exemple, je l'interdis formellement.

AI. Félix REGNAULT, On attache trop d'importance au dogme

de l'hérédité des maladies, lequel est en train de faire -faillite. Si

le mariage était interdit toules les fois qu'il y a une tare quel-

conque dans la famille, y aurait-il un seul mariage possible, car

quelle est la famille qui, de près ou de loin, ne comporte pas une

tare quelconque ? Qui par exemple pourrait se flatter que, dans

la série de ses ascendants, en remontant jusqu'au xvt° siècle, il n'y

a pas eu un seul syphilitique.

80 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Cazaux (d'Eaux-Bonnes). -Je ne crois pas qu'il faille ainsi

faire bon marché de l'influence héréditaire. On n'hérite pas de

la tuberculose au point de vue bactériologique ? Soit, en tout cas

l'enfant de parents tuberculeux nait tuberculisable, avec un terrain

prédisposé. - 1

La psychologie du somnoformisé

M. Paul FAREz. Le somnoforme (mélange titré de chlorure

d'éthyle, de chlorure de méthyle et de bromure d'éthyle) procure

une anesthésie qui n'implique pas nécessairement la suspension

de toute vie psychique. Le sommeil somnoformique, au contraire,

peut, sous certaines conditions, se montrer assez analogue du

sommeil naturel; il peut comporter une vie psychique très intense

avec hallucinations hypnagogiques et représentations oniriques;

en outre, il se prête à l'évocation du subconscient, en particulier

chez les malades qui ont des idées fixes, des pliobies, des obses-

sions. Le somnoformisé n'est point fermé au monde extérieur; il

est impressionné par la mise en jeu des diverses sensibilités; il est

accessible à la suggestion vocale. La somnoformisation brise les

résistances conscientes on inconscientes chez les sujets peu ou pas

du touthypnotisables; eile les rend aptes à être suggestionnés.

Suivant les doses employées, on peut obtenir avec le somnoforme

trois états psychologiques nettement tranchés : 1" L'hypernarcose,

avec inconscience relative; 2" La narcose proprement dite, avec

subconscience at quelques caractères qui permettent de la rappro-

cher des états seconds ou des états d'automatisme; 3° L'hyponar-

cose ou narcose subliminale avec conscience, hyperacuité auditive,

hyperréceptivité centrale, exaltation de l'émotivité et delà sugges-

tionnabilité. Suivant les sujets et suivant leur cas pathologique,

c'est l'une ou l'autre de ces trois formes qui assure l'eflicacité de

la suggestion thérapeutique.

Obsession ocidaire.

M. Bérillon. Un homme, fort intelligent, qui exerce une pro

fession libérale, s'aperçoit un beau matin, que sans raison appré-

ciable, il louche de l'oeil droit, Comme il y a, jadis, beaucoup

souffert de la vue, il craint de voir persister ce strabisme, cause

de fatigue pour ses yeux. Cette crainte devient une obsession ; plus

il y pense, plus il louche, tantôt d'un oeil, tantôt de l'autre. S'il est

absorbé par une occupation, il ne louche plus; mais dès que revient

l'idée de loucher, il a beau faire tous ses efforts pour la chasser,

elle s'impose à lui et, plus il s'acharne à l'écarter, plus elle revient.

Le matin, au réveil, ce n'est qu'à cela qu'il pense. Il craint pour

sa vue; s'il était bien convaincu qu'il n'en résulte aucun danger

pour ses yeux, il négligerait ce défaut sans importance, lequel ne

SOCIÉTÉS SAVANTES. 81

tarderait pas à s'effacer, lui semble-t-il. Contrairement aux tics

ocdinaires qui se produisent sans qu'on y songe et que l'on peut

empêcher en y songeant, se strabisme ne survient que quand notre

malade malade y pense, pour disparaître quand ce dernier est

distrait. Au bout de quelques séances d'hypnotisme, notre malade

voit son obsession diminuer; il a assez de volonté pour la repous-

ser.

Le traitement de l'alcoolisme par la suggestion hypnotique .

M. RY13AKOrF (de lloscou). J'ai traité par l'hypnotisme 58 alcoo-

liques accidentels, 102 alcooliques habituels, 71 dipsomanes, 19

alcooliques à formes mélangées, en tout 250 hommes. Les alcoo-

liques sont plus hypnotisables que beaucoup d'autres malades.

Ceux qui ne présentent pas la prédisposition héréditaire guérissent

beaucoup plus facilement que ceux qui présentent la dégéné-

rescence psychique. La proportion de mes guérisons est de

45 p. 100.

L'hypnotisme et la psijchothérapie en Russie.

M. OALITZRY (de llioscou). Il y a une vingtaine d'années l'hypno-

tisme thérapeutique était pratiqué en Russie par des magnétiseurs

habiles qui formaient une caste à pari et se gardaient bien de

divulguer la technique de leur art Tokarsky, élève de KoGEWNtMFF

fonda à llloscou un laboratoire de psychologie et se mit à étudier

l'hypnotisme d'une manière scientifique à Saint-Pétersbourg, BECH-

TEREW multiplia les applications thérapeutiques de l'hypnotisme.

Depuis la mort de Tokarsky, il s'est formé à Moscou, sur l'initiative

de RYBAKOFF une société d'hypnologie analogue à celle de Paris et

qui, vieille seulement d'un an, est en pleine prospérité.

La conscience et la conscience de soi.

ni. Wunaendts Francken (de Rotterdam). La conscience n'est

qu'une notion collective, une conception abstraite résultant de la

somme des phénomènes conscients; elle varie d'étendue parce

qu'elle exprime l'ensemble des fonctions psychiques qui sont en

jeu à un moment donné. Il existe non pas une conscience absolue

sans contenu, en soi, mais une série d'états conscients. Nous ne

connaissons pas la conscience, mais seulement des phénomènes

conscients. La conscience est une fonction ou un phénomène con-

comitant d'un petit nombre de processus dont l'organisme est le

théâtre.

Relation de la profession religieuse avec les signes de dégénérescence.

Hui. Binet-Sanglé continue ses études sur les hiérosyncrotèmes

familiaux, il y signale l'influence de l'hérédité manifestée par

Archives, 2e série, t. XVI. G

82 SOCIÉTÉS SAVANTES.

certains signes de dégénérescence, en particulier la stérilité et la

mort précoce. Il appuie ses affirmations sur l'étude de nombreuses

descendances, en particulier celle de Karl II dit le Chauve, Edward

dit l'ancien, Hugo dit-le Grand et Jules François de Rohaii.

M. Félix l3ECrrAOtT. Parmi ceux qui embrassent l'état reli-

gieux, certains le font par simple intérêt, d'autres à la fois par

intérêt et par croyance. d'autres enfin parce qu'ils ont une foi

passionnée. Ces derniers sont, en effet, des sentimentaux, des exal-

tés, souvent des névropathes.

CONGRÈS DE MADRID

Avril 1903.

L'aptitude calatonique et l'aptitude echopraxique des tiqueurs

Les exercices thérapeutiques de délente ; par Henry MEtGE (de

- Pans).

L'examen d'un grand nombre de malades atteints de tics m'a

conduit à faire quelques remarques cliniques, qui offrent un cer-

tain intérêt au point de vue de la pathogénie de ces accidents et

qui peuvent être en même temps mises à profit pour leur traite-

ment. Une première remarque est qu'un certain nombre de tiqueurs

présentent une aptitude particulière à conserver les attitudes que

l'on donne à leurs membres ou qu'ils prennent eux-mêmes. Il

s'agit en somme d'une sorte de culatonisrne fruste. Ce symptôme

est parfois assez intense pour rendre la recherche des réflexes ten-

dineux très difficile, et j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'observer

des tiqueurs chez qui l'on pouvait croire les réflexes rotuliens

abolis; il n'en était rien ; un état de vigilance musculaire exces-

sive et une exagération du tonus s'opposaient simplement à la

manifestation du réflexe.

De la même façon, si l'on commande à ces malades de relâcher

brusquement tel ou tel muscle, ils n'y parviennent souvent qu'a-

près un temps assez long. Enfin, il arrive aussi parfois, qu'ils

conservent sans s'en douter telle ou telle attitude segmentaire

imprimée à leurs membres.

Une seconde remarque est la suivante : Les tiqueurs sont fré-

quemment enclins à répéter exagérément les mouvements impri-

més à leurs membres. Ainsi, si l'on vient à agiter leurs bras

plusieurs fois de suite, on peut suspendre cette mobilisation et

voir cependant les mouvements continuer à se produire pendant

un certain temps.

Ces malades présentent donc une aptitude catato721q ? ie et aussi

une aptitude echopraxique notablement plus développées que chez

les sujets sains. Je ne crois pas que l'on puisse considérer ces

SOCIÉTÉS SAVANTES. 83

phénomènes comme propres aux tiqueurs. On les observe, en effet,

chez d'autres sujets, mais peut-être avec une moins grande fré-

quence. Leur constatation chez les tiqueurs est d'ailleurs facile à

expliquer. Les phénomènes catatoniques ou échopraxiques sont

par excellence des troubles psycho-moteurs, qui témoignent d'une

insuffisance de l'intervention corticale. Ce sont des manifestations

de cette activité passive, dont a parlé M. Brissaud à propos des

aptitudes cataleptoïdes. Et nous savons que chez les tiqueurs, le

contrôle de l'écorce fait fréquemment défaut. De la même façon

qu'ils sont aptes à répéter automatiquement tel ou tel mouvement

qu'ils ont pris l'habitude de faire, de la même façon ils sont aptes

à conserver telle ou telle attitude. Ils ont surtout une aptitude

particulière à prendre très rapidement des habitudes motrices.

Chez eux, tous les caractères des actes fonctionnels peuvent être

viciés ; la répétition, qui est. un de ces caractères, se trouve fré-

quemment viciée par excès.

De ces constatations, on peut déduire une indication thérapeu-

tique : Dans la discipline psycho-motrice, qui constitue la méthode

de choix pour le traitement des tics, il faut faire une large part

aux exercices qui ont pour but d'apprendre aux malades à obtenir

instantanément, à volonté, le relâchement musculaire. J'ai obtenu

des résultats très satisfaisants par l'emploi de ces exercices théra-

peitiiques de détente.

La discipline psycho-motrice ; par MM. Brissaud et MEtGE.

La discipline psycho-motrice est une méthode de traitement qui

a pour but la correction des troubles moteurs. Elle tend à suppri-

mer les actes automatiques intempestifs, et à les remplacer par

des actes corrects, utiles, voulus et réfléchis. Pour parvenir à ce

résultat, il ne suffit pas d'employer des exercices gymnastiques

exécutés passivement par le malade. Il faut en outre exiger de

celui-ci sa participation active dans l'exécution des actes comman-

dés : l'écorce cérébrale du sujet doit intervenir à tout instant.

La discipline psycho-motrice peut corriger les mouvements

habituels excessifs ou intempestifs, les attitudes et les immobili-

sations vicieuses. Elle trouve donc ses applications dans un grand

nombre de maladies. Les auteurs l'ont employée avec succès dans

toutes les variétés de tics, tics du visage ou tics des membres.

Elle n'est pas moins utile pour les affections qualifiées de cram-

pes fonctionnelles. Dans les tioubles du langage, tels que le

bégaiement, elle a donné aussi d'excellents résultats.

La discipline psycho-motrice est appelée à rendre service aux

ataxiques. Il ne suffit pas, en effet, d'enseigner à ces malades une

série d'exercices méthodiques; il est nécessaire d'exiger d'eux une

participation active à leur exécution, ils doivent en comprendre le

but et en connaître la portée. '

84 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La même méthode est applicable aux sujets atteints d'affections

paralytiques. Rien ne saurait être plus préjudiciable pour un

hémiplégique ou un paraplégique que de se confiner au lit. Il faut

lui enseigner une foule de mouvements, que souvent il se croit

incapable de faire, tandis qu'en réalité, il arrive à les exécuter

après un certain temps d'entraînement. ·

Un grand nombre d'impotences musculaires ne sont souvent que

des ignorances musculaires. C'est en donnant aux malades l'éduca-

tion qui leur fait défaut que l'on arrive à corriger la plupart de

ces accidents.

La discipline psycho-motrice n'est pas moins profitable aux

sujets, qui, par suite d'un trouble mental, se croient dans l'impos-

sibilité d'exécuter certains actes, ou, inversement, se croient obli-

gés de répéter continuellement certains autres. Les obsédés

moteurs en bénéficient largement. La discipline psycho-motrice

est donc à la fois une éducation de l'esprit et du mouvement, de

l'idée et de l'acte. Elle tend à supprimer les habitudes nuisibles et

à instaurer des habitudes utiles ; elle vise à la suppression de

l'automatisme, lorsqu'il est préjudiciable, et à son remplacement

par des actes normaux volontaires et réfléchis. Elle est basée,

comme toutes les éducations, sur la répétition des mêmes actes

moteurs; mais elle exige aussi la répétition des efforts volontaires

du sujet en vue d'exécuter l'acte prescrit. Lorsque le médecin

peut obtenir du malade sa part de collaboration active, on peut

toujours espérer les meilleurs résultats de ce mode de traitement.

Recherches expérimentales sur les localisations motrices spinales;

par AIM. E. Brissaud et A. BAUER.

Depuis quelques années les localisations motrices spinales ont

été mises à l'ordre du jour par une série de recherches anatomo-

pathologiques et expérimentales. A la suite de ces travaux, di-

verses opinions, qui d'ailleurs ne s'excluent pas toutes, se sont

fait jour : les localisations motrices médullaires sont pour les

uns musculaires (Nano), pour d'autres nerveuses (Marinesco),

radiculaires (Déjerine), fonctionnelles (larinesco, Parhon et

Goldstein, de Buck), pour d'autres enfin segmentaires (Van Geliueli-

ten et son école).

Nous avons cherché à vérifier cette dernière opinion en prati-

quant, sur les pattes postérieures de têtards, des amputations

unilatérales de segments plus ou moins étendus, et en examinant

le renflement lombaire de ces animaux, de dix jours à dix mois

après amputation.

Voici les conclusions de nos recherches : 1° A la suite d'ampu-

tation sur le membre inférieur, intéressant tout ou partie de ce

membre, des lésions apparaissent dans la moelle épinière.

1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 85

2o l'apparition des lésions a lieu quelques jours après l'amputa-

tion ; la présence de certaines d'entre elles a été constatée dix

mois après l'amputation. 3° ces lésions comportent des modifi-

cations de la substance grise et de la substance blanche. 4° les

lésions de la substance blanche paraissent consister en une atro-

phie totale de la moitié de la moelle correspondant au côté de

l'amputation.

5° L'étendue de l'atrophie, en hauteur et en largeur, dépend

surtout de l'étendue du segment amputé ; mais l'âge de l'amputé

et surtout l'absence de régénération ou le volume de la régénéra-

tion lorsqu'elle existe, entrent en ligne de compte. Il n'y a pas, en

apparence au moins, de lésions profondes de structure ; l'état de

la moelle encore très rudimentaire chez nos têtards et nos gre-

nouilles, ne comporte pas d'ailleurs de profondes modifications de

structure. Tout parait se limiter à une diminution du nombre des

voies conductrices et anastomotiques intra-spinales.

6° Les lésions de la substance grise semblent à peu près locali-

sées dans les cornes antérieures. Elles consistent en une dégéné-

ration assez spéciales des grandes cellules motrices ; il s'agit dans

la grande majorité des cas d'une dégénération atrophiante qui

entraîne la disparition progressive d'une partie plus ou moins

étendue du protoplasma cellulaire, souvent de toute une moitié

d'un fuseau cellulaire. Le noyau, seul, peut rester fort longtemps

comme dernier vestige de la cellule motrice. '

7° Ces altérations de la corne antérieure n'intéressent pas en

général la totalité des éléments. Il y a dans la corne malade, un'

certain nombre d'éléments presque normaux, quoique d'une façon'

habituelle les éléments du côté amputé soient plus petits. De tous

les éléments qui subsistent, les plus constants et les plus rappro-

chés de l'état normal sont ceux de la partie interne de la corne.

Les éléments les plus gravement atteints sont ceux de la partie

externe. '

8° Dans la partie externe, quels sont les éléments qui sont pris '

Sans qu'il soit possible d'affirmer l'existence de noyaux distincts'

dans toutes les moelles, noyaux parmi lesquels on soit en mesure

de se repérer, il y a cependant une disposition générale de la lésion

atrophiante que l'on retrouve très communément et qui consiste

en ce qui suit : lors d'amputation du tarse les altérations s'éten-

dent du milieu du segment compris entre les XI et X racines à la

partie moyenne ou supérieure du segment compris entre les X 'et

IX racines. Sur cette hauteur, les altérations occupent successive-

ment, de bas en haut, toute la colonne motrice latérale, sur une

très petite étendue, puis sa partie externe, et enfin sa partie'

postéro-externe seulement. Lors d'amputation de jambe, les alté-

rations s'élèvent jusqu'au tiers moyen du segment compris entre

IX et VIII. Elles occupent successivement de bas en haut d'abord'

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

toute la colonne motrice latérale sur une hauteur un peu plus

étendue que lors d'amputation du pied, puis la partie externe et

médiane de la colonne cellulaire, enfin sa partie postéro-externe.

Lors d'amputation de ^cuisse, les altérations s'élèvent jusque

vers VIII; elles occupent toute la colonne motrice latérale jusque

vers le milieu du segment compris entre X et IX, puis successive-

ment les parties externes et postéro-externe de cette colonne

cellulaire.

9° Il résulte de là qu'à chaque segment du membre inférieur

répond, au niveau du renilwiie4 lombaire, un groupe plus ou

moins limité de cellules radiculaires. Ces groupes semblent s'im-

briquer en se superposant, le groupe inférieur tendant toujours à

se placer en dehors et en arrière du groupe sus-jaeent. 10° Le

volume des racines semble up ? u..diltrimleé; xu niveau des altéra-

tions. Les ganglions des racines postérieures sont d'apparence

normale. 11° Il existe des relations certainement très impor-

tantes entre l'état de la moelle et l'apparition des régénérations.

Nous nous proposons de préciser ces rapports dans un travail

ultérieur.

L'Assistance et l'Éducation des Enfants anormaux au point de vue

sociologique; par le D1' CounioN, Directeur de l'Etablissement

médical de Meyzieux (Isère).

Si la question delà responsabilité des dégénérés est intéressante

à étudier au point de vue psychologique, il peut être intéressant

également de la considérer au point de vue sociologique. « Quelle

que soit la responsabilité personnelle des dégénérés, qu'elle soit

entière, atténuée ou nulle, dans les crimes ou délits qu'ils peuvent

commettre, ils ont un complice pleinement responsable : La Société. »

La Société qui n'a pas su ou voulu se protéger contre eux et leur

enlever dans la mesure du possible les moyens de nuire. Suivant

les différentes catégories de dégénérés, les moyens à employer

pour arriver à ce but peuvent différer. Je ne m'occupe ici que des

malades qui, dès l'enfance, ont donné des marques de dégénéres-

cence ; de ces malades qui, au début de leur vie, sont des Enfants

anormaux.

Pour se protéger contre les écarts possibles de ces enfants, soit

dans leur jeune âge, soit dans l'âge adulte, il convient ce sont

des malades de chercher à les guérir ou tout au moins à amé-

liorer leur état. Il convient de les soumettre à ce que notre éminent

confrère Bourneville a appelé le Traitement Médico-Pédagogique.

Au Congrès de l'Association française pour l'avancement des

Sciences, tenu à Ajaccio en septembre 1901, je me suis placé

sur le terrain purement français, puisque je m'adressais à un

Congrès national, Et j'ai eu la satisfaction de pouvoir constater

que ma parole avait porté quelque peu, puisqu'un mouvement en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

faveur de l'assistance et de l'éducation des enfants anormaux se

dessine nettement dans notre région lyonnaise et puisque l'annexe

médico-pédagogique que nous avons créée à côté de notre établis-

sement. médical reçoit chaque jour de nouvelles preuves d'intérêt et

de sympathie.

Puisqu'il y a malheureusement des enfants anormaux dans

tous les pays, la quesion méritait d'être posée dans un Congrès

international ; je viens de la soulever ; il reste à la traiter, et je

serais heureux de la voir porter officiellement à l'ordre du jour

d'un prochain congrès international.

Ce désir étant exprimé, il me reste à conclure, en disant que,

tant que tous les enfants anormaux ne recevront pas les soins

médico-pédagogiques qui leur sont indispensables, lorsque l'un

d'eux, accusé d'avoir violé l'une des lois qui constituent le contrat

social comparaîtra devant les juges, son défenseur répondant au

ministère public, organe de la Société, pourra dire : « Oui, mon

client est coupable, il est coupable de n'avoir pas reçu de la Société

qui l'accuse les soins que cette société avait le devoir étroit de lui

assurer, et s'il est ici aujourd'hui, c'est faute d'avoir reçu ces

soins qui auraient transformé sa mentalité : au nom de tous les

frères d'infortune de la victime pour laquelle je plaide, je me trans-

forme en accusateur. et je demande la condamnation d'uneSociété

qui, pouvant empêcher un homme de devenir criminel, nel'a point

rait. » Le Congrès des aliénistes et neurologistes de France et des pays

de langue française, lors de son Y11° Congrès, tenu à Grenoble en

août 1902, adoptait, sur la proposition du Dr Larrivé, les voeux

suivants, que je vous propose d'adopter à votre tour : Le Congrès

émet le voeu :

1° Que l'assistance et l'Education soient rendues obligatoires

pour les enfants anormaux. 3° Que les pouvoirs publics votent les

crédits utiles pour la création d'asiles-écoles régionaux. 3° Que

transitoirement, les enfants anormaux pauvres soient placés par

les pouvoirs publics dans les asiles-écoles privés existant actuelle-

ment.

Discussion du rapport « Etiologie et thérapeutique, psychiques »

par M. Henry MHGE (de Paris).

Il n'est pas nécessaire de supposer l'existence constante d'un

poison pour expliquer les accidents consécutifs à une émotion. On

a peut-être trop étendu le rôle de l'auto-intoxication. Des phéno-

mènes tels que la glycosurie, les hémorragies cutanées, peuvent se

produire sans l'intervention d'une toxine, simplement par suite

d'un trouble fonctionnel des centres nerveux. La répétition de ces

accidents peut être également le fait d'une habitude fonctionnelle,

en l'absence de toute espèce d'intoxication.

Pour ce qui est de la thérapeutique psychique, son utilité ne

88 SOCIÉTÉS SAVANTES.

saurait être contestable. Assurément, cette thérapeutique ne se

base pas sur des formules préétablies : elle varie suivant les sujets.

La meilleure psychothérapie est constituée par des conseils bien

compris et bien appliqués par les malades. Il ne s'agit pas de com-

mander impérieusement, mais de se faire bien comprendre. C'est

la volonté et la raison des malades eux-mêmes qui doivent les

conduire à exécuter les prescriptions qui leur sont profitables. En

cela se résume toutes les vertus de la suggestion.

Discussion du rapport « Etude clinique de l'agnoscie et de l'asym-

bolie » ; par 111. Henry Meige (de Paris),

Je désire simplement, à l'occasion de ce rapport, faire part de

quelques remarques qui m'ont été suggérées par l'étude clinique

des tics que je poursuis depuis une dizaine d'années. Rien n'est

plus fréquent que de constater chez les tiqueurs une imperfection

de la notion des attitudes. Il est même habituel de voir ces malades

adopter des attitudes anormales de tel ou tel segment de leur

corps, et lorsqu'on attire leur attention sur ces anomalies, ils

déclarent ne les avoir jamais remarquées; bien plus, ils éprouvent

une grande difficulté à les corriger. Il semble qu'ils ignorent l'acte

musculaire nécessaire pour opérer cette correction. Cependant,

lorsqu'on le leur a enseigné, ils arrivent après une série d'efforts

à corriger leurs fautes.

Comme il n'existe chez eux aucun trouble sensitif, superficiel ou

profond, capable d'expliquer ce phénomène, on est conduit à sup-

poser qu'il en est de leurs attitudes vicieuses comme de leurs mou-

vements convulsifs : ce sont des troubles psyclio-moteurs, les uns

permanents, les autres intermittents, qui témoignent certainement

d'une insuffisance des interventions corticales. La correction de

ces accidents se fait facilement à l'aide du traitement par le con-

trôle du miroir, dont j'ai déjà signalé les bons résultats.

La médecine au musée du Prado ; par AI. Henry MEMK (de Paris).

Bu. Henry MEIGE a fait une étude critique des tableaux du musée

du Prado, qui présentent un intérêt médical. Il s'est attaché à

montrer comment les artistes, en copiant fidèlement la nature, ont

parfois représenté avec exactitude des caractères pathologiques,

qui peuvent permettre aux médecins de faire des diagnostics ré-

trospectifs.

Les oeuvres de Velasquez fournissent une ample matière à ce

genre de critique. Velasquez a fait le portrait d'un certain nombre

de nains et de bouffons, où il est possible de reconnaître les traces

d'affections morbides aujourd'hui bien connues ; les uns sont des

rachitiques, les autres des achondroplasiques. II existe aussi des

portraits d'idiots, où Velasquez a reproduit très exactement les

stigmates physiques de l'idiotie et de la dégénérescence.

BIBLIOGRAPHIE. 8 ! )

Un bouffon de Charles-Quint, peint par Antonio Moro, est un

type remarquable d'hémiplégique, dont la main droite est con-

tracturée. L'auteur cite encore une naine obèse, de Carréno de

Miranda, et un goitreux de E. Mars, un éléphantiasis du nez

attribué à Holbein, rappelant le vieillard de Ghirlandajo, du musée

du Louvre.

Après les difformités, Au. Henry 111cGS étudie les peintures re-

présentant des scènes médicales. Tout d'abord, le tableau de

Muriilo, de l'Académie Saint-Ferdinand, représentant la reine

sainte Elisabeth de Hongrie soignant les teigneux, où l'on voit

plusieurs enfants dont les têtes sont couvertes de plaques teigneuses

très fidèlement rendues. Viennent ensuite les opérations figurées

par les peintres flamands et hollandais du xve au xviie siècles, un

Arracheur de dents de Théodore Rombouts, deux tableaux de

Téniers le Jeune représentant une opération sur la tête et une

opération sur le pied. Enfin, deux curieuses peintures, l'une de

Jérôme Bosch, l'autre de van Hemessem, représentant la super-

cherie chirurgicale connue sous le nom d'opération des « pierres de

tète », dont AI. Henry MEtGE a fait autrefois une étude documentée.

L'auteur, qui a poursuivi ses recherches dans toutes les collec-

tions d'Europe, établit des comparaisons entre les peintures du

Prado et celles des autres galeries. Cette étude montre bien l'in-

térêt tout spécial que le médecin peut prendre à l'examen des

oeuvres d'art ; elle montre, en outre, le parti que la critique d'art

peut tirer des connaissances médicales. Elle conduit à cette con-

clusion, que les peintres les plus célèbres sont justement ceux

qui ont reproduit le plus fidèlement la nature, même dans ses

difformités.

BIBLIOGRAPHIE.

11,CVU); DES THÈSES DE BORDEAUX 1902

Par LE D DE PERRY

I. Des paralysies périphériques d'origine our tienne ; par Auguste

LACROIX.

Les oreillons sont susceptibles de se compliquer de paralysie,

même dans les cas bénins. Cette paralysie, qui est tantôt diffuse,

généralisée, tantôt localisée, a pour caractère d'être flasque,

sans raideur, ni contracture et reconnaît comme origine une né-

vrite toxi-infectieuse. Ces paralysies ourliennes, susceptibles de

guérison, ont une importance médico-légale à signaler surtout

dans les milieux militaires.

90 BIBLIOGRAPHIE.

Il. Dégénérescence et mysticisme ; par Gabriel Cloître.

Rien n'est plus fréquent que de rencontrer associés la dégéné-

rescence et le mysticisme. Mais le délire mystique des dégénérés

diffère complètement de la folie religieuse systématisée; ce délire

au contraire se rapproche morphologiquement, par ses hallucina-

tions variées, du délire hystérique. L'auteur aborde enfin l'élude

médico-légale de la question et traite rapidement la thérapeutique

et la prophylactique.

111. Hystérie et maladies gynécologiques ; par te D'' DUPIN-DULAU.

L'hystérie peut à, elle seule simuler des lésions d'ordre chirurgi-

cal sans lésion anatomique, ayant leur point de départ dans l'état

mental particulier des hystériques. Les simulations hystériques

des organes génitaux de la femme sont fréquentes et constituent

des névralgies pelviennes, des tumeurs fantômes, des pseudo-péri-

tonites. Une fois le diagnostic posé, l'intervention chirurgicale ne

doit être qu'un moyen de suggestion.

Les lésions organiques et l'hystérie peuvent aussi évoluer paral-

lèlement chez la femme, formant ainsi des associations hystéro-

organiques. Ces associations peuvent être méconnues, soit que les

phénomènes hystériques occupent le premier plan et masquent

ainsi l'affection concomitante, soit que celle-ci au contraire,

absorbe complètement, au détriment de l'hystérie, l'attention de

l'observateur. En supposant les deux facteurs connus, il est diffi-

cile d'assigner des bornes précises à l'Il et à la lésion.

Au point de vue du traitement chirurgical il faut se tenir dans

une réserve armée, et ne se laisser guider dans une intervention

sanglante que par la gravité des lésions.

IV. L'état mental chez les blennorrhagiques; par le De Ducasse.

La blennorrhagie que l'on doit étudier comme une maladie

générale, peut, en outre des accidents polymorphes qu'elle occa-

sionne, déterminer des accidents cérébraux. Mais ce qu'il y a de

fort intéressant c'est l'état mental des individus atteints de cette

affection. - ·

Cet état mental, le plus fréquemment observé, semble ordinaire-

ment appartenir à la neurasthénie psycho-génitale mélancolique

ou hypocondriaque. On peut l'attribuer, en dehors de l'hérédité

névropathique : 1° Au choc moral, résultant des préoccupations

nées de la blennorrhagie; 2° A l'infection générale de l'organisme

par le microbe spécifique et ses toxines; 3° A la localisation plus

particulière sur le cerveau, de cette infection.

V. Contribution à l'étude clinique et médico-légale de la folie systé-

matisée progressive; par le De LETOURNEUX.

Après avoir défini, d'après Régis, la folie systématisée qui est

faits DIVERS. 9[

une folie chronique essentielle, caractérisée par des hallucinations

sensorielles et par un délire aboutissant en dernier lieu à la trans-

formation de la personnalité, l'auteur aborde le côté médico-légal.

Il démontre que les aliénés sont d'autant plus dangereux que leur

délire est plus ignoré. L'auteur conclut qu'il est souvent impos-

sible de prévoir à l'avance qu'un aliéné, jusque là considéré comme

inoffensif, puisse devenir un jour capable d'attenter à la vie des

personnes.

VI. Traumatisme et tabès ; par le De G.lUn4UD.

Il résulte des recherches de l'auteur qu'il existe des cas de tabes

où, malgré les plus minutieuses recherches, on ne peut déceler un

autre facteur étiologique que le traumatisme, et qu'il existe clini-

quement un tabes traumatique. Parles observations relatées dans

ce travail il ressort que le traumatisme peut suffire à produire le

tabes. Quant au trauma survenant au cours du tabes, il en influen-

cera directement en l'aggravant, l'évolution des phénomènes sen-

silifs, moteurs ou trophiques.

VII. Le mensonge chez la femme hystérique; parle Dl Richard.

La femme hystérique a une tendance très marquée à parler

contre la vérité. Mais peut-on inférer de cela qu'elle mente vérita-

blement ? Souvent il y a dans son cas une simple erreur, c'est-à-

dire un pseudo-mensonge. La connaissance et l'étude approfondie

de l'onirisme, a permis de se rendre compte que ces pseudo-men-

songes sont dus aux hallucinations de l'attaque, ou à des rêves noc-

turnes, à des troubles de la conscience, de la mémoire et de la

personnalité. En dehors de ces faits l'hystérique peut réellement

mentir, mais ordinairement ses mensonges relèvent de sa maladie-

On conçoit que les mensonges hystériques aient des conséquences

fort graves pour ceux contre lesquels ils sont faits. Aussi en justice

le témoignage des hystériques ne peut avoir qu'une valeur rela-

tive.

VIII. La tête limousine; par le Dr Freysselinard.

Etude intéressante dont il faut retenir cette conclusion de l'au-

teur, que les déformations artificielles, caractéristique de la tête

limousine, sont sans conséquence sur l'état mental de ceux qui en

sont atteints.

IX. bu tétanos gynécologique; par le Dr 6larmc.

X. De l'anxiété; par le Dr Girard.

L'anxiété est, pour l'auteur, une réaction instinctive, indépen-

dante de la volonté, qui se manifeste sous l'influence de circons-

tances extérieures diverses. Cette réaction se traduit par des

92 VARIA.

désordres physiques, palpitations, nausées, dyspnée, vertiges, etc.

et par des désordres psychiques, inattention, irréflexion, aboulie', etc.

L'anxiété est physiologique ou pathologique. Elle intervient

dans certaines maladies telles que l'angine de poitrine, l'asthme,

etc. et dans plusieurs névroses ou psychoses, par exemple, dans

la neurasthénie, l'hystérie, l'épilepsie, etc. Elle est aussi le symp-

tôme fondamental et primordial de la mélancolie anxieuse.

11 y a lieu, dit l'auteur, de séparer de la neurasthénie un syn-

drome morbide autonome que Freud a appelé névrose d'angoisse.

Cette névrose représente une maladie primitive de l'émotivité,consti-

tuant un terrain éminemment propre au développement desphobies.

Le traitement doit porter, d'une part, sur les troubles somatiques

et d'autre part sur les désordres psychiques, soit par le moyen de

la suggestion, soit par des exercices d'accoutumance accomplis

par le malade à son insu.

XI. De la surdi-cécité et desmoyens employés pour communiquer avec

les personnes atteintes de surdi-cécité ; par le Dr Robin.

La surdi-cécité peut se rencontrer dans l'hystérie : cette affection

est simplement simultanée et transitoire; elle disparaît sans lais-

ser de traces.

Dans le tabes au contraire, la surdi-cécité est caractérisée par

une atrophie des nerfs optiques et acoustiques. Cette double moda-

lité n'apparaît pas simultanément, la cécité débute la première

puis vient la surdité, qui suivent une marche progressive et fatale.

Dans d'autres cas, dus à une double suppuration des yeux et des

oreilles, à la suite de fièvres éruptives, à la perte de la vue ou de

l'ouïe, chez des sourds ou des aveugles, l'on rencontre encore la

surdi-cécité.

11 était utile de rechercher les différents procédés pour commu-

niquer avec ces malades. Les meilleurs jusqu'ici semblent être

l'écriture passive (mouvements imprimés passivement à la main

droite du malade), et l'écriture dermographique, c'est-à-dire le

tracé des caractères graphiques dans le creux de la main ou sur

toute autre partie sensible du corps du malade. '

VARIA.

TREIZIÈME CONGRÈS DES MI3DECINS aliénistes ET NEUROLOGISTES

DE France ET DES pays DE langue française

Bruxellcs, Il, août 1903.

Les Compagnies françaises des Chemins de fer d'Orléans, de

l'Etat, du Midi, du P. L. il., du Nord, de l'Ouest et de l'Est accor-

VARIA. 93

dent aux membres du Congrès une réduction de 50 p. 100. Afin de

faire bénéficier de cette réduction les dames, les étudiants et les

personnes quelconques accompagnant les congressistes, nous avons

décidé d'admettre les personnes susdites comme membres associés.

Les membres associés paieront une cotisation de 10 francs et joui-

ront de tous les avantages accordés aux membres titulaires, tels

que : réductions sur les chemins de fer, excursions, réceptions, etc.

Les adhérents qui désirent profiter de cette combinaison doivent

indiquer combien de personnes les accompagneront. Pour le comi-

té : Le Secrétaire général, D Crocq.

Assistance DES enfants idiots

L'enfant martyr de la Petite-Marie (près Nogent-le-Rotrou).

Nous avons déjà parlé de ce petit martyr, Henri Jousselin, qui

parait avoir souffert surtout du manque de soins et qui est actuel-

lement à l'hôpital de Nogent-le-Rotrou.

L'enfant est sourd et muet, probablement de naissance; il a l'air

à peu près idiot; les membres ne sont pas plus gros que ceux d'un

enfant de trois à quatre ans; la tête a une grosseur anormale. Il

ne peut pas marcher, n'ayant jamais été habitue à se tenir sur ses

jambes. Les soeurs ont essayé de lui faire faire quelques pas; il

vacille comme un bébé.

Il n'y a aucun renseignement à tirer de la mère qui est dénuée

déraison : elle n'est en aucune façon responsable. Le père a reconnu

qu'il laissait son fils Henri et sa femme sans argent et presque

sans nourriture. Il a déclaré que, sa femme ne s'occupant pas de

son fils en raison de son état d'imbécillité, il ne pouvait remplacer

la mère de famille, qu'il n'avait pas assez d'énergie pour réagir

contre tout cela. Neuf des enfants des époux Jousselin sont morts

en bas-âge. Les voisins ont déclaré qu'ils avaient été délaissés

comme le petit Henri (Le Matin, 2 août).

Suicide d'une fillette de huit ans (Obozrénié psiclaiatric, IV, 1899).

Il s'agit, dit M. Lebediew. de la fillette d'un cordonnier qui

chargée d'un petit achat, perd en route une piécette d'argent de

cinqcopeks (15 centimes). Epouvantée, elle s'en revient chez elle où

elle est légèrement corrigée par sa mère qui la menace d'un châti-

ment ultérieur et la renvoie à la recherche de l'argent. Ne le

trouvant pas, elle ne trouve d'autre issue à cette situation déses-

pérée que de se noyer. Ses parents la représentent comme étant

d'un caractère égal et calme, plus triste que gaie, très aimée :

c'était l'aînée de trois enfants. D'après les voisins, elle était sou-

vent déprimée. Elle a donc perdu la tête. P. KMAVAL.

Ces faits, concernant des idiots, imbéciles, arriérés, s'ajou-

tent aux anciens, très nombreux; ils montrent la nécessité

91- k FAITS DIVERS.

de l'assistance de ces malheureux. Hospitalisés de bonne

heure, soignés, éduqués, ils auraient pu être améliorés ou

guéris, au lieu de constituer des non-valeurs et d'augmenter,

comme les idiotes engrossées, les charges de la société. 13.

Singulier maniaque.

Un Doit JLGü72 sur le retour. Plus le trente victimes. En

pantoufles ? AI1'0 A. vendeuse dans un grand magasin du

quartier de l'Opéra, avait suivi, l'autre soir, dans un hôtel meublé

de la rue Nollet, un vieux monsieur en veine de galanterie. Le

Don Juan avait promis de payera sa conquête un costume tailleur;

mais quand la jeune fille, qui s'était endormie, se réveilla, elle

constata que son compagnon avait disparu et qu'il avait emporté

ses bas et ses bottines, si bien qu'elle dut, pour sortir, emprunter

une paire de pantoufles.

Elle conta sa mésaventure à ses camarades et apprit que pareille

infortune était ariivée à plusieurs d'entre elles. Elle jura de se

venger. Accompagnée d'une amie, elle chercha le meus monsieur

et le trouva aux environs de la gare Saint-Lazare. L'amie n'eut pas

de peine à faire la conquête du sénile don Juin; elle l'emmena

rue des Batignolles et le lit arrêter par des agents.

Conduit devant M. Rouffaut, commissaire de police des Uati-

giiolles, l'individu déclara se nommer Paul V..., cinquante-cinq

ans, rue de lliromesnil. Il avoua qu'il ne pouvait se retenir de

prendre à ses maîtresses leuis s bas et leurs chaussures.

Le singulier maniaque a largement dédommagé Al"0 AL ? qui a

retiré sa plainte.

Le nombre des jeunes femmes victimes de Paul V... dépasse la

trentaine. (Journal, 24 avril 1903.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés . Nominations et promotions (mai).

11. CROusTEL, médecin adjoint à Quimper, nommé à l'asile de Les-

vellec (Morbihan). M. le Dr PocnoN, médecin adjoint à Lesvellec,

nommé à Iloueii en remplacement du Dl liamel, nommé directeur-

médecin à Auxerre. M. le Dr Simo,,q, 3e du concours d'adjuvat,

nommé médecin adjoint à Dury (Somme) en remplacement du

Dr Musin, nommé médecin adjoint à Chatons (Marne). M. le

Dr Lagriffe, 4° du concours d'adjuvat, est nommé médecin adjoint

à Quimper. Ai. le D1' Mus;N, médecin adjoint à Duiy (Somme),

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 95

nommé médecin, adjoint à Chàlons-sur-llarne. -1f. le Dr Roques

de Fursac, médecin adjoint à Clermont (Oise), promu à la Isolasse

du cadre. -11. le Dr TiiiVET, médecin en chef à Clermont (Oise),

promu à la 2° classe du cadre. M. le Dr Aubry, 5° du concours

d'adjuvat, nommé médecin adjoint à la Charité (Nièvre), en rem-

placement du D1' Bourdin. M. le Dl Ricoux, médecin adjoint à

Fains (Meuse), promu à la 2° classe du cadre à partir du l01' juillet

1903. -111. le D1' Briche, médecin adjoint à Saint- Venant (Pas-de-

Calais), promu à la classe exceptionnelle du cadre. M. le Dr Bno-

quère, directeur médecin à l'asile de la Roche-Gandon (Mayenne)

promu à la classe exceptionnelle du cadre.

Distinction honorifique. AI. le Dl CIIRVALIER-L1V : lUn, directeur-

médecin à l'asile d'aliénés d'Auch (Gers), est nommé officier d'aca-

démie.

Homicide par un adolescent. Une dépêche de Berlin, repro-

duite par le Daily Express, raconte le drame effrayant que voici :

La baronne Nagel, connue au théâtre sous le nom d'Anna Gustna-

gel, a été assassinée à Odessa par un enfant de quatorze ans. Le

hère aine de cet enfant, amoureux de la chanteuse, faisait des

folies pour elle et dépensait sans compter pour satisfaire ses ca-

prices. L'enfant supplia son frère à plusieurs reprises de quitter

l'actrice, entre les mains de laquelle il voyait fondre la fortune

paternelle, en même temps que le nom était déshonoré. Le frère

aîné ne voulant pas se rendre à ces raisons, l'enfant assassina la

baronne, qui a été trouvée morte dans sa chambre, portant au

cou des traces de strangulation. Le précoce meurtrier s'est ensuite

pendu à un clou, dans la chambre de sa victime.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

BELL1T (A.). Rapport sur l'asile public d'aliénés de Breuty. In-80

de bS pages. Imp. Charentaise. Angoulême.

IiEl1\nElAl. - Hypnotisme, suggestion, psychothérapie avec considéra-

lions nouvelles sur l'hystérie. 1 vol. z de 700 pages. Librairie Doin,

8, place de l'Odéon. Prix : 10 francs.

De Paoleicovic-Kapolna (EttA). La paralysie générale peut-elle être

distinguée anatomiquement de la syphilis cérébrale diffuse ? (Thèse).

in-8° de Si pages. Lausanne. 1903.

Faure (Maurice). Résultats de la rééducation dans le traitement

des troubles du mouvement. 111-81 de 36 pages. Librairie Dûii), 8, place

de l'Odéon. Prix : 1 fr. -

96 AVIS A NOS ABONNÉS.

KowALevsKY (Paul). Psychopathologie légale générale t. II. 1 vol.

de 332 pages. Librairie Vigot, frères, 23. place de l'Ecole-de-blédecine.

Prix : 6 francs.

Raymond (F.) Leçons sur les maladies du système nerveux (1900-

1901). 1 vol. in-8" de 650 pages. Librairie Dom, 8, place de l'Odéon.

Prix : 16 francs.

Vorf SARBO (Arthur). - Der achillessehnenreflex und seine klinische

Bedentung 1 vol. m-8° de 44 pages. Verlay von S. Karger. Berlin.

SLEESWK (R). Der Kaû2pf des tierisclzen « orgazzisznzes » mil der

pflanzliclien « Zelle ». In-8- de 140 pages. Amsterdam.

ZOLA. La crise agricole. 1 vol. in-8- de 244 pages. Librairie C. Naud,

3, rue Racine. Prix : 5 francs

Revue philosophique de juin 1903. Sommaire de la Revue philoos-

phiqne, n° de juin 1903 (28° année) : A. LANDRY. L'imitation dans les

beaux-arts. A. Schinz. Esquisse d'une philosophie des conventions

sociales. Baron Ch. Mourre. La volonté dans le rêve (2" et dernier ar-

ticle). E. BLU31. Le mouvement pédalogique et pédagogique. Analy-

ses et comptes-rendus. Revue des périodiques étrangeis. Livres

nouveaux. Table des matières. Abonnement, du le janvier : Un

an, Paris, 30 fr. ; départements et étranger, 33 Ir. La livraison : 3 fr.

Librairie Félix A.LCVN, 108, boulevard Saint-Germain.

AVIS A NOS ABONNÉS.Z'ecAësHce du z JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abo2zzentezzt cesse à

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la .somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 jo. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés dejoiiîdi,c à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nous rappelons nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Ch. HÉnissay, imp. 7-1003.

Vol. XVI. Août 1903. N° 92.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

RECUEIL DE FAITS.

Fin de l'histoire d'un idiot myxoedémateux ;

Par BOUKNEVILLE

Il s'agit d'un idiot myxoedémateux dont nous avons déjà

entretenu deux fois nos lecteurs. En z1889, nous avons

donné son observation complète, antécédents et descrip-

tions détaillée; en 1896, dans une communication au Con-

grès des aliénistes et neurologistes de Bordeaux, nous

avons exposé les effets, chez lui, du traitement thyroïdien.

Le malade qui était un type, aussi caractéristique que pos-

sible, de myxoedème infantile, a succombé le 18 février

1902. Après avoir reproduit le sommaire de son observation,

nous allons résumer les particularités notées de 1896 à sa

mort, donner les résultats de son autopsie, la description

de son squelette, l'analyse chimique de sa peau et l'examen

histologique de son cerveau.

Sommaire. Père tuberculeux ( ? ). Oncle maternel paralysé,

aliéné et sujet probablement à des accès d'épilepsie. Frère et

soeui, morts tuberculeux. Soeui- strabique à la suite de convul-

sioits de l'enfance, morte tuberculeuse.

Renseignements imcomplets sur les antécédents du malade.

Marche à dix-huit mois. Propre de bonne heure. Arrêt de

développement du corps; bouffissure et épaississement de la peau a

partir de trois ans.

Etat du malade le le, février 1890. Lésions scrofuleuses et

rachitiques. 1

Absence de la glande thyroïde; symptômes classiques de l'idiotie

myxoedémateuse : pseudo-lipomes ; persistance de la fontanelle anté-

rieure ; hernie ombilicale ; eczéma; arrêt de développentent phy-

sique et ^intellectuel ; parole très lente; voix aigre, etc. '

Archives, 2- série, t. XVI. 7

98 . RECUEIL DE FAITS.

1893-1894. Julep avec extrait de glande thyroïde et injections

sous-cutanées de liquide thyroïdien : résultats négatifs.

- 1895. Injection stomacale de glande thyroïde de mouton.

Amlioration : Elévation de la température; diminution du poids;

phénomènes divers dû traitement ; modifications de la voix, etc., etc.

489G. Deztilion complere; carie de>ztaire.

1897-1901. Evolution à peu p ! '9s nulle de la puberté. Même état

général.

1902. Hydropisie pleurale et péricardique. Cyanose subite :

mort; abaissement considérable de la température. T. après la

mort. Rigidité cadavérique.

Autopsie. Persistance de la suture métopique. Absence

complète de la glande thyroïde. Hydropisie de la plèvre et du

péricarde. Athérome. Petits kystes rénaux.

Description du squelette. Analyse chimique de la peau.

Examen histologique du cerveau. Réflexio71s.

Debarg ? (Jules), né dans le Pas-de-Calais, le 6 octobre 1865,

est entré à Bicêtre dans notre service le 23 février 1890.

Pour compléter l'observation nous n'avons que quelques mots à

ajouter sur les années 1896-1901.

1896. Dentition : Depuis le dernier examen, aucune modifica-

tion n'est survenue. La dentition a acquis un développement com-

plet. Les dents permanentes ont achevé leur éruption et il n'y a

plus de traces des dents temporaires. Toutes les molaires, sous

l'influence de la carie, continuent à se désagréger progressivement.

Leurs couronnes sont en partie détruites.

1897. 11 n'est survenu durant cette année, ancun accident.

1898. Juillet. Puberté : Le visage, les aisselles et le tronc

sont glabres. Quelques poils noirs, rares, à la racine des bourses

Phimosis. Verge : long. 6 cm., circonf. 7 cm. Testicules de la gros-

seur d'un oeuf de merle.

1900. Puberté : Les moustaches commencent à se dessiner,

les poils de pubis sont un peu plus longs et plus abondants. Verge :

long. 7 cm., circonf. 9 cm. ; même état des testicules. Hémor-

rhoides persistantes.

1901. Mai. OEdème temporaire des paupières, surajouté à

leur bouffissure habituelle. Les urines ne renferment ni sucre, ni

albumine (flg. 12, 13 et 14).

Décembre. Puberté : Le tiers moyen de la lèvre supérieure est

presque glabré; de chaque côté existe un fin duvet, formant une

bande de 4 sur 10 mm. Rien aux joues ni au menton. Rien aux

aisselles. Bande de poils très rares à la partie moyenne du pénil.

De chaque côté de la verge,, quelques poils bruns plus longs, for-

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 99

mant une sorte de bouquet. Verge : long. 7 cm. 1/2, circonf. 8 cm.

Prépuce un peu long, gland non découvrable, méat un peu étroit.

Jamais d'onanisme.

1902. 18 février. A 4 heures de l'après-midi, Deb... était

auprès de la surveillante, à l'infirmerie, appuyé à la table, le dos

Fig. 12. Deb... en 1901.

tourné au foyer selon son habitude. Subitement il devient violacé.

Aussitôt on le déshabille et on le couche. Il se jette en arrière, les

membres supérieurs s'allongent et se raidissent; la respiration

devient de plus en plus courte, il meurt en quelques minutes sans

prononcer une seule parole. L'interne de garde, appelé, ne peut

que constater le décès. Poids après décès : 36 kg. 200.

Le matin et jusqu'au début des accidents mortels, Deb... n'avait

rien offert de particulier. Il avait déjeuné comme d'ordinaire. A

2 heures il avait fumé une cigarette et mangé des bonbons.

100 RECUEIL DE FAITS.

Température après la mort.

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSB. 101

L'ensemble de la peau est jaune, le ventre est ballonné; les lèvres

sont bleu pâle. Comme on le voit, la rigidité est plus prononcée

à droite qu'à gauche; jusqu'à 8 heures du soir les membres étaient

souples. Le cou était rigide.

20 février.- Membre supérieur gauche : rigidité assez prononcée

de l'épaule, très prononcée du coude; rigidité assez prononcée

des articulations métatarso-phalangiennes. Les doigts commen-

cent à être mous.

Membre supérieur droit : épaule molle, coude et poignet rigides,

ainsi que les articulations métatarso-phalangiennes. Les doigts

sont un peu raides.

Membre inférieur droit : rigidité très prononcée de la hanche et

du cou-de-pied. Les orteils sont raides.

Membre inférieur gauche : rigidité moyenne de la hanche, plus

Fig. 13. Deb... en 1901.

102 ltiteul ? 11. m : FAITS.

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 103

fourche (ff); elle parait un peu grêle par rapport à F2 qui est plus

large et bien plus sinueuse. Sur tout le lobe frontal, il n'y a qu'un

pli de passage entre F2 et F3, La frontale ascendante FA, est

volumineuse et assez sinueuse ainsi que PA. Le Sillon de Rolando,

SR. est très tortueux sans interruption. Les plis pariétaux, supé-

rieur, Pi et inférieur. 112 sont assez 'volumineux ainsi que le pli

courbe, PC et le lobe occipital LOC. Le pli courbe envoie un pli de

passage au lobe occipital qui est assez développé, Le lobe tempo-

ral a ses circonvolutions plutôt volumineuses. Les lèvres de la

scissure de Syluins sont presque en contact et ne laissent voir que la

pointe du lobule de l'insula avec quatre di21tations, sans compter

les trois prolongements qu'envoie en arrière la T' (PLAaCUE I).

' Nous avons publié une série de ses photographies en 1839 et en 1896

(Voir .loch. de ueurolog., 1890, 11- 1, et Comptes rendus de Bicéli,e de

1880. 1). 172; 1895, p. 169.

Firj. 11. i. - Ueb .. en 1901 '.

104 RECUEIL DE FAITS.

Face interne. La corne d'Ammon, les circonvolutions CH et TO

sont un peu grêles et s'envoient un pli de passage, FI, C C C, LP et

le lobecarré, LQ, sont bien développés, le coin, C, est petit. Le corps

calleux, CC, le corps strié, CS, la couche optique, C0,'et le ventricule

latéral n'ont rien à noter (PI. II).

En résumé le cerveau est assez volumineux et lourd. Les

circonvolutions sont développées mais n'offrentque de rares

plis de passage. Les sillons paraissent d'une profondeur à

peu près normale. Il n'y a, pas, macroscopiquement, trace de

méningo-encéphalite.

Cou. L'examen le plus attentif ne fait découvrir aucune trace

de la glande thyroïde. 11 n'y a pas de trace du thymus.

Thorax. Les poumons sont normaux. On recueille 50 gr. de

liquide dans la plèvre droite et 180 gr. dans la cavité péricardique.

Coeur volumineux; les cavités et les valvules sont normales.

Le trou de Botal est oblitéré. Le coeur droit est un peu dilaté.

Plaque atéromateuse de 2 cm. de longueur sur l'aorte.

Abdomen. L'estomac, les intestins ne paraissent le siège d'au-

cune lésion. Le foie est un peu congestionné et il y a des plaques

de péri-hépatite à la face supérieure du lobe droit. Vésicule biliaire.

rien. Rein droit hyperhémié. Rein gauche lobulé, très conges-

tionné, présentant une série de dépressions circonscrivant 4 ou 5

gros lobes. Signalons aussi une série de petits kystes variant d'un

pois à une tête d'épingle, situés aux limites des zones corticale et

pyramidale. Aucune lésion des capsules surrénales.

IDIOTIE MYX(EDGMATEUSE. , ZO5

La mort est due à une syncope provoquée sans doute par l'hy-

dropisie du péricarde, qui ne s'était traduite par aucun symptôme,

puisque le malade allait et venait comme d'habitude, avait mangé

à son ordinaire, ne se plaignant de rien.

Poids DES organes

106 IlitCUI ? 11, DI ? FAITS.

ri. 15. - Squelette de Deb...

IDIOTIE 107

Fig. 15. - Squelette de Deb...

108 RECUEIL DE FAITS.

ment bornés à apprécier à vue d'oeil le degré d'atrophie ou d'hy-

pertrophie de telle ou telle partie. D'abord cela n'offre aucune

garantie en raison des erreurs qui en découlent indiscutablement ;

en second lieu, on ne peut comparer le cas particulier aux mo-

yennes générales; enfin il n'est pas possible de comparer les divers

cas de cette affection entre eux.

C'est dans ce but que nous avons autant que possible, mis en

regard de nos remarques, des mensurations rigoureuses, afin de

pouvoir les comparer, lorsque la chose était nécessaire, à des

moyennes normales. Nous n'avons pas utilisé toutes les mesures

que nous avons recueillies, mais nous les faisons néanmoins figurer

dans ce travail pour permettre aux médecins, désireux d'employer

une méthode exacte, de comparer leurs cas au nôtre 1. Ajoutons

enfin que la technique employée estcelle qu'on enseigne et qu'on

applique constamment au laboratoire d'anthropologie de l'Ecole

des Hautes Etudes.

Tète. - A première vue deux particularités s'imposent.

1° Le grand développement du crâne dans le sens aiitéro-posté-

rieur ; 2° sa faible hauteur.

Précisons ces particularités par des mesures :

Le diamètre antéro-postériear maximum est de 186 millimè-

tres.

Le diamètre antéro-postérieur métopique de 184 millimètres.

La courbe partant de l'ophryon pour aboutira l'inion égale 30+

millimètres.

La hauteur totale du crâne est de 103 millimètres.

Cette dernière dimension est considérablement réduite et la vue

du dessin stéréographique du crâne indique immédiatement la

cause de cette déformation : il existe un abaissement considérable

de la base crânienne tel que le trou auditif A correspond exacte-

ment au basion B (bord antérieur du trou occipital). Or, sur un

crâne normal, ces deux points sont situés à des hauteurs diffé-

rentes. La hauteur dn trou auditif au vertex est chez un individu

normal d'environ 126 millimètres (Papillault). Dans notre cas, cette

dimension est considérablement réduite et notons qu'elle repré-

sente également la hauteur totale du crâne par suite de la parti-

cularité que nous avons précédemment indiquée. Nous avons fait

remarquer que le crâne a des dimensions considérables dans le

sens antéro-postérieur : comparons nos mensurations à celles d'un

homme moyen (Papillault)*, celui-ci présente un diamètre antéro-

' Le dessin au stéréographe qui figure ici a le double avantage de

donner une reproduction fidèle du crâne, et de permettre à ceux qui ne

disposeraient pas du crâne de compléter nos mensurations d'une façon

rigoureuse. (l. III).

IDIOTIE MY"Ï OEDEMATEUSE. 109

fit. 17. - Squelette de ..

'J10 RECUEIL DE FAITS.

postérieur maximum de 184,2 et un diamètre antéro-postérieur

métopique de 182,9. Les dimensions du crâne de Debarg.. sont

donc supérieures.

Le diamètre antéro-postérieur maximum part en avant de la

glabelle, dont la saillie est précisément une cause importante

de son augmentation. Or, chez notre sujet, cette saillie gla-

bellaire fait défaut, ce qui n'empêche pas le diamètre maximum

d'être encore supérieur à celui d'adultes normaux et à saillie forte.

Remarquons encore que, malgré la faible saillie ulabellaire, le dia-

mètre métopique est inférieur au diamètre glabellaire. Cette cons-

tatation a son intérêt, car on voit écrit parfois que les myxcoedé-

mateux conservent un front infantile : c'est une erreur, tout au

moins partielle. 11 y a bien un caractère infantile : l'absence de

la glabelle, mais il n'y a-pas, comme chez l'enfant, la supériorité

de diamètre métopique. Si la glabelle eût été prononcée, il eût

existé une inclinaison considérable du front.

Examinons maintenant les dimensions transversales du crâne.

Nous mettons entre parenthèses les dimensions correspondantes

d'un individu normal. Le crâne de Deb... présente donc une légère

diminution de ses diamètres transversaux. Mais elle est beaucoup

moins marquée que celle des dimensions verticales de l'os.

IDIO'fIE lIY71lD)ïlllA'fEUSE. 1 il ! 'd. 96) que les os wormiens sont la preuve que les os normaux

ont été, à un moment donné, incapables de remplir leur rôle. Les

parties membraneuses ont été envahies à la longue par l'ossifica-

tion de centres supplémentaires, qui donnent les os en question.

Pour un os crânien, cette impossibilité de suffire à la lâche peut

provenir d'un manque de pouvoir ostéogénique, comme elle peut

être engendrée par un excès de pression intra-cranienne (hydro-

céphalie, volume relativement élevé de l'encéphale); le résultat est

le même. Dans notre cas particulier, il va une double raison pour

que ces conditions se présentent : le myxoedème s'accompagne

d'un trouble considérable du pouvoir ossificateuret.de plus, la

boite crânienne renfermait une masse encéphalique relativement

volumineuse puisqu'elle pesait 1245 grammes. Et n'oublions pas

(ce qui est important) que le sujet n'avait qu'un mètre cinq cen-

timètres de taille (1 m 05) et que son poids égalait 35 kilogr.

L'os occipital est légèrement saillant : il semble l'avoir été davan-

tage lors des premiers examens de Deb... à son arrivée à Bicêtre,

car la proéminence du bord supérieur de l'os avait attiré l'atten-

tion. La présence des os wormiens situés à ce niveau marquerait

assez bien la persistance d'une partie membraneuse qui se serait

ossifiée dans la suite à l'aide du processus supplémentaire que

nous avons signalé plus haut. Cette saillie est en rapport avec la

poussée que le poids encéphalique a fait subir à la base d'une

façon générale et naturellement aux parties latérales voisines de

cette base. C'est ainsi que le diamètre transverse est situé très bas

et se confond presque avec le diamètre bimastoïdien.

Nous serions assez portés à attribuer une dépression située en

arrière du bregma à l'Inflexion de la base ducràne combinée avec

la persistance anormale de la membrane fontanellaire. La fonta-

nelle antérieure était encore ouverte lorsque Deb... avait vingt

ans (voir observation) elle s'est donc obturée fort tard. Mais lors-

qu'elle a été envahie par l'ossification, le cerveau avait déprimé la

base crânienne et n'exerçait aucune pression contre le paroi supé-

rieure. Celle-ci a, d'ailleurs, une épaisseur considérable qui semble

bien dénoter qu'aucune pression ne s'est opposée à l'ossification :

mais dans ces conditions la membrane fontanellaire était déprimée

et c'est dans cette situation qu'elle a été envahie par l'ossifi-

cation. A ce niveau on retrouve d'ailleurs une transparence très

nette de la calotte. Telles sont les raisons qui permettent d'émettre

cette hypothèse sur la nature de cette déformation.

Base du crâne. L'affaissement de la base du crâne méritait

d'être mesurée exactement. C'est pourquoi nous avons dessiné avec

l'aide de M. Papillault, professeur à l'École d'anthropologie, le

crâne au stéréographe et mené les lignes qui permettent de

mesurer d'une façon mathématique l'inclinaison des ditiérentes

112 RECUEIL DE FAITS.

parties du crâne par rapport au plan orbitaire ou par rapport au

clivus (PL. III). "

Voici nos valeurs angulaires et en regard celles d'un individu

normal :

IDIOTIE MYXOEDÉMA.TEUSE. 113

petit rond sont confondus. Les cloisons qui séparent ces trous sont

d'abord cartilagineuses, puis elles subissent au sur et à mesure

une transformation osseuse. Chez notre sujet le retard de l'ossifi-

cation a laissé persislercet état foetal. Il existe sur toute la surface

endo-cranifnne des éminences et des dépressions dénotant que

l'activité périostée a cependant été suffisante pour produire de l'os,

aux points où la pression encéphalique ne s'exerçait pas. D'ailleurs

le retard de l'ossification est bien moins marqué et même par-

fois complètement absent dans les points où la croissance était

interstitielle. Au niveau des sutures, le retard est plus accusé et

surtout avait été très marqué au début, comme l'indique des faits

de l'observation clinique (persistance de la fontanelle) et les parti-

cularités relevées au cours de notre examen (os wormiens). La

suture sphèno-hasitaire n'est nullement st nostosée : il v a eu, à ce

ni'eau. un arrêt complet de croissance, aussi la distance du basion

à la suture n'est-elle que de 19 millimètres : c'est là la persistance

d'un caractère véritablement infantile. Nous retrouverons cette dif-

férence entre les deux modes d'ossification encore plus prononcée au

niveau des os des membres. Signalons aussi une particularité qui

peut dépendre d'un défaut d'ossification' : la partie antérieure do

l'apophyse crista-galli n'est pas reliée au niveau de sa base à la face

postérieure de l'os frontal : il y a un espace vide qui communique

directement avec les fosses nasales. A ce niveau, les deux portions

du frontal se terminent en formant une pointe en forme de V dont

la pointe est dirigée en bas. Les deux portions qui conslituent le

frontal sont visibles et leur ligne de réunion sépare en deux parties

égales l'angle limité par les branches contiguës des V osseux signa-

lés à l'instant.

Face. L'atrophie du massif facial e,t considérable : minceur

des apophyses zygomatiques, faible développement de l'os ma-

laire et du maxillaire supérieur, absence des arcades dentaires,

tout cela est très marqué. Les quelques mesures suivantes permet-

tent de s'en rendre compte.

'114 RECUEIL DE FAITS.

Nous donnons de suite quelques-unes des dimensions normales

de celte même région, indiquées par M. Papillault. dans son travail

surlasuture métoprque (blémoies cle lcaSozété d'dzthrool«gie,189fij.

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 115

l'aplatissement de la région chez le Tn/oedem'eMa;. Venant d'in-

diquer la cause de l'élargissement de l'espace interorbitaire, nous

avons ainsi signalé complètement la raison d'être du faciès des

myxoedémateux, souvent attribué à d'autres molifs par ceux qui

ne se donnent pas la peine de mesurer et de comparer.

Ce qui est encore particulier, c'est l'absence complète des arca-

des alvéolaires. II ne faut pas dire, comme on le fait parfois, leur

disparition, puisque c'est un au'et de développement.

A première vue, il semblerait que la voûte palatine fut considé-

rablement agrandie transversalement et antéro-postérieurement.

mais c'est l'absence de la saillie alvéolaire qui exagère cette im-

pression.

116 RECUEIL DE FAITS.

allongée en exagérant l'ouverture de son angle; 2° les dents inci-

sives ayant besoin de se mettre en eontact avec les incisives supé-

rieures, l'os s'est pour ainsi dire tordu, renversé en avant de ma-

nière que sa lace postérieure (à la symphyse) regarde Ires

obliquement en haut et en arrière. L'inclinaison decette face forme

avec 1'liorizotilaie l'angle que nous avons signalé.

Malgré ses faibles dimensions cetoss'cst adapté à sa fonction mas-

ticatrice. C'est la démonstration pathologique de cette loi énoncée

par M. Papillault (Homme moyen) : la mandibule est un os qui

semble avoir fort peu d'autonomie, nul autre ne s'adapte plus rapi-

dement aux exigences de sa fonction et aux organes qui le touchent

de près.

Le thorax est aplati transversalement et le sternum est projeté

en avant. La courbe des côtes est à peine accentuée. La déforma-

tion thoracique est en rapport avec celle de la colonne vertébrale

qu'on a décrite dans l'observation prise durant la vie du sujet.

Nous donnons néanmoins quelques mensurations, mais elles ont

peu de valeur puisque les inflexions de la colonne ont disparu : on

n'en a pas tenu compte en montant le squelette. Voici quelques me-

sures des régions thoracique et vertébrale :

IDIOTIE \IY\Q'sDEni.1'l'EUSE. 117

118 RECUEIL DE FAITS.

sites nombreuses et saillantes et que leur action a pour résultat

de presser la tête numérale contre la face articulaire de l'omoplate.

La gouttière bicipitale manque.

Voici quelques mensurations :

Omoplate :

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 119

reste de l'os ne présente pas de déformations susceptibles d'être

étudiées. Le pilastre est assezprononcé et il existe un élargissement

sous-tronchantérien de l'os.

Il y a une déformation très prononcée du plateau tibial. Alors

que la cavité glénoïde externe regarde en haut, l'interne regarde

obliquement en haut, en dedans et en arrière. Elle est en même

temps à un niveau très inférieur par rapport à l'externe.

De cet affaissement il résulte : l°que la surface articulaire de l'os

est elle-même extrêmement oblique; 2° que la face interne de l'os,

au voisinage de la partie articulaire, présente une incurvation

résultant du déplacement et du tassement de la tubérosité interne.

Quelle est la cause de cette déformation ? Il nous est impossible

de trouver une explication satisfaisante : on ne voit pas par suite

de quel mécanisme le condyle interne du fémur aurait subi une

augmentation de volume, tandis que la partie correspondante du

tibia aurait subi un effondrement ? ou par suite de quel processus

l'extrémité inférieure du fémur restant normale, ainsi que la partie

externe de l'extrémité supérieure du tibia, la partie interne de ce

dernier os s'est déformée ? Le péroné a-t-il augmenté la solidité

de la partie externe'/ On ne peut que faire des suppositions.

Une dernière remarque. De l'étude et de la comparaison de

nos chiffres il se dégage un fait absolument particulier. Relative-

ment à leur épaisseur, la longueur des os est extrêmement faible :

alors qu'il y a eu un retard, on pourrait même dire un arrêt de

croissance en longueur, la croissance en largeur est beaucoup

moins et quelqm fois nullement atteinte. Ces deux croissances ne

sont nullement parallèles, puisqu'on a des os dont la longueur

rappelle celle d'un enfant en basâge, mais dont le volume est celui i

d'un adolescent, presque d'un adulte. Cette dysharmonie entre les

deux modes d'accroissement osseux, l'un par les cartilages de conjtt-

gaison, l autre pur le périoste, est une caractéristique de l'affection.

Nous l'avions déjà constatée sur le crâne, nous la retrouvons ici

absolument nette.

Planche III. Or, voûte orbitaire. N, nasion. 11, II, plan orbi-

taire honzonial, passant par le centre de l'orbite et le trou optique, Op.

- CC, plan du clivns. Ow, os wormiens. - l, plan du rocher. La

ligne indiquée sans lettre, entre le plan orbitaire (H, H) et le plan du

rocher (1t), répond au plan de l'mion. op, plan du trou occipital.

Les signes XX répondent aux bosses frontales et pariétales.-1;, fosse

ethmoïdale. T, fosse temporale. R. bord supérieur du rocher.

A, trou auditif. D, basion (bord antérieur du trou occipital;.

'Voir sur les os du crâne des myxoedémateux infantiles nos autres

observations : Compte rendu de 1891, p. 35 ; 1894, p. 35, etc.

')20 0 RECUEIL DE FAITS.

Recherche de la mucine dans la peau d'un myxoedémateux; par

M. Beuthoud, pharmacien en chef de Bicêhe.

On a noté à l'autopsie de certains rnyxoedéi-netleux l'existence

d'une infiltration gélatineuse du tissu cellullaire sous-cutané,

infiltration dont la consistance serait due à une substance inuci-

noïde. On a, de plus, constaté-dans certains cas la présence de

mucine dans tous les tissus, y compris le sang. Il est donc inté-

ressant de chercher, chaque fois que l'occasion s'en présente, à

vérifier ces notions, afin de pouvoir établir s'il s'agit la d'un fait

général ou non.

A cet effet, un lambeau de peau, mesurant environ 270 centimè-

tres cadres, a été prélevé à la partie antéro-supérieure gauche du

thorax (région sous-claviculaire). Cette peau, glabre, est doublée

d'un pannicule adipeux abondant, dont l'épaisseur varie de 10 il

15 millimètres. Il n'y a pas d'infiltration gélatineuse du tissu cellu-

laire sous-cutané, sauf pourtant en deux points éloignés l'un de

l'autre, où se montrent deux caillots jaunâtres, tremblants, de la

grosseur d'une lentille. Ces deux caillots n'avaient pas été aperçus

lors du détachement du lambeau cutané sur le cadavre ; c'est viu"t-

quatre heures, après qu'ils ont été remarqués, so t qu ils aient

échappé au premier examen d'ailleurs rapide, soit qu'ils aient

apparu postérieurement par suite d'une altération cadavérique.

Voici la marche suivie pour larechercle de la mucine.

La peau proprement dite, débarassée aussi bien que po-sible de

la graisse sous-jacente, a été hachée et épuisée à l'eau fioide à

plusieurs reprises. Les diverses macérations réunies après filtration

ont été prudemment additionnées d'une petite quantité d'acide

acétique, ce qui produisit un précipité blanc immédiat peu abon-

dant, qui, reçu sur filtre, lavé à l'eau acétiliée, séché et pesé, s'éleva

à0gr032 pour 20 gr. 30 de peau mise en oeuvre, soit 0,157 pour

100 grammes.

D'autre part, le marc de macération fut maintenu, baignant dans

quantité suffisante d'eau distillée, à la température d'ébullition

pendant une heure, puis maintenu à l'autoclave vers )05 ? pendant

une autre heure. La fittrahon, assez rapide, donna un liquide opa-

liu ; ce filtrai, augmenté des eaux de lavage, qui passèrent très-

lentement, fut traité par l'acide acétique en quantité modérée, ce

qui détermine d'abord un louche laiteux, qui au bout de quelque

temps se condense en un dépôt floconneux blanc, surnagé par un

liquide clair. Ce dépôt, après (lessication, fut trouvé égal a0gr.0(}75

soit Ogr. 332 pour 100 grammes de peau.

Ainsi la macération et la décoction donnent à froid un précipité

par l'acide acétique. Or, c'est là un des principaux caractères de la

mucine, et c'est en la précipitant par l'acide acétique qu'on l'isole

IDIOTIE 111Y1QsDESIATEUSE. '121 1

bénéralement : lorsque, dans un liquide albumineux, cette réaction

se produit, on est conduit à soupçonner la présence de mucine.

Mais il faut contrôler cette indication en s'adiessant à une autre

propiiété de ce corps, décisive celle-là, et qui consiste dans la mise

en libellé d'un sucre réducteur lorsqu'on hydrolyse vers 100° une

solution de mucine par les acides minéraux.

Nous avons donc pratiqué cet essai sur le précipité obtenu par

l'acide acétique dans le décocté filtré de 11 s ? 923 de peau hachée.

Ce précipité lavé, aété délayé dans 200 centimètres cubes d'eau dis-

tillée par l'acide sulfurique à raison de p. 100. et transvasé dans

un tube à essai qui a été maintenu au baiu-marie bouillant au

delà d'une heure. Puis ce liquide a été iietitralisé, et essayé à la

liqueur de lùchling Celle-ci n'a pas été modiliée, ce qui indique

l'absence de sucre réducteur, et par suite de mucine dans le liquide

essayé.

La même opération a été pratiquée sur le filtrat obtenu lors de

la séparation sur le filtre du précipité déterminé par l'acide acéti-

que dans la macérationd e peau hachée, lise pouvait, en effet, qu'il

Ult passé en solution des corps voisins de la mucine, sinon la

mucine elle-même qui n'est pas toujours facilement rendue insolu-

ble par l'addition d'acide acétique, Le produit d hydrolyse neutra-

lisé n'a pas réduit la liqueur de 1,'el)ling.

Nous ne sommes donc pas, devant ce résultat né ? alif, autorisés

à conclure à la présence en quantité appréciable de la mucine ou

d'un mucolde quelconque dans l'échantillon de peau examiné.

Examen histologique ; par M. CI. Philippe.

L'examen liMolosique a été pratiqué sur plusieurs circonvolu-

lious choisies dans les principales régions ie l·ecorce cért'Lrale :

par exemple, au niveau des lobes frontal, occipital et rolandique

(lobule paruceW ral). Pour le dire dès maintenant, l'emploi com-

biné des méthodes usuelles (méthodes de (le (le

Marcha : fuchsine pinriquée de van Gieson ; picro-carinin ammo-

niacul ; éosine-Uémuloxylique), a permis de relever, -tir la presque

totalité des coupes, les lésions suivantes : méningites, atrophies

cellulaires, légère sclérose névrogliques des régions superficielles

de l'écoice cérébrale.

Méningite. -Cette méningite n'est nulle part très intense, un peu

plus marquée au iiiveati dit lobtite piracciitral que partout ailleurs.

Il s'agit unyuemeut le lepfonvuittgle, avec participation, sensible-

ment égale, des deux membranes molles, arachnoïde et pie-mère.

L'évolution fibro-plastique n'est pas tfèsaecnste; ainsi, on ne

rencontre en aucun point ni les végétations volumineuses, ni les

122 RECUEIL DE FAITS.

couches denses de tissu fibreux, qui se voient toujours dans les

cas de méningite franchement scléreuse. Chez Deb..., les feuillets

extrêmes, interne et externe, sont simplement plus épais qu'à

l'état normal ; toutefois, ces feuillets se soudent intimement l'un %

l'autre, quand ils s'engagent dans les petits sillons, de manière à

constituer une membrane assez loi le. De même, les travées inter-

médiaires, très développées, -ont sclérosées, et elles cloisonnent

les espaces sous arachnoïdiens en une infinité de logettes actuel-

lement vides de tout contenu. Surtout, le réseau vasculaire est

riche, quelle que soit la région examinée; artérioles et veinules

ont des parois, moyennes et externes, assez épaissies souvent, bien

que les tuniques internes ne présentent pas de grosses modifica-

tions. Ces néoformations vasculaires peuvent être suivies dans

toute l'écorce sous-jacente, jusqu'à une certaine profondeur.

Cellules NnVGUSRS. Les cellules nerveuses ne sont pas intactes.

Dans les légions où le proces-us pathologique paraît bien avoir

atteint 'on maximum de développement (lobule paracentral, cir-

convolutions frontales), les cellules ne sont plus tassées à la suite

les unes des autres, de manière à former les colonnettes bien

connues, qui sont étagées dans toute la hauteur de l'écorce céré-

brale ; au contraire, elles sont certainement diminuées de nombre,

et elles se disposent fréquemment en petits amas ou en chaînettes

courtes.

De plus, toutes ces cellules sont peu différenciées, à tel point

qu'il devient difficile de distinguer les couches qui apparaissent si

nettement à l'état normal, dans la région rolamlique par exemple.

Ainsi, les pyramidales, grandes et moyennes, sont très peu nom-

breuses dan- les couches dites profondes, là où ces éléments sont

d'ordinaire si faciles à reconnaître sur des circonvolutions saines.

Bref, la plupart des cellules ne dépassent guère le volume des

petiles pyramidales, et encore beaucoup de ces dernières ressem-

blent-elles plutôt à des neuroblastes.

Cet état de dy-génesie est plus évident, quand on examine les

coupes aux forts grossissements. Ainsi, les cellules ont des prolon-

gements petits, grêles, peu nombreux, difficiles à suivre sur une

grande longueur; les masses proloplasmiques sont minces, peu

compactes, souvent fissurées, dillicilement colorables à l'aide de

l'éosine ou du picro-carmm. peu chargées en corpuscules de Ni,sl;

les noyaux sont petits, faiblement teintés après action du bleu

polychrome d'Unna.

D'ailleurs, des lésions du même type se retrouvent sur les élé-

ments cellulaires autres que les pyramidales. Ainsi, toutes les rote-

ches de l'écorce cérébrale coiitioni2ent moins de cellules qu'à l'état

normal; en outre, les cellules encore existantes, sont petites, delor-

mées, manifestement arrêtées dans leur développement, si bien

IDIOTIE MYXOEDÉMATEUSE. 123

que beaucoup d'entre elles rappellent plutôt la morphologie et la

structure généiale des neuroblastes.

Dans les autres régions (lobe occipital, par exemple), le pro-

cessus pathologique n'a pas atteint un développement aussi accusé.

Toutefois, si l'on prend la peine d'examiner un cet tain nombre de

colonnes cellulaires, on rencontre aisément, çà et là, sur une

étendue plus ou moins considérable, des zones où l'agencement

des cellules, de même que leurs caractères structuraux, reprodui-

sent absolument tout ce qui vient d'être dit pour les circonvolu-

tions du lobe lrontal et du lobule paracentral.

Fibres nerveuses. Etant donné les lésions cellulaires précé-

dentes, les fibres nerveuses ne sauraient être intactes. Partout, on

note nue diminution de nombie des tubes nerveux, qu'il s'agisse

des couches tangentielles ou des fascicules radiaires. Mais cette

diminution de nombre ne va jamais jusqu'à la disparition totale

des fibres qui se retrouvent, encore assez nombreuses, dans toutes

les zones de l'écorce cérébrale, depuis la zone d'Ext)er Itisqu'a.1

centre ovale proprement dit. En outre, les fibres nerveuses, exami-

nées isolement, sont plus grêles qu'à l'état normal, même quand

il s'agit des fibres relativement grosses, qui entrent dans la cons-

tituttun des fascicules radiaires. En un mot, on relrouve au

niveau des tubes nerveux la dysgénésie ou l'arrêt de développe-

ment si évident pour les cellules nerveuses.

Sclérose 1\ÉVItOGLQUR. - Malgré les altérations parenchyma-

teuses, si accu-ées, qui viennent d'être décrites, le tisu névro-

glique n'a pas subi des modifications bien considérables. Sans

doute, la couche névrogtique immédiatement sous-pie-mérienne

est épaissie, plus dense qu'à l'état normal; ses fibrilles, finement

ondulées, contractent çà et la quelques adhérences avec les feuil-

lets de la méninge voisine; mais, partout ailleurs, les éléments

névrogliques, cellules et fibrilles, conservent leur disposition habi-

tuelle. En résumé, à part la légère sclérose des régions tout-à-fait

superficielles de l'écorce cérébrale, la névroglie ne parait pas avoir

pris une part bien considérable à l'évolution du processus patho-

logique.

Réflexions.

I. Nous n'avons pas à revenir sur les symptômes cliiii-

ques, que 'nous avons minutieusement décrits dans le

Compte rendu de Bicétre de 1889 ', Deb..., nous le répé-

1 Deh... est entré dans le service en février 1890. Mais en raison de

l'importance de son observation, nous l'avons insérée à la fin du Compte

rendu de 1S89 qui allait paraître.

124 RECUEIL DE FAITS.

tons, était un des plus beaux types d'idiotie myxoedéma-

teuse que nous avons observé. Les ligures 12, '13 et 14,

jointes à celles que nous avons données en 1889 et

en 1896, ne laissent aucun doute à cet égard.

II. Le traitement thyroïdien en julep, puis en injections sous-

cutanées n'avait produit, chez lui, aucun résultat. Appliqué

en ingestion stomacale en juin et juillet 189o, la taille n'a

gagné que deux ce)îli2îèlg,es et demi (1896). Bien que, en

raison des phénomènes graves occasionnés par le traitement

nous n'ayions pas cru devoir le reprendre, la taille, station-

naire en 1897, s'est élevée à 97 centimètres en 1898, s'y est

maintenue en 1899 et 1900, puis est montée successivement

à 99 centimètres, kun qïîèli-e(1901), enfin à 1 m. 05 en 1902.

Elle n'en était pas moins à 63 centimètres au-dessous de la

taille moyenne à son âge (36 ans), qui est do 1 m. 68 :

nanisme Mtya ? oedëH ! a<eM.c.

III. Sous l'influence du traitement, et sans doute aussi de

l'âge, la fontanelle antérieure, qui persistait encore il y a

quelques années, s'est fermée et, à l'autopsie, nous avons

trouvé à sa place une plaque osseuse transparente.

IV. Bien que Deb..., fût âgé de plus de trente-six ans, la

puberté, chez lui, ne s'était pas développée. La face, les ais-

selles, le corps étaient à peu près tout à fait glabres. Il

n'existait que quelques poils au pénil, les organes génitaux

étaient restés infantiles, et jamais il n'a manifesté d'impul-

sions génitales.

V. La température rectale de Deb... était d'habitude,

comme chez tous nos myxoedémateux, au-dessous de la nor-

male. Au moment de la mort, presque foudroyante, elle

était descendue à 34°. Ce cas d' hypothermie s'ajoute à ceux

que nous avons consignés dans maintes publications, entre

autres dans le Compte rendu de Bicètre de 1901 (p. 167). A

un moment, après la mort, elle a même été au-dessous de

la température du milieu ambiant.

VI. La description du squelette, peut-êlre la première

aussi détaillée, ['analyse ch4îîbique de la peau', examen

' Voir une inalyse spinl)l,-tl)le (le, Yvon et Tiiil)tjis (Co ? iple 2,encli,

ile 1SSG, p. 4fi); rle nI. ltetlnier (Conaple renclu de 1889, t. 9'J et de

DI. Cornet (Conaple 'eulu cle 139t, p. 1lz).

IDIOTIE MIlQ,DBM.1TEUSE. 125

lcistologigare du cerveau1 font de cette observation l'une

des plus complètes, sinon la plus complète, qui ait été

publiée jusqu'à ce jour nialetise.

VII. Depuis 1880 jusqu'à ce jour, il a toujours existé

dans le service quelques cas de myxoedème infantile. De là,

un certain nombre de publications personnelles que nous

croyons devoir rappeler à la fin de cette observation :

'1° Note sur un cas de crélinisme avec 9 ? iyxoedèi ? be ou

cachexie pachy dermique. Compte rendu de 1880, p. 16 (en

collaboration avec ct'Ollier); 2° De l'idiotie compliquée de

cachexie prlclagdez·naigzce ou idiotie crétinoïde. Compte

rendu de '1886, p. 3 (en collaboration avec P. Bricon);

3° Nouveau cas d'idiotie avec cachexie paclcdermiqzce;

idiotie crétinoïde ou idiotie myxoedémaleuse. Compte

rendu de 1888, p. 3; 4° De l'idiotie avec cachexie pachy-

dermique. Compte rendu de 1889, p. 51, et Association

française pour l'avancement des sciences (août 1889);

5° Nouvelle observation d'idiotie zzayxeedémcclezcse ou

cachexie pachy dermique. Compte rendu de 1889, p. 172;

6° Nouvelle contribution à l'élude de l'idiolie Mtyoedë-

maleuse. Compte rendu de 1890, p. 206 (Congrès de méde-

cine mentale de Roite2î); 7° Etat du squelette d'un nia-

lade atteint d'idiotie M : y<T3dëH : a/eMse. Compte rendu de

1891, p. 34; 8° Idiotie î ? iyxoedénialeuse. Compte rendu

de 1894, p. 9 ? - 9° Ti-ois cas d'idiotie 9 ? zyxoedénialeuse

traités par l'ingestion thyroïdienne. Compte rendu de 1895,

p. 167, et Congrès des aliénistes et 12eiti-ologisles de Bo ?

deaztx, t. II, p. 178; '10° Nouveau cas d'idiotie avec

cachexie pacAyde ? 'Mt ! yMe. Compte rendu de 1896, p. 49.

Communication faite à la Société de Biologie, séance du

15 mai 1896; 110 Cinq cas d'idiotie myxoedémaleuse (Bul-

letin de la Société médicale des hôpitaux, 1897, p. 32;

z121 De l'action de la glande thyroïde sur la croissance et

L'obésité chez les tdt'o<s myoedëMea/eMa;, obèses ou atteints de

nanisme (Congrès des niiénistes et neurologistes de Nancy,

1896, t. II, p. 372); 13° Iltgxcedènze infantile (communs-

1 Un de nos anciens internes, M. l'ilhet, nous a donné un examen

historique nu cerveau deCab ? (myxoedMmateu) et de sa peau (Compte

eaclu le 4SS9, p. 97). - Du méme auteur : Lncéplaliles chrotiques

de l'enfance (Ibidem, p. 113).

z PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

cation faite au Congrès international de médecine de 1900,

section de neurologie); 14° Idiotie myxoedémaleuse;

traitement thyroïdien; observalion de l'élicie T... Compte

rendu de 1900, p. 22. Toutes ces observations ont été

illustrées de nombreuses figures et de planches .

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

Nouvelle contribution à l'étude de l'état du fond de

l'oeil chez les paralytiques généraux. «Atrophie

papillaire et décollement de la rétine ;

PAR LES DOCTEURS

Il. KERAVAL T G. RAVIAUT

Médecin en chef des Asiles Médecin adjoint de l'Asile

de la Seine. d'Armentières.

Nous avons dans un premier travail' étudié les différents

stades des lésions du fond de l'oeil dans la paralysie générale.

Nous rapportons aujourd'hui l'observation d'un paralyti-

que qui, outre une atrophie papillaire bi-latérale, présen-

tait un vaste décollement de la rétine de l'eeil droit; nous

pensons que la publication de ce cas rare apportera une

contribution utile à l'élude commencée par nous.

lllae... A., trente-huit ans, rattacheur, marié, père de deux

enfants, entre à l'asile des aliénés d'Armentières le 8 juin 1901,

présentant la plupart des signes de la paralysie générale. C'est un

syphilitique et un alcoolique invétéré. Deux ans avant l'entrée à

l'asile, il a perdu la vue : ce n'est qu'un an plus tard que les troubles

mentaux apparurent, caractérisés qu'ils étaient par un simple

affaiblissement des facultés intellectuelles; plusieurs mois après

se montrent des idées délirantes de jalousie : « sa femme a des

amants, elle leur donne de l'argent », de persécution « on lui en

' Keraval et ilaviart. L'étal du fond de 'a't7 chez les paralytiques

généraux et ses lésions analomiques initiales et terminales (Archives de

Neurologie. 1903, il- 85).

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 127 Î

veut : ses aliments sont empoisonnés ». Il ne dort plus, s'excite

violemment, menace de tuer sa lemme , se .jette sur elle, puis se

sauve en chemise dans la rue, brise tout etc. On doit l'interner. A

l'entrée, il est excité; toujours persécuté, il cherche à fuir, refuse

de manger, aussi doit-on l'alimenter à la sonde, Etat démentiel

des l ? Lculiés, dé,orientalion absolue. -

Signes physiques de la paralysie géné'ale. Faciès sans expres-

sion, tremblement lihrillaire de la langue, embarras de la parole

caractéristique; tremblement des mains. Réllexe rotulien exagéré.

Signes physiques de dégénérescence. Athérome artériel.

Complètement aveugle, très affaibli, gâteux, Mar...doit être im-

médiatement alité.

L'examen oplitalmoscopique est pratiqué le lendemain de l'entrée

11 donne les résultats suivants :

(EU gauche : atrophie papdluire blanche.

(Mit d,oit : décollement de l@t7-éti,ies'éleiidani à tout l'hémisphère

inférieur et à une partie de l'hémisphère supérieur rendant ainsi

la papille totalement invisible.

Tenant à peine debout, Mar... est resté alité pendant toute la

durée de son séjour à l'asile ; il s'affaiblit peu à peu et mourut dans

le marasme treize mois après son entrée.

Autopsie. -Le corps est très amaigri. La région sacrée présente

une vaste eschare. On distingue sur la face antérieure de la verge

la trace fort nette d'un chancre syphilitique.

La culotte crânienne est d'épais-eur moyenne, et présente au

niveau des pariétaux, au voisinage de la ligne médiane, deprufon-

des dépressions dues aux granutationsménmgiennes del' : ccctioni.

La dure-mère a un aspect normal. - La pie-mère extrêmement

distendue par du liquide d'oedeme eL congestionnée, son aspect

est lactescent. Elle se détache assez facilement de l'écorce céré-

brale non sans enlraitier toutefois eude nombreux points un peu de

substance grise.

Tandis que l'on enlève le cerveau, il s'écoule une très grande

quantité deiiquidecephato-rachidieu.

A l'examen de la face inférieure de l'encéphale, nons pouvons

constater la quasi intégrité dst'a ? axa : , il n'y a pas d'atllé-

rome apparent- Les nei fs optiques apparaissent très atropines;

leur coloration est grisâtre, le cltrnsnzu présente le même aspect.

Les circonvolutions cérébrales qui ne semblent pas très atrophiées

sont le siège de nombreuses érosions caractéristiques. La substance

grise est légèrement ramollie suit out au niveau de l'extrémité

antérieure des lobes temporaux. Pas d'autre lésion de la subs-

tance blanche qu'un léger piqueté hémorrhagique. Les ventricules

latéraux sur les parois desquels on observe de nombreuses granu-

lations, sont distendus par le liquide céphalo-rachidien.

'18 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

La moelle épinière ne présente pas d'altérations macroscopi-

ques.

- En somme lésions caractéristiques de la paralysie générale.

Les Yeux énucléés quelques heures après la mort ont été fixés

dans le formol, inclus dans la celloiditie et coupés parallèlement

au méridien vertical de façon que les coupes de l'ocil droit

intéressent à la fois la partie de la rétine décollée et l'autre par-

tie.

Nos coupes ont été traitées par de nombreux procédés de colo-

ration, mais c'est surtout à l'hématoxyline à l'alun que nous nous

sommes adressé pour la coloration des noyaux, au mélange de

Van Gieson pour celle du tissu conjonctifet des cylindraxes.

OEil droit. - C'est sur des préparations intéressant à la fois le

net 1* optiqtie à son entrée dans le globe de l'oeil, la papille .en sa

partie centrale et la rétine en ses parties supérieure siège du

décollement et inférieure non décollée que nous étudierons les

lésion- présentées par i'031) droit. Nous passerons successivement

en revue chacun des éléments : le nerf optique présente une proli-

fération très accusée de ses éléments conjoncttfs et névrogliques

ainsi qu'on peut s'en rendre compte à l'examen de notre première

ligure; les espaces in terfascicu 1 aires (1 jSg. 1) sont particulièrement

riches en noyaux : ceux-ci appartiennent pour la plupart des cel-

lules de névroglie. Les éléments du tissu conjonctif dont beaucoup

semblent provenir du tissu conjonctif choroïdien sont également

très prolilérés. Ils sont du fait de leur origine dirigés surtout

transversalement; cette prolifération e,t surtout marquée au niveau

de la lame criblée où tout élément nerveux a disparu.

A mesure que nous approchons de la papille, le nombre de ces

éléments augmente; au très grand nombre de noyaux qui sem-

blent nés sur place, viennent sejoindre en 2 (fig. 18) par e\emple

des noyaux conjonctifs provenant de la partie interne de la cho-

roïde de sorte que la papille (3 fig. 1) présente un état de sclérose

déjà avancé; il n'est plus possible d'y distinguer de fibres optiques et

il n'entre plus dans sa structure que quelques libi-illes conjoncti-

ves néoformées noyées dans la masse des noyaux conjonctifs et

névrogliques. Ce sont là en somme les lésions du dernier stade de

l'atrophie papillaire des paralytiques généraux : nous les avons étu-

diées en détail dans notre premier travail, aussi comprendra-t-on

que nous n'insistions pas davantage ici.

Les vaisseaux (4 et 5 fig. 18) ont leur paroi peu épaissie, ils sont

enlourés d'un tis-u conjonctif, abondant, toutefois, il ne semble

pasqu'il jouent ici un rôle prédominaut dans la production de la

sclérose.

La rétine présente dans ses parties avoisinant la papille (6 et 7

fig. 18) des. lésions de même intensité que celles que nous avons

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 129

décrites à ce niveau, et les fibres et cellules nerveuses des couches

correspondantes ont disparu pour faire place aux éléments con-

lonctit's et névrogliques proliférés. A mesure qu'on s'éloigne de la

papille, ces lésions si marquées de sclérose diminuent peu à peu

d'intensité; la sextuple rangée de cellules conjonctives et névrogli-

ques qui aux abords de la papille occupe la couche des fibres ner-

veuses, devient moins dense, mais d'autres lésions plus intéres-

santes s'offrent alors à notre observation; elles sont particulière-

ment marquées à un demi centimètre environ de la papille dans

l'hémisphère supérieur : c'est en ce point que nous allons les étu-

dier.

On les trouvera figurées aussi exactement que possible dans

noire second dessin représentant une coupe transversale de la

rétine et de la choroïde au niveau du décollement. Voyons succes-

sivement chacune des couches et étudions les modifications qu'elle

a pu subir :

La limitrarzle interne (1, fig. 19) est épaissie, elle mesure plus de

deux p.; d'épaisses fibres de Muller 2 (fig. 19) en partent, on les

voit,d'abord se diriger presque horizontalement puis s'infléchir

pour descendre verticalement vers les couches externes delà rétine,'

La couche des fibres nerveuses, ne semble plus contenir de fibres

opliques intactes, elle présente des lésions extrêmement accusées

qui vont jusqu'à la désintégration complète des éléments et abou-

tissent à la production d'espaces lacunaires assez étendus comme

en 4 par exemple. Les noyaux conjonctifs et névrogliques y sont

peu abondants, on les rencontre surtout autour des petits vais-

seaux qui en 5 par exemple présentent une notable hypertrophie de

leurs parois.

La couche ganglionnaire présente des altérations extrêmement

avancées. Non seulement il est impossible de découvrir une seule

cellule nerveuse saine, mais en maint endroit, toute trace d'élé-

ment noble a complètement disparu. Les logettes qui les conte-

naient apparaissent au contraire avec évidence, on les voit parti-

culièrement bien sur notre figure 19 et on peut en certains points

s'assurer que les fibres de illulier contribuent à la formation de

leurs parois. Quelques-unes de ces loges sont vides, mais la plu-

part contiennent ou bien des cellules de névroglie à noyau volumi-

neux demeurées là après la destruction de la cellule nerveuse, ou

quelques débris de la cellule disparue : un noyau sans nucléole,

gonflé et incolore, ou bien encore comme en 3 par exemple deux

noyaux accolés, encore nucléoles faiblement colorés semblant être

le vestige d'un essai de multiplication d'une cellule nerveuse irri-

tée.

Les éléments fibrillaires de la couche moléculaire sont diminués

en nombre et les mailles de son plexus sont beaucoup moins ser-

rées que normalement.

Archives, 2« série, t. XVI. 9

130 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

La couche granuleuse interne, épaisse de ;i0 li. a quelques-

uns de ses éléments plus ou moins désagrégés à noyau gonflé et

incolore; ils prédominent dans la partie externe.

Les altérations présentées par la couche intergranuleuse sont des

LE FOND DE L'(EIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 131 L

plus intéressantes. Nous nous trouvons ici en présence de la lésion

décrite sous le nom de sclérose en arcades de la rétine. Cette cou-

che, qui atteint ici une épaisseur considérable : 70 p.. a, par

suite de la « métamorphose régressive » des éléments nerveux de

la rétine, métamorphose fréquente dans les cas de décollement,

perdu tout le fin réticulum de fibrilles nerveuses, qui la constitue

normalement; de sorte qu'il ne reste plus que les libres de Mutter

(7, fig. 19) formant autant de colonnes verticales épaisses de 1 à 2

a séparées par des intervalles de S à 7 p. remplis par un liquide

incolore.

La couche granuleuse externe, épaisse d'environ HO 1-t ne présente

pas de lésion appréciable.

La membrane litnilaizie externe, n'apparait pas nettement par-

tout ; bien visible en certains points de la figure 19 (en 9), elle ne

semble pas exister en d'autres.

La couche des cônes et des bâtonnets, est le siège d'altérations

intéressantes, surtout au niveau des articles externes. Les ')t ! <0 ! ) ? te<s

ont, comme on peut s'en rendre compte en 10, fig. 19, notamment,

une forme irrégulière; ils sont gonflés et tortueux, parfois moni-

liformes. Mais ce sont, surtout les cônes qui sont le plus altérés;

leur article externe est presque toujours très gonflé, il a la forme

d'une sphère, énorme parfois, il a éclaté en certains points comme

en 11 par exemple où on ne distingue plus que sa partie interne;

presque partout ils sont plus ou moins désagrégés et leur extrémité

libre a disparu.

Avant d'étudier la couche pigmentaire. nous devons dire quel-

ques mots de l'exsudat, ce dernier se trouvant épanché entre la

rétine et cette couche.

1,'exstitlai, contient en assez grand nombre divers éléments qu'on

trouve représentés figure 19; ce sont des débris plus ou moins

ieconnaissables de cônes et de bâtonnets : en 13 par exemple on

reconnaît très bien dans cette masse sphérique mesurant 11 jjL

de diamètre l'article externe d'un cône, en 13 c'est vraisemblable-

ment à un fragment de bâtonnetque l'on a affaire.

D'autres éléments paraissent être des leucocytes plus ou moins

volumineux enfin on rencontre surtout en abondance des cellules

de la couche pigmentaire encore bien reconnaissables en Il mais

le plus souvent fortement désagrégées, leur noyau libre, leurs

granulations dispersées comme en 1 par exemple.

La couche pigmentaire (16, fig. 19) complètement séparée de la

rétine, est restée dans presque toute son étendue adhérente à la

choroïde, toutefois elle en est également détachée en certains points

ce qui est le cas dans notre figure 19. Les cellules épilhéhales qui

composent cette couche, sont plus ou moins altérées, quel-

ques unes perdent leur forme polygonale et sont plus ou moins ar-

rondies, leur richesses en pigment est très variable; d'une façon

Fig. 19. Coupe transversale de la rétine et de la cllort niveau du décollement. Grossissement : diamètres.

1, Limitante interne; 2, fibres de lluller, 3, noyauide cellule nerveuse proliMree; i, lacuacresula l'a désintégration des tissus 5, petit vaisseau Ci paroi hypertrophiée; 6, couche granuleuse interne;

7, fibres de Muller formant autant de colonnes séparées par des espaces remplis de sérosité, 8, rindeuscexterne; 9, membrane tunitantp externe; 10, bâtonnet déformé; Il, article externe de cône qui

a éclaté; 12, article externe de cône gonllé flottant dans l'exsudat; 13, fragment de bâtonnet; 14, cello coucllcpi,-mciitaire; 13, débris de cellules de la même couche; 16, couche pigmentaire; 17, cellules

dépourvues de pigment; 18, membrane titrée; 10, capillaire; 20, cellule pigmentée de la dioroïfcfcre à paroi épaissie ; 22, veine fortement congestionnée; 23, artère dont la lumière est oblitérée.

if

134 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

générale il est moins abondant que normalement et certaines cel-

lules en sont presque complètement dépourvues (17, fig. 19).

La choroidc présente à ce niveau des lésions ti es caractéristiques

susceptibles d'éclairer la pathogénie du décollement.

La membrane vitrée et la couche des capillaires ne semblent pas

très altérées mais il n'en est pas de même de la couche des gros vais-

seaux; les artères ont leurs parois généralement épaissies, Si.

leur lumière peut même être oblitérée, c'est le cas de l'artériole

figurée en 23. Les veines sont fortement congestionnées, celle qui

est représentée en 22 en présente un bel exemple; elles contiennent

en assez grand nombre des leucocytes polynucléaires.

Lestroma choroïdien, très riche en faisceaux de fibres conjoncti-

ves, et en cellules fortement pigmentées, 20, contient en outre de

nombreuses cellules lymphatiques et un certain nombre de lym-

phocytes de volume variable sitjés entre les fibres conjonctives du

stroma séparées par un exsudat séreux, incolore, plus ou moins

abondant suivant les points.

Telles sont les lésions que nous rencontrons dans la partie

de l'hémisphère supérieur de l'oeil voisine de la papille. Si

nous examinons maintenant des parties plus éloignés, nous

trouvons toujours les mêmes altérations des différentes

couches; toutefois la sclérose en arcades diminue peu à peu,

et bientôt, à environ un centimètre de la papille, la couche

intergranuleuse présente un aspect à peu près normal. Par

contre, la rétine tout entière qui à ce niveau flottait dans

l'exsudat, a un aspect flou. ses éléments anatomiques sont

moins bien colorés qu'ailleurs et chacun d'entre eux paraît

gonflé. Les éléments de la couche des cônes et des bâton-

nets, sont peu nets, on les distingue mal les uns des autres

et on peut constater la présence de nombreuses vacuoles

correspondant tant aux articles internes qu'aux articles exter-

ness des cônes et des bâtonnets.

A une plus grande distance encore de la papille, nous

voyons ia couche intergranuleuse disparaitie; les couches

granuleuses interne et'externe dont les éléments sont beau-

coup moins nombreux et très gonflés sont confondues; lacou-

che des cônes et des bâtonnets est devenue méconnais-

sable.

Enfin dans les parties les plus éloignées, toute division en

couches est impossible, la rétine diminuée de volume, infil-

trée de pigments, présente bien les lésions de l'atrophie pig-

mentaire consécutive au décollement. A ce même niveau, la

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 135

choroïde est très altérée et présente des lésions de sclérose

caractéristiques.

Du côté de l'hémisphère inférieur de l'eeil droit les lésions

sont moins accusées. Dans le voisinage immédiat de la papil-

le, on rencontre comme précédemment toutes les lésions

étudiés et représentées figure 2 mais bientôt l'atrophie si

marquée de la couche intergranuleuse disparaît et l'on

n'observe plus dans les parties non décollées la sclérose en

arcades ; d'autre part la rétine présente jusque dans ses par-

ties les plus éloignées de lapapille des couches bien distinctes

quoique plus ou moins altérées dans leurs éléments.

L'oeil gauche, présentait simplement les lésions de l'atro-

phie papillaire, nous n'insisterons pas; qu'il nous suffise de

dire qu'elles sont moins intenses que du côté droit et qu'on'

n'observait pas comme du côté décollé l'aspect en arcades

de la couche intergranuleuse de la rétine ni les lésions d'im-

bibition des cônes et des bâtonnets.

Enfin l'aspect de la choroïde gauche est profondément dif-

férent de celui de la droite : la menbrane est ici beaucoup

moins épaisse, on y constate bien encore de l'épaississe-

ment des parois artérielles et de la sclérose conjonctive,

mais la congestion veineuse n'existe pas, et on n'observe pas

d'exsudat entre les fibres connectives.

En somme, il s'agit d'un malade syphilitique et alcoolique,

qui, un an avant de présenter les troubles mentaux de^ la

paralysie générale fut atteint de cécité. Lorsque deux ans

plus tard l'examen ophthalmoseopique fut pratiqué on cons- '

tata l'existence d'une atrophie papillaire blanche du côté

gauche, d'un vaste décollement de la rétine de l'autre côté.

L'examen histologique est venu confirmer le diagnostic

clinique et nous a décelé les lésions ordinaires de l'atrophie

papillaire et rétinienne, dans les deux yeux, soit l'absence

presque complète d'éléments nobles auxquels se sont substi-

tuées de nombreuses cellules conjonctives et névrogliques.

Du côté de l'aeil à rétine décollée, outre les lésions précé-

dentes, nous avons observé l'altération de la rétine dite

sclérose en arcades, etdans les points décollés les plus éloi-

gnés de la papille une rétinite atrophique avec infiltration

de pigments.

La choroïde du même côté présentait une congestion

136 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

intense de ses veines, un exsudat-séreux interstitiel et une

sclérose artérielle des plus marquées; ces altérations nous

permettent de penser sans toutefois vouloir prétendre à

éclairer d'un jour nouveau la pathogénie du décollement de

la rétine, qu'il s'agit ici d'un décollement consécutif à une

cAo ? 'Ot6e séreuse laquelle parait devoir être rattachée dans

l'espèce aux processus inflammatoires et congestif s' carac-

téristiques de la paralysie générale.

Drames DE l'alcoolisme. ·

Une victime de l'alcool. Le sieur Céleslin Hessencourt, cin-

quante-sept ans, journalier à Bonnehosq, canton de Cambremer,

était couché dans un lit voisin de celui de sa femme. Se levant

dans la nuit, sous prétexte de satisfaire un besoin, il se rendit

dans sa cuisine, y décrocha son fusil chargé avec du petit plomb,

revint dans sa chambre et se tira un coup de son arme dans

l'oreille dioite. La mort fut instantanée. Depuis quelque temps,

Hessencourt ne semblait plus jouir de la plénitude de ses facultés

mentales; il ne voulait plus travailler et s'adonnait à la boisson.

C'est sous 1 empire d'une crise alcoolique qu'il a mis lin à ses

jours. (Le Bonhomme Normand du 16-22 janvier 1902).

Victime de l'alcool. En rentrant chez lui, le soir, à Percy-en-

Auge, près Méxidon, le sieur Pierre Tabur, trente-six ans, em-

ployé au chemin de fer, trouva sa femme, née Amanda liobillard,

quarante-neuf ans, tombée à terre ivre morte. Un de ses voisins, le

sieur Leroy, étant venu à passer, il le fit rentrer, puis ils partirentau

café. Quand Tabur revint, à minuit, pour se coucher, il trouva sa

femme étendue dans la cuisine, entre l'âtre et une table, à moitié

carbonisée. La malheureuse, s'étant approchée de la cheminée ou

ayant fait tomber la lumière, aura mis le feu à ses vêtements, (Le

Boit Normand, 20 février 1903.)

Accès de deliniunz tremens. Ce matin, à la caserne Debilly,

l'adjudant Thoron, du 161°, en grande tenue, ganté de blanc,

s'est tiré un coup de revolver dans la tempe droite, la balle est

sortie par le sommet de la tète. L'adjudant Thoron était originaire

de Bretagne, il avait trente-cinq ans. Depuis quelques années, il

s'adonnait à l'absinthe et on croit que c'est dan; un accès de deli-

rium tremens qu'il s'est donné la mort. (Le Progrès de Lyon, 10 juil-

let 1903.)

CLINIQUE NERVEUSE.

Délire et petit brightisme;

PU !

A. VIGOUROUX,

méfier.in en chef.

ET

1'. JUQUI<,I,IEII,

interne.

à l'asile de Vaucluse

Observation III. - D... Alexandre-François, 74 ans, mécani-

cien, entre dans le service le 25 janvier 1902. D'une bonne santé

habituelle, travailleur très actif et sobre, il n'a pas d'antécédents

héréditaires directs : une tante maternelle est morte quelque

temps après un ictus suivi d hémiplégie. Depuis 40 ans, sa femme

ne l'a pas connu malade. A l'âge de 31 ans, il a reçu sur la tête un

madrier assez lourd. Cet accident n'a pas eu de con-équences im-

médiates. Le malade a toujours été d'un naturel assez vif, s'exal-

tant facilement, se mettant en colère à propos de la moindre con-

trariété. Sept moi'' avant le début des accidents qui l'ont conduit

à l'a-ile il a perdu de tuberculose aiguë un petit-fils de 15 ans et a

conçu de ce deuil un chagrin très vif. Depuis il n'est pas bien por-'

tant. Un mois après la mort de son petit-fils il fut obligé d'inter-

rompre son travail, de s'aliter. Le médecin fut appelé parce que

D... n'avait pas de sommeil, délirait la nuit et constata dans ses

urines la piétence d'une certaine quantité d'albumine, D... n'a pu u

reprendre son travail et les troubles psychiques ont été en s'ac-

crois<ant sous l'influence d'allucmations de presque tous les sens;

il accusait sa femme de le tiomper avec un contre-mai Ire de la

maison où il travaillait. Il a tenté à plusieurs reprises de mettre

le feu chez lui, intentionnellement pour se venger, si bien que sa

femme et ta lille furent obligées de se séparer de lui. Il ne fit que

passer à l'asile clinique où M. le Dr Magnan porta le diagnostic

suivant : « Léger affaiblissement intellectuel avec hallucinations,

idées ambitieuses et de persécution, sensiblerie, excitation par

intervalles, excès probables de boissons. » Or des renseignements

fournis par sa femme nous apprirent qu'il n'avait jamais fait

d'excès alcooliques, mais qu'au contraire, tilbumiiiiii-jqtie avéré,

depuis six mois il suivait un régime approprié au cet état.

138 CLINIQUE NERVEUSE.

Il arrive dans le service le 3j janvier 1902. Au moment de son

entrée le malade est assez agité. Turbulent; euphorique il prétend

avoir une très jolie voix et il chante, il se vante de savoir très bien

danser, il quitte son ht pour faire un pas, demande «IL sortir, se

plaint de ses voisins, est-très loquace.

Physiquement, il est en apparence bien poitant, et ne parait

pas son âge. Les pupilles sont égales et réagissent bien. La langue

est un peu déviée à gauche, la parole est normale. Les rellexes

patellaires sont conservés (le gauche est un peu plus fort). Le

réflexe plantaire est normal. Il n'y a pas de troubles de la sensibi-

lité générale. La force musculaire est un peu diminuée du côté

gauche. Le malade nous dit que cet affaiblissement a suivi un

ictus passager survenu il y a un an. L'appétit est normal, l'appa-

reil digestil et l'appareil respiratoire fonctionnent régulièrement.

Mais l'auscultation du coeur révèle la présence d'un bruit de galop

à dédoublement au le' temps et les urines pâles, abondantes, con-

tiennent une certaine quantité 'd'albumine (U,7 : i par litre au le,

examen) : De plus le malade dit qu'il est oblige d'uriner souvent

surtout la nuit. Il se réchauffe difficilement dans son lit.

Au point de vue mental on note de l'affaiblissement intellec-

tuel, avec amnésie des faits récents et délire polymorphe : mé-

lange d'idées de persécution et d'idées de satisfaction : sa femme

l'a trompé, et pourtant il est un fort bon chanteur; Usait chan-

ter, danser, dire des monologues, etc. Il se porte très bien et veut

reprendre son travail.

Cet état d'excitation persiste pendant la première quinzaine du

séjour du malade à l'asile. D... pleure souvent, accuse sa femme

de l'avoir empoisonné, un instant après il rit et chante : les nuits

sont mauvaises. La 1)ollalitit-ie eLl'albuiiii[iut-ie persistent. Il a refusé

de recevoir sa femme un jour qu'elle est venue le visiter. D'ailleurs

le malade a fort bon appétit et a grand soin de sa personne.

Le 8 février, au moment de l'établissement du certificat de quin-

zaine, D... est beaucoup plus calme, mais il n'a pas renoncé à ses

idées de per-écution : sa femme a voulu l'empoisonner, mais il

lui pardonne, et s'il l'a menacée, c'était pour lui laire peur.

Qu'elle vienne le cliercher au 1)1(is IÔL et tout sera oublié. Le ma-

lade est au régime lacté absolu depuis le 2 lévrier. Après quelques

jours de calme, il e-t sur sa demande mis à un régime alimentaire

moins exclusif, malgré la persistance d'une albuminurie légère.

Il semble bien que la cessation du régime lacté ait été suivie d'une

reprise des phénomènes d excitation ; les idées de persécution

reviennent plus actives : « Sa femme l'a fait enfermer pour se

débarrasser de lui et pour se remarier. Ici on ne le soigne pas.

Ses voisins, qui se plaignent constamment, l'irritent. »

Le 20 février, l'épreuve de la glycosurie alimentaire donne un

résultat positif, l'albuminurie persiste avec les autres signes déjà

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 139

signalés de petite urémie, mais la participation d'une altération

cellulaire au moins partielle du foie indiquée par la glycosurie

alimentaire sera confirmée par une analyse d urine pratiquée ulté-

rieurement. Même état ju-qu'au milieu du mois de mars; le 21

mars il a mieux reçu sa femme, mais après le départ de celle-ci

itamanifesteuue tristesse plus grande que l'anxiété (il lui sem-

ble qu'il a des remords). Il a pleuré, s'est mis en colère après son

voisin de lit qui marmotte continuellement, el a accusé des hallu-

ciuations auditmes : des voix lui cliuuhoteut· son uom à l'of·ille,

et le fout suivre d'injures : 1)... cochon. » Reprise du régime lacté.

Depuis celte époque jusqu'à l'heure actuelle, le malade a passé

par des alternatives de dépression et de gaîté avec excitation. Les

urines ont été examinées chaque semaine, et l'albuminurie y a

toujours été signalée, Le régime mixte alterne avec le régime lacté

absolu, parce que le malade se lasse vite de celui-ci.

Au début du mois de mai, le malade a été pendant quelques

jours très abattu, pleurant, se croyant mort, épuisé physiquement,

se plaignant du froid. 11 semble bien que éet état psychique a

coïncidé avec une poussée rénale, car les urines devenues plus

rares contenaient par litre 1 gramme d'albumine.

Le 7 juillet l'examen complet des urines a donné les résultats

suivants : .

140 CLINIQUE NERVEUSE.

que s'aggraver jusqu'à sa mort survenue au milieu d'octobre. La

tristesse et la dépression reprirent. La nuit son anxiété augmen-

tait : « Nous sommes tous perdus, la maison va s'écrouler, tout

va sauter. »

Au point de vue physique les forces diminuèrent rapidement,

l'alimentation étant de plus en plus difficile. D'autre part une

diarrhée très rebelle et très fétide contribua encore à épuiser le

malade. La mort survint dans le coma le 16 octobre.

En résumé : chez un vieillard de 74 ans atteint de néphrite

chronique, apparaissent d'abord des troubles délirants (hal-

lucinatious et idées de persécution) qui ont les caractères du

délire alcoolique. Ensuite ce malade présente des alternatives

d'anxiété mélancolique et d'excitation avec euphorie, et les pé-

riodes d'anxiété paraissent coïncider, avec une augmentation

de l'albumine, la diminution de l'excrétion urinaire, et un

retard plus grand dans l'élimination du bleu de mélhylène.

La constatation de la glycosurie alimentaire et de l'urobi-

linurie, la forme polycyclique de la courbe d'élimination du

bleu montre qu'un certain degré d'insulfisance hépatique

coexistait avec le mal de Bright. Il est donc difficile d'appré-

cier exactement la part qui revient à l'insuffisance rénale

dans la pathogénie de cet état mental, d'autant plus que

malheureusement l'autopsie n'a pu être pratiquée.

Observation IV (résumée).M..., Eugène, quarante-sept ans,

est entré dans le service le 9 février 1901. Il présente au moment

de son entrée un délire hallucinatoire très intense.

Il voit sa femme et ses enfants passer devant ses fenêtres et les

entend appeler au secours, lui-même va mourir. On va procédera t

son autopsie, et pour éviter la mort, il cherche à se jeter par la

fenêtre. Il est très anxieux et porté aux réactions violentes. Il aété

considéré à l'infirmerie du dépôt par M. le DI Legras comme un

dégénéré alcoolique.

L'examen somatique pratiqué a son entrée révèle qu'il est por-

teur d'une double lésion nntrale, le foie est douloureux, les jambes

légèrement oedématiées; les urines extrêmement rares ne contien-

nent pas d'albumine. Les renseignements fournis par sa femme et

confirmés par lui après sa guérison nous apprennent qu'une

attaque grave de rhumatisme articulaire aigu, subie à l'âge de

quatorze ans, fut suivie de maladie nnrale. Il a même eu plu-

sieurs attaques d'aystolie, de la congestion pulmonaire et a pré-

senté de l'albuminurie intermittente. Jamais il n'eut de troubles

cérébraux. Soigné pour ses accidents cardiaques, il était abstinent

depuis trois ans et au régime lacté intégral depuis cinq mois.

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 141

Quelques jours avant son entrée, un nouveau médecin consulté

avait fait interrompre le régime lacté et fait remplacer celui-ci par

un régime dans lequel entraient la viande grillée, les légumes, etc.

Après deux jours de ce régime, les urines diminuèrent, M... ressentit

des maux de tête et un délire hallucinatoire surtout nocturne

s'installa; ses enfants lui paraissaient être des cadavres. Il voyait

le plafond s'abaisser, les fenêtres se rétrécir. Il se sentait enfoncé

dans le sous-sol... On va l'empoisonner, le tuer, etc. Ce délire né-

cessita son entrée à l'asile et continua toujours aussi violent pen-

dant les premiers lemps du séjour. Le malade fit même une tenta-

tive de suicide. Puis au bout de trois semaines, sous l'influence du

)ègime lacté et de la digitale le malade eut une diurèse abondante

et en quelques jours, les hallucinations disparurent ainsi que le

délire secondaire.

Il semble bien que ce délire a été provoqué par insuffisance

de la fonction rénale chez un cardiopathe, et bien que ce

délire ait eu les caractères du délire alcoolique, l'abstinence

totale du malade depuis 3 ans, le régime lacté intégral qu'il

suivait depuis 5 mois permettent d'écarter l'influence de l'al-

cool dans la genèse des accidents hallucinatoires et délirants.

Observation V. Seh... (Louis), jardinier, cinquante-cinq ans,

est entré à l'asile de Vaucluse, le 18 janvier 1902. 11 a été amené

à l'infirmerie du dépôt à la suite d'une tentative peu sérieuse de

suicide, et de quelques accès d'excitation au cours des.quels il a

commis les actes les plus déraisonnables. Les certificats antérieurs

portent : Alcoolisme chronique excès d'absinthe, fureurs, actes

inconscients, tentatives de suicide (D1' Legras). Paralysie générale

avec idées de satisfaction et de persécution, excitation passagère et

tentative de suicide (D'' Magnan).

Ses antécédents héréditaires nous sont inconnus. Sur ses anté-

cédents personnels nous n'avons que très peu de renseignements.

Son fils est venu le voir à l'agile en rentrant de Madagascar. Ce

jeune homme, d'ailleurs bien portant, a cessé de vivre avec son

père, veuf depuis très longtemps, à l'âge de huit ans, et ne l'a vu de-

puis que rarement. Il sait seulement que notre malade ayant couché

trois jours dans la neige pendant la campagne de 18-10 se plaint

depuis de fréquentes et vives douleurs dans la région lombaire. Ce

détail a quelque intérêt au point de vue de l'étiologie des troubles

rénaux que nous avons constatés : .

Examiné au lit à son entrée dans le service le malade parait

plus âgé qu'il n'est en réalité ; sa physionomie est inquiète au pre-

mier abord, mais vile rassuré il ne larde pas à sourire. Les pupilles

sont contractées, mais la droite est légèrement plus grande. Les

réflexes pupillaires sont conservés, mais faibles, surtout le réflexe

1.4'2 CLINIQUE NERVEUSE.

lumineux. La langue est animée d'un tremblement fibrillaire

très accusé. La parole est extrêmement embarrassée. Les réflexes

patellaires sont nuls. Le réflexe plantaire en flexion à gauche, est en

extension à droite. Le réflexe crémastérien est nul. La sensibilité

générale ne parait pas être atteinte. Mais le malade accuse de fré-

quentes douleurs dans les membres inférieurs. La marche est dif-

ficile.

Quand il est debout, le malade exécute une série d'oscillations

involontaires dues à des contractions spasmodiques des'muscles

postérieurs de la cuisse. Il conserve très imparfaitement l'équilibre

les yeux fermés. Il existe un tremblement très fort des doigts.

L'appareil respiratoire et l'appareil digestif ne parai-sent pas atteints

de troubles appréciables. Les artères sont dures, athéromateuses,

le pouls est petit, un peu irrégulier. L'examen du coeur révèle

. l'existence d'anomalies dont l'interprétation est difficile. La pointe

bat dans le cinquième espace intercostal gauche en dehors du mame-

lon. A la palpation, on trouve à son niveau un léger frémissement.

A la percussion, la zone de matité de l'aorte empiète un peu sur la

droite. A l'auscultation, on tiouve : 1° un souffle systolique doux

et léger à la pointe avec propagation axillaire ; 2u un double souffle

aortique plus bref, plus intense, avec maximum au second temps

et propagation le long du sternum. Il semble qu'il y ait bien deux

foyers d'insuffisance, car les deux propagations sont nettes, et

l'auscultation de la région mésocardiaqueest beaucoup plus obscure.

L'examen clinique des urines qui sont peu abondantes et forte-

ment colorées indique laprésence d'une petite quantité d'albumine.

L'état mental est celui d'un homme fortement affaibli, générale-

ment euphorique, avec quelques préoccupations hypoclroudria-

ques. Le malade se plaint en particulier de ne pouvoir manger. Il

pleure facilement, mais se console vite. Il n'a pas conscience de sa

situation. La notion du temps et du lieu lui font complètement

défaut. Mis au régime lacté, le malade, dans les quelques jours qui

suivirent, urina ptus abondamment. Sans disparaitre complètement

l'albumine diminua de quantité ; le coeurdevint plus régulier. Mais

l'état démentiel ne subit aucune modification. Seules les préoccu-

pations hypochondriaques s'effacèrent du tableau clinique et lais-

sètent la place à un état euphorique constant. La parole demeura

très embarrassée, bredouillée et spasmodique à la fois. La con-

traction des pupilles persiste, ainsi que le tremblement généralisé

qui s'exagère dès qu'on s'approche du malade et qu'on lui adresse

la parole.

Le la février, une injection d'un centimètre cube de bleu de mé-

thylène au vingtième est pratiquée. L'élimination ne commence

très faiblement qu'a la troisième heure et s'effectue régulièrement

mais avec retard, car à la soixante-douzième heure, elle n'est pas

encore terminée.

DÉLIRE ET FETIT BRIGHTISME. 1-13

Le 20 février, le malade, qui réclame toujours à manger et qui

n'a presque plus d'albumine, est mis au régime alimentaire ordi-

naire. - Quelques jours après, l'albumine reparait en quantité

plus abondante (0,50 par litre) et l'état mental subit d'intéressantes

modifications. Les pi éoccupationshypochondriaques reviennent; le

malade pleure continuellement, manifeste un certain état d'anxiété.

Quelques idées délirantes de persécution peuvent être saisies sur

le fond démentiel, La nom riture qu'on lui donne n'est pas celle des

autres. On lui refuse la soupe qu'il voit manger à ses voisins, etc.

Le régime lacté est repris et l'anxiété disparaît.

Du mois de mai au mois d'octobre, il n'y eut pas à noter dans

l'état du malade de modifications importantes. A deux reprises

en présence de la diminution de l'albuminurie, le régime alimen-

taire ordinaire fut essayé, mais comme la première fois, il fallut

l'interrompie à cause de la mauvaise influence qu'il parut avoir

sur l'état mental. Au régime lacté, le malade est resté euphorique

et inconscient, s'affaiblissant de plus en plus.

L'examen clinique des urines, pratiqué dans les premiers jours

d'octobre, au point de vue de la quantité de l'albumine aux diffé-

rentes heures de la journée a montré que l'urine du soir contient

plus d'albumine que celle de midi et moins que celle du matin..

L'analyse complète du 9 octobre donne les résultats suivants pour

vingt-quatre heures :

144 CLINIQUE NERVEUSE.

Le coeur est volumineux (450 gr.). Le ventricule gauche en est

très hypertrophié. Les valvules aortiques sont insuffisantes. Il y a

sur la grande valve de la mitrale des végétations crétacées. La

crosse de l'aorte est irrégulièrement athéromateuse.

Les deux reins sont petits (275 gr. à eux deux) mais le droit est

plus volumineux que le gauche. Ce dernier porte au niveau de son

pôle supérieur un kyste séreux de la grosseur d'une petite noix. A

la coupe, on constate l'atrophie de la substance corticale.

L'examen histologi(lite du cerveau confirme le diagnostic de mé-

ningo-encéphalite.

La pie-mère est épaisse, fibreuse et infiltrée par place de petites

cellules rondes ; elle est le siège de nombreuses petites hémorra-

gies.

Les artères méningées ont leurs parois épaissies ; et celles-ci

sont en voie de dégénérescence hyaline.

La substance cérébrale est le siège d'une inflammation relative-

ment faible, les artérioles sont également altérées en leur paroi ;

mais la péri-vascularite est peu intense. Dans l'espace périvascu-

laire on voit un certain nombre de corpuscules hyalins et ceux-ci

sont très nombreux à la périphérie immédiatement au-dessous de

la pie-mère.

Dans la substance blanche se trouvent des espaces lacunaires au

centre desquels sont des artères à parois hyalines, remplies de

sang et autour desquelles se voient également des corpuscules

hyalins.

Les cellules nerveuses à l'exception des cellules géantes parais-

sent peu lésées, mais les cellules géantes présentent des altérations

manifestes.

Toutes renferment une quantité énorme de pigment. Elles sont

en outre déformées et globuléues; les unes sont en état de chru-

matolyse, d'autres ont leur noyau très excentrique, d'autres

enfin n'ont plus de noyau et sont en voie de dégénérescence.

Les reins sont très altérés. La lésion qui frappe au premier abord

est l'épaississement énorme des parois artérielles qui sont devenues

fibreuses. Des artères de l'arc vasculaire, partent des bandes de

scléroses qui unissent entre eux les différents troncs vasculaires et

montent vers la périphérie.

Cette sclérose est jeune, elle est constituée par des cellules rondes

elle dissocie les éléments du rein, séparant les tubes droits et les

tubes contournés.

Les glomérules sont également sclérosés, la plupart sont sclé-

reux, quelques-uns ont subi complètement la dégénérescence

fibreuse et sont transformés eu petits blocs d'aspect vitreux.

Les cellules épithétiales des tubes contournés sont abrasées; les

noyaux se colorent cependant bien ; un certain nombre de tubes

sont en collapsus.

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 145

Dans son ensemble le rein est très congestionné.

Le foie est normal à part une énorme congestion, les veines

portes et sus-hépatiques sont distendues et les capillaires dilatés.

il n'y a pas de sclérose, et les cellules hépatiques ainsi que leurs

noyaux se colorent bien.

En résumé, chez un brightique, s'est développée une me-

ningo-encéphalite à forme spéciale (type Klippel). Chez ce

malade, sur le fond démentiel de l'état mental, apparaissaient

des alternatives d'enphorie et d'hypochondrie. Les périodes

d'hypochondrie avec anxiété coïncidaient avec la diminution

de la quantité d'urine et l'augmentation de l'albumine. L'eu-

phorie se manifestait quand, grâce au régime lacté intégral

la fonction rénale était aussi active que possible 1.

(A suivre.)

' On peut rapprocher de cette observation le fait suivant : Un homme

de 18 ans, entre dans le service le 8 mai 1902, avec le diagnostic

de paralysie générale, confirmée à l'examen par la constatation

des signes suivants : Inégalité pupillaire, tremblement de la langue,

embairas de la parole, exagération des réflexes patellaires, affaiblisse-

ment intellectuel et euphorie, syphilis ancienne. L'examen clinique des

urines fut négatif au moment de l'admission et l'état d'agitation conti-

nuelle avec gâtisme que présenta le malade jusqu'à sa mort fit que cet

examen ne fut pas renouvelé, aucun signe physique n'attirant l'attention

sur l'insuffisance rénale. L'évolution fut rapide, la mort survint au com-

mencement de septembre sans que le sujet ait cessé, malgré les médi-

caments calmants, d'être agité, de sortir de son lit, qu'il faisait et défai-

sait continuellement, déchirant sa literie et ses vêtements. L'autopsie

révéla d'une part l'existence des lésions ordinaires de méningo encépha-

lite diffuse, d'autre part l'existence d'une double néphrite interstitielle

avec atrophie portant surtout sur le rein droit, qui pesait 60 gr. et un

petit abcès du rein gauche, également diminué de volume (110 gr.).

Or, s'il est fréquent de constater, au cours de la paralysie générale,

des crises d'agitation motrice de plus ou moins longue durée, et précé-

dant souvent les attaques épileptiformes, il est exceptionnel* d'observer

le même état d'une façon continue, durant jusqu'à la mort survenue

d'ailleurs sans ictus. La constatation à l'autopsie d'une double lésion

rénale ne permet-elle pas d'invoquer, pour expliquer cet état anormal,

l'automtoxication par insuffisance rénale venant se greffer sur les troubles

dus à l'évolution de la méningo-encéphahte ? 2

Ancewcs, 2 sére, t. X VI. 10

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Le traitement de l'épilepsie parle travail manuel et la gymnas-

tique ; par le Dr SPRATLING. (Americaz Aledicize et l3ritish med.

4903, p. 871.)

D'après le Dl Spratling, de la colonie Craig, consacrée aux

épileptiques, 50 p. 100 environ des malades admis à la colonie sont

eapables de travailler d'une façon rémunératrice. Environ 25 p. 100

ne sont capables seulement que de s'occuper à la maison de tra-

vail et le reste, 25 p. 100, ne peut rien faire du tout. D'autre part,

le médecin de la colonie de Bielefeld (Westphalie) dit que, des

1771 épileptiques qu'il a soignés, 33 p. 100 ont leur esprit malade,

62 p. 100 leur esprit faible, et 5 p. 100 seulement leur esprit sain.

Le problème, par conséquent, de la guérison de ces malades est

difficile; mais il peut être ajouté, et cela est nécessaire, que le

travail manuel est le plus grand agent thérapeutique pour la guérison

de l'épilepsie. L'oisiveté est un puissant facteur pour le contraire.

Pendant les jours de pluie, les jours fériés et les dimanches, et

quand les malades ne travaillent pas,les accès doublent dénombre

et triplent quelquefois. Le Dr Weeks, directeur médical du village

pour les épileptiques de l'état de Kew-Jersey, dit que quand vient

l'hiver, et que les travaux du dehors cessent, le nombre des accès

augmente rapidement, ainsi que l'irritabilité et le mécontentement

des malades. Il suggère que ce système de gymnastique qui sera

institué remplacera et sera le supplément des autres formes de

travail manuel.

L'opinion formulée par les D9 Spratling et Weeks est absolu-

ment conforme à la réalité. C'est parce qu'il se rendait compte

de l'utilité du travail manuel que Ferrus avait créé la ferme

Sainte-Anne. C'est pourquoi tous les médecins aliénistes ont

réclamé des colonies annexées aux asiles. C'est aussi la raison qui

nous a fait créer des ateliers pour les enfants de l'asile, école de

Bicétre et que nous y avons multiplié les exercices physiques. B.

II. Des résultats du traitement mercuriel intensif appliqué à la

paralysie générale et au tabes ; par le prof. LEmoiNE.

L'auteur rapporte six observations de paralysie générale dans

lesquelles l'amélioration parle traitement mercuriel intensif a été

très nettement constatée.

Ce sont plus les hautes doses de mercure qui agissent que tel

ou tel sel de mercure; toutefois M. Lemoine reconnaît des avan-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 147

tages au benzoate, tant au point de vue des bons résultats théra-

peutiques obtenus que de l'inocuité des injections.

Les chances de réussite du traitement intensif paraissent d'au-

tant plus grandes que l'on a affaire à un malade plus jeune.

Ce qui disparait en premier lieu sous l'influence du traitement

intensif, ce sont les mouvements congestifs vers la tête ; il en est

de même des attaques apoplectiformes, qui ne se montrent plus

du moment où on a la précaution de faire les injections avec per-

sévérance. Chose curieuse, ce sont les troubles psychiques qui

s'améliorent les premiers. Les troubles pupillaires disparaissent

avec une très grande lenteur et persistent même longtemps après

que les autres symptômes ont disparu.

Le tabes paraît plus rebelle au traitement que la paralysie géné-

rale : un des résultats les plus importants et les plus sûrs, obtenu

dans tous les cas du traitement intensif, c'est la disparition rapide

et durable des douleurs fulgurantes ressenties par les malades.

Presque toujours il suffit d'un mois de traitement pour qu'elles

s'éteignent tout à fait. L'ataxie des mouvements est aussi amé-

liorée ; d'une façon plus ou moins grande.

Il est certain que le succès sera d'autant plus facile à obtenir

que le traitement sera fait au début de la maladie, dans la période

dite préataxique (Revue neurologique, juillet 1902). E. B.

III. Sur le traitement de la paralysie générale et du tabes ; par

M. DEVAY (Société des sciences médicales de Lyon, 19 février

1902). 1

M. Devay s'élève sur la conception des affections dites parasy-

philitiques qui aboutit à une sorte de négation en thérapeutique. Il

communique à ce propos l'observation d'un tabétique avec trou-

bles psychiques amélioré manifestement par les injections de calo-

mel et l'iodure de potassium à haute dose. Cette observation est

intéressante à divers points de vue : 1° de l'étiologie nettement

syphilitique et de la rapidité avec laquelle le tabes a succédé à l'ac-

cident primitif, moins de sept ans; 2° de la contamination de la

femme du malade, qui elle aussi est devenue tabétique ; mais chez

celle-ci l'évolution a été plus longue, dix à onze ans ; 3° de l'amé-

lioration rapide à la suite d'un traitement spécifique intensif.

Pour l'auteur le traitement spécifique doit être plus intensif

qu'on ne l'applique habituellement, il n'a eu des résultats appré-

ciables dans la paralysie générale et le tabes que par l'emploi de

doses d'iodure supérieures à 10 grammes. La crainte des accidents

cardiaques ne doit pas être un obstacle, en raison de leur rareté

Ils ne surviennent que chez les individus idiosyncratiques. L'auteur

n'a observé qu'une fois des symptômes sérieux chez un malade

tabétique avec symptômes de paralysie générale, qui prenait

1 gr. 50 d'iodure.

148 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

La crainte d'accumulation du médicament n'existe pas, puisque

l'élimination se fait par l'urine avec une grande rapidité. Par de

nombreux dosages avec un procédé clinique particulier reposant

sur la formation d'iodures mercureux insolubles, M. Devay a pu

constater qu'un malade qui prenait 13 grammes d'iodure depuis

un mois, éliminait 11 grammes par jour et que le lendemain delà

cessation du médicament on ne trouvait plus dans les urines

qu'environ un gramme; au bout de 48 heures il n'en existait plus

que des traces. Ç. Carrier.

IV. Nouvelles propriétés toxiques et thérapeutiques du sérum

sanguin des épileptiques et leurs applications pratiques ; par

C. CENI. (Cenlralblalt f. Nei-vet-ilteilk XXV. N. F. XIII. 1902.)

Si l'on injecte à un épileptique du sérum sanguin d'un autre

épileptique à petites doses, on constate ou bien un effet négatif, ou

une intoxication aiguë qui vient aggraver l'état pathologique de

cet épileptique. Si l'on injecte, à petites doses également, à un

épileptique le sérum sanguin d'individus bien portants, on n'ob-

tien rien du tout, jamais.

Si l'on injecte à un épileptique, à plusieurs reprises, et à doses

croissantes, le sérum sanguin d'un autre épileptique, ou le sérum

sanguin de son propre sang, mais en laissant entre la saignée et

l'injection quelques jours d'intervalle, de façon à permettre à la

masse sanguine de l'individu en expérience de récupérer son équi-

libre, voici ce que l'on obtient. Qu'il s'agisse du premier ou du

second mode d'opérer, les résultats sont curatifs ou favorables

dans les proportions suivantes. Il s'agit d'épileptiques de tout âge

affectés de symptômes moteurs, psychosensoriels et psychiques

dont on a suivi l'état encore deux ans à la suite des injections et

des effets obtenus.

Sur 10 malades, 8 ont bénéficié d'une action bienfaisante :

5 avaient été injectés avec le sérum provenant d'autres épilepti-

ques ; 3 l'avaient été avec leur propre sérum. 2 en ont éprouvé

une action toxique et épileplogène : 1 avait reçu du sérum d'un

autre épileptique ; 1 avait reçu son propre sérum.

Sur les 8 malades heureusement traités, il se produisit trois

fois une amélioration rapide et marquée de la nutrition en rap-

port avec l'amélioration des accidents morbides ; six cas concer-

naient des sujets affectés d'épilepsie depuis 10 à 20 ans. On vit

les troubles moteurs, psychiques et sensoriels s'améliorer ou dis-

paraitre, en même temps que les patients gagnaient en poids

6 à 10 kilog. en l'espace de cinq à six mois : ils redevinrent ca-

pables de travail. On constata néanmoins trois fois le retour des

symptômes six à sept mois après la cessation des injections, mais

ils ne furent pas aussi violents qu'auparavant. Trois fois l'amélio-

ration persista définitivement. Chez 2 épileptiques, il y eut dis-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 149

parition totale des accidents quelconques dès le premier mois de

l'expérience et amélioration physique avec augmentation de poids

de 29 kilog.

Chez les 2 malades dont l'état s'aggrava, les crises et accidents

épileptiques augmentèrent à tous égards, et il se produisit un

empoisonnement général. Cette aggravation ne cessa que lorsqu'on

suspendit les injections. C'étaient des épileptiques congénitaux et

héréditaires.

Chez aucun épileplique le sérum sanguin humain normal à doses

répétées et progressives ne produit ni réaction positive, ni réaction

négative, pouvant se comparer avec ce qui a été obtenu chez les

épileptiques soumis aux injections précitées. Une seule fois il y a

eu aggravation légère et passagère de l'état général.

Souvent le sérum sanguin provenant du même épileptique, in-

jecté en quantités égales chez deux autres épileptiques, fournit

chez ceux-ci des résultats finaux tout différents et opposés, ce qui

prouve que la cause de la différence des effets tient aux conditions

individuelles, intimes, de l'épileptique inoculé, et non aux condi-

tions de l'individu qui fournit le sérum. Ce qui le prouve encore,

c'est que l'on a beau varier l'origine du sérum, le type de la réac-

tion individuelle ne varie pas ; il reste pour chaque malade im-

muable.

Quelles sont les substances actives, contenues dans le sérum

sanguin de l'épileptique, qui, suivant l'état de la constitution

intime de celui qui le reçoit, sont susceptibles de produire chez

ce dernier tantôt un effet bienfaisant, thérapeutique, tantôt un

effet toxique et épileptogèue ?

Il est probable que les éléments d'action, contenus dans le sérum

sanguin des épileptiques, possèdent des propriétés spécifiques qui

stimulent les échanges nutritifs d'assimilation et de désassimila-

tion, les influencent d'une manière quelconque.

Si l'on attribue aux agents cellulaires de ces échanges, où l'on

place la cause et le siège de l'épilepsie, la faculté de se comporter

vis-à-vis de l'élément du sérum introduit tantôt d'une façon, tantôt

.tout différemment, si l'on admet que ces cellules réagissent en sa

présence tantôt physiologiquement, tantôt pathologiquement, on

s'explique le motif pour lequel la méthode des injections répétées

de sérum sanguin entraîne chez divers individus des résultats

variés et opposés. Quand les cellules de la fonction d'assimilation

et de désassimilation sont encore capables de réaction physiolo-

giques, on obtient amélioration ou guérison de l'état pathologique.

Quand, au contraire, ces cellules, pour des causes individuelles,

organiques, que nous ignorons, n'en sont plus capables, elles réa-

gissent, sous le stimulus de l'élément du sérum, pathologique-

ment : leurs fonctions, déjà altérées, s'éloignent de plus en plus

de la normale; leur état pathologique s'aggrave.

150 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Nous savons d'autre part que lorsqu'on injecte aux épileptiques

leur propre sérum on peut obtenir des résultats identiques à ceux

que l'on obtient en leur injectant le sérum d'autres épileptiques.

Ceci nous force à admettre que le principe stimulant du sérum

des épileptiques n'est mis en possession de ses propriétés actives

que si le sang, après avoir cessé de circuler dans l'organisme en

tant qu'humeur biologique, a pris contact avec le monde exté-

rieur. Donc la substance stimulante en question, tout en circulant

chez l'épileptique dans les conditions ordinaires, y circule à

l'état d'inertie. Ce doit être une substance soluble qui demeure

inactive et qui, normalement est probablement adhérente aux

éléments morphologiques du sang. Elle n'est mise en liberté et

n'acquiert ses propriétés d'actiou,- que lorsque le sang cesse de

circuler, quand les éléments morphologiques du sang ne vivent

plus. Voilà pourquoi l'épileptique ne peut s'immuniser lui-même,

par sa propre substance, bien qu'il porte en lui à côté d'éléments

toxiques, des éléments thérapeutiques. P. Keraval.

V. Le dosage toxique dans le traitement de quelques désordres

nerveux; par William C. Krauss. (Tlle lYezo-I'orh..9lecicvl Jour-

nal, 10 mai 1902).

Les résultats peu satisfaisants que la plupart des médecins

obtiennent dans le traitement de beaucoup d'affections nerveuses

sont probablement dus à l'emploi de doses insuffisantes des médi-

caments connus comme toxiques. On donne une dose mmima au

lieu d'une dose maxima, et corrélativement, on obtient un résul-

tat minimum au lieu d'un résultat maximum. C'est pourtant dans

le domaine de la neurologie qu'il y aurait surtout lieu d'adopter

une thérapeutique hardie et d'aller jusqu'à l'extrême limite des

effets physiologiques des médicaments. Cela est surtout vrai dans

les cas de siphylis cérébrale, où l'on voit quelquefois les phénomè-

nes de compression déterminés par une gomme disparaître ou

s'atténuer sous l'influence de dotes énormes de bi-iodnre de mer-

cure. Par dosage toxique l'auteur entend désigner la dose suffi-

sante pour produire des signes nets d'intoxication, dose qu'il con-

vient ordinairement d'atteindre d'une manière lentement progres-

sive, sous peine d'intoxication aiguë. Il n'y a dans celte manière

de procéder nulle règle à suivre, nul auteur à consulter : c'est la

tolérance du malade qui règle la conduite du médecin. Les médi-

caments que l'auteur a particulièrement en vue sont le mercure,

l'arsenic, la noix vomique, l'hyoscine, l'atropine et la nitroglycé-

rine. Il entre dans quelques considérations sur l'emploi de ces

divers médicaments et termine en rapportant une observation de

syphilis cérébrale sérieusement améliorée par des doses formida-

bles de mercure, qui n'ont donné que de légers phénomènes d'in-

toxication. , R. de 111aSGnavE-CLeIY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 1SI

VI. Contribution à l'étude du traitement du torticolis spasmodique;

par George H. Elliott. (Tlte New-York Médical Journal, 11 octo-

bre 1902).

Le torticolis spasmodique dont l'auteur s'occupe ici est une

affection d'ordre purement névropathique, n'ayant rien de com-

mun avec le type que rencontrent ordinairement les orthopé-

distes : elle est caractérisée par un spasme clonique intermittent

des muscles innervés par le spinal accessoire et quelquefois par

les nerfs cervicaux supérieurs ; elle se rencontre ordinairement

chez les névropathes, et l'hérédité joue souvent un rôle dans son

étiologie. L'auteur a imaginé pour le soulagement de ces malades

un appareil nouveau qui tout en fournissant le soutien indispen-

sable ne restreint pourtant pas d'une manière absolue les mouve-

ments normaux de la tête. Il donne la description de son appa-

reil, dont plusieurs figures qui accompagnent ce travail rendent

le mécanisme parfaitement clair. Il. de MusGRAVE-Cuv.

Vil. Contribution au traitement diététique de l'épilepsie ; par

Scuaefer (Neurolog. Cezztral6l., XXI, 1902).

Application du traitement de Toulouse et Richet modifié par

Balint à trois malades atteints d'épilepsie grave, ayant de 20 à

30 accès par mois sans compter les raptus, les impulsions agres-

sives, les attaques subintrantes, le délire postépileptique exigeant

l'isolement. On leur donne chaque jour 1 litre 1/2 de lait,

40-50 grammes de beurre, 3 oeul's non salés, 300 à 400 grammes

de pain et fruits, 3 grammes de KBr dans leurs aliments.

L'expérience commencée le 26 juin 1901 dure jusqu'au 10 août

et détermine un état extrêmement pénible. Néanmoins le premier

sujet n'avait plus du tout d'attaques le 5 juillet; les attaques dis-

paraissaient chez le second le 12, et chez le troisième le 11 du

même mois. Simultanément ces malheureux récupéraient leur

lucidité, l'assurance de la démarche, un caractère sociable, la

possibilité de travailler.

On supprime le traitement hypochloruré et six, huit, neuf jours

après la reprise de l'alimentation habituelle, les attaques recom-

mencent en reprenant leur intensité accoutumée. Dans les huit jours

ultérieurs, un des malades en a 12, les deux autres, 19.

P. KERAVAL.

VIII. L'éducation et le développement des enfants névrosés (MeM ? 'o<t<

children); par GR.EME M. H.4.MMOKD. (The iVe2o-York Médical Jour-

nal 30 août 1902).

Les enfants que l'auteur désigne par l'épithète de neurotiques,

sont ceux dont la force nerveuse est au-dessous de la normale,

152 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

dont les éléments nerveux, soit par tare héréditaire, soit par acci-

dent, soit par la réunion de ces deux facteurs, n'atteignent qu'un

développement incomplet, qui, par là, deviennent incapables de

résistance normale, et qui, abandonnés à eux-mêmes n'atteignent

jamais un état convenable de développement physique. Le nombre

de ces enfants paraît en voie d'augmentation, et bien des causes

contribuent à cette augmentation; les plus importantes sont l'hé-

rédité, l'alcool et la syphilis, et ces facteurs peuvent agir isolément

ou se rencontrer associés.

Bien des symptômes peuvent dès la petite enfance mettre sur la

voie d'un diagnostic précoce. Mais souvent la disposition névropa-

thique ne se manifeste que vers l'âge de cinq ou six ans, et son

premier signe est souvent fourni par une discordance entre les

aptitudes mentales qui sont exceptionnellement développées, et les

forces physiques qui le sont très peu. C'est le plus souvent vers la

puberté que des troubles nerveux plus précis font leur apparition

Si l'on veut remédier utilement à cet état névropathique, il faut

s'y prendre de bonne heure, et l'on réussira souvent par un sys-

tème d'éducation judicieusement approprié, et à la fois physique

et moral. Le régime a une grande importance et il comporte

beaucoup d'éléments azotés; mais il faut se mettre en garde contre

une tendance très commune chez les parents, la tendance à la su-

ralimentation. Le traitement moral joue ici un rôle capital : il faut

habituer l'enfant à la plus stricte obéissance, en évitant le plus

possible la dureté ou les punitions, mais en appliquant la correc-

tion avec fermeté chaque fois qu'elle est nécessaire. La condescen-

dance aux volontés de l'enfant, sous le prétexte qu'il ne faut pas

contrarier un malade, estl'un des plus sûrs moyens d'aboutir à une

aggravation de l'état nerveux. Au point de vue de l'instruction, il

3 a des précautions à prendre : l'enfant est précoce, il a le travail

facile, la mémoire complaisante, les parents sont enchantés de le

faire briller et le poussent au travail, ce qui est une faute grave.

Le travail intellectuel doit être léger, simple, et n'entraîner aucune

fatigue. Il importe ici plus que partout ailleurs que le développe-

ment intellectuel suive le développement physique et ne le précède

jamais. IL du Musgbave-Clay

IX. La névralgie trifaciale et son traitement; par Henry Trêve BAR-

BER (The New-York Médical Journal, 15 mars 1902).

L'auteur rapporte une observation de cette affection aussi rebelle

que douloureuse, et de laquelle il conclut que l'aconitine parait

être réellement le spécifique de cette maladie, mais que son ac-

tion doit être soutenue par l'emploi d'une médication reconsti-

tuante, et notamment par l'usage des préparations martiales.

Il. DE MUSGRAVE CLAY.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 1S3

X. La neurasthénie et son traitement ; par M. 1-tommE (Presse

médicale, 22 mars 1902).

Ce qui frappe quand on aborde la question de la neurasthénie,

c'est une sorte de contraste entre la symptomatologie mobile de

cette affection et l'uniformité du traitement qu'on lui oppose. A

tous les neurasthéniques on conseille de ne pas penser à leur ma-

ladie, de chercher des distractions, de se mettre à l'hydrothérapie.

Suivant en cela les idées de M. Maurice de Henry, M. Romme rap-

pelle que les neurasthéniques se divisent en deux classes. Les uns

présentent de l'hypertension artérielle et sont de véritables in-

toxiqués qui guérissent lorsque, une fois désintoxiqués, leur

courbe de tension artérielle s'abaisse. Les autres, au contraire,

offrent comme signe caractéristique de l'hypotension artérielle et

chez eux la disparition de la dépression nerveuse et de l'état men-

tal particulier qu'ils présentent ne s'obtient qu'à la condition de

relever la tension des artères.

Neurasthénie à hypertension. Régime lacté absolu puis au bout

de quelques jours régime lacté-végétarien, massage, douches

chaudes, bains de vapeur, grandes injections de solution physio-

logique de chlorure de sodium.

Neurasthénie à hypotension. Quatre petits repas, très modéré-

ment copieux, viande, poissons, légumes, repos au grand air sur

une chaise longue, douches lroides, bains salés ou sulfureux,

inhalations d'oxygène, injection salmes à petites doses, 1 a 2 gram-

mes pouvant s'élever jusqu'à 10 grammes, en ayant soin de diffé-

rer la piqûre le jour où la pression artérielle s'élève et d'augmenter

la dose quand le sujet se trouve particulièrement abattu.

11<. LE120Y.

XI. Importance de l'hygiène dans le traitement du goitre exophtal-

mique ; par MM. R. Leroy et Vkslin (tresse médicale, 6 septem-

bre 1902).

La maladie de Basedow est un syndrome, frustre ou complet,

entre lequel les médicaments les plus divers ont été tour à tour

préconisés. Le traitement classique, depuis un certain nombre

d'années, consiste dans l'emploi de l'électricité, principalement

sous forme de courants faradiques, selon la méthode de Vigou-

roux, préconisée par Charcot.

D'après MM. Leroy et Veslin, la meilleure thérapeutique serait

une hygiène parfaite. Ils citent l'opinion des auteurs qui insistent

tous sur les moyens hygiéniques et rapportent à l'appui de leur

thèse une intéressante observation. Une femme de trente-six ans,

ayant de 1 hérédité vésanique, névropathe elle-même, présente

vers 1884 un léger goitre. Quatorze au. plus lard, en 1898, le

184 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

goitre grossit et les symptômes complets du syndrome basidomien

apparaissent. La situation devient tellement alarmante qu'un chirur-

gien des hôpitaux préconise une intervention. La malade, effrayée

de ce péril revient en toute hâte à son domicile, quitte les rela-

tions mondaines, ordonne une existence avec une parfaite régu-

larité, renonce aux spiritueux et -à tout excitant, se met au lait,

évite toute émotion, prend de l'exercice sans fatigue et suit un

traitement hydrothérapique. 1

Huit mois après, elle était complètement rétablie et la guérison

se maintient depuis trois années. Il. Leroy.

XII. Aspects contemporains sur le traitement des aliénés; par

W. Ehrcnwall. (Obo71-éîiié psichiali-ii, VI, 190t).

L'auteur annonce que la section ouverte construite en 1882

auprès de sa petite section fermée représente pour ainsi dire une

section intermédiaire entre l'asile d'aliénés et l'établissement d'hy-

drothérapie. On y traite des malades libres affectés de formes de

psychoses légères, et les cas de troubles mentaux non justiciables

de la séquestration, à la limite de la folie. P. KERAVAL.

XIII. Le traitement des enfants atteints de défectuosité mentale.

(Défectives) ; par Maximihen P.-E. GROSZMANN. (Tite Necv-Yorh

Médical Journal, 1 ? février 1902).

C'est une lamentable histoire que celle des divers traitements,

mauvais ou maladroits, qui ont été trop longtemps et trop souvent

infligés à des enfants que L'on est allé quelquefois jusqu'à consi-

dérer comme des incarnations du diable, alors qu'ils étaient sim-

plement l'incarnation héréditaire, beaucoup moins surnaturelle,

des vices ou des maladies de leurs ascendants. Leur sort aujour-

d'hui est assurément plus heureux, mais il en demeure un grand

nombre auxquels on n'accorde ni l'attention, ni la sympathie à

laquelle ils ont droit. On peut les diviser en deux groupes; le pre-

mier, celui dont on s'occupe le plus, comprend les psychoses vraies

(folie, idiotie, criminalité) ; le second comprend ce que les Alle-

mands appellent « psychopathische Minderwerthigketten », mot

difficile à traduire, et que Van Liew a rendu assez heureusement

par l'expression d' « anomalies mentales mineures ».

Dans les deux groupes, l'anomalie peut être congénitale, ou être

survenue après la naissance sous des influences diverses. Certaines

périodes de la vie de l'enfant sont des périodes d'élection pour des

modifications mentales passagères qui demandent à être reconnues

et soignées. Il suffit d'un peu de réflexion pour se rendre compte

que, chez nos enfants, notre négligence peut enrayer leur déve-

loppement normal, et former des êtres qui ne dépasseront jamais

une certaine limite et resteront défectueux d'une manière perma-

nente au point de vue de la civilisation progressive.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 155

L'auteur entre ici dans quelques considérations, largement en-

tremêlées de citations, surl'idiotieetsur les quelques facultés qu'elle

laisse quelquefois atteindre un grand développement (faculté mu-

sicale, aptitude au calcul mental), puis il aborde la question de la

folie chez les enfants, et il arrive aux anomalies mentales mineures.

Sa conclusion fort logique est que toutes les fois que l'on re-

marquera chez un enfant des anomalies de caractère ou de con-

duite, il convient aussi bien pour l'éducateur que pour le médecin

d'en rechercher soigneusement les causes qui sont assez souvent

physiques. Cela vaudra mieux que d'user systématiquement à

l'égard de l'enfant, soit d'une sévérité inopportune, soit d'une in-

dulgence mal entendue, on sera conduit ainsi à un traitement logi-

que de ces anomalies, et, assez souvent pour que l'on soit encou-

ragé à cet effort, on sera récompensé de la peine que l'on aura prise

par la guérison de ces anomalies mineures.

R. DE Musgrave-Clay.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. Le crime dans la paralysie générale ; par Y.-C. SULLIVAV.

(The Journal o ? 6n<<f/Se : e ? tce, janvier 1902).

Les crimes contre les personnes (homicide et suicide) sont moins

communs chez les paralytiques généraux que dans d'autres formes

de folie, la folie sénile, par exemple. Les crimes contre la propriété

sont en revanche extrêmement fréquents, et le plus souvent la

tendance au vol accompagne la forme expansive de la maladie ;

elle est rare chez les paralytiques mélancoliques : le plus souvent

le vol a un caractère purement impulsif. Les paragraphes relatifs

au suicide et à l'homicide sont principalement consacrés à repro-

duire les opinions des auteurs. Les délits ou crimes d'ordre sexuel

sont, on le sait, communs au début de la paralysie générale sur-

tout dans sa forme expansive. ,

L'auteur s'attache ensuite à étudier les causes qui déterminent

la direction spéciale de la volonté dans la paralysie générale, et à

expliquer le contraste de la conduite entre cette maladie d'une part

et la démence chronique de l'alcoolisme et de la sénilité d'autre

part.

II pense que si les impulsions à des actes d'appropriation, de

vol, sont fréquents dans la paralysie générale, et si le suicide et

1 homicide sont rares, c'est parce que la note générale des senti-

ments affectifs est ordinairement optimiste.

156 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

Au contraire, dans l'alcoolisme chronique et la sénilité où cette

note est communément pessimiste, les impulsions à des actes de

violence sont relativement fréquentes. L'explication du caractère

particulier de la conduite et des idées dans la paralysie générale

rentrerait donc dans le grand problème de l'origine des états

affectifs dans cette maladie. Bien des solutions de ce problème

ont été proposées : la plupart partent de ce principe que les con-

ceptions délirantes optimistes sont étroitement liées aux lésions

cérébrales, et l'on a été jusqu'à considérer le délire cxpansil

comme l'équivalent psychique de l'hyperhémie corticale. Les

recherches récentes de pathologie cérébrale, qui ont singuliè-

rement étendu nos connaissances sur l'anatomie microscopique

du cerveau des paralytiques, des alcooliques et des vieillards,

n'ont rien démontré qui permette de rattacher les symptômes

psychiques actifs de ces maladies à des altérations corticales appré-

ciables.

L'hypothèse qui explique par des lésions cérébrales spéciales les

variétés de sentiments et de pensées chez les paralytiques demeure

donc absolument dénuée de preuves. On peut même affirmer qu'elle

est sans utilité. Ce qui est pathologique dans l'exaltation ou la

dépression du paralytique, c'est-à-dire la qualité de l'excès,

est un caractère de la démence, un résultat de la dissolution du

cerveau, qui n'implique en aucune façon que la note générale des

phénomènes émotifs se produise autrement que dans les condi-

tions normales. La clinique vient d'ailleurs à l'appui de cettecon-

ception plus simple. Considérons d'abord àcepointde vuelaforme

mélancolique; les conditions ordinaires dans lesquelles on observe

la dépression mentale peuvent être classées de la manière sui-

vante : 1° Age. Kraepelin a montré que le type mélancolique se

rencontre ordinairement chez des sujets qui ont dépassé l'âge

moyen d'apparition de la maladie et qui présentent des signes de

sénilité prématurée, et Cullerre a noté la forme dépressive dans

les cas où la maladie est associée à des lésions athéromateuses

généralisées 2° Intoxications. La dépression est la règle chez les

paralytiques à antécédents alcooliques : sur 100 paralytiques alcoo-

liques, Talon n'a rencontré que douze fois la forme expansive.

Même observation pour l'intoxication saturnine (Devouges, Régis);

3° Affections viscérales. On sait que le délire hypochondriaque

est presque toujours lié à des lésions viscérales. Clouston a noté la

dépression mentale chez presque tous les paralytiques tuberculeux

et Wendel les paralytiques cardiaques ; Antécédents vésuniques. -

Si la paralysie générale survient chez un persécuté, il est naturel

de penser que la forme affective en subisse l'influence et sera une

forme dépressive ; c'est ce que l'ou observe en effet. A l'exception

peut-être de ce dernier groupe, on sait que la dépression paraly-

tique est soumise aux influences qui agissent défavorablement mu1

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE 151

l'état de la loi organique. Inversement, si ces influences font dé-

faut, si la vie organique est saine et normale, les sentiments effec-

tifs revêtiront la forme optimiste, et si cette forme est particulière-

ment fréquente, c'est que la paralysie générale est ordinairement

une maladie de l'âge moyen, de l'âge de pleine activité vitale (de

trente à cinquante-cinq ans le plus ordinairement). La consé-

quence de cette hypothèse, c'est que les mêmes symptômes opti-

mistes doivent se retrouver dans d'autres formes de démence, où

l'intégrité des fonctions organiques est conservée, et c'est en effet

ce que l'on observe, dans l'alcoolisme (Régis, Camuset), dans la

démence due à d'autres formes de lésions organiques du cerveau

(Jastrowitz, Burzio, Vaegelin) et enfin dans la sénilité.

Ainsi des preuves cliniques de provenance diverse conduisent à

des conclusions identiques.

Qu'il s agisse de paralysie générale, d'alcoolisme, de sénilité, la

démence est seule le résultat des lésions cérébrales et son degré

est proportionnée à leur étendue.

Les symptômes psychiques d'impulsion et dépensée ne sont pas

des effets directs de ces lésions ; ils sont l'expression - considéra-

blement exagérée par suite de la démence de l'influence de la

vie organique « où plongent les racines des émotions et de la

volonté » (Mandsiey).

Ceci revient à due que les conditions plus simples delà démence

ne font que rendre plus évidentes et plus manifestes les relations

qui gouvernent une grande partie au moins des opérations nor-

males de l'esprit. « C'est l'association des émotions, et, en même

temps que celle des émotions, celle des impulsions, qui détermine

l'association des idées. » De cette caenesthésie dépend le groupe-

ment des phénomènes de mémoire qui constitue les impulsions et

les idées délirantes. R. DE Musgrave-Clay.

Il. Les aliénées criminelles : esquisse; par Joun BAKER. (1'he Jour-

ital o/·.lleztnl Science, janvier 1902).

Voici les principaux points de cette étude : l'auteur fait remar-

quer d'abord que les aliénées criminelles comprennent deux

groupes ; l'un formé des femmes qui ont été légalement poursui-

vies et jugées et acquittées comme folles, mais internées; et l'autre

constitué par celles qui ont été condamnées et sont devenues

aliénées pendant qu'elles subissaient leur peine. Le type de folie

le plus fréquemment observé est la manie avec délusions. Le

plus souvent ces malades sont bruyantes, obscènes et sujettes à

des paroxysmes de violence. La manie est souvent accompagnée

d'idées de persécution, avec hallucinations de la vue et de l'ouïe :

on trouve aussi quelquefois des perversions du goût et de l'odorat :

les idées délirantes revêtent souvent la forme sexuelle.

158 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

L'infanticide commis par des aliénées n'a pas jusqu'ici attiré

l'attention qu'il mérite; la littérature de ce sujet est très maigre.

Les registres de Broadmoor relèvent 253 infanticides : dans 24 cas

l'infanticide a été double, dans 8 cas triple. Les tentatives de

meurtre sont au nombre de 33, et la faiblesse de ce chiffre par

rapport aux meurtres effectivement accomplis montre suffisam-

ment avec quelle préméditation et quelle volonté le meurtre est

ordinairement commis. L'auteur n'entend pas se préoccuper ici

des symptômes mentaux qui accompagnent ce genre de crime,

mais plutôt l'examiner au point de vue médico-légal. On a dit que

dans un tiers au moins des cas de folie puerpérale, les tendances

au suicide ou à l'homicide, existaient, séparées ou associées, mais

qu'elles n'étaient en général ni vicieuses, ni préméditées, ni habi-

lement conduites. Vicieuses, non; mais préméditées et habilement

conduites, assurément oui, surtout après la première semaine.

Bien que cela puisse sembler paradoxal, ce n'est pas le vice qui

conduit la mère à tuer son enfant, mais plutôt une sollicitude

maternelle pathologique et égarée : rarement elle nie l'acte; elle

s'excuse plutôt en disant que l'enfant sera plus heureux au ciel.

Les troubles mentaux qui dépendent de la gestation sont commu-

nément et commodément divisés en trois groupes qui ont cha-

cun leurs caractères~propres : folie de la grossesse, folie puerpé-

rale et folie de l'allaitement. La folie de la grossesse est la forme

la plus rare, la folie puerpérale la forme la plus commune.

L'étude des cas observés à Broadmoor montre que l'infanticide est

beaucoup plus fréquent dans la folie de l'allaitement que dans la

folie puerpérale. Ce fait surprendra moins si l'on se souvient que

le terme de folie puerpérale est ordinairement appliqué, à tort

aux cas de cet ordre. Les chiffres relevés à Broadmoor pour

l'infanticide sont les suivants : folie de la grossesse 5 p. 100; folie

puerpérale 33 p. 100; folie de l'allaitement 60 p. 100.

Nous sommes très loin de posséder des données certaines sur la

psychologie de la grossesse : ce que nous savons c'est qu'elle s'ac-

compagne souvent d'une grande dépression mentale pouvant aller

jusqu'à la mélancolie. On a dit que l'âge de la malade avait une in-

fluence sur la folie de la gestation, qui serait plus commune entre

trente et quarante ans. Les statistiques de Broadmoor ne confir-

ment pas cette manière de voir.-La folie puerpérale est un trouble

mental qui survient dans une période courte consécutivement à

la délivrance, à laquelle elle parait se rattacher intimement. Les

auteurs ne sont pas d'accord sur le moment où l'influence

puerpérale cesse pour faire place à celle de l'allaitement. Clouston

donne six semaines comme limite de l'état puerpéral; BattyTuke

ne donne qu'un mois en règle générale, mais en accorde deux

pour certains cas discutables, et Campbell Clark, pour les cas

incertains et mixtes, va jusqu'à deux et trois mois. En étudiant

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 159

les cas de Broadmoor, l'auteur a rapporté à la folie puerpérale les

infanticides commis dans un délai de deux mois après l'accouche-

ment, et à la folie de la lactation les crimes commis à une date

plus tardive ; mais cette distinction doit toujours être considérée

comme arbitraire, les idées délirantes qui aboutissent au crime

pouvant couver pendant plusieurs semaines avant d'en provoquer

l'exécution.

A propos de la folie puerpérale, il convient d'étudier le meurtre

des nouveau-nés : l'asile de Broadmoor fournit 20 cas de cet

ordre : dans ce nombre on compte seize filles-mères. On sait com-

ment les choses se passent en pareil cas : l'enfant crie, la mère

affolée le tue ; le juge, le jury, en présence de la gravité de la

peine s'ingénient à trouver des atténuations dont la plus commune

consiste à invoquer la folie passagère; très passagère en effet,

puisque sur les 20 cas de Broadmoor, douze femmes ont pu être

remises en liberté après un internement très court : c'est un taux

de guérison exceptionnellement élevé dans la folie homicide.

La plupart des infanticides commis plus tardivement dans la

période puerpérale sont dus à des troubles mentaux de type mélan-

colique. Par leurs caractères généraux ils ressemblent aux infan-

ticides de la lactation et peuvent être étudiés avec eux. Ces

infanticides de la lactation se rattachent à des causes diverses :

épuisement fonctionnel et déchéance mentale consécutive, prolon-

gation de l'allaitement pour éviter une conception nouvelle qui

augmenterait la misère, répétition des allaitements, enfin misère

physiologique et misère sociale. Comment s'étonner en pareil cas

d'un infanticide qui, le plus souvent, s'accompagne d'idées et

parfois de tentatives de suicide. Il est à remarquer que dans les

cas d'infanticide les idées religieuses sont très souvent liées à

l'obsession homicide. Le nombre des femmes atteintes de folie de

l'allaitement à Broadmoor est de 115 : leur âge est plus élevé

que pour la folie puerpérale.

Dans les cas d'homicide se rattachant aux troubles mentaux qui

accompagnent la gestation, certaines circonstances sont favorables

ou défavorables à la guérison : les principales sont les suivantes :

1° l'fige : plus la malade est âgée, plus les chances de guérison

diminuent. 2° le nombre des enfants : si la femme est épuisée par

des grossesses répétées, le pronostic est généralement défavorable.

3° Les attaques antérieures : ces attaques sont dans la majorité des

cas, puerpérales : on en comptait 24 cas à Broadmoor. 4° la pré-

disposition héréditaire rencontrée dans 28 cas. 5° l'épilepsie à titre

de complication. 6° l'illégitimité de l'enfant tué, qu'il s'agisse d'une

femme mariée ou d'une veuve. Dans trente-trois cas le meurtre

de l'enfant avait été commis sous l'influence de la folie de la méno-

pause. Ces cas ressemblent à ceux qui ont été décrits ci-dessus.

Il. DE Musgrave-Clay.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XIV. Le tabès chez la femme; par E. i)llNDEL (NeUI-010g.

Ceiiti-cilblatt, XX, 1901).

Sur 424C4 malades admis à la policlinique, il y avait 20 539 hom-

mes, dont 125 tabétiques, soit 3,53 p. 100, et 21 925 femmes, dont

288 tabétiques, soit 1,'il p. 100, ce qui donne une femme tabe-

tiques pour 2,7 hommes atteints de la même maladie. Dans les

classes aisées on ne compte qu'une tabétique pour 25 hommes.

C'est exactement la proportion de la paralysie générale. Près de

la moitié des cas, 44,3 p. 100, s'observent de trente-cinq à qua-

rante-cinq ans, tandis que, pour l'homme, cette proportion se voit

de trente et un à quarante ans.

Sur les 288 femmes tabétiques, 252 étaient mariées, 36 étaient

célibataires. Sur les 252 tabétiques mariées, 83, soit 32,9 p. 100,

n'avaient pas d'enfants : ou bien elles n'avaient pas conçu (55 cas) ;

ou elles avaient avorté ; ou enfin leurs enfants étaient morts dans

les premiers mois de la vie. Une enquête a montré que la stérilité

élait presque trois fois plus fréquente chez les femmes tabétiques

que chez les femmes ordinaires vivant dans les mêmes conditions

sociales. Si l'ou en rapproche la mort fréquente des enfants en

Las-âge appartenant aux premières, on a de la tendance à accuser

la syphilis. La syphilis n'est-elle pas aussi souvent la cause de la

stérilité ? Ce serait donc de l'aveuglement que de tenir la stérilité

du tabès pour une complication accidentelle. Il existe du reste des

cas où la tare héréditaire est vraisemblablement de nature syphi-

litique : c'est cette.forme de l'hérédité qui domine. Il n'y a guère,

en dehors de ce facteur, d'autres éléments étiologiques chez la

femme, que ceux de l'homme.

Le tabès de la femme est caractérisé par une ataxie tardive, une

extrême rareté de l'arthropatliie, des crises gastriques ou autres

moins fréquentes que chez l'homme, une marche plus bénigne.

Mais l'amaurose y prédomine : 21 cas. On y rencontre l'hémi-

anesthésie hystérique typique, et la maladie de Basedow symp-

tomatique, par lésion du faisceau solitaire ( ? ) : 3 cas.

P. Keraval.

XV. Observation de myasthénie pseudoparalytique grave; par

L. MENDEL. (Neurologisclt. Cenlralb. XX. 1901).

Il s'agit d'une femme vigoureuse, bien musclée, suffisamment

grasse, de vingt et un ans qui, de la fin de décembre 1899 au

1 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '16).

il janvier 1901, présente les accidents suivants. Elle enlre à 1'1)ô-

pital parée qu'elle a successivement éprouvé : de la difficulté de

marcher, surtout dans la jambe gauche, de la difficulté d'avaler et

de parler, une fatigue générale, le retour des aliments par le nez,

de 1'llyper-écrétioii salivaire et urinaire, des crampes la nuit dans

les mollets, enfin des accès brusques de stupidité pendant lesquels

arrêtée, immobile, le regard fixe, elle laisse tomber, inconsciente,

les objets qu'elle avait entre les mains.

On constate : un faciès cynotique, une physionomie sympathi-

que, aimable, une intelligence indemne, une parésietaciaie légère,

surtout à droite. Les muscles droits interne des yeux sont paré-

siés surtout du côté droit : la lumière détermine d'abord un rétré-

cissement des pupilles qui se relâchent ensuite pour se contracter

à nouveau et se dilater finalement (hippus). De même les massé-

ters se fatiguent vite, ainsi que la langue, le voile du palais pendant

la phonation, les cordes vocales ; le réflexe palatin est faible ou

absent : le réflexe pharyngien existe. Aucune atrophie de la langue,

des lèvres, des muscles quelconques; pas de réaction décénéra-

tive. Conservation du goût et del'odorat. Parole bulbaire accusée,

surtout le soir; la malade se fatigue à parler, notamment quand

on la fait compter, elle perd vite haleine : la fait-on chanter, au

bout de 10 à 20 mots, elle précipite le débit, la salive lui ,coule de

la bouche, elle doit se reposer; elle reprend son chant et les

mêmes phénomènes se reproduisent. Les mouvements ordinaires

des membres supérieurs et inférieurs sont affectés de semblable

manière. Nul affaiblissement des réflexes patellaires. La piqûre

est plus vivement ressentie sur la moitié droite du corps. Poumons

intacts, mais la respiration est pénible. Rien au coeur : le second

bruit à la base n'est pas claqué, Pas d'artériosclérose. Pouls petit,

non tendu, fortement intermittent. Rien au sang. Urine quelque

peu albumineuse : 0,23 pour 1000; pas d'excès d'mdican; quel-

ques cylindres hyalins et granuleux isolés. La rate est volumineuse

en certains jours.

L'examen électrique, qui, au début ne présentait aucune ano-

malie, a fini par révéler la réaction myasthénique des muscles

palatins et masticateurs, des biceps, de la portion antérieure et

postérieure des deltoides : l'application de 20, 30, 50, 6J courants

tétanisants finit par ne plus produire de contraction musculaire;

celle-ci reparait nette et vigoureuse sous l'influence du même cou-

rant quand on a laissé reposer le muscle une demi-minute. Ce

phénomène est plus accusé au courant faradique qu'au courant

galvanique.

Evidemment ce n'est ni une paralysie bulbaire atrophique pro-

gressive, ni une paralysie bulbaire apoplectique aiguë, ni une

paralysie pseudobulbaire, ni une dystrophie musculaire, ni une

polynévrite. Ce pourrait être une polioencéphalomyélite : il y-

AncHivM,2'SKne,t.XVI. H

'162 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

manque l'atrophie musculaire progressive, les modifications qua-

litatives et quantitatives de l'excitabilité électrique, les tremble-

ments fibrillaires, et d'autre part la réaction myasthénique, les

changements observés dans l'état de la malade le matin et le soir

ne permettent pas de-s'y arrêter.

La tare héréditaire tuberculeuse de la patiente et son état d'hys-

térie (hyperesthésie droite transférable par suggestion à gauche),

sont à considérer. Il est difficile de croire à une affection rénale

primitive génératrice de la myasthénie, car l'albuminurie est insi-

gnifiante, il n'existe pas d'hypertrophie du coeur, pas d'artérios-

clérose, pas de claquement du second bruit, pas d'hyperpression

sanguine, pas d'état général correspondant. Les intei mittences du

pouls, l'arlythmie cardiaque, la tachycardie, espacées indiquent

une myasthénie du coeur ayant les mêmes caractères de fatigue

musculaire que les phénomènes des muscles des membres, de la

respiration, du sphincter pupillaire. P. KERAVAL.

XVI. De la dysphagieamyotaxique; par G.-J. Rossolimo. (l'eUi-0109.

G'eairal6. XX, 1901).

Long mémoire basé sur 8 observations, duquel il résulte qu'il

existe une dysphagie nerveuse propre aux héréditaires dégénérés.

Ce trouble de la déglutition survient à l'âge où se développent la

plupart des affections analogues, c'est-à-dire les amyotaxies sauf

le bégaiement : il se montre après la jeunesse pour, parfois, se

prolonger à un âge avancé. Il apparaît seul sous la forme de dmii-

nution du réflexe de la déglutition, ou associé à une obssession, à

une émotion anxieuse relative à l'opération même, ou sous

l'influence, soit d'une affection organique objective de l'appareil

intéressé, soit d'une sensation subjective souvent violente à locali-

sation correspondante. Les émotions peuvent y pré(lispo-er ; il en

était ainsi chez trois malades anxieuses de ne pas voir rentrer

leuis maris occupés à boire dans quelque coin : l'attente jointe à

l'idée agissait sur l'appareil de la déglutition. t

La dysphagie consiste : en la simple impossibilité d'avaler; en

la sensation d'un obstacle vague qui s'oppose à la déglutition; en

l'incapacité d'avaler parce que le patient appréhende de ne pas

réussir à déglutir (phobie angoissante) : il craint aussi que s'il

essaie d'avaler il n'étouffe. La dysphagie, en ce cas, porte plutôt

sur les aliments solides, surtout quand il existe des sensations

buccales et pharyngiennes bigarres. Il en est qui éprouvent princi-

pali-iiierit de la difficulté à déglutir les liquides, notamment ceux

dont, la sensibilité pharyngienne est diminuée, et, encore, les

anxieux. Knlin d'aucuns avalent aussi péniblement les liquides et

solides.

La maladie une fois survenue prend généralement racine; elle

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 163

dure des années. Les accès sont plus courts quand à la dysphagie

s'associe une autre phobie, ou un élément hystérique. Le syn-

drome dysphagique est plus opiniâtre lorsqu'il est seul. Il y a

lieu de croire que. quelles qu'en soient les variantes, ce phéno-

mène, de même que la pluralité des phobies et amyotaxies céré-

brales, disparaît à un âge avancé. Les injections hypodermiques

d'arsenic, l'administration interne de calmants tels que la codéine,

le Na Br, la frankhnisation locale et générale, la suggestion hyp-

notique, sont à essayer : mais leur réussite est subordonnée à la

suppression de l'émotion inttibitrice ; elle n'est donc suppo-able que

dans un très petit nombre de cas tout à fait légers, et surtout dans

ceux où une partie des accidents peut être mise sur le compte de

l'hystérie.

Évidemment le rétrécissement organique de l'appareil digestif

n'est pas pius en cause, ici qu'une' lésion organique du système

nerveux. Mais celte dysphagie peut être symptomatique d'une

altération anatomique nerveuse ou non. Voici l'exemple d'une

dame de quarante-et-un ans, veuve depuis l'àge de vingt-sept,

ayant présenté la boule hystérique, de l'excitation sexuelle, et la

dysphagie en question, chez laquelle on trouva, à l'autopsie, un

cancer annulaire de l'oesophage au niveau de la crosse de l'aorte,

et de la polynévrite pai encln maleuse snbaignë. L'hystérie peut,

sinon la produire, au moins s'y,loindre, mais toutes deux peuvent

dépendre d'une affection organique ou fonctionnelle différente.

D'ailleurs la plupart des malades envisagés en l'espèce étaient de

préférence des dégénérés : la dypliigie ? était développée et avait

évolué au fond comme toute auue affection analogue amyota-

xique. Ses modalités permettent seulement de la diviser en : dys-

phagie amyotaxique motrice, caractérisée par de la paresse de

l'acte de la déglution; dysphagie amyotaxique sensorielle, provo-

quéeparuntroubtesensonct;dysptiagieamyota\i(jues ? t ? <e,

dans laquelle prédomine de l'angoisse ou une obsession relative

à l'acte de la déglutition. P. KERAVAL.

XVII. Observation de tabès infantile, par M. l3LOCa. (IYeli ? '010g.

Centralbl.XXÏ, 1903).

Il s'agit d'un jeune garçon de dix-sept ans qui n'en parait pas

plus de treize à quatorze. Immobilité des pupilles, signes de West-

plial et Homberg, troubles vé-icaux, troubles du côté de la sensi-

bilité et de la coordination. Impossible de constater sûrement la

syphilis héréditaire : elle est cependant fort probable, sa mère

ayant eu de nombreux avortements ou accouchements prématu-

rés, et ne possédant, sur dix grossesses, dont cinq enfants ayant

vécu, que ce jeune homme et une lille. L'infantrlrsme du patient

résulte sans doute de ce qu'il est venu avant terme, à huit mois.

164 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Sa soeur est scrofuleuse, mais ni le père ni la mère, ni celle-ci ne

présentent de troubles nerveux.

Le jeune garçon est pris en outre, de temps à autre, de batte-

ments de coeur avec angoisse, accélération du pouls, qui le forcent

à s'asseoir, à se comprimer la région précordiale, à boire un peu

d'eau : durée un quart à une demie minute. P. Keraval.

XVI11. De l'appendicite dans les familles de névropathes,

par ADLER. (1\eztrolo. Ceutrulbl. XX. 1901).

Quelques faits permettent de croire que l'origine de l'appendi-

cite en pareils cas remonte à insuffisance de l'appareil musculaire

de l'intestin, héréditaire ou nerveuse. Il n'est pas nécessaire que

cette insuffisance soit assez forte pour produire de la constipation

chronique, il suffit qu'elle prive l'appendice iléocoecal des élé-

ments contractiles indispensables pour expulser le contenu intes-

tinal qui y a pénétré. P. Kerwal.

XIX. D'un nouveau tableau morbide analogue à la tétanie dans le

saturnisme chronique, par H. Haenel. (neurolog. Ce ? zti-albl.

lll, 1902).

Il s'agit d'un compositeur d'imprimerie de vinLL-quatre ans,

saturnin, atteint d'une affection musculaire chronique progressive

caractérisée par des contractions tétaniques, douloureuses, des

groupes musculaires les plus différents, contractions presque

continuelles, à l'occasion d'excitations extérieures faibles, de mou-

vements violents, ou sans motif. Le côté gauche du corps y com-

pris le tronc a été atteint avant le côté droit : il est maintenant

plus fortement pris que ce dernier. Intégrité de la tète et de la

face, sauf les muscles qui concourent à l'ouverture de la bouche.

Intégrité de lasphère sensitive, moins de faibles paresthésies, et du

sensorium. Cette espèce tient le milieu entre la tétanie et la m.o-

hymie. La question du diagnostic et de l'étiologie est fort étudiée

dans le mémoire. - P. Keraval.

XX. Observation de myélite ou d'encéphalomyélite aigué dissémi-

née consécutive à l'intoxication par l'oxyde de carbone, terminée

par la guérison, par A. (iYeit2,olog. Centrulbl. XXI,

1902).

Il s'agit de toute une famille composée du père, de la mère, d'un

enfant'de deux ans, asphyxiés par un poële. L'enfant est trouvé

mort; la femme présente une intoxication légère; le mari offre les

signes d'une grave maladie cérébro-spinale. L'auteur attribue celte

différence à ce que le lit du père était plus éloigné des portes et

fenêtres et plus rapproché du poêle. Cependant l'enfant couchait

auprès de sa mère, et, d'ordinaire, cet âge a plus de résistance au

toxique que l'adulte.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 165

II s'agit d'un homme de vingt-huit ans jusque-là solide et d'une

parfaite santé; l'existence d'une paralysie spasmodique, non

dégénérative des extrémités inférieures, d'une incontinence de

l'urine et des matières, de troubles trophiques et vasomoteurs

(bulles de pemphigus et accidents du décubitus), d'une somnolence

durant des jours entiers, de l'obnubilation de la conscience,

de la lenteur et de la confusion de l'articulation, de l'amnésie, etc.,

tout ceci indique un processus aigu occupant les ganglions de la

base, le cerveau et la moelle. Les mêmes symptômes, de concert

avec des troubles légers de la sensibilité, de concert aussi avec

Tunique cause en question, permettent d'affirmer l'ericéplialoni3,élite

aiguë disséminée oxycarbonique.

Le patient fut renvoyé trois mois plus tard, presque guéri. Deux

mois mois après sa sortie de l'hôpital, on ne constatait plus qu'une

exagération des réflexes tendineux et un-certain degré d'affaiblis-

sement intellectuel. Capable de marcher beaucoup sans fatigue, il

a perdu son énergie et son initiative. C'est encore en faveur du

diagnostic.. P. Keraval.

XXI. Chromodiagnostic du liquide céphalo-rachidien; par A. Sicno

(Presse médicale, 25 janvier 1902).

A l'état normal, le liquide céphalo-rachidien de l'homme est

clair comme « de l'eau de roche ». A l'état pathologique, il peut

présenter des aspecls bien différents depuis la teinte sale, puru-

lente, jusqu'à la teinte hémorrhagique jaune, verdâtre. Fiirbrin-

ger, le premier, en 1895, constate la teinte sanguinolente du

liquide céphalo-rachidien dans deux cas d'hémorrhagie cérébrale,

Braun, IirBuig, en Allemagne, Netter et Clerc, Gilbert et Castaigne,

Ridai, Achard et Loeper, Sicard et navaut, Bard en France, ont

successivement étudié la coloration du liquide céphalo-rachidien

dans différentes affections. Des observations publiées par ces au-

teurs se dégagent les faits suivants : 1° Dans toute hémorrhagie du

aaéuraxe à siège sous-dure-mérien, qu'elle reconnaisse une origine

cérébrale médullaire ou méningée, le liquide cépha)o-rachidien

peut présenter une coloration spéciale franchement hémorrha-

gique, ou seulement hématique ou jaune verdatre. Seul l'aspect

jaunâtre, jaune rosâtre ou jaune verdàtre est caractéristique;

2° Au cours des méningites aiguës cérébro-spinales, tuberculeuses

ou bactériennes, le liquide céphalo-rachidien peut également pré-

senter cette teinte jaunâtre ; 3° Au cours de l'ictère chronique, on

peut également noter cette coloration.

La date d'apparition et de disparition de la coloration dans les

cas d'hémorrhagie est variable ; elle apparaît généralement entre

le 3° et le 6e jour, suivant le siège et l'abondance de l'hémorrha-

gie. La nature de la coloration semble due à un pigment spécial

normal dans le sérum du sang, la lutéïne. R. LEMY.

166 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

1\ll. Un cas d'asthénie bulbo-spinale. Syndrome d Erb-Goldflam;

par Raymond (Presse médicale, 26 février 1902).

Il s'agit d un hommedequarante-troisans, sans antécédents hé-

rédiutil-es ni personnels, qui présenta dans les premiers jours d'août

1901, de la faiblesse de la vue et de la diplopie. On diagnostique une

paralysie de la 3° paire du côté gauche, début probable d'un tabes

et on ordonne des frictions mercurielles. Quelques jours après

survient de la faiblesse des jambes et des membree supérieurs, l'as-

tbénie respectant les muscles dorso-lombaires, les extenseurs et

fléchisseurs de la tête et les muscles dits bulbaires inférieurs.

A l'entrée du malade à la Salpètiière, le professeur Raymond

note : sensibilité normale, réflexes normaux, pas de troubles tro-

phiquesni vaso-moteurs, aucun trouble moteur dans le domaine

des muscles innervés par les faciaux, les vago-spinaux, les hypo-

glosses el les trijumeaux masticateurs.

Membres supérieurs : asthénie portant sur tous les groupes

musculaires, groupes de. flexion, d'extension, d'abduction, d'ad-

duotion.J/smr<;s/))/ë ? 'MM)'s : asttoenie semblable généralisée. Le

malade a de la peine à exécuter avec ces membres les mouvements

physiologiques et surtout à conserver certaines attitudes. L'état

général est bon, les organes fonctionnent bien. L'examen oculaire

montre une paralysie complète du droit interne droit et une paré-

sie assez accusée du droit interne gauche. L'élude de la diplopie

indique aussi une légère parésie (diplopie en hauteur) des droits

supérieur et inférieur gauche. L'ex 'me" électrique ne décèle aucune

réaction de dégénérescence dans les membres frappés d'asthénie.

Quel diagnostic doit-on porter en cette ocnurcnce ? La parésie

dissociée des principales branches de la 3° pair fait penser à la

syphilis cérébrale, maisl'échec du traitement spécifique permet de

rejeter cette hypothèse. Le tabès ne peut pas non plus être mis

en cause, en raison de l'absence des deux manifestations initiales

de cette affection, abolition du réflexe rotulien et douleurs fulgu-

rantes.

Serait-ce une lésion des noyaux d'origine ou des racines de la

3° paire ? Le malade aurait présenté un ictus apoplectiforme ou,

dans le cas d'une polyoeiicéplialite supérieure, des symptômes

bruyants tels que céphalée, vomissements et hallucinations.

L'insuffisance fonctionnelle des muscles des quatre membres et

de quelques-uns des muscles intrinsèques des yeux relève de l'as-

thénic, bien plus que de t'akiuésie. Or, nous connaissons depuis

une vingtaine d'années une maladie purement fonctionnelle du

système nerveux, dont la symptomatologie se résume dans une

asthénie des muscles innervés par la mpsocéphate et de ceux qu'in-

nerve la tnoette. On l'a décrite sous le nom d'asthénie bulbaire ou

syndrome d'Erb. Goldtlam en élargit le cadre. L'asthénie bulbaire

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 167 î

devient l'«sthénie bulbo-spinale et cette affection se rapporte à un

complexus symptomatique ayant pour lieu commun l'absence de

lésions grossières attestées soit par le guérison, soit par les résul-

tats de l'examen histologique dans des cas où des phénomènes de

paralysie bulbaire se trouvaient associés à des phénomènes de pa-

ralysie des membres et du tronc.

L'anesthésie bulbo-spinale s'observe principalement chez des

sujets jeunes, sans causes tangibles. Les manifestations sensitives

font défaut. Il s'agit d'une affection essentiellement motrice :

ptosis, paralysie des muscles de l'oeil, troubles de la mastication,

de la déglutition, de l'articulation des mots. Elle atteint son apo-

gée en quelques mois. Tous les muscles animés par des nerfs

ctauio-butbaires peuvent être touchés, la participation du facial

supérieur étant relativement rare. Cette anesthésie fonctionnelle

envahit toujours des groupes de muscles innervés par la moelle et

peut s'étendre à tous les muscles du squelette. Ce n'est donc pas

une anesthésie purement bulbaire, mais aussi spinale.

Chez le malade faisant l'objet de cette leçon clinique, on retrouve

bien les traits fondamentaux du syndrome d'Ei-b-Goldflaiii. Sou-

mis à un traitement opothérapique par l'ingestion d'un extrait de

capsules surrénales, le patient a vu son état s'améliorer considéra-

blement durant quelques-semaines. Cet essai thérapeutique fait

penser que les manifestations de l'anesthésie bulbo-spiiiale peu-

vent être mises sur le compte de quelque auto-intoxicatron ou de

quelque infection locale. A l'appui de cette manière de voir on

peut invoquer une récente observation de Lagner et Weifert, de

Francfort. Un homme, qui présentait les symptômes de la nzyus-

ténie d'Erb, mourut après quatre ans de maladie, en pleine con-

naissance. L'autopsie prouva l'existence d'une tumeur maligne du

thymus. R. LEROY.

XXIII. De la morphinomanie. Auto-observation d'un médecin mor-

phinomane ; par M. le professeur Debove (Presse médicale,

26 mars z).

M. Debove rappelle à ses auditeurs combien la morphinomanie

fait de ravages parmi les médecins. Il fait entre le morphinomane

et le morphine la même distinction qu'entre l'alcoolique et l'al-

coolisé. Le morphinomane est un sujet chez lequel on ne peut

supprimer la morphine sans produire d'accidents. L'élément es-

sentiel pour qu'un morphine devienne morphinomane serait le

terrain névropathique.

Le professeur dit quelques mots de l'état de besoin de la dé-

morphinisation par les méthodes lente et brusque et lit l'observa-

tion d'un médecin morphinomane issu de parents néviopallies,

entré dans l'intoxication, comme cela se voit souvent, à la suite

des conseils thérapeutiques d'un confrère morphinomane. Le ma-

168 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lade ne dépasse pas la dose de 2 à 3 centigrammes par jour, mais

arrive cependant, au bout de quinze jours, à ne plus pouvoir se

passer du poison. Il éprouve l'euphorie caractéristique, l'état de

besoin avec ses angoisses, la perte de l'appétit, l'insensibilité mo-

rale, etc. Que serait devenu ce médecin, aujourd'hui un maître ?

probablement une nouvelle victime de la terrible intoxication.

Son courage, sa vision nette du danger lui ont permis de rompe

avec la morphine dans des circonstances'dignes d'être rapportées :

« Je rentrai à Pans amélioré au point de vue rhumatismal, mais

anémié, le corps atone et l'âme éteinte, sauf aux heures d'érétllismc

morphinique. Fort heureusement une secousse imprévue vint pro-

voquer la réaction salutaire. Un matin, je devais retrouver mon

regretté camarade Girode dans le service de Lancereaux pour faire

avec lui « l'épreuve du malade ». J'arrive en avance ; le savant

médecin de la Pitié. entouré d'élèves, était au lit d'une malade;

c'était une morphinique. Et Lancereaux lui faisait un tableau sai-

sissant de sa déchéance physique et morale et de son pitoyable

avenir... je me sentis pâlir, ma tête tourna, mes oreilles tintèrent,

je descendis rapidement dans la cour, gagnais un banc et m'y

évanouis. Revenu à moi. je me dis qu'il fallait rompre ou que

fêlais perdu... Je diminuai chaque jour d'un tour de vis la dose

quotidienne. Au bout d'un mois j'étais délivré. » lt. Leroy.

XXIV. Epilepsie et amnésie rétrograde; par M. J. SEGLAS

(Presse médicale, 12 avril 1902).

L'existence de l'amnésie rétrograde, à la suite des traumatis-

mes, des émotions violentes, dans l'hystérie, dans les intoxications

chroniques, en particulier l'alcoolisme. est un fait de séméiologie

clinique aujourd'hui bien connu. Il n'en est pas de même de l'am-

nésie rétrograde dans l'épilepsie.

Le caractère ordinaire de l'amnésie épilepliquc est d'être une

amnésie simple ne portant que sur la phase épileptique elle-même.

Il existe des cas où l'amnésie épileptique n'est pas seulement sim-

ple, mais comprend en même temps une phase rétrogade. M. Se-

glas a déjà rapporté deux observations de ces faits dans une com-

munication à la Société de médecine légale. La première concernant

un jeune homme épileptique depuis son adolescence qui, à la

suite d'une crise comitiale survenue vers midi, sans prodromes,

présenta une amnésie rétrograde s'étendant à tous les événements

de la matinée. Dans la seconde il s'agissait d'une malade de

cinquante ans chez laquelle une crise déteimina une amnésie ré-

trograde, totale et permanente, s'étendant aux deux heures qui

avaient précédé l'apparition de l'accès.

L'amnésie rétrograde vraie de nature comitiale est très rare; du

moins, elle semble avoir bien peu attiré l'attention des auteurs

M. Séglas en a observé un cas portant sur une période de vingt-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 169

quatre heures. Elle est tantôt permanente tantôt transitoire. Alzhei-

mer en a rapporté trois exemples très curieux. Dans le premier,

l'étendue de la période rétrograde de l'amnésie a été de plus d'un

an, dans le second d'une semaine ; pour le troisième de vingt

jours. Dans ces trois cas l'amnésie était absolue, complète. Elle a

persisté dix jours dans le premier et le second cas, vingt-deux

jours dans le troisième.

La question de l'amnésie rétrograde épileptique est très com-

plexe, en raison des facteurs qui ont pu être la cause détermi-

nante du syndrome comitial C'est ainsi qu'un malade de M. Na-

geotte, minus habens, alcoolique, épileptique, entré à Gicétre le

26 août 1900, pour une série d'attaques épileptiformes, raconte

tous les événements de sa vie antérieure à 1879 mais a tout oublié

depuis cette date. Il se croit en 1879. Un mois après, la mémoire

lui revient. Cette amnésie doit-elle être mise sous la dépendance

des accidents épileptiques ou du toxique éthylique ? R. Leroy.

XXV. La Neuronophagie ; par MM. Albert Devaux et Prosper

IIIdfiHLI3N. (Presse Médicale, 16 avril 1902).

Sur les coupes de l'écorce du cerveau des sujets ayant succombé

aux affections les plus diverses, spécialement à celles qui entrai-

nent une détermination cérébrale, certaines cellules nerveuses

apparaissent partiellement détruites et semblent digérées par des

éléments voisins : c'est la rzezcrolznphallie, mode de phagocytose.

Les recherches sur ce point d'histologie pathologique doivent

leur valeur i la méthode de inissl. Différents auteurs ont observé

la neuronophagie dans la méningo-encéphalite chronique, la dé-

mence sénile. l'épilepsie et dans certaines intoxications telles que

la rage, l'urémie, le diabète.

L'altération cellulaire se fait par étapes nettement différenciées :

gonflement du protoplasma, rejet du noyau vers la périphérie de

la cellule, disparition du nucléole. Des éléments nouveaux appa-

raissent, ce sont des petits corps arrondis prenant plus ou moins

la coloration, mais toujours très perceptibles, formant un réseau

localisé autour de la cellule nerveuse. Ils sont d'autant plus ner-

veux que celle-ci est plus atteinte. Ces petits corps pénètrent dans

l'intérieur de la cellule et finissent par l'envahir tout entier. C'est

la phagocytose d'une cellule nerveuse devenue inutile, désagrégée

et digérée par des éléments nouveaux.

Quels sont ces éléments biophag-es ? proviennent-ils de la mobi-

lisation des cellules du tissu fixe ou ne représentent-ils qu'une

fonction spéciale des globules blancs. Valenza, Crocq, France et

Athias attribuent ce lôle à ces derniers, Krauss et Mariuesco, iVissl,

Marchand, ne concèdent qu'à la névroglie ce rôle destructeur.

11 parait possible que ces deux notions ne soient pas en contra-

170 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

diction et que les deux processus puissent évoluer parallèlement.

On sait que la moindre irritation s'accompagne d'une diapédèse

leucocytaire. 111. Devaux et Neiklen pensent que dans la neuro-

phagie la première place revient aux leucocytes, mais que la né-

vroglie intervient secondairement en comblant les vides produits

par la destruction et l'absorption de ceux-ci. Il. Leroy.

XXVI Un cas de cancer cérébelleux ; par M. le professeur Raymond

(Presse Médicale, 8 octobre 1902).

Intéressante clinique sur un cas de syndrome cérébelleux, dont

Tétiologie était difficile à établir.

Un jeune garçon de treize ans, contracte à cinq ans une fièvre

scarlatine bénigne et à douze ans une rougeole. Deux mois après

la disparition de l'exanthème, le 15 juillet 1901, l'enfant est pris

subitement de vertiges, d'éblouissements et de vomissements On

pense à un vertige gastrique.

Quinze jours après, au mois d'août, s'installait lentement et pro-

gressivement les symptômes suivants : céphalée avec exacerbations,

vomissements, amuzwose progressive, titubalinn. Ces troubles de-

viennent permanents et engagent le malade à venir consulter à la

Salpêtrière, en décembre 1901.

Le professeur Raymond note alors : aspect général satisfaisant,

à part la céphalée, aucune perversion de la sensibilité objective,

intelligence parfaite, aucun trouble de la parole ni de l'écriture.

La station debout et suriout la marche sont caractéristiques : le

malade, pour se tenir en équilibre, écarte les jambes, porte le

corps d'un côté ou de l'autre, surtout à gauche, comme un homme

ivre, vertiges fréquents. Les réflexes tendineux sont lous exagérés ;

les réflexes cutanés réagissent normalement, le réflexe de BuGiusl,i

est en flexion. Il existe de V hypotonie musculaire et du gâtisme

intermittent, ni albuminurie, ni sucre. Les troubles sensoriels loca-

lisés au niveau des yeux consistent en strabisme divergent, fonc-

tion de l'amaurose, mydriase, nystagmus, à l'ophtalmoscope,

double névrite optique adémateuse en voie de régiession atropli-

que et plus avancée du côté gauche. Les oreilles n'offrent rien à

signaler.

Le diagnostic est certainement ici compression intrv-crC7aienzzc.

On ne saurait songer à l'urémie, car la scarlatine ancienne n'a pas

été accompagnée de troubles rénaux et la perméabilité rénale est

normale.

La démarche titubante, vertigineuse, le nystagmus permanent,

l'exagération des réflexes tendineux coïncidant avec l'hypotonie

musculaire, les troubles oculaires, la céphalée, les vomissements

sont une preuve indéniable de syndrome cérébi lieux.

Quelen estle signe ? S'agit-il d'une sclérose en masse du cer-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 171 L

velet, non, le début des symptômes a été trop brusque et l'évolu-

tion trop rapide En raison de la double atrophie papillaire, on

peut penser à une lésion localisée à la base du cervelet et s'avan-

çant plus à gauche qu'à droite.

Quelle en est la nature ? Le malade est trop jeune pour qu'il

soit question d'hémorrhagie ou de ramollissement. La sclérose en

plaques n'existe guère au-dessous de quinze ans et n'a pas une mar-

che aussi rapide. Les deux hypothèses ayant quelque valeur sont

abcès cérébelleux ou tumeur cérébelleuse. L'intégrité de l'oreille,

l'état normal de la température, l'examen cytologique négatif du

liquide céphalo-racliiJien, l'absence de toute polynucléo-e du sang

ramènent le professeur à l'idée d'une tumeur en voie d'accroisse-

ment. Cette tumeur serait une néoplasie maligne (sarcome ou

gliome), car la syphilis n'existe pas ici et la tuberculose se déve-

loppe avec une grande lenteur.

Le jeune malade a été opéré parM.Segond : ouverture de la

fosse cérébelleuse gauche, ponctions exploratrices dans le cervelet

avec une seringue de Pravaz sans aucun résultat. Mort le quatrième

jour.

A l'autopsie : s'étalait à la base du cervelet et prédominait sur-

tout à gauche une tumeur inopérable qui avait déjà envahi la plus

graude partie du vermis inférieur et des hémisphères céiébelleux,

principalement de t'hémisphefe cérébelleux gauche. L'examen

histologique a montré qu'il s'agissait d'un sarcome -Iobu-cellu-

laire dont le point de départ est vraisemblablement méningé.

il. Leroy.

XXVII. Un cas d'épilepsie consécutive à une lésion traumatique du

lobe préfrontal; par R.-A. UnouiiART et W. )'"ordHoB ! iRT50N. (Tite

Journal of Meittal Science, janvier 1902).

Homme de27 ans, sans antécédents héréditaires ni syphilitiques.

A l'âge de 18 ans, chute grave; lésions de la tête; plusieurs

semaines d'état inconscient. Deux ans plus tard, attaques d'épi-

lepsie, suivies d'accès de manie qui le lont interner à l'asile. Les

attaques d'épilepsie reviennent à peu près tous les deux mois, et

sont suivies de crises de manie de violence progressivement

décroissante. Il est dangereux. Physiquement il est robuste et son

état général n'est pas mauvais. Il y a de l'oedème des mains; le

coeur est inéguber. Pas de cicatrice sur le cuir chevelu, mais un

point douloureux un peu en avant de la suture pariéto-occipitale

droite, et, parallèlement à cette sutme, une légère dépression.

Une cicatrice sous le sillon orbitaire droit. Les sensations sont un

peu émoussées, et le réflexe plantaire gauche un peu diminué. Les

pupilles sont un peu dilatées, surtout la droite : la réaction d'accom-

modation est normale, mais la réaction à la lumière est paresseuse,

172 -REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '

surtout à droite. Mais le malade prend de la belladone. Surdité à

droite. Démarche maladroite. Etat mental très affaibli. Confusion

des idées et diminution de la mémoire. Petit à petit le malade

s'affaiblit physiquement et mentalement. Les crises épileptiques

deviennent plus fréquentes (97 en 27 mois) mais ne sont pas suivies

d'accès de manie. Le malade meurt. L'aura était très nette et

marquée par une sensation de légèreté dans la tête et de faiblesse

dans les genoux; cette dernière sensation persistait après l'accès.

Les convulsions débutaient par le bras gauche, se propageaient

au même côté de la face, puisse généralisaient, en demeurant tou-

jours plus intenses à gauche. La tête était tournée à gauche, avec

déviation conjuguée des yeux vers le même côté. Les crises étaient

suivies d'un état de stupeur, auquel succédait une grande irritabilité.

La cessation des bromuresavait pourrésuttatd'aggravertesphéao-

mènes épileptiques. La question d'intervention chirurgicale fut

posée mais réolue négativement par la mère du malade. Il faut

ajouter que le malade avait une soeur épileptique.

A l'autopsie on trouva dans le lobe frontal droit un foyer

étendu de ramollissement, de couleur gris jaunâtre, et il parait

évident que ce foyer de ramollissement était la conséquence d'une

hémorrhagie traumatique. Le point particulièrement intéressant

de cette observation (bien qu'un certain nombre de cas analogues

ait été publié dans ces dernières années) c'est l'apparition, à

échéance éloignée, d'épilepsie générale, malgré que la lésion trau-

matique n'ait primitivement intéressé aucun point de l'aire motrice.

Il. de Musgravë-Clvy.

XXVIII. Les formes silencieuses de l'Epilepsie ; par William

P. SPRATLING. (%'LC lŸC2U ? OTi ICCZtCCII Journal, 11 octobre 1902).

On a soutenu depuis longtemps, et avec raison, que les formes

mineures de l'épilepsie, notamment le petit mal et les formes plus

purement psychiques étaient plus difficiles a guérir que celles où

dominent les commotions musculaires. Il n'est aucune maladie du

système nerveux qui réclame une connaissance aussi exacte des

localisations cérébrales que l'épilepsie.

Le caractère de la crise indique assez exactement la partie du

cerveau où débute l'attaque, et celle sur laquelle elle va se propa-

ger; l'auteur parle ici de l'épilepsie vraie, celle dont la condition

ou la lésion nécessaire siège primitivement dans .le cerveau et non

pas des convulsions réflexes dont la cause peut siéger en un point

presque quelconque du corps, et dans lesquelles le cerveau n'est

intéressé que secondairement.

Les formes silencieuses de l'épilepsie ont leur point de départ

dans une altération des parties du cerveau que l'on considère

comme les organes de la mentalité et que les physiologistes parais-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 173

sent d'accord pour localiser dans les lobes frontaux. Ces altérations

peuvent donner naissance à deux formes d'épilepsie : l'épilepsie

psychomotrice et l'épilepsie psychique pure. Au point de vue delà

localisation de la lésion, elles sont probablement identiques et ne

diffèrent que parle degré, le première étant plus violente et raccom-

pagnant de troubles moteurs généralisés, mais de nature noncon-

vulsive,la seconde tou,jourscalme, peu gênante, dépourvue de trou-

bles moteurs, mais aboutissanttout aussi sûrement que lapremière

à la destruction des facultés mentales. Le diagnostic de l'épilepsie

psychomotrice est toujours facile; l'épilepsie psychique peut au

contraire demeurer de longues années inaperçue aux yeux des per-

sonnes non exercées. Les crises mentales surviennent souvent chez

des neurasthéniques, qui sont d'ailleurs neurasthéniques à cause

de leur épilepsie. Souvent les symptômes ne diffèrent pas sensi-

blement de ceux de la neurasthénie; dans d'autres cas, ils sont

différents ou bien plus accusés.

Ainsi la perte de la mémoire est un symptôme de neurasthénie,

mais on peut diagnostiquer à coup sûr l'épilepsie chez les personnes

dont les oublis sont par trop remarquables et inusités, et surtout

chez celles qui disparaissent pendant un temps assez long, et qui

se trouvent, en reprenant conscience d'elles-mêmes, dans un lieu

éloigné, sans savoir comment elles y sont venues. Elles n'ont com-

mis aucune violence, il y a simplement une lacune dans les ope-

rations conscientes de leur esprit, lacune pendant laquelle le corps

a continué à agir d'une manière normale, maispurement automa-

tique.

Il n'est pas rare de voir l'épilepsie psychique pure alterner avec

des attaques de grand mal, en sorte qu'un crime peut être commis

pendant une crise psychique par un sujet qui ne présente à ce

moment aucun des symptômes du grand mal.

Les cas d'épilepsie silencieuse, sont loin d'être rares et ils ont

une grande importance, tant en médecine pure qu'en médecine

légale. Médicalement ils représentent les cas les plus purs de folie

soudaine et complète; au point de vue médico-légal, ils enlèvent

au criminel si le crime est commis pendant une crise psychique,

absolument toute responsabilité. R. nie nluscnnvE CL.1Y.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIETÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 2 juillet 1903. Présidence DE M. Riches

Paralysie saturnine.

MM. 13rai\rtn et Salomon présentent un malade atteint de para-

lysie saturnine double du type supérieur à disposition radiculaire

cervicale (5e et 6° racines).

Recherche sur l'association des idées chez les aphasiques.

MM. P. Marie et Vaschide. Les auteurs continuant leurs

recherches sur la psychologie des aphasiques examinent celte fois-

ci l'association des idées,

Les recherches furent faites sur 9 aphasiques, dont un atteint

d'aphasie traumatique. On n'a pas voulu classer les malades d'après

les schémas cliniques usuels voulant se rendre compte expérimen-

talement des différences sans partir des principes admis a priori.

Il résulte de leurs recherches que les aphasiques, quelle que

soit leur forme nonsographique ont une association extrêmement

pauvre; elle est nulle dans la majorité des cas. Les sujets ne trou-

vent aucune image dans la sphère correcte de leur intelligence; le

mot l'excitationsensorielle, ou l'acte paraissent être dépourvus de

toute puissance dynamogénique ou d'association. Le contenu des

excitations d'association ne révèle rien ou presque rien aux apha-

siques et les images poutant riches de leur pensée sont obnubilées

par cette nouvelle excitation, elles ne se polarisent pas, elles nese

déplacent et ne se mobilisent guère. Les sujets ne peuvent pas

tirer aucun parti des contiguïtés et des resembiances les plus

banales des mots. Les dysarthriques et les traumatiques se com-

portent a peu près comme les sujets normaux.

La neurofibromatose.

M. CESTAN. Présente un deuxième cas de sarcomatose nodu-

laire primitive de tout le système nerveux central el périphérique.

Cette variété de néoplasie évolue avec une physionomie clinique

spéciale, signes de tumeur cérébrale avec titulation cérébelleuse et

surdité bilatérale. Au point de vue histologique, ce cas présente

SOCIÉTÉS SAVANTES. 118

l'intérêt d'avoir réuni chez la même malade de nombreuses vaiié-

tées de sarcome, types fibroplastique, -Iobo-cellulaire, psammoma-

teux, méningite sarcomateuse, infiltration noduiaue des nerfs. On

peut par suite dénommer l'affection 7zett,ofib-osa)-cot ? z(ttose. Elle

offre une grande parenté avec la maladie de Heckhnghausen. D'une

part, la maladie de Recklinghausen peut s'accompagner de locali-

sation nerveuse centrale (1 cas personnel de Tailleur), d'autre part

leneurolibrosarcomatose peut s'accompagner de molluscum cuta-

nés. Enfin le microscope montre que la disposition des lésions au

niveau des nerfs périphériques est semblable dans les deux altec-

tions. Tune est a. caractère bénin du type fibrome, l'autre est à

caractère malin du type sarcome, mais les deux sont une neoplasie

primitive du tissu conjonctif du système nerveux.

Maladie de Little.

M. BmssuD présente une enfant née avant terme à sept mois,

actuellement âgée de cinq ans, ayant marché et parlé à trois ans,

mais dont l'intelligence est actuellement très développée, et qui

n'a jamais eu de crises convulsives. Cette enfant est atteinte de

contracture généralisée des quatre membres et de la face. (Stra-

bisme intermittent). Faut-il d'après les idées émises par M. Déje-

riue à la séance de juin, ranger cette petite malade dans une

catégorie spéciale spasmodique de la maladie de Little. M. 13ris-

saud ne le pense pas. Malgré l'absence de convulsion» et l'intégrité

de l'intelligence, la localisation corticale est certaine dans ce cas.

Il faut accorder une grande importance à la naissance avant

terme que M. Brissaud a déjà montrée dans l'étiologie de la

maladie de Little qui pour lui reste autre chose qu'un simple syn-

drome traduisant une lésion tantôt céfébrale tantôt médullaire.

IL P. Marie ne pense pas non plus que l'absence d'épilepsie per-

mette de distinguer une affection spinale d'une affection céré-

brale dans le type de Little. Par analogie et à l'appui de celte opi-

nion il [appelle qu'il a dans son service treize cas d'hémiplégie

infantile parmi lesquels deux seulement ont de l'épilepsie; et il

présente un diplégique infantile sans épilepsie et dont l'intelligence

est intacte; la mémoire du moins est remarquable.

M. DKjËtu\E répond que l'épilepsie est un élément de diagnos-

tic, mais pas un élément essentiel et suffisant. Il faut que l'inté-

grilé de l'mtelliânce vienne s'y ajouter et aussi l'intégrité de la

face. Dans son service presque toutes les malades hémiplégiques

infantiles sont épileptiques. Le malade dtplégique de .M. Marie

n'est pas épileptique, mais malgré sa bonne mémoire il est un

débile, donc son intelligence s'est pas absolument intacte, enfin ce

malade n'a pas non plus une face intacte. La petite malade de

M. Brissaud n'a pas non plus la face intacte. Seule son intelligence

176 sociétés sa van rus.

estidemne; mais si elle n'a pas d'épilepsie, son jeune âge lui per-

met de la voir apparaître plus tard. Un malade de M. Uejerinett'a

en sa première aitaqiieépileptifoi-me qu'à l'âge de six ans. Il insiste

enfin sur ce faitr que étant seul ici à avoir autopsié trois maladies

de Little, deux de ces cas étaient dus à des lésions médullaires.

M. BFIISSAUD reste d'accord avec M. Uéjériuesur les faits, il pense

cependant qu'une épilepsie survenant seulement cinq ans après la

constatation de la maladie de Little peut ne pas être due à celle-ci

et être une épilepsie essentielle ou autre ajoutée à la maladie de

Little. S'il y a une maladie de Utile spinale et une cérébrale, il faut

la redéciire, La conrénitalilé ne suffit pas en tout cas à établir la

maladie de LUtte qui pour M. Brissaud reste un type conslantcéré-

bral, dans lequel il faut faire une grande part à la naissance avant

terme. Sur les trois cas de M. Déjerine il y avait une maladie de

Little et deux cas de paralysies spasmodiques cor'icales et les piè-

ces montrées par lui à laséance de juin étaient celles d'un tabès

dorsal spasmodique avec participation du membresupérieur.

Abduction des orteils.

M. l3amns ? montre' sur plusieurs sujets que le frottement de

la plante du pied avec une épingle peut produire comme réflexe

une abduction des orteils en éventail. Cet écarternant est très rare

et peu marqué à l'état normal; il est au contraire très commun et

très intense dans les cas de lésion du faisceau pyramidal. Il est

fréquent aussi chez le nouveau né dont le faisceau pvramidat est

encre incomplètement développé. C'est donc un bon signe qui

peut se rencontrer là où le réflexe en extension des orteils fait

défaut, ce qu'arrive queiquefoitdans les affections pyramidales.

Phénomène de Slrumpel.

11111. llanm et Croczon présentent divers malades atteints de

sclérose spasmodique chez lesquels, ils ont relevé ainsi que dans

des cas de scléroses en plaques et de scléroses combinées le phéno-

mène de contraction du jambier antérieur pendant la flexion,

phénomène que Strumpel a rattaché comme signe à l'hémiplégie.

Dans les auteurs, ce phénomène ne se produit que quand il y a une

certaine spasmodicité.

Surdité rerbale.

M. Gilbert Ballet décrit les lésions rencontrées dans le cerveau

d'un malade affecté de surdité verbale avec paraphasie, agraphie

et cécité verbale consécutives. L'écorce de la première temporale

gauche était microscopiquement intacte, mais au-dessous de cette

écorce à la partie moyenne de cette première temporale il y avait

sociétés savantes. 177

un petit foyer de ramollissement. Il s'agit donc d'une aphasie sen-

sorielle produite par une lésion sous-corticale.

L'examen histologique de la substance grise d'où provenaient

les libres ramollies (partie moyenne de la première temporale) a

permis de constater une atrophie notable des cellules de l'écorce.

Cette atrophie des cellules du cerveau sous l'influence de la lésion

des fibres qui en émanent avait été déjà mise en relief par les cons-

tatations de von llonakov, Ceni, Dotto, et Gusateri, par les recher-

clles expérimentales de MM. G. Ballet etM. Caure et par les obser-

vations anatomo-pathologiques de M. Marinesco (Soc. Méd. des

hôpitaux, 3t mars 1899), en ce qui concerne les grandes cellules

pyramidales de la zone motrice. La nouvelle observation de

M. Ballet montre que les choses, se passent dans la temporale

comme dans les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes

et le lobule paracentral. ,

Hémiparésie dénature indéterminée.

MM. Dufouii et Cnllx demandent l'avis des membres de la

société au sujet d'une femme hémiparétique gauche dont les

signes tels que l'extension des orteils sont intermittents ou alter-

nent avec des phénomènes de signification contraire. Leur opinion

penche vers la nature hystérique des troubles constatés.

M. l3asmsRr trouve à gauche l'abduction des orteils, et constate

le signe du peaucier. Il conclut à la nature organique des acci-

dents.

Mal de Pott sous-occipital Iraumalique.

M. ERNEST Dupré présente un homme de quarante-trois ans,

atteint à quatre atiz, à la suite d'une chute d'un mal de Pott sous-

occipital, qui, guéri vers l'âge de douze ans, a laissé comme ves-

tige de la cyphose et du raccourcissement du cou, avec scoliose

du dos. Dès l'âge de cinq ans, atrophie considérable de la

langue, surtout à gauche, demeurée stationnaire depuis. A vingt-

septans, troubles paréto-spasmodiques et ataxiques dans les mem-

bres supérieurs; ni troubles sensitifs, ni troubles trophiques ;

mais altération marquée de la perception stéréognostique, surtout

à gauche. A trente-six ans, extension des troubles moteurs aux

membres intérieurs, entraînant de la dysbasie spasmodique et titu-

bante. Réflexes très exagères : signe de Babinski à gauche. Agé-

nésie. Pas de troubles des sphincters. Pas d'hystérie. Santé géné-

rale excellente.

Observation intéressante par l'origine lointaine et traumatique, la

nature et l'évolution lente et irrégulière des accidents, qu'on doit

rapporter à la compression de la moelle cervicale par des lésions

progressives de pacby-méningite chronique.

Archives, 2° série, t. XVI. 12

17 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Trois cas de névrites radiales.

M. BADiNsEi présente deux malades et rapporte le cas d'un

troisième atteint d'une douleur postérieure du bras et de l'épaule

dans le domaine du radial supérieur, sans paralysie ni atrophie,

mais avec abolition du réflexe du triceps brachial. Ce dernier phéno-

mène caractérise la névrite (apparemment rhumatismale en l'ab-

sence d'autre étiologie connue) du radial supérieur.

M. Marie, fait observer que les deux malades ont une attitude

identique, tenant l'épaule gauche relevée. Il a vu de nombreux

cas de ce genre.

Myoclonie et Epilepsie.

MM. Gilbert Ballet et Paul BLocu présentent une malade âgée

de dix-sept ans qui, depuis l'âge de douze ans, est affectée, d'une

façon intermittente, de secousses myocloniques des membres supé-

rieurs et inférieurs. Ces secousses se produisent toujours ou dans la

matinée ou la nuit quand la malade se lève pour uriner. La

malade en a pleine conscience, ces secousses ne s'accompagnenl

jamais de perte de connaissance. La nature de cette moyclonie a

longtemps été méconnue, elle est devenue évidente quand, il y a quel-

ques mois, la jeune fille a été prise la nuit d'une crise épileptique

franche. Les secousses chez les épileptiques ne sont pas très

rares dans l'intervalle, à la veille ou à la suite des accès (Herpin,

Delasiauve, Féré, Russel, Reynold, Seppili, Lugard, Maurice Dide

etc. 1), bien que leur importance et leur fréquence aient été passées

sous silence dans beaucoup de descriptions de l'épilepsie. même

récentes. Mais le fait qui ressort nettement de l'observation des

auteurs etd'autres cas cités par M. G. Ballet, c'est la possibilité de

l'apparition de la myoclonie longtemps avant les manifestations

classiques de l'épilepsie, fait qu'il importe deconnaitre au point de

vue du diagnostic de la nature de certaines secousses myocloni-

ques qui sont d'ailleurs comme les autres formes du mal comitial

heureusement influencées par les bromures.

M. MEiGE remarque que bien des tics sont de véritables équiva-

lences comitiaux.

M. Brissaud demande qu'on emploie un langage plus net. Ces

phénomènes sont des secousses de tout un membre un segment du

membre ou groupe musculaire, ce n'est donc pas de la myoclonie.

Ce terme désignant des mouvements spéciaux d'un seul muscle

pris à part. Conservons donc pour le phénomène actuellement

étudié le mot français de secousse qui est parfaitement suffisant et

plus clair. -

M. Marie présente les pièces d'une méningite postérieure de la

moelle.

' Bourneville.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 179

M. Halbron rapporte un cas de glyome du corps calleux, avec

hémiplégie progressive. La ponction lombaire avait montré beau-

coup de cellules polynucléaires.

Note sur l'état des fibres A myléine du plexus cardiaque chez les

tabétiques.

M. HEITZ a recherché l'état du plexus cardiaque chez douze

tabétiques. Il a trouvé les fibres à myéline diminuées dans la pro-

portion des deux tiers ou même des trois quarts. Ce fait explique-

rait la latence des troubles aortiques chez les tabétiques.

M. MËDËA envoie une communication sur un cas de polynévrite

toxique, probablement amylique.

Tabès et hystérie chez un débile, Interprétation hypocondriaque

des symptômes par un délire de zoopalitie interne.

MM. Ernest Dupré et Léopold LÉvi relatent l'histoire d'un chif-

fonnier, a lourde hérédité pyschopathique descendante et collaté-

rale lui-même alcoolique et mentalement très débile et offrant

toute la série des symptômes d'un tabes à la période d'incoordina-

tion motnce. Le malade présente des troubles gastro-intestinaux

(dyspepsie sensitivomotrice avec dilatation d'estomac, aérophagie,

spasme du gros intestin). Les troubles douloureux et spasmodiques

de l'estomac et de l'intestin sont la cause occasionnelle du déve-

loppement d'accidents hystériques (oesophagisme, éructation, cri-

ses de tremblement et de tachypnée).

Le côté intéressant de cette histoire réside dans la riche asso-

ciation des syndromes observés : dans l'apparition, il y a plusieurs

années, d'un délire hypocondriaque, localisé surtout à la sphère

abdominale et qui se caractérise par la croyance en l'existence

d'une bête habitant le ventre. Les déplacements etl'activité de cet

animal expliquent pour le malade tous les symptômes qui relè-

vent chez lui soit de l'état digestif, soit une hystérie, soit du

tabes. Les caractères particuliers et le siège abdomidal des préoc-

cupations hypocondriaques reposent sur J'hyperesthésie gastro-in-

testinale.

La forme zoopathique interne du délire s'explique par la débilité

mentale. L'interprétation délirante des troubles anesthésiques

donne ici la mesure du niveau mental de ce dégénéré héréditaire.

M. Ballet a vu des tabétiques devenus persécutés attribuer

leurs douleurs fulgurantes aux manoeuvres de leurs persécuteurs.

M. DUPRÉ établit une différence entre cette interprétation déli-

rante à type externe des persécutés et à celle à type de possession

zoopathique interne de son malade.

180 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

Aspect ondulé persistant des racines médullaires après un affaisse-

ment brusque de la colonne verlébrale.

MM. Léui et Mocquot présentent la moelle d'un sujet atteint de

mal de Pott il y a huit ans et chez lequel se produisit il y a sept

ans un affaissement brusque de la colonne dorsale avec paraplé-

gie. La moelle comprimée par une forte saillie angulaire des corps

vertébraux présente un étranglement trèslimitéauniveaudesG°et7° le

racines dorsales. Au-dessus et au-dessous, mais surtout an-dessus,

les racines présentent toutes, les antérieures comme les postérieu-

res, de la 5° cervicale à la 5° lombaire, un aspect ondulé et chevelu

tout-à-fait remarquable : il semble que les extrémités des racines

se soient rapprochées Tune de l'autre et qu'elles se soient repliées

dans leur longueur sans nullement s'atrophier ni se tétracter. Dans

aucun cas de cyphose ou de scoliose même très acusée à évolution

lente que nous avons examinés nous n'avons trouvé un tel aspect

ondulé des racines. Cet aspect ne nous parait pas encore avoir été

signalé.

Sclérose des olives bulbaires.

MM. P. Marie et GUILLAIN présentent des coupes histologiques

montrant les lésions limitées aux deux olives bulbaires. Ceslésions

consistent en une hypertrophie des olives avec sclérose et démyeti-

irisation des fibres périolivaires et intraolivaires. Ces lésions n'ont

pas déterminé de dégénérations secondaires nettement applicables

à l'exception de la double dégénération du faisceau de lülweg.

Ces altérations limitées aux olives ne sont pas en rapport avec

des lésions du cervelet ou du faisceau central de la calotte, il ne

s'agit pas là de tumeurs ni de syphilomes. Les auteurs discutent la

possibilité d'une sclérose en plaques mais ne peuvent se prononcer

sur l'origine première de ces lésions, tout à fait excepi ioiinelles.

Madame Dnai : nmE fait observer que quand le faisceau central de

la calotte est lésé, la dégénérescence se localise à la partie supé-

rieure seulement de l'olive.

Le réflexe de 8(iliiisl. chez les enfants.

M. A. LFRI, communique ses recherches portant sur 166 enfants.

Leri conclut que :

1° A la naissance l'extension des orteils est la régie presque

générale, la flexion la très grande exception.

2° Après trois ans la flexion est la règle, l'extension l'exception,

sans cependant avoir la même valeur diagnostique certaine que

chez l'adulte.

3° Entre un et trois ans l'extension est exceptionnelle en dehors

des deux cas suivants : A) dans les affections du système nerveux :

il n'a cependant pas dans ce cas la même valeur que chez l'adulte

SOCIÉTÉS SAVANTES. 181

parce que le faisceau pyramidal à peine achevé parait être beau-

coup plus sensible que chez l'adulte aux atteintes pathologiques.

en particulier aux atteintes toxiques; B) dans les cas de troubles

profonds de la nutrition générale, ceux-ci paraissent avoir pour

corollaire dans presque tous les cas un retard dans le développe-

ment du faisceau pyramidal.

4° C'est vers 5 ou 6 mois que semble disparaitre en général chez

un enfant normal, sauf exceptions individuelles, l'extension des

orteils; une période de transition est marquée souvent par l'ex-

tension intermittente et par l'extension unilatérale.

5° L'extension des orteils parait disparaître à peu près vers la

même époque que l'attitude spasmodique si spéciale des nouveaux-

nés : tous deux marquant l'incomplet développement du faisceau

pyramidal et, s'il se prolonge, constituent le tableau presque par-

fait du syndrome de Little.

Léri signale enfin l'existence tout à fait exceptionnelle d'un

réflexe « en abduction » du gros orteil sans en pouvoir fournir la

valeur diagnostique.

Néiziîtgisiiie et puérilisme mental paroxystique chez une hystérique .

MM. Ernest DoraÉ et J. Camus. L'observation concerne un cas

d'association, chez un hystérique, de deux syndromes, l'un somati-

que, le ménirzgisnze, l'autre mental, le puérilisme, dont l'apparition

paroxystique et itérative a composé chez la même malade une

histoire clinique fort intéressante. Leméningisme, affirmé par l'al-

lure et l'évolution des symptômes, la guérison des accidents et le

résultat négatif du cyto-diagnostic, s'est traduit par un ensemble

de signes d'apparence hautement grave, parmilesquels l'lypertber-

mie progressive jusqu'à plus de 41°, le strabisme interne, l'appari-

tion épisodique du signe de Babmski, constituent les plus intéres-

sants.

La malade ayant perdu sa soeur de méningite tuberculeuse cinq

mois après, a l'ait une récidive d'accidents pseudoméningitiques.

dont elle a guéri en quelques jours. Cette méningite tuberculeuse

mortelle, encadrée entre deux attaques de méningisme, chez deux

soeurs, décèle chez elles la communauté de la prédisposition mor-

bide du cortex et montre la réalité, à travers les épisodes de la

pathologie individuelle, de la pathologie familiale. La succession

de ces faits chez deux membres d'une famille ou abondent les

antécédents tuberculeux et névropathiques. prouve combien doit

être réservé le pronostic du méiiiiigisme, syndrome révélateur de la

vulnérabilité particulière de l'écorce cérébrale, et de l'aptitude

spéciale de son appareil méningo-vasculaire aux ensemencements

microbiens.

L'étude clinique et cytodiagnostique de ce cas prouve combien

182 SOCIÉTÉS SAVANTES.

peuvent être intenses, en l'absence de toute lésion saisissable, les

réactions cérébrales qui caractérisent le méningisme. y compris la

courbe fébrile la plus fidèlement simulatrice de l'évolution thermi-

que des méningites.

Le puérilisme mental, qui a succédé à l'attaque de méningisme,

est cette singulière altération de la personnalité, que caractérise

le retour à 1 état mental de l'enfance : la malade a vécu, pendant

une dizaine de jours, en manifestant les goûts, les sentiments,

les occupations, le langage, l'écriture, t'habitua, etc., d'une Cilettede

quatre à cinq ans. Il s'agit là d'un syndrome d'éclosion spontanée,

d'évolution souvent paroxystique, que l'un de nous a eu plusieurs

fois déjà l'occasion d'observer et qui mérite une place à part dans

la séméiotique psychologique.

La prochaine séance aura lieu après les vacances, le 5 novem-

bre. F. 13oissien

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOG)E ET DE PSYCHOLOGIE

Séance anuelle du 16 juin 1903. Présiuence de M. JULES Voisin.

De la : <e< : 6tH<e; observations de psychothérapie.

M. VAN VFLSKN (de Bruxelles). La suggestibilité est une faculté

aussi normale que les autres facultés humaines. Etant donné la

loi : toute cellule cérébrale actionnée par une idée actionne à sou

tour les fibres nerveuses qui doivent réaliser cette idée, on arrive

à cette définition que la suggestibilité est la faculté par laquelle

le cerveau accepte et réalise l'idée. J'insiste sur le mot faculté, car

trop de personnes pensent qu'être suggestible c'est être malade

et que la suggestibilité est nn phénomène anormal. Comme les

autres facultés, la suggestibilité peut être normale ou anormale;

il peut y en avoir trop on troppeunommeilyaanesthésjeethype-

resthésie. Dans l'état normal, le cerveau accepte avec jugement.

Dans l'état d'entêtement, le cerveau n'accepte pas, car il n'y a pas

assez desucgestibilité.

Dans l'état d'itypersuggestibilité, de nature hystérique ou autre

le cerveau accepte trop vite et réalise donc trop rapidement

Comme cas cliniques, tirés de ma pratique, je citerai : un cas d'ova

rialgie, qu'on allait opérer et que j'ai guéri par suggestion

en deux séances un second cas opéré, celui-ci, malgré mon avis,

et dont,j'ai pu guérir la récidive ainsi que les symptômes moraux

ayant suivi la mutilation; un cas de paralysie agitante, guéri,

pas évidemment, mais soulagé pendant trois ans; un cas du

sifrdité, datant de trois ans, guéri en six semaines; deux cas

SOCIÉTÉS SAVANTES. 183

d'application à la chirurgie; le cas d'une jeune fille hystérique,

tenue en état de somnanbulisme pendant cinq mois, sans réveil, et

guérie complètement.

L'anrglnopltoLie.

M. Fiessinger. L'enginopholie peut mener au découra-

gement, à l'angoisse, à la mélancolie, même au suicide. C'est pour

cela qu'il ne sur une ordonnance, inscrire le diagnos-

tic d'angine de poitrine ; il faut même persuader anx angineux

vrais qu'ils ont une fausse angine. Le médecin doit leur remonter

le moral par une suggestion active, répétée, pressente ; au fureta à

mesure que les mois et les années s'écoulent, il doit rendre de plus

en plus convaincante sa puissance de persuasion.

Idées de doute cl phobies portant sur la sphère génitale.

M. VIDAL. A la veille de son mariage, un de mes clients

redoute de n'être pas apte à remplir ses devoirs conjugaux; il

passe une nuit atroce, en proie à sa phobie. Bien qu'un examen

m'ait démontré le lendemain que la défloration était récente et

complète, il se croit anormal et inférieur. Cet homme a toujours

en l'idée de se faire remarquer, d'être supérieur aux autres ; il veut

aussi paraitre supérieur aux yeux de sa femme; son état résulte

d'un amour propre excessif porté jusqu'à l'état morbide.

Guérison de symptômes hystériques spasmodiques graves par la sug-

gestion .

M. Stadeliunn (de Wurtzbourg) rapporte des cas de contracture

hystérique du genou et de tremblement des mams, survenus à la

suite de surmenage et d'émotions et guéries par simple suggestion

à l'état de veille.

La thérapeutique suggestive en ophthalmologie.

M. Leprince (de Rourges) rapporte, entre autres, des observa-

tions de plosis pseudo-paralytique associé à une amaurose unilaté-

rale hystérique complique compliquée d'amblyopie de l'autre oeil,

tous deux guéries par suggestion.

Incontinence d'urine guérie par la suggestion pendant le sommeil

naturel chez une enfant de vingt-six mois.

M. Paul FAHEZ Une enfant a cessé d'uriner au lit, la nuit, vers

quatorze ou quinze mois. A deux ans, elle se met à présenter, par

intermittence, de l'incontinence nocturne. Quand il n'y a pas. eu

de garde robe dans la journée, on lui donne avant de la mettre au

lit un lavement froid; il en résulte pendant le sommeil une abolir

184 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dante diurèse, laquelle conditionne l'incontinence. Celle-ci ne

parait que si l'entéroclyse a été administré. Par suggestion pen-

dant le sommeil naturel j'ai supprimé radicalement cette inconti-

nence. Celte suggestion somnique constitue le procédé de choix

dans bon nombre d'incontinences, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants

en bas âge et non hypnotisables. Dans tous ces cas d'incontinence

nocturne, l'enfant dort trop profondément. La suggestion somni-

que, pour être elficace, doit réveiller à demi le dormeur; dans de

nombreux cas analogues, j'exige que l'enfant, sans cesser de dor-

mir, me reponde expressément qu'il m'a entendu et qu'il consent

à exercer, tout en dormant, un contrôle sur sa fonction vésicale.

Impuissance génitale d'origine mentale guérie par la suggestion

somoonformique.

M. PAUL 1'AaEZ. Un homme de trente ans, triste scrupuleux,

douteur, inquiet, irrésolu, présente, depuis une dizaine d'années,

une impuissance absolue toutes les fois qu'il voit une femme nou-

velle. Il ne s'agit ni de trac, ni de timidité, mais d : préoccupations

mentales qui l'assaillent an moment de l'acte et font inhibition.

Désireux de se marier, il n'ose le l'aire, a cause de l'incapacité fonc-

tionnelle qu'il est sur de présenter, au moins pendantles premiers

jours. Réfractaire â l'hypuoptisme proprement dit, il a été soumis

à la suggestion somnoformique et guéri de son impuissance. Le

lendemain de son mariage', il m'envoie ce mot : « Succèssur toute

la ligne. » La suggestion somnoformique, dans l'état d'hyponar-

cose ou de narcose subliminale, triomphe des doutes et des obses-

sions raisonnantes chez les mentaux que, trop souvent, on essaie

en vain d'hypnotiser.

L'hypnotisme chez les animaux.

M. LEIPNAY. Etudie les diverses expériences d'hypnotisme fai-

tes sur les animaux suivants : poules, serpents, crocodiles, écre-

visses grenouilles, langoustes, perruches; il rapporte les observa-

tions qu'il a faites sur un guenon et sur de nombreux chevaux; il

distingue un hypnotisme fortuit avec, suivant les cas, catalepsie,

léthargie, somnambulisme, fascination etc.

L'hypnotisme chez le cheval.

M. Guenon. Rapporte les nombreuses expériences qu'il a

faites sur l'hypnotisme chez le cheval; il expose surtout les états

de charme et les effets thérapeutiques produits par l'influence de

la musique. -

Les actes psychiques dans la térie animale.

M. HOCHET SOUPLRT. En s'appuyaut non pas sur des anecdotes

littéraires mais sur la méthode expérimentale., on peut arriver

BIBLIOGRAPHIE. 185

à classer les actes psychiques des animaux en envisageant les

étals transitoires par lesquels ont passé les facultés psychiques

L'instinct est une impulsion obscure; l'intelligence consiste à

s'adapter immédiatement à un cas contingent et en grande partie

nouveau dans la vie de l'espèce. L'intelligence est sortie non pas

de l'instinct, mais d'nne mémoire fonctionnelle, distincte de la

mémoire intellectuelle. (A suivre.)

BIBLIOGRAPHIE.

XII. Leçons sur les maladies du système nerveux; par F. LWYMOonD,

membre de l'Académie do médecine, professeur de clinique des

maladies nerveuses à la Faculté de médecine de Paris. Sixième

série : année 1900-1901. Un volume grand iti-80, de 6)8 pages,

avec 111 figures dans le texte. Paris 1903. 0. Doin, éditeur.

L'année qui a suivi son accession à la chaire de Clinique des

maladies du système nerveux, à la Salpétrière, le professeur

Raymond faisait paraître une première série de leçons didactiques

délivrées au cours de la première année de son enseignement offi-

ciel. Au début de sa carrière professorale, il s'était imposé comme

règle, de préparer consciencieusement ses leçons magistrales et

de s'entourer de tous les documents susceptibles de servir à l'ins-

truction et à l'édification de ses auditeurs, ainsi qu'il le déclarait

en propres termes dans la préface de ce premier volume.

L'année suivante, dans la préface du volume qui suivit, il s'ex-

pliquait avec plus de défaits sur le programme qu'il s'était imposé

pour ses leçons du vendredi et qu'il comptait suivre jusqu'au bout.

Ce programme il le résumait ainsi :

« Partir d'un fait clinique pour envisager les problèmes de pa-

thotogie nerveuse, tels qu'ils se présentent dans la réalité, en mon-

trant combien souvent l'individualisme pathologique des malades

s'harmonise mal avec les descriptions didactiques des maladies,

produits d'une synthèse arbitraire ou prématurée.

« Poursuivre la solution de ces problèmes en faisant appel, dans

la plus large mesure possible, aux travaux d'autrui, sans rien aban-

donner de mes opinions personnelles. »

La fidélité que le professeur Raymond a gardée à son programme

du début se reflète dans toutes les parties de cette oeuvre, passa-

sablemenl vaste, qu'embrassent les six volumes de clinique parus

depuis l'année 1896. Les deux cents leçons réparties entre ces six

volumes touchent aux questions les plus diverses de la pathologie

nerveuse; dans chaque volume, il s'en trouve qui s'enchaînent

étroitement les unes aux autres, convergent vers un même sujet

186 BIBLIOGRAPHIE.

dont l'étude est envisagée aux points de vue les plus divers : tour

à tour les affections de la queue de cheval et du cône terminal, les

polynévrites, les tumeurs cérébrales, les nombreuses modalités cli-

niques de la syringomyélie, les paralysies alternes, les paralysies

des mouvements associés des yeux, l'asthénie bulbaire, etc., ont

fait l'objet de pareilles études d'ensemble.

Dans le dernier volume paru, quinze leçons, sur trente-neuf, sont

consacrées à l'histoire des atrophies musculaires progressives, en-

visagée à un point de vue essentiellement clinique. La méthode

adoptée par le professeur Raymond s'y révèle dans toute sa rigueur

et dans toute sa fécondité. On avait multiplié, comme à plaisir,

les formes ou types d'atrophie musculaire progressive. Le meilleur

moyen de familiariser ses auditeurs avec ces types multiples était

de leur en faire la description sur des échantillons vivants; ce

procédé a été largement mis en pratique par Raymond, grâce aux

imcomparables ressources de son service à la Salpétrière. Mais il

s'agissait aussi d'opposer à l'oeuvre essentiellement lactice de la

pathologie descriptive, la réalité clinique telle qu'elle se dégage

de l'observation impartiale des faits, et ici les occasions n'ont pas

manqué de mettre en lumière « combien souvent l'individualisme

pathologique des malades s'harmonise mal avec les descriptions

didactiques des maladies, produits d'une synthèse arbitraire ou

prématurée. »

On avait eu la prétention d'ériger un certain nombre de types

d'atrophie musculaire progressive en véritables espèces morbides

autonomes, en leur attribuant des caractères propres, empruntés

al'étiologie, alasymptomatotogie, à l'anatomie pathologique. Or,

l'observation clinique a démontré qu'on avait mis trop de hâte à

conférer à ces prétendus caractères différentiels une valeur qui leur

fait défaut.

Elle a démontré que ces types d'atrophie musculaire, érigés en

espèces morbides autonomes, étaient des créations purement arti-

ficielles, qu'ils se fondaient les uns dans les autres, reliés qu'ils

sont, par tous les types imaginables de transition; en un mot, au

point de vue de la nosographie générale, il existe une maladie

de dégénérescence qui e,t T'atrophie musculaire progressive, celle-

ci comportant des types nombreux.

Bref, en se maintenant le plus possible sur le terrain de la cli-

nique, en opposant le témoignage des faits aux classifications

artificielles et au raisonnement à pnoristique, le professeur Ray-

mond nous fait revivre, étape par étape, l'histoire si suggestive des

atrophies musculaires progressives, depuis les travaux deDuchenne

(de Boulogne), jusqu'à nos jours.

Au cours d'une première phase, Duchenne nous révèle l'existence

d'une maladie nouvelle, caractérisée par une fonte progressive des

muscles, et pour lui, cette maladie est une.

BIBLIOGRAPHIE. 187 Î

Dans la suite des temps, on la morcelle en fragments nombreux

qui constituent les types dont il est question à l'instant. Puis Erb

entreprend de réagir contre cette tendance à multiplier indéfiniment

les variétés d'atrophie musculaire progressive; il propose de les

ramener à deux grandes espèces : une forme spinale qu'on dési-

gna encore sous le nom d'atrophie musculaire progressive du type

Aran-Duchenue; une forme myopathique, maladie essentiellement

familiale, à l'inverse de ce qui semblait avoir lieu pour l'autre.

Enfin, à cette troisième phase, succède la phase contemporaine

qui nous fait assister à la restauration de la doctrine uniciste de

Duchenne ; il n'existe pas de ligne de démarcation absolue entre les

formes spinale myopathique d'atrophie musculaire progressive,

entre les formes familiale et non familiale. Nous connaissons au-

jourd'hui une forme d'atrophie musculaire progressive (type

We)'</M.'y-/7oyM&n ? ! ), dont les caractères fondamentaux figurent

indifféremment parmi ceux que l'on considérait comme apparte-

nant en propre à l'une ou l'autre des deux grandes espèces, admi-

ses par Erb. Nous sommes ainsi ramenés par un long détour, au

point de départ de ce long cycle inauguré par les inoubliables tra-

vaux de Duchenne.

Et toute cette vaste étude se déroule à travers quinze leçons

substantielles sous les yeux du lecteur captivé, parce qu'il s'assi-

milie sans grand effort ce qu'il lit, tant le style de l'ouvrage est

clair, tant les transitions sont ménagées avec art, ainsi que les

retours vers leschapitres antécédents, sous la forme de coups d'oeil

rétrospectifs, tant les arguments frappent, présentés qu'ils sont

sous la forme de faits qui imposent la conviction. Pourtant une

critique doit être ici présentée, à propos du type l.andonzy-Déje-

rine. Cette critique a trait à une erreur que M. Raymond a laissé

passer ayant, sans doute, mal lu l'épreuve qui lui était soumise.

Il est dit. en effet, page 12, 6" série que DI11. Landouzy et Déje-

rine ont eu tort de prétendre que dans le type qu'ils ont décrit

l'atrophie commençait par les muscles des mains, comme dans

l'atrophie Aron-Duchenne, l'atrophie myétopathique, alors qu'ils

ont établi, les premiers, toutle contraire; ils se sont, au contraire,

efforcés de montrer que leur type était facio-scapulo-humérul.

Les trois leçons qui suivent ne sont pour ainsi dire, qu'un pro-

longement des précédentes. Elles comprennent une étude appro-

fondie de la sclérose latérale amyoli,oi)hiqzte, basée sur six observa-

tions inédites. La question des rapports de cette maladie avec

l'atrophie musculaire progressive de Duchenne est discutée à fond.

L'auteur a mis en pleine lumière les arguments qui militent contre

la doctrine de Leyden, contre la doctrine de l'identification des

deux maladies.

Le manque d'espace ne nous permet pas de passer en revue, dans

le détail, les sujets traités dans les onze autres leçons. Nous ne

188 BIBLIOGRAPHIE.

pouvons toutefois nous dispenser d'attirer l'attention de nos lec-

teurs sur les deux leçons consacrées à l'héîîziaizoîgsie. Aussi bien

ils y trouveront une occasion presque unique de se familiariser

avec la séméiologie de ce trouble de la perception visuelle, ques-

tion aride entre toutes et trop insuffisamment connue de la masse

des médecins. A ce propos, nous considérons comme un devoir

de placer une remarque qui a son intérêt ; sans doute, les leçons

de clinique du professeur Raymond s'adressent en première ligne

à ceux qui s'adonnent spécialement à l'étude de la neuropathologie

en raison de la multiplicité et de l'importance des questions qui y

sont traitées, en raison de leur richesse documentaire, en raison

aussi de l'autorité qui s'attache aux opinions personnelles de l'au-

teur. Mais elles constituent une oeuvre de vulgarisation, en ce sens

qu'elles mettent à la portée de tous les praticiens la connaissance

des maladies du système nerveux, c'est-à-diie d'une branche delà

pathologie, dont il ne leur est plus permis de se désintéresser,

après l'essor prodigieux qu'elle a pris dans le dernier quart de

ce siècle. Ecrites sous une forme animée, souvent attrayante, ces

leçons font une très large place à l'étude du diagnostic différentiel,

sans compter que des développements considérables ont été consa-

cres à la thérapeutique, chaque fois que les circonstances s'y

prêtaient ; nous en citerons comme preuve, les chapitres dans les-

quels le professeur Raymond a exposé le traitement des polynévri-

les, le traitement du tabès cloosalis, la conduite à tenir dans les cas

de tumeur cérébrale, le traitement des atrophies musculaires pro-

gressives. Aussi n'hésitons-nous pas à déclarer que les leçons de

clinique du professeur Raymond s'imposent à l'attention de tous

ceux qui suivent pas à pas l'évolution de la pathologie nerveuse,

mais qu'ils ont aussi leur place marquée dans la bibliothèque de

tous les praticiens soucieux de se tenir au courant du mouvement

médical contemporain. B.

XIII. Manuel de psychiatrie, par Roques de Fursac Alcan, Paris 1903.

Ce livre comble une regrettable lacune et sera par suite bien

accueilli par tous : grâce à lui le médecin aura un manuel très

clair, très documenté, où il trouvera matière à satisfaire son

désir de se renseigner sur les faits de psychiatrie sans se créer

d'idées fausses. L'auteur a du reste eu l'excellente idée de mettre

au début de son volume une première partie intitulée : « Psychia-

trie générale », grâce à laquelle on peut compicndro la nature

des psychoses. Après avoir passé en revue les causes multiples des

psychoses, il entre dans la séméiologie des troubles cérébraux :

troubles de la perception, troubles de la conscience, de la

mémoire, etc., tout cela est exposé et sert heureusement d'intro-

duction à la psychiatrie spéciale (deuxième partie). Celle-ci com-

BIBLIOGRAPHIE. '1 Sa

mence par une classification qui est celle légèrement modifiée,

de Kraepetin, après quoi M. Rogues de Kursac étudie chacune des

formes dont nous donnons la liste : Psychoses infectieuses.

psychoses d'épuisement, psychoses toxiques, psychoses par auto-

toxication, psychoses citées aux affections cérébrales, psychoses

d'involution, psychoses indéterminées (prédisposition), psychoses

liées aux névroses, arrêts de développement. M. Rognes de Fursac,

entre autres qualités, possède de laclarté et de la précision et pour

un volume de ce genre, cela est capital et en augmente la valeur.

Pour n'en donner qu'un exemple : l'avant-propos est destiné en

partie à bien définir certains termes, tels que : arrêt de dévelop-

pement, aliénation mentale, folie. Une telle façon de procéder

convient bien à un manuel, c'est-à-dire à un livre pratique et devant

être lu sans effort. G. Paul-Roncour.

XtV. ? mHMM a : t po<nt t/e vue de la médecine judiciaire Discours

prononcé par M. Maxwell, à l'audience solennelle de rentrée

de la Cour d'appel de Bordeaux, le 16 octobre 190 ? .- Bor-

deaux, Gonnonilhon, 1902.

En la grande salle d'audience, par-devant la Cour assemblée ef

les Membres des tribunaux, juges de paix, avocats, avoués, nota-

bilités civiles et militaires invitées, M. l'avocat général Maxwell,

chargé du discours de rentrée, a pris pour texte de son étude les

troubles de la mémoire dans leurs rapports avec la médecine judi-

ciaire.

L'originalité d'un tel choix se justifie par la compétence toute

spéciale de celui qui traitait ce sujet, magistrat très expert doublé

d'un médecin très érudit. Une revue rapide de différentes formes

cliniques d'amnésies et de leurs causes les plus fiéquentes, a per-

mis à l'auteur de préciser devant un auditoire juridique, trop

souvent insoucieux de ces questions médicales, les rapports de ces

maladies de la mémoire avec les troubles de la conscience et de la

personnalité, en les appuyant sur quelques observations médico-

juridiques très intéressantes et typiques. Ainsi a-t-il pu montrer

l'importance qu'il y avait à connaître et étudier tous ces faits pour

la diminution de la capacité civile ou de la responsabilité pénale

qu'entraînent souvent ces.différentes formes d'amnésie.

On ne saurait trop féliciter M. Maxwell, et- comme juriste, et

comme médecin, d'avoir montré personnellement combien cette

alliance des études médicales et de droit risquerait d'être originale

et féconde. P.R.

VARIA.

Les aliénés en liberté.

Depuis quelques mois 1-ODlieiiiii,iiéeCliéron, âgée de quarante-

cinq ans, marchande de vins à Frépillon (Seine-et-Oise) manifestait

des idées de suicide, malgré la surveillance dont elle était l'objet,

son mari l'a trouvée pendue dans sa grange. Tous les soins qui lui

ont été prodigués n'ont pu la rappeler à la vie. (Jourza. de Seine-et-

Oise, 20 juin.)

Une petite « vagabonde ». La jeune Françoise Ecker, âgée de

quinze ans et demi, se refuse énergiquement à travailler. Elle

déserte le domicile paternel, vagabonde et se prostitue. Ces jours

derniers, elle était arrêtée rue Quincampoix, sous l'inculpation de

vagabondage, au moment où elle sortait d'un hôtel meublé.

M"° Ecker, une grande fillette misérablement vêtue, à l'air triste,

a comparu devant la huitième chambre.

LE président. Vos parents déclarent qu'ils ne peuvent rien

faire de vous. Vous refusez de travaillez, vous vagabondez, vous

vous prostituez. Vous avez déjà été arrêtée pour prostitution...

Votre mère a dit en parlant de vous : « Si ma fille m'est rendue,

je l'empoisonne ». Ce n'est certainement que sous le coup de

l'exaspéi ation que lui causait votre conduite qu'elle s'est exprimée

ainsi...

Pour toute réponse, la prévenue pleure abondamment. M. Ecker,

le père de la jeune fille :

Je suis le père de la prévenue. Je viens vous demander de la

mettre dans une maison de correction. Chez nous, on n'en peut

rien faire. Elle ne veut pas travailler et se sauve lorsqu'elle le

peut. Je ne sais pas alors ce qu'elle fait.

Le président, à la prévenue. Vos parents désespèrent de

vous... Voyons, qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

La prévenue, pleurant. Je veux retourner chez nous...

LE président. Vous pleurez parce que vous avez en perspective

la maison de correction. Votre repentir ne nous parait pas bien

sincère.

M"0 Françoise Ecker a été acquittée comme ayant agi sans dis-

cernement, mais renvoyée dans une maison de correction jusqu'à

l'accomplissement de sa vingtième année. (Le Malin du 11 juillet.)

Les cas de ce genre ne sont malheureusement pas rares.

L'histoire héréditaire et personnelle de cette fillette serait

FAITS DIVERS. 191 i

intéressante à connaître. Il est probable que c'est une

malade nous en avons de semblables dans notre service

et que ce n'est pas dans une maison de correction où il

est à craindre qu'elle ne s'améliore pas, mais dans une asile-

école où elle serait traitée et éduquée. B.

Muette depuis vingt-huit ans.-On mène grand bruit depuis deux

jours autour d'une prétendue guérison miraculeuse qui se serait

produite au hameau du Meudy, situé près de Brest. Là habite une

vieille fille, nommée Marie Raguènes, qui, après avoir éprouvé

une grande frayeur, il y a vingt-huit ans, avait subitement perdu

l'usage de la parole. VA depuis, malgré les consultations des doc-

teurs, malgré les remèdes de bonnes femmes, les recours aux

sortilèges les plus bizarres et aux incantations de toutes sortes,

la pauvre Marie Raguènes n'avait plus dit un mot. Elle continua

cependant à remplir son devoir de fille de ferme avec plus'de

conscience peut-étte puisqu'elle ne pouvait plus perdre son temps

en de futiles conversations. Partout, habitués à son silence, les

braves gens qui la rencontraient la désignaient sous le nom de

« la Muette ».

Or, ces jours derniers, au grand ahurissement des travailleurs

réunis à la ferme à l'heure du repas, elle articula nettement : « Je.

puis parler, donnez-moi du pain ». La nouvelle se répand bien vite

au village et dans les environs; de toutes parts on crie au miracle.

Et Marie Raguènes parait bien décidée à donner un air de vérité a

cette légende brusquement éclose. « C'est dit-elle, un envoyé de

Dieu qui est venu me trouver et qui m'a dit : Au nom de Dieu, je

t'annonce que tel jour, à telle heure, tu retrouveras la parole; et

en effet, au moment fixé j'ai pu reparler comme je ne l'avais fait

depuis près de trente ans. Les curieux viennent en foule à Meudy

et Marie Raguènes, qui a beaucoup de bavardages à rattraper,

raconte complaisamment à chacun sa petite histoire. (Petit Pari-

sien, du 21 juillet 1903).

FAITS DIVERS.

Distinctions HONORIFIQUES. -M. le D1' A. Marie, médecin en chef

de l'asile de Villejuif et M. MoRtN-GouhTiAUx, architecte du V° asile

de la Seine (Maison-Blanche, viennent d'être nommés chevaliers de

la Légion d'honneur. A tous deux nous adressons nos bien vives

félicitations.

192 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asiles DE la Seine. M. le Dr. VALLON, inspecteur-adjoint, a été

nommé médecin inspecteur des asiles privés, en remplacement de

Il. le Dr Laborde, décédé. Il a été remplacé, comme médecin ins-

pecteur adjoint par M. D1' Duroun. M. le D1' 1.vori- (Salomon),

médecin en chef de la Colonie familiale d'Ainay-le-Château (Allier),

dépendant de la Seine, a été promu à la 2° classe de son grade

(Arrêté du 2 juillet).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Pcrcy Swrtt. - Brczissiu Jounnal of Seurology. 111-8" de a00 pages,

liacillars, Kew-Vork, 1902.

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Treogfyrrélyvende Bereling ont Aandssnageanslallen paa Gl. Bakke,

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Zieiien. Psychiatrie sur arzte und studirende bearbeitet. In-8° de

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Le rédacteur-gérant : BOUISNEV1LLE.

Evreux, Cli. Hémbsby, imp. - 7-1003.

Vol. XVI. Septembre 1903. N° 93.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

' CLINIQUE MENTALE.

Obsession et délire ' ;

Par le D' E. MARANDON de 110 ? 1 YEL

Médecin en chef de Ville-Evrard.

Un point bien intéressant à élucider dans l'étude de l'ob-

session est de savoir si, comme l'enseigne M. Magnan, celle-ci

n'évolue pas, ne se transforme pas, n'aboutit jamais au délire

proprement dit. A plusieurs reprises et tout dernièrement

encore M. Séglas a rapporté des faits établissant que les

obsessions pouvaient déterminer à leur suite l'apparition

d'un véritable délire. Cette opinion du si distingué clinicien

de Bicêtre, très répandue à l'étranger, compte encore parmi

nous peu de partisans. Leur nombre augmentera car elle est

absolument exacte.

M. Séglas distingue avec raison deux ordres de faits très

différents. Un même malade est parfois en même temps un

obsédé et un délirant, mais par simple coïncidence. L'obses-

sion et le délire, dans ce cas, ne sont pas directement reliés

l'un à l'autre. Ils n'ont d'autre rapport que le terrain com-

mun, de prédisposition, sur lequel ils se sont développés et

évoluent chacun pour son compte. En effet, on ne voit pas

pourquoi une idée obsédante mettrait obstacle à l'éclosion

d'une manie ou d'une lypémanie. Le fait suivant prouve la

possibilité de cette coïncidence.

Observation I. La malade est une jeune fille, quatrième

enfant d'une famille indemne de toute névropathie et que j'ai su

longtemps après être héréditaire vésanique par des confidences

1 Voir dans le t. XV, p. 33 : Séglas, Note sur 1 évolution des obsessions

et leur passage au délire.

Archives, 2- série, t. XVI. ' 13 .

194 CLINIQUE MENTALE.

tardives de son oncle paternel sur son véritable père. Elle eut un

développement normal et ne présenta rien de particulier jusqu'à

la puberté. Elle ne fit aucune maladie infectieuse et son intelli-

gence était plutôt brillante.

A quatorze ans. au moment de sa formation, une transformation

complète se produisit. Elle commença par souffrir de maux de

tête et d'insomnie, puis elle eut de la torpeur intellectuelle : très

laborieuse jusqu'alors elle perdit tout goût au travail; enfin, appa-

rut une anxiété diffuse, une crainte de tout : des armes àfeu qu'elle

ne pouvait voir manier en sa présence sans être prise d'angoisse

avec palpitations de coeur et anxiété respiratoire ; des chiens

qu'elle fuyait toute tremblante convaincue qu'ils étaient enragés;

des escaliers qu'elle n'osait descendre, certaine que le pied lui

manquerait et qu'elle se briserait le crâne ; du poisson qu'elle

n'osait plus manger car pour sûr elle avalerait les arêtes, etc., etc.

Très intelligente, elle avait la conscience très claire de son état

morbide et de l'absurdité de ses phobies, mais si elle essayait de

les surmonter en prenant entre les mains une arme à feu, en

caressant un chien, en descendant l'escalier sans s'appuyer à la

rampe, immédiatement éclatait une crise aiguë d'angoisse avec suf-

focation et tremblements généralisés. -

A dix-sept ans, elle eut une grippe qui la tint au lit quelques jours

mais qui n'offrit aucune complication et fut très bénigne. L'anxiété

se fixa en grande partie à partir de ce moment, cette jeune fille

n'eut plus que l'idée obsédante, toujours consciente, d'une mort

imminente avec crises paroxystiques presque journalières à

l'occasion de faits insignifiants comme une quinte de toux, un

éternuement, une colique venteuse, etc., etc.

L'hydrothérapie, les exercices physiques, les antispasmodiques

les plus variés n'ayant donné aucun résultat la famille se fitiraque

le mariage remédierait à la situation. Très jolie et très riche, elle

ne manquait pas de prétendants malgré son état mental qu'elle

parvenait encore, il est vrai, à assez bien dissimuler en société, et

elle en choisit un à son goût. Or, le matin du jour fixé pourla noce

éclata une crise de manie aiguë qui prit rapidement de telles pro-

portions que, dans la journée même, il fallut la conduire au pen-

sionnat de l'asile dont j'étais le médecin.

Je constatai chez elle tous les signes classiques d'une manie aiguë

non hallucinatoire avec prédominance d'idées et d'actes érotiques.

Cependant jamais cette jeune fille n'avait eu le moindre érotisme

et elle s'était toujours montrée sous ce rapport d'une réserve abso-

lue. N'empêche qu'elle levait ses jupes, provoquait les hommes et

tenait les propos les plus obsédants et les plus orduriers. Je lui

donnai des soins durant quatre ans et je n'obtins aucun résultat

satisfaisant. La maladie suivit une marche rémittente, durant les

paroxysmes violents la malade ne présentait que les symptômes

OBSESSION ET DELIRE. 1 9o

de la manie aiguë avec érotisme ; durant les rémittences, bien

qu'elle restât toujours assez incohérente et demi-agitée, le carac-

tère antérieur apparaissait par moments. C'est ainsi que la malade

craignait alors de descendre l'escalier et s'angoissait si on l'y con-

traignait, qn'elle restait parfois immobile disant qu'elle allait mou-

rir. J'ai su par son oncle, quinze ans après, qu'elle était toujours

aliénée.

Cette complication de l'état obsédant par une crise de

manie ou de lypémanie sans être d'une excessive fréquence

est moins rare que la transformation directe.de l'obsession

en délire qui est, elle, tout à fait exceptionnelle. M. Magnan

adonc raison dans l'immense majorité des cas, mais M. Séglas

ne se trompe pas quand il affirme que la loi formulée par cet

aliéniste comporte quelques exceptions et qu'il y a quelques

cas curieux dans lesquels le délire se manifeste comme une

émanation directe, une transformation progressive de l'ob-

session, dont il est parfois possible de saisir sur le fait et

d'analyser les phases. J'ai eu l'occasion d'observer le sui-

vant :

OBSERVATION IL-Avocat de trente-quatre ans, marié, héréditaire

vésanique par la ligne paternelle; le père aliéné est mort dans un

asile, une soeur est hystérique; une cousine germaine est épilepti-

que. Développement normal. Comme maladies infectieuses : rou-

geole et oreillons. Intelligence très développée. Un peu d'onanisme

au collège; comme anomalie génitale, une impuissance morale

mais vite surmontée ; depuis vie sexuelle très régulière. Au point de

vue émotif, de tout temps la crainte continuelle d'être nuisible et

de faire du tort sans le vouloir; interrogations incessantes sur tous

actes pour savoir s'ils ne peuvent pas porter préjudice à autrui.

Marié à vingt-cinq ans, le malade a eu deux ans après un fils et

n'en a plus eu d'autre. Il n'avait jamais compris qu'on levât la

main surles enfants pour les corriger, aussi était-il bien résolu

à user d'autres procédés pour élever son garçon. Celui-ci très ner-

veux devenait déplus en plus indiscipliné et désobéissant en gran-

dissant ; à six ans il ne se gênait guère pour envoyer promener

toute la famille. Le père fut désolé d'avoir un tel enfant, puis surgit

en lui l'obsession de le frapper pour l'amender, obsession qu'il

jugea sévèrement et contre laquelle il lutta de toutes ses forces.

Mais à chaque faute, même insignifiante, de l'enfant, celle-ci l'an-

goissait et le torturait. L'année suivante l'idée obsédante n'avait

plus besoin des incartades du petit pour se montrer, et prit une

intensité telle que le père, effrayé eut peur de succomber ; il son-

gea à mettre son fils pensionnaire. Au dernier moment, il ne se

'196 CLINIQUE MENTALE.

sentit pas la force de se séparer de lui, d'autant plus que sa

femme à qui il s'était bien gardé de confier ses angoisses n'aurait

rien compris à un tel projet, étant donné l'âge du petit.

La vie du pauvre homme devint un véritable martyre. Il adorait

son fils pourlequel il eut tout sacrifié et était désolé d'être en proie

à un pareil mal. Seul il ne pouvait s'empêcher de pleurer abondam-

ment et il avait peine à se dominer et à retenir ses larmes en

présence de sa femme quand, à l'occasion d'une peccadille de

l'enfant, l'obsession l'angoissait et lui faisait battre violemment le

coeur. Le petit était très taquin, la grande crainte du pèreétait qu'a

propos de ses taquineries une impulsion subite ne lui fit lever la

main sur lui. Mais sa résolution bien prise était de se tuer si

jamais il frappait même légèrement. Elevé dans un collège de prê-

tres, il avait été très dévot jusqu'à son baccalauréat. Depuis il

avait complètement cessé toute pratique religieuse. Mais il se

remit alors à prier Dieu et à lui demander plusieurs fois par jour

la force de résister à l'impulsion dont il souffrait. Pour s'affermir

il prenait souvent l'enfant dans ses bras et le couvrait de baisers

et de caresses au point que sa femme s'en amusait cependant

même alors, parfois à propos d'une taquinerie du petit, l'idée obsé-

dante survenait et l'angoissait. 1

Désespéré il vint me communiquer ses tourments. Je le rassurai

de mon mieux et lui conseillai l'hydrothérapie et les exercices

physiques dont il tira quelque bien. Mais un grand malheur l'at-

tendait. L'enfant venait d'avoir huit ans quand il contracta une

grippe [infectieuse avec une angine qui se compliqua d'une otite

interne trèsdouloureuse. Lescrisde souffrance du pauvre petit ache-

vèreut d'ébranler le cerveau de ce malheureux et bien qu'il ne l'eut

jamais touché il se figura que, cédant à son obsession, il l'avait

frappé sur l'oreille et que c'était les coups qu'il avait donnés qui

avaient déterminé la localisation du mal. Cette conception délt-

rante qu'il apprécia d'abord sainement et dont il fit part à sa

femme qui s'empressa de lui dire que la douleur lui troublait les

idées, car jamais il n'avait porté la main sur son fils, cette concep-

tion délirante s'imposa à son esprit comme vraie quand le mal

empirant uneopération fut jugée nécessaire. Celle-ci ne réussit pas

et l'enfant succomba à des accidents cérébraux. Le pauvre père

devint alors complètement aliéné. Il s'accusa d'avoir occasionné la

mort de son fils par les coups qu'il lui avait portés sur la.tête, se

déclara un misérable indigne de vivre et eut des idées de suicide.

Puis survinrent des hallucinations de l'ouïe en rapport avec le

délire. Le malade entendit des voix du ciel qui lui reprochaient

son infâme conduite et le déclaraient digne de moit. Il fallut une

surveillance de tous les instants pour l'empêcher de se tuer.

Sur mes conseils, sa femme le plaça au pensionnat de l'asile que

je dirigeais et j'eus le plaisir de le voir guérir au bout de sept mois

MANIFESTATIONS INDIVIDUELLES DES PEURS OBSÉDANTES. '107 Î

de traitement. Cette guérison s'est-elle maintenue ? Le malade quand

il quitta l'établissement n'avait plus d'hallucinations de l'ouïe et

était conscient de la crise délirante qu'il avait traversée. Il se ren-

dait très bien compte qu'il n'était pour rien dans la mort de son

enfant, qu'il n'avait jamais touché, néanmoins il était toujours

plongé dans une profonde tristesse. Je n'ai plus eu de ses nouvelles.

Ces deux observations, les seules que j'ai eu occasion de

rencontrer, prouvent, me semble-t-il, que M. Séglas est dans

le vrai et que si la transformation de l'obsession en délire et

sa complication par une crise de manie ou de lypémanie sont

rares, elles se constatent encore quelquefois.

Clinique Psychiatrique DE L'UNI'ElIbITL de Moscou

Contribution à l'étude des manifestations indivi-

duelles des peurs obsédantes dans la constitution

idéo-obsessive 1;

Par le D' Serge SOUKHANOFP,

Privat-docent de l'Université de Moscou.

Dans la constitution idéo-obsessive chez un seul et même

individu on peut observer toujours un complexus très varié

de processus psychiques obsédants; les idées obsédantes et

les phobies ne sont jamais isolées; il est vrai que quelques-

unes d'elles peuvent être exprimées d'une façon plus pro-

noncée que les autres; tantôt c'est l'agoraphobie qui est le

symptôme prédominant, tantôt le délire du toucher, tantôt

les raisonnements obsédants, etc.; mais en questionnant les

malades de ce genre on parvient toujours à constater de pair

avec l'un ou l'autre de ces symptômes la coexistence de toute

une série de processus psychiques obsédants les plus variés

avec lesquels le malade s'arrange et même quelquefois s'ha-

bitue à tel point qu'ils n'influent pas d'une manière visible

sur sa conduite. La manifestation externe des processus

' Serge Souhhanoff et Pierre Gannouelikine. Etiide sur les obsessions

morbides. [Revue de Psychiatrie. 1903. n° 1, janvier).

198 CLINIQUE MENTALE.

psychiques obsédants est étudiée à un degré suffisant et

beaucoup d'entre eux portent des dénominations détermi-

nées. Dans le travail actuel nous voudrions attirer l'attention

sur certains symptômes particuliers, observés parfois dans

la constitution idéo-obsessive.

Avant tout, nous avons en vue de nous arrêter sur les idées

obsédantes de jalousie pathologique. Comme on le sait, la

jalousie pathologique peut être l'un des symptômes des

états psychopatiques les plus variés; bien souvent on observe

la jalousie chez les hommes dans l'alcoolisme chronique;

chez les femmes la jalousie pathologique n'est pas rare

comme l'une des manifestations de la dégénérescence hysté-

rique. Concernant les psychoses proprement dites, la jalousie

pathologique se rencontre quelquefois dans les états mélan-

coliques séniles chez les femmes et chez les hommes comme

symptômo-complexus de la paranoïa dégénérative chronique.

Les idées obsédantes de jalousie sont assez rares, à ce qu'il

-paraît; pour indiquer d'une manière plus démonstrative,

en quoi elles s'expriment justement et dans quelle forme,

je me permets de citer ici un des cas de ce genre.

Il s'agit d'une malade d'âge moyen, provenant d'une famille

dégénérative. La malade était considérée comme une personne

nerveuse et impressionnable ; d'après ses paroles, elle se souvient

de sa plus tendre enfance. La malade possède un caractère scru-

pulo-itaquict, sur le terrain duquel surgissait chez elle différentes

peurs obsédantes; parfois et surtout en liaison avec le processus

puerpéral on observait chez elle des accès de la psychose mélanco-

lique, quelquefois exprimée d'une façon très prononcée. Il y a

quelques années apparurent chez la malade des idées de jalousie

envers son rnari, ne correspondant pas à la réalité; dès lors ces

idées quittaient rarement la malade, lui causant beaucoup d'in-

quiétude et de tourment. Avec le temps les idées de jalousie revê-

tirent un caractère particulier. Lorsque la malade est calme, c'est-

à-dire lorsque les idées et la crainte de la trahison du côté de

son mari ne l'inquiètent pas, elle se rapporte d'une manière très

raisonnable à sa jalousie; elle comprend bien qu'elle a tort, que

son mari ne peut pas lui être infidèle, que ses craintes jalouses

n'ont absolument aucun motif; elle cherche un secours pour se

délivrer de ses inquiétudes obsédantes, avouant bien, que ses idées

jalouses causent beaucoup de désagréments à son mari, etc. Mais

voilà que de nouveau surgit la crainte de l'infidélité conjugale, la

malade commence à s'agiter, à se tourmenter à propos de cette

idée obsédante; pour se calmer elle a besoin que son mari lui jure

MANIFESTATIONS INDIVIDUELLES DES PEURS OBSÉDANTES. 199

qu'il lui est fidèle, et que ses serments soient prononcés d'une

façon déterminée; lorsque les idées jalouses apparaissent la malade

s'inquiète à. propos de chaque papier qu'elle voit; alors elle ressent

un désir d'examiner minutieusement chaque petit morceau de

papier qui lui paraît suspect, sur lequel il y a quelque chose

d'écrit; pour se tranquiliser elle a même soin de coller ensemble

les morceaux d'un papier déchiré; elle adresse des questions con-

cernant sa jalousie aux personnes qui l'entourent, aux serviteurs,

même aux personnes qu'elle ne connaît pas ; lorsque la malade

reçoit, d'après son opinion, des preuves suffisantes de la fidélité

conjugale, alors pour quelque temps elle se tranquillise, mais cet

état de tranquillité ne dure pas longtemps; les idées de jalousie

réapparaissent, la malade de nouveau commence à vérifier ses

soupçons, questionne son mari, etc. D'autres fois la malade s'in-

quiète à propos de cela qu'elle se souvient qu'il y a quelques

années elle a jeté un papier sans l'avoir suffisamment examiné ;

voilà qu'elle commence à se ressouvenir, comment cela s'est passé,

elle commence à s'agiter, pensant que, peut-être, c'était justement

un papier qui avait rapport aux scrupules jaloux qui la tourmen-

tent. Les idées de jalousie chez la mataue sont accompagnées d'une

anxiété mentale très accentuée et d'un état d'angoisse, qui atteint

parfois un degré très grand et d'un sentiment très pénible.

Comme je l'ai déjà dit plus haut, le- malade, se délivrant

pour un certain.temps de ses craintes jalouses, comprend

parfaitement, l'absurdité et la bizarrerie de son inquiétude

jalouse et devient tout à fait raisonnable alors. Ce seul fait

déjà exclut l'existence ici du délire de jalousie, comme

l'une des formes de la paranoïa raisonnante ; la malade en

question n'améme pas de délire de,jalousie proprement dite;

elle n'a pas non plus dans son caractère d'élément raisonnant.

On ne peut pas admettre non plus dans ce cas de jalousie

hystérique, qui s'exprime dans une toute autre forme; cette

malade n'a point de symptômes de dégénérescence hystéri-

que. Elle possède un caractère scrupulo-inquiet, apparais-

sant, d'après notre avis, comme une forme peu accentuée de

la constitution idéo-obsessive, La tendance aux peurs obsé-

dantes a été observée chez cette malade en général; par

exemple, par moment elle se tourmentait et s'inquiétait au

sujet de cela qu'elle pensait qu'on lui avait changé son

enfant pour un autre. A propos de ses peurs, liées à la repré-

sentation de l'infidélité de son mari, il faut dire qu'elles por-

tent un caractère, commun aux peurs obsédantes ou aux

phobies; dans l'esprit de la malade surgit une peur que son

200 CLINIQUE MENTALE.

mari peut lui être infidèle; en ramassant les morceaux de

papier, en les collant et en les examinant, d'après mon avis,

le malade ne cherche pas dans cela la preuve de la trahison

de son mari, mais elle cherche à tranquiliser par cela ses

doutes et ses peurs obsédantes. Comme chez bien des mala-

des, souffrant des obsessions morbides, chez notre malade

aussi existent des idées hypochondriaques, s'exprimant en

forme d'une peur d'avoir une maladie psychique avec perte

de conscience.

Dans le cas donné, d'un côté saute aux yeux la conduite

absurde de la malade sous l'influence de la peur obsédante

de l'infidélité conjugale et d'autre côté son rapport raison-

nable et sa compréhension de la maladie, lorsqu'elle est

libre de ses phobies. Nous avons pu : aussi constater chez

cette malade un caractère scrupulo-inquiet, une personnalité

morale très bien conservée et les remords au sujet des désa-

gréments qu'elle cause à son entourage, c'est-à-dire nous

avons ici tous les éléments qui entrent dans la composition

de la constitution idéo-obsessive en qualité de symptômes

accessoires. Pourtant, vu cela que les peurs obsédantes dans

la forme indiquée ne sont pas tout à fait ordinaires pour la

constitution idéo-obsessive, on ne peut pas réfuter l'idée

que, peut-être, dans de pareils cas existe une combinaison des

états psychopathiques ; la malade, dont il s'agit, provient,

comme cela a déjà été noté plus haut, d'une famille dégéné-

rative, elle est la fille d'un père qui souffrait d'une jalousie

pathologique ; le penchant à la jalousie pathologique appa-

raît, donc, chez la malade comme anomalie psychique héré-

ditaire, et comme l'organisation psychique dans le cas donné

s'exprime en forme de constitution idéo-obsessive, les peurs

obsédantes ont revêtu cette manifestation particulière externe.

La seconde forme de peurs obsédantes, sur laquelle nous

voudrions nous arêter encore dans ce travail, concerne la

peur pathologique du refroidissement. Dans certains cas de

constitution idéo-obsessive la peur du refroidissement peut

revêtir un caractère pathologique très marqué, concernant

la manifestation externe de cette phobie; avant tout il faut

remarquer qu'elle est très étroitement liée avec l'opinion

exagérée de la signification et du rôle du refroidissement

dans l'origine des maladies de l'organisme humain. Parfois

la peur du refroidissement dans la constitution idéo-obses-

MANIFESTATIONS INDIVIDUELLES DES PEURS OBSÉDANTES. 201

sive est liée avec la crainte pour sa propre santé, mais plus

souvent cette peur concerne la santé de quelqu'un de l'en-

tourage ; par exemple, la mère, possédant un caractère scru-

pulo-inquiet et sujette à des phobies, craint d'une manière

outrée le refroidissement pour ses enfants; elle les garde à la

maison, tâchant de ne pas les rendre accessibles à l'air frais,-

ne les laisse pas se promener en hiver, les accoutre, ayant

soin que l'air frais ne pénètre pas dans leurs voies respira-

toires, n'ouvre pas les fenêtres, même en été, ayant peur du

courant d'air, etc. Une telle peur outrée du refroidissement,

pour autant que nous l'avons remarqué, s'observe chez des

personnes, où on peut parler d'une constitution idéo-obses-

sive ; par conséquent, dans ces cas la peur obsédante du

refroidissement apparaît l'une des particularités symptoma-

tiques de l'organisation neuro-psychique.

Au nombre des particularités individuelles de la manifes-

tation externe des phobies et des idées obsédantes, il faut

rapporter aussi la peur des montres; dans le cas, où dans

la constitution idéo-obsessive il nous est arrivé d'observer

ce symptôme, la peur des montres s'est développée à la suite

de méditations obsédantes sur les mouvements éternels des

corps de l'univers dans l'espace infini ; les représentations

de ce genre ont provoqué une peur qui avec le temps s'asso-

cia à la représentation de la roue en mouvement et de l'ai-

guille de montre en mouvement, et à la fin se forma

dans ce cas une phobie des montres; cette phobie était si

marquée et si intense qu'on a été obligé d'arrêter toutes les

montres de la maison et de ne pas s'en servir comme de

coutume; l'examen du pouls de la malade avec une montre à

la main était, sans doute, tout à fait impossible, puisque

la seule vue de la montre éveillait chez la malade un senti-

ment d'une grande peur. Dans le cas donné existait encore

une peur de voir les objets modifiés en forme, lorsqu'ils se

reflètent dans quelque chose de luisant et une peur obsé-

dante de voir un linge ou une robe retournée à l'envers .

Les exemples que nous venons de citer démontrent encore

une fois, quelle variation peut être observée dans la mani-

festation externe des processus psychiques obsédants chez

différents individus; les particularités individuelles dans la

constitution idéo-obsessive se manifestent d'une façon très

prononcée. En parlant de divers symptômes, se rencontrant

202 CLINIQUE NERVEUSE.

dans de semblables cas, il faut pourtant, pour éviter les

malentendus, remarquer encore, que tous ces phénomènes,

quelques intenses qu'ils soient, ne se rencontrent jamais

isolément ; mais au contraire, ils existent toujours simulta-

nément et de pair avec une masse d'autres processus psychi-

ques obsédants et apparaissent seulement comme symptô-

mes isolés de la constitution idéo-obsessive qu'on peut

considérer comme une forme psychopathologique autonome.

CLINIQUE NERVEUSE.

Délire et petit brightisme ' ; S

A. VIGOUROUX,

médecin en chef.

à l'asile de Vaucluse. e.

ET

1'. JUQUELIElt,

interne.

des asiles de la Seine.

uns. VI (résumée). -C..., Pierre, cinquante-sept ans, plombier

est entré daus le service le 27 avril 1001, revenant de la prison de

Fresnes où il avait été placé à la suite d'une condamnation à un an

de prison pour vol. Il présente au moment de son entrée un affai-

blissement considérable des facultés intellectuelles, et paraît triste

et anxieux. Ses antécédents héréditaires nous sont inconnus.

Dans ses antécédents personnels nous retrouvons : 1° une pleu-

résie ; 2° des habitudes alcooliques anciennes. Depuis quatre ans

déjà, il avait quelques troubles cérébraux, du délire nocturne. Il

avait de plus des envies fréquentes d'uriner, la sensation de doigt

mort, des vomissements, des crampes dans les jambes.

A son entrée, on constate à l'examen somatique du myosis, de

l'athérome artériel, de l'albuminurie : C..., a de l'incontinence

d'urine, mais n'est pas gâteux,

L'état de démence, d'mconscience, avec perte absolue de la mé-

moire des faits récents, conservation relative de la mémoire des

1 Voir n" 91 et 92 des Archives de Neurologie.

Par suite des besoins de la mise en page pour le placement des figures

de l'article de M. Keraval, nous n'avons pu insérer la fin de ce travail

dans le précédent numéro.

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 203

principaux événements de sa jeunesse, a persisté sans modification

jusqu'à l'heure actuelle. Depuis son entrée, ce malade reste alité.

Il est dans un état de torpeur presque complète, indifférent à tout

ce qui se passe autour de lui. Il reste immobile, les yeux fermés ne

faisant pas un geste. Si on le tire de sa torpeur par une question,

il semble s'éveiller et fait manifestement tous ses efforts pour

répondre à la question. Il dit son âge, l'année de son incorpora-

tion mais est incapable de dire ce qu'il a mangé la veille. C'est à

peine s'il reconnaît l'infirmier'qui le soigne tous les jours. Il est

d'ailleurs docile et facile à diriger. La seule modification intéres-

sante à noter, c'est que sous l'influence du régime lacté, le malade

devient plus euphorique, tandis que son albuminurie, diminue. Il

redevient triste, inquiet quand on le laisse manger comme tout le

monde, ce qui fait augmenter la quantité d'albumine.

L'injection sous-cutanée de bleu de méthylène révèle : 1° un retard

considérable dans l'apparition de la substance colorante et 2° une

lenteur très grande de l'élimination. L'analyse des urines de vingt-

quatre heures a donné dans une période d'euphorie les résultats

suivants :

20 i CLINIQUE NERVEUSE.

attitude suspecte. Il passa par la suite au Conseil de guerre pour

refus d'obéissance. Après cet incident, sa famille le perdit de vue,

jusqu'à son entrée à l'asile. A cette époque il présente une attitude

mélancolique, avec un certain degré de stupeur. Il refuse de voir

sa mère. Il répond très péniblement aux questions qu'on lui pose :

habituellement silencieux, il sort parfois de son mutisme pour

prononcer à voix basse quelques paroles inintelligibles. ,

Au point de vue somatique on note que le faciès est pâle que les

jambes sont cedématiées, que les urines contiennent de l'albumine

et qu'il existe au coeur un bruit de galop. Ces signes d'insuffisance

urinaire, s'améliorent sous l'influence du régime lacté. Le malade

devient moins triste, mais l'état démentiel ne subit aucune modifi-

cation.

En avril 1901, albuminurie plus abondante, élimination retardée

et prolongée du bleu de méthylène, puis période d'amélioration

après reprise du régime lacté intégral. Le malade fut plus docile

jusqu'en octobre 1901.

En octobre 1901, une période d'excitation avec propos grossiers

coïncida avec l'augmentation de l'albuminurie. En juillet 1902,

l'analyse des urines dénote qu'il n'existe presque plus d'albumine,

mais des phosphates en grande abondance. Il y a une diminution

considérable de l'excrétion de l'urée dont on ne retrouve que

13 gr. 50 eu vingt-quatre heures.

Depuis, l'état est devenu stationnaire ; on note au point de vue

mental un affaiblissement considérable des facultés intellectuelles

du mutisme habituel, une grande docilité.

. Le détail intéressant de cette observation est, qu'à diverses

reprises, sur le fond de démence se soient greffés des symp-

tômes additionnels de mélancolie ou d'excitation, qui ont

coïncidé avec une augmentation des troubles rénaux.

OBs. VIII. S... (Eugène), âgé de soixante-sept ans, est entré

dans le service des hommes de l'asile de Vaucluse le 18 janvier 1902

avec les certificats suivants : « affaiblissement intellectuel, excès

alcooliques anciens, tendances mélancoliques, idées de persécution

et de suicide, préoccupations hypochondriaques ». Dl Legras.

« Affaiblissement intellectuel avec idées mélancoliques et de per-

sécution, cauchemars, tentative de suicide. Etourdissements,

faiblesse musculaire, habitudes alcooliques anciennes ». Dr Ma-

gnan.

C'est un homme normalement constitué de 1 mètre 67 de taille.

pesant 67 kilogrammes et ne présentant pas de tares physiques

congénitales notables. A son entrée, nous le trouvons les yeux

bouffis, les pupilles contractées et légèrement inégales. La langue

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 20S

saburrale et tremblante. Les réflexes patellaires sont un peu forts

les réflexes plantaires en flexion, les réflexes crémastériens faibles.

Il n'y a pas de troubles objectifs de la sensibilité générale mais

le malade se plaint de ressentir depuis sept ans, à la suite d'une

« congestion » des douleurs fréquentes dans la tête et dans les

membres inférieurs. La force musculaire est diminuée. La démar-

che est difficile, sans caractères précis, et présente une certaine

instabilité.

L'appareil respiratoire est normal. Les artères sont dures et

flexueuses, mais l'auscultation du coeur ne révèle pas de bruits

anormaux. Le malade est habituellement constipé. De plus, il a de

fréquentes douleurs au niveau de la région gastrique dans les pre-

mières heures qui suivent le repas. Une hernie inguinale droite de

petit volume est parfaitement réductible. Les urines ne contiennent

ni sucre ni albumine et leur examen clinique n'attire pas l'atten-

tion du côté de l'appareil excréteur.

Au point de vue mental, on note en premier lieu un certain

degré d'affaiblissement intellectuel puis, avec quelques préoccupa-

tions hypochondriaques, des idées de persécution non localisées.

c A l'asile de vieillards de Villers-Cotterets où il était avant les

incidents qui l'ont amené à Sainte-Anne», de mauvaises gens, des

soulards, lui en voulaient parce qu'il était trop tempérant. Ses

ennemis le menaçaient de le faire partir, voulaient lui faire du mal,

le priver de nourriture. Ils s'impatientaient de ne pas le voir

mourir.

C'est pour se débarrasser d'eux en leur donnant satisfaction

qu'il a absorbé une bouteille de « médicaments » mais, ajoute-til

ça n'était pas sérieux. Si le malade a commis des excès alcooliques

son récent séjour à Villers-Cotterets semble bien prouver que ces

excès sont de date ancienne.

L'état du malade est sensiblement le même après un séjour

d'une quinzaine à l'asile. A ce moment, les préoccupations

hypochondriaques dominent les idées délirantes de persécution qui

sont un peu effacées. Il en est ainsi pendant plusieurs mois. S....

incapable de s'occuper tant à cause de sa faiblesse musculaire qu'à

cause de son état démentiel relatif, se plaint chaque matin de sa

santé, mais a un appétit régulier et l'on ne constate pas chez lui

de symptômes objectifs en rapport avec ses plaintes. Il est calme,

facile à surveiller et ne trahit pas d'hallucinations.

A la fin du mois de juin, le malade est pris de vomissements qui

se répètent pendant plusieurs jours. Il se plaint en même temps

de céphalées tenaces. Alité, il ne peut se réchauffer dans son lit et

demande, en plein été, qu'on lui donne un édredon. Les pupilles

toujours inégales sont très contractées. Les paupières sont légère-

ment oedématiées. L'auscultation du coeur permet de constater un

bruit de galop a dédoublement du premier temps. Le pouls est

206 CLINIQUE NERVEUSE.

tendu et vibrant. Le foie est gros, sensible à la palpation. Depuis

plusieurs jours. S..., n'est pas allé à la selle, il urine souvent et

peu à la fois.

Le régime lacté;- les diurétiques, quelques purgatifs drastiques

eurent une influence heureuse sur cet état. Toutefois, les symp-

tômes ne rétrocédèrent que lentement, et le 14 juillet, une injection

de 1 centimètre cube de la solution stérilisée de bleu de méthylène

au vingtième indiqua un retard considérable dans l'apparition du

bleu et une lenteur très grande de l'élimination.

L'examen complet des urines donne a cette époque les résultats

suivants :

DÉLIRE ET PETIT BRIGHTISME. 207 -1

Alors qu'est-ce que ces gens-là me disent donc. » C'est sans

doute sous l'influence de ses hallucinations qu'il s'agite, sort de

son lit, crie, se cache un instant après sous ses couvertures, a la

physionomie très anxieuse, ne répond pas aux questions qu'on lui

pose.

Une injection de bleu de méthylène faite dans les mêmes condi-

tions que précédemment indique que l'élimination est très retardée

et très lente, puisque les urines sont encore colorées à la soixante-

douzième heure.

L'analyse des urines du 5 décembre donne :

RECUEIL DE FAITS.

Un cas de maladie des tics ; guérison ;

P.n COITIi\E'ILI,1 : eT POULITtD'

L'affection nerveuse désignée par Chariot sous le nom de

maladie des tics est, en général, considérée comme incu-

rable. D'après beaucoup d'auteurs, les rémissions qu'ellepré-

sente ne seraient que passagères et incomplètes.

Une jeune fille, qui en est atteinte depuis dix ans, que

nous suivons depuis 1890, vient d'en être complètement, si-

non définitivement, débarrassée. C'est en raison de cette

guérison, contraire à la plupart des opinions reçues, que

nous avons cru devoir rapporter son histoire qui a naturelle-

ment sa place dans une discussion sur les tics.

Sommaire. Père rhumatisant. Grand' mère paternelle, hémiplégie

gauche. Arrière- grand-père paternel mort d'une congestion céré-

bi,ale. Ai-i,ièi-e-gra21d'n ? èt,e paternelle morte avec une hémiplégie.

Grand-oncle paternel mort d'une attaque d'apoplexie.

Mère : céphalalgies, sourde, caféisme, morte d'apoplexie céré-

brute. Grand-père maternel alcoolique, mort à sa troisième attaque

d'apoplexie. Grand'mère maternelle morte d'un cancer de l'utérus.

Grand-oncle maternel bègue. Oncle maternel mort de tuberculose.

Frère mort de méningite. Autre frère, convulsions de l'enfance,

mort de tuberculose. De ! ? : t-soeM;' paternelle, morte d'une affection

du cerveau. Pas de consanguinité. Inégalité d'age de onze ans (mère

plus âgée).

Conception, rien de particulier. Grossesse, eniiiiis et idées noires;

mouvements violents du foetus ci cinq mois. Rien d'anormal à l'accou-

cheinent et à la naissance. Première dent ci sept mois; dentition

complète à deux ans. Marche à onze mois. Propreté vers un tin. Acci-

dents nerveux mal déterminés et rachitisme des membres inférieurs

1 Communication au Congrès des aliénistes et neurologistes de Gre-

noble (août 1903).

MALADIE DES TICS; GUÉRISON. 209

à seize mois. Début de la parole ci deux ans; prononciation défec-

tueuse pendant quelque temps. Accès de colère. Rachitisme guéri.

Prodromes et début des tics à sept ans ; leurs variétés ; coprolalie ;

claslomanie; impulsions violentes, influence du chant, de ltt gym-

nastique, du traitement ! 7 : o)'a<. Exacerbations et rémissions inconz-

plètes. Guérison.

Vig... (Georgette), née à Paris le 19 janvier 1888, est entrée à la

Fondation Vallée le 21 mai 1900.

Antécédents héréditaires. Père, trente-huit ans, voyageur de

commerce à l'étranger, très sobre, rhumatisant, n'aurait pas eu la

syphilis. Pa, d'accidents nerveux. Il aurait été « débauché » à dix-

sept ans par la mère de la malade,111 ? veuve Lec..., alors âgée de

plus de vingt-huit ans et qui avait un enfant de six ans. Us se sont

brouillés au bout de sept ans parce qu'il y avait des disputes entre

lui et le fils, grandi, de sa maîtresse, et aussi parce qu'il la trou-

vait trop vieille. Il s'est marié depuis et a eu deux enfants légi-

times : une est morte, à dix-sept mois, de diarrhée ; la seconde est

bien portante; ni l'une ni l'autre n'ont eu de convulsions.- [Son

père, âgé de quatre-vingt-deux ans, sobre, est en bonne santé. Sa

mère est morte IL soixante-dix-huit ans, dix-huit mois après une

attaque de paralysie (hémiplégie gauche). Grand-père paternel

décédé d'une congestion cérébrale, croit-on. Grand'mère pater-

nelle, morte à soixante-dix-neuf ans, en deux jours, avec une

hémiplégie. Grand-père maternel mort asthmatique à soixante-

dix-sept ans. Grand'mère maternelle, morte d'une pneumonie. z

Un oncle paternel a succombé dans une attaque d'apoplexie fou-

droyante. Ses autres oncles et tantes, ses quatre soeurs et leurs

enfants n'ont pas eu de maladies nerveuses ou mentales. [Rien à

noter dans le reste de famille.]

Mère, quarante-huit ans, ménagère, tempérament nerveux,

caractère vif, sujette à des céphalalgies, ne paraissant pas de

nature migraineuse, surdité datant de vingt ans, attribuée à l'é-

motion qu'elle a éprouvée à la mort de son mari, frappé de con-

gestion cérébrale et emporté en deux jours. Elle a toujours bu

énormément de café. Elle a succombé le 8 mai dernier à une

attaque d'apoplexie. [Son père, alcoolique, est mort à soixante-dix-

huit ans, à sa troisième attaque d'apoplexie. Sa mère est décédée

à quarante-cinq ans d'un cancer de l'utérus. Ses grands-parents

paternels et maternels sont morts âgés, de maladie inconnue. Un

oncle maternel est bègue. Une soeur est morte à neuf ans de la

fièvre typhoïde. Deux frères, l'un mort tuberculeux, l'autre boiteux

par accident, mais ayant une bonne santé. Rien à signaler dans le

reste de la famille : pas d'autres bègues, pas d'aliénés, etc.]

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de plus de onze ans (mère

plus âgée).

Archives, 2e série, t. XVI. 14

210 RECUEIL DE FAITS. 1

Trois enfants : 1° un garçon mort Ae méningite, sans convulsions,

en trois jours, à l'âge de neuf mois ; 20 garçon mort à vingt-quatre

ans, de tuberculose pulmonaire; 3" une fille, sujet de l'observation.

Antécédents personnels. Notre malade. Conception dans

des conditions normales, mais nous rappelons que le père avait

onze ans de moins que sa maîtresse. Grossesse sans aucune com-

plication, sauf des ennuis et des idées noires en raison de sa

situation irrégulière et parce qu'elle craignait des reproches de

ses patrons, chez lesquels elle était depuis longtemps. Le foetus a

commencé à remuer à cinq mois, d'une manière exagérée, par

comparaison avec les mouvements de ses deux premiers enfants.

Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme, par la tête. A la

naissance, l'enfant était petite, bien constituée, sans asphyxie, ni

circulaire du cordon. Elle a crié « énormément » les dix premiers

jours, ne dormait pas, il fallait lui donner le sein pour la calmer.

Au bout de cinq à six mois, elle était calme et le sommeil était

bon. Allaitement maternel, sevrage à deux ans. Première dent à

sept mois, dentition complète à deux ans. Parole un peu tardive :

à deux ans elle ne disait que « papa » et « maman ». La pronon-

ciation aurait été défectueuse pendant quelque temps. Marche à

onze mois ; propreté à un an, mais elle avait été habituée au vase

à partir de trois mois.

V... aurait eu, selon sa mère, des convulsions à seize mois. Ces

prétendues convulsions paraissent se réduire à des accès de colère.

L'enfant s'est raidie, a crié, sans perdre connaissance ; elle n'a eu

ni contorsions des membres, ni convulsions des globes oculaires.

On n'aurait observé qu'une crise de ce genre. Aucune trace de

paralysie consécutive. L'intelligence ne fut pas atténuée. A cette

époque, V... avait des déformations rackiliques très accusées aux

membres inférieurs qui ont disparu vers sept ans. Caractère gai,

violent, coléreux. 'l'urbulence extrême. Pas d'onanisme.

La santé générale a toujours été satisfaisante, sauf des bron-

chites et des troubles respiratoires, probablement de nature ner-

veuse, consistant en étouffements, en quintes violentes, suivies

d'épistaxis abondantes, sans hémoptysie. Ni céphalalgies, ni ver-

tiges, ni troubles vaso-moteurs de la face, ni rêves, etc.

V... raisonne convenablement, et bien qu'elle ait dû quitter sou-

vent l'école (le bruit qu'elle faisait en tapant du pied, en criant,

gênait ou amusait les autres enfants) ou changer de maîtresses à

cause de sa maladie, elle rattrapait très vite ses camarades. Elle

aime à faire les ouvrages minutieux, entre autres la broderie.

Comme maladies infectieuses, elle n'a eu que la rougeole à quatre

ans. Aucune manifestation scrofuleuse. Pas de vers, ni de trauma-

tisme, ni de sévices.

Comme signes avant-coureurs de la maladie des tics, nous avons

MALADIE DES TICS ; GUÉRISON. 2111 l

à relever un changement du caractère qui devint violent, et des

mouvements désordonnés à la maison et dans la rue. Au début, à

sept ans, alors que les accidents rachitiques commençaient à dis-

paraître, l'enfant était agitée, ne tenait plus en place, trépignait et

poussait des « ah ! ah ! » spasmodiques. Les premiers tics ont

consisté en grimaces de la face, projection en tous sens de la

langue hors de la bouche. Cette agitation et ces tics, bientôt com-

pliqués de coprolalie, devenant de plus en plus accusés, les voisins

se plaignirent et ses parents durent déménager deux fois.

L'agitation intermittente des différentes parties du corps et les

cris auraient progressivement augmenté et varié dans leurs carac-

tères. Voici comment la mère de l'enfant les décrit.

V... frappait des pieds à chaque instant, démolissait le buffet à

coups de talon, prenait les chaises, les projetait au loin et les bri-

sait. A table, elle cassait les assiettes à coups de fourchette. Cette

agitation destructive se manifestait surtout lorsque, l'ayant laissée

seule dans le logement, on y rentrait. Dans ces derniers temps

V... était devenue très méchante envers sa mère, qu'elle frappait.

Mais aussitôt, s'apercevant qu'elle avait fait mal, elle demandait

pardon, disant : "Je ne l'ai pas fait exprès. » Elle poussait des cris

divers à chaque instant, proférait des grossièretés. Pendant deux

ou trois mois elle a répété sans cesse : « Il est mort ! il est mort ! »

Ayant un jour assisté à un incendie et entendu crier : « Au feu ! ».

elle n'a cessé, durant une semaine, de crier : « Au feu ! ». Ces

expressions, grossières ou non, avaient cours pendant une période

plus ou moins longue pour faire place à d'autres expressions. Elle

faisait tant de bruit, le jour (jamais la nuit), en s'agitant, elle di-

sait tant de grossièretés que les voisins, gênés autant par le bruit

que par l'inconvenance des expressions, envoyèrent à la mère une

délégation chargée d'exposer les griefs communs et la menacer

d'une demande d'expulsion par le commissaire de police. Elle se

décida, en conséquence, à faire enirer sa fille à l'Asile clinique,

d'où elle fut dirigée sur la Fondation Vallée.

État actuel (juin). La tête est normale dans sa forme et ses

dimensions. Les cheveux, châtain foncé, sont régulièrement im-

plantés, sans épi, avec un tourbillon unique, médian. Le visage est

pâle, un peu amaigri. La physionomie semble exprimer de la

mélancolie, de l'inquiétude et de la timidité. Les différentes parties

de la face sont régulières (nez, bouche, oreilles, etc.), ainsi que les

dents et le palais. Il existe sur la joue droite une cicatrice superfi-

cielle dont la présence est expliquée par un de ses tics qui consiste

à projeter sa langue sur la joue et à essuyer ensuite de la main

l'humidité laissée par la langue. Le tronc et les membres sont

réguliers et n'offrent plus aucune des déformations rachitiques

qu'elle a eues dans son enfance.

212 RECUEIL DE FAITS.

Les aisselles, le dos, le ventre sont glabres. Il y a seulement

quelques poils rares et courts sur le pénil et les grandes lèvres; les

petites lèvres, triangulaires, sont très courtes ; le clitoris est

moyen ; l'orifice de l'hymen est circulaire, non frangé. Les seins

sont à peine naissants. La malade n'est pas réglée.

La sensibilité générale et spéciale, les fonctions digestives, etc.

s'exécutent bien. Les différents viscères sont normaux. Pas de

mauvais instincts ni de phobies. Sentiments affectifs peu déve-

loppés ( ? ). D'après une tante paternelle, la mère de V...,'très ner-

veuse, très bavarde, et sa fille « se disputaient comme deux

gamines ». Sommeil calme, prolongé. Voix souvent rauque, voilée ;

la parole est libre. L'intelligence est au-dessus de la moyenne. Il

n'y a de retard, au point de vue de l'écolage, que par suite d'une

fréquentation irrégulière de la classe.

Les membres supérieurs sont constamment agités, exécutant des

mouvements de préhension, se portant au visage, etc. L'enfant se

frotte énergiquement les paupières. Quelques secondes après, elle

remue brusquement l'un ou l'autre bras, sans but défini. Si on lui

fait tenir un objet des deux mains, on voit les doigts s'allonger

démesurément, d'une manière convjlsive. Souvent aussi les avant-

bras font tout à coup un mouvement de pronation.

Les membres inférieurs, eux aussi, sont animés de mouvements

brusques, violents. La malade frappe des pieds, surtout du droit,

comme un cheval impatient qui piaffe. Au moment même où s'ac-

complit ce mouvement de la jambe, un des bras ou les deux sont

portés dans une des différentes attitudes signalées plus haut. Les

paupières clignent, les dents grincent, un mouvement respiratoire

bruyant a lieu soudain. Tous ces mouvements sont incoordonnés,

rapides, involontaires, se répétant sans rythme, à des intervalles

variables. La course, le saut s'exécutent bien. Dans la marche, elle

frappe des pieds, principalement du droit.

Traitement. Sirop d'iodure de fer, capsules de bromure de

camphre, hydrothérapie, gymnastique, école et ouvroir.

1901. Même traitement, et, en outre, huile de foie de morue.

V... est très propre, sa tenue ne laisse rien à désirer; elle

est adroite pour la couture, très agile pour la gymnastique. Elle

travaille assez bien en classe, mais comme elle exige un peu

trop d'immobilité, elle s'impatiente facilement, tape sur les tables.

Elle aime tout ce qui demande beaucoup d'exercice. Elle est

heureuse qu'on s'occupe d'elle, fait tout ce qu'elle peut pour se

rendre intéressante, parait satisfaite quand on cause d'elle. Son

caractère est plutôt doux, gai, affectueux.

1902. Janvier. Persistance des mêmes tics et de la coprolalie.

L'enfant fait des efforts pour se retenir; elle y parvient parfois

. MALADIE DES TICS ; GUÉRISON. 213

pour la coprolalie, surtout quand elle est en présence de personnes

qu'elle ne connaît pas. Progrès notables pour les ouvrages

manuels et à la gymnastique.

Voici la description aussi exacte que possible des tics de notre

malade :

Le cuir chevelu glisse en arrière, le front se plisse transversale-

ment et verticalement. Les paupières des deux côtés clignent,

s'ouvrent, se ferment vigoureusement (ces tics ne sont légitimés

par aucune affection des paupières ni des yeux) et en même temps

les muscles du nez et des joues se contractent,, tantôt d'un côté,

tantôt de l'autre, mais plus à droite, et la bouche s'allonge trans-

versalement ou s'ouvre démesurément ; la langue sort violemment

de la cavité buccale, se mettant en tire-bouchon, se portant vers

la droite, léchant la commissure labiale et la région avoisinante de

la joue ou sur la lèvre supérieure, ou sur le menton ; aussitôt que

la langue a passé sur la joue ouïes lèvres, V..., d'un revers de

main, essuie la salive (parfois la région mouillée s'ulcère), secoue

la tête, soulève les épaules subitement et très fortement, en même

temps que la tête s'incline vers l'une des épaules avec un mouve-

ment de rotation, comme si elle voulait y essuyer sa joue. Souvent

aussi, mais d'une façon moins brusque, elle porte la main à son

oreille, exécutant le geste des femmes qui, d'un tour de main, re-

mettent en place les boucles de cheveux tombant sur leurs oreilles.

Même geste de la main vers les yeux qu'elle frotte vigoureusement.

Les mouvements de la main n'ont pas eu, devant nous, la brus-

querie des autres mouvements tiqueux. Elle fait entendre un bruit

d'aspiration semblable à celui que font certains fumeurs en allu-

mant leur pipe, elle aspire en claquant des lèvres. Elle renifle

fortement, tousse très souvent, fait claquer sa langue contre le

palais. Elle produit, en aspirant et en écartant brusquement ses

lèvres, un bruit ressemblant à celui d'un baiser. Tous ces bruits

et tous ces mouvements sont brusques, rapides, involontaires et

ont bien tous les caractères des tics. Si on porte son attention sur

les mains, on les voit brusquement et involontairement se mettre

en pronation, en supination, s'ouvrir et se fermer. Avec ses pieds

elle frappe le sol. Quelquefois, elle lance si fortement en avant son

pied fléchi que le genou semble vouloir atteindre la tête qui s'a-

baisse en même temps.

On note également un mouvement de rotation de la tête, le

menton se portant à droite ou à gauche par suite d'une violente

contraction des sterno-cléido-mastoïdiens. Elle se giffle, elle se

frappe le flanc avec le coude, elle tourne précipitamment les fesses

de droite à gauche, elle sourit, siffle comme une locomotive,

renifle comme un cheval, sautille comme une chèvre, elle pousse

parfois des cris perçants, aigus; d'autres fois elle grogne, mugit.

Elle présente, en outre, à un haut degré, la coprolalie : « Merde,

214 RECUEIL DE FAITS.

hou ! cou ! ah ! vache ; aie ! putain, hue ! cul, etc.. », sont des mots

qu'elle profère très souvent. Ce langage grossier est en désaccord

avec l'éducation convenable qu'elle a reçue et contraste avec son

air doux et timide. Nous devons faire remarquer que la coprolalie,

très accentuée en temps ordinaire, a toujours disparu en la pré-

sence de l'un ou de l'autre de nous.

V... offre également le phénomène de l'écholalie. Elle répète la

fin de certains mots ou certaines syllabes de ces mots, mais elle

fait une sorte de sélection; guidée par son besoin de coprolalie,

elle choisit les syllabes qui sont grossières ou qui, un peu modi-

fiées, rappellent une expression grossière : c'est plutôt une forme

de coprolalie qu'une véritable écholalie.

Exemples : S'il s'agissait d'une observation faite à une enfant,

elle la répétait tout en y ajoutant un de ses mots familiers. Disait-

on à une petite de marcher sur le bitume, elle répétait : « Oui,

marche sur le bitte, bitte au cul, bitume », et en même temps

elle tournait ses fesses de droite et de gauche tout en avançant son

corps en avant.

Un jour, en promenade, on commande aux enfants de ramasser

des pissenlits le long de la route ; V... se mit aussitôt en devoir de

faire ce qui était commandé. En ayant trouvé un très gros, elle le

porte à la surveillante en disant : « Oh ! Mademoiselle Berthe. le

beau pissenlit ! prenez ! merde, con; cul, vache ! » et ceci dit avec

une volubilité extraordinaire, tout en tirant la langue et ouvrant

démesurément la bouche.

A l'ouvroir, la maîtresse ordonne à une enfant de rabattre les

coutures, aussitôt V... s'écrie : « Bitte rabattue ! couture rabattue ! »

tout en rejetant l'ouvrage qu'elle tenait et en se donnant une claque

au visage. On fait une observation à une compagne de ne pas se

contrarier entre elles, Georgette reprend : « Oui, con,'conressional,

se contrarier » et elle secoue, en même temps, ses membres supé-

rieurs. Ces expressions, ces mots, ont toujours été spontanés,

impulsifs, sans la moindre recherche.

A la classe, les mots de ce genre surgissaient à chaque instant.

Faisait-on une leçon sur le système métrique, les mesures cu-

biques, les nombres complexes, etc., elle répétait ces mots en y

ajoutant ceux de son vocabulaire : « Mesures cubiques, bitte au

cul, cubique, nombres complexes et incomplexes, con, cul. vache.

con, complexes. » Elle prenait plaisir à répéter les phrases d'une

dictée en les accompagnant toujours d'un mot grossier, ce qui

était pour les élèves un vrai sujet de distraction ; on se rappelle

entre autre ce mot : « Hubicon », qu'elle a répété avec une into-

nation peu ordinaire en appuyant sur chacun de ces mots : Rubi-

con, cul, con, con, cul, bitte ! ... En même temps elle a relevé ses

jupons jusqu'à la hauteur de sa taille et elle s'est assise précipi-

tamment, les fesses nues. sur son banc, tout en tirant la langue

MALADIE DES TICS; GUÉRISON. 215

et en haussant les épaules. Ces faits se reproduisaient journelle-

ment.

Ses tics ne se présentent pas toujours isolés : ils s'associent sou-

vent, s'accompagnent de jeux de physionomie qui leur donnent

une certaine expression. Quelquefois, en effet, notre malade frappe

du pied, lâche ses mains qui étaient réunies devant elle, hausse les

épaules. Cela ressemble à un geste d'impatience et la figure ex-

prime le même sentiment. D'autres fois, elle hausse les épaules,

tandis que les traits du visage prennent un aspect triste, un air

d'ennui. C'est le soir que les tics sont à leur maximum. Ils dispa-

raissent durant le sommeil.

Nous devons compléter cette description avec les notes recueil-

lies par la surveillante et ses collaboratrices. '

V... rejette la tète tout d'un coup en arrière. Elle mobilise son

cuir chevelu. Brusquement, bien que pudique, elle relève jupes et

chemise. En classe, elle bouscule souvent ses voisines, leur donne

des coups de poing, de coudes, de pieds, et tout cela sans méchan-

ceté, involontairement. Simultanément, exclamations grossières.

Mars. L'enfant est plus agitée, plus excitée que jamais. Ses

mouvements sont de plus en plus brusques et fréquents. A relever

ceci : elle ouvre démesurément la bouche, tire la langue en tous

sens ou bien contracte la bouche, fait des grimaces, etc. Elle saute,

tape du pied avec ardeur, relève sas jupes, fait des contorsions en

marchant, simultanément elle pousse des cris perçants, prononce

des paroles grossières. Durant cette période d'exacerbation tout

travail régulier est difficile : elle coud mal, envoie souvent à

droite et à gauche l'ouvrage qu'elle tient entre ses mains. Elle écrit

mal, fait des taches sur son cahier, ce qui l'impatiente; elle

arrache les pages et pleure.

Bien des particularités seraient à relever dans les antécé-

dents héréditaires. Nous nous bornerons à rappeler les nom-

breux cas de congestion et d'apoplexie du cerveau, le caféisme,

l'alcoolisme, la tuberculose, enfin l'inégalité d'âge con-

sidérable des père et mère, celle-ci ayant près de douze ans

de plus que celui-là.

Nous trouvons réunis chez V... un grand nombre de tics

très divers, compliqués de coprolalie. Les mouvements étaient

brusques, rapides, impulsifs, involontaires. Le lavage par la

langue des joues et des lèvres, puis l'essuyage un peu brutal

déterminaient de la rougeur, des excoriations, et même

des ulcérations des régions humectées. Nul autre accident

concomitant n'est à noter. Malgré ses tics, V... pouvait

chanter, le couplet fini, ils se manifestaient. Les exercices

216 . RECUEIL DE FAITS.

de gymnastique, les mouvements. divers, par exemple, ne

suspendaient pas les gesticulations et les grimaces. Il n'en

est pas de même des exercices respiratoires avec les barres

d'entraînement auxquels nous avons recours depuis long-

temps à l'Institut médico-pédagogique et plus récemment à

Bicêtre qui, en maintes circonstances, nous ont paru avoir

une influence salutaire sur la disparition des tics.

Pendant les premières années, il n'y avait que des mouve-

ments convulsifs, des gesticulations, des cris. La coprolalie

aurait paru peu de temps après une visite à la consultation

de la Salpêtrière. M. Gilles de la Tourette aurait demandé si

Georgette prononçait des mots orduriers. Sur la réponse né-

gative de la mère, il aurait dit : « Eh bien ! elle en dira »

Nous citons le fait sans commentaires.

Les rémissions, incomplètes d'ailleurs, étaient rares. Ce-

pendant, en janvier 1901, les cris, les exclamations et les

mots grossiers avaient relativement diminué. Les mouve-

ments eux-mêmes étaient moins fréquents. Par contre, en

mars 1902, il y a eu une véritable exacerbation.

Une fois par semaine, en mai, nous avons fait venir V...

dans notre cabinet où elle restait à côté de nous pendant

deux heures. Elle était soumise à une sorte de suggestion à

l'état de veille. Les tics persistaient, atténués par ses efforts

pour se retenir. Jamais, au cours de ces séances, elle n'a

prononcé de mots grossiers. C'était là un indice favorable.

Après ces séances, les tics et la coprolalie reparaissaient,

mais sans exagération. Au commencement de juin, les tics

se sont éloignés de plus en plus, les mouvements des mem-

bres et du corps ont disparu presque subitement et, huit

jours plus tard, les tics de la face. Dans les dernières qua-

rante-huit heures l'enfant avait subi une véritable transfor-

mation.

A la demande de sa tante, nous lui avons accordé un congé.

Elle est allée chez des parents en Normandie et, il y a quel-

ques jours, nous avons appris que la guérison se maintenait'.

' A la fin de décembre 1902, il n'y avait pas de rechute.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

lIII° C01VGR1 : S

DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES DE FRANCE

· ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Tenu à Bruxelles, du ler au 8 août 1903

Ouverture du Congrès.

SÉANCE DU le' AOUT

Le XIIIII Congrès des médecins aliénistes et neurologistes

de France et des pays de langue française s'est ouvert à

Bruxelles, samedi 1" août, dans la salle des fêtes du Palais

des Académies. Le ministre belge de l'Agriculture, M. le

baron VAN DER Bmjggex et le ministre de France en Belgique,

M. G>;RARD, présidaient cette cérémonie solennelle, MM. Ditoui-

NEAU, secrétaire général de la section administrative, repré-

sentant le ministère français de l'Intérieur ; BECO, secrétaire

général du ministère belge de l'Agriculture, le gouverneur de

la province de Liège, M. Petit de TIIOZEE, avaient pris place

aux côtés des présidents.

Outre de nombreux médecins belges, un grand nombre de

savants français, suisses, espagnols, allemands, hollandais

et russes étaient venus prendre part aux travaux du Congrès.

La France était brillamment représentée par les professeurs

Joffroy, Brissaud (de Paris); le professeur Pierret (de Lyon) ;

le professeur Pitres (de Bordeaux) ; les Drs Gilbert Ballet,

Bourneville, Vigouroux, Arnaud, Hallion, Chervin, Foveau de

Courmelles, Berillon, Dupré, Klippel, Keraval, H. Meige (de

Paris); A. Marie, Toulouse (de Villejuif) ; Vallon (de l'asile

clinique) ; Cullerre, Giraud, Doutrebente, Viel, Anglade,

Pichenot, Larrivé, Paris, Sizaret, Rayneau, Noguès, D1' Des-

champs (de Rennes); M. Pelletier, chef du service des aliénés

de la Seine ; etc.

Après une allocution d'ouverture prononcée par le ministre

Van der Bruggen, qui a souhaité la bienvenue aux membres

218 SOCIÉTÉS savantes.

étrangers du Congrès et prédit un grand succès et un grand

retentissement à ses travaux, M. Gérard, ministre de France

a pris la parole, il a rappelé tout ce que la Neurologie devait

aux savants français, tant par ses origines,, que par les

méthodes sûres qui ont permis son développement. Il a en

outre applaudi à la bonne confraternité des médecins belges

et français dont la collaboration marquera une date impor-

tante dans l'histoire de la psychiatrie et de la neurologie.

M. le De Drouineau a remercié, en excellents termes, le

Ministre de l'accueil fait au Congrès.

Le président médical du Congrès, M. le professeur Xavier

Fraxcotte, a remercié en quelques mots les deux ministres

du grand intérêt qu'ils portaient aux travaux des congres-

sistes ; puis, selon l'usage, il a donné lecture d'une très

intéressante étude psychologique De la timidité et de ses

particidarilès, qui a clôturé la séance solennelle d'ouverture.

A une heure le Congrès a été reçu à l'Hôtel de Ville par

l'un des échevins, M..., remplaçant le bourgmestre, absent.

Après une allocution cordiale aux congressistes, à laquelle a

répondu le président du Congrès, M. le professeur Francotte,

il a conduit les assistants dans les splendides salles du mer-

veilleux Hôtel de Ville de Bruxelles, leur donnant, chemin

faisant, avec une grande amabilité, tous les renseignements

nécessaires.

A deux heures, il a été procédé à l'installation du bureau;

le Congrès confirme à M. Xavier Francotte, la présidence

générale, puis, sous la présidence effective du professeur

Brissaud, l'assemblée commence ses travaux par la discussion

du rapport de M. CLAuss, sur la catatonie et la stupeur.

Calalonie et stupeur. Rapport présenté par le D1' A. Claus, mé-

decin en chef de l'asile d'aliénés de Mortsel (Anvers).

La question que le Bureau du Congrès de Grenoble a mise à

l'ordre du jour est une des plus vastes et de plus compliquées de

la pathologie mentale. En l'étudiant de plus près, en recherchant

comment la « Catatonie » avait surgi, quelles étaient ses relations

avec les autes formes morbides, quelle était la place qu'elle devait

occuper dans nos classifications, quelles étaient sa valeur, son im-

portance ; si elle devait être considérée comme un symptôme, un

syndrome ou une entité morbide, on s'aperçoit qu'au lieu de se ré-

trécir au sur et à mesure qu'elle progresse, l'étude s'élargit à cha-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 219

que page. En pathologie mentale, plus que dans toute autre science

les phénomènes marbides sont connexes, se lient les uns aux au-

tres, et la catatonie, plus que toute autre manifestation, trouve sa

répercussion dans tous les domaines de la psychiatrie. C'est dans ce

sens que Schuize a dit avec raison : L'étude de la catatonie équi-

vaut à une profession de foi psychiatrique ».

M. Claus ne pouvait évidemment donner à tous les problèmes

que cette question soulève l'attention que chacun d'eux mérite :

son rapport eût pris des proportions considérables et qui, par le

fai : même, aurait nui à la précision des débats. Mais il a fait une

synthèse délicate des travaux aujourd'hui nombreux et souvent

contradictoires d'ailleurs concernant cette si délicate question.

Dans un historique des mieux documentés, il a développé les

tendances diverses auxquelles se rattachent les variantes doctrina-

les en cours dans les différents pays.

Depuis le travail de Westphall, en 187., il a régné eu Allemagne

une activité intellectuelle énorme. Si les luttes d'école ont paru à

certains moments un peu spéculatives, il s'est fait un travail im-

mense, qui a eu pour résultat de pousser à l'analyse, à l'obsrvation

suivie des différentes affectations psychiques, et a amené ainsi la

constitution de types morbides, tel celui de la démence précoce.

dans laquelle se renferme actuellement la folie catatonique. L'hon-

neur de cette bataille revient en grande partie à l'école d'ileidel-

berg, qui s'est largement inspirée des travaux de Kahlbaum et de

Hecker, et dont le représentant le plus autorisé est le professeur

Kraeplin. Est-ce cette école qui nous aura enfin donné la formule

libératrice sous laquelle, comme le dit le D1' Sérieux, « nous pou-

vons classer nombre de sujets, longtemps considérés comme at-

teints de psychoses diverses, excitation maniaque, dépression

mélancolique, stupeur, catatonie, délires polymorphes des dégéné-

rés, affaiblissement psychique primitif ou secondaire, démence

vésanique » et tant d'autres encore. C'est à l'examen de ce point

que l'auteur consacre ses principaux chapitres.

Après un aperçu général historique, rappelant les travaux de

l'Ecole française, M. Claus divise les écoles contemporaines en trois

groupes. Dans un premier groupe, il range tous ceux qui considèrent

la catatonie comme une entité morbide. Pour un deuxième

groupe, la catatonie ne serait qu'un syndrome morbide commun à

toute une série d'affections mentales et nerveuses. Enfin un troi-

sième groupe d'auteurs y voient seulement une phase de l'affection

démentielle particulière, dite démence précoce.

Sans prendre parti pour l'un ou pour l'autre de ces groupes,

M. Claus fait un rapport qui est une revue très générale de la ques-

tion, sans qu'on puisse lui reprocher un défaut de précision sus-

ceptible de nuire à la discussion.

H a pensé qu'il était plus utile d'exposer la question dans son

220 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ensemble, de montrer les diverses phases qu'elle a suivies, de don-

ner aussi fidèlement que possible l'opinion de chacun.

Pour lui, l'Ecole d'Heidelberg, suivant en cela les traces de Fal-

ret, Kalilbauin, Magnan, a eu le mérite de nous détacher des diag-

nostics du moment- Il est intéressant de constater qu'un malade

est excité, déprimé, stupide, confus, délirant, mais il est autre-

ment intéressant défaire le diagnostic de cette excitation, de cette

dépression, de cette stupeur, de cette confusion, de ce délire. Les

méthodes nouvelles d'observation qui se multiplient, les en-

quêtes qui embrassent la vie entière des malade, l'étude de l'homme

normal, nous font concevoir tous ces phénomènes sous une face

nouvelle. Les symptômes se rattachent les uns aux autres, et les

maladies qu'ils mettent en évidence sont conçues d'après la vraie

méthode clinique. A ces points de vue, le syndrome catatonique,

dont sera discutée la valeur, aura rendu de grands services à la

psychiatrie. Il remue de fond en comble toutes les notions que

nous avons acquises, et oblige à un travail immense d'observation

et d'analyse. N'aurait-il eu que ce seul mérite, qu'il faudrait s'en

féliciter.

Quoi qu'il en soit, la « démence précoce » existe. Entrevue par

More), l'illustre aliéniste français, elle a acquis, grâce aux travaux

remarquables de l'Ecole d'Heidelberg, son droit de cité dans la

psychiatrie.

Le rapporteur en développe la symptomatologie, la physiologie

et la pshychologie pathologique, après en avoir esquissé l'étiolo-

gie et la pathogénie générale.

« Après la lecture de ce rapport, on me reprochera, dit-il, sans

doute, d'être un de ceux sub aliéna umbra latentes, qui se tapissent

sous l'umbre estrangièrc, comme traduit Montaigne ou que j'ay

fcaict icy un amas de fleurs estrangières n'y ayant fourni du mien que

le filet à les lier.... Le rôle du rapporteur est peut-être moins de

défendre un bien personnel que de définir la pensée des autres.

a Si de temps à autre, trop souvent peut-être, il devait m'arri-

ver.... de m'écarter de cette voie, prudente dans l'espèce, ne jugez

pas avec trop de sévérité, mais dicutez largement. Du choc des

idées, la lumière jaillira et le Congrès de Bruxelles sera pour tous,

comme ses devanciers, une école d'enseignement et d'estime réci-

proque. »

M. Ballet (de Paris). - L'évolution des idées qui s'est poursui-

vie en Allemagne depuis un certain nombre d'années, et qui a

abouti à l'introduction, dans le groupe des maladies mentales,

d'une nouvelle entité morbide, la démence précoce dont la cata-

tonie de Kahibaum constituerait la variété la plus importante, me

semble avoir été acceptée un peu trop facilement, sans qu'on ait

apporté dans l'examen de cette doctrine l'esprit critique qui, en

SOCIÉTÉS SAVANTES. 33 {

matière scientifique, ne doit jamais perdre ses droits. Avant de

proclamer, en effet, l'autonomie de la démence précoce, il convien-

drait d'en asseoir solidement les bases.

Et tout d'abord, quelle signification faut-il accorder au mort

coce accolé de démence ? Doit-il s'entendre seulement de l'âge au-

quel cette démence l'ait son appariton, ou de la plus ou moins

grande rapidité de son évolution' ? Il semble qu'on doive lui accor-

der cette double signification, puisque cette appellation, qui était

considérée autrefois comme synonyme de celle de folie de la pu-

i)e)'<e, est devenue ensuite, par extension, synonyme de celle de

folie de l'adolescence, et que maintenant on l'applique à des dé-

mences qui ne font leur apparition qu'à l'époque de la maturité

delà vie (démence paranoïdes). Pour ces raisons, le terme de dé-

naeace vésuciqice hc2tiae serait peut-être plus justifié que celui de

démence précoce. Cette question de terminologie écarté, sommes-

nous actuellement en présence d'un véritable type morbide, et sur

quelles bases peut-on l'établir ? Nous manquons encore à cet égard

de données précises. En dehors de la symptomatologie de cette

affection, qui a fait, l'objet de nombreuses descriptions, nous ne

connaissons en effet ni les lésions avec lesquelles elle est en rap-

port, ni les facteurs étiologique qui président à son développement

Or, c'est précisément ce dernier point qu'il importait à mon avis

d'élucider avant de proclamer l'autonomie de la démence précoce.

Cette question a une importance capitale, car s'il était démontré

que la démence précoce constitue réellement une affection indivi-

duelle, reconnaissant des causes propres, c'est une véritable révo-

lution qui s'accomplirait en psychiatrie, et qui bouleverserait tous

les cadres actuels de la médecine mentale en reléguant au dernier

plan les facteurs étiologiques, tels que l'hérédité et la dégénéres-

cence, qui jusqu'à ce jour y ont joué un rôle prépondérant. S'il

était établi, au contraire, que la démence précoce ressortit à la

dégénérescence mentale, qu'elle n'est qu'une des modalités déjà si

nombreuses et si variées d'un trouble de l'évolution du système

nerveux, la question changerait de face et nous ne serions plus en

présence que d'un état dégénératif qui prendrait naturellement

place au milieu du groupe des psychoses de même nom, groupe

dont les frontières ont été, je le reconnais, beaucoup trop reculées,

surtout eu France.

Pour trancher cette question qui, selon moi, est capitale et qui

domine la discussion actuelle, il serait nécessaire de faire appel

non pas aux statistiques globales, comme celle de M. Krapelin,

dans lesquelles on se borne à énoncer le pourcentage des cas où

les malades présentaient des antécédents héréditaires ou des stig-

mates de dégénérescence et ceux où ces facteurs étiologiques fai-

saient défaut, ceux où il s'agissait de sujets normaux, bien doués

intellectuellement avant l'apparition des troubles mentaux, ou au

222 ), SOCIÉTÉS SAVANTES.

contraire de sujets originaux, excentriques ou considérés comme

faibles d'esprit dès leur enfance. Cette méthode est impuissante

à fournir la solution du problème. Ce à quoi il faut s'attacher,

c'est à réunir un certain nombre d'observations dans lesquelles les

antécédents des sujets seront soigneusement recueillis en même

temps que l'évolution de la maladie sera fidèlement enregistrée

avec toutes ses particularités, de façon à ce qu'il ne puisse pas y

avoir le moindre doute sur le diagnostic.

Jusqu'ici ces observations font défaut ; c'est une lacune qui

demande à être comblée, et pour commencer, voici un premier fait

qu'il m'a été donné d'observer récemment et qui confirme et jus-

tifie les considérations précédentes.

Un jeune homme ayant fait des études brillantes, lauréat ds plu-

sieurs concours, etc., présenta à l'âge de vingt-six ans tous les

signes d'un accès de dépression mélancolique, lequel s'accompa-

gna au bout de quelque temps de symptômes atténués de négati-

visme et d'affaiblissement des facultés; finalement le malade de-

vint complètement dément. C'était bien là, on en conviendra le

tableau classique de la démence précoce : l'âge du patient, la façon

dont les accidents avaient débuté, leur caractères et leur évolution,

tout concourait pour faire admettre ce diagnostic. Or, en recher-

chant dans les antécédents personnels et héréditaires du sujet

quelle pouvait être la cause de cette affection, je ne rencontrerai

d'abord que le néant.

Cependant une enquête que je fis quelque temps après m'apprit

que le frère aîné de ce malade avait eu un jour, sans motif, une

altercation singulière avec un des chefs de l'administration dont il

dépendait, et qu'il était devenu par la suite un délirant paranoïde.

Ce premier résultat acquis, je ne tardai pas à découvrir d'autres

tares morbides chez plusieurs membres de la famille. On voit par

ce petit fait qui, isolé, n'a peut-être pas une grande valeur, avec

quelle réserve il faut accepter les renseignements qui nous sont

fournis et de quelles garanties il faut s'entourer avant d'affirmer

l'absence de toute hérédité morbide. Mon malade, quoique non

dégénéré, était un héréditaire, et cela suffit pour affirmer le carac-

tère de non-contingence de ses troubles mentaux.

Je crois donc qu'avant de se prononcer d'une façon catégorique

sur la véritable nature de la démence précoce, il sera nécessaire de

réunir, de grouper un certain nombre de cas bien étudiés, suivis

pendant longtemps et d'en tirer les conclusions qu'ils comporteront.

M. M.\so;N (de Gheel). Je désire examiner, au seul point de

vue de leur pathogénie, certains troubles moteurs qui font

partie du syndrome catanonique : je veux parler des tics, des ges-

ticulations, des attitudes, des actes impulsifs, etc., qui donnent à la

plupart des déments précoces une physionomie si curieuse.

SOCIÉTÉS savantes. 223

Tous ces phénomènes d'extériorisation motrice doiventêtre rap-

prochés, à mon avis, des tics et gesticulations des idiots, et consi-

dérés, par conséquent, comme le produit de l'automatisme céré-

bral. Chez deux catégories de sujets, en effet, ces troubles moteurs

revêtent les mêmes caractères : ils sont exécutés sans but, ne sont

jamais le reflet d'idées délirantes et sont dépourvus de toute signi-

fication.

La seule différence qu'on puisse noter et elle est légère,

c'est que, chez l'idiot, les tics et stéréotypies ont généralement une

étendue moindre que chez l'hébéphréno-catatonique : ils sont loca-

lisés à un membre ou à un segment de membre, tandis que chez

le dément précoce ils intéressent habituellement plusieurs régions

du corps, constituant ainsi une sorte d'association de stéréotypies.

Ce qui plaide encore en faveur de l'origine automatique de ces

stéréotypies démentielles, c'estqu'onles observe dansles états pas-

sagers où définitifs où le pouvoir inhibiteur cortical est atteint, en

d'autres termes dans la plupart des états de stupeur cérébrale

(traumatismes crâniens, hystérie, épilepsie etc..). Du reste, n'ob-

serve-t-on pas aussi chez l'homme normal absorbé par un travail

intellectuel, ou chez certaines personnes distraites, des mouvements

de peu d'étendue, qui s'exécutent à l'insu du sujet, qui n'ont aucune

signification et durent parfois des heures entières sans provoquer

de sensation de fatigue ? L'origine et la permanence de tics, chez

des sujets pour le reste normaux, s'explique, comme l'a montre

M. Meige, par l'absence d'inhibition des centres corticaux supé-'

rieurs sur les centres des étages inférieurs du cerveau et de la

moelle ; or il n'y a aucune raison de ne pas rattacher au même

processus les stéréotypies des catatoniques. 1

Il est un autre ordre de phénomènes également moteurs, qui

pour inconstants qu'ils soient dans la démence précoce, ne méri-

tent pas moins d'être connus. Je veux parler- des crises épilepti-

formes survenant dans la forme catatonique de cette affection, et

dont nous avons, M. Meeus et moi, observé cinq cas sur un total de

soixante-cinq déments précoces. Ces crises apparaissent tantôt à

d'assez longs intervalles, tantôt, au contraire, à intervalles rap-

prochés (une seule journée). Mais éloignées ou rapprochées, ces

crises, outre qu'elles sont rarement identiques aux accès d'épilep-

sie vraie, ne constituent jamais que des manifestations rares, ne

se reproduisant que trois ou quatre fois dans la vie des malades.

H va de soi qu'il ne s'agit pas, en l'occurence, d'épilepsie mé-

connue, ultérieurement suivie de démence, le diagnostic de

démence hébéphréno-catatonique, ayant été soigneusement vérifié

dans ces cas. 0

M. Meige (de Paris). Les anomalies de la fonction motrice

signalées dans les états catatoniques revêtent deux modalités

224 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

principales. La première se traduit cliniquement par une intensité

et surtout une persistance anormale de la contraction muscu-

laire, dont les stéréotypies d'attitude, la flexibilité cireuse, les

attitudes cataleptoïdes représentent des degrés divers. La seconde

se manifeste par la répétition anormale d'une même contraction

spontanée ou provoquée : telles sont les stéréotypies du mouve-

ment, certains tics, les différentes formes d'échokinésie ou d'écho-

praxie.

Ces deux troubles de la fonction motrice existent aussi, à des

degrés variables, dans diverses formes de psychoses et de névro-

ses, et même au cours de certains états pathologiques aigus

(infections, intoxications). Dès lors, il nous semble qu'il y aurait

intérêt à rechercher l'existence de ces phénomènes chez tous les

sujets, de même qu'on explore aujourd'hui l'état de la réflectivité

ou de la sensibilité. On peut, d'ailleurs, commodément, faire cette

recherche en étudiant le « phénomène de la chute des bras». Voici

en quoi il consiste :

On dit au sujet de se tenir debout, les deux bras élevés horizon-

talement, en croix. On se place devant lui en mettant une main

sous chacun de ses coudes ; on lui demande d'abandonner com-

plètement ses bras sur les supports ainsi constitués, et, si l'on

retire ceux-ci, de laisser retomber ses membres complètement

inertes, par leur propre poids.

Normalement, le relâchement musculaire s'obtient aussitôt : on

peut déjà s'en rendre compte au poids des membres soutenus ;

mais surtout, si l'on retire brusquement les mains, on voit les

bras du sujet tomber, suivant la loi delà chute des corps, avec une

vitesse croissante au sur et à mesure qu'ils se rapprochent de la

verticale : c'est un mouvement uniformément accéléré. Rencontrant

alors les cuisses, ils rebondissent et font trois ou quatre oscilla-

tions d'amplitude décroissante. ,

Chez certains sujets, les choses ne se passent pas ainsi. D'abord

les bras étant dans la position horizontale, lorsqu'on vient à reti-

rer les mains qui les soutiennent, la chute ne se fait pas immédia-

tement ; un temps plus ou moins long s'écoule avant que se pro-

duise le relâchement musculaire ; puis lés bras s'abaissent, tantôt

avec une lenteur qui témoigne de la persistance d'une contrac-

tion frénatrice des muscles élévateurs, tantôt avec une brusquerie

qui indique la participation active des muscles abaisseurs.

Dans les deux cas, le relâchement musculaire n'est pas complet,

les membres ne tombent pas selon la loi de la chute des corps, et

lorsqu'ils arrivent au contact de la cuisse, ou bien ils l'effleurent à

peine, ou bien ils y restent appliqués : on ne voit pas se produire

alors les oscillations qui caractérisent la chute des membres aban-

donnés à la seule pesanteur.

En répétant cette expérience clinique plusieurs fois de suite, si

SOCIÉTÉS SAVANTES. 22 ! ) 5

l'on constate toujours ce même phénomène, on peut y voir la

preuve de l'existence d'un trouble de la fonction motrice. Et cette

inaptitude au relâchement musculaire semble bien la conséquence

d'interventions corticales insuffisantes ou inopportunes.

Une seconde expérience clinique, qui peut' se faire dans les

mêmes conditions, donne en outre des indications sur l'aptitude

du sujet à répéter inopportunément la même contraction muscu-

laire : au moment où les mains servent de support aux bras du

patient (auquel on a recommandé d'abandonner passivement ses

membres), on commence par imprimer à ceux-ci une ou deux

légères oscillations de haut en bas. Normalement, les bras suivent

l'impulsion qu'on leur donne et conservent leur inertie lorsqu'on

cesse de les mouvoir. Chez certains sujets au contraire (en général

les mêmes que précédemment), les oscillations continuent à se

produire activement pendant un temps plus ou moins long, après

qu'on a cessé de les imprimer.

M. ARCHAMBAULT (de Tours). J'ai observé un fait qui montre

bien à quel point la sensibilité peut être diminuée chez les déments

précoces. Un homme de vingt-sept ans, atteint de démence hébé-

phrénique et interné depuis trois ans, occupait ses nuits à s'intro-

duire sous la peau des bras, des jambes et du tronc, et cela symé-

triquement des morceaux de fil de fer provenant de son som-

mier.

En lui faisant prendre un bain de propreté, l'infirmier lui vit le

corps couvert de petites plaies : chacune était la porte d'entrée

d'un morceau de (il métallique il y en avait 37 en tout d'une

longueur variant de 3 à 11 centimètres et de 1 millimètre et demi

à 2 millimètres de diamètre. Ces corps étrangers furent extraits

en quatre séances; les incisions au bistouri, parfois longues et

profondes, n'ont jamais amené chez le malade la moindre plainte

ni la moindre réaction de défense : on aurait cru taillader

un cadavre. A deux ou trois reprises toutefois, on a pu remarquer

une légère contraction de la face. Le malade, à ce moment-là dans

une période de dépression et de mutisme, a cependant deux fois

indiqué où se trouvaient encore des morceaux de fer.

Séance du 2 août. Visite de Gheel.

Les congressistes, en grand nombre, sont partis de Bru-

xelles, dimanche à 8 heures du matin pour Gheel où ils sont

arrivés à 10 h. 18. Aussitôt ils se sont divisés en cinq groupes

qui ont visité un grand nombre d'habitations des aliénés sous

la direction de M. le D'' PEETERs, médecin directeur, Bctcck-

Arscmvrs, 2° série, t. XVI. lj

22G SOCIÉTÉS SAVANTES.

mans, médecin principal, CUISENAIRE, 111SOIN et MEEUs, méde-

cins adjoints. La note de M. le D1' Meeus, qui a été remise, à

l'arrivée, à tous les congressistes, permet de se rendre compte

de l'organisation de la Colonie.

Les détails d'une section à la Colonie de Gheel; par le De F. Meeus,

médecin à la Colonie de Gheel.

Dans une colonie quelque peu vaste comme celle de Gheel, il est

sans conteste avantageux de diviser le village en sections. Sous

le contrôle général d'un médecin-directeur, ces sections consti-

tuent des centres autonomes : elles facilitent et améliorent l'admi-

nistration, la surveillance et le service médical. A l'infirmerie ou

dépôt central se concentrent les services administratifs : mais

dans les sections bat réellement le coeur du patronage familial.

La colonie de Gheel est divisée en quatre sections indépendantes

avec, dans chacune, un médecin, deux gardes, et un baigneur qui

demeure à l'établissement de bains. Inutile de décrire ici les mul-

tiples aspects de la section : la visite que les membres du Congrès

feront à la colonie vaudra mieux qu'une longue description. Voici.

comme introduction à cette visite, quelques détails sur ma propre

section et quelques considérations sur le service d'une section en

général.

Ire Section, côté Est. La section s'étend au côté Est delà

colonie et comprend : 1° Toute la paroisse de Bell ; 2° La plus

grande partie de la paroisse de Sainte-Dimphne ; 3° Une partie de 1(i

paroisse de Winkelomlieide.

Elle est traversée au nord par la ligne du chemin de fer Anvers-

Gladbach, et dans toute son étendue par la rivière Grande-Nètbe

et ses nombreux affluents. Bien que sablonneuse, la terre est fer-

tile ; au voisinage immédiat de la rivière, s'étendent des prairies

riches en tourbe. Celle-ci est extraite en grande quantité, comme

combustible.

La section renferme 260 nourriciers. La plupart sont des agri-

culteurs ; au centre de la paroisse de Saint-Dimphne, se rencon-

trent des ménages d'artisans et de commerçants. Les fermes sont

en général d'exploitation moyenne, quatre à six vaches, avec un

boeuf ou un cheval. Les produits sont le seigle, l'avoine, les pom-

mes de terre, la betterave fourragère, etc., mais les paysans

cherchent surtout des bénéfices dans les produits de l'étable :

beurre et élevage.

La moralité des nourriciers est bonne. Cette section constitue

le noyau le plus ancien de la colonie, puisque c'est autour de

l'église et dans la paroisse de Sainte-Dimphne que furent reçus,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 -1

logés et soignés les pèlerins aliénés 1. Elle renferme 389 aliénés,

classés comme suit :

28 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sur le carnet à la date du jour, et y joint son propre rapport, une

feuille volante sur laquelle se trouve le nom du hameau visité et

les noms des aliénés qui sont mariés. Avec leurs carnets et le rap-

port journalier du médecin, les gardes.se rendent chez le médecin-

directeur qui contrôle et donne au besoin des indications au garde

et des ordres en retour au médecin.

Généralement, c'est aussi le médecin qui correspond avec les

familles, il garde les adresses des familles qui sont en correspon-

dances régulières avec des aliénés traités dans sa section, et en

cas de maladie, avertit les proches. ' 1

Tous les trois mois, le médecin fait un rapport sur les fondions

génitales des femmes, et cela en vue d ''éviter les grossesses mé-

connues. Tous les trois mois, il adresse en plus au médecin-direc-

teur un rapport complet sur tous les détails du service de la sec-

tion. Il tient sous sa responsabilité les feuilles d'observations de

tous les malades de la section et y inscrit les modifications que

subit l'état physique ou mental de l'aliéné. Il tient, enfin, un ! 'e-

gistre où sont inscrits les noms des nourriciers, les noms des alié-

nés et la nature de la maladie mentale.

Toutes les semaines, à un jour fixé pour chaque section, il y a

distribution d'habillement aux nourriciers. Le garde, dans sa tour-

née, fait le relevé des habillements à fournir, il remplit un borde-

reau ad hoc, et le signe ; le médecin contrôle le bordereau et le

magasinier l'exécute.

Toutes les semaines aussi, il y a un jour de bains dans chaque

section, Le maître-baigneur avertit les nourriciers dont les aliénés

doivent venir aux bains. Le médecin est présent durant toute la

durée des bains, et inscrit dans un registre, avec la date, les noms

de l'aliéné, la durée et la chaleur du bain, ainsi que le poids de

l'aliéné. Le contrôle du poids est aussi insci dans le livret à visi-

tes, de sorte que le médecin, par comparaison avec les poids

antérieurs, est toujours renseigné sur l'état de nutrition de l'a-

liéné.

Quand un aliéné malade réclame des soins spéciaux, ou encore

quand il se méconduit, ou qu'il devient trop turbulent, le médecin

demande son admission à l'infirmerie, et remplit un bulletin spé-

cialement rédigé à cet effet. A la mort d'un aliéné, le nourricier

vient immédiatement avertir le médecin de la section. Celui-ci

constate le décès, inscrit cette constatation, avec détails s'il y a

lieu, dans le livret à visites, et délivre au nourricier une déclara-

tion du décès. Muni du livret de l'aliéné et de la déclaration du

décès, le nourricier se rend d'abord chez le secrétaire de la Colo-

nie, et puis chez l'officier de l'état civil du village. Une autopsie

semble-t-elle intéressante ou nécessaire, le médecin de la section

avertit le médecin-directeur qui charge deux infirmiers ou deux

gardes d'aller chercher le cadavre. En cas de guérison, le médecin

SOCIÉTÉS SAVANTES. 229

de la section délivre un certificat de sortie : cinq jours après, sauf

contre-avis du médecin-directeur, l'aliéné est renvoyé en famille.

Quand un habitant de Gheel désire être inscrit comme nourri-

cier, il s'adresse au Comité permanent de placement et d'inspection

locale de la Colonie. Ce comité se-compose du bourgmestre et du

premier échevin de Gheel, de trois membres désignés par le Mi-

nistre de la Justice, et de trois médecins de la Colonie, à savoir :

le médecin-directeur et les deux médecins de section les plus

âgés. Les deux autres médecins de section et le médecin-anato-

miste n'en font point partie. Ce Comité délègue le médecin delà

section où habite l'aspirant nourricier, à l'effet de rechercher les

conditions physiques et morales que présente le ménage. Le mé-

decin inscrit ses observations sur un rapport questionnaire et

envoie celui-ci au Comité permanent. Le médecin de la section

est-il un de ces deux médecins les plus âgés de la Colonie, il peut

alors confirmer pratiquement ses observations concernant le nou-

veau nourricier, et lui donner ou lui refuser un aliéné. Au cas

contraire, il n'a aucune prise ni sur ce placement ni sur aucun

autre, ce qui constitue une grave lacune dans l'organisation géné-

rale de la Colonie.

Les membres non médicaux du Comité permanent, de même

que le médecin-directeur, visitent les quatre sections au moins une

fois par an : ils inscrivent aussi dans le livret à visites la date et

leur signature. Enfin, les nourriciers et les aliénés sont encore

vus et inspectés dans le courant de l'année par le Procureur du

Roi de l'arrondissement, par un inspecteur des asiles d'aliénés,

délégué par le Ministre de la Justice, et par l'aumônier.

La pension est payée aux nourriciers après chaque trimestre,

quand il s'agit de la pension d'aliénés appartenant à des familles

aisées, et après chaque semestre, quand il s'agit d'aliénés secourus

par le Fonds Commun. La pension des aliénés aisés varie entre

quatre cents francs et deux, trois mille francs et plus. La journée

d'entretien des indigents varie suivant les soins que l'aliéné réclame.

Il y a trois classes, celles des aliénés propres, celle des demi-

gâteux et celle des gâteux ; la journée d'entretien s'élève respecti-

vement à 65 cent., à 85 cent., et set fr. 1.05. Quand un aliéné pro-

pre devient gâteux par l'âge ou les progrès de la maladie, le mé-

decin de section propose au Comité permanent de le changer de

catégorie.

Laissant les 25 pensionnaires riches dont la pension varie avec

l'aisance même de leurs familles respectives, je trouve parmi mes

364 aliénés indigents : 54 propres, 155 demi-gâteux, 145 gâteux.

Voici donc quelques indications générales- sur le service d'une

section à la Colonie de Gheel : elles constituent une aride énumé-

ration de rapports, un squelette.- J'espère pourtant qu'elles inté-

resseront les membres du Congrès parce qu'elles montrent la

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

trame cachée du patronage familial des aliénés à Gheel. Autour

de ce squelette, de cette charpente cachée dont on ne soupçonne-

rait point l'existence, tant les diverses parties s'engrènent d'une

façon discrète, autour de tout cela il faudrait maintenant vous

décrire la chair et les viscères : c'est-à-dire l'action continue et

réciproque du médecin, du garde, du nourricier et de l'aliéné dans

leurs rapports quotidiens, vous montrer la sollicitude des uns. le

bonheur relatif des autres, et finalement le bien général qui en

résulte tant pour l'aliéné que pour l'habitant de Gheel. Mais tout

cela sort évidemment du cadre des considérations que je me suis

proposées dans cette notice. Il me reste pourtant à dire quelques

mots des accidents. Ils sont relativement rares à la Colonie de

Gheel, bien que les aliénés soient exposés comme tout le monde à tous

les accidents de la vie ordinaire. Cela tient sans doute au person-

nel nombreux de surveillants dont nous disposons. Eu égard aux

conditions séculaires de Gheel, on peut dire que réellement les

dix-huit cents aliénés sont surveillés par tout un village dont la

population s'élève à 13 000 âmes. Depuis six ans que je suis en

service à la Colonie, je compte, pour tout le territoire de ma sec-

tion, comme accidents graves, une mutilation de la main dans

l'engrenage d'une machine à battre le blé, deux fractures de cla-

vicules, une fracture de la jambe (ces trois fractures à la suite de

chutes), et une asphyxie par fausse déglutition chez une idiote.

A une heure, tous les groupes étaient réunis pour le

déjeuner, après lequel a eu lieu la visite de l'infirmerie. Le

directeur de la Colonie, le Dr Peeters, ses médecins collabo-

rateurs, MM. les D5 Boeckmans, Cuisenaire, Masoin, Meeus,

ont, au cours de la visite, donné, avec une très grande obli-

geance, les explications les plus détaillées.

SÉAXCE du 3 août (matin).

Histologie de la paralysie générale ; Rapport présenté par M. le

Dr Klippel, médecin des hôpitaux de Paris.

Conclusions : Les lésions dans leur nature. Un syndrome ne

correspond ni à une même cause pathogène, ni à une lésion uni-

que. Il relève d'une même localisation et d'une même modalité de

réaction, sous des causes et des lésions diverses. La paralysie géné-

rale est un syndrome. La paralysie générale commence et finit là

où commence et où finit le syndrome clinique. Trois groupes de

paralysies générales s'observent. Le premier se caractérise par des

lésions inflammatoires pouvant aller jusqu'à la diapédèse la plus

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

marquée. (Paralysies générales inflammatoires). Dans le second,

la même encéphalite inflammatoire est en évolution sur des lésions

préalables et apparaît comme une infection secondaire. (Paralysies

générales associées). Le troisième comprend des lésions purement

dégénératives, de causes diverses, à l'exclusion de toute inflam-

mation marquée sur la diapédèse vasculaire. (Paralysies générales

dégénératrices.) · ·

Dans le groupe de l'encéphalite inflammatoire, on peut distinguer

un processus marqué surtout par l'hyperhémie avec active exsuda-

tion et une inflammation avec diapédèse intense. Mais les deux

formes s'entraînent étroitement et la seconde peut sans doute être

la suite de la première. Ces lésions n'offrent aucun caractère de

spécificité. On n'y saurait déceler aucun de ceux qui ont été assi-

gnés aux lésions syphilitiques certaines. ni comme topographie no-

dulaire, ni comme évolution rapidement caséeuse. Mais on peut

encore appuyer davantage cette manière de voir, si l'on considère

comment se présente la syphilis encéphalique avérée, suivant la

date à laquelle elle se produità partir de l'infection parle chancre.

Plus les lésions sont précoces et plus elles sont diffuses; ainsi les

cas de méningites occupant une large étendue, les artériopathies

très multiples, tant dans l'encéphale que dans la moelle, sont rela-

tivement précoces, par opposition avec les gommes tout à fait cir-

conscrites et isolées, dont l'apparition est beaucoup plus tardive.

De sorte que, plus la virulence décroit, plus les lésions sont circons-

crites et localisées. Alors, si l'on voulait admettre la nature syphi-

litique de l'encéphalite paralytique, il faudrait concevoir qu'une

infection qui frappe le cerveau en toutes ses parties, qui atteint les

méninges, les ventricules, qui envahit le mésocéphale, désorganise

la moelle par la diffusion la plus complète et qui aboutit en deux

ou trois ans à une issue fatale, à pareille évolution au moment où

sa virulence est du moindre degré ! '

Il est vrai qu'en accordant une grande part à la syphilis, beau-

coup d'aliénistes en sont venus à définir la paralysie générale

une maladie parasyphililique. Alors, je demanderai à ces auteurs

quelle estla nature de cette maladie qui est parasyphilitique. S'ils

admettent qu'elle est une infection banale favorisée par une syphi-

lis antérieure, je suis d'accord avec eux pour un bon nombre de

cas.

L'encéphalite paralytique inflammatoire apparaît comme un pro-

cessus infectieux très banal et c'est l'une des multiples raisons qui

m'ont servi à lui assigner une origine correspondante. Malgré de

nombreuses tentatives, on n'est jamais arrivé à trouver un crité-

rium histologique pouvant faire distinguer de telles lésions de celles

des autres inflammations de même pathogénie. Il n'est pas jus-

qu'aux cellules dites « mastzellen » qu'on puisse rencontrer comme

dans les inflammations d'autres tissus.

232 SOCIÉTÉS SAVANTES.

S'il existe des différences par rapport ci l'inflammation des autres

organes, celles-ci ne peuvent tenir qu'à des différences de tissu, non

à des différences de causes ou de nature.

Trop peu d'auteurs ont admis jusqu'ici la nature infectieuse ba-

nale de l'encéphalite paralytique, pour que je n'y insiste pas en-

core. Il n'est pas douteux que les encéphalites aiguës dont la nature

infectieuse- est admise, ne donnent lieu à des lésions très analogues,

parfois identiques, à celle des paralytiques généraux. Ces analogies

vont plus loin que l'hyperhémie et que la diapédèse. Les mêmes dé-

générescences hyalines des vaisseaux qu'on trouve ici, Manasse les

décrit dans les maladies générales fébriles; Klebs les note dans la

chorée. M. Pierret écrit que, dans l'encéphalite grippale. les leuco-

cytes pénètrent les espaces lymphatiques et viennent se mettre eu

contact avec les cellules nerveuses elles-mêmes. Les hémorrhagies

miliaires formées de globules rouges et coïncidant avec la dégéné-

rescence hyaline, que Bischotr constate dans le délire aigu et que

tant d'autres décrivent dans les infections cérébrales, viennent en-

' core compléter les analogies. L'un des arguments que j'ai souvent

l'ait valoir en faveur de cette origine infectieuse est la possibilité de

toutes les transitions entre le délire aigu et les formes les plus len-

tes de la paralysie générale.

D'autre part, c'est l'absence fréquente de microbes que l'on pour-

rait invoquer. Mais, qui parle d'infection microbienne incrimine les

toxines de ces microbes et, dans beaucoup d'infections cérébrales,

même dans des abcès, dont l'origine infectieuse ne fait de doute

pour personne, les cultures peuvent demeurer stériles surtout quand

il s'agit du pneumocoque, dont l'évolution est plus rapide et qui

parait être l'un des agents pathogènes de la paralysie générale.

Pourquoi exigerait-on pour cette maladie que l'agent causal se

montrât avec une persistance et des caractères qu'il ne comporte

pas dans d'autres cas pathologiques' ?

Enfin, comme dernier argument, j'ajouterai que, souvent, le pa-

ralytique général se montre nettement infecté quant à l'ensemble

de son organisme, c'est-à-dire en dehors de son système nerveux

et cela, pendant tout le cours de sa maladie, ce que peut démon-

trer soit l'examen bactériologique des urines, soit la toxicité du

sang et les troubles de l'équilibre leucocytaire combiné à la pré-,

sence de globules rouges à noyau.

Un second groupe de paralysies générales comprend celles ou

l'encéphalite est venue se greffer, à titre d'infection secondaire,

sur des lésions encéphaliques préalables. Telle est la paralysie gé-

nérale des alcooliques.

L'encéphale de tous les alcooliques chroniques, qu'ils soient ou

non paralytiques, présente des lésions spéciales : atrophie et dégé-

nérescence granulo-graisseuse et pigmentaire des éléments nerveux

et des artérioles à tunique lymphatique de l'écorce cérébrale. Les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 233

cellules hépatiques, celles du rein et du myocarde sont souvent

atteintes d'une façon analogue. Pour ce qui est de l'encéphale, ces

lésions sont le fond commun sur lequel viennent se greffer les in-

fections et les auto-intoxications aiguës ou subaiguës, qui entrai-

nent les différents délires des alcooliques, delirium tremens, rêve

prolongé l'état de veille, etc. Telle est aussi la paralysie générale

des arthritiques artérioscléreux. Encore ici l'encéphalite apparaît

comme greffée à titre d'infection secondaire sur les lésions atrophi-

ques et dégénératives des éléments nerveux et des capillaires de

l'encéphale, qui sont fréquentes dans l'artériosclérose. On peut en

ces cas rencontrer de l'athérome jusque sur les gros vaissseaux de

l'encéphale et on en trouve toujors sur quelque point du système

vasculaire envisagé dans son ensemble. Telle est la paralysie géné-

rale associée des tuberculeux. La méningite tuberculeuse chroni-

que, avec cellules géantes et bacilles de Loch dans l'exsudat, ou

bien seulement des dégénérescences des éléments nerveux sont ici

les lésions préalables. Telle est la paralysie générale associée aux

tumeurs de l'encéphale. L'inflammation est fréquente autour des

tumeurs de l'encéphale et l'infection y a sans doute sa part; la fiè-

vre, le délire, les attaques épileptiformes, le coma, en sont la con-

séquence. Mais, au lieu d'être localisé et aigu, le processus infec-

tieux peut être diffus et chronique. Les néoplasmes syphilitiques

ou autres sont, en ce cas, les lésions préalables, les points d'ap-

pel de l'infection secondaire. Telle est la paralysie générale associée

des tabétiques. Jendrassick a démontré qu'on rencontrait souvent

dans le tabes des dégénérescences des tubes nerveux de l'écorce

cérébrale. Ces lésions sont tabétiques.

Aussi faut-il conclure que les alcooliques, les artérioscléreux,

les tuberculeux, etc., présentent des lésions encéphaliques distinc-

tes par leur origine et préalables et sur lesquelles vient se greffer

l'encéphalite paralytique, sans se confondre avec elles.

Dans un troisième groupe, l'examen histologique ne révèle que

des lésions dégénératives à l'exclusion de toute inflammation mar-

quée par la diapédèse. Les maladies qui en sont les causes sont les

mêmes que celles qu'on retrouve dans la paralysie générale asso-

ciée, l'alcoolisme, l'arthritisme, la tuberculose. la syphilis. Si

.'auto-infection y intervient aussi, du moins ne produit-elle pas les

lésions inflammatoires indiquées dans le groupe précédent. S'il

existe des érosions, celles-ci ne sont pas de même pathogénie, car

l'inflammation oblitérante avec diapédèse fait ici défaut. Ces éro-

sions sont le résultat de la désintégration corticale par dégénéres-

cence, non par inflammation. Si les méninges sont épaissies, on

n'y rencontre pas davantage l'inflammation diapédétique. Quel-

ques-unes de ces formes ont été décrites sous le nom de pseudo-

paralysies générales. Pour ma part, j'ai tantôt employé ce der-

nier terme pour accuser l'opposition des lésions avec celles des

234 i SOCIÉTÉS SAVANTES.

formes inflammatoires, tantôt celui de paralysies générales dégéné-

2-tili-ves.

Dans ce même groupe, des encéphalites dégénératives diverses

ont encore leur place. Telle est la paralysie générale dégénérative

des tuberculeux dont j'ai rapporté les lésions à l'action des toxines

d'une tuberculose pulmonaire ayant en ces cas une marche lente et

parfois latente. Telle est la paralysie générale dégénérative des al-

cooliques. Ces deux dernières s'accompagnent parfois de lésions

prédominantes à la périphérie, d'où les termes dé pseudo-paraly-

siens générales névriliques qui, leur sont applicables en pareil cas.

Telle est la pseudo-paralysie générale par lésions syphilitiques mul-

tiples, admise par un certain nombre d'auteurs.

Par les analogies anatomiques et pathogéniques et c'est là

une conclusion générale entre les trois groupes qui viennent

d'être tracés, il n'y a pas de séparation absolue. Déjà, dans le deu-

xième groupe, nous voyons prédominer les dégénérescences diffu-

ses qui ont précédé les lésions inflammatoires, tandis que ces der-

nières s'accusent de moins en moins dans la longue série des cas,

par rapport à ce qu'elles sont dansles formes les plus franchement

inflammatoires, des encéphalites paralytiques. De telle sorte que

le troisième groupe se trouve insensiblement relié au second et

par ce dernier fait et parce qu'ici encore nous retrouvons les toxi-

nes de l'infection ou celles des auto-intoxications comme causes des

lésions.

Ces analogies et ses transitions insensibles, jointes à l'identité des

symptômes et de l'évolution, sont une raison pour affirmer l'exis-

tence d'un syndrome paralytique, qui n'a pu être constitué que par

la distinction préalable des groupes et qui par conséquent implique

cette distinction.

II. Les lésions dans leurs conséquences.L'histologie arrive sou-

vent à constater dans l'encéphale des lésions qui sont à la fois io-

rilaliues et destructives et qui peuvent servir à l'interprétation des

symptômes notés pur la clinique. L'irritation, ou l'inflammation,

se traduit par l'hyperhémie active, la tuméfaction des cellules ner-

veuses, les figures de karyokinèse, le contact des éléments nerveux

avec des exsudations ou des cellules embryonnaires, les proliféra-

tions endothéliales et névrogliques, la diapédèse.

Les lésions destructives, qui sont l'aboutissant des précédentes,

sont marquées par l'atrophie du neurone en toutes ses parties, le

corps de la cellule, les prolongements neuraux et surtout les den-

drites. De ces lésions, les premières pervertissent le mode de l'acli-

vité ; les secondes restreignent les connexions fonctionnelles entre les

différents éléments de l'écorce et de l'axe cérébro-spinal.

Les premières sont à l'origine du délire; les secondes ont pour

conséquence la démence. Les lésions irritatives, résultat de la toxi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. * 23S

infection, entraînent l'hyper-excitabilité de faiblesse à laquelle il

faut rapporter l'état de suggestibilité et particulièrement celui qui

chez le paralytique, est dominé parlacinesthésie (hypocondrie,

mégalomanie). Tandis que dans les intoxications plus aiguës, cette

même suggestibilité trouve ses facteurs dans la sphère des nerfs

sensoriaux (délire de rêve).

Les autres symptômes ne sont pas moinsjusticiables de la dou-

ble lésion, irritative et destructive, dont le délire et la démence

sont les résultats respectifs. Une même toxi-infection, en ce qu'elle

excite en détruisant, est par elle seule capable de produire les deux

lésions, irritative et destructive, et par là les deux groupes de symp-

tômes qui y correspondent respectivement. Mais il faut reconnaître,

notamment pour le second groupe, et les travaux de M. Régis sont

d'accord sur ce point avec les miens, que le paralytique trouve

dans son organisme des occasions multiples de subir les influences

nocives d'une auto-infection ou d'une auto-intoxication surajou-

tées.

III. Les lésions dans leur évolution. L'une des questions qui a

le plus préoccupé les auteurs est de savoir par quel tissu névro-

glie, vaisseaux ou éléments nerveux débute le processus mor-

bide. On voit de suite que l'importance de cette localisation pri-

mitive est de pouvoir fixer plus exactement la nature de la mala-

die.

Sans prétendre marquer le point de départ très précis des lésions

ce qui semble fort difficile, je crois pour ma part qu'il est impos-

sible, en raison des acquisitions les plus certaines de l'histologie,

de continuera définir la paralysie générale : une sclérose diffuse, une

encéphalite scléreuse ou névroglique, ou ci l'aide de toute terminologie

équivalente. D'une part, en effet, la lésion des vaisseaux est la

diapédèse et non la sclérose. Ces deux termes définissent aujour-

d'hui des processus qu'on ne peut plus confondre. Quelques histo-

logistes admettent, il est vrai, que le leucocyte peut subir une

transformation en fibre conjonctive fusiforme et aboutir ainsi à un

tissu fibreux. Je n'y contredis pas. Mais, comment définir une ma-

ladie d'après une lésion qui en serait l'aboutissant à la fois ultime

et si rare, qu'après que la paralysie générale a traversé toutes ses

phases cliniques, l'histologie n'arrive pas à le reconnaître ?

D'autre part, la maladie ne serait pas mieux définie par les

termes de sclérose névroglique, qu'on a substitués à ceux de sclé-

rose conjonctive. Cette définition, si l'on s'en rapporte à la pensée

des histologistes qui l'ont admise, implique que, tout d'abord, la

névroglie prolifère et que son développement croissant en vient à

étouffer les éléments nerveux et à envahir les vaisseaux. S'il en

était ainsi, la définition serait des plus exactes. Mais, les autopsies

les plus précoces démontrent, avec toute l'évidence possible, que

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les vaisseaux et les éléments nerveux sont souvent altérés, alors

que la névroglie, à peine augmentée, ne saurait en aucune façon

rendre compte de leurs lésions. Et puis, si c'était la névroglie qui

venait à s'accroître Jsotément, la maladie n'apparaitrait-elle pas

comme une néoplasie (glycose diffuse) plutôt que comme une

inflammation banale' ? Ne devrait-on pas admettre alors une ano-

malie évolutive de la névroglie, à peine favorisée par les causes

les plus banales, plutôt qu'une inflammation telle qu'en produit

toute infection, toute intoxication ? Mais, je le répète, c'est surtout,

d'après l'opinion actuelle, sur les vaisseaux et les éléments nerveux

eux-mêmes que se fixe le processus dès le début.

On pourrait encore se demander si le stade initial varie suivant

les cas et en particulier si les formes inflammatoires ne sont pas

tout d'abord des tascitla7,ites et les formes dégénératives des dégé-

nérescenees nerveuses primitives. Mais, dans ces dernières formes,

j'ai toujours trouvé des dégénérescences des vaisseaux analogues à

celles des éléments nerveux et, par conséquent, il est aussi difficile

de conclure ici que là.

On sait que la cellule nerveuse est un organe complexe, com-

prenant des fibrilles différenciées intra et péri-protoplasmiques et

un protoplasme dénutrition. Si l'on admet que cette cellule est

tout d'abord lésée, un nouveau problème se pose aussitôt et dont

l'importance ne saurait échapper. La maladie est-elle une lésion

primitive des réseaux fibrillaires décrits par Bethe, Apathy, Held,

Danaggio, qui, en s'altérant, entraînent des réactions pathologi-

ques de la part du protoplasme de nutrition, des canalicules de

Holmgren, du réseau endocellulaire de Golgi, des formations spi-

rémateuses de Nelis; ou bien inversement ? Il y a longtemps que

cette même question a été posée relativement aux fibrilles striées

et au sarcoplasme dans les atrophies et les dégénérescences de la

fibre musculaire. Il ne semble pas que l'histologie puisse, à l'heure

actuelle, répondre à tant de si délicates questions.

En démontrant la multiplicité des races de leucocytes, M. Ran-

vier et surtout Ehriich et ses élèves ont mis à l'ordre du jour l'étude

des variétés correspondantes de la diapédèse. On sait que, dans la

paralysie, on rencontre, dans les artérioles encéphaliques, des cel-

lules d'aspect multiple, dont les plus abondantes sont les mono-

nucléaires (lymphocytes surtout) et les polynucléaires, et que la

proportion en est variable. On peut admettre théoriquement que

dans les formes et dans les phases où l'infection est la plus aigui',

il existe un bon nombre de polynucléaires, que dans les formes et

dans les phases les plus lentes, ce sont les lymphocytes qui abon-

dent, ce qui est la règle habituelle d'après mes recherches.

L'examen du sang des paralytiques, que j'ai pratiqué avec

M. Lefas aux différentes périodes de la maladie, semble confirmer

ces vues théoriques. Au début, l'équilibre leucocytaire du sang est

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237

troublé par une plus grande proportion de polynucléaires neutro-

philes ; à la fin de la maladie, par une prédominance de lympho-

cytes, au moment où, établie définitivement, l'encéphalite suscite

des réactions organiques moins vives, en dehors, bien entendu,

des accès aigus qui la peuvent traverser. Il n'est pas fréquent de

voir s'y joindre des mastzellen, qui apparaissent toujours assez

rares en ces cas. D'après Ehrlich, les mastzellen sont chargées de

réserves alimentaires d'où, dans les inflammations, elles repré-

senteraient un processus ébauché de réparation. Par là on s'expli-

querait assez bien leur rareté dans la paralysie générale. Enfin, les

plasmazellen semblent n'ètrequedesforines dérivées des leucocytes.

La diapédèse des globules rouges subit de grandes variations au

cours des infections et la proportion en est aussi très variable dans

l'encéphalite paralytique, dont elle marque aussi bien le début

que la période terminale. C'est encore en raison de la virulence en

ses degrés, mais aussi des affinités régionales, qu'il faut chercher

a rapprocher les lésions des variétés dans la marche et dans les

symptômes que présentent les différents malades, en particulier

dans les cas qui ont été qualifiés d'atypiques par Stoick. Comme

l'a écrit M. Coulon, dans son récent travail : « on peut déjà con-

cevoir, par la localisation de l'agent infectieux sur telle ou telle

portion de territoire, les formes cliniques que peut revêtir la para-

lysie générale. »

En ce qui concerne la virulence, on rencontre toutes les transi-

tions entre certains délires aigus et les formes les plus chroniques

de paralysies générales. J'ai déjà trop insisté sur ces faits mon-

trant comment la paralysie générale associée des alcooliques était

une même infection secondaire, mais atténuée par rapport à leurs

délires aigus ou subaigus, pour y revenir encore.

. En ce qui concerne les affinités régionales, on sait que, si la

paralysie générale est une maladie caractérisée surtout et avant

tout par la diffusion de ses lésions, ses modes de début sont par-

fois assez divers. Ainsi, les délires, les troubles moteurs corticaux

et bulbaires, les localisations spinales semblant en'quelques cas

évoluer d'abord isolément, impliquent que le processus morbide

peut sévir plus spécialement sur certains territoires de l'axe céré-

bro-spinal. '

Ainsi, la diffusion des lésions commune à tous les cas, le degré

de la virulence, les affinités régionales, relevant soit des toxines,

soit des individus, la plus grande vulnérabilité des éléments les plus

hautement différenciés peuvent nous rendre compte des lésions et

des symotômes envisagés dans leur début et dans leur évolution

ultérieure.

M. ANGLADE (de Toulouse). Les lésions de. la paralysie géné-

rale ne me semblent pas pouvoir être ramenées à une formule

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

aussi simple que paraît le croire M. Klippel. Il est incontestable, en

effet, que si le microscope nous montre, chez les paralytiques géné-

raux du premier groupe de M. Klippel, de l'hyperhémie, de la

diapédèse et de la chromatolyse, il nous fait voir quelque chose

de plus et cela de très bonne heure à à savoir la réaction

névroglique. Les cellules endothéliales et les cellules névrogliques

adjacentes prolifèrent activement, en même temps, et peut-être

même avant, que la diapédèse s'opère. Diapédèse et réaction

névroglique par division directe des noyaux sont deux faits con-

temporains. Par contre-coup ou directement la cellule ner-

veuse s'altère, se désorganise.

Mais le parenchyme cérébral est-il bien le premier atteint, comme

le croit M. Klippel Tel n'est pas mon avis. La lésion des méninges

précède celle de la substance nerveuse. La pacliyméningite,1'arach-

noïdo-pie-mérite sont la règle. La lymphocytose du liquide céphalo-

rachidien, que différents auteurs ont signalée, prouve bien la

précocité des altérations méningées. D'autre part, le microscope

démontre que l'épaississement de la pie-mère est dû à la prolifé-

ration conjonctive, que les adhérences contractées avec l'écorce

sont réalisées par des brides névrogliques de néoformation. La

couche névroglique qui recouvre la zone moléculaire entre en acti-

vité nucléaire. Les prolongements protoplasmiques des cellules

nerveuses reçoivent des excitations anormales qui expliquent les

symptômes de la paralysie générale : suractivité désordonnée,

convulsions, etc.

Au surplus, la clinique ne s'oppose pas à ce que la paralysie

générale soit considérée comme une méningo-encéphalite. Et dans

la moelle, ce qui est aussi la règle, c'est la méningo-myélite. Cela

est incontestable et, je crois même, incontesté : la lepto-myélite

est bien l'origine de la plus grande partie de ces scléroses, cordo-

nales plus que fasciculaires, qui ne peuvent, toutes, être imputées

à des dégénérations systématisées descendantes. Il reste donc à

discuter la nature de cette méningo-encéphalite ou myélite de la

paralysie générale.

Sans doute, elle n'a aucun caractère de spécificité absolue ; et

sur ce point, je suis complètement d'accord avec M. Klippel. L'en-

dartérite oblitérante de la syphilis ne s'observe pas chez les para-

lytiques généraux. Je n'en dirai pas autant de la phlébite avec

infiltration nucléaire des parois veineuses : elle est la règle dans la

moelle des paralytiques. Toutefois, je suis plus exigeant à ce sujet

que les auteurs classiques et je ne veux pas considérer cette lésion

comme absolument spécifique ; mais, dans ces conditions, il faut

se garder d'exclure de l'étiologie des lésions de la paralysie géné-

rale des infections dont nous connaissons encore imparfaitement

tous les processus. Qui peut se flatter de distinguer, à l'heure

présente, les diverses modalités des méningites syphilitiques ou

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

tuberculeuses- dont tout le monde admet la fréquence ? Récem-

ment encore, M. Armand-Delille a réalisé expérimentalement des

méningites tuberculeuses sans bacilles. Il doit y avoir aussi des

méningites syphilitiques d'aspect très variable.

A mon avis, la syphilis et la tuberculose, la seconde au moins

autant que la première, dominent cliniquement l'étiologie de la

paralysie générale. Il est, en effet, très fréquent de constater chez

les paralytiques généraux des lésions tuberculeuses ou syphiliti-

ques. Le microscope nous démontrera peut-être bientôt qu'elles

sont aussi des effets de poisons tuberculeux ou syphilitiques.

M. Pierret (de Lyon). La divergence d'opinions qui sépare

il. Anglade et M. Klippel est plus apparente que réelle. S'il est

vrai qu'il n'y a guère de paralysie générale sans méningite, comme

le soutient M. Anglade, il est non moins certain que cette ménin-

gite ne saurait exister sans encéphalite concomitante. La simul-

tanéité de cette double lésion est pour ainsi dire fatale, étant

donnés les rapports des espaces lymphatiques avec ceux d'Obers-

teiner et l'origine toxi-infectieuse de la paralysie générale. Quant

à cette encéphalite, il est incontestable qu'elle intéresse la névro-

glie, mais ce serait une erreur de croire qu'elle peut exister clini-

quement en respectant les éléments nobles. Ceux-ci, au contraire,

sont très vraisemblablement atteints les premiers, car il est impos-

sible de concevoir un trouble sensitif, moteur ou psychique, sur-

venant en dehors de toute altération dynamique ou somatiqne des

neurones.

Par conséquent, sans nier la participation de la névroglie au

processus anatomo-pathologique de la paralysie générale, je crois

que les altérations de cette substance sont secondaires et acces-

soires, et que le premier rôle revient aux lésions des fibres et des

cellules nerveuses, engendrées par des substances toxiques dont

la nature peut d'ailleurs varier.

M. Toulouse (de Ville juif). Contrairement à l'opinion que

vient d'exprimer M. Anglade, je crois que la tuberculose est exces-

sivement rare chez les paralytiques généraux; par contre, j'estime

que les lésions athéromateuses des vaisseaux encéphaliques sont

presque constantes à des degrés très variables, il est vrai

chez ces malades ; aussi ne me parait-il pas légitime de se baser,

comme l'a fait M. Klippel, sur l'existence ou l'absence de l'athéro-

masie pour créer, sous le nom de paralysies générales associées,

un groupe spécial de paralysies générales, si ce n'est peut-être

dans les cas où ces lésions athéromasiques sont prépondérantes et

occupent la première place par rapport aux autres altérations

encéphaliques.

Cette réserve faite, je crois que la classification de M. Klippel,

240 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

qui est fondée sur l'anatomie pathologique, répond à tous les

besoins de la clinique.

M. L.11GNEL-LAV.1ST11E (de Paris). J'ai examiné, avec M. Vigou-

roux, les centres nerveux de 42 paralytiques généraux. Les résul-

tats de ces examens histologiques nous ont conduits à adopter

dans ses grandes lignes la division des paralysies générales pro-

posée par M. Klippel. Nous distinguons, comme lui, trois grands

groupes de paralysies générales, entre lesquels il existe, d'ailleurs,

de nombreuses formes intermédiaires.

Un premier groupe est constitué par des paralysies générales

inflammatoires, caractérisées par l'infiltration des méninges et de

l'écorce, par la périvascularite, la prolifération névroglique, l'atro

phie des fibres tangentielles et les altérations de degré divers des

.cellules nerveuses. Ici on ne trouve jamais de dégénérescence des

parois artérielles, ni de pigment ocré, ni de corpuscules hyalins

Dans un deuxième groupe, nous avons réuni les cas où les lésions

inflammatoires, parfois moins intenses, sont associées à des alté-

rations dégénératives des artères. Les deux lésions capitales sont

la dégénérescence hyaline des artères et l'infiltration pigmentaire.

Suivant que l'une ou l'autre prédomine ou existe seule, il parait

possible d'établir deux sous-groupes, l'un correspondant à l'asso-

ciation de l'alcoohsme, et l'autre à l'association de l'artériosclé-

rose.

Dans un dernier groupe, nous proposons de ranger les cas qui

paraissent se rapporter au type décrit par M. Klippel sous le nom

.de paralysie dégénérative ; nous y avons constaté d'une façon

constante des corpuscules hyalins.

J'ai constaté, d'autre part, au niveau du plexus solaire d'un

/certain nombre de paralytiques généraux, des altérations très

variées, parmi lesquelles je me borne à signaler la présence de

petites cellules rondes et de nodules infectieux témoignant d'une

réaction interstitielle aiguë ou subaiguë des ganglions.

Ce qui parait ressortir de ces observations, c'est que l'atrophie

-de l'élément noble est secondaire a la sclérose qui succède à l'in-

flammation du tissu conjonctivo-vasculaire, et que l'atrophie des

fibres nerveuses à myéline est due, quand on l'observe, à un pro-

cessus tabétique surajouté.

M. JEANTY (de Lyon). Nous avons fait, M. Taty et moi, l'étude

histologique du cervelet de 8 paralytiques généraux. Les lésions

que nous avons constatées portaient sur tous les éléments du

cortex, mais elles étaient prépondérantes, ou tout au moins plus

apparentes, dans la couche des cellules de Purkinje, qui étaient

modifiées qualitativement et quantitativement : nous avons trouvé

tous les degrés d'altération depuis la simple chromatolyse jusqu'à

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

la disparition quasi totale de l'élément. Dans cette couche ainsi

altérée apparaissent des noyaux plus ou moins nombreux (éléments

normaux du cortex altérés et leucocytes). Dans un cas nous avons

noté la présence, dans les méninges, du colibacille, vraisembla-

blement par suite d'une infection secondaire (eschare).

M. R. VEREOOGEN (de Bruxelles). Dans 8 cas de tabes avancé

affection que M. Klippel assimile à la paralysie générale au

point de vue de la formule hématologique -, je n'ai rencontré ni

polikylocytes, ni hématoblastes ; dans 2 de ces cas il y avait une

mononucléose accentuée (50,5 et 50,7 p. 100), dans un de l'éosino-

philie (6 p. 100). Chez tous les autres malades, la formule était

normale. Le chiffre total des leucocytes n'a jamais dépassé 11 700.

Ces diverses modifications se rencontrent dans de nombreux

états physiologiques et pathologiques ; elles ne paraissent pas

caractéristiques de l'état infectieux. Il n'existe donc pas, en réalité,

de formule hématologique pour le tabès, ni probablement non

plus pour la paralysie générale.

Séance du 3 août (soir).

Traitement médico-pédagogique de l'idiotie.

M. Bourneville. - Nous n'avions pas l'intention, au moins à ce

Congrès, de revenir sur le traitement, l'hygiène et l'éducation des

idiots, depuis l'idiot complet, être végétatif, jusqu'au simple arriéré

qui confine à l'enfant normal moyen. Mais plusieurs raisons nous

ont décidé à le faire : l'une, d'ordre local, les autres, d'ordre géné-

ral.

Quelle est la raison locale ? C'est que, depuis cinq ans, il s'est

créé en Belgique un mouvement sérieux en faveur des enfants

idiots.

L'honneur en revient principalement à nos collègues, MM. les

D" Daniel, Demoor, Decroly, Ley et Sano, à un instituteur, M. La-

croix, aidés pour ce qui concerne Bruxelles, par M. l'Echevin Le-

page. C'est à eux qu'un doit l'organisation des classes spéciales pour

la catégorie d'enfants anormaux qui nous occupe. La première a- ·

été fondée à Bruxelles en 1897, la seconde à Anvers, le 2 octo-

bre 1899. Depuis une quinzaine d'années, nous avons réclamé la

création, à Paris et en France, de Classes spéciales ou d'Ecoles spé-

ciales suivant l'importance de la population. Nos efforts prolongés,

persistants, sont demeurés infructueux, ce que nos collègues bel-

ges qui sont venus visiter autrefois notre service, quelques-uns à

plusieurs reprises, ont fait remarquer non sans une pointe d'iro-

nie.

Archives, 2= série, t. XVI. 16

242 '). SOCIÉTÉS SAVANTES.

Au point de vue de la situation des enfants idiots dans les asiles

belges, qui renferment un certain nombre d'enfants idiots, M. le

D Ley résume ainsi la situation :

« L'éducation y est, en général, fort négligée. Même où elle sem-

ble un peu comprise, elle manque encore des bases scientifiques,

indispensables pour qu'elle ressorte tous les bons effets qu'on doit

en attendre. Le personnel est, en général, trop peu nombreux et

pas préparé aux méthodes d'éducation spéciale qu'il doit appliquer.

Il y a aussi, de la part de ceux qui devraient diriger l'enseigne-

ment dans ces asiles, une résistance formidable à l'introduction des

méthodes modernes d'éducation (p. 10). »

Les raisons d'ordre général sont multiples. Beaucoup de méde-

cins, peu au courant des maladies chroniques du système nerveut

des enfants, dont ils n'ont vu que quelques spécimens au cours de

leurs études, ignorent qu'il est possible d'instituer un traitement

vraiment efficace. Ils ajournent toute intervention, attendant un

changement de la nature et des progrès de l'âge. Ils rendent ainsi

leurs malades moins aptes à être soignés, car à l'état mental dû

aux lésions cérébrales, viennent s'ajouter les mauvaises habitudes

dues à la faiblesse des parents et plus tard, les impulsions que dé-

termine la puberté. Des médecins, même des plus réputés, mais

inexpérimentés en ce qui concerne les enfants, conseillent l'ajour-

nement, le traitement médico-pédagogique, l'isolement, l'absence

de tout contact avec d'autres enfants.

Ceci dit, arrivons à nos malades. Pour chacun d'eux, nous nous

bornerons à un court résumé. Nous vous ferons voir au sur et a

mesure les photographies prises de deux en deux ans et les cahiers

scolaires, ouverts dès que l'enfant est capable de tracer des lignes.

Les unes et les autres vous montreront les résultats progressive-

ment obtenus. (Photographies collectives). ·

Idiotie profonde. Poirs.. (Marcel). « Hémiplégie droite », né

dans la Meuse le 10 mai 1888. Entré le 27 juin 1893, parlant à

peine, gâtant nuit et jour, ne sachant pas s'habiller, n'ayant au-

cune notion classique.

1894. L'enfant commence à s'habiller seul, mais ne sait pas en-

core lacer, boutonner et nouer.

1895. Amélioration pour la parole ; il assemble quelques mots,

distingue les couleurs, place les lettres et les chiffres.

1896. Cet enfant est parvenu à lacer, boutonner.

Paralysé du côté droit, il éprouve une grande difficulté pour l'é-

criture, se sert de la main gauche et trace péniblement quelques

bâtons. Il compte jusqu'à 60, place les bâtonnets dans les cases,

' Ley. Le traitement des enfants idiots et arriérés en l3elriqce.

Cand, 1900.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

montre les différentes parties de son corps et de ses vêtements,

sait faire la différence de la longueur, la largeur et l'épaisseur, con-

naît ses cinq sens, les étoffes, leur provenance, leur usage. Il ne

gâte plus ni jour ni nuit.

1897. Poirs.. parvient à lire couramment et à copier ce qu'il a

lu.

1898. L'écriture s'est beaucoup améliorée, les progrès pour tous

les exercices scolaires sont très lents, mais sans arrêt. La mémoire

est lente, mais durable : ce qu'il a appris, il ne l'oublie pas.

1899 Notre élève apporte beaucoup de bonne volonté, mais

l'intelligence est réfractaire au calcul et à l'orthographe. 1900-

1901. Les progrès continuent.

1902. Amélioration notable pour l'orthographe et le calcul, pour

' lesquels il n'avait aucune aptitude.

1903. Actuellement, notre élève fait des dictées, des verbes, des

analyses, un peu de rédaction, quelques problèmes faciles; il a

quelques notions d'histoire, de géographie, de système métrique,

de dessin. Il est apprenti tailleur.

Il a acquis un certain vernis de politesse, aime à travailler à ren-

dre service, et a surtout deux qualités que nous rencontrons assez

rarement chez nos enfants : l'ordre et la propreté, qui se manifes-

tent dans sa tenue et celle de ses livres et cahiers. C'est une bonne

nature, chez laquelle nous ne voyons poindre aucun mauvais ins-

tinct. ' '

Idiotie profonde. Mill.. (Emile), né à Paris, le 21 octobre 1891,

entré le 10 avril 189. Cet enfant parle à peine, gâte nuit et jour;

pâle, d'apparence maladive, il dort presque toute la journée et ne

se réveille en pleurant que pour se plaindre de la tète et du ven-

tre.

1896. Dans le cours de l'année, sa santé s'améliore, l'appétit est

plus régulier et le sommeil moins fréquent; le moral se ressent de

cette amélioration, l'esprit plus éveillé, plus gai.

1897. apprend às'liabiller seul, à lacer, boutonner et nouer

se lave seul la figure et les mains. II connaît les principales parties

de son corps et de ses vêtements.

1898. Il devient propre dans le jour; mais urine fréquemment

la nuit dans son lit. Il distingue les couleurs, les lettres et les chif-

fres qu'il place dans les tableaux correspondants.

1899. Progrès scolaires sensibles ; commence à syllaber et à for-

mer toutes les lettres et les chiffres, à établir une relation entre le

chiffre et la quantité. *

1901. Mill.. rend quelques services ménagers, il travaille avec

goût en classe, fait l'addition simple, lit et copie un certain nom-

bre de mots imprimés. La parole a beaucoup gagné, il tient con-

versation, observe et fait des réflexions.

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

1902. Notre élève passe à la lecture courante, son écriture est li-

sible. Il fait l'addition et la soustraction avec retenues, écoute les

leçons orales et en profite. ,

1903. Notre malade, devenu tout à fait propre, continue à pro-

gresser, il fait des petites dictées, distingue le genre et le nombre,

fait l'application de l'addition et de la soustraction, sait faire la

multiplication et ébauche même la division. 11 calcule mentalement

assez rapidement. Caractère gai, un peu indiscipliné.

Idiotie profonde; épilepsie nocturne ; strabisme. Cott.. (H.), né

à Bondy, le 18 mars 1890, entré le 24 avril 1897, gâteux, marchant

avec difficulté, bredouillant d'une façon inintelligible, restant pres-

que toute la journée plongé dans une sorte de demi-sommeil, in-

différent à tout ce qui l'entourait, paroles, jeux. Nous ne parve-

nions pas à secouer sa torpeur; une sorte de bave sanguinolente

s'échappait presque continuellement des commissures des lèvres.

Les mucosités du nez coulaient sans qu'il songeât à les essuyer.

Peu à peu, avec une extrême lenteur, nous avons vu l'engourdisse-

ment qui enveloppait notre malade se dissiper.

1899. Il ne gâte plus le jour, mais urine souvent au lit. I ! s'ha-

bille seul, mais ne sait pas encore nouer.

1900. Il place les lettres, les chiffres et les couleurs, commence

à tracer quelques lignes et quelques chiffres.

1901. L'attention s'éveille, il écoute avec beaucoup d'intérêt les

leçons orales, aimearendte service dans le ménage.

1902. Cott.. lit un grand nombre de nos mots imprimés qu'il

copie sur son cahier d'une façon lisible : il établit une relation en-

tre le chiffre et la quantité, sait faire l'addition simple.

1903. Notre élève est en bonne voie pour lire couramment, l'é-

criture est bonne, il fait l'addition et la soustraction; écoute avec

intérêt les leçons de choses et répond bien aux questions qu'on lui

pose. Il tient conversation ; la parole a encore quelques légères dé-

fectuosités.

Idiotie complète -Charm... (Victor), né à Paris le 4 janvier

1890, est entré le 27 juin 1892. Parole et marche nulles; gâte nuit

et jour. Cet enfant semble n'être doué que de la vie végétative. Phy-

sionomie tout à fait déprimée, bouche ouverte, yeux mornes;

mains idiotes, courtes, larges, épaisses avec fossettes à l'articula-

tion du métacarpe et de la première phalange de chaque doigt;

ongles plat«, en spatule. L'annulaire et l'auriculaire de la main

droite se tiennent toujours recourbés vers la paume de la main

avec impossibilité de se redresser complètement.

1894. Il commence à marcher seul et à balbutier quelques mots.

1895. L'attention s'éveille, il essaie de prendre part aux jeux de

ses camarades. Il gâte nuit et jour et ne parvient pas à manger

seul. -

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

1896. Il reconnaît quelques couleurs, quelques chiffres, mais

n'arrive pas à les placer sur le tableau correspondant.

1897. Il mange seul; mais ne peut encore ni s'habiller, ni lacer,

ni nouer à cause de la maladresse de ses mains que nous sommes

obligés d'envelopper de pansements à cause d'engelures ulcérées.

1898. La parole s'améliore, il s'intéresse à la lecture de nos

mots imprimés, connaît toutes les lettres et les chiffres; établit une

relation entre le chiffre et la quantité; il trace des bâtons sur l'ar-

doise.

1899. Il ne gàteplus lejour; lesmainssontmoinsmaladroites; ar-

rive à lacer, boutonner, nouer et commence à s'habiller. Il syllabe

et parvient à tracer quelques lignes et quelques chiffres au crayon.

1900. Amélioration très sensible pourla lecture et surtout l'écri-

ture. Grâce au traitement persévérant des douches en pluie sur les

mains malades, elles ne sont plus ulcérées et notre malade a pu

enfin se servir de la plume.

1901. 11 a la manie de collectionner les papiers. Le progrès sco-

laires continuent. - '

1902. Nous arrivons au résultat inespéré de la lecture courante.

1903. Il lit et comprend ce qu'il écrit; reproduit de mémoire sur

son cahier un certain nombre de mots connus de lui, tels que les

jours de la semaine, les mois de l'année; sait distinguer le mascu-

liti du féminin, le singulier du pluriel ; fait l'addition avec retenues

et la soustraction simple. II écoute les leçons orales et répond aux

questions qui lui sont posées. La parole est presque normale, il

construit des phrases, il emploie les verbes elles pronoms; mais

supprime encore souvent la s Ilabe finale muette des mots. La ma-

iiie de collectionner les chiffons et les papiers existe encore.

Idtolie complète. - Wei.. (Suzanne), neuf ans et demi. Cette

enfant, entrée à la Fondation en mai 1897, à l'âge de quatre ans,

élait atteinte d'idiotie complète, compliquée de rachitisme. Elle

était gâteuse nuit et jour, ne marchait pas, ne disait que quelques

mots : papa, maman, oui, non, en répondant aux questions qui

lui étaient adressées. Elle ne pouvait ni s'habiller, ni se désha-

biller ; ne savait ni lacer, ni boutonner ; elle était tout à fait inca-

pable de se donner le moindre soin. Elle craignait l'eau, on avait

toute la peine du monde à lui faire prendre un bain.

Le caractère de l'enfant était détestable et grognon, toujours de

mauvaise humeur, indifférente à tout. Rien ne faisait présager de

grands progrès, lorsqu'une vraie métamorphose s'est, opérée eu '

elle. Un développement autant physique qu'intellectuel s'est pro-

duit en peu de temps. La marche et la parole ont été très rapides ;

le gâtisme a complètement disparu ; l'enfant se donne elle-même

tous les soins de toilette nécessaires, se suffit à elle-même, et

aujourd'hui elle aide même les petites qui ne savent pas s'habiller.

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le caractère est totalement changé, elle est joueuse, gaie, court

de tous côtés comme un petit furet; en un mot, elle déploie une

réelle activité en tout et pour tout.

Pour la classe, l'enfant n'est pas très avancée ; ceci provient de

ce qu'elle a séjourné/'plus de deux ans, au pavillon de l'isolement

(teigne). Aujourd'hui elle est en très bonne voie d'amélioration.

Elle aime l'école, quoique un peu turbulente, on constate de réels

progrès ; elle assemble bien les lettres. Elle écrit, son écriture est

lisible et assez bien formée, elle fait des copies, connaît et sait

faire les chiffres. Ses progrès n'ont pas été moins rapides pour la

couture, le repassage et la gymnastique. Elle travaille à la confec-

tion des robes, tabliers, pantalons ; repasse : mouchoirs, tabliers

et suit avec facilité tous les exercices de la grande gymnastique.

Amélioration très notable. ,

Imbécillité à an degré très prononcé . Rouss... (Elisabeth), dix-

huit ans. On peut citer cette enfant comme notablement améliorée

et prise à un degré très bas. Entrée en 1898. à l'âge de treize ans.

elle ne savait absolument rien, ne connaissait même pas ses let-

tres, ne savait même pas tracer des bâtons. sur une ardoise, ne

savait même pas compter jusqu'à 10; elle connaissait la suite des

nombres qu'elle intercalait dans les dizaines, mais il fallait la

mettre sur la voie, en un mot l'enfant n'avait aucune instruction.

Comme caractère elle laissait beaucoup à désirer : elle était

méchante avec ses compagnes, taquine, répondeuse et grossière

vis-à-vis du personnel. Elle ne s'occupait en rien, n'était stable

nulle part, ne se livrait à aucun soin du ménage. Vu son âge déjà

avancé et ses mauvais penchants, elle ne laissait espérer que des

résultats fort médiocres.

Un grand changement s'est opéré chez cette enfant, de même

qu'un réel développement intellectuel. Au contact de ses compa-

gnes et aussi par esprit d'émulation, l'entant a pris goût au tra-

vail. Peu à peu, elle s'est intéressée à la lecture et aujourd'hui,

elle lit couramment, écrit très lisiblement, fait quelques devoirs

de grammaire, peut même suivre une petite dictée, écrit elle-même

une lettre et connaît les deux premières opérations de l'arithmé-

tique.

Comme caractère, elle s'est aussi notablement améliorée. Elle

raisonne assez bien, tient compte des observations qui lui sont

.faites, comprend que c'est dans son intérêt personnel. Elle s'est

beaucoup adonnée aux soins du ménage ; elle est assez minutieuse

dans son travail, elle est stable et assidue. Elle fait très bien la

gymnastique; elle y a toujours mis de la bonne volonté, parce

qu'elle savait très bien que cet exercice était nécessaire-à son état

(rachitisme). Vu les progrès réalisés, on a pu la placer comme

petite bonne.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 Il

Idiotie complète; épilepsie. Gaucb... (Germaine), treize ans.

Cette enfant est entrée à la Fondation à l'âge de deux ans et demi,

atteinte d'idiotie ; parole et marche nulles, gâtisme complet. Elle

avait aussi des accès et des vertiges assez nombreux ; elle a été

traitée au bromure de camphre et à l'élixir poly-bromuré. Les accès

et les vertiges ont peu à peu disparu, il s'en est suivi un grand

développement physique et intellectuel. Elle a avancé rapidement

en toutes choses, mais surtout au point de vue des exercices sco-

laires. Elle écrit lisiblement, suit une dictée, connaît les trois pre-

mières opérations de l'arithmétique ; elle donne une bonne into-

nation à la lecture, pour laquelle elle a un goût tout particulier,

et passerait des journées entières à lire : tout l'intéresse, les histo-

riettes enfantines, les livres de classe, voire même les journaux ;

l'enfant lit en un mot tout ce qu'elle trouve sous sa main.

L'enfant raisonne bien, se rend compte de tout et parait avoir

un certain jugement. On prend plaisir à entendre ses conversa-

tions, elle aime bien qu'on l'écoute et qu'on s'occupe d'elle. Elle

est du reste caressante et affectueuse, polie et prévenante envers le

personnel. Elle possède même une certaine délicatesse de senti-

ments, ce qui se voit assez rarement chez nos enfants assistés.

Elle a fait des progrès en couture, fait tabliers et robes; elle

repasse bien, elle suit la grande gymnastique avec facilité et y

apporte une attention soutenue. Le sentiment d'émulation est très

développé chez elle.

Idiotie; épilepsie.-Lefebvre (Marguerite), neuf ans. Cette enfant

est entrée à la Fondation en 1896, à de trois ans. Elle parlait

peu, mais n'avait pas de défaut de prononciation. Elle gâtait nuit et

jour, ne s'aidait en rien, elle restait immobile quand il s'agissait

de l'habiller et de la déshabiller. Elle était presque toujours de

mauvaise humeur, un rien la faisait pleurer, restait indifférente à

tout. ·

Ses accès et vertiges survenaient par séries ; l'enfant, traitée au

bromure de camphre et par l'hydrothérapie, s'est beaucoup amé-

liorée. Elle tombe rarement aujourd'hui et n'a jamais plus de deux

accès à la fois.

Il résulte de cette amélioration, un développement intellectuel

très marqué. Son caractère s'est beaucoup modifié, elle n'est plus

susceptible et maussade comme au début. Elle est devenue très

gaie, très joueuse. On remarque chez elle beaucoup plus d'activité.

Elle est propre nuit et jour, se donne tous les soins nécessaires,

fait sa toilette avec minutie.

Les progrès au point de vue scolaire n'ont pas été moins rapides.

Elle ht presque couramment, son écriture est lisible et bien formée.

Elle fait des devoirs de grammaire, connaît l'addition, ébauche la

soustraction. Elle commence à bien coudre, suit la grande gym-

248 SOCIÉTÉS SAVANTES. 1

nastique avec beaucoup de facilité. Elle a, en un mot, réalisé de

réels progrès.

jMt'o<t6.Baudier'(Louis), quinze ans. A l'entrée (1892) était

gâteux. La parole était nulle, aucun son ne s'échappait de sa

bouche. Il fallait, pour le faire marcher, le tenir par la main et le

forcer à avancer, sans quoi il restait à la même place des journées

entières, indifférent à tout ce qui se passait autour de lui. Il avait

la physionomie triste, ne souriait jamais.

Actuellement (1903), il est complètement propre, s'habille, se

déshabille, se nettoie et mange seul.

La parole s'améliore de jour en jour, mais on n'est pas encore

parvenu à supprimer les vices de prononciation. Il commence

cependant à interroger et à former des petites phrases. La com-

préhension est meilleure. B... devient provenant envers tout le

monde. Voit-il quelque chose d'anormal, vite, il vient prévenir;

quand il questionne sur quelque chose qui lui semble drôle, il rit

aux éclats.

En classe, il place bien les lettres et les chiffres, reconnaît quel-

ques lettres : exemple : a, e, i, o, u ; pour l'écriture, il est parvenu

à former quelques lettres. A la gymnastique des échelles et des

ressorts, il exécute passablement les mouvements.

La tendance de quelques-uns à se borner à hospitaliser simplement

les idiots complets, les idiots profonds, est une faute grave, une

erreur scientifique. Les documents que je viens de mettre sous vos

yeux en fournissent la démonstration La tâche, certes, exige une

grande patience, une longue persévérance. Parfois même les per-

sonnes les plus expertes ont tendance à se décourager. Mais, en leur

ci tant des exemples, elles reprennent cou rage et, à un moment donné,

ont la récompense de leur persévérance et de leur dévouement.

Au point de vue clinique, le diagnostic idiotie peut être remplacé

les progrès venant, par celui d'imbécillité, enfin, d'arriération men-

tale. Alors, là où il y a des classes spéciales, l'enfant pourrait sortir

de l'asile où il était placé et suivre ces classes, avec ou sans se-

cours, selon la situation uociale des parents. 11 va de soi que, dans

ces classes, on doit appliquer le traitement médico-pédagogique

dont la partie ressort à ces malades, varier les occupations, alterner

les exercices physiques (gymnastiques diverses, danse, courses,

marches, rondes, etc.) avec les exercices intellectuels (leçons de

choses, projections, etc.), faire chaque jour des promenades dans

les jardins ou les squares publics 1, etc.

' Dont les arbres, les arbustes et les Meurs devraient porter des éti-

quettes, comme nous l'avons fait Btcêtre et à la Fondation Vallée

depuis plus de vingt ans, et à 1'liisliltit médico-pédagogique (Vitry) de-

puis 1893.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

Rappelons que, pour que le traitement mécdico-pédagogique donne

son plein effet, il est indispensable qu'il soit appliqué le plus tôt

possible, dès l'âge de deux ans, même auparavant, et que, plus on

tarde, moins il est efficace.

Le Dl Foveau de COUR3fELLES (de Paris). Je féliciterai tout

d'abord M. Bourneville de sa longue patience et de ses heureux

résultats ; ceux-ci démontrent que le terrain humain, si réfractaire

qu'il apparaisse à priori, est cependant très modifiable, mais qu'il

y faut mettre le temps, les efforts, la persévérance voulus. Ensuite,

je me permettrai de poser à M. Bourneville deux questions :

1° l'éducation en commun quand je dis « en commun », j'en-

tends de ces enfants arriérés entre eux a-t-elle provoqué une

sorte d'émulation, donné de meilleurs résultats que l'éducation

séparée de ces pauvres êtres ? 2° les émotions de la grossesse ont-

elles été trouvées dans l'étiogénie ? On sait, en effet, que M. Da-

reste produit des monstruosités en secouant des oeufs d'oiseaux

en incubation; d'autre part, chez beaucoup de neurasthéniques

que j'ai eu à soigner, j'ai trouvé souvent, en dehors de

leurs tares acquises, des émotions de la mère préparant déjà le

terrain morbide. Aussi m'apparait-il que les enfants arriérés doi-

vent avoir des phénomènes semblables dans leur pathogénie.

M. Bourneville. L'éducation en commun des enfants arriérés,

entre eux, comme dit M. le Dr Foveau de Courmelles, est la meil-

leure pour eux. Il en résulte réellement une véritable émulation

pour tous les exercices. Les moins favorisés du groupe essaient d'i-

miter leurs camarades. Souvent les plus favorisés cherchent à

répéter à cew-cr les leçons de choses. Il y a aussi avantage à pla-

cer un enfant plus malade entre deux enfants moins malades Avec

l'éducation individuelle, isolée, il n'y a ni émulation, ni imitation.

L'éducation avec des enfants normaux est en général défectueuse,

souvent nuisible, les arriérés étant de leur part l'objet de moque-

ries, de taquineries, de sévices qui ne font que les irriter etles pous-

ser à des actes de violence.

A la seconde question, les émotions durant la grossesse ont-elles

été trouvées, je répondrai par l'affirmative, à la condition toutefois

qu'il s'agisse d'émotions vives, avec troubles physiques et intellec-

tuels sérieux : lypolbymies, syncopes, tremblement, cauchemars,

obsession, la femme enceinte se représentant pendant plusieurs

jours, quelquefois jusqu'à la fin de sa grossesse, la scène qui l'a

emolionnée. Nul doute, à notre avis, qu'en pareil cas, il n'y ait re-

tentissement sur le foetus, et ce retentissement est d'autant plus

prononcé que la grossesse est moins avancée. Nous avons rapporté

de nombreux exemples de cette cause dans les Comptes rendus

annuels de notre service.

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Rachitisme et idiotie

D's BouRNEViLLe et LEMAiRE. -Il y a coïncidence possible et assez

fréquente du rachitisme et de l'idiotie. Existe-t-il alors un rapport

entre les troubles déjà nutrition que présente le rachitisme et son

arriération mentale, et quelle est la nature de ce rapport ? 1

Des lésions nettes et non discutables de rachitisme se sont ren-

contrées chez 34 enfants de notre service, sur les 435 actuellement

en séjour, soit une pioportion de 8 p. 100 environ. Les malforma-

tions rachitiques trouvées ont été, par ordre de fréquence : le cha-

pelet et les gouttières thoraciques, les déformations crâniennes

(nous n'avons pas rencontré de cranio-tabes), les malformations

du squelette facial et du système dentaire. Nous avons enfin trouvé

cinq scolioses rachitiques, six incurvations et applatissements des

tibias, huit'incurvations des diaphyses fémorales, deux génu-val-

gum. Les malformations du bassin ont été rencontrées deux fois.

Nous avons eu un cas d'exostose ostéogénétiqueattribuable au ra-

chitisme. Dans la plupart des cas, nos malades n'étaient pas des

idiots probants, mais plutôt des imbéciles ou des arriérés.

Nous avons fait une autre constatation, leur arriération intellec-

tuelle n'était généralement pas congénitale ; elle était acquise après

la naissance. Les enfants avaient montré un esprit éveillé dans les

premiers mois de leur vie et ce n'est que vers l'âge d'un an et demi

à deux ans qu'étaient apparus chez eux les premiers signes de l'i-

diotie.

Dans la plupart des cas également, les antécédents héréditaires

de ces enfants n'étaient. pas chargés de tares nerveuses. Ces idiots

ne semblaient pas être les aboutissants de familles de dégénérés.

La plupart d'entre eux ne présentaient pas de multiples stigmates

de dégénérescence.

Enfin, l'idiotie de nos sujets rachitiques s'était développée après

une inlection broncho-pulmonaire ou plus fréquemment après une

infection gastro-intestinale et leur rachitisme était apparu simul-

tanément, par conséquent il était également consécutif à ces mê-

mes infections.

On peut donc affirmer sans crainte d'erreur que le rachitisme et

l'idiotie sont deux états qui peuvent avoir entre eux des rapports

étroits. Ils relèvent quelquefois d'une même cause, ils peuvent être

le résultat d'une même toxi-infection.

Voici, à l'appui, les photographies prises à différentes époques

de deux de nos malades (louss.. et Wei..). Elles permettent de

constater la réalité des lésions rachitiques Disons en passant que

' Voir dans le n- 91 (1903) des Archives de Neurologie, S. Garnier et

Santenoise : Yo<eM)'M ? tcase)'ftC/t ! mecoH.'yet ! : 7a<MfecH< ! MM ? ? ! ec/te :

un enfant arriéré (avec figures).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S1

ces deux enfants ont été améliorés sous l'influence du traitement

lizetlico-pédtigogiqtte : les photographies mettent ce fait en évidence.

Voici une description sommaire de chacun d'eux :

9° Rouss... (Elisabeth). Cette enfant est atteinte de scoliose à

double courbure. La courbure supérieure ou dorsale est à convexité

droite. La courbure inférieure ou lombaire, plus accentuée est à

convexité gauche. Vue de dos, on constate que les muscles rachi-

diens du côté gauche font saillie au niveau de la région lombaire.

Du côté droit, au contraire, on constate un méplat. Les omoplates

sont peu modifiées dans leur position ou dans leur forme. Cepen-

dant celle du côté gauche est plus saillante, surtout au niveau de

son angle vif. Les triangles broncho-thoraciques sont inégaux, ce-

lui du côté droit est plus petit et a presque disparu.

Vue de face, on constate une saillie de la région costale droite,

saillie correspondante à la bosse située à gauche et en arrière. Le

bassin est incliné : l'épine iliaque droite est sur un plan plus élevé

que l'épine iliaque gauche, et par suite, le membre inférieur droit

parait plus long que le gauche. Saillie de l'abdomen. Pli de la peau

au niveau de la région sus-ombilicale. Les extrémités sont restées

un peu grosses. Les condyles sont un peu gonflés.

2° Weiss... (Suzanne), neuf ans et demi. A première vue, on

pourrait ne pas croire que cette enfant a été rachitique. En effet,

elle se tient bien sur ses jambes, n'a aucune déviation de la colonne

vertébrale. Elle a l'air gai, répond avec intelligence aux questions

qu'on lui posé.

Si on examine en détail les jointures de l'enfant, on trouve que

les épiphyses inférieures du cubitus et du radius des deux côtés

sont nouées et plus volumineuses que de coutume. Les condyles

du fémur, surtout les condyles internes sont saillants. Les malléo-

les sont volumineuses et un peu irrégulières. Pas de pied bot, pas

de genu valgum, pas de déformation de la hanche, les fémurs

paraissent cependant un peu arqués. Le bassin semble normal. La

colonne vertébrale n'est pas déviée : cependant on remarque un

peu d'ensellure lombaire. Les omoplates ne sont pas proéminentes.

On sent au niveau des articulations chondro-costales de petites

bosslures, léger chapelet rachitique. Les clavicules ont des cour-

bures très accentuées, plus que la clavicule féminine ordinaire.

Le front est étroit, mais pas de bosses frontales, ni pariétales

prononcées. Le crâne est aplati dans le sens transversal.

Pas de prognathisme. La dentition est très mauvaise. Les dents

sont jaunes, crénelées. Les deux incisives latérales font défaut, la

gauche apparaît cependant. Les deux canines pointent, mais pa-

raissent très irrégulières. Les prémolaires et molaires sont en très

mauvais état. En bas, les quatre incisives et deux camnes existent

cannelées, irrégulières. De chaque il n'y a qu'une grosse molaire.

2M 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

De l'idiotie mongolienne (Résumé).

D Bourneville. L'idiotie mongolienne, décrite d'abord par

Langdon-Down, Ireland, Flétclier Beacli etShuttlewortL, est carac-

térisée principalement par ]a.physionomie mongolienne ou kalmouk

des malades et par un arrêt de développement physique, compliquant

l'arrêt des facultés intellectuelles (idiotie ou imbécilité). Elle semble

fréquente en Ancleterre, aux Etats-Unis, mais on la trouve dans

tous les pays de race caucasique. Personnellement nous en avons

observé une vingtaine de cas. En voici les principaux signes :

Tète petite, arrondie; fontanelles fermées régulièrement; front

bas étroit, précocement ridé; bord supérieur des orbites, sourcils,

Fig. 20. - Le Br...

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

paupières obliques. Ouverture palpébrale elliptique, fendue en

amande. Paupières comme bridées, présentant parfois un repli

semi-lunaire de la peau au-devant de l'angle interne des yeux

(Epicanthus) qui contribue à rendre plus large encore la racine du

nez. Strabisme assez fréquent. Le nez est court, légèrement aqui-

lin. La bouche, plutôt petite, avec proéminence de la lèvre infé-

rieure, est entr'ouverte, laissant voir la langue, un peu épaissie, à

peu près toujours fissurée, hachurée. (Langue mongolienne). Den-

tition tardive. Voûte palatine ogivale. Sur neuf malades présents,

un seul a des végétations adénoïdes, cinq des amygdales volumi-

neuses, deux un peu grosses, deux normales. Les joues et le men-

ton ont une coloration rouge. Les oreilles sont très petites, implan-

tées un peu bas, assez finement ourlées, renversées en avant dans

leur partie supérieure. Le lobule, très réduit, plutôt triangulaire

est soudé (Oreilles mongoliennes). Fig. 20 et 21.

1,'ig. 21. Oreille mongolienne (Le Br...).

254 -li SOCIÉTÉS SAVANTES.

- La figure est plate, arrondie. Les malades ont un air vieillot,

Leur physionomie rappelle celle desMongots.Le couest régulier;

la glande thyroïde est perceptible.

Le thorax est un peu exigu; le ventre assez gros, sans hernies,

complication habituelle chez les myxoedematenx. Les membres

son,t normaux; les pieds courts et larges, la main idiote, souvent

avec une malformation particulière du petit doigt. (Fig 22).

La voix est fausse, aigre. Les organes génitaux et la puberté su-

bissent leur évolution régulière. Onnote cependant des cas de cryp-

torchidie. Deux de nos malades ont été réglées régulièrement à dix

ans et demi. Le pénil est garni de poils ; les seins sont bien déve-

loppés. Le développement régulier de la puberté chez les mongo-

liens, garçons ou filles, contraste avec l'absence de puberté chez

les myxoedémateux.

Tous les idiots mongoliens sont lymphatiques, ont un arrêt de

développement de la taille : 7. 10, 28, 32 centimètres au-dessous

de la taille moyenne à leur âge. Ils ont la manie de s'asseoir en

tailleur ; aiment la musique, retiennent les airs, etc. Température

à peu près normale, tandis qu'elle est toujours abaissée chez les

myxoedémateux. -Cause delà mort : affections pulmonaires, sur-

tout tuberculeuses. Dans cinq autopsies : glande thyroïde normale,

persistance du thymus, simplicité des circonvolutions cérébrales

qui offrent peu de plis de passage. 0

N'ig. 22. Main idiote (Mongolienne).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 255

Mongoliens décédés.

25G 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Du 8 août (date de l'entrée), la taille qui était de 1 m. 16 ne varie

pas jusqu'au début du traitement (10 avril 1902, c'est-à-dire pen-

dant huit mois).

Durant le premier traitement (du 10 avril au le, décembre 1902),

la taille qui, au début, était de 1 m. 16, n'a monté à la fin du trai-

tement qu'à 1 m. 165, soit le minime gain de 5 millimètres.

Durant le deuxième traitement (du la avril au 31 juillet), la taille

monte progressivement et s'accroît à la fin du traitement de deux

centimètres.

Les cartilages ne sont pas ossifiés. Le malade, actuellement âgé

de onze ans, mesure 1 m. 185 ; la taille moyenne à son âge est de

1 m. 325 : d'où la différence de 14 centimètres en moins.

Cas II. Sigur... (Louis G.), né le 3 octobre 1885 est entré le

16 décembre 1893. Il a dix-sept ans.

Durant le premier traitement (du 10 avril au le, décembre 1902),

la taille, qui au début était de 1 m. 28, a monté à 1 m. 31, soit

une augmentation de 3 centimètres. Le poids, qui au début était

de 27 kil. 300, est descendu à 25 kilos, soit une perte de deux kilos

trois cents grammes.

Durant le second traitement (15 avril au 31 juillet 1903), la taille

n'a pas varié ; quant au poids, il n'a perdu que 800 grammes.

Les cartilages de conjugaison ne sont pas ossifiés. Le malade,

actuellement âgé de dix-huit ans, mesure 1 m. 31 ; la taille

moyenne à son âge est de 1 m. 63. D'où différence en moins de

32 centimètres.

Cas III. Volfin... (Georges), né le 29 juillet 1883, est entré le

41 octobre 1894. Il a vingt ans.

Durant le premier traitement (du 17 juin au 31 décembre 1903),

la taille, qui au début était de 1 m. 38, a monté à 1 m. 41, soit

une augmentation de 3 centimètres. Quant au poids, il est resté

sensiblement le même, le malade n'ayant perdu qu'un kilogr. 200.

Dans le deuxième traitement (du 15 avril au 31 juillet 1903), le

poids et la taille n'ont pour ainsi dire pas varié, Volf... n'a gagné

que 5 millimètres.

La radiographie montre que ce malade, bien qu'âgé de vingt

ans, n'a pas ses cartilages de conjugaison complètement ossifiés.

Le malade, âgé de vingt ans, mesure 1 m. 415. La taille moyenne

à cetâge est de 1 m. 67, d'où différence en moins de 25 cent. 1/2.

Cas IV. Van de Cast... (Paul-Em.-Ad.-), né le 12 février 1884,

est entré le 14 juin 1899. 11 a dix-neuf ans.

Durant un traitement de seize mois, la taille n'a gagné qu'un

centimètre. La radiographie montre que les cartilages de conju-

gaison sont ossifiés. Le malade, âgé actuellement de dix-neuf ans

et demi, mesure 1 m. 36. La taille moyenne à son âge est de

1 m. 66, d'où différence en moins de 30 centimètres.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

Cas V. Le Br... (Sainte-Marie), douze ans (fig. 20). Premier

traitement (1er janvier-24 avril 1902), 0 gr. 50 à 1 gramme de

glande. Accroissement de la taille : 2 centimètres. Second li-ai-

temeno (20 mai-20 août 1902). Mêmes doses : 2 centimètres

Troisième traitement (10 avril-30 juin 1903). Mêmes doses : 1 centi-

mètre, soit 5 centimètres. La malade mesure 1 m. 05, soit encore

30 centimètres en moins.

De la lumière en thérapeutique nerveuse.

M. Foviîau DE Courmelles (Paris). Des recherches faites avec

,1. Luys, à l'hôpital de la Charité à Paris, en 1886-87, sur l'action

des couleurs ont montré que les hypnotisés sont sensibles au rouge

comme excitant et au bleu comme déprimant. Des observations

dans la clientèle me montraient, dès 1890, que l'état de veille rele-

vait des mêmes phénomènes et en 1891 j'appelai Claromothérapie la

thérapeutique par les couleurs. La lumière totale, blanche, se mon-

trait égalementanesthésique et calmante, sous laforme de lampes

à incandescence éclairant les centres nerveux et combinée à la dou-

che statique par le traitement de la neurasthénie (1893). Les bains

de lumière complets avec caisse où l'on place le patient dont la

tête seule émerge, sont d'excellents toniques de la moelle et ren-

dent des services dans le traitement des myélites (1900). La lumière

colorée est revenue également d'actualité dans le traitement de

l'aliénation mentale. M. Douza calmait les agités dans des cham-

bres bleues et relevait le moral des hypochondriaques dans les

chambres rouges. (L'année électrique 1901.) Cependant, il y a lieu

de tenir compte de certaines idiosyncrasies, car j'ai vu des névral-

gies faciales et des hyperesthésies cutanées céder en général an

bleu, alors que d'autres, en minorité, étaient au contraire empi-

rées par cette coloration, et l'on pouvait cependant constater que

la lumière était active, car les radiations totales de l'arc voltaïque

refroidi les calmaient instantanément. Les rayons X sont égale-

ment puissants comme sédatifs de certains états douloureux; il en

est de même des effluves violettes des courants de haute fréquence

calmant certaines névralgies. Il existe donc actuellement, dans la

thérapeutique nerveuse, un grand nombre de faits d'utilisation de

la lumière, pour la plupart empiriques, obtenus par tâtonnement,

mais que l'on peut cependant commencer à coordonner et à clas-

ser.

L'action de la lumière sur l'organisme et son emploi en

thérapeutique. , -

L. P. JomE (Lille) décrit les recherches sur les plantes et les ani-

maux (Flammarion). Chez l'homme, les rayons lumineux agissent

sur la circulation, sur la nutrition et sur le système nerveux. Les

AHCmn.s, 2° série, t. aVI. 17

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rayons blancs activent la circulation superficielle, les rayons rouges

ont une action plus profonde. Les rayons bleus et violets ralentis-

sent la circulation. De même, la lumière blanche active la nutrition

les rayons rouges agissent dans le même sens, mais d'une manière

plus accentuée. Les rayons bleus et violets ralentissent au con-

traire la nutrition. En ce qui concerne le système nerveux, les

rayons blancs et rouges favorisent la guérison des troubles trophi-

ques ; les rayons bleus provoquent une sédation très pronon-

cée. Enfin, les rayons lumineux exercent des actions très diverses

dans les maladies du système nerveux ; on peut employer utilement,

tantôt leur action sédative, tantôt leur action tonique et la combi-

naison des diverses couleurs offre des ressources d'une utilité in-

contestable pour le traitement des maladies nerveuses. Les rayons

lumineux s'emmagasinent dans l'organisme, de sorte que leur ac-

tion ne se borne pas à l'espace de temps pendant lequel le patient

est soumis à l'influence.

Le trac des artistes et son traitement

L. P. JOIRE (Lille) définit le trac; une phobie qui se manifeste, au

sujet de l'accomplissement d'un acte extérieur, sous l'influence de la

présence d'individualités diverses.

Sujet. La maladie évolue sur un terrain prédisposé (hystérie,

neurasthénie, timidité, aboulie) ; des causes accidentelles peuvent

aussi intervenir (hyperesthésie affective, dépression nerveuse, sur-

menage physique et intellectuel, chagrins, etc.). Les causes occa-

sionnelles sont le souvenir d'insuccès précédents, la présence de

personnes supérieures ou antipathique*, etc. Cause. La cause

réside dans la crainte de l'infériorité vis-à-vis d'un public dont toute

l'attention est fixée sur le sujet. Objet. - L'objet du 1 iac est repré-

senté par les différents arts ou professions s'exerçant sous l'oeil du

public (représentations, conférences, examens) Effets. Les effets

immédiats du trac sont : l'inertie cérébrale, diminution des per-

ceptions sensorielles, l'indécision, l'aphasie, le bégaiement, l'am-

nésie, etc. Les ellets éloignés consistent dans le pessimisme, l'abou-

lie, la misanthropie. Traitement. L'hypnotisme est incontesta-

blement le moyen de traitement le plus efficace : la suggestion doit

autant que possible être faite dans le sommeil profond. Comme

traitement adjuvant, on doit employer l'hydrothérapie, la photo-

thérapie, un régime approprié.

Traitement mécanique des troubles viscéraux chez les tabétiques (crises

laryngées, troubles delà respiration, de la digestion, de la miction,

de la défécation.

M. Maurice Fauve (Lamalou, Hérault). Il y a lieu d'employer,

dans le traitement des troubles viscéraux des tabétiques, les exer-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

cices mélhodiques, dans le but de corriger l'incoordination des

muscles intéressés dans les fonctions thoraciques et abdominales.

C'est, en effet, l'incoordination de ces muscles, qui amène les crises

laryngées, par perturbation des réflexes glottiques, et des fonctions

motrices respiratoires : tes troubles de la miction et de la défé-

cation, dus à l'incoordination et à l'atonie des muscles de la paroi

abdominale du plancher périnéal et du diaphragme; et enfin,

pour une part, la difficulté des fonctions respiratoires et digestives,

pour lesquelles l'intégrité des fonctions des muscles du thorax et

de l'abdomen est nécessaire. Les exercices méthodiques, en re-

constituant le rythme respiratoire, en rétablissant la tonicité des

parois abdominales et la coordination des muscles du larynx, etc.,

amènent promptement l'amélioration et même la disparition de

ces accidents, qui sont l'occasion ordinaire de la mort des tabéti-

ques. En signalant l'action des exercices méthodiques sur les trou-

bles des fonctions de nutrition, nous pensons signaler un fait dont

l'importance thérapeutique sera plus grande encore que ne le fut

l'action, aujourd'hui incontestée, des exercices méthodiques sur

les foulions de relation (marche. préhension, écriture). En effet, la

privation des fonctions de relation chez un tabétique ne compro-

met pas directement sa vie ; au contraire, la perturbation des fonc-

tions respiratoires et digestives, les crises laryngées, l'irrégularité

delà miction, compromettent des fonctions essentielles et vitales.

Pathogénie et pronostic du tabès

M. Maurice FAURE (Lamalou, Hérault). La syphilis n'exerce

pas, dans la genèse et l'évolution du tabès, l'influence exclusive qu'on

acru pouvoir lui donner. D'autres infections, d autres intoxications

ou même simplement des chocs physiques ou moraux, le surme-

nage, les privations, ont droit, comme elle, à une part de respon-

sabilité. On peut dire que, si la très grande majorité des tabéli-

aues est antérieurement syphilitique, les accidents du tabes n'ap-

paraissent souvent chez eux qu'à l'occasion d'autres infections et

d'autres intoxications. Le tabes est très rare chez les femmes et

relativement très fréquent chez les israélites. Presque tous les fabé-

tiques sont des gens d'affaires d'une grande activité, dont le sur-

meulage est habituel. Sans tenir compte des traitements suivis, on

peut dire que, dans 60 p. 100 des cas, le tabes s'arrête dans les

premiers symptômes, ou évolue avec une telle lenteur que la vie

du malade en est à peine diminuée. C'est dans 30 p. 100 des cas

seulement qu'il peut porterie nom dé progressif et mériter le fatal

pronostic qui a découragé autrefois la thérapeutique. Il évolue

alors, selon les descriptions classiques, en sept années 'environ.

Cinq p. 100 des tabétiques guérissent d'une façon complète clinique-

ment. Un nombre égal, 5 p. 100, subit au contraire une évolution

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rapide et fatale, avec fièvre et signes infectieux. C'est une forme

fébrile de tahes qui n'a pas encore été décrite, et qui dure quelques

mois, ou à peine 1 an à 2 ans.

Résultats du traitement hyd ? ,argy ? ,ique chez, les tahéliques

M. Maurice Fauve (Lamalou, Hérault). Les cas d'amélioration

ou de guérison du tabes par le traitement hydrargyrique, récem-

ment publiés, sont peu nombreux. D'autre part, nous savons que,

dans 60 p. 100 des cas, le tabes a une tendance spontanée aux ar-

rêts et aux dégressions. Si l'on recherche quels sont lessymptômes

qui s'améliorèrent au cours de cures mercurielles, on constate que

ce furent d'abord les douleurs (symptômes éminemment variables

et transitoires) et l'incoordination, que presque toutes les thérapeu-

tiques médicamenteuses, autrefois tentées, puis abandonnées,

avaient aussi paru améliorer. Il n'y a donc pas de raisons suffi-

santes d'affirmer que la thérapeutique atitisypliilitiqtie agit habi-

tuellenient bien dans le tabes. D'autre part, de statistiques publiées

en collaboration avec les De' Belugou et Cros, sur 2 500 cas, il ré-

sulte que le pourcentage des améliorations et des guérisons est

sensiblement le même chez les tabétiques qui ont subi un traite-

ment mercuriel, et chez ceux qui n'en ont subi aucun. Enfin, le

nombre des cas où la thérapeutique antisyphilitique s'accompagne

d'aggravation, est beaucoup plus grand que le nombre des cas où

la même thérapeutique s'accompagne d'amélioration. Il n'y a pas

intétèt à distinguer entre le traitement antisyphilitique par les an-

ciennes méthodes et le traitement mercuriel intensif par les for-

mules modernes, car les statistiques montreutque les améliorations

ne sont pas plus nombreuses avec les nouveaux procédés qu'avec

les anciens, et qu'au contraire, les aggravations sont plus nombreu-

ses Il y a donc lieu de craindra que le traitement antisyphilitique

du tabes ne justifie pas la confiance qu'on lui a témoignée, à plu-

sieurs reprises, en se basant d'ailleurs sur des vues de pathologie

générale et d'anatomie pathologique, beaucoup plus que sur des

faits thérapeutiques. La recrudescence de faveur, que lui vaut

l'emploi des doses intensives, parait devoir être passagère. Cepen-

dant, comme le traitement antisyphiiitique parait avoir réussi

quel luefois; comme il joue peut-être un rôle piéventif, et qu'il est

sans doute pour quelque chose dans l'atténuation générale du pro-

nostic du tabes, il y a toujours lieu de le tenter, mais en sachant

l'arrêter, lorsqu'il est évident qu'il devient nocif, ou lorsque de longs

essais l'out démontré inutile.

, Traitement mécanique des paraplégies spasmodiques.

M. Maurice Faure (Lamalou, Hérault). Les parap)<'gi'es'=pasmo-

diques.sout, incontestablement, un des états paralytiques qui ont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 261

le moins bénéficié jusqu'ici de la thérapeutique. Il est donc intéres-

sant de les voir s'améliorer sous l'influence d'un traitement méca-

nique. Beaucoup de paraplégies spasmodiques, après s'être instal-

lées insidieusement en quelques mois, sous des influences indéter-

minées, restent indéfiniment stationnaires, sans que l'état général

du sujet s'altère, et sans qu'il apparaisse de nouveaux troubles. Il

y a peu d'amaigrissement. pas d'atrophies, pas de véritables para-

lysies, mais seulement un état de contracture plus ou moins accen-

tué, intéressant la plus grande partie des muscles des membres in-

férieurs. Il en résulte que le sujet, tout en conservant sa santé, mar-

che avec les plus grandes peines, ou même ne marche pas du tout.

et présente les signes classiques de paraplégie spasmodique. Ce

sont ces états qu'il est possible d'améliorer dans des proportions si

considérables que la vie sociale du sujet est totalement changée.

Pour cela, il faut une première période de mobilisation passive.

qui peut durer de quelques semaines à plusieurs mois, dont la

technique varie souvent et ne peut guère être conduite et appliquée

que par le médecin. Cette première période de mobilisation est

suivie d'une deuxième période de rééducation, pendant laquelle il

faut réapprendre au paraplégique assoupli à se servir des muscles

dont il a oublié l'emploi. Au cours de la cure, le massage et l'é-

lectrisatiori peuvent aussi êire dirigés sur les muscles insuffisam-

ment nourris. Il va sans dire que cette thérapeutique ne peut être

appliquée aux paraplégies spasmodiques liées à une lésion en évo-

lution, surtout quand les mouvements peuvent réveiller des dou-

leurs ou des contractures (par exemple : le mal de Pott). Il s'agit

seulement de paraplégies dont le foyer peut être considéré comme

cicatrisé.

Répartition géographique des bègues.

M. Chervin, directeur de l'Institut des Bègues de Paris, fait une

communication sur la répartition géographique du bégaiement

d'après la statistique des jeunes gens exemptés du service militaire

à cause de cette maladie. La statistique de M. Chervin embrasse

une période de cinquante années, de 1850 à 1900 et comme il y a.

en moyenne, mille conscrits exemptés, chaque année, pour cause

de bégaiement, elle porte donc sur 50.000 sujets environ. Il résulte

du travail de M. Chervin que le bégaiement est beaucoup plus fré-

quent dans le midi que dans le nord ; comme il fallait s'y atlendre

le bégaiement suit exactement la même distribution géographique

que les maladies nerveuses en général.

Sur le traitement sérothérapique du goitre exophtalmique d'après

la méthode de Ballet et Enriquez.

M. MILLION (de Paris). Depuis que MM. Ballet et Enriquez ont

imaginé de traiter la maladie de Basedow par des principes em-

2G2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pruntésà des animaux éthyroïdés, nombre d'auteurs ont appliqué

des variantes de leur méthode, avec des résultats intéressants. Les

principes actifs qui sont ici en cause ne sont pas déterminés chi-

miquement et l'on ignore comment ils se répartissent, dans le sang 'g

des animaux opprés,*entre les éléments figurés et le sérum. C'est

pourquoi nous avons pensé. Carrion et moi, que la meilleure pré-

paration pharmaceutique serait celle qui, d'une part, respecterait

au maximum les substances les plus instables du sang, et qui'

d'autre part, emprunterait aux éléments ligures, aussi bien qu'au

sérum, leurs produits solubles, physiologiquement actifs, tels que

les ferments. Après divers essais, nous avons donné la préférence

aux préparations glycérinées, qui représentent des extraits à la

fois très complets et très stables.

Un phénomène palpébral constant dans la paralysie faciale

périphérique.

MM. Dupuy-Dutemps et Cestan. Dans quinze cas de paralysie fa-

ciale périphérique, que nous avons examinés depuis quatre ans,

nous avons observé le phénomène suivant : lorsque le regard du

malade se dirige en bas, la paupière supérieure s'abaisse en même

temps que le globe oculaire, tout en restant cependant plus élevée

que celle du côté sain. Dès lors si, danscette attitude, on commande

au malade de fermer fortement les yeux, on voit aussitôt la pau-

pière du côté paralysé s'élever très notablement au-dessus de cette

position antérieure. Ce fait en apparence paradoxal est d'autant

plus net.que la paralysie de l'orbiculaire est plus complète. Un

mouvement analogue, mais moins étendu, s'observe à la paupière

inférieure qui s'élève pendant l'occlusion et se déprime, dans les

regards en bas. Ce phénomène s'explique très simplement parles

liens anatomiques (expansions aponevrotiques) qui unissent les

paupières aux muscles droits supérieur et inférieur et les rendent

dans une certaine limite solidaires de leurs mouvements. Pendant

l'occlusion volontaire et énergique des paupières, normalement, le

globe de l'oeil se convulsé en haut. Dans les cas de paralysie faciale

il entraîne et relève dans son mouvement la paupière supérieure

qui n'est plus maintenue par la contraction de l'orbiculaire; il

l'abaisse quand il se dirige en bas. Il en est de même pour la pau-

pière inférieure. Le même fait se produit d'ailleurs à l'état nor-

mal, quand les yeux sont clos, mais il est alors plus difficilement

appréciable. Sur un sujet qui dirige au commandement ses yeux en

haut et en bas sous les paupières fermées, on voit nettement la

ligne des bords palpébraux réunis s'élever et s'abaisser en même

temps que les globes oculaires. Mais alors ces mouvements acces-

soires et secondaires sont diminués et en partie masqués par la

prédominance d'action de l'orbiculaire, taudis qu'ils deviennent

très manifestes lorsque ce muscle est paralysé.

% SOCIÉTÉS SAVANTES. '263

Acrocyanose et crampe des écrivains

MM. E. Brissaud, L. Hallion et H. Neige (de Paris). - Un sujet

atteint de crampe des écrivains présente en même temps une cya-

nose permanente des extrémités supérieures. Le malade, un garçon

de seize ans et demi, est, depuis son enfance, le plus capricieux

des écrivains; il a toujours pris des habitudes bizarres, forcées; ac-

tuellement, en écrivant, ses doigts, sa main, son bras se raidissent

et plus il écrit, plus cette «crampe» s'exagère. Les caractères qu'il

trace sont, tantôt réduits à un point, tantôt amplifiés et agrémen-

tés de paraphes et de fioritures. Il semble que ce garçon ait la pré-

tention constante de remplacer les lettres usuelles par des carac-

tères graphiques étranges, imprévus. Ceci cadre d'ailleurs avec, sa

tournure d'esprit ; il est naïvement vantard et se targue d'une ori-

ginalité exceptionnelle; ne songe qu'à surprendre, à émerveiller

autrui. Ses fantaisies scripturales sont un véritable cabotinage

graphique; au lieu de laisser sa main tracer automatiquement les

caractères appris, il s'ingénie à découvrir des modifications tou-

lours nouvelles ; de là les lettres et les paraphes abracadabrants.

Mais il n'y réussit pas toujours ; c'est alors -qu'il s'arrête, fait un

point, un accent, ou même un trou dans le papier;, comme il ne

peut trouver sur-le-champ une innovation suffisamment imprévue à

son gré, il renonce tout simplement à écrire. Par contre, lorsqu'il il

veut calligraphier un mot, ou lorsqu'il fait un dessin, sa main se

comporte à merveille : Aucune hésitation, aucune bizarrerie. Le

phénomène d'arrêt qui se produit à l'occasion de l'écriture cou-

rante semble donc bien sous la dépendance d'une inlervention cor-

ticale. Les « crampes des écrivains » de ce genre sont comparables

aux tics par leur nature et leur pathogénie; elles offrent surtout

des analogies avec certains bégaiements.

En même temps que ce phénomène d'arrêt, on remarque que

les deux mains sont d'une coloration violacée, froides et comme

engourdies. La pression du pouce sur la peau détermine une tache

blanche qui s'efface'tentement; le sang accède donc difficilement

aux capillaires. L'examen pratiqué avec le ptéthysmographe de

Ilallion et Comte a confirmé ce fait. Le pouls capillaire ne devient

visible qu'après une immersion prolongée des mains dans l'eau

chaude et l'influence vaso-dilatatrice de la chaleur se fait sentir

beaucoup plus tardivement que chez un sujet normal.

On peut interpréter de trois façons la coïncidence de l'acrocya-

nose et de la crampe des écrivains ; 10 le trouble vasculaire est la

cause immédiate des désordres moteurs; 2° les désordres moteurs

ont déterminé le trouble vasculaire ; 3° les deux symptômes relè-

vent à une cause unique. Cette dernière interprétation est accepta-

ble, si l'on suppose que l'acrocyanose est d'origine corticale au

même titre que les troubles moteurs. La physiologie enseigne en

264 SOCIÉTÉS savantes.

effet que l'excitation corticale produit des réactions vaso-motrices-

on conçoit donc la possibilité d'un spasme vasculaire d'origine

corticale. Un outre, la pathologie a fait connaître depuis long-

temps les troubles vao-moteurs des sujets porteurs d'une lésion

exclusivement corticale (hémiplégiques); d'autre part, l'hystérie

réalise des troubles vaso-moteurs dont la disparition rapide sous

l'influence de la seule « persuasion » est la preuve de leur origine

corticale. Enfin, en dehors de l'hystérie, d'autres perturbations

corticales sont parfaitement capables de produire des désordres

vaso-moteures (névroses vaso-motrices). ·

En somme, dans le cas actuel, la crampe des écrivains et l'angios-

pasme paraissent bien être sous la dépendance d'un trouble corti-

cal. Le deséquilibre psychique évident du sujet ne peut que confir-

mer cette hypothèse.

Tics des Mures, claéilopleagie, chéilophobie.

M. Henry Meige (de Paris). Les muscles des lèvres prennent

part. à un grand nombre d'actes fonctionnels; ils coopèrent notam-

ment à la mastication et à la mimique. Aussi les tics des lèvres

sont-ils extrêmement communs : moues, succions, pincement, ric-

tus de toutes sortes. Les lèvres jouent aussi un rôle dans les fonc-

tions de la respiration, de la phonation ; on voit ainsi des tics des

lèvres compliqués de bruits respiratoires et laryngés. Mais en

dehors des tics proprement dits, qui se distinguent par leur carac-

tère convulsif, les lèvres sont encore l'occasion et le siège d'habi-

tudes motrices intempestives dont la plus fréquente est la cheilo-

phagie.

Les « mangeurs de lèvres » sont certainement aussi nombreux

que les « rongeurs d'ongles », et se recrutent dans la même caté-

gorie de névropathes et de déséquilibrés que ces derniers. Les mê-

mes causes d'ailleurs entraînent les habitudes onychophagiques et

chéilophagiques. L'abondance et la délicatesse des terminaisons

sensitives dans les régions unguéales et labiales expliquent la

multiplicité et l'acuité des incitations qui en partent, et dont cha-

cune peut être l'occasion d'une réaction motrice. Chacun de ces

mouvements, provoquant à son tour une sensation nouvelle, ex-

cite, chez un prédisposé friand d'impressions sensitives, le désir

de recommencer. Par la répétition, l'acte passe à l'état d'habitu-

de ; le besoin de l'exécuter devient de plus en plus impérieux; sa

non-satisfaction s'accompagne d'une véritable souffrance. Et comme

sa volonté est trop fragile et trop versatile pour opposer une lon-

gue résistance, le chéilophage, comme l'onychophage, finit tou-

jours par céder à la tentation. La chéilophagie s'observe surtout

dans le jeune âge. Son point de départ est généralement une exco-

riationlabiale,plus souventencore les gerçures causées par le froid.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

Les pellicules d'épiderme soulevé provoquent une sensation désa-

gréable que le sujet cherche à faire di-paraitre par un frottement

de la langue ou une morsure des dents, dont l'effet dépasse le but,

en augmentant l'érosion, et en même temps la douleur. Mais il

recommence dès que celle-ci s'est atténuée. Certains, au lieu de

mordre leurs lèvres, préfèrent les gratter avec leurs ongles, ce qui

ajoute aux inconvénients de cette' mauvaise habitude, les dangers

de l'infection. Quel que soit le procédé, il a pour résultats une tu-

méfaction des lèvres accompagnée ou non de petites plaies sai-

gnantes ou croûteuses. La chéilophagie est justiciable des mêmes

procédés de traitement que toutes les habitudes intempestives. La

surveillance des parents suffit parfois à l'enrayer. Elle disparait en

général à l'âge adulte, où elle est souvent remplacée chez l'homme

par une habitude similaire, la trichophagie, acte de manger les

poils de la barbe, ou par l'acte de friser, jusqu'à les briser, les

poils de la moustache.

On peut donner le nom de chéilophobie à une variété de noso-

phobie, dont voici un exemple curieux. C'est un jeune homme de

vingt-six ans, liqueur, fils de tiqueur, frère de tiqueur. Clignements

d'yeux, reniflements, froncements des sourcils et du front, tics des

lèvres, hochements et secousses de tête, haussements d'épaule, coups

de pied, bruits respiratoires, petits cris, il a eu toute cette succes-

sion de tics variables.

Au mental, c'est un scrupuleux; il fut obsédé par la crainte du

péché pendant toute la durée de ses études dans un établissement

religieux ; il eut l'obsession de toucher et de déplacer certains ob-

jets ; il est maniaque dans ses habitudes journalières. Outre ces

particularités mentales, il présente un enfantillage de l'esprit qui

se manifeste par delà naïveté et de la versatilité des idées (infan-

tihsme psychique). Vers l'âge de dix-neuf ans, ce garçon s'aper-

çut un jour que sa lèvre inférieure était couverte de petites pelli-

cules blanches. Il prit plaisir à les arracher; le lendemain, il cons-

tata avec surprise qu'elles avaient reparu ; il consulta un médecin

qui ordonna une pommade. Celle-ci ne lui ayant paru faire aucun

effet, il se mit en quête d'autres topiques. Au cours d'une consul-

tation, le mot d'eczéma fut prononcé; dès lors le malheureux se

crut obligé de suivre un régime des plus sévères : plus de viande

rouge, plus de charcuterie, plus de poisson, plus de vin, etc., il

ne se nourrissait guère que de lait et d'oeuls. Les repas devinrent

pour lui un supplice, autant par la difficulté de sélectionner les

aliments, que par la peur d'irriter ses lèvres, avec la fourchette, la

cuiller, les mets solides ou les boissons. Enfin il n'osa même plus

rapprocher ses lèvres l'une de l'autre. Et non seulement il fut ob-

sédé par la crainte des dangers, auxquels l'exposait sa prétendue

a maladie des lèvres », mais il avait peur de la transiiietire. 11 re-

doutait d'embrasser .ses parents. La présence de tics nombreux,

)66 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'absence de tout caractère pathologique de ces excoriations iabia-

les permirent de supposer qu il s'agissait d'une espèce de noso-

phobie. Le jeune homme tenait constamment ses lèvres entr'ouver-

tes ou s'efforçait de ne pas les mettre en contact 1 une avec l'autre;

il projetait eu avant et même il renversait sa lèvre inférieure, de

telle sorte qu'une grande partie de la muqueuse restait toujours

au contact de l'air; de là une dessication, bientôt suivie de desqua-

mation. Ni pour parler, ni pour manger, ni en aucune autre cir-

constance la lèvre inférieure n'était humectée par la salive. Cela

suffisait à expliquer la sécheresse, la rugosité de l'épiderme et les

sensations de raideurs, de cuisson signalées par le malade, ampli-

fiée d'ailleurs par la préoccupation constante des dangers auxquels

il se croyait exposé. Les tics furent rapidement améliorés parla

discipline psychomotrice. Au bout d'un mois ils avaient presque

complètement disparu. La chéilophobie ne tarda pas à disparaître

également.

En expliquant au malade la conformation normale et le fonction-

nement des lèvres, on parvint à lui faire comprendre toute l'ab-

surdité de l'habitude qu'il avait prise. Il se décida à rapprocher

ses lèvres l'une de l'autre, à les humecter avec sa salive, à les

mettre en contact avec les aliments, les boissons, etc. Les pellicu-

les épidermiques, les croûtelles, ce soi-disant « eczéma sébor-

rhéique » des lèvres, disparurent avec l'habitude vicieuse qui les

provoquait. Ce résultat dissipa ses préoccupations nosophobiques.

Dès lors, le malade fut transfiguré; il se décida à vivre comme

tout le monde, à manger de tout, à parler sans s'imposer de ne pas

rapprocher ses lèvres. En pareil cas, la meilleure psychothérapie

consiste à dire la vérité ; car les idées fixes ont souvent pour point

de départ des idées fausses. Il faut rechercher ces dernières et s'ef-

forcer d'en démontrer la fausseté, non point seulement par des pa-

roles, mais à l'aide d'expériences qui nécessitent la collaboration

active du malade et dont les bons résultats lui font reconnaitre

l'absurdité de ses phobies.

Sur la mesure du tonus musculaire.

Mf. G. Coustensoux et A. Zimuern. La question du tonus

musculaire a été dans ces dernières années l'objet de nombreux

travaux, l'appréciation de ce tonus-fait maintenant partie de l'exa-

men des malades nerveux et pourtant nous n'avons pas de

moyens de mesurer le tonus. L'insuffisance du procédé employé

en clinique et consistant à évaluer la résistance passive opposée

par les muscles et l'étendue des déplacements réalisés lors des

mouvements provoqués est évidente. Les appareils construits pa :

quelques auteurs (Muschens, Mosso), sous le nom de tonomètres

sont passibles de divers reproches quant à leur principe et à leur

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 -1

exécution. Le myophone de Rondet de Paris est un instrument

ingénieux et intéressant, mais le maniement en est délicat et les

résultats qu'il fournit sont difficiles à interpréter. La question de

la mesure du tonus reste donc à résoudre.

Nous avons entrepris d'enregistrer par la méthode graphique

les secousses musculaires fournies par des muscles sains sous

l'influence des divers modes d'excitation électrique et de les com-

parer aux courbes correspondantes fournies par des muscles dont

le tonus est altéré. L'identité entre les unes et les autres s'est

montrée complète, mais ce résultat négatif était intéressant à

constater parce qu'il prouvait que les muscles examinés, s'ils

étaient modifiés dans leurs tonus, n'étaient ni dystrophiques ni

dégénérés. Nous avons alors été amenés à rechercher le nombre

des excitations à la seconde, nécessaires pour provoquer le

tétanos musculaire. Ici au contraire nous avons constaté des diffé-

rences qui nous ont paru être en rapport avec l'état du tonus.

i° Chez les sujets sains et pour un muscle déterminé, le nombre

des excitations nécessaires pour amener le tétanos présente des

variations appréciables, mais comprises entre certaines limites,

en sorte qu'on peut établir des chiffres moyens servant de formes

de comparaison. 2° En cas d'hypotonie, le nombre des excitations

nécessaires a toujours été notablement supérieur à la moyenne

des sujets sains. Deux cas seulement faisaient exception, mais les ,

malades corresponddnts présentement des caractères cliniques tout

spéciaux. 3° Chez les hypertonique*, le* chiffres trouvés ont tou-

jours été faibles, un peu inférieurs à la moyenne des sujets sains.

De ces faits nous sommes amenés à conclure que le nombre des

excitations nécessaires pour provoquer, le tétanos musculaire peut

suivant les cas présenter des écarts et que ceux-ci sont en rap-

port avec l'état du tonus : ce nombre augmente quand le tonus

diminue, il s'abaisse quand le tonus s'élève.

Si nous ne pouvons pas dire encore que nous disposions d'un

moyen rigoureux de mesure du tonus musculaire, cette relation

nous a néanmoins paru mériter d'être signalée.

Paralysie générale juvénile.

M. LALANNE (de Bordeaux) communique une observation avec

examen histologique concernant un paralytique général juvénile

ayant présenté une fracture spontanée des os de la jambe au

début de l'affection.

M. Marie, à propos de la communication de M. Lalanne, appelle

l'attention sur les fractures spontanées des paralytiques. Il en

rapporte un cas personnel où dix fractures se reproduisirent sous

l'influence de causes futiles chez un hérédo-syphihtique, mor

paralytique. Ces cas de dystroptnes précoces des os chez ces futurs

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

paralytiques semblent déceler une dystrophie du squelette rele-

vant de diapédèse particulièrement marquée dans le tissu osseux,

comparable à l'altération trophique ultérieure de l'encéphalite

paralytique.

SÉANCE DU 4 AOUT.

Les congressistes se sont rendus à Spa par le train

de 7 h. 30. Ils ont été reçus par M. Damseaux, bourgmestre,

et les Dr8 Schaltin, Guilleaume, Delneuvillé, Wybauw et

Poskin. Après une très intéressante conférence faite par M. le

Dr NVybauw au Casino, sur Spa, son histoire, ses' eaux et

leur action, les congressistes ont déjeuné par petits groupes

La séance s'est ouverte à deux heures au Salon de con-

versation du Parc, sous la présidence de M. le D'' Tou-

ticiikine (de Kharkow). La parole a été donnée tout d'abord

à M. le Dr Giraud, de Rouen.

Note sur les aliénés processifs .

M. A. Giraud (Saint-Yon). Il existe une catégorie d'aliénés

persécutés-persécuteurs, qui, au lieu de chercher a se faire jus-

tice par eux-mêmes, en réagissant directement contre leurs pré-

tendus persécuteurs, s'adressent aux tribunaux de leur pays,

dénonçant ceux qu'ils considèrent comme leurs ennemis, allè-

guent des faits graves, parfois avec une grande apparence de

vérité, mettent en mouvement les magistrats et apportent un véri-

table acharnement à fairb multiplier les poursuites. L'auteur de

cette note dit que ces aliénés sont bien connus et il relate deux

cas où il a été appelé comme expert à examiner des individus

ayant, sous l'influence de leur délire, multiplié des dénonciations

reconnues mal fondées.

Sur la forme la plus habituelle des troubles de mentalité qui se pi,o-

duisent au cours des maladies des cavités ? zaso-phÉi ? ,Yiîgie2nes.

M. ROYET, ancien chef de clinique des maladies mentales à la

Faculté de Lyon. De très nombreuses observations de troubles

nerveux, en relation avec'les maladies du nez, ont été publiées.

Parmi celles-ci un certain nombre ont rapport à de véritables

délires. Les maladies qui les ont causées, comme aussi la forme

du trouble mental, étaient diverses. Cependant, si on met à part

celles dont lé délire n'a que la signification d'un accident psychi-

que po<t-opératoire et celles où l'élément infectieux prend la pre-

mière place, on reconnaît qu'il existe une forme à peu près cons-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269

tante. C'est cette forme que présentent, avec des variations

d'intensité, les malades qui font l'objet d'une série de neuf obser-

vations résumées succinctement ci-après : ,

ire OBs. M. X..., trente-huit ans. Polypes,muqueux ignorés

jusqu'à l'examen, troubles mentaux assez accentués, obnubilation

intellectuelle, retard de toutes les opérations psychiques, diffi-

culté d'attention, léger état de rêve, mal de tête, angoisse,

anxiété et idées mélancoliques très accentuées.

Guérison par l'ablation des polypes.

11° 0ns. M. 13..., trente-deux ans. Rhino-pharyngite chro-

nique avec aggravation récente à la suite d'une grippe. Impossibi-

lité de s'appliquer longtemps à un travail sans déterminer des

accès d'angoisse et des sensations de constriction de la gorge,

hypocondrie et neurasthénie consécutives à la persistance de ces

symptômes. Guérison rapide parle traitement local.

Ille OBs. M-1 D..., quarante-cinq ans. Empyème maxillaire

persistant après une grippe. Obnubilation intellectuelle, pensée

pénible, asthénie très prononcée. Retour à l'état normal par gué-

rison de l'empyème. ,

IV° Ces. M-e J..., trente-deux ans. Rhinite hypertrophique

légère, symptômes d'obsiruction nasale très accentués pour le

moindre froid. Mal de tête, sensation de plénitude du crâne,

angoisse, parfois état de demi-rêve, impossibilité de diriger la

pensée. Guérison temporaire immédiate par application de médi-

caments vaso-constricteurs et plus définitive par réduction des

cornets au galvano-cautère.

V° OBs. : 11m° F..., trente-cinq ans. Légères crises d'hydror-

rhée nasale Au moment de la période congestive qui précède

l'écoulement, impossibilité défaire une lettre, un calcul, attention

impossible à fixer, sensations de plénitude de la tête et douleurs.

Tous les symptômes précédents disparaissent avec l'établissement

de l'écoulement.

YI° ODS. Garçon, treize ans. Végétations adénoïdes légères,

pas de surdité. Insuffisance mentale, ne peut suivre les cours de

son âge, est toujours le dernier de sa classe. Agitation incessante,

sans but, instabilité mentale, mouvements choreiformes. L'adéno-

tomie fait disparaître l'agitation, les mouvements choreiformes,

l'enfant devient attentif et apprend plus facilement.

VJIO Oas. Garçon, treize ans. Végétations adénoïdes abon-

dantes. Cas à peu près identique au précédent, sauf que, après

une première guérison, une rougeole amena un gonflement pro-

noncé et persistant du tissu adénoïdien resté dans la caverne. Les

symptômes nerveux réapparurent et guérirent par une seconde

adénotomie.

270 SOCIÉTÉS SAVANTES.

VI11 Ous. P... Garçon, douze ans. Sténose au niveau de ld

cloison cartilagineuse; rien dans la caverne. Agitation incessante.

instabilité mentale. Disparition de ces symptômes après rétablis-

sement de la perméabilité nasale.

]Xe OBs. \Irl° X ? dix-neuf ans. Végétations adénoïdes très

prononcées chez une faible d'esprit congénitale ou par lésion des

centres nerveux dans la première enfance. Agitation incessante :

tics variés de salutation et autres; inattention absolue. Après opé-

ration, disparition immédiate de l'agitation; l'attention est relati-

vement facile, la malade devient docile. '

La pathogénie de ces troubles mentaux peut s'expliquer : 1° par

des modifications de la sensibilité générale ou spéciale : obsession

de la douleur, de la céphalée en particulier, si fréquente au cours

des maladies du nez, interprétations erronées de sensations olfac-

tives réelles ou subjectives;

2 Pour des réactions réflexes : directement, par action vaso-

motrice sur les centres nerveux, action réflexe démontrée expén-

mentalement ; indirectement, par réaction secondaire des fonc-

tions qu'une excitation de la muqueuse du nez a pu troubler :

appareils respiratoire, circulatoire, génital, etc.

3° Par les influences réciproques qui peuvent se produire entre

les organes du nez et les enveloppes du cerveau par suite de leurs

rapports de voisinage et de leurs communications vasculaires.

sanguines et lymphatiques.

4° Par l'insuffisance respiratoire qui amène de l'anémie, de

l'asthme, de l'angoisse, etc., et qui a sur la digestion une influence

néfaste. Les troubles dyspeptiques peuvent aussi secondairement

accentuer les modifications psychiques.

La marche des psychoses consécutives aux maladies du nez, à

moins d'une durée trop longue, est, en général, liée à l'évolution

de celles-ci. Elles disparaissent ensemble après un traitement

convenable.

Le diagnostic présente une certaine difficulté liée à ce que les

maladies du nez sont souvent latentes ou qu'elles ne déterminent

que des sensations localisées en dehors des cavités naso-pharyn-

giennes. Elles doivent donc être cherchées, surtout si la psychose

qu'on observe revêt le type habituel au cours des maladies du ne : .

Ce type est caractérisé par :

1° Une légère obnubilation intellectuelle et une incapacité mar-

quée de diriger les opérations mentales dont les conséquences

sont : l'impossibilité de saisir rapidement la signification des

excitations venues de l'extérieur ou de l'intérieur. C'est ceau'ona a

désigné sous le nom de défaut d'attention et qui est plutôt une

asymbolie passagère. Une très grande difficulté à réveiller immé-

diatement les images de mémoire. L'absence de frein à la céré-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 271 1

bration automatique qui détermine une sorte d'état de rêve. Une

sensation de dépression physique et morale très accentuée.

20 Enfin, une sensation d'angoisse constante qui, chez l'adulte,

détermine, à l'état de veille, de l'anxiété et de l'irritabilité, une

tendance mélancolique et, pendant le sommeil, des rêves péni-

bles et des cauchemars, qui, chez l'enfant, se traduit surtout par

de l'agitation sans but et des phénomènes moteurs chorée,

tics, etc., et aussi par des troubles du sommeil, agitation,

lrayeurs nocturnes, etc.

Elule comparative de la fatigue au moyen de l'elgogrnplae et des

enjogrammes, chez l'homme sain, le neurasthénique, le myopa-

litique et dans l'atrophie mMS<;t ? )'6H6'u)'t<tue.

MM. Gilbert Ballet et Jean Philippe. Des études que nous

poursuivons sur la fatigue étudiée au moyen de l'ergographe de

Mosso et des ergogrammes, nous détachons quelques résultats

préléminaires que nous désirons communiquer au Congrès. Ces

résuliats nnt été obtenus en combinant l'ergogramme d'épuise-

ment de Mosso avec l'ergograrnme de Maggiora, rythmé de dix

secondes en dix secondes de fa;on à permettre l'élimination

totale de la fatigue chez le sujet normal. Dans ces conditions, sur

un individu sain, on constate, en faisant travailler l'index jusqu'à

la fatigue complète, que la hauteur du tracé exprimant l'énergie

de la contraction va en s'abaissant progressivement (eryogramme

de Mosso). Quand cette hauteur approche de 0, si l'on espace

la contraction de l'index de dix secondes en dix secondes, on voit

que le muscle fléchisseur non seulement récupère sa puissance

d'action, mais cesse de se fatiguer. Les tracés de chacune de ces

contractions espacées (ergogramine de Maggiora) sont sensible-

ment de même hauteur, chez les neurasthéniques myélasthéni-

ques, au contraire, après le tracé d'épuisement, analogue à celui

du sujet sain, t'ergogramme de Maggiora (contractions espacées

de dix secondes), permet de constater que le muscle ou bien ne

récupère que liés lentement sa puissance d'action, ou bien, loin

de la récupérer, continue à se fatiguer. Les tracés successifs, dans

ce dernier cas, bien qu'espacés, vont en s'abaissant à mesure

qu'ils se succèdent. Chez les myopathiques, chez les malades

affectés d'atrophie névritique, les choses se passent très dillérem-

ment et se rapprochent de ce qui a lieu à l'état normal. AI)rès 'e

trace d'épuisement (dont le niveau général, à cause de l'atrophie

musculaire, est moins élevé, cela se conçoit, que le niveau du

tracé de l'individu normal) le tracé des contractions espacées

montre que le relèvement de la courbe est rapide et soutenu

comme à l'état sain. Ces résultats constituent un nouvel argument

en faveur de l'opinion, d'après laquelle la fatigue, chez les neu-

12 7 1) SOCIÉTÉS SAVANTES.

rasthéniques, a son origine dans le système nerveux central, non

dans le muscle. Il y dans ce fait un moyen éventuel de contrôle

en médecine légale en ce qui concerne la simulation de la neuras-

thénie traumatique,

M110 JOTFIlio rappelle à ce propos les recherches qu'elle a faites

et dont les résultats coïncident avec les précédents. Elle appelle

l'attention sur le compte à tenir des excitants artificiels (alcool

par exemple), qui peuvent modifier et écourter le temps de répa-

ration normal de la fatigue évalué à dix secondes.

Mandrin pour faciliter l'introduction de la sonde o'op/ia's't'e7 ! )te

chez- les aliénés.

M. Serrigny (Marsens, Suisse). L'intervention chez les aliénés

sitiopliobes a soulevé de nombreuses controverses pour savoir

quelle était la meilleure méthode : la voie nasale ou la voie buc-

cale. Pour ma part, après avoir employé les deux méthodes, j'ai

fini par adopter à peu près systématiquement la voie buccale, à

cause des inconvénients du trajet na-o-oesophagien et de l'emploi

des sondes de petit calibre. A cet effet, je me sers d'une sonde

oesophagienne ordinaire, de gros calibre. Pour l'introduire, j'ai fait

construire un mandrin métallique formé d'un fil d'acier de 1 mil-

limètre de diamètre environ enroulé sur lui-même en tire-bouchon

de façon à constituer un tube dont tous les tours de spire se tou-

chent. Il est plus long que la sonde, d'un diamètre inférieur, et

glisse facilement dans son intérieur. Il est légèrement élastique

dans «on axe, très flexible dans tous les sens, beaucoup plus que

la tige de baleine, qu'il surpasse en solidité. Pour augmenter sa

rigidité dans certains cas, on .peut introduire dans son intérieur

une petite lige d'acier. Ce mandrin ne risque pas de transpercer la

sonde, de blesser les parois oesophagiennes. Grâce à lui, la sonde

traverse absolument seule, sans le secours du doigt indicateur,

l'isthme pharyngien. Lorsqu'on l'a franchi, on maintient en place

le mandrin en continuant de faire descendre la soude jusqu'à

l'estomac, puis on achève de retirer le mandrin. La manemvre est

des plus simples. On objectera qu'il faut ouvrir la bouche du ma-

lade. Avec un peu de patience on y arrive facilement en général.

Il suffit d'avoir un écarteur très solide, agissant lentement et dont

les extrémités soient interchangeables, selon les sujets et leur

dentition, tantôt minces, tantôt larges. Je n'ai ainsi jamais ren-

contré de difficulté insurmontable ni brisé de dents, même en mau-

vais état. L'introduction de la sonde est des plus simples, rapide,

réduisant au minimum les chances d'accident et de pénétration

dans la trachée (je ne l'ai jamais vu). Et l'on peut administrer au

malade une nourriture très variée jusqu'à consistance de crème

épaisse surtout si l'on emploie une poire de caoutchouc pour don-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 213

ner de la pression au liquide. Les résultats que j'ai obtenus depuis

deux ans ne sont pas à comparer avec ceux que donnait la sonde

nasale.

11. le D'' SIZRET rappelle le procédé préconisé par son père dans

le Dictionnaire de Dechambre et par lequel la voie nasale est pré-

férable et sûre. Pour lui, vingt années d'expérience l'ont confirmé

dans sa préférence pour la voie nasale et l'emploi de sondes de

calibre relativement fin. MM. Marie, Anglade, Trénel et Toutiehkine

se rangent à cet avis.

7')'o ! t&psc/n ! tes dans un cas de sclérose en plaques.

IL Laknois (de Lyon). Les troubles intellectuels légers (opti-

misme, dépression mélancolique, etc.) sont la règle dans la sclérose

en plaques. Il est rare de les voir s'exagérer et devenir le symp-

tôme le plus saillant de l'affection. C'est un cas de ce genre que

Lannois rapporte.

Un homme de vingt-six ans présente -une sclérose en plaques

typique ayant débuté à dix-sept ans après une scarlatine (tremble-

ment classique, nystagmus, parole scandée, exagération des ré-

Ilexes, etc.). Assez brusquement, sans troubles psychiques anté-

rieurs bien marqués, il se présente de l'érotonaunie. Il se met a

parler de somatisation, c'est-à-dire de la guérison des maux les

plus divers par l'application des organes génitaux loco dolenti, se

dit doué de ce pouvoir, se livre à la masturbation, s'introduit des

sondes dans 1'urèLlire, et le rectum, etc. Quelques mois plus tard

il présente du délire de persécution et finalement des idées de gran-

detw et de richesse, parle de ses maisons, t'ait des testaments, etc.

Ces troubles sont très voisins de ceux que l'on rencontre dans la

paralysie générale, aussi l'erreur a-t-elle été commise plusieurs

fois dans les deux sens, la sclérose en plaques ayant été prise pour

de la démence paralytique et inversement.

Ces troubles peuvent s'expliquer par l'extension et la générali-

sation des plaques aux lobes.frontaux, par leur présence sur le

corps calleux ce qui rompt la synergie fonctionnelle des hémis-

phères (Dupé, etc.), ou plutôt par l'existence des lésions histolo-

giques qui ont été décrites dans les méninges, l'écorce grise

(névroglie, cellules) et même la substance blanche par Philippe et

Joués.

Il faut aussi faire intervenir dans la pathogénie des troubles

présentés par ce malade l'existence de tares névropathiques fami-

liales et la présence d'une albuminurie légère, mais persistante,

indice d'une néphrite ascendante d'origine bleunorrhagique pro-

bable.

M. Anglade regrette que la ponction lombaire n'ait pas été

faite.

Archives, 2- séiie, t. XVI. 18

374 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Raviart rapporte à son tour un cas observé et autopsié dans

le service de M. 11ER.1VAL, et où la sclérose en plaques fut combinée

à la paralysie générale.

Erythromélalgie suivie de gangrène des extrémités avec autopsie.

MM. Lannois et A. 130ROT (de Lyon).- L'association de l'érythro-

mélalgie et de la maladie de Haynaud est un fait rare en clinique

(cas de Mills, Potain, Morel-Lavallée, L. Lévi). En voici un nouvel

exemple intéressant par l'autopsie qui a pu être faite.

Une femme de cinquante-cinq ans présentait depuis quatorze ans

des phénomènes d'érythromélalgie limités à la main gauche. A la

suite de deux petites attaques sans perte de connaissance, elle est

d'abord une monoplégie du bras, puis une hémiparésie gauches.

A ce moment, la vaso-dilatation de la main fit place à de l'as-

phyxie locale qui s'étendit simultanément aux deux pieds, tout en

étant plus marquée à gauche. Peu à peu le gros orteil gauche se

sphacéla et s'élimina. La plaie était en voie de guérison lorsque la

malade succomba.

A l'examen, outre le ramollissement cérébral et la sclérose des-

cendante, on trouva, à la partie supérieure de la moelle dorsale

et à la partie inférieure de la moelle cervicale, une disparition très

nette des cellules de la colonne latérale gauche ou trachéo inter-

medio-latéralis de Clarke ainsi que des petites cellules de la base

de la corne postérieure. Celles qui persistent présentent l'aspect

évident d'une atrophie à évolution lente. il n'y a pas de lésions

marquées des nerfs périphériques.

Après avoir passé en revue les diverses théories de l'6rythro-

mélalgie (nerveuse, médullaire, cérébrale, névropathique) et tout

en tenant compte des incertitudes de l'origine du sympathique,

les auteurs croient pouvoir attribuer aux lésions médullaires obser-

vées les phénomènes vaso-moteurs de longue durée présentés par

leur malade. On sait en effet que c'est aux lésions de cette région

que l'on a attribué les troubles vaso-moteurs et sécrétoires du

tabès (Pierret), de certaines tumeurs de la moelle (Seelicmüller)

et de la syringomyélie (Grasset, Marinesco. etc.).

Sur la pathogénie des obsessions morbides.

M. Serge SOUKIIANOFF (Moscou). Les processus psychiques

obsédants sont les manifestations d'une organisation neuro-psy-

chique particulière et congénitale (constitution idéo-olisessire) ; ils

peuvent s'exprimer en forme de représentations obsédantes, d'idées

obsédantes, de peurs obsédantes ou phobies, de désirs obsé-

dants, etc. ; ils sont multiples chez un seul et même individu et

jamais isolés; quelques-uns de ces processus morbides peuvent

prévaloir sur les autres. La constitution idéo-obsessive peut se

SOCIÉTÉS SAVANTES. 275

manifester de différentes façons : 1° ses formes légères s'expriment

par un caractère scrupulo-izzquiet; 2° dans des cas plus graves,

cette constitution se manifeste par des idées obsédantes, des pho-

bies, etc. (psychopathie) ; 3° les cas encore plus graves s'expriment

sous la forme de psychose, d'idées obsédantes (psychose idéo-obses-

sice). Il va sans dire qu'il existe un grand nombre de formes tran-

sitoires se rapprochant l'une ou l'autre de ces trois catégories sus-

mentionnées. Sur le terrain de la constitution idéo-obsessive

peuvent étie observées des aggravations, sous l'influence de divers

états physiologiques (période de pubeité, période d'involution,

processus puerpéral, etc.), et pathologiques (combinaison avec la

mélancolie, surmenage, épuisement, etc.). Parfois, ces exacerba-

tions semblent dépendre de causes endogènes quelconques. L'hé-

rédité homogène et tuberculeuse joue ici un grand rôle. La consti-

tution idéo-obsessive se combine très souvent avec le syndrome

neurasthénique et s'accompagne de diverses anomalies sexuelles,

mais ces dernières ne sont pas la cause de la maladie en question.

Outre les processus psychiques obsédants qui servent de manifes-

tation à la constitution idéo-obsessive, existent encore des processus

obsédants symptomatiques, qui peuvent être observés dans diffé-

rents états psychopathiques (hystérie, épilepsie, démence pré-

coce, etc., etc.). Entre les premiers et les seconds, il y a une

différence, pareille à celle qui existe, par exemple, entre la mélan-

colie et les états mélancoliques. La constitution idéo-obsessive se

rencontre, semble-t-il, plus souvent chez les hommes que chez les

femmes, qui à leur tour sont plus prédisposées à l'hystérie (Soukha-

no ? et Gurtno2tchlcine). Ile-t possible qu'il faudrait élargir les limites

de la constitution idéo-obsess)ve(G.7 ! ossoytmo), en y incluant les

tics psychiques (Meige rt Feinclel) et certains cas de névrose d'an-

goisse (Frerc 1, IItti-teiibe ? q). Il serait nécessaire de séparer la cons-

titution idéo-obsessive du vaste groupe des dégénérescences psy-

chiques » et d'en faire une entité morbide particulière.

Contribution ci la classification des iîz(,7zsl),es ennéphaliens. Rôles,

physiologiques du bulbe chez ces monstres.

MIL A. Leri et Cl. VURPAS. Nous avons eu l'occasion d'exa-

miner en détail le système nerveux de quatre anencéphales. Deux

étaient nés morts et avant terme, l'un à sept mois et demi, l'autre

à huit mois et demi ; les deux autres étaient nés vivants et après

terme, ainsi qu'il arrive dans t'anencéphatie, ce qui tient probable-

ment à l'absence de compression de la tête sur le segment infé-

rieur de l'utérus ; cette naissance après terme, à dix et onze mois,

était prouvée à la fois par l'époque des dernières règles, par le

poids énorme des foetus (4.300 grammes dans un cas, malgré l'ab-

sence de tête, alors'que le poids moyen d'un enfant normal à la

276 SOCIÉTÉS SAVANTES.

naissance est de 3.000 à 3.500 grammes) et par le développement

exagéré des points d'ossification, en particulier par le gros déve-

loppement du point épiphysaire inférieur du fémur qui d'ordinaire

débute à l'époque de la naissance. Nous avons constaté que les

deux sujets nés après terme et vivants (l'un d'eux a même vécu

trente-neuf heures) possédaient un bulbe, mais non les parties

sus-jacentes. Les très rares cas contraires de monstres n'ayant pas

de bulbe et nés vivants que nous avons trouvés dans nos recher-

ches bibliographiques remontent à une époque déjà reculée et

prêtent à discussion, car leur histoire est racontée de façon diffé-

rente par les divers auteurs et parfois même opposée. Nos deux

monstres venus avant terme et nés morts n'avaient pas de bulbe.

Ces constatations nous permettent de penser que le bulbe est la

partie du système nerveux nécessaire et suffisante pour satisfaire

aux actes vitaux élémentaires du nouveau-né, et que le système

ganglionnaire n'est nullement suffisant, comme on l'a prétendu,

à la vie extra-utérine. Comme les altérations de la moelle nous

permettent de penser que l'éclatement de l'hydrocéphalie mfec-

tieuse, cause à notre sens de l'anencéphalie, remontait déjà à une

période éloignée, et comme d'autre part l'état de conservation

parfaite des foetus indiquait que la mort remontait à peu de temps,

comme même chez l'un d'eux les bruits du coeur avaient été en-

tendus le jour de l'accouchement, nous pensons que le bulbe n'est

pas nécessaire au développement foetal, jusqu'à une période très

tardive de la vie intra-utérine ; peut-être devient-il nécessaire pour

la continuation de cette vie jusqu'à la fin de son terme normal et

plus probablement, jusqu'au delà de son terme ? Le système gan-

glionnaire seul ne parait de la sorte pas devoir suffire, comme on

l'a prétendu, à l'existence de la vie extra-utérine. Par conséquent

le bulbe joue, croyons-nous, un rôle physiologique de premier

ordre dans l'évolution biologique des anencéphales. Il nous semble

donc nécessaire de faire appel aux données de la physiologie dans

la classification purement analomique de Geoffroy Saint-Hilaire,

admise jusqu'ici, et de donner une place à côté des anencéphaliens

et des pseudencéphaliens, qui n'ont ni moelle, ni cerveau, et de

ceux qui n'ont qu'une moelle, aux sujets qui possèdent un bulbe

et que nous proposons de dénommer bulbanencéphales.

Troubles de la sensibilité dans les étals neurasthéniques et

mélancoliques.

Professeur Duaots (Berne). Une hyopesthésie dans le domaine

«de la huitième paire cervicale ou de la première dorsale a suffi à

certains cliniciens pour confirmer le diagnostic de paralysie géné-

rale. C'est là une erreur. Au cours des psycho-neuroses on ren-

contre des troubles analogues. Trois cas de neurasthénie ayant

· SOCIÉTÉS SAVANTES. 277 -1

présenté des anesthésies ainsi que des modifications des réflexes et

suivis néanmoins de guérison.

Principes d'une psychothérapie .rationnelle.

Professeur Dubois (Berne). La psychothérapie qu'exerce le

médecin ayant du tact et de la bonté est vieille comme le monde.

La psychothérapie par hypnotisation est à rejeter parce qu'elle

exploite et entretient la crédulité humaine d'ordre psychologique

inférieur. Ce que l'on obtient par l'hypnose, on peut l'obtenir par

la persuasion loyale, par l'éducation de l'esprit, par l'orthopédie

morale. C'est là la psychothérapie rationnelle. Il faut donner con-

fiance au malade en lui montrant, par un examen méthodique,

qu'il n'a pas de lésions organiques, qu'il guérira. Il faut l'encou-

rager moralement. L'affection psychique doit être guérie par un

traitement psychique. C'est aussi l'opinion de Pinel.

La visite des sources de Spa a été faite ensuite et les

Congressistes ont été reçus en un banquet final offert par la

municipalité de Spa. Tous les congressistes conserveront le

meilleur souvenir de' leur réception à Spa, tant de la part de

la municipalité que de leurs confrères qui ont mis la plus

grande complaisance à les guider et à les renseigner. (.4 suivre.)

130U1t1E\'ILLE.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 27 avril 1903. Présidence de M. Ballet

Rote des organes internes dans l'évolution et la constitution de la

vie mentale.

LE Secrétaire général donne lecture, au nom de M. Prou, d'une

communication sur le rôle des organes internes dans l'évolution et

la constitution de la vie mentale, d'où il résulte que les organes

interviendraient pour une part importante dans les actes psychi-

ques. Il ne saurait, en effet, en être autrement, puisque la vie

végétative régit la nutrition des centres nerveux supérieurs comme

celle de tous les autres systèmes.

Sur un cas de délire de lIé(littii2nilé.

MM. Ballet ET DIIEUR communiquent l'observation d'un malade

qui a été en proie à un délire des plus intenses, reposant unique-

278 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment sur des troubles cérébraux en tout point analogues à ceux

que l'on observe chez les médiums; l'état mental des « aliénés »

de ce genre semble n'être que l'exagération, le grossissement de

l'état mental propre à tous les médiums.

Lorsqu'on étudie, en effet, au point de vue de sa physiologie

pathologique, l'état mental d'un médium, on voit qu'il résulte

d'une désagrégation plus ou moins complète de la personnalité

avec intervention des phénomènes subconscients et hallucinations

consécutives.

Que le médium fasse marcher une table, qu'il écrive automati-

quement, qu'il entende une voix, il attribue toujours à un être

imaginaire des phénomènes dont la plus grande part revient à

une personnalité seconde qui existe en lui et qu'il ignore.

Or, ce qu'on observe chez les médiums, c'est aussi ce qu'on

observe considérablement grossi chez des médiums (semblables à

celui de l'observation) qui obéissant aveuglement à l'esprit, fait des

tentatives : suicide et homicide, se livrent à des actes extravagants

les plus variés et passent avec raison pour de véritables aliénés.

Cependant, il n'y a aucune différence fondamentale entre le trouble

mental et celui des médiums ordinaires.

Délire hallucinatoire, avec idées de pe''s<'c<t<t0) : , consécutif « des

pliénoménes de anédimnrzilé.

BALLET et Monier-Vinard donnent lecture des remarques

suivantes : Chez le malade dont l'observation a été présentée, aux

phénomènes ordinaires de l'état médiumnique (communication

avec les esprits, écriture automatique) se sont surajoutées des

hallucinations extrêmement intenses de tous les sens, et plus par-

ticulièrement de la vue et de l'ouïe. Leur variété, leur mobilité

sont extrêmes. Mais en outre, la tendance au dédoublement de la

personnalité consciente qui caractérise tout médium s'est progres-

sivement accentuée, et maintenant le malade rappelant en cela le

visionnaire Sovedeuborg, effectue de nombreux voyages dans les

astres. Il parcourt surtout la planète Saturne, et par écrit, il donne

le récit de ses excursions, décrivant le pays, le langage, les moeurs

de ses habitants. Des idées de persécution se sont développées

aussi. La débilité mentale du sujet est le facteur étiologique de

tous ces troubles.

M. Ballet fait remarquer combien cette observation est intéres-

sante au point de vue de la psycho-physiologie des médiums.

M. 13ots·rES a observé un cas analogue dont il donnera la des-

cription complète dans une séance ultérieure.

M. CHRISTIAN. Les observations de médiumnité ressemblent

toutes, plus ou moins, aux observations dedémonomanio publiéee

par Esquirol, Michéa, Calmeil et qu'on retrouve dans la Vie des

sociétés savantes. 279

Saints. Si les demonomaniaques n'allaient pas visiter Saturne, ils

allaient au Sabbat ce qui est un voyage de même nature.

M. Ballet partage l'opinion de 111. Christian. Ce qui est à retenir

de l'observation communiquée/c'est que chez les médiums, il y a

une grande tendance à la désagrégation de la personnalité, ce qui

détermine des hallucinations des divers sens.

L'oedème fugace dans la Paralysie générale.

MM. Klippel et Vigouroux présentent trois observations de para-

lytiques généraux, qui bien que n'étant ni cachectiques, ni cardia-

ques, ni brightiqnes, ni diabétiques ont présenté de l'oedème fu-

gace.

Cet oedème flit unilatéral occupant chez l'un la jambe, chez un

autre il était symétrique et de même siège ; chez le troisième, il

occupait les deux jambes et se manifesta au niveau du dos des

deux mains. C'était un oedème mou, blanc, indolore gardant l'em-

preinte du doigt. Il fut intermittent, d'une durée de trois à cinq

jours. La station debout a semblé une condition favorable à son

développement, la marche et le repos le faisaient disparaître.

Les trois observations se rapportent à des paralytiques généraux

avérés à une période peu avancée de leur maladie.

Quelle est donc l'origine de cet oedème, les auteurs écartent

l'cedème inflammatoire, l'oedème cardiaque, brightique, diabétique,

l'oedème cachectique ne peut être mis en cause. Chez les paraly-

tiques généraux à la période de cachexie, l'eedème permanent

s'accompagne d'un ensemble de troubles vaso-moteurs et trophi-

ques dus à l'altération des centres nerveux.

Cet oedème précoce montre une défaillance intermittente du sys-

tème nerveux et traduit l'action de l'infection sur les centres vaso-

moteurs, qu'elle se fasse sentir dans les ganglions du sympathi-

que, dans la moelle, dans le bulbe ou au niveau même de l'écorce

cérébrale.

La préco,-ilé de l'apparition de l'oedème permet même d'admettre

qu'il faut rapporter ce symptôme à l'encéphalite et que le point de

départ de la vaso-paralysie est dans l'écorce au niveau des centres

moteurs des membres.

La physiologie n'y contredit pas ; on sait, en effet, queles centres

moteurs des membres sont susceptibles d'influencer la circulation

des mêmes parties.

Il est logique d'admettre que avant d'être atteint dans son en-

tier, le système vaso-moteurs est d'abord altéré dans ses centres

les plus fragiles, de même que dans le système de la vie de rela-

tion ce sont les muscles striés dont les mouvements sont les plus

délicats qui sont les premiers atteints (muscles des lèvres et de la

face, doigts, etc.) Plus tard les vaso-paralysies s'accusent jusque

280 SOCIÉTÉS savantes.

dans les viscères en produisant le foie, le rein, le poumon vaso-

paralytiques.

M. Toulouse pense que l'interprétation de ces faits est la même

que celle des cas de dermographisme qu'on observe parfois dans la

paralysie générale. »

M. Trénel a communiqué dernièrement l'observation d'une

malade chez laquelle un oedème transitoire avait précédé la para-

lysie motrice des deux bras.

M. Annaux ne croyait pas qu'on pût constater ce symptôme au

début de la paralysie générale ; mais il l'a observé très fréquem-

ment à des périodes plus avancées de la maladie. Marcel BRIAND.

SOCIETE D'HYPNOLOOE ET DE PSYCHOLOGIE

L'hérédité influentce.

M. PODIAPOLSKY (de Saratow). rapporte de nombreux faits

d'impressions maternelles sur le foetus; il discute la part d'auto-

suggestion qri peut entrer dans les faits dits de télégonie elle/,

l'homme et chez l'animal.

Troubles utérins guéris par la suggestion hypnotique; observations

d'orthopédie morale.

M. Bourdon (de Méru). La puissance dynamogénique ne doit

pas être seulement réservée aux maladies nerveuses et mentales;

elle a sa place dans le traitement de certains troubles fonctionnels

des divers organes, aussi bien qu'en pédagogie et en orthopédie

morale. On ne saurait trop recommander la psychotérapie dont

les applications s'étendent sans cesse.

Le trac des artistes et son traitement hypnotique.

M. Peul Joma (de Lille). Etudie la psychologie du trac chez

les artistes; il en expose les modalités. les causes, les aboutissants;

. il montre par de nombreuses observations que le traitement héroï-

que du trac des artistes est la suggestion hypnotique.

M. 13Enn.LOi\. Je traite, moi aussi, depuis fort longtemps, le

trac des artistes par la suggestion hypnotique. J'applique à ce sujet

une méthode rigoureuse dont voici les temps principaux :

1° Provoquer l'état d'hypnotisme, c"est-à-dire un état physiolo-

gique caractérisé par la diminution des diverses activités de l'es-

prit et par l'augmentation de l'automatisme psychologique.

sociétés savantes. 281

2, Procéder'par des suggestions d'ordre général à la rééducation

delà volonté du malade et à la formation de son caractère.

3° Réaliser par des suggestions particulières la représentation

mentale des conditions dans lesquelles se manifeste le trac.

4° Lorsque ces suggestions ont reproduit artificiellement l'état

anxieux, neutraliser les images génératrices de l'anxiété et arriver,

à accoutumer l'esprit à les supporter sans émotion.

Considérations psychologiques sur l'hystérie dans l'armée.

M. Lux. Expose le tact, la méthode, la précision et l'humanité

que déploient les médecins militaires en présence d'un soldat hys-

térique et les moyens de traitement efficaces qu'ils mettent en oeu-

vre.

Le traitement psychologique du bégaiment mental.

M. J3ERILLO\. Un grand nombre de névropathes se plaignent

d'éprouver une grande difficulté à écrire quand on les regarde.

Ils n'arrivent à tracer les caractères de l'écriture qu'après des hési- '

tations très pénibles. Il nous a paru qu'il y avait une analogie très

marquée entre ce bégaiement de l'écriture, c'est-à-dire du langage

écrit et le bégaiement du langage parlé.

L'état de conscience dans lequel se manifestent ces troubles ner-

veux repose sur deux éléments principaux : l'aboulie et l'émotion.

Le bégaiement est mental avant d'être moteur.

Le seul traitement rationnel de ces états de conscience est la

suggestion hypnotique tendant à la réduction systématique de la

volonté.

Communications diverses. '

M. Jules Voisin. Un cas d'hémiplégie hystérique datant de

cinq ans. Guérison par la suggestion hypnotique. M. PAUL Magnin.

Interprétation d'états hyonotiques survenus spontanément chez

les hystériques. M. Henry LEMESLE. Organisation du hypneum.

M. Paru de Présentation d'un appareil pour l'hyp-

notisation. M. Doyen. L'état mental des opérés. M. DEMOVCHY.

Paralysie vésicule, de nature hystérique traitée avec succès par

une intervention suggestive. M. Aragon. Psychopathies d'ori-

gine utérine. M. de Bourgade. Influence des fermentations diges-

tivessur le caractère et les états mentaux.

BIBLIOGRAPHIE.

XV. Psychopathologie légale. T. I : La psychologie criminelle; par

le professeur Kovalevsky. Paris, Vigot frères, 1903.

Ce livre est nouveau et correspond a un besoin résultant de

l'évolution actuelle de la science pénale : il est conforme aux don-

nées modernes de la psychiatrie criminelle. L'auteur s'est cons-

tamment préoccupé dans le choix des matières des besoins des

lecteurs, médecins, neuropathologistes, magistrats, anthropolo-

gistes, que leurs travaux amènent à faire une incursion sur le do-

maine de la médecine légale et de la psychologie criminelle.

Ce n'est qu'un premier volume, mais il en aura d'autres afin de

'comprendre tout ce que la science criminaliste revendique comme

son domaine. Avant d'énumérer les principaux chapitres consta-

tons que le texte est parfois, un peu confus; on eût aimé à voir

des développements moins importants qui empêchent parfois de

saisir franchement les conclusions de l'auteur. Mais ce ne sont que

des critiques insignifiantes en comparaison des documents de premier

ordre amassés dans ces 350 pages, où sont successivement étu-

diées les questions suivantes : Chapitre I. Evolution delà théorie

du criminel-né. Chapitre 11. Causes de la criminalité. Cha-

pitie 111. Symptomatologie générale de la criminalité. Cha-

pitre IV. Symptomatologie spéciale de la criminalité. Cha-

pitre V. L'homme criminel assassin. Chapitre VI. Les

crimineis-iiés voleurs. Chapitre VII. Le vagabondage.

Chapitre VIII. La femme criminelle et la fille publique. Cha-

pitre IX. La pathologie de la criminalité. Chapitre X. L'insanité

morale. Chapitre XI. Caractère hystérique. Chapitre XII.

Caractère épileptique. - Chapitre XIII. La lutte contre la crimina-

lité. G. h.IUL-Ii0\COUR.

XVI. Ueber die Wirkunger der Cassation, par P. J. 16131vs (de Leip-

zig). Beilrlipezur Lehrevon den Geschlechts-Unlerschieden, 1903.

L'auteur trace un tableau intéressant et complet des différentes

modifications amenées par la castration.

Une première partie, consacrée à l'Historique, nous montre

l'origine de la castration dans les premiers âges (castration des

vaincus, des esclaves, des animaux domestiques), chez les premiers

chrétiens, chez les Arabes et les Chinois, en Italie ; les rapport

des voyageurs dans l'Inde, en Chine et en Egypte sont rapprochés

bibliographie. 283

de l'étude de Petikan sur les Skoptzya (Voir l'intéressant article de

E. TEtMUR'En, sur les Skoptzy. Progrès médical, 1876, basé préci-

sément sur)'étudedePetikan)et des effets bien connus, et variant

suivant l'âge du sujet, de la castration chirurgicale, telle qu'on la

pratique de nos jours. Enfin une étude étymologique des différents

termes concernant la castration (Eunuque, Thiadios ou Thlibios,

Castor, etc.) et de leur signification précise termine cette première

partie.

Dans la seconde partie se trouvent exposés les différents effets

,le la castration : les modifications des organes génitaux, du

squelette, de la graisse, de la peau et de ses dépendances,

des muscles, glandes et viscères, du larynx, du crâne, de

l'encéphale et des fonctions intellectuelles sont soigneusement et

tour à tour étudiés chez les hommes, chez les femmes et chez les

animaux.

Plus particulièrement nous retiendrons le chapitre concernant

les modifications du squelette chez les eunuques, les femmes et les

animaux, auxquels les travaux récents de P. E. Lannois et Pierre

Roy sur le gigantisme infantile et la persistance des cartilages de

conjugaison en rapport avec l'atrophie testiculaire (Soc. de Bio-

logie, 10 janvier 1903) donnent un intérêt d'actualité.

L'auteur rappelle les faits bien connus des grands eunuques aux

longues jambes, observés par les voyageurs, les mensurations des

Skoptzy (Merschejewsky), des squelettes d'eunuques (Ecker), et

l'allongement du train postérieur obtenu sur les animaux par la

castration de convenance ou expérimentale (Poncet). Déjà Becker

avait parlé du retard d'ossification des cartilages, cause de cet

allongement disproportionné des membres postérieurs ; mais c'est

surtout Sellileim qui constata chez un boeuf de près de quatre ans

l'existence d'un cartilage d'environ deux millimètres à l'extrémité

inférieure du fémur, alors que chez un taureau de même race et

de même âge l'ossification était complètement achevée. Sellheim

également a obtenu un allongement semblable du train postérieur

chez les chiennes castrées. ,

Tous ces faits ont été confirmés expérimentalement par Poncet

et ses élèves (PIRSCHE. Thèse deLyozt. Dec. 1902) et cliniquement par

les études de P. E. Lnt\oIS et Pierre Roy sur les géants infantiles.

P. R.

REVUE DES THESES DE BORDEAUX 1902

Par le Dr de Plrry.

XVII. Névroses et paludisme; par le D'' Comméléran.

Le paludisme est uni par des liens étroits, aux névroses : hysté-

rie, épilepsie, neurasthénie.

Le paludisme pourrait, d'après l'auteur, amender une hystérie

284 1· - BIBLIOGRAPHIE.

préexistante, mais cette action serait tout à fait exceptionnelle.

Il peut aussi réveiller l'hystérie latente ou l'aggraver si elle est

en cours de manifestations. Enfin il peut provoquer l'éclosion de

cette névrose chez des sujets jusqu'alors indemnes, qui sont des

prédisposés névropathes, dont quelques-uns ne présentent aucune

tare héréditaire ou personnelle. Cette hystérie paludéenne jouerait

un rôle dans la production de quelques paralysies post-paludiques

et de certains accès pernicieux convulsifs.

Dans l'épilepsie, le paludisme peut amener la suspension mo-

mentanée ou même définitive des accès. Il peut aggraver une

névrose bénigne, et même réveiller une épilepsie latente endormie

depuis des années. Le rôle de l'infection paludique serait même

plus néfaste car elle serait capable de créer la névrose chez des

sujets qui n'en étaient point atteints.

Comme pour les autres névroses le paludisme peut aggraver ou

réveiller une neurasthénie préexistante, ou bien la créer de toutes

pièces. -

Les caractères de cette neurasthénie sont les suivants : 1° fré-

quence des troubles vaso-moteurs; 2° intensité de l'amyosthénie;

3° périodicité des symptômes; 4" fréquence des complications déli-

rantes ; 5° présence de l'hématozaire; 6" curabilité des accidents

par la quinine, au moins au début de la maladie.

Ces névroses peuvent s'associer entre elles. Elles peuvent de plus

s'accompagner de troubles psychiques, qui sont ceux de toutes

les psychoses toxiques, c'est-à-dire essentiellement représentés par

de la confusion mentale et du délire onirique.

XVJ,11..Etude sur la cécité hystérique ou amaurose hystérique totale ou

bilatérale; par le D1' KERNEIS.

La cécité hystérique, ou perte complète absolue de la vision des

deux yeux est un accident rare, plutôt fréquent chez la femme. Le

mode d'apparition ou de disparition des attaques de cécité, leurs

causes provocatrices rappellent en tous points les autres accidents

hystériques. Les malades de ce genre sont complètement aveugles

et n'ont même plus la perception de la lumière à l'examen oph-

tatmoiogique; dans les cas simples, on ne constate absolument

rien d'anormal. L'auteur étudie le diagnostic généralement aisé,

parfois difficile dans les cas de simulation. Lie pronostic et le trai-

tement sont ceux de l'hystérie.

XIX. Recherches sur la descendance des tabétiques; par le Dr Rail-

lard.

Les recherches ont porté sur 348 observations. Voici les conclu-

sions de l'auteur. Dans le tabes le sexe masculin est plus fréquem-

ment atteint dans la proportion 3 à 1. La syphilis peut être incri-

BIBLIOGRAPHIE. 285

minée dans 43 p. 100 des cas. Sur 100 tabétiques, 31 n'ont aucune

descendance ; 2 ont une descendance maladive; G7 une descen-

dance saine. On obsei ve plus fréquemment des familles à un seul

ou à deux enfants. »

XX. L'observation médicale chez les écrivains naturalistes; par le

D JliG.4Lb;\.

Etude des procédés d'investigation scientifique employés par les

écrivains naturalistes. De ce travail il résulte que les qualités de

cette école, impartialité, véracité, précision, peuvent être groupées

sous un même vocable. Quant aux écrit ains naturalistes, ils méritent

d'être dénommés cliniciens es lettres.

XXLEfude critique sur letic convulsif et son traitement gymnastique

(méthode de Brissaud et méthode de Pitres) ; par le Dr Cruchet.

Nous ne revenons pas sur ce travail très complet dont il a été

très longuement parlé dans les Archives.

XXII. L'état mental des parricides (étude médico-légale); par le

Dr Asselin.

Les crimes de parricide, de violences graves contre les ascen-

dants sont malheureusement très fréquents. Ce sont invariablement

des dégénérés qui les commettent. En général, les facteurs de vio-

lences contre les ascendants et du parricide, sont l'inaffectivité et

l'impulsivité, stigmates les plus importants de la dégénéres-

cence. ·

M. Asselin étudie un grand nombre de faits médico-légaux qui

font ressortir l'état mental des parricides, caractérisé par l'irres-

ponsabilité. Aussi trouve-t-on peu de parricides condamnés à la

peine capitale, presque tous passent par l'asile d'aliénés. C'est là

en effet la vraie place du parricide. L'auteur réclame la création de

l'asile-spécial destiné à recevoir les irresponsables particulièrement t

dangereux.

Il faut aussi se préoccuper delà prophylaxie particulière, empê-

cher le dégénéré de devenir parricide. Le vrai moyen de pratiquer

la limitation de ces crimes, se trouve dans l'orthopédie psycho-

morale du dégénéré. L'on n'arrivera à ce résultat désirable qu'en

instituant pour eux des établissements médico-pédagogiques spé-

ciaux.

XXIII. Les troubles du sommeil dans les név7,oses ; par le D DAUCLOS.

L'auteur passe en revue successivement les trois grandes

névroses, épilepsie, hystérie, neurasthénie afin d'y étudier les mo-

dalités du sommeil. Dans l'épilepsie. les malades dorment et leur

28G VARIA.

sommeil est lourd et profond. Ils ne rêvent pas, mais parfois ils

ont des cauchemars caractérisés souvent par la vision du rouge

(objets rouges ou tableaux où le sang ruisselle).

Les hystériques dorment, mais d'un sommeil léger ; leurs rêves

sont fréquents et influent sur l'état de veille. 11 peut arriver que

chez certains malades des accès nocturnes soient la première ma-

nifestation de la névrose.

Quant au neurasthénique, si on l'en croit, il ne dort pas. Le

sommeil chez lui est très variable. L'insomnie est typique telle

qu'il ne sait pas au juste s'il dort ou veille. Ces malades ne rêvent

que rarement, .et éprouvent au réieil une grande lassitude carac-

téristique. Enfin dans les cas où les névroses se trouvent asso-

ciées, les troubles du sommeil varieront suivant la névrose prédo-

minante.

XXIV. De la neurasthénie sénile; par le Dr Grimaud.

A côté de la neurasthénie classique de l'âge adulte, à côté de la

neurasthénie infantile, actuellement démontrée, il existe une neu-

rasthénie spéciale à la vieillesse. Cette neurasthénie sénile peut

atteindre des sujets ayant eu antérieurement des accès de la ma-

ladie de Beard, ou même survenir d'emblée chez un vieillard.

La symptomatologie de celte forme ne diffère guère de celle de

la neurasthénie des adultes : les symptômes sont peut être plus

atténués, et la tendance aux idées fixes hypochondriaques plus

marquée. 1

Comme l'a montré Régis, la neurasthénie sénile a des rapports

très étroits avec l'artério-sclérose généralisée. Ces deux syndromes

coexistant marchent de pair, s'accentuent parallèlement et les

malades, lorsqu'ils succombent meurent en artétio scléreux. De ces

données clairement démontrées par l'auteur, on peut conclure

avec lui que la neurasthénie sénile est curable, en s'attaquant à

l'artério-sclérose. Dans les cas sans ressources les malades abou-

tissent au ramollissement.

VARIA.

LES aliénés en liberté.

Suicide d'un soldat. En proie à un accès de mélancolie incu-

rabip, un jeune caporal du 89e de ligne, Pierre Van àlael, âgé de

vingt-deux ans, engagé volontaire, caserné au fort de Charenton,

s'est donné la mort en se tirant dans la tète, alors qu'il était seul

dans la chambrée, une balle de son fusil Lebel. Le projectile après

FAITS DIVERS. 287

avoir traversé la boîte crânienne, est allé se perdre dans le mur de

la pièce. On dit que le malheureux donnait, depuis quelque temps,

des signes de troubles cérébraux. (L'Aurore du 13 août 1903.)

Suicide. Mercredi malin, dit le Progrès de Lyon du 2 juillet,

Mm0 veuve Goudet, ancienne infirmière au lycée de Monttueon.

s'est jetée par la fenêtre de son appartement, et s'est tuée sur le

coup. Cette femme donnait depuis quelque temps des signes de

dérangement cérébral.

Ces faits montrent une fois de plus la nécessité de placer

dans les asiles, dès le début, les malheureux atteints d'alié-

nation mentale, de même qu'on place dès le début, dans les

hôpitaux, les biessés et les personnes atteintes de maladies

aiguës. Un asile d'aliénés, ainsi que nous le répétons depuis

plus de vingt-cinq ans, doit être considéré comme un hôpital.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Mouvements de juin et litillet. AI le Dr Do-

DF.RO, médecin adjoint à Saint-Mlie (Jura) promu à la classe excep-

tionneite du cadre. 11f. le DTCu.ttoov, directeur médecin à l'asile

d'Aimentières, promu à la 2° classe du cadre. M. le DT TERRADE

médecin-adjoint, à Prémontré (Aisne), nommé en la même qualité,

à la Charité (fièvre). àl. le De ALIBRY, 50 du Concours d'adjuvat

nommé médecin-adjoiutà Châlons-sur-llarne, en remplacement de

M. le Dr JIUSin, mis en disponibilité sur sa demande. i\1. le Dl>

LALMMAND. directeur médecin à Quatre-Mares (Seine-Inférieure),

porté à la classe exceptionnelle du cadre à dater du 1'='' septembre

1903. 11. le D' LWOFF, médecin en chef à Ainay-le-ChàLetu (Al-

lier), promu à la 1Te classe du cadre à dater du le, juillet 1903.

M. le DT CHOCREAUX. médecin-adjoint à Alençon, nommé directeur

médecin à la Charité (Nièvre) en remplacement de Dol. le Dr Faucher

admis à faire valoir ses droits à la retraite. M. le Dr Wabl, mé-

decin-adjoint à Saint-Ylie, nommé médecin-adjoint à Auxerre, en

remplacement du UT 1111gnot, mis en disponibilité sur sa demande.

M. le Dr Coulonjou, 6° du concours, nommé médecin-adjoint à

Alençon en remplacement du Dr Ciiocreaux, promu. ni. le Dr Pa-

BANT, 7° du concours, nommé médecin-adjoint à Prémontré (Aisne),

en remplacement du De Terrade, nommé à la Charité (Nièvre).

M. le Dl f3nLr.rrnuo, directeur-médecin à Pierrefeu (Var), nommé à

la classe exceptionnelle du cadre. M. LIGIER, directeur à Mont-

devergues, nommé à la ile classe du cadre.

288 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Distinctions 'honorifiques. M. le D1' Jacquin, médecin-adjoint

à Bordeaux, est nommé officier d'Académie.

Mouvement d'août 1903. M. le Dr Trenel, médecin-adjoint à

Saint-Yon (Seine-Inférieure), nommé médecin-adjoint des Colonies

familiales de la Seine. l. le Dr Bru.net, médecin-adjoint à Mou-

lins, nommé à l'asile Saint-Yen.M. le Dr VERINET, 8e du concours

d'adjuvat, nommé médecin-adjoint à Aloulins.

Asile public d'aliénés DE Clermont (OISE). Deux places d'in-

terne en médecine sont actuellement vacantes ;t l'Asile des Aliénés

de Clermont. Les avantages attachés à cette fonction sont les sui-

vaiits : Indemnité annuelle : 800 francs, logement, nourriture, blan-

chissage, éclairage et chauffage. Conditions : Nationalité française,

16 inscriptions valables pour le Doctorat en médecine, certificat de

bonne vie et moeurs. Adresser les demandes à M. le Directeur de

l'Asile de Clermont.

Faculté DE médecine DE Paris. Chef de clinique des maladies

zzervezcses. - 111. Guillain; chef adjoint, M. Constensoux.

Suicide D'UN adolescent. Eugène Verger, 15 ans. s'est pendu

dans la grange du sieur Guerrier, propriétaire à Saint-Gatien-des-

Bois, près Honfleur, chez lequel il était domestique. On ignore

les causes qui ont motivé cet acte de désespoir. (Bonhomme Nor-

maî ? d, 22 août.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

liouiiNr.vn.i.E. Rapports de la Commission de surveillance des asiles

d'aliénés de la Seine, en 1902. - Musée d'assistance des aliénés

Affaire de l'internat ries asiles : - Quai tier ri'épileptiques à Villejuif;

Classes spéciales pour les enfants arriérés en Amérique, en Allemagne,

en Angleterre, en Belyyue, ·n 1)anemaih : - Comytes et butiets tle

l'asile de Vtlle,pif; - Société rie patronage ; Rappott sur la tnausfor-

mation de la tenue d'été des infirmiers ries asiles; Distiactions aux

malades ; Rapport sur les travaux du Congrès des aliénistes et neuro-

logistes de Grenoble ; Rapport sur une visite aux asiles de Itloulins,

La Charité et Auxerre. In-4" de 41v pages.

Leredde (E.). La nature syphilitique et la amabilité du labes et de

la paralysie générale. 4 vol. 111-8- de 13 pages. Librairie C. iVaud, 3, rue

Racine. Prix : 3 lr. 50.

Raymond. (F.). Leçons sur les maladies du système nerveux (1900-

1901). 1 vol. in-8- de ti0 pages. Librairie Doin, 8, place de l'Odéoii.

Prix : 16 francs. '

Le rédacteur-gérant : Z

Bvreua, Cil. liumissel, imp. - 8«1903.

Vol. XVI. Octobre 1903. N, 94.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

MEDECINE LÉGALE.

Rapport

suri état mental du nommé D..., inculpé d'outrages ;

1*

P.4R LE D' TiATnUAU.

Le rapport ci-dessous m'a paru intéressant à publier parce

qu'il relate l'odyssée d'un malade qui, depuis vingt ans, a

déjà été examiné par une dizaine de confrères sans qu'il ait

été possible de le mettre hors d'état de nuire par suite des

défectuosités de la loi et de l'absence d'un asile spécial où

il puisse être maintenu, sinon définitivement, du moins un

temps suffisant pour modifier son caractère.

Je soussigné Rayneau James, médecin en chef de l'asile d'aliénés,

membre correspondant de la Société médico-psychologique, com-

mis par ordonnance de l. Alexandre Pommier, juge d'instruction

pour l'arrondissement d'Orléans, en date du 18 décembre 1902, à

l'effet d'examiner l'état mental du nommé D.. , représentant de

commerce, inculpé d'outrages à un magistrat... ai consigné dans

le présent rapport les résultats de mon examen.

Tout d'abord je ferai remarquer que D... a été interné à deux

reprises différentes, qu'il a été successivement l'objet de dix exper-

tises médico-légales, sans compter les examens sommaires aux-

quels il a été soumis parles docteurs Legrand du Saulle, Bergeron,

etPdul Garnier, pendant les séjours qu'il a laits à Mazas, ou à l'In-

firmerie spéciale de la Préfecture de police.

Il m'a doue paru patticutierement intéressant et utile de recons-

tituer entièrement l'odyssée de cet individu, de relater la série si

nombreuse de ses méfaits, afin de faire ressortir la caractéristique

de son état mental et d'étayer mes conclusions sur des bases soli-

dement établies. '

D... est âgé de quarante et un ans. D'une haute stature, un

mètre quatre-vingt-dix, vigoureux, il est porteur de quelques stig-

AKOnvES, 2' série, t. XVI. ' 19

290 MÉDECINE LÉGALE.

mates de dégénérescence physique : faux trait de la vue, asymétrie

faciale. ·

Au point de vue héréditaire il y a lieu de noter que le père, offi-

cier de cavalerie, était d'un caractère violent et emporté. Lorsqu'il

eut pris^sa retraite, sa conduite privée qui, jusque la, avait été irré-

prochable devint fort irrégulière et sa femme fut obligée de deman-

der la séparation.

Madame D..., mère, est âgée de 80 ans. Elle jouit d'une santé

excellente et son intelligence est intacte. Elle est d'une activité ex-

traordinaire pour son âge et sa mémoire la sert encore admirable-

ment, mais pour excuser son fils, elle recourt volontiers aux mêmes

arguments que lui, vantant sans cesse l'honorabilité de sa famille,

les services militaires de ses ancêtres, etc., etc.. A tout propos

elle fait intervenir la croix de son mari, évitant de répondre aux

questions précises qui lui sont posées, mais se lançant à perte de

vue dans des digressions qu'elle juge susceptibles de nous impres-

sionner favorablement vis à vis de l'inculpé. Elle répète les mêmes

mensonges que son fils, supposant que ses affirmations suffiront à

nous convaincre de leur véracité. Quelques respectables que nous

paraissent les sentiments qui l'animent, nous devons à la vérité de

constater que dans ses récits comme dans les lettres qu'elle écrit

aux magistrats et aux experts, elle présente dans sa façon de par-

ler une quantité d'expressions que l'on retrouve constamment dans

le langage de son fils. C'est un fait qui a déjà frappé plusieurs per-

sonnes et un des précédents experts, le docteur Rist, de Versailles,

a bien su faire ressortir que D... avait en partie hérité de sa mère

sa faconde et sa verbosité 1.

Deux tantes à D... du côté paternel ont été atteintes de troubles

mentaux. L'une d'elles a été internée à l'asile de Clermont. L'autre

surveillée chez elle par son mari n'était guère plus capable de se

conduire.

D... n'a jamais eu de maladie grave soit dans l'enfance, soit

dans l'âge mûr. Point de'convulsions, point de lièvre typhoïde mais

il a été pendant longtemps assez chétif.

Ayant peu de goût pour l'étude, il a d'abord été placé au collège

des Maristes de Hiom, puis il a suivi son père en Afrique, et là, il

aurait pris une insolation qui l'empêcha de finir ses études.

A dix-huit ans, il s'engagea au z cuirassiers à Paris, chaude-

' Depuis l'entrée de D... dans le service, le caractère spécial de sa

mère s'estrionué libre cours; ne cessant d'adresser aux pouvoirs publics

des réclamations pour demander son élargissement, elle voudrait venirlui

rendre visite tous les jours si on l'y autorisait; au lieu de chercher ù Mi-

mer le malade, elle ne fait que l'exciter davantage en déblatérant contre

le personnel de l'asile ou en se plaignant de la mesure qui a été prise ii

son égard.

rapport SUR l'état mental DU nommé D... 291

ment recommandé par son père, ami du colonel. Peu dégourdi,

d'une allure chaste et mystique, il fut victime de quelques brima-

des. Il les subit d'abord sans mot dire, mais au bout de cinq mois

il eu avait assez. Un jour sans prévenir personne il désertait brus-

quement pour aller se réfugier au couvent de la Trappe, dans la

Mayenne, où après un séjour de quatre mois deux religieux le ra-

menèrent à Paris. Mis en observation au Val de Grâce avant sa

comparution au Conseil de guerre, il bénéficia d'une ordonnance

de non-lieu et fut immédiatement réformé à la suite d'un rapport

médico-légal, le jugeant irresponsable, comme atteint d'imbécillité

suite d'insolation. Pendant son séjour à l'Hôpital militaire il avait

fait une tentative de suicide par pendaison (août 1881).

En 1882, nous le retrouvons Contrôleur de la Compagnie des

Omnibus. Un soir pendant une représentation à l'Opéra, il siffle le

ténor Lorrain et lance sa lorgnette sur la scène.

Interrogé, il déclare qu'il a fait cette manifestation parce que

l'interprétation était insuffisante. Le lendemain il se présente chez

l'artiste en se donnant comme compositeur de musique et déclare

au domestique que si son maître reparait sur la scène, il le tuera

d'un coup de revolver.

Le D1' Legrand du Saullequi l'examina à cette époque admit que

cette crise d'excitation s'était produite sous l'influence de l'alcool

et D... fut rendu à ses parents. Peu après, il fut renvoyé de la

Compagnie des Omnibus pour préjudice causé à la Compagnie en

distribuant des franchises à des voyageurs. Après un séjour de

quelque temps chez les Chartreux, il revint à Paris et nous le

voyons en z déposer une plainte à un Commissaire de police à

propos d'une prétendue attaque dont il aurait été l'objet. Les jeu-

nes gens qu'il accusait n'eurent pas de peine à démontrer l'inanité

de la plainte et la mère de D..., interrogée au cours de l'enquête,

déclara sans hésitation que son fils était fou, s'appuyant sur ce

que par certains moments il se croyait poursuivi par des malfaiteurs

tandis que parfois il s'imaginait être atteint de la rage.

Le 15 décembre 1887, le tribunal de la Seine le condamne par dé-

faut à un mois de prison pour escroquerie, alors qu'il est l'objet

d'un mandat d'arrêt du parquet de Nancy pour abus de con-

fiance.

Dans la suite, sa femme ayant désintéressé ses créanciers, il bé-

nélicia d'un acquittement pour ces deux affaires. C'est en effet dans

cette même année 1887 qu'il a contracté mariage. Cette union

n'a pas été heureuse. Dès le début sa femme s'est aperçue qu'il

avait l'esprit troublé. A jeun il n'était pas méchant, mais il avait la

passion de l'absinthe et lorsqu'il avait bu, il faisait des scènes abo-

minables.

Dés 1888, il l'accable de mauvais traitements, l'accusant d'avoir

des amants et un jour, sans motif, il menace de jeter dans l'esca-

292 MÉDECINE LÉGALE.

lier un de ses co-locataires qu'il soupçonnait d'avoir des relations

avec elle.

Il dût être conduit à l'Infirmerie du Dépôt, où il resta trois jours.

Le D Garnier le'considéra comme un persécuté alcoolisé avec pé-

riodes d'excitation. Il admettait que son état ne nécessitait pas un

internement immédiat, mais qu'on serait obligé de l'enfermer s'il

continuait à boire. D... promit d'être sobre et sa femme touchée

par son repentir et par les supplications de sa famille abandonna

l'instance en divorce qu'elle avait introduite contre lui,

En 1888, un ancien officier de son régiment, le duc de L... le

rencontre aux Champs-Elysées. Le voyant sans emploi il lui offre

une place de garde chasse en Sologne. D... est immédiatement

pénétré de l'importance de son rôle et avant même d'avoir été as-

sermenté il s'intitule régisseur de la famille de L... C'est de là que

datent ses premiers démêlés avec la justice. Quelques jours après

son arrivée dans la propriété, sans même attendre un permis de

chasse, il sort armé d'un fusil et accompagné d'un autre garde, il

se rend au village voisin où il fait force libations dans lesquelles

l'absinthe entre pour une large part. En regagnant son domicile,

D... est fort excité, il a des hallucinations. Tandis que son cama-

rade ne remarque rien d'extraordinaire, il croit voir des bêtes fau-

ves et tire deux coups de fusil à travers bois. Plus loin ce sont des

braconniers qui, soi-disant, attirent son attention, et, il envoie au

hasard deux autres coups de feu. Attiré par le bruit le garde d'une

propriété voisine lui fait des remontrances. Il n'en faut pas davan-

tage pour le mettre hors de lui. Il tombe à bras raccourcis sur son

interlocuteur et l'assomme à moitié. Condamné par défaut à trois

mois de prison, il fait appel du jugement et c'est alors qu'il est

examiné par le docteur Doutrebente, médecin en chef de l'asile de

Blois.

Notre confrère le considère comme un déséquilibré, incapable

de tout travail suivi, vantard, pusillanime et alcoolique avec idées

mystiques. C'est, dit-il. un dévoyé de l'ordre mental placé sur les

limites qui séparent la raison de la folie, relevant autant du méde-

cin que du criminaliste et méritant à ce titre la plus large indul-

gence. Aussi le tribunal ne lui inflige-t-il que cinquante francs

d'amende.

En décembre delà même année, il est amené au Dépôt de la Pré-

fecture de police. Il vient de faire à sa femme des scènes de jalousie

épouvantables et il accuse ses voisins de crimes imaginaires. Ses

démêlés avec la justice au lieu de le faire réfléchir ne font que

l'exaspérer davantage. Il ne veut pas admettre que le duc de L...

se passe de ses services et bien que ce dernier se soit montré fort

généreux en le congédiant, il lui fait des tours abominables. Il lui

envoie successivement à son château de Viarmes, un carrossier

pour réparer ses voitures, un tapissier pour refaire son salon, puis

rapport SUR l'état mental DU nommé D... 293

un gazier, un maître d'hôtel, un avocat, des soeurs garde-malades.

Il fait diverses commandes au nom du duc et lorsque les fournis-

seurs se présentent au château pour la livraison, ils apprennent

qu'ils ont été victimes d'une mystification.

En même temps il écrit au duc des lettres injurieuses et le menace

d'incendier son hôtel. Au courant de ses déplacements, il Lâche de se

trouver sur son passage et l'accable d'outrages ainsi que sa famille.

En 1889. il rentre comme gardien à la maison pénitencière de

Gaillon. Le 7 mars, il est révoqué comme at ! eint d'aliénation men-

tale, après avoir causé un scandale avec des détenus et adressé des

lettres injurieuses au Directeur des Services pénitentiaires.

En 1890, c'est un esclandre au Moulin-Bouge. Il fait arrêter un

riche industriel en disant que c'est un évadé de Gaillon, condamné

à cinq ans de prison pour escroquerie.

En mars 1891, un article àsensation « L'Espionnage en France »

parait dans le « Jour » sous la signature de Ch. Laurent.

C'est D... qui en est l'inspirateur. Il réussit à persuader au jour-

naliste qu'il a été embauché par un négociant comme voyageur,

mais que le but véritable était d'accompagner le baron X... cham-

bellan de l'empereur d'Autriche et de lui fournir des renseignements

sur les effectifs de nos garnisons et les ressources en blé des diver-

ses régions parcourues.

Quelques jours après la publication de cet article, D... pénètre

dans le cabinet de NI. Ch. Laurent, plus surexcité que jamais en

proférant des menaces de mort contre le négociant dont il disait

avoir à se plaindre. On l'éconduit mais redoutant qu'il ne mette ses

menaces à exécution, M. Charles Laurent prévient par téléphone

le négociant d'avoir à se tenir sur ses gardes.

Cette même année, sa femme lasse de la vie commune et de ses

brutalités le quitte pendant quelques'mois et va se réfugier dans

sa famille.

Une enquête de police relève qu'il entretient une maîtresse à la-

quelleilapromis le mariage. Mais à peine sa femme l'a-t-ell-- quitté

qu'il accuse le plus profond repentir, la supplie de lui pardonner.

Comme preuve de ses bons sentiments il lui emprunte une obliga-

tion de chemin de fer, soi-disant destinée à lui servir de cautionne-

ment pour une place de garçon de recettes. En réalité, il l'engage

au Alont de Piété et dépense l'argent en bombances.

Au mois d'octobre, de passage à Chartres, il se jette sur des

militaires qui le « regardent de travers ». Il encourt un procès ver-

bal pour coups et blessures, mais son attitude est si étrange qu'on

le dirige sur l'hôpital, où on ne le garde que quelques jours, mais

en le menaçant de le faire séquestrer dans un asile s'il commet

encore quelque excentricité.

Le G mai 1892, il est condamné par le Tribunal de la Seine à

200 francs d'amende pour outrages et menaces.

294 médecine légale.

En 1894, la police est obligée de s'occuper de lui à diverses re-

prises. Le 9 janvier, il fait arrêter et conduire au commissariat de

police un nommé P..., commissionnaire en vins, déclarant qu'il le

connait comme espion à la solde de l'Allemagne. Il se présente au

commissaire comme un employé supérieur de l'Administration pé-

nitentiaire.

En février, un jour de mardi-gras, il assomme dans une rue de

Paris, un étudiant en pharmacie dont la compagne lui a lancé au

visage une poignée de confetti. Conduit au poste, il se donne comme

sous-lieutenant de réserve au 27° dragons. Quelques jours après,

rencontrant un officier d'infanterie, le capitaine Il..., il cherche à

lui arracher sa décoration sous prétexte qu'il ne l'a pas gagnée sur

le champ de batille. Un peu plus tard il fait arrêter plusieurs da-

mes en pleine gare Saint-Lazare, les accusant de lui avoir fait des

propositions déshonnêtes.

En même temps, il écrit des cartes postales injurieuses et mena-

çantes 111. Corpel, chef de bureau au ministère de l'Intérieur, l'ac-

cusant de l'avoir fait renvoyer de Gaillon. Alors, une surveillance

spéciale est exercée sur lui par le service de la sûreté.

Au mois d'août il est objet d'une plainte en escroquerie formulée

par divers commerçants dont il était le réprésentant. Son procédé

était bien simple, il se faisait remettre des sommes plus ou moins

importantes à titre d'avances sur ses voyages et il dépensait cet

argent à faire la fête sans jamais s'occuper de visiter la clientèle.

Quand on lui demandait de ses nouvelles, il adressait à la maison

des ordres fictifs au nom de personnes honorables qui refusaient

la marchandise au moment de l'arrivée. Ecroué à Mazas, il pro-

teste de son innocence malgré l'évidence des faits. Tandis que sa

mère écrit lettres sur lettres au juge d'Instruction pour déclarer

qu'il ne jouit pas de la plénitude de ses facultés, il assaille le Par-

quet de suppliques pour demander sa mise en liberté provisoire. Il

se proclame le fils du commandant D ? neveu d'un ancien minis-

tre de la Justice. Il termine une de ses lettres par cette phrase :

« Pitié pour un malade, la paralysie me monte de jour en jour au

cerveau et cette lettre sera peut-être la dernière que vous rece-

vrez. >

Dans une autre missive il écrit à M. Josse, juge d'instruction :

« Au nom de votre bonne mère qui dirigea vos premiers pas, que

« vous avez bien aimée, ayez pitié d'un malade, d'un pauvre père de

t famillequi n'est pas coupable. Aies facultés baissent déplus en plus

« sous le régime de la prison. » Quelques jours après il annonce au

juge la mort de sa femme dans les termes suivants : « llta femme

« est décédée des suites de sa maladie et de chagrin, hier soir,

a m'est-il annoncé. Votre humanité sera touchée de tant de mal-

« heurs immérités, elle m'accordera la permission d'assister au

« convoi, assisté d'agents en bourgeois, mercredi prochain. Je

rapport SUR l'état mental DU nommé D... 295

« pleure, je pleure toutes les larmes de mon corps; la vie mainte-

« nant depuis cette nouvelle m'est à charge et j'espère d'ici peu

« être réuni à ma bien aimée épouse dans un monde meilleur que'

« sur cette terre. »

L'enquête de police apprit que AI™ D... était en excellente

santé et que la séparation avait été prononcée entre les deux époux

au profit de la femme. Le médecin de Mazas frappé de ses excen-

tricités demande son transfert à l'infirmerie spéciale pour cause

d'aliénation mentale. Le docteur Garnier, tout en reconnaissant le

trouble de ses facultés, dit qu'il exagérait dans le but de se tirer

d'affaires et il jugea qu'il présentait assez de lucidité pour se ren-

dre compte de ses actes.

Enfin, le docteur Vallon dut fournir un rapport. A la première

visite de l'expert, D... se fit apporter sur un fauteuil dans le cabi-

net médical prétendant qu'il était sujet à des attaques à la suite

desquelles il restait paralysé pendant sept ou huit jours et au second

examen, deux jours après, il parut ne pas reconnaître le docteur

Vallon. Notre savant confrère lui dit alors qu'un pareil manque de

mémoire indiquait une folie nettement caractérisée et qu'il allait

l'envoyer à Sainte-Anne. A ces mots, D... retrouva immédiatement

sa mémoire et il déclara à l'expert qu'il se remettait fort bien sa

physionomie maintenant. Bien que défavorablement impressionné

par cette tentative de simulation, nI. Vallon crut devoir dans ses

conclusions réclamer pour C .. l'indulgence des juges en se ba-

sant sur la déséquihbration mentale dont il le jugeait atteint.

Aussi, grâce à ce rapport et malgré la gravité des faits qui lui

lui étaient reprochés ne fut-il condamné qu'à trois mois de prison

avec sursis.

Huit jours après sa libération, étant pris de boisson, il tombe à

bras raccourcis sur sa vieille mère et celle-ci se réfugie chez la con-

cierge après avoir crié : « à l'assassin ! » Elle dit aux agents qu'elle

avait eu plus de peur que de mal, mais qu'il l'avait frappée si sou-

vent, qu'elle redoutait un coup fatal.

C'est à cette époque que commencent ses démêlés avec 111. To-

quenne, commissaire de police de la Ville de Paris. Ce magistrat

avait été chargé de fournir des renseignements sur son compte et

de perquisitionner à son domicile à propos de diverses plaintes dé-

posées contre lui. Il n'en fallait pas davantage pour que 111. To-

quenne devint sa bête noire.

Tout ce qui lui arrivait était la faute du commissaire et alors

il l'assaille de cartes postales injurieuses et diffamatoires. Il le

traite de sale mouchard, vieille enclume du bagne, ancien vide

cuvette d'Eugénie de Montijo et autres aménités.

Non content de l'insulter par ses actes, il le fait attaquer dans

les journaux.

Le 12 novembre 1894 il fait publier dans la Libre Parole, sous

4

296 médecine légale.

la signature de Gaston Aléry un article fantaisiste dans lequel on

reproche à M. Toquenne d'avoir fait arrêter D... comme anar-

chiste ayant outrage le Président de la République. Le 30 novem-

dre un autre article parait dans l'Autorité sous la signature de

Paul de Léoni. D... y est représenté comme le fils du général de

division D... et on affirme qu'une somme de 330 francs contenue

dans une malle lui a été soustraite au cours des perquisitions

faites à son domicile. Le lendemain, M. Paul de Léoni s'aperçoit

qu'il a été abominablement trompé et il chasse D... de son ca-

binet.

. Celui-ci continue sa campagne pendant 1895. Il dépose plu-

sieurs plaintes au parquet contre son prétendu persécuteur. Plus

on l'éconduit, moins il se rebute et il adresse des lettres diffama-

toires au Ministre de l'Intérieur, au Préfet de police, etc., etc. Il

s'imagine qu'on l'espionne, qu'on le suit partout et il ne voit plus

autour de lui que des agents de la sûreté. Ce n'est plus seulement

M. Toquenne, c'est toute la police qui est contre lui. En même

temps il semble obsédé de l'idée que Paris n'est plus snr, que

faute d'une police convenable et fidèle la capitale est livrée à une

bande de malfaiteurs qui y volent et assassinent impunément et il

déclare à maintes reprises à sa mère qu'il a une mission de haute

surveillance à exercer sur cette ville si mal gardée. Mettant en

effet ses actes en rapport avec ses paroles il fait arrêter, au mois

de décembre 1895, en prenant le titre d'inspecteur de la sûreté,

deux jeunes gens inoffensifs qui soi-disant le menaçaient.

En juillet 1896, il assène un coup de canne sur la tête d'un pas-

sant qu'il ne connaît pas, sous prétexte qu'il le suit depuis plu-

sieurs heures. Or, il s'agit d'un ouvrier qui se rend tranquillement

à son travail.

Interrogé par M. Bertulus, juge d'instruction, il est confié à

l'examen du docteur Dubuisson, médecin de Sainte-Anne. L'ex-

pert conclut que D... était plus qu'un buveur plus ou moins trou-

blé dans ses facultés, mais-bien un véritable fou hanté par des

idées de persécution le poussant à des actes dangereux pour l'or-

dre public et la sécurité des personnes. Il proposait donc son inter-

nement. D... fut en effet placé à Sainte-Anne. Il y resta près de

deux mois. Le docteur Dagonet qui le soignait le considérait

comme un déséquilibré, incapable de se conduire au dehors sans

commettre des actes repréhensibles. Mais sa mère ne cessait de

demander son élargissement, s'engageant à le surveiller et pro-

mettant de le ramener à la première incartade. Un jour on lui

permit de le faire sortir pendant un après-midi. Elle négligea de

le ramener, '

Pendant plusieurs mois, il n'a plus de démêlés avec la justice,

mais en 1898 on entend de nouveau parler de lui. Au mois de mai

il insulte dans les rues de Versailles le directeur de la maison

rapport sur l'état mental du nommé d... 297

centrale de Poissy. Un rapport de police, rédigé à la suite de cette

affaire, le représente comme un aliéné authentique, en voulant à

tous les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire. Poursuivi

par le parquet de Versailles pour cartes postales injurieuses en-

vers un adjudant d'artillerie, il outrage le commissaire de police

chargé de l'enquête, puis il quitte brusquement Saint-Cloud, où

il habite avec sa mère, pour reprendre les voyages.

De passage à Chartres, il en profite pour expédier des cartes

ignobles à iti. Toquenne et il se fait dresser procès-verbal pour

avoir poursuivi un agent de police une canne à épée à la main.

Dans le courant du mois de janvier 1899, il est arrêté de nouveau

pour ivresse, bris de clôture, outrages à un magistrat et dénoncia-

tions calomnieuses et écroué à la prison de Chartres.

Le Dr Bouchard conclut à l'irresponsabilité mais il ne juge pas

indispensable de provoquer l'internement. Aussi D... reprend-il

immédiatement le cours de ses exploits et quelques jours après, à

la suite de nouvelles menaces, est-il placé en observation a l'asile

de Bonneval. Il y lit un séjour de cinq mois. Le Dr Derriq, direc-

teur-médecin de cet établissement, eut donc le temps de l'exami-

ner sérieusement et de l'apprécier à sa juste valeur. Son opinion

mérite d'être citée : « D..., dit-il, est un dégénéré eu état à peu

près constant de déséquilibratiou mentale. Les excès de boisson

aggravent encore son état et il existe de fortes présomptions pour

qu'il devienne un pilier d'asile à entrées et à sorties multiples.

Son internement s'impose pour l'instant, tant dans son intérêt que

dans celui de la Société. »

C'est qu'en effet; peudant son séjour à Bonneval, D... apparais-

sait tel qu'il est réellement. Vantard, hypocrite, flatteur, menteur

effréné, tour à tour obséquieux ou insolent, suivant le moment

ou suivant les personnes, il révolutionne le quartier où il se trouve

placé, excitant les malades contre les gardiens ou leur jouant des

tours pendables. Se plaignant par système, réclamant sans cesse

des suppléments en raison, dit-il, de sa faible constitution, il ne

sait qu'inventer pour mal faire; tantôt il met des cailloux dans les

serrures, tantôt il moleste ceux qu'il croit inoffensifs. '

Matheureusement nos asiles sont mal organisées pour conserver

de pareils malades; ils y jettent le trouble, aussi s'empresse-t-on

de les remettre dehors quand un calme relatif apparaît dans leur

esprit. C'est ce qui eut lieu pour D... Au mois de septembre il

retournait chez sa mère.

Pendant deux mois il est à peu près calme, mais avant la fin de

l'année il commet de nouveaux délits. C'est encore à AI. Toquenne

qu'il s'attaque par l'envoi de nouvelles cartes encore plus ignobles

que les premières, puis c'est le tour du commissaire de police de

Saint-Cloud, qu'il traite de vieux saligaud et autres aménités.

Souvent pris de boisson, presque toujours surexcité, il ne se passe

298 médecine légale.

pas de semaines sans qu'il n'ait quelque histoire. En décembre

il signale son passage à Orléans, il fait l'objet d'un procès-verbal

pour plainte en escroquerie.

En janvier 1900, c'est un négociant qu'il menace de mort. En

février, c'est un autre vis-à-vis duquel il commet une escroquerie

et qu'il diffame ensuite par carte postale. En mars, il est conduit

au poste pour avoir frappé sa mère. Cette pauvre femme n'a que

le temps de se sauver pour échapper à ses coups. Dans sa déposi-

tion au commissaire elle affirme que son fils est fou et que si on

ne l'interne pas il lui fera un mauvais parti. Dans la même jour-

née, il frappe sans motif un employé de la gare de Saint-Cloud et

il outrage encore les agents. Poursuivi par le parquet de Versailles,

il est l'objet d'un nouvel examen médico-légal. L'expert lui recon-

naît une impressionnabilité nerveuse tout à fait particulière, aug-

mentée encore par l'usage immodéré des boissons alcooliques. Il

reconnaît qu'il sera sans doute nécessaire de l'interner s'il conti-

nue à boire ; mais il n'estime pas qu'il soit arrivé à un tel degré

d'intoxication qu'on puisse le regarder comme un malade de l'al-

cool, ayant perdu la valeur de ses actes.

Remis en liberté sur les instances de sa mère, il ne change

guère son existence. Ne travaillant presque jamais, mais buvant

toujours, il ne cesse de commettre des actes délictueux. A Saint-

Cloud, le 27 avril, il fait un vacarme épouvantable dans l'escalier

de la maison en se disputant avec d'autres locataires et quand son

propriétaire intervient pour le calmer, il l'accable d'injures.

En juillet, il croit avoir à se plaindre d'un négociant de Puteaux

qu'il n'a pu parvenir à représenter. Il lui adresse aussitôt des

cartes postales dans lesquelles il le traite de chevalier d'industrie,

vieux marlou, etc., etc.

Il agit de même avec Nul. Catron, commissaire de police de

Saint-Cloud : « Vous êtes, dit-il, le commissaire coup de poing,

» insolent, brutal, grossier, lâche en même temps capable de tout.

» Vous êtes digne de cette fripouille de copine, chassé à coup de

» pied au cul de l'Algérie ; vous êtes un gredin, venez donc me voir

en simple particulier, gros porc, vous verrez comment je me tor-

che. Puis c'est encore le tour de son propriétaire. Il l'accuse de

mener une vie crapuleuse et le menace de mettre le feu chez lui.

Tandis que le parquet de Versailles le poursuit et qu'il est l'objet

d'un examen médical de la part du Dr Rist, il trouve le moyen

d'aller à Rouen (septembre 1900) et d'y outrager un commissaire

de police. Coût : un mois de prison. Le médecin de Versailles

l'ayant considéré comme partiellement responsable, le Tribunal

de cette ville le condamne à un an de prison (18 novembre 1900).

Quatre jours après le jugement, il est à Orléans, où il vient pour

accomplir la peine que lui a infligée le Tribunal de Rouen, mais

avant de se constituer prisonnier, il trouve le moyen d'outrager

rapport SUR l'état mental DU nommé D... 299

M. Tomps, commissaire central. Pendant son séjour à la maison

d'arrêt (novembre 1900) il fait appel du jugement de Versailles.

A peine sorti de prison il recommence ses frasques, s'attaque de

nouveau à M. Toquenne, en retraite depuis longtemps, en lui

adressant des cartes injurieuses et diffamatoires (décembre 1900).

A la fin de janvier 1901 il s'offre par lettre à donner au Parquet

de Chartres des renseignements de nature à l'éclairer sur un incen-

die qui vient d'éclater dans une distillerie aux environs de Man-

tes. Le commissaire de police se présente chez sa mère en son

absence pour vérifier ses dires. Peut-être laisse-t-il à entendre

que D... veut déranger inutilement la police. Il n'en faut pas da-

vantage pour déchaîner sa colère. Quelques jours après il adresse

au commissaire une lettre ouverte contenant un pli dans lequel il

le traite « d'ignoble individu » et le prie de recevoir « l'expres-

sion de son mépris. » Arrêté pour ce fait et conduit au violon, il

brise les carreaux de la fenêtre, démolit le baquet hygiénique et

creuse le mur de sa cellule. Fouillé, on le trouve porteur d'une

assignation à comparaître devant la cour de Paris le 2 février

1901. Transféré dans cette ville, il est soumis à l'examen des

D- Ballet, Garnier et Dubuisson. Les experts concluent qu'il est

un prédisposé héréditaire, un impulsif chez lequel l'alcoolisme

aggrave encore la déséquilibration mentale. « D..., disent-ils com-

« prend trop bien la portée de ses actes pour que nous en fissions

« actuellement un malade irresponsable et séquestrable, mais son

« état mental est de nature à le faire bénéficier de l'indulgence de

« ses juges. Aussi la. condamnation à un an est-elle réduite à un

« mois (Avril 190t). »

Au mois de mai 1902, D... s'était inscrit dans un hôtel d'Orléans

sous le nom de Thomas. La police de notre ville ayant un mandat

d'arrêt contre un individu de ce nom, D... fut invité à donner des

explications sur son identité au Commissariat central. Au cours de

ses explications, il montra une lettre signée : Trarieux, dans la-

quelle ce sénateur le recommandait à M. Waldeck-Rousseau, le

donnant comme un ex-adjudant de cavalerie, médaillé, ex-attaché

à l'ambassade de Saint-Pétersbourg. D... fut obligé de reconnaî-

tre qu'il n'avait jamais occupé ces différents postes, et la lettre fut

saisie parle Commissaire central. Il n'en fallut pas davantage pour

mettre D... hors de lui. 11 commence immédiatement contre

M. Tomps et ses agents une campagne abominable. Il se plaint au

préfet du Loiret, au député d'Orléans, au directeur du Journal du

Loiret, auquel il se donne comme le fils du général de division D...

Il écrit même à M. le procureur de la république, affirmant qu'on

lui a soustrait au commissariat une somme de 150 francs. Con-

vaincu que la police est à ses trousses, il ne peut voir un agent

sans avoir un accès de fureur.

Le 25 juillet, il s'attaque au brigadier Peretti qui sort tranquil-

300 MÉDECINE LÉGALE.

lement de son bureau : « Vous me suivez partout, dit-il... je ne veux

point que cela dure plus longtemps... Vous et Tomps vous êtes

des canailles, je vous casserai la gueule. »

Poursuivi pour ce fait et aussi pour de nouvelles cartes injurieu-

ses a M. Temps, il est condamné par défaut, le 8 août 1902, à un

mois de prison. Il fait opposition à ce jugement par une lettre in-

cohérente adressée de Blois à M. le procureur de la République.

Entre autres insanités, il affirme que M. Tomps est fils d'un officier

prussien, qu'il est l'assassin du préfet Barème, etc., etc. Le Tribu-

nal jugeant que sa responsabihlé était atténuée par suite de son

état habituel de surexcitation, réduisit la peine à 15 jours.

Mais ce ne sont point là les seules histoires qu'il s'attire par suite

de son caractère impossible. Sans cesse à la recherche d'une posi-

tion sociale, il frappe à toutes les portes pour trouver un emploi.

Entre temps, il pérore de café en café, vantant ses hautes relations

et déblatérant sur tous ceux dont il croit avoir à se plaindre. Plu-

sieurs cafés sont obligés de lui fermer leur porte par suite du scan-

dale qu'il cause par ses propos injurieux et diffamatoires.

A signaler un incident qui démontre son irritabilité particulière.

Dans le courant du mois de juin 1902, il se présents à l'asile pour

demander une place de gardien. 11 se dit ancien adjudant de cui-

rassiers, médaillé militaire. et il montre un certificat de l'asile

d'Alençon. constatant qu'il a servi un an dans cet établissement,

tandis qu'il n'y est demeuré que quelques jours et a été remercié

par suite de ses excentricités. Ce certificat est manifestement sur-

chargé. On se borne à lui cépondre que l'on prendra des renseigne-

ments sur son compte et on l'invite à repasser plus tard prendre la

réponse.

Il se garde bien de revenir, mais deux mois après il rencontre,

rue d'Illiers, le préposé responsable de l'asile, le traite de cochon,

sale mouchard et le menace de lui flanquer sa main sur la figure.

Un rassemblement s'étant formé, M. Yon, le préposé, jugea conve-

nable de s'éloigner afin d'éviter un scandale.

Sans cesse en mouvement, aujourd'hui à Orléans, demain à Pa-

ris ou ailleurs, toujours àla recherche d'une nouvelle affaire, trom-

pant tous ceux qui l'emploient et ayant des démêlés avec tous, il

commet chaque jour de nouveaux délits.

Le 6 novembre, c'est une carte injurieuse à M. Mathieu, distilla-

teur, qui lui a procuré quelque ouvrage. Le 8 et le 21, c'est un autre

distillateur, M. Meyer, qu'il attaque de la même façon. Le H, nou-

velle dénonciation au Parquet contre M. Temps et le brigadier Pe-

retti. Le 18, il déclare au commissaire de police Burghert qu'il a

remarqué deux individus possesseurs de nombreux bijoux et de

titres devant provenir d'un vol et il indique l'endroit où la police

pourra les arrêter. C'est une histoire qu'il a inventée de toutes piè-

ces pour l'aire un bon tour aux agents. Le 26, nouvelles cattes in-

rapport SUR l'état mental DU NOMMÉ D .. 301

jurieusesà M. Temps ; le 29 à. Paris. il fait amener au commissariat

du Palais-Royal, une fille soumise qu'il accuse de l'avoir volé il y

a six mois. Celle-ci n'a pas de peine à démontrer la fausseté de ses

dires.

De retour Orléans, le 17 décembre, il descend chez un logeur

et s'inscrit sous un faux nom. C'est là qu'il est arrêté et conduit à

la maison d'arrêt.

Depuis son arrivée dans cet établissement, D... paraît véritable-

ment atteint de troubles mentaux. A chaque instant il appelle les

gardiens pour les motifs les plus futiles; tantôt il se dit malade et

demande le médecin, tantôt il vent qu'on certifie qu'il jouit bien

de la plénitude de ses facultés. On constate qu'il parait halluciné,

que souvent il parle seul, qu'à chaque instant il monte à la fenêtre

de sa cellule en faisant des signes de croix ou bien en se livrant à

des mimiques désordonnées.

Persécuté à un haut degré, il ne peut souffrir son compagnon

de cellule et lui cherche querelle à propos de rien. 11 lui casse la

tête de toutes ses histoires, mais il lui délend de parler et même

de le regarder quand il se livre à ses excentricités. Enfin il parle

à chaque instant de faire assommer ceux dont il croit avoir à se

plaindre.

Un jour il s'élance sur son co-détenu, l'accusant de lui avoir

mangé une partie de sa cantine pendant qu'il était au parloir.

Celui-ci pare le coup qu'il lui était destiné et dans la bousculade

U... reçoit quelques égratignures sans importance. Immédiate-

ment il se croit gravement atteint : il veut faire appeler le méde-

cin de la prison et m'écrit personnellement de venir le visiter d'ur-

gence.

Enfin, depuis sa détention, il ne cesse de m'adresser des lettres

dans lesquelles il se propose de me dicter les conclusions de mon rap-

port. Une du l6janvier est particulièrement intéressante, le passage

suivant est àciter textuellement : « Dans votre rapport vous pourrez

« mettre, Monsieur le Docteur, cela me fera beaucoup de bien : Je

« considère D... comme un grand enfant qui se fâche facilement ;

« mais de là à la folie complète, il y a loin. En raison de son arresta-

« lion, qui peut avoir provoqué chezlui une certaine irritation pas-

« sagère, je prie le Tribunal d'avoir pour lui la plus grande indul-

« gence. A la prison, Monsieur le Docteur, je fais un peu le toqué

« afin de faciliter votre tâche pour obtenir de votre bienveillance

« un rapport qui laisse croire à une maladie passagère. »

Et en effet, lors de mes différentes visites D... s'est toujours

montré préoccupé des conclusions possibles de mon rapport. Très

jaloux de sa liberté, il veut bien que l'on conclue à une responsa-

bilité si limitée que les juges seront obligés de l'acquitter ou de

lui infliger une peine insignifiante, mais il se refuse à être interné

dans un asile.

302 MÉDECINE LÉGALE.

Aussi indulgent pour lui-même qu'il se montre rigide vis-à-vis

des autres, il n'estime qu'il n'a commis que des peccadilles : « Lais-

sez-moi, dit-il, me débrouiller avec la justice qui ne peutètre sé-

vère pour une bagatelle semblable. » Et il entre dans des détails

multiples sur les examens médicaux dont il a été l'objet, prêtant

aux experts des intentions qu'ils n'ont jamais eues ou des opinions

qu'ils n'ont jamais formulées. S'il se croyait passible d'une peine

grave il raisonnerait tout autrement et nous le verrions simuler

l'imbécillité ou quelque autre genre de folie comme il a tenté

de le faire en 1894 lorsqu'il fut soumis à l'examen du docteur

Vallon.

Surtout préoccupé de se défendre, il porte souvent des accusa-

tions qu'il sait absolument fausses, persuadé qu'en chargeant les

autres il s'innocentera lui-même. D'une loquacité intarissable,

quand on l'interroge, il évite de répondre aux questions qui le gê-

nent et se lance dans des digressions, sans fin sur sa famille, sur

ses qualités, sur ses projets d'avenir, etc., etc. Il accumule menson-

ges sur mensonges et quandon l'arrête pour lui montrer l'inexacti-

tude de ses dires, il se met met à rire et déclare impudemment que

cela est parfaitement licite afin de se tirer d'affaire et que la fin

justifie les moyens.

Très curieux de connaître mon appréciation sur son compte, il

me pose à ce sujet les questions les plus diverses; tantôt en se

montrant bon enfant, et en faisant appel à ma pitié, tantôt en se

laissant aller à des insinuations malveillantes afin de me faire per-

dre patience.

Il se fait aider pour cela par sa mère que l'amour maternel

rend aveugle, mais qui parfaitement stylée par lui, multiplie les

démarches pour arriver à connaître mon opinion et à mêla faire

modifier si elle n'est pas conforme à leurs désirs.

S'ensuit-il qu'un individu se rendant aussi bien compte de ses

actes puisse être considéré comme responsable. Je ne le pense pas.

L'histoire entière de sa vie me parait protester contre cette hypo-

thèse. L'opinion de tous ceux qui l'ont examiné n'a jamais varié

sur le fait suivant qui ressort immédiatement de son examen.

C'est un anormal, un dévoyé de l'ordre mental; un dégénéré débile,

dépourvu de jugement Ces troubles persistants,s'exagèrent encore

sous l'influence de l'alcool.

Les avis ne diffèrent que sur l'appréciation de la conduite que

l'on doit tenir à son égard. Les uns estiment qu'il est justiciable

de l'asile d'aliénés, les autres qu'il doit comparaître devant les

juges tout eu bénéficiant d'une large indulgence. Mais c'est préci-

sément là que réside la difficulté, D... étant un de ces êtres qui

paraissent relever aussi bien du médecin que du criminaliste, un

pilier d'asile ou de prison à entrées et à sorties multiples. Aussi

l'opinion peut-elle varier sur son compte, soit que l'on considère

rapport SUR l'état mental DU nommé D... 303

l'état précis dans lequel il se trouve au moment de l'examen, soit

au contraire que l'ou s'attache à retracer son histoire où à l'ob-

server pendant quelque temps.

J'estime que c'est la seconde manière qui permet véritablement

de le connaître et de porter une juste appréciation sur le person-

nage. Or tous ceux qui ont eu avec lui un contact suffisant le con-

sidèrent comme un malade. C'est l'avis du 1) Déricq qui l'a

observé à Bonneval, c'est aussi celui du Dr Dagonet qui le soi-

gnait à Sainte-Anne et s'opposait à sa sortie, c'est l'avis de tous

ceux qui l'ont employé, de tous les fonctionnaires qui ont pu le

suivre pendant quelque temps, commissaires de police ou gardiens

de prisons. C'est aussi le mien. De tout ce que j'ai pu recueillir sur

l'hérédité, l'existence et la manière d'être de cet individu, de

l'examen personnel auquel je me suis livré au cours demes visites

et de mes interrogatoires, il résulte pour moi cette conviction pro-

fonde que D... est atteint de cette forme particulière de dégéné-

rescence mentale que l'on appelle : La Folie Morale. La caractéris-

tique de cette aflection c'est le manque plus ou moins complet de

ce que nous appelons le sens moral. Ceux qui en sont atteints bien

qu'ayant reçu tous les bienfaits de la civilisation et de l'éducation

sont incapables de se rendre utiles dans la société à laquelle ils

appartiennent. Cet aveuglement moral, cette folie des sentiments

altruistes, suivant l'expression de Scbule, les amène à nier les

droits d'autrui et y porter atteinte. Chez eux, la conscience n'a

pas de révolte; aucune considération ne les arrête, et ils s'aban-

donnent sans vergogne à leurs instincts malfaisants.

Leur intelligence parait intacte en ce sens qu'ils mûrissent leurs

projets et qu'ils déploient parfois beaucoup d'astuce pour arriver

à leurs fins, mais elle est néanmoins profondément atteinte. Inca-

pables de remplir un emploi et de fournir une activité régulière,

ils manquent de jugement; ils ont l'esprit faux et nuisent à leurs

propres intérêts. Non seulement ils sont déraisonnables, mais ils

ne sont pas pratiques et ils deviennent les premières victimes de

leurs machinations. Leur mollesse d'esprit et leur paresse ne peu-

vent être surmontées que lorsqu'il s'agit de satisfaire leurs appé-

tits immoraux. Leurs actes ont un caractère impulsif et souvent

périodiques. Querelleurs, menteurs, ivrognes, orgueilleux, per-

vertis jusqu'à la moelle ils constituent de véritables plaies sociales.

Dangereux du plus haut degré, ils le restent toute la vie car l'art

médical est impuissant à modifier leur trouble organique. Ce qui

distingue ces malades des criminels, c'est la spontanéité, la brus-'

querie de leurs instincts, la fréquence, la répétition de leurs délits,

l'impudence, l'irréflexion avec laquelle ils se satisfont, le cynisme

avec lequel ils affichent leurs actes ouïes avouent et leur absence

de remords. Ce qui en fait surtout des malades, ce sont les nom-

breuses tares que l'on rencontre dans leurs antécédents hérédi-

304 MÉDECINE LÉGALE.

taires et personnels, les signes de dégénérescence anatomiques et

fonctionnels que l'on découvre sur leur personne, restes le plus

souvent d'affections cérébrales de l'enfance ou de la puberté.

Or D... est bien un de ces types de malades. Nous connaissons

son hérédité morbide, nous savons qu'il a eu à dix-huit ans une

insolation qui parait avoir influencé son développement cérébral,

nous sommes fixés sur ses habitudes d'intempérance et sur l'into-

lérance particulière qu'il présente pour les boissons alcooliques;

cette intolérance est tellement marquée que malgré sa forte cons-

titution tout excès provoque chez lui une surexcitation spéciale qui

va parfois jusqu'au délire de la persécution avec illusions et hallu-

cinations. D'après le Dr Déricq, D... est encore un anormal au point

de vue sexuel. Bien que l'expert ne précise point de quelle perver-

sion il s'agit, il y a lieu de signaler aussi cette tare particulière.

Enfin il a toujours été et il sera toujours incapable de se diriger

normalement. Dans ces conditions l'internement s'impose. D ..

doit être placé dans un asile d'aliénés; mais là, surgit une diffi-

culté qu'il est de mon devoir de signaler. Les individus comme D...

sont des plaies pour nos établissements. Déjà insupportables dans

les prisons où la suiveillance se présente dans des conditions par-

ticulières de sécurité et où les moyens contentifs sont suffisants ils

deviennent intolérables dans un asile ordinaire. Passant leur

leur temps à exciter les autres malades et tramant des complots,

ils peuvent amener les complications les plus graves, sans préju-

dice des craintes d'évasion que l'on a constamment à leur sujet.

A défaut des asiles-prisons 1, réforme admise partout le monde

et toujours ajournée, c'est dans un quartier de sûreté tel que celui

de Bicètre qu'il faut les admettre. Or ce que nous connaissons du

caractère de D..., sa conduite à Bonneval età Sainte-Anne etenfin

à la prison d'Orléans démontrent surabondamment que sa vérita-

ble place est à Bicetre. C'est pourquoi je suis amené à formuler

les conclusions suivantes :

Conclusions. 1°D...est atteint de folie morale ; 2° Il est

irresponsable des actes qui lui sont reprochés ; 3° Son état

mental nécessite son internement ; 4° De plus, comme il s'a-

git d'un malade à tendances plutôt malfaisantes et capable

de provoquer des accidents qu'il sera peut-être impossible

d'éviter dans un asile ordinaire, il me parait nécessaire de

le placer dans un quartier de sûreté aménagé comme celui

de Bicêtre.

Comme on le voit mes conclusions tendaient à le faire

1 Ce sont deux mots qui jurent d'être accouplés, leur création serait

un recul (B.).

TRAITEMENT DES . ÉPILEPTIQUES EN ANGLETERRE. 305

diriger sur Bicêtre ; mais l'administration départementale a

reculé devant le surcroît de dépenses qui en aurait résulté et

D... a été placé dans mon service. Je n'ai pu l'y retenir que

quatre mois.

Là il s'est montré insupportable comme partout ailleurs,

s'entendant avec sa mère pour assaillir les pouvoirs publics

de ses réclamations. Pour échapper à ces sollicitations etpar

mesure d'économie aussi, on a consenti à le rendre à sa

mère qui demandait son transfert dans un autre asile à titre

de placement volontaire.

Son séjour dans ce nouvel établissement n'a pas dépassé

huit jours, et, de nouveau en liberté, D... continue le cours

de ses exploits. Il a déjà commis un certain nombre d'excen-

tricités depuis sa sortie, d'après ce que j'ai entendu dire, et

il ne sera pas longtemps sans avoir de nouveaux démêlés

avec la justice. Les cas de ce genre sont légion, j'en suis

convaincu. N'est-ce. pas là une situation déplorable et qui

mériterait d'attirer enfin l'attention des pouvoirs publics.

THÉRAPEUTIQUE.

Soin donné aux épileptiques et leur traitement en

Angleterre ;

Par FLETCHER BE.1CII, M. B., F. R. C. P.

Médecin au aWestEnd Hospital, Loudon o, », hôpital pour les maladies

nerveuses, l'épilepsie et la paralysie.

Médecin à la Colonie d'épileptiques de Chalfont, Buchinghamshire.

L'épilepsie était connue dès l'époque d'Hippocrate qui en

parle dans ses écrits et lui donne le nom de « mal sacré »

quoiqu'il fût assez éclairé pour savoir que cette maladie

n'est ni plus divine ni plus sacrée que les autres, mais a des

causes naturelles dont elle dérive de la même façon que les

autres maladies. Plus tard, Russell Reynolds, Bourneville,

Iluglilings Jackson et Gowers, etc., ont traité ce sujet et les

vues bien connues de Hughiings Jackson sont maintenant

généralement acceptées par les médecins anglais.

Archives, 2" série, t. XVI. 20

306 THÉRAPEUTIQUE.

Ce n'est cependant que dans les douze dernières années

qu'on a établi en Angleterre des colonies pour le traitement

des épileptiques. Sous le rapport des mesures prises en fa-

veur de cette classe de malades, ainsi que des faibles d'es-

prit, nous sommes très en retard sur le Continent, où,

depuis de longues années, existent des dispositions pour

leur admission dans des asiles ou des colonies où ils sont

soignés et traités.

En 1773, l'évêque de Wûrzburg fonda un asile pour les

malades atteints d'épilepsie ou, comme on l'appelait alors,

de « falling sickness ». Cet asile était affecté en partie au

traitement des malades susceptibles de guérison et en par-

tie à la garde des incurables. Son oeuvre fut continuée par

son successeuret, en1S45, on construisit un bâtiment destiné

à recevoir gratuitement quarante-huit malades. En 1838, des

dispositions furent prises pour soigner les épileptiques dans

des asiles. C'est vers la même époque que le docteur Séguin

entreprit l'instruction des enfants idiots à Paris, et depuis

lors les jeunes épileptiques sont reçus dans la plupart des

asiles destinés aux enfants idiots.

On a à s'occuper de deux classes d'épileptiques dans les

asiles ou les colonies : les aliénés et les sains d'esprit.

En ce qui concerne les malades de la première classe, la

première mesure prise pour améliorer leur condition fut de

leur réserver des salles spéciaJes dans les asiles, afin qu'ils

pussent être séparés des autres épileptiques. Dès 1874,

M. Ley, alors directeur de l'asile de Prestwich (Lancaster

County Asylum) recommandait de placer les malades épilep-

tiques des différents asiles du comté de Lancaster dans un

établissement spécial, mais rien ne fut fait à cet égard. En

1892, le docteur Ewart lut devant l'Association Médico-Psy-

chologique de Grande-Bretagne et d'Irlande, un travail dans

lequel il recommandait l'établissement de colonies, non

seulement pour les épileptiques aliénés, mais aussi pour les

adultes et les enfants qui n'étaient qu'épileptiques sans être

aliénés. Depuis cette époque, l'opinion publique s'était évi-

demment peu à peu formée sur ce sujet, puisque, eu 1897,

le docteur Rhodes et M. Me Dougall, Alderman, étaient dési-

gnés par le comité commun des asiles de Choriton et de

Manchester pour aller visiter les établissements pour le

traitement des imbéciles et des épileptiques en Allemagne,

TRAITEMENT DES ÉPILEPTIQUES EN ANGLETERRE. 307

en France et en Belgique. A leur retour, ils déposèrent un

rapport dans lequel ils recommandaient de soigner ceux qui

étaient malades aussi bien physiquement que mentalement,

dans des pavillons semblables aux pavillons Wilhelmina

Augusta de Alt Scherbitz, établis en cet endroit pour les

aliénés,, tandis que ceux qui étaient physiquement valides

(environ 80 p. '100 du nombre total), seraient soignés dans

des bâtiments suivant le plan adopté pour les colonies, le

nombre de pensionnaires dans chaque maison ne pouvant

dépasser trente.

Le résultat de ce rapport fut que les autorités de Man-

chester et de Chorlton décidèrent d'établir une colonie pour

les imbéciles et les épileptiques. On eut d'abord quelque

difficulté à trouver un terrain convenable, mais, il y a

un an ou deux, le comité commun des asiles de Manches-

ter et de Chorlton acheta un emplacement de 69 hec-

tares à Langs, à quelques kilomètres de Blackburn, et des

bâtiments pour les imbéciles et les épileptiques y sont

maintenant en cours d'érection. Une partie de la propriété

est affectée aux imbéciles et une autre aux épileptiques.

Ce bon exemple a été suivi par les autorités de Leicester

qui vont faire l'acquisition d'un terrain d'une grande éten-

due pour le traitement d'après le système des colonies, des

imbéciles et des épileptiques de l'hospice de Leicester.

Le conseil municipal de Londres a fait bâtir sur la pro-

priété nommée Horton Manor une colonie pouvant tecevon'

300 épileptiques aliénés. 51 hectares sont affectés à la colo-

nie dont les bâtiments occupent une superficie de 11 hec-

tares. Il y a un bâtiment réservé à l'administration et

contenant aussi des logements pour le personnel et une infir-

merie ; un bâtiment séparé qui contient les magasins et les

cuisines, avec la salle de récréation adjacente ; et huit villas

pour les malades. Ces villas sont des bâtiments à un seul

étage et chacune peut recevoir 36 malades et le personnel

nécessaire pour assurer le fonctionnement du service. Une

maison pour le médecin en chef est placée à une distance

commode du bâtiment administratif. Enfin le conseil des

asiles de Lancashire va fonder une colonie pour les épilep-

tiques aliénés de Lancashire, donnant ainsi effet à la recom-

mandation que M. Ley avait faite il y a près de trente ans.

En ce qui concerne les épileptiques sains d'esprit, le pre-

308 THÉRAPEUTIQUE. '

mier établissement ouvert pour eux, fut celui que le docteur

Alexander et quelques autres messieurs fondèrent à Mag-

hull, près de Liverpool en 1888 et qui contient'150 malades.

Le bâtiment lui-même est une vieille résidence seigneuriale,

mais depuis qu'il a été acheté, trois autres bâtiments pour

épileptiques des deux sexes ont été érigés sur la propriété

de sorte que les malades sont bien classés et subdivisés.

Les hommes sont occupés au jardin et les femmes se livrent

à des occupations domestiques.

En 1893, un asile, lhe ilieatlb Home of Co21foq-t, fut fondé

à Godalming, Surrey, par Lady Meath. Il contient 50 femmes

et jeunes filles épileptiques de deux à trente-cinq ans. Les

malades de toutes les parties de l'Angleterre y sont admises.

Elles doivent être capables de se livrer à quelque occupa-

tion : travail à l'aiguille, ou avec des perles, vannerie ou

blanchissage.

En 1894, une colonie pour épileptiques sains d'esprit, la

première de ce genre en Angleterre, fut ouverte à Chalfont

dans le comté de Buckinghan, par la Société Nationale pour

l'occupation des épileptiques. Les maisons ont été graduel-

lement bâties sur une propriété d'une superficie de 55 hec-

tares par des personnes qui s'intéressent à cette oeuvre. Il y

en a huit : quatre pour hommes, deux pour femmes, une

maison de convalescence et une pour les cas qui exigent un

traitement et des soins spéciaux. La colonie est actuelle-

ment habitée par 172 sujets, la maison de convalescence et

la maison spéciale sont occupées à présent par des colons

qui sont en bonne santé, cela afin de diminuer un peu le

nombre de ceux qui attendent leur admission. Un bâtiment

pour les épileptiques de Ilampshire est en- construction. Il

pourra recevoir 24 personnes, de sorte que la population de

la colonie atteindra sous peu le chiffre de 196. Un bâtiment

pour l'administration sera bientôt élevé car le besoin s'en

fait grandement sentir. Les habitants mâles de la colonie

sont employés à faire de la menuiserie, de la vannerie, ou

à la forge, ou dans la ferme et le verger ; les femmes font

du blanchissage, des travaux à l'aiguille ou s'occupent des

soins du ménage.

11 y a aussi a Bournemouth, un petit établissement appelé

St-Luke's Home qui fut fondé en 1895 et qui est destiné aux

femmes épileptiques appartenant à la religion anglicane. II

TRAITEMENT DES ÉPILEPTIQUES EN ANGLETERRE. 309

peut contenir dix épileptiques dont l'état exige des soins

médicaux. La direction en est confiée à deux infirmiers qui

sont membres de la société « Tlie Royal British Nurses'

Association», et qui non seulement donnent leurs services

gratuitement mais encore contribuent financièrement à

l'entretien de l'oeuvre. Le prix pour la pension et les soins

est de 12 s. 6 d. (15 f. 75) par semaine.

Une autre colonie pour les épileptiques en possession de

leurs facultés mentales est construite par les exécuteurs du

Lewis, à Chelford (Lancashire) sur un terrain d'une super-

ficie de 186 hectares. Elle pourra recevoir 260 épileptiques,

qui occuperont 9 bâtiments dont 6 sont pour adultes et

3 pour enfants et seront divisés en 3 classes, cette division

étant fondée sur le prix qu'ils paieront, comme cela se fait

dans les établissements allemands.

Les épileptiques une fois admis dans une colonie, il est

très important qu'ils soient constamment occupés de quelque

façon, mais il faut que leur occupation leur plaise, qu'elle

soit saine, et, si possible, qu'elle s'exerce dehors, car le

soleil, l'air frais et les autres objets qui entoure l'épilep-

tique, non seulement empêchent sa pensée de se fixer sur

sa maladie, mais aussi le remplissent d'activité mentale et

d'espérance. De plus, sa santé générale s'améliore et son

travail aide à procurer la variété de nourriture qu'il est dési-

rable d'avoir dans le traitement de cette maladie. Les résul-

tats de l'occupation et du traitement des épileptiques, de la

coton'ie de Chalfont dont j'ai l'honneur d'être un des méde-

cins sont les plus satisfaisants. Dans la plupart des cas une

amélioration sensible s'est produite, la santé générale est

devenue meilleure et la fréquence des accès a diminué.

Les enfants épileptiques forment une classe de malades

dont le traitement promet de bons résultats et leur état est

susceptible d'une grande amélioration. Ils sont une source

d'anxiété pour leurs parents car ils sont exposés à être écra-

sés dans les rues et si on les envoie à l'école ils peuvent

avoir des attaques sur leur chemin ou dans la classe. Ces

attaques dérangent la classe et effrayent les autres enfants.

Il ne devrait donc pas être permis aux enfants sujets à de

violentes attaques de fréquenter l'école. Il y a sans doute un

grand nombre de ces enfants dont l'état exigerait l'envoi

dans des colonies d'épileptiques. Malheureusement ui»3 Ici

310 O THÉRAPEUTIQUE.

concernant les enfants défectueux et épileptiques, loi appe-

lée : Loi sur l'instruction élémentaire, votée par le Parle-

ment en 1899, contient une clause qui limite à 15 le nombre

des enfants pouvant être admis dans le même bâtiment, et à

60, répartis entre 4 bâtiments, leur nombre par établisse-

ment.

Sans cette clause, des enfants seraient actuellement ins-

truits et élevés à la colonie de Chalfont où deux villas avaient

été construites dans ce but, l'une pour des garçons et l'autre

pour des filles. Chaque villa avait été bâtie pour recevoir

24 enfants, mais comme le Ministère de l'Instruction Publi-

que ne permet de n'y admettre que 15 enfants, elles sont

pour le moment employées pour d'autres cas. La Société

Nationale pour l'occupation des épileptiques, et les autorités

scolaires de Londres (London School Board) qui ont dans

leur ressort environ 350 épileptiques, ont présenté au Minis-

tère de l'Instruction Publique une pétition demandant de

modifier cette clause et de porter à 24 le nombre des enfants

pouvant être admis dans le même bâtiment, et il y a lieu

d'espérer que le Ministère donnera bientôt une réponse

favorable.

L'expérience a démontré que les cas de jeunes épileptiques

sont ceux dans lesquels le système de traitement de la colo-

nie donne les meilleurs résultats. A l'institution pour épilep-

tiques de Zurich, le résultat du système d'éducation est des

plus marqués. Dans leur rapport, les autorités de cet éta-

blissement disent que les enfants « apprennent a ressaisir

et exercer leurs facultés désorganisées, à se maîtriser, à être

exacts et soumis, et par-dessus tout (ce qui manque souvent

aux épileptiques) à trouver du plaisir à s'occuper régulière-

ment, et à regagner la confiance, souvent perdue, en leur

propre capacité d'exécution ». Les attaques sont moins

fréquentes et il y a des exemples qui prouvent qu'avec un

système d'éducation convenable et un nombre suffisant de

maîtres on arrive à faire de grands progrès intellectuelle-

ment et physiquement. L'essai qui a été fait à Chalfont con-

firme cette assertion. Bien que le comité ait été jusqu'à

présent empêché de recevoir de jeunes enfants, il est cepen-

dant si convaincu de l'importance d'occuper les épileptiques

dès le plus jeune âge possible, qu'il a admis 24 jeunes gar-

çons de quatorze ans. L'état de ces derniers s'est amélioré

TRAITEMENT DES ÉPILEPTIQUES EN ANGLETERRE. 311

d'une façon très satisfaisante, ils ont l'air bien portants et

gais, et sont heureux et satisfaits. Pendant les soirées

d'hiver, on leur enseigner lecture, l'écriture, l'arithmétique,

le dessin et l'histoire, et pendant la journée en hiver comme

en été, ils sont employés à la ferme ou à d'autres occu-

pations.

Sans aucun doute, la connaissance des bons résultats

obtenus sur le continent par l'éducation des enfants épilep-

tiques a engagé le Ministère de l'Instruction Publique à

faire quelque chose dans cette direction, car le comité du

Conseil de l'Instruction Publique a publié une décision à la

date du 26 février 1900, qui pourvoit à l'instruction des

enfants faibles d'esprit et épileptiques, sur les sujets sui-

vants : lecture, écriture, arithmétique, chant, récitation,

leçons de choses, dessin, travaux à l'aiguille pour les filles,

exercices physiques et travaux manuels. C'est là un très bon

arrangement car il pourvoit à l'éducation physique aussi

bien qu'à l'éducation intellectuelle et dans le cas des plus

jeunes enfants on emploie le système « d'enseignement par

l'action » habituellement en usage dans les classes enfan-

tines (kindergarten). Parmi les plus âgés, les garçons appren-

nent différents métiers et les travaux du jardin et des

champs; les filles apprennent la cuisine, le blanchissage et

l'économie domestique pratique, outre les travaux à l'ai-

guille déjà mentionnés.

Malgré tout ce qui a déjà été fait, il faudra construire

encore beaucoup d'autres colonies pour pourvoir aux besoins

de ces infortunés malades. On évalue à 40 000 le nombre des

épileptiques dans les Iles Britanniques et une grande partie

d'entre eux résident sans doute daus les hospices (wor-

lttouses), où, à mon avis, ils ne devraient pas être. Beau-

coup des meilleurs cas de la colonie de Chalfont ont été ceux

de colons qui avaient été dans les hospices peu de temps

seulement et qui avaient glissé dans le paupérisme non pas

de leur propre faute, mais simplement parce qu'ils n'avaient

pu obtenir de travail. Il faut espérer que les autorités non

seulement de l'Angleterre et du pays de Galles, mais aussi

de l'Ecosse et de l'Irlande où rien n'a encore été fait en

faveur des épileptiques, suivront l'exemple des autorités de

Chorlton et Manchester, et de Leicester, et fonderont des

colonies pour les épileptiques. Dans les régions où les

312 THÉRAPEUTIQUE.

nombres sont peu élevés, plusieurs comtés pouraient fonder

en commun une colonie pour leurs épileptiques, ou bien les

comtés pourraient fournir les fonds nécessaires à la cons-

truction d'un bâtiment à la colonie da Chalfont, comme les

autorités de Ilampshire le font en ce moment.

Pour la classe qui est au-dessus de la classe des indigents

des efforts volontaires seraient bien nécessaires. En ce qui

concerne les enfants la loi sur l'Instruction Elémentaire de

1899 (enfants défectueux et épileptiques) dont il a déjà été

question, permet aux autorités scolaires d'établir des écoles

approuvées par le Ministère de l'Instruction Publique pour

les enfants épileptiques, et de contribuer à l'entretien des

écoles aprouvées. Ces autorités doivent pourvoir à la nour-

riture, an logement et au traitement médical des enfants

aussi bien qu'à leur instruction. J'espère que quand la res-

triction à quinze du nombre des enfants pouvant être admis

dans le même bâtiment, sera levée, des dispositions seront

prises pour que les enfants épileptiques dépendant des auto-

rités scolaires de Londres (London School Board), dont

l'état exige des soins dans un établissement d'épileptiques,

soient admis à la colonie de Chalfont, car la loi permet de

faire un tel arrangement.

Dans ce travail je n'ai parlé que du traitement des

épileptiques dans des colonies, car c'est un mode de traite-

ment plus récent que le traitement dans les hôpitaux qui est

en pratique depuis des siècles, et de plus le traitement dans

les colonies doit être appliqué aux malades qui ont été traités

dans les hôpitaux, mais chez qui les attaques se produisent

si fréquemment qu'il leur est impossible d'obtenir et de

garder un emploi dans la vie ordinaire '.

1 Rappelons que Ferrus. probablement le premier, alors qu'il était

médecin de l31cétre, a organise la colonie de la Ferme Sainte-Anne ou

s'élève aujourd'hui l'Asile clinique..N'ombre d'épileptiques y figuraient

à demeure avec des aliénés. Tous les matins un groupe d'cptleptiques

et d'aliénés y était envoyé de 131cêtre, dont la colonie était une dépen-

dance. Un autre groupe se rendait à la Salpêtrière pour faire de gros

ouvrages, entre autres les travaux de salubrité. (l3.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XIII" CONGRÈS

DES MÉDECINS ET NEUROLOGISTES DE FHAXCE

ET DES PAYS DE LANGUE LP.1\f.IIJE

Tenu ci Bruxelles, du le' au 8 août 1903

(Suite)

SÉANCE DU 7 AOUT. PRÉSIDENCE DE il. DoUTREBFNTE

Traitement de l'agitation et de l'insomnie dans les maladies mentales

et nerveuses. (Rapport présenté par M. le 1), TRI,.iEL, médecin de

l'asile Saint-Yon.)

GÉNÉRALITÉS SUR L'AGITATION ET L'f\S011\11 :

Une étude séméiologique de l'agitation et de l'insomnie serait

l'introduction naturelle de cette revue thérapeutique. Mais est-il

nécessaire de décrire ici des types que chacun a facilement devant

les yeux. Le maniaque, le confus, l'anxieux, le dément agité, etc.,

présentent des tableaux cliniques trop connus. De plus, pour expo-

ser et apprécier au point de vue du traitement les modes variés

d'agitation, on ne peut guère s'appuyer que sur l'intensité de cette

agitation, comme le faisait récemment remarquer Ielizer, et ne

parler que d'agitation intense, forte, ou faible. Néanmoins, et

quoique la nature véritable de l'agitation soit seulement soupçon-

née puisque nous ne savons pas d'une façon précise quels éléments

anatomiques, quels centres entrent en jeu dans ces phénomènes

d'excitation nerveuse, ni à plus forte raison quels troubles phy-

sico-chimiques les produisent on peut reconnaître diverses

formes de l'agitation. En l'absence de données sur la cause intime

du syndrome, on peut, en s'appuyant sur certains caractères, pu-

rement extérieurs il est vrai, classilier d'une façon au moins cli-

nique, mais aussi quelque peu schématique, ses différentes moda-

lités. C'est ainsi que Pochon nous a donné une bonne définition

des divers états d'agitation, et avec lui on peut décrire l'excitation

simple, l'agitation par réaction et l'agitation automatique. L'agi-

tation simple est, dirons-nous, celle du maniaque; cela seul suffit

à la définir et à la décrire ; elle semble être un phénomène primi-

tif. Par opposition, l'agitation par réaction peut être considérée

314 SOCIÉTÉS SAVANTES.

comme un phénomène secondaire. C'est le symptôme par lequel

le malade répond à certaines causes, soit psychiques, soit psycho-

sensorielles, comme la douleur morale du mélancolique, ou t'hat-

lucitiation du persécuté. Cette agitation n'est pas, comme dans la

manie, l'essence même de la maladie; elle est même très contin-

gente, car nous voyons les causes apparentes, qui la produisent

dans certains cas, avoir des effets opposés dans d'autres. La dou-

leur morale peut donner lieu chez le mélancolique aussi bien à

une agitation anxieuse qu'à une dépression profonde ; les halluci-

nations terrifiantes peuvent provoquer des réactions motrices d'une

violence extrême aussi bien que la stupeur la plus intense; et cela

dans des conditions en apparence analogues, bien plus, à des inter-

valles très courts chez le même malade.

L'agitation automatique est d'origine plus obscure encore. Elle

se produit dans les cas où les centres supérieurs ont perdu tout

pouvoir régulateur ; nous en trouvons le type le plus complet chez

l'épileptique ; les déchus de toute espèce la présentent aussi, que

ce soit l'idiot, le dément précoce, le dément paralytique ou sénile.

C'est sous cette forme que l'agitation est le plus incoercible.

Dans chacune de ces variétés, nous ne pouvons dire espèces, car

il existe de l'une à l'autre de multiples formes de passage, on doit

reconnaître tous les degrés possibles ; de la simple surexcitation

de l'hystérique à l'agitation du maniaque, il n'y a souvent qu'une

différence d'intensité ; l'automatisme de l'épileptique peut aller,

des quelques gestes plus ou moins coordonnés qui suivent l'at-

taque, aux violences les plus aveugles.

L'insomnie simple est celle que chacun connaît et peut avoir eu,

plus ou moins. l'occasion d'éprouver. C'est elle que l'on rencontre

le plus souvent chez les névfopathes, les neurasthéniques et les

hystériques. Elle ne s'accompagne d'aucun autre phénomène phy-

sique ou psychique notable, c'est le manque de sommeil pur et

simple, le non-sommeil, l'asomnie pour employer l'expression de

Freund. En dehors de toute excitation extérieure, de toute douleur,

l'on reste vigile, et cet état peut durer des nuits et des nuits; les

neurasthéniques surtout en sont les victimes. Il faut, il est vrai,

se défier de leur dire, car parfois ces malades, tout en jouissant

d'un sommeil sinon complet, du moins suffisant, croient ne pas

dormir ou le prétendent avec plus ou moins de bonne foi.

Les aliénistes n'ont qu'exceptionnellement à constater cette

variété d'insomnie. Cependant elle est fréquente à la période d'in-

cubation des vésanies. Ce qu'ils observent le plus souvent à l'asile,

c'est l'insomnie des mélancoliques simples, de ces malades qu'à

chaque ronde le veilleur trouve assis sur leur lit, qui ne dorment

que d'une façon interrompue, intermittente, fragmentaire, indé-

pendamment même de toute cause extérieure de réveil. Celte

insomnie se rencontre encore chez les paralytiques comme symp-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 315

tome prémonitoire. Chez les maniaques, l'insomnie fait partie

intégrante du syndrome manie. Les anxieux dorment peu et mal,

et leur sommeil est peuplé de cauchemars en rapport apparem-

ment avec les pénibles sensations organiques qu'ils ressentent.

Tous les hallucinés, en général, dorment mal; dans l'état d'atten-

tion expectante où ils se trouvent, cette insomnie habituelle est

facilement concevable. On peut prendre parfois sur le fait le rôle

direct de l'excitation psycho-sensorielle, d'origine centrale ou péri-

phérique, dans l'insomnie de ces malades. Chez les hallucinés à

hallucinations génitales, en outre du rôle indéniable du rêve, par-

ticulièrement actif chez eux, des sensations anormales manifestes

produisent le réveil ; chez tous ces malades, dont les sensations

internes sont perverties, la nuit ramène une recrudescence des

phénomènes morbides. Mais c'est dans les cas d'hallucinations

psycho-motrices que le réveil nocturne peut se montrer, avec la

dernière évidence, en rapport avec les troubles de l'innervation

motrice et sensorielle ; et nous l'avons pu constater, en toute cer-

titude, dans certains cas, chez des malades capables de rendre

compte de leurs sensations avec sincérité. Inutile de rappeler l'in-

somnie des intoxiqués en général, des alcooliques en particulier,

chez qui l'obscurité à elle seule ramène le délire hallucinatoire.

Mais il est probable que, chez nombre d'autres malades, les tiou-

bles, non définis encore, des divers processus physiques qui mar-

quent le début du sommeil ne sont pas sans jouer quelque rôle

dans la genèse de l'insomnie.

Le sommeil n'est pas seulement diminué dans sa quantité, mais

bien aussi troublé dans sa qualité. On sait qu'il existe une courbe

tout à fait régulière de la profondeur du sommeil, la plus grande

profondeur du sommeil étant atteinte à l'état normal, d'une façon

rapide dès les premières heures, pour diminuer ensuite très rapi-

dement aussi, ce qui s'exprime par une chute brusque de la

courbe; puis le sommeil, à partir de la troisième heure, devenant

de plus en plus superficiel jusqu'au réveil avec oscillations peu

marquées. A côté de ce sommeil régulier, normal, dont la courbe

est figurée partout, il semble en exister un autre, dont la courbe a

été déterminée par les expériences d'un élève de Kraepelin.

Mieheison, reprenant les expériences analogues faites antérieu-

rement, a démontré que, normalement, le sommeil présente un

maximum de profondeur au troisième quart d'heure de la deuxième

heure. La courbe traduit une ascension progressive jusqu'au deu-

xième quart d'heure de la deuxième heure, puis une ascension

rapide dans le deuxième et troisième. Après l'acmé, il y a une des-

cente rapide jusqu'au deuxième quart de la troisième; enfin une

lente descente jusqu'à la deuxième demi-heure de la cinquième

heure. A ce moment, il y a une faible et lente augmentation de

l'intensité du sommeil ayant son maximum en une heure, puis

316 SOCIÉTÉS SAVANTES.

une diminution. Ce serait là la courbe normale du sommeil. Mais

llichelson a observé une courbe d'une autre forme. La précédente

traduit une augmentation et une diminution rapide de la profon-

deur du sommeil qui est très faible le matin à l'approche du

réveil. Dans celle-ci, au contraire, l'augmentation et la diminution

sont lentes à se produire et sont moins marquées que dans l'aulre

forme; mais aussi le sommeil reste plus profond jusqu'au réveil.

Michelson fait ici une remarque qui nous intéresse au premier

chef : la première courbe est, avons-nous dit, la courbe normale,

la seconde serait celle des neurasthéniques, des psychopathes.

Ceux-ci ne sont nullement reposés le matin, à l'inverse des gens

normaux; et si l'on examine, dit-il, les faits pathologiques, on

constate que certains malades ne parviennent pas à s'endormir,

mais finissent par tomber dans un profond sommeil le malin, que

d'autres s'endorment vite, mais s'éveillent bientôt et ne se rendor-

ment plus que très difficilement. A la première catégorie appar-

tiennent les mélancoliques, les neurasthéniques. Michetson attribue

l'épuisement qu'ils présentent dans la matinée au fait que l'ané-

mie nécessaire au repos cérébral ne se produit pas ceci ne peut

être accepté que sous toutes réserves.

Les deux formes de la courbe se retrouveraient chez les circu-

laires : dans la période dépressive, ces malades s'endorment diffi-

cilement, rêvent beaucoup, se réveillent tard, avec une sensation

de vide dans la tête et se sentent plus ou moins fatigués dans la

journée. Dans la période d'agitation, itssendormentviteetpro-

fondément et ne rêvent pas, mais ils se réveillent vers minuit et

commencent alors leur tapage habituel. Souvent ils ont, par con-

tre, de courts moments de sommeil dans la journée. A ce propos,

Michetson avance que l'on peut tirer une indication thérapeutique

de ces constatations : dans la période dépressive, il conseille de

faire prendre au malade de la paraldéhyrle, qui agit vite, et dans

la période maniaque, du sulfonal. il' a, en effet, éprouvé que la

paraldéliyde donne un sommeil qui se rapproche du sommeil nor-

mal, mais est plus profond et atteint plus rapidement sa plus

grande profonbeur (dès le premier quart d'heure), et les oscilla-

tions physiologiques s'y retrouvent.

C'est chez les neurasthéniques que des fnifs précis et des courbes

analogues à celles qu'a établies Michetson seraient utiles à con-

naître. leur défaut, en se basant, là encore, sur la pure obser-

vation clinique, on peut chercher à établir un certain nombre de

formes d'insomnie chez ces malades. Pour schématiser, adoptons

une classification telle, par exemple, que celle qui a été donnée

par Lahusen. Cet auteur a déterminé trois variétés d'insomnie :

10 Il y a une diminution anormale du besoin de sommeil, d'où

résulte un état d'exhaustion nerveuse qui peut être grave; 2° les

malades dorment un temps variable, mais restent longtemps

SOCIÉTÉS SAVANTES. 317 -1

éveillés avant de s'endormir; le sommeil est interrompu par de

longues veilles.

Brissaud indique une classification analogue; il distingue parmi

les neurasthéniques : 1° ceux qui s'étant endormis se réveillent

dans le courant de la nuit sans pouvoir retrouver le sommeil ;

2° ceux qui n'ont pas « leur premier sommeil » naturel, qui tar-

dent indéfiniment à s'endormir; 3° ceux qui ont « des nuits cour-

te ? », qui s'éveillent au lever du soleil et ne se rendorment plus.

Le trouble du sommeil est tel que certains de ces malades voient

avec terreur arriver l'heure, nous ne dirons pas du sommeil, mais

de l'insomnie.

Une place à part appartient à une forme d'insomnie très spé-

ciale que Janet a décrite et qui est peut-être plus fréquente qu'il

ne parait. C'est l'insomnie par idée fixe, dont il a donné un exem-

ple remarquable.

Sans vouloir généraliser, quiconque se plaît à reconnaître le rôle

énorme des idées obsédantes et des processus psychiques voisins

dans la genèse de la folie, trouvera, dans les faits scientifiquement

observés comme ceux-ci, une confirmation sérieuse de cette théo-

rie. Dans son cas, Janet attribue en outre à l'insomnie, comme

conséquence grave au point de vue psychique, un état de confu-

sion mentale. Ces observations de Janet sont, croyons-nous, les

premières où l'insomnie des hystériques soit rationnellement

expliquée. Les conséquences thérapeutiques sont faciles à tirer.

Quant aux épileptiques, leur sommeil ne donne guère lieu à des

considérations particulières'; il n'a d'ailleurs pas été spécialement

étudié, si ce n'est au point de vue des accidents qui peuvent y

survenir. On sait que les accès ne troublent pas le sommeil, et que

l'épilepsie nocturne peut rester longtemps ignorée du malade

même.

Quelques mots sur l'insomnie des enfants : Graun, qui a fait une

excellente étude et une description très étendue des terreurs noc-

turnes des enfants, a formulé, en quelques indications précises,

les faits connus sur le sommeil normal et pathologique de l'enfant.

Il conclut que le passage de la veille au sommeil, est plus court

chez les enfants que chez les adultes et que le sommeil est plus

profond au début, mais que chez les enfants névropathes, la pre-

mière ivresse du sommeil est raccourcie.

Dans la physiologie du sommeil, il est un point qui nous inté-

resse spécialement au point de vue des applications thérapeu-

tiques contre l'insomnie. C'est l'état de la circulation sanguine. On

sait le rôle qu'on a fait jouer aux phénomènes circulatoires dans

la production du sommeil. Mosso, après d'autres, constatait, dans

' Voir dans l'ancienne lconogr. pholhogr. de la Salpêtrière une note

comparative sur le sommeil des hystériques et des épileptiques (B.).

318 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ses premiers travaux, l'anémie cérébrale dans le sommeil et la

congestion au réveil, avec phénomènes pléthysmographiques

inverses du côté des membres, mais il n'a pas maintenu intégra-

lement ses conclusions, comme le remarque Brodmann. En tout

cas, Brodmann a constaté ceci chez son malade trépané; au

moment du sommeil, une augmentation du volume et une éléva-

tion de la pulsation cérébrale; au réveil une diminution progres-

sive de volume du cerveau. Ce dernier phénomène a lieu dans le

réveil normal progressif; dans le réveil brusque, au contraire, il y

a une congestion passagère, mais suivie d'une anémie prolongée

très marquée.

Quoi qu'il en soit, il est, à l'heure actuelle, impossible d'accep-

ter intégralement la théorie de l'anémie cérébrale comme cause du

sommeil. On ne saurait trop répéter que celte anémie en parait

non la cause, mais la conséquence c'est là, en définitive, l'opi-

nion de Mosso, de Richet, de Binz. pour ne citer qu'eux et les

données thérapeutiques qu'on a tirées de cette hypothèse tombent

d'elles-mêmes. D'ailleurs, il est bien évident que le sommeil médi-

camenteux est indépendant de l'état de la circulation, car il sur-

vient, comme on l'a l'ait remarquer plus d'une fois (Richet), aussi

bien avec les médicaments qui ont la réputation de congestionner

le cerveau qu'avec ceux qui le décongestionneraient. Les expé-

riences récentes de Berger le démontrent une fois de plus, et

prouvent, en outre, que l'observation directe est loin de vérifier

les suppositions que l'on a faites jusqu'ici au sujet de l'action des

médicaments sur l'état vaso-moleur de la circulation cérébrale.

C'est là une question à reprendre tout entière malgré les recher-

ches de Mosso, Sciamanna, Berger, etc. Elle se complique encore

dans la supposition qui a été faite, en particulier par de l3oeclc et

Verhoogen, d'une anémie de certaines régions cérébrales et d'une

congestion simultanée d'autres régions. Pour eux les ganglions de la

base se congestionneraient, tandis que l'écorce s'anémierait. Cette

théorie rappelle un peu une opinion ancienne de Meynert, à pro-

pos des psychoses périodiques. Mais nous ne pouvons suivre les

expérimentateurs sur ce terrain, car, en réalité, les faits positifs

manquent.

Il esi encore un point qui nous intéresse ici particulièrement.

c'est l'état de la circulation générale dans ses rappotts avec les

troubles du sommeil. On sait que dans le sommeil la fréquence du

pouls diminue, ainsi que la pression sanguine ; la diminution peut

être telle, que le pouls tombe de 70 pulsations à 54 (de Fleury) ;

mais elle est loin d'être toujours aussi considérable (Brodmann).

La diminution de la pression (normalement 105 à 130 millimètres

d'après Gartner) et de 20 à 35 millimètres (Pilez). C'est aux varia-

tions de la pression que l'on a voulu rapporter l'origine de cer-

taines insomnies. On peut admettre, en effet, qu'uue pression san-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 319

"uine moyenne correspond à un état normal du sommeil, qu'au-

dessus et au-dessous de cette pression, l'insomnie peut apparaître.

Par analogie avec les données que Dumas a établies à propos des

manies et mélancolies a hypotension et à hypertension, de Fleury 1

a pensé pouvoir admettre des insomnies à hypo et à hyperten-

sion.

Chez les neurasthéniques, il s'agirait spécialement d'un état

habituel d'hypotension exagérée, De Fleury a observé un de ces

malades chez qui la pression, déjà souvent basse à l'état de veille

(100 à 140 millimètres), tombait, le soir, à 50 ou 60 millimètres

d'où une insomnie persistante ; tout procédé relevant la pression à

80 ou 90 millimètres ramenait le sommeil. Le même auteur pense

que le réveil nocturne des neurasthéniques, symptôme si fréquent et

si remarquable par sa brutalité, dépend de la chute brusque de la

pression sanguine à la fin de la digestion. L'hypothèse est plau-

sible.

l3ruce, à une date plus récente, admet de même que l'insomnie

survient aussi bien dans les cas où la pression sanguine est élevée

que basse, mais il donne d'autres chiffres que De Fleury, les

limites de la normale étant pour lui de 110 à 130. Il note aussi que,

chez les individus sains, la pression, le matin, est plus élevée que

le soir, tandis que le contraire a lieu chez beaucoup d'insom-

uiaques.

Daraszkievicz explique la sensation de chute qu'éprouvent les

neurasthéniques au moment de s'endormir ou dans le sommeil,

par la détente musculaire qui se produit alors et dont il résulte un

relâchement subit de toutes les pièces du squelette. Les neuras-

tliéniqueséprouventsouvent, avant de s'endormir, une vive secousse

de tout le corps, ce qui les réveille d'une façon pénible. Darasz-

kievicz explique ce phénomène par le fait que les centres repren-

nent brusquement leur pouvoir sur le tonus musculaire, pouvoir

qu'ils étaient sur le point de perdre, ce qui donne lieu à une con-

ti action brusque de tous les muscles. Des bruits subjectifs peuvent

être entendus par les malades quand le phénomène du relâche-

ment se passe dans les muscles de l'oreille moyenne. Au réveil, un

phénomène analogue peut se produire. L'auteur l'a observé sur

lui-même. On en conçoit facilement les conséquences chez des

malades tels que les neurasthéniques.

L'insomnie au cours des vésauies et des névroses a une impor-

tance qu'il est puéril de faire ressortir; mais on doit constater

cependant que l'importance de ce grave trouble par rapport aux

phénomènes morbides concomitants n'a guère été mesurée d'une

façon précise au point de vue clinique. Pourtant Obersteiner a

' )1. de Fleury. L'insomnie et son traitement, 189 - Grands

symptômes neurasthéniques, 1902.

320 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

donné quelques indications a ce sujet. On peut admettre avec lui

dans l'insomnie des aliénés divers degrés de gravité. D'après lui,

un mélancolique, par exemple, qui se dépense peu. qui n'utilise

ni sa force physique, ni son activité mentale, peut supporter une

insomnie prolongée avec un dommage faible relativement. Au

contraire, tel dément, qui ressemble par son allure à un mélanco-

iique, et qui se dépense aussi peu que lui, souffrira plus de l'in-

somnie, car son cerveau, beaucoup moins intact, a besoin d'une

restauration plus complète. Ces considérations ne sont pas sans

intérêt, quoique peut-être trop schématiques.

C'est ici le lieu de rappeler les importantes expériences de Mana-

céine. Cet auteur a observé que l'on peut encore sauver de l'inani-

tion de jeune chiens au vingtième et au vingt-cinquième jour,

après qu'ils ont perdu 50 p. 100 de leur poids, mais qu'une insom-

nie absolue les tue en 90 à 120 heures, alors même qu'on les

nourrit suffisamment.

Agostini a aussi observé, au cours d'insomnies ayant duré six à

neuf jours, un délire qui guérit par le repos et qu'il dénomme

« délire transitoire agrypnique », se traduisant par de la confu-

sion, des actes désordonnés, des hallucinations incohérentes, et

s'accompagnant d'amnésie ; ce délire dure de quelques heures à

quelques jours et le pronostic en est bénin.

Au point de vue des phénomènes somatiques, Patrick et Gilbert

ont été étonnés, à bon droit, de constater une augmentation de

poids durant l'insomnie et une perte brusque après le sommeil

réparateur. Cette perte s'accusa même dans un cas par une dimi-

nution de deux onces par rapport au poids antérieur du sujet. En

rapport avec cette augmentation de poids existait un accroisse-

ment de l'acide phosphorique et de l'azote dans les urines, accrois-

sement proportionnellement plus grand pour l'acide pliospho-

rique. (11 semble qu'il n'y ait guère lieu de tenir compte de ces

derniers phénomènes, qui pouvaient être dus à l'alimentation et à

l'absence d'exercice.)

Nous rappelons ces expériences surtout à titre documentaire, en

raison de la rareté de faits analogues, mais aussi parce qu'il y a

une notion à en retenir, c'est l'apparition d'hallucinations visuelles.

Ce phénomène parait être un phénomène très général dans tous les

états d'épuisement (fatigue, inanition, etc.) ; mais il a ici pour nous

une importance particulière en raison de l'application que nous

pouvons en faire au sujet qui nous occupe. Il est loisible d'ad-

mettre qu'il doit se produire chez certains de nos malades et chez

eux l'insomnie habituelle peut, en dehors même de l'épuisement

physique qu'elle cause, avoir une influence directe sur le dévelop-

pement du délire et de l'agitation. On se trouve chez certains de

ces malades, en présence d'un cercle vicieux où l'agitation entre-

tient l'insomnie et 1 insomnie exagère l'agitation.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 t

Nous croyons devoir nous abstenir d'analyser et d'apprécier ici

les multiples recherches faites dans ces dernières années sur l'his-

tologie du sommeil. Malgré le haut intérêt de ces travaux, qui

pourraient aujourd'hui fournir à de longues considérations, nous

croirions sortir du cadre qui nous a été tracé. Nous n'en pensons

pas moins que c'est dans cette voie, dans la méthode anatomique

et peut-être plus encore dans des études de chimie biologique hors

de notre portée, que la solution du problème sera trouvée quelque

jour. Quant au reste, toute tentative d'explication n'est encore, à

l'heure actuelle, qu'une hypothèse de « métvphsioloie », pour

employer un mot de M. Soury.

Poser la question du traitement de l'agitation et de l'insomnie

dans les maladies mentales et nerveuses, c'est demander presque,

de résoudre celle du traitement de l'aliénation mentale, car à

l'heure actuelle ce sont là en vérité les seuls symptômes sur les-

quels nos moyens thérapeutiques puissent agir. Pour les maladies

nerveuses, au contraire, ce n'est qu'un chapitre important il est

vrai, de leur histoire thérapeutique. On peut dire que la moitié de

nos malades sont amenés dans les asiles en état d'agitation : la

statistique de M. Magnan, que nous reproduisons (p. 131), donne

10000 malades traités par l'alitement (donc presque tous agités)

sur 18 000 entrées en cinq années ; et sur les 8 000 restants com-

bien pouvaient présenter de l'insomnie ! Un rapport sur une ques-

tion d'aussi vaste étendue présentait donc quelques difficultés

d'exécution.

Il fallait mettre au point la question des hypnotiques et celle

des moyens physiques de traitement; pour chacune de ces parties

et pour les chapitres composant chacune d'elles, il était indispen-

sable : d'établir les données physiologiques et cliniques sur les-

quelles peuvent être basées les diverses applications des procédés

à étudier.

Pour les hypnotiques en particulier, la diversité des substances

à examiner, et sur beaucoup desquelles il a été écrit des volumes,

la tâche était spécialement quelque peu ardue. Dans la niasse des

documents, il fallait faire un triage soigneux et se livrer à une

critique serrée des -résultats donnés, parcourir des pages pour

recueillir des faits bien précis. Quand on entre dans une telle

étude, on est surpris, en effet, du peu de précision qu'apportent

trop souvent les auteurs dans la vérification des faits, dans les

applications des traitements, dans l'exposé des résultats obtenus.

Trop souvent aussi on retrouve les répétitions aveugles de fails

plus ou moins bien établis. L'auteur tente de faire un choix, en

remontant autant que possible aux travaux primordiaux. Et, de

son propre avis, peut-être cette recherche l'a-t-elle entraîné trop

loin et l'a exposé à donner à la première partie de ce rapport une

étendue à laquelle la seconde n'est pas proportionnée. Il a tâché

Archives, 2e série, t. XVI. 21

322 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de schématiser les faits principaux connus à propos de chaque

médicament en s'attachant à donner pour chacun d'eux une

esquisse physiologique d'après les autorités les plus autorisées. Il

était difficile d'exiger, dans les conditions où le rapporteur était

placé, qu'il fit autre chose que reproduire les opinions des auteurs.

La vérification de l'action d'un seul médicament demande des

mois d'études.

L'examen de la question au point de vue de la chimie générale

ne pouvait être abordée que par un chimiste de profession et Tré-

nel a dû la laisser de côté; elle a été exposée avec une compé-

tence et une clarté incomparables par Pouchet, c'est à ses leçons

qu'il renvoie. -Il s'est donc borné à prendre tour à tour chaque

médicament et à en faire, au point de vue précis auquel il devait

se placer, un exposé succinct. Il a volontairement laissé de côté

l'insomnie causée par la douleur, elle était évidemment hors de

cause et l'aurait entraîné à donner la revue des analgésiques, ce

qui n'eût pas eu de fin.

Le chloral est le plus universel des hypnotiques. On l'emploie

dans les cas les plus variés, dans tous les cas, peut-on dire, d'in-

somnie; c'est à lui que l'on finit toujours par recourir quand les

autres hypnotiques font défaut. Et même pour certains médecins,

c'est l'hypnotique unique. Son action dépressive sur la circulation,

parfois extrême, surtout aux doses toxiques, a été peut-être exa-

gérée sur la foi des expériences sur les animaux. Les cas de mort

sont presque toujours dus à des lésions cardiaques antérieures.

Mais, même chez les cardiaques on a pu l'employer sans inconvé-

nient. Le somme qu'il procure est assez rapide, parfois même ins-

tantané, et habituellement sans période d'excitation manifeste. Il

ne s'accompagne pas moins d'une courte ivresse, très agréable,

semble-t-il, car l'accoutumance morbide est fréquente. Le chloral

conserve son activité même après un usage prolongé, sans néces-

sité d'élever les doses ; ou peut admettre qu'il n'y a pas de forme

d'insomnie qui résiste à son action ; mais chez les névropathes la

crainte^ de l'accoutumance devra rendre très prudent. Chez les

aliénés, il n'est pas de forme morbide qui n'ait été soumise avec

succès à son action ; et c'est presque une superfétation que d'in-

sister à ce sujet. Le chloral est un hypnotique pur et n'a pas d'em-

ploi comme sédatif (le bromure est dans ce dernier but communé-

ment employé comme adjuvant). Les doses fractionnées ne sont

guère recommandables. Seulement il arrive que chez les malades

où l'action du chloral s'épuise vite, il est indiqué de donner une

dose moyenne en deux fois : au coucher et dans le courant de la

nuit. On a cherché à substituer au chloral des produits en dérivant,

et possédant toutes ses propriétés hypnotiques sans ses inconvé-

nients.

Le plus grand désaccord règne au sujet du e/ot'afmMf. Les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 323

uns ne lui reconnaissent pas de supériorité sur le chloral, d'autres

le considèrent comme évitant l'action cardio-vasculaire de ce der-

nier. Certains le regardent comme convulsivant. Dans de telles

conditions on peut hésiter dans son emploi, d'autant qu'il parait

échouer là où échoue le chloral. Il semble en tous cas ne lui être

nullement supérieur chez les grands agités. Pour son emploi dans

le delirium tremens en particulier, où le chloral a été longtemps

le principal médicament, les avis les plus catégoriquement oppo-

sés ont été émis.

Le crotozz-claLoral est tombé en désuétude, cependant aux doses

thérapeutiques il ne parait pas donner lieu à des troubles circula-

toires importants et le sommeil qu'il produit serait calme et repo-

sant. A une époque plus rapprochée, le chlornl-zcréthane (uni/) a été

très recommandé. Son action est assez irrégulière en raison de sa

faible solubilité ; il est moins actif que le chloral, déprime autant

la pression et donne lieu à des troubles digesttifs.

VEthyl-chloral-uréthane (somnal) est un médicament mal défini

et son emploi s'accompagnerait d'une action excitante des fonc-

tions génitales qui, si elle est aussi fréquente qu'on l'a dit, en fera

abandonner l'emploi, d'ailleurs peu étendu, semble-t-il.

Le chloral-antipyrine s'adresse surtout aux insomnies à la dou-

leur et il n'est cité que pour donner au complet la revue des déri-

vés du chloral ; d'ailleurs, au point de vue auquel nous nous pla-

çons, il est certainement inférieur au chloral et ne s'applique

qu'aux insomnies légères. z

La principale objection à faire au chloralose est sa propriété

convulsivante, que Richet même compare à celle de la strychnine;

les phénomènes convulsifs consécutifs à son emploi doivent le faire

rejeter dans tous les cas où l'on peut craindre l'exagération d'un

état spasmodique. Il n'en est pas moins un hypnotique utilisé

dans les cas les plus variés avec un certain succès. Les doses frac-

tionnées ont pu être employées comme sédatif dans divers états

d'agitation. Le chlorétozze, très peu répandu et très toxique, ne mé-

rite qu'une citation.

Vurélhane est un hypnotique faible, mais inoffensif, et a été

employé dans l'insomnie des enfants. 11 est actuellement peu uti-

lisé ; mais son dérivé, le métyl-propyl-uréthane (hédonal) a fait

l'objet de recherches récentes. Le pouvoir hypnotique en est plus

élevé que celui de l'uréthane, mais ne parait pas suffisant pour

s'adresser aux agités, mais seulement aux insomnies simples. La

polyurie qu'il produit souvent le rend peu utilisable.

Le nzélhylal est hypnotique faible et infidèle qui n'a guère eu

d'application pratique que dans l'alcoolisme. ZD

Vucétophënone (hypnone) est un hypnotique faible et d'une toxi-

cité élevée qui l'a fait abandonner.

Beaucoup plus important que les substances précédentes est

324 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'hydrate d'amylène. Quoique donnant lieu expérimentalement, et

aussi parfois aux doses thérapeutiques, à un abaissement de tem-

pérature (jusqu'à 35°) et à quelques troubles circulatoires (irrégu-

larités cardiaques), il procure quinze à quarante-cinq minutes un

sommeil calme et réparateur, et dont le réveil est facile. Son action

est sûre u la dose de 5 grammes, mais l'accoutumance est rapide

et parfois le sommeil est précédé d'une période d'excitation qui

peut prendre la forme d'une véritable ivresse. Il est impossible

actuellement d'indiquer quelque application spécifique de l'amylène

si ce n'est peut-être dans l'épilepsie convulsive, quoiqu'il ne

paraisse pas avoir d'action bien spéciale sur les accès psychiques

de l'épilepsie. Il peut en général être substitué au chloral et se

prêter aux mêmes associations, mais il est sans aucun doute moins

actif.

Récemment, la combinaison du chloral et de l'amylène, le dor-

miol, a été donné comme devant remplacer le chloral dans la

plupart de ses indications. Des doses élevées, dépassant les doses

permises de chloral, seraient beaucoup moins toxiques que ces

dernières. Les plus chauds partisans du nouveau médicament

reconnaissent qu'il n'y en a pas actuellement d'indication spéci-

fique et en reconnaissent l'insuffisance dans les grandes agitations.

Il parait, comme activité, tenir le milieu entre le chloral et l'hy-

drate d'amylène.

Les sulfones sont certainement l'une des plus précieuses acqui-

sitions de la médication hypnotique. Mais les dangers de leur

emploi sont trop certains elles cas de mort avec troubles moteurs,

respiratoires et cardiaques, avec hémato-porphyrinurie, sont nom-

breux. L'emploi des alcalins est réputé comme préventif et curatif

de ces accidents. Le ti-ioi2zal a le grand avantage d'être moins

toxique que le sulfonal et d'agir plus vite. On l'emploiera de pré-

férence par doses descendantes et interrompues en raison de l'ac-

cumulation, d'après la méthode de Maire), en partant de la dose

de 2 grammes.

Il n'est pas de maladie nerveuse ou mentale où les sulfones

n'aient été employés avec des succès variables dans des cas en

apparence identiques. Le sommeil, plus rapide pour le trional que

pour le sulfonal, lequel n'agit parfois qu'au bout de plusieurs

heures, parait satisfaisant et reposant, quoique suivi éventuelle-

ment de céphalalgie, d'une sensation de fatigue, de vacillement,

de troubles digestifs, symptômes le moins marqués pour le trional.

Ce sommeil ressemble au sommeil naturel et on a dit que les sul-

fones ne sont pas des stupéfiants, mais des substances adjuvantes

du besoin de sommeil.

Ils sont à éviter dans tous les cas où existe une faiblesse physi-

que marquée. Ils donneraient de meilleurs résultais dans les cas.

d'agitation motrice (on est en droit, en effet, de leur attribuer une

SOCIÉTÉS SAVANTES. 32 5

action presque spécifique sur le système moteur, évidente surtout

dans les intoxications), de moins bons dans les cas hallucina-

toires : on leur a même attribué le pouvoir de produire des ballu-

cinations. A citer pour mémoire la méthode inacceptable de la

narcose li-io7zaliqiie continue dans les psychoses aiguës.

La paraldéhyde a l'avantage de son innocuité presque absolue,

même à très haute dose, quand elle est pure. Le seul inconvénient

réel est, avec la rapide accoutumance, l'odeur d'aldéhyde que

prend l'haleine et qui en réduit presque l'usage aux malades non

conscients, dans les asiles. Comme action spéciale, la paraldéhyde

serait préférable au chloral dans l'alcoolisme aigu en raison de

l'absence d'action sur le coeur. Elle s'allie commodément au séda-

tir. Citons, sans insister, la possibilité de donner simultanément

la paraidéliyde et le trional, qui agiraient ainsi à doses plus

faibles.

L'opium et ses alcaloïdes paraissent offrir des indications com-

munes. Trénel passe en revue les principaux de ces alcaloïdes,

mais pense que c'est l'opium qui est encore actuellement le plus

employé. Il est singulier de constater que l'accord n'est pas

absolu sur les indications. Comme calmant et soporifique, chez

les anxieux, il est accepté d'une façon générale ; les déboires qu'il

a donnés sont dus à la crainte des hautes doses : il ne faut pas

hésiter à atteindre progressivement 1 gramme dans certains cas

et ce n'est qu'à ce prix que l'action hyposthénique est obtenue. Il

est bien supporté sous condition d'une surveillance très exacte. Il

semble aussi qu'un examen de la pression sanguine serait un bon

guide dans son emploi. Dans la manie, l'opium est indiqué, mais

seulement à la période de décroissance. Dans les cas aigus, l'al-

coolisme en particulier, il a donné lieu à des accidents toxiques.

L'emploi des opiacés est en tout cas à éviter comme simple hyp-

notique. Quant à la morphine, hors l'élément douleur, il faut

franchement s'en abstenir, du moins en injection sous-cutanée,

chez les nerveux quels qu'ils soient et les aliénés curables. Peut-

être les nouveaux dérivés, l'héroïne et la dionine, seront-ils des

succédanés utilisables, mais leur emploi en médecine mentale et

nerveuse, hors les faits de substitution à la morphine, est à peine

expérimenté. Trénel rapporte cependant quelques expériences des

auteurs d'où il résulte que leur action se confond avec celle de la

morphine moins ses inconvénients d'accoutumance morbide ; ce-

pendant, il existe un cas d'héroinomanie. La péronine serait aussi

recommandable pour les mêmes causes, quoique moins active. La

codéine, longtemps abandonnée, a été réétudiée à nouveau ; notre

impression est qu'elle ne donne que des résultats transitoires.

Le chanvre indien n'est pas d'usage courant chez nous; son

action exhilarante le ferait facilement regarder comme indiqué

chez les anxieux : l'expérience démontre qu'il n'en est rien. Il reste

326 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

encore plutôt un produit curieux en raison de son action halluci-

nogène bien connue.

Parmi les alcaloïdes des solanées vireuses, l'hyoscine mérite

seule qu'on s'y arrête aujourd'hui. Elle se confond avec la scopo-

lamine, et avec la duboisine probablement aussi. On a beaucoup

médit de ce médicament merveilleux. Il est cependant des cas où

il faut à toute force calmer les malades et les défenseurs les plus

résolus du no-reslraint l'emploient ; ce n'est peut-être qu'un médi-

cament d'urgence, mais à ce titre il est parfaitement utilisable.

Il est à la motilité ce que la morphine est à la sensibilité. Chacun

admet qu'on doit paralyser la sensibilité d'un individu qui souffre

d'une façon intolérable et que seule la morphine peut soulager, et

l'on ne doit pas plus refuser de paralyser une agitation incoercible

dans certains cas. Il est bien entendu qu'on ne devra l'employer

dans ce but qu'en cas de nécessité et quand l'état physique ne s'y

oppose pas. D'autres, d'ailleurs, vont plus loin et l'utilisent systé-

matiquement chez les agités. Trénel croit .qu'habituellement il

vaut mieux s'abstenir de son emploi prolongé dans les cas aigus :

mais il a éprouvé que, dans les manies chroniques, 1'liyoscine pro-

duit une rémission tout à fait satisfaisante sans les accidents gas-

triques et l'influence néfaste sur la santé générale qu'on a affir-

més. D'ailleurs, les intoxications Trénel ne dit pas les phéno-

mènes d'intolérance, mais les intoxications mortelles n'ont pas

été enregistrées, sauf deux cas discutables. Il rapporte par oui-

dire un cas d'intoxication accidentelle par injection de 1 centi-

gramme, dose presque 10 fois plus forte que la dose habituelle et

qui nécessita la respiration artificielle pendant plusieurs heures

avec succès d'ailleurs. Les cas recueillis par les auteurs montrent

que les symptômes ont été plus bruyants que dangereux. Mais il

n'en faut pas moins une très grande précaution. Dans les grandes

agitations, l'effet sédatif ne dure que ce que dure l'action de la

dose ; dans les cas chroniques, les doses fractionnées par injec-

tions ou à l'intérieur (T. préférerait ce dernier moyen) donnent

une sédalion durable sans véritable sommeil. L'hyoscine n'est, il

est vrai, que le médicament symptomatique de l'agitation; mais,

jusqu'à nouvel ordre, elle remplit parfaitement ce but.

D'autre part, son action bien spécifique sur le système moteur

l'a fait employer dans la paralysie agitante où elle procure sou-

vent un véritable soulagement de l'état de raideur si pénible.

Trénel rappelle pour mémoire la pellotine et l'ergotine.

Pour les sédatifs, il s'est limité à esquisser un chapitre sur les

bromures, le bromure de potassium en particulier. Le bromure est

devenu le médicament universel et l'on peut presque dire qu'ou

l'ordonne sans discernement. On considère que tous les états d'ex-

citabilité névropathique en sont justiciables et il faudrait énumérer

toutes les affections mentales et nerveuses pour exposer les cas

SOCIÉTÉS SAVANTES. 327

où il est couramment prescrit. Quelques points particuliers re-

tiendront l'attention au point de vue spécial actuel.

Tout d'abord, Trénel rappelle que le bromure n'est pas nn hyp-,

notique vrai : il ne produit pas directement le sommeil, il y

invite, a-t-on dit; aussi, habituellement, il est associé au chloral

dont il prépare l'effet. Si son rôle dans l'épilepsie vulgaire n'a plus

à être même indiqué, il serait, d'après certains, défavorable dans

l'épilepsie psychique, qu'il a fait apparaître parfois comme symp-

tôme de suppléance de la convulsion disparue. Par analogie avec

l'épilepsie on l'a appliqué dans les cas périodiques, mais il n'a

guère donné de résultat que dans les accès menstruels.

Trénel n'a pas examiné à fond la question de la diète des chlo-

rures ; dans les cas rares d'excitation épileptique où elle fut

essayée, elle a produit des résultats contradictoires.

Une autre médication, la cure opio-bromurée de Fleclisig réus-

sirait bien aussi dans l'épilepsie psychique.

Enfin le bromure a été donné à hautes doses, continues et répé-

tées, dans les cas de grande excitation, de façon à obtenir, comme

dans l'état de mal, un état permanent de sommeil bromique,

suivant l'expression habituelle. C'est là une pratique dangereuse.

Trénel passe aux moyens physiques de traitement qui ne s'a-

dressent guère qu'aux aliénés, et laisse décote les pratiques hydrolhé-

rapiques simples qu'on utilise communément chez les névropathes.

L'alitement, quoi qu'il ne s'adresse qu'aux aliénés agités, n'a été

formulé d'une façon ferme, en premier lieu, que pour les neuras-

théniques comme mode de traitement général ; Trénel ne l'envi-

sage pas ici à ce point de vue. Comme mode de traitement de

tous les états d'agitation, avec quelques exceptions spéciales (cer-

tains cas de psychoses de la puberté), il est admis sans conteste en

Allemagne ; en France, la méthode commence à être connue, mais

sans être encore sortie de quelques services. Trénel n'a pas à envi-

sager les voies et moyens de pratiquer l'alitement, mais seulement

ses résultats.

La pénurie de personnel l'a empêché de faire une expérience

suffisante. Mais de l'avis de ceux qui ont expérimenté l'alitement

les états aigus d'agitation évoluent d'une façon bien moins

bruyante et peut-être plus rapide, mais l'influence sur le pronos-

tic de la maladie paraît bien faible au total.-D'autre part, si l'agi-

tation est considérablement influencée quant à son intensité, il

semble bien que le sommeil, loin d'être amélioré, est plutôt dimi-

nué la nuit, sans que les heures perdues soient remplacées par

' Parmi les médicaments qu'on peut employer utilement contre Vin-

somnie, surtout chez les neurasthéniques, les hystériques, dans les états

nerveux des adolescents, nous devons citer le bromure de camphre.

(Voir : DEVOS, p. °31. ( ).

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

une sieste dans la journée : ceci ressort des tableaux que l'auteur

présente et qui lui ont été fournis par M. Vigouroux. médecin de

l'asile de Ville-Evrard. Ce point demanderait à être mieux éclairci,

'et il serait utile de faire une enquête à ce sujet, ainsi que sur les

autres points de la question. Quoi qu'il en soit, les relevés des ma-

lades alités dans divers services (Magnan, Briand, 'igouroux),

montrent, sinon les résultats de la thérapeutique, du moins la

possibilité de la réalisation de la méthode.

A la question de l'alitement se rattache celle de. l'isolement.

Doit-on isoler les grands agités, doit-on les aliter dans les salles

communes ? Trétiel donne l'indication des opinions des aliénistes

allemands et la pratique de 11111. Magnan et Briand, dont l'un

repousse l'isolement de façon absolue, l'autre y recourt encore.

Si l'on laisse de côté la question de discipline des salles de mala-

des, Trénel pense que certains agités doivent être isolés dans un

but thérapeutique ; les soustraire aux excitations de l'entourage

est nécessaire, mais il ne s'agit pas ici de l'isolement permanent,

mais bien du placement transitoire dans une chambre particulière

avec surveillance. C'est aller trop loin que de vouloir faire dispa-

raître d'une façon absolue les chambres d'isolement; là encore

une enquête ultérieure serait utile.

Pour les pi-citi,lites hydrolhcrapiques, Trénel se borne à la ques-

tion de grande actualité des bains permanents et prolongés. Il est

de pratique courante, dans les cas d'insomnie simple, de donner

un bain tiède le soir. Mais plus importante est la question du bain

permanent. Née en France, la méthode y a été négligée, et est

rééditée en Allemagne. Les auteurs donnent le bain permanent

comme réalisant l'idéal de la médication sédative. Il nous manque

une statistique des cas où l'hyoscine a dû être employée simulta-

nément ; il faut cependant espérer qu'il y a la autre chose qu'un

moyen de diminuer l'usage des hypnotiques. En France, Trénel

n'a pu se procurer de renseignements sur la méthode; elle n'y a

pas, à sa connaissance, été expérimentée. Il y a là une question

de personnel et de dépense qui s'oppose à sa réalisation. On

accorde la préférence, faute de mieux, aux bains prolongés, mais

sans leur donner bien souvent la durée de douze heures que l'on

a adoptée ailleurs : 12 heures de bain, 12 heures de lit, en inter-

calant au besoin quelques moments de promenade, cela constitue

une méthode mixte qui mériterait d'être expérimentée plus systé-

matiquement.

Il faut insister sur un petit point qui a son imporlance, c'est

l'action excitante des bains très chauds atteignant 3G°.

Trénel étudie la question 'de la bainéalion froide complètement

abandonnée dans les maladies mentales. Elle serait formellement

indiquée dans le delirium tremens, où elle donnerait de merveil-

leux résultats. Son application serait désirable dans les délires

SOCIÉTÉS SAVANTES. 329 9

aigus et les psychoses s'accompagnant de fièvre ; mais là aussi les

documents précis font défaut.

L'enveloppement humide est une pratique bien connue, mais de

moins en moins employée. Cet ostracisme, dû aux accidents con-

sécutifs (cas de mort par congestion pulmonaire, par collapsus),

est peut-être trop absolu. Il est vrai que les indications en sont

des plus mal spécifiées.

L'auteur a fait précéder cette revue thérapeutique de l'exposé

des principales données cliniques et physiologiques générales sur

l'agitation et l'insomnie. Cet exposé, comme il le remarque, n'a pu

être qu'un recueil de documents. Il en fait ressortir l'imperfection

de nos connaissances sur le sujet qui est encore à réétudier pres-

que tout entier, et cliniquement, et expérimentalement.

M. Cullehre. J'ajouterai quelques remarques au rapport si

complet de M. Trénel. L'opium, dans la manie, n'a pas été pré-

conisé seulement par Guislain. Marée en a, en France, posé le pre-

mier, je crois, les indications. Moi-même, dans mon Traité paru

en 1890, je me suis étendu sur l'utilité de l'extrait thébaïque au

déclin de la manie, surtout chez les femmes. En ce qui concerne

la morphine, je ne puis partager la manière de voir du rappor-

teur : c'est un médicament utile et précieux dans l'anxiété et un

certain nombre de formes mélancoliques. Il est un médicament

que je ne vois pas signalé dans le rapport, c'est l'alcool. Dans l'a-

gitation et l'insomnie des atbéromateux et des déments séniles,

un verre de vin de Bordeaux ou une potion de Todd est d'un effet

excellent, agréable pour le malade et plus inoffensifque la plupart

des autres médicaments dirigés contre ce symptôme. L'action de

l'alcool chez cette catégorie de malades a été signalée déjà par

certains auteurs allemands et en particulier par de Krafft-Ebmg.

Enfin, je veux signaler l'action éminemment calmante, dans l'agi-

tation incoercible de certains maniaques, mélancoliques et épilep-

tiques, d'injections de sérum à la dose de 300 à 1.000 grammes.

En même temps qu'elles améliorent l'état général, elles atténuent

et parfois font disparaître l'agitation et l'insomnie d'une façon

tout à fait remarquable.

- Il. E. Deschamps (de Rennes). Les erreurs d'une thérapeutique

symptomatique peuvent aggraver des cas bénins facilement cura-

bles au contraire en s'adressant aux fonctions de nutrition qui

sont en cause.

Si le sommeil ne vient pas à son heure, c'est qu'il existe une

raison majeure qui s'oppose à un minimum fonctionnel, et, loin

de la violenter, il est urgent de l'aider à réparer le mal contre

lequel l'insomnie n'est en réalité qu'un moyen de défense physio-

logique. L'excrétion est la fonction la plus intimement liée au

sommeil. Chez tous les sujets à nutrition retardante, la nécessité

330 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'excrétion maintient en dehors des limites normales la cons-

tance de la tension vasculaire, et il. importe de n'employer pour

amener le sommeil que des moyens qui soient de nature à ne pas

la surcharger ou encore mieux à la favoriser. Il importe donc de

rejeter, chez les nerveux simples, les neurasthéniques et les hysté-

riques, l'usage des hypnotiques, qui agissent tous en jugulant, soit

immédiatement, soit secondairement, la tension vasculaire. Il

nous reste les moyens d'hygiène, les moyens d'action sur les fonc-

tions excrétrices et les moyens physiques qui agissent sur la nutri-

tion et l'excrétion. Le régime alimentaire lacto-végétarien et l'u-

sage des laxatifs répondent aux deux premières indications. La

troisième indication est remplie d'une façon on ne peut plus satis-

faisante par la balnéation à température et durée variables selon

des indications faciles à déterminer.

Chez les malades qui ont conservé une endurance suffisante à la

calorilication, on utilisera les bains tièdes à température descen-

dante de 34° à 26° et d'une demi-heure de durée. Chez les mala-

des dont l'état de la fonction cardio-vasculaire ne peut plus utile-

ment ou même sans danger être sollicitée en vue de la production

croissante de calorique, nous avons recours à la balnéation chaude

à température ascendante de 38° à 41° et de 5 à 8 minutes de durée.

L'action de la chaleur agit directement comme énergie excita-

trice sur le système nerveux et produit rapidement une vaso-dila-

tation considérable qui diminue la résistance totale et augmente

la partie utile de la charge du coeur. Les réactions physiologiques

salutaires de cette thérapeutique sont mises en évidence par la

sudation souvent très abondante qui accompagne le retour à

l'hypertension et l'augmentation considérable de la sécrétion un-

naire ; et l'on voit des malades que l'anurie surtout empêchait de

dormir se déclarer très satisfaits d'un sommeil entrecoupé par le

besoin fréquent des émissions qui du reste n'est que passager.

M. LALLEMANT (de Quatre-Mares) dit avoir employé le bromhy-

drate de scopolamine en injections sous-cutanées chez de nom-

breux malades agités. L'action thérapeutique de cet alcaloïde lui

parait identique à celle du sulfate de duboïsine qu'il a expérimente

autrefois avec M. Mahille. La dose de 0 gr. 003 en vingt-

quatre heures, aussi bien pour ce dernier médicament que pour la

scopolamine, n'a jamais été dépassée. Dans un certain nombre de

cas, les malades soumis à ce mode de traitement ont présenté de

la diarrhée et des vomissements, mais il a toujours suffi de sup-

primer le médicament pour faire disparaitre ces accidents.

L'orateur ajoute que c'est seulement dans les états d'excitation

qu'il a recours à la scopolamine, car il a eu l'occasion de consta-

ter que, chez les sujets déprimés, cet alcaloïde était plus nuisible

qu'utile. '

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331 t

M. DEvos (de Selzaete) insiste sur les bons résultats qu'il a obte-

nus avec la codéine et le bromure de camphre ; ces deux médica-

ments seraient, d'après l'orateur, les hypnotiques de choix. Contre

l'excitation et l'agitation, M. Devos a volontiers recours à la digi-

tale ou à la digitaline, à l'aconitine et à la cicutine.

M. Dubois (de Berne) combat, comme AL Deschamps, l'emploi

des hypnotiques et des médicaments stupéfiants dans les psycho-

névroses. A son avis, le traitement rationnel de ces affections doit

être exclusivement psychique.

M. LALANNE (de Bordeaux) préconise la duboisine. M. L'IIGEST

prescrit le triconal dans l'insomnie simple, le chloralose dans

l'agitation moyenne, la duboisine dans les grandes agitations.

M. PEETERS (de Bruxelles) tient à signaler, parmi les moyens

physiques de combattre l'insomnie et l'excitation de certains

névropathes, J'électrisation faradique ou galvanique, le massage

vibratoire et quelques autres procédés mécaniques utilisés actuel-

lement en thérapeutique.

M. Doutrebente (de Blois) déclare que les enveloppements

humides lui ont paru donner des résultats bien supérieurs à ceux

de l'alitement dans le traitement de l'agitation. Il l'ait remarquer

que ces enveloppements ne sauraient être assimilés à un moyen de

contrainte, à une sorte de reslraint particulier, comme l'ont pré-

tendu quelques auteurs qui se sont appuyés sur cet argument pour

combattre l'emploi du drap mouillé. L'orateur ajoute que, pour

obtenir des enveloppements le maximum d'effet, on doit s'abste-

nir de réchauffer l'eau dans laquelle on trempe le drap sous

peine de ne pas obtenir la réaction que l'on recherche -, mais se

servir d'eau à la température ambiante.

M. Trénel. L'alitement a l'avantage incontestable de calmer

les malades; l'aspect d'un service d'agités couchés est tout diffé-

rent de celui d'un quartier d'agités levés. La plus grande difficulté

à la généralisation de la balnéation prolongée tient à ce que les

infirmiers des asiles sont occupés pendant un nombre d'heures

excessif et n'ont que des repos insuffisants dans la journée de

vingt-quatre heures.

Séance de projections à l'Institut Solvay à 11 heures.

La poliomyélite antérieure aiguë de l adulte.

M. A. Van Geuuchten. L'existence de la poliomyélite antérieure

aiguë de l'adulte ne repose encore que sur l'étude d'un petit nom-

bre de cas anatomo-pathotogiques. Duchenne (de Boulogne) a pro-

posé, en 1872, d'isoler des multiples variétés d'atrophie musculaire

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qui peuvent survenir chez l'adulte, celles qui évoluent avec une

symptomatologie plus ou moins analogue à celle de la paralysie

infantile. Il les désigna sous le nom de paralysies spinales ante-

rieures aiguës de l'adulte et les attribua à une atrophie aiguë des

cellules antérieures de la moelle.

Cette hypothèse de Duchenne fut bientôt confirmée par une

observation anatomo-patllologique de Gombault; mais la valeur

de cette confirmation est aujourd'hui généralement contestée. Il

n'en est pas de même du cas publié par Schultze en 1878, du cas

que Williamson a relaté en 1890 et d'un cas de Von Eahiden publie

en 1893, qui nous paraissent être des cas incontestables de polio-

myélite antérieure aiguë de l'adulte, contrairement à l'opinion de

Déjerine qui exprimait l'idée, en 1890, « qu'il n'existe actuellement

aucun cas de poliomyélite aiguë de l'adulte dont le diagnostic ait

été confirmé par l'examen de la moelle ».

Malgré ces faits, beaucoup d'auteurs n'admettent pas encore

comme démontrée l'existence de cette entité morbide.

Nous avons eu l'occasion d'observer un cas clinique de polio-

myélite antérieure aiguë chez une jeune fille de vingt et un ans.

ayant entraîné en quelques jours une paralysie complète de tous

les muscles du tronc et des quatre membres avec intégrité com-

plète de la sensibilité. La mort est survenue deux mois après le

début de la paralysie. L'examen de la moelle a démontré l'exis-

tence d'une destruction complète bilatérale de la corne grise anté-

rieure depuis la moelle cervicale supérieure jusqu'au niveau du

deuxième segment sacré. C'est ce que démontrent de toute évidence

les coupes de la moelle qui vont être projetées. Cette destruction

de la substance grise est le plus accentuée au niveau du renfle-

ment cervical et lombaire. Elle y est tellement intense qu'elle a

entraîné un affaissement complet de la corne et un plissement de

la substance blanche enveloppante.

Dans les parties détruites, il n'y a plus ni cellules nerveuses, ni

fibres nerveuses. On y rencontre en abondance des vaisseaux san-

guins dilatés à parois épaissies, entourées d'une couche épaisse

de petites cellules. Ces lésions vasculaires semblent intéresser

exclusivement les veines. C'est ce que l'on voit nettement au niveau

de la fissure médiane antérieure où, à côté d'une artère du sillon,

normale, on trouve une veine profondément altérée. Elles sont

le plus accentuées dans la substance grise, diminuent rapidement

dans la substance blanche au point que, arrivées dans l'épaisseur

de la pie-mère, presque tous les vaisseaux sont normaux. Entre

les vaisseaux altérés on trouve un nombre considérable de petites

cellules entremêlées avec des cellules de neuroglie hypertrophiées

renfermant un ou deux noyaux vésiculeux et pourvues de nom-

breux prolongements.

La malade ayant survécu un peu plus de deux mois au début de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

l'affection, il est difficile de dire, d'après nos préparations, quelle

est la nature de la lésion initiale. Nous croyons cependant que,

dans notre cas, la destruction de la substance grise doit être attri-

buée à des bémorrhagies médullaires. Quelle que soit d'ailleurs la

nature de cette lésion initiale, une chose nous parait incontes-

table, c'est que la lésion médullaire est une lésion primaire. Il s'en

suit que l'existence de la poliomyélite antérieure aiguë de l'adulte

ne peut plus être contestée.

L'origine réelle et le trajet intra-cérébral des nerfs moteurs établis

par la méthode de la dégénérescence wallèrienne indirecte.

M. A. Van Gehuciiten. Pour établir l'origine réelle des nerfs mo- *

leurs, nous avons eu recours, dans ces dernières années, à la

méthode expérimentale de Nissl, c'est-à-dire à la recherche des

cellules en chromolyse quelques jours après la section expérimen-

tale du nerf périphérique. Cette méthode n'est pas à l'abri de tout

reproche : tout d'abord la chromolyse des cellules radiculaires

n'est pas un phénomène constant, puisque, entre nos mains, la

section des nerfs spinaux n'a jamais été suivie de la chromolyse

des cellules médullaires correspondantes ; ensuite cette méthode

ne fournit aucun renseignement sur le trajet des fibres radiculaires

entre le point sectionné et les cellules d'origine. '

Nous croyons avoir trouvé une méthode nouvelle à l'abri de ce

double reproche. Elle est basée sur ce fait, que nous avons établi

antérieurement : c'est que l'arrachement d'un nerf moteur est suivi,

au bout de vingt-cinq à trente-cinq jours, de la disparition com-

plète des cellules d'origine et de la dégénérescence wallérienne

consécutive de toutes les fibres radiculaires. C'est à cette dégéné-

rescence wallérienne des fibres du bout central d'un nerf arraché,

dégénérescence contraire à la proposition négative contenue dans

la loi de Waller, que nous avons donné le nom de dégénérescence

zeallériemze indirecte. Pour se servir de cette méthode il suffit d'ar-

racher, sur le lapin par exemple, n'importe quel nerf moteur spi-

nal ou crânien, de laisser survivre l'animal pendant trente à

soixante jours et de traiter la partie correspondante du tronc céré-

bral par la méthode de Marchi ; on y trouvera en dégénérescence

complète toutes les fibres du bout central depuis leur noyau d'ori-

gine réelle jusqu'à leur sortie de l'axe nerveux. On pourra ainsi :

1° établir les masses grises en connexion avec les différents nerfs r

2° résoudre la question encore si discutée de l'exisleuce ou de la

non-existence de fibres croisées dans les nerfs périphériques.

Nous avons appliqué cette méthode à l'étude des nerfs spinaux

et de tous les nerfs moteurs crâniens, à l'exception du trijumeau

et du glosso-pharyngien. Les projections que nous allons faire

devant vous, vous montreront les résultats obtenus.

334 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Nerf oculo-moteur commun. Les fibres radiculaires proviennent

toutes du noyau classique ; les plus proximales sont toutes des

fibres directes, les plus distales sont à la fois directes et croisées;

les premières proviennent de la partie ventrale du noyau corres-

pondant, tandis que les fibres croisées sortent de la moitié dor-

sale du noyau du côté opposé. Aucune fibre ne provient ni des

tubercules quadrijumeaux supérieurs (contra Majano), ni par le

faisceau longitudinal postérieur du noyau d'origine du nerf VI (con-

tra Duval et Laborde).

Nerf pathétique. Toutes les fibres proviennent du noyau clas-

sique. Le plus grand nombre d'entre elles sortent du noyau du

côté opposé et s'entrecroisent dans la valvule de Vieussens ; un

'petit nombre de fibres sont directes.

Nerf oculo-moteur externe. Toutes les fibres radiculaires sont

directes. Elles proviennent de deux masses grises distinctes : un

noyau dorsal ou le noyau classique et un noyau ventral ou noyau

accessoire situé dans la formation réticulaire, conformément à nos

recherches expérimentales de 1898. Ce noyau ventral, décrit par

nous en 1893 et désigné par Koplan et Finkelnburg, sous le nom

de « noyau de Van Gehuchten », appartient donc réellement au

nerf VI et non pas au nerf VII comme le pensent Siemerling et

Hoedeker, Gianulli, Bach, Wyrubow et d'autres.

Nerf facial. Le tronc du nerf facial est formé exclusivement

de fibres directes. Le faisceau de fibres nerveuses que la plupart

des auteurs considèrent comme représentant les fibres croisées du

nerf facial, n'appartient pas au nerf de la septième paire. Il n'est

pas formé de fibres radiculaires, mais de fibres centrales ayant

leurs cellules d'origine dans le noyau de Deiters, pour devenir,

après entrecroisement dans le raphé, des fibres constituantes du

faisceau longitudinal postérieur.

Nerf pneumogastrique. Les fibres motrices du nerf pneumo-

gastrique sont toutes des fibres directes. Les unes proviennent du

noyau dorsal ou noyau à petites cellules, les autres du noyau

ventral, noyau à grosses cellules ou noyau ambigu, conformément

à nos observations, publiées en 1898.

Nerf accessoire de 11'illis. Nous avons établi, dans un travail

antérieur, que les fibres bulbaires du nerf de Willis appartiennent

en réalité au nerf pneumogastrique. Le nerf de la onzième paire

doit donc être considéré comme ayant une origine exclusivement

médullaire. Il est formé exclusivement de fibres directes. Celles-ci,

réunies en petits faisceaux distincts, sortent de la face latérale de

la moelle cervicale le long des cinq premiers segments médul-

laires. Si on poursuit leur trajet depuis leur origine apparente jus-

qu'à leur origine réelle, on voit que chaque petit faisceau de fibres

radiculaires traverse transversalement la moelle jusqu'au niveau

de la partie externe de la corne grise postérieure. Là, les fibres se

SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

recourbent en bas pour devenir verticales, réunies en trois ou

quatre petits fascicules nettement distincts. De ces faisceaux radi-

culaires à direction verticale, part ensuite un nombre considérable

de faisceaux plus petits, à direction antéro-postérieure pouvant se

poursuivre, les supérieurs, jusqu'au centre de la corne grise anté-

rieure, les inférieurs, jusque dans la partie externe de cette même

corne grise.

Nerf hypoglosse. Les libres radiculaires proviennent du noyau

classique. Ce sont toutes des fibres directes. Le noyau accessoire

de Roller ne donne pas origine à des fibres radiculaires.

Nerfs spinaux. Après arrachement du plexus brachial ou du

nerf sciatique, on voit de nombreuses fibres radiculaires en dégé-

nérescence provenir de la corne grise antérieure du côté corres-

pondant. Aucune d'entre elles ne provient du côté opposé. Nous

pouvons en conclure que les fibres motrices continues dans les

nerfs correspondants, sont exclusivement des fibres croisées.

Conclusions. De l'ensemble de nos recherches se dégage cette

conclusion : les nerfs moteurs périphériques sont tous formés de

fibres exclusivement directes. Il n'y a d'exception que pour le nerf

pathétique, qui est formé essentiellement de fibres croisées et pour

le nerf ocu/o-ntoew commun qui renferme à la fois des fibres

directes et des fibres croisées.

Sur le mode de contact entre les neurones.

M"e M. Stefanowska (Bruxelles). Il est généralement admis

que, dans la conduction du courant nerveux, les prolongements

dendritiques du neurone jouent le rôle d'appareils de réception et

que les prolongements cylindraxiles constituent l'appareil de dis-

tribution du courant. Le passage du courant nerveux s'opère par

le contact entre les dendrites d'un neurone et les arborisations

cylindraxiles d'un neurone voisin. Or, l'étude de l'anatomie de la

cellule nerveuse nous permet d'affirmer que, dans la majorité des

cas, le contact entre les cellules nerveuses est assuré à l'aide d'ap-

pareils terminaux appropriés à ce but. Dans plusieurs publications

antérieures, j'ai démontré que, chez les animaux adultes et bien

portants, toutes les cellules corticales sont munies d'innombrables

appendices piriformes, qui se terminent librement. Ils sont révélés

par plusieurs méthodes de coloration (procédé lent et rapide de

Golgi, méthode, de Cox, méthode au sublimé de Flateau, méthode

au bleu de méthylène vital par injection et par apposition du colo-

rant). Dans des recherches plus récentes, j'ai signalé que ces

mêmes terminaisons à bout épaissi existent également dans les

noyaux gris à la base du cerveau, dans le cervelet et le bulbe.

Enfin, dernièrement, j'ai trouvé les appendices piriformes dans la

moelle épinière du lapin et surtout chez la grenouille. Nous voyons

336 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ainsi que c'est là un mode général de terminaison des dendriles

nerveuses. D'un autre côté, l'éminent histologique espagnol R. y

Cajal a décrit depuis longtemps que les fines arborisations des

fibres nerveuses dans la moelle épinière. l'écorce cérébrale et cérc-

belleuse, se terminent par des boutons qui entrent en contact avec

les dendrites. , ·

En résumé, les deux pôles de la cellule nerveuse portent des ter-

minaisons épaissies, dont le contact assure le passage du courant

nerveux, exactement comme cela se passe dans les machines élec-

triques. Bien entendu, cette analogie superficielle ne préjuge en

rien sur la vraie nature du courant nerveux, mais en revanche elle

permet de nous placer sur le véritable terrain anatomique pour

comprendre aussi bien la distribution indépendante du courant

nerveux suivant les voies préétablies, que la variation de sa vitesse

et même ses interruptions passagères ou définitives. 11 se peut, en

effet, que d'imperceptibles oscillations de ces appareils terminaux

puissent ouvrir ou fermer le passage au courant nerveux dans une

direction déterminée.

Cette communication ainsi que celle de M. VAN Gehuchten,

accompagnées de nombreuses projections ont vivement intéressé

les membres du Congrès. Tous les assistants ont admiré l'institu-

tion Solvay.

Séance du 7 août (soir).

Note sur une forme particulière de sitiophobie.

M. A. Cullerre (La Roche-sur-Yon). La sitiophobie des alié-

nés est communément attribuée à l'état saburral des voies diges-

tives, à des hallucinations, à des idées délirantes ou à l'idée fixe

du suicide.

Certains cas, cependant, échappent à cette pathogénie et sem-

blent relever d'une forme d'anorexie voisine de l'anorexie hystén-

que (Lasègue, Cliarcot) ou plutôt de l'anorexie mentale (Sollier).

Cette forme est assez rare; les troubles psychopathiques du ma-

lade sont étrangers à son développement : début insidieux; le refus

d'aliments, non motivé, est d'abord intermittent puis devient total

et peut se prolonger indéfiniment. Absence de troubles digestifs;

modification progressive de l'état mental par la diminution des

fonctions psychiques et la stupeur. Résistance prolongée de l'orga-

nisme. La terminaison peut être favorable, le malade au bout d'un

temps plus ou moins long, se remettant à manger spontanément;

ou mortelle, par marasme progressil ou plutôt affection intercur-

rente.

Suit l'observation d'un individu atteint de délire systématisé,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337 Î

qui, sans aucun motif, se mit à refuser les aliments et ne succomba

qu'au bout de deux ans à des accidents pulmonaires d'origine tu-

berculeuse.

M. A. Marie demande a M. Cullerre s'il a essayé l'emploi de la

sérumthérapie contre cette sitiophobie, ainsi que le' préconisent

Kroepelin c' ses élèves et comme MM. Briand et Marie l'ont appli-

qué avec succès à plusieurs malades déprimés de leurs services.

M. Cullerre reconnaît l'utilité fréquente du sérum, mais ne l'a

pas appliqué à son malade qui était un persécuté.

Syndromes solaires expérimentaux.

M. LWGNEL-L4'ASTIE (de Paris). L'auteur donne le nom de

syndrome solaire d'excitation ou de paralysie à l'ensemble des symp-

tômes résultant de l'excitation ou de l'ablation totale du plexus

solaire, réservant le nom de symptôme solaire d'excitation ou de

paralysie, à chacun des troubles, pris isolément, qu'il constate, après

excitation ou ablation du plexus, dans le fonctionnement des vis-

cères dépendant du plexus solaire. Le syndrome solaire de paruly-

sie, réalisé par l'ablation du plexus et non par la section des

splanchniques, consiste essentiellement en abattement, tristesse,

vomissements, diarrhée fétide, sanglante et incoercible, pouls très

petit et rapide, urines rares et foncées contenant des pigments bi-

liaires normaux et anormaux et de l'indican. Ce syndrome peut

être aigu, subaigu ou chronique. Quand, aigu, il se termine par la

mort, on trouve une hyperhémie très intense des organes digestifs

abdominaux. Quand, chronique, il aboutit à la guérison, l'animal

parait jouir d'une santé parfaite. Ces faits montrent, d'une part,

le rôle du plexus solaire surlacaenesthésie, la pression vasculaire

la physiologie gastro-intestinale et la sécrétion biliaire. Ils mon-

trent, d'autre part, que la fonction régulatrice exercée par le plexus

solaire peul-ctre compensée. Le syndrome solaire aigu d'excitation

produit par le tiraillement ou la contusion du plexus solaire, con-

siste essentiellement en douleur épigastrique, constipation et élé-

vation de la tension artérielle due à la vaso-constriction abdomi-

nale.

Epilepsie thyroïdienne.

M. B,%STLN (Marchienne-au-Pont). Beaucoup de dégénérescen-

ces que nous qualifions différemment ne sont pas étrangères aux

lésions ou au mauvais fonctionnement du corps thyroïde. A ce

propos, j'ai soigné depuis environ trois ans, plusieurs malades,

porteurs d'un goitre plus ou moins bien développé, qui ont présenté

des attaques de grande épilepsie souvent répétées, malgré l'absorp-

tion quotidienne de fortes doses de KBr. Ces malades n'étaient pas

à proprement parler des basedowiens : l'épilepsie seule attirait l'at-

AIICIIIVES, 2' série, t. XVI. 22

338 SOCIÉTÉS SAVANTES. -

tention. Est-ce à la compression ae la tumeur sur les vaisseaux et

les nerfs du cou, ou plutôt au résultat du mauvais fonctionnement

de la glande, qu'il faut attribuer le mal comitial en pareil cas ? Je

crois plutôt, comme on l'admet pour le myxoedème, que le corps

thyroïde secrète des nucléines diverses indispensables au maintien

de l'action normale du système nerveux ou qu'il détruit, par un

mécanisme encore inconnu, certaines leucomaïnes de désassimi-

lation circulant dans le sang et empoisonnant ainsi nos cellules

nerveuses. En tout cas, l'absence ou la mauvaise qualité de la sé-

crétion thyroïdienne est capable d'éveiller une épilepsie latente,

au même titre qu'une matière toxuaueleucomaïne, ptomaïne, etc.

On dit d'ailleuisque l'épilepsie se retrouve assez souvent dans l'hé-

rédité myxoedémateuse. Chez tous ces malades, l'administration

de 0,50 centigrammes à 1 gramme d'iodothyrine a amené une

grande amélioration de leur état et, même chez certains, l'absence

complète des crises jusqu'à ce jour.

La colonie familiale d'Ainay-le-Châleau (Allier).- Colonie pour

aliénés hommes.

M. Lwor.F (Ainay-le-Château). - L'installation de la Colonie de

Dun-sur-Auron, destinée aux femmes, ayant donné de bons résul-

tats, le département de la Seine décide de procéder à un essai de

colonisation d'hommes. Ainay-Ie-Château (Allier), primitivement

destiné aux femmes, est choisi pour tenter cet essai. L'existence

autonome de la colonie d'hommes date du le' juin 1900. La popu-

lation se monte d'abord hostile au placement des aliénés hommes,

mais s'habitue rapidement et préfère actuellement les hommes aux

femmes. La colonie se développe d'une façon continue et la popu-

lation, qui était de 100 en 1900, passe à 162 en 1901, à 200 environ

en 1902, et, au moment où nous écrivons ces lignes, elle hospita-

lise près de 360 pensionnaires. Vitalité de la colonie, renseigne-

ments statistiques : population traitée, sorties, décès, évasions,

professions, réintégrations, installation, matériel médical (infir-

merie) et administratif de la colonie. Hygiène et alimentation des

malades hospitalisés chez les habitants; l'habillement. Vie des ma-

lades à la colonie; leurs occupations; distractions. Vie libre avec

surveillance médicale active et continue. Quelques mots sur les ori-

gines de l'assistance familiale. Du choix des malades. Peut-on se

guider dans ce choix par les indications qu'on trouve dans les clas-

sifications existantes ? Eléments du choix : âge, forme délirante,

date de la maladie, etc. Organisation médicale indispensable pour

assurer le bien-être moral et matériel des malades. Les inconvé-

nients des grandes colonies. La population ne devrait pas dépasser

le chiffre de 400. Difficultés que présente le service médical dans

des colonies à population déterminée. Conclusions.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

MM. DEPEION, Marie et Meeus, à l'occasion de ces conclu-

sions déposées devant le Congrès, font observer, malgré

l'absence de l'auteur qu'on ne saurait interpréter ni accep-

ter comme un axiome définitif la limitation au chiffre de 400

du nombre des malades d'une colonie. Tout dépend des con-

ditions particulières et ce chiffre n'est admissible que pour

la proportion des malades par médecin. Tous les services

d'une grande colonie doivent être subdivisés entre les méde-

cins par groupe de 3 à 400 malades par médecin (exemple

Gheel) sans autre limitation.

La douleur à volonté.

M. le professeur Brissaud cite trois cas très intéressants de ma-

lades atteints de névralgies très douloureuses à caractère angois-

sant et à périodicité nocturne. Ces malades ont été guéris par un

traitement psychothérapique. Il considère ces faits comme d'ori-

gine hallucinatoire. La douleur a certainement existé au début,

mais elle est devenue dans la suite une obsession, une idée fixe.

M. le professeur Brnnuem (de Nancy). J'ai observé beaucoup

de faits analogues à ceux que M. Brissaud vient de rapporter. Un

certain nombre sont relatés dans mes deux livres : De la suggestion

et de ses applications à la thérapeutique; Hypnotisme, suggestion

psychothérapie. Je rappellerai brièvement quelques faits qui me

viennent à l'esprit. Un monsieur d'une quarantaine d'années avait

été traité pour une appendicite qui semblait guérie. Trois semai-

nes environ après la guérison. survinrent des crises de coliques

excessives dans la région abdominale inférieure droite, durant une

heure à une heure et demie avec constipation opiniâtre et contrac-

ture de la paroi abdominale. Ces crises journalières résistèrent à

tous les traitements et le malade finit par s'injecter 10 centigram-

mes de morphine par jour. A cette époque, en 1889, la laparoto-

mie n'était pas aussi usuelle qu'aujourd'hui. Quand, au bout d'un

an, le malade me fut confié, les crises revenaient régulièrement à

peu près vers huit heures du' matin. Lorsque j'étais présent, je

voyais le malade couver sa crise, la face se gripper et je sentais

sous ma main la paroi abdominale se contracturer, surtout à droite.

J'arrivai alors, par suggestion à l'état de veille et application de la

main sur la région sensible, à arrêter la crise, à dissiper la con-

tracture et les douleurs existantes, ou à les empêcher de se pro-

duire. Pendant tout le temps que j'eus le malade en traitement,

les crises étaient conjurées et. la morphine resta supprimée (voir

Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, 2° édition, page 402).

Il s'agissait évidemment de l'image psychique d'une douleur ap-

3140 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pendiculdire, peut-être greffée sur une lésion consécutive à l'ap-

pendicite, que le cerveau évoquait, en même temps que la crampe

intestinale. C'était de l'auto-suggestion.

Des manifestations autres que la douleur peuvent par le même

mécanisme auto-suggestif apparaître à heure lixe. Je citerai le fait

d'une jeune fille atteinte d'une toux nerveuse, véritable rugisse-

ment continu, commençant à sept heures du matin et s'arrêtant

brusquement à huit heures du soir. En trompant la malade sur

l'heure, par exemple, en avançant l'heure de la pendule, le rugisse-

ment cessait à l'heure artificielle. La malade guérit d'ailleurs par

le traitement psychique.

Voici encore une observation : Une jeune dame brésilienne avait

à la suite d'une frayeur, depuis dix-huit mois, des crises d'hystéiie

convulsive; les crises venaient régulièrement à chaque repas, en-

tre le premier et le second plat. J'arrivai facilement par ma mé-

thode a la guérir. Il est probable qu'une première crise ayant eu

lieu à ce moment, entre le premier et le second plat, le souvenir

de cette crise l'évoquait au même moment psychologique à chaque

repas, comme un cheval qui se cabre toujours au même endroit.

Les vomissements nerveux qui viennent régulièrement après cha-

que repas ou une à deux heures après le repas, greffés sur une

dyspepsie réelle, peuvent être entretenus par l'auto-suggestion.

J'en ai guéri beaucoup par traitement psychique (voir : flypno-

Récemment encore, entrait dans mon service une jeune femme

qui vomisssait depuis huit mois tous ses repas et pour laquelle on

avait réclamé la gastro-entérostomie. C'était une nerveuse, souvent

dyspeptique, maltraitée par un mari ivrogne. En peu de jours, par

simple persuasion, elle fut débarrassée de ses vomissements. Je

pense que beaucoup de vomissements dits incoercibles de la

grossesse sont dûs au même mécanisme auto-suggestif. Sans doute

les premiers vomissements de la grossesse sont d'origine réflexes.

Mais chez certaines nerveuses, ces vomissements, après une cer-

taine durée, sont exagérés par le psychisme; ils restent pour ainsi

dire enregistrés par le cerveau et se perpétuent par une sorte d'au-

tomatisme psychique, devenant incoercibles, jusqu'à ce qu'une

bonne suggestion, bien faite, ait déraciné cette habitude nerveuse.

Le fait est que j'ai souvent guéri des vomissements opiniâtres gra-

vidiques par la simple suggestion.

Ces divers phénomènes créés ou revivifiés par le psychisme sont

excessivement fréquents ; mes livres en sont pleins. Ils ne se répè-

tent pas toujours périodiquement; leur retour estsuggéré par des

incidents divers ou par les caprices de l'imagination.

L'origine de l'auto-suggestion est souvent organique. Citons un

enfant qui avait une hyperesthésie de la région ombilicale liée à

une excoriation légère de l'ombilic et oui fut détruite par sugges-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 341

tion ; un jeune garçon qui pendant deux ans eut une violente dou-

leur hypogastrique avec ténesme vésical et besoin d'uriner plus de

trente fois par jour, consécutivement à un coup reçu dans le ventre.

Après de multiples traitements par des spécialistes, cathétérisme,

injections épidurales, j'arrivai à le guérir par simple persuasion.

Citons encore un vieillard artérioscléreux, sujet à des crises ver-

tigineuses, avec défaillance, qui furent enrayées par suggestion;,

les premiers vertiges étaient réels, dus à l'ischémie cérébrale ; les

autres étaient surtout auto-suggestifs.

Un autre vieillard était atteint d'aortite avec angine de poitrine ;

ces accès se répétaient plusieurs fois par jour depuis des mois.

Comme le malade vivait malgré la fréquence de ces accès, je pen-

sai que la plupart d'entre eux n'étaient que des copies auto-sugges-

tives des accès réels dont l'image psychique restait dans le cerveau.

La suggestion en effet réduisit le nombre des accès deux environ

par semaine, effaçant tous ceux qui était purement psychiques.

Je pourrais multiplier indéfiniment le nombre de ces faits qu'ex-

plique facilement la doctrine de lasuggestion, telle que je l'ai éta-

blie. Un mot encore sur ce phénomène signalé parlli.l3rissaud : que

les douleurs périodiques peuvent survenir à heure fixe la nuit et

réveiller le sujet en plein sommeil. C'est que le sommeil n'est pas

l'inconscience, ni l'inertie cérébrale. Le cerveau pendant le som-

meil peut penser et travailler consciemment; mais c'est un autre

état de conscience. Réveillé, le sujet ne se rappelle pas qu'il a pensé.

On s'endort avec l'idée d'un problème à résoudre; on se, réveille

avec la solution trouvée dans son cerveau, la nuit porte conseil.

On s'endort avec l'idée de se réveiller à heure fixe. Les uns se ré-

veillent à heure fixe, parce qu'ils'ont la notion de l'heure et enten-

dent sonner la pendule. Les autres, obsédés par l'idée de ne pas

manquer l'heure, se réveillent plusieurs fois pendant la nuit pour

voir l'heure ; au réveil, ils ne se rappellent pas y avoir pensé. Le

somnambule, comme Paganini écrivant sa Sonnatedu diable, n'est

pas un automate : il travaille sciemment et consciemment, mais

sans souvenir au réveil (voir : De la suggestion et de ses applications

thérapeutiques, 2° édition, page 213).

De même, le sujet qui est habitué à avoir une douleur ou une

autre manifestation nerveuse à une certaine heure de la nuit peut,

pendant son sommeil sentir l'incubation psychique de ce phéno-

mène et le réaliser par l'auto-suggestion comme pendant la veille.

Sur l'excitabilité des muscles dégénérés.

,)111" le Dr lOTB1&0 (Bruxelles). Les muscles mis en état de dé-

générescence (section du nerf) présentent des modifications histo-

logiques qui marchent de pair avec des modifications de leur exci-

tabilité (réaction de dégénérescence). Or, de mes recherches se dé-

343 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gage la possibilité d'un rapport systématique entre ces deux ordres

de phénomènes. En étudiant de plus près les faits d'excitabilité des

muscles dégénérés, je suis arrivée à réduire considérablement l'in-

fluence exercée par l'énervation du muscle. Les phénomènes s'ex-

pliquent aisément grâce aux nouvelles découvertes sur la physio-

logie du muscle, et sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir

l'influence du système nerveux. Les recherches physiologiques de

ces dernières années (Bottazi, Ioteylco) ', ont montré qu'il existe

incontestablement dans chaque cellule ou fibre musculaire deux

'substances contractiles : la substance fibrillaire anisotrope (disques

sombres), anciennement connue, et le protoplasme non différencié

ou sarcoplasme, qui se trouve plus ou moins abondamment dans

chaque cellule ou fibre musculaire. Le sarcoplasme possède des

caractères d'excitabilité différents de la substance fibrillaire. Le

sarcoplasme se contracte lentement (muscles lisses et muscles

striés rouges, riches en sarcoplasme). La substance fibrillaire se

contracte très rapidement (muscles striés pâles). Le sarcoplasme

est moins excitable que la substance fibrillaire : il demande, pour

réagir, non seulement une torce d'excitant supérieure, mais aussi,

comme je l'ai mis en relief, une durée d'excitation plus longue. Il

en résulte que les muscles riches en sarcoplasme (muscles lisses)

sont très peu excitables par les ondes d'induction isolées, alors

clu'ils sont très sensibles au courant galvanique. Il ressort de mes

recherches que l'état variable du courant galvanique (fermeture et

ouverture) agit comme un excitant principalement sur la substance

fibrillaire anisotrope, tandis que le régime permanent agit comme

excitant principalement sur la substance sarcoplasmatique. Ces

faits étant établis, les phénomènes caractérisant la réaction de dé-

générescence des muscles deviennent facilement explicables. Mor-

phologiquement, le muscle dégénéré présente un retour à l'état em-

bryonnaire : diminution ou disparition de la substance fibrillaire

(perte de la striation) et développement considérable du sarco-

plasme. Le muscle perd donc ses caractères de différenciation et

cesse d'être muscle strié. 11 acquiert les caractères morphologiques

du muscle lisse. En même temps, il devient un muscle lisse par

son fonctionnement. Ce qui caractérise avant tout la réaction de

dégénérescence d'Erb, c'est la perte de cor 1 raclilité faradique du

muscle avec conservation de 1 a coutractilité voltaïque, et la lenteur

de la secousse. Ces modifications de la secousse sont précisément

dues à l'abondance du sarcoplasme dans le muscle dégénéré ; elles

constituent la léaction normale, caractéristique du sarcoplasme,

qui, étant moins différencié que la substance fibrillaire, n'est pas

' IOTEYI0. Etudes sur a contraction tonique du muscle strié et ses

excitants. (Mémoires de l'Académie Royale de Médecine de Belgique,

tome XVIII, 1-r fasc. et brochure de 100 pages, Lemertm, 1903).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 343

excitable par les ondes rapides d'induction. 11 n'est excitable que

par le passage permanent du courant voltaïque, et ne réagit que

par la contraction lente, qui lui est particulière.

'Régénération autogène chez l'homme et la théorie du Neurone.

M. G. DURANTE (de Paris). A l'autopsie d'un malade dont le

médian avait, cinq ans auparavant, été réséqué sur une longueur

de 20 centimètres, l'auteur a constaté, dans le bout périphérique

non réuni, des tubes nerveux complets ne différant des tubes nor-

maux que par une coloration moins régulière de la myéline par le

Pal, et des cellules fusiformes ainsi que des bandes protoplasmi-

ques renfermant un cylindraxe central caractéristique. L'état

embryonnaire de ces éléments permet d'affirmer qu'il s'agit non

pas de filets provenant d'autres troncs, mais bien d'une néoforma-

tion sur place en dehors de toute réunion avec le bout central.

Cette observation de régénération autogène chez l'homme concorde

avec les résultats expérimentaux obtenus par Bethe, Ziegler, Bal-

lance, Stewart, IIenrihsen, mais est en opposition formelle avec la

conception du neurone.

L'auteur ne croit pas que le neurone puisse être actuellement

soutenu histologiquemeut, pas plus chez l'embryon que chez

l'adulte. ·

Le nerf périphérique n'est pas le prolongement d'une cellule

centrale, mais une chaîne de cellules différenciées. On peut toutefois

se demander si chaque segment interannulaire est formé aux dé-

pens d'un seul noyau, ou si deux noyaux interviennent dans son

développement, l'un conservant son rôle purement nutritif (noyau

de Schwann), l'autre se modifiant pour constituer tout ou partie

du cylindraxe. Adamkiewicz, Kupffer, Ziegler, G. Durante ont, en

effet, constaté des noyaux dans l'épaisseur du cylindraxe adulte ou

en évolution. La question ne peut encore être que posée ; mais ce

fait est à rapprocher de l'opinion d'autres auteurs (Fragnito)

qui voient dans les granulations de Nissl les débris de granulations

embryonnaires ayant concouru à la formation de la cellule gan-

glionnaire.

L'unité fonctionnelle de cette chaîne cellulaire existe, mais n'est

pas aussi strictement limitée qu'on l'a soutenu. En effet, d'une

part, le bout périphérique d'un nerf sectionné subit une régression

cellulaire, conserve une vie latente, mais ne dégénère pas ; d'autre

part le passage des altérations d'un neurone au neurone adjacent

est un phénomène fréquent (propagation des dégénérescences directe

et rétrograde).

La neurone n'était qu'une interprétation qui a servi à élucider

quelques faits. Cette théorie, comme toute théorie biologique, ne

renferme qu'une part de vérité et doit se modifier suivant le pro-

344 SOCIÉTÉS SAVANTES.

grès de la science. Il faut savoir nous dégager aujourd'hui de

cette conception très commode, il est vrai, mais trop étroite, qui

semble avoir donné tout ce que l'on en pouvait espérer et qui, trop

simple et trop imparfaite, ne saurait plus, actuellement, qu'ap-

porter des entraves aux progrès de la neurologie.

Le rôle du noyau dans la régression musculaire.

MM. DE BucE et DE Moos (Gand). Les auteurs admettent avec

Durante que la régression musculaire s'opère par le double pro-

cessus de la régression plasmodiale et de l'individualisation cellu-

laire ; mais ils croient pouvoir conclure de leurs nombreuses re-

cherches d'ordre expérimental et anatomo-pathologique que dans

cette régression, le noyau, qui est le centre trophique du myocyle,

joue un rôle actif, à la fois chimique et mécanique. Par son rôle

bio-chimique il contribue à la régression du myoplasme, qui s'ir-

radie toujours autour du noyau comme centre trophique, et cette

sarcolyse, aidée de la prolifération nucléaire, opère et dirige les

processus mécanique d'expliation, de clivage, de la fibre muscu-

laire, qui vont jusqu'à la disparition complète de l'élément diffé-

rencié. La régression musculaire constitue donc un processus d'au-

tophagocytose, d'azitoseléiose, dans lequel un rôle actif important

est dévolu au noyau. Les auteurs rapprochent ce phénomène de

sarcolyse du phénomène de l'histolyse en général (phagocytose leu-

cocytaire, chondrolyse, ostéolyse, résorption de corps étrangerset

de tissus nécrosés) et croient qu'on se trompe en attribuant tout

le rôle biochimique, fermentitiel, au seul cytoplasme et en ne te-

nant aucun compte du nucléoplasme. La grande variabilité du

noyau musculaire n'a pas permis jusqu'ici de saisir les modifica-

tions morphologiques qui correspondent à son activité sarcolyti-

que.

Atrophies musculaires progressives spinales et syphilis,

(Note préliminait e).

M. André LÉRI. La syphilis n'a paru entrer jusqu'à ce jour

que pour une part minime dans l'étiologie des diverses affections

qui se sont partagé les dépouilles de l'ancienne amyotrophie Aran-

Duchenne. Des observations personnelles cliniques et anatomiques

et des recherches sur les cas jusqu'ici publiés, nous ont convaincu

que la méninge-myélite syphilitique occupe, au contraire, une place

prépondérante dans la pathogénie de ces maladies amyotrophiques

(de celles au moins qui relèvent d'une origine spinale) et que la

grande majorité des soi-disant poliomyélites antérieures chroni-

ques sont, en réalité, des méningo-myélites syphilitiques. Nous

avons pu réunir près de trente cas où la syphilis existait manifes-

tement dans les antécédents des malades atteints d'amyotrophies

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

progressives, soit qu'elle ait été avouée par les malades et notée

dans les observations, soit qu'elle ait coïncidé avec une affection

reconnue aujourd'hui d'origine toujours ou presque toujours sy-

philitique, tels le tabès ou la paralysie générale, telle encore la

glossite gommeuse, l'irido-chroroïdile à répétition, etc... Il sem-

ble bien peu vraisemblable qu'il ait pu s'agir d'une simple coïnci-

dence, d'une part, à cause de l'extrême fréquence avec laquelle la

syphilis a été rencontrée dans les cas où elle a été recherché, d'au-

tre part, parce que l'amyotrophie a débuté, chez presque tous les

sujets, dans un délai de sept à quinze ans après le chancre, délai

tout à fait normal pour les affections médullaires tertiaires et qui

est en particulier celui que l'on trouve pour le tabès. Les lésions

rencontrées par nous dans un cas ont été des lésions de méningo-

myélite vasculaire diffuse exactement semblables à celles déjà

trouvées par le professeur Raymond (Soc. MM. des Ilôp., 3 février

1893) : les altérations vasculaires, la périartérite et surtout la pé-

riphlébite avec infiltration lymphocytique des différentes tuniques

sont celles que l'on considère aujourd'hui comme presque spécifi-

ques de la syphilis. Les portions périphériques, immédiatement

sous-méningées, des cordons blancs sont en partie altérées aussi

et les cordons de Goll sont légèrement dégénérés dans la région

cervicale; on comprend que l'altération puisse gagner en profon-

deur et atteindre les faisceaux pyramidaux ; c'est sans doute ce

qui a pu donner lieu, dans un nombre de cas, à l'exagération des

réflexes et à l'extension des orteils : un tableau clinique simulant

presque complètement la sclérose amyotrophique s'est trouvé ainsi

constitué, mais l'amyotrophie datait parfois de trop longues an-

nées pour pouvoir entrer dans le cadre habituel de la maladie de

Charcot; il est vraisemblable de supposer que les rares cas signa-

lés de sclérose latérale amyotrophique à très longue évolution

étaient en réalité des cas de meningo-myélites syphilitiques sem-

blables à ceux qu'ont observés le professeur Raymond et nous-

même.

Cliniquement, nous n'avons pu séparer les amyotrophies progres-

sives syphilitiques des autres cas de maladie d'Aran.Duchenne;

trois symptômes nous avaient paru un moment plaider en faveur -

d'une séparation : l'existence de douleurs, la parésie précédant

l'atrophie, la plus courte évolution. Mais de nouveaux cas nous

ont montré que les douleurs, parfois signalées dans des cas de

soi-disant amyotrophies Aran-Duchenne, ne sont nullement cons-

tantes dans la méningo-myétite syphilitique ou du moins sont tel-

lement minimes qu'elles passent aisément inaperçues ; d'autre part,

il est à peu pi ès impossible d'apprendre d'un malade si la parésie

a réellement précédé l'atrophie, car, presque toujours la gêne

fonctionnelle précède la constatation de l'amyotrophie qui n'est

jamais remarquée que quand elle est déjà fort notable ; enfin, la

346 SOCIÉTÉS SAVANTES.

métiingo-myélite syphilitique peut évoluer sous les allures les plus

torpides et les plus lentement progressives : aucun symptôme, en

somme, ne nous permet de croire qu'elle donne lieu à une forme

cliniquement différenciable de l'amyotrophie spinale.

Au point de vue thérapeutique, la notion de la fréquence de la

syphilis dans l'étiologie des amyotrophies spinales progressives est

de grande importance : nous n'en voulons pour preuve que l'auto-

observation, déjà très ancienne, d'un médecin syphilitique chez

qui une amyotrophie progressive avancée était, après trois années

d'évolution, en pleine voie de guérison par l'emploi du traitement

ioduré. alors que tout autre traitement avait échoué : contrastant

avec ce résultat, les bienfaits des cures hydro et électrothérapiques

ordinairement préconisées, n'ont pas jusqu'ici, à notre connais-

sance, été bien appréciables.

Dit traitement thyroïdien chez les idiots-mongoliens, ? n ! /a;oee'mf<<c ! ;a;

infantiles, obèses et offrant un an et de développement physique.

M. BOURNEVILLE donne les résultats avantageux de la médication

thyroïdienne chez les malades atteints de ces diverses catégories

dont l'une d'elles a eu seize traitements de trois mois depuis 1895

(ingestion de glande fraîche de mouton). Sauf dans les cas où les

cartilages épiphysaires étaient soudés, la taille a subi un accroisse-

ment régulier et considérable. (Nombreuses radiographies et photo-

graphies). (Sera publié.)

Accès épileptiformes chez les déments précoces.

M. Paul 1li.som (Gbeel). Sur un total de 825 malades (servi-

ces réunis desDrs Meeus et Paul Masoin), il y a 65 déments préco-

ces. De ces 65, cinq seulement présentent parfois des accès épilep-

tiformes. (Observations). Ces accès se reproduisent iL intervalles

assez éloignés; leur aspect est variable, comme l'est l'épilepsie vraie;

parfois les accès paraissent absolument identiques à ceux de l'épi-

lepsie convulsive vulgaire. Il va de soi qu'il ne s'agit pas, en l'occu-

reiice, d'épilepsies méconnues, ultérieurement suivies de démence.

Les diagnostics de démence hébé-phrénocatatoniquc (Meeus) sont

particulièrement établis ; la plupart de ces cas ont été observés

pendant de très nombreuses années, deux d'entre eux, dès le début

de la maladie.

Troubles de la sensibilité dans la démence 'précoce

M. Paul Archahbiult (Tours). Un homme de vingt-sept ans,

employé de bureau, atteint de démence hébéphrénique, interné

depuis trois ans, occupait ses nuits à s'introduire sous la peau des

bras, des jambes et du tronc, et cela symétriquement, des mor-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

ceaux de fil de fer provenant de son sommier. En lui faisant pren-

dre un bain de propreté, l'infirmier lui vit le corps couvert de pe-

tites plaies : chacune était la porte d'entrée de 37 morceaux d'une

longueur variant de 3 à 11 centimètres et de 1 millimètre et demi

à 2 millimètres de diamètre. Ces corps étrangers furent extraits

en quatre séances : les incisions au bistouri, parfois longues et

profondes, n'ont jamais amené chez le malade la moindre plainte,

ni la moindre réaction de défense : on aurait cru taillader un cada-

vre. A deux ou trois reprises toutefois, on a pu remarquer une lé-

gère contraction de la face. Le malade, à ce moment-là, dans une

période de dépression et de mutisme, a cependant deux fois indiqué

où se trouvaient encore des morceaux de fer.

Le diagnostic de la démence.

M. M.4ss\UT (Charleroi). A défaut de types cliniques à évolu-

tion déterminée, il serait très précieux de connaître des signes

permettant d'établir le pronostic des cas particuliers. Quels sont

les symptômes autorisant à conclure à l'existence de la démence ?

Il faut entendre par démence l'affaiblissement irrémédiable et le

plus souvent progressif, de l'activité mentale. Dans ses degrés

inférieurs, l'intelligence connaît uniquement ce qui entoure l'in-

dividu et offre pour lui un intérêt immédiat et direct : elle va du

particulier au particulier. A mesure qu'elle se développe, elle

remarque des ressemblances et des différences plus délicates, elle

généralise et abstrait de plus en plus, elle fait des synthèses, déli-

bère, poursuit un but éloigné, découvre et invente ; elle fait avec

conscience ce qui était d'abord fait sans conscience. Les sentiments

moraux sont en rapport direct avec l'épanouissement intellectuel

et leur progrès consiste essentiellement dans le développement de

l'altruisme et de la solidarité. L'attention et la mémoire jouent un

rôle prépondérant dans le développement de l'intelligence. Dans

sa désagrégation, l'intelligence perd en premier lieu ses fa-

cultés les plus complexes, les plus délicates, les plus récentes,

les sentiments moraux, le pouvoir d'abstraire, de raisonner; elle

se réduit progressivement aux fonctions les plus égoïstes, les plus

habituelles et automatiques, les plus élémentaires. Le problème

du diagnostic de la démence est double : il consiste : 1° à distin-

guer la démence des états qui la simulent (stupeur, troubles anec-

tifs) ; 2° à reconnaître les signes d'une démence commençante ou

légère.

Pour résoudre la première difficulté, il n'y a pas de signe certain;

il faut se baser surtout sur la disproportion entre les troubles

affectil's et le trouble intellectuel et sur la marche de la maladie;

il est bon d'être réservé dans son pronostic.

Les premiers signes de la démence sont variables ; il faut citer

348 SOCIÉTÉS SAVANTES.

surtout la perte ou la diminution des sentiments élevés, altruistes,

esthétiques; l'indifférence, l'apathie, la sensibilité plus grande à

la fatigue, l'instabilité du caractère ; la diminution de l'attention;

la difficulté croissante de raisonner d'une façon suivie, surtout

abstraite ; d'acquérir de nouvelles idées ; la diminution delà volonté

persévérante. L'affaiblissement intellectuel peut être masqué par

l'habitude et la routine, par la ruse et l'adresse.

C'est en présence de situations nouvelles pour le malade que l'on

doit juger de son niveau intellectuel. Il n'y a pas de critérium de

la démence, c'est-à-dire de signe exislant toujours dans l'affaiblis-

sement psychique et n'existant dans aucun autre état. Il faut donc

réunir plusieurs symptômes et exclure les autres causes, pathoio-

giques ou non, d'altération psychique.

Les différentes formes cliniques peuvent donner à la démence

certains caractères particuliers.

L'emploi des procédés d'exploration psycho-physioiogique, hau-

tement recommandable pour l'étude approfondie des troubles

mentaux, ne peut pas encore être généralisé.

Observations sur la catatonie.

M. Paul Masoln (Gheel). L'auteur a étudié tout particulière-

ment les symptômes catatoniques dans la démence précoce : atti-

tudes, stéréotypies, tics, impulsions (Maniren). Ce sont des actes

d'automatisme pur : ils n'expriment en aucune- manière une idée

quelconque ; il y a absence de but, absence d'unité, absence de re-

lation de ces mouvements entre eux ou avec une idée quelconque.

Il y a identité absolue entre ces symptômes d'oi dre moteur et l'au-

tomatisme (gesticulations, tics, négativismes) de l'idiot. Comme

chez l'idiot, ces symptômes sont l'expression d'automatisme cé-

rébral : chez l'idiot, l'inhibition corticale est annihilée par altéra-

tion congénitale. Chez le dément précoce , l'inhibition forme la

base de l'état psychique; le dément précoce est un inhibé (Meeus),

d'où automatisme facile des centres inférieurs. Ce qui confirme

cette thèse, c'est le fait que des mouvements catatoniques (dans le

sens de la répétition de certains mouvements sans signification

propre) se présentent dans tous les états passagers ou définitifs où

le pouvoir inhibiteur cortical est atteint, en d'autres mots dans la

plupart des états de stupeur cérébrale (traumatisme, délire aigu,

hystérie ( ? ), épilepsie, paralysie générale à la dernière période).

Poussant la thèse plus loin encore, l'auteur rappelle ce fait d'obser-

vation vulgaire, à savoir que, chez l'homme normal, même lors-

que l'esprit est occupé par un travail intellectuel intense, comme

aussi chez les sujets distraits, on observe fréquemment des mouve-

ments de peu d'étendue, et sans signification spéciale ; ils s'exécu-

tent également à l'insu du sujet et pourraient durer parfois pen-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 349

dant des heures entières, sans provoquer la sensation de fatigue.

L'origine et la permanence des tics, chez des sujets pour le reste

normaux, s'accordent également avec cette même thèse (Meige) :

l'absence d'inhibition des centres corticaux supérieurs sur ceux des

étages inférieurs du cerveau et de la moelle.

M. le Lf Henry Meige (Paris) communique au Congrès un cer-

tain nombre d'observations personnelles qui peuvent contribuer à

fixer plus fidèlement le diagnostic de la catalonie. Il pense que

l'intervention corticale sur les actes moteurs peut se vérifier en

quelque sorte chez les êtres normaux et les êtres anormaux. En

étendant les bras horizontalement et en les laissant retomber sur

les cuisses on constatera une différence. L'être normal laissera

tomber les bras dans un mouvement régulier selon la loi de la

chute des corps; l'anormal les laissera choir ou trop vite ou trop

lentement. 11 a observé plusieurs cas, mais pas encore suffisamment

pour établir une règle déterminée. M. Meige appelle simplement

l'attention du Congrès sur la question.

Le puérilisme mental.

t

M. Ernest DiilR (de Paris). J'ai observé, au cours d'affections

cérébrales très variées (tumeurs et abcès encéphaliques ; alcoo-

lisme, hystérie, états démentiels organiques et vésaniques) une

altération singulière de la personnalité, pour laquelle j'ai déjà

proposé le terme de puérilisme, et qui mérite une place à part dans

le cadre psychoséméiologique.

Il s'agit d'un syndrome psychopathique, caractérisé par la na-

ture puérile des réactions psychiques, par une sorte de régression

de la mentalité ou stade de l'enfance. Cet état morbide se marque

par une série concordante et symétrique de manifestations psychi-

ques et expreesives, dont l'apparition, souvent soudaine et inat-

tendue, transforme. pour ainsi dire, en enfants de cinq à dix ans

les adultes atteints de puérilisme.Le syndrome se caractérise ainsi

essentiellement par la nature enfantine des sentiments, des ten-

dances, des goûts et des occupations : les malades jouent à la pou-

pée, aux soldats, etc. ; par l'habitude, l'expression mimique, le

langage et son intonation; par la suggestibilité et l'ensemble des

réactions et de la conduite des petits enfants. Le langage est semé

de locutions et de formules enfantines; l'écriture, transformée, re-

produit dans ses lettres gauches et inexpérimentées, dans des des-

sins primitifs, dans des alignements déchiffres et de syllables, ré-

pétés à la façon des modèles d'écriture, etc., les spécimens les plus

curieux de la graphologie des tout petits écoliers. Les malades

acceptent les friandises, les joujoux; tutoient les interlocuteurs;

conversent avec des indexions de voix, des jeux de physionomie,

des manières, etc., qui reproduisent, avec la plus fidèle exactitude

350 SOCIÉTÉS SAVANTES.

toutes les réactions ingénues par lesquelles s'exprime la personna-

lité de l'enfant. Les manifestations, toutes spontanées d'ailleurs, et

dont l'apparition est souvent brusque, s'imposent, par leur carac-

tère étrange et inattendu, à l'observateur. Aussi ont-elles déjà été

signalées par divers auteurs, notamment par Carré de Mongeron

et Pitres, dans l'hystérie, et par quelques cliniciens allemands et

anglais (Mohr, Gowers, etc.) dans les tumeurs cérébrales (K : ;)tS-

cher 6Yeseiz; C.ilcdisleness).

Le puérilisme peut exister seul ou se combiner soit avec diffé-

rentes modalités pathologiques du ton affectif (dépression, excita-

tion), soit avec un degré plus ou moins marqué d'affaiblissement

intellectuel. Les combinaisons donnent lieu à des variétés dépres-

sives ou expansives de l'humeur, dans lesquelles la note enfantine

toujours reconnaissable, co.nfère au syndrome une expression par-

ticulière. C'est ainsi que la Maria ou 1Vi(zelszzcht des Allemands re-

présente une altération morbide de l'humeur, caractérisée par h

mélange de l'excitation euphorique du sentiment et du tour eu-

fantin de l'esprit, qui se traduit par une jovialité frivole, une dis-

position à la farce, qui contraste étrangement avec la gravité de

de la situation pathologique. Dans le cas contraire, lorsque le pué-

rilisme s'allie à la dépression du ton affectif, le malade boude, fait

la moue, entre dans des colères puériles, etc. La réaction em-

prunte encore ici sa caractéristique à l'humeur enfantine du

malade.

Lorsque le puérilisme apparaît sur un fond d'affaiblissement

intellectuel, il donne aux manifestations de la démence, que celle-

ci soit précoce, organique, sénile, etc., uncachet spécial, une tour-

nure enfantine, qui se marque par la nature des goûts, des occu-

pations, etc., des malades : c'est ainsi qu'on voit, dans les asiles,

certaines démentes jouer à la poupée et se conduire comme des

petites filles.

Le puérilisme me semble être, dans la plupart des cas, surtout

lorsqu'il évolue par accès subits, paroxystiques, éphémères, et

s'allie à d'autres manifestations de la névrose, un syndrome de

nature hystérique. Dans d'autres cas, lorsqu'il est chronique, le

puérilisme représente une modalité clinique particulière des états

démentiels.

Quelle que soit l'étiologie de ce syndrome, il s'agit là d'un état

psychopathique spécial qui n'est, à proprement parler, ni démen-

tiel, ni dépressif, ni expansif, ni délirant; mais qui, n'appartenant

à aucune espèce morbide, peut apparaitre, disparaître ou persis-

ter et se combiner aux différents syndromes des encéphalopathies

les plus variées. Il était nécessaire de l'analyser en soi, de le dis-

tinguer dans les complexus cliniques dont il faitpartie, de le diffé-

rencier de l'infantilisme des dégénérés, consécutif à l'agénésie

intellectuelle, et du retour à l'enfance des séniles, consécutif à l'in-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 351 1

volution démentielle; bref, d'individualiser ce syndrome particu-

lier sous une étiquette claire et précise, que j'ai proposée et que je

soumets au Congrès, dans le vocable de puérilisme.

A propos de la communication sur le Puérilisme de M. le

D'' Duphé, M. Marie rappelle les états d'enfance spirituelle

des auteurs mystiques dont il a parlé avec M. le Dr Vallon,

à propos des psychoses religieuses dans les Archives de

Neurologie en 1897. M. Marie rapproche de ces états de pué-

rilisme paroxystiques, ceux permanents qu'on observe à

l'asile, où il est fréquent de rencontrer parmi les démentes,

les vieilles aux poupées, parfois atteintes du délire micro-

maniaque par lequel elles se croient rapetissées et revenues

aux dimensions de l'enfance et se conforment par leur atti-

tude, leur vêture, leur parler, etc., à cette illusion.

Aperçus et démonstrations sur la folie maniaque dépressive.

M. le Professeur Thomsen (Bonn). Aperçus sur l'étendue du

tableau clinique delà folie maniaque dépressive. Formes prolon-

gées. (Démonstration). Y a-t-il une exaltation périodique et une

mélancolie périodique juvénile indépendantes de la folie maniaque

et dépressive ? (Démonstration). Existe-t-il une vraie folie à double

forme qui n'appartienne à la folie maniaque dépressive ? (Démons-

tration). La folie maniaque dépressive est-elle guérissable ? (Dé-

monstration). JËst-il possible de mettre un diagnostic différentiel

précis entre la folie maniaque et dépressive et la démence précoce

dans la première attaque ? Et comment ?

Mélancolie avec idées de persécution et idées de suicide chez un syrin-

gomyélique. Examen histologique.

M. HAViART (Armentières). Depuis que la syringomyélie est

connue, les auteurs ont rapporté de nombreux cas dans lesquels

coexistaient avec elle des troubles mentaux de diverse nature.

La syphilis, l'alcoolisme, le surmenage, l'hérédité, etc., pouvant

chez ces malades comme chez les autres déterminer la production

de la paralysie générale, de l'épilepsie, de la manie et d'une façon

générale de la plupart des psychoses, la coïncidence d'une de ces

maladies mentales avec l'affection médullaire ne présente pas un

très grand intérêt. Mais à côté de ces cas. il en est d'autres dans

lesquels les troubles mentaux observés semblent en rapport avec

la syringomyélie. Schlesinger et Kienbock des premiers, ont été

frappés par l'état mental spécial présenté par certains malades,

notamment par ceux chez lesquels prédominent les troubles tro-

352 SOCIÉTÉS SAVANTES.

phiques ; ces malades sont chagrins, maussades, se plaignent pour

la moindre des choses, sont peu communicatifs et présentent en

outre un léger affaiblissement des facultés intellectuelles. Ce sont

là en somme les premières manifestations d'un état mélancolique

qu'on pourra rencontrer beaucoup plus marqué, c'est ainsi que

Iledlicli a observé un cas de mélancolie chronique et que plus

récemment Pierre Marie et Guillain ont publié quelques observa-

tions de syringomyéliques présentant des troubles analogues.

L'observation suivante, jointe à celles des auteurs précités vient

contribuer à montrer l'existence chez certains syringomyéliques de

troubles mentaux de nature mélancolique.

Il s'agit d'un homme de soixante-trois ans sans antécédents

héréditaires, non alcoolique, non syphilitique, qui en 1870, reçut

un éclat d'obus à la jambe gauche, souffrit énormément du froid,

et subit en captivité notamment de nombreuses privations. Quelques

années plus tard' apparurent les premiers signes : douleurs, paré-

sie des sphincters, d'une syringomyélie qui évolua progressivement

et dont le malade près de trente ans plus tard présentait la plupart

des symptômes : Atrophie musculaire localisée aux membres

supérieurs, attitude dite main de prédicateur, tremblements, dis-

sociation syringomyélique, troubles subjectifs de la sensibilité,

arthropathies des membres supérieurs, troubles trophiques cuta-

nés et troubles sphinctériens.

Quelque temps après le début de l'affection, l'entourage du

malade s'aperçut que son caractère se modifiait : devenu sombre

et peu communicatif, aigri par ses infirmités naissantes, il ne

parlait que pour se plaindre; déjà à cette époque cédant au

découragement, voyant le jour prochain où il ne pourrait plus

arriver à gagner son pain il exprimait parfois l'envie qu'il avait

de mettre un terme à ses jours. Au sur et à mesure que l'affection

évoluait, il devenait de plus en plus sombre ; incapable de travailler

et réduit à la mendicité, notre malade d'abord déprimé était atteint

sept ans avant la mort de mélancolie avec idées de persécution.

« Grincheux et malotru », il se plaignait de tout et de tous, et se

défiait de chacun. 11 voyait bien qu'on disait du mal de lui, il s'en

fâchait et invectivait les personnes de son entourage. Puis des hal-

lucinations de l'ouïe survinrent, « on lui parlait d'une maladie

vénérienne qu'il avait contractée et qui devait entraîner son renvoi

de l'hospice, ses voisins de lit lui reprochaient d'avoir manqué de

pudeur en présence d'une soeur, ils le menaçaient de le faire opé-

rer et lui reprochaient de n'avoir pas le courage de se suicider après

un tel déshonneur ». Depuis lors il se tenait à l'écart, parlait seul,

et de temps à autre allait en pleurant trouver un de ses amis : il

était, disait-il, « bouleversé par tout le monde », il savait qu'il

allait mourir, on le traitait de lâche et on lui disait de se suicider.

Une première fois il était sorti dans l'intention de se noyer mais

SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

il rentra àL 1'liospice « il n'avait pas eu le courage de le faire, le

canal était très loin et il faisait trop froid ».

Mais quelques jours plus tard il se levait la nuit et se rendait

dans une cave ou il se donnait cinq coups de couteau dansl'abdo-

men.Nous le vîmes le lendemain, il était fort déprimé, et c'est en

pleurant qu'il nous parla de ses idées de suicide. Il présentait en

somme de la mélancolie avec idées de persécution et de suicide,

basées sur des hallucinations de l'ouïe ; ses facultés intellectuelles

étaient légèrement affaiblies. Transporté à l'asile de Dury, le

malade y succomba quelques jours après son entrée des suites de

ses blessures.

A l'AUTOPSIE, l'encéphale avait un aspect normal, la moelle présen-

tait dans sa portion cervico-dorsale les lésions caractéristiques de

la syringomyélie ghomateuse ; il n'y avait pas d'altérations des

méninges rachidiennes ; atrophies musculaires marquées ; la

masse des fléchisseurs de l'avant-bras gauche (main de prédica-

teur) pesait Sa grammes, celle du côté droit en pesait 182.

Lésions osseuses à type hypertrophique des tètes humérale et

radiale, prononcées surtout du côté droit. L'examen histologique

de l'écorce cérébrale a montré les lésions suivantes :

Un très grand nombre de cellules nerveuses sont altérées, parti-

culièrement dans les circonvolutions frontales où elles le sont en

majorité, les circonvolutions ascendantes ont plus d'éléments

sains, les grandes cellules pyramidales y sont à peu près normales

et ce sont surtout les cellules moyennes qui sont le siège des alté-

rations, enfin les lésions sont beaucoup moins intenses dans les

circonvolutions. Ce sont les lésions ordinaires de la cellule ner-

veuse ; chromatolyse, désintégration granuleuse périnucléaire,

disparition du protoplasme; altérations nucléaires allant jusqu'à

la transformation vésiculeuse du noyau. Neuronophages. Pas de

lésions très marquées de la névroglie. Vaisseaux normaux.

L'intérêt de cette observation réside dans ce fait que les troubles

mentaux présentés par le malade, semblent en rapport avec l'affec-

tion médullaire. Ils ne sauraient être en effet considérés comme

indépendants de la syringomyélie car l'état de dépression dans

lequel fut plongé le malade quelque temps après le début de

la maladie parait intimement lié à l'apparition des symptômes

douloureux et des troubles sphinctériens qui vinrent le tourmen-

ter et le mettre en quelque sorte dans l'impossibilité de gagner sa

vie. La syringomyélie a, dans l'espèce, joué le rôle d'agent provoca-

teur de la psychose, d'autre part un autre lien rattache selon nous

les deux affections et il est tout naturel de penser que les mêmes

facteurs qui ont déterminé la production de la syringomyélie ont

placé le cerveau dans un état de moindre résistance favorable à

l'éclosion de troubles mentaux. Aussi, rapprochant notre cas de

ceux précédemment observés, croyons-nous pouvoir dire que :

Archives, 2° série, t. XVI. 23

354 SOCIÉTÉS SAVANTES.

A côté des maladies mentales simplement associées à la syrin-

gomyélie, on peut observer à des degrés divers un état mental

caractérisé par un état de dépression mélancolique plus ou moins

prononcé qui peut, dans certains cas, se compliquer d'idées déli-

rantes de persécution et d'idées de suicide. Cet état mental naîtrait

sous l'influence de la perturbation profonde qui apporte dans la

vie des malades l'apparition de certains symptômes (douleur,

troubles sphinctériens par exemple), sa production serait favorisée

par un état de moindre résistance du cerveau lésé par les facteurs

étiologiques ordinaires de la syringomyélie : refroidissement, trau-

matisme, surmenage, infection. Des lésions marquées des cellules

nerveuses de l'écorce cérébrale ont été constatées.

Fréquence et évolution des lésions du fond de l'cril dans la para-

lysie générale, par liamanr et Cauuaon. (Sera publié ttt extenso.)

Élude de pathologie comparée sur les tics de léchage de l'homme

et du cheval.

MM. F. RUDLER et C. CIIOllEL (d'Héricourt). - Il est d'observation

courante que beaucoup de chevaux sont lécheurs ; mais un tic de

léchage n'est constitué que lorsque l'action de lécher devient per-

manente, involontaire, chez des sujets prédisposés par un état psy-

chopathique spécial.

Le tic de léchage consiste chez le cheval à passer fréquemment la

face dorsale de la langue sur les corps environnants. Le tiqueur

lèche ses voisins à l'encolure et aux épaules et de préférence les

chevaux en sueur; il lèche aussi les murs, sa mangeoire, cela tous

les jours et plusieurs fois par jour.

Tous les tiqueurs observés par les auteurs présentaient des ano-

malies psychiques : caractère nerveux, émotif au point que l'un

des chevaux tombe sous l'influence d'une émotion vive; leur im-

pressionnabilité est exagérée ; leur impatience se traduit par le

hochement de tête, le trépignement. Quelques-uns ont l'habitude

de trottiner et ne vont jamais au pas, même dans une longue suite

d'étapes successives. Les phobies sont fréquentes.

L'anesthésie du bout du nez existe chez la plupart : sensibilité

des barres, inégale de l'un à l'autre côté ; les réflexes sont normaux

plusieurs suent exagérément. On relève dans la plupart des casdes

asymétries faciales et corporelles ; quelques tares acquises. Il y a

des troubles de la dentition (surdents, dents cariées). La nutri-

tion est bonne chez ces chevaux et plusieurs sont monture d'offi-

cier.

Les tics de léchage de l'homme n'offrent qu'un point de compa-

raison fort imparfait; ils sont chez l'homme rarement isolés et

appartiennent à la série des tics variables ; comme l'ont montre

SOCIÉTÉS SAVANTES. 355

MM. Henry Meige et Feindel, le tic de léchage se prend par l'habi-

tude de lécher et de mordiller des excoriations labiales; ces auteurs

citent le cas d'un chien devenu onychophage. Mais actuellement

rien ne démontre que le tic de léchage du cheval, lequel peut exis-

ter seul, ait même pathogénie que le tic de léchage chez l'homme,

l'onychophagie chez l'homme et chez le chien. Il n'est pas plus

surprenant toutefois de voir le cheval lécher une plaie de ses

berres ou ronger sa mangeoire que l'homme mordiller ses ger-

cuies des lèvres ou ronger ses ongles inconsidérément; mais les

auteurs n'ont pu observer de faits, ni favorables ni contraires à

cette pathogénie. (A rapprocher de la communication de M. Meige,

p. 9r) 1.

Excitation et dépression périodique. Délire circulaire fruste dans un

cas de syphilis héréditaire.

MM. F. Raymond et PIERRE Janet (de Paris). Une jeune femme

de vingt-sept ans présente un syndrome mental vraiment très cu-

rieux : elle semble atteinte d'un trouble régulièrement périodique,

assez semblable à certaines formes de délire circulaire. Mais ce qui

est singulier, c'est que les périodes de dépression mélancolique et

d'agitation demi-maniaque sont ici extrêmement courtes : chacune

d'elles ne dure que vingt-quatre heures. La malade a régulière-

ment, depuis dix mois, une journée d'agitation et une journée de

dépression.

Le père de la malade était alcoolique et syphilitique ; celle-ci,

d'une intelligence peu développée, présenta des troubles nerveux

dès l'époque de la puberté ; aboulique, inquiète, obsédée par des

scrupules, elle fut troublée par quelques émotions vers l'âge de

dix-neuf ans. A cette époque commencèrent des crises d'agitation

irrégulières comme on en observe souvent chez les psycbasthéni-

ques. Peu à peu ces crises se sont régularisées comme de véritables

tics et ont pris la forme périodique dans laquelle elles réapparais-

sent pendant vingt-quatre heures tous les deux jours.

A ces troubles mentaux s'ajoutent des symptômes physiques

graves et caractéristiques : la parole, sans être caractéristique, est

lente et pâteuse; la démarche est un peu hésitante, la malade ne

peut se tenir debout les yeux fermés ; les réflexes rotuliens et achil-

léens sont complètement absents. Enfin, les pupilles, larges et

irrégulières, ne réagissent aucunement ni à la lumière ni à l'accom-

modation. L'examen oculaire constate une légère atrophie de la

pupille, probablement consécutive à d'anciennes lésions intraocu-

laires ; des traces d'iritis ancien et des synéchies qui immobilisent

* Les cas de ce genre sont fréquents chez les aliénés, en particulier

chez les enfants. (B.).

356 SOCIÉTÉS savantes.

l'iris. En un mot, il est probable que cette malade a présenté, il y

a quelques années, une irido-choroïdite peu intense, peut-être avec

kératite parenchymateusc. Ces troubles oculaires semblent bien en

rapport avec une syphilis héréditaire ; les auteurs recherchent si

les troubles nerveux et mentaux ne peuvent être rattachés à la même

cause.'Après avoir montré que ni le tabes, ni la paralysie générale

ne sont absolument incontestables, ils admettent des fésions syphi-

litiques des centres nerveux et indiquent comment les troubles psy-

chasténiques et l'agitation périodique, ainsi que cela existe dans

d'autres observations, peuvent en être une conséquence indi-

recte.

Une vérification curieuse de ce rôle de la syphilis dans un élat

mental de ce genre a été fourni par le traitement. Après un mois

de traitement spécifique, le résultat a été des plus remarquables :

les troubles intellectuels ont à peu près disparu. Cette améliora-

tion dure depuis le mois de février de cette année : c'est-à-dire que

le trouble périodique ayant duré dix mois est arrêté depuis cinq

mois.

Séance du 8 août. Présidence DE M. LE professeur Masoin.

De la suggestion matérialisée à l'état de veille.

M. L. PEETEas (de Bruxelles. L'aclion thérapeutique de la sugges-

tion, hypnotique ou à l'état de veille, n'est plus contestée actuelle-

ment pour certaines maladies. Si quelques médecins refusent ou

hésitent encore à se servir de l'hypuothérapie, tous cependant em-

ploient la suggestion verbale à l'état de veille. A cette dernière

nous ajoutons, depuis quelques années et souvent avec succès, une

nouvelle suggestion par les agents physiques et particulièrement

l'électricité.

Celle-ci, dont nul plus que nous ne reconnaît l'action spéciale,

est en outre le meilleur moyen pour matérialiser la suggestion.

Elle frappe par sa puissance mystérieuse, l'imagination et fait

accepter parle cerveau ses effets curatifs. Une instrumentation im-

pressionnante, comme en exigent la Franklinisation, les hautes

fréquences, les rayons X, etc., y contribuent largement. Pour réus-

sir, il faut que le médecin sache inspirer une confiance entière a

son malade et semble avoir lui-même une foi absolue dans l'effica-

cité de son remède. 11 doit étudier l'individualité psychique de

chaque patient, chercher le défaut de la cuirasse de son scepti-

cisme et faire pénétrer ses suggestions sous une forme convenable.

D'après notre expérience, c'est l'électricité qui remplit le mieux ce

rôle.

L'emploi systématique de la suggestion matérialisée peut parai-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357

tre un procédé anti-scientifique à certains esprits non familiarisés

avec cette méthode de traitement. Mais qu'importe le mécanisme

de la guérison, pourvu qu'on guérisse. N'est-il pas préférable de

guérir par ce procédé plutôt que de bourrer scientifiquement le

parient de bromures pendant des années sans aucun résultat ? Char-

cot, quoique non croyant, n'envoyait-il pas à Lourdes ceux de ses

malades susceptibles de bénéficier de la suggestion religieuse ?

Nous pensons que la suggestion à l'état de veille, sous forme ma-

térialisée, doit entrer dans l'arsenal thérapeutique. Elle guérira

parfois, soulagera souvent, consolera presque toujours.

Crises hypcralgiques périodiques persistant pendant plusieurs jours

de suite et datant de plusieurs années, guéries par la suggestion

hypnotique.

M. Jules Voisin (Paris). - Observation. Crises d'hyparalgésies

hystériques, datant de douze ans, revenant périodiquement d'abord

tous les ans, puis tous les six mois, puis tous les trois mois, et en-

fin tous les dix jours depuis deux ans, guéries par la suggestion

hypnotique. Cette observation est intéressante à plusieurs points

de vue : 1 la nature des crises hyperalgésiques de la malade ont

été méconnues pendant douze ans; les crises hyperalgésiques avec

modification du caractère, sensation d'étranglement et crises de

larmes sont les seules manifestations hystériques de la maladie;

3° la guérison remontant à six mois, obtenue par la suggestion

hypnotique.

Contribution à la Psychothérapie suggestive en Suède. Quelques

mots sur la méthode du j0'' Welterslrand : Sommeil prolongé, ltyp-

zzose thérapeutique. Sa technique.

111r° le Dr Mélanie lauréate de l'Académie de Médecine

de Paris. Pendant mon séjour à Stockolm, grâce à l'extrême

amabilité du Dl Otto Wetterstrand, je pus examiner ses malades,

qu'il me soit donc permis de le remercier bien vivement ici et de

faire connaître sa méthode thérapeutique. Le Dr Otto \Vetterstrand

exerce la médecine depuis 1873; quant au traitement hypnotique,

il s'en occupe depuis 1886. Il a publié ses premières observations

relatives à la psychothérapie en 1888 et depuis il s'est voué à cette

branche de la médecine avec toute sa persévérance et son intelli-

gence. Le premier compte rendu de ses expériences, inséré dans le

journal Hygiène, était basé sur -153 cas et a provoqué une vive dis-

cussion à la Société médicale de Stockolm sur l'hypnotisme et sa

valeur thérapeutique. En automne 1889, Wettestrand a fait une

série de conférences devant un auditoire nombreux composé de

médecins et d'étudiants en médecine, et des leçons cliniques sur la

psychothérapie avec présentations de malades.

358 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En 1891, il a publié en allemand un livre sur l'hypnotisme et son

application dans la médecine pratique, qui a été traduit en russe,

en anglais et en français. Il a écrit un certain nombre d'articles

dans le Zeitschrifl fili- II ! lp7zolisntus et dans la Revue de l'Hypnotisme.

Je dois citer surtout un article dans le Zeitschrifl intitulé : Le

sommeil prolongé. Eu effet, M. Wettestrand a employé ce mode de

sommeil avec le plus grand succès dans beaucoup de cas. En 1896

il a parlé sur le même sujet au Congrès de Psychologie à Munich.

Beaucoup de médecins étrangers sont venus chez lui pour appren-

dre la méthode d'endormir les malades et de faire la suggestion

entre autres, M. le professeur Fore), le professeur Hirt, de Breslau;

le D1' Van Ilotergliem, d'Amsterdam; le Dr 0. Coront, de Baden-

f3aden;le Dr Tatyn, de Munich : le Dr Milne Bramwell, le Ur Lloyd-

Tuckey, de Londres ; le D1' Timojeff, de St-Pétersbourg, et bien

d'autres encore. 11 venait des malades de lalVorvèâe, du Danemark

de la Finlande, de la Russie, de l'Allemagne, de l'Autriche, de la

Suisse, des Etats-Unis, de l'Angleterre et de la Pologne. Il est bien

difficile d'en faire la statistique, mais d'après mes renseignements

personnels, je crois que leur nombre dépasse 12 000.

Il a traité avec succès plus de 400 alcooliques, des dipsomanes,

et il affirme avec toute son autorité, qu'il n'y a pas de traitement

aussi efficace dans ces maladies, opinion conforme à celle de Lloyd

Tuckey et du D1 Bramwell en Angleterre. Il ne reçoit que les ma-

lades qui ont été déjà soignés par les autres méthodes thérapeuti-

ques, ce qui rend son rôle particulièrement difficile. Ses écrits et

ses leçons ont fait connaître en Suède le traitement hypnotique au-

jourd'hui appliqué par beaucoup de ses élèves. Comme Liébault,

Forel, Vogt et d'autres encore, il pense que l'essentiel du .traite-

ment hypnotique est dans une hypnose profonde ; au début du

traitement, il ne fait qu'une ou deux suggestions. Il a démontré ce

que le sommeil par lui-même peut faire et il affirme qu'on ne peut

pas parler d'un traitement psychique sans une hypnose profonde.

La technique. La technique du sommeil prolongé, tel que la

conçoit 0. Wetterstand, doit être envisagée d'abord chez les mala-

des soignés dans des pensions de famille par le docteur lui-même.

Il les endort une ou deux fois par jour et pratique sur eux la sug-

gestion pendant le sommeil. Au début, ces suggestions sont peu

nombreuses une ou deux seulement, à savoir : Soyez calme et tran-

quille, vos fonctions s'accompliront bien. Les malades ne se réveil-

lent que pour satisfaire leurs besoins : boire, manger, etc. Ayant

une grande confiance en M. W. les malades suivent ses conseils à

la lettre.

Au bout de deux ou trois semaines, les malades reprenent leurs

forces, l'équilibre du système nerveux se rétablit, les malades peu-

vent alors quitter l'établissement; ils passent dans la deuxième ca-

tégorie. Celle-ci comprend les malades qui se rendent chez le doc-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 359

leur pour se faire soigner. Ils sont reçus à son domicile particu-

lier.

Quatre pièces leur sont destinées, à savoir : 1° une salle d'attente;

2° un cabinet de travail dans lequel il examine tous les malades*.

Cet examen se pratique le matin ou l'après-midi, mais toujours

avant les séances de suggestion ; 3° un petit salon où il n'endort

qu'un ou deux malades, ceux qui doivent rester seuls; 4° un grand

salon où tout est disposé pour donner le calme : des fleurs, des

tapis épais, des rideaux aux portes et aux fenêtres, des bibliothè-

ques, aux murs des portraits de médecins célèbres, etc. Les mala-

des sont ainsi déjà suggestionnés par le milieu ambiant avant

toute intervention médicale. Quant à ceux qui sont éveillés, il les

engage à dormir. Il met sa main droite sur les sinus frontaux et

sa main gauche sur la région précordiale. Le malade s'endort alors

doucement, le D1' Wetterstand revient plusieurs fois et applique

sur l'organe malade une main ou deux.

Les malades qui ont besoin de soins plus prolongés s'étendent

sur des canapés, les autres s'assoient sur des fauteuils ou des chai-

ses- hommes et femmes, quelle que soit leur condition sociale

comme cela est conforme aux moeurs du Nord. Pourtant, dans

des cas spéciaux on prend soin de pratiquer une séparation qui

s'effectue grâce au petit salon dont nous avons parlé plus haut. La

suggestion se fait de préférence dans la langue maternelle du ma-

lade, mais ce qui importe surtout, c'est l'intention bienveillante et

persuasive du médecin. Le D1' Wetterstrand va d'un malade à l'au-

tre, et à demi-voix suggestionne chacun en passant. La durée du

sommeil dépend du genre et de la phase de la maladie. Dans les

affections chroniques, il n'obtient de bon résultat qu'au moyen de

l'hypnose profonde. Moins le malade est nerveux, plus il s'endort

facilement. Le D1' Wetterstrand regarde comme une erreur de pré-

tendre que les hystériques sont les plus faciles à endormir ; au con-

traire, très souvent ces malades re s'endorment pas du tout, mais

ils sont très faciles à suggestionner à l'état de veille. Les malades

se réveillent eux-mêmes, sans qu'on leur dise de se réveiller. Aussi

le sommeil de Wetterstrand, comme celui de Liébault, est plutôt

le « sommeil prolongé * que le « sommeil provoqué ». Il importe de

dire que le Dr Wetterstrand ne fait pas d'expériences, mais que

sa méthode, telle qu'il la conçoit, mérite véritablement le nom

« d'Hypnose thérapeutique » ; elle n'a rien de commun avec l'hyp-

notisme expérimental. Il l'emploie quelquefois dans les maladies

générale, comme moyen d'investigation. Enfin, je me permets

d'ajouter la liste des cas soignés par le D1' Wetterstrand, 13 décem-

bre 1900.

Description des cas soignés par le. Dl Wetterstrand, 13 décembre

1900. Neurasthénie, Alcoolisme; Incontinence d'urine, Onycho-

phagie, Kleptomanie; Alcoolisme ; Névralgie ischiatique ; Neuras-

360 SOCIÉTÉS SAVANTES.

thénie; Migraine; Alcoolisme; Epilepsie; Alcoolisme ; Dipsomanie;

Névropathie; Dypsomanie ; Idées obsédantes; Insomnie (alcoo-

lisme) ; Douleurs névropathiques; id. ; insomnie; Nervosisme, in-

toxication due au tabac; Insomnie; Palpitations du coeur; Insom-

nie, Impulsions irrésistibles; Céphataigie; Alcoolisme; Fatigue,

Insomnie, douleurs diverses, etc. ,

La suggestion pendant la ? : n ? 'co.seë;/t<- ? 7 : <Ai ? Me.

M. Paul Faiez (Paris). En pathologie nerveuse ou mentale,

de nombreux cas paraissent justiciables du traitement moral; ce-

lui-ci, toutefois, reste souvent inefficace, parce qu'il s'adresse à des

sujets qu'on n'a pas, au préalable, rendus aptes à être suggestion-

nés. Lorsque après de nombreuses tentatives d'hypnotisation, l'on

n'a pas pu réaliser un degré suffisant d'hypotaxie, on se décide par-

fois, en dernier ressort, à formuler la suggestion curative pendant

la narcose chloroformique. Mais le chloroforme est d'un manie-

ment délicat : il comporte de multiples inconvénients, surtout au

réveil. ' 1

Depuis plusieursmois, j'emploie couramment, dans ma pratique

psychothérapique, quelques dérivés halogènes de l'éthane et du

méthane, en particulier un mélange ainsi constitué : chlorure d'é-

thyle 65 p. 100, chlorure de méthyle, 38 p. 100, et bromure d'é-

thyle, 5 p. 100.

Ce mélange utilisé en odontologie sous le nom de somnoforme.

procure une anesthésie sûre, immédiate, complète et inoffensive,

avec réveil instantané, exempt de malaise ; il peut être administré

avant ou après les repas, chez des sujets jeunes ou vieux, assis ou

couchés,'dégrafTés ou complètement habillés.

Suivant les doses, les cas pathologiques, la mentalité du malade

la technique employée, le contenu des suggestions, la présence ou

l'absence de certaines excitations psychosensorielles, je réalise avec

ce produit l'un ou l'autre des trois états psychologiques suivants :

I. Narcose confirmée. Il n'y a plus pleine conscience, mais seu-

lement subconscience ; c'est une sorte d'état d'automatisme. Les

diverses sensibilités peuvent être impressionnées; la suggestion

est reçue en tant que suggestion ; des hallucinations hypnagogiques

puis des rêves se déroulent, avec ou sans phénomènes moteurs et

soutenir plus ou moins vif au réveil.

II. ? pet'M)'cos6. Il y a, cette fois, sommeil profond, avec en-

gourdissement de la conscience et même, à ce qu'il semble, in-

conscience relative, échec des suggestions à échéance et amnésie

complète au réveil. Toutefois, quelques gestes ou paroles manifes-

tent un certain degré d'activité onirique.

III. Hyponarcose. Cet état avoisine la narcose confirmée, sans

l'atteindre tout-à-fait ; il approche le seuil de cette dernière, mais

SOCIÉTÉS SAVANTES. 361

ne le franchit pas; c'est une narcose subliminale. La conscience est

restreinte, mais exaltée ; elle gagne en intensité ce qu'elle a perdu

en étendue. Les résistances conscientes ou inconscientes sont bri-

sées. Devenu éminemment suggestionnabie, le sujet présente de

l'hyperacuité auditive, de 1'liyperi,écepLivité ceiiii,aie; il est un

récepteur non moins passif, mais actif; dans une sorte d'ivresse

psychique, il fait sciemmeut effort pour favoriser la suggestion et se

l'assimiler pleinement. Ces diverses narcoses comportent desappli-

cations multiplesen ce qui concerne le diagnostic et le traitement.

Le diagnostic est souvent éclairé et, cela, de deux manières dif-

férentes : 1° l'évocation du subconscient est rendue facile et, par

elle, la connaissance de certaines idées fixes ignorées de la cons-

cience ugiie ; 2° soit spontanément, soit à la suite de sollicitations

suggestives, le sujet confesse au médecin des obsessions, des pho-

bies, des impulsions ou certaines particularités pathologiques qu'il

refusait obstinément de révéler à l'état de veille.

Au point de vue thérapeutique, chacun de ces trois états compo : te

des indications spéciales :

I. L'hypercarnose sera réalisée de préférence chez les nombreux

malades qui se plaignent de n'avoir jamais pu être endormis à

fond par aucun médecin; et, cependant, ils sont persuadés que

seule pourra les guérir la suggestion qu'on leur fera pendant

qu'ils dormiront d'un sommeil profond avec inconscience et, au

réveil, amnésie complète. Suggestionnée pendant l'bypernarcose,

ils guérissent non point par la vertu de la suggestion elle-même,

mais en vertu de la (c failli liealing » ; ils ont foi en la puissance

curative de la suggestion faite dans ces conditions.

II. Grâce à la narcose confirmée, certaines suggestions spéciales

impressionnent, en tant que suggestions appropriées à son cas, le

malade qui les repoussait à l'état de veille. Cette narcose convient,

en particulier, aux mentaux qui refusent de se laisser suggestionner

parles moyens ordinaires'; elle permet de les traiter malgré eux

et, en quelque sorte, à leur insu. De la narcose proprement dite,

sont justiciables les autosuggestions pathologiques et certaines

Ilétérosuggestions qui nécessitent une désuggestion minutieuse.

111. L'hyponarcose doit être réservée aux dégénérés intelligents,

douleurs, scrupuleux, inquiets, abouliques, obsédés, délirants,

impulsifs, fous moraux, impuissants. Ils ont conscience de lent-

cas pathologique ; ils le déplorent et voudraient bien en guérir,

mais leur obsession morbide les harcèle et empêche l'invasion de

l'hypnose. Mis en état d'hyponarcose, ils ont la notion que tous les

obstacles sont levés; le terrain est déblayé; la place est libre, table

rase est faite de tout ce qui s'oppose à la suggestion ; ils se sentent

aptes à être influencés; ils n'ont ni la volonté, ni la pensée de ré-

sister ; ils se sentent désarmés, pieds et poings liés; ils ne peuvent L

discuter; il faut qu'ils acceptent la suggestion; celle-ci s'impose

362 SOCIÉTÉS SAVANTES.

inéluctable. D'autre part, certains malades repoussent l'hypno-

tisme, arguant qu'il leur enlèvera'leur libre arbitre et les réduira

à l'état de machine ; ils acceptent sans répugnance cette hyponar-

cose qui, loin d'obscurcir ou de supprimer la conscience, la con-

serve et même l'exalte.

II y a plus. En dehors des indications précises énoncées ci-des-

sus, la narcose somnoformique constitue, pour toute l'étendue du

domaine psychothérapique, un procédé d'hypotaxie artificielle plus

facile, plus sûre et plus rapide que celle qu'on obtient par de sim-

ples moyens psychosensoriels.

Le mot « somnoforme n a été arbitrairement formé et s'est im-

posé dans la pratique, de même que, par exemple, antipyrine,

cryogénine, parodyne et autres du même genre. Sa terminaison

« forme » pourrait faire penser à tort qu'il s'agit d'un dérivé de

l'acide formique. Pour être plus exact, je dirais volontiers, au lieu

de suggestion somnoformique, suggestion chlorobrométhylique

ou, abréviativement, suggestion éthylméthylique.

Ongazzisation du service de médecine mentale dans les prisons.

M. IASOIN (Louvain). M. Masoin expose d'abord, en quelques

larges traits, l'ensemble de la situation martérielle et morale où se

trouvent les détenus criminels, au point de vue de l'éclosion des

maladies mentales; il fait ressortir, à côté des aspects funestes de

la vie du prisonnier, les circonstances favorables à l'intégrité phy-

sique et psychique, tellement que, dit-il, pour cetaines natures,

la prison assure une santé et une longévité qui auraient fait défaut

dans la vie libre; en effet, tel sujet demeuré libre aurait versé dans

les excès de la boisson, de la débauche et tous autres qui auraient

altéré son cerveau et même abrégé la vie.

Néanmoins, en Belgique comme partout ailleurs, l'aliénation

mentale est beaucoup plus fréquente dans les prisons que dans le

groupe social ordinaire. M. Masoin produit à cet égard des chiffres

officiels qu'il apprécie au passage.

A noter aussi, en passant, que le nombre des malheureux sé-

questrés en Belgique augmente comme ailleurs tellement que,

à une époque qu'on peut fixer par le calcul (si la progression con-

tinue à la même allure), tous les citoyens du pays seront aliénés,

soit d'ici à l'échéance, d'ailleurs lointaine, d'une quarantaine de

mille ans ! 1

M. Masoin raconte la création du service de médecine mentale

dans les prisons de Belgique, création due à un ministre éminent,

M. Jules Le Jeune. Il expose les variations survenues dans le déve-

loppement successif de ce mécanisme qui est unique dans le service

pénitentiaire; il discute la question soulevée au Sénat belge et a

l'Académie de médecine : l'utilité des inspections trimestrielles; il

SOCIÉTÉS SAVANTES. 363

signale surtout les réformes qu'il importe de réaliser : ainsi le

droit formel de provoquer une expertise devrait appartenir aux

médecins de la prison comme aux directeurs, et même devrait leur

être transféré : ainsi encore il conviendrait de créer un asile d'ob-

servation qui, naturellement, se placerait à côté du pénitencier

principal (la grande prison cellulaire de Louvain) il y aurait même

lieu de créer, vers le centre du pays (au lieu des positions excen-

triques de Tournai et de Mons), un asile spécial pour aliénés

criminels 1, conformément au voeu formulé par l'Académie royale

de médecine ; ainsi encore le Ministère de la Justice devrait recru-

ter les médecins des prisons parmi les docteurs qui auraient fait

des études spéciales de médecine mentale; car l'idéal serait que

chaque médecin de prison fût suffisamment spécialisé en cette

matière qui présente un si vif intérêt dans le régime pénitentiaire.

M Tn[';KEL(deSaint-Yon).)1 11 est étonnant de voir un chiffre si

bas parmi les aliénés condamnés.M.DxoDir-EAU (de Paris). -

Il sera difficile d'arriver à ce que les médecins de prison soient

tous aliénistes. -

M. Masoin (de Louvain). La réforme demandée n'est pas si

difficile à obtenir. Quant à la différence des statistiques de paraly-

tiques généraux criminels en France et en Belgique, c'est un fait.

M. BIDLOT. Les expertises ayant lieu en Belgique avaut la con-

damnation depuis plusieurs années, ce fait expliquerait la moindre

fréquence des paralytiques généraux criminels. M. M\soiN.

Les expertises remontent à une époque antérieure à la circulaire

ministérielle à laquelle il est fait allusion.

M. A. Marie parle des aliénés en liberté qui commettent des cri-

mes ou délits. Il demande qu'un groupe d'études soit constitué

pour en établir le relevé exact. A ce sujet il rappelle que les sui-

cides en Angleterre avaient été considérés comme en voie d'accrois-

sement, d'après les relevés de journaux : une étude très impor-

tante de M. J. Sibbald, présentée à la British Médical Association

à Edimbourg, ht justice de ces exagérations, en y substituant

l'examen scientifique des statistiques officielles des trente dernières

années. Semblable étude s'impose pour les crimes, à l'occasion du

rapport spécial de M. le 1), Keraval, à Pau.

Installation d'un pavillon d'isolement des aliénés tuberculeux à

l'asile d'Ai,me ? iliè2-es, par Chardon et Raviart. (Sera publié dans le

prochain numéro).

Un cas de retard de la parole par malformation anatomique chez

un arriéré ep : 7ept(/Me. Tentative de traitement chirurgical'.

M. Larrivé (de Meyzieux). L'an dernier, au Congrès de Gre-

' Nous croyons qne les asitcs ordinaires, bienorganises. peuvent suffire

à tous les points de vue, en particulier à celui de la sécurité publique. (B.)

364 sociétés savantes.

noble, j'avais l'honneur de vous entretenir de la fondation d'un

institut médico-pédagogique1 annexé à notre établissement, et je

vousfaisais connaître les heureux résultats que nous y avions obtenus.

Pour compléter cette étude, je voudrais vous entretenir aujour-

d'hui d'un cas de retard de la parole par suite de malformation

anatomique chez un de nos jeunes malades.

Voici le résumé de son observation : âgé de quatorze ans, l'en-

fant est entré dans le service en mars 1902. Épileptique et arriéré,

sa parole était presque incompréhensible, à cause d'une articu-

lation défectueuse et d'une mauvaise prononciation. Malgré une

conformation anormale de l'appareil phonateur (lèvres molles et

relâchées bave langue épaisse et courte), nous pensâmes

d'abord que des exercices méthodiques de gymnastique respira-

toire, labiale et linguale, suffiraient pour rendre plus intelligible

la parole de l'enfant.

Le succès parut d'abord répondre à notre attente; un léger pro-

grès se manifesta, mais ne s'accentua pas; les lèvres étaient

moins molles et plus obéissantes; par suite, amélioration de l'ar-

ticulation de certains sons comme b, f, v et des voyelles. La respi-

ration était plus régulière, l'inspiration plus profonde et l'expi-

ration mieux dirigée, d'où amélioration de la prononciation.

Mais, du côté du fonctionnement de la langue, aucun progrès.

Epaisse, elle était bridée par un frein très court, empêchant sa

pointe de s'élever vers les incisives supérieures ou le palais; par

suite, les sons t, d, n, n'étaient pas émis; d'autres, tels que s, z,

n'étaient pas nets.

Nous avons alors songé à tenter une opération capable de

libérer l'organe prisonnier et de le mettre en état de fonctionner

plus normalement.

Mon excellent confrère et ami, le Dr Bert, chef des travaux ana-

tomiques a la Faculté de médecine de Lyon, chirurgien à l'infir-

merie protestante, voulut bien examiner l'enfant et constata,

comme nous, une malformation anatomique empêchant l'allonge-

ment de la langue; il remarqua, au niveau du frein, trois cica-

trices dues à autant de tentatives de couper le fil. Nous fûmes

d'accord pour une intervention. Après une étude plusieurs fois

répétée sur le cadavre, le Dr Bert constata qu'on pouvait, en dis-

séquant la muqueuse, obtenir un allongement de la langue de

2 centimètres au minimum. L'opération fut faite dans les meil-

leures conditions : grâce à l'antisepsie buccale méthodiquement

et rigoureusement pratiquée, il ne se produisit aucun accident

post-opératoire. Le résultat anatomique prévu fut obtenu : par

des tractions opérées sur la langue, on obtint un allongement

1 Ces expressions, celle de Traitement médico-pédagogique, ont été

créées par nous. (B.).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 365

d'environ 2 centimètres. Mais, au point de vue physiologique,

nous constatâmes que, si l'enfant parvenait à amener spontané-

ment la pointe de la langue hors de la bouche (ce qu'il ne pouvait

faire auparavant), il n'était pas très maître des mouvements de

cet organe; il lui restait à apprendre à diriger sa langue et à s'en

servir pour parler comme le petit enfant apprend à se servir de

sa main pour saisir les objets. 11 fallait, dès lors, reprendre les

exercices de gymnastique linguale, ce qui fut fait; et nous avons

déjà pu constater une amélioration assez notable; mais le succès

final, définitif, que nous espérons bien obtenir, est retardé un peu

par l'apathie de l'enfant, et plus encore peut-être par la mauvaise

volonté avec laquelle il se prête aux exercices, il n'y a plus là

qu'une affaire de temps et de patience, et nous aboutirons.

Conclusion . Là où la pédagogie, réduites à ses seules forces,

échouait, la chirurgie obtenait des résultats. Lorsqu'il s'agit de

faire l'éducation de la parole, chez un sourd-muet, un entendant-

muet, un bègue, etc., la collaboration intime du médecin, du

chirurgien parfois et du professeur spécialiste est nécessaire pour

arriver au succès final; il en est du reste de même pour tous les

genres d'éducation. Dans tous les établissements d'instruction, la

place de l'homme de l'art est à côté du professeur, et ce ne sont

point seulement nos arriérés qui ont besoin d'une éducation mé-

dico-pédagogique, mais tous les enfants en général.

M. BOURNCVILLE. Le malade, dont M. le Dr Larrivé vient de

nous exposer l'histoire intéressante, montre la nécessité d'exami-

ner les enfants anormaux de la façon la plus minutieuse. La denti-

tion, la mastication qui a besoin d'être surveillée, même apprise;

la langue (hypertrophie, atrophie, perlèche, fissure-comme chez

les idiots Mongoliens brièveté du frein) et le palais au point de

vue de la déglutition et de la parole ; les amygdales, le pha-

rynx, sous le rapport des végétations adénoïdes qui, disons-le

en passant, font défaut chez les 8 myxoedémateux que nous

avons actuellement dans notre service mais se rencontrent chez

un certain nombre d'idiots, en particulier chez les idiots mon-

goliens, dont nous avons fait l'autre jour la description (1 sur 9)1.

' Voici d'ailleurs le résultat de notre examen du pharynx de nos

mongoliens : 1° Van de Çast.... amygdales normales, pas de végétations

adénoïdes; 2» Se,gur..., amygdales volumineuses, pas de végétations

adénoïdes : 3° Dourt..., amygdales volumineuses^, pas de végétations

adénoïdes : 4° Volfin ? amygdales normales, pas de végétations adé-

noïdes; 5°JaHH,... amygdales volumineuses, un peu de phayngVe;

pas de végétations adénoïdes; - 6- Cotl..., amydales volumineuses, pas

de végétations adénoïdes ! 7° Lebr..., amygdales volumineuses pas

de végétations adénoïdes ; 8° Jlun..., amyndales un peu volumi-

neuses, pas de végétations adénoïdes; 9° Mail..., amygdales un peu

volumineuses, végétations adénoïdes,

366 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les membres doivent être examinés au point de vue des para-

lysies, des parésies qui échappent parfois ', du rachitisme sur

lequel nous avons appelé l'attention dans la séance de lundi et

qu'on trouve à peu près toujours sinon toujours chez les myxoedé-

mateux infantiles. Les organes génitaux doivent être explorés afin

d'exiger une propreté constante qui permet d'éviter les accumula-

tions de smegma, les irritations locales (prépuce, anus, vulve), qui

s'accompagnent de prurit et amènent les enfants à se gratter et

ultérieurement à se masturber. On s'assure s'il y a des malforma-

tions (hypospadias, phimosis) qui justifient une intervention chi-

rurgicale. Donc, dans un certain nombre de cas, le chirurgien est

appelé à aider le médecin.

Le malade de M. Larrivé, bien que profondément atteint au

point de vue intellectuel, a été amélioré par le traitement médico-

pédagogique que nous avons décrit par le menu dans nos Comptes-

rendus de Bicêtre (1880-1902) et qui est appliqué à Meyzieux, par

un de nos auciens instituteurs de Bicêtre et de l'Institut médico-

pédagogique, M. Gandvilliers. Voici, à l'appui des résultats que

l'on peut enregistrer grâce à notre méthode de traitement et

d'éducation, quelques-unes des photographies collectives que nous

avons montrées l'autre jour. Elles représentent de 2 en 2 ans des

enfants atleints d'idiotie complète ou d'idiotie profonde et mon-

trent les heureuses transformations qui se sont produites. 11

s'ensuit qu'il ne faut parler d'incurabilité que quand on a,

pendant plusieurs années, appliqué régulièrement tout le traitement

médico-pédagogique comprenant : 1° les exercices physiques, a)

gymnastique des mouvements (avec chants, au tambour, à l'har-

monium ou au piano, avec la fanfare), des échelles fixes, et de

corde, des ressorts, des agrès; - b) la danse, les rondes ; -

c), l'escrime même; ti) le travail manuel; 2° le traitement

du gâtisme, les leçons de marche, d'habillement, de toilette, de

ménage, de préhension, etc. ; 3° l'éducation de la parole (pro-

cédés spéciaux, exercices de la respiration avec les barres d'entraî-

nement ; 4° les leçons de choses, non seulement en classe, mais

partout 2 - les leçons avec projections, depuis celles qui ont

pour but de fixer l'attention jusqu'aux leçons-conférences ; 4° les

1 Toutes les fois qu'un enfant a eu des convulsions, le médecin devrait

prendre de temps en temps les mesures comparatives des membres et

explorer la force musculaire car, ptesque toujours, en pareil cas, il y a

une inégalité des membres.

2 Rappelons à ce propos que dans notre service, les arbres, les arbus-

tes, les fleurs sont étiquetés : il devrait en être de même dans tous les

squares et paies, qui devraient servir aux leçons de choses et où les

enfants des écoles devraient être promenés par groupe. Tout le monde,

d'ailleurs, v trouverait bénéfice.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 367

exercices scolaires les plus variés, depuis l'A B C jusqu'à la prépa-

ration au certificat d'études.

Le traitement chirurgical qui reposait sur une hypothèse anato-

mique fausse, la M/Morose prématurée des os du crâne, est

aujourd'hui abandonné, heureusement, et nous y avons contri-

bué. La chirurgie doit intervenir dans les circonstances que nous

avons rappelées.

Lamë(ca<tO ? t</M/)'oM<6 ! tNerend d'énormes services, ainsi que nous

l'avons démontré par une communication précédente, dans l'idiotie

myxoedémateuse, l'idiotie mongolienne, dont nous avons vu hier

au Strop de Gand un beau spécimen, l'idiotie avec nanisme simple,

avec obésité ou avec infantilisme. (M. B... fait passer sous les yeux

des membres du Congrès des photographies collectives des malades

de chaque groupe).

Les résultats que nous a signalés M. le docteur Larrivé, les

nôtres, tant à Bicètre qu'à l'Institut médico-pédagogique mettent

hors de toute contestation qu'il est possible d'améliorer, de guérir

même, non seulement les arriérés, les imbéciles, mais aussi les

IDIOTS COMPLETS.

Notre but, en intervenant dans la discussion, est d'essayer de

dissiper les préjugés qui régnent dans l'esprit de beaucoup de

médecins sur l'incurabilité de ces malades car, à quelque groupe

qu'ils appartiennent, ces enfants sont des malades et relèvent

d'abord du médecin dont les pédagogues sont les auxiliaires, de

même que les infirmières. Ce qu'il faut organiser pour réaliser

cette réforme humanitaire, c'est : pour les plus atteints, des asiles-

écoles ; pour les moins malades et ceux qui ont été améliorés dans

les asiles-écoles, des classes ou- des écoles spéciales. 11 ne m'appar-

tient pas de dire mon rôle dans la réalisation de l'as-istance, du

traitement et de l'éducation des enfants idiots. Mais je puis signa-

ler les progrès accomplis dans des pays jusque-là en retard, l'Italie 1

et la Belgique. J'ai cité l'autre jour la création de classes spéciales

à Bruxelles (1897) et à Anvers (1899), grâce aux efforts de MM. les

D Demoor, Decroly, Daniel, Ley, de M. Lacroix, instituteur. J'ai

vu depuis, par une visite à l'établissement « Le Strop », à Gand,

sous l'aimable direction du D1' Maere et des frèresAmédée et Philé-

mon, une section, fondée il y a dix-huit mois, contenantcent enfants;

par une autre visite à l'établissement privé de M. Decroly, que la

seconde partie du programme, la création d'asiles-écoles, avait

reçu un commencement de réalisation et nous devons ajouter dans

' Il s'est créé une Ligue nationale pour la protection de l'enfance

anormale, sous la présidence du professeur l3onfiâli, en faveur de laquelle

l" la doctoresse IO\1'ESSORI, une de nos élèves, fait depuis plusieurs

années une très active propagande, allant de ville en ville faire des cou-

ferences pour obtenir des fonds et des adhérents.

368 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des conditions aussi parfaites que possible. Signalons enfin la

création d'une Société protectrice de l'enfance anormale, dont la

seconde assemblée générale s'est tenue en mars dernier.

Les réformes accomplies depuis quelques années en Belgique

font honneur à ce pays, qui, par les institutions qu'il a créées, par

celles qui vont l'être prochainement, peut être donné en exemple.

M. le Dr Decroly (de Bruxelles). Je voudrais me permettre une

remarque à propos de l'intéressante communication de M. Larrivé.

Je crois devoir insister, en effet, sur un point. C'est que le succès

obtenu par mon honorable confrère ne doit pas être considéré

comme un argument en faveur de l'intervention chirurgicale dans

les troubles du langage. Les faits rapportés gardent toute leur va-

leur, personne ne le conteste, seulemement il est utile de dire que

les cas où une opération quelle qu'elle soit puisse avoir un effet

curatif même partiel sont exceptionnels. Pour ma part je n'ai pas

encore eu l'occasion d'en rencontrer.

N'oublions pas à ce propos l'expérience malheureuse faite en ce

sens, il y a une soixantaine d'années pour guérir le bégaiement :

on se basa aussi à cette époque sur l'aspect anatomique anormal

de certaines langues de bègues pour préconiser soit l'excision d'une

partie de cet organe, soit la section d'un ou plusieurs de ses

muscles. Si l'on songe qu'à cette époque les méthodes anesthési-

ques, l'antisepsie et l'hémostase, dont nous disposons aujourd'hui,

manquaient, on peut se figurer qu'elles devaient être les suites les

plus fréquentes de ces opérations. Mais, même dans les cas heu-

reux, clnrurgicalement parlant, on s'aperçut bien vite que le ré-

sultat orthophonique était nul ; et la vogue de la méthode tomba

aussi vite qu'elle était montée. Ce faux départ eût surtout comme

conséquence de déprécier considérablement la compétence des

médecins dans la question du traitement du bégaiement et des

troubles du langage, dépréciation dont il ne s'est pas encore relevé

aujourd'hui.

Ce qui est vrai pour le bégaiement l'est plus encore pour la ma-

jorité des autres troubles du langage, où l'élément psychique do-

mine et où par conséquent le développement du langage est pour

ainsi dire inséparable de l'évolution des facultés intellectuelles. Il

y a plus, dans les cas mêmes ou l'obstacle est apparemment péri-

phérique il est exceptionnel que ce soit dans le muscle qu'il faille

voir la cause du mal. Sans doute il peut être contracture, paralysé

en totalité ou en partie, mais ces symptômes ne sont le plus sou-

vent que la manifestation extérieure d'un trouble, d'une lésion

plus ou moins grave des centres cérébraux et le chirurgien ne peut

rien obtenir.

Je puis vous montrer à ce propos la photographie stéréoscopique

d'enfants atteints d'une affection différenciée dans ces derniers

SOCIÉTÉS SAVANTES. 369

temps sous la dénomination de paralysie pseudo-bulbaire congéni-

tale. Je ne m'étendrai pas sur la symptomatologie qui caractérise

ces cas, mais tous deux ont cela de commun qu'ils sont presque

muets sans être sourds et que l'examen fait constater chez tous

deux une impuissance motrice très nette de la langue, des lèvres

et du voile du palais. Or, ces troubles sont tels qu'ils empêchent

tout langage articulé et que ces enfants sont moins bien lotis à cet

égard que les sourds mêmes. Malgré ce mutisme et malgré l'ap-

parence idiote qui résulte de l'inexpression de la face, ces enfants

peuvent ne pas être dépourvus d'une certaine intelligence et le

premier cas que je vous fais passer en est un exemple. En effet,

cet enfant qui, entre parenthèses, avait été considéré comme iné-

ducable et mené au point de vue médico-pédagogique d'une ma-

nière irrationnelle, a fait preuve depuis que je l'ai en observation

de facultés psychiques certainement suffisantes pour faire espérer

qu'il parviendra quoique muet à se suffire plus tard. Puisque le

moyen normal de communiquer avec ses semblables par la parole

lui manque, l'essentiel est de lui en donner d'autres et de les uti-

liser, pour lui donner les notions primordiales et développer ses

facultés.

Aucun traitement, je pense, médical ou chirurgical, ne peut lui

constituer de toute pièce les centres absents ou disparus et si

comme le montrent les photographies, je suis arrivé à lui faire

prononcer le p, et le 1 par des procédés mécaniques, je ne prévois

cependant pas qu'il arrive jamais à s'exprimer d'une manière un

peu courante et compréhensible. Or, c'est à cela qu'il faudrait

arriver pour parler d'un succès.

Pour conclure, et je suis convaincu en cela d'être de l'avis de

M. Larrivé, je dirai qu'il faut être très circonspect en matière de

traitement sanglant des troubles du langage, qu'on ne peut se baser

sur un seul succès ou demi-succès pour en étendre l'indication.

Un second fait ressort encore de la brève histoire que je vous ai

rapportée. Elle illustre parfaitement ce que disait M. Bourneville,

il y a un moment : il faut traiter tous les cas après les avoir exa-

minés d'une manière approfondie et dans presque tous, si l'on y

met le temps et la science voulus, on peut s'attendre à un résultat.

Or, ce résultat quel qu'il soit est un gain pour l'enfant, pour sa

famille et aussi pour la société.

Hystérie et morphinomanie.

M. Paul Sollier (de Boulogne-sur-Seine).-L'association de l'hys-

térie et de la morphinomanie est très fréquente. Elles peuvent

être l'une vis-à-vis de l'autre cause ou conséquence. Le plus sou-

vent l'hystérie est primitive. C'est elle qui amène la morphino-

manie. Une fois cette dernière constituée, elle entretient l'hys-

Arscmees, 2- série, t. XVI. 21

370 SOCIÉTÉS SAVANTES.

térie, en aggravant l'état d'engourdissement des centres nerveux,

caractéristique de la névrose. L'hystérie peut n'être que secon-

daire. Mais c'est très rare, si même cela existe. Il s'agit ordinai-

rement, dans les cas d'hystérie dite morphinique, d'un état hysté-

rique méconnu ou latent, qui se développe sous l'influence de l'in-

toxication morphinique, et qui peut apparaître au cours de la

morphinomanie. Le plus souvent, ce n'est qu'au cours de la

démorpliinisation, au moment surtout du sevrage, que les trou-

bles hystériques se montrent. Elle est, dans ce dernier, cas, assez

passagère et disparait très rapidement avec la restauration géné-

rale de la santé et le retour d'une activité organique très intense.

La morphinomanie au cours de l'hystérie primitive constitue un

état très grave au point de vue de la récidive. La personnalité

hystérique se combine à l'état morphinique, de sorte qu'il y a un

rapport difficile à détruire entre les phénomènes hystériques et

les phénomènes morphiniques. La morphine masque les troubles

hystériques; ceux-ci reparaissent dès que l'usage de la morphine

est suspendu, et ramènent aussitôt le besoin de morphine créé

par son administration dès que ces accidents se montraient. Il est

donc de toute nécessité de modifier la névrose hystérique si l'on

veut voir l'obsession de la morphine disparaître chez une hysté-

rique qu'on a traitée par la morphme. Il est surtout indispensa-

ble de savoir que les hystériques sont plus sujettes que les autres

névropathes à s'habituer à la morphine, que la morphine ne

calme clu'en apparence leurs accidents et ne fout que les masquer

en aggravant l'hystérie, qu'il s'établit avec la plus grande facilité

un rapport, difficile à détruire ensuite, entre les accidents et le

besoin de morphine, et qu'en conséquence on ne doit jamais

administrer de morphine à une hystérique quand il s'agit de phé-

nomènes hystériques, et qu'on ne ne doit même le faire qu'avec

la plus grande circonspection quand il s'agit chez elle d'accidents

non nerveux et douloureux qui en réclament habituellement

l'emploi. Donner de la morphine pour combattre des accidents

hystériques n'est pas seulement une faute thérapeutique, c'est

exposer le sujet à une maladie qui peut devenir une infirmité

incurable et même le conduire à la mort.

D'une sorte de léthargie des processus de. cicatrisation chez une

hystérique.

D9 hioNrsTrf : et Pailhas (d'Albi). Sous cette appellation, nous

désignerons un arrêt complet, mais transitoire, des phénomènes

de cicatrisation de la vaste plaie suturée de l'abdomen qu'avait

nécessitée l'ablation d'un fibrome utérin.

Comme on le devine, le sujet était une hystérique qui, à la

suite du traumatisme opératoire, ne se contenta oas de fournir

SOCIÉTÉS SAVANTES. 371

un épisode cicatriciel insolite, mais donna lieu à des accidents de

psychose, à des anomalies de température, de respiration, de cir-

culation, etc.

On connaît ou, tout au moins, on a déjà étudié l'influence des

vésanies sur la réparation des plaies, parfois ralentie dans les

états dépressifs, parfois aussi accélérée au cours de l'excitation

maniaque. L'hystérie, pour sa part, passe pour guérir et cica-

triser bien des plaies avec une promptitude quasi-miraculeuse 1.

Or, c'est à une modalité d'action inverse, à une sorte de syncope

locale des processus de réparation et de guérison que se rapporte

le cas suivant :

Résumé de l'observation : X..., célibataire, âgé de quarante et

un ans, hystérique à stigmates multiples, laparotomisée le

22 mars 1903 et présentant, dans les quatre jours qui suivirent,

une grande excitation délirante panophobique, en même temps

qu'une véritable dissociation des phénomènes thermiques, respi-

ratoires et circulatoires (température variant de 3'7°5 à 38°S, tan-

dis que le pouls était de 140 et les mouvements respiratoires à 40

environ). Au huitième jour, l'amélioration de l'état général, l'in-

dolence et les bonnes apparences de la région opérée engageaient

l'un de nous à enlever les fils appartenant au premier des trois

plans de suture pratiqués sur la paroi abdominale. Tout d'abord

la réunion parut complète et assurée, mais la désillusion fut

rapide : un petit effort de toux de la malade avait tout à coup

suffit à entr'ouvrir dans toute son épaisseur et sa longueur

(20 centimètres), la grande plaie dont les parois absolument étan-

ches et atones ne présentaient ni suppuration, ni exsudation san-

guine ou séreuse, ni commencement de reprise, ni bourgeonne-

ment appréciable. A la différence près du tissu adipeux ici blan-

châtre et d'aspect légèrement lardacé à sa surface, on eût dit une

entaille faite sur le cadavre. Le catgut était à peu près entière-

ment résorbé. En ce temps, la malade ne manifestait ni appréhen-

sion, ni souffrance. Une nouvelle suture, faite sous chloroforme,

amena la réparation normale dans les délais ordinaires, et, cette

fois, sans cortège de phénomènes délirants.

Le mécanisme de la conscience.

M. de VRirs (d'Amsterdam). La simple mémoire se développe

dans la couche optique et dans le corps strié.

La vue d'un objet et de ses marques particulières excite un cou-

rant nerveux sur quelques fibrilles optiques, et ces courants arri-

vent dans un nombre correspondant de cellules nerveuses du lobe

' Nous avons signalé bien des fois, après d'autres, par exemple Dela-

siauve, la prompte guérison des plaies, même très étendues chez les

épileptictues. (B.) .)

372 SOCIÉTÉS SAVANTES.

occipital. Si nous écoutons un mot parlé, quelclues fibrilles termi-

nales du nerf acoustique reçoivent de même un courant, et celui-ci

parvient à quelques cellules de l'écorce du lobe temporal, etc.

Mais les fibrilles du nerf optique sont interrompues dans leur

voie vers le centre par des cellules des noyaux de la couche

optique; de même les fibrilles du nerf acoustique,ont une discon-

tinuité par les cellules des noyaux du corps genouillé interne et

ceux du corps strié.

En acceptant qu'il y a de nombreuses communications anato-

miques entre les cellules des divers noyaux nommés, il arrivera

que, en voyant un objet et en écoutant son nom à la fois, les

deux courants s'allieront au moyen d'un courant secondaire, et

voilà que la correspondance est née entre la vue et fouie.

Conséquemment, si nous écoutons quelque temps après le nom

seul, nous nous rappellerons la sensation de la vue ; et par inver-

sion, si nous voyons l'objet, le courant excité, qui a atteint la

cellule correspondante, poursuivra sa voie, le long du chemin

irayé par le courant secondaire, et arrivera à la cellule, qui appar-

tient à la fibrille acoustique, et nous aurons la sensation du nom

autrefois écouté.

De cette manière il est possible que la vue d'un objet rappelle

la mémoire du nom, et que le nom écouté rappelle la mémoire de

l'objet. Avec le goût, la sensibilité de la peau, l'odorat, c'est la

même chose : la faculté de se rappeler repose sur la communica-

tion mutuelle entre les noyaux qui discontinuent les fibrilles des

divers organes des sens. La mémoire plus complète se développe

dans l'écorce elle-même qui s'agrandit depuis l'enfance de plus

en plus.

Si nous observons un objet avec ses marques particulières plu-

sieurs fibrilles optiques sont en action en recevant et conduisant

un courant, chacune pour soi; ces courants divers arrivent dans

des cellules correspondantes du lobe occipital, mais produisent là

des courants secondaires. Ainsi le groupe de cellules excitées dans

le lobe occipital seront alliées entre elles et causeront une

hyperhémie capillaire locale; jusqu'ici la même chose qui a eu

lieu dans un des noyaux de la couche optique; mais ensuite

nous tâtons l'objet, nous le goûtons et l'examinons encore d'au-

tres manières, cet ensemble de traitements nous donne l'idée de

l'objet, et, maintenant, nous avons obtenu connaissance de cet

objet. Voilà la base de notre savoir. '

Mais, qu'est-ce qui aura lieu dans l'écorce ? En tàtant, un grand

nombre de cellules nerveuses dans la circonvolution centrale est

mis en action et une hyperhémie locale est occasionnée; en goû-

tant l'objet, de même un groupe de cellules est excité dans une

autre partie des circonvolutions centrales; dans la partie qui

forme le centre du nerf gtosso-pharyngien et voici le résultat i

SOCIÉTÉS SAVANTES. 373

des courants secondaires allieront le long de fibres d'association

tous les groupes mentionnés, et dans le lobe occipital et dans le

lobe pariétal. Parce que nous avons aussi écouté le nom de

l'objet et de ses qualités particulières, des groupes de cellules

dans le lobe temporal sont de même alliés dans le processus.

Ainsi l'excitation d'un de tous ces groupes peut mettre en

action les autres, et faire rappeler la mémoire de l'objet et de ses

qualités.

De la même manière la mémoire de l'usage d'un objet est

éveillée, de même les positions succédantes dans lesquelles il se

trouve; et les pensées. les locutions, les réponses ordinaires des

hommes ne sont rien de plus que la mémoire à propos des

choses que l'on a vues et entendues et dont on a de l'expérience,

soit bonne, soit mauvaise, soit aussi de l'inexpérience.

Une autre manière de penser, de plus haute importance, c'est

de faire une conclusion de plusieurs données.

La conclusion est effectuée, au moyen d'un courant secondaire

nouveau, le long de fibres d'association qui allient un groupe de

cellules excitées à un autre groupe : ainsi donc la voie n'est pas

encore frayée.

Infantilisme myxsedémateux et maladie de 7 ? ec/tH ? t(fMsen.

M. HENnvMEtGE et E. Feindel (de Paris). Une jeune fille de dix-

huit ans se présente sous les apparences d'une grosse fillette, cour-

taude et lourdaude, de douze à treize ans. De petite taille, les traits

enfantins, le visage un peu bouffi, le corps enveloppé d'une forte

couche adipeuse et presque dépourvu de poils ; elle réalise bien le

portrait clinique de l'infantilisme myxoedémateux. Elle est indiffé-

rente, apathique, lente à penser, lente à agir.

En outre, on voit sur la partie supérieure de la cuisse gauche un

gros neevus angiomateux d'apparence cliéloïdienne; un lentigo

généralisé, plus serré en certaines régions, notamment au cou, et

deux ou trois taches café au lait de quelques centimètres carrés de

surface dans la région de l'omoplate gauche. Malgré l'absence de

toute tumeur cutanée et de tout neurofibrome, on doit songer à la

coexistence d'une forme incomplète de la maladie de Heckling-

hausen avec l'infantilisme du type Brissaud.

Neurofibromatose et myxoedème sont des dystrophies auxquelles

participe très largement le système tégumentaire ; il n'est pas

impossible d'entrevoir une même cause originelle aux symptômes

communs à ces deux affections. D'autre part, la pigmentation cu-

tanée a été considérée comme un témoignage de l'insuffisance

fonctionnelle des capsules surrénales du fait de la neurofibroma-

tose (Rpvilliod) ; enfin la fatigue, la torpeur physique et psychique

sont pat mi les signes les plus importants de la maladie d'Addison.

374 SOCIÉTÉS SAVVNTES.

Une troisième glande, l'ovaire, dont on sait les relations

étroites avec la thyroïde, parait aussi insuffisante dans le cas

actuel ; la malade est à peine réglée ; elle a souvent des bouffées

de rougeur comparables à celles des ovariotomisées.

Toutes ces coïncidences ne sont pas fortuites, et si l'on se rap-

pelle en outre les altérations de la pituitaire rencontrées dans

quelques cas d'infantilisme, on peut se demander si certaines dys-

trophies n'ont pas une origine poiygiandutaire. En tout état de cause

il y a lieu de rechercher les cas où, comme dans l'exemple précè-

dent, des symptômes de la maladie de Recklinghausen viennent

s'ajouter au syndrome de l'infantilisme myxoedémateux.

Le spasme facial ; ses caractères cliniques distinctifs.

M. Henry Meige (de Paris). - En dehors de toute notion étio-

logique et anatomo-pathologique, des caractères- cliniques pure-

ment objectifs psrmettent de reconnaître le spasme facial.

Voici un premier degré : la lace est d'abord calme, et ses deux

moitiés sont symétriques. Soudain, sur le bord libre de la pau-

pière inférieure d'un côté, apparaît un minuscule frémissement;

il gagne fibrille à fibrille tout l'orbiculaire inférieur : puis

le supérieur s'anime des mêmes palpitations, la fente palpébrale

diminue. Le phénomène dure quelques instants, puis la détente

survient, les frémissements s'effacent et disparaissent, les arcs

palpébraux s'arrondissent, la crise est terminée.

A undecré plus avancé les crises augmentent de fréquence et

d'intensité; elles débutent de la même façon par un frémissement

des paupières aboutissant si rapidement à la demi-occlusion que

les palpitations initiales peuvent passer inaperçues, d'autant plus

aisément que l'attention est attirée par les autres muscles du visage

qui entrent en jeu : quelques fibrilles de l'un, un faisceau de

l'autre, un troisième en totalité. Les contractions se succèdent en

nombre de plus en plus grand jusqu'à occuper la totalité de plu-

sieurs muscles, et de fréquence croissant jusqu'à produire une

sorte de tétanisation de toute la musculature d'une moitié de la face.

A ce moment, un côté du visage apparaît contracture, les rides se

creusent, la pommette est saillante, la commissure labiale tirée,

l'oeil demi-clos, mais cette contracture n'est pas uniforme : ici ou

là, des parcelles de muscles semblent animées de légères trémula-

tions. C'est une contracture frémissante.

Enfin, un troisième aspect clinique se trouve réalisé'lorsque les

crises précédentes sont très rapprochées, subintrantes. Toute une

moitié du visage présente sans rémission l'état de contracture fré-

7nissctzzle : sur un fond de contraction en masse qui semble défini-

tive, apparaissent, disparaissent, tantôt ici, tantôt ]et, des contrac-

tions parcellaires erratiques, petites palpitations faciales dont le

SOCIETES SAVANTES. 375

frémissement fugitif ne fait qu'effleurer, sans la modifier, la grimace

permanente, d'ailleurs elle-même inexpressive. Telles sont les phy-

sionomies cliniques que revêt le spasme facial à ses différents

degrés.

il est impossible de confondre ces mouvements convulsifs avec

ceux qui frappent d'emblée un ou plusieurs muscles, sans hésita-

tion, sans frémissements parcellaires, comme on l'observe dans les

tics. Ce tableau clinique est soumis à des variations individuelles.

Selon le sujet, selon l'ancienneté de l'affection, selon l'intensité de

la crise, on voit prédominer soit les contractions parcellaires, soit

la contracture. Celle-ci peut être presque permanente ; celles-là

peuvent être inappréciables au cours d un premier examen. Il im-

porte de rechercher toujours si elles ont existé antérieurement,

car il semble bien de règle qu'elles constituent la toute première

manifestation de la maladie, comme elles' sont généralement les

avertisseurs de la crise. Mais les deux phénomènes coexistent

aussi souvent, la localisation des phénomènes convulsifs est aussi

à retenir. Ils sont strictement limités au territoire du nerf facial, Ils

peuvent ne pas s'étendre -sur tout ce domaine, mais jamais ils

n'empiètent sur celui d'un autre nerf. La crise peut durer un ins-

tant ; mais les crises sont parfois subintrantes, il n'y a aucune ré-

mission : les accès peuvent survenir ou se prolonger pendant le

sommeil.

Il faut noter aussi l'inefficacité presque absolue des efforts de la

volonté et de l'attention sur le spasme. Exceptionnellement, une

pressante intervention corticale produit une légère inhibition, mais

incomplète, éphémère et non instantanée. Ces caractères purement

objectifs suffisent pour faire le diagnostic de spasme facial; celui-

ci doit être confirmé par les renseignements touchant l'étiologie,

l'évolution, la résistance de l'affection aux agents thérapeuti-

ques.

Une forme spéciale de spasme facial a été décrite dans des publi-

cations récentes du professeur Bernhardt (de Berlin), de Kewmark

(de San Francisco) et de Henri Frenkel (de Toulouse) ; ces auteurs

signalent comme une particularité anormale la présence de mou-

vements fibrillaires limités à la région spasmodique. Ce sont des

« frémissements », des « trémulations », des « vagues » muscu-

laies, si faibles qu'elles ne provoquent d'autre déplacement que

celui de la peau sous-jacente comparables, selon Bernhardt, à ce

que l'on a décrit dans la myokymie. Mais, dans le spasme facial.

la contraction musculaire est très variable dans sa vitesse et dans

son intensité, depuis la reptation fibrillaire ou fasciculaire qui se

traduit par une sorte d'ondulation pulsatile sous-cutanée sans dé-

placement de l'extrémité libre du muscle jusqu'à la décharge ex-

plosive qui, faisant brusquement tressauter un ou plusieurs fais-

ceaux des muscles de la face, déclanche des parcelles de grimaces,

376 SOCIÉTÉS SAVANTES.

d'ailleurs sans signification mimique. On peut donc supposer que

les mouvements dits fibrillaires font partie intégrante de la symn-

tomatologie du spasme; seulement, dans les cas de Bernhardt, de

Newmarkt et de H. Frenkel, les trémulations avaient acquis une

importance toute spéciale.

Les accidents convulsifs du spasme facial se présentent chez cer-

tains sujets avec les allures de ceux qu'on a coutume de rattacher

- faute de mieux à des névroses et plus spécialement à l'hys-

térie. Mais il ne faut pas oublier que la physionomie clinique d'un

phénomène morbide porte toujours le cachet des réactions per-

sonnelles du sujet qui en est atteint. De lit tant de variantes indi-

viduelles qu'on rencontre à chaque pas en clinique et dont le spasme

facial n'est pas plus exempt que les autres affections. L'hystérie ou

toute autre névrose ou psychose n'est pas une sauvegarde contre

les affections organiques, et le spasme facial- est de ce nom-

bre. En pareil cas, les symptômes qui appartiennent en propre à

la maladie organique perdent de leur individualité. Leur diagnostic

est plus ardu. Il n'en est que plus nécessaire d'apprendre à recon-

naître leurs caractères objectifs.

Les Congrès ont besoin de la presse. Sans la publicité

qu'elle donne à leurs'travaux, leur action serait bien res-

treinte. Il est donc du devoir et de l'intérêt des Comités d'or-

ganisation d'abord, puis des Bureaux (président, vice-prési-

dents, secrétaires, etc.) de faciliter l'eeuvre des journaux, en

particulier des journaux de médecine.

Le Congrès des aliénistes et neurologistes de Bruxelles.

dont le nombre des adhérents a dépassé celui de ses aînés, a

cherché à réaliser ce programme. Grâce au secrétaire-géné-

ral, M. le D1' Crocq, les rapports sur les trois questions pro-

posées ont été distribués à temps et la grande majorité des

auteurs de communications ont remis au secrétariat un

résumé quia été imprimé d'urgence et distribué à temps aux

journalistes et aux congressistes. Nous espérons que M. Crocq

prendra les mesures nécessaires pour envoyer les deux exem-

plaires d'usage des travaux du Congres aux journaux de

médecine qui, en insérant les avis du Comité et en faisant le

compte-rendu des séances, ont contribué au réel succès de la

session de Bruxelles.

Les excursions scientifiques à Gheel, à Spa, à Lierneux, les

promenades aux grottes de Iiochefort, de Ilan, sur la Meuse

de Dinant à Namur, ont été très bien organisées, tâche diffi z

cile. La dernière journée (8 août) s'est terminée par un ban-

1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 377 -1

quet offert par l'infatigable président, toujours à son poste,

M. le professeur FRANCOTTE, à l'hôtel Métropole où avait déjà

eu lieu le raoût donné par M. et M-0 Crocq, et le banquet du

Congrès. Notre ami M. le professeur Pitres a remercié le pré-

sident en excellents termes.

Le lendemain a commencé la partie extra-scientifique du

programme, heureusement ajoutée par M. Crocq. Un grand

nombre de congressistes y ont pris part, d'abord visite de

Bruges, de BIankenbergetd'Ostende. Les municipalités de ces

deux dernières villes ont reçu officiellement, de la façon la

plus cordiale, les congressistes. Du 10 au 15 août aeu lieu l'ex-

cursion en Hollande sur laquelle M. le D' Laignel-Lavasline

a bien voulu nous donner ses impressions.

En terminant, nous devons féliciter MM. Francotteet Crocq

pour la bonne organisation du Congrès ; remercier tous nos

confrères belges de leur accueil tout à fait confraternel 1.

BOUIt\E1'ILLE.

Lettre d'Anvers.

Monsieur le Rédacteur en chef,

L'excursion en Hollande, organisée par MM. Francotte et Crocq,

les aimables président et secrétaire du XIIIO Congrès des .Médecins

aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue fran-

çaise, vient de se terminer en gerbes de bravos.

Les jours heujeux n'ont pas d'histoire pour ceux qui ne les ont

pas vécus. Aussi, de nos promenades sur les canaux miroitants, au

milieu des prés verts où poussent à l'horizon des mâts de navire

et des moulins à vent, et de nos stations dans les musées où bril-

lent, peintes sur les toiles et les panneaux, les visions de couleur

et de vie des grands maîtres disparus, n'ai-je l'intention de noter

que quelques courtes remarques médicales.

Médecins et aliénistes, nous avons visité à Méremberg, sous la

conduite de son aimable directeur, M. le docteur J. van Deveuter,

un asile-modèle d'aliénés. Médecins, et quelque peu curieux de la

grande peinture flamande et hollandaise, connue déjà avant qu'on

l'ait vue, nous avons remarqué, dans ses temples de La Haye,

d'Amsterdam. d'Harlem et d'Anvers, quelques tableaux qui pré-

' Nous avons fait tous nos efforts pour donner un compte-rendu aussi

exact que possible du Congrès. Nous faisons appel à nos collègues pour

nous permettre de le compléter s'il y a lieu.

378 SOCIÉTÉS savantes.

sentent, à côté de leur très grande valeur artistique, un petit inté-

rêt médical.

A Méremberg, près de Harlem, nous avons trouvé, dans un parc

égayé de pièces d'eau, plusieurs pavillons qui ont plus l'airde cha-

lets que de quartiers d'aliénés. Dans chacun d'eux, nous avons vu,

dans des pièces riantes, d'une propreté devenue proverbiale, et or-

nées de gravures et de fleurs, des malades, couchés ou assis, gar-

dés par de jeunes infirmières au torse dessiné par de grands ta-

bliers blancs qui, épingles sur la poitrine, descendent en avant

jusqu'aux pieds. Dans ce séjour paisible, où règne une atmosphère

de douceur faite du calme des bois, de la verdure des gazons, et

de la présence de femmes dévouées au service des malades, on con-

çoit que les aliénés trouvent la sédation que ne peuvent leur don-

ner, par exemple, la plupart de nos casernes-prisons françaises,

où nous mettons nos fous. Il ne faut d'ailleurs pas voir dans l'iii-

fluence heureuse de l'infirmière sur l'aliéné, une vertu magique.

Si l'aliéné laisse prendre sur lui un grand ascendant à l'infirmière

hollandaise, c'est qu'elle n'a-pas seulement les qualités féminines

banales qu'on trouve dans nos infirmières des hôpitaux parisiens,

mais issue d'une couche sociale plus élevée, fille de pasteur, de

marchand, de bourgeois ou de médecin, elle fait du soin des ma-

lades une carrière, elle y apporte ce tact de la jeune fille instruite

qui est l'intelligence du coeur, et acquiert ainsi, aux yeux de son

malade, une autorité qui manquerait totalement chez nous. Mais,

pour avoir de telles infirmières, il faut bien les payer et les loger.

Nous avons visité leur maison, qu'on appelle « la maison des

Soeurs », quoiqu'elles n'appartiennent pas à d'autre ordre qu'a ce-

lui de la charité; c'est une charmante villa où les premières soeurs

ont chacune leur appartement formé de plusieurs pièces; où les

soeurs subalternes, les toute jeunes enrôlées, ne sont pas parquées

dans d'horribles dortoirs, mais habitent de charmantes chambres

toutes vernissées, et où sont installés, comme dans un cercle, des

salles de travail, des salles de lecture, un salon et une salle à man-

ger. Ces conditions matérielles offerles produisent une sélection

qui seule permet l'application du système. A ce tableau tout de lu-

mière, il faudrait ajouter quelques ombres pour qu'il fut tout àfait

ressemblant : il y a des cellules qui servent parfois, et des malades

qu'il faut attacher, comme partout ; mais la critique vraie doit

surtout montrer ce qu'il y a de bon dans les choses; le mal se voit

toujours assez.

Dans les musées, nous avons retrouvé tous ces exquis tableaux

de Steen, Van Ostade, Brake'nbourgh que M. Meige a si finement

SOCIÉTÉS SAVANTES. 379

analysés dans ses études de la. Nouvelle Iconographie sur les « Pier-

res de tête », « les Médecins Urologues» et « le mal d'amour», nous

avons admiré dans le Christ à la paille de Rubens, la flaccidité li-

vide de la chair morte, nous avons relevé les détails amusants d'une

amputation de la jambe au tiers supérieur, nous avons enfin,

dans l'oeuvre formidable de Ilembraudt, cueilli quelques détails

médicaux.

« L'amputation de la jambe » est un grand tableau du musée

d'Anvers, dû à Francken, autant qu'il m'en souvient, qui n'ac-

croche pas le regard par sa très grande valeur picturale, mais

qui intéresse le médecin, car la scène se passe dans une grande

salle d'hôpital dont le fond est occupé par un lit, et surtout le

chirurgien, car les détails de l'opération sont nettement précisés.

L'amputation est terminée; la surface de section apparaît rouge

vif, l'hémostase est faite par la compression manuelle de la po-

plitée et de plus, la peau immédiatement au-dessus, est serrée par

un lien circulaire, et l'on comprend difficilement comment celte

peau, coupée au ras des chairs, sans avoir été tirée en arrière,

pourra recouvrir la surface cruentée. A côté de l'amputé, est la

jambe malade : elle présente à sa face antéro-interne une longue

ulcération à contours sinueux : la malléole interne est à nu ; l'ulcé-

ration remonte jusqu'à la partie moyenne de la jambe; les tissus

au dessus de .l'ulcération paraissent sains. Le diagnostic ne sem-

ble pas douteux; on pourrait, un instant, envoyant t'age déjà

avancé du malade dont le visage est ridé, penser que l'on a affaire

à une gangrène séuile, mais le membre amputé n'en a pas les

signes; il faut donc admettre un ulcère variqueux, et la jambe

de bois, qu'un aide tient dans ses mains, rendra bientôt plus de

service au malade que sa jambe toujours ulcérée. Par terre sont

les instruments qui ont servi à l'opération : une scie à champ

tourné dont le modèle est d'hier et un énorme rasoir qui a dû

remplacer le couteau d'amputation. Enfin, derrière le malade,

sont alignées trois bassins de cuivre remplis de liquide sanslant.

Nous avons vu « la Leçon d'Anatomie » à La Haye, avant les su-

jets analogues du musée d'Amsterdam. Nous connaissions trop la

«Leçon d'Anatomie» pour être étonnés au premier moment, mais à

mesure que le tableau, longuement regardé, nous a permis de nous

abstraire des images antérieures que nous en avions par les gravures,

les reproductions elles photographies, nous avons été saisis par la

prodigieuse exécution du cadavre. Et il y aurait tout un paral-

lèle à faire entre ces deux cadavres de Rubens et de Rembrandt,

l'un tout voisin encore de la mort, comme on le voit à l'hôpital,

l'autre devenu matière à dissection, d'où l'on sent que depuis long-

temps déjà la vie s'en est allée.

Les Leçons d'Anatomie du musée d'Amsterdam, à part celle de

Troost, n'ont pas grand intérêt. Elles pourraient tout au plus ser-

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

virde repoussoir à celle de Rembrandt, qui n'en a, d'ailleurs, nul

besoin. Au contraire, le fragment d'une Anatomie de Rembrandt,

qui fut en partie brûlée, retient l'attention, non seulement par le

souvenir qui s'attache à tout portique maintenu seul debout d'un

temple disparu, mais parce qu'il représente, dans son réalisme

puissant, la scène de l'autopsie telle que nous la vivons chaque

jour à l'hôpital. Le cadavre, vu de face, en raccourci, les pieds en

avant, a l'abdomen ouvert et vidé de ses viscères; le thorax est in-

tact, la peau du crâne a été incisée sur la ligne médiane depuis

le milieu du front jusqu'à l'occiput; la boite crânienne a été sciée

selon la ligne ordinaire et la calotte repose sur le pôle de sa con-

vexité, à côté du cadavre. L'opérateur, placé dans le fond du ta-

bleau, est en train d'enlever la faux du cerveau, après l'avoir dé-

sinsérée àl'une de ses extrémités, et l'on voit la membrane, rougie

par le sang, se dégager peu à peu du sillon interhemisphérique.

Ce tableau parait dater d'hier ; il aurait pu illustrer le récent

traité des autopsies de M. Letulle.

A La Haye, nous avons fait de la clinique psychiatrique devant

le Saiil de llembrandt.

La lectute de la Bible ne permet pas de poser sur la folie de Saiil,

d'autre diagnostic que celui de folie périodique. On peut en juger :

11. Or, l'esprit du Seigneur se retira de Saiil; et il était agité du malin

Esprit envoyé par le Seigneur.

15. Alors les officiers de Saut lui dirent : tu vois que le malin Esprit,

envoyé de Dieu t'inquiète.

16. S'il plait à notre Seigneur, tes serviteurs qui sont auprès de ta per-

sonne chercheront un homme qui sache jouer de la harpe, afin qu'il

en joue lorsque le malin Esprit envoyé par le Seigneur t'agitera, et que

tu en reçoives du soulagement.

17. Saut dit doucà ses officiers : cherchez-moi quelqu'un qui sache bien

jouer de la harpe, et amenez-le-moi...

21. David vint donc trouver Saul, et se présenta devant lui. Saul l'aima

beaucoup et le lit son écuyer...

23. Ainsi toutes les fois que l'Esprit malin envoyé du Seigneur se sai-

sissait de Saul. David prenait sa harpe, et en jouait; et Saiil en était

soulagé, et se trouvait mieux; car l'Esprit malin se relirait de lui.

Les Rois. Livre 1. Chap. xvi.-

Rembrandt, à travers le Livre, a saisi la vie. Au lieu d'un Saiil

de convention, roi banal de légende sans relief et sans intérêt,

comme celui de Lucas van Leyden, du musée d'Anvers, parexemplp,

il peint la folie, dans la facture large de l'apogée de son génie

qui savait rendre le tout des choses par la seule expression des

« faits privilégiés », comme disait Bacon.

Coiffé d'un large turban, vêtu d'un manteau flottant, Saut est

assis dans une attitude un peu figée, passive et comme affaissée,

pendant que David joue de la harpe. Très amaigri, les pommettes

BIBLIOGRAPHIE. 381 I

saillantes, le teint terreux, le front plissé, l'oeil droit immobile et

comme fixé dans le lointain, Saul penche un peu la tête pendant

qu'il s'essuie l'oeil gauche avec un pan de son manteau. Et l'on

pense immédiatement à ces mélancoliques qui se tiennent à l'écart

dans des attitudes de tristesse et dont les yeux, aux pupilles sou-

vent dilatées, reflètent la douleur intérieure qui les accable.

Le Saut de Rembrandt est un mélancolique; ce diagnostic nous

semble acceptable, autant du moins qu'il est possible d'après le seul

examen d'une ligure.

En terminant, voici, une dernière remarque. Elle porte sur l'ex-

tension des orteils et particulièrement du gros orteil de l'Enfant

Jésus dans quelques Adorations des Mages. Cette scène, reproduite

avec prédilection par les primitifs flamands, comme par les autres,

est presque toujours traitée de la mêmefacon; très souvent un des

rois mages tient dans sa main la plante du pied de l'Enfant, et dans

la plupart de ces cas, l'extension du gros orteil est très nettement

dessinée. Nous en avons vu plusieurs exemples dans les musées de

Belgique et de Hollande, nous en avons vu d'autres ailleurs, par-

ticulièrement dans un panneau sur bois d'un primitif espagnol de

la cathédrale de Burgos. Certes, ou connait la fréquence des mou-

vements spontanés d'extension des orteils chez les bébés; il était

donc impossible que les primitifs ne les aient pas reproduits; néan-

moins ce geste nous a paru digne d'être noté ici, aujourd'hui que

tout le monde s'intéresse au signe de Babinski '.

Bien à vous, M. Laigxel-Lavasiine.

BIBLIOGRAPHIE.

XXV. L'Année psychologique, publiée par M. A. Bmsr. 1 vol. in-80-

de '760 pages, 8° année (1902). Schleicher père et C ? Paris.

Comme les années précédentes, cette intéressante publication

comporte trois parties distinctes : la première partie, consacrée

aux mémoires originaux, nous offre d'importantes communica-

tions signées Henri, Ch. Feré, Bourdon, Binet, etc.

La deuxième partie comporte de succintes analyses des princi-

paux ouvrages français et étrangers parus sur l'anatomie et la

physiologie du système nerveux, sur la psychologie proprement'

dite, tant animale qu'humaine, et sur la psychologie patholo-

gique. 11 nous suffira de dire que presque toutes ont été faites par

' Voir le programme détaillé de l'excursion eu Hollande dans le numéro

d'août des Archiees.

382 · BIBLIOGRAPHIE.

M. A. Binet, pour en faire connaître la valeur. La troisième

partie est une table bibliographique où nous trouvons rénuméra-

tion de tous les travaux ayant trait à la psychologie, depuis les

articles parus dans les périodiques, jusqu'aux mémoires présentés

aux divers Congrès et aux ouvrages de longue haleine édités dans

le monde entier.

Est-il besoin d'insister sur l'intérêt que présente cette publica-

tion qui permet de se tenir au courant des piogrès constants de la

science psychologique. J. B.

XXVI. La théorie de l'émotion; par W. James, traduit de l'anglais,

précédé d'une introduction par le D G. Dumas. 1 vol. in-18, de

la a Bibliothèque de philosophie contemporaine, Paris, F. Alcan, 1903.

En nous présentant une traduction de ce que William James a

écrit sur l'émotion, le Dr G. Dumas dans une introduction qui est

un véritable exposé de la théorie émotionnelle du psychologue

américain, tient à dissiper la confusion courante que l'on fait des

idées de ce dernier avec celles du médecin danois Lange. Tous

deux, il est vrai, ont surtout aperçu dans l'émotion le côté physio-

logique, mais tandis que Lange n'a pas vu ou voulu voir le senti-

ment spécial de plaisir ou de peine qui se surajoute aux sensa-

tions dont le complexus constitue l'émotion, James en reconnaît

l'existence tout en essayant de la concilier avec le caractère péri-

phérique de l'émotion. A cette théorie s'oppose la théorie intel-

lectualiste de Herbart et son école exposée avec netteté par l'au-

trichien Nahlosky, pour qui les changements organiques n'exis-

tent qu'à l'état de réflexes. rad 1

Pour W. James, les causes générales des émotions sont essen-

tiellement physiologiques. L'émotion suit l'expression physique et

n'est constituée que par la perception des changements qui se

produisent en nous. Que ces changements disparaissent et l'émo-

tion s'évanouit. Le psychologue américain reconnaît l'impossibi-

lité de soumettre sa théorie à une épreuve expérimentale, mais il

répond victorieusement aux objections qu'on pourrait lui opposer.

Le D'' Dumas ne discute pas l'opinion de James, il s'est simple-

ment borné à publier une traduction scrupuleuse de tout ce qui

avait été écrit par lui sur cette question; là est le mérite du livre,

il permet, en effet, de comprendre une thé''ne,qui parait d'abord

paradoxale et qu'on finit par accepter, en attendant mieux.

J. Boyer.

VARIA.

Laïcisation DE la Maison nationale DE Charenton

Cette réforme aurait dû être réalisée en même temps que

la laïcisation des établissements nationaux de Vulcennes, du

Vésinet, des Jeunes Aveugles et des Sourds-Muets, c'est-à-dire en

1888. Malheureusement sur les conseils fâcheux et non motivés, et

malgré notre insistance, Floquel prit un arrêté, à longue date,

sur le fâcheux conseil de Napias, fixant la laïcisation de la Maison

de Chareutonenjuitlet 1889. Or, à la fin de janvier 1889, C'loquet

était renversé et Constant, sur l'intervention de la présidence, ne

donna pas suite à la mesure projetée. M. Combes a décidé que les

religieuses s'en iraient le 30 septembre. Le personnel laïque est prêt.

Inspecteurs DES établissements d'aliénés DE la Seine

I. Asiles publics.

384 FAITS DIVERS.

blanc, s'est tiré un coup de revolver dans la tempe droite, la balle

est sortie par le sommet de la tête. L'adjudant Thoron était origi-

naire de Bretagne, il avait trente-cinq ans. Depuis quelque années,

il s'adonnait àj'absinthe et on croit que c'est dans un accès de

delirium tremens qu'il s'est donné la mort. (Le Progrès de Lyoit,

10 juillet 4903).

FAITS DIVERS.

Enfant parricide. A. Doyen, treize ans, de Bruay, près Valen-

ciennes, a tué ou contribué à tuer son père qui, rentré ivre, cher-

chait dispute à sa mère.

L'esprit DES autres. « En France, quand on s'engage dans une

voie inexplorée, serait-elle la plus avantageuse de toutes, il est

long et malaisé de se faire suivre. » (lIamonic, Itw. Clia. d'Aatdrol.

et de gynécologie, 1903, page 22G). « Non seulement les gens

timides n'aiment point à rougir, mais encore ils ont peur de faire

rougir les autres » (Alex. Dumas, L,s Louves de Machecoul, t. Il,

p. 230).

La guerre A l'alcoolisme. Un pharmacien de Rtayc, M. Cap-

martin, éprouvant le désir de lutter contre les progrès de l'alcoo-

lisme, a pensé que la carte postale illustrée serait un merveilleux

moyen de propagande pour ses salutaires idées.

Il a donc demandé aux « artistes » de lui fournir des illustrations

pour de justes devises telles que : « L'absinthe est de l'épilepsie en

bouteille » ; « sur cent phtisiques, on compte soixante et onze

alcooliques ». Un seul artiste répondit à son appel, un modeste

professeur de dessin. Cinq cent mille cartes postales furent tirées :

un mille seulement se vendit au prix modique de cinq francs le

cent. Malgré cet échec, M. Capmartin ne renonce pas à son projet. Il

voudrait que l'Assistance publique s'y employât. 11 la supplie d'or-

ganiser, entre les artistes notoires, un concours sérieux avec pri-

mes et de répandre à profusion les cartes postales ainsi obtenues.

Il paraît qu'en Belgique plusieurs sociétés de tempérance ont eu

recours à ce stratagème et qu'il a donné des résultats appréciables.

(Le Français, 29 août 1903.) .

, Ge réclacleor-réraal : l3oowrvu.i.e.

Eurent, Cit. HÉaissay, imp. - 8-1003.

Vol XVI. Novembre 1903. ? 95.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

THÉRAPEUTIQUE.

Un cas de guérison complète de cécité (/teMna;MOpS ! e) ?

Par S. TCHIRIEV

Au commencement du mois de novembre de l'année dernière, je

fus invité chez le malade A. D., âgé de vingt-deux ans, étudiant de

l'école polytechnique Empereur Alexandre II, à Kiev. Le jeune

homme est le second fils de la famille ; il est d'une taille extraordi-

nairement grande (192 ctm.), plus grande que celle de ses parents

mais en même temps d'une constitution parfaitement proportion-

nelle.

A ? ia ? 2zesis. J'appris du malade et de ses parents qu'en été

1895 le patient en faisant une course sur le vélocipède fit une chute

et reçut un choc sur la tête choc -si violent, qu'il en perdit con-

naissance, et qu'on fut obligé durant plusieurs jours de lui appli-

quer de la glace sur la tête. Jusqu'alors il avait été un des premiers

élèves, et l'étude lui était très facile. Dès l'automne 1895. quand il

se trouva dans la cinquième classe, il n'étudia plus aussi bien qu'au-

paravant, devint apathique et ne vit pas bien de temps en temps.

Dès lors, il souffrit, en outre, quelquefois des douleurs à la tête,

qui se concentraient principalement dans la partie postérieure ; cela

arrivait le plus souvent a la suite des lectures sérieuses, deman-

dant des efforts intellectuels. En novembre 1901, il remarqua un

affaiblissement évident de la vue, ce qui l'oppressa vivement. Mais

cet affaiblissement ne fut pas de longue durée. En juin 1902, un

jour qu'il se mirait, il découvrit à son grand étonnement, qu'il

n'apercevait pas l'image complète de sa personne et depuis il cons-

tata un affaiblissement graduel de la vue.

Au commencement du mois de septembre 1902, le patient con-

sulta un spécialiste pour les maladies des yeux; celui-ci déclara

qu'il n'avait aucun remède contre l'affaiblissement de la vue en

question, voulant probablement signifier par là l'origine centrale

du mal. Plus tard, au mois de septembre de la même année, le ma-

Aucmves, 2° sFrie, t. X\'I. 25

386 THÉRAPEUTIQUE.

lade fut exploré par un autre^spécialiste, qui trouva les symptô-

mes de amblyopitt nicotiazzn, défendit au malade l'usage du tabac

et lui conseilla le mouvement en plein air. Il lui prescrit en outre

l'électrisation et des injections sous-cutanées de strychnine.

Vers le 18 octobre de la même année, le médecin du malade in-

vita un neuropatliologue, et tous les deux tombèrent d'accord qu'ils

avaient en ce cas affaire à l'acronaegalie et que l'affaiblissement de

la vue était la suite de cette maladie. Ils prescrivirent la frankh-

nisation de la tête et des yeux et Natrium lodatum en dedans.

Sous l'influence de ce traitement l'état du malade ne s'améliora

pas, bien au contraire, l'affaiblissement de la vue s'augmenta en-

core.

A la fin d'octobre on réunit un consilium, auquel prirent part

plusieurs spécialistes, entre autres le docteur J.-ll. llene. Le

UN CAS DE GUERISON COMPLETE DE CECITE. 387

docteur J.-Il. Hene fut d'avis que la cause de l'affaiblissement

de la vue était d'origine centrale, attendu que l'ophtalmoscopie

des deux yeux donna un résultat purement' négatif, de même que

l'investigation des milieux transparents de l'oeit. Les autres mem-

bres du consilium admirent en ce cas l'acromegalie et comme dans

cette forme du dérangement de la nutrition du cerveau l'hypophi-

sis cerebri s'augmente, ils furent d'avis que le dépérissement de la

vue pouvait dépendre de l'hypophisis augmenté. A la suite de quoi

furent prescrits les injections sous-cutanées de strychnine dans la

face et en dedans les préparâtes d'iode et l'extract d'hypophisis

cerebri ! . Encore la célèbre organothérapie ! ' ,

' Professeur S. Tchiriev, Sur le traitement de morbus Basedowii, Ar-,

chives russes de pathologie, etc., de M. le Professeur V. Podwyssotskv.

t. V, 1898 (russe). ' '

388 THÉRAPEUTIQUE.

Cependant l'affaiblissement de la vue s'augmentait toujours, le

champ visuel des deux yeux, celui de l'oeil gauche surtout, se rétré-

cissait de plus en plus; il s'yjoignit de violentesdouleurs à la tète

qui furent accompagnées de douleurs fulgurantes dans l'oeil gau-

che. Attendre encore était impossible, le praeparat d'hypophisis ce-

rebri ne pouvait être obtenu nulle part dans la ville, les parents

s'adressèrent à moi.

grande taille; il ne peut se tenir debout un temps tant soit peu

considérable les yeux fermés comme les yeux ouverts, les jambes

se joignent ; il ne peut non plus rester debout sur le pied droit seul;

la coordination du mouvement est normale. Le réflexe pharyngien

est normal, les réflexes rotuliens sont très affaiblis, presque com-

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 389

plètement abolis. Les sensibilités cutanée et sensorielle ne sont pas

altérées.

L'exploration que le docteur 7.-H. Hene avait faite le la novembre

)903, à l'aide du périmètre de main, présente le tableau suivant :

(Fig. 18, dex. et sizz.) Dans l'oeil droit on n'a obtenu qu'une partie

du champ visuel. Au diamètre vertical du champ visuel la vue pé-

riphérique vers haut s'étend jusqu'à 45°, vers le bas- jusqu'à 40°,

au diamètre horizontal vers le dehors-jusqu'à 75°, vers le dedans

- jusqu'à 10°. La perception de la couleur rouge s'étend au diamètre

horizontal vers le dedans jusqu'à 5°, au diamètre vertical vers le

haut et vers le bas jusqu'à î5° et au diamètre horizontal vers le

dehors jusqu'à 10°. La perception de la couleur verte s'étend dans

toutes les directions jusqu'à environ 5°. Avec l'oeil droit le patient

déchiffre le 14 des tables de Jàger. La vue périsphérique de l'oeil

Fig.-2\. 1.

390 . THÉRAPEUTIQUE.

gauche est encore plus rétrécie. précisément vers le haut elle s'é-

tend jusqu'à 44°, vers le bas jusqu'à 35°, vers le dehors jusqu'à 10°,

vers le dedans jusqu'à 40°. Le patient ne distingue les couleurs

qu'au centre du champ visuel et quant à l'intensité de la vue il

peut reconnaître seulement le mouvement des doigts tout près ;

l'ophtalmoscopie des deux yeux ne découvrit aucunes modili-

cations sensibles, on constata seulement une faible lueur blancba

tre des parties extérieures des deux papilles nervi optici. Les yeux

ont leur mobilité normale, la pupille droite est plus grande que la

gauche, et les deux pupilles réagissent très faiblement sur la lu-

mière.

Le pli nasolabial droit est moins profond que le gauche. Le ma-

lade souffre ordinairement de constipation, la langue est chargée,

l'urine a la réaction presque neutrale et est un peu trouble. 11 y a

Fin. 21>.

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 391

des jours, où le patient ne peut point uriner le matin et ressent

ence moment des douleurs aiguës dans la vessie pleine. Le malade

ne souffre pas de syphilis : ni héréditaire, ni acquise.

La semaine précédente le malade avait eu de violentes douleurs

a la tête, surtout dans la partie postérieure, qui étaient accompa-

gnées des douleurs fulgurantes à L'oeit gauche. Quelquefois le pa-

tient avait des paresthésies dans la nuque, à la surface postérieure

du cou et dans les mains (la sensation des fourmis).

Diagnostic. Le malade souffrait-il réellement de l'acroméga-

lie (maladie de Marie) ou bien avons-nous ici affaire à une simple

croissance cxtraordinairement vigoureuse ? Comme nous l'avions

mentionné plus haut, il était en vérité extraordinairement grand

de taille (192 ctm.), il surpassait la taille de son père de la moitié

Fin. 2;i.

31M THERAPEUTIQUE.

de la tête ; en même temps il avait une constitution tout à fait nor-

male ; ses mains et ses pieds surtout pouvaient prétendre à la

beauté pour la blancheur et la délicatesse de la peau. La croissance

du jeune homme était normale, elle ne se faisait pas par saccades.

Contre l'existence de l'acromégalie témoignait l'absence de tout

symptôme de cette maladie. Le squelette des mains et des pieds

était proportionnellement développé : la forme de la main ne pou-

vait aucunement être désignée comme « battoir » aux doigts cylin-

driques; la peau des doigts était mince, délicate, pas foncée, plu-

tôt pâle ; les pieds étaient parfaitement normaux, bien développés

et non plats ; la tète et ses organes : les paupières, la langue, les

tonsilles, le palais, ne manifestent non plus aucunes modifications

caractéristiques de l'acromégalie. Le prognatisme des mâchoires

n'est pas saillant, on ne voit pas non plus de déviation de la co-

2 î.

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 393

lonue vertébrale, ni d'épaississement des extrémités des os. Le ta-

bleau oplitalmoscopique des papilles et rétinien est complètement

normal, et nous n'avons pas le moindre indice de neuroretinitis.

Par conséquent, hors la croissance extraordinairement vi,ox se

1 ? patientiie présente aucunes lésions ou anormalités tyicEU9 b(pnp ?

l'acromégalie. Résumé : le malade souffrait de l'affaiblissement

de la vue, de la perception aux couleurs et de l'acuité visuelle,

jusqu'à un anéantissement presque complet de ses facultés dans

l'oeil gauche, sans modification sensible du fond de l'aeil et des mi-

lieux réfracteurs. Donc nous avons ici, parait-il, affaire à l'affai-

blissemeut de la vue dans les deux yeux sous forme de hémianop-

sie sinistra qui, progressant peu à peu, s'étendit sur la moitié

droite des champs visuels. Dernièrement, aux symptômes indiqués

se joignirent des douleurs opiniâtres à la tête, surtout dans la par-

1%ig. ?

394 TUÉRAPEUTIQUE.

tie postérieure, accompagnées de douleurs fulgurantes u l'mil il

gauche, de fourmillements dans la nuque, le dos et les mains,

l'impossibilité de se tenir debout pendant un espace de temps de

très courte durée, le sentiment de faiblesse surtout dans le côté

droit 'du corps, joint à l'absence des réflexes rotuliens.

Mon opinion etait.)asuivante : ! acontusion de la partie postérieure

de la tête et du crâne à la suite du choc violent, jointe à la perte

de connaissance, avait provoqué chez le malade il y a quelques an-

nées le paehymeningitishemoragica interna dans les régions men-

tionnées du côté droit. Il en resta, quoique t'épanchement du sang

fût résorbé, des cicatrices entre les dura et pia maires. Ces cica-

trices nous révèlent la cause des douleurs à la tête, qui se mam-

l'estaient de temps en temps après le travail intellectuel intensifet

de longue durée. En outre, le malade après sa chute devint apa-

pli

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 395

thique, les études le fatiguaient bientôt et l'acuité visuelle de l'ceil

gauche diminuait de plus en plus.

L'été dernier, sans doute à la suite de la fatigue des yeux, cau-

sée par les travaux pratiques à l'institut polytechnique, il se déve-

loppa chez le malade dans la partie occipitale de l'hémispère droit

du grand cerveau une tumeur bénigne (ghoma ! ) qui en croissant en

large et en dedans exerçait une pression sur la partie occipitale

gauche du grand cerveau. A la suite de cette pression se développa

peu à peu l'affaiblissement de la vue sous forme d'hémianopsie

sinistra, qui plus tard s'étendit sur la partie droite. Je ne trouvai

chez mon patient qu'une partie du champ visuel périphérique

dans chaque oeil avec une diminution considérable de la perception

des couleurs et de l'acuité visuelle surtout dans I'oeil gauche.

Cette tumeur gagna peu à peu la surface extérieure de la partie

Fin 27

396 THÉRAPEUTIQUE.

occipitale de l'hémisphère droit du grand cerveau, l'endroit où se

trouvait l'ancienne cicatrice de pia etdutra matres. C'est pourquoi

le patient qui, auparavant, ne souffrait pas de douleurs constantes

à la tête, en ressentit de violentes maintenant ; il se manifesta des

douleurs perçantes, aiguës, à l'oeil gauche et, en plus, des fourmil-

lements dans la nuque, le dos, les mains. L'absence de toute para-

lysie de mouvement et de tout affadissement de sensibilité, de

même que le résultat entièrement négatif, obtenu à l'oplitalmos-

pie des deux yeux, confirma encore notre opinion. Les mouvements

affaiblis du côté droit du corps et l'absence des réflexes rotuliens

(si toutefois ce dernier phénomène n'est pas une propriété indivi-

duelle du malade) peuvent être expliqués par la pression sur la

moitié droite du cervelet et sur la moelle épinière. Par conséquent

Fin. -16. '

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 397

nous avons établi le diagnostic suivant : Tumor partis occipitalis

hemispherae dextrae cerebri.

Quelle sorte de tumeur est-ce ? La supposition la plus vraisem-

blable est, que c'estunetumeurbénigne (glioma ? ). Contre le carac-

tère malin de la tumeur témoigne l'anemnèse; contre le caractère

tuberculeux témoigne d'une manière incontestable le système des

vaisseaux lymphatiques : il ne manifeste aucunes enflures des

glandes lymphatiques de celles du cou en particulier.

Thérapeutique. En me fondant sur mon diagnostic de Neo-

plasma du cerveau, je conseillai à mon patient, comme je le fais

dans tous les cas analogues, de même que dans les cas de pression

d'un méningite exudativesurles moteurs oculaires (chez les enfants),

Fig. 29.

398 THÉRAPEUTIQUE. «

d'user sur le champ de;remèdes absorbants très forts. Dans ce

but je lui ordonnai des frictions mercurielles et des bains chauds.

Cette ordonnance troubla d'abord les parents du patient, à cause

certainement de la mauvaise renommée dont le mercure jouit en

public. Incontestablement, cette méfiance du public est fondée sur

l'opinion des médecins qui regardent la friction mercurielle com-

me nuisible à l'organisme. On cite ordinairement divers cas de

stomatite et d'autres faits pareils, malgré les preuves évidentes

que ces faits avaient été la suite de l'emploi incorect du mercure

et de l'emploi simultané de préparations d'iode en dedans ordonné

par messieurs les syphilidologues eux-mêmes '.

' Professeur S. Tchiriev, Sur le traitement de la syphilis en cénérezlel

sur celui de Tabes. poslsyphililica en particulier. Notes cliniques de la

Fin. 30.

- UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 399

Enfin, les malheureux parents se décidèrent à faire usage des

médicaments absorbants très énergiques, que je.eur recommandai,

d'autant plus que le parti opposé, après avoir essayé de tous les

moyens, hors l'extractum d'hypophisis cerebri ( ! ), déclara un pro-

gnosis pessima.

J'ai commencé par essayer de régler l'activité des intestins au

moyen de petits clystères de glycérine et de solution de chlorure de

sodium et au moyen de pilules de podophylin; plus tard, il se ma-

nifesta que le malade souffrait à la suite d'une constipation chro-

nique, d'une forte dilatation de rectum et s. romanum (qui occa-

sionnait souvent le matin une impossibilité complète «l'uriner). A

section des maladies nerveuses à l'hôpital militaire de Kief. (2li-cit. de

Neurologie, 1900, n° 5.)

f.3 ! . 1.

400 THÉRAPEUTIQUE.

la suite de cela l'emploi de différents sels minéraux d'un haut équi-

valent endosmotique et le massage de rectum et du ventre furent

reconnus pour des moyens plus efficaces.

Mon ordonnance des remèdes absorbants fut la suivante le malade

eut tous les jours des bains de 3S°-36° C (20-30 minutes) et, une

heure ou une demi-heure après les bains, des frictions mercuriel-

les sous for.ne de savon au mercure d'Aix-la-Chapelle, G grammes

dans le dos et les côtés. Les dents étaient nettoyées avec une brosse

à dents, la bouche était gargarisée 7-8 fois par jour avec une

solution saturée de chlorate de potasse.

Les frictions s'opérèrent 6 jours de suite et le septième jour fut

un jour de repos.

Les frictions étaient faites par un aide-chirurgien expérimenté.

Fin. 32.

UN CAS DE GUÉRISON COMPLÈTE DE CÉCITÉ. 401

De temps en temps on faisait des analyses de l'urine, qui démon-

trèrent que le mercure était effectivement absorbé.

Durant un mois entier de cette cure mercurielle il ne se mani-

festa aucun symptôme de stomatite ; seulement à la fin de la cure

je constatai une faible enflure des gencives.

Les frictions ne commencèrent que le 20 novembre et durèrent

jusqu'au 30 décembre avec des intervalles de vingt-quatre heures

tous les six jours au commencement et tous les trois jours ensuite.

En tout, on opéra vingt-six frictions. Durant la cure, le malade

prit des préparâtes de brome le soir et pendant les repas du vin

blanc mêlé de Levico.

Le 23 novembre eut lieu l'exploration du malade par le docteur

J.-H. Ileneavec le périmètre de main. ;Fig. 20 et 2l,dex. et sin.) qui

Archives, 2" série, t. XVI. 2G

Fig. : n.

402 THÉRAPEUTIQUE.

donna le tableau suivant. L'étendue du champ visuel périphéri-

que de l'oeil gauche s'était encore plus rétrécie, celui de l'aeil droit

s'était un peu augmentée. La perception des couleurs de l'oeil droit

avait diminué un peu ; la perception de la couleur verte pouvait

être constatée seulement au centre du champ visuel droit. De l'oeil

gauche le malade ne distinguait que les mouvements des doigts

et encore les doigts devaient-ils être rapprochés de l'eeil le plus

possible : avec l'oeil droit il ne déchiffrait que le 14 des tables de

Jager. Cependant immédiatement après la deuxième friction les

douleurs à la tête et à l'oeil gauche disparurent complètement et

l'appétit comme le sommeil aussi s'améliorèrent.

Le 30 novembre on usa encore du pc rimètre (rig. 22 et 23 clex. eLsi7z.)

et le docteur .1.-11. Hene me félicita des résultats obtenus. Quoique

le périmétrogramme de l'oeil gauche eût encore diminué, mais

dans le cadran du dehors et celui d'en bas du champ fut remarqué

de temps eu temps un point impressionnable o (environ au point

d'intersection du diamètre 140 et de la circonférence 5a°). Avec 1'mil

gauche le patient pouvait déjà compter les doigts à une distance

plus grande. Dans l'oeil droit s'était opérée une augmentation vi-

sible de la périphérie du champ visuel et de la perception des cou-

leurs. Le malade comptait les doigts à la distance de 5,75 m. et

déchiffrait le 8 des tables de Jâger.

Plus tard les périmétrogrammes du 7 décembre constatèrent

(Fig. 24 et 25, dex. et sin.) : Dans l'ceil gauche l'étendue du champ

visuel périphérique s'était augmentée, de même que la perception

des couleurs. Le patient comptait déjà les doigts avec l'oeil gauche

aussi à la distance de S,75 m. et pouvait déjà déchiffrer le 8 des tables

deJâger. Dans l'oeil droit tous les périmétrogrammes, celui du

champ visuel simple et celui de la perception des couleurs s'étaient

agrandies et le malade pouvait déchiffrer le 1 des tables deJager.

Le 13 et le 21 novembre on rédigea encore des périmétrogram-

mes ( ? f9'. 20, 27, 28 et 29, dex. et siii.) qui constatèrent l'amélioration

successive de la vue. Le patient pouvait déjà déchiffrer avec l'un et

l'autre oeil le 1 de tables de Jager. Il se manifesta au surplus vers ce

temps des réflexes rotuliens jusqu'alors fort affaiblis. Le 28 décem-

bre 1902 et le 4 janvier 1903, j'ai rédigé moi-même deux périmétro-

grammes (Fig. 30, 31, 32, et33, dex. et sin.) à l'aide du grand péri-

mètre Prieslley Smilh. Ce périmètre est fabriqué par le mécanicien

Jung à lleidclberg et se trouve dans le Laboratoire de Physiologie

de l'Université St. Wladimir à Kiev. Ce périmètre démontral'éten-

due périphérique de la perception des couleurs : rouge, vert, jaune

et bleu. Comme on voit d'après les fig. 30 à 33. insérés plus haut.

la vue périphérique et la perception des couleurs sont rétablies

complètement dans l'oeil droit, mais dans l'aeilgauche la perception

des couleurs et la vue périphérique sont un peu bornées en haut

et l'acuité visuelle est restée un peu affaiblie .

PAVILLON D'ISOLEMENT DES ALIENES TUBERCULEUX. 403

Donc le malade peut aujourd'hui voir tout à fait bien, il est de-

venu plus fort et tous les symptômes de maladie ont disparu.

Durant tout le mois de janvier le malade prit'des bains chauds.

Au mois de février et au commencement de mars le patient pre-

nait une ou deux fois par jour dulodipinum (2a p. 100), un gram-

me dans une capsule gélatineuse, pour provoquer l'évacuation

complète du mercure.

Kiev, Mars. 1903.

ASILE D'ALIÉNÉS.

Installation d'un pavillon d'isolement des aliénés

tuberculeux à l'asile d'Armentières' ;

Par les D,' E. CHARDON, directeur-médecin en chef,

et G. IAVI\It'l', méclecin-adoinl.

La nécessité d'isoler les tuberculeux dans les asiles d'alié-

nés est admise depuis longtemps. Elle a fait l'objet de circu-

laires ministérielles récentes, et lors du Congrès de 1900,

M. le Dol Marie (de Villejuif), qui avait traité cette question,

proposa au Congrès d'émettre le voeu qu'il soit procédé à

l'isolement et au traitement des aliénés tuberculeux dans les

asiles, en « pavillons spéciaux » pour un asile, ou en « sana-

toria » affectés à plusieurs établissements. Voeu qui fut

adopté.

La très grande fréquence de la tuberculose pulmonaire

dans le nord de la France et à Lille en particulier où elle est

la cause du quart des décès, fait qu'à l'asile d'Armentières

le nombre des malades qui en sont atteints est considé-

rable. C'est ainsi que l'an dernier, par exemple, 20 pour 100

des malades décédés étaient tuberculeux. Aussi, depuis

bientôt deux ans, cette question avait été l'objet de tous les

soins de l'administration. On avait placé des crachoirs dans

tous les quartiers et apposé des écriteaux portant la mention :

« Défense de cracher à terre. » Ces mesures, nous devons le

dire, avaient donné d'assez bons résultats pour que nous

' Communication faite le 7 août au Congrès de Bruxelles 1903.

404 asiles d'aliénés.

puissions nous féliciter, dans le rapport annuel de 1902, de

l'amélioration obtenue. Néanmoins, nous n'avons pas cru

devoir nous en tenir là. Le Dr Chardon, en prenant en mai

la direction de l'asile, décida- conformément à la dernière

partie de la circulaire ministérielle du '16 juin 1901, trans-

mise par M. le Préfet- de tenter « l'isolement » des malades

atteints de tuberculose, seule mesure efficace pour enrayer

la marche croissante de cette terrible affection, en attendant

la création de sanatoria spéciaux de plus en plus néces-

saires.

Certes, ce n'est pas sans la notion bien nette des difrictil-

tés qui nous attendaient, que nous avons entrepris cette

tâche, et au moment même où l'idée nous en était venue,

mille objections se présentaient à notre esprit.

Comment arriver à grouper dans un même quartier des

malades aussi divers ? Comment décider un certain nombre

d'entre eux ? Et une fois groupés, comment les y maintenir- ?

La nécessité dé pratiquer cet isolement, nous parut si pres-

sante, que, malgré tout, nous avons essayé.

L'asile autonome des aliénés d'Armentières, de construc-

tion relativement récente, présente l'immense avantage d'être

composé de quinze pavillons nettement séparés. Cette dispo-

sition favorisait au plus haut point notre projet, puisqu'elle

nous permettait de consacrer un pavillon, deux s'il le fallait,

aux malades que nous avions l'intention d'isoler. Nous avons

choisi le quartier qui nous semblait avoir la situation la plus

favorable. Tout proche de l'infirmerie, ce qui est dans tous

les cas un avantage, il est orienté d'une façon fort satisfai-

sante et composé d'un rez-de-chaussée et d'un étage. Il com-

prend, en bas, à droite du couloir central, un dortoir de

quatorze lits, destiné aux tuberculeux alités ; à gauche de ce

couloir un vaste réfectoire. Au premier étage, existent deux

dortoirs de seize lits, destinés, l'un aux malades tranquilles,

l'autre aux malades plus turbulents. Enfin, deux chambres

existent à l'extrémité de chaque dortoir ; ce qui nous donne

trois chambres d'isolement et trois chambres de gardiens.

Toutes ces salles sont convenablement éclairées et leur aéra-

tion se fait facilement la nuit, grâce à de nombreux carreaux

mobiles situés en haut de chaque fenêtre. Le cubage de cha-

cune des pièces assure 28 à 30 mètres cubes d'air par malade.

Le mobilier très simple est facilement aseptisable. Enfin,

PAVILLON D'ISOLEMENT DES ALIÉNÉS TUBERCULEUX. 405

les malades ont à leur disposition une vaste cour de 45 mè-

tres de longueur sur 42 de largeur, plantée d'arbres, ornée de

parterres de fleurs, ensoleillée presque toute la journée,

orientée vers le midi et attenant au potager de l'établisse-

ment, au delà duquel se trouve la pleine campagne.

Tel est le milieu dans lequel nous avons placé nos malades.

Les premiers, nous conviendrons qu'il est imparfait; mais

ne fallait-il pas commencer avec l'outil dont nous dispo-

sions ? .

Nous avons l'intention d'annexer à notre pavillon, une

vaste galerie vitrée, exposée au soleil, où les malades pour-

ront se reposer et séjourner l'hiver ; puis une série de cham-

bres d'isolement spécialement aménagées.de façon à recevoir

le cas échéant nos tuberculeux agités. Enfin, chemin faisant,

nous apporterons les modifications qui nous sembleront

nécessaires.

Notre quartier choisi, nous l'avons soigneusement mis en

élat. Les murs ont été peints à l'huile de façon à pouvoir

être lavés ; les parquets vont être pararfinés incessamment.

Nous avons procédé au groupement de nos malades. Ce

n'était pas la partie la plus commode. La liste de nos tuber-

culeux fut assez facile à dresser. Nous avions d'abord tous

ceux qui, connus comme tels de tout le personnel, étaient

déjà l'objet de soins spéciaux. Nous n'avons eu qu'à consul-

ter la collection de nos rapports médicaux journaliers pour

relever les noms de ceux de nos malades qui, pendant ces

dernières années, avaient été auscultés et trouvés atteints

de tuberculose.. Cela fait, par séries plus ou moins nom-

breuses, par mutations successives, nous les avons installés

dans notre pavillon spécial, La chose n'alla pas toujours

toute seule ; quelques malades protestèrent, mais, usant de

douceur, nous les avons amenés à accepter une situation

dont ils sont les premiers à nous remercier maintenant.

C'est qu'en effet, nos malades se sentent dans ce nouveau

quartier, entourés d'une sollicitude toute particulière, et

quand nous aurons dit que nous avons, dans la mesure du

possible, amélioré leur régime, on comprendra comment il

se fait que, depuis un mois que nos tuberculeux se trouvent

groupés, pas un seul ne se soit plaint et n'ait demandé à

changer.

Les malades atteints de tuberculose, groupés actuelle-

406 ASILES D'ALIÉNÉS.

ment dans le pavillon d'isolement sont au nombre de 47. La

plupart des formes d'aliénation mentale y sont représentées.

C'est ainsi que nous trouvons :

PAVILLON D'ISOLEMENT DES ALIÉNÉS TUBERCULEUX. 407

l'établissement, fût, dans la mesure du possible, à l'abri de

la contamination ; 2° faire régner dans le pavillon même la

propreté la plus méticuleuse, afin d'éviter à nos malades

toute affection secondaire ou complication, et de protéger en

même temps le personnel contre la maladie ; 3° Traiter les

malades.

Nous nous sommes inspirés, pour pratiquer la désinfec-

tion, de ce qui se fait au dispensaire antituberculeux « Emile

Roux » à Lille. Tout a été fait pour empêcher la dissémina-

tion des germes. Des crachoirs hygiéniques ont été placés

partout, à terre, contre les murs, dans le réfectoire et jusque

dans la cour où on en a placé devant chaque banc. Dans les

dortoirs, nous avons adopté, comme crachoir individuel, le

simple vase de nuit émaillé qui a ce grand avantage d'être

stable et de présenter une grande surface, ce qui permet au

malade couché d'expectorer facilement dans bon crachoir

situé à terre. Comme liquide antiseptique, nous employons

le lysol à 2 p. 100 qui, ainsi que l'a écrit M. le professeur Cal-

mette « présente certains avantages précieux. Composé de

« crésyl, dépotasse et d'oléine,, sa puissance antiseptique à

« l'égard du bacille tuberculeux est assez grande, et grâce

« à la potasse qu'il renferme, il dissocie très bien les cra-

« chats sans les coaguler. Son odeur est très agréable

« comme celle du Crésyl et son prix est à peine plus élevé. »

(Société française du Lysol, 2 ? place Vendôme, Paris.

1 fr. 30 le kilog.). C'est cette solution de lysol à 2 p. 100 que

nous mettons dans nos crachoirs et c'est elle qui nous sert

au nettoyage journalier du quartier : bancs, tables, par-

quets, murailles, etc.

Le linge des malades, qui est du reste marqué, est des-

cendu dans le sous-sol et plongé, avant de sortir du pavillon,

dans une une solution de lysol à 2 p. 100, dans laquelle il

séjourne quelques heures; après quoi, il peut être manipulé

sans danger. Il est alors rincé, puis bouilli à part pendant

au moins' un quart d'heure, dans une lessive contenant

t,37 p. L00 de cristaux de soude et 1,15 p.100 de savon. Quant

aux selles des malades, elles sont recueillies dans une solu-

tion de chlorure de chaux qui en assure suffisamment la

désinfection.

Pour ce qui concerne les gardiens, les précautions ont été

prises et les recommandations multipliées. Nous n'avons

408 asiles d'aliénés.

jusqu'ici qu'à nous féliciter du zèle qu'ils déploient. Chacun

d'entre eux est vêtu d'une longue blouse facilement désin-

fectée dans la solution de lysol à 2 p.100. Ils bénéficient du

régime alimentaire des malades.

L'isolement que nous avons ainsi réalisé est aussi com-

plet que possible; car non seulement nos malades tubercu-

leux sont ainsi groupés, mais ils restent toute la journée

dans le pavillon ou ses dépendances. Les travailleurs, assez

nombreux du reste, s'occupent à aider les gardiens.

Les bains qu'ils prennent chaque semaine, ne sont pas

donnés dans le quartier ; mais de ce côté encore, tout dan-

ger de contamination est écarté, un certain nombre de bai-

gnoires leur étant exclusivement réservées. Telles sont les

mesures prophylactiques que nous avons prises.

Quant au traitement des malades, il consiste surtout dans

la suralimentation. Nous ne pouvons malheureusement pas

donner à nos aliénés tout ce que la suralimentation des

tuberculeux exige ; mais cependant, nous avons institué un

régime déjà fort satisfaisant. Nos malades font chaque jour

vers trois heures, un repas supplémentaire composé de lait

chaud et de pain. Ils ont de la viande à midi six jours sur

sept et quatre fois, leur viande, est rôtie ou grillée. Leur

repas du matin se compose de café au lait; celui du soir, de

légumes et de soupe substantielle.

Nous ne leur donnons de médicaments que lorsque ceux-

ci sont indiqués par des motifs sérieux, la toux trop répétée,

par exemple. Tous prennent deux fois par jour de l'huile de

foie de morue et chacun en prend la dose qu'il désire. Les

malades ont été pesés à leur entrée dans le pavillon ; ils le

seront chaque mois, de sorte que nous pourrons nous ren-

dre compte de l'amélioration qui pourra survenir.

Ce n'est pas aujourd'hui que nous pourrons parler des

résultats obtenus ; nous le ferons l'aiz prochain en rendant

compte de ce qu'aura été le fonctionnement de notre quar-

tier pendant l'année écoulée. Tout au moins, pourrons-nous

dire quelles sont nos espérances. Presque tous nos tubercu-

leux sont aujourd'hui isolés dans un pavilllon aménagé à cet

effet. Peu à peu, tous ceux atteints du même mal qui ne s'y

trouvent pas, y seront placés. Nous aurons ainsi réalisé cet

isolement si profitable à tant de titres. D'autre part, le

régime, auquel nous soumettons nos malades, nous permet

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CACATONIE. 409

d'espérer que leur état s'améliorera. Nous nous en félicitons

d'autant plus que, parmi eux, se trouvent, en plus ou moins

grand nombre, des aliénés curables que nous rendrons à

leurs familles, améliorés à la fois physiquement et morale-

ment et pénétrés - à la suite du séjour dans ce quartier où

elles sont mises en pratique devant eux des notions

d'hygiène et de salubrité, grâce auxquelles leur entourage

sera à l'abri de la contagion. Nous aurons ainsi, dans la

mesure de nos moyens, cherché à renvoyer améliorés les

malades déjà atteints de tuberculose et nous aurons surtout

protégé contre cette maladie ceux qui nous arrivent indemnes.

Nous ne pouvions faire moins pour les déshérités qu'on

nous a confiés'.

CLINIQUE MENTALE

Contribution à l'étude de la catatonie (Catatonie

et démence précoce ? ) ;

P,t[ LE D \L. IlRIS,

Médecin en chef de l'asile de Mareville. chargé de cours

à la Faculté de médecine de \ancv.

A l'exemple de quelques confrères, je crois que la catato-

nie ne peut être considérée que comme caractérisant une

phase d'une variété d'aliénation mentale dégénérative. La

première phase, mélancolie, parfois délire paranoïaque, de

la psychose dont la catatonie marquerait la seconde période

apparaîtra constante, à mon avis, si l'on peut remonter à

toutes les circonstances de début et, à cet égard, on est assez

facilement induit en erreur, ainsi qu'en témoignent les pre-

' Lors de sa communication au Congrès de Bruxettes, ce tiavail a été

l'objet des remarques suivantes- rie M. le docteur A. Marie : « Je rappelle

les statistiques énormes du chiffre des aliénés tuberculeux et le vu-ii

émis par lui au Congrès international de 1900 et propose au Congrès de

le renouveler sous la forme suivante : « Que des mesures de prophylaxie

méthodiques soient prises cuntce la tuberculose dans les asiles d'aliénés

et que les aliénés reconnus tuberculeux y soient l'objet de mesures spé-

ciales d'isolement et de traitement. Adopté. - Nous reviendrons sur cette

question. (ü.) .)

410 CLINIQUE MENTALE.

miers faits ci-dessous relatés succinctement. Quant à la der-

nière phase de la psychose, démence, c'est à tort, selon moi,

qu'on la donne comme succédant rapidement à la phase de

catatonie proprement dite, toutes les observations ne justi-

fiant pas la dénomination « démence précoce», comme je

vais essayer de l'établir aussi.

l ? Ons. .M..., célibataire, âgée de vingt-huit ans, dont la mère

et la grand'mère maternelle sont mortes aliénées, toutes deux

mélancoliques, entre dans mon service en mai 1903, atteinte,

disent les parents qui l'accompagnent, de troubles intellectuels

analogues à ceux qu'elle aurait présentés quatre ans auparavant et

qui auraient nécessité un traitement d'un au dans un asile d'alié-

nés. traitement après lequel elle serait rentrée très améliorée dans

sa famille.

Le père fait remonter les derniers troubles, qu'il considère

comme une nouvelle maladie, à une quinzaine de jours seulement,

et il les attribue à des contrariétés à l'occasion du mariage du frère

de la malade. Depuis ce mariage, elle aurait montré des idées de

culpabilité, d'indignité, elle ne parlait presque plus, elle prétendait

que ses compagnes habituelles n'étaient plus aussi pieuses, qu'elle

était cause de ce changement, et on la voyait assez fréquemment

se promener du côté d'un puits (quatre ans auparavant elle avait

l'ait une tentative de suicide). Je prends des renseignements à une

autre source, près d'une personne qui connaît la malade et qui a

l'habitude des aliénées ; alors ce n'est plus à quinze jours, comme

me l'avait dit le père, que remonte le début des troubles mélanco-

liques, mais à une époque beaucoup plus éloignée et l'intervalle

qui sépare la première hospitalisation de la seconde (quatre ans)

n'est plus représenté que par une rémission ; j'apprends, en effet,

que la malade a toujours montré une religiosité exagérée, des

scrupules, qu'elle diisimulail habituellement, et depuis longtemps.

des préoccupations et des idées tristes que le mariage de son frère

n'a fait qu'accuser davantage ; elle pensait constamment a la

situation qui lui serait faite un jour par le mariage de ce frère et

la mort de son père, elle se tracassait à la pensée de se trouver

seule un jour; quelques mots échappés de temps en temps, à

l'insu de son père et de son frère, et sa tristesse habituelle indi-

quaient suffisamment des regrets profonds d'avoir repoussé

diverses propositions de mariage ou de n'avoir pas suivi son désir

d'entrer au couvent. C'est donc une longue phase de mélancolie

que nous rencontrons en premier lieu, phase de mélancolie qui ne

fut évidemment pas sans influer fâcheusement sur l'état physique.

En mai 1903, à l'arrivée dans le service, nous constatons encore

des idées de culpabilité, d'indignité, des traces de ses anciennes

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CACATONIE. 411

préoccupations qu'elle cachait à son père, etc., et une vague cons-

cience de sa situation : « elle sera la cause de la perte du monde,

parce qu'elle n'a pas répondu au premier appel »... « elle aurait

du mendier »... « elle devait avoir un fils qui sauveraitla France »...

a Dieu lui a donné une mission »... « Mon intelligence, dit-elle, se

serait développée, j'aurais pu être soignée, maintenant il n'y a

plus de maisons de fous où mon père puisse me placer ». Les con-

ceptions sont lentes, confuses; il faut répéter plusieurs fois la

même question pour la faire comprendre et obtenir quelques mots

qui, généralement, ne répondent nullement à la question posée ou

qui répondent à une question antérieurement adressée. Elle refuse

les aliments et oppose de la résistance chaque lois qu'on veut lui

l'aire accomplir iiu acte, quel qu'il soit, exécuter le moindre mou-

vement. Peu à peu l'anxiété diminue, la malade ne comprend plub

les questions les plus simples et, loisqu'on les lui répète avec

insistance, elle finit parfois par prononcer le dernier mot d'une

question. Lui met-on une plume en main, l'invitant à écrire un

aeul mot destiné à son père, elle la tient, la regarde hébétée ; si

l'on insiste, elle semble chercher à faire un effort, mais elle ne

parvient pas à écrire. Elle ne refuse plus les aliments, mais elle ne

les prend pas seule.

En juillet, nous la voyons habituellement inerte, sans anxiété,

manifestement sans idée délirante, à peu près sans activité cere-

braie lorsqu'on ne la presse pas de questions, le plus souvent

debout, immobile, mais elle imite parfois tel ou tel mouvement

d'une de ses compagnes, automatiquement en quelque sorte ; voit-

elle une malade tourner sur elle-même à côté d'elle, elle en fait

autant. Parfois aussi, déplacements non motivés, automatiques,

stéréotypés.

En août : mutisme habituel, résistance non raisonnée à toutes les

sollicitations, raideur générale, soit que l'on veuille la déplacer,

soit que l'on veuille lui faire prendre ses repas ; parfois encore,

déplacements automatiques stéréotypés. Un jour de rémission, au

commencement du mois, de semi-lucidité, peut écrire à son père

une lettre affectueuse, assez raisonnable, dans laquelle on ne

trouve pas trace d'idée délirante, mais elle déclare ne rien com-

prendre à son état habituel. Le lendemain cet état habituel a

reparu. Puis commence à s'écorcher le fiont, le nez et les joues

avec les ongles. De temps en temps, quelques moments de verbi-

gération incompréhensible, ou plutôt de chuchotement incohé-

rent, etc.

La catatonie n'arrive, en somme, dans ce cas, qu'un cer-

tain temps après le retour des troubles intellectuels, après

une longue période de préoccupations, d'idées tristes, et

412 ) CLINIQUE MENTALE.

après un état intermédiaire de confusion mentale. (Si l'on

ajoutait foi aux renseignements donnés par le père, auquel

la malade cachait le plus possible ses préoccupations pre-

mières, la catatonie semblerait exister presque dès le début.)

2° Tuba. - G. M..., célibataire, couturière, âgée de vingt-neuf

ans, nièce d'un aliéné, ayant eu elle-même des attaques classiques

d'hystérie dans sa jeunesse, arrive dans le service en mai 1902.

malade depuis quatre mois. Les troubles intellectuels ont éclaté a

la suite d'une frayeur vive éprouvée à une époque menstruelle;

son oncle aliéné s'était introduit nuitamment dans sa chambre et

l'avait éveillée brusquement en la tirant par les pieds. Les règle-*

cessent de couler, des troubles mélancoliques apparaissent presque

aussitôt; idées de culpabilité, d'indignité, de suicide; elle se croit

a la charge de tout le monde, ne se nourrit plus régulièrement,

entend dire qu'elle n'a pas été bonne pour ses parents, qu'elle sera

cause de malheurs, etc., et bientôt elle fait une tentative de sui-

cide qui détermine le placement dans une maison de santé où elle

passe trois mois. Elle arrive à Marévilte quatre mois après l'appa-

rition des premiers troubles intellectuels; nous constatons aloi,

de la dépression générale, ses réponses sont le plus souvent vagues,

indécises, « je ne sais pas » ou « je ne me rappelle pas », elle ne

fait aucun effort, aucun appel à sa mémoire lorsqu'on ne répète

pas une question avec insistance. On trouve cependant encore des

traces de scrupules, d'hallucinations accusatrices de l'ouïe, du

dégoût de la vie ; elle reconnait avoir fait une tentative de suicide

par strangulation et dit encore regretter de n'avoir pas réussi à se

donner la mort; elle ne s'alimente pas volontiers. On lui met un

ouvrage de couture en mains, elle s'occupe nonchalamment, auto-

matiquement, mais cherchant toujours à s'isoler. Pendant pies

d'un an elle restera habituellement déprimée, bientôt sans tristesse,

sans activité cérébrale, se tenant par habitude le plus possible à

l'écart, ne parlant à personne, ne répondant que par un « oui » ou

« non » aux questions les plus pressantes, tournant le dos lors-

qu'on l'interroge avec trop d'insistance, opposant de la résistance

non motivée lorsqu'on veut la déplacer, la faire passer par exemple

d'une pièce dans une autre, mais s'occupant toujours assez régu-

lièrement, à des ouvrages de coulure seulement (ancienne coutu-

rière, elle travaille automatiquement en quelque sorte, par entrai-

nement ancien, suivant la remarque de M. Claus').

. Fin mai 1903, c'est-à-dire environ seize mois après le début delà

maladie, nous observons de temps en temps des rires purement

automatiques, la malade répond un peu aux questions, pressantes.

' Catatonie et Smt·eurs. Rapport au Congrès de psychiatrie et neurolo-

gie, Bruxelles, 1903.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CACATONIE. 413

avec indifférence toutefois, ne montrant même pas la moindre

émotion lorsqu'on lui parle de sa famille, lorsqu'on lui propose

de rentrer dans sa famille, de faire venir ses parents, etc.

En juin et juillet les rires automatiques sont assez fréquents, la

malade continue à s'occuper automatiquement, elle ne parle que

lorsqu'on l'interroge, ses facultés sont manifestement affaiblies.

Ici encore nous trouvons de l'hérédité comme cause pré-

disposante (et de l'hystérie), une cause émotionnelle déter-

minante, une phase de délire mélancolique, une période

transitoire de confusion mentale, une phase de catatonie, à

laquelle succède l'affaiblissement intellectuel tendant à la dé-

mence.

3° Ons. M..., célibataire, domestique, âgée de vingt ans, entre

fin novembre 1902 à l'asile de Maréville. Fille d'une nerveuse (pro-

bablement aliénée), nièce d'une aliénée, elle passe, en octobre

1902, quelque temps à soigner jour et nuit une parente malade.

Puis elle reprend son service habituel, mais son état général est

altéré par suite des fatigues qu'elle vient d'éprouver, elle est ané-

miée, l'époque à laquelle elle attendait ses règles est passée sans

écoulement de menstrues ; elle est inquiète, elle craint une gros-

sesse, elle perd l'appétit et le sommeil. Elle fait un jour part de

ses craintes à sa maîtresse qui la congédie; elle rentre dans sa

famille où ses préoccupations vont sans cesse croissant, sa santé

physique s'altérant de plus en plus. On la place dans le service en

faisant remonter le début de la maladie à une quinzaine de jours

seulement, à l'époque où elle quitte son emploi. Nous remarquons

des idées de culpabilité, d'indignité, des craintes imaginaires

qu'elle exprime dans un langage absolument confus, de l'instabi-

lité, une tendance à se déplacer sans cesse (analogue à celle que

présentent les personnes en proie à un ennui et qui ne se trouvent

bien nulle part) : elle montre une très grande inquiétude, une vive

anxiété lorsqu'on lui adresse la parole et notamment lorsqu'on

fait allusion à son aménorrhée. Amaigrissement. Bien que nous

affirmions à la malade, à maintes reprises, qu'elle n'est pas en-

ceinte, l'affection continue à évoluer progressivement, les idées

délirantes deviennent de plus en plus imprécises, elle refuse les

aliments sans pouvoir donner le moindre motif à ce refus ; à la

confusion mentale succède bientôt l'inactivité cérébrale, la malade

ne peut plus donner la moindre réponse aux questions les plus

simples, mais on observe de temps en temps des impulsions vio-

lentes soudaines (bris de vitres, violences sur personnes) ou de

fous rires, ou de l'ambulomanie, etc.

Après un alitement de plusieurs mois (avec quelques interrup-

414 r CLINIQUE MENTALE.

tiens) et une amélioration de l'état physique, l'activité cérébrale

reparait peu à peu, les troubles automatiques (crises de rire sur-

fout) s'espacent de plus en plus, finissent par disparaître, etc., et

M... peut rentrer dans sa famille. Il ne lui restait, quand elle a

quitté le service, qu'un peu d'amnésie relative au début de sa ma-

ladie et une certaine mobilité puérile des idées qui trahissait évi-

demment encore la prédisposition héréditaire grave que nous

avons signalée.

Nous trouvons, en somme, dans ce cas : 1° les causes ha-

bituelles de la mélancolie (hérédité, altération de la santé

physique, cause émotionnelle) ; 2° de la mélancolie ; 3° de la

confusion mentale; 4° de la catatonie; 50 une rémission,

sinon la guérison( ? )

4e OBs. M. A..., domestique, célibataire, âgée de trente-trois

ans, entre dans le service en juin 1902. Bonne instruction primaire.

Fille d'un alcoolique violent et brutal. Forte constitution, haute

taille, mais quelques stigmates physiques de dégénérescence. De-

puis la mort, par tuberculose pulmonaire, d'un frère qu'elle a soi-

gné, elle se figure qu'elle a contracté cette maladie au chevet de

ce frère et qu'elle finira comme lui. Cette idée prend peu a peu

une très grande consistance dans son esprit, elle va consulter un

grand nombre de médecins, de somnambules, dépense ainsi la

plus grande partie de ses gages, est habituellement triste, en proie

à cette préoccupation fixe, ne s'alimente plus régulièrement, etc.

Elle passe ainsi près de deux ans, constamment préoccupée, tra-

cassée, mais restant cependant en service, comme domestique. Vers

la fin de la seconde année, sa soeur, placée dans la même localité,

et quelques amies, remarquent que son caractère se modifie

encore, qu'elle devient instable, tantôt peu communicative, dépri-

mée, tantôt très rieuse, enfantine. Le plus habituellement cepen-

dant encore dominée par cette crainte de tuberculose, elle entre

dans un hôpital, mais, à peine admise, elle a un accès d'agitation,

se dit possédée du diable, refuse les aliments, trouble le repos des

malades, et, trouvant une fenêtre ouverte, se précipite d'un pre-

mier étage. Dans un précédent moment d'agitation, elle avait,

sans le moindre motif, jeté sa soeur du haut en bas d'un escalier

assez élevé.

Elle nous arrive le 20 juin 1902, maigre, pâle, les muqueuses

décolorées, les extrémités froides, la langue suhurrale, l'haleine

fétide, le ventre ballonné. L'auscultation ne révèle pas de signes

certains de tuberculose. Les idées sont extrêmement confuses, elle

a une très grande difficulté à évoquer un souvenir, reste ahurie

lorsqu'on la presse de questions, parle parfois seule, mais son

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CACATONIE. 415

verbiage est confus comme si elle cherchait à suivre un rêve. De

temps en- temps, immobilité absolue avec fixité du regard sans

battements de paupières, puis, brusquement, arrivant automati-

quement, rires, pleurs, ou cris. Parfois encore des traces de ses

anciennes préoccupations, de ses craintes de tuberculose, de mort,

sont accusées par des crises de craintivité, de phobies, à début

subit, succédant même brusquement aux crises de rire.; elle de-

mande qu'on ne lui coupe pas la tête, que l'on n'appelle pas le

diable, puis elle réclame la mort, etc.. Elle semble parfois aussi

avoir une lueur de conscience de sa situation : « Je suis toquée,

s'écrie-t-elle, j'ai la tête si bête que je ne comprends plus rien. »

Dans la nuit du 22 au 23 juin : impulsion subite, quitte brus-

quement son lit, se jette sur une fenêtre, brise les vitres ; le ma-

tin, confusion extrême.

23 juin : Semble incapable de comprendre la moindre question,

ne parle pas, ne mange pas seule.

2 juillet : Répond à quelques questions simples, mais réponses

très tardives, confuses. Aucun souvenir de ses impulsions vio-

lentes.

Puis l'état mental semble s'améliorer, et. le 6 juillet 1902. on

pouvait presque la considérer comme convalescente. Deux jours

après : excitation à début soudain, chants, cris, rires automatiques,

se succédant par accès, résistance à toutes les sollicitations, im-

pulsions violentes automatiques. Depuis ce moment : tantôt calme,

ne pensant à rien, incapable de donner la moindre réponse un

peu sensée, parfois absolument immobile, le regard vague et fixe,

tantôt agitation, à début soudain, stéréotypée, avec verbigération

absurde, absolument stéréotypée aussi, tous troubles ayant un

cachet bien caractéristique d'automatisme. Tendance manifeste à

la démence.

Chez cette malade, nous avons, en somme, comme chez

les autres : hérédité, cause émotionnelle et altération de la

santé physique, phase de préoccupation, d'idées tristes,

période de transition avec confusion mentale, et, enfin,

phase de catatonie qui aboutit peu à peu à la démence. La

phase de préoccupations, de mélancolie, a été particulière-

ment longue.

Nombreux sont les exemples analogues montrant cette

évolution assez bien caractérisée par ses grandes phases,

par leur succession, leur symptomatologie générale, sinon

par leur durée. Nous voyons chez toutes nos malades de

l'hérédité, chez la plupart des causes émotionnelles suivies

d'altération de la santé physique ; des idées tristes ou du

416 CLINIQUE MENTALE.

délire mélancolique ne tardent pas à apparaitre, accroissant

l'action fâcheuse sur la santé physique des causes qui les

ont déterminés, contribuant ainsi à créer, comme l'a dit

M. Régis, des condition favorables d'intoxication ou d'auto-

intoxication. Alors, résultant de l'activité délirante, de la

fatigue cérébrale occasionnée par des préoccupations conti-

nues, de l'irrégularité de l'alimentation, de l'auto-intoxica-

tion, se produit de la confusion mentale qui, s'accentuant

progressivement, efface en quelque sorte progressivement

les troubles primitifs. A cette période intermédiaire de con-

fusion mentale succède la suspension de l'activité cérébrale,

la phase catatonique, qui durera plus ou moins longtemps,

accompagnée de phénomènes d'automatisme présentant des

caractères d'impulsions, et, au bout d'un certain temps, par-

fois après quelques rémittences plus ou moins longues,

comme il arrive dans la paralysie générale progressive, la

démence s'affirme. J'ai voulu montrer d'abord par les exem-

ples précédents qu'il y a bien réellementune phase de mélan-

colie, souvent insidieuse et longue avant la phase de la catato-

nie, que cette phase de mélancolie doit être cherchée parfois

avec un soin particulier, car elle peut, en partie au moins,

échapper à l'entourage familial des malades et c'est ainsi

qu'un certain nombre d'aliénistes font débuter la psychose

dégénérative qui nous occupe par la catatonie, et ne lui don-

nent alors que deux phases : catatonie et démence.

Mais, si l'apparition de symptômes catatoniques bien

caractérisés après une première phase de mélancolie doit

faire entrevoir, en général, comme assez proche, la [-hase

ultime de la psychose dégénérative, il est cependant des cas

où la démence n'apparaît que très tardivement et ils justi-

fieraient, il me semble, la substitution de l'appellation psy-

chose catatonique dégénérative à celle de démence précoce

pour désigner cette variété d'aliénation mentale par dégéné-

rescence. Ces cas ne sont peut-être pas aussi rares qu'on le

croit généralement et il me semble utile d'appeler l'attention

sur eux, d'en solliciter la publication ; c'est le principal but

de cette note. On peut en voir un dans la première observa-

tion que j'ai donnée plus haut, mais celle que je vais relater

est beaucoup plus significative. Même très rares, ils atteste-

raient suffisamment encore que la démence n'est pas fatale-

ment précoce dans la psychose catatonique dégénérative et

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CATATONIE. 417

ils prescriraient quelque réserve sinon quant à la gravité du

pronostic, au moins quant à la formule de ce pronostic,

quant à l'appréciation de la durée probable de la période

pruidémenlielle. Voici un fait qui me paraît assez intéressant

à cet égard et à d'autres titres : Il s'agit d'une femme ma-

riée, mère de cinq enfants, aujourd'hui âgée de cinquante

ans, qui a été séquestrée ou hospitalisée deux fois, à plus de

dix ans d'intervalle, pour les mêmes troubles (catatoniques),

entrée dans mon service fin septembre 1899, qui n'est pas

encore démente et que l'on peut pour ainsi dire à volonté

mettre en état catatonique ; ce n'est pas une hystérique.

Voici, du reste, son observation résumée :

Originaire d'un pavs où l'alcoolisme est extrêmement répandu,

vivant au milieu d'alcoolisés, il est probable qu'elle comptait

quelques alcoolisés dans son ascendance; je n'ai aucun renseigne-

ment précis à cet égard. Née en 1853, elle D'à jamais eu de mala-

dies physiques, n'a rien présenté d'anormal jusqu'à l'âge de vingt

ans, époque de son mariage. Mais, peu à peu, à partir de cette

époque, elle prit des habitudes religieuses exagérées et eu arriva à

fréquenter plusieurs fois par jour l'église de son village. Elle a

toujours eu cependant un caractère un peu sombre : peu commu-

nicative et portée à l'isolement, elle ne partageait avec personne

des siens ses chagrins intimes, qui ont été parfois assez intenses

car son mari buvait. Elle eut cinq enfants : ses grossesses furent

toutes normales, normales aussi les suites de couches. L'aîné de

ses enfants eut des convulsions infantiles. Vers t'age de trente-

cinq ans elle eut, nous dit-elle aujourd'hui, sa première maladie,

et fit un séjour de quelques semaines à l'hôpital d'Is'... (Renseigne-

ments confirmés). Elle était alors inerte, ne parlait pas, ne man-

geait pas, ne s'intéressait à rien, à personne, n'était sous 1 influence

d'aucune idée délirante, d'aucune hallucination, n'avait pas d'idées

de suicide et ne s'explique pas, ajoute-t-elle, pourquoi elle ne

parlait pas et ne mangeait pas ; il lui semble même qu'elle ne

pensait pas. Elle guérit à l'hôpital ( ? ). rentre dans son ménage,

est bientôt enceinte ; sa grossesse (la cinquième) suit normalement

son cours, l'accouchement et les suites se passent très bien sain* retour

de troubles mentaux.

En 1899 seulement réapparaissent les troubles qui ont motivé la

première hospitalisation : altération de la santé physique, amai-

grissement, misère physiologique ; inertie complète, mutisme

absolu, indifférence absolue, quelles que soient les questions et

l'insistance avec laquelle on les adresse; station assise ou debout

prolongée jusqu'à ce qu'on la déplace ; faciès absolument inerte,

parfois léger sourire non motivé, regard fixe, sans expression ;

Archives, 2° série, t. XVI. 21

418 CLINIQUE MENTALE.

se tient immobile au milieu de malades bruyantes, sans manifester

jamais la moindre émotion, se laisserait renverser si l'on ne veil-

lait sur elle ; doit être habillée, déshabillée, ne prend spontané-

ment aucun aliment ; nourrie plusieurs fois à l'aide de la sonde

oesophagienne. Lorsque la surveillante la presse de questions, elle

fait un signe de tête affirmatif ou négatif. Malgré cet état n'est pas

gâteuse. Ainsi nous la voyons pendant les premières semaines

qu'elle passe dans le service.

En décembre 1899. elle mange seule dans un coin, à la condition

que l'on place ses aliments devant elle et qu'on l'invite à les pren-

dre. Elle répond parfois quelques mots aux infirmières, mais reste

toujours absolument muette en face des médecins ou des reli-

gieuses. Son attitude habituelle indique suffisamment qu'elle n'est

sous l'influence d'aucune idée délirante, d'aucune hallucination,

qu'elle n'éprouve aucune émotion, qu'il n'y a généralement chez

elle aucune activité cérébrale. Elle reste toujours la même lorsque

nous l'interrogeons, quelles que soient nos questions, même lors-

que nous cherchons à réveiller quelque sentiment affectif; parfois

éclate un rire automatique, absolument sans motif, de courte du-

rée et qui se termine brusquement comme il est arrivé. Elle reste

ainsi pendant un an.

En décembre 1900 une rémission commence, elle parle parfois

spontanément, écrit à sa famille, mais elle n'a pas la moindre

conscience de son état, ne s'explique pas sa présence dans le ser-

vice, ne croit pas avoir été inerte, avoir refusé les aliments, etc... ;

elle s'occupe automatiquement, sans intérêt, sans jamais observer

ce qui se passe autour d'elle. En 1901, 1902 et 1903 : elle s'occupe

assez régulièrement, mais toujours automatiquement en quelque

sorte, ne montrant que rarement un peu d'initiative, elle mange

seule, à la condition toutefois d'être invitée à le faire ; elle finit

par prendre ses repas par entrainement en quelque sorte, automa-

tiquement, comme elle travaille ; elle ne parle presque jamais

spontanément mais elle répond, laconiquement, à toutes les per-

sonnes qui lui adressent la parole, sauf à la religieuse surveillante

de son quartier. Je reviendrai plus loin sur ce fait particulier.

Nous observons de loin en loin encore des périodes de mutisme,

d'inertie cérébrale, avec sourires automatiques, absolument sans

motif. Je l'ai interrogée maintes fois suries troubles qu'elle a pré-

sentés si longtemps, qu'elle présente encore de temps en temps :

« Je ne sais pas, je n'en sais rien, » répond-elle à toutes les ques-

tions relatives aux causes de son mutisme, de son inertie, de son

refus des aliments. Voici, du reste, un exemple :

Quel âge avez-vous ? Cinquante ans le 13 juillet (exact). En

quelle année étes-vous venue dans le service ? Il y a quatre ans,

en 1899 (exact). Pourquoi vous a-t-on placée ici ? Je ne sais

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CATATONIE. 419

pas. Même question, répétée avec insistance ? Je ne sais pas,

je ne peux pas dire. - Avez-vous été malade ? Non, 11f... -

Jamais ? Je n'ai jamais eu de grosses maladies. Pourquoi ne

pKte-BOMSpas ? Je n'en sais rien. 70Mrtj' ! (o<nemttt;tez-tOt;

pas ? Je n'en sais rien. Pourquoi refusiez-vous tous les ali-

ments ? Je n'en sais déjà rien, probablement parce que je n'avais

pas faim. Même question avec insistance particulière ? Je ne

sais pas du tout, je n'avais probablement pas d'appé.tit, pourquoi

n'aurais-je pas mangé autrement ? -4 quoi pensiez-vous ulors ?

Je n'en sais rien. Pensiez-vous à vos enfants ? - Non, je ne

crois pas. -A votre mari ? Ma foi non. Mais cependant, vous

savez bien que l'on pense toujours à quelque chose ? Je ne sais pas

à quoi je pouvais penser, mais je ne pouvais rien faire. Pour-

quoi ? Je ne sais pas du tout. (Aucune réticence dans ses répon-

ses, aucune trace de dissimulation.) Pourquoi vous a-t-on placée

une première fois à l'hôpital, il y a une dizaine d'années ? Je ne

sais pas, probablement parce que je ne mangeais déjà pas et que

je ne parlais pas.

Elle a bien peu de spontanéité, elle me parle maintenant assez

volontiers lorsque je la questionne, mais il suffit que je l'interroge

en face d'étrangers ou que je lui fasse adresser quelque question

par la religieuse surveillante de son quartier pour la plonger im-

médiatement dans une stupeur catatonique complète. Lorsque je

cherche, quelques instants après, les causes de ce mutisme, de

cette inertie soudaine, elle m'affirme qu'elle ne sait pas pourquoi

elle s'est trouvée ainsi dans l'impossibilité de répondre, qu'elle ne

comprend rien à cela, qu'elle n'a jamais pu parler à cette surveil-

lante avec laquelle elle vit depuis quatre ans, dont elle n'a jamais

eu à se plaindre, qui a toujours été bonne pour elle. Il m'est arrivé

maintes fois de mettre cette malade en stupeur catatonique en fai-

sant intervenir cette religieuse dans un interrogatoire'.

La diminution de l'activité cérébrale dans les intervalles de mo-

ments de stupeur catatonique est bien manifeste, mais la malade

ne touche pas encore à la démence.

Cette femme est bien évidemment atteinte de psychose

catatonique dégénérative, comme les précédentes, mais à

' La facilité avec laquelle se produit maintenant la suspension de

l'activité cérébrale s'explique assez facilement, en somme, et par la

diminution habituelle de l'activité cérébrale et par la durée et la fré-

quence des crises de stupeur catatonique observées dans les premiers

temps, de son séjour à Nl-iré%ille. Le cerveau de cette femme est devenu

un loczis iniîioi,is i,esisleiilix. tel que la moindre action inhibitrice se

traduit par un effet intense, la plus légère surprise, le moindre heurt

amène une suspension totale de l'activité cérébrale.

420 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

évolution particulièrement lente, entrecoupée de nombreu-

ses rémissions de durée variable. Son observation atteste

qu'une phase de chronicité très longue peut précéder la dé-

mence. -

Il ne me semble donc pas rationnel de dire que la catato-

nie est un syndrome qui appartient à l'histoire de la dé-

mence précoce ou de qualifier précoce la démence qui

succède à la catatonie dans l'évolution de la psychose dégé-

nérative dont je viens de rapporter quelques exemples et

qu'il me semblerait assez logique de distinguer simplement

par la dénomination de psychose catatonique dégénérative,

qui tient compte des principales étapes de la maladie.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Fréquence et évolution des lésions du fond de l'oeil

dans la paralysie générale.

F1'UI)E CLINIQUE ET : 1\.1T0.110-P.ITnOLOGIQUE t

P 111 LES DOCTEURS

G. lt.1V1a1RT, et P. CAUDHOK.

Médecin adjoint Interne

de l'Asile d'Armentières.

Dans des travaux antérieurs : Thèse deLille l90 ? , Mémoires

des Archives de Neurologie, janvier et août 1903, publiés en

collaboration avec M. le D1' Kéraval, nous avons étudié les

lésions du fond de l'oeil dans la paralysie générale et montré

leur fréquence.

Le travail que nous publions aujourd'hui, nous a paru

être le complément nécessaire des précédents.

Nous avons pensé en effet, qu'il y aurait intérêt à suivre

l'évolution des lésions du fond de l'oeil observées un an

auparavant et nous avons réexaminé en juin 1903 les survi-

vants de la série examinée en 1902.

1 Communication au Congrès de Bruxelles.

LE FOND DE L'OEIL DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE. 421

Nous avons cru également devoir examiner le fond de l'ceil

chez une nouvelle série de malades. La grande fréquence des

lésions observées antérieurement pouvait être le fait d'un

simple hasard ; les observations nouvelles que nous appor-

tons aujourd'hui -montrent qu'il n'en était rien et que les

lésions du fond de I'oeil sont des plus fréquentes chez les

paralytiques généraux. -

Sur les cinquante et un malades examinés il y a un an, il en

restait vingt-trois, tous parai) tiques généraux à la deuxième ou à

la troisième période. Le fond de l'oeil de chacun d'eux a été exa-

miné avec soin, et le résultat de ce nouvel examen comparé à

celui du premier. Nous avons alor, pu constater que d'une façon

générale, les lésions du fond de l'oeil avaient évolué parallèlement

aux lésions du cerveau, s'aggravant lorsque celles-ci progressaient

ne se modifiant pas au contraire dans les cas où la paralysie géné-

rale n'avait fait aucun progrès.

Le détail de ces \ingt-trois examens serait fastidieux ; nous

nous bomerons à rapporter quelques observations de façon à carac-

tériser chaque espèce.

A la suite de quelques ictus congestifs, le malade C... est passé

de la seconde à la troisième période de la paralysie générale ;

parallèlement sa papille droite blanchâtre il y a un an est mainte-

nant blanche et étalée, sa papille gauche alors normale est actuel-

lement blanchâtre.

Le malade B... paralytique à la seconde période ne présentait

lors du premier examen aucune lésion du fond de t'oeit ; sorti en

rémission, il y a six mois, il vient de rentrer à l'asile affaibli,

gâteux, l'examen ophthalmoscopique montre que ses papilles sont

maintenant blanchâtres.

La paralysie générale a évolué lentement chez pareillement

les papilles qui étaient symétriquement décolorées en dehors, le-

sont actuellement sur toute leur étendue.

G... a peu changé depuis un an, ses papilles sont un peu plus

blanchâtres, leurs vaisseaux se sont amincis.

Enfin L... dont la paralysie générale n'a pas évolué présente

toujours le même état flou des papilles. Six autres malades chez

lesquels la paralysie générale n'a fait aucun progrès, ne présentent

pas non plus de modification appréciable du côté du fond de

)'oeit. I .

D'ordinaire, les lésions du fond de t'oeit sont d'autant plus mar-

quées que les paralytiques ont atteint une période plus avancée de

leur maladie, c'est ainsi que la plupart d'entre eux, lorsqu'ils sont

alités et gâteux, présentent au moins de la blancheur de la papille.

Toutefois, il existe des exceptions, et nous avons vu l'atrophie

422 ) ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

papillaire se produire dans deux cas alors que les malades avaient

à peine atteint la seconde période de la paralysie générale.

Le résultat de l'exanzenolhtitali2oscopiqite de notre nouvelle série,

qui comprend quarante-quatre paralytiques- généraux, est le sui-

vant : nous avons trouvé :

Une fois 1' 'atrophie papillaire blanche bilatérale;

Dix fois de la blancheur des deux papilles ;

Deux fois une papille blanchâtre du côté droit; l'oeil gauche étant

normal chez un des malades tandis que la papille gauche du

second était floue surtout dans le segment nasal ;

Quatre malades présentaient une papille blanc grisâtre ;

Les papilles de cinq autres avaient l'aspect lavé, les vaisseaux

étaient sinueux, un malade avait la papille droite lavée tandis que

la gauche était normale ;

Onze malades présentaient l'état flou des deux papilles, la droite

seule était atteinte chez quatre autres, la gauche seule dans un

autre cas ;

Enfin six malades seulement avaient leur fond d'oeil normal.

Trente-huit malades sur quarante-quatre présentaient donc des

lésions du fond de l'oeil ce qui fait 73,33 p. 100 d'altérations. La

plupart de ces malades sont des paralytiques généraux déjà arri-

vés au moins à la seconde période de leur affection.

L'acuité visuelle, difficile du reste à apprécier, parait fort peu

diminuée chez la plupart de ces malades, et lorsque leurs papilles

sont floues et même blanchâtres, ils peuvent encore distinguer les

caractères fins.

Rapporter les lésions que nous avons observées à un facteur

étiologique déterminé ne nous a point paru possible ; car si

80,0 p. 100 de nos malades étaient alcooliques, le reste ne l'était

pas et présentait néanmoins des lésions; d'autre part 20,9 p. 100

étaient syphilitiques quatre d'entre eux ne présentant dans leurs

antécédents que la syphilis seule.

Les lésions papillaires constatées à l'ophtlialmoscope sont égale-

ment distinctes à l'autopsie, et on différencie fort bien la papille

floue de la papille décolorée, mieux encore de la papille présen-

tant de l'atrophie blanche.

Nous avons pu dans cinq cas pratiquer l'examen histologique, et,

comme il s'agissait de paralytiques généraux présentant des

lésions oculaires à tous les degrés, nous avons pu suivre en quel-

que sorte les différentes altérations que subissent la rétine, la pa-

pille et le nerf optique.

La tétine présente des altérations diffuses plus ou moins mar-

quées, caiactérisées par la prolifération des éléments conjonctifs et

névrogliques et par celle des fibres radiées ; les cellules ganglion-

naires diversement lésées disparaissent dans les cas les plus avan-

cés.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. li,23

Ces lésions de rétinite diffuse peuvent être parfois accompagnées

de celles de la rétinite séreuse, on observe alors la dégénérescence

cystoïde si bien décrite par Iwanoff.

La papille est infiltrée par des éléments conjonctifs et névro-

gliques dont le nombre varie avec le degré de la lésion ; quand

elle présente l'aspect flou, on trouve les faisceaux de fibres ner-

veuses à peu près intacts simplement séparés les uns des autres

par des cellules néoformées, celles-ci se rencontrant surtout près

de la membrane limitante interne et au pourtour des vaisseaux.

Quand les lésions sont plus avancées, les cellules conjonctives et

névrogliques, sont alors tellement abondantes que les fibres ner-

veuses ne sont plus visibles. Le nerf optique présente les mêmes

altérations que la papille. Ce sont 15 en somme des lésions dif-

fuses analogues à celles que l'on rencontre dans le cerveau.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XVI. Expériences relatives à la voltaisation, par 7.NIETOWShI

(neurolo. Centrulbl., \\I, 190).

L'auteur conseille au praticien d'utiliser pour l'électrodiagnostic

les décharges des condensateurs. Cette décharge est commode en

ce qu'elle produit une contraction pure, dénuée de douleur et

d'action électrolytique. Elle dure peu et, par suite, est incapable

de produire d'effets électrotoniques et électrolytiques. Sa brièveté

empêche toute modification de la résistance au courant. C'est pro-

bablement grâce à cela que j'ai pu, ajoute M. 7.aniétosl;y, noter

très exactement la moindre exacerbation, l'état latent momentané

des phénomènes morbides, l'instant de l'évolution progressive ou

régressive des accidents. P. 11E11.1VdL.

XVII. Y a-t-il des voies centrifuges qui vont de la couche optique

à la moelle ? par A. V.1LLE\I3ERG (Neurolog. Ceatralbl., XX, 1901).

Les recherches en cours de l'auteur lui permettent d'affirmer

ce qui suit :

1° Les zones spinales de la couche optique, contiguës en dehors

et en avant à la commissure de l'habénule, envoient de puissantes

fibres saggitales destinées aux régions inférieures du névraxe. Au

niveau de l'extrémité antérieure du cerveau moyen, elles décrivent

424 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

une courbe transversale, constituent un faisceau de rayons ayant

pour centre les confins de la substance grise centrale du canal

encéphalomédullaire, envoient quelques-unes des leurs au faisceau

longitudinal postérieur ainsi qu'aux noyaux de l'oculomoteur

commun, s'entrecroisent en avant de ces derniers, puis, continuant

leur chemin jusqu'au cordon antérieur et à la corne antérieure de

la moelle, elles se comportent exactement, dans cette dernière

partie de leur trajet, comme les fibres des tubeicules quadri-

jumeaux au cordon antérieur qui viennent de l'entrecroisement de

la calotte de Meynert. Telle est l'origine thalamique de la substance

blanche profonde qui va au cordon antérieur, ou voie thalamique

dit cordon (intérieur de lioyce et Ltechterew.

21 Quelques fibres transverses de moyen volume s'entrecroisent

en arrière des tubercules mamillaires et en avant du noyau rouge

de Stilling : elles se collent, à l'intérieur du cerveau moyen, au

faisceau de Monakowissu de l'entrecroisement anténeur de la

calotte de Forel, et arrivent avec ce faisceau au cordon latéral de

la moelle. C'est l'origine thalamique du faisceau de. Nloiiiilom,, ou

voie thalamique du eorclon latéral de Boyce et Beclterew.

P. Keuwal.

V 111. Contribution à l'étude de l'origine du territoire sacré pos-

téro-médian, par G. 13rICELI : S ;LVC2n'ol0l. CenlrulGl., XX, 1901).

D'où viennent les fibres qui, dans les segments inférieurs de la

moelle, longent la cloison postérieure, 'et subissent la dégénéres-

cence descendante. Proviennent-elles des cellules de la substance

grise ' ?

Voici un fait de tabès dorsal dans lequel les dégénérescences

tabetiques, extrêmement accusées, portaient sur toute la moelle,

sacrée, lombaire, dorsale, et même sur les racines postérieures de

la partie supérieure de la moelle cervicale depuis la 5° paire en

montant. La coloration Weigertel Pal montre que seules les zones

d'entrée radiculaires sont dans la moelle cervicale inférieure assez

bien conservées : à ce niveau on voit de puissants faisceaux arqués

pénétrer du cordon postérieur dans la corne postérieure. Par

contre, il y a dégénérescence absolue. générale, des zones d'entrée

radiculaires de la moelle sacrée et de la moelle lombaire : dans la

moelle dorsale, ces zones sont complètement ou presque entière-

ment dégénérées. A partir de la moelle sacrée jusqu'au niveau de

la moelle cervicale, absence partout des fibres arquées de la corne

postérieure. Et, malgré cela, tout le territoire médian de la moelle

sacrée est tout aussi bien coloré que dans une moelle tout à fait

normale. Donc, ce territoire, de même que le territoire antérieur

du cordon postérieur, a une origine surtout endogène.

- P. Keraval.

REVUR, D'ANA'i7ONIIL ? ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.- M3

Contribution à la connaissance de l'organe de l'odorat dans

un cas d hemicéphalie chez 1 homme, par L. de Mouiult (Neurolog.

CcWrvlbl., \\. 1901).

Il s'agit d'un foetus du sexe masculin, avant cf ié, avalé, produit

des mouvements musculaires et réflexes normaux. Région faciale

du ei,^trie et nez bien conformés. Le bulbe rudimentaire portait

tous les nerfs crâniens habituels avec leurs noyaux jusqu'au trlju-

mi-au. f.e pathétique n'était représenté que par ses noyaux :

aucune trace de l'oculomoteur commun. Les hémisphères céré-

braux, le ceiveau moyen et le segment antérieur du cerveau inter-

médiaire sont remplacés par des hvsles et des bemorrhafies.

entourés de tissu conjonctif et de placards de ti-abécules né 7e-,

piques contenant des neuroblastes et des cellules indifférente»

disposes en tas. Nulle trace de bulbe olfactif, de baiidelette dic1 àcl

tive. de corne d'Ammon, etc.

La région olfactive du nez est cependant pourvue d'une in £

queuse qui présente la structure de la muqueuse olfactive d'un, k,

sujet de cet Age Elle est siinpleiiierit un peu iiioitis éteii-

due en surface. La couche etiticulaire, bien dessinée, a subi les

altérations propres a la macération. La zone des noyaux ovales

est très nette : ceux-ci sont un peu plus massifs que d'ordinaire.

Celle îles noyaux ronds n'offre pas d'anomalies; en arrivant au

tissu conjonctif, elle est arrêtée par une couche de noyaux couchés

ovoïdes. On ne voit nulle fibre nerveuse. Cet arrêt de développe-

ment cérébral est antérieur au 51 mois de la vie inlra-utérine (His).

L'existence de la muqueuse olfactive du nez prouve que le déve-

loppement des omanes sensoriels de la peau est indépendant de

celui du système nerveux correspondant. 1'. KlR ? VAL.

XX. L'examen, à l'aide des rayons de Roentgen, des troubles tro-

phiques du tabès et de la syringomyélie, par Il. KIE4BOECK

Cent-albl.. XX, 1901).

Ces rayons montrent, dans les arthropallries typique', dépourvues

d'inflammation suppurative accidentelle, du tabès et de la syrin-

gomaélre : que l'articulation est. luxée par déformation et fractu-

rée ; que les extrémités articulaiies sont usées par le frottement.

qu'elles ont proliféré; que l'appareil ligamenteux est ossifié, ainsi

que les tendons et les muscles autour de l'articulation; enfin que

les trabécules osseuses sont éburnées, raréfiées, dissociées. Ils

montrent le détail des aller/liions des os dans les inflammations

iiippurëes et abcès qui passent généralement inaperçus chez les

synngomvéliqiies à cause de leur indolence, durent longtemps et

aboutissent à des destructions profondes.

.1 ce propos, l'auteur proclame que tout processus suppuratif

426. REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

inflammatoire grave, celui du panaris par exemple, peut à lui seul

déterminer une décalcification passagère des os. Dans l'ostéite, les

sels de chaux peuvent presque totalement disparaitre du cartilage

osseux, passagèrement.

Les fractures spontanées du tabès et de la syringomyélie tiennent

à une friabilité anormale des os longs due principalement à une

disposition anormale des trabécules osseuses (structure patho-

logique), et à des altérations de la substance fondamentale orga-

nique.

On voit également par les rayons Roentgen les lésions prévues

du squelette dans les scolioses et difformités Ihoraciqucs de la syrin-

gomyélie. L'augmentation de volume des mains et des pieds, dans

cette maladie, tient finalement, au moins pour une petite part, à

l'augmentation de volume, avec modification de forme, des os;

l'hyperémie passive y joue un grand rôle, comme dans les doigts

en baguettes de tambours de la cyanose cardiaque.

P. KrmvAL.

XXI. Nouveau procédé d'imprégnation à l'argent, pour colorer les

cylindraxes ; par J. f'.1dE115ZT.1JN (,elli-010g. Centralbl., XX,

1901).

Ce procédé, applicable aux pièces durcies à la l'ormaline ou à

l'acide chromique, à quelque moment qu'ait été pratiquée l'au-

topsie, convient aussi aux tissus frais et à l'embryologie. Les coupes

seront effectuées au microtome à congélation, mais celle-ci sera

modérée pour les pièces durcies à l'acide chromique qu'on lais-

sera dégeler avant de les transporter dans l'eau. Les coupes,

reçues dans l'eau distillée, seront lavées largement (pièces foi-

miques), ou superficiellement (pièces chromiques).

On prépare un bam d'azotate d'argent ammoniacal (formule :

Ag Az 03 ? 2AzIi3), qui ne sent plus du tout l'ammoniaque, dans

lequel celle-ci fait corps avec le sel d'argent. On a, d'autre part, a

sa disposition des solutions d'ammoniaque à 10 et à 1 p. 100, une

solution d'hydroxyde de sodium à 0,3 p. 100, une solution d'eau

de baryte à 10 p. 100. On remplit quatre verres de montre : u. du

bain d'argent ; b. du bain d'argent additionné de 1 à 2 gouttes de

solution ammon. à 1 p. 100 ; c. du bain d'argent additionné de

2 à 3 gouttes de cette dernière, et de 1 à 2 gouttes de la solution

sodique ou barytique ; d. du bain d'argent, additionné de 1 goutte

de solution ammon. à 10 p. 100 et de 2 à 5 gouttes de solution

sodique ou barytique. Le bain d'argent pauvre en Azill donne, au

moment où l'on ajoute de la soude ou de la baryte, un précipité

d'Agio, qui se redissout en agitant ; sinon, il faut ajouter une

autre goutte de solution ammoniacale à 1 p. 100.

Les coupes sont directement passées de l'eau -distillée dans

chacun des verres de montre et laissées cinq, dix, ou vingt mi-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 427 Î

nutes dans la solution d'argent. Si celle-ci est riche en lzH3, les

coupes peuvent y demeurer plus longtemps; en est-elle pauvre ou

exempte (bain-type), les coupes, au bout de deux-cinq minutes.

prennent une coloration rouge jaunâtre. C'est le moment de ré-

duire en mettant la coupe sur le porte-objet dans une goutte de

solution de formaline à S p. 100.

On examine alors au microscope. Si la coloration est réussie, on

dépose la préparation dans l'eau distillée. On doit obtenir une

coloration gris foncé, ou tirant sur le brun jaune. Tous ou presque

tous les cylindraxes sont alors d'un brun intense ou d'un noir de

jais sur un fond incolore ou jaunâtre diffus : ils ne doivent pas

présenter de granulations. Les cellules nerveuses sont invisibles ou

très faiblement colorées en brun jaunâtre : parfois elles sont noires

avec les origines dendritiques. Les expansions terminales péri-

cellulaires des fibres nerveuses restent d'ordinaire incolores, bien

que, dans les préparations heureuses, chaque cellule à peu près

soit enlacée d'un épais enchevêtrement de fibrilles très fines. Il

existe des exemples de colorations parfaites des cellules et des

ramifications terminales. Souvent aussi la coloration du brun au

noir s'étend aux noyaux des cellules, aux hématies, aux noyaux,

aux fibres et aux cellules de la névroglie.

Des précautions spéciales sont à prendre pour les préparations

durcies à l'acide chromique (voir le mémoire). Le dessin microsco-

pique est le même sauf que le fond est d'un jaune plus sombre.

On différencie et fixe en immergeant les coups dans une solution

de chlorure d'or à 0,3 p. 100 : 1 à 3 gouttes pour 10-15 centimètres

cubes d'alcool à 96. La coloration des cylindraxes s'affirme tandis

que le fond devient d'un rouge rosé ou violet. On peut encore

fixer au platine (l't CI,.) : en ce cas on évite le fond rougeàtrc.

Inclure dans le baume du Canada sous couvre-objet.

Apres une minutieuse description de pièces ainsi préparées,

l'auteur reproche à son procédé d'être capricieux. Mais les colo-

rations partielles offrent encore beaucoup d'intérêt. P. Keraval.

XXH. Application au diagnostic des neurasthénies et hystéries

traumatiques de l'enregistrement de la pression sanguine, par

H. Strauss. (neurolog. Cealrtl6. Il. 1901).

Il serait particulièrement précieux de déjouer la simulation s'il

était établi que, par la méthode de Goertner, on fût en mesure

d'obtenir des signes physiques précis, dans des conditions déter-

minées. L'auteur examine les sujets de 10 heures à midi, api es le

petit déjeuner, assis; il procède sur l'indicateur gauche tenu à la

hauteur du coeur, et exécute plusieurs notations l'une après l'autre

eu éliminant la première qui généralement, fournit le chiffre le

plus élevé. Dans ces conditions, le manomètre à mercure marque

428. ltE UE U'A\1'l'OtIE E'l' I)E PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

en moyenne, chez l'homme sain 90-100 millimètres, plus près de 90

que de 100.

Chez les individus atteints de névrose traumatique. indemnes

-d'artériosclérose, de néphrite chronique, de saturnisme chronique,

âgés de trente-six ans, non suspects, par conséquent, d'artérios-

clérose au début, au nombre de neuf, il a, sur 23 séances, relevé,

au tonomètre de Gairtner, 2t fois les chiffres de 100-130 milli-

mètres, une fois celui de plus de 130, 3 fois le chiffre de 9J milli-

mètres. Ce dernier concernait des malades depuis longtemps en

traitement : les autres se rapportaient généralement au début de

l'affection.

Par suite, si chez des personnes soupçonnées d'une névrose

fonctionnelle, indemnes d'artériosclérose, de néphrite, de satur-

nisme chronique, on constate à plusieurs reprises des chiffres

lonométriques élevés, on est autorisé à croire que le soupçon, déjà

basé sur d'autres signes, est confirmé. Cette hyper pression, bien

établie avec les précaution d'usage, par un observateur maître de

la méthode, a rang de signe diagnostique pratique.

Dans une observation toute récente de nécrose cardiaque trau-

matique M. Strauss a noté 13 millimètres de Hg., taudis que

dans un cas de dilatation du coeur, d'origine traumatique, sans

lésion valvulaire, la pression était de SO-60 millimètres.

Le tonomètre permet encore de constater matériellement l'exis-

tence de points douloureux. Dans cinq cas de névrose traumatique

la pression sanguine a monté de 15, 20, 25, 35 et même 40 milli-

mètres, au moment où l'on a pressé sur les points en question.

Dans la sciatique, alors que l'on presse sur le nerf malade, elle

s'élève de 25 et de 30 millimètres. Chez les sujets sains, le pince-

ment douloureux de la peau provoque une hyperpression de plus

de 15 et de 20 millimètres. 11 s'agit de déterminer le rapport entre

l'hyperpression et l'intensité de la douleur fonction de la compres-

sion, et d'enregistrer comparativement les chiffres tonométriques

qui correspondant aux points douloureux signalés parles patients

et ceux qui correspondent aux points symétriques soumis à une

pression d'égale intensité.

Il convient encore de trouver les lois de la pression sanguine,

en relation avec l'effort physique et la tension d'esprit : elle s'élève

assez souvent sous cette influence de 10 et de 20 millimètres chez

les mdividus bien portants. P. IïInAVAL.

1\II(. Une modification nouvelle de la méthode d'imprégnation

argentique de Golgi, par H. Guuden. (Neurolog. Centralb. XX,

1901).

L'auteur recommande de substituer au nitrate d'argent le lactate

d'argent, (marque Heyden), dissous dans l'eau distillée à 1/15 Il

aurait l'avantage de colorer un plus grand nombre de cellules avec

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 429

leurs prolongements, et de pénétrera une profondeur de 2 3 centi-

mètres. Les pièces préparées ainsi ont fourni de belles images

bien qu'elles aient été traitées dans de mauvaises conditions : il

s'agissait en effet de morceaux de cerveau et de cervelet de para-

lytiques généraux, dont on avait pratiqué l'autopsie seize

heures seulement après la mort; ils n'avaient séjourné que qua-

torze jours clans le mélange de : bi-chromate de potasse 2,50, eau

distillée 100, formol à volonté. P. Keraval.

XXIV. Contribution à la question de la transmissibilité héréditaire

de l'épilepsie du cochon d'Inde de Brown-Séquard, par M. Sommer.

(Neurolog. Centralbl. XX, 1901).

M. Sommer maintient que l'épilepsie artificielle expérimentale

acquise du cochon d'Inde ne se transmet pas à la lignée pourvu

que les animaux soient vigoureux et bien soignés. Est-ce que les

accès convulsifs décrits par Brown-Séquard et Obersteiner chez les

jeunes ne dépendraient pas d'une décrépitude généralisée ? Voici

les expériences projetées. Faire reproduire des cobayes rendus

épileptiques soumis à une bonne hygiène et à un régime satisfai-

sant ; en faire reproduire d'autres traités dans des conditions

inverses. Si l'on obtient de la première série une postérité vigou-

reuse et indemne d accidents convulsifs, tandis que les petits de la

seconde seront décrépits et peut-être épiletiques, la preuve sera

établie. P. KFHAV%L.

De la brachybiotie congénitale de, certaines parties du sys-

tème nerveux, parADLEK. (NeU ? '010,q. Cecatralbl. XX, 1901).

Quand la vie sexuelle disparaît, les organes de l'économie

subissent une atrophie de la substance active et la multiplication

du tissu inteistitiel (hypertrophie de la prostate par ex.). L'atrophie

rapide du cerveau sénile détermine la tlémei2ce sénile; il peut aussi

se produire une atrophie cérébrale prématurée, qui entraîne la

démence juvénile. Mais ces formes précoces de la dégénérescence

nerveuse si caractérisées par l'hénédoatoxte cérébelleuse, l'utaxie

spinale héréditaire, la paralysie bullaire progressive, l'atrophie

musculaire progressive, laissent supposer que des organes entiers

ou des portions d'organes ont reçu une construction défectueuse

qui leur mesure dès la naissance leur vitalité, leur énergie biolo-

giqne. et les condamne à périr au bout de peu de temps. Cette

idée convient à la paralysie ugilanle, à la sclérose latérale ozuyotro-

phique, à l'hémiah opine faciale progressive, à nombre de cas de

paralysie spinale spasmodiquc, à la myélite chronique de la femme.

à quelques faits d'atrophie du nerf auditif et du nerf optique.

Seulement on ignore l'essence de la structure ou prédisposition

anomale et pourquoi elle porte suivant le cas sur tel ou tel

430 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

domaine. Il doit exister du reste d'autres appareils éphémères, si

l'on en juge d'après maints cas de sclérose de l'oreille moyenne,

d'emphysème pulmonaire, d'atrophie de la muqueuse gastrique

et intestinale, de sclérodermie diffuse, de néphrite interstitielle,

d'artériosclérose, d'arthrite déformante. P. Keiuval.

XXVI. Le réflexe corné o-mandibulaire, par F. de SOELDER. (iyell-

rolog. Centrctlblatt XXI, 1902).

Priez le sujet d'ouvrir légèrement la bouche, tirez la lèvre infé-

rieure en bas de façon à découvrir la rangée inférieure des dents.

et touchez la cornée : le maxiliaire inférieure se déplace alors

transversalement du côté opposé à celui de la cornée excitée.

C'est le résultat de la contraction du ptérygoidien externe du côté

de la cornée excitée. Le réflexe est lent. En répétant l'excitation, il

s'épuise au bout de deux ou trois mouvements, mais il reparait

après dix à vingt secondes de répit. On ne l'obtient pas chez tout le

monde parce que le contact de la cornée détermine simultanément

d'autres mouvements musculaires incoercibles. Chez ceux qui sont

à cet égard plus tolérants, le réflexe cornéo-maudibulaire appa-

rait net dans la moitié des cas, et simplement esquissé chez la

plupart des autres.

La branche centripète de l'arc réflexe doit occuper la portion

sensitive du trijumeau; la branche centrifuge en occuperait la

portion motrice. Le centre réflexe réside problablement dans le

noyau moteur de la cinquième paire.

il est curieux de noter l'association fonctionnelle entre l'orbicu-

laire de l'oeil et le ptérygoidien externe, le contact de la cornée

produisant simultanément le réflexe cornéen et le réflexe cornéo-

mandibulaire. N'arrive-t-il pas souvent que des mouvements pal-

pébraux s'accompagnent de mouvements involontaires des

maxillaires et qu'inversement des mouvements des maxillaires

s'accompagnent de mouvements involontaires des paupières ? Ce

sont des mouvements associés préformés.

Ce réflexe cornéo-mandibulaire persiste quelquefois alors que le

réflexe cornéen a disparu, dans les cas de coma consécutif aux

métastases carcinomateuses du cerveau, au ramollissement embo-

lique du délire aigu, aux foyers de ramollissement syphilitique de

la protubérance, à l'épilepsie : dans ces cas-là le réflexe en ques-

tion était le seul que l'on pût obtenir. P. KERAVAL.

XXVII. De la fatigue des réflexes tendineux et de la valeur diagnos-

tique de ce symptôme dans les affections nerveuses, par V. de

l3ECnrEnEw. (Neurolog. Centralbl. XXI, 1902.

Répétition du même article en russe de l'06o. : r< ! ) : M psichiutrii V.

1900. Déjà analysé. P. Keraval.

REVUE D' ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 431

XXVIII. Le réflexe trigémino-facial et le phénomène de Westphal et

Pilz, par H. Lasacz. (Nezi7,olog. Centralbl. XXI, 1902).

Le réflexe sus-orbitaire de Mac Carthy, Bechterew, Iludovernig,

est connu de tous les neurologistes. La contraction de l'orbiculaire

des paupières ne survient-elle pas à tout contact inattendu et

rapide de la face ? Il existe cependant quelques points dont la per-

cussion, si souvent qu'on la répète, produit invariablement cette réac-

tion. Ainsi, le front, et le trou sus-orbitraire. Celle de l'os malaire

la détermine presque toujours; pour les autres régions, cela dépend

de l'état de l'excitabilité réflexe et non seulement selon les indivi-

dus mais aussi suivant les moments.

Cette contraction de l'orbiculaire a lieu des deux côtés même

chez le nouveau-né, même chez l'adulte à fermer ses yeux alterna-

tivement.C'est un réflexe, car on peut le provoquer en frappant sur

le maxillaire inférieur trop éloigné du frontal pour qu'on puisse

alléguer la transmission directe des vibrations osseuses au muscle

lui-même. De plus, dans la paralysie faciale, totale, la percussion

du point sus-orbitaire se traduit par la contraction en question du

côté sain et sa suspension du côté paralysé. La contraction du

côté sain a également lieu quand on frappe sur le point d'émer-

gence du faciale paralysé, dans les cas d'hyperexcitabitité s'entend.

Cest bien là du réflexe. Lorsque la paralysie faciale s'améliore.

ce dernier procédé fait contracter l'orbiculaire avant même que

l'innervation volontaire soit encore possible. Cette correspondance

s'explique par les riches anastomoses entre facial et trijumeau.

La résection du trijumeau fait disparaître le réflexe.

En même temps que ce réflexe, on voit la pupille d'abord dimi-

nuer puis se dilater. Si l'on répète plusieurs fois l'expérience en

peu de temps, on détermine de la mydriase. Cette reaction s'effec-

tue, quelle que soit la manoeuvre employée, qu'il s'agisse d'une

pupille normale ou d'une pupille immobile à la lumière, même

d'yeux amaurotiques. Ce phénomène a lieu en outre dans la para-

lysie faciale totale alors qu'il ne se produit pas de contraction de

l'orbiculaire. Jamais concurremment le globe oculaire n'exécute de

mouvement de rotation dans l'orbite. Comme cette réaction pupil-

laire a pu être engendrée en des cas où les autres réactions des

pupilles étaient éteintes, il y a lieu de croire qu'elle procède d'un

arc réflexe périphérique. '

Impossible d'assigner au réflexe orbiculaire, pas plus qu'à la

réaction pupillaire, de valeur diagnostique. C'est tout au plus si le

retour du premier indiquerait l'amélioration de la paralysie

faciale. Quant au phénomène pupillaire, peut-être pourrait-il

servir, comme le veut Galassi, à distinguer une paralysie périphé-

rique de l'oculomoteur commun d'une paralysie centrale.

P. Keraval.

3 REXUU U.1\.1'lU\111. E1' Lh PHYSIOLOGIE PAIHOLOG1QUIÎS.

XXIX. Un système de fibres peu connu situé à la périphérie du

segment antérolatéral de la moelle cervicale, par V. de ËKCHTE-

REw. * Le faisceau d'Helweg, par H. Obersteiner. (1 ? 2(OOLU,

Centralbl. XX. 1901).

Le faisceau olivaire de 13echterew, faisceau triangulaire d'fiel-

weg (voy. Archives de Neurologie 189;), t. XXX, p. 15'r) : n'est pas

un faisceau ascendant, c'est un faisceau descendant, comme en

témoignent les observations de Meyer (Leitungsbahnen p. 302) et

de Reinliold (Deutscbe Zeitschr. f. Kervenbeitk. X. 1897). Dans

l'état actuel de nos connaissances il est impossible d'alfirmer

qu'il vienne des olives inférieures; mais il eu est voisin, et par

suite, mieux vaut l'appeler faisceau périoliaaire. Ses rapports avec

les olives en question seraient néanmoins supposables quand on

voit une hémorrhagie de la calotte au niveau du noyau du facial

et de l'oculomoteur externe s'accompagner de dégénérescence du

faisceau central de la calotte, de la grosse olive et du système de

fibres qui nous intéresse (Meyer), du côté correrpoudaut au l'oyei ;

ce faisceau a encore été trouvé dégénéré en un cas d'hémorrhagie

du plancher du quatrième ventricule, toujours du même côté

(Iteinhold). Spiller (Brain 1900, XXII), dans une observation d'hé-

inori-liagie de la base ayant attemt la capsule externe, le noyau

lenticulaire, la partie postérieure de la capsule interne et la couche

optique, a constaté la dégénérescence d'un tractus de fibres qui,

dans la région protubérantielle, était à côté du faisceau pyramidal,

et plus bas descendait à la moelle en dehors des grosses olives.

Ce faisceau n'a en tout cas pas de relation avec le faisceau pyra-

midal, car il se revêt de fibres myéliniques plus tard que ce der-

nier ; puis, tandis que celui-ci se compose de fibres myétiniques

assez épaisses, le faisceau périolivaire contient des libres extrême-

ment fines, pauvres en myéline.

M. Obersteiner fournit une nouvelle observation de dégénéres-

cence descendante du faisceau d'tletweg. Il s'agit d'une tumeur

sphérique de 3,5 centimètres de diamètre, occupant le plancher

au quatrième ventricule du côté droit, qui avait comprimé le

tiers supérieur de l'olive et détruit le tissu nerveux en arrière de

celle-ci (ligures). L'analyse montre une dégénérescence descen-

dénte du faisceau d'ileiweg : on la peut suivre jusqu'au début de

la moelle dorsale. Il est cependant impossible d'eu préciser l'ori-

gine cérébrale. Mais il est extrêmement probable que la plupart

des fibres dégénérées devaient leur lésion à l'action de la tumeur

sur la partie située en arrière de l'olive.

Celles des fibres dégénérées qui pénètrent dans l'olive par le hile

ou qui y entrent après avoir traversé son feuillet postérieur,

seraient des fibres descendantes appartenant à l'olive (faisceau

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 433

central de la calotte` ? ), plutôt que des éléments du faisceau d'Hel-

weg. P. Keraval.

XXX. Coloration des cylindraxes, par L. Kaphn. (Neurolog. Cen-

lrnlll. X\, 1901). ,

On fait durcir dans le liquide de llfuller, pendant trois mois au

plus; on transporte un jour dans l'alcool à 80°, un jour dans l'al-

cool à 95°. un jour dans l'alcool absolu; on inclut dans la celloi-

dine ou dans la paraffine. On colore au moyen d'une solution

dans l'eau à 10 p. 100 de l'encre anthracéno-ferro-gallique de

Léonhardi (Dresde), soit, ce qui vaut mieux, au bain-marie à 35°,

soit à froid, ou à froid après avoir chauffé un instant : un long

séjour de la coupe dans le liquide colorant n'est pas nuisible. On

lave ensuite rapidement à l'eau. La différenciation s'opère dans

l'hypermanganate de potasse à 0,25 ou 1 p. 100 : on atténue par

l'acide sulfurique à l'état naissant. Enfin, on lave rapidement à

l'eau, on déshydrate dans l'alcool à 80°, à 95°, à 100°, on sèche au

carbotxytot ou à l'essence de cajeput, on monte au xylolcol-

phane. Il semble que l'on colore ainsi une substance du cylin-

draxe qui parait ne pas commencer immédiatement à la cellule et

ne pas aller jusqu'à l'extrémité des fibres. P. Keraval.

XXXI. Observation de ramollissement superficiel de tout le terri-

toire irrigué par l'artère sylvienne, par G. BIBLES. (Neurolog.

Cf : Nfn.XX.190t).

11 s'agit d'un homme de vingt-neuf ans, pâle, presque cyano-

notique, cardiaque et tuberculeux, qui, en deux jours, présente

les signes graduels d'une paralysie du membre supérieur gauche

et de la moitié gauche de la face, et d'une parésie du membre

inférieur du même côté. Légère parésie de l'orbiculaire palpé-

bral gauche, paralysie totale du facial inférieur aus mouve-

ments volontaires comme à la mimique. fntrégrité de la branche

motrice du trijumeau. Déviation de la langue à gauche : elle se

meut bien moins facilement vers la gauche que vers la droite.

Diminution de la sensibilité tactile et douloureuse sur toute la

moitié gauche du corps, y compris la face : la sensibilité Ihermi-

que est diminuée à gauche, sauf au visage. On diagnostique un

arrêt de développement de la cloison ventriculaire. avec rétrécis-

sement de l'orifice de l'artère pulmonaire, phtisie pulmonaire,

thrombose veineuse du membre inférieur gauche ayant produit

une ambolie de la sylvienne dans la région de la capsule interne.

L'autopsie, pratiquée deux mois et demi après le début des acci-

dents. montre ce qui suit. Au niveau de la convexité de l'hémis-

phère droit, la pie-mère, dans la région du lobe temporal et du

lobule pariétal inférieur, contient quelques caillots presque unifor-

aACUn'es, `3° série, t. XVt. 28

1131 RKVUK L',\'A'i'OIfE E'1· DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

mément répartis, faciles à détacher. On les retrouve dans la

scissure de Sylvius. où l'artère est bouchée en grande partie par

un caillot blanc qui adhère un peu à la paroi. Une coupe traverse

et perpendiculaire du cerveau révèle une infinité de foyers de

ramollissement plus ou moins volumineux, conglomérés et même

confluents, dans l'écorce et au-dessous de l'écorce de la troisième

frontale (3 centimètres de sa portion antérieure exceptés), des deux

tiers inférieurs des ascendantes. de la première temporale,

de tout le lobule p iriétal inférieur, eu un mot dans tout le ter-

ritoire irrigué par l'artère sylvie2tite droite. Ces foyers pénètrent de

3 centimètres dans la substance blanche du lobule pariétal inférieur :

de 2 centimètres dans celle de la pariétale ascendante; de 1-2 cen-

timètres dans celle de la frontale ascendante : dans la troisième

frontale, mosaïque de foyers superficiels et un peu plus profonds.

La dégénérescence du faisceau pyramidal, nette, mais peu

intense, cesse à l'extrémité supérieure de la moelle dorsale : cela

s'explique, puisque l'extrémité inférieure n'a été que peu para))-

sée, et que le tiers supérieur des ascendantes était épargné com-

plètement. Le bulbe présente uniquement la dégénérescence du

faisceau pyramidal correspondant : intégrité du ruban de Reil.

Dans la protubérance, le ruban de Reil principal est un peu atteint;

évidemment il s'agit de quelques fibres motrices mélangées à cet

organe (iloclie). Dégénérescence étendue mais non profonde du

faisceau pyramidal droit de la protubérance : un très grand nom-

bre de fibres antérieures dépassent la ligne médiane pour se perdre

entre les trousseaux de fibres du faisceau pyramidal du côté

opposé.

Le genou et la branche postérieure de la capsule interne, sont,

comme les ganglions de la base, indemnes de tout foyer de ramol-

lissement. On y retrouve la dégénérescence habituelle des hémi-

plégies, bien que les fibres du faisceau pyramidal destinées au

membre inférieur n'aient pas considérablement souffert. De plus.

tandis que le noyau médian de la couche optique est intact, le

noyau latéral contient un assez grand nombre de fibres dégéné-

rées, non-seulement près de la capsule interne, mais dans tout le

noyau. C'est inexplicable. L'élude du pédoncule cérébral montre

que comme l'a dit Mellus (Journal ofnerv.aud ment. disease,

1899), les fibres des pyramides destinées aux diverses parties du

corps (à l'extrémité supérieure, à l'extrémité inférieur, au facial),

se mélangent les unes aux autres déjà dans la capsule interne.

En somme l'observation est curieuse par les détails anatomopa-

thologiques sus-résumés, par l'absence de dégénérescence des

fibres propres du ruban de lieil malgré le ramollissement étendu

des ascendantes et du lobule pariétal inférieur. Elle l'est encore

par la paralysie limitée au facial inférieur et à l'hypoglosse expli-

quée par la conservation de la racine motrice de la cinquième paire,

REVUE D' ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 435

des nerfs oculomoteurs et de la branche frontale du facial, et l'in-

tégrité d'un petit nombre de fibres entre les innombrables foyers de

ramollissement. Enfin l'hémi-anesthésie tactile,douloureuse, ther-

mique ne peut être regardée que comme fonctionnelle, puisqu'il

n'y avait pas de foyers de ramollissemeut dans la capsule interne

et dans les ganglions de la base, et que le centre du membre iiiré- ·

rieur était conservé. P. Keraval.

a1\II. Coloration du système nerveux à l'aide du rouge Magenta,

par l'. ZosIN. (Neurolog. Centralbl. XXI. 1902).

Durcissement dans la liqueur de MnHer.Inclusion dans la celloi-

dine. Placement dans l'alcool. Couper. Colorer pendant vingt

minutes à une heure par le rouge Magenta à 1 p. 100 : les coupes

deviennent rouges. Laver à l'eau ou, au besoin, laisser les coupes

dans l'eau pendant une demie heure au plus. Laver les coupes à

l'alcool absolu jusqu'à ce qu'il ne s'en sépare plus de flocons colorés,

et jusqu'il ce que la substance grise tranche nettement par sa colora-

tion rouge sur la substance blanche jaune. Xylol, baume du Canada,

couvre-objet.Les manchons de myéline sont jaunes, les cylindraxes

bruns, les noyaux rouge-brun, le tissu scléreux et la névroglie

rouge-violet; les cellules nerveuses sont rouges. La coloration est

plus nette que dans la méthode de van Gieson et le procédé est

plus simple, plus rapide. P. Kerwal.

\1TIII. Contributionàl'anatomie pathologiquedela tétanie d'ori-

gine gastrique, par Hossolimo. (Neurolog. Centrcal6l. ll, 1902).

Il s'agit d'un homme de quarante-trois ans souffrant depuis

quinze ans d'une dyspepsie qui a nécessité des lavages de l'estomac.

Ces troubles prennent une l'orme aiguë le 21 décembre 1900. Il a

de la lourdeur de tête, se lave l'estomac, vomit s'affaiblit, a de la

peine a s'exprimer. Le 22, insomnie accompagnée de contraction

convulsive des mains et des pieds : il lui semble que ses extrémités

sont serrées avec des cordes. Les globes oculaires se meuvent

moins aisément; des sueurs profuses apparaissent; les contrac-

tures cèdent la place à du délire. Le 34, le creux de l'estomac est

douloureux, l'équilibre est difficile, on constate le signe de llom-

berg ; la disparition des réflexes partellaires, du myosis, le défaut

de réaction des pupilles. Membres inférieurs en adduction : douleurs

dans les jambes dues à la tension musculaire.

Du 25 au 28. le malade reste au lit étendu sur le dos comme »

s'il était rivé à sa couche. Les membres inférieurs allongés ont

leurs orteils fléchis en griffe; les membres supérieurs sont en

demi-flexion, les doigts sont fortement fléchis. Tous les muscles

des extrémités du tronc, du cou, de la face présentent un état de

tension très marqué. La physionomie a l'aspect du masque de

436 REVUE D'ANATOMIr, ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tragédie; l'inquiétude y est renforcée par un nystagmus léger des

globes oculaires, l'injection des conjonctives, de courtes convul-

sions cloniques des muscles du visage. De temps à autre le patient

pousse un son rauque expiratoire et bref; la parole est de plus en

plus difficile et inintelligible. Bientôt survient du délire avec hal-'

lucinations visuelles. La connaissance s'obscurcit progressivement.

La contracture s'exagère par instants : la respiration devient alors

saccadée et superficielle, la flexion des orteils et des doigts aug-

mente. Hyperexcitabilité mécanique, faradique et galvanique.

Dysphagie, albuminurie énorme.... EnCiii, color;itioii c3,,iiioti(Ille de

la face et des membres, sueurs continues, pouls fréquent et tendu

de plus en plus faible,')'. 39 et 40, mort.

utopste.Hyperémie veineuse notable des méninges cérébrales.

Hyperémie très marquée des méninges et de la substance grise de

la moelle. Néphrite double. Le pylore est le siège d'un rétrécisse-

ment cicatriciel probablement consécutif à une gomme.

Les muscles, friables, présentent une faible sudation transver-

sale de leurs libres, tandis que l'on trouve une striauon longitudi-

nale parfois très nette. Les noyaux du sarcolemme, par places

augmentés de nombre. sont çà et là disposés en files, en chai-

nettes. Les nerfs périphériques et les racines antérieures ou posté-

rieures témoignent de la dégénérescence de leur myéline. Les

cylindraxes y sont tantôt épaissis en fuseaux, tantôt entortillés en

tire-bouchons. Dégénérescence myélinique irrégulièrement distri-

buée de la substance blanche du nerveux central.

Les cellules de la moelle et du cerveau sont le sièee d'altérations

de beaucoup moins nettes et moins nombreuses; quantité d'entre

elles sont normales. Les altérations éventuelles consistent soit

dans le déplacement du noyau, soit dans la cbromatolyse centrale

avec pulvérulence des grains cbromatophiles, soit, pour quelques-

unes, dans la réduction en poussière du proloplasma.

Intégrité des cloisons conjonctives et de la névroglie. Intégrité

des parois vasculaires : simple injection des veines et des capil-

laires. P. Keraval.

\111 ? Les signes objectifs des troubles de la sensibilité suggérés

pendant l'état hypnotique, par W.-M. Bechterew et 1'. N.ui-

HOUTTE. (OOM'f't ? ('pS<C/<i'K< ? '< ! . VU, 1902).

Expériences méthodiques sur l'influence que peuvent exercer

l'anesthésie et i'hyperestf)(''51e suggérées sur la respiration et le

pouls avant, pendant, après l'état hypnotique : effet sur la courbe

respiratoire et spllygmique de l'excitation douloureuse d'origine

électrique, en se mettant soigneusement à l'abri des causes de

supfrrberie et d'erreur. Etude dans les mêmes conditions des

modifications de la pupille.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 437

Pupille.- A l'état de veille les pupilles se dilatent sous l'influence

de la douleur. Suggère-t-on à l'hypnotisé une anesthésie profonde

celles-ci ne réagissent plus quelle que soit la piqûre qu'on pra-

tique ; lui suggère-t-on qu'il va ressentir une piqûre extrêmement

douloureuse, il suffit de le toucher avec l'extrémité mousse -de

l'épingle pour que ses pupilles se dilatent. La suggestion d'un état

d'hypéresthésie ne présente pas de phénomènes différents de ceux

qui ont lieu à l'état de veille. Il est difficile chez les personnes

dont les pupilles sont larges de surprendre une réaction à la dou-

leur.

Respiration et pouls. Dix observations accompagnées de tracés.

Dans la plupart des cas de sommeil hypnotique profond, la respira-

tion est un peu ralentie, l'amplitude même des ondes respiratoires

est diminuée ; quand le sujet passe de l'état de veille à l'état hyp-

notique, il fait quelques excursions respiratoires profondes et

pendant quelque temps sa respiration devient un peu accélérée.

Le pouls n'admet pas une telle précision. Suggère-t-on l'anesthésie,

l'excitation sensitive à l'aide du courant électrique n'exerce sou-

vent presque aucune action sur le rhytme de la respiration et du

pouls, tandis que ces fonctions offrent à l'état de veille, dans les

mêmes conditions, des oscillations marquées. La régularité de ce

signe rigoureusement proportionnel à l'intensité de l'anesthésie

suggérée fait de celle-ci un fait réel, effectif; elle n'est pas le pro-

duit de l'imagination, et, comme telle, accompagnée du signe en

question, peut servir à distinguer une suggestion réelle d'une sug-

gestion simulée. Le sytème circulatoire réagit aussi notablement

moins alors que pendant l'état de veille, tandis que si l'on suggère

l'hypéresthésie, les excitations douloureuses se répercutent sur le

tracé du pouls selon la réaction de l'activité cardiaque : la courbe

est tantôt très élevée, tantôt basse. P. KERAvAL.

XXXV. De la syringomyelie, par L -\f. Onr.ravshr. (0 ! 'o)'<;') ! tf;

piclciatrü, VII, 1902). ,

Revue suivie d'une observation personnelle. La syringomyélie

évolua sous la forme d'une sclérose latérale amyotrophique hémi-

latérale. Autopsie.

Conclusions générales. Les cavités de la moelle doivent pour le

moment être envisagées comme le produit final des processus

pathologiques les plus différents. La variété capricieuse du tableau

clinique de la syringomyélie s'explique par la variété des locali-

sations des cavités et des processus générateurs. La dissociation

des troubles de la sensibilité ne peut être regardée comme le

symptôme pathognomonique de la syringomyélie. Le diagnostic

des cavités pendant la vie est extrêmement difficile, parfois tout à

fait impossible; il est toujours conjectural. P. KER.IVAL. ,

438 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXXVI. De l'influence de l'écorce du cerveau et des ganglions sous-

corticaux sur la contraction de la rate, par E -W. Ehiksonn.

(oboz ? é ? 71é psichiilt-il). VI, 1901.

Conclusions. 1° Sous la pression constante du sang, la rate

se contracte et se dilate alternativement en un rythme régulier

qui lui est propre. 2° Ce rythme persiste quand on lie les

artères spléniques. 3° Il existe certainement une relation intime

entre la pression sanguine et les dimensions de la rate, que l'on

peut à volonté augmenter ou diminuer jusqu'à un certain point

en provoquant l'hypopression ou l'hyperpression du sang. 4°

L'écorce des hémisphères cérébraux donne naissance à des conduc-

teurs qui influencent le rythme de la rate indépendamment de

l'effet vasomoteur. 5° De toute l'écorce, c'est la région de la

circonvolution sigmoïde qui agit le plus sur la contraction

de la rate. 60 Et, de cette région, c'est la partie moyenne

du segment postérieur qui est la plus active. '7° En sus de

conducteurs vasomoteurs, l'écorce donne naissance à des trac-

tus purement moteurs de l'organe. 8° Les corps striés

exercent une influence vasomotrice sur l'organe. 9° Les couches

optiques exercent sur la rate une double influence vasomotrice et

purement motrice.- 10° Dans la profondeur du tiers antérieurde

la couche optique se trouve un centre sous-cortical de la rate.

11° Tous les troubles delà respiration et de la circulation se réper-

cutent incontinent sur les dimensions de la rate et leur rythme.

12° Les nerfs vagues ne livrent passage à aucun conducteur cen-

trifuge de l'organe. 13° Les voies centrifuges et centripètes de

"la rate passent par les grands splanchniques de deux côtés. lit

L'influence de la région cervicale et dorsale de la moelle sur l'or-

gane diminue graduellement de haut en bas. 15° Le ganglion

semi-lunaire contient un centre dont l'activité aboutit à la protec-

tion du rythme normal et de la tonicité musculaire de la rate.

16° Le retour de l'organe à la normale a lieu plus lentement que le

rétablissement de la pression sanguine générale. 17° L'attaque

épileptoïde entraîne, à la période tonique, la dilatation de la rate,

à la période clonique, une vive contraction de longue durée, qui

survit encore quelque temps à la cessation de l'attaque, qu'on ait

ou non lié les artères spléniques. 18° Quand on a complètement

coupé les nerfs spléniques, l'attaque épileptoïde détermine encore

le gonflement à la période tonique, la contraction à la période

clonique. l'. KEMAVAL.

XXSV11. Dégénérescence des couches optiques (noie préliminaire ,

par J.-B. IIL1CIII·'OItD. (Tlte Journal of Mental Science, janvier 1902).

L'auteur rapporte quatre observations dont une seule est accom-

pagnée d'autopsie : les points symploniatologiclues principaux de

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 43J

ces cas peuvent se résumer ainsi : le, cas : homme atteint de manie,

cicité, réflexe» pupillaires abolis, réflexe du genou aboli, pas d'ata-

xie, syphilis. 2e cas : homme de 39 ans, démena cécité, réflexes

pupillaires paresseux, puis abolis, pas d'ataxie, réflexe du genou

bien conservé ; syphilis. 31 cas : homme de 33 ans, dément,

réflexes pupillaires abolis, puis reparus normalement; vision défec-

tueuse, puis améliorée, sensations normales, réflexe du genou con-

servé,syphilis.-4°cas : llomme de 48 ans, vision défectueuse, puis

améliorée, réflexes pupillaires normaux, démarche ataxique, sen-

sations normales, réflexe du genou conservé, syphilis.

Dans le premier cas, le seul où le diagnostic ait été vérifié à

l'autopsie, il existait une dégénérescence manifeste des couches

optiques et des tubercules quadiijumeaux antérieurs, où les

lésions toutefois étaient moins accentuées. Dans les cas sans autop-

sie, les symptômes ont été tellement semblables à ceux du premier

cas qu'on peut logiquement les attribuer à une cause identique, et

si l'on remarque que dans les trois premiers cas, l'existence de la

syphilis était avérée, et que, dans les deux derniers une amélio-

ration très accusée a succédé au traitement anti-syphilitique, on

sera autorisé à conclure que cette cause est la syphilis. Si de non-

veaux faits de cet ordre viennent à être observés, ils éclairciront

certainement le diagnostic de plusieurs affections nerveuses dans

lesquelles s'observent des phénomènes oculaires le plus souvent

rapportés à la paralysie générale, à des tumeurs cérébrales, ou

aux amauroses brightiques et nicotiniques. Les symptômes

cliniques paraissent ici être peu nombreux : ils se réduisent à une

démence rapidement progressive avec perte de la vision, et à un

léger degré d'ataxie se caractérisant par l'incertitude de la démar-

che plutôt que par l'incoordination du mouvement des jambes. Les

réflexes du genou ont présenté chez ces malades des conditions

vanées, mais on sait que sauf dans les affections midullaires, ce

sont des guides peu sûrs. L'absence d'autres symptômes s'explique

par le siège de la lésion, et par sa nature qui n'entraîne aucune

compression des parties voisines. On peut toutefois se demander

pourquoi les phénomènes de sensation paraissent si peu modifiés :

on s'attendrait à trouver parmi les premiers symptômes l'anesthé-

sie généiale du tronc; elle faisait complètement défaut. Les réflexes

pupillaires et la vision ont également présenté chez les malades

des conditions inégales; mais ici l'explication est plus facile et se

trouve probablement dans la différence de fonctions des couches

optiques et des tubercules quadrijumeaux antérieurs. Si l'on consi-

dère ces derniers comme étant surtout des ganglions réflexes, tan-

dis que les premières seraient surtout des ganglions intercalaires

entre les tractus optiques et le centre de la vision, on conçoit aisé-

ment quetaprédominanoedessymptômesvisuets sur les symptômes

réflexes, et réciproquement varie suivant que c'est l'un ou l'autre

440 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE' PATHOLOGIQUES.

de ces centres qui a été primitivement atteint. Au point de vue

clinique il est intéressant de noter le succès du traitement asti-

syphilitique.. - R. de Mosghave-Clay.

XXXVIII. Deux cas de lipome du cerveau; par Adèle de Steicer

(The Journal o/ Mental Science, janvier 1903.)

Nous résumons ici les deux observations que l'auteur publie

surtout à cause de leur rareté.

1. - Femme de trente-huit ans, est à sa troisième attaque d'alié-

nation, ne dort pas, refuse de manger, de parler, mort par pneu-

monie. A l'autopsie : dure-mère adhérente au niveau du vertex;

méninges claires non adhérentes; masse jaune, de consistance

ferme, reposant sur le corps calleux, et s'enroulant en arrière sur

son genou; sa longueur est celle du corps calleux, son épaisseur

d'un quart de pouce. Dans le plexus choroïde du ventricule droit,

un nodule jaunâtre de consistance ferme, de la grosseur d'un pois

coupé en deux. Histologiquement, ces deux masses étaient entiè-

rement constituées par du tissu adipeux, enveloppé d'une capsule

fibreuse d'épaisseur inégale. Masse et capsule sillonnées de nom-

breux vaisseaux. Dépôts calcaires entre la tumeur et le corps cal-

leux. Autres organes : dégénérescence graisseuse du foie; reins

granuleux.

II. Homme de trente et un ans, atteint de paralysie : état ma-

niaque avec idées de persécution, alcoolisme. Parole nette. Signe

d'Argyll Robertson. Mort après plusieurs attaques épileptiformes.

- Autopsie : membranes congestionnées, n'adhérant pas à l'écorce

mais adhérentes entre elles au niveau de la surface interne des

lobes frontaux. Circonvolutions petites, contractées et tassées. A

droite, au niveau du lobe pariétal, plaque de ramollissement.

Ecorce cérébrale mince et pâle; ventricules dilatés; granulations

sur le plancher du quatrième ventricule. Au-dessus de l'espace

perforé postérieur, et lui adhérant, on trouve une grosseur jaunâ-

tre du volume d'un petit haricot. Au microscope on constate que

cette tumeur est formée de tissu adipeux, avec de nombreux vais-

seaux et une capsule fibreuse distincte. ,- Autres organes : coeur

flasque et petit, foie pâle, lisse; reins granuleux.

R. de Musgrave-Claï.

XXXIX. Sur quelques états de la moelle dans les anémies graves,

par ARCIIIBALR Cnuacn. (I'he .1'a2o-Yor/c .lleclical Journal, 26 juil-

let 1902).

Les processus de dégénérescence consécutifs aux anémies ou

associés à elles, sont en ce qui touche la moelle, une découverte

récente, et l'un des premiers travaux sur cette question est celui

de Nonne, qui, sur dix-sept cas d'anémie pernicieuse, a noté dix

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. iI

fois un état de dégénérescence de la moelle, sur lequel dans deux

cas seulement, les symptômes observés pendant la vie avaient pu

attirer l'attention. On soutint d'abord que ces altérations étaient

presque toujours limitées à la moitié postérieure de la moelle, et

qu'elles épargnaient la substance grise ; plus tard on affirma que

cette dernière courait les mêmes risques. L'examen d'un grand

nombre de faits montre que les portions de la moelle dont l'ali-

menlation sanguine est la moins riche sont les premières à souffrir

les altérations dont il s'agit se traduisent par un état de sclérose.

La preuve que l'anémie est le facteur principal de ces altérations

est fournie par les expériences de Massars et de plusieurs autres

physiologistes. Beaucoup d'auteurs pensent que, à côté de l'anémie

il y a un autre facteur, le facteur toxique. Il est actuellement

reconnu que ces modifications ne sont pas propres à l'anémie per-

nicieuse classique, mais qu'elles se rencontrent aussi dans les

états cachectiques de longue durée dans la genèse desquels ligure

le facteur toxique ; on en observe par exemple dans le cancer. Les

symptômes de cette dégénérescence sont ordinairement obscurs,

et souvent masqués aux yeux du praticien par l'état général grave

sur lequel ils se greffent. Dans d'autres cas, reconnus de bonne

heure,, ils donnent lieu à des erreurs de diagnostic, il y a d'ailleurs

dans la marche de ces symptômes des fluctuations décevantes.

Presque toujours les malades se plaignent de troubles des sensa-

tions (engourdissements, fourmillements, sensations de pression,

de gonflement). Souvent on pense à une névrite multiple, et la di-

minution des réflexes qui est assez commune tend à confirmer ce

diagnostic.

Ordinairement la diminution de volume des muscles ne dépasse

pas le degré qui concorde avec l'état d'émaciation des anémiques,

ordinairement aussi, ils répondent normalement à l'exitation

électrique (sauf quelquefois dans les phases terminales, où l'on

rencontre une atrophie vraie avec ses conséquences réactionnelles

électriques).

On constate quelqufois de légers troubles mentaux, plutôt des

changements de caractère, mais surtout une somnolence qui

s'accompagne au réveil, d'un certain trouble des idées, quelquefois

d'un peu de délire court et tranquille, qui semble la continuation

d'un rêve.

Il existe assez souvent un degré plus ou moins avancé d'atrophie

du nerf optique ; la diminution de la vision, et la réduction du

champ visuel, sont la règle dans l'anémie. Les névralgies sont fré-

quentes. La durée de ces troubles dépend naturellement de celle

de l'état anémique qui les a provoqués.

L'auteur termine par quelques observations sur le traitement,

qui doit être surtout dirigé contre l'état du sang, et il relate six

observations intéressantes. Il. ni; LUSG2a\ ? CL ? ,

442 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XL. Un cas de tumeur des lobes frontaux du cerveau, dans lequel

le sommeil a été un symptôme très accusé, par Thomas Pmur

CowEN (Tite Journal of Mental Science, avril 1902).

L'auteur rapporte avec détail l'observation de ce malade, à l'au-

topsie duquel on trouva une volumineuse tumeur de nature sarco-

mateuse, elle partait des membranes et avait envahi la surface

des deux lobes frontaux jusqu'à une profondeur d'environ trois

pouces. Le symptôme le plus accentué que l'on ait observé chez ce

malade est un sommeil persisatnt. Cet état de somnolence fut

constaté pour la première fois environd eux mois après l'entrée du

malade et il dura jusqu'à sa mort, à peu près six mois plus tard.

Le malade dormait constamment jour et nuit, on était d'ailleurs

obligé de le maintenir an lit, car il risquait de tomber et de se

blesser.

Jusqu'à la fin, le sommeil ne cesse d'avoir un aspect naturel, à voir

dormir le sujet, on se serait cru en présence d'une personne acca-

blée de fatigue. On le réveillait facilement, et alors il répondait

d'une manière à peu près raisonnable pendant une minute ou deux

mais ensuite son attention commençait à faiblir, et il se rendor-

mait. Même pendant ses repas, il fallait le stimuler continuelle-

ment pourqu'il ne s'endormit pas en mangeant. On ne constatait

chez lui aucun autre symptôme de troubles nerveux sauf la névrite

optique. R. de Musguave-Clay.

XLI. Sur les rapports des lésions locales avec les troubles nerveux

et en particulier avec la neurasthénie, par Frédéric Coggeihall.

(The tWv-Yorlc dleclicczl Journal 29 mars 1902).

L'auteur adopte la définition qui a été donnée de la neurasthé-

nie : une névrose de fatigue et conseille de ne pas perdre de vue

dans l'interprétation des phénomènes, non plus que dans leur trai-

tement. Il insiste surtout sur ce double fait que, dans un cas de

neurasthénie confirmée, on n'arrive à rien si l'on se borne à gué-

rir l'irritation locale génératrice de la neurasthénie sans s'occuper

en même temps de l'état général, et que, d'autre part, le résultat

n'est pas plus satisfaisant si l'on se préoccupe exclusivement de

l'état nerveux sans soigner simultanément les causes accessibles

qui en sont tout au moins l'un des principaux facteurs.

R. DU Musguave-Clay.

\ LI De la section des canaux déférents et de ses rapports avec le

tempéramentnèurospsychopathique, par IL-C. Sharp. (7 ? eWe ?

York Médical Journal, 8 mars 1902)

Après d'assez longues considérations sur l'hérédité névropathi-

que et ses conséquences fâcheuses pour la société, l'auteur rappelle

REVUE DU PATHOLOGIE MENTALE. 443.

que la castration a été proposée pour remédier à cet état de cho-

ses, et que cette proposition n'est pas demenrée platonique, puis-

que le Directeur de l'asile des Idiots et des Imbéciles du Kausas a

châtré quarante-sept de ses pensionnaires, avec des résultats très

satisfaisants. II reconnaît toutefois que la castration n'a guère de

chance de devenir a populaire » et il admet que l'on n'a pas le droit

de recourir à un procédé qui crée une difformité et supprime une

partie des plaisirs de la vie. C'est pourquoi il préconise la section

des canaux déférents, qu'il a pratiqué quarante-deux fois chez des

sujets dont l'âge variait de dix-sept à vingt-cinq ans, et qui a

l'avantage d'être sans danger, de laisser intacte la virilité appa-

rente, et d'empêcher toutefois la pocréation. '

R. DE MUSGRA\'E-CL.1Y.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. De la démence précoce, par le Dr lfrcos. (Jo : trM. de Veurolopie,

1902, nez 22).

La première partie de ce travail basée sur l'étude clinique de

10 cas de démence précoce juvénile a déjà été analysée dans les

Archives1. La seconde partie est consacrée à l'étude de cette même

maladie chez l'adulte et l'étude d'ensemble dans le numéro de

décembre 1902, p. 542.

Il. Observations sur la démence précoce et la catatonie; par le

Dr P. Masoin. (Bitl. de la Soc. de zzaécd. ment, de Belgique-

décembre 1902.)

L'auteur s'est attaché plus particulièrement à l'étude des sym-

ptômes d'ordre moteur si remarquables dans la forme catatonique de

la démence précoce. Après avoir montré que le caractère essentiel

decette symptomatologie complexe, où les tics, les gesticulations,

la mimique, les impulsions se combinent et se succèdent sans

ordre est l'absence absolue de relation entre le caractère du délire

et les phénomènes moteurs, M. Masoin insiste sur les analogies

qui existent entre les phénomènes et et les mouvements stéréo-

typés et autres troubles fonctionnels du système musculaire qui

sont si fréquents chez les idiots et conclut à l'identité absolue de

ces symptômes moteurs avec l'automatisme de l'idiot.

' Analyses des numéros mars, juin et septembre du Bull. de la toc.

(le naecl. mentale de Belgique, 190.

4M' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Après cet exposé il est à peine besoin d'ajouter que M. Masoin

se range au nombre des auteurs qui considèrent la catatonie

comme un syndrome ne préjugeant en rien de la forme morbide

où on le rencontre. A côté des termes hébéphréniques, catatoni-

que et paramoïde de la démence précoce, il admet avec Sérieux

une forme simple, qui s'installe sans manifestation délirante,

évolue sans fracas, sans phénomènes moteurs bien accusés et qui

n'aboutit pas à un état démentiel aussi grave que les autres

variétés de la maladie.

En ce qui concerne la fréquence de la démence précoce, M. Masoin

dit l'avoir rencontrée 65 fois sur les 800 malades de la colonie de

Streel que comprend son service. Or. D.

111. Contribution à la connaissance du delirium tremens des mor-

phinistes ; par K. Abraham. (Centralbl. ? Nervcnlieilk. XXV.

N. F. XIII. 1902.)

De l'observation de l'auteur il semble résulter que le delirium

tremens d'origine morphinique se distingue de celui des alcooli-

ques parla gaité : le malade est le héros et non la victime d'un

roman hallucinatoire qu'il vit ; par la conservation de sa per-

sonnalité malgré la tendance mégalomaniaque du moi ; par une

certaine lucidité : le sujet a quelque conscience de son état mor-

bide et, si, sous l'influence des rêves du délire, il vague désorienté,

ce n'est que passager, il récupère la notion de temps et de lieu et

comprend sa situation dès qu'on fixe son attention. Celle-ci est

presque normale ; normale est la faculté de se repérer et, par

suite de se souvenir. L'association des idées persiste excellente.

P. Keraval.

IV. Contribution à l'analyse clinique de l'état de négation

(négativisme) chez les aliénés; par H. Lcnuosc. Cecttral6l. f.

Nervenlieith. XXV. N. F. XIII, 1902.

L'état de négativisme n'est certainement pas un symptôme uni-

taire. Il se peut que divers phénomènes compris sous ce nom

tiennent a des hallucinations et à des idées fausses. La catatonie

est probablement due à une auto-intoxication, les matières

toxiques formées par les échanges nutritifs agissant non seule-

ment sur le système nerveux, mais sur les muscles striés. La

réaction musculaire est alors altérée à des degrés variables suivant

les divers muscles. Ostermayer a noté 1'liyperexciLabiliLé méca-

nique, des phénomènes de contraction idiomuculaire, de l'hy-

excitabilité galvanique ; c'est peut-être cela qui se traduit par

le refus de certains muscles, voire de tous, d'obéir à la volonté

Le malade est empêché de se mouvoir à sa guise, d'où raideur des

mouvements, mouvements stéréotypés, ou pas de mouvements du

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 445

tout comme en certains états de stupeur où coexiste le syndrome

du négativisme. Cette servitude de la locomotion augmente quand

le malade se sent observé, ou quand on l'invite à exécuter un

acte. Dans les cas les moins accusés, il tente, sans y pleinement

réussir, de satisfaire le médecin ; dans les cas prononcés, cette

invitation suffit à engendrer de l'hypertonicité musculaire et dans

les muscles qui doivent accomplir le mouvement demandé, et

dans ceux des régions voisines. de sorte qu'aucun mouvement

n'a lieu comme dans la maladie de Thomsen : on a pris cela pour

de la mutinerie. Celle-ci est naturellement admissible en bien des

cas. Mais l'impossibilité mentale d'exécuter un mouvement voulu

ou demandé est le fond de l'état de négativisme de certains cata-

toniques.

Observation. Une institutrice de trente ans, à tare héréditaire,

est, à l'âge de vingt-deux ans, devenue bizarre, obsédée de scru-

pules, incapale de sommeil, à la suite de surmenage. Le tout se

complique d'hallucinations et d'idées délirantes. L'année suivante

accès brusque de catalepsie. Elle en sort mais pour tomber pen-

dant plusieurs mois en stupeur. Gâtisme. Après, amélioration de

six mois. Puis, aggravation. Enfin, amélioration graduelle et

maintenant, depuis plusieurs années, ce mieux est demeuré sta-

tionnaire. C'est en réalité la forme catatonique de la démence pré-

coce.

Cette malade dit à présent qu'il lui est impossible d'avoir une

attitude naturelle a l'égard de certaines personnes, notamment

des médecins. Elle parle sans contrainte aux autres malades

et aux infirmières, mais dès qu'elle a affaire au médecin, elle

devient muette, elle prend alors en outre une attitude stéréotypée

de raideur qui s'accroît encore lorsqu'on la manipule. Cet état de

mutisme, de négation, de stéréotypie us-a-vis des médecins l'in-

quiète : elle se plaint de ne pouvoir se conduire à leur égard

comme elle le voudrait, car elle les aime bien, et affirmé ne pas

entendre de voix qui lui commandent une telle manière d'être.

C'est de l'impuissance. Elle manifeste par des gestes sa bonne

volonté de répondre aux questions qu'on lui adresse et essaie

d'exécuter ce qu'on lui demande, cela d'une façon saccadée.

Les facultés sont bien conservées : une lettre d'elle à la surveil-

lante en chef le prouve. La façon dont elle s'y exprime témoigne

bien d'une certaine cérémonie et stéréotypie, mais l'intelligence

est saine et le jugement n'est pas mauvais. C'est cependant une

apathique des plus prononcées. Le système musculaire n'obéit

pas à sa volonté.

On aurait donc grand tort de croire que l'état de négation

suppose invariablement que les malades qui en sont atteints

soient des récalcitrants de parti pris, des récalcitrants actifs : sou-

vent il n'en est rien. P. Keraval.

4t6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

V. Quelques cas de folie pellagreuse, par John WARNOCK. (TAc

./f)M;'M<o ? 6M/.S,'t'e) ! M, janvier 1902).

L'auleur qui dirige l'asile du Caire, rappelle que l'existence de

la pellagre en Egypte a été signalée dans ces dernières années par

,le D1' Sandwith. Depuis 189 les malades entrés à l'asile du Caire

pour folie pellagreuse sont au nombre de 141 (93 hommes et 49

femmes) ; ils viennent presque tous de la campagne. Les symptô-

mes les plus communs sont ceux de la mélancolie, aboutissant a

la démence, assez rapidement : puis on voit apparaître l'émacia-

tion, l'anémie -avec parésie des membres inférieurs, la dianhée

intermittente et une prostration prolongée qui aboutit à la mort.

La pellagre se complique toujours d'affections parasitaires (ravu.,

anchylostome, distome de Dilhartz, etc.). Les malades sont pres-

que toujours amenés tardivement à l'asile, en sorte que la lésion

cutanée caractéristique de la pellagre a presque toujours déjà

disparu; mais son existence est attestée par l'état de la peau qui

Teste dénudée après l'exfoliation de l'éruption. Ces reliquats

d'éruption pellagreuse se rencentrent le plus ordinairement nia

face dorsale des mains et des pieds, aux avant-bras et aux jambes,

et à la partie antéro-supérieure du thorax. On remarquera que ces

parties sont celles qui sont le plus ordinairement découvertes dans

le travail des champs. On observe aussi des plaques foncées et

indurées au niveau des grands trochanters, des coudes et des

genoux ; elles persistent souvent quand tout le reste de l'éruption

a disparu. Celle-ci fait d'ordinaire son apparition annuellement,

au printemps, se desquame et disparaît jusqu'au printemps sui-

vant. Quelques malades se plaignent de brûlures et de déman-

geaisons, et ces sensations cutanées ne paraissent pas étrangères

à la genèse de certaines idées délirantes de sorcellerie et de persé-

cution. Le réflexe du genou est ordinairement exagéré, bien qu'il

ait fait défaut dans 45 cas. La perte de l'usage des membres infé-

rieurs est progressive et quelquefois complète, et s'accompagne

souvent de tremblements. Les muscles ne se bornent pas à s'éma-

cier, ils s'atrophient : et le relâchement des sphincters est fréquent.

L'appareil digestif est profondément atteint : la diarrhée intermit-

tente et incoercible est un symptôme presque invariable. La lati-

gue est comme dépouillée de son épithélium (langue chauve de

Sandwith). Fréquemment on trouve des gencives spongieuses et

saignantes, de la cachexie scorbutique, et du gonflement paroti-

dien.

Au point de vue mental, la forme mélancolique est la forme

délirante la plus commune; les hallucinations du goût et de l'odo-

rat sont plus fréquentes que celles des autres sens. La démence

arrive promptement, et, à la dernière période, les symptômes pré-

sentés par les malades ont une grande ressemblance avec ceux

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ' 447

que l'on observe à la période correspondante de la paralysie géné-

rale à forme mélancolique. Il faut remarquer que cette mélancolie

forme un contraste frappant avec la forme usuelle de la folie chez

les Arabes, qui est presque toujours la forme maniaque avec exci-

tation, si bien que lorsqu'un Arabe donne des signes de mélanco-

lie, on le considère immédiatement comme atteint de pellagre, et

on en recherche les stigmates. Enfin il faut signaler une forme

rare de folie pellagreuse, dont la description serait inverse de

celle qui vient d'être faite, du moins au point de vue mental ; elle

s'accompagne en effet d'idées de bien-être, de richesse, de gran-

deur, si bien que lorsque les stigmates pellagreux manquent de

netteté, on peut avoir quelque difficulté à faire le diagnostic diffé-

rentiel avec la paralysie générale. Ce travail se termine par

six observations détaillées et intéressantes.

H. de llossaavr,-Cr.r.

VI. Un cas d'hallucinations unilatérales, et surtout musicales de

l'ouïe, avec quelques remarques sur la formation des images

psyclio-cérébrales; par Alex. Ii0liEItTSO\ (The Journal of Mental

Science. Janvier 1902).

Ce travail est le complément de celui que l'auteur a publié dans

le Journal of Mental Science d'avril 1901. Le cas est celui d'un

homme de soixante-seize ans, sans aucune trace d'aliénation men-

tale, et qui, bien que complètement sourd, a dans l'oreille droite

exclusivement des hallucinations musicales : ce sont des instru-

ments de cuivre qu'il entend, mais quelquefois la musique était

accompagnée de chant. L'examen du malade pratiqué par un oto-

logiste distingué, le D1 Harriui a donné la conviction que la surdité

avait son origine dans le tissu nerveux. Nous résumons ici les

remarques que ce fait suggère au Dr Robertson. Suivant la doctrine

admise en ce qui concerne les fonctions du cerveau, il est probable

que la combinaison complexe de sons qui constitue un air com-

plet ou tout autre morceau de musique, prend une forme définie

et pénètre dans la conscience dans le centre correspondant de

perception du lobe temporo-sphénoïdal. Il peut se faire qu'il y ait

un certain arrangement des impressions dans le labyrinthe et le

nerf auditif, mais en raison de la structure de ces organes, il n'est

pas probable qu'il s'y accomplisse autre chose qu'un assortiment

préparatoire. La réapparition dans l'esprit à des intervalles va-

riables de la même combinaison d'impressions, du même air ou

des mêmes paroles, soulève une question plus difficile, celle de

savoir comment se fait du côté physique, cette réviviscence. Le

même problème se pose d'ailleurs pour le réveil dans la mémoire

des images sensorielles, et, par le fait, pour l'exercice de la pensée.

Peut-être l'étude des faits unilatéraux est-elle propre à éclairer un

448 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

peu la question, et l'auteur veut se borner à indiquer la direction

dans laquelle on pourra le mieux faire avancer cet. ordre de re-

cherches.

- Chez les animaux supérieurs, les bourgeons des processus pro-

toplasmiques et les tissus collatéraux du cylindre axe ne sont pas

continus, mais seulement contigus, ce qui leur permet de recevoir

des impressions venues par des routes différentes. Il est à noter

en outre que, en rapport immédiat avec le corps cellulaire du neu-

rone, il existe un reticulum peri-cellulaire intimement associé au

reticulum semblable des cellules nerveuses voisines.

Cette disposition figure très bien un mécanisme propre à com-

biner et à unifier les parties élémentaires des images pour en

former un tout harmonieux. Enfin il faut se souvenir que les

molécules de la matière sont supposées douées d'un mouvement

continu, mouvement que les moyens actuels mettent sous le champ

de notre observation. Passant maintenant à la formation et au

renouvellement des images cérébrales, nous pouvons concevoir

que des impressions venues des objets extérieurs se transmettent

comme des ondes de vibrations subconscientes jusqu'au centre

récepteur, où un groupe de neurones, par l'intermédiaire du reti-

culum péricellulaire, entre un état de vibration associée ou corres-

pondante, le résultat de ces opérations multiples étant la présen-

tation à l'esprit d'une forme complète. En outre, de même que,

dans tout mouvement, l'action combinée des muscles et des nerfs

facilite la répétition de ce mouvement, de même l'impression pro-

duite sur la substance nerveuse vivante au cours de la production

de l'image, facilite la répétition de la même, combinaison de neu-

rones et de vibrations de même nature, aboutissant à la revivis-

cence de la même image dans la conscience.

Nous pouvons donc concevoir la pensée que les représentations

de la mémoire, de quelque genre qu'elles soient, sont, au point de

vue physique, de nature vibratoire, et que les vibrations se pro-

duisent dans des groupes associés et définis de neurones. On peut

même supposer en outre que, de même que les innombrables

images qui passent sous nos yeux changent continuellement, il se

produit dans les rapports mutuels des neurones qui conlribuent à

la formation de ces images des changements qui rappellent ceux

du Kaléidoscope. R. de 111uscnavr : Cuv.

ASILES D'ALIÉNÉS.

Une visite à l'asile de Meerenberg; par le Du' G. DENit.

Avant de se séparer à Anvers, an retour d'une très intéressante

excursion- en Hollande, les membres du dernier Congrès des

Aliénistes et Neurologistes des pays de langue française se sont

arrêtés quelques instants à l'asile de Meerenberg.

Cet établissement étant considéré comme le plus important du

royaume des l'ays-Bas, tant par le nombre de ses pensionnaires,

que par la remarquable organisation dont l'a doté son savant

directeur, le 1), Van Deventer, nous croyons qu'une brève relation

de celte visite ne sera pas sans intérêt pour ceux des lecteurs des

« Archives » qui n'y ont pas pris part.

L'asile de Meerenberg est situé dans la province de Groningue,

tout près de la jolie ville de Harlem. En quittant la gare, un sen-

tier descendant le versant d'une colline boisée vous y conduit en

vingt minutes. La grille d'entrée franchie, on se trouve dans un

vaste parc au milieu duquel sont situés à une distance assez

grande les uns des autres et masqués par des bosquets d'arbres

les différents bâtiments de l'asile.

Avec ses pelouses aux corbeilles fleuries, sa pièce d'eau et ses

accidents de terram « Meerenberg » ressemble beaucoup plus à

une propriété d'agrément qu'à un établissement provincial conte-

nant plus de 1 300 aliénés des deux sexes.

Sauf le pavillon récemment construit pour le personnel-infir-

mier, les bâtiments de l'asile lequel a été ouvert au milieu du

siècle dernier sont relativement anciens.

S''ils n'offrent rien de remarquable au point de vue architectural,

ni à celui de leur distribution intérieure, ces défauts sont large-

ment compensés par la propreté méticuleuse qui règne partout et

par l'aspect riant que donnent aux locaux les fleurs et les plantes

qui les ornent et les meubles qui les décorent. Ici, il est à peine

besoin de le dire, pas de grillages aux fenêtres, pas de judas aux

portes qui s'ouvrent librement sans que retentissent aux oreilles

ce cliquetis de clefs et ce bruit de verrous qui font ressembler la

visite de certains asiles à celle d'une prison.

Pour apprécier toutefois, comme il convient, la disposition et

l'aménagement des pavillons destinés aux malades, il faut tenir

compte que Meerenberg n'est pas seulement un asile d'indigents

et qu'on y trouve aussi un certain nombre de malades payants,

répartis en quatre classes, dont les prix de pension varient de

ARCII1VES, ° Sél·iP. t ? VI. -9

450 asiles d'aliénés.

1200 à 400 florins par an. Quant aux indigents qui constituent la

la 5e classe, le prix de revient de leur entretien est de 170 florins,

chiffre que la prospérité de l'asile permettra bientôt d'abaisser à

150A florins. -

. Suivant la classe à laquelle ils appartiennent les pensionnaires

ont une ou plusieurs chambres avec salon, salle à manger,

véranda, etc., le tout donnant sur des jardins dont ils ont le libre

accès. Les indigents se tiennent dans des salles de réunion et

couchent dans des dortoirs, généralement de douze à vingt lits,

où l'espace nous a paru parfois leur être un peu parcimonieuse-

ment mesuré.

Les moyens de traitement les plus usités à Meerenberg contre

les psychoses aiguës et les états d'agitation sont l'alitement et les

ba5as prolongés. L'alitement est pratiqué dans des salles communes

ou dans des chambres séparées dont les portes restent ouvertes

jour et nuit. de manière que la surveillance y soit effective et

permanente. Si on a encore quelquefois recours à l'isolement en

cellules pour les malades trop bruyants, c'est toujours pendant un

temps très court et seulement comme mesure de traitement et non

de punition. Il n'est fait également qu'un usage très modéré des

hypnotiques et quant aux moyens de contention mécanique ils

sont absolument proscrits, comme du reste dans la plupart des

asiles néerlandais.

Pour les aliénés chroniques, le travail reste toujours le principal

sinon l'unique moyen de traitement. Plus de GO p. 100 des

malades sont occupés. Nous- avons successivement visité les

ateliers de sparterie, de vannerie, de cartonnage, de tailleur, etc.

L'atelier de couture était, au moment de notre visite, provisoire-

ment, installé dans la salle des fêtes. Signalons enfin l'existence

d'une école pour les idiots.

Outre les promenades dans le parc et au dehors, de nombreux

moyens de distraction sont offerts aux malades sous la forme de

concerts, de soirées théâtrales, etc. Les pensionnaires ont aussi à

eur disposition une bibliothèque contenant près de 4000 volumes

et de nombreux journaux ou revues.

Malgré la grande liberté dont jouissent les malades, les évasions

sont rares et les suicides presque inconnus.

La surveillance et le traitement des 1379 aliénés, qui constituent

actuellement la population de Meerenberg, sont assurés par

200 infirmières et 40 infirmiers. Ce nombre n'a rien d'excessif car

it faut en distraire plusieurs unités pour le service de nuit,- com-

plètement indépendant du service de jour et prévoir également

chaque jour quelques absences inévitables par congé, maladie, etc.

Défalcation faite du personnel de nuit on compterait en moyenne

un infirmier pour six malades environ.

MEEREMBERG 451 1

.Mais si le bon fonctionnement de l'asile peut être assuré sans le

secours d'un personnel plus nombreux, cela tient sans doute à la

sélection qui préside à son recrutement et au haut degré de déve-

loppement de son instruction professionnelle.

C'est à l'initiative du D''Van ]eventer, assisté de iImOVan Deventer,

qu'est due l'introduction a Meerenberg de l'enseignement profes-

,ionnel des aspirants au grade d'infirmier ou d'infirmière.

Cet enseignement comporte trois années d'études et se termine

par un examen qui donne droit à un diplôme. Il comprend des

cours théoriques et pratiques, faits par les six médecins-assistants

attachés à l'asile. Les matières enseignées sont les éléments de

l'anatomie et de la physiologie, les principes de l'hygiène, les

soms à donner aux malades, aux blessés, aux nerveux et aux

aliénés. Les élèves sont en outre astreints à la rédaction de rap-

ports et, entre temps, s'adonnent à l'étude des langues étrangères.

On ne peut, bien entendu, être admis à suivre ces cours que si l'on

possède déjà une instruction primaire suffisante et si l'on prend

l'engagement de subir l'examen qui en est la sanction.

La salle d'étude réservée aux élèves-infirmiers est pourvue d'une

bibliothèque, d'un squelette, de préparations anatomiques. d'ap-

pareils, d'instruments divers et d'une façon générale de tout ce qui

peut servir à faciliter l'intelligence des matières faisant l'objet de

l'enseignement. '

Le personnel ne relève que de l'autorité médicale : le directeur

de Meerenberg est en effet de ceux qui pensent que dans un établis-

sement consacré au traitement ces malades, tous les services.

aussi bien administratifs que médicaux, doivent être concentrés

dans les mains d'un médecin.

Convaincu en outre que les femmes possèdent à un degré beau-

coup plus développé que les hommes les qualités nécessaires pour

soigner les malades, le Dr Van Deventer a remplacé les infirmiers

des services d'hommes par des infirmières ; de là l'explication du

petit nombre d'employés du sexe masculin attachés à l'asile

(40 hommes pour 200 femmes). Cette substitution, commencée il y

a une dizaine d'années, a donné des résultats si satisfaisants qu'elle

s'est peu à peu généralisée, de sorte qu'actuellement il n'y a plus

guère que des infirmières dans les sections d'hommes, les infirmiers

étant presque exclusivement réservés pour les travaux domestiques.

Ajoutons que pour réaliser cette expérience, le directeur de

Meerenberg ne s'est pas cru oblige - comme quelques-uns seront

peut-être tentés de le croire de s'adresser uniquement à des

femmes mûres ou âgées; beaucoup des infirmières que nous avons

vues sont jeunes, portent un costume seyant, orné des insignes de

leur grade et joignent aux agréments de leur esprit celui de leur

personne.

452 asiles d'aliénés.

Elles ne sont autorisées à se marier qu'après un séjour de plu-

sieurs années à l'asile ; c'est pour cette raison sans doute qu'on

leur donne le nom de sceuns bien qu'elles n'appartiennent à aucun

ordre religieux. Il est probable que les restrictions apportées au

mariage des infirmières disparaîtront lorsque de nouveaux pavil-

lons auront été construits pour leur servir d'habitation.

Actuellement leur logement se compose d'une chambre pour les

simples infirmières, d'une chambre avec salon pour les infirmières

en chef; le tout est très confortablement meublé et aménagé,

mais serait peut-être insuffisant si elles étaient mariées.

Le traitement annuel du personnel-infirmier est fixé de la façon

suivante : Aspirant 140 florins, aspirantes 100 florins; infirmier

150 à 200 florins, infirmière 125 à 175 florins : infirmier en chef

200 à 250 florins, infirmière en chef 175 à 225 florins. Ces salaires,

pour les sujets qui le méritent, augmentent chaque année de 10 flo-

rins. Une caisse de retraites assure, eu outre, une pension à tous

les employés après un minimum de dix années de services'. 1.

Bien que nous n'ayons signalé ici qu'une partie des réformes

quelques-unes, du reste, d'origine française appliquées par le

1), Van D-,venter, nous croyons cependant avoir suffisamment

montré que l'asile de Meerenberg est digne, à beaucoup d'égards,

de retenir l'attention.

Par l'ensemble de son organisation qui le rapproche de celle

d'un hôpital ordinaire, par son école-modèle d'infirmiers et d'iii-

firmières, véritable pépinière de garde-malades d'élite, cet établis-

sement mérite à coup sûr d'être placé au premier plan ; mais ce

qui lui vaut encore une mention spéciale, c'est le rôle prépondé-

rant que l'on n'a pas craint d'y réserver aux jeunes femmes dans

le traitement des aliénés -. Il y a là une application trop heureuse

de la célèbre formule restée par ailleurs un peu platonique

de « l'aliéné-malade » de Pinel pour qu'on y assiste avec indiffé-

rence. '

En terminant qu'il nous soit permis de remercier encore une fois

M. le D'' Van Deventer et ses médecins-assistants de la cordialité de

leur accueil et aussi le très aimable secrétaire général du Congrès,

M. le Dr Crocq qui, au programme déjà si chargé et si fécond en

enseignements variés de la réunion de Bruxelles, a bien voulu

ajouter la visite de l'asile de Meerenberg.

' Ces renseignements sont empruntés au rapport sur l'asile de lllaercu-

berg de l'année 1899 analysé in Bulletin de la Société de médecine

mentale de Belgique, 1900, page 219.

z Cette iéforme compte en France de nombreux paitisans parmi les

aliénistes et l'administration ne parait pas y être hostile; on peut donc

espérer la voir expérimenter bientôt dans notre pays.

VARIA.

Inauguration du monument de J -M. CHARCOT

à Lamalou ;

Le monument inauguré le dimanche 20 septembre est, on peut

le dire, l'oeuvre spontanée de la population reconnaissante. Le

plan en est dû à M. Tassin, architecte local; les bas-reliefs à M.Louis

l'AUL, statuaire ; le buste en bronze enfin qui le surmonte est dû au

ciseau de 111 ? Charcot. Le ministre du commerce. M. TitouiL-

[.Or, a présidé cette cérémonie à laquelle l'Académie de médecine

avait délégué les professeurs et Lnnouzr; la Faculté de

médecine de Montpellier, les professeurs Grarset. Carrieu. TLDE-

vr, MAmEret ltntrzien ; la Faculté de Toulouse, les professeurs

Fin. 23.

45 r VARIA.

lllossL et Ai3ELous; celle de Bordeaux, les professeurs Pitre et Régis :

celle de Lille, le professeur Combemale. La presse médicale pari-

sienne était représentée par 11\l. LAYNIli'L-LAVAS1'INE et F. Boisson.

Enfin le Voyage d'études Médicales, conduit par M. le D1' Carton

de La Carrière, avait pris ses dispositions pour prendre une part

officielle de l'inauguration. Aux côtés des ministres se trouvaient

les représentants du gouvernement, de nombreux députés et séna-

teurs.

M. Trouillot ouvre la séance d'inauguration en donnant la pa-

role à M. Pierre Brun, professeur au Lycée de Montpellier, qui dit

une fort belle poésie de sa composition : « Le Siècle à Charcot ».

Des discours ont été ensuite prononcés par le Dr Belugou, maire

de Lamalou, le Dr Boissier, au nom du corps médical de Lamalou.

le professeur Raymond et le ministre, M. Trouillot. Nous avons

reproduit en entier ces discours dans le numéro du 2G septembre

du Progrès médical.. Nous sommes obligé de nous borner, ici, a

n'en donner que des fragments.

Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs,

11 y a dix ans, dit M. le D'' BitLUroLT, qu'a disparu le grand méde-

cin dont nous honorons la mémoire aujourd'hui, et chacun de

nous se rappelle encore l'émotion causée, dans le monde savant

tout entier, par cette mort brusquement survenue, en plein labeur

et en pleine- gloire. La tristesse de voir ainsi le siècle s'appauvrir

fut à peine atténuée par la certitude, où l'on était, que l'enseigne-

ment admirable du Professeur de la Salpêtrière avait suscité et

préparé de nouveaux talents, déjà célèbres, et qu'il en surgirait

une génération de disciples vraiment dignes de continuer et de

compléter l'oeuvre du Maître.

Nulle part, la douleur ne fut plus sincère et plus vive que dans

la petite ville où nous sommes réunis; elle y revêtit le caractère

d'un deuil public, auquel participaient, non seulement ceux qui,

par leurs études et leurs fonctions, pouvaient apprécier l'étendue de

ce malheur, mais jusqu'aux artisans les plus humbles de ce vallon

habitués à prononcer le nom de Charcot avec vénération, comme

celui du patron de la Cité.

Et ce fut, à l'unanimité, irrésistiblement poussé par le sentiment

public, que le Conseil municipal donna le nom d'Avenue Charcot

à la voie principale de la station. Cette première et instinctive ma-

nifestation de reconnaissance n'a pas suffi aux habitants de Lama-

lou, et à l'occasion de l'innovation la plus importante pour les

destinées à venir de leur commune, du progrès le plus ardem-

ment souhaité, et le plus impatiemment attendu : l'adduction et

la distribution d'eau de source, ils ont voulu fixer, assurer en quel-

que sorte à travers le temps, l'expression de leur gratitude envers

Celui qu'ils considéraient tous comme un bienfaiteur; et ils ont

MONUMENT CHARCOT 455

élevé le monument que nous inaugurons aujourd'hui, plus de dix

ans après sa mort

Quel panégyrique plus éloquent, admirateurs, collaborateurs et

disciples du Maître, depuis dix ans disparu, que le spectacle de

votre présence, autour de ce buste ? Et ce buste, lui-même, ne

doit-il pas à son origine une signification particulièrement élo-

quente ? C'est au ciseau de Mmc Charcotqu'il est dû, c'est Mmo Char-

cot qui, en faisant spontanément à Lamalou le don précieux et

envié de ce bronze, a voulu consacrer en quelque sorte le glorieux

patronage, dont s'est toujours montrée si justement lière, la Cité

thermale que je représente.

Aussi pouvons-nous associer, à l'hommage dû au savant un res

pectueux souvenir à la piété de l'épouse et au talent de l'artiste.

Et qui. mieux que la compagne de sa vie, que l'affectueux témoin

de ses admirables labeurs, pouvait rendre cette inoubliable figure,

la sérénité de ces traits, la gravité de l'expression, la méditation

et la profondeur de ce front aux larges contours, et jusqu'à l'incli-

naison légère de la tête, comme involontairement penchée sous

l'effort de la pensée et de la réflexion ? ' ?

Jean-Martin Charcot est resté la figure la plus puissante et la

plus populaire des médecins du xixe siècle. Egalement supérieur

dans toutes les branches de l'art de guérir, à la fois profond psy-

chologue et savant anatomiste, expérimentateur judicieux et ob-

servateur avisé, professeur érudit et vulgarisateur incomparable,

clinicien par dessus tout, il était vraiment le chef de la médecine

française, et j oserai dire : de la médecine contemporaine.

Créateur et organisateur de l'Ecole de la Salpètrière, qu'illustra

pour jamais son enseignement clinique, et où savants, philoso

plies, médecins, accoururent de toutes les parties du monde au-

tour de sa chaire, il mérite vraiment le surnom de rénovérateur

de la neuropathologie....

Charcot manifestait pour l'action bienfaisante de Lamalou une

confiance d'autant plus remarquable que sa foi thérapeutique,

ordinairement restreinte, avait de plus grandes exigences. II devait

cette exceptionnelle confiance à une longue expérience des résul-

tats obtenus chez les malades qui formaient son immense clien-

tèle, et aussi, je dois le dire, à la conviction que Duchenne de

Boulogne lui avait transmise. Qu'il me sois permis de rappeler, à

ce propos, que Duchenne de Boulogne, en visitant Lamalou, au

moment où il allait, par sa description magistrale et définitive,

révéler en quelque sorte au monde médical l'ataxie, jusqu'alors

confondue dans Ig chaos des maladies nerveuses, reconnut, à

leur démarche, une série d'ataxiques réunis à cette station. La

sélection empirique, lentement constitue par la spécialisation

favorable des eaux, avait, depuis longtemps, opéré un classement

nosographique, que l'observation géniale du savant était en

450 VARIA. '

train de découvrir et dont il n'avait pas encore publié la révélation.

Les témoignages de la confiance de Charcot en Lamalou se sont

produits, il ne faut pas l'oublier, à une époque où le champ des

maladies nerveuses s'est trouvé comme fertilisé par les excès d'un

surmenage sans cesse croissant, par l'ardeur de concurrences sans

cesse plus vives, par les luttes plus incessantes, et toujours plus

acharnées de la vie contemporaine ; tandis que, parallèlement, sou

étendue s'agrandissait sous l'influence des progrès de la neuropa-

thologie dont le médecin de la Salpêtrière était l'artisan le plus

émiuent et le plus célèbre. Charcot a donc été, dans l'absolue vérité

du terme, « le patron de Lamalou », et les bienfaits de ce précieux

patronage, la mort ne les a pas arrêtés, ils se répartissent encore

sur notre station, ainsi favorisée

Etautour de ce modeste monument, dont votre présence élève et

grandit l'hommage, autour de tant d'éminents représentants de

la Politique et de la Médecine, autour de cette famille, si digne de

son chef, que Lamalou remercie d'une respectueuse bienvenue, en

envoyant à l'absent de chaleureux souhaits, dans les mers lointai-

nes où il combat aussi pour la Science, je peux voir, d'anciens ma

lades du Maître, qui ont dû à son coup d'oeil, à sa sagacité, à son

savoir, la conservation de leur vie, le soulagement de leur douleur.

le retour de leur activité.

Au milieu de si précieux hommages, c'est celui-là peut-être, qui

eût plus vivement touché Charcot. Sous sa physionomie impéné-

trable, le Maître cachait une exquise bonté. Souvent, l'indifférence

du médecin n'est qu'une affectation de parade, qui recouvre des

trésors de sensibilité et de tendresse. Ainsi était Charcot. J'en ap-

pellerais a ceux que je vois ici et qui eurent le bonheur de l'appro-

cher, si je ne devais aujourd'hui éloigner de pareils souvenirs. 11

est des morts, auxquels il ne faut songer qu'avec sérénité. Chaque

jour de la vie fut si bien rempli, que parler de leur disparition avec

d'autres sentiments que celui de les honorer c'est faire injure a

leur mémoire. Le seul hommage qui convienne à Charcot, c'est

de maintenir à son oeuvre lajuste admiration qui lui fut, au lende-

main de sa mort, si généreusement dévolue par tous, même au

delà de nos frontières. « La France, écrivait alors un illustre savant

étranger, la France a perdu son plus grand médecin, et ce n'est

pas seulement la France qui pleure sur cette tombe du Maître des

neurologistes, mais le monde médical tout entier. Le secret de sa

grandeur est dans ce fait : qu'en lui, les qualités du savant fran-

çais ont été portées, dans toute leur pureté, à un degré incompa-

i-al)le.si bien qu'on a pu dire qu'il personnifiait le génie national»...

Et tandis que l'Histoire conservera le nom du grand médecin,-

parmi ceux qui ont le plus honoré la Science et la Patrie, la tradi-

tion de ce petit vallon des Cévennes transmettra, d âge en âge, le

souvenir de son bienfaiteur, perpétué par ce monument.

MONUMENT CHARCOT 437 1

A peine les applaudissements qui accueillent la péroraison du

D1' Betugou sont-ils calmés, que le D1' Boissier prend la parole.

Au nom du corps médical de Lamalou, dont il est le doyen, le

D1 Boissier joint son hommage particulier à celui qui vient d'être

tendu par le maire, au nom de la municipalité et de la population

au Maître illustre qui a tout fait pour la prospérité des sources

iméérales de Lamalou. Il remercie ensuite le ministre d'avoir ac-

cepté la présidence de cette fête médicale. Le meilleur hommage à

tendre à Charcot, dit-il. est d'indiquer à quel point en était de son

évolution Lamalou au moment où il est enu lui donner l'appui

dû cette autorité scientifique qui a rapidement franchi nos frontiè-

res et s'était fait accepter dans les Universités du monde entier

Le D1' Boissier fait ensuite l'historique de Lamalou, depuis le milieu

du siècle dernier. Lamalou était dirigé par deux dames M"° Sto-

lme Cére et l11'ue Audibert. Il met en reliel'les progrès accomplis,

rend hommage à tous ceux qui y ont contribué.

Le D'' Boissier relate ensuite les principaux noms de tous les

maîtres qui ont aidé dès le début et favorisé le développement de

la station. 11 parle ensuite des travaux des médecins de la station

qui ne restaient pas inactifs. Il' lait un éloge particulier du

D1 Piivat. qui fut longtemps inspecteur des eaux de Lamalou-

l'Ancien et qui exerça, pendant plus de cinquante ans, la méde-

cine dans la station. Il rappelle la fondation qu'il fil et qui permit

aux malades indigents de venir demander aux sources le soula-

gement ou la guérison de leurs maladies. C'est lui, dit-il, qui fit

connaître Lamalou à Duchenne et à Charcot. « C'est a ce moment.

poursuit M. Boissier, que, de 1884 a 1892, sous cette puissante

impulsion, Lamalou prit un essor nouveau, eut comme une

véritable floraison et devint la métiopole hydrominérale que

vous voyez aujourd'hui. n.

« Depuis, les progrès ne se sont pas ralentis. Des travaux

incessants ont été accomplis dans ces dernières années, glace à

l'activité infatigable de notre maire et à l'intelligence d'une

municipalité qui comprend l'avenir, des voies nouvelles ont été

ouvertes, notre ville a été abondamment pourvue d'une eau

excellente. 'l'out, enfin, témoigne d'un développement incessant,

d'une marche résolue dans la voie du progiès que la science de

l'hygiène impose aujourd'hui à toutes les stations thermales. » Le

I)1' Boissier rappelle que la mémoire de Charcot est, aujourd'liui.

plus vivante que jamais... 11 déclare que c'est avec intention qu'il

n'a même pas effleuré la grande existence de Charcot. Il laisse ce

soin au « professeur éminent que, dans le monde scientifique, on

appelle le successeur de Charcot, et qui remplit si brillamment la

tâche ardue de continuer les leçons du maître. Je lui offre ici les

temerciementspt les hommages du corps médical de Lamalou.,» »

458 VARIA.

La parole est ensuite donnée au P' B1YR0\U, l'éminent succes-

seur de Charcot à la Salpêtrière.

Messieurs,

Le lendemain même de la mort de Charcot, sa compagne

dévouée, celle dont tous les actes ont été inspirés par le culte

qu'elle avait voué au maitre, lit don à uotre31stinué confrère,

M. le D'' Belugou, du buste en bronze de son mari. Ce buste

c'était son oeuvre, elle l'avait créé avec son beau talent d'artiste et

son âme de femme. A partir de ce jour vous avez résolu de l'éri-

ger à Lamalou-les-Bains pour y consacrer la mémoire de Charcot.

C'est cette pensée toute filiale qui nous réunit aujourd'hui, si

nombreux, dans votre joli vallon thermal, au pied de cette fon-

taine monumentale portant, à son fronton, l'image de l'illustre

médecin de la Salpêtrière. File est bien belle ainsi, entourée de

ses deux galeries demi-circulaires, avec ses deux colonnes termi-

nales sur lesquelles se détachent en relief, admirablement sculptés.

sur l'une le vieil hospice de la Salpêtrière, le champ de travail de

Charcot, et les attributs de la clinique; sur l'autre, les armoiries

de Lamalou et les attributs de la médecine thermale. Enfin, deux

autres bas-reliefs nous montrent, sur la première colonne, Charcot

faisant une leçon clinique à la Salpèlrière ; sur la seconde un

ataxique que l'on transporte clans la piscine.

L'idée symbolique que vous avez voulu exprimer sera vite

comprise par tous ceux qui verront et admit eront ce beau'monu-

ment. Vous avez tenu à l'inaugurer à propos d'une question vitale

pour votre pays : l'adduction et la distribution d'eau de source

potable. Et vous avez fait tout cela, Messieurs, d'une voix

unanime, sans souscription d'aucune sorte, sans rien demande;1

à personne : je tiens à le dire bien haut.

Vous n'attendez pas de moi que je reprenne aujourd'hui cette

lâche, qui serait lastidieuse pour la plupart de mes auditeurs,

étrangers aux choses de la médecine. Mais puisque aussi, vous

me couviez a rendre un juste hommage à la mémoire de l'illustre

médecin qui contribua si largement à répandre et à accroître la

réputation, déjà ancienne, des eaux de Lamalou, dans le trailemeul

de certaines affections, particulièrement fréquentes du système

nerveux, vous me permettrez, pour répondre à votre invitation.

de mettre en lumière un des côtés de l'oeuvre de Charcot qui aie le

moins frappé ses admirateurs et qui méritait mieux. Sans abuser

de votre patience et de votre attention, je voudrais vous rappeler

succinctement ce que Charcot fut comme thérapeute.

Sans doute, c'est quand on l'envisage comme anatomo-patho-

logiste et comme nosographe que son oeuvre apparait dans toute

sa magnificence géniale. Il semble aussi, de prime abord, qu'une

forte dose de scepticisme thérapeutique ait dû être une résultante

MONUMENT CHARCOT. 4o9 9

naturelle des recherches qui ont, en grande partie, absorbé la

première période de sa carrière : confiné dans le domaine de

l'organicisme, dominé par la préoccupation de découvrir les

rapports des perturbations fonctionnelles et des altérations anato-

400 VARIA.

miques des organes, Charcot. dont toute l'existence médicale s'est

déroulée à l'hospice de la Salpêtrière, fut entraîné vers l'étude

d'une série de maladies nerveuses, caractérisées par des lésions

d'apparence irréparable.

Est-ce à dire qu'il les jugea irrémédiablement telles ? Non pas

Dès 18-il*, en inaugurant un nouveau cycle de conférences libres

sur les maladies du système nerveux, il faisait remarquer que

son enseignement était dispensé dans un établissement consacre.

pour la plus large part. aux chroniques, réputés incurables. Mais

il se hâtait d'ajouter tout aussitôt : « Le terme de maladies incu-

a râbles, cela va de soi, ne. saurait être pris dans le sens absolu :

« car s'il s'applique aux cas, qui, réellement, ne comportent pasde

« remède, il s'applique aussi à ceux pour lesquels le remède n'a

« pas encore été trouvé, mais peut être trouvé. » Et, dans cette

même circonstance, il exposait le traitement qu'il avait imapnu

contre le vertige de Ménière et les considérations théoriques qui

l'avaient amené à mettre à l'essai ce traitement resté classique, je

\eux parler de l'administration raisonnée du sulfate de quinine.

Voilà qui n'était pas d'un sceptique, mais d'un innovateur. Or,

il ne s'agit pas là d'un lait isolé. Un des premiers, Charcot pré-

conisa et vulgarisa le traitement iodo-mercuriel intensif dirige'

contre l'épilepsie partielle, d'origine syphilitique, l'emploi des

bromures alcalins dans le traitement de l'épilepsie essentielle et de

la migraine ophtalmique, l'emploi du nitrate d'argent contre

certaines manifestations du tabès et de la sclérose en plaques,

l'emploi de la suspension dans le traitement du tabès, etc.. etc.

Charcot ne s'est pas contenté de nous montrer la compression

ovarienne, un puissant moyen d'enrayer les terrifiantes attaques

de l'hystérie convulsive. Il ne s'est pas contenté de nous faire von

toute la distance qui sépare ces attaques de celles de l'épilepsie

vraie et de nous prémunir contre l'inefficacité des bromures em-

mployés pour venir à bout des premières. Il a réhabilité et ins-

tauré, sur des bases scientifiques, la métallothérapie et l'hypno-

tisme. Il nous a montré comment la suggestion hypnotique emplo-

yée à titre de pratique curative, nous permetd'opérerdes semblants

de miracles dans les cas de paralysies et de contractures hysté-

riques. Sa brochure fameuse : « Lafoit qui guérit », qui a lait

tant de bruit, découle de ces constatations.

Dans le même ordre d'idées, il nous a appris a utiliser la sug-

gestion pratiquée à l'état de veille, en tant que gymnastique

rationnelle, pour raviver dans les centres moteurs corticaux, la

représentation des mouvements que les malades affectés d'une

paralysie hystérique se croient incapables d'exécuter. Ce faisant,

il a pour ainsi dire préludé à la découverte d'un procédé théra-

peutique qui a donné de si excellents résultats dans le traitement

des désordres ataxiques du tabès et dont tant de malades, parmi

MONUMENT CHARCOT. zig 1

ceux qui fréquentent cette station, ont pu apprécier les bienfaits ;

je veux parler de la rééducation des muscles.

L'esprit largement ouvert aux innovations thérapeutiques sus-

ceptibles de procurer la guérison ou un simple soulagement à ceux

qui souffrent, il ne dédaignait pas défaire appel aux remèdes les

plus variés, a réhabiliter ou.a vulgariser les ressources thérapeu-

tiques anciennes ou nouvelles issues de l'empirisme, une fois

acquise la conviction de leur utilité. C'est ainsi qu'il en vint à

appuyer de sa haute autorité l'emploi des eaux de Lamalou dans

le traitement de certaines affections nerveuses et surtout de l'ataxie

locomotrice, maladie à l'étude de laquelle il a donné une si féconde

impulsion. Dans le courant du siècle dernier et au commencement

de celui-ci, les estimables travaux du professeur Dupré, de Mont-

pellier, des D1S Privât, Boissier, Belupou, Cros, Cauvy, Descays,

Donnadieu, Lavit, Gachon, liénard, Michaud, etc., etc., nous

ont renseigné d'une façon plus exacte, sur les indications précises

de vos thermes. Il s'en est dégagé cette double notion : que les

eaux de Lamalou jouissent d'une remarquable efficacité contre les

douleurs fulgurantes du tabès dorsal, qu'on a si longtemps con-

fondues et qu'on confond encore trop souvent avec les simples

douleurs rhumatismales; et que, dans les circonstances propices,

l'usage judicieux de ces mêmes eaux exeercune influence salutaire

sur les lésions réalisées', sans doute en modifiant le terrain,le plus

souvent artln ilico-nerveux, sur lequel la maladie évolue.

Au nombre des cliniciens qui ont témoigné en faveur de l'exac-

titude de ces conclusions, je relève les noms des professeurs Gras-

set, Carrien, de Montpellier, et Combemale, de Lille. Il est intéres-

sant de rappeler comment Charcot fut d'abord conduit à envoyer

ses malades à Lamalou.

Duchenne de Boulogne, le créateur du tabès, vint dans cette

station, dès 1861, pour se rendre compte par lui-même de l'in-

iluence de ces eaux dans le traitement des maladies nerveuses et

plus particulièrement de l'ataxie locomotrice. Il constata leur

efficacité certaine. Rentré à Paris, il fit part de cette constata-

tion à Charcot. L'année suivante, ce dernier y envoya ses premiers

malades, ils y obtinrent des résultats très favorables. Dès lors, a

commencé pour Lamalou une ère de prospérité qui est allée tou-

jours s'accentuant depuis, et qui ne fera qu'augmenter; il n'est pas

besoin d'être grand prophète pour le prédire.

A partir de cette date fameuse dans les fastes de votre histoire

locale, la station vit sa clientèle s'étendre au loin, les tabétiques

qui, notamment, venaient consulter Charcot de toutes les parties

du monde, firent connaître dans leurs divers pays les résultats de

cette cure balnéaire. Enfin ses élèves établis à Saint-Pétersbourg,

à Bucarest, à New-York, à Vienne, à Prague, etc., etc., suivirent

l'exemple du maître et envoyèrent des malades à Lamalou. C'est

li 6 -) VARIA.

pourquoi la station de Lamalou s'est complètement transformée

depuis Charcot; de station régionale qu'elle était, elle est devenue.

si je puis ainsi m'exprimer, une station mondiale

Je ne crois pas être présomptueux en me flattant d'avoir contri-

bué pour une certaine part à la vogue présente et future de Lama-

lou, en appuyant le projet conçu et mis à exécution par IeD''Faure

et qui a doté votre station d'un établissement modèle pour la réé-

ducation des mouvements, médication accessoire qui a déjà fait

ses preuves dans le traitement de l'ataxie locomotrice et d'autres

maladies du système nerveux, tributaires de vos eaux.

Messieurs, j'avais pris l'engagement de ne pas soumettre votre

patience à une trop longue épreuve, après avoir rappelé succincte-

ment ce que fut Charcot en tant que thérapeute, et comment il a

été amené à prêter son puissant patronage à Lamalou, il ne me

reste plus qu'une phrase à ajouter. C'est pour vous prier de vous

joindre à moi, afin de saluer dans un élan commun d'admiration

et de reconnaissance la mémoire de celui qui fut le plus illustre

parmi les médecins du siècle dernier, du savant dont les travaux

sur le système nerveux, ont une si haute portée philosophique de

l'homme, enfin, qui, parmi ses contemporains, a su. l'un des mieux,

affranchir la pensée humaine..

De vifs et nombreux applaudissements accueillent l'éloquent dis-

cours de l'orateur. Enfin, M. Trouillot, ministre du commerce et

de l'Industrie prononce le discours suivant :

Le gouvernement de la République, qui glorifiait, il y a huit

jours, en Bretagne, la mémoire d'un de nos penseurs les plus

libres qui ait illustré le dernier siècle, aujourd'hui, à l'autre bout

de la France, apporte son hommage à un savant, dont le nom mé-

rite d'être inscrit, comme celui de lienan, au rang des hommes

qui ont eu l'influence la plus profonde surles esprits de leurtemps.

Ce qu'a été l'cenvre de Charcot dans le domaine jusque là mysté-

rieux de ces désordres nerveux, dont la pathologie avait à peine

tenté d'aborder le problème et qu'elle avait même considéré pen-

dant tant de siècles, comme étranger à son action, nous venons de

l'entendre dire. Mais il est curieux de constater à quel point, dans

l'ordre philosophique, les résultats ont dépassé le but direct des

études de Charcot, et, comme, en travaillant pour la santé physique,

il s'est trouvé avoir travaillé, à un égal degré, pour la santé morale

de l'humanité. ZD

C'est par la force de ses recherches, des progrès scientifiques

qu'il a provoqués, que l'oeuvre du savant s'est élevée à ce grand

rôle social. En toute matière, le terrain conquis par la science est

gagné sur la superstition et l'erreur. Il n'est pas une loi naturelle

dont la constatation n'ait détruit une légende ; les lois fondamen-

tales du mouvement et de la pesanteur, la loi de la gravitation

universelle, les révélations zoologiques et cosmographiques, ont

toutes, l'une après l'autre, sur la formation et l'organisation du

MONUMENT CHARCOT. 463

monde, renversé quelque chose des conceptions enfantines où se

complaisait l'ignorance des civilisations successives. Les sciences

biologiques et pathologiques ont plus récemment ouvert aux con-

naissances humaines un champ indéfiniment élargi. L'honneur

levient à Charcot d'avoir attaqué l'erreur dans le plus sûr refuge

que lui avait assuré la crédulité humaine, c'est-à-dire dans le do-

maine de l'hystérie, de l'hypnotisme et de la suggestion, que

l'ignorance séculaire avait jusqu'ici réservé au mystérieux et au

surnaturel.

Cette vérité qu'il n'y a pas d'exception aux lois naturelles, il y a

simplement des lois naturelles encore inconnues, Charcot l'a mise

en indiscutable évidence, en rendant à la raison ce service de pro-

duire lui-même, au gré de sa volonté, les phénomènes que la cré-

dulité des peuples avait, de tous les temps, attribué à un pouvoir

au-dessus des hommes. La rencontre est ici bien profonde entre le

grand esprit qui vient d'être honoré à Tréguier par l'hommage du

monde entier, et le savant auquel votreville avoulu éleeer ce bronze.

« Il n'y a, écrivait Henan. ni miracles, ni lois intérimaires, » et

Charcol, exprimant la même idée en termes analogues, écrit à son

tour : « Nous ne pouvons rien contre les lois naturelles. »

Il continue par ces lignes saisissantes qu'on citait, le 16 dé-

cembre 1900, à l'Académie, et qu'on ne citera jamais trop parce

que l'éloquence de leur constatation ne sera pas dépassée : '< Ou

u'a jamais noté que la foi qui guérit ait reproduit un membre am-

pute. Par contre, c'est par centaines qu'on trouve des guérisons de

paralysie à travers les âges parmi les civilisations les plus diverses,

au milieu des religions les plus dissemblables en apparence Les

conditions du miracle sont lestées identiques. Ceux qui trouvaient

la guérison. dans l'ancienneté, ornaient les parvis du temple

d'hymnes votives et surtout de bras, de jambes, de cous, de seins,

en matières plus ou moins précieuses, objets représentatifs de la

partie du coips qui avait été guérie par l'intervention miraculeuse.

Au fond du sanctuaire, la statue miraculeuse; parmi les seiviteurs

du temple : les prêtres, les médecins, les dames chargées de cons-

tater ou d'aider les guéiisons. De tous les points de la Grèce, ceux

qu'anime la foi qui guérit, s'acheminent vers le sanctuaire pour

obtenir la guérison de leurs maux. Dès leur arrivée, afin de rendre

le Dieu favorable, ils déposent sur l'autel de riches présents et se

plongent dans la fontaine purificatrice, qui coule dans le temple

d'Esculape. Les siècles ont passé, mais la source sacrée coule tou-

jours. »

C'est ainsi que, partis de points différents et si dissemblables

par l'éducation, par le caractère, par la nature de leurs travaux,

l'un vivant dans le pur domaine des spéculations philosophiques,

l'autre parlant uniquement d'expérimentations scientifiques. Renan

et Charcot aboutissent à ces constatations rigoureuses et traduisent

presque dans les mêmes termes, rendantjplus sensibles l'exactitude

de la formule, un peu modifiée, par le temps, d'après laquelle tout

chemin mène à la Vérité. Vous avez justement pensé. Messieurs,

que la place d'un ministre de la République était marquée à cette

fêle, au pied du monument élevé à l : homme qui a contribué, si

401 VARIA.

puissamment et l'oeuvre d'affranchissement de notre raison dans

cette ville où la science multiplie les miracles : mais, cette fois,

selon les règles positives et sûres à un moment où de tous les points

du monde se réunissent ici. en un Congrès qui sera fécond en con-

séquences bienfaisantes, tant de représentants éminents de la

science médicale-

Cette science, ptnsqne toute autre, est de foutes les patries. Itn'est

pas de découvertes faites sur un point quelconque du globe pou-

vaut sauver une vie ou soulager un mal physique qui ne profite au

même instant à tous les hommes. Je suis heureux de saluer au nom

du gouvernement, les hôtes étrangers qui travaillent tous les

jours d'une façon si active au rapprochement et au bonheur des

peuples, car ils sont au premier rang des apôtres de la fraternité

hnmaine et parmi les meilleurs ouvriers de la paix universelle

Des cris nombreux de : « Vive le ministre ! » accueillent le dis-

cour de M. 'frouillot..1 midi et demi, a eu lieu, dans la grande

salle du casino, un banquet de quatre cents couverts sous la prési-

tlence de )1. le ministre du commerce.

Asile public d'\liéni' : s de la Hociie-G\.nuon (a Mavenne). Un

emploi d'interne est disponible z l'asile public d'aliénés de la

Roclte-Gandon, à llayenne (Mayenne). Les candidats à cet emploi

devront être Français, être .âgés de 21 ans au moins et avoir, au

minimum, dix inscriptions de doctorat. Le titulaire de l'emploi

recevra un traitement annuel de huit cents francs et aura droit

en plus à la nourriture, au logement, au chauffage, à l'éclairage

et au blanchissage. Les demandes devront être adressées à 11. le

directeur-médecin en chef de l'asile de la Roclie-(;alllloll, à

Mayenne, chargé de les centraliser et de les transmettre à M. le

Préfet de la Mayemie. Chaque demande devra être accompagnée

des pièces suivantes : 1° acte de naissance, 2' certificat de scoli-

rité, 3,1 extrait du casier judiciaire.

Asiles d'aliénés de L4 Seine. - Concours pour la nomination aux

places d'internes titulaires en médecine dans les asiles publies d'idio-

nés du département de la Seine (Asile clinique, asiles de Validas*1,

Ville-Evrard, Ville juif et Maison- Blanche), -et l'infirmerie spéciale

des aliénés à la préfecture de police. - Le jeudi 3 décembre 1903, Il

midi précis, il sera ouvert, à la préfecture de la Seine, à Paris, un

concours pour la nomination aux places d'interne titulaire en mé-

decine dans lesdits établissements. Les candidats qui désirent

prendre part à ce concours devront se faire inscrire à la préfecture

de la Seine, service des aliénés, annexe de l'll0tel de Ville, 2, rue

Lobau, tous les jours, dimanches et l'êtes exceptés, de dix heures 7

midi et de deux heures a cinq heures, du lundi 2 au jeudi 19 ij-

vc7nLrc 1903 exclusivement.

1 Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Cli. Hêbissby, imp. 1 1 - 1003.

Vol. XVI. Décembre 1903. N" 96.

ARCHIVES DR NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

Hémisection traumatique de la moelle ;

(Syndrome de Brown-Sequard).

l R 3111.

PEUGNIEZ

Professeur de clinique chirurgicale

à 1'l-lcLile de médecine cl'\miens.

ET T

CL. PHILIPPE

2tief de laboratoire à la Salpêtrière.

L'étude des lésions médullaires qui s'expriment en clini-

que par le syndrome de Brown Séquard est toujours intéres-

sante, parce qu'une partie des problèmes suscités par ce

complexus symptomatique n'est point encore élucidée. Quelle

est la cause de l'amélioration progressive qui s'observe dans

les symptômes consécutifs à l'héiiiiseclion ? Quel est exac-

tement le mécanisme qui préside au développement du syn-

drome ? Toutes les réponses qu'on peut faire à ces questions

sont encore, à l'heure qu'il est, susceptibles de critiques.

Sans doute, nous concevons très bien les causes qui déter-

minent la paralysie motrice du côté correspondant à la sec-

tion, tous les physiologistes étant d'accord pour affirmer

que les libres motrices restent pour la plus grande partie

du même côté sur tout le parcours de la moelle. Pour le

trajet des fibres sensitives, l'accord est moins parfait. Il

semble que celles du sens musculaire ne se croisent pas,

niais les expériences cliniques ne permettent pas d'en

déterminer le siège sur la section de la moelle. Les autres

modes de la sensibilité, tactile, thermique, à la douleur, pa-

raissent desservis par des fibres qui ne se croisent que par-

tiellement dans la moelle. Kocher a défendu l'hypothèse que

les fibres exclusivement réservées à la sensibilité tactile ne se

croisent pas, tandis que la plupart des fibres réservées à la.

AItClll\'H5, ` ? ^ série, t. a\'l. HO

466 pathologie nerveuse.

perception de la douleur se croiseraient. Brissaud enseigne

aussi que les fibres de la sensibilité tactile suivent un chemin

absolument différent de ceux réservés à la conduction des

sensations thermiques ou douloureuses.

Pourquoi les symptômes initiaux sont-ils plus étendus que

ne l'est la zone anatomique lésée ? Quel est le mécanisme qui

préside àla restitution delà fonction ? A quelleslésions nou-

velles sont dus les phénomènes qui, dans certaines observa-

tions, viennent traverser le syndrome de Brown-Séquard, en

diffusant les éléments, en altérant le caractère systémati-

que ?

Nous avons pensé qu'un cas, dont l'observation clinique

avait pu être répétée plusieurs fois à plusieurs années de

distance, et suivie de l'examen anatomo-palholngiqne, pou-

vait apporter une contribution légère à l'élude de ces problè-

mes suscités par les lésions de la moelle épinière. En voici

l'histoire, brièvement résumée. Les détails cliniques en ayant

été présenlés au Vie Congrès de chirurgie, nous avons eu ici

surtout eu vue l'étude anatomo-pallrologique.

Un homme de trente-trois ans est frappé en 1887, d'un coup

de couteau qui lui fait une plaie profonde à droite de l'apo-

physie épineuse de la troisième vertèbre cervicale. Il tombe

paralysé des deux membres inférieurs et reste ainsi pendant

plusieurs jours avec de la rétention d'urine et une constipa-

tion des plus opiniâtres.

Dès le septième jour, une large escharre apparaît à la cuisse

gauche. Vers la même époque, le malade constate que l'usage

de la jambe gauche lui revient peu à peu; mais cette jambe

est insensible. La droite est complètement paralysée.

Le 29 novembre 1893, il entre à 1'llôtel-Dieti d'Amiens, où

l'on constate une petite cicatrice blanchâtre, linéaire, mobile,

au niveau de l'ancienne plaie. Il existe une hémiparaplégie

droite avec héiniatieslliébie croisée. Les réflexes sont nota-

blement exagérés a droite, et le membre inférieur correspon-

dant, très atrophié. Il n'existe de ce côté aucune élévation

thermique locale. Une hypereslhésie s'observe également a

droite, remontant jusqu'à la hauteur du creux axillaire. A

gauche, la sensibilité est abolie dans tousses modes; l'anes-

thésie remonte jusqu'à la hauteur du mamelon.

Les troubles des réservoirs ont disparu Le sens génésique

esttresafTaibti.Lematadequittet'hôpitat le 28 décembre 1893.

Fig. 36 et 37. Aspect macroscopique

de la moelle.

M8 F.17110LOG1 \RliU ?

Il y rentre en mars 1897. La paralysie s'est un peu amen-

dée, mais l'élément spasmodique est arrivé à son apogée,

donnant un caractère alaxique à la plupart des mouvements

volontaires exécutés dans la zone autrefois paralysée.

' A gauche, l'aneslliésie a fait place à une sorte dedysesthé-

sie, qui ne permet plus au malade de distinguer les diverses

excitations de la sensibilité, mais les lui fait percevoir toutes

sous forme de vibrations douloureuses qu'il localise fort mal '.

et qui vont s'irradiant à distance, bien loin du point excité. La

sensibilité thermique est revenue. Les troubles trophiques

se multiplient de ce côté. Escliari-es, mal perforant, ulcères,

sont disséminés tout le lopg du membre inférieur. 1

1 Depuis cette époque, le malade a été revu plusieurs fois

sans qu'aucun phénomène particulier ait donné lieu à de

nouvelles observations.

11 rentre à 1'llôtel-Dien en mai 1901. On l'apporte d'un ser-

vice de médecine voisin où il est resté plus d'un mois. Nous

apprenons que durant ce séjour, la cicatrice dorsale s'est

rouverte et a laissé couler du pus. Elle est refermée au mo-

ment de son entrée, et nous lui trouvons les caractères qu'elle

nous a toujours présentés.

Quant au mrlade, il est dans le coma, couvert d'es-

charres disséminées à droite et à gauche, paralysé des

quatre membres, insensible à toutes les excitations, sans re-

flexes, -avec de l'incontinence des urines et des matières

fécales. Ces phénomènes ont débuté, il y a environ dix à

douze jours, et rapidement la situation s'est aggravée pour

arriver au point où elle en est. Le malade meurt quelques

jours après son entrée.

A l'autopsie, nous avons trouvé dans la colonne vertébrale

une lame de couteau brisée de telle façon que sa surface de

section était enfoncée dans l'épaisseur de la lame de la troi-

sième vertèbre dorsale ; la pointe qui avait traversé le canal

rachidien s'enfonçait dans la profondeur du disque interver-

tébral sus-jacent à la sixième dorsale dont elle atteignait

presque la face antérieure. (7'7. 36 et 37).

; La moelle portait une plaie verticale ayant détruit sur une

hauteur de deux centimètres la presque totalité de sa moitié

droite. 01 F , " - 1 ,

Au-dessus de cette plaie, la moelle, macroscopiquemeut.

parait saine. A son niveau, il semblerait qu'il n'en reste plua

HÉ\IISEC1'ION TRAUMATISME DE 1,A MOEf.LK. po

qu'un petit cordon fibreux, engainé dans un fourreau de'nie-

ninges qui lui adhèrentintimement. Au-dessous,' jusqu'à'l'a

queue de cheval, elle est marbrée etsillonnéedeplaqueselufe

traînées brunâtres, vestiges d'hémorrhagies anciennes. t

Voici maintenant les résultats de l'examen microscopique

sur lesquels nous voulons tout particulièrement insister... '"t

Examen hislologique. L'examen histolôgique devait t

déterminer avant tout la nature et l'étezzclue des lésions qqi

avaient entraîné la symptomatologie observée du vivant d,u

malade. Comment était constitué le foyer principal d'e la

moelle dorsale moyenne, si caractéristique .avec sa dureté

spéciale, sa coloration brunâtre surtout accusée dans le seg-

ment postérieur, et ce sillon longitudinal., assez profond, qui

le partageait en deux moitiés sensiblement égales dans toute

sa hauteur ? Avait-il une structure purement cicatricielle- ?

Dans quelle mesure, les processus inflammatoires infec.Lie.tix

s'élaient-ils associés au traumatisme initial produit par le

coup de couteau ? ' ,

Puis, comment expliquer la deuxième étape de l'affection.

étape au cours de laquelle la paraplégie était devenue com-

plète, eu s'aceompagnant d'une anesthésie totale et "de

troubles vésico-rectaux très accusés ? ; '

Nous avons prélevé uu premier morceau comprenant toute

l'épaisseur du foyer principal dans sa portion moyenne cor-

respondant à l'émergence médullaire de la 50 racine dorsale.

D'autres morceaux ont été coupés au niveau des 6e, 7°.et 8°

racines dorsales, pour moutrer les limites inférieures ,des

lésions. Un dernier fragment a été pris au niveau de la 3" ra-

cine dorsale. '

Apres inclusion colloïdinée, les coupes furent traitées par

les techniques habituellement employées par le système

nerveux central.

A. Coupes uzt niveau du foyer principal (3° racine dorsale). Quelle

que soit la coloration employée, les coupes n'ont plus heureuse

moelle : elles ne permettent aucunement de reconnaître la SUBSL

tance grise ou les cordons de la substance blaticlie. 1. ! i..

Les deux tiers de la préparation, ci droite, sont essentiellement

formés d'un tissu fibreux dans lequel aucune technique ne permet

de déceler la présence d'un élément nerveux quelconque, cellule oil

fibre. Ce tissu est constitué, d'une façon assez homogène, surtout bar

des faisceaux conjonctifs adultes. La plupart de ces faisceaux'-sbn't

470 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

placés parallèlement les uns aux autres et prennent une direction

transversale. D'autres sont longitudinaux et s'orientent suivant

l'axe même de la moelle ; moins nombreux, ils forment aes îlots

intercalés' çà et là à travers la masse des bandes transversales.

En résumé, il s'agit là d'un véritable tissu de sclérose con-

jonctiue post-inflammatoire, qui, au moins dans sa plus grande

étendue, parait avoir atteint depuis longtemps tout son dévelop-

pement : tissu remarquable par la densité de sa fibrose et par

l'importance de ses faisceaux conjonctifs, plus hyperplasiés que

dans les simples foyers cicatriciels consécutifs à l'écrasement de la

moelle par une fracture de la colonne vertébrale.

Ce tissu pathologique présente en outre du pigment et des amas

cellulaires (fig. 38).

Le pigment, par son aspect général et ses réactions histo-

chimiques, doit être assimilé au pigment d'origine sanguine,

rencontré dans tous les vieux foyers hémorrhagiques, en pro-

portion directe de l'intensité et de l'ancienneté de t'hémorrha-

gie. Sur nos coupes, il occupe surtout les zones postérieures, au

niveau desquelles il se présente le plus souvent sous forme d'amas

assez considérables, de couleur jaune-foncé, même brunâtre par

endroits. Ailleurs (périphérie, portions moyennes) le pigment,

moins abondant et moins compact, constitue des granulations

isolées,' placées bout à bout à travers les faisceaux conjonctifs,et

souvent prédominantes dans la zone adventice d'un petit vaisseau,

artériole ou veinule.

Les amas cellulaires n'existent pas dans toute l'étendue de la

nappe fibreuse ; ils se montrent surtout à la périphérie, en avant

et en arrière, et dans la paroi limitant ce sillon longitudinal et

antéro-postérieur constaté à l'oeil nu dans toute la hauteur du

foyer pathologique (fig. 39). Ces amas, plus ou moins volumi-

neux, interstitiels et périvasculaires, sont uniformément constitués

par des cellules rondes, petites, à proloplasma presque nul, à

noyau unique, volumineux et fortement coloré par l'hématoxyline.

Nulle part, ils ne nous ont présenté un processus de caséificatiou

nettement caractérisé. Par contre, plusieurs d'enire eux, surtout

ceux placés dans les parois du sillon longitudinal pathologique,

montrent çà et là, à travers leurs masses, des zones moins bien

colorées dans lesquelles les noyaux pâlissent, sont granuleux et

paraissent subir un processus de désintégration moléculaire. Eo

résumé, le siège, l'aspect histologique général, les réactions colo-

rantes sont vraiment autant de caractères qui permettent de voir

dans ces amas cellulaires de véritables nodules inflammatoires, ana-

logiies aux nodules qui se montrent dans tous les processus subaigus

de n'importe quel organe.

Vautre tiers de la coupe, à gauche, a une structure toute diffé-

rente. La coloration par le picro-carmin et l'lrématoxyline montre

liÉ ? 1181 : CTION TR.W\L1TIRUid DE I.A 1110 : LLL. 41t 1

Fig 9S. -,lmas de pigments dans le tissu de sc'érose

Fig 39. - Foyer de myélite.

472 - PATHOLOGIE NERVEUSE.

une sclérose qui. au lieu d'être conjonctive comme la précédente,

estavant tout névronlique. Le plus souvent, les fibrilles névrogliqucs

s'entrecroisent sous diverses incidences, pour former un réticulum

dont les mailles, assez étroites, sont habituellement vides, palois

remplies de masses granuleuses. Plus rarement, elles constituent

de véritables faisceaux plus ou moins denses, des bandes, des

placards, même quelques tourbillons périvasculaires. Les espaces

conjonctivo-vasculaires sont épaissis, souvent encombrés de

nodules à cellules rondes. Les vaisseaux artériels ou veineux

présentent une inflammation sclérosante, limitée aux tuniques,

externe et moyenne.

Dans cette région, la substance nerveuse n'a pas complètement

disparu. Ainsi, sur toute la périphérie de la préparation, en avant

et en arrière, se voient des tubes nerveux formant de petits îlots

qui s'enfoncent plus ou moins profondément à travers la sclérose

iiévro-lique. Ces tubes nerveux sont intacts, ils ont des gaines de

myéline suffisamment épaisses et régulières, des cylindres-axes de

calibre et de coloration habituels. Dans leur voisinage, il

n'est pas rare de rencontrer d'autres tubes qui, quoique démyéli-

nisés, possèdent encore des cylindres-axes nettement reconnais-

sables malgré un certain degré d'atrophie. La substance grise n'est

représentée que par une toute petite portion de la corne antérieme

gauche, dans laquelle s'aperçoivent quelques tubes inyéliniqties et

5 à 6 grandes cellules radiculaires; ces cellules sont petites,

presque totalement privées de leurs prolongements, avec des

chromatophiles poussiéreux et peu abondants, avec un noyau

souvent refoulé à la périphérie et présentant une membrane

nucléaire plissée et mal colorée. A une petite distance de ce restant

de substance grise, on distingue le sillon médian-antérieur, bien

individualisé par ses larges dimensions et ses vaisseaux, artériels

ou veineux, auprès desquels passent encore quelques fascicules

radiculaires plus ou moins riches en fibres nerveuses.

Tous ces caractères histologiques (sclérose surtout névroglique

et en pleine évolution; persistance de quelques îlots de tubes net

veux à la périphérie de la moelle ; conservation d'un peu de subs-

tance grise dans la corne antérieure gauche) permettent bien de

penser que cette moitié latérale gauche de la moelle, au niveau de

la 8" racine dorsale, est envahie par un processus lésionnel plus

tardif et très vraisemblablement secondaire à la sclérose conjonc-

tive inflammatoire rencontrée dans la moitié latérale droite.

Partout, les méninges, méninges molles et dure-mère, sont

atteintes. Epaissies et fibreuses, souvent adhérentes à la moelle

principalement en arrière et dans tout le côté gauche, elles con-

tiennent, en assez grand nombre, des nodules inflammatoires de

petites cellules rondes à gros noyau, et des vaisseaux altérés de

diverses façons. Les artères présentent, comme dans la moelle,

lIEhII5EC1'lUP1 TRAUMATIQUE DE LA MOELLE. 473

une inflammation scléreuse de leurs tuniques externes; les

veines sont très dilatées partout, au point de former dans

l'épaisseur des méninges, des lacs souvent considérables est dis-

tendus par le sang, mais elles possèdent des parois suffisam-

ment intactes.

Les racines rachidiennes ne sont plus représentées à droite que

par quelques fascicules petits et peu riches en tubes nerveux ; à

gauche, au cent ! aire, elles forment à la périphérie de la moelle

7 à 8 fascicules arrondis qui conservent un grand nombre de fibres

intactes, surtout pour les fascicules radiculaires postérieurs.

IL Coupes au niveau de la 60 racine dorsale. Les lésions ont

sensiblement diminué d'intensité, tout en conservant les mêmes

caractères généraux. La sclérose conjonctive n'occupe guère que

la moitié latérale droite de la coupe; et même en avant, elle n'at-

teint pas complètement la périphérie de la moelle, dont elle est

séparée par un tissu névroglique contenant encore un certain

nombre de tubes nerveux. Les faisceaux conjoncttfs de cette sclé-

rose sont pour la plupart à direction longitudinale; partout vils

apparaissent très denses, sans dégénérescence d'aucune sorte. Les

masses pigmenlaires et les nodules inflammatoires sont abondants

surtout dans les- zones postérieures.

Dans la moitié latérale gauche, se voit une sclérose néorogliquc,

identique à celle signalée sur les coupes faites plus haut, mais

moins accusée ; surtout elle présente exceptionnellement les

fascicules et tourbillons périvasculaires rencontrés dans les coupes

précédentes. Les îlots des tubes nerveux conservés sont plus nom-

breux. sur toute la périphérie de la moelle, et quelques-uns vont

assez avant dans le cordon anléro-latéral. Toutefois, la presque

totalité de la substance blanche continue à être démyélinisée

comme précédemment. La substance grise est représentée simple-

ment par quelques grandes cellules radiculaires, disséminées çà et

ta à travers le tissu de la corne antérieure : à ce niveau, les tubes

nerveux sont très clairsemés, après coloration par la méthode

de

La méningite existe encore à un degré assez marqué. Les mé-

ninges molles sont épaisses, adhérentes à la moelle et à la dure-

mère. Leurs nodules inflammatoires sont semés un peu partout.

Les artérioles sont le siège d'une périarténte accusée, et les vei-

uules apparaissent très dilatées.

C. Coupes au niveau de la '7" racine dorsale. Les caractères de

la lésion changent complètement. D'abord, les cordons postérieurs

et les racines adjacentes se remplissent de libres nerveuses, eu

même temps que les méninges redeviennent à peu près normales,

bien qu'elles contiennent encore quelques nodules inflammatoires

474 r PATHOLOGIE NERVEUSE

disséminés çà et là ; par contre les cornes de la substance grise ne

sont représentées que par quelques éléments cellulaires assez alté-

rés. Les cordons latéraux sont scléreux, surtout à droite ; d'ailleurs,

toute la périphérie de la moelle dans son segment antéro-iatérat

est à peu près complètement démyéimisée, comme il arrive habi-

tuellemeut au voisinage d'un foyer destructif. Pour la première fois,

le microscope montre des cavités et des lacunes placées, pour la

plupart, dans la substance gtise ; les grandes cavités n'ont pas de

paroi névroglique appréciable, elles sont simplement entourées

par les tubes nerveux plus ou moins enroulés et refoulés; les

petites sont souvent creusées au sein des masses névrogliques,

plus ou moins denses répandues dans toute la moitié antérieure

de la coupe : ces masses paraissant se raréfier par foute progres-

sive de leurs éléments, comme il arrive au cours de certaines

scléroses névrogliques anciennes.

D. Coupes au niveau de la 8° racine dorsale. La substance

grise a repris sa configuration et sa structure habituelles ; les

cellules des cornes antérieures, suffisamment nombreuses, ont un

aspect normal à tous les points de vue. Les cordons postérieurs

sont bien garnis de libres nerveuses. Les cordons antéro-iatéraux

continuent à être dégénéré;- des deux côtés; à droite, le tissu

scléreux, plus dense et plus rétractile, est de date cet taiuement

plus ancienne. Les racines rachidiennes postérieures sont à peu

près normales. Les racmes antérieures présentent encore beau-

coup de fascicules vides de tubes nerveux.

E. Coupes au niveau de la 3 dorsale. La moelle n'a certaine-

ment aucune lésion primitive. A signaler simplement : dans le

cordon postérieur, la dégénéiescence secondaire ascendante du

cordon de Goll : dans le cordon antéro-latéral, la dégénérescence

également secondaire du faisceau cérébelleux direct, et la dégé-

nérescence rétrograde des deux l'ai-ceaux pyramidaux croisés,

nettement prédominante à droite.

En résumé le foyer principal dela moelle dorsale moyenne

loin d'être simplement cicatriciel, présente tous les caractè-

res d'une lésion inflammatoire de nature infectieuse. Il y a

eu dans son développement deux périodes distinctes : la

première, qui, très vraisemblablement, a succédé au trauma-

tisme initial, a donné la sclérose conjonctive ; la seconde pé-

riode a abouti à cette sclérose névrotique de la moitié gau-

che de la moelle, encore en pleine évolution.

Au-dessus et au-dessous de ce foyer principal les lésions

précédentes ont continué à s'étendre, mais à une faible dis-

HBMISECTION TRAUMATIQUE DE LA MOELLE. 47S

tance seulement. Le processus n'a pas atteint la huitième

racine dorsale ; à ce niveau, la moelle ne présente plus

aucune lésion primitive.

Il est intéressant de rapprocher de l'observation clinique

du malade les constatations faites au laboratoire d'anatomie

pathologique. En coordonant leurs éléments, nous pouvons

non seulement faire une adaptation de la physiologie expé-

rimentale à tels ou tels faits de la pathologie humaine,

mais nous pouvons faire de la véritable physiologie humaine.

Seulement, comme ces données que la iiattite a fait passer

sous nos yeux, sans notre collaboration, sont à peu près les

seules dont la physiologie humaine puisse profiter, leur

groupement, leur interprétation constituera comme une

espèce de physiologie pathologique.

Un premier fait est à retenir dans celte histoire. Cet

homme, frappé d'un coup de couteau qui a traversé la co-

lonne vertébrale de parten part, y laissant un corps étranger

volumineux et septique, cet homme n'a pas suppuré. Quel-

ques jours après le traumatisme, la plaie se fermait, endor-

mant, pour près de quatorze années, les germes infectieux

dont elle ven : itd'étre ensemencée. C'est la confirmation d'un

fait connu depuis longtemps : Les blessures graves de la

moelle épinière ne déterminent pas de myélite suppurée. La

résistance du tissu nerveux à la suppuration est une sorte

de privilège que les chirurgiens, opérant sur les nerfs péri-

phéi-i(liies,'eoiinaissentdepiiis longtemps. La façon dont s'est

constituée la cicatrice autour du corps étranger, pourrait, si

nous manquions des renseignements que nous avons recueillis

de la bouche du malade, nous apprendre qu'il s'est agi là

d'un travail de sclérose conjonctive sans réaction infectieuse.

Les larges tractus fibreux qui doublent la cavité traumatique

ont une structure qui contraste de la façon la plus nette,

avec les productions franchement inflammatoires que l'infec-

tion a semées vers la fin de la vie dans tous les territoires

voisins.

On peut se demander ensuite pourquoi les phénomènes

spinaux se sont diffusés, immédiatement après le coup de

couteau, sous forme d'une véritable paraplégie, de telle soi le

que le syndrome de Brown-Séquard ne s'est constitué, ne

s'est dégagé de la scène morbide qu'au bout d'un temps

assez long. Des expériences de B. Sequard nous rendent

176 6 PATHOLOGIE NERVEUSE.

compte' de ces phénomènes. Elles ont montré qu'une simple

piqûre portant sur une des moitiés de la moelle équivaut,

pour ce qui est des effets immédiatement observés, à une

hémisection complète. Il n'est donc pas étonnant qu'une

hémisection ait donné pendant quelques jours la sympto-

matologie d'une section transversale. Les constatations

macroscopiques, l'analyse minutieuse des préparations,

achèvent de confirmer ce que la physiologie nous per-

mettait de prévoir. Nous avons trouvé tout le long de la

moelle, dans la portion sous jacente à la section, des

traces d'une hémorrhagie qui s'est faite, au moment de la

blessure, danslecanalracUidien.Lespréparationsmicroscopi-

que nous ont montré au voisinage du foyer traumatique des

granulations pigmentaires, vestiges, elles aussi, d'anciens

foyershémorrhagiques contemporains de la plaie. Ces hémor-

rhagies ont altéré la pureté des résultats expérimentaux ob-

tenus par les physiologistes qui respectent les artères et ar-

rêtent les épanchements sanguins. Les caillots ne s'arrêtent

pas sur la ligne médiane, ils empiètent sur le côté opposé

à là section : en résumé, ils ont déterminé dans le tissus tué-

dullaire des compressions dont l'action s'est ajoutée à cette de

la lésion mécanique'. Nous comprenons maintenant que celle

action se soit atténuée, finissant même, à mesure que la ré-

sorption se faisait, par disparaître, laissant émerger les

phénomènes propres à la seule hémiseclion, c'est-à-dire le

syndrome de B. Séquard. >

L'amélioration beaucoup plus tardive, beaucoup plus lente

aussi que nous avons pu constater dans les années qui ont

suivi, est due certainement à d'autres causes qu'il convient

de dégager, elles aussi. Lorsqu'en 1897, nous remarquons que

la paraplégie s'est améliorée depuis 1893, le mécanisme qui

a présidé à la rétrocession des phénomènes morbides ne peut

plus être celui que nous précisions tout à l'heure. La resti-

tution partielle de la fonction nous paraît être ici le résultat

d'une suppléance qui s'est peu à peu établie au profil du

côté lésé, par l'intermédiaire des fibres correspondantes du

côté opposé.

' Cette compression a dû. suivant toute vraisemblance, être assez vio-

lente. s'exercer profondément, jusqu'à l'axe gris central, car c'est dans

la substance griae péri-épendymmre que siègent les centres de la toni-

cité spiiiiitérienne et nous savons que le malade a eu, dès le début, îles

troubles des réservoirs.

11ÉM1SECTI0N TRAUMATIQUE DE LA MOELLE. 477

Nous avons vu que le faisceau pyramidal du côté droit était L

dégénéré au-dessous de sa section, ce qui explique la mono-

plégie motrice directe et l'exagération des réflexes allant

jusqu'à l'opportunité de contracture.- Les faisceaux posté-

rieurs et les faisceaux cérébelleux directs ont présenté,

comme c'est la loi, les caractères des dégénérations fasci-

culées dans les parties droites de la moelle situées au-dessus

de la section. '

Au début, tous les modes de sensibilité furent abolis, mais

dans la suite, une sorte de dissociation se fit entre eux. En

1893, six ans après la blessure, nous constatons que l'anes-

thésie a fait place à la dysesthésie que nous avons décrite, tan-

dis que la sensibilité thermique est revenue. Une suppléance

fonctionnelle s'est donc faite au profit de cette sensibilité

thermique, dont n'a pas bénéficié la sensibilité à la douleur.

Les impressions qu'elles conduisent, l'une et l'autre, semblent

donc ne pas suivre les mêmes voies dans la moelle.

Quant au sens musculaire, il était, lui aussi, revenu en

partie, car la marche était devenue possible vers 1893, et

celle-ci n'est compatible qu'avec une conservation, au moins

partielle, de ce mode de sensibilité.

Nous n'avons point à insister sur les troubles trophiques,

musculaires ou cutanés, qui s'expliquent suffisamment par

l'étendue même de la lésion destructive initiale de même que

par l'extension du travail phlegmasique originairement déve-

loppé au voisinage immédiat de la plaie médullaire. L'es-

charre est apparue quelques jous seulement après l'accident,

mais Charcot n'a-t-il pas trouvé de l'hypertrophie des cylin-

draxes et la prolifération des myélocytes au voisinage d'une

plaie spinale vingt-quatre heures après l'accident.

Le fait le plus curieux à signaler, est incontestablement la

tolérance du tissu nerveux pour le corps étranger implanté

dans sa substance. Les altérations microscopiques démon-

trent ici avec la dernière évidence que c'est bien la section

et non le travail phlegmasique qui l'a suivi, qui a commandé

toute la symptomatologie. Les lésions systématiques de la

moelle, les dégénérescences fasciculées, ont, au point de vue

histologique. un tout autre aspect que les altérations infec-

tieuses, franchement inflammatoires, qui ont marqué les

dernières périodes de la vie et ont donné lieu à la sympto-

matologie complexe de la phase terminale qui est venu

478 PATHOLOGIE NERVEUSE.

altérer la pureté du syndrome de Brown-Séquard,, demeuré

pendant plusieurs années rigoureusement intact.

Les premières lésions sont constituées par une sclérose

conjonctive, cicatricielle, à gros tractus, prenant largement

les colorations, ne s'étendant qu'aune petite distance du foyer

traumatique.

Les autres s'étalent à une plus grande distance dans la

moelle. Le tissu qu'elles ont édifié est plus grêle, se colore

plus finement, aboutit à une sclérose névroglique que la

mort a surpris et fixé en pleine évolution. Leur pathogénie

est facile. Les larges escharres qui se multipliaient le long

du membre inférieur gauche, laissant de vastes ulcères en

pleine suppuration, étaient autant de portes d'entrée expli-

quant la possibilité d'un ensemencement nouveau du vieux

foyer cicatriciel médullaire endormi depuis près de quatorze

ans. Une poussée aiguë infectieuse s'est faite autour du corps

étranger, un véritable abcès qui s'est ouvert dans le service

de médecine où se trouvait le malade, puis s'est cicatrisé.

Mais, si de nouvelles collections purulentes ne se sont plus for-

mées, la poussée inflammatoire, cette fois, adépassé le foyer

traumatique initial. Nous en avons la preuve dans la com-

plexité des signes cliniques présentés dès cette époque par

le malade, et dans les altérations histologiques dont lystruc-

ture accuse la jeunesse et dont l'étude topographique démon-

tre la diffusion. Ainsi s'est trouvé submergé dans la diversité

des phénomènes résultant de cette myélite diffuse, le syn-

drome de Brown-Séquard qui s'était accusé pendant si long-

temps avec la plus parfaite netteté.

Asile d'aliénés DE la ltocun. f uro. Sur la proposition de

M. le Préfet, M. le président du Conseil, ministre de l'intérieur et

des cultes, vient d'accorder une médaille d'honneur de l'assit tance

publique à M. et Mmo Martineau, infirmiers à l'asile d'aliénés,

chapes du quartier des enfants arriérés et épileptiques. Nos félici-

tations. (La Démocratie vendéenne du dimanche 15 novembre 1903).

CLINIQUE MENTALE

Hospice de l31céGne. Service du Dr J. Séglas

Contribution à l'étude clinique des monologues

chez les aliénés :

Par D.lltC\N\1;, interne provisoire des hôpitaux.

Notre maître, le De Séglas, a montré dans son livre sur

les « Troubles du langage chez les aliénés » combien l'étude

de ces perturbations si fréquentes dans les diverses maladies

mentales est précieuse et combien les renseignements que

l'on en tire sont nombreux et importants, tant au point de

vue du diagnostic que du pronostic.-

Il est un trouble du langage qui semble n'avoir fixé qu'in-

cidemment l'attention des cliniciens sans avoir fait l'objet

d'éludés spéciales' et dont la connaissance peut souvent

fournir des indications utiles pour le diagnostic et le pro-

nostic des diverses maladies mentales. C'est le monologue.

Le monologue, en effet, en tant qu'il extériorise d'une

façon automatique la pensée intime du malade, est un excel-

lent moyen d'observation de son délire, de son état mental

réel. On n'a plus à compter alors avec la méfiance, la dissi-

' Nous citerons cependant un intéressant travail deRAGGi.SMooMto

dei pa : zi; tl manicomio, tasc3,189S.On trouve encore quelques indications

sur cetie question dans les travaux suivants :

Kit%USE. - Ueber Zustkntle von ertCM'/AetY 21nd Aufregung oder

slupor in Beqin ? ien und Verlaure clercltronisclzea Paranoïa, m lonats-

sclirillt sur Ilsycli. u Neur, Bil 1887. L Ventuiu. IDiscorsi deipazzi;

in Afanicotnio, fasc. et 2, 1893. DE SA\cris et HATTOu Primo. Con-

Iribulo alla conoscenza délia evoluziotte dei delirii in rapporta special-

71eenteagli indebolimenti psichici conscculivi, in Riv. quiitd. di psicologia.

(àsc 13. ïf/c6ome/ ? ? c/ncï Vh-spa. Conlributo alla conoscenza del

f.tsc )3. ! 808 DE SAXCT Ht VphpA. Co ? )'t&u<o aHa : eo ? t06'cen;a t/e<

deeorso dei psicosi e délia evoluzione dei delirii in rapporta agli inde

bolimenli psichici secondari, in Riv. quiiid. di psicologia, fasc. 1 et 2,

1899

480 CLINIQUE MENTALE.

mulalion, les réticences du sujet ; avec les modifications

qui résultent dans un dialogue de la fixation de l'attention,

des suggestions involontaires, des questions posées. Dans

certains cas même, comme par exemple l'étude des hallu-

cinés, le monologue est un procédé d'observation des plus

précieux. Cela ne veut nullement dire que le monologue

puisse remplacer l'interrogatoire dialogué, mais il le pré-

cise et le complète, au même litre que l'élude des écrits.

D'un autre côté, le monologue ne se présente pas toujours

de la même façon, avec les mêmes caractères. Ceux-ci varient

en effet avec les formes morbides et aux différentes étapes

de leur évolution, et leur connaissance peut ainsi devenir à

l'occasion un élément de pronostic utile.

I. Etude symptomatique

a) Caractères extrinsèques. La grande majorité des

aliénés monologuent. Chez certains le fait est évident. On

les voit, en effet, parcourir le lieu où ils se trouvent en voci-

férant, d'autres fois en parlant tranquillement et de l'air le

plus naturel du monde, accompagnant leurs discours de

gestes plus du moins appropriés. La présence d'une personne

étrangère n'interrompt nullement leur monologue. Chez

ceux-là le symptôme est facile à constater et à étudier. Ils

parlent haut, en public comme dans la solitude.

Cependant certains individus se laissent, pour ainsi dire,

intimider par la présence d'une personne quelconque et ne

soliloquent à voix haute que lorsqu'ils sont seuls. Se

croient-ils dans un lieu désert, dans un endroit où on ne

peut les observer, ils commencent leurs discours. Si l'obser-

. valeur, un instant caché, apparaît brusquement, le mouolo-

gueur s'arrête, paraît quelque peu troublé; mais il est facile

de voir qu'il continue à extériorisersa pensée par des paroles

prononcées à voix basse et comme en se cachant. Plus l'ob-

servateur s'approche et plus la tonalité baisse.

Souvent même on pourrait croire que l'individu a cessé

de soliloquer si le frémissement de ses lèvres ne venait le

trahir. Dans certains cas même tout phénomène extérieur

cesse mais on est autorisé à penser que le malade n'en

continue pas moins son discours, soit qu'il accomplisse un

mouvement stéréotypé qu'il associe généralement à tel mot,

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 481

ou telle phrase connue, soit qu'il exécute des gestes mimi-

ques de signification plus générale ou que l'on saisisse dans

les réactions mobiles de sa physionomie des traces d'expres-

sions variées, trahissant la suppléance du langage articulé

par le langage mimique et la persistance du monologue inté-

rieur. Si l'observateur se retire, l'aliéné reprend son mono-

logue à voix haute.

Certains malades, qui ont l'habitude de parler seuls à

voix haute, le font seulement en présence de personnes avec

lesquelles ils vivent communément (malades, infirmiers) ;

mais dès qu'un visiteur les approche, ils se taisent ou parlent

plus bas, il faut même beaucoup de temps à certains aliénés

pour, s'habituer à la présence de telle ou telle personne;

c'est ainsi que certains malades, qui m'ont vu dans le ser-

vice depuis une année entière, se taisent dès que je veux les

approcher pour prêter l'oreille à leurs discours. '

D'aucuns mêmes sont influencés par le lieu où ils se

trouvent; tel malade monologue avec énergie, à voix haute

lorsqu'il se trouve dans la salle, et se tait ou du moins parle

à voix très basse, s'il se promène dans la cour. Il en est

d'autres qui parlent constamment à voix basse, qu'ils soient

seuls ou entourés de personnes étrangères.

Ces deux types de soliloques à voix haute el à voix basse

peuvent se transformer l'un en l'autre, c'est-à-dire qu'un

aliéné peut à certains moments de la journée parler à voix

haute, à d'autres moments à voix basse sans qu'aucune con-

dition extérieur ait changé, soit peut-être que le chuchotte-

ment ne résulte que de la fatigue de l'organe vocal, soit, au con-

traire, qu'un état émotionnel transitoire plus profond, une

excitation intellectuelle plus grande provoque la reprise du

monologue à voix haute.

Ce caractère du monologue d'avoir lieu à voix haute ou

basse est donc assez variable chez le même individu.

Néanmoins on peut dire d'une façon générale que certains

aliénés soliloquent à voix haule tandis que d'autres mono-

loguent à voix basse, dans leur milieu ordinaire, en présence

des mêmes personnes et en dehors de toute émotion ou phase

d'excitation.

Le second caractère du monologue, à savoir celui d'être

fait en public ou dans la solitude parait être moins variable

que le précédent pour un même individu. Tel aliéné, tel

Archives, 2' série, t. XVI. 31

482 CLINIQUE MENTALE.

paralytique général, parle en public à voix haute, sans se

laisser intimider par la présence de n'importe quelle per-

sonne. Tel persécuté se cache avec soin, même des individus

qui l'approchent chaque jour, pour répondre à ses hallucina-

tions. D'autres aliénés parlent à voix basse, mais seulement

lorsqu'ils sont seuls et se distinguent des précédents parce

fait qu'ils ne pailent en public ni à voix haute ni à voix

basse. Enfin sous le coup d'une émotion puissante, d'une

hallucination intense, il arrive que certains malades, qui,

d'ordinaire ne monologuent jamais, se prennent à déclamer

à voix haute quelques phrases, quelques mots de protes-

tation. ·

Nous sommes là sur la limite du fait normal et du fait

pathologique, sur cette frontière si difficile à délimiter de

façon précise. En elle n'arrive-t-il pas à l'homme le plus

normal de prononcer un mot, une phrase à voix haute à la

suite d'une frayeur subite, d'une émotion puissante, sous le

coup d'une préoccupation dominante et exclusive.

Parmi les aliénés monologueurs, les uns parlent conti-

nuellemeut, d'autres à certains instants seulement de la

journée.

Les premiers sont des gens qui sont sous le coup d'une

excitation intellectuelle ou émotionnelle plus ou moins

durable mais intense. Ils monologuent sans trêve, le jour

sans prendre à peine un instant de repos, au moment des

repas et aussi la nuit dans l'insomnie qui résulte de leur état

maladif.

Ces états sont, en général, aigus et, par conséquent,

durent peu ; plus ou moins rapidement l'individu cesse tout

monologue, ou bien ne parle plus que de temps en temps.

A côté de ces monologues diurnes et nocturnes, il y a des

monologues ou diurnes ou nocturnes.

Le monologue seulement nocturne est très rare; il est, en

tout cas, beaucoup plus difficile à observer. Au contraire le

nombre d'aliénés qui ne soliloquent que pendant la journée

est très considérable. Ceux-ci, en général, ne parlent que de

temps en temps et non d'une façon continue, et, le soir, le

sommeil vient en général mettre fin à leurs discours plus

ou moins incohérents. Un autre caractère plus général du

monologue est d'être intermittent ou habituel, caractères

qui se définissent d'eux-mêmes.

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 483

Enfin tandis que certains' aliénés accompagnent et souli-

gnent leurs discours d'une mimique quelconque, des plus

expressives, d'autres semblent psalmodier une complainte

monotone et paraissent indifférents à leurs propres paroles :

ils se promènent machinalement dans la cour en répétant

quelques phrases, souvent les mêmes, d'une voix monotone;

rien sur leur visage ne trahit la moindre émotion, ils

semblent répéter une phrase dont ils ont perdu le sens; leur

mimique est nulle, leur oeil terne est sans mobilité, les

gestes absents ; ce sont le plus souvent des déments com-

plets.

D'autres, au contraire, accompagnent leur monologue de

gestes bien appropriés, leur physionomie exprime tour à

tour la colère, la frayeur, le dédain, l'attention, etc., et leur

mimique est en parfaite harmonie avec leur langage. Certains

semblent, pour ainsi dire, l'exagération des précédents,

mais la mobilité extrême de leur physionomie, leur gesticu-

lation désordonnée sont plutôt le fait d'un état d'excitation

psycho-motrice connexe que les correspondants mimiques

réels de leur langage.

Ajoutons que certains malades avouent leur habitude de

monologueur et l'expliquent par une raison quelconque,

tandis que d'autres ne peuvent en donner la raison et ne

semblent pas même se rendre compte de cette bizarrerie.

Mais n'oublions pas que toute une catégorie de malades,

surtout les persécutés, se cachent avec le plus grand soin

pour soliloquer, et, pris sur le fait, n'avouent pas et pré-

tendent ou n'avoir pas parlé ou n'avoir, fait que répondre à

des interlocuteurs présents ou imaginaires.

Certaines conditions influent sur la fréquence et le carac-

tère des monologues, notamment le changement de milieu,

de certaines habitudes particulières qui amènent une pertu-

bation plus ou moins sensible, plus ou moins durable sur

les caractères extrinsèques ou intrinsèques des monolo-

gues.

Nous venons d'étudier brièvement les caractères objectifs

du monologue en général et nous avons vu que le monologue

peut être habituel ou intermittent, diurne ou nocturne ou

les deux à la fois, qu'il peut se produire dans la solitude ou

en public, à voix haute ou basse, avec ou sans réactions

mimiques. 1

484 CI INIQUE MENTALE.

b) Caractères intrinsèques. En dehors de ces caractères

objectifs, extrinsèques, de forme, il y a lieu d'étudier les

caractères, de fond, intrinsèques. C'estainsi que le monologue

peut être suivi ou incohéreut, logique ou dystocique.

Les monologues suivis sont beaucoup plus rares que les

incohérents, car on les rencontre surtout (mais non exclusi-

vement) chez les délirants systématiques qui monologuent

,. peu, ou du moins ne le font souvent que lorsqu'ils ne se

sentent pas observés. Là le malade poursuit et exprime une

idée nette et suivie en rapport t avec tel ou tel épisode de son

système délirant. En voici un exemple :

« On me manque de respect de toutes les manières. Je ne veux

plus de M. Drumont qui m'insulte constamment. Il m'insulte la

nuit, le jour; je ne veux plus de cela. Je sais bien pourquoi il

m'insulte, c'est parce qu'il est l'homme de confiance de l'aiche-

vêque. Il voudrait aussi abuser de moi. Il voudrait faire des

cochonneries, m'insulter avec ses organes sexuels. Mais j'en ai

assez et je dis qu'un homme ne peut jouer le rôle d'une frmne.

« La pédérastie est le crime qui déshonore le plus i'e-pece

humaine. C'est dégoûtant que les hommes se conduisent en femmes,

que des hommes changent de sexe. Cela n'est pas permis De

même qu'un homme ne doit pas s'habiller de vêtements de femme,

de même il ne doit pas se comporter avec ses organes sexuels

comme la femme s'y comporte. Voilà ce que ceux qui m'insultent

voudraient me faire subir, mais, je ne veux pas. »

Mais bien plus souvent le monologue est décousu, incohé-

rent. L'aliéné passe brusquement d'une idée à une autre,

sans transition apparente. Parfois il est possible de sur-

prendre le mécanisme de ce décousu de son langage, idéor-

rhée, assounances, etc. Mais dans bien des cas, la pensée du

malade paraît passer d'une idée à une autre sans qu'il y ait

aucun lien entre les deux : il ne paraît plus capable de faire

des phrases suivies. Comme exemple de monologue décousu

on peut citer le suivant pris chez un dément parauoïde :

« Je n'ai pas d'enfants. Ça ne peut pas travailler. Quand vous

aurez des petites factures, vous n'aurez plus de petites bouteilles.

A Dieu l'évêque. Pont-1'Evêque. A Dieu tout. Quand j'ai un

oeut dans ma poche je ne peux pas fumer.

« Voilà un anglais, il sait limer, il sait plaquer la lime. Je

suis blond couleur des cheveux, le père Merlin vous a donné des

eaux d'Israël et un gobelet d'argent. Quand on a écrit, c'est du

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIENES. 485

crayon, une mine de crayon, une mine d : 4nzin. Quand ils

avaient de l'argent ils vendaient de l'eau-de-vie de marc. Il faut

être ou ne plus manger ce.qu'on a, de la morue. 4 et 4 = 8,

8 et 8, 16, 16 et 16, 86, 86 et 86, 106. le 106° de ligne, il n'y a plub

de contrôle.

« Un doigt joue. Il a été gagné parce qu'il a été bossu et qu'il y

a égalité de la terre. J'ai les pupilles dilatées parce que j'ai un

- oeil ouvert par le jour. C'est un oeu[ craquelé qu'elle a dans une

baraque, il ne faut pas lui voler. »

« Ne travaillez pas avec un youpin. C'est trop voleur, il vous

volera à la toupie. C'est voleur de protocole et de vinicole. Quand

j'ai un oeuf dans ma poche je ne peux plus fumer. Je suis mercier

et je lime toute la journée. »

Parfois l'incohérence est telle que le monologue n'a plus

aucun sens. C'est une suite de mots ne formant même pas

des phrases isolées.

Tel est le monologue favori de M..... paralytique général

avancé :

« Tout Paris et puis les fils, le téléphone; tabac et tout

Paris. Plaque d'or et je Iravaille. Je suis jeune et tout Paris.

« Deux yeux et puis pas de pantalon et puis deux yeux qui pas-

sent. Tu passes Congo et puis Paris. Coneo passe et puis lanie

(Mélanie) tu lais là Congo, ma chemise, mon pied-mon pied d'or,

mes deux pieds d'or, deux boutons, puis quatre boutons. »

Il est une forme de monologue qui mérite aussi une men-

tion spéciale, ce sont les monologues dialogués, sorte de

conversation dans laquelle le malade fait à la fois demandes

et réponses. Parfois même le malade change de registre

pour répondre à la demande qu'il vient de faire. 11 emploie

tel ton pour la demande, tel ton pour la réponse. Tel est par

exemple D..... dément précoce à forme parano.de, avec dette

différence toufefois qu'il parle toujours de la même voix

monotone :

« Je désirerais avoir du papier, Monsieur. Bien, merci. Mon-

sieur. Hh bien, que faut-il encore ? - Ce que vous voudrez.

Je me mets au rang des personnes du pays... Merci, Monsieur. Je

me mets au service du service du sergent Douai, décapité à Paris.

Je suis mal babillé. Je me présente ainsi. -Parle moi d»ncun

peu. Je n'ni rien à vous dire, Monsieur... Ah... ah, j'ai rigolé,

comment t'appelles-tu ? Marie-Rose. A1, ah, Marie-Rosé, »

486 CLINIQUE MENTALE.

il. ETUDE psychologique

D'une façon générale, le monologue est une manifestation

de l'automatisme psychologique. Le fait est trop évident

pour qu'il soit utile d'y insister. Mais le monologue n'est en

fait qu'une résultante et si l'on étudie les cas particuliers on

voit qu'il peut se rattacher immédiatement à des phéno-

mènes psychologiques assez différents les uns des autres.

Parfois il résulte d'une idée fixe prépondérante dominant à

tout instant l'esprit du malade.

B... est un ancien persécuté systématique chez lequel dominent

actuellement des idées de grandeur. Il a rait des inventions, des

découvertes qu'on veut lui voler. Il reste sombre, préoccupé, se

place dans le même endroit et de temps en temps s'écrie : « tiri-

gands, assassins, graine d'assistance, vous ne les aurez pas mes

découvertes, je les garde, je le ? tiens. Voleurs, assassins. »

Dans d'autres cas, c'est un état émotionnel intense qui

provoque le monologue.

G... est un mélancolique anxieux, presque panophubique, qui

croit avoir la syphilis et s'attend à tout instant à être puni pour ce

» crime ». Il marche incessamment, pelotonné sur lui-même, 'oeit

inquiet, parlant à haute voix de temps en temps :

. Alf, misérable, malheureux, quel crime ! ! ... Cela mérite cent

fois la mort... Quels supplices me sont réservés ? J'avais une belle

intelligence ; je suis possédé... Quel crime ! ... l'Enfer ! ! ... »

Parfois c'est Vidéorrhée, l'association rapide et tumultueuse

des idées qui préside à la naissance du soliloque. En voici un

exemple :

« Ça vaut des millions, ça. La France n'en a jamais vu.

C'est les mac. Ils sont dans leur toit. Il faut envoyer des soldats

ou des fusils. Ce n'est pas la France. Est-ce le le, décembre ? oh

bien, c'est le le, janvier. Et les mois sont de quinze jours. C'est

moi, Dieu, demain dictateur. Alors vive la France et voilà pour

le roi. Et vous allez voir la guerre. Moi, je ne vais plus vous

quitter. C'est moi le roi, le roi d'Allemagne. »

Il chante : « Ali, la belle Lucie, voilà six mois que je nn mange

pas. Je suis encore en jockey. Je ne gagne pas. Vous avez

gagné. Il n'y a que des voleurs en France et moi je n'ai pas

joué. M

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIENES. 487

« Il chante : « Tout le monde vous salue, vous êtes sauvé. Ah.

Ah ! Ah ! je vais rigoler. La guerre avec de l'eau du ciel. »

« Moi, j'ai quarante ans et toutes mes dents; le fils de Gam-

bette. Je suis jeune. J'ai dix-sept ans. Vous ne me recon-

naissez pas; j'ai fait couper mes cheveux. Je n'ai pas la gale : si ! ...

c'est le prince de Galles qui me l'a donnée ; je vais me laver et je

ne l'aurai plus.

« Le prince de Galles a la gale.If y a des trous pour le prince,

de Galles, »

Dans certains cas le malade monologue pour répondre à

des hallucinations. C'est en somme un dialogue mais dont

on n'entend qu'une partie. ,

On peut voir alors le monologueur, généralement un persé-

cuté, prêter l'oreille, s'incliner pour mieux entendre, en

même temps que son visage trahit une émotion souvent puis-

sante. Parfois il maitrise sa colère et ne répond qu'inté-

rieurement ou à voix basse. Mais de temps en temps et tout

à coup, il ne tient plus compte des gens qui l'entourent, invec-

tive ses ennemis avec la plus grande véhémence.

fel est le cas de S..., persécuté mégalomane, très halluciné et

sur la voie de la démence :

« Brigands, masturbateurs, quand aurez-vous fini ? Vous vou-

driez m'usurper mes titres, mes conquêtes du sang... mais je suis

l'empereur, le grand César... Je vous tuerai, je vous extermi-

nerai...

« Vous me téléphonez : ne fume pas, le tabac n'est pas bon... Si

je ne me retenais, je vous étranglerais. »

1).... paralytique général est un aliéné fervent du monologue. Il

soliloque à voix haute, fait des gestes larges et impérieux, en se

tournant constamment du côté de la tour Eiffel qu'il aperçoit à

l'horizon. Il s'imagine que là-haut siègent ses ministres (il se croit

président, préfet de police) et qu'il correspond avec eux.

Pour se faire comprendre de ses subordonnés, il emploie diffé-

rents moyens : ou bien il fait des gestes, ou bien il écrit dans l'es-

pace et plus souvent il parle à voix très haute. Chez lui il est très

facile de s'apercevoir qu'il dialogue, car souvent il s'arrête, écoute

et répond affirmativement ou négativement. Voici un exemple de

ses monologues :

« Mmo ..., impératrice de Russie. J'aj un pouvoir de Walde -1-

Rousseau ; Ordre impérial et du maréchal des logis. « Appor-

tez un bulletin blanc au bureau et fournir un médecin pour les

colonnes pour le personnel à droite et à gauche. »

488 CLINIQUE MENTALE.

Il prête l'oreille et dit :

« Entrez, entrez, l'artillerie, Augustine, fais-moi entrer l'artille-

rie un peu... Entrez dans la préfecture. »

Il écoute :

Oui, il y a un médecin ici.

Il écoute encore :

Oui, j'ai les voitures de médecine ici.

Il écrit dans l'espace, regarde, fait de grands gestes, salue,

prête l'oreille :

a Ah ! il ne peut pas ; je suis consigné. »

Dans les cas précédents il s'agit d'hallucinations senso-

rielles, mais on peut trouver à l'origine du monologue des

phénomènes de même ordre de caractère moteur, halluci-

nations verbales motrices et surtout impulsions verbales.

4

Tel est le cas de L..., tabétique délirant avec idées de persécu-

tion. Il par le intérieurement « des mois lui sortent de la bouche

sans qu'il puisse les arrêter ». S'il lit son journal, il se plaint

qu'on le lise plus vite que lui. Les mots sont prononcés trop

vite, il ne comprend plus. Il marmotte constamment (il chante,

comme il dit) et voici un exemple de ce que ses hallucinations lui

font prononcer :

« 1,'o)cle Filocheest une crapulerie, \in Ciloche est une honnête

femme. Tous les Filoches sont des honnêtes gens. Le petit Pageux

(c'est lui). est une crapulerie aussi tout de même. »

Cela l'ennuie beaucoup de chanter toujours la même chanson,

aussi a-t-il imaginé une manière de chasser ses hallucinations, il

répète constamment « Kaskow, colonie du Cap ».

Cela les empêche de le faire chanter.

On peut rapprocher de ces cas ceux des monologues à

forme dialoguée dans lesquelles une des deux parties res-

tant consciente, l'autre revêt la forme de la parole involon-

taire et inconsciente qui est pour le langage parlé l'analogue

de l'écriture automatique. Notre maître M. Séglas en a rap-

porté dans ses « Leçons cliniques » un bel exemple :

« Inconsciente. llime Dubois.

« Consciente. Je ne la connais pas, je suis de la campagne.

« Inc. Saint Thomas est blanc comme un mort. '

« Cons. Un saint qui m'est apparu.

« Inc. Il sait te comprendre.

« Cons. Je ne comprends pas, je ne puis parler.

« I. Elle est prêtre cette fille.

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 481)

« C. Moi je ne sais que dire.

« C. Je suis innocente... J'ai peur que ces francs-maçons ne

me fassent du mal.

« De ces phrases, les unes sont seules conscientes. « C'est moi

qui dis cela », déclare la malade, lorsqu'on l'interroge au moment

même à ce sujet. Les autres, elle les a entendues, mais elle nie

énerjdquement les avoir prononcées, bien qu'elle se soit exprimée

à haute voix. »

C'est encore à la même origine qu'on doit rapporter le

monologue de ces agités en proie à une loquacité intaris-

sable et incohérente et qui ne cessent de vociférer sans

pouvoir s'arrêter, entrainés par une sorte d'impulsion irré-

sistible (Zwangsz·eclez).

« Hélas, disait à Max Simon, une de ses malades, je suis brisée.

j'ai crié toute la matinée, je n'en puis plus ! Pourquoi donc

criez-vous ainsi ? Cela vous fait mal. Hélas, c'est' plus fort que

moi, ça me vient, il faut que je crie; je vais vite manger parce

qu'il faudra que je recommence. »

La verbigération des catatoniques en période d'excitation

reconnaît peut-être aussi la même origine (Kahlbaüm).

L'énumération précédente nous a montré les rapports de

plus m plus divers du monologue avec l'automatisme psy-

chole,gique. Dans les derniers faits même, nous l'avons vu

se manifester en correspondance avec des faits de dissocia-

tion de la personnalité ; mais il est des cas encore plus

caractérisés dans lesquels il se présente comme une émana-

tion directe de l'automatisme et de la désagrégation psy-

chique, comme un phénomène subconscient. Tels sont les

monologues que l'on observe dans les étals délirants à

forme de rêve, dans les somnambulismes hystériques, la

période délirante des attaques hystériques ou des accès épi-

leptiques, la confusion mentale, etc.

Dans les attaques d'hystérie, plus souvent dans les grands

accès, les monologues sont fréquents.

« Je vous l'avais bien dit, tous les médecins sont des idiots.

I'..., G... ne sont que des imbéciles, je les connais bien... je meurs,

je meurs... »

Les épileptiques soliloquent parfois aussi, quoique le fait

soit plus rare. Généralement c'est à la suite d'une crise, d'un

490 CLINIQUE MENTALE.

vertige qu'on les voit monologuer ; ils le font le plus souvent

avec véhémence, énergie, violence même.

Témoin ce malade épileptiquc cité par Kraft Ebinc, qui délirait

constamment après ses accès :

« Me voilà mort ! «

Et un autre jour : .

« Je n'ai jamais assassiné personne, j'ai folichonne. Maison de

fous. Je n'ai jamais été Dieu ni empereur, ni Satan, je me suis

fait passer pour le Christ, en effet c'est moi qui suis le Christ avec

la couronne d'épines, car je n'ai jamais été faux monnayeur et je

n'ai jamais volé 30 kreutzer. »

Généralement le monologue de l'épilepsie est court ; c'est

le plus souvent une insulte que le malade profère apiès sa

crise. Un des malades de notre service dit constamment

après ses crises : « m... ? cochon ». Dans d'autres cas le

monologue remplace l'accès épileptique. C'est un équivalent.

Dans ce cas le discours peut être plus prolongé.

« Catherine d'Ecosse, avez-vous déjà réuni vos preux chevaliers .'

Nous allons les faire partir. Rassemblez votre petite troupe, Ca-

therine mon épouse. Partons ensemble le jour de notre mariage

dussions-nous renoncer au plaisir qui appartient à ce jour de

grand bonheur... Qui oserait répandre le sang d'un roi ? Ralliez-

vous ! C'est triste d'être troublé le plus beau jour de sa vie... »

Enfin l'épileptique en état de démence ou de déchéance

complète monologue aussi et son discours est incohérent,

décousu, illogique.

Certains malades atteints de confusion mentale se mettent

aussi à monologuer ; ces cas sont rares mais méritent d'être

signalés. Leur délire est calme, tranquille ; ils parlent à voix

basse, souvent marmottent entre leurs dents des mots plus

ou moins compréhensibles. Il est rare d'avoir un monologue

suivi. Dans une leçon du Dr Seglas, on en trouve un bel

exemple :

« Je t'aime... tu es mon Paul, mon bijou... oui mon enfant... ne

bois pas... le poison... la voiture... manger... le duc de Clermont-

Tonnerre... suis-je morte... je suis ta femme... je ne veux pas que

tu le croies... non, je ne le mettrai pas... tu es un ambitieux...

pas toi, l'autre... viens Lucien... des robes... sur le banc. »

Très souvent, et c'est peut-être le cas le plus fréquent,

le monologue a son point de départ immédiat dans l'affai-

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 491

bassement plus ou moins prononcé des facultés intellec-

tuelles.

Tel est le cas de T..., dément paranoïde qui ne cesse de se livrer

en se promenant dans la cour, à un monologue des plus décou-

sus :

« Vous porterez pince-nez, M. Bonse. Il est très àgé. Dans le

temps il est venu dans le bureau, au mois de février 1901, 5° tri-

mestre, à l'inspection sanitaire. Le 28 il n'y a que 28 jours du le,

au 5. Il y a à faire le journal et à apprendre la grammaire.

M. Thaon doit y habiter. Etant sur le boulevard on voit toute la

façade. Je crocais que c'était par le boulevard Montebello, la rue

des Postes. Jules (Jaston comparait en justice pour instruction

de son affaire. N'est-il pas médecin à Sainte-Eugénie ? » »

C'est en pareille circonstance que l'on observe les mono-

logues en rapport avec les stéréotypies, véritables stéréoty-

pies verbales et dont nous avons rapporté un exemple.

En voici un autre : B..., malade du service, se promène lente-

ment en tournoyant sur lui-même et lépétant d'un ton monotone

les quelques phrases suivantes :

« Ah ! mes wagons, mes beaux wagons. Voici les bagages...

mes wagons mes beaux wagons ! ... » ,

C'est là aussi que l'on rencontre les monologues qui se

produisent comme une manifestation de ce que l'on a appelé

le lcazgcge ·é/lexe (B,obertson). On sait qu'en ce dernier cas,

le malade parle, émet des idées généralement très banales ;

elles paraissent non dépourvues de sens et cependant der-

rière elles il n'y a rien. Le malade n'a pas pensé, n'a rien

élaboré. C'est le cas de ces personnes qni, vous abordant,

disent : « Bonjour Monsieur, comment allez-vous, très bien

et vous » d'un seul trait, sans attendre la réponse. Ce phéno-

mène, étendu aux phrases de la conversation usuelle, se

trouve souvent chez les aliénés. Ils parlent le langage réflexe

mais aucune idée ne correspond à leurs paroles.

A..., dément sénile, nous aborde ainsi :

« Bonjour, mon cher docteur, comme je suis satisfait de vous

voir, oh, oui, je suis bien satisfait de vous voir-je suis bien heu-

reux le temps est beau jeudi prochain mes gens viennent me

voir. Je m'amuse, j'écris, je travaille bien. Je suis ancien

plombier, j'ai fait bien des tuyaux à gaz. Je suis bien satisfait de

vous voir. Je voudrais vous demander un petit service. Pre-

nez-moi donc cette petite lettre, je suis satisfait de vous voir... » , *

493 CLINIQUE MENTALE.

On peut remarquer que les mômes phrases reviennent constam-

ment, que les mêmes mots sont employés. D'ailleurs son mono-

logue ne varie jamais et chaque jour il patte du bonheur qu'il

éprouve à nous voir, de son métier de plombier, de sa petite let-

tre.

Dans le même ordre d'idées figureraient encore les mono-

logues par éclaolalie.

Dans ce cas les malades ne répètent, que les mots entendus.

tels IVI... ? paralytique général, qui, entendant les mots :

« il fait beau temps » les répétera presque indéfiniment

comme un refrain monotone.

Dans d'autres faits plus curieux, la parole entendue, telou

tel fait qui se passe devant les yeux du sujet devient, le point

de départ d'un monologue qui l'amplifie et le développe.

Ainsi llai..., imbécile, monologue, lorsqu'il voit l'interne de sel-

vice gaver quelques malades, dit à voix haute :

« Donnez-lui la sonde (si l'on a dit donnez-moi la sonde), un lui

donne la sonde, ah, ah, il a la sonde.-Allez ouvrez la bouche-

il dit d'ouvrir la bouche. Mais il ne veut pas ah, ah ! on y

arrivera, il l'aura la sonde et malgré lui. J'aime voir cela, mais

tiens voilà la surveillante, qu'est-ce qu'elle vient faire là. Je ne

sais pas, etc.. »

Comme on le voit tout le fond de ce monologue est pris dans des

faits extérieurs. Le malade communique ses impressions, pai le de

ce qu'il entend, de ce qu'il voit. C'est là un fait assez rare, car les

autres motiologueurs puisent surtout leurs soliloques dans des

faits de la vie intérieure de leur vie délirante.

Il arrive souvent et c'est même le cas le plus fréquent

que ces différentes conditions psychologiques du monologue

n'existent pas à l'état isolé, mais s'associent, pour le pro-

duire, les unes aux autres et des façons les plus diverses.

Tel est par exemple le cas de F..., malade en état de démence

alcoolique avec excitation constante et idées de grandeur prédo-

minantes, et qui monologue sous l'influence de ces trois facteurs :

« Tu veux être le prince impérial. Lâche, fainéant ; c'est moi

le prince impérial, le roi des rois. Grand voleur, je te tuerai.

Tu m'obéiras. Vois-tu nia physique, grand lâche. C'est moi

Léon XIII. Je suis la Vierge Marie. Tu es envoyé par la belle

Eugénie. Je ne peux pas me retenir quand je vois ça.

« Je suis le père Eternel, le roi Aria... Il marchera et sera

nommé empereur, roi... Je suis le père Eternel. »

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 493

III. Valeur séméiologique

L'existence du monologue ne peut servir au diagnostic de

l'aliénation puisque le monologue se rencontre même chez

des gens bien portants, où il n'a d'autre signification que

d'être une forme anormale du langage.

L'existence pure et simple du monologue ne peut non plus

servir au diagnostic de telle ou telle forme d'aliénation, car

on peut poser en principe qu'il n'y a pas un seul aliéné qui

ne monologue à son heure. Néanmoins on peut tirer de

l'étude du monologue quelques renseignements utiles sur-

tout si l'on envisage sa fréquence relative.

Il nous est très difficile, en raison des conditions d'obser-

vation où nous avons été placé,' d'établir une statistique

précise à cet égard. Nous dirons seulement d'une façon géné-

rale que nous avons noté le monologue plus fréquemment

dans les formes chroniques que dans les formes aiguës de

l'aliénation mentale.

Que dans les formes chioniques, il nous a paru se montrer

surtout dans les états de démence et dans les délires systé-

matisés chroniques, mais tout particulièrement dans les

états désignés sous le nom de délires systématisés secon-

daires : fait qui n'a rien d'étonnant si l'on se rappelle que

pour beaucoup d'auteurs ces états correspondent à une affec-

tion chronique en marche vers la démence.

Il frtut donc étudier les caractères du monologue et/ce

n'est qu'ainsi qu'on pourra tirer à l'occasion quelques indica-

tions utiles : 1° au diagnostic ; 2° au pronostic.

Les indications diagnostiques sont surtout tirées des

caractères intrinsèques, par exemple du contenu.

« Je suis le grand empereur, le prince impérial, le roi des rois.

Je suis Léon XIII. - J'ai trouvé la gerbe d'or; je possède la

malle des Indes. Je suis la Vierge Marie, la princesse Wilhel-

mine, Edouard 1er. Je communique avec le lirmament. - Je

suis le créateur du ciel et de la terre. »

Non seulement ce monologue révèle des idées de grandeur,

mais l'absurdité même de ces idées dénote un fonds de

démence et peut faire soupçonner la paralysie générale.

Nous avons déjà dit d'ailleurs au début que le monologue

494 -il CLINIQUE MENTALE.

est encore le moyen le plus sûr de connaître le caractère, la

forme et la couleur d'un délire ; parce que le malade ne

subit pas les suggestions d'un interrogatoire, parce qu'il ne '

dissimule pas comme il le fait quelquefois son délire par

suite de tous les motifs connus qui le rendent réticent. il

est même certains malades qui gardent un mutisme obstiné

lorsqu'on les interroge et dont le monologue seul révèle les

pensées. Tels sont par exemple les catatoniques négativistes.

En voici un exemple recueilli chez un dément catatonique. Le

plus généralement muet lorsqu'on l'interpelle directement, il a en

revanche l'habitude de monologuer lorsqu'il est abandonné à lui-

même et son discouis est accompagné de gestes extraordinaires.

Tous les muscles de sa face entrent en contraction, il secoue la

tête de tous côtés, il ressemble à un individu atteint de chorée :

« Bravo, P... Bravo, P ., ah, ce qu'il vous les tue ! ah, ce qu'il

vous les douche ! Bravo, P... Bravo, P... Le prince d'Orléans et

le prince Victor ne viendront pas, il n'y a que toi P... qui peut les

vaincre... Bravo, bravo, P... »

A signaler que ce malade ne monologue que lorsqu'il se croit

seul ou lorsque un événement extraordinaire se passe devant lui,

par exemple l'arrivée de plusieurs personnes inconnues de lui.

D'autres indications utiles au diagnostic peuvent découler

du caractère logique ou décousu des monologues. La logique

est surtout en rapport avec les délires systématiques, le

décousu avec les états d'excitation générale ou de démence.

Si décousu qu'il soit, le monologue d'un excité n'atteint

jamais l'incohérence de celui d'un dément. L'incohérence y

est due surtout au tumulte des idées dont les liens .l'associa-

tion échappent mais peuvent être reconstitués. Le langage

est elliptique.

Au contraire le décousu du monologue du dément traduit

non plus le tumulte mais la pauvreté des idées, la monoto-

nie, le rabâchage, l'absurdité.

Parmi les monologues démentiels il faut faire une place à

part à ceux des déments précoces dans lesquels on retrouve

ce que l'on a appelé le Wortsalat.

Tel est Li..., atteint de démence précoce :

« Il fait bon ici. La capacité ultérieure, les hospices sont

pleins devant la capacité dictatoriale.

« Le régiment, il y a un accident; il faut débarrasser de suite la

qualité. Je n'ai jamais été soldat. Je ne veux pas que l'on me sonne

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 49S

dans l'air... Je suis tombé dans un cyclone de poussière. -J'ai

des affaires, mais il commence à être atroce, d'atrocité. On

prend l'apologie des uns, l'apologie des autres; on finit par être

trompé malgré soi. La chimie se trouve tout seul. Celui qui l'a

l'ordonne comme ici ça se passe. Pendant que certains gagnent

de l'argent, ça se distribue jonrneltement. J'ai passé la visite. -

Vous êtes malade, ici là en première catégorie, vous ausculte;,

entrez sans frapper; voilà... Je dis cela car je suis malade. -On

a besoin de respirer, on crache le sang, on n'est pas le malade...

on l'est malade, mais on ne le croit pas. La force physique,

l'état nerveux ; l'être n'a pas d'autre chose que l'acte chimique. Il

est fertile d'immensité de droit major, par la vanité, l'orgueil...

ça ne va pas... c'est malheureux qu'on ne peut plus faire un pas

sans parler de guerre »

L'étude du monologue dans son contenu peut être encore

utile à la connaissance de certains symptômes particuliers

tels que les hallucinations.

« Ah voleurs, tas de cochons, assassins, je vous aurai. Je vous

couperai le cou. Lâches, bandits, vous m'électrisez le front parce

que je suis le grand empereur César le', Louis XIV, XV, Jupiter,

Mars ; on le verra l'ancien ouvrier horloger, il étranglera tous les

internes en médecine, m'avoir fait supporter ce que j'ai supporté,

des tortures semblables. »

Cet exemple nous indique l'existence d'hallucinalions de la

sensibilité générale. Nous avons vu d'autre part qu'on peut

être mis de la même façon sur la piste, d'hallucinations

auditives ou motrices verbales, d'impulsions verbales, de

troubles spéciaux de la conscience, de manifestations du

langage réflexe.

' IV. Valeur PRONOSTIQUE

La valeur pronotiqnedu monologue est encore plus consi-

dérable et résulte aussi de l'examen de ses caractères :

1° intrinsèques ; 2° psychologiques ; 3° extrinsèques.

a) Parmi les indications pronostiques tirées des caractères

intrinsèques, il convient de parler d'abord du contenu du

monologue. L'importance de cette donnée résulte de l'exa-

men même d'un malade à différentes étapes de son affection.

En voici un exemple pris chez un mélancolique (forme déli-

rante), homme instruit, dont la préoccupation unique était la

496 CLINIQUE mentale.

crainte d'avoir la syphilis et de la transmettre au genre humain

entier.

Au début, il ne manifestait ses craintes que par des questions

intermittentes raisonnables en elles-mêmes, mais dénotant des

inquiétudes peu justifiées,

Au bout d'un certain temps, il arrive à une période de délire

systématique secondaire avec idées d'auto-accusation, de négation,

d'énormité.

Voici à cette période un de ses monologues :

« Avez-vous jamais vu une vérole aussi épouvantable ! Avez-vous

jamais lu dans l'histoire un malheur aussi grand, aussi atroce..

Le monde entier qui va périr ! Ces belles populations, ces belles

campagnes, ces beaux enfants, tout cela va être contaminé,

englouti, àjamais perdu. Suis-je assez gredin, docteur ? At, si

j'avais su, j'auraissoigné cette vérole, j'aurais pris mon petit mer-

cure ; mais, c'est fini, ma vérole revient pour la troisième fois.

Le monde entier va périr.

« Quelle vérole, avouez-le, docteur. Allons, un bon mouve-

ment. Tenez, ce brouillard qui emporte mon virus .. (il réflé-

chit). Ah ! quelle horrible chose, mais le bon Dieu va avoir la

vérole, tout l'univers va être contaminé par ce brouillard.

Suis-je assez malheureux. Et il n'y a rien à faire. »

Il ouvre brusquement la fenêtre et s'écrie :

« Les voilà, les contamines, ils arrivent, sauvons-nous, ils cer-

nent le château, nous sommes perdus. Ah, quelle mort aurai-je ?

Comment punira-t-on un gredin de mon espèce ? La situation est

épouvantable, le monde entier a la vérole. »

Ajoutons qu'à cette période, le monologue n'est plus intermit-

tent comme au début, il se produit constamment en n'importe

quel lieu, devant n'importe qui et s'accompagne de gestes, de

mimique spéciale : par exemple le malade se déculotte et exa-

mine sa verge en public, à table, pour y retrouver les traces de

son chancre et les ravages de la syphilis ?

Ce malade est moit a cette période, sans cela il eût évolué sans

nul doute, de la même façon que cet autre malade du même genre

qui, à la fin, ne répétait plus que ces mots : « Ah, mon Dieu ! 1

Ah, mon Dieu ! »

D'ailleurs, le cas suivant réunit cette évolution :

G..., mélancolique anxieux :

« Ah ! misérable que je suis ! Malheureuse victime. Je suis

possédé du diable. C'est la syphilis. Je suis perdu. C'est

trop puni. - Vous êtes cruel. Ma punition est épouvantable.

Quelle situation. Ah, si j'avais su, j'aurais soigné ma vérole. Il

n'est plus temps. Que je suis malheureux ! »

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 497 I

Plus lard il ne fait entendre que des mots entrecoupés : « Cruelle

situation ; -- c'est abominable » Plus tard enfin, ce ne sont que

des gémissements inarticulés : Ah, ali, ah, ma mère. »

Le délires systématiques secondaires ne sont pas le* seuls

oùl'on remarque cette évolution du monologue, on la retrouve

aussi dans les délires systématiques primitifs, souvent chez

les matads internés depuis Ionglemps.

A mesure que la maladie devient plus ancienne le cercle

du délire se rétrécit et le monologue traduit cette modifica-

tion ; le malade ne décrit plus avec ce luxe tout particulier

de délails les malheurs dont il est victime, mais de temps en

temps il émet une phrase qui résume tout son délire comme

par exemple cette expression : v la tourmente simultanée et

invisible », ou « le tripotage», c'est le trait caractéristique

du délire qui se tasse, qui s'éteint. Bientôt il ne restera plus

pour ainsi dire de tant de détails, de tant d'explications

qu'un squelette que le malade conservera.

C'et ainsi que P..., autrefois délirant très actif et prolixe dans

ses monologues, ne parle plus qu'eu termes des plus concis de ses

nombreuses misères :

« Ali, toujours le tripotage. J'ai la tête saccagée ; -c'est le

serrurier. »

Le caractère logique ou décousu du monologue est égale-

ment important pour le pronostic. Le logique est surtout

le Git des délires systématisés, affection chronique.

Pour le décousu, il faut bien s'assurer s'il se rattache au

langage elliptique ou à l'incohérence vraie. Dans le premier

cas, il est plutôt en rapport avec une forme aiguë (excitation

maniaque, par exemple) et souvent curable. Dans le second

cas, il est en rapport avec la démence et dénote l'iucurabi-

lité.

h) Indications pronostiques tirées des caractères psycho-

logiques. Les monologues d'origine idéative (c'et-à-lire

se reliant a une idée prépondérante) sont surtout le fait des

formes systématiques et chroniques. Ceux d'origine émo-

tionnelle indiquent généralement les vésanies d'accès ou

un paroxysme passager au cours d'un autre état vésanique.

Les monologues d'origine hallucinatoire n'ont guère d'im-

portance que s'ils revêtent la forme d'une conversation ou

Archives, 2» séiie, t. XVI. 32

498 8 CLINIQUE MENTALE.

d'un dialogue suivi ; ils indiquent alors une forme systéma-

tique chronique ou un état démentiel. Ils se rapprochent

alors des monologues se reliant à des affections dénotant des

troubles plus ou moins accentués de la conscience qui sont,

en général, graves, et, d'autant plus graves qu'on arrive aux

états d'inconscience si accentués propres aux formes chro-

niques, épilepsie, démence, confusions chroniqnes.

c) Indications pronostiques Urées des caractères extrin-

sèqises. Rappelons que ces caractères sont les suivants :

Intermittent ou habituel,-Diurne ou nocturne ou les deux à

la fois. Haut ou bas, En public ou dans la solitude.

Avec mimique ou non.

On peut dire d'une façon générale, qu'il est des signes tirés

de l'étude des caractères extrinsèques des monologues, qui

permettent d'affirmer que le pronostic devient défavorable

Tel est le monologue qui « d'aphone » devient à « voix

haute », qui « de la solitude » a lieu « en public », qui sans

mimique s'accompagne ensuite de mimique, surtout si cette

mimique est stéréotypée.

De même le monologue qui s'allonge, devient plus fréquent

et tend à l'incohérence, témoigne le plus souvent d'une issue

fatale, de l'acheminement vers la chronicité ou la démence.

Parmi ces caractères, les uns tirent leur importance de

leur seule présence, les autres de leur mode d'apparition et

de combinaison. Parmi les premiers, citons le caractère in-

termittent ou habituel : le premier coïncide généralement

avec des formes aiguës ou des périodes d'agitation. Le se-

cond se rencontre dans les états chroniques, qui, contrai-

rement aux premiers, sont généralement incurables.

Citons aussi le caractère diurne ou nocturne. Le soli-

loque diurne est surtout le fait des formes de folie chronique

qui ne s'accompagnent pas d'insomnie. Le soliloque exclusi-

vement nocturne est très rare, Il est surtout le fait des for-

mes aiguës et par conséquent curables.

Le plus souvent le monologue est à la fois diurne et noc-

turne et dans ce cas il est le plus souvent la manifestation

d'un état maniaque, d'une excitation passagère.

Le mode de combinaison peut donner, lui aussi, des indi-

cations précieuses pour le pronostic. Comparons, par exemple

le monologue de la manie aiguë et celui du délire chronique

ÉTUDE CLINIQUE DES MONOLOGUES CHEZ LES ALIÉNÉS. 499

de persécution, ce dernier incurable contrairement au pré-

cédent.

Les deux soliloques se ressemblent par différents points.

Tous deux peuvent avoir lieu en public, à voix haute, avec

mimique ; mais ils diffèrent aussi par bien des points qui ne

sont que des nuances, si l'on veut, mais qui ont une grande

importance. La mimique du maniaque est plutôt une gesti-

culation désordonnée, exubérante, qu'une vraie mimique. -

Le persécuté, au contraire, accompagne ses discours d'une

mimique appropriée, qui peut plus tard devenir stéréotypée.

Le monologue du maniaque est intermittent, lié à l'accès.

Celui du persécuté est habituel. Le monologue du maniaque

e.,t décousu, illogique ou, du moins, le parait (car nous

avons vu que c'est surtout le fait de son langage elliptique).

Celui du persécutéest logique et n'est que la manifestation

de son délire, de ses souffrances il exprime une idée nette,

toujours identique à elle-même.

Enfin le mécanisme du monologue diffère essentiellement

chez le maniaque et chez le persécuté. Le premier soliloque

en vertu de son état d'excitation générale, le second sous le

coup d'une idée prépondérante. Tous ces caractères sont

utiles pour la fixation du pronostic, ils permettent souvent z

d'affirmer l'évolution de la maladie.

Le même exemple peut montrer l'importance du mode

d'apparition de ces différents caractères. Quand le maniaque

se met a monologuer, il le fait brusquement, sans méditation,

sans préparation ; le monologue a lieu à voix haute d'em-

blée. Il est décousu d'emblée. En un mot il est tel le

premier jour qu'il le sera le dernier. Le monologue du ma-

niaque n'évolue pas, ne change pas ; il reste ce qu'il est. Au

contraire le monologue du persécuté subit une évolution

lente, progressive, parallèle à l'évolution de la maladie elle-

même.

Le persécuté parle d'abord à voix basse, puis à voix haute

dans une seconde phase. Au début de son affection il ne

soliloque que dans la solitude, plus tard il parlera en pu-

blic et à voix haute. De même il présente peu de réaction

mimique dans les premiers temps; ce n'est que plus tard que

la mimique vient accompagner son discours. Enfin son lan- «

gage, d'abord logique, devient décousu, incohérent, lors-,

qu'il entre dans la phase de démence.

500 CLINIQUE MENTALE.

Relations des maladies unilatérales de l'oreille avec

les hallucinations de l'ouïe ;

(Sur un cas de guérison simultanée d'otite externe unilaté-

rale et d'hallucinations auditives homolatérales.)

Par le D' J. CAPGRAS

Médecin-adjoint des asiles d'aliénés'.

La pathogénie des hallucinalions unilatérales est encore

discutée ; un remarquable travail de M. Séglas dans les

Annales médico-psycliolognques de 1902, ayant donné un

regain d'actualité à cette queslion, il m'a paru intéressant

de publier un fait que j'ai eu l'occasion d'observer dans le

service de M. Mabille dont les conseils m'ont engagé à entre-

prendre cette étude.

0 ! ! <KV\T;Oi'< '. Mélancolie présénile. Idées hypocondriaques, de

négation, de lulpabililé et de suicide. Paroxysmes d'ai,iélé. Ilnltu-

cinatvms de la une. Hallucinations auditives verbales très prédo-

minâmes du f6M gauche. Otite fxte7,lte du même côté. Diminution

du trouble eto)' ! t : 7at'a</e/<'a/'HM<t : h'o)'t'< ! 'ont/6'o<e, sa disparition

comy'èt aussitôt après l'expulsion d'un bouchon de cérumen.

Guérison rousécutive de la psyehase après une durée de six mois.

Mine B. Marie, cinquante-deux anus, entrée à l'hôpital de f.afond

le 13 février 1902 pour un premier accès de mélancolie anxieuse.

Se.- parents se sont toujours bien portés et sont morts à un âge

avancé. Mie ne connaît pas d'accidents névropatliiques dans sa

famille, ; un de ses frères et une i-oeur sont morts de tuberculose

pulmonaire, l'un à trente-deux ans, l'autre à quarante-deux. Elle-

même a eu la variole à dix ans, une fièvre muqueuse à dix-sept

ans, des coliques néphrétiques il y a cinq ans. Elle a fait lausses

couches, a perdu une fille de t4 mois du choléra infantile, a

1 Ti;t%iil du service de M. le D' Mabille, directeur-médecin en chef de

l'asile de t.a(<ud.

'* J. ? rlas. Les hallucinations Kt ! t<N/e't'a(l;tKa)))t'ea-pc/t0o-

giques de mai à décembre 4902).

' Prise en collaboration avec M. Daigrier, interne du sei vice.

MALADIES UNILATÉRALES DE L'OREILLE. SOI

4 enfants bien portants. N'est pas alcoolique. Il y a trois aus, sa

menstruation devint irrégulière et au bout d'un an les règles furent

supprimées. Cette ménopause s'accompagna de céphalées fré-

quentes et d'une irritabilité plus grande du caractère.

En novembre 1902, elle eut un abcès de l'amygdale avec phéno-

mènes généraux marqués, en particulier des vomissements et des

arthralgies de l'épaule et du coude. Survient ensuite de l'anorexie,

elle commence à maigrir et en même temps se montre l'insomnie,

la dépression et les idées noires. Une visite d'une voisine qui lui

prédit de longues souffrances l'impressionne au point qu'elle

s'imagine avoir reçu « un sort » de cette femme. Dès lors l'anxiété

commence : elle ne se rend plus compte du milieu où elle vit. ne

s'occupe plus de son ménage, est prise de remords, court dans les

églises alors que jusque làelle n'était pas dévote. Puis ce sont îles

idée-, hypocondriaques et des hallucinations de la vue : elle voit

le diable sous la forme d'un singe, des bêtes courent sur son lit,

sortent de sa bouche, lui rongent la gorge, lui dévorent le coeur et

l'estomac. Prise de panophobie elle veut s'enfuir de sa maison, et

a l'idée de boire du pétrole pour en finir avec ses tortures. Sa

famille la conduit alors à l'asile.

A son arrivée, on se trouve en présence d'une femme amaigrie,

les traits tirés, la langue saburrale, l'haleine fétide. Dans son

délire mélancolique les idées de négation tiennent la première

place : elle a la gorge bouchée, le cerveau vide ; on lui a enlevé le

coeur et les intestins, son ventre est en poussière. Ce délit s'ac-

compagne d'interprétations et d'hallucinations visuelles : les

malades qui l'entourent sont des sorcières, elle voit de gros han-

netons grimper sur son corps, sur les murs apparaNsen' les por-

traits de son père et de sa mère. Elle se répand en pleurs et en

gémissements, disant qu'elle souffrira toujours. Elle est dans

l'attente de quelque supplice et prend pour du poison les gouttes

de laudanum qu'on lui prescrit.

Peu après son entrée, on reconnaît un nouveau symptôme : l'hal-

lucinatiun auditive. Elle entend des voix qui l'injurient, lui

reprochent divers méfaits : « Tu as ruiné ton fil ? tu le fais

roomir. n Des chants funèbres, des gémissements frappent son

oreille. La conviction de la mort de son fils ne fait qu'accroître

son anxiété. Cependant sous l'influence du traitement opiacé, celte

anxiété diminur peu peu et au bout d'un moisenvironla maladecon-

sent à s'occuper à lacouture et nous lutine le renseignemeutsuivant;

ses hallucinations auditives, qui sont encore très actives, viennent

toujours du même côté, elle ne les entend que de l'oreille gauche

ou du moins elles sont très prédominantes de ce côté; les halluci-

nations de la vue au contraire n'offrent rien de comparable.

L'examen de l'oreille, pratiqué quelques jours après, nous montre

un léger écoulement séro-purulent du côté gauche et rien du côté

502 CLINIQUE MENTALE.

droit. Sous l'influence de lavages boriqués l'écoulement cesse, les

hallucinations deviennent moins fréquentes, mais cependant la

malade nous dit entendre encore parfois les mêmes voix qu'elle

extériorise du côté gauche. On introduit alors de la glycérine dans

le conduit auditif gauche et l'on maintient toute une nuit cette

application ghcérinée ; le lendemain après une injection d'eau

boriquée, il sort du conduit une certaine quantité de cérumen. A

la visite du jour suivant la malade déclare qu'elle a bien dormi et

qu'elle n'entend plus de voix. La malade sort complètement guérie

le 30 avril; elle a conservé intact le souvenir de ses accidents et

nous confirme la réalité de ses hallucinations et leur localisation

unilatérale.

Cet état anxieux, avec son éclosion peu après la méno-

pause etson délire où prédominentles idées hypocondriaques

et les idées de négation, réalise le tableau de la mélancolie,

psychose d'involution, selon la classification de Kraepelin.

Mais l'intérêt de cette observation réside surtout dans les

troubles auditifs, leur unilatéralité et leur évolution. Les

hallucinations de l'ouïe survinrent, comme il est habituel,

longtemps après le début de la dépression mélancolique.

Ce furent surtout des hallucinations verbales, hallucinations

vraies, les voix étant nettement extériorisées. Fait important,

sur lequel la malade attire notre attention, et qu'elle confirme

après sa guérison : les voix ne viennent que d'un seul côté,

du côté gauche, seule l'oreille gauche les entend. Engagée

à préciser, elle reconnaît qu'elle entend quelquefois de

l'oreille droite, mais elle maintient que les voix sont beaucoup

plus fréquentes, plus intenses à gauche. Or, à l'examen du

conduit auditif externe de ce même côté on découvre un

léger écoulement sero-purulent, tandis que l'oreille droite

n'offre rien d'anormal. La guérisondccetécoulemenldiminue

la fréquence des hallucinations qui persistent cependant

jusqu'au jour où l'expulsion d'un bouchon de cérumen les

abolit définitivement, dès le même soir.

Ce cas est analogue à celui qui fut publié par M. Mabille

en 1883' : chez une mélancolique des hallucinations uni-

latérales de l'ouïe cessèrent aussitôt après qu'une irrigation

eût chassé du conduit auditif un grain de blé entouré de

cérumen. Dans cette observation les hallucinations étaient

Mabille. Cas de guérison d'hallucinations iiiiilcttéî-ales cle l'ouie tle

cause externe (Annales Me<Hco ? c/tO<., 1883, 6" série, tome 10).

HALLUCINATIONS DE L'OUÏE 503

élémentaires (bourdonnements, bruits de cloches, de vielle,

de « cuisine qui fricasse »). Dans la nôtre, elles sont presque

exclusivement verbales. Citons encore les faits de Bail' et de

M. Régis2 où des hallucinations unilatérales disparurent

consécutivement à la guérison d'affections de l'oreille du

même côté.

Il existe par conséquent entre les maladies de l'oreille et

les hallucinations de l'ouie, toutes deux homolatérales, un

parallélisme tel qu'ouest conduit à y voir une relation mani-

feste de cause à effet. Cette conclusion fut émise par la

plupart de ceux qui traitèrent cette question. « L'halluci-

nation unilatérale, dit M. Régis, reconnaît pour cause une

lésion unilatérale des sens... dans une partie quelconque de

leur trajet. »

Cette théorie a longtemps régné sans conteste; mais les

découvertes anatomiques récentes sont venues la contredire \

Il est aujourd'hui à peu près certain que la voie acoustique

centrale possède « un chiasma analogueau chiasma optique »

(Charpy), c'est-à-dire qu'elle est en partie directe et en partie

croisée. « Chaque nerf acoustique est en rapport avec les

deux aires auditives ? Des lors une lésion siégeant sur une

seule oreille retentit sur les deux lobes temporaux et par

suite est incapable d'expliquer l'unilatéralité de l'halluci-

nation.

A la théorie classique ainsi ébranlée, M. Séglas substitue

une théorie psychologique. La lésion périphérique n'agit pas

sur la zone temporale, elle sert uniquement de point de

repère. « Alors même que ce point de repère serait

constitué par des sensations subjectives, il ne joue pas le

rôle d'un simple stimulus anatomique venant exciter le

centre sensoriel correspondant. Il donne une direction

psychologique, comme dans le cas où il se trouve déterminé

1 1 ? iall. Considérations sur un c<tA d hallucinations de l'oiiie, consé-

ciiiit,eg à une inflummalion chronique de l'oreille moyenne (Encéphale.

1882, ? 1).

2 Régis Des hallucinations unilatérales (Encéphale, 1881, n° 4).

1 J'élimine de mon sujet les lésions corticales unilatérales, dont le

rôle, d'ailleurs v ès discuté, ne s'accorde pas davantage avec les données

anatomiques actuelles.

' Morat, Fonctions d'innervations (Traité de Physiologie Moral et

Doyon).

504 CLINIQUE MENTALE.

par des associations d'idées, des habitudes plus ou moins

conscientes. Son action s'exerce surtout sur l'attention qu'il

fixe et dérive à son profil, en engendrant ainsi cet état de

distraction qui porte atteinle à l'intégrité de la conscience et

détermine ces troubles de la synthèse psychique'd'où résulte

l'abstraction ou la négligence de l'une des images seuso-

rielles et la localisation de l'hallucination du côté du point

de repère unilatéral '. » Celle intéressante théorie me semble

.corroborée par le fait suivant noté dans certains cas et en

particulier dans une observation de M. Joll'i-oy et dans la

nôtie : l'hallucination n'est pas franchement unilatérale,

mais plutôt très prédominante du côté lésé.

Faut-il donc abandonner complètement la doctrine anté-

rieure et refuser dorénavant, de voir dans la lésion péri-

phérique une cause efficiente de l'hallucination unilatérale.

Je ne le pense pas. Je vomirais essayer de démontrer que la

brillante interprétation de M. Sérias et l'ancienne théorie,

loin de se contredire, se complètent heureusement, et que si

l'une ne fournit pas la raison de 1'tiniltiéralité, en revanche

l'autre laisse sans explication le parallélisme d'évolution de

la lésion et de l'hallucination. Dans ce but, je Lâcherai d'in-

diquer comment il est possible de concevoir l'action des

maladies unilatérales de l'oreille sur le développement des

hallucinations auditives.

L'hallucination de t'ouïe est un symptôme complexe et

variable. Phénomène psycho-sensoriel d'après la définition

de Baillarger, développée ensuite par Bail, c'est-à-dire

composé de deux éléments, l'un sensoriel, l'autre iutellec-

tuel, il oblige à tenir compte de cette complexité lorsqu'on

l'envisage dans ses testions avec les lésions de l'oreille.

« Un trouble organique ou fonctionnel du sens, dit M. Régis,

peut donner lieu au phénomène physique brut qui doit

constituer ultérieurement l'hallucination; mais cette hallu-

cination ne devient réellement telle que lorsque l'intelligence

est intervenue, et, s'emparant du phénomène primordial,

resté jusque là à l'état rudimentaire en a fait la conception

délirante définitive, toujours en rapport avec les idées 1 1

les préoccupations dominantes du malade ? » Ajoutons enfin

' Séglas, loc. cil.

' Régis. Encéphale, 1881.

MALADIES UNILATÉRALES DE L'OREILLE. 505

un troisième facteur et non le moins important, mis en

lumière par le professeur Joffroy : la prédisposition : « C'est

l'état llallucinogénique du sujet et non la lésion cérébrale

qui a fait l'hallucination 1 » ' ·

Celle prédisposition hallucinogène, héréditaire ou acquise,

est indispensable à l'éclosion des (roubles sensoriels. Vient-

elle à taire défaut dans un délire, une lésion de l'appareil

auditif produira non pas une hallucination, mais une inler-

prétation. Le sujet n'entend pas de voix, mais il atlribue

aux bourdonnements, aux sifflements réels qu'il perçoit, une

signification erronée en rapport avec ses conceptions

délirantes. Il importe de ne pas confondre ces interpré-

tations avec des hallucinations unilatérales ; ce diagnostic

est maintes fois fort difficile, si bien que certains psychiatres

considèrent que l'hallucination unilatérale se réduit toujours

enfin de compte à une interprétation délirante 2.

Au contraire, si la prédisposition hallucinogène existe. le

trouble sensoriel apparaît. La lésion auditive périphérique

peut néanmoins n'avoir sur lui aucune influence causale.

Nombreux assurément sont les cas négatifs où des individus

porteurs de lésions d'une seule oreille présentent des hallu-

cinations dont la fréquence et l'intensité sont pg'des du

côté sain et du côté malade. Pour se produire, l'hallucination

n'a pas eu besoin ducoup de fouet de la lésion, l'imprégnation

toxique, par exemple, ayant suffi. Cette lésion impaire sans

action sur l'élément sensoriel de l'hallucination est aussi

impuissante sur l'élément intellectuel, généralement restreint

dans la circonstance. Ces bouffées hallucinatoires, en effet,

sont tellement aiguës ou s'accompagnent d'un désordre

psychique tel que le point de repère fourni par les bruits

entotiques unilatéraux est effacé, par la violence du trouble

sensoriel cortical ; l'hallucination est bilatérale.

Ainsi se trouvent établies deux catégories de faits où la

lésion unilatérale est dépourvue de toute fonction halluci-

iiogëne. Dans la première, elle a pour unique rôle d'alimenter

' Joffroy. Les hallucinations unilatérales (Archives de Neurologie,

t;i9G, n° 2).

* Il n'entre pas dans mon plan de discuter ici cette opinion que je

crois fondée dans certains cas. Voir P. Sérieux et J C ppra. Les

Psychoses à base d'interprétations uetnantes (Annales mcdico-psycho-

logiques, mai 1902).

506 CLINIQUE MENTALE.

les interprétations délirantes; dans la seconde, elle demeure

silencieuse au point de vue vésanique et ne dirige pas

plus qu'elle ne provoque l'hallucination.

il est d'autres cas où le cerveau, encore qu'il soit en

imminence hallucinatoire, ne se décharge que grâce à un

choc d'origine externe. L'observation jointe à cet article en

est une preuve : au cours de la mélancolie les hallucinations

de l'ouïe ne sont pas un symptôme banal et inévitable;

n'est-ce pas au stimulus de l'otite qu'il faut attribuer leur

apparition chez notre malade et n'est-ce pas pour cette

raison qu'elles ont cessé lorsque l'excitation a pris fin ? - ?

Mais dans ce cas l'action de la lésion j'y reviendrai

bientôt - s'est manifestée à la fois sur l'élément sensoriel

et sur l'élément intellectuel. Si cette action ne s'exerçait que

sur l'élément sensoriel, quel en serait le résultat sur la loca-

lisation et sur la marche de l'hallucination ? Conformément

aux données anatomiques actuelles, l'irritation portant sur

les deux zones auditives, l'hallucination serait bilatérale,

mais, ne se maintenant que grâce à cette excitation externe,

elle cesserait en même temps que la lésion.

En d'autres termes, si l'action de la lésion sur l'élément

sensoriel seul de l'hallucination met en relief le lien étroit

qui unit l'une à l'autre, elle n'explique pas t'unilatéralité.

Sur ce dernier point on doit faire appel à la théorie de

M. Séglas. C'est par une association d'idées subconciente,

par un trouble de l'attention, comme l'indique l'éminent

aliéniste de Bicêtre, que les voix sont localisées du côté lésé.

Le malade transforme les bruits subjectifs unilatéraux en un

signal guide de ses hallucinations, et cela grâce à une inter-

prétation peut-être comparable à celle qui, en l'absence de

toute manifestation hallucinatoire, lui faisait accorder à

ces mêmes' bruits la valeur délirante d'un symbole. Par

conséquent la lésion périphérique impaire a une double

action : agissant à la fois sur l'élément sensoriel et sur

l'élément intellectuel, d'une part elle donne naissance et

assure sa durée à l'hallucination, d'autre part elle lui imprime

sa direction unilatérale.

Que se passerait-il si la lésion, n'intervenant pas dans la

genèse de l'hallucination, n'agissait que comme point

de repère ? L'hallucination en elle-même, n'étant pas

fonction de la lésion n'aurait aucun motif de disparaître

HALLUCINATIONS DE L'OUÏE 507

après la guérison de cette dernière, guérison qui atteindrait

simplement le caractère unilatéral imprimé au tiouble sen-

soriel. En un mot l'hallucination deviendrait bilatérale.

Nous trouvons précisément une confirmation de cette

hypothèse dans une observation de Pick, citée par M. Séglas

comme contradictoire du cas de M. Mabille. « Pick a rapporté

« le cas d'une aliénée chronique sourde de l'oreille gauche

« qui accusait des hallucinations auditives du côté droit.

« Dans l'oreille gauche on trouve un tampon de cérumen

« qu'on enlève ; dès lors les hallucinations deviennent bila-

« térales 1 Ce fait mérite d'être discuté, car M. Séglas

estime, à deux reprises, qu'il enlève « beaucoup de sa valeur

à l'argument tiré de la disparition de l'hallucination unila-

térale par la guérison de la lésion sensorielle périphérique

du même côté ». A mon avis, au contraire, il vient à l'appui

de l'opinion queje soutiens et se concilie sans peine avec le

cas de M. Mabille. Notons immédiatement que la malade de

Pick est une aliénée chronique dont l'état hallucinatoire

remonte probablement à une date ancienne et est sans doute

indépendant de la lésion. C'est laisser entendre que ce cas

ne me semble pas superposable au cas de il. Mabille ; ils

représentent deux variétés distinctes d'hallucinations unila-

térales. Empruntant la classification exposée par M. Séglas

dans un travail antérieure on peut dire : dans le premier il

s'agit vraisemblablement « d'hallucinations centrales » ou

« d'origine intellectuelle » ; dans le second «d'hallucinations

périphériques subjectives directes », c'est-à-dire dont « le

point de départ est une sensation subjective de l'ouïe ».

Chez la malade de Pick les hallucinations sont à ce point

indépendantes de la lésion qu'elles se localisent du côté

sain contrairement à la règle. « N'est-ce pas, ajoute à ce

propos M. Séglas, l'idée de la surdité unilatérale qui eût une

influence prédominante sur t'unilatératité des hallucinations

dans l'oreille opposée, unilatéralité s'expliquant ainsi par

un simple fait d'associations d'idées. » On ne saurait mieux

dire, mais faut-il eu déduire que les cas de guérison simul-

tanée de lésions périphériques et d'hallucinations uuilalé-

' Les roots souligné le sout par 31. Séâlas.

S<'gtas.j ! 'a//to;ye'Hi'e('/y)/t.vf ! 0tepa</tO< ? </M<'(/e<'M//ttt ? utf

de l'ouie. Rapport au Congrès de Nancy, 18%.

508 CLINIQUE MENTALE.

raies sont « loin d'avoir toute la portée qu'on serait tenté de

leur attribuer » ; ne vaut-il pas mieux se demander pourquoi.

lorsque cette association d'idées précitée a perdu sa raison

d'être, Iesllallucinations tantôtdeviennent bilatérales comme

dans le cas de Pick, tantôt disparaissent comme dans la

plupart des cas ? 2

La solution de cette question capitale devient aisée si l'on

veut bien accepter une théorie éclectique. Il y a dans toute

hallucination unilatérale deux caractères qu'il faut envisager

séparément : c'est premièrement l'hallucination en elle-

même, phénomène sensoriel explicable par la théorie anato-

mique de Tamburini (l'hallucination épilepsie corticale);

c'est ensuite l'unilatéralité decetlehalluciuation, phénomène

intellectuel explicable par la théorie psychologique de

Séglas (la lésion unilatérale point de repère). Suivant qu'une

lésion unilatérale agira sur ces deux termes ou seulement

sur l'un d'entre eux, les rapports de l'hallucination et de la

lésion seront différents. Chez l'aliénée chronique de Pick la

lésion n'a dû exercer son influence que sur le second terme,

c'est-à-dire sur l'unilatéralilé, par conséquent sa suppression

ne peut frapper que cette unitateraiité sans modifier autre-

ment le trouble sensoriel lui-même, d'où la bilatéralilé con-

sécutive de l'hallucination. Au contraire dans tous les cas

analogues au nôtre, si l'on admet le dualisme fonctionnel de

la lésion unilatérale, périphérique c'est-à-dire qu'elle est à la

fois l'agent provocateur de l'hallucination et le point de repère

cause du l'uuilaléralité, on s'explique l'évolution parallèle de

la lésion et de l'hallucination : guérir l'une c'est du même

coup supprimer l'autre. Ainsi comprise la guérison simul-

tanée des maladies unilatérales de l'oreille et de certaines

hallucinations unilatérales me semble conserver toute son

importance et démontrer qu'il peut exister, du moins dans

la majorité des cas, entre les deux phénomènes une relatiou

de cause à effet.

Cette relation de cause à effet entre quelques halluci-

nations auditives et les lésions unilatérales de l'oreille n'a

pas seulement un intérêt théorique, mais des conséquences

pratiques. La localisation et même simplement la prédo-

minance unilatérale des hallucinations de l'ouïe implique le

plus souvent l'existence d'une lésion de l'oreille du même

côté. Dès lors en présence d'hallucinations auditives quel-

MALADIES UNILATÉRALES DE L'OREILLE. 509

conques, survenant au cours d'une psychose aiguë, princi-

paiement, il faut s'enquérir de leurs caractères. Sont-elles

prédominantes d'un côté, cela sul6t comme indication d'un

examen approfondi de l'organe périphérique homoiatérat.

L'affection une fois reconnue, son traitement aura le double

avantage d'améliorer les accidents physiques et les accidents

mentaux.

En résumé les relations entre les maladies unilatérales de

l'oreille et les hallucinations de l'ouïe sont variables suivant

la prédisposition du sujet et selon l'influence exercée par la

lésion sur l'élément sensoiiel et sur l'élément intellectuel

dont se compose toute hallucination. On peut établir cinq

catégories distinctes.

Io Un terrain doué de l'aptitude délirante mais non hallu-

cinoénique ne laissera germer que l'interprétation délirante

des symptômes fonctionnels de la lésion, interprétations

qu'il faut se garder de prendre pour des hallucinations.

2° La lésion unilatérale peut simplement coexister avec

des hallucinations qui en sont indépendantes et ne pré-

sentent aucun caractère capable d'indiquer la coïncidence

de cette lésion.

3° La lésion unilatérale peut agir sur l'élément sensoriel

seul, sans intervention de l'élément intellectuel. Dans ce

cas. malgré l'unilatéralité de la lésion, l'hallucination est

bilatérale, mais elle disparaît avec la cause qui contribue à

son éclosion.

4° La lésion unilatérale n'a pas d'action sur l'élément

sensoriel, elle n'est pas l'agent provocateur de l'hilluci-

nation ; mais par l'intermédiaire de l'élément intellectuel,

elle en détermine l'unilatéralité en lui servant de point de

repère. Ce dernier caractère disparaît seul avec la guérison

de Lr lésion : l'hallucination devient bilatérale (cas de Pick

cité par Séglas).

5° Enfin la lésion unilatérale possède un double rôle,

réalisant pour ainsi dire la synthèse des deux catégories

précédentes. Elle agit à la fois sur l'élément sensoriel et sur

l'élément iulellectuel ; la première action détermine l'appa-

rithtn des hallucinations, la seconde explique leur unilaté-

ralité. L'évolution de la lésion et celle de l'hallucination sont

alors parallèles et leur guérison simultanée (cas de Mabille

et majorité des cas d'hallucinations unilatérales).

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXIX. Hématome de la dure-mère cérébrale (Pachyméningite hé-

morrhagique interne) associée à une hémorrhagie du côlon; par

STELIUENG.1-0NrM-C)IITii (Tlie Jozi,iifilofJle)ilalSt;iei2ce. Juillet 1902).

Ce qui donne à ce cas un certain intérêt c'est l'association des

phénomènes hémorrhagiques. Les points les plus remarquables de

l'observation sont l'abaissement de la pression sanguine, l'état à

peu près sain des reins et l'absence de toute arlério-sclérose. L'état

du foie serait de nature à faire penser à l'alcoolisme, lequel, tou-

tefois, est nié dans l'observation. R. ne llosca.wr : -Cr.w.

XXX. Sur la manière de soigner l'hémorragie cérébrale et sur son

traitement abortif ; par William Browning (Tlte Ncul-Yoi-1,

reécliccal Jozrranl, la février 1902).

Ci; travail rappelle les causes ordinaires de l'hémorrhagie céré-

brale et insiste sur l'utilité de soigner attentivement les états

pathologiques capables de lui donner naissance. Puis abordant

l'élude du traitement immédiat de l'hémorrhagie, l'auteurs'attache

- déconseiller les stimulants, les injections salées, les diaphoré-

tiques, les opiacés, les nitrites et surtout la digitale. Il conseille

d'avoir recours aux agents les plus rapides de dépression muscu-

laire et vasculaire, et recommande l'aconit, le veratrum et surtout

le gelsemium. H. de lIIU5GR : 1VE-CLAY.

XXXI. Narcolepsie et obésité; parle Drp. Salnton.

Sous le nom de narcolepsie, l'auteur entend des crises irrésis-

tibles de sommeil survenant d'une façon soudaine.

L'observation rapportée a trait à un homme de quarante-trois

ans, obèse, qui fut pris de crises de narcolepsie au moment où

l'adiposité atteignait son summum; elles disparurent sous l'in-

fluence d'un régime approprié qui diminua aussi l'adiposité.

Il existait, en même temps, de l'insomnie, qui disparut avec la

narcolepsie.

Il paraît rationnel d'admettre qu'elles étaient toutes deux sous

la dépendance d'une perturbation fonctionnelle du système ner-

veux, consistant, tantôt en phénomènes d'excitation cérébrale,

tantôt en phénomènes de dépression, sous l'influence d'une auto-

intoxication gastro-intestinale. Cette conception de la narcolepsie

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. bit

comme syndrome d'origine auto-toxique est d'ailleurs conforme

aux données de la pathologie générale cl mérite d'être généra-

lisée. Elle nous explique sa présence dans le diabète, la goutte,

les maladies du foie, du rein, l'alcoolisme, etc ; elle nous permet

de concevoir son apparition au cours de l'épilepsie, où elle ne

constitue qu'un équivalent des attaques; or, les théories mo-

dernes tendent de plus en plus à admettre le rôle prédominant de

l'autn-intoxication dans la production des attaques épileptiques.

En résumé, dans l'obésité, comme dans la plupart des maladies

au cours desquelles elle se montre, la narcolepsie doit être consi-

dérée comme un épisode d'origine auto-toxique. (Revue zacurolo-

mars 1901 ) E. Blin.

Un cas de torticolis mental; par le D' Séglas.

Sous le nom de torticolis mental, le professeur Brissaud désigne

un tic particulier consistant en une attitude vicieuse delà lë : e et

du cou. de caractère spasmodique, à la fois habituelle et intermit-

tente, que les malades peuvent corriger immédiatement, mais

d'une façon momentanée, grâce à un subterfuge de leur choix.

L'intéressante observation publiée par M. béglas en est un bel

exemple. Ici, le subterfuge consiste dans la simple apposition de

la main gauche de la malade sur la joue correspondante; cette

apposition suffit pour redresser la tête et la maintenir droite

aussi longtemps que dure le contact.

Sitôt que le contact cesse, la tête tend à reprendre sa position

en torticolis, par une série de petites secousses brusques très

apparentes.

La même manoeuvre, exécutée par une personne étrangère,

avec un effort beaucoup plus considérable, ne produit pas le

même effet.

D'autre part, si la malade se trouve distraite de ses préoccupa-

tions morbides, si son attention vient à être fixée sur des sujets

différents, la tête reprend immédiatement son attitude normale

et s'y maintient de la façon la plus naturelle aussi longtemps que

dure l'état de distraction. (Revue neurologique, février 1901.) E. B.

XXXIII. Le syndrome de Briquet (un cas de paralysie diaphrag-

matique d'origine hystérique); par le Dr BOB1NSON.

Il s'agit d'un dégénéré hystérique, âgé de trente-huit ans, ori-

ginaire de l'Arménie turque et qui présente le tableau symptoma-

tique de Briquet.

Voici la description de son accès respiratoire : début brusque,

immobilité de la moitié inférieure du thorax, effort de contrac-

tion des muscles cervico-thoraciques supérieurs.

5t2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Voix bacce, étouffée, inintelligible; respiration tiès gênée, ins-

pirahon presque nulle.

Le malade, penche la tète en avant; il a la mine de quelqu'un

qui aurait reçu un coup de massue.

Anhélation continuelle et anéantissement presque absolu des

foices pby-iques. A 1 inspection, on voit nettement que le creux

épiuastriqiie est attiré en arrière et forme un entonnoir au mn-

ment de chaque inspiration, taudis qu'il bombe pendant l'expi-

ration.

Maluré l'effort inspiraloire, la respiration n'est bruyante ni dans

le laiyux, ni dans les bronches. (Reçue neurologique, janvier 1901.)

E. B.

XYXIV. Quelques remarques sur la paraplégie spasmodique per-

manente par tumeur médullaire; par MM. les professeurs linvuoun

et CEST%N. -

Des faits nombreux on) bien montré que des lésions d'appa-

rition rullv s'accompaenent, lan, le cas de section complète de

la moelle, d'une paraplégie llaccide, quelle que soit d'ailleurs

l'b pnlie-e adoptée pour expliquer cette flaccidité.

Mais en est-il de même de la section progressive et lente de la

moelle ?

En rapport avec le fait communiqué au Congrès de Limoges,

par \l. 13n ? md, les auteurs rapportent deux observations absolu-

ment yn-rposables; dans chaque ca,, il s'agit d'un psammnme

qui. lentement, en plusieurs années, fnnctionnellement, a détruit

le %'Il, segment dorsal, déterminant une paraplégie spasmodique

inteiiie, avec trépidation spinale.

On peut donc supposer que, si elle est rapidement séparée de

l'encéphale, la moelle lombaire ne peut reprendre son autonomie

primitive, la paraplégie est Haccnfe coufoirnément aux idées de

Baimn ·t le Bruns. ·

Si, an contraire, elle e-t isolée de l'encéphale, la moelle s'ha-

bilite à retrouver peu a peu l'indépendance primitive qu'elle a

chez les animaux et chez le les réflexes tendineux

abandonnent leur voie longue eucéph.do-médunaire et reprennent

leur voie pnmitive courte; la pataptégie devient et reste spasmo-

diquu.

Dans le problème de l'action d'une section complète de la

moelle sur les réflexes tendineux, M. Itaymond estime qu'un nou-

veau fadeur doit désormais être pris en considération : la rapidité

du processus destructif. (Reçue neurologique, février 1902.)

E. BLIN.

XXXV. Paraplégie flaccide dans un cas de pachyméningite cervi-

cale; par \lnl. lBuSS.uu et BnF : cv.

ASILES D'ALIÉNÉS. 513

Dans une communication faite au Congrès de Limoges,

M. Brissaud considérait comme prouvé le fait qu'une compression

lente, a ? i4q;tiit à la façon d'une ligature ou d'une striction indéfi-

niment prolongée et transformant le tissu de la moelle en une

véritable cicatrice, peut donner lieu à une paraplégie spasmo-

dique.

Le t'ai' rapporté par les auteurs semble, au premier abord, lui

donner tort; en effet, cinq mois se sont écoulés entre les symp-

tomes du début et la mort; et c'est, en apparence. plus de temps

qu'il n'en faut pour que les lésions descendantes des cordons laté-

raux, soit en supprimant l'action inlnbilriee du cerveau, soit en

exallant le pouvoir excito-muteur de^ cornes antérieures, déter-

minent l'état spasmodique des paraplégies d'évolution progres-

sive.

Or, l'autopsie a démontré que si, en effet, la pachyméningite

tubercuieu-e diagnostiquée dès les premiers jours avait eu une

évolution lente conformément à la règle générale; elle s'était

brusquement compliquée d'une myélite aiguë. Au microscope, les

lésions présentaient une intensité et une extension telles qu'il en

devait résulter un syndrome équivalent à celui d'une section

spinale.

Ainsi se trouve confirmée une fois de plus l'opinion que la para-

pl ? ie flaccide et à perpétuité llaccide, avec abolition des

réflexes et perte totale de la sensibilité, est le fait des lé-ions des-

tructives complètes et subites de la moelle. (Iteutte

février 1002.; E. BLIN.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. Note sur la paralysie générale à l'asile de Saint-Alban

(Lozère); pai,leUlItelléCHAI0,N. (irmates me'[M-psyf;/tO<o ? tfe ?

avril 1901).

Dans le pays particulièrement primitif et autochtone qu'e-t la

Lozère, il y a quinze à vingt ans. au temps qu'il n'existait dans la

région ni voie ferrée, ni industrie, ni mélange entre la population

indigène et les populations voisines, qu'on ignorait au^si bien

l'alcoolisme et la syphilis que le surmenage physique et iulellec-

tuel, la paralysie générale était extrêmement rare (deux cas sur

190 malade-,).

Aujourd'hui que les moyens de circulation ont été améliorés,

que la population subit des mélanges et descontacts plus fréquents

-avec les régions voisines et les villes, que les influences alcoolique

Akcmvra, 2° série, t. XVI. 33

- 5 1 ! 1 1 ASILES d'aliénés.

et syphilitique commencent à se faire sentir d'une façon très

appréciable, sans toutefois que les conditions d'existence et de

tempérament indigène se soient modifiées par ailleurs, la paraly-

sie générale reste aussi peu fréquente (4 cas sur 25K malades,

dont 3 ayant vécu longtemps hors de la Lozère).

En s'en tenant à ces faits, on serait amené à admettre que si à

la base de la paralysie générale il y a la syphilis, cette syphilis ne

suffit pas à elle seule et qu'elle exige, pour produire les lésions de

la périméningo-encéphalite chronique diffuse, l'appoint de certains

facteurs adjuvants dont les principaux se trouvent dans les condi-

tions d'existence diverses qui conduisent au surmenage physique

ou intellectuel. E. B

IL Contribution à la statistique et à l'étiologie de la paralysie

générale progressive des aliénés dans le gouvernement de Smo-

lensk ; par I.-W. Aptekïann (06ozréuié psichiatrii, V, 1900).

Étude extrêmement détaillée dont nous ne pouvons donner que

les conclusions :

1° On a enregistré de 1888 à 1898 une augmentation accentuée de

cette affection ; 2° elle a progressé relativement plus vite chez la

femme que chez l'homme; 3° sa proportion entre l'homme et la

femme est de 2 : 1 ; 4° le véritable chiffre de son expansion ne peut

être déterminé que par le rapport entre le nombre réel des para-

lytiques et l'effectif de la population totale ; 5o tant que cela n'aura

pas été fait, il sera impossible de dire avec certitude que la para-

lysie générale s'accroît continuellement et progressivement ; 6° ce

sont au point de vue absolu les habitants des villages qui forment

le principal contingent de la paralysie générale : ce sont, d'après

les genres d'occupations et les classes sociales, les paysans et les

bourgeois. Mais le dénombrement n'en ayant pas été fait chez les

malades, on ne peut affirmer qu'une seule chose, c'est que la para-

lysie générale du gouvernement de Smolensk n'est pas unique-

ment représentée par des citadins et des gens cultivés ; 7° la para-

lysie générale de la femme a pour caractères : une évolution plus

lente que chez l'homme, et par suite, une durée un peu plus longue.

Chez elle prédominent des signes de déchéance, et la forme démen-

tielle de la maladie sans délire; 8° dans les vingt à vingt-cinq der-

nières années, on a remarqué que l'affection tendait à atteindre

des individus plus jeunes, que ses victimes se recrutaient de plus

en plus dans les sphères démocratiques, dans les classes qui vivent

du travail manuel, que les manifestations en devenaient variées et

originales au dernier point, que la forme expansive, maniaque,

disparaissait de plus en plus pour faire place à celle de la démence;

9° ses causes et conditions principales dans ce gouvernement sont :

l'ivrognerie, la syphilis, l'hérédité, chez l'homme ; chez la femme,

ASILES D'AHEKÈS. 515

l'hérédité, les secousses morales. l'ivrognerie; 10° ces causes ma-

nifestent rarement leur action séparément; d'ordinaire, elles s'as-

socient entre elles comme avec d'autres agents pathogènes ; 1 Io la

paralysie générale est, au point de vue étiologique, un phénomène

à la fois biologique et social ; 12° il faut lutter contre elle, non à

l'aide des agents thérapeutiques d'ailleurs stériles, mais par des

moyens sociaux. C'est de la prophylaxie sociale, économique, dans

son expression la plus large qu'il faut faire. Il faut notamment

soigner le bien-être du peuple, affaiblir toutes les conséquences

rudes et cruelles de la lutte pour la vie, et l'armer pour cette lutte

en lui fournissant tous les biens de la civilisation actuelle, y com-

pris l'éducation et l'instruction. ' P.KERAVAL.

111. Sur les résultats favorables du transfert des aliénés d'un asile

dans un autre; par A.-H. UIIQUUAIIT. (The Journal o/' Mental

Science, octobre 1901.)

Tout le monde est assurément d'accord pour reconnaître les ser-

vices rendus à beaucoup d'aliénés par le changement de milieu,

et, dans un même milieu, par les distractions qui modifient leur

vie intérieure et extérieure. Pourquoi ne pas avoir recours pour

certains d'entre eux, au moins, à un changement d'asile ? C'est ce

que l'auteur a tenté de faire, et le succès a répondu à son attente.

Il cite des chiffres à l'appui de cetle manière de voir (40 cas), et il

exprime l'espoir que ce mode de traitement entrera de plus en

plus dans la pratique psychiatrique (1). R. de lUSGnaVI : -CLAY.

IV. Quelques remarques nouvelles sur les soins et la surveillance

de nuit dans les asiles ; par Frank Asiii3y ELK[Ns (The Journal of

Mental Science. Avril 1902 )

Dans un mémoire sur le même sujet publié par l'auteur en 1899

en collaboration avec le Dr Middlemass, et dans lequel étaient

indiqués les méthodes suivies et les résultats obtenus à l'Asile de

Sunderland pendant une période de quatre années, les proposi-

tions suivantes étaient soutenues : 1° Les dispositions prises pour

la nuit dans les asiles doivent se rapprocher étroitement de celles

qui existent dans les hôpitaux. 2° Tous les malades aigus,

bruyants, sales, destructeurs doivent être placés la nuit dans des

dortoirs soumis à une surveillance continuelle, et n'en être retirés

que lorsqu'ils ont manifestement cessé d'avoir besoin de cette

surveillance spéciale. Dans ce mémoire, l'auteur se propose de

décrire les dispositions prises à l'Asile de Leavesden, où tous

(1) A en juger d'après les conséquences souvent déplorables des

transferts des malades de la Seine dans les asiles des autres départe-

ments, cette thèse est sujette à caution. (U.)

5t6 asiles d'aliénés.

les malades sans exception sont l'objet d'une surveillance de nuit.

Cet asile est probablement le seul asile public où dans chaque salle

ou dortoir il y ait toute la nuit une infirmière de garde. Il est fort

possible, et l'auteur est disposé à l'admettre, que la généralisation

de celte mesure ne soit pas nécessaire dans tous les asiles ; mais

il faut dire que Leavesden reçoit la collection la plus panachée

d'épaves humaines qui ait peut-être jamais été accumulée dans

un asile. Il est rare d'y voir entrer un malade capable d'un travail

quelconque; la plupart du temps leur seule et vraie place e-t dans

une salle d'infirmerie. Des vieillards brisés par l'âge, beaucoup

d'épileptiques, des paralytiques généraux, des ivrognes en état

de démence, épuisés 'par de longues années d'alcoolisme, des

imbéciles et des idiots, des maniaques en état de récidive, des fous

circulai ! es, des sujets à la maladie organique desquels s'ajoutent

quelques troubles mentaux, des cas bizarres qui ne rentrent dans

aucune catégorie nosologique précise, voilà la clientèle à peu près

exclusive de l'Asile de Leavesden. Sur 1.780 malades, 350 sont

tuberculeux, 400 autres sont assez malades par d'autres causes

pour devoir être maintenus à l'infirmerie ; il y a près de 400 épi-

leptiqii( ? répartis, suivant leur état, entre l'infirmerie et les

quartier.- ordinaires.

Le nombre total des salles est de 30; les plus petites contiennent

39 malades, les plus grandes 75. Les chambres isolées sont au

nombre de 30. Outre le gardien ou l'infirmière de service dans

chaque salle, il y en a un ou une autre qui repose dans une

chambre assez voisine pour répondre au premier appel Jusqu'à

une époque récente, la population de l'asile était de 2.000 malades ;

mais en présence de la fréquence de la tuberculose et de la néces-

sité d'augmenter le cube d'air individuel des malades, lechitrre a

été réduit à 1.780.

L'auteur fait remarquer en passant que c'est assurément une

faute d'avoir des dortoirs et des salles d'infirmerie trop vastes; la

surveillance et les soins y sont rendus plus difficiles ; mais c'est

une faute aussi (il s'agit bien entendu des asiles publics) d'avoir

des dortoirs et des salles d'infirmerie trop petits et des chambres

isolées trop nombreuses ; la surveillance et les soins nécessaires

ne peuvent alors être obtenus qu'à grand prix d'argent, au moyen

d'un personnel très nombreux.

Quant au nombre de malades que peut surveiller pendant la

nuit un seul serviteur, il ne parait pas devoir dépasser 25 dans une

salle d'aigus, de malades ou de sujets affaiblis, mais peut aller

jusqu'à quarante dans une salle contenant des malades qu'il

faut lever à cause de leurs habitudes malpropres, ou sui veiller à

cause de leurs crises.

.L'asile ne contient que trente chambres séparées, dont quelques-

unes sont capitonnées; elles s'ouvrent toutes sur les salles, et

asiles d'aliénés. 517

leurs portes restent ouvertes la nuit pour faciliter la surveillance.

Leur usage est généralement considéré comme une faveur accordée

à des malades tranquilles et dont beaucoup rendent de menus

services dans les salles. Il y a quelques années, les chambres

étaient, comme dans la plupart des asiles, occupées pendant la

nuit par des malades agités, bruyants et destructeurs. Mais, dans

ces conditions d'isolement, il était impossible de rechercher les

causes d'agitation et d'insomnie : celles-ci, en même temps que

d'autres mauvaises habitudes, ne faisaient que s'aggraver : aucun

effort ne pouvait être tenté pour rendre les malades plus propres,

pour les empêcher de déchirer leurs vêtements et leur literie, et

quand on entrait le matin dans les chambres, on y trouvait du

linge mis en pièces et une odeur infecte. Il faut ajouter que

souvent, le malade ainsi enfermé passait toute la nuit à crier et à

donner des coups dans la porte, tenant ainsi tout un dortoir éveillé.

De même que la réclusion dans le jour, la réclusion pendant la

nuit peut quelquefois être nécessaire; mais c'est un procédé

auquel il ne faut avoir recours comme aux moyens mécani-

ques de contention qu'avec une extrême réserve, et jamais

sans l'ordre du médecin. Chez les malades à tendances homicides,

chez quelques- autres peut-êtie, on peut légitimement y avoir

recours, mais non sans avoir pris les mesures nécessaires pour

assurer au malade le bien-être, les soins, et la surveillance. Mieux

on sait soigner les aliénés, moins on a besoin de les enfermer la

nuit. A Leavesden, durant les trois dernières années, il n'a pas été

nécessaire d'isoler la nuit un seul malade dans le quartier des'

hommes; et depuis deux ans il n'y a eu qu'un seul isolement dans

le quartier des femmes; il s'agissait d'une malade avec idées

d'homicide. L'expérience a montré toutefois que s'il n'y a que

peu ou pas de difficulté à soigner les entrants dans un dortoir com-

mun, il n'en va pas de même à l'égard de malades qui ont été

habitués à être internés la nuit; il faut beaucoup plus de temps

pour les corriger de leurs habitudes bruyantes et malpropres;

encore y retombent-ils facilement. Dans les hôpitaux généraux il

y a le plus souvent des chambres latérales, destinées aux cas spé-

ciaux, méningite, apoplexie, etc,. Rien ne s'oppose à l'existence

dans un asile de dispositions analogues. Les portes de ces

chambres, habituellement ouvertes, pourraient être fermés dans

ces cas spéciaux, (malades à idées de suicide, moribonds, etc.),

mais alors un serviteur spécial serait placé auprès du malade et

n'aurait à s'occuper que de lui.

Le personnel de nuit de l'asile de Leavesden se compose de 35

personnes : du côté des femmes une surveillante en chef de nuit;

une surveillante adjointe, responsable, faisant ordinairement le

service d'infirmière de nuit, mais remplaçant en cas de maladie ou

de congé la surveillante en chef et 17 infirmières ordinaires.

518 asiles d'aliénés. -

Du côté des hommes un surveillant en chef et un surveillant adjoint

et 14 infirmiers ordinaires. Il y a, étant donné le chiffre du per-

sonnel et le nombre des salles, un infirmier et deux infirmières de

réserve. En cas d'extrême urgence on détache au service de nuit

des infirmiers du service de jour. Déduction faite des surveillants,

le persounel de nuit est à l'égard des malades dans le rapport de

1 à 54 ce qui n'a rien d'excessif.

Les registres tenus par le personnel de nuit sont identiques dans

les quartiers d'hommes et de femmes, sauf la couleur du papier,

pour éviter toute confusion. Us indiquent : la date, le numéro de

la salle, le nombre des malades, les noms de ceux qui se mouillent

et sont malpropres, la liste des pièces de lingerie souillées, les

noms des malades qui ont des attaques et le nombre de ces atta-

ques, les noms de ceux qui sont agités et bruyants, de ceux qui

sont malades et nécessitent des soins spéciaux, de ceux qui cou-

chent dans des chambres isolées, de ceux qui prennent des stimu-

lants (avec indication de la dose), la température de la salle, les

plaintes au sujet de cette température, la température du malade

s'il y a lieu, enfin tous les faits qui peuvent ou doivent être l'objet

d'une mention spéciale, (morts, accidents, cas spéciaux, matelas

mouillés, visites du personnel médical, etc,). Chaque matin le

surveillant en chef de la nuit examine et paraphe les registres de

nuit. Pour assurer la continuité du traitement, le rapport de nuit

est lu chaque matin par le personnel de jour, et quand le soir,

celui-ci remet le service au personnel de nuit, il lui remet en même

temps que les médicaments et les extras nécessaires pour la nuit,

un registre dont il a rempli les quatre colonnes; ces colonnes

comprennent la première le nom des malades qui ont besoin de

médicaments et d'extras; la seconde le nom des entrants; la

troisième le nom des malades qui ont besoin d'une attention spé-

ciale, la quatrième les observations. Le registre du surveillant en

chef de nuit est très simple : sur une page, ordinairement presque

blanche, il note ses observations spéciales; sur l'autre il inscrit

les heures où il a commencé ses rondes de nuit (il en fait ordinai-

rement cinq chaque nuit dans les salles de l'infirmerie et quatre

dans les salles ordinaires) sans suivre un ordre régulier, et chacune

de ces rondes est notée sur le registre de l'infirmerie de nuit; la

température des salles, le nombre des malades malpropres dans

chaque salle, le nombre des malades ayant eu des attaques, les

visites du personnel dans les salles, les malades qui prennent des

médicaments et des stimulants. Il doit aussi répondre par écrit à

ces deux questions : Le personnel de nuit s'est-il bien acquitté de

son service et y a-t-il eu des omissions dans les mesures à

prendre à l'égard des malades difficiles, et pourquoi ? La descrip-

tion de ces registres est longue à écrire; mais on conçoit que

dans la pratique, leur tenue est fort simple.

asiles d'aliénés. 519

Si l'on excepte la surveillance générale, mais réelle du médecin

directeur et du personnel médical, de la matrone et de quelques

autres fonctionnaires de l'asile, on voit que la perfection des soins

et de la surveillance repose tout entière sur la personne qui a la

surveillance générale; il faut donc que cette personne soit absolu-

ment digne de confiance, que l'on puisse s'en rapporter à elle pour

signaler tout ce qui se passe sans crainte et sans partialité, et

que l'on puisse compter sur elle pour agir avec sagesse dans les

cas imprévus : il s'ensuit qu'il faut la rémunérer libéralement, la

loger convenablement et lui donner une position sûre. Le D'' lto-

bertson et le Dr Keay voudraient que cettepersonnelùtuneiufir-

mière d'hôpital diplômée : l'auteur ne partage pas absolument

cette opinion; en 1899 il y a eu àl'asile de Leavesden une épidémie

de fièvre typhoïde, d'entérite et de pneumonie; on a fait venir

18 infirmières d'hôpital et l'on a pu voir nettement les inconvé-

nients qui résultaient de leur manque d'habitude en matière de

soins à donner aux aliénés : elles étaient moins habiles à prévenir

les eschares que les infirmièTes de l'asile : elles avaient une ten-

dance recourir trop facilement à la contention mécanique età l'iso-

lement ; si le malade déraisonnait, elles prenaient peur, et si

comme il arrive souvent, son langage s'écartait considérablement

des règles de la décence, elles se sauvaient.

Les efforts du surveillant en chef de nuit doivent être secondés

par un personnel sachant observer les malades et habile à les

manier : il est nécessaire pour cela de lui accorder une situation

et un salaire supérieurs à ceux du personnel de jour ou des simples

infirmiers ou infirmières. Il n'y a aucun inconvénient, du moins

pour'le personnel de nuit, à permettre l'habitation hors de l'asile,

avec une allocation représentant le loyer, la nourriture et le blan-

chissage.

L'auteur aborde ensuite un point épineux, l'emploi des femmes

pour soigner les aliénés malades et infirmes : sur ce point tout a

été dit, et tous les arguments pour et contre ont été fournis : il n'y

a pas lieu de les répéter, mais seulement de prédire que, avant

longtemps, dans tous les asiles, les aliénés maladesseront soignés

par des femmes. A Leavesden, ce principe a été partiellement

adopté puisque les six salles de l'infirmerie des hommes sont pla-

cées pendant le jour sous la direction d'une surveillante ayant son

diplôme de l'Association Médico-Psychoiogique. Pour diverses

raisons on n'a pu pousser plus avant l'application de la méthode,

dont ces raisons toutes particulières ne sauraient diminuer l'excel-

lence reconnue. Tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'il

y a certains malades qui ne sauraient être spignés par des femmes,

mais tous ceux qui ont loyalement tenté l'expérience savent combien

ces cas là sont exceptionnels. L'auteur est d'avis que le service de

l'infirmerie ne doit pas être confié conjointement à des hommes et

520 ASILES D'ALIÉNÉS.

à des femmes. Il entre ensuite dans quelques considérations sur

l'emploi de- horloges-témoins, destinées à constater el a révéler le

passage de- rondes de nuit. Toutes, même les plus parfaites, sont inu-

tiles et permettront toujours de tricher à qui voudra s'en donner la

peine, car, dit M. l.lkiu, « l'esprit humain est plus subtil que

« n'importe quel instrument. » 11 a laissé ces horloges où il les a

trouvées, mais n'en a point ajouté de nouvelles : peu importe eu

ell'et qu'un surveillant soit dans telle salle, à telle heure; ce qui

importe, et ce que l'horloge ne dit pas, c'est ce qu'il y faisait d'utile.

L'auteur ne se propose pas ici de toucher au traitement des cas

bruyants on agités ni aux soins qu'ils nécessitent pendant la nuit :

chacun de ces cas d'ailleurs demande à être observé et manié

suivant les indications qui résultent de cette observation. Il faut

ajouter qu'ils doivent être étudiés non seulement an point de vue

mental mais au point de vue somatique, beaucoup de troubles

organiques jouant un rôle considérable dans la genèse de l'agita-

tion. de l'insomnie, etc. Souvent on s'apercevra qu'un malade est

facilement agité la nuit parce que, avant son entrée, il exerçait un

métier de nuit et avait l'habitude de dormir le jour. Le régime

aura aussi une grande importance : tout le monde connaît ces

malades atteints de boulimie sétille, qui dorment après leur repas,

et tiennent la nuit tout un dortoir éveillé. Les infirmières de nuit

doivent connaître tous les aitilices capables de provoquer le -oui-

meil, car en obtenant le sommeil on évite bien des symptômes

aigus. Les jours de pluie, il y a des malades qui dorment moins

bien. faute d'air et d'exercice. Les tuberculeux surtout ont besoin de

vivre en plein air,et il est indispensable de leur procurer des abris.

Voyous maintenant les avantages obtenus à Leavesden par cette

extension de la surveillance de nuit : d'abord les risques d'incen-

die, d'attaques imprévues, n'apollexies et autres maladies soudai-

nes, de suicide chez des malades non soupçonnés de celte tendance,

et même d'homicide sont réduits à leur minimum. Si l'on com-

pare l'état actuel à l'étal ancien, le calme des salles et des dur-

toirs est surprenant. Naturellement, il y a quelquefois des malades

bruyants, il n'en saurait être autrement, puisque, après tout, c'est

un asile d'aliénés : mais dans le plus tranquille des villages ne

trouve-t-on pas parfois un ivrogne attardé qui réveille les habi-

tants ? Un autre résultat très avantageux cest que les malades

malprupreuutconsidérablementrélorméleurslrahitudes,au point

que beaucoup d'entre eux sont devenus presque propres. Toutes les

fois qu'un matelas est mouillé, une enquête est faite pour déter-

miner la cause, et savoir si c'est la surveillance qui a été en défaut.

Dans les deux asiles de Sunderland et de Leavesrud, depuis

l'adoption du nouveau système, non seulement les malades ont des

nuits meilleure ? mais sous l'influence d'un sommeil réparateur

leurs journées deviennent meilleures, et leur état mental et physi-

ASILES D'ALIÉNÉS. 521

que va s'améliorant.Les narcotiques sont très rarement employés.

On objectera peut-être que ce qui a été réalisable avec les malades

de Leavesde'i ne l'est pas avec les malades d'autres asiles : l'auteur

ne saurait accepter l'objection, car les opinions qu'il avance sont le

résultat d'une expérience de quatorze années passées au milieu d'a-

liénés de catégories très diverses et dans des régions très différentes.

Discussion : M. Midlleuass, collaborateur de l'auteur dans son

premier travail, confirme sur tous les points les opinions émises

dans celui-ci.

M. George Robertson, absent, fait donner lecture d'un travail

qui ne fait que résumer son travail analysé par nous ici-même.

M. Rhodes, approuve l'emploi des femmes dans les salles

d hommes de l'infirmerie de= asiles : il voudrait aussi que l'on

adoptât un système d'enseignement professionnel spécial pour les

infirmiers et infirmières d'asile.

Les autres orateurs n'apportent aucune objection ni aucune

critique nouvelles. R. ne llfuscaavE CLAY.

V. De l'organisation d'établissements ouverts et d'établissements

fermés associés pour les aliénés et les névropathes; par

\V. BECIITEREVI. (06orénic psichialru, VI, 190t).

L'expérience permet d'affirmer que cette association a son uti-

lité. La section ouverte s'applique aux nerveux, aux modalités

moyennes intermédiaires aux psychoses et aux affections nerveuses,

aux aliénés guéris et aux aliénés au début de leur maladie men-

tale, dont l'état permet, ne fût-ce que temporairement, le place-

ment dans l'établissement ouvert.

La clinique mentale et nerveuse de St-Pétersbourg réunit sous le

même toit, sous la même direction, l'asile fermé et la clinique ner-

veuse : celle-ci est reliée à la clinique mentale par une galerie

fermée. Il existe conjointement une section spéciale neuro-psy-

chique qui comprend quelques nevropathies et les formes mixtes

de maladies mentales et nerveuses telles que : démence organique,

et aussi quelques affections mentales comme : obssessions, para-

lysie générale, démence sénile, alcoolisme chronique. Cette section

mixte munie d'ateliers, d'une petite ferme, de jardins, rend de

très grands services.

Les asiles pourraient donc contenir, à côté de quartiers fermés,

des quartiers ouverts, et des sections neuro-psychiques mixtes. Il

ne faut pas oublier qu'il n'y a pas de bon aliéniste sans connais-

sances neurologiques. P. Keraval.

\"I. Les salles de psychiatrie âl'hopital de Copenhague; par le pro-

fesseur KNUD 1'0,'iTOPPIDON. (Tlte Jottrnal of Mental Science. Juil-

let 1902),

L'hôpital communal de Copenhague a été construit en 1863

'J'22 asiles d'aliénés.

pour recevoir toutes les catégories de malades pauvres de la ville.

Il était donc nécessaire de pourvoir au traitement des aliénés,

et dans ce but on éleva sur les terrains de l'hôpital un pavillon spé-

cial qui contenait 22 lits, mais que l'on a dû agrandir et qui en

renferme aujourd'hui 54. Il n'était pas, et n'est pas actuellement

destiné servir d'asile, mais seulement de séjour temporaire d'ad-

mission : si les malades ne sont pas rapidement améliorés, ils sont

dirigés sur un asile. En même temps que les aliénés, il reçoit les

malades qu'il est nécessaire de séparer des autres, ceux qui ont

des idées de suicide, les épileptiques, et les cas graves d'intoxica-

tion alcoolique. Depuis que le médecin qui dirige ce pavillon a été

nommé médecin de la cour de justice, on y place aussi les inculpés

dont l'état mental a besoin d'être étudié. La salle a la forme d'un

corridor, et les 54 lits sont ainsi répartis : 20 chambres contenant

un lit; trois chambres contenant deux lits; quatre chambres en

contenant quatre et deux contenant six lits. Les hommes sont au

rez-de-chaussée, les femmes au premier. Les malades bruyants sont

à l'extrémité de chacun des étages, séparés des autres par un mur.

Malgré les agrandissements réalisés, et malgré la courte durée du

séjour des malades (les moyennes décennales montrent qu'elle ne

dépasse pas vingt-trois jours), le pavillon devient insuffisant, et

de nouveaux agrandissements sont à l'étude.

Depuis 1888, le système d'isolement au moyen de portes fermées

à clef a été graduellement abandonné, et le système des portes ou-

vertes est complètement en vigueur. En même temps qu'on intro-

duisait cette modification, on renonçait absolument aux moyens

mécaniques de contention, et presque absolument à l'emploi des

narcotiques. On essaye de calmer les malades par des moyens plus

inoffensifs et plus humains, tels que le repos au lit, le maillot hu-

mide et les bains chauds prolongés. Ce n'est qu'en cas de paroxys-

mes violents, dangereux pour le malade et pour le personnel qu'on

prescrit les narcotiques.

S'il est nécessaire dans un cas chirurgical, d'empêcher le malade

de se lever, on le maintient couché au moyen d'une ceinture de

cuir qui s'attache au ht, et qui empêche le blessé de se lever, mais

en laissant aux membres leur entière liberté. C'est encore en 1888

que fut accomplie une autre réforme très importante. Les femmes

qui donnaient des soins aux malades étaient d'une catégorie trop

inférieure et d'une instruction insuffisante ; elles ont été rempla-

cées par des infirmières plus compétentes et d'un rang social plus

élevé; depuis cette même époque le quartier-des hommes est éga-

lemrnt desservi par des femmes, saut pour quelques malades trop

difficiles ou atteints de delirium lremens. Ce changement a donné

les meilleurs résultats. On a même remarqué que des malades vio-

lents et excitables qui menaçaient de frapper les gardiens se cal-

maient aisément sous la dirction d'une infirmière ferme et hienveil-

asiles d'aliénés.. 523

lante. On avait craint que les idées obscènes de certains aliénés ne

rendissent l'emploi des femmes difficile, il n'en a rien été; ces ten-

dances obscènes, d'ailleurs,se rencontrent beaucoup plus fréquem-

ment dans les asiles du côté des femmes que du côté des hommes.

Tout bien considéré, la réforme dont'il s'agit a réalisé des avanta-

ges immenses à tous les points de vue.

Ce pavillon a rendu de grands services aussi aux étudiants et

aux jeunes docteurs, en leur fournissant le moyen de se familiari-

ser avec la psychiatrie clinique. Depuis vingt ans, le médecin-chef

(qui est aussi professeur de Psychiatrie clinique) fait des leçons ré-

gulirres, et qui, depuis plusieurs années sont obligatoires, si bien

que les étudiants ne peuvent passer leur examen final sans les avoir

suivies. De plus les médecins-adjoints de l'hôpital font à tour de

rôle le service du pavillon des aliénés. 11 est très important pour

l'enseignement psychiatrique d'être ainsi alimenté par des malades

qui se renouvellent incessamment. car les futurs médecins appren-

nent ainsi précisément ce qu'ils auront besoin de savoir plus tard,

le diagnostic et le traitement des maladies mentales à leur début.

Enfin, au point de vue médico-légal, les élèves trouvent là une oc-

ccasion rare d'apprécier l'état mental et la responsabilité des in-

culpés, suspectés de maladies mentales.

L'hôpital y trouve aussi son avantage, car il envoie à ce pavillon

ceux de ses malades qui, au cours d'autres maladies sont atteints

de psychoses intercurrentes, ce qui n'est pas rare chez les alcooli-

ques par exemple ; une fois la psychose guérie, ils rentrent dans

leur salle.

Il faut signaler aussi que par le seul fait qu';l appartient à un

hôpital général, ce pavillon inspire aux familles moins de répu-

gnance que l'asile, et qu'on y amène les malades plus tôt et plus

volontiers qu'on ne les conduirait à l'asile. En somme, on peut dire

que depuis trente-neuf ans que ce pavillon existe, les services qu'il

a rendus sont évidents, et queses inconvénients ont été nuls.

Il. DE IUSGRAVE-CL.1Y.

VU. Les mesures prises par l'état à l'égard des aliénés; par

L.-J. Morton (The Vew I'orek Médical Journal, 12 avril 1902).

Dans ce travail, pourtant assez court, l'auteur aborde des sujets

nombreux et divers : il s'occupe successivement du logement des

aliénés, de l'accroissement et des causes de la folie, des sanato-

riums privés, de l'internement des aliénés, du traitement à domi-

cile, de la classification, du traitement médical et de l'emploi des

hypnotiques. lt. \i.-C.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉD ! CO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 27 juillet 1903. Présidence DE M. G. Ballet.

Paralysie générale sénile.

M. Toulouse rapporte un cas de paralysie générale chez une

femme âgée de soixante-douze ans.

Stigmates 7syclùques tardifs de dégénérescence mentale.

Le Secrétaire général communique, au non) de M. R'ahl, l'ob-

servation d'une femme qui a présenté pour la première fois, à

l'âge de cinquante-huit ans, diverses manifestations hystériques

avec impulsions à frapper et prononcer des mots orduriers.

Hallucinations unilatérales de l'ouïe chez un paralytique général.

M. Sémkhigne rapporte l'observation d'un paralytique général

présentant des hallucinations unilatérales de l'oreille gauche. Il

entend parfois deux voix chantant des duos,se disputant en tenant

des propos grossiers.

M. D'Houx communique aussi quelques observations de paralyti-

ques généraux ayant eu des hallucinations de l'ouïe. Chez l'un

d'eux les hallucinations semblaient être en rapport avec une affec-

tion stieptococcique.

M. Hoissilr rappelle l'histoire d'un paralytique général observé

par lui dans le service de M. Magnan et qui avait des hallucina-

tions multiples de tous les sens sauf de la vue.

M. (;. Ballet a observé au-si un parai\ tique général ayant des

hallucinations bilatérales, comme en ont les délirants chroniques,

et dont M. Vallon donnera l'histoite clinique complète dans une

prochaine séance.

Délire hallucinatoire chez un Lrigtique.

M. ViGounoux expose le cas d'un artério-scféreuxatbuminurique

ayant un délire hallucinatoire assez actif, sur lequel le régime

lacté lut sans influence bien que l'albuminurie eut diminué. Deux

ponctions lombaires avec écoulement, 15 et 30 centimètres cubes

SOCIÉTÉS SAVANTES. 525

de )iqnidecépha)o-rachidien furent pratiqués. La diminution de

la tension intra-rachidienue aurait eu pour effet de favoriser l'éli-

mination des toxines agissant sur la cellule cérébrale et le malade

guérit de ses troubles intellectuels.

M. LicavN compare au malade de M. Vigoureux un de ses

malades dont les manifestations pénibles du petit briglisme s'amé-

lioraient après chaque ponction lombaire pratiquée chez lui. Ce

malade qui est en même temps épileptique verrait ses attaques

diminuer après chaque ponction.

Buveurs intermittents.

M. HtLBEnsTADT communique en son nom et au nom de

\I. Leram un trnvail ur les buveurs intermitlenls cbez lesquels

l'impulsion à boire peut être considérée comme 'l'équivalent

psychique d'une sorte d'épilepsie larvée. Marcel 13araNn.

Séance du 25 octobre 1903. Présidence de M. G. Ballet

Mort de Titéophile Roussel.

Le Président annonce la perte cruelle que vient de faire la

Société médico-psychologique en la personne de son aucirn prési-

dent, Théophile Roussel, décédé pendant les vacances. Théophile

Roussel, ajoute-t-il, appartenait depuis plus de trente ans aux

assemblées législatives; tout le monde connaît la part prise par le

savant à la confection des lois sur l'ivre-se, la santé publique, les

enfants du premier à ? e et les enfants moralement abandonnés.

Par ses travaux sur le pellagre et son projet de loi sur le régime

des aliénés, Thf<)p))i ! e Roussel nnu- appartenait. C'est à ce litre

qu'il fut appelé à la présidence de la Société médico-psycholo-

giqne et. à celle du Congrès des aliénistei et neurologistes en 1900.

1.'liistitiii, I*Aca iéiiiie de médecine, le Sénat, dans l'éloge

funèbre de ce savant, nous ont fait connaître ce qu'était l'homme

de bien que la mort nous a ravi.

La séance est ensuite levée en signe de deuil.

Reprise de la séance.

Présidence de M. G. Ballet

Paralysie générale précoce chez une jeune fille de dix-neuf ans.

11110 GÊRY présente une jeune fille de dix-neuf ans, atteinte de

paralysie générale précoce. Cette jeune fille avait la syphilis au

moment de son allaitement, ainsi que sa mère et sa nounice.

526 sociétés savantes. '

. M. G. Ballet' fait ressortir que le principal intérêt du cas pré-

senteparM"°Gery réside dans la coexistence de la paralysie géné-

rale et de la syphilis, que celle-ci soit héréditaire ou acquise

Hallucinations de l'ouïe chez un paralytique général.

M. Vallon communique l'observation d'un paralytique général

ayant des hallucinations de l'ouie, d'une nature un peu particu-

lière. Ce malade croyait entendre parler les objets inanimés, tels

que les ressorts de fauteuils ou de voitures. Les fauteuils l'insul-

taient tandis que les tramways lui adressaient des paroles encou-

rageantes.

M. MARCKL Briand, sans rechercher s'il s'agit d'illusions ou de

véritables hallucinations, fait remarquer que ces troubles senso-

riels ont le caractère démentiel des hallucinations des paralytiques

généraux à une certaine période de leur maladie. Il faut, conclut-

il, être vraiment P. G. pour se dire injurié par un fauteuil.

MARCEL Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 5 novembre 1903. Présidence DE M. Déjerine, V.-P.

A propos du procès-verbal M. Dufour déclare que depuis la der-

nière séance son opinion s'est modifiée au sujet de la malade qu'il

avait présentée. Il la considérait alors comme une hystérique pré-

sentant du clonus du pied. Actuellement tous les phénomènes de

névrose ont disparu, la maladie a évolué, le clonus du pied reste.

Il s'agit bien d'une lésion organique. Cette femme était donc

atteinte d'un état organique qu'étaient venus compliquer transitoi-

rement des accidents hystériques. La valeur séméiologique du clo-

nus du pied n'est donc pas infirmée par ce cas. '

La main bote dans la maladie de Friedreich.

MM. CESTAN et Sicard décrivent au cours de la maladie de

Friedreich une déformation de la main analogue à celle qui se

produit au niveau du pied chez ces malades. « Le signe de la main

bote » doit donc prendre sa place à côté du « pied bot » des auteurs

classiques.

Les analgésies viscérales dans la maladie de Friedreich .

- MM. CESTACI et SICARD ont étudié au cours de la maladie de

Friedreich les analgésies viscérales non recherchées jusqu'ici chez

SOCIÉTÉS savantes. S37

de tels malades. Ces analgésies sont fréquentes et analogues ch-

niquement à celles que l'on rencontre dans le tabès.

Sclérodermie à disposition radiculaire.

HUET et SICARD montrent une malade atteinte de scléroder-

mie du membre inférieur gauche répartie en bandes occupant le

territoire radiculaire inférieur du plexus brachial. Des applications

d'électricité à haute fréquence ont amené une certaine améliora-

tion.

Deux cas de myélite aiguë au cours d'un carcinome secondaire

de la dure-mère ou de la moelle.

GILBERT-B.4LLET et Laignel-Lavastine présentent les prépa-

rations des moelles de deux cancéreux, qui ont succombé avec le

syndrome de la paraplégie flasque. L'histoire clinique de ces deux

malades est analogue ; elle peut se résumer ainsi : cancer viscéral ;

cachexie, puis brusquement paraplégie flasque des membres infé-

rieurs avec participation des sphincters et anesthésie cutanée

remontant jusqu'au-dessus de l'ombilic. L'examen anatomique a

montré dans les deux cas une myélite aiguë transverse de la

région dorsale inférieure et des lésions cancéreuses.

Dans le premier cas, elles consistaient en : carcinome de l'esto-

mac à petites cellules, propagation aux corps vertébraux, embolie

cancéreuse dans une artère dure-mérienne antérieure à la hauteur

du 7e segment dorsal et noyaux cancéreux intra-médullaires dans

le 8° segment dorsal.

Dans le 2°, elles consistaient en : cancer du corps du pancréas

paraissant primitif, cancer secondaire du foie, des ganglions lym-

phatiques péri-pancréatiques, pré-rénaux, médiastinaux, trachéo-

bronchiques, propagation à la dure-mère par les trous de conju-

gaison ; avec intégrité des vertèbres, pachyméningite externe can-

céreuse du 10° au 11° segment dorsal, compression et dégénéres-

cence radiculaire sans infiltration cancéreuse de la 10e racine dor-

sale postérieure droite.

Dans l'un et l'autre cas, l'évolution clinique se divise en trois

actes : cancer viscéral, colonisation subaiguë médullaire ou

péri-médullaire sans symptomatologie appréciable, sans acci

dents de compression, puis brusquement myélite aiguë et paraplégie

llasq ? ie.

Il ne paraît pas douteux que la myélite aiguë est à elle seule res-

ponsable de la paraplégie flasque survenue aussi rapidement. Les

colonisations cancéreuses médullaires ou périmédullaires n'ont pu

et ne pouvaient produire qu'une irritation et non une suppression

fonctionnelle.

528 SOCIÉTÉS SAVANTES.

7 ? <)'o<)'aMnta<<sme ou foyers hémorragiques avec prédominance

bulboprotubérazatielle.

MM. Léopold Lévi et Melloizel présentent un sujet de trente ans

victime d'un accident du travail à la suite d'une chute grave le

28 juillet 1903. Il fut atteint de troubles nerveux multiples qui

semblaient d'abord se rapporter à 1'llystéi-o-trautiiatisme.

Mais l'existence d'une trépidation épileptoïde bilatérale mit sur

la voie des lésions des centres nerveux. On constate alors le syn-

drome cérébelleux de Babinski (awnrrgie et catalepsie cérébel-

leuses, troubles de la diadococinéme). Une hémianesthésie sensi-

tivo-sensorielle droite avec surdité du côté opposé (paralysie

alterne sensitive) et myosis bnlbaire, put être rattachée à une

lésion siégeant à la protubérance et intéressant le faisceau pyra-

midal (signe de l'abduction des orteils de Babinski). Enfin les

auteurs considèrent comme organiques les phénomènes de

myoclonie que présente encore le malade, et ils expliquent par

des foyers hémorrhagiques accessoires l'hémianesthésie droite et

le pleurer spasmodique du sujet.

M. 13ABi.NsKi à l'appui des conclusions de M. Lévi présente un

malade syringomyélique présentant très typiquemeut l'immobilité

cireuse cérébelleuse et insiste sur l'utilité medico-légale de ce signe

en présence des accidents du travail.

M. S)CtttD ajoute que si ces signes imposent le diagnostic de

lésion organique la ponction lombaire complète aussi la certitude

et constitue elle aussi un important document médico-légal.

Etude comparative de la fatigue au moyen de l'ergographe chez des

neurasthéniques et des myopathiques.

GILBEITT-BALLET et Jean PHILIPPE présentent les ergogram-

mes qui ont servi de base à leur communication au XIIII Congrès

des aliénistes et neurologistes à Bruxelles. Chez l'adulte normal,

l'ergngramme montre un relèvement immédiat et constant de

l'énergie épuisée par un travail précédent.

Au contraire chez les neurasthéniques étudiés, les forces revien-

nent beaucoup plus lentement, plus irrégulièrement et ne se mam-

tiennent pas au même niveau : parfois même la fatigue continue

de s'accumuler malgré les intervalles de repos.

L'automatisme mental des aphasiques.

MM. Pierre-Marie et VASCIIIDS. Il résulte des recherches expéri-

mentales de ces auteurs, que l'automatisme mental des aphasiques

ne ressemble guère à l'automatisme normal. Des sujets n'ont pas

à leur disposition cette ressource riche d'images et des éléments

SOCIÉTÉS SAVANTES. 529

sensoriels qui les guident et facilitent l'intelligence ou l'exécution

d'un acte. L'automatisme mental des aphasiques se polarise faci-

lement ; les sujets sont comme intoxiqués par un mot, par une

image, par une phrase ou par un acte qu'on leur demande de

répéter ou d'exécuter incidemment. Leur automatisme mental ne

peut pas évoluer ou s'adapter à une autre série d'images : il est

immobilisé et il contribue à rendre de plus en plus l'image pre-

mière automatique au lieu de servir comme substratum général à

toute forme de l'effort intellectuel. La polarisation se fait surtout

autour du premier effort, autour de la première adaptation réali-

sée. L'automatisme mental des aphasiques est isolé ; il n'évolue

pas à cause de son isolement et il rend à cause de ce fait de plus

en plus obsédante l'image première. La fatigue augmente cette

obsession et finit par la transformer en une profonde distrac-

tion. ·

Défaut de coordination des muscles oculo-moteurs chez les ataxiques.

1111. llar.r.I>; et DESCf,U ? avec leur méthode spéciale, ont exa-

miné l'état de la musculature oculaire de trois tabétiques. Leur

premier malade, quarante-neuf ans, tabétique avec ataxie très

accentuée surtout depuis quatre ans et demi, n'a jamais eu ni para-

lysie oculaire, ni strabisme, ni aucun trouble visuel. Placé à cinq

mètres d'un tableau sur lequel est peint un disque coloré, le malade

le voit nettement, comme un individu normal.

Plaçant alors un tube tronconique devant l'un des yeux, l'au-

tre oeil étant fermé, on s'assure que le disque est bien dans le

champ visuel deceteeil ; le malade ouvre alors l'autre oeil ; immé-

diatement il voit deux disques et cette diplopie malgré tous ses

efforts, le malade est incapable de la corriger. S'il ferme un oei),

que ce soit celui devant lequel est placé le tube ou l'autre, il ne

voit qu'un seul disque ; parfois, la diplopie semble disparaître,

bien que le malade ait les deux yeux ouverts, mais c'est que, alors,

le malade ne regarde le disque que d'un oeil, l'autre oeil ne le voit

pas, mais si le malade cherche à apercevoir le disque avec les

deux yeux, la diplopie apparaît : dans la vision binoculaire, un

des plans visuels étant fixé parle tube. Il y a diplopie. Nous

retirons le tube, la diplopie disparait, et, dans la vision binocu-

laire ordinaire, il n'y a pas trace de diplopie ; nous plaçons le tube

devant J'autre oeil, immédiatement la diplopie réapparaît.

Le second malade est un tabétique ataxique.très avancé ayant

un peu de strabisme et du ptosis d'un côté; même examen, mêmes

phénomènes. Le troisième malade moins ataxique que les deux

autres n'a jamais eu aucun trouble oculaire et ne présente pas à

l'examen spécial les mêmes phénomènes. La diplopie n'apparaît

qu'avec un prisme de 4° pour les droits supérieur et inférieur, et

Archives, 2» série, t. XVI. 34

530 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à 8° pour le droit interne. Les muscles homologues des deux yeux

ont rigoureusement la même puissance.

Les auteurs en concluent que, dans la vision oculaire normale,

l'ataxique arrive inconsciemment à faire converger les axes visuels

sur un même point et à éviter la diplopie ; mais vient-on à trou-

bler ces conditions de la vision normale, à demander aux muscles

oculaires un effort voulu, un acte de motilité consciente et précise.

la diplopie apparait : celle-ci n'est donc que la conséquence d'un

défaut de coordination, d'une ataxie des muscles oculaires. Donc :

1° Chez le tabétique arrivé à un degré avancé de l'ataxie, il

existe, dans les muscles oculo-moteurs, un défaut de coordination

latent, une ataxie latente, insuffisante pour provoquer un trouble

subjectif quelconque de la vision dans les conditions normales,

mais qui apparaît dès que, par un artifice, on immobilise l'axe

visuel d'un oeil.

2° Les muscles oculo-moteurs participent à l'incoordination

motrice, tout comme les autres muscles du corps. L'ataxique ne

commande pas mieux à ses muscles oculo-moteurs qu'aux mus-

cles des membres, et l'incoordination motrice est un symptôme de

toute la musculature.

3° Ce trouble de la coordination des muscles oculaires est un

symptôme tardif, dans le tabes ordinaire ; il manque au début de

la maladie et n'apparait que quand l'incoordination est déjà très

accentuée aux membres inférieurs et aux membres supérieurs II

serait intéressant de rechercher l'époque d'apparition de ce symp-

tôme dans les cas de tabes supérieur.

Faits en désaccord avec la loi de Wallcr et discussion des notions en

cours sur la structure et le fonctionnement des organes nerveux.

M. DURANTP présente les pièces d'un cas de section des nerfs de

l'avaut-bras dans lequel le bout périphérique ne s'est pas atrophié.

Il rapporte à ce propos de nombreuses observations semblables

empruntées à divers auteurs et tendant à infirmer la notion de la

cellule nerveuse considérée comme centre trophique de la fibre

nerveuse correspondante et l'unité cellulaire du neurone. Même

séparée de sa cellule la fibre sectionnée continue à fonctionner et

à se nourrir si elle est atteinte par le courant nerveux général. Le

cylindraxe ne serait pas un produit de la cellule nerveuse, et le

nerf périphérique ne serait pas issu par bourgeonnement de l'axe

central, pas plus que la cellule de myéline ne serait venue

l'entourer accessoirement, mais il serait un produit interne de

cette cellule à myéline dont il ferait partie intégrante. M. Durante,

appuyé d'une opulente bibliographie, se range du côté de ceux qui

considèrent comme dépeinte la théorie du neurone.

SOCIÉTÉS SAVANTES. S3t I

7'A)'ot('<cs chroniques chez les aliénés.

M. Dide rapporte terésumédecinquante-neufobservationsd'alté-

ralionstbyroidienneschezdesaliénésdivers. La glande thyroïde est

très fréquemment atteinte chez ces malades, que son volume reste

normal, qu'il soit diminué ou qu'il soit augmenté, car les trois

cas se présentent. Sa sclérose est la lésion habituelle, elle peut

êlre vésiculaire, ou générale, nodulaire, diffuse ou interstitielle,

prenant son origine autour des vaisseaux. Ayant remarqué, chez

une femme de trente-sept ans atteinte de démence précoce catato-

nique, la fréquence des oedèmes : oedème froid et gélatiniforme du

pied, non influencé parle lit ni par le lait, l'auteur eut l'idée d',tp-

pliquer le traitement thyroïdien qui amena une amélioration sen-

sible de l'état mental. Les états oedémateux fréquents chez les dé-

ment* ! précoces seraient-ils à rapprocher du myxoedème ?

M. IIaLLer voudrait être plus certain que la malade de M. Dide

soit bien une démente précoce et demande que la suite de l'obser-

vation soit communiquée dans trois mois. F. Boisstm.

XHP CONGRÈS

DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET \EUROLOGIST1 : 3 DE FRANCE

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Tenu it Brazxelles, du Il, au 8 août 1903

(additions)

Traitement de la chorée arythmique hystérique par l'immobilisation.

- I)e l'iîptt,)2ce de I,t vie comme élément d'aulo-saggestion dans

la genèse de-s phénomènes hystériques.

M. Huyghe (ancien chef de clinique médicale à la Faculté de

Lille). Parmi les états pathologiques d'observation courante, il

en est peu qui furent l'objet de médications aussi variées que les

chorées arythmiques. Elles peuvent se classer en trois groupes :

chorée de Sydenham; chorées chroniques progressives de l'adulte

et de l'àge mûr; chorées symptomatiques. A cette classification il

faut ajouter la chorée hystérique et ses diverses variétés.

L'auto-suggestion pourra déjà rendre un service réel, celui

d'étayer l'opinion du médecin; enfin s'il s'agit de chorée hysté-

rique, elle amènera une guérison rapide et définitive. Nous avons

employé les méthodes diverses déjà décrites. Hypnose et comman-

dement dnrant le sommeil provoqué : inhalations de chloroforme,

532 SOCIÉTÉS SA'tAN'tE ?

alois que l'hypnose était par trop lente à obtenir, ou d'une diffi-

culté presque insurmontable, inhalations amenant la résolution,

mais non le sommeil complet, commandements durant cette

période. Résultats presque nuls. lihu de méthylène. Bra-

celets au collodion iodoformé, ou au collodion coloré en rouge ou

en bleu, bracelets dessinés sur les membres animés de contrac-

tions spasmodiques. Résultats incertains. Nous avons eu enfin

recours à une médication qui jusqu'à ce jour ne compte pas d'in-

succès : le malade est chloroformisé d'une façon incomplète;

après quelques bouffées de chloroforme, l'anesthésie n'étant même

pas recherchée, nous opérons quelques frictions sur les membres

atteints, frictions perçues par le malade; puis, toujours sous chlo-

roforme, les membres sont placés en des gouttières; bras et

jambes sont complètement immobilisées et la gouttière dûment

ouatée est complètement close par des bandes de toile. Nous

maintenons l'immobilisation durant cinq à six jours; ce temps

écoulé, le pansement est enlevé et en général tout mouvement

choréiforme a disparu. Mais s'il persistait quelque mouvement, si

minime soit-il, de nouveau les membres atteints sont replacés en

gouttière et durant le même temps.

Ce traitement ne peut être appliqué que dans les formes rele-

vant de l'hystérie; il a sur les autres les avantages suivants : 1- le

malade est toujours en auto-suggestion; 2° le malade ne voit plus

ses rnembiei, il oublie donc de bouger.

L'auteur cite des observations où la guérison'survenue est due à

l'auto-suggestion, mais, fait notable, l'auto-suggestion ne fut

\raiment curative que consécutivement à l'enveloppement com-

plet des membres.

De la sélection négative.

M. TouTiciiKi,NE(deKharkoff). On sait que les questions de t'hé-

rédité pathologique dans les maladies mentales et nerveuses sont

étudiées le mieux par les savants français. Il ne faut que se rap-

peler les noms de Lucas, More ! , Moreau de 'l'ours, etc. M 'frétât

dit que l'hérédité est la cause des causes des maladies mentales.

Selon M. Déjérine, les affections nerveuses sont toujours hérédi-

taires. Le célèbre More) est le père de la science de la dégénéres-

cence héréditaire en résultat de l'hérédité I)atliolo,,ique 2)iog,es-

sive. M. Ch. Féré, dans sa Fumfen('t'opHf/t ! '</ ! «'oeuvre que j'ai

eu l'honneur de traduire en russe emploie le terme « sélection

pathologique », analogue à la sélection sexuelle de Darwin : il fait

attention sur le rôle des mai iages entre les dégénérés, déséquili-

brés ; sur le rôle de l'hérédité morbide double du côté du père et

du côté de la mère. On sait que, selon Clrarcot, les nerveux se

recherchent. Notre cher conlrère, M. Legrain, a noté la fréquence

SOCIÉTÉS SAVANTES. 533

des mariages entre les alcooliques. Une autre espèce de sélection

pathologique, ce que j'appelle « sélection négative artificielle »,

analogue à celle de Darwin, est notée déjà dans la littérature mé-

dicale, quoique nous n'ayons pas trouvé des travaux spéciaux,

consacrés à cette question, sauf ceux de M. Ireland, qui constate

la dégénérescence de la famille royale d'Espagiie en résultat des

mariages des membres de cette famille entre eux. Esquirol dit

que les maladies mentales se rencontrent fi0 fois plus souvent

dans les familles aristocratiques que dans le reste de la popula-

tion, ce qui dépend de la sélection pathologique artificielle. Je ne

veux pas vous fatiguer en citant d'autres exemples.

Mais nulle part, dans la littérature médicale, je n'ai trouvé des

indications sur la sélection négative naturelle qui s'accomplit

d'une manière inconsciente, automatique. Je me suis intéressé à la

question, s'il se rencontre souvent en général l'hérédité patholo-

gique double, ou convergente dans l'étiologie des névroses et des

psychoses, dans celle de la dégénérescence familiale. Si c'est

juste, alors les mariages entre les personnes pathologiques dans

la large acception de ce mot, quelles que soient leurs causes,

jouent un rôle incontestable comme un facteur de l'hérédité

pathologique progressive.

Voilà le but de mes recherches sur ce sujet que ]'ai entreprises

' il y a déjà quelques années, et que j'ai publiées en russe dans une

oeuvre sous le titre : « Le râle de la sélection ? iégaliie dans le pro-

cessus de la dégénérescence familiale ou les principes du darwi-

nisme dans la pathologie ». - Je demande pardon à l'assemblée

honorable de ne pas être du tout préparé à la communication que

j'ai décidé de faire, il n'y a que deux jours, sur la proposition de

mon cher collègue, M. Marie. C'est pourquoi je ne puis pas expli-

quer ici brièvement, mais d'une manière compréhensible, les

détails de la technique de mes recherches, et je ne m'arrêterai

que sur les principes. En étudiant l'hérédité de mes malades (des

cliniques et des hôpitaux de Moscou), je notais, dans leurs

familles, les personnes chargées de tares, les personnes dégéné-

rées, ou pathologiques dans la large acception de ce mot, par

exemple, aliénés, épileptiques, hystériques, invétéiés, imbéciles

ou idiots, alcooliques, chroniques graves, tuberculeux, dégénérés

supérieurs proprement dits, bizarres, démoralisés, criminels.

vicieux '.

011 trouvera de très iioinbi,ptix (lociiiiients sui, 1'liéré(lité, la cotisail-

guinité, les impressions et obsessions maternelles, les accidents de

l'accouchement, l'alcoolisme, les professions insalubres, etc., etc., dans

les 25 volumes de nos Compte-rendus. Nous les signalons car beaucoup

de neurologistes ne semblent pas les connaître. (B.) .)

53 i SOCIÉTÉS SAVANTES.

7 ? <./M/eu)'cs. Chétlophagie, chéilophobie.

M. Henry Meige (de Paris). Les muscles des lèvres prennent

paît a un grand nombre d'actes fonctionnels : ils coopèrent notam-

ment à la mastication et à la mimique : aussi les tics des lèvres

sont-ils extrêmement communs : moues, succions pincements,

rictus de toutes sortes. Les lèvres jouent aussi un rôle dans les

fonctions de la respiration, de la phonation ; on voit ainsi des tics

des lèvres compliquées de biuits respiratoires et laryngés. Mais,

en dehors des tics proprement dits qui se distinguent par leur

caractère convulsif, les lèvres sont encore l'occasion et le siège

d'habitudes motrices intempestives dont la plus fréquente est la

chéilophagie.

Les « mangeurs de lèvres » sont certainement aussi nombreux

que les c rongeurs d'ongles », et se recrutent dans la même caté-

gorie de névropathes et de déséquilibrés que ces derniers. Les

mêmes causes d'ailleurs entrainent les habitudes onychophagigues

et chéilophagiques. L'abondance et la délicatesse des terminaisons

sensitives dans les régions unguéales et labiales expliquent la mul-

tiplicité de l'acuité des incitations qui en partent, et dont chacune

peut être l'occasion d'une réaction motrice. Chacun de ces mouve-

ments provoquant à son tour une sensation nouvelle excite, chez

un prédisposé friand d'impressions sensitives, le désir de recom-

mencer. Par la répétition, l'acte passe à l'état d habitude ; le be-

soin de l'exécuter devient de plus en plus impérieux ; sa non-satis-

faction s'accompagne d'une véritable souffrance. Et comme sa

volonté est trop fragile et trop versatile pour opposer une vive résis-

tance, le chéilophage, comme l'onychophage, finit toujours par

céder à la tentation.

La chéitophagie s'observe surtout dans le jeune âge. Son point

de départ est généralement une excoriation labiale, plus souvent

encore les gerçures causées par le froid. Les pellicules d'épiderme

soulevé provoquent une sensation désagréable que le sujet cherche

à faire disparaître par un frottement de la langue ou une morsure

des dents, dont l'effet dépasse le but, eu augmentant l'érosion et

en même temps la douleur. Mais il recommence dès que celle-ci

s'est atténuée. Certains, au lieu de mordre leurs lèvres, préfèrent

les gratter avec leurs ongles, ce qui ajoute aux inconvénients de

cette mauvaise habitude les dangers de l'infection. Quel que soit

le procédé, il a pour résultat une tuméfaction des lèvres accompa-

gnée ou non de petites plaies saignantes ou crotiteuses 1.

La chéilopliagie est justiciable des mêmes procédés de traite-

ment que toutes les habitudes intempestives. La surveillance des

parents suffit parfois à l'enrayer. Elle disparaît en général à l'use

adulte, où elle est souvent remplacée chez l'homme par une habi-

tude similaire, la <)' : c/t0p/f0<'if, acte de manger les poils de la barbe.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 535

ou par l'acte de friser jusqu'à les briser les poils de la moustache.

On peut donner le nom de chéilophobie à une variété de nosophobie

dont M. Meige rapporte un exemple curieux, chez un tiqueur qui

fut guéri à la fois de ses tics et de sa phobie labiale.

En pareil cas, la meilleure psychothérapie consiste dire la

vérité. Car les idées fixes ont souvent pour point de dépat t des

idées fausses . Il faut rechercher ces dernières et s'efforcer d'en dé-

montrer la fausseté, non seulement par des paroles, mais à l'aide

d'expériences qui nécessitent la collaboration active du malade et

dont les bons résultats lui font reconnaître l'absurdité de ses

phobies 1.

Traitement scrothérapique du goitre exophthalmique d'après la

méthode de Ballet et Enriquez.

Nous avons donné (p. 261) un résumé de cette communication

faite par M. Halliou en son nom et en celui de M. Carrion. Elle a

donné lieu à la discussion suivante :

MM. GILBERT 13AILETet L.NItIQUE7 (de Paris). Nous avons écouté

la communication de MM. Hallion et Carrion avec le plus grand

intérêt. Si depuis 1895, date à laquelle nous avons exposé les

résultats encourageants de notre méthode sérothérapique, nous

n'avons pas continué nos recherches, c'est que successivement

nous nous sommes butés à une série de difficultés. En premier

lieu, les chiens éthyroïdés succombent rapidement à l'ablation du

corps thyroïde. En deuxième lieu, le sérum de chien avait provoqué

chez deux de nos malades des accidents locaux et généraux

(tétanie, accidents convulsifs), qui nous avaient fait cesser le

traitement. Quand plus tard on essaya en Allemagne de remplacer

notre sérum par le lait d'animaux éthyroïdés, de chèvres plus par-

ticulièrement, nous avons également à plusieurs reprises essayé ce

mode de traitement. Les résultats que nous avons obtenus ont été

encourageants. Mais cette fois-ci encore des difficultés d'ordre

pratique, absence de local, difficulté de donner aux animaux en

lactation une alimentation qui leur convienne, ne nous ont pas

permis de continuer notre expérience comme nous aurions voulu.

Aussi sommes-nous heureux que Ilallion et Carrion aientrepris

cette recherche avec l'autorité de leur talentd'expérimentateurs. Le

produit total du sang d'animaux éthyroïdés qu'ils nous présentent

nous permettra désormais de multiplier des recherches et de juger

en dernier ressort, au point de vue clinique, les considérations

théoriques qui nous avaient amenés à l'essayer en 1895.

1 On trouvera un bel exemple de chéilopliagie dans le Compte rendu

le Bicête de 190 ? , p. 06.

536 BIBLIOGRAPHIE.

BIBLIOGRAPHIE.

X\1'II. Lo Clonée mcnlale el sort traitenacral; par le D' Jeau

DEMOOK (Bitll. de la Soc. royale des Sciences méd. el nul. de

llruxelles. 2 jmllet 1900.

La chorée mentale des enfants est un état psychique sur lequel

on n'a pas jusqu'ici suffisamment attiré l'attention en psychiatrie.

Trois observations servent à en préciser les caractères cliniques :

un premier garçon de 7 ans, présente une agitation extrême avec

une attention impossible à fixer. Instabilité mentale complète et

mobilité musculaire extraordinaire. Pourtant il n'est pas très ar-

riéré, il se montre très affectueux et il n'a aucune manifestation de

chorée musculaire, car il prend très facilement et très régulière-

ment les objets les plus petits. C'est un exemple de chorée mentale

sans insuffisance psychique.

Le second garçon, âgé de 10 ans, est tout aussi agité, et ne reste

pas une minute tranquille ni silencieux, parlant, chantant, re-

muant, courant sans cesse. Mais, en outre, de la chorée mentale,

il y a chez lui une insuffisance psychique (idiotisme du premier

degré).

Un troisième, âgé de 9 ans, danse, parle, chante, frappe des

mains, embrasse les enfants qui l'entourent, faisant tout d'une

manière saccadée et absolument typique, et, néamoins, il n'y a

chez lui non plus, aucune manifestation choréique des muscles.

Nystagmus, maslurbation, Intelligence bonne.

En somme, la chorée mentale est une maladie de l'attention,

caractérisée par l'inconstance et l'insuffisance de l'attention et de

la volition, et greffée le plus souvent sur un état d'insuffisance psy-

chique peu prononcé.

L'intérêt de cet état mental cou iste surtout dans l'efficacité du

traitement qu'on peut diriger contre lui : une discipline musculaire

progressive, par un véritable traitement mécanique, montre la

réelle valeur éducative, au point de vue intellectuel, du mouvement

bien compris et bien exécuté.

Mais la mobilité de l'attention rend très difficile cette régulari-

sation des contractions musculaires. Aussi a-t-on essayé d'appli-

quer a ces cas la méthode des exercices eurythmiques et de favori-

ser l'activité des centres rolaudiques en l'associant à celle des centres

acous iques mis en éveil par des excitations musicales bien ryth-

mées. Ainsi les centres rotandiques entrent en travail d'une ma-

nière presque automatique, et par association avec les centres

acoustiques corticaux .

BIBLIOGRAPHIE. 537 I

Par cette méthode, d'ailleurs très comparable aux exercices mus-

culaires et phonétiques associés que M. Bournevdie emploie

depuis de longues années dans son service de timétre, l'auteur a

obtenu des améliorations notables chez les trois jeunes garçons

qu'il avait fait admettre à l'école d'enseignement spécial.

Pierre Roi .

XXVIII. 7'opo)'<t/ ? a de los nucleos de los segmentos niedulai-es del

hombre (Topographie des noyaux gris des segments médul-

laires de l'homme), avec 12 planches (95 dessins); par le D'' José

T. Borda, chef de clinique de psychiatrie. Buenos-Aires, 1902.

Travail très consciencieux et complet basé sur l'étude méthodi-

que et comparée de six moelles appartenant à des sujets morts à

un âge adulte, et n'ayant présenté pendant leur vie aucun trouble

pouvant dépendre d'une altération médullaire. Ces moelles ont été

débitées en coupes sériées et traitées par la méthode de Nissl.

On voit ainsi très exactement toute l'étendue des noyaux d'ori-

gine des nerfs moteurs du tronc et des membres. Ces noyaux sont

échelonnés dans toute la hauteur de la moelle, formant une co-

lonne ininterrompue, visible en différents segments médullaires

sur les coupes transversales. Il n'existe donc pas une segmentation

des centres médullaires, en forme ganglionnaire, comme on le croit

communément. L'origine réelle des nerfs du tronc et des membres

est tout à fait distincte; les nerfs du tronc ont leur origine dans la

colonne interne motrice et les nerfs des membres dans la colonne

latérale. (L'auteur adopte la nomenclature de Waldeyer.)

De même, il n'y a pas de localisation en différentes colonnes ou

groupes de la zone sensitive spinale, à l'exception de la colonne de

Clarke (projection du cervelet) et de la colonne réticulaire (projec-

tion du système sympathique ? ). D'après cette étude, on peut, sui-

vant l'auteur, localiser les zones de dégénéralion rétrograde cor-

respondant à différents muscles dans le cas d'amputation, d'atro-

phie, etc., et établir, par conséquent, le centre spinal de chaque

muscle, inconnu jusqu'alors.

Par cette méthode on peut également suivre : r\a. colonne de

Clai-4e dans toute sa hauteur, depuis le troisième segment lom-

baire jusqu'au premier segment dorsal et au bulbe par le noyau in-

terne de Burdach; la colonne réticulaire, depuis les segments coxy-

' giens jusqu'au bulbe, où elle se continue avec le grand noyau

cellulaire de la formation réticulaire deKoe)Iiker, en tenant compte

de ses deux solutions de continuité, dans la moelle lombaire et

dans la moelle cervicale; la colonne latérale motrice, depuis le

deuxième ou troisième segment sacré jusqu'au premier segment

lombaire, puis, dans la moelle cervicale, depuis le premier seg-

ment dorsal jusqu'à la limite supérieure du quatrième cervical.

où elle se continue avec le noyau du nerf spinal; la colonne interne

538 NÉCROLOGIE.

motrice, apparaissant dès le quatrième segment sacré et poursui-

vant avec quelques petites interruptions jusqu'au bord supérieur

du premier sacré, disparaissant dans le cinquième segment lom-

baire pour se montrer ensuite sans interruption jusqu'au bulbe,

où elle se continue avec le noyau de l'hypoglosse. Pierre Roy.

NÉCROLOGIE

Les liens d'étroite amitié qui nous unissent au D'CL Philippe

nous imposent la pénible mission d'annoncer aux lecteurs des

Archives la triste nouvelle de sa mort. Il a été enlevé en quelques

heures dans la nuit de vendredi à samedi. Cette perte atteint la

Claude PHILIPPE

1865-1903

NECROLOGIE. 539

science neurologique tout entière (,eu, (lui, comme nous, ont

vécu plusieurs années à ses côtés, travaillant avec lui, partageant

ses joies et ses peines, ceux-là pouvaient mieux que personne ap-

piécier non seulement ses belles qualités de travailleur infatigable

et sa solide méthode scientifique, mais aussi sa droiture et son

énergie de caractère, son coeur excellent, son dévouement sans

bornes pour ceux qu'il savait ses amis. Le professeur Ilaymond,

qui avait pour son collaborateur Philippe une estime et une affec-

tion toute particulière, a voulu lui adresser un dernier adieu.

Voici les paroles émues qu il a prononcées mardi à l'amphi-

théâtre de la Clinique des maladies nerveuses, à la Salpêtrière :

Messieurs.

Un événement douloureusement imprévu vient de mettre en

deuil la clinique. Mon ancien interne, Philippe, mon chef de labo-

ratoire d'anatomie pathologique , mon collaborateur très dé-

voué, est mort frappé brusquement dans la nuit de vendredi à

samedi dernier.

Vendredi, vous avez pu le voir, assisfant à ma leçon, avec son

entrainetsonxetecoutumiers.Lesoircnco['e,àminuit,ilétait

eu apparence plein de vie et de santé, participant même à une

conférence d'agrégation. Il rentre chez lui, et le lendemain ma-

tin, son frère, en pénétrant dans sa chambre, le trouve en pleine

agonie. Quelques instants après, il était mort. Tels sont les faits

dans leur narrante brutalité.

Lorsque, par la fuite naturelle des années, un homme est arrivé

la lin d'une carrière scientifique bien remplie, lorsqu'il a con-

sacré à sou oeuvre tout ce que ses facultés lui permettaient de

donner, il peut envisager avec sérénité la mort prochaine ; mais

lorsqu'une belle intelligence est ainsi fauchée, cette mort préma-

turée a quelque chose d'injuste, de profondément injuste. Ht pour

mon pauvre et citer collaborateur, il en a été ainsi. Il touchait au

moment où il allait récolter le fruit de se^ travaux ! Dans quelques

semaines, le concours d'agrégatiou allait s'ouvrir ; il avait la légi-

time ambition d'être nommé. Je crois que son ambition n'eût pas

été déçue. C'était la porte de l'avenir toute grande ouverte.

J'ai eu l'honneur d'avoir Philippe auprès de moi pendant sept

années : une année comme interne, six années comme chef de la-

boratoire d'anatomie pathologique. Il m'a rendu les plus grands

services, je tiens à le proclamer hautement dans cet amphithéâtre.

C'est qu'en effet, il était admirablement préparé à la tâche que

je lui demandais. Antérieurement, il avait lait un premier internat

à Lyon, sous la direction de maîtres distingués et qui le chéris-

saient. Il fit une nouvelle période de quatre années d'internat à

Paris. Ses goûts, déjà dès le début de ses études médicales, le por-

ttieni vets l';tiiiloriiie pilliologi41lle.

SK) NÉCROLOGIE.

Élève d'un homme que je considère comme un des premiers

anatomo-pathologistes de ce temps, de mon collègue et ami Gom-

bault, il devait bientôt se distinguer lui-même. Il fut un histolo-

giste remarquable, tout en étant un clinicien de valeur, car il ne

sépara jamais l'une de ses études de l'autre. Et c'était là précisé-

ment ce qui faisait son originalité, sa personnalité.

Il savait bien que, pour l'exacte appréciation des faits anatomo-

pathologiques, il faut s'en rapporter toujours, et en dernier ressort,

à la clinique. C'est dans cet esprit qu'il dirigea le laboratoire. La

très juste notoriété qu'il s'était acquise en France et à l'étranger

fut le couronnement de ses efforts. Il en fut encore récompensé

par les témoignages d'estime des nombreux médecins de tous les

pays qui venaient s'instruire sous sa direction.

Je vous rappelle ses principaux travaux : ses belles études sur le

tabès et les cordons postérieurs, sur les amyotrophies en général,

sur les encéphalopathies infantiles et sur bien d'autres points de

l'histologie normale et pathologique du système nerveux. Tous,

vous avez présentes à la mémoire ses publications aux différents

congrès et sociétés savantes, ses dernières études d'ensemble pu-

bliées en collaboration avec M Gombault et sa participation aux

divers traités classiques.

Je viens de vous rappeler ce qu'a été le savant. Derrière le savant,

il y avait un homme profondément bon, droit, honnête, serviable,

pour qui, collègues et condisciples, avaient estime et affection.

J'ai tenu, Messieurs, à vous exprimer ici, en quelques mots, dans

cette chaire de la Salpétrière qu'il a si bien servie, tous les senti-

ments que j'avais voués à ce regretté élève, collaborateur et ami.

Que sa vieille mère, écrasée par le chagrin, que ses distingués

frères reçoivent l'hommage d'un homme qui a beaucoup aimé

Philippe et qui est touché, lui aussi, par la perte de l'un des siens.

« Peut-il en être autrement,je vous le demande, Messieurs, lorsque,

pendant des années, deux vies s'associent aussi complètement que

celle du mailre et de l'élève ! »

On nous permettra de retracer en quelques mots l'oeuvre scien-

tifique de notre ami. Philippe fit ses premières études médicales

à Lyon, où il devint rapidement interne des hôpitaux et aussitôt,

par ses travaux, avec Bard sur la myocardite interstitielle chroni-

que, avec Rabaud sur la myocardite diphtérique, manifeste son

goût pour les études d'anatomie pathologique. Il vient a Palis ; il

est reçu à l'internat des hôpitaux, ce qui lui peimet de devenir

l'élève de Gombault, de Merkten, de Grancher, de Mariait, de Chauf-

fard et de Raymond. C'est au cours de sa dernière année d'mtemat

qu'il lut nommé chef du laboratoire d'anatomie pathologique de

la clinique Charcot, à la Salpêtrière, situation qu'il n'avait pas

cessé d'occuper.

VARIA. 1 A. 5 'il L

Depuis 18e,i, Philippe a publié de nombreux et importants Ira-

vaux, soit en son nom personnel, soit en collaboration avec ses

mailres, ses amis et ses élèves, avec cet esprit scientifique que dé-

finissait plus haut le professeur Raymond Nous rappellerons ses

belles études sur les Aphasies, le Tabes, la Systématisation des cor-

dons postérieurs, la Syringomyétie et les cavités médullaires, la

Maladie de Friedereich, les Encéphalopullaies infantiles, les rtzcé-

phalites aiguës, les Myélites tuberculeuses, la Sarcomatose du sys-

teme nerveux, les Lésions cérébrales dans la sclérose en plaques, les

Amyolrophics au cours du tabès, etc. En outre, il modifiait la méthode

de Nissl et, par une étude critique, établissait ce qu'on peut vrai-

ment lui demander ; il collaborait dans le « Traité de médecine »

aux ai tioles sur les Encéphalites de l'enfance et sur la Paralysie

générale ; il écrivait les examens histologiques des Leçons clini-

ques du professeur Raymond et des Comptes rendus de 131cétre de

M. Ilourneville; enfin, dans le « Traité d'histologie pathologique »

de Cornil et Ranvier, il avait été chargé, avec M. Gombault, de

l'anatomie pathologique du système nerveux. Tel est l'énorme la-

beur scientifique qu'il a produit dans quelques années et cela mal-

gré l'effort incessant et la tension d'esprit que réclamait la pénible

préparation des concours.

Cependant d'autres études qu'il préparait de longue date étaient

destinées à voir le jour prochainement ; nous, qui avions été de

ses élèves et ses amis, nous ne manquerons pas au devoir de les-

publier ultérieurement en son nom. R. Çnarm et J. Osearnon.

VARIA.

Les Aliénés en liberté.

Poursuivi par les Prussiens. Un individu, les cheveux hérissés

se précipitait, hier, vers trois heures, au commissariat de police du

quartier Saint-Lambert, et se cachant aussitôt sous une banquette

en criant : Fermez les portes, les Prussiens vont venir : ils vien-

nent de bombarder Matakoff et veulent renverser le ministère. Il

y en a une bande dans l'escalier.

On retira le pauvre dément de dessous sa banquette et on le

calma tant bien que mal. Des papiers trouvés sur lui, il résulte que

c'est un nommé Paul Guérin, quarante-six ans, cultivateur, origi-

naire de Saint- Germain-d'Aunay, dans l'Orne. Il a été dirigé sur

l'infirmerie spéciale, par M. Raynaud, commissaire de police. En-

core fallut-il qu'un agent en uniforme l'accompagnât pour le pro-

téger contre la fureur de ses imaginaires ennemis.

5 rr VARIA.

Les nombreux passants qui suivaient, hier matin, la rue de

Flandre étaient violemment pris à partie par une femme vêtue

d'une culotte d'homme et portant un enfant de quatre ans dans

ses bras. Chemin faisant, elle secroisa avec un prêtre qu'elle com-

mença d'invectiver : J'aimerais mieux « bouffer » mon enfant, lui

criait-elle, que de te le donner à baptiser.

Sa fureur s'apaisa tout à coup et, prenant sa course, elle se ré-

fugia au numéro 1 de l'impasse des Anglais, où elle demeure. Lu,

après avoir brisé ses meubles à,coup de marteau et tailladé son

linge à coup de ciseaux, elle fit un monceau de ces débris et vou-

lut y mettre le feu.

A ce moment, 11. D'Homme, commissaire de police du quartier

du Pout-de-1'iandre, prévenu par des voisins, que l'état de surex-

citation de leur co-locataire avait intrigués, fit irruption dans la

chambre. Mais la femme, s'armant de son marteau et d'un couteau

à lame effilée et tranchante, opposa au magistrat une résistance

acharnée. M. D'Homme eut vite fait de désarmer la pauvre folle

qui a été dirigée sur l'infirmerie spéciale. (Le Journal, 1 sep-

tembre).

Une dame Robert, vingt-huit ans, dont le mari est gardien au

pénitencier de Belle-Isle-en-Mer, atteinte de maladie noire, Ét

égorgé sa fillette de trois ans et lui a ouvert le ventre avec un

mauvais couteau de cuisine. Elle est allée ensuite se noyer dans

la mer. (Bonhomme normand, 1" octobre 1903.) D'où la nécessité

de l'hospitalisation jusqu'à ce qu'une observation attentive per-

mettent d'assister dans la famille.

DRAME DE l'alcoolisme.

Un fou incendiaire. Un meuuisier de l'avenue de Sailit-Otieil.

M. Armant B ? trente-sept ans, faisait, il y a trois mois, un héri-

tage considérable. Une de ses cousines, domiciliée à Lyon, lui

léguait une somme de 110000 francs etdeux maisons. En attendant

la liquidation de sa succession, Armand B se fit avancer 3000 francs

par son notaire et se mit à « faire la noce ? Chaque jour, on le

ramenait ivre mort. Il but tant et tant qu'eu trois mois il devint

alcoolique et finalement fou.

Hier matin, dans une toilette plus que sommaire, il se présentait

chez une de ses voisines en disant : N'ayez pas peur ! Je suis Jésus...

revenu sur terre pour soutenir les revendications féminines.

Comme bien l'on pense, la locataire expulsa son trop peu vêtu

visiteur.

Le menuisier remonta chez lui, entassa tous ses meubles dans

une pièce, y mit le feu, puis grimpa sur le toit. Pendant que I on

éteignait le commencement d'incendie, des agents capturaient le

pauvre fou, qui s'était caché derrière une cheminée, et le condui-

varia. 843

saient non sans peine au commissariat de police, d'où il fut dirige

sur l'infirmerie spéciale par M. Rouffaud, commissaire de police

des Batignolles. (Journal, 9 septembre.)

Les Aliénés en ANGLETERRE ET au pays DE Galles

Le 57° rapport des commissaires aliénistes pour l'Angleterre et.

le pays de Galles, rapport qui vient d'être publié, montre qu'en fé-

vrier 1903. le nombre d'aliénés enregistrés était de 113,964, soit

3,251 de plus que l'année dernière à pareille époque. Cela donne

une proportion de un aliéné pour 293 personnes. Parmi ces aliénés

les alcooliques figurent 23-1 p. 100 chez les hommes et de 9,6

p. 190 chez les femmes, les épileptiques représentent 12 p. 100

du total général. (Presse naél., 1903, septembre).

FAITS DIVERS.

Asile public d'aliénées DE CHATE1U-PICON (A Bordeaux). COIZ-

cours. Le 10 décembre aura lieu un concours pour un emploi

de troisième interne à l'asile public d'aliénées de Bordeaux. Pour

renseignements, s'adresser au Directeur.

- Asiles D'ALIÉNÉS. ' Nominations et Promotions. M. le Du ME ! -

LHON, directeur médecin à l'asile d'aliénés de Quimper est promu à

la 1 classe du cadre à partir du 1 ? septembre 1903. M. le

Dr Gimbal est nommé médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de

Prémontré (Aisne) en remplacement de M. le D'' Parant, mis eu

disponibilité sur sa demande.

Asile public d'aliénés DE la IIOCHE-G%NDO-4 (à Mayenne). Un

emploi d'interne est disponible à l'asile public d'aliénés de la

Roche-Gandon, à Mayenne (Mayenne). Les candidats à cet emploi

devront être Français, être âgés de 21 ans au moins et avoir, au

minimum, dix inscriptions de doctorat. Le titulaire de l'emploi

recevra un traitement annuel de huit cents francs et aura droit

en plus à la nourriture, au logement, au chauffage, à l'éclairage

et au blanchissage. Les demandes devront être adressées à M. le

directeur-médecin en chef de l'asile de la Roche-Gandon, à

Mayenne, chargé de les centraliser et de les transmettre à M. le

Préfet de la Mayenne. Chaque demande devra être accompagnée

des pièces suivantes : 10 acte de naissance, 2° certificat de scola-

rité, 3° extrait du casier judiciaiie.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

l3eretnzzg om den Kellersk aazxclssvageanslall i Bregnaig, In-8" de

40 pages. Veyle. 1903.

Cappelletti (Luigi). - La nevraslenia. 1 vol. in-12 de 490 pages.

Hevepti.

Garnieu. - Rapport médical de l'as'le départemental d'aliénés de

llijon. 111-8- de 92 pages. Dijon.

DeMvttos (Julio). L'assistance des aliénés criminels au point de

vue législatif, 111-8- de 16 pages. Porto.

Robinovitcii. Tlie Genesis of épilepsy 111-8- de 38 pages.

MÉGis. Les délirants des hôpitaux. Leur assistance. Leur

utilité au point de vue de l'enseignement. In-8- de 32 pages.

V w Gehuchten (.1.). - Le Névî,axe. - Recueil de neurologie nor-

male el pathologique. 5. vol. in-8^. Imp. des Trois-Rois Louvain.

Vz.evrt (adriano). - Ai-o2alici e nervim 2 ? ell' (ilii)ejlazioîe. 1 vol.

in-12 de 338 pages. Z Mitano.

Woodworth (R.-S.). Le mouvement. 1 vol. z de 425 pages avec

la figures. Librairie Doin, place de l'Odéon. Prix : 4 francs.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 1JA1'l'llïl

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

celte date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'iiîte ? ,niédiaii,e du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la 'somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir dit

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger. '

Le rédacteur-gérant : Bouuneville.

EXPLICATION DES PLANCHES

Planche I

Observ. de Deba..., p. 103

Face externe de l'hémisphère droit

F', FI, FI, 1 ? 2-, 31 circonvolutions frontales.

LPS, lobe pariétal supérieur.

LPI, lobe pariétal inférieur.

F, Fourche.

PA, circonvolution pariétale ascendante.

FA, circonvolution frontale ascendante.

SR, sillon dr ttolando.

PC, pli courbe

LOC, lobe occipital.

L0, lobe orbitaire.

T', T', T', 1 ? 2-. 3 circonvolutions temporales.

Se S., scissure de Sylvius.

Se scissure fi-ontale supérieute.

Se fi., scissure frontale inférieure.

Se p, scissure parallèle.

Planche II

Ob,erv. de Deba..., p. 104.

Face interne de l'hémisphère droit

F', Première circonvolution frontale.

LP, Lobule paracentral.

CC, corps calleux.

CS, corps strie.

CO, couche optique.

CA, Corne d'Ammon.

CH, Circonvolution de l'hippocampe.

1'0, Circonvolution temporo-occipitale.

T°, 2° cüconvolution temporale.

LO, Lobule orbiti-aire

Se c m, scissure calloso-marginale.

Se pi, scissure perpendiculaire interne.

Le to', 2- scissure temporo-occipitate.

Se a, Scissure calcarine.

- Planche 111

Voir la légende, p. 119.

Archives, 2» série, t. XVI. 3·

T : 113Lh Dh.S 31ATlÈItFS

.lm : i.a tranmatiyue u lobe occipital

choit avec sympômes cérébelleux.

- cérébt lli'iix d'oryne oticpie-à

symptomatologie fruste; par Ile-

verdm et Valleue, 67.

Accès Éi'ii.EPTiroiiMES chez les dé-

monts piécoces, par 1<Iasson, 316.

.lcuocv.wosc et crampe des écri-

vains, par Umasand, Halltou et

Meige. 263.

Acres psyciiiqles. Les - dans la

série animale, yat Ilaeiret-Souplet,

181. f.

.1(.ENisip.bilatér,-tle des lobes fron

taux chez une femme ayant pré-

un développement ilitellec-

tuel a peu normal. par Dide,

)8

AGI] mtos Traitement de l'- et de

l'insomnie dans les maladies

mentales, par Trénel, 313.

Acnoscrc. - Elude clinique de l'-

et de l'asymbolie , par 88.

ALCOOLIS\IE. Le ttanement de l'

par la suggestion hypnotique, par

Rybaku/f, J1. Drames de l' -, la(

94. L' , accès de deliriuni Ire-

mens, 383 La guerre l ? 381

Ai iénés. Aspects contemporains sur

le traitement ds -, par Ellien-

wall, llii. Le, - criminelles, es-

quisse, pu- iL- Bal,et , 157 Les - en i,

libeité, 190 ? 8G,5+3. Note sur les-

processifs, par Giiiud, 268. Voir

Mandrin. - tuberculeux. Voir

Pavillon d'isolement. Contribution

à l'analyse clinique de l'état de

négation (négntiusme) chez les

aliéné», par Liinriborg, ff4. Con-

tribution à l'élude clinique des

monologues chez les , par Dar-

canne, 479. Voir Paralysie gé-

nérale. Sur les résultats lavora-

bles du transfeit des d'un asile

dans un aune, par Urquhart, 515.

De l'oiganisaliou d'établissements

ouverts et d'établissements fermé : ,

associés pour les - et les névro-

Itathes, par l3uchterew. 521. Les

mesures prises par 1'llat Z't l'égard

des . par llurtou, 5°3 Voir

1'lzpoicliles. - en Angleterre et

- au pays de Galles, bli.

A\lIUIiOSC hystérique. Voir Cécité.

avec une observation, par

'lloplcms, 73. Voir Epilepsie L'-

au point de vue de la médecine

pdlciaire, par Maxwell, 489.

Analgésies. Les - viscérales dans

la maladie de Friedreich, par

Cestan et Sicarrl, 526. '

Anémies. Voir Moelle.

Z par riessiuger. 183.

Année psychologique. L'anoee.

par Binet, 3Sf ,

Anxiété l' -, par Glrard. 91.

AewslE hystérique, par Guillam,69.

Aphasiques. Itecllerche sur l'asso-

ciation des idées chez les-, par

- 11. Marie et Vaschide, 17 Vôir

Automatisme.

Appendicite De l' - dans les famil-

les de névropathes, par Adler,

1 CI 1.

Au7Hlcc Voit, Ramollisse-

ment z

Autistes. Voir Trac.

151LES d'aliénés. Nominations et

promotions (mai), 91. - de la

Seine, 992. -, mouvements de

juin, juillet, août. 287, 288. - de

Clerlnont, 288. Une visite à -de

lec,i-emberg, par Deny, "9. de

la Roche-Gandon, 461. - rie ta

Seine Concours, 46ï. de la

Roche-Guyon, 478. de Sainl-

ellbau. Voir Paralysie générale.

Quelques remarques nouvelles

sur les soins et la surveillance de

nuit dans les -, par Elkins,

515, 547.

Assistance et éducation des enfants

anormaux au point de vue socio-

logique, par Gourjon, 86. des

enfants idiots, 93.

Asthénie bulbo-simnale. Un cas d' .

Syndrome d'Krb-Goidfiatn, par

' llawnonri, 160.

AsvnluoLU : Voit- Iqnoscie.

Ataxiques. Voit Muscles.

TABLE DES MATIÈRES. 517

AtIt01'III6 %IUSCI,1,41RE. Un cas Il' -

processive et un cas de parante

pseudo-hypertrophlyne chez de

,1,(tties enfants, par Neustacdter,

76. - progressives spinales et

syphilis, par Leri, 311. 1.

Automatisme L'-mentaldesapha-

siques, par ylarie(P.) et Vaschide,

MS.

Babinski Le réflexe de - chez les

enfants, par Lerl, 180.

Billet. Voir Goitre exol)hlalni-

que

Bégaiement mental, parBenllon,2Sl.

13EGUF.S. Itéparmion géographique

des - , par Cllermn, 561.

BLr.t,r,0111111AGIQ(JES, L'et at iiietital deb

- , par Diluasse, 90

BIIACII131011E. De la - congénitale

de cemnnes parties du système

neveux, par Ailler, 429

BR@('1111 SIE. Voir Délire.

Briquet. Voir Syndrome.

BIIOWN-SIQU,l;D. Voir Epilepsie -

Voir Moelle.

BecsE Voir Monstres eiicéplialieiis,

BLILEIIV BIBLIOGRAPHIQUE, 95. 192,

288, F) t8.

BU% EUI(S intelmittents, par Halbers-

tadi, 525.

Canaux De la section des

- et de ses rapports avec le tem-

pérameut nrurops3chopatliiyue,

par Sharp,4t3.

Cancer Un cas de - cérébelleux,

par Raymoiid, 170.

Castration Uebordie Wukungertler

- , par Vlbbrus, 289

CATA70\IE. Contrlbuttonàlapsycllo-

logie dee symptômes de la -, par

Vos ! 59. observation de la-, par

\Iasoln,34S Contribution à l'étude

de la (- et démence précoce ? )

par Palis, 409.

Cécité Etmle sur la - hystérique

ou amaurose hystérique totale ou

bilatérale, par 1(erneis, 284. Un cas

de guérison complète de -, par

Tchines. 385.

Centre BUL13AIRE. Voir Goitre.

Céphalo rachidien Clwomodiagnos-

tic du liquide -, par Sicard, 165.

Cerveau. Voii Localisalion-, voir

Haie. Deux cas de lipome dit

par de Steiger, 4'i0.

Cuwcor Inauguration du monument

de J.-M à Lalrnrlou, 453.

Z Voir Tics.

CeEll.oruorslc. \'ul'ics.

Ciiuree. Contribution à l'aiiatomie

pathologique de la- héréditaire,

par Lannuls, Paviot et lfumsset,

71. Ti alternent de la arythmique

hystémyue par l'immobilisation.

De l'influence de la vue comme

élément d'auto-suggesimn dans la

genèse des phénomènes hjsté-

riques, par Husghe, 531 La-et

son UaUement, 1);it- Uomuor, 516.

Clinique. Voir Gressen.

Colonie tuiilule. La- d Ainay-le-

Château (Allier). Colonie pour

aliénés hommes, par I wuff, 338.

Colonne vertébrale. Voir Racines

médullaires.

Congrès. Tieizième congrès des mé-

decins aliénâtes et neuiologistes

de France et des pav. de langue

française. Bluxellus, J3, 216, 312.

Conscience. La - et - rie soi,

pal Wijnaenrits SI Le

mécanisme de la -, par de Viies,

371.

Couche optique. Voir Voies centre-

fuges Dégénérescence des-, par

Blachfori, 4'8.

Crampe. Voir Aeroeyanose

Crime. Le- dans la 1),,idlvsie géné-

rale, par Sulllvau, 155

Crises irperalgiques I'éiiodiques

per-ustant pendant plusieuis jouis

et datant de plusieurs années,

guél ies par la suggestion Il pno-

lique, par J. Voisin, 357.

Cylindranes. Nouveau d'iiii-

piégnalum à l'argent, puur colo-

rer les -, par Faielszt.yn, 4aG

Coloration des . par Kdplan, 433.

Dégénérescence. Itelation de la pro-

feasl0u lelll ense a\ec les signes

de -, par Blot-Saorill, 81. -

et mysticisme, par t.luitiv, ! )0.

ti;;mates psychiques i.trils de -

mentale, par \\'nhl, 524

Délire et petit Lrlglmsme, par

Virouioux et 1, 1, 137,

- Voir Obsession Stii un cas

de - de médiumnité, par liallet

et Dheur, 277. - hallucinatoire,

avec idées de 1)( i,é(titioti, t otisè-

etitif à des phénomènes de mé-

diumnité, par Ballet et Monier-

278. -\'ull Syp117Jis.-

hallminatolre cher uu Lyhnque,

par Vlgoulow, '24.

Delibium tbemens. Contrlhut on à la

548 TAULE DES MATIÈRES

connaissance du - dis morphi- 1

nistes, par Abraham, U4.

Démence. Voir Accès épileptiformes.

Le diagnostic delà par Mas-

saut, 347. - précoce, voir Cata-

tonie. De la - précoce et la cala-

tome, par Masoin, ii3

DEMUM. Maladie de -,par Dide, 77

Discipline psycho-motrice, par Brls-

saud et 111erge. 83.

D1STINCTIOnS 11010RIII,U6 : S, 9J, 191.

288.

Dosage toxique. Le - dans le trai-

tement de quelques désordies

nemeux, par Krauss, 150.

Douleur, la a - à volonté, par Bris-

saud, 339

DUHE-)II.ItN7, Voir liémalonie.

Dyspiugie. De la am\ota\ique,

par Itossoluno, 162.

Ecrivains. Voir Acrocyanose. L'ob-

servauon médicale chez les -

naturalistes, par 'égaleii, 285,

Embuliques Réactions électnques

des -, par Babinski et Delelme,

77, ï,

Emotion. La théorie de 1 pat

James, 382

FCÉPIIiL011(;L17E. Voir Myélite

Enfants anormaux Voir Assistance.

L'éducation et le développement

des - névrosés, par llammond,

151. De traitemeni ries -atteints

de défectuosité mentale,' pargross-

mann, 15f. arriéré. \ou'NaeAt-

1181ne.

Enmuusz. Voir Goitre eaophtal

inique.

Epilepsie. Sur l'influence des eici-

talion. sensorielles comme agents

provocateurs ries accès d ? pa)

Feré, 57. Le traitement de l'

par le travail manuel et la ym-

nastique, par Sprathng, ]t6.

Voir Sérunt. Coutllhutlon au Li ai-

tement diététique de t ? pai

Schaeler, 151 - et amnésie rétro-

grade, par Séglas, 168. Un Cal il'

consécutive à une lésion trau-

malique du lobe prélontal, par

Uiquhart et Robertson, 171. Les

foi mes sileilcieuses d- l' . par

Z 472, Voir Olyoclonie.

- thyroïdienne, par liastln, 337.

Coutnbution à la question delà

Iraiisinissibilité héréditaire (le l'

du cochon d'lnde de Brown-

Séquard, par Sommer, 429.

Epileptiques Soin donné aux et

leur traitement en Angleterre, par

Flelcher fieacll, 305.

F.ItB-GOLDFLA11. Voir Asthénie.

Ergographe. Elude comparative de

la langue au moyen de l' - et

des ergogrammes, chez l'homme

sain, le nemastlléniyue, le myo-

llatlllque et dans l'atrophie mus-

culalre névritique, par Ballet et

Philippe (J.). Etude comparative

delà fatigue au moyen de l'-

chez le» neurasthéniques et les

lllopatlliques, par Gilbelt Ballet

et Philippe, 528.

E.1)1111tO%IÉL,11.Gll suivie (le gangrène

ries extrémités avec autopsie, par

Lannois et I'orol, 274

Esprit. l ? des autres, p. 38-i.

Etat : ! r..\]AL. Sur)'dunommë

D.... inculpé d'outrages, par Ray-

veau. 289.

Etiologie 1.1' thérapeutique, par

Meige, 87. ·

Excitabilité, Sur l' - ries muscles

dégénérés, par Intejko, 3îl .

Excitations SERSORIEI les. Voir Epi-

lepsie - Voir Syphilis.

Faculté de Médecine, de Paris, 288

Fatigue. Voir Ergographe .

Fibres. Un svstème de - peu con-

nu situé à la périphérie du seg-

ment antéro-latéral de la moelle

cervicale, par Bechterew, 432.

Folie. Contribution à l'étude cli-

nique et métilco-légale de la -

systématisée progressive, par Le-

tourneur, 90. Aperçus et démons-

iralions sur la - maniaque dé-

pressive, par Thomsen, 351.

Quelques cas de - pellagreuse,

par Warnock, 416.

fONl : l10y5 mentales. Voir Lobes pré-

frortlaux.

Friedreich. Voir Maladie nerveuse.

Ganglions sympathiques. Voir < ? 0t.

GIESSEn. La clinique psychiatrique

de l'Université de par Sérieux,

15.

Globes oculaires. Voir Paralysie.

Goitre exophtalmique. Le centre

Imlbaire. Traitement par le thy-

mus, pal Blenlalt, 08. Importance

de l'ingiène dans le traitement

du -, par Leroy et Veslin, 153.

Sur le traitement sérothéiapique

du - 11'aplès la iiiéi;iocle de Bdl-

TABLE DES MATIÈRES. 549

let et Enriquez. par ilallion, -)61.

Traitement serothérapique du -

d'après la méthode de Ballet et

Enriquez, 535.

Golgi. Sur le réseau endocellulaire

de - dans les éléments nerveux

en général et dans les cellules

nerveuses des ganglions sympa-

thiques en particulier, par Son.

6ltanofT, Sa. - Voir Imprégnation

à l'argent.

Hallucinations. Un cas d' - unila-

térales, et surtout musicales de

Fouie, avec quelques remarques

sur la formation des images psy-

cho-cérébrales, par Robprtson,

147. de l'ouie. Voir Oreille.

unilatérales de l'ouïe chez un pa-

ralytique général, par Séme-

laigne, 524. - de l'ouïe chez un

paralytique général, par Vallon,

526.

Z Le faisceau d' par Ober-

steiner, 432.

IIÉ611CÉPH1LIE. Voir Odorat.

IIÉAIICawI05E. Deux cas d' -, par

lirissauri et Lereboullet, 75.

Hémiparésic de nature indétermi-

née, pat Oufutir et Chaix, 177.

il À]SECTION. Voir Moelle

Hématome de la Juie-mère 61,ébiale

(pachyméningite hémoriagique

interne) associée une hémorra-

gie du co'on, parLongworlh, 510.

Hémorragie cérébrale. Sur la ma-

nière de soigner l' - et sur son

traitement abortif, par Browning,

510.

Hérédité. - influencée, par Po-

diapolslcy, 950.

tthHtCO-ATAXtE. Voir Maladie ner-

veuse.

Histologie. Voir Paralysie générale

Homicide par un adolescent, 95.

1, IDROCÉPLIE. Contltbution à l'an a-

tomie pathologique de l' in-

terne, par Troschine. 61.

Hypnotisme L' et la psychothe-

ralie en Russie, par Orlitzky, 81

L' chez les animaux. p.lr Leip-

nay, 184. L' chez le cheval, par

Guenon, 184.

IIYSTF.ROTIt4CIIATiSUE Ou foyer hémor-

ragique avec prédominance bulho-

protubéranuelle; par Léviet jtet-

loizel, 528.

Hystérie. L'auto-representation de

l'organisme chez quelques hysté-

riques, par Comar, 57. - et ma-

ladies gynécologiques, par Dupin-

Dulau, 90. Voir Tabes. Voir

Méningisme. Guérison de symp-

tômes spasmodiques graves

parlasuegesuon, par Stadelmann,

183. Considérations psycholo-

giques sur l' dans l'aimée, par

Lux, 281. et morphinomanie,

par Soller, 369. Voir Léthar-

Idée de doute. Voir Phobie. de

suicide. Voir Synngomyélique

de péi-sécutioli. VuiSyi,l. llgol)2ye.-

lique.

Idiotie profonde avec nanisme et

infantilisme ; amélioration consi-

dérable, par Bourneville. 38. Trar

tement médico-pédagogique de l'

, par Bourneviile, 21l. Voir

nae/M<Mmemongo)[enne,par

Bourneville 252.

Imprégnation A L'ABSENT. VOir(;J197t-

draxes. Une modification nouvelle

de la méthode d' de Golgi, par

Gudllen, 428.

Impuissance génitale d'origine men-

tale guérie par la suggestion so-

mnoformiauP, par lizirez, 184.

Incontinence d'uhine guérie par la

suggestion pendant le sommeil

naturel chez une enfant de six

mois, par Faiez, 183.

1\F1TILIS\tE. Voir Idiotie.

Insomme. Voir Agitation.

Inspecteurs des établissements d'a-

liénés de la Seine, 383.

Lucisvtion de la Maison nationale

de Charenton, 383.

Leçons. Voir Maladie nerveuse.

LETHARGIE. D'une sorte de des

processus de cicatrisation chez

une hystérique, 370.

Lettre d'Anveis, de Laignel-Lavas-

une, 381.

Lipome. Voir Cerveau.

Little. Maladie de sans lésions'

célébrales, par Déjerme, 76. Ma-

ladie dc -, pur Rrtssaud, 1 ià.

Lobes frontaux. Voir .)('71e'c. Note

sur tesprefoutau\etia ! ocah-

sattoii des fonctions mentales, par

Mao-Donald, 63. Un cas de tumeur

des fiontaux du caveau dans

lequel le sommeil a été un symp-

toute très accusé, par Cowen, 442.

Localisations motrices spinales.

850 TABLE DES MATIÈRES.

Hechoches cxpéihneninles sur

les -, par Maliuesco, 57. Géié-

brale et fonctionnement du cer-

veau, par Iltrii,on-.Mettlvi,, 61.

Recherches expérimentales sur les

- Inonices et spinales, par Btis-

saud et llauel, 8î.

Lumière. De la en thérapeutique

nemeuse, par Foveau de Cour-

melles, 257. L'action de la - sur

l'organisme et son emploi en thé-

rapeutique, par Joire, 257.

,Nl.iCHOTO111,. Un -, par Schipow,

60.

Jlmns succulentes. Voir Syringo-

myélie. I a - bote dans la nlala

die (il- Friedrich, par et

Sicai(1, 5 ? 6.

Miladii : neneuse familiale. Deux

cas de - intermédiaire entre

l'héréilo-ataaie cérébelleuse et la

maladie de Friedreich. par Leno-

hle el Aulrineau, 08. Leçons sur

les - du système nerveux, par

Ra\mond, 185. - des Tics. Voir

Tics.

Mandrin facllitel l'introduction

de la sonde uesoplmnirnne liiez

les aliénés, par Sciiigny, 272.

Maniaque. Singulier -, lit) Don

Juan sur le retour. Plus de trente

victimes, 94.

Manuel de psychiatrie, par Moques

de Fursac, 188.

Médecine. La au musée du l'rado,

par Meige, 88. Organisation du

seivice de - mentale dans les

prisons, par Miisoin, 3G.

)IÉDIUill[Ê. Voir Délire.

Mliancohe. Voir Syringomyeliqiie.

Jlhntnclsvr, et pu3rllislne mental

paroxystique chez une hystérique,

par I)ul)i,é et Camus, 181 .

Monologues. Voir Aliénés.

Mensonge. Le - eliez la femme

hystérique, par lîicharri. 91.

Moelle. Voir Voies ceutrifiiyes.

cervicale. Voir Fibres. Sur quel-

ques étais de la dans les ané-

mies graves, par Chuicii, 440. Hé-

misection traumatique de la -

(synd ! 0me de Brown-Sequai t),

par l'eugniez et Philippe (CI.),

165.

Mongoliens. Idiots -. Voir Traite-

ment thyroïdien.

Monstres encéimialiens. Contribu-

tion à la classification ries -.

Rôles physiologiques du bulbe

chez ces monsttes, par Leri et

Vurpas. 275.

Morpiiimstes. Voir Deliiu ? ? z Ire-

mens.

lloarumonawe. Auto - observation

d'un médecin morphinomane, par

llebove. 167. Voir Hystérie.

Mort de faim, 511.

)k)LYEMES'îSATnETOSnuES.Voir7'a&cs

z Depuis vingt-huit ans. 191.

Muscles -Voir Excitabilité. Défaut

de coordination des ocn'.o-

moteurs chez les ataxiques, par

Miralbé et Desclaux, 5-29.

MïAsnii'ME. Observation de -

pseudo-paraivtique grave,'par

Mendel. 160. "

3lwa.tre Observation de-ou d'en-

céphalomyélite aiguë disséminée

consécutive a l'intoxication pai

l'oxide de carbone, teimiuee pat

la guérison. par Pausln, 61

Deux cas de- aiguë au cour-,

d'un carcinome secondane de la

dnie-moe ou de la moelle, par

llallet et Laiânel-Lavasttne, 527

.NIYOC,LONIE et épilcpsie. par Ballet

et Illocli 478. -ne de

M10PAIIIIE. Sur une forme de -

progressive piniiitive a\ec ptost,

bilati'ral et pm ucipatiun des mus-

cles masticateurs, par 1'. Mane,180.

Mysticisme. Voir Dégénérescence.

Myxoedemvteux. Fin de l'histoire

d'un idiot, par Bourncville, 97.

Voir Traitement thyroïdien. In-

fantiltsme et maladie de lteck-

hnghausen, par llletge et Feindel,

373.

Nanisme, Voir Rachitisme. Voir 7f<i'o-

Narcolepsie et obésité, par Sainton

510.

Nécrologie. CI. Philippe. 538.

Négativisme. Voir Aliénés.

Nerf. L'origine réelle du circon-

llexe, par et Goldsletu, 5S

L'origine réelle et le trajet intra-

cérébral des moteurs établis

par la méthode de la dégénéres-

cence wallérieune indirecte, par

Van Gehuchlen, 333.

NcuatsruHntE. La - et son traite-

ment, par Romme, 153. De la

sénile, par Gnmauri, 286. ippli-

cation au diagnostic des - et

hystéries traumatiques de l'enre-

TABLE DES 11L1'l'lPttES. 551

nistremeutdela pression sanguine e

par Strauss, 27. - voit, Troubles

nerveux.

F ROI 11111011%rOSF. La - par Cestan,

17 i.

vECHOaES. Sur le mode de contact

entre les -, par Slefanowskn,

335.-\-oirRéénéralioraaulorèue

\euuooemctc La -, par Devaw

et Jlciklen, 169,

Névralgie. La - trltaclale et son

trancment, par Barbier, 152.

hHiTns Tries cas de radiales,

par tiabin.l.l, 178.

Voir lpl)i,iielicile.

Névroses et paludisme, liai-Coinmé-

léran, 283. - Voir Sommeil.

inoy iu. Le iûledu dans In îégres-

sion musculaire, par de Buch et

Demoor. 3++. Topographie des -

gris et segments médullaires, par

Borda, 537. ·

Oisèses, Voir Traitement thyroïdien.

Obésité. Vou Narcolepsie.

Obsession oculaire, par lienllon, 80.

- et délire, par Marandon (le

,)Ioiii%el. 193. Sur la pathogénie

Iles- morbides, par Souklianoff,

274.

Odorat. Contribution à la connais-

sance (le l'organe de l' - dans

un cas Cl'ilemic'1)111lie Liiez

l'homme, par Mourait, 425.

Oedème. Voit

Oeil. Le fond de i' . \Ulr Para-

lytiques généraux. Lésions (lu fond

de l' -, Paralysie générale.

OI'IITII\Lh101.OGIE. \'or 7hennpeu-

liqlie.

Oreille. Relations des maladies

(le l'- avec les lial-

Inclnatlons de l'ouïe, par Capgras,

500.

Org4nfs internes. Rôle ries - dans

l'évolution et la constitution de la

vie mentale, par Pion, 277. -

nerveux, voir Il'alle ?

Organisme. Voir Hystérie.

Orteils. Abduction des . par Ba-

binski, 176

Ouïe. Voir Oreille.

Outrage. Voir Etat mental.

OXIDR de C\ItBO\E. \'on Myélite.

Pachymémncite cervicale. Voir Pa-

raplégie.

Voit- YéVI-08C.

Paralysie trseudo-hypertrophique.

Voir Atrophie musculaire. as-

sociée des globes oculaires pou"

la fathial par It.ynond et Ces-

tan, 76. générale chez un

Arabe, par Scherb et Itru-Tomi.

78. Des périphériques d'origino

ourlienne, par Lacroix, 8 ! ). Des

iésultats (fil traitement mercuriel

intensif appliqué la - générale

et au tabes, par Lemoine, 116.

Sur le tintement de la - géné-

rale et du tabès, par Itevay, 147.

- générale. Voir Crime. - sa-

tnrnine, par Ilernard et Salomou,

174. Histologie de la - générale,

par Rlippel, 230. Un phénomène

palpébrale constant dans la pata-

lysie faciale périphérique, par

Dupuy-Dutemps et Cestan, 262.

- générale juvénile, par Lalanne.

267. L'cecléme fugace dans la -

g(,néiale, par Klippel et Vtgou-

roux. 279. Fiéquence et évolution

des lésions du fond de l'oeil dans

la - générale, par liaviai,t et

Caudion, 354, 420. - riiaplu'ag-

matique. Voir Syndrome hYS16"-

1'l.qlie. - flacctde dans un cas de

pachyméningite cervicale . par

Brissaud et Brecy, 512. Note sur

la - générale à l'asile de Saint-

Alban, par Cltaron, 513. Contri-

bution à la statistique et à l'etio-

lonie de la - générale piogres-

sive des aliénés dans le gouver-

nement de Smolnslc, par Aptek-

mann, 514. - générale sénile,

par Toulouse, 524. - générale.

Voit Hallucinations. - générale

précoce chez une jeune fille de

dix-neuf ans, par Gery, ù25.

Ppi1\1.lTIQt'ES généraux. Nouvelle

contribution à l'étude de l'état du

fond de l'oeil chez les -. Atro-

phie papillaire et décollement de

la rétine, par Z et Raviart,

126.

PAmpLisGtE. Contribution à l'étude

des causes de la - dans le mai

de l'ott, par Long et Mucharri. 72.

Traitement mécanique des

spasmodiques, par Faure, 260.

Quelques remarques sur la -

spasmodique permanente par tu-

meur méctullane, par Ravmond et

Cestan, 519.

Parkinson. Noie sur l'état des ré-

flexes tendineux et des réactions

électriques dans la maladie de

Parkinson, par Huet et Alquier,7S.

552 TABLE DES MATIÈRES.

Parricides. L'état mental des -,

par Asselin, 8,ï. En(ant-, 38f

P.\VILLOY n ISOLE\fENT. InStalIHl1011

d'und-satienéstubercuteuxa il

l'asile d'Armentières, par Char-

don et Itivitit, 403.

Péricarde. Calcification du -, par

Simpson, 63.

Peurs obsédantes. Contribution a

l'étude des manifestations indi-

viduelles des - dans la constitti-

tien idéo-obsessive, par Souklia-

noff, 197.

Philippe. Nécrologie, 538.

Phobies. Idées de doute et

poitant sur la sphère génitale,

par Vidal, 183.

Pilz. Voir Réflexes.

PoLiOMYELrrE.Laantérieureainnc

del'adtilte,par Van (plinchten,331

PoTT.VoirPa)'spMjy)'e.Maide

sous-occipltal traumalque, par

Dupré, 177.

Pression sanguine. Voir Neurasthé-

nies.

Prisons. Voir Médecine mentale.

PsEUDO-TABESSpondyiitique,part ! a-

binski, 77.

Psychiatrie Voir Manuel. Les salles

de à l'hôpital de Copenhague,

par Pontoppirion. 521.

Psychologie. Voir Secret médical.

La - du somnoformtsé, par Pa-

rPZ, 80. - criminelle. Voir P,sy

chopathologie.

PaYOf101' \TIfOLOGIE léale. La psy-

chologie criminelle, par Kova-

levsl.y, 282.

Psychothérapie. Voir Hypnotisme.

- Voit- Sugyeslibilité. Plinclpee

d'nnfrationnehe, par Dubnis,

277. ContrIbuUOn à la - sugges-

tive en Suède. Quelques mots sur

la méthode, du Dr Wuiterstranri :

Sommeil prolongé, hypnose thera-

rapeutique. Sa technique, par

h1"e Lipinska, 357.

PTASIS. Voir Myopathie.

PUÉRILISME mental, par Dupré, 349.

Rachitisme congénital. Sur un cas (le

avec nanisme, chez un enfant

arriéré, par Garnie)'et Santenoise,

31. et idiotie, par Bourneville

et Lemaire, 250.

Racines médullaires. Aspect ondulé

persistant des après un allais-

sement brusque de la colonne ver-

tébrale, par Léri et Mocquot, 180.

Ramollissement. Observation de

superficiel de tout le territoire ir-

par l'arlèie sylvieiiiie, par

Bikeles, 433

Rate. De l'influence de l'écorce du

cerveau et ries ganglions sous-

corticaux sur la contraction de la

- , par Erllaonn, 138.

Réactions Voir Embo-

tiques. - Voir l'arkiuson.

ItECELISfH\I'SEN. Maladie de , Voir

3lVxmzléozaleua·.

ItÉPI,Fxes cutanés t,t tendineux.

rie ries - basée sur la nature

fonctionnelle des faisceaux pyra-

midal et-intra-pyramidal, par

Ileldenbergb, 55. - Voir Tonus.

Voir Parkinson. Voir Ra-

biràsli. Le - colnéo-mandlhu-

laire, par Soelrier, 430. De la fa-

tigue ries - tendineux et de la

valeur diagnostic de ce symptôme

dans les affections nerveuses, par

de Bechtrrew, 430. Le - Iri-

gémino-facial et le phénomène de

Wesiplial et l'ilz, par Lakacz. 131.

RÉGi : VI.n WION AUTOGÉ\E Ctle2 l'hom me

et la théorie de neurone, par Du-

rante, 313.

Régression musculaire. Voir Noyau.

Roentgen. L'examen, d l'aide des

rayons de . ries troubles trio-

plspues du tabès et de la syrin-

gomyélie, par Kienbneck, 125.

Bouge DE Magenta. Coloration du

système nerveux par le -, par

zozl ! ll, 135.

Saturnisme. Voir Tétanie.

SCLÉIIODERUIE il disposition radicu-

laire, par litiet et Sicard, 527.

Sclérose des olives bulbaires, par

rlalie P et Guillain, 180. Troubles

psychiques dans un ca, de - en

plaques, par Lannois, 273.

SECRET médical. Le secret médical

au point de vue psychologique.

par Valentino, 78.

Sélection négative, partoutielil(iiie,

532.

Sensibilité. Les signes objectifs des

troubles de la - suggérés pen-

dant l'état hypnotique, par Brclr

Lerew, IE36. - Voir Troubles.

Sérum. Nouvelles propriétés toxi-

ques et thérapeutiques du - san-

guin des épileptiques et )eu ! <

npplicatons pratiques, p Cent,

118.

'I.aI3LE DES IATlItE. 553

SmoruoBtE.Kute sur uniforme par-

uculive lit ! -, par Cullerre. 336.

Sommeil. Les troubles du - dans

les névroses, par L)aiyielon, 28,7).

, Voir Lobes- frontaux.

Sonde Voir 11(iiid,iii

SP.1S\It 1'4C[AL ses Cdractèies ell-

iiil nus Jl,nncVf,, par Aleige, 374.

Si ict - 1'liétioitieile de . par

Aldiie et fliouzon, 170.

Su.G ! ! STinm')E. De la -, observa-

lion de pychotYVrape, ydt Vin

Vrlseu, t8z.

SlrcesTlun hypnotique. Voir Ilcoo-

lisi,ie. - Voir Hystérie. Von

incontinence d'urine. Voit-

Impuissance génitale. - 1'u,r

Troubles utérins De la - mate-

mallsrr a l'état de veille, par I)ee-

ters. 3ti. - Voir Crises hypéral-

giques. La - pendant le narcose

par 1··arez, 3bO.

Si 5111

I ItUI-C : E( : 17F. De la - et des

moyens employés pour communi-

quer avec les personnes atteintes

atteinte* de -, par Itobln, 92.

Si nom : -.émule, par Gilbert Ifallet,

176.

S1\DItOIE OCf.IPITO-LÉIiÉBELLLL\, par

.l;ii cliiii(l, 68. ' ·

S%.NI)11031E, .solaires expérimentaux,

par La;;nel-t.avxaUue, 331. Le -

de Briquet (un cas de paralysie

(1 i«tpllr,.g triai] il [le d'origine hyaté-

1 iq[io), pm ItOI)IIIS011, 511.

Sl'IlILIS. 11)-ol)hie musculaire E ?

citdih-ii et néptvssion mélanco-

Ilyne. Délire cuculdur Iruate Jdn.

un cas - héréditaire, pai

lidymout rtJaU. 355.

Smu : ,covrELn : . \éumimrs int-aine-

duli.tire. dans (letix cas (le - aveu

t,cetileiites. par Bis- lioil,

weidc, 71 -. voir lioentgen. De

la -, par 01 léaiisl,y, 437.

S%lt[NG031Yb.LIQUE. Mélancolie avec

idées .1,- peiséeutiou et idées de

suicide chez un Examen liibtu-

logique, par Itamart. 3bi.

Système m-kvëi \. Voir Maladie ner-

rellse - \oit- Brachybiotie. -

Voir liouye de Magenta.

Twes dorsalis. Des mouvements

atticiosicliies dans le , par But-

net, 72. Un cas de - ayant débu-

té cinquante ans après l'infection

par I)éjet-iiie, Cluray et Cornélius,

75. - Voir Traumatisme. Voir

Paralysie générale. - Voir, Le

- chez la lemme, par Dlendrl,

160. Observation de - infantile,

parBloch, 163,- et Ilv.térlechez

un débile. Interprétation hypo-

cundrlaque des symptômes par

un délire dezoopathie interne, par

1)(ipi'é et Levi, 179. l'dthogeme et

pronostic du -, par Faute, 259.

Voir Roentgen.

TABETIQUES. Note sur l'état des fi-

bres à myéline du plexus card.a-

que chez les - par lleiiz, 179,

Traitement mécanique des trou-

bles viscéraux chez les - (crises

lalyngées, troubles de la respira-

lion, de la digestion, de la mic-

tion, de la défécation, Famé, e,

'là8. résultat du traitement hv-

diargynque chezles-.pal Faurê,

260. Itecherches sur la descen-

dancedes-, par Uailldid, 284.

Ieuritoike 54CRE. Contribution il

l'élude de l'origine du - poméro-

médian, par Bikeles. 4-)'k 1

'rElA'ZIE. D'un nouveau tableau

morbide analogue la- dans le

saturnisme chronique, par Ilae-

nel, 161. Contrbutlun à l'dndto-

mie pathologique de la - d'cri-

ginegdatrique, par ltussu mm, 435.

Tétanos, par Kennelli et Kelogg,

74. 1. Du - gynécologique, pu* Ma-

zimel. 91.

Tète. La limousine, par Freys-

aelulard, 91.

Thérapeutique. Voir ISLtOi091e La-

suggestive en ophihalinologie,

par Leprince, 1S3. - nerveuse.

Voir Lumière.

Thymus. Voir Goitre.

f'1111t01U11E5 CIIItO\IQUES chez leallé-

par Dide, 531.

Tics. Les causes provocatnces et la

pathogéme des - de la face et du

cou, par Meige et l'eindrl, 69. Les

- du cheval, par Étudier et Cllau-

mel, 77 Un cas de mal nlle des-,

guérison, par Bourneviile t l'ou-

laid, 205. - des lèvies, cfiéilo-

ctiétlopliobie. pu- Meige,

264, à3. LtLidt3 critique sur le -

convulsif et son traitement gym-

na.nque, par Cruche* , 283.

Tiqueuks. L'aptitude et

l'aptitude echopraaique lies . Les

exercices thérapeutiques de dé-

tente, par Meige, 82.

1 ili. TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

,1,0\1,s. Le mécanisme, du - et des

réflexes (fait, l'etat de la

science, par Cruoq, 56. Sur la me-

sure du musculauv, par Cons-

tensoux et Zti ! .in(,iii, 26(j

Torticolis. Coutnbution a l'étude

du traitement du spasmodique,

par Ethott, loi. Un ces de -

mental, par Séglas, 511.

TRie. Le des artistes et son trai-

tement, par Joirf, 258. 280.

TitIrlIFNT mtrciiiii-1 iutensif. Voir

Paralysie générale. médico-

N'oil, Idiotie. thy-

roi'fien cliezles idiots mongoliens,

myxoedémateiix infantile*, obèses

et ollrant un ai,iêt de développe-

ment physique, par l3ouruuville.

347.

TRAUU\TISSIf : et tabès, par Gauraud,

91.

Tkolblcs de inentalilé. Sur la forme

la plus habituelle des - qui se

produisent au cours des maladies

des cavités naso-pharyngiennes,

par Rovet, 268. - psychiques,

voir Sclérose. - de la sensibilité

dans les états neurasthéniques et

mélancoliques, par Dubois, 276

utérins rinét par lit

tion hypnotique ; observations

d'orthopédie morale, par Bourdon,

1180. - tiophiques. voir leoe7ltgele

- Voir Sensibilité bur les (ap-

ports des lésions locales avec les

- nervnux et en particulier avec

la neurasthénie, par Coggethal,

419.

Tunmun cérébrale Un cas de -, par

Cuylitz. 66. -Voit- Lobes frontaux

- cérebrale. voir Paraplégie.

Voeu, par Marie et Chardon, o34

Voies CE\TI11FUG1 : 1. l'-a-tnl des -

qui vont de la couche optique a

la inoelle ? par Wallenberg, 123.

VULT\ISAT10Y, h,apértt·nces relaW us

à la-, par Zaïuetowaki, 43.

VLE. Voir Chorée.

Taller. Faits en désaccord avec

la loi de et discussion en coins s

sur la structme et le fonctionne-

ment des organes nerveux, par

Durante, 530,

WESTpmL. Voir Réflexes.

T : 113L11 DES AUTEURS ET DES CUL1113Ult\'l'l'sUlt

Abraham, 141.

Adk'r,)r..t,429.

Alquier, 78.

Aytnl.tnann, 51 i.

Archainbaiilt, 225, 3'iU.

Archibald-Gbuich. 410.

Ashby-hllnus, 5LJ.

Assebn, 285.

Aubmeau, 68.

BaLinslo. 7fi, 77, I 16,

177.

Bacl : er (.Iolm), 157.

Ballet, 176, 178,220,

277, 27S.

Ballet(iiilnerl),271,527,

528, a3J.

Barber ( Henri -Trêve) .

153.

Bauer (A.), 81.

Ben-lonii, 78.

Béni Ion, 70. 80.

Bernard, 174,280, 28t.

Ilernheini, 330.

11. ilhoud, l3U,f0, 13,

430.

Betclirraw, 339, 521.

Bienfait, 68

Bikelés, 433.

SI

IW nrt (d ), 381.

Ilischosswerdei . 71

lllnctif,ni. 4 : 38.

131och, 163, 178.

borda, 537

Bourdon. 280.

Bourueville, 39, 97,208.

ltl. 346.

Itriscuud. 75,83,81,175,

178, 263, 339.

]iowliiiig, 510.

Camus (.1.). 181. I

Cipgias, 500.

Cttudron 420. I

Cazaux, 80. I

Cestan, 7G, 1î4. 2d3,

512, ;i26.

Cbaix. 177.

Chardon, 40 ?

Charon. (tiené), : 13.

Chauinel, 77.

Oliemn, 261.

Clnray, 75

Cliomel, 354.

Clnirch, 410.

Clans, 218

C ! oitrf.n0.

Co ? etlmll. 4l'.

Comar. 57.

Commeleran. 283

Cornélius. 75.

Courjon. 86.

Couaensoua ((1.) liG.

Co) liai il (de), 79.

Croiq. 56.

Crouzon, 176.

Cullerre (,1.), 333.

TABLE DUS AUFEURS ET DES COLLABORATEURS. 555

Cuylitz, 61.

Damclon, 285.

Dai canne, 170.

Debovr, 166.

I) Ilucl.. 311.

Déienne, 75. 70

Delcïaux, 78.

Delerme, 71.

Demoneliy, 70

Demoor. 331. b36

Deuy, 1f8.

Desciati\, 529.

Devaux, 169.

Devay, 147.

Dheur, 277.

Ditie, 58, 77 ? 31.

Droutebentw, 313.

Uubois, ? 76, 27î.

Diicasse, 90.

Dufour, 177.

Dulnas, 382.

Ilunin-Dulau, 90

Dupié, 177. 181, : 3+J.

IOII ly-IIUt,P111115, 262.

Iltiran(i (O.), 313,

Durante. 530.

Elhkins, 515.

Elllott (li.), 15l

Ebrenwall (W.). 151.

Enriqurz, 535.

Enksonn (E.-W.1. 128

Fdierszjain, 426.

Farez, 80. 183, isi, 360.

Fanre (M.uirue), 258.

259 160.

Feindel, 69, 373

Feré, 56.

Fiessinger. 183.

Foveau de Courmelles,

257.

Freysseliuard, 91.

Garnier, 31.

Gaudron, 351.

Gauraucl, 91.

Gehulcllen (\'an), 331,

431.

Géry 5-là.

Girard, 91.

Goldstem, 58.

Grimaud, 286.

Grossiiiaiin (P. F ). loi.

Guddeu (IL), 428.

Guenon, 184. ,

Guttlain (G.), 69, 180.

flachet-Soupll, î9, 181.

Hafcnel (H.). 114

Ha)hersta<h.52o

Hallion, 301, 263.

liaminoiid (Graème JL).

lbl.

llarnson-)Iettlel, 61

it7, 179 -

Illdl·n;er, : 5.

Hopkins, 73. '

Muet, 78, 52î.

liupnhe, 531

lute)lio, 3îl.

J,mes (W.). 382.

Jniiet, 353.

Iantp `L10.

Joire ( ? ), 257, 258, 280

Jtj (luelier (P ), 1, 137.

202. 2.

Kap1a11 (1,) 133.

1( ! log- (E.), 74.

elii,tti. 74

Kéiaval, 120.

Iiemels, 281 î

Kienboeck, 425.

Rltppel, ? 30, ci9.

Kovaleskv, 282

Klauss(V.-C.), 150.

t,ac ! 0 ! .\,89.

Laignel Lavastme, 2'0,

337, 5î.

Lalcacz, 181

Lalaune. 239.

Lanuots, 71, 273, 274.

Lelpnay, 18t.

Lenoble, 68.

Leprmcr, 183.

Lelehoullet, 75.

180, 2În. SU.

Leloy(li.), 13.

Lvtuuuueux, 90

I,evt, 5 ? 8.

Lilnnska, 351.

Long, 72

Lowgnorth, 510.

Lundborg, 444.

Lux, 281.

Lwofl, 338

Mac-Donald, 03.

Machard, 72.

Ylagnin, 79 tirez Molityel,

\I,uamluu de )IOnly'21,

194.

larchand,253.

)lame(A.), iî,li6,='fii,

337. -

liane (P.), 70, 174, 180,

528.

iiiesco, 57

Masoin. 2j2, 316 318,

362, 113 , . ,

\lassault. 3,U

Maxwell, 189, .

ilazimel, 91

69, 82. 83, 8 î, 88,

178. 223, 263, 261,

313, 31â. 53't

Melloisel, 528.

Menrlel (13 ? 96J.

Merklru, 169.

Menus, 442,

Mirailie, 78, J' ? 9.

\(cehits, 28'3

Mocquot, 180.

\loueaU. 370.

Mouier-Vinard, 278.

Moi Ion (L -J.), 323.

Mouitsel, 71 I

Mourait, 125

Narboulte, 136.

Aeustaeilter, 307.

()lGan·I : y, 'r37.

Orhtzky, 81.

Patinas, 370.

l'anshl tA ). 16f.

1',Iilioll, b8.

Paris, 409.

'.mof,71

l'urters, 356.

(,le), 89.

Philippe, 121, 463 5"8.

Peugmez, 465.

l'ieiret, 239.

Podiapolsky, 280.

Poniopi'idon, 521.

l'oularl. '118.

Prou. 277. î.

liaillai@(1, 281.

Ilaviai't, 126. 351, 331,

403, 420.

liavlnolll, 1(i, 16h, I 10,

'lyôJ, 3JJ, 51 ?

Rtiv,,eail, ! te nault, 79, 82.

Itevenlm (S.-L.), 67,

R'Charll, 91.

ISICU,rJ (l'.), îJ, 1 i 1.

ISOberteon (V. 1·'ord),

1 î I , 4+î.

5U TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Robin, 92.

Robinson, 511.

Homme, 153.

Roques de Fursac. 188.

Rossolimo, 162, 435. ~

Radier, 77, 354.

Rybakoff, 84.

Salomom, 174.

Sainton, 510.

Santenoise, 31.

Scheffer, 151.

Sckerb, 78.

Schipow, 60.

Segalen, 1>85.

Séglas, 168, 511.

Semelaigne, 524.

Serbigny, 272.

Sérieux, 15.

Sharp (H. C.),

Sicard (A.), 16 ,

527.

Simpson, 63.

Soelder (F. de), é30.

Sommer, 429.

Soukhanot1.55,197, 27f.

Stadelmann, 183.

Stefanowska, 335.

Steiger (Adèle de), 4f0.

Spraslmg, 146, 172.

Sullivan (\\'. G.), 155.

Tchirier, 385.

Thirier, 386.

Thomas(Philipp-Cohen)

442.

Thomson, 279.

Toulouse, 524.

Toutichkine. 532.

Trenel, 313.

Troschme (G.), 61.

Urquliart (B.-D.). 171,

515.

Valentino, 78.

Vallette, 67.

Vallon, 526.

Van-Velsen, 182.

Vascliide, 17-1, 5Q8.

Verhoogen, 241.

Veslin, 153.

Vidal, 183.

Vigouroua, 9, 137, 20 ? ,

279, 524.

Vot (R.), 59.

Voisin, 79, 182, 281, 357.

Vriès (W. de), 371.

Vurpas, 275.

Wahl, 524.

Wallemberg, 423.

Warnock, 446.

Wijnaends - Franchen,

81.

Zanietowski, 423.

Zimmern, 266.

Zozin, 435.

Hvreux, Ch. HEmseev, imp. - IE-1903.