(1903) Archives de neurologie [2ème série, tome 15, n° 85-90] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1903) Archives de neurologie [2ème série, tome 15, n° 85-90] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

AHCH<VES

DE Il

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALAt)tES Nill'IIVII ? UISlts ET Mentaux

roNDnr P,%It J.-111. CIIAICOT

NUltl.ll : li SOUS LA UItIILCIION UR 1111.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

z

F. RAYMOND

Professeur «le clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté de médecine

«le Paris.

COt.l.ADOHATItdllS P111NCIP1UX

Htt. ABAI)1E(J.), illiZAUL), BAU1NSKI, IIALLIT, BINÉ-SANGLE,

BLANCHAID (1t.). BI.1N, BOISSIKH (le.), ü0Nf.0Uli (P.), BOYER (J.), IHIIANU (M.),

IIIIISSAIII) (E.), 11110(IAIII)EL ( ? ), BRUNET (D.), BUVAT(J.-C.), G.1ERIER(G.)

CATSA II AS, r.ESTAN.CHAROiV^ARPENTIER, CHRISTIAN, COLOL1 AN, CONSTENSOUX,

CULLEHRE, DI ? I)OVE(61.), 17ENY, UI : VAY, 17UCANP, 1)(IVAL L (IVMTUme), FAUCHER,

I'EnE(UH.), fENAYIi0ll, 111 ? 11]tlltlt, )'t)Ar<COTTE,GAnNtEB(S.),tjnH) ! AULT,

GRASSET, H : IIlTE31B1'sliG, KttAVAL, K.OU1NDJY, LADAME, I.AKUnnZY,

LEGI141N, LEROY, 1,WOIII, 5lAüiLLE,'nIAliANUON, DE MONTYEL, MARIE (A.),

MIERZEJEWSK1, 61111ALLIü, MUSGItA VE-C.l.A Y, PARIS (A.), DE PERRY, PICQUÉ,

PH : )t)OET, 1't'rltES, REGIS, 11EGNARII (P.1. Itf : GNlEIt (P.), II1C11EU (11.), IioTe(N.),

ROY, SfGLAS, SÉRIEUX, SOLLIER, Z S01 QI1R«5, SOUTZO, TAGUET,

THUI.1E (11.),TltUELLE, Ul1110 LA,VALLON, VILLAItU, 1'OISIN(J.), YYON(P.),ZlMMERN.

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT ., J. NOIR

Deuxième série, tome XV. 1903.

Avec 11 figures clans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

1903

Vol. XV. Janvier 1903. N" 85.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANAT0M1E PATHOLOGIQUE.

L'état du fond de l'oeil chez les paralytiques géné-

raux et ses lésions anatomiques initiales et

terminales.

PAR LES DOCTEURS

P. KERAVAL,

Directeur-médecin

r. 1

G. IA'I1RT,

Médecin-adjoint

de l'asile d'Armentières.

HISTORIQUE

Ce n'est que dans la seconde moitié du xixe siècle que,

grâce à l'ophtalmoscope, les neuro-pathologistes purent

examiner le fond de l'oeil des paralytiques généraux. Dès 1853,

Lasègue, Moreau, Marcé, Dagonnet pratiquèrent cet examen,

mais ne laissèrent pas de documents concernant les altéra-

tions qu'ils purent observer.

En 1866, Bouchut, relatant trois observations de paralysie

générale, signale dans chacune d'elles l'existence de l'atrophie

papillaire.

Voisin, en 1868, note cinq fois l'atrophie de la papille, il

remarque, cinq fois, les artères ou leurs branches dilatées

ou flexueuses; altérations, ajoute-t-il, en rapport avec celles

des artères de l'encéphale. La même année, Magnan se livrait

à des recherches semblables, et ses conclusions étaient les

suivantes : 1° « Dans les deux yeux existe un liseré grisâtre

des deux côtés des vaisseaux qui émergent de la papille.

Cette altération est de la sclérose par propagation des parois

des vaisseaux de l'encéphale; 2° Il existe de l'oedème péripa-

pillaire sous forme de cercle brunâtre. » Altérations indi-

quées par Galezowski ; 3° Parfois, et au début de la paralysie

générale, la papille est hyperhémiée, les artères et les veines

AliCIIIVES, 2* séi@ie, t. XV. 1

2 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

sont dilatées. C'était pour lui le premier stade, l'anémie,

l'atrophie devant bientôt suivre. Il note 6 amblyopies mono-

culaires et trois cas d'amaurose absolue binoculaire.

En 1870, Tebaldi, sur 20 paralytiques examinés, ne trouve

qu'une fois le fond de I'oeil normal. En 1872, Noyés, presque

dans tous les cas examinés à l'ophthalmoscope, trouva des

lésions : la congestion, l'infiltration de la papille et de la

rétine, la papille floue, gris sombre, mal limitée, nuageuse,

de la névro-rétinite.

L'amaurose, connue depuis Calmeil, pouvait donc surve-

nir au cours de la paralysie générale, et, alors que Billod

n'en cite que trois cas sur 400 malades examinés, et que

Galezowski n'en ait trouvé qu'un seul sur 40 malades; Clifl'ort

Allbutt avait rencontré l'atrophie papillaire 41 fois sur 54

malades. 1

Jehn de Siegburg, un an plus tard, notait également

l'atrophie du nerf optique (4 fois des deux côtés, 3 fois d'un

seul côté, et 8 fois l'atrophie commençante), dans 19 p. 100

des cas. Raoult, dans sa thèse inaugurale, comptait, en 1877,

au nombre des symptômes de la paralysie générale, l'atro-

phie papillaire. Il avait examiné 167 malades et noté 18 fois

l'atrophie. Ach. Foville fils, la même année, s'occupait de la

question : « L'oeil peut être le premier lésé, on peut voir des

malades qui, pendant quelques années, n'ont présenté

comme symptôme unique que de l'affaiblissement puis de

la perte de la vue et qui sont des paralytiques généraux.

L'atrophie est tantôt blanche, tantôt grise. » Il en observait

quatre cas dans lesquels l'atrophie se serait propagée par le

nerf optique.

En 1879, paraissent la thèse de Boy et le mémoire de Dou-

trebente qui, ayant examiné 47 paralytiques généraux, tire

de cet examen les conclusions suivantes : « L'atrophie papil-

laire ou commençante ou confirmée se rencontre de 5 à

10 fois sur 100 cas. On remarque plus souvent des altérations

vasculaires telles que la dilatation des veines surtout, l'alté-

ration des parois et des tâches hémorrhagiques ou bien une

congestion généralisée du fond de l'oeil ».

Nettleship cite une observation où l'atrophie du nerf opti-

que précède les symptômes mentaux. Magnan avait d'ailleurs

déjà remarqué que l'atrophie blanc grisâtre du disque, chez

un homme âgé de 35 ans, avait été suivie neuf mois plus

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GENERAUX. 3

tard de troubles mentaux qui se développèrent au cours de

la paralysie générale.

En'1883, Hirschberg, s'occupant des troubles oculaires dans

la paralysie générale, s'exprime ainsi : « L'atrophie des nerfs

optiques se voit, mais rarement ; d'après Mendel, on ne la

rencontre que dans4à5 5 p.100 des cas de paralysie générale ».

Il cite l'observation d'un homme âgé de 44 ans, dont la

papille était blanche et trouble, d'un blanc grisâtre à l'image

droite, mais à limites nettes ; les vaisseaux étaient nor-

maux. Cet état indicateur d'une affection scléreuse et atro-

phique du tronc des nerfs optiques éveilla l'attention sur une

maladie du système nerveux, fit suspecter la paralysie géné-

rale qui s'affirma par la suite.

Uhthoff en 1883 observe un état de trouble (Trubung) plus

ou moins intense et symétrique qui intéresse à la fois la

papille et la rétine jusque dans ses parties périphériques,

chez 28 p. 100 des paralytiques observés (-180). Dans 8 p. 100

des cas, cet état se compliquait d'une hyperémie de la papille.

Enfin chez 8,2/3 p. 100 de ces malades existait une atrophie

du nerf optique.

Dans des recherches ultérieures, Uhthoff trouva des lésions

du fond de l'oeil chez 50 p. 100 des paralytiques examinés

(1130). <

Peltesohn, en ] 886, ne trouve que 3,06 p. 100 d'atrophie

papillaire. La même année, Siemerling en trouvait 6 p. 100.

Klein décrit en 1887 une rétinite paralytique 18 fois sur

42 malades, la décoloration de la papille une fois, deux fois

l'atrophie, une fois la papille de stase.

Wiglesworth et Bickeston, trois ans plus tard (1889) trou-

vent, sur 66 cas de paralysie générale, une minorité considé-

rable de névrites et d'atrophies optiques, consécutives au

développement des symptômes psychiques. Après être revenu

sur l'observation de inettlesliip que nous avons déjà citée,

ils y ajoutent celle-ci : « 111 Le malade devint aveugle plus

de deux ans avant l'apparition des symptômes mentaux;

2° Les mêmes accidents oculaires se produisirent chez une

autre malade, une femme âgée de 26 ans qui ne semblait

avoir qu'une manie pure et qui cependant succomba, douze

mois plus tard, à la paralysie générale ».

Gilbert Ballet, en 1893, rapporte un cas d'atrophie papil-

laire trouvée, avec Jocqs, sur 37 malades examinés. Neil

4 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Jameson Hepburn, de New-York (1895), publie quelques cas

de troubles oculaires avant même que tous les autres symp-

tômes de la paralysie générale ne fussent devenus nets :

1° Le nerf optique était décoloré, strié, présentait un aspect

voilé, puis une coloration bleuâtre, enfin une excavation et

une altération légères des vaisseaux de la papille ; 2° Aug-

mentation du tissu conjonctif de la rétine.

Le professeur Schmidt Rimpler signale, en 1898, des alté-

rations de l'oeil qu'il a trouvées plus que partout ailleurs

dans la paralysie générale. Après avoir signalé l'inégalité

pupillaire, la paralysie des muscles, l'atrophie du nerf opti-

que, il signale, d'après Furstner, des troubles ophthalmos-

copiques qui seraient la suite de foyers de ramollissement

dans le lobe occipital et les autres parties du cerveau. On les

observerait après ou pendant les attaques congestives de

concert avec la perte des fonctions visuelles. La même année,

Dawson et Rambaux publient leurs recherches concernant

40 paralytiques. Chez 30 d'entre eux l'examen ophthalmos-

copique fut possible et les auteurs trouvèrent 3 fois une

atrophie avancée, 1 fois une névrite optique, 3 fois un reli-

quat d'une névrite antérieure, 1 fois une légère neuroré-

tinite.

Reznikow enfin, publie en 1900, 6 observations de paraly-

tiques généraux ; s'occupant surtout des modifications du

champ visuel il conclue que le rétrécissement du champ

visuel est le signe le plus précoce, le plus sûr, le plus carac-

téristique du début des altérations du nerf optique lesquelles

sont très fréquentes chez les malades ; il se demande en ter-

minant quel est le processus pathologique qui préside au

développement de l'atrophie du nerf optique, il croit à l'exis-

tence d'une névrite optique interstitielle et donne la parole

à l'anatomie microscopique.

ÉTUDE CLINIQUE

Sur les 84 paralytiques généraux avérés qui se trouvaient

à l'asile d'Armentières au moment où nous avons com-

mencé cette étude, nous avons dû en éliminer une trentaine,

alités, gâteux, arrivés dans un tel état de marasme qu'il

était impossible d'attirer leur attention et de les examiner

convenablement, de sorte qu'en réalité il ne nous en est

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 5

resté que 51. Ces 51 malades, étaient tous des paralytiques

généraux arrivés à une période avancée de la maladie, c'est

dire que nous n'avons pu mesurer ni leur acuité ni leur

champ visuel, force nous a donc été de nous borner à l'exa-

men ophtalmoscopique.

Nous ne rapporterons pas ici par le détail les 51 observa-

tions de nos malades et nous renverrons le lecteur désireux

de les consulter à l'excellent travail de notre interne le

Dr P. Caudron 1. Qu'il nous suffise de dire qu'ils présentaient

la plupart des symptômes de la paralysie générale, qu'aucun

n'était tabétique, et que chez presque tous, l'alcoolisme était

le facteur étiologique signalé, la syphilis étant notée dix fois

la dégénérescence vingt-quatre fois.

Les lésions du fond de l'oeil que nous avons constatées

étaient«très variables comme intensité, nous'les avons rencon-

trées chez 42 de nos malades, soit dans la proportion de

82,35 p. 100.

Chez sept malades, dont la paralysie générale avait déjà

atteint une période avancée, nous avons trouvé des lésions

plus particulièrement accusées : trois fois l'atrophie blanche

bilatérale ; deux fois l'atrophie blanche de la papille de l'oeil

gauche, la papille droite étant moins atteinte. La papille

était tout à fait blanche et nacrée, éclatante à l'ophtalmos-

cope sans diminution notable de son diamètre, l'excavation

centrale un peu [plus marquée, la trame de tissu conjonctif

plus visible. Les vaisseaux étaient en quelque sorte ratatinés.

Une fois l'atrophie grise bilatérale.

Une fois de la scléro-choroïdite postérieure des deux yeux.

Le malade n'était pas myope, sa sclérochoroïdite était

moyenne ; quelques placards blancs, nacrés, avec quelques

vestiges de vaisseaux choroïdiens, une coudure des vaisseaux

rétiniens, quelques corps flottants, formaient l'ensemble

ophthalmoscopique. Comme troubles fonctionnels, le malade

nous dit avoir vu bien souvent des éclairs passer devant ses

yeux ; sa vision était assez bonne. Il serait peut-être témé-

raire d'inculper la paralysie générale, mais le manque de

myopie, dans ce cas, porte à croire qu'elle n'y est pas étran-

gère.

1 Caudron (P.). Le fond de l'oeil des paralytiques généraux et ses

lésions initiales. Thèse de Lille 1902. V Casson, éditeur, Lille.

6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Ces malades étaient tous alcooliques, cinq d'entre eux

présentaient des stigmates de dégénérescence, un était

syphilitique; il présentait de l'atrophie blanche bilatérale et

l'observation montre que la paralysie générale débuta chez

lui par la perte de la vue.

Ces sept cas constituent un premier groupe dans lequel

les lésions du fond de l'eeil étaient très accusées.

Les autres malades présentaient des lésions moins avan-

cées. La fovea centralis droite était chez l'un d'eux pâle et

blanche. La papille du même côté paraissait pâle, étalée,

comme lavée. Cet aspect de la papille, nous l'avons retrouvé

plus ou moins accentué chez 13 de nos malades. Ce n'était

plus la papille de l'atrophie grise, ce n'était pas non plus

l'aspect strié des .névrites optiques, l'aspect en était

simplement estompé, c'était en quelque sorte une papille

peu précise, n'ayant pas la teinte rosée de la papille normale,

les artères n'étaient pas filiformes. Les malades avaient

encore une acuité visuelle suffisante pour se diriger, pour

lire même, autant toutefois que leur état mental le permet-

tait.

Chez 22 autres malades l'aspect était quelque peu différent,

et la papille tantôt rosée, tantôt pâle dans toute son étendue,

tantôt blanchâtre en quelques points présentait un état flou

de ses bords interne, externe, inférieur ou supérieur qui

étaient indécis. Le bord nasal était le plus souvent intéressé.

Dans ces cas, la papille présente évidemment un degré

d'altération moindre que l'atrophie papillaire blanche, mais

le pas est vite franchi, et un de nos malades chez qui nous

avions constaté cet état flou de la papille, présentait, un mois

plus tard, une atrophie blanche très nette, tandis qu'il lui

était devenu impossible de se diriger.

Les lésions intéressaient inégalement les deux yeux chez

18 de ces 35 malades, chez les 17 autres, une seule "papille

était altérée, la droite dans 12 cas, la gauche dans 5.

' Chez 9 malades nous n'avons pas trouvé de lésion du fond

de l'mil, les uns étaient en rémission, les autres étaient

atteints d'une paralysie générale à évolution lente, 8 d'entre

eux étaient alcooliques, 2 étaient syphilitiques.

Les lésions que nous venons de décrire brièvement ne sont

pas absolument nouvelles ainsi qu'il est aisé de s'en rendre

compte en parcourant notre chapitre d'historique et la plu-

LE FOND DE l'(Ell, CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 7

part des auteurs qui y sont cités ont décrit comme nous,

l'atrophie grise et l'atrophie blanche de la papille, peut-être

ont-ils moins étudié la période de début de cette atrophie,

période marquée par l'état flou, lavé, de la papille tel que

nous l'avons rencontré chez de nombreux malades ; quoi qu'il

en soit nos recherches viennent se joindre aux leurs pour

démontrer péremptoirement lagrande fréquence des lésions

du fond de l'oeil chez les paralytiques généraux, lésions revê-

tant la forme d'une névrite optique interstitielle qui en évo-

luant fait subir à la papille une série de modifications allant

de la simple pâleur à l'atrophie blanche totale en passant

par l'état flou, le manque de netteté de ses bords, l'aspect

blanchâtre de ces mêmes bords et enfin l'atrophie grise

de la papille tout entière.

A mesure que nous observions ces lésions, deux questions

se présentaient à notre esprit : De quel agent étiologique

étaient-elles tributaires ? Fallait-il les identifier aux lésions

oculaires que l'on rencontre dans d'autres affections, dans le

tabes par exemple ?

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, tous nos malades

étaient alcooliques, quelques-uns étaient syphilitiques (il est

bien entendu que nous ne voulons pas dire que les autres ne

l'étaient pas, mais simplement que dans ces cas nos rensei-

gnements n'indiquaient pas la syphilis dans les antécédents).

Les altérations pouvaient donc relever d'un de ces deux fac-

teurs. Pour qui sait la multiplicité des formes que revêtent les

altérations syphilitiques de la papille, lesquelles sont tantôt

consécutives à des chorio-rétinites, tantôt semblables à

des atrophies tabétiques ou à des atrophies simples, le pro-

blème n'était pas facile à résoudre.

Raoul dans sa thèse, rapporte une partie des atrophies

observées, aux antécédents alcooliques de ses malades sans

se baser du reste sur des raisons bien importantes.

Comme dans les névrites alcooliques, nous avions bien

dans certains cas de la décoloration temporale de la papille,

mais dans d'autres, la décoloration occupait le bord interne,

supérieur ou inférieur; et enfin les lésions n'étaient pas

bilatérales.

Pour ce qui concerne la syphilis, nous n'avons pas observé

de lésions dechorio-rétinitepréatrophique chez nos malades,

nous n'avions pas affaire à des atrophies simples, les bords

8 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de la 'papille étant flou dans presque tous les cas, et l'acuité

visuelle des malades ne semblant pas diminuer proportion-

nellement à l'importance des lésions; le diagnostic n'est

donc à faire qu'avec les névrites atrophiques syphilitiques ;

mais ici encore nous nous heurtons aux plus grandes diffi-

cultés, ces névrites donnant à l'ophtalmoscope des images

analogues à celles que nous avons observées.

Il ne nous était donc pas possible de poser un diagnostic

étiologique certain.

D'autre part, l'atrophie papillaire de nos malades ressem-

blait à celle que l'on observe chez les tabétiques et nous

n'avons pas observé entre elles les différences signalées par

Raoult. (Selon lui, l'atrophie blanche des paralytiques diffère

de celle des ataxiques en ce que chez les premiers l'excava-

tion centrale est plus marquée et la trame conjonctive plus

visible.) De sorte que rien jusqu'ici ne nous permet de distin-

guer l'atrophie paralytique de l'atrophie tabétique d'après

l'examen ophthalmoscopique. ,

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

Notre étude clinique, bien qu'intéressante, n'aurait pas

revêtu l'importance qu'elle présente, si elle n'avait été com-

plétée par un examen anatomo-pathologique venant exercer

sur elle, en quelque sorte, un véritable contrôle tout en nous

éclairant sur la nature des lésions décelées par l'examen

ophthalmoscopique.

Trois autopsies arrivées à point nous ont permis de corro-

borer l'examen clinique; ce sont celles : 1° de deux malades

présentant des lésions peu intenses de la papille, l'un B... avait

cependant déjà de la blancheur de la papille, tandis que

l'autre S... présentait simplement l'état flou que nous avons

décrit; comme chez l'un et l'autre l'oeil gauche était d'appa-

rence normale, nous avons pu nous livrer à des comparai-

sons des plus profitables, entre l'état des quatre papilles

soumises à notre examen. (Dans les deux cas, l'autopsie a

été pratiquée moins de quinze jours après l'étude ophtal-

moscopique, de sorte qu'il n'a pu survenir dans ce court

intervalle de temps de modification profonde dans la struc-

ture de la papille, et que examens clinique et histologique

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 9

sont bien adéquats.) 2° Du malade V..., atteint d'atrophie

papillaire blanche bilatérale.

1° LÉSIONS INITIALES

Observation 1. - 13. J..., quarante-neuf ans, entré en août 1901,

donnait depuis six mois des signes d'aliénation mentale. Dégé-

néré, alcoolique (il était garçon brasseur), il se dit directeur de

brasserie, il vient de gagner cent mille francs à une loterie, il est

maire de son village, tout le monde l'aime ; il remplace le curé

quand celui-ci ne peut dire la messe. Idées, par conséquent,

absurdes de grandeur et de satisfaction. Quelques idées de persé-

cution viennent s'ajouter à ce tableau : on lui en veut, on lui vole

ses effets. Aucune systématisation. Mémoire abolie.

Signes physiques : marqués de paralysie générale. Tremblement

fibrillaire de la langue, des mains, des muscles de la face, achop-

pement syllabique ; réflexes exagérés. Athérome artériel.

Symptômes oculaires. -Réflexe cornéen normal, inégalité pupil-

laire en faveur de la pupille droite, réflexe pupillaire à la lumière

et à l'accommodation normal. Examen ophtalmoscopiqtze : oeil

droit : légère atrophie avec état vascularisé intense de la papille.

Demi-sphère externe très réfringente, nacrée ; demi-sphère interne

normale. L'oeil gauche paraissait normal. L'affection évolua

rapidement et le malade mourut dans le marasme le 16 avril 1902.

Vautopsie, pratiquée quelques heures après la mort, montra

que nous avions bien affaire à un paralytique général.

La calotte crânienne épaisse, non transparente, était adhérente

à la dure-mère, laquelle, de couleur nacrée, très congestionnée,

était perforée par d'énormes granulations méningiennes. Elle

était plus mince dans sa partie frontale. La pie-mère, très

congestionnée, surtout à gauche, était distendue par un liquide

séreux assez abondant.

Cerveau : Les circonvolutions et notamment les frontales étaient

atrophiées et les sillons paraissaient plus larges et plus profonds.

Elles étaient le siège d'érosions multiples, notamment au niveau

des circonvolutions frontales, érosions dues à l'enlèvement de la

pie-mère. Pas de lésions macroscopiques importantes de la

substance cérébrale. Vaisseaux : Athérome des artères basilaire

et sylviennes.

Les yeux ont été fixés sitôt après la mort dans de l'alcool à 95°;

les nerfs optiques dans le liquide de MùIIer. -

Après inclusion dans la celloïdine, nous avons pratiqué une

série de coupes longitudinales passant par le nerf optique, par la

papille et par la rétine. Ces coupes, traitées par l'hématoxyline,

la triple coloration de Biondi-Heidenhain, le bleu de méthylène, le

10 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

picro-carmin, l'éosine, la méthode de Van Gieson, nous ont permis

de constater l'existence des lésions suivantes :

OEil droit. - 10 Rétine : La couche des fibres nerveuses est en

certains points très altérée, les fibres y sont gonflées, diminuées

en nombre, particulièrement du côté temporal; ces lésions sont

surtout apparentes aux points où la couche des cellules nerveuses

présente des altérations plus intenses. De nombreuses cellules de

cette couche présentent en effet, à divers degrés, les altérations

ordinaires des éléments du système nerveux : le gonflement du

noyau et du protoplasme cellulaire semble être la lésion initiale,

c'est celle que nous avons rencontrée le plus souvent. On cons-

tate ensuite une ou plusieurs vacuoles du protoplasme, qui, dans

certaines cellules, présente un aspect aréolaire. Quand les lésions

du protoplasme ont atteint ce degré, le noyau est à la périphérie

de la cellule, fait le plus souvent hernie et son nucléole est accolé

à sa paroi ; bientôt, le noyau qui, jusque-là, se colorait bien par

l'alun à l'hématoxyline, devient incolore ; le protoplasme qui

l'entoure se désagrège, devient granuleux, et le prolongement

protoplasmique présente alors sur une certaine longueur le même

aspect; puis le protoplasme disparait et le noyau lui-même irré-

gulier de contour, complètement décoloré, est tout ce qui reste de

l'élément cellulaire.

Ces altérations apparaissent surtout marquées à environ 7 mil-

limètres du bord externe de la papille, mais on les trouve dissé-

minées un peu partout. Nous devons signaler maintenant l'exis-

tence d'un certain nombre de neuronophages, petites cellules à

noyau rond, à protoplasme rare, présentant un ou plusieurs pro-

l'ig. 1.

Coupe transversale de la rétine de l'mil droit du malade 13... Grossissement

'r10 diamèlres. Seules les couches des fibres et des cellules non ruses ont été représentées.

Les cellules neneu-es sont très altérées, lion nombre (['entre elles sont réduites a leur

noyau n, nombreux neuronophages d. les libres nerveuses, également altérées, nioliiii-

formes en o ont disparu en certains points a.

LE FOND DE 1,'CEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 11

longements, cellules dont la nature est très discutée et que nous

croyons être des cellules de névroglie. On les rencontre dans le

voisinage des cellules nerveuses plus ou moins altérées, accolées à

elles et semblant même çà et là les pénétrer.

Les lésions semblent surtout cantonnées aux cellules nerveuses

de la rétine, et les autres couches ne présentent pas de lésions

manifestes. Toutefois, leur épaisseur est de beaucoup inférieure à

celle que leur assigne Testut dans son Traité d'anatonaie.

Couche granuleuse interne : 24 au lieu de 35.

Couche intergranuleuse : épaisseur normale.

Fig. o

Coupe longitudinale de la papille et du nerf optique droit du malade B . . son

ciitieu dans le globe de l'cetl, Grossissement ai diamètres - La coupe passe par l,

paille ccnlialc du nerf; en a section lransvetsale (le l'aitere ceiiti-,tle. 1 ? iugtiieiitalioii du

iioniiiie des éléments, coiijoiietifs et néu-ogliques est frappante; en ri envahissement de

la papille par de nombreux elciiieiits conjonclils awyueh sont mêles des uGvco-

gliques ; eu amas de nos au>, llé%roglitlties très prolifères; en e les fibres neigeuses appa-

ratssenl ondulées, diminuées en nombre, aussi leur passage dans la rétine se fait-il brus-

quement déterminant la production tl un coude.

- 12 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Couche granuleuse externe : 3o (Jt au lieu de 60.

Couche des cônes et des bâtonnets : 30 x au lieu de 80.

2° Papille : Nous avons rencontré dans la couche des fibres ner-

veuses de la rétine un certain nombre de petites cellules de névro-

glie et des cellules conjonctives. Ces éléments apparaissent en

quantité plus grande au sur et à mesure qu'on approche de la

papille, et, à son niveau, ils sont d'une abondance extrême,

abondance qui varie selon les points de la papille examinés. C'est

ainsi que nous les voyons sur une coupe longitudinale du nerf et

de la papille passant par l'artère centrale (voir fig. 2) exister en

quantité moindre que dans la partie périphérique de la papille

(voir fig. 3) où en s, l'infiltration conjonctive est à son maximum ;

c'est d'ailleurs là le bord temporal de la papille où l'ophthalmos-

cope nous avait fait supposer l'existence d'une altération plus par-

ticulièrement prononcée.

Les éléments du tissu conjonctif existent en bien plus grand

nombre que les cellules de névroglie. Ce sont pour la plupart des

cellules conjonctives à noyau allongé, à masse protoplasmique

très effilée. Elles sont, le plus souvent, dirigées transversalement

par rapport aux fibres nerveuses, et paraissent provenir surtout

des parois des vaisseaux de la papille.

En effet, l'artère et la veine centrales de la papille (a, v, fig. 3),

qui apparaissent sectionnées transversalement, ont la couche

externe de leur paroi très épaissie. Elle est constituée par de

multiples couches concentriques de fibres conjonctives, autour

'desquelles existent de nombreux éléments cellulaires plus jeunes,

que l'on voit se détacher en quelque sorte des parois de l'artère

mais surtout de la veine pour pénétrer entre les fibres nerveuses.

Nous venons de voir que c'est surtout, ainsi que l'on peut le cons-

tater sur nos figures 2 et 3, vers le bord externe de la papille que

ces éléments conjonctifs existent en plus grande abondance.

Les capillaires sanguins de la papille sont nombreux, mais leur

paroi ne parait pas modifiée.

Nous avons dit qu'il existait également des cellules de névro-

glie, leur nombre est infiniment moins grand que celui des

cellules conjonctives, nous les trouvons, surtout du côté du bord

interne de la papille, moins envahi que l'autre par le tissu con-

jonctif ; elles possèdent un noyau volumineux, ovalaire, contenant

quelques granulations, entouré d'un protoplasme assez abondant.

En dehors de ces éléments, nous ne rencontrons pas de leuco-

cytes, et si nous avons trouvé la paroi des vaisseaux très hyper-

plasiée, il n'existait dans son voisinage aucun élément leucocy-

taire. 0

Les fibres nerveuses qui constituent la papille apparaissent bien

groupées en faisceaux du côté interne et elles ne semblent pas

LE FOND DE L'Q3(L CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 13

présenter en ce point d'altérations notables. Au niveau du bord

externe, il n'en est pas de même, et, ainsi que l'on peut s'en

rendre compte sur la figure 2, les fibres y sont diminuées en

14 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

nombre, groupées irrégulièrement, sinueuses et manifestement

altérées; l'atrophie papillaire apparaît dans toute son évidence au

point,où les fibres nerveuses se recourbent pour gagner la rétine,

et, où par suite de la diminution de leur nombre, il s'est constitué

un véritable coude bien apparent sur notre seconde figure.

Si nous considérons maintenant les fibres optiques au niveau

de la lame criblée, nous constatons qu'elles y sont également

entourées de nombreux éléments conjonctifs. Ces derniers, à l'état

de cellules conjonctives adultes, sont tous dirigés transversalement

et ils sont dus à une hyperplasie notable des éléments de la

partie antérieure de la lame criblée. Cette partie d'origine choroï-

dienne très peu importante, chez l'homme, d'après Berger, est

dans l'espèce, considérablement hypertrophiée. Les cellules con-

jonctives qui la constituent se mêlent au niveau des espaces

interfasciculaires à de nombreuses cellules névrogliques que nous

allons étudier en remontant vers le chiasma.

La partie de'la lame criblée d'origine sclérotique est formée,

comme à l'état normal, par de nombreux faisceaux de fibres

conjonctives ne semblant pas présenter d'altérations notables, et

les faisceaux de fibres nerveuses qui la traversent ne nous sem-

blent en aucun point étranglés. - .

3° Nerf optique : Sur une coupe longitudinale du nerf optique à

son entrée dans le globe de l'oeil, telle qu'elle est représentée,

figure 2, nous voyons que les couches de cellules névrogliques

qui, normalement, se trouvent rangées en séries le long de la

surface externe des faisceaux nerveux, sont beaucoup plus impor-

tantes que normalement; en g, par exemple, elles constituent de

véritables amas interfasciculaires. Leurs noyaux, bien colorés par

l'alun à l'bématoxyline, sont de volume et de forme variable ; le

plus souvent ovalaires, ils sont parfois arrondis ou réniformes, et

leur diamètre varie de S à 11 millièmes de millimètre, la plupart

en mesurant huit environ. Ils sont pourvus d'un nucléole très

réfringent, et contiennent en outre un fin réseau de chromatine.

Leur protoplasme est généralement abondant et les contours cel-

lulaires sont de forme irrégulière. Ces cellules sont pourvues de

prolongements multiples poussés dans tous les sens, présentant

tous les caractères des éléments névrogliques, nous les étudierons

d'ailleurs plus loin. Elles n'existent pas seulement entre les fais-

ceaux, et, à l'intérieur de ceux-ci, elles ont également considéra-

blement augmenté en nombre ; elles présentent là les caractères

que nous venons d'étudier. C'est surtout à la périphérie des petits

vaisseaux que la prolifération névroglique est intense ; c'est

d'ailleurs là qu'elle semble prendre naissance. Parmi ces nom-

breux éléments, un certain nombre présentent des altérations

diverses dont le dernier stade est la déformation et la décoloration

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GENERAUX. 15

du noyau. Alors que, au niveau de la papille, les éléments du

tissu conjonctif faisaient presque tous les frais de la prolifération,

ils passent ici au second plan et leur nombre est infime compara-

tivement à celui des cellules névrogliques. Les travées conjonc-

Fig. 4.

Coupe tmnsoer.sule du nerf optique droit du malade B..., pratiquée un centimètre

du chiasma. Grossissement : 10 diamètres.

On remarquera l'augmentation de volume des travées conjonctives et le grand nombre

des éléments conjonctifs et névrogliques. En a, amas de cellules conjonctives dans la

^aine du nerf; en n, cellules névrogliques iulra-fascicularres, représentées dans toute

1 étendue de la figure par un nombre correspondant de points ; elles sont surtout abon-

claiites près des capillaires, autour desquels elles lormcul de véritables mandions comme

eu ra; la plupart de ces cellules possèdent des prolongements, nous en avons représenté

quelques-unes fit/, 5, en n.

16 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

tives, bien qu'assez marquées, ne semblent pas, à ce niveau,

différer de la normale.

Les fibres nerveuses paraissent pour la plupart normales et les

lésions, en ce point, sont donc essentiellement dues à la proliféra-

tion du tissu interstitiel.

Dans sa portion iiiti,aci,a ? zieiz ? 2e. les altérations du nerf optique

sont les suivantes (voir fig. 4) : sur des coupes transversales du

nerf, on constate une augmentation de l'épaisseur des travées

conjonctives qui sont très riches en cellules et au milieu des-

quelles nous retrouvons les petits vaisseaux à paroi épaissie. La

gaine piale du nerf est également le siège d'une augmentation

des cellules conjonctives, qui forment comme en a par exemple

des amas considérables d'éléments pourvus de volumineux noyaux

ovalaires entourés d'un protoplasme peu abondant, accolés les uns

aux autres.

Ce qui frappe surtout, c'est l'augmentation du nombre des

cellules de névroglie péri et intra-fasciculaires. Alors que, norma-

lement, d'après Gowers, on ne trouve, dans la coupe transversale

d'un faisceau de fibres nerveuses du nerf optique, que quelques

cellules névrogliques, nous en comptons ici jusqu'à quarante; ces

cellules, disséminées entre les fibres nerveuses, accolées aux

capillaires autour desquels elles constituent comme en m de

véritables manchons, ou encore rangées le long des travées conjonc-

tives, sont, comme celles que nous avons décrites plus haut,

pourvues d'un noyau de 8 environ, d'un protoplasme abondant

et de prolongements qui atteignent jusqu'à dix fois la longueur du

corps cellulaire; en certains endroits, la trame névroglique se

trouve, de ce-fait, très den'sifiée, et nous trouvons même de véri-

tables petites plaques de sclérose évidemment constituées par la

réunion d'un certain nombre de cellules névrogliques. Les tubes

nerveux ne présentent pas d'altération évidente.

OEil gauche. - 1° Rétine : La rétine présente des altérations

multiples, diffuses, cantonnées à la couche des fibres et surtout à

celle des cellules nerveuses, au niveau de laquelle elles sont en

certains points plus accusées que celles décrites pour l'oeil droit.

Raréfiées en certains points, les fibres nerveuses sont réfractaires

à la coloration par la fuchsine acide, et, celles qui aboutissent aux

cellules malades sont profondément altérées ; leur aspect est

moniliforme, leur minceur extrême en certains points.

Dans la couche des cellules nerveuses, de nombreux éléments

sont profondément altérés, présentant à tous les degrés les modi-

fications étudiées pour l'oeil droit; les neuronophages existent

également. Pas de lésions évidentes des autres couches delà rétine.

2° Papille : Bien qu'infiltrée par d'assez nombreuses cellules

conjonctives et névrogliques, la papille présente un aspect très

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 17

différent de celle du côté droit. Les fibres nerveuses dans leur

ensemble paraissent normales et leurs faisceaux qui ne sont pas

noyés parmi les cellules de soutien, comme ceux de l'oeil droit,

sont très apparents.

L'artère et la veine centrales ont, il est vrai, une paroi épaissie,

mais les fibres conjonctives dominent et nous ne voyons point à

leur pourtour d'épais faisceaux de cellules conjonctives se dirigeant

dans toutes les directions.

Par contre, la partie interne de la lame criblée provenant de la

choroïde est le siège d'une évidente augmentation des cellules

conjonctives. Sa partie externe est d'apparence normale.

3 Le nerf optique, immédiatement en arrière de la lame criblée

présente une augmentation très marquée du nombre des éléments

névrogliques interfasciculaires qui sont de même forme, de

même nombre et affectent les mêmes rapports que ceux observés

pour l'autre nerf. Les cellules névrogliques intrafasciculaires ne

sont guère augmentées en nombre. La trame conjonctive est en

quelques endroits le siège d'une hyperplasie évidente, très limitée

du reste. Les fibres optiques ne présentent pas d'altérations bien

marquées.

Dans sa portion intracranienne, le nerf optique, sur des coupes

transversales, pratiquées à un centimètre en avant du chiasma,

présente une augmentation du nombre des cellules névrogliques

péri et intrafasciculaires; toutefois, le nombre de ces éléments est

toujours deux ou trois fois moindre que dans la région correspon-

dante du nerf optique droit.

Les travées conjonctives sont épaissies surtout à la périphérie,

au voisinage de la gaine, et les petits vaisseaux qu'elles contien-

nent ont leurs parois hypertrophiées, il en est de même pour la

gaine piale du nerf qui contient, quoique en moins grande abon-

dance que du côté droit, de nombreuses cellules conjonctives

adultes.

Observation II. S. A..., cinquante et un ans, célibataire, tis-

serand, entre à l'asile d'Armentières le 13 décembre 1901.

Sa mère est morte de « fièvre cérébrale ». Lui même est alcoo-

lique, il a eu du rhumatisme articulaire à l'âge de vingt-cinq ans.

Nombreux stigmates physiques de dégénérescence. Athérome

artériel. Il présente tous les signes de la paralysie générale à la der-

nière période. Sa mémoire est abolie, son inconscience est absolue.

Bredouillement, tremblement fibrillaire de la langue, des petits

muscles de la face, tremblement des mains. Réflexe rotulien

exagéré. Grande faiblesse musculaire. Gâtisme.

Symptômes oculaires : Réflexe cornéen aboli, inégalité pupillaire

en faveur de la droite, réflexe pupillaire aboli à la lumière et à

l'accommodation.

Archives, 2' séné, t. XV. 2

18 ANATOMIE PATHOLOGIQUE. ·

A droite la papille est pâle, décolorée et floue, à gauche son

aspect est normal. Le malade s'affaiblit rapidement, présente de

nombreuses attaques épileptiformes et meurt dans le marasme le

2 avril 1902.

L'autopsie nous montra les lésions suivantes :

Calotte crânienne : Epaisse, non transparente, adhérente à la

dure-mère.

Dure-mère. Nacrée, paraissant peu congestionnée, perforée par

de nombreuses granulations méningiennes, peu épaisse, particu-

lièrement mince dans la région frontale. Lors de sa section,

il s'écoule un peu de liquide séro-sanguinolent à droite et à

gauche.

La faux du cerveau présente dans son quart antérieur une

plaque osseuse ovalaire, à grand diamètre antéro-postérieur,

longue de trois centimètres, large de un centimètre, saillante

surtout sur la face gauche, du côté de laquelle elle semble s'être

développée. Il existe trois autres plaques osseusses beaucoup plus

petites situées postérieurement le long de la grande courbure de

la faux. Enfin, dans sa partie moyenne, une autre plaque, la plus

grosse de toutes, parait s'être développée sur la face droite.

Signalons également un certain nombre de petites exostoses

siégeant dans les loges antérieures et postérieures de la base du

crâne.

Pie-mère : Congestionnée au niveau des deux hémisphères,

distendue par du liquide d'oedème.

Vaisseaux : Basilaire non athéromateuse, non plus que la syl-

vienne.

Cerveau : La pie-mère se détache assez facilement des circonvo-

lutions ; elle y est adhérente au niveau des circonvolutions fronta-

les, la première surtout, qui sont atrophiées en même temps

qu'elles sont le siège d'érosions multiples. Les ascendantes sont

très peu altérées, n'ont pas d'érosions. Quelques rares érosions

sont disséminées un peu partout sur les lobes occipitaux. Ala coupe

du cerveau, rien de particulier à signaler.

L'examen histologique de l'écorce cérébrale, nous a permis de

constater les lésions ordinaires de la paralysie générale au niveau

des circonvolutions frontales et du cuneus notamment.

Les yeux et les nerfs optiques ont été fixés dans le liquide de

lllüller immédiatement après la mort. Après inclusion à la celloi-

dine, nous avons pratiqué des coupes longitudinales passant par

le nerf optique, la papille et la rétine et des coupes transversales

du nerf optique dans sa portion intracranienne.

OEil droit. 1° Rétine : Pas de lésions apparentes de la couche

des fibres nerveuses. La couche des cellules nerveuses présente

quelques éléments en voie d'altération, nous ne les décrirons plus,

Fig. 5.

m, Coupe transversale du nerf optique droit ou malade 5..., un centimètre en arrière

du globe ocul.me. Grossissement : Jll diamètres. On constate une légère augmentation

du volume des travées conjonctives interfasciculaires, les cellules névrogliques ililv.1-

lasoictilaii-es sont très augmentées en nombre; en n, coupe t nsrersalc du même nerf

pratiquée a un centimètre du cluasma; même giossisseiiieiit ; la prolifération des travées

conjonctives est extrêmement marquée, les petits wisscaua mtratravéculaircs ont leur

tunique e,teiiie épaissie, très nombreuses cellules de névroglie retiré-

sentées par des points nous en nombre correspondant. \ous en avons (îguié quelques-unes

en n (giossies 1 S-2S fois), la plupart sont très développées et possèdent de longs prolon-

gements.

En o, amas d'éléments du tissu conjonctif dans le voisinage d'un vaisseau de la gaine

I)talc du iiet-1.

20 0 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

l'ayant fait plus haut. Ces altérations distribuées d'une façon irré-

gulière, n'intéressent qu'une faible partie des éléments. Pas d'alté-

rations sensibles des autres couches de la rétine dont l'épaisseur

est normale.

2° Papille : Les fibres nerveuses sont d'apparence normale et leur

nombre ne semble pas diminué, mais elles sont infiltrées par de

nombreux éléments névrogliques et conjonctifs qui, toutefois, exis-

tent en abondance moins grande que dans la papille droite du

malade B... Nous ne retrouvons pas ici d'hypertrophie intense

des parois de la veine ni de l'artère; néanmoins de très nombreuses

cellules conjonctives existent autour d'elles; et il s'en irradie quel-

ques faisceaux très denses, dans des directions transversales par

rapport aux fibres optiques. Notons enfin que dans les' espaces

interfasciculaires de très nombreuses cellules de névroglie se

mêlent aux éléments conjonctifs.

Les vaisseaux capillaires de la papille constituent un réseau plus

riche que normalement, toutefois leur paroi n'est pas épaissie et

ils ne sont pas entourés de cellules conjonctives.

L'altération la plus frappante est l'augmentation des cellules

conjonctives qui constituent la portion choroïdienne de la lame

criblée; celle-ci se trouve constituer aux fibres optiques une trame

extrêmement densifiée. La portion sclérotique de la lame criblée

nous parait normale.

3° Nerf optique : Dans sa portion intra-oculaire, il présente les

altérations suivantes : augmentation notable des cellules névrogli-

ques intrafasciculaires dont le nombre augmente au sur et à mesure

que l'on remonte vers le chiasma. Les éléments névrogliques péri-

fasciculaires sont très peu abondants. On constate en outre l'épais-

sissement et l'augmentation du nombre des travées conjonctives :

Sur une coupe transversale du même nerf, pratiquée à un cen-

timètre du giobe oculaire (m, fig. 5), on peut constater l'augmen-

tation du nombre des cellules névrogliques intrafasciculaires, les

travées conjonctives sont d'épaisseur normale à ce niveau, par

contre elles sont extrêmement épaissies dans la portion inlracra-

nienne du nerf optique, en p (fig. 5), nous en avons représenté la

coupe transversale faite à un centimètre du chiasma, il est aisé de

se rendre compte de la véritable sclérose qui frappe le nerf, les

petits vaisseaux intratrabéculaires, ont leur paroi épaissie, enfin,

dans la gaine piale, nous constatons l'existence de nombreuses

cellules conjonctives qui constituent notamment dans le voisinage

des vaisseaux de petits amas, dont nous avons en o représenté un

spécimen. On voit, en outre, que les faisceaux nerveux sont très

riches en cellules de névroglie, ces cellules que nous avons décrites

plus haut, sont, pour la plupart très développées et possèdent de

nombreux prolongements, nous en avons en n représenté quel-

ques-unes.

LE FOND DE L*OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 21

La méthode de Marchi ne nous révèle aucune altération notable

des fibres nerveuses.

OEil gauche. 1° Rétine : Celte membrane parait peu altérée, et

nous ne voyons à signaler ici que quelques lésions cellulaires inté-

ressant peu d'éléments, distribuées irrégulièrement, et ne présen-

tant pas l'importance que revêtaient celles constatées dans la rétine

du malade B...

2° La papille présente peu d'altérations; pas d'atrophie des fibres

optiques. Nous constatons que la quantité de cellules conjonctives

et névrogliques, situées entre les fibres nerveuses, n'est que bien

peu supérieure à la normale, et nous ne trouvons pas d'épais fais-

ceaux conjonctifs semblables à ceux que nous avons signalés plus

haut.

Les vaisseaux présentent une légère hypertrophie de leur tunique

externe, mais ils ne sont pas entourés de tissu conjonctif, ni ne

paraissent être le point de départ d'éléments conjonctifs infiltrant

la papille. La lame criblée est notablement hypertrophiée dans sa

portion choroïdienne. 3° Quant au nerf optique, il présente, à un

degré moindre, les lésions que nous avons signalées pour le nerf

du côté droit.

2° LÉSIONS TERMINALES

OBs. III. V... J.-P., âgé de quarante-neuf ans, marié, entre à

l'asile d'Armentières en janvier 1902, c'est un ancien ouvrier mé-

canicien qui, environ trois ans auparavant, commença à perdre

la vue, son acuité visuelle s'affaiblit peu à peu avec des périodes

d'amélioration et d'aggravation, un an avant l'entrée le mal fit des

progrès et V... devint complètement aveugle.

A partir de cette époque, déclare l'enquête, « il éprouva un grand

chagrin de se voir dans cette situation et l'appréhension de ne

plus pouvoir travailler lui a tourné la tête » peu à peu sa raison se

troubla, des idées de grandeur apparurent : il ne parlait que

des richesses considérables qu'il possédait; il avait des millions,

80 voitures, etc.

Non dangereux jusque-là, il commença à s'exciter. « On tirera

sur les soldats, on tirera sur les enfants ! 1 », fit des menaces et dut

être interné d'urgence. Il présentait à l'entrée la plupart des signes

de la paralysie générale progressive.

Etat m6H<t"6s facultés. Perte de la mémoire. Idées de

grandeur absurdes : il avait 92 milliards et invitait les personnes

de son entourage à faire la noce avec lui dans 80 voitures, et à

manger cent millions de têtes de veau; l'instant d'après il disait

.n'avoir pas un sou. Excitation intermittente. "

Signes physiques très marqués. Tremblement fibrillaire de la

12 ) ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

langue, embarras de la parole. Tremblement des mains. Réflexes

rotuliens exagérés. Athérome artériel. /

Symptômes oculaires. Abolition du réflexe cornéen. Inégalité

pupillaire. Abolition desréflexes à la lumière et à l'accommodation.

Amaurose. L'examen ophtalmoscopique révéla une atrophie papil-

laire blanche des deux côtés.

L'évolution de la paralysie générale fut assez rapide et V..., très

amaigri, présentant une eschare sacrée succomba dans le marasme

le 29 juillet 1902 après un internement de six mois.

L'autopsie pratiquée trente-deux heures après la mort nous per-

mit de faire les constatations suivantes.

La calotte crânienne était assez mince et transparente dans la

région frontale, elle présentait à sa face interne le long de la gout-

tière longitudinale de nombreuses dépressions dues aux granula-

tions méningiennes.

La dure-mère était congestionnée, elle était affaissée dans la région

frontale. Non épaissie, elle adhérait au niveau du bord supérieur

des hémisphères aux méninges sous-jacentes.

La pie-mère de teinte opaline était également congestionnée, elle

adhérait fortement aux circonvolutions, et en essayant de l'en

détacher, on enlevait avec elle des fragments de substance grise.

Les circonvolutions cérébrales étaient atrophiées et la couche de

substance grise amincie, friable, couverte d'érosions. Il n'y avait

pas d'autre altération macroscopique de la substance cérébrale. Les

vaisseaux delà base, la basilaire notamment étaient athéromateux.

La moelle épinièrene présentait pas d'altérations macroscopiques.

L'examen histologique nous a permis de constater l'absence de

lésions systématisées des cordons postérieurs.

Les yeux ont été fixés quatre heures après la mort dans la solu-

tion de formol à 40 p. 1000, ce qui nous a permis d'étudier les

cellules nerveuses, la névroglie, la myéline à l'aide des méthodes

de Lenhossek et deWeigert.

Les nerfs optiques ont été fixés dans les mêmes conditions, par-

tie dans le formol, partie dans le liquide de Huiler en vue de leur

examen par les méthodes de Weigert et de Marchi.

Les deux yeux présentant les mêmes lésions, nous n'avons fait

porter notre examen que sur 1'(eil droit, réservant l'autre pour

des recherches qui pourraient être nécessaires ultérieurement.

OEil droit. Après inclusion dans la celloïdine, nous avons

pratiqué une série de coupes longitudinales passant par le nerf

optique, la papille et la rétine, coupes parallèles au méridien hori-

zontal, intéressant par conséquent la région de la macula. Ces

coupes ont été traitées par la plupart des méthodes de coloration

que nous possédons,. et leur examen nous a révélé les altérations

suivantes :

LE FOND DE L'Q71L CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 23

1° Rétine. Cette membrane se montre très altérée dans toute

son étendue.

a) La couche des fibres nerveuses présente de notables altérations

la plupart des cylindraxes sont irréguliers, variqueux, réfrac-

taires à toute coloration, leur nombre est très diminué et en

quelques points ils ont totalement disparu,

b) La couche des cellules nerveuses est celle qui présente le ma-

ximum d'altérations. Sur un grand nombre de préparations il n'est

plus possible de retrouver même la trace des cellules nerveuses

qui ne sont plus représentées, en quelques endroits fort rares, par

des débris informes; à leur place, nous trouvons d'innombrables

cellules de névroglie de volume et de forme variables, à noyau

volumineux, le plus souvent arrondi, mesurant de 4 à 8 de dia-

mètre. La figure 6 montre bien l'envahissement de la couche des

cellules nerveuses par ces éléments tous pourvus de proto-

plasma et de nombreux prolongements qui pour éviter toute sur-

charge, n'ont pas été représentés.

c) Les autres couches de la rétine ne présentent pas d'altération

bien évidente et leur épaisseur respective ne s'écarte 'guère de la

normale.-

2° La papille présente au plus haut point, les lésions de la sclé-

rose la plus caractérisée. Quel que soit le point que nous exami-

nons, la lésion revêt la même intensité; c'est en vain qu'on

recherche les faisceaux nerveux constitutifs, tout élément noble a

disparu : On ne trouve plus de fibres nerveuses, et la papille n'est

plus constituée que par des amas d'éléments névrogliques et con-

jonctifs tassés les uns contre les autres. Les cellules de névroglie

qui semblent être les plus nombreuses présentent les caractères

Fig. 6.

Coitl)e tj*aiisve,s(tie (le la 2,éliie (le I'oeil (li,oit tlti iialade '..., au iii%,catl du I)oiLI

de la macula. Seules sont représentées ici la couche des fibres et des cellules nerveuses

et une paitie (le la couche granuleuse interne. Les cellules nerveuses ont disparu,

à leur place nombreuses cellules de névroglie : Gr. - 300.

24 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

propres à ces éléments, nous les avons déjà étudiés dans les obser-

vations précédentes, elles sont pour la plupart orientées longitudi-

nalement. Les cellules conjonctives en nombre également considé-

rable ont plutôt une orientation transversale ce qui s'explique par

leur provenance, si en effet on examine la figure 7, on voit très

nettement leurs traînées partir de la gaine des vaisseaux et se diri-

ger perpendiculairement par rapport à la direction du nerf

optique. Cette figure qui représente une coupe longitudinale pas-

sant par le nerf optique, la papille et la région avoisinante de la

rétine du côté nasal , montre mieux que toute description, à quel

point la prolifération des éléments conjonctifs et névrogliques est

intense, on y voit ces éléments envahir complètement la partie voi-

sine de la rétine où en M, par exemple, la couche des cellules

nerveuses qui ne contient plus un seul élément nerveux présente

une quintuple rangée de cellules conjonctives et névrogliques. Ces

cellules nous les trouvons en égale quantité, aussi bien dans le

segment interne p que dans le segment externe e de la papille,

elles existent notamment dans le voisinage des vaisseaux et on en

peut voir un en e qui présente autour de sa paroi épaissie un

grand nombre d'éléments proliférés.

Au niveau de la lame criblée, les lésions revêtent la même inten-

sité, et les éléments conjonctifs provenant tant de la choroïde que

de la sclérotique sont en nombre considérable et ne laissent plus

constater au milieu d'eux l'existence de fibres nerveuses (voir

fig. 7).

3° Le nerf optique est altéré dans toute son étendue et dans tous

ses éléments. Ce qui frappe tout d'abord, soit qu'on examine une

coupe transversale, soit qu'on examine une coupe longitudinale,

c'est l'énorme prolifération des éléments névrogliques ; sur des coupes

colorées par l'alun à l'hexatoxyline, les noyaux de ces éléments

sont bien mis en évidence ; arrondis, plus souvent ovalaires, par-

fois irréguliers, leur volume est très variable et leur diamètre peut

mesurer 8 à 10 et même 14 , ils sont pourvus d'un nucléole

et contiennent de nombreux grains réfringents. Le protoplasme

qui les entoure est peu'abondant, il en part de nombreux prolon-

gements grêles et raides, de longueur variable.

Les figures 8 et 9 montrent à quel point le nombre de ces élé-

ments est considérable : là où normalement il n'y a qu'une dizaine

de cellules de névroglie, nous en trouvons ici près de cent.

Le tissu conjonctif est également très abondant; l'épaississement

.des travées conjonctives est très marqué ainsi que l'on peut s'en

rendre compte à l'examen des figures (t fig. 8 et 9).

Ce qui précède est également vrai, quel que soit le point du

nerf optique que l'on considère. Les figures 8 et 9 représentant du

reste ce nerf en quelque sorte aux deux extrémités de son trajet,

montrent bien que près de l'oeil comme au voisinage du chiasma,

Fi,q. 7.

Coupe longitudinale passant par le nerf optique, la papille et la région nroisinanle de la ? tétine parallèlement au méridien horizontal de

1, £ Pil droit du malade V... ; a, artère centrale ; v, veine; c, petit vaisseau entouré de nombreux éléments conjonctifs; 7, rétine avec ses diffé-

rentes couches; 7), couche de cellules nerveuses de la rétine au niveau de laquelle on ne rencontre plus que de très nombreux éléments conjonc-

tifs et nevrogliques; p, segment interne de la papille; e, segment wlrrne complètement envahis par les éléments conjonctifs et nevroglntues

proliférés : Gr. - 251 diam. su

26 6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

la lésion est extrêmement accusée. Toutefois, il semble bien que

la prolifération névroglique soit plus intense à mesure qu'on

remonte vers le cerveau.

L'état des fibres nerveuses du nerf optique nous intéressait au

plus haut point, et nous avons cherché par les différentes méthodes

à nous rendre un compte exact des altérations qu'elles avaient pu

subir.

Traitées par la méthode de Weigert pour la myéline, les coupes

transversales du nerf optique apparaissent presque uniformément

jaunâtres, les fibres nerveuses encore entourées de myéline, étant

très raréfiées, c'est à peine si pour un faisceau on trouve une quin-

zaine de grosses fibres à myéline et une trentaine de fibres fines,

qui présentent la coloration brune caractéristique ; elles ne sont

pas également réparties, et les faisceaux périphériques sont plus

Fig. 8.

Coupe longitudinale du nerf optique droit du malade 1'..., à son entrée dans le

globe oculaire, l, travées conjonctives; n, cellules de névroglie dont nous n'avons

'igui'uquo)canou\. : Gt'.= : 372diamuh'es.

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GENERAUX. Il Î

riches en fibres d'apparence normale que les faisceaux centraux.

Dans la partie inférieure de la figure 9 qui représente une coupe

transversale du nerf optique à un centimètre du chiasma, nous

avons figuré par un nombre de points correspondant, les fibres à

myéline colorées par la méthode de Weigert, on peut y juger de

leur rareté (m fig. 9).

Nous avons également traité notre nerf optique par la méthode

Fig. 0.

Coupe transversale du nerf optique droit à un centimètre du chiasma. Dans la

parlic supérieure, nous avons représenté les élémenls névrogliques d'après une prcpa-

ration colorée par l'alun à 1 liénialoxvliiic. La partie inférieure montre les fibres à.

mydlmc restant d'après une préparation traitée par la méthode de Weigert pour la

mjélme. travées conjonctives épaissies ; n, faisceaux, nerveux complètement remplis

de cellules de névroglie dont les uojau\ sont représentés par des points; m, faisceaux

nerveux où. nous avons figuré les fibres à myélmc, elles sont on le voit extrêmement

rarifiées : Gr. - 1.u diamèlres.

28 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

de Marciu et nous en avons débité les fragments en coupes trans-

versales et longitudinales, nous avons alors pu constater l'exis-

tence d'un certain nombre de fibres présentant de la désorganisa-

tion de la gaine de myéline avec formation des boules colorées

en noir, si caractéristiques; le nombre de ces fibres altérées est

beaucoup plus grand dans les faisceaux centraux que dans les fais-

ceaux périphériques, ce qui vient cadrer en quelque sorte avec les

résultats fournis par la méthode de Weigert. (Le nombre peu con-

sidérable de fibres dont l'altération est démontrée par la méthode

de Marchi ne doit pas nous surprendre étant donné l'ancienneté

(trois ans) de la lésion).

Le nerl optique de V.... bien que moins riche en fibres nerveuses

que normalement, étant donné la sclérose conjonctive et névroglique

dont il est frappé, contient une grande quantité de cylindraxes

dépourvus de myéline et présentant eux-mêmes des altérations

plus ou moins profondes, bon nombre d'entre eux sont même dif-

ficilement perceptibles au milieu des nombreux éléments prolifères.

Des examens microscopiques qui précèdent nous retien-

drons les points suivants : .'

Chez nos trois paralytiques généraux, nous avons trouvé

à des degrés différents des altérations diffuses, non systé-

matiques, intéressant : 1° la rétine, 2° la papille, 3° le nerf

optique ;

10 La rétine présentait des altérations de la couche des

cellules nerveuses caractérisées par une série de modifica-

tions : gonflement nucléaire, désintégration protoplas-

mique, etc., entraînant la destruction de ces éléments; alté-

rations tout à fait semblables à celles qui frappent les

cellules nerveuses de l'écorce dans la paralysie générale.

2° La papille dont les fibres nerveuses disparues dans un

cas étaient atrophiées dans un autre, était en outre envahie

plus ou moins par les éléments proliférés des tissus con-

jonctif et névroglique, infiltration allant du degré le plus

faible jusqu'à la sclérose. L'artère et la veine centrales pré-

sentaient elles aussi un épaisissement variable de leur

tunique externe.

3° Le nerf optique enfin était le siège d'une prolifération

plus ou moins grande du tissu interstitiel : augmentation

considérable du nombre de ses cellules névrogliques, épais-

sissement des travées conjonctives, prolifération des cellules

conjonctives de sa gaine piale, altérations diverses des fibres

nerveuses.

LE FOND DE L'OEIL CHEZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 29

Si nous rapprochons maintenant les résultats de notre

étude histologique des données fournies par l'examen

ophtalmoscopique, nous trouvons que, à des lésions pro-

noncées constatées cliniquement, correspondaient des alté-

rations avancées des éléments anatomiques, et qu'à des

lésions à peine perceptibles à l'ophtalmoscope correspon-

daient des altérations moins avancées, mais déjà notables de

ces mêmes éléments. En effet, chez le malade B... la demi-

sphère temporale de la papille droite était très réfringente,

presque nacrée et nous avons vu, grâce à l'examen histolo-

gique,que cette même région était le siège d'une proliféra-

tion du tissu conjonctif incomparablement plus prononcée

que dans tout autre point. Chez le malade S..., les lésions

étaient moins prononcées, l'ophtalmoscope annonçait sim-

plement une papille pâle décolorée et floue, le microscope

nous a montré une prolifération des éléments conjonctifs

beaucoup moins marquée que dans le premier cas. Dans l'un

et l'autre cas enfin, l'oeil qui paraissait normal à l'examen

ophthalmoscopique présentait quelques-unes des lésions

rencontrées du côté malade, mais à un degré beaucoup

moindre.

L'histologie nous permettait-elle de déterminer la nature

de ces lésions ? Nous ne tenterons pas quant à présent de

différencier les altérations des cellules nerveuses de la rétine

de celles que l'on rencontre dans les autres affections et plus

particulièrement dans le tabes. Pour ce qui concerne la

névrite interstitielle, la prolifération du tissu conjonctif,

l'épaississement de la paroi des vaisseaux plaidaient égale-

ment pour une origine alcoolique ou syphilitique et il ne

fallait pas songer à rapporter à l'une plutôt qu'à l'autre de

ces causes les lésions observées.

- Par contre, quelques faits acquis nous permettent de les

distinguer de celles observées dans le tabes. En effet, comme

l'ont montré Grosz, Elschnig et Moxter entre autres, la

névrite du tabes débute à la périphérie et les altérations

diminuent d'intensité au sur et à mesure qu'on remonte vers

le cerveau, c'est ainsi que dans un cas que nous étudions

actuellement, la sclérose périvasculaire extrêmement mar-

quée dans le voisinage du globe oculaire l'est infiniment

moins près du chiasma; dans les cas de névrite paralytique

que nous avons examinés, les lésions sont au contraire dis-

30 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

séminées, et les altérations du nerf optique suivent plutôt

une marche descendante qu'une marche ascendante comme

dans le tabès ; les lésions parenchymateuses sont moins

marquées dans la paralysie générale; enfin sur une section

transversale du nerf optique le tissu de sclérose apparaît

sous forme d'îlots périvasculaires non reliés entre eux dans

le tabès tandis que dans la névrite paralytique c'est le réseau

entier des capillaires qui est le siège de sclérose, celle-ci

serait en somme insulaire dans le tabes et annulaire dans la

paralysie générale. Nous aurons du reste l'occasion de reve-

nir sur ces différences ultérieurement.

CONCLUSIONS

De l'examen ophtalmoscopique de nos 51 paralytiques

généraux il ressort ce qui suit :

I. La majorité de ces malades hommes, internés à

l'asile d'Armentieres présentent de notables lésions du fond

de l'oeil; il n'y a guère que ceux qui sont en rémission qui

n'en présentent point.

IL -On trouve chez 7 malades dont la paralysie générale

a déjà atteint une période avancée, 5 fois de l'atrophie papil-

laire blanche, une fois de l'atrophie grise, une fois une sclé-

rochoroïdite postérieure bilatérale sans myopie.

III. - On rencontre encore un état de la papille pâle,

comme lavée, chez 13 paralytiques.

IV. Chez 22 autres on observe un aspect flou d'un seg-

ment de la papille, soit externe, soit interne, soit inférieur,

soit supérieur, avec bord indécis. Ces deux aspects sont des

états préliminaires de l'atrophie papillaire.

V. Enfin, chez les paralytiques généraux en rémission

ou atteints d'une forme lente à longue évolution, il a été

impossible de trouver aucune lésion ophtalmoscopique.

VI. L'examen ophtalmoscopique a été en tous points

confirmé par l'examen microscopique, il s'agit, même dans

les cas les moins accentués, d'une papillite et 4'une névroré-

tinite présentant les mêmes caractères que la méningo-

LE FOND DE l'OEIL CHLZ LES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX. 31

encéphalite chronique diffuse : infiltration des éléments

nobles de la papille et du nerf optique par des cellules

conjonctives et névrogliques, épaississement de la trame con-

jonctive du nerf, altérations diffuses des cellules ganglion-

naires et des fibres nerveuses de la rétine susceptibles de

déterminer dans les cas les plus avancés la destruction

totale des cellules nerveuses de la rétine et la production de

la sclérose papillaire.

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Archives de Neurologie, juin 1902.

Assistance DES épileptiques.

La Lanterne du 3 décembre rapporte le fait suivant : Henri

Séchet, âgé de vingt-six ans, épileptique, à demi-idiot, habitant t

Yrré-le-Polin (Sarthe), a trouvé la mort dans d'horribles circons-

tances. Le pauvre diable avait élu domicile dans une vieille mai-

son en ruine, dont il ne subsiste plus guère que le four, très vaste,

où Séchet couchait et dans lequel il n'hésitait pas à allumer du

feu. Une voisine inquiète de ne pas voir l'idiot eut l'idée de se rendre

aux ruines. Elle trouva le malheureux en proie à d'horribles dou-

leurs. Un médecin, mandé en toute hâte, constata que l'infortuné

portait des brûlures au dos, à la poitrine, à l'abdomen et au ventre.

Pendant cet examen médical, Séchet rendit le dernier soupir. On

suppose qu'il se sera endormi alors que le feu était encore allumé

dans le four et que, pendant qu'il était en proie à sa crise d'épilep-

sie, ses vêtements se seront enflammés. D'où la nécessité de

l'Hospitalisation des Epileptiques.

CLINIQUE MENTALE.

Note sur l'évolution des obsessions et leur passage

au délire ' ;

Par le D'J. SÉGLAS,

Médecin de l'hospice de Bicêtre.

S'il est une question sujette, aujourd'hui encore, à bien

des controverses, c'est celle de l'évolution des obsessions.

L'opinion généralement admise en France, d'après l'ensei-

gnement de Falret, de M. Magnan, est que l'obsession

n'évolue pas, ne se transforme pas, n'aboutit jamais au délire

proprement dit.

Cette proposition me paraît très discutable. En 1889, je

signalais déjà à la Société médico-psychologique 2 des

exemples montrant que les obsessions pouvaient déterminer

à leur suite l'apparition d'un véritable délire. A plusieurs

reprises, dans mes leçons cliniques, à la Société médico-

psychologique, j'ai exprimé à nouveau cette opinion 3.

Charpentier,, Pitres et Régis', Lalanne sont, je

crois, seuls en France à partager cette manière de voir'.

A l'étranger, au contraire, elle est beaucoup plus répandue

et l'on pourrait, entre autres noms, citer à ce propos ceux

de Wille, Mercklin, Sommer, Schuele, Heilbronner, Mielile,

Ventra, Bianchi...

' Communication au Congrès des aliénâtes et neurologistes de Gré'

noble, août 1902.

2 Séance du 27 mai 1889, In An», cnecl.-psych.

3 J. Séglas. Soc. ntéd.-psych., séance du 20 lévrier 1901.

* Charpentier. Congrès inlem. de méd. mentale, 1889.

5 Pitres et Régis. Rapport au Congres de Moscou, 1897.

° Lalanne. Rapport au Congrès de Grenoble. 1902.

7 Dans son livre sur les Obsessions et la I)sychaslhéiiie, paru depuis

cette communication, M. Pierre Janet émet aussi le même avis.

AITCIIIVES, 2- Série, t. XV. 3

34 CLINIQUE MENTALE.

Ici, comme en toutes choses, il faut laisser parler les

faits ; ils me semblent, d'ores et déjà, suffisamment nom-

breux et démonstratifs pour lever tous les doutes sur le pas-

sage possible de l'obsession au délire confirmé. C'est cette

évolution qui fera le sujet de ce travail, dans lequel je me

bornerai à exposer les déductions qui résultent de mes

observations personnelles (21 ).

Ces observations ont été l'objet d'une sélection attentive.

Il faut, en effet, se garder de confondre avec les obses-

sions vraies, ce que M. Magnan appelle les idées obsédantes

ou plutôt idées fixes, prévalentes, prépondérantes (Koch,

Verniclce), dont la note principale est d'être toujours mé-

connues par le sujet.

D'un autre côté, il convient de bien analyser les rapports

intimes des obsessions avec les phénomènes psychologiques

concomitants. En effet, s'il est bien fréquent d'observer à la

fois chez un même sujet des obsessions et d'autres symp-

tômes délirants, la portée de ces observations n'est pas tou-

jours la même.

Le plus souvent, il ne s'agit que d'une simple coexistence.

L'obsession et le délire ne sont pas directement reliés l'un

à l'autre. Ils n'ont d'autre rapport que le terrain commun, de

prédisposition, sur lequel ils se sont développés et évoluent

chacun pour son compte.

Tous les faits de ce genre ont été soigneusement éliminés

de notre étude, pour nous limiter à ces autres cas, sans

doute plus rares, mais beaucoup plus curieux, dans les-

quels le délire se manifeste comme une émanation directe,

une transformation progressive de l'obsession, dont il est

parfois possible de saisir sur le fait et d'analyser les phases.

III. Les formes psychopatiques auxquelles peut aboutir

l'obsession varient suivant les circonstances. Ce sont, en

général, la mélancolie, la confusion mentale et le délire

onirique, les délires systématisés.

(a) Mélancolie. Plusieurs cas sont à distinguer :

1° Les uns, peut-être plus nombreux, mais moins intéres-

sants, sont ceux dans lesquels le passage de l'obsession à la

vésanie ne se fait que d'une façon indirecte. Ce sont, par

exemple, ceux dans lesquels on voit se développer chez un

obsédé, sous l'influence de causes banales, un accès mélan-

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. 35

colique s'accompagnant d'idées délirantes dont la teneur

rappelle les obsessions antérieures.

11m° ..., atteinte de folie du doute, de scrupules religieux, de

doutes sur la valeur de ses confessions, etc., vient à tomber à la

suite d'une couche, de la mort de sa mère, d'embarras d'argent

survenus au même moment, dans un accès mélancolique anxieux

avec idées délirantes de culpabilité et de damnation.

D'autres fois, les obsessions ne jouent que le rôle d'une

cause occasionnelle banale, comparable à celui d'une émo-

tion morale quelconque, dans la production d'un accès épi-

sodique de mélancolie, survenant à titre de complication.

Une dame neurasthénique, atteinte de maladie du doute depuis

plusieurs années, se trouve assez incommodée de ses obsessions

réitérées pour ne pouvoir plus s'occuper de sa maison, de ses en-

fants. Se sachant malade, elle s'inquiète de ne pas guérir, elle se

voit désormais incapable de rendre les services qu'on est en droit

d'attendre d'elle, et finalement, tombe dans un véritable accès mé-

lancolique avec idées de ruine, d'auto-accusation.

Ces deux variétés de cas sont à mettre à part et à distin-

guer de ceux dans lesquels l'obsédé arrive directement .à la

mélancolie par accentuation progressive des symptômes de

l'obsession. -

Cette transformation peut se faire rapidement pour abou-

tir à la production d'un accès aigu de mélancolie, le plus

souvent de forme anxieuse.

Ces accès de mélancolie, une fois constitués, ne diffèrent

guère en eux-mêmes des accès vulgaires. Leurs traits par-

ticuliers résident seulement dans leur mode d'apparition et

dans le caractère qu'ont les idées délirantes de n'exprimer

que la transformation, l'accentuation des anciennes obses-

sions.

111 ? B..., trente ans, est tourmentée depuis plus de dix ans par

des obsessions diverses qui n'ont fait que s'accentuer avec l'àge :

agoraphobie, et surtout doute, scrupules religieux entraînant des

confessions répétées, délire du toucher, craintes de toucher aux

objets malpropres et de devenir un agent de contamination...,

obsessions presque incessantes depuis plusieurs mois; et les crises

angoissantes auxquelles elles donnaient lieu, ont fini par faire place

à un état d'anxiété continuelle, jour et nuit. La malade n'est plus

en état de discuter ses obsessions et bientôt apparaissent sponta-

36 CLINIQUE MENTALE.

nément des idées délirantes de culpabilité, de damnation (elle est

une empoisonneuse, elle est damnée, elle est Satati...) qui dui-èi-etit

pendant huit mois.

En pareille occurrence, il importe de distinguer soigneu-

sement ces états mélancoliques des crises d'obsessions subin-

trantes, qui semblent empiéter les unes sur les autres et

déterminer un véritable état de mal obsédant dont la durée

peut se prolonger des semaines et même des mois, en revê-

tant les apparences d'un véritable accès vésanique2.

Dans d'autres cas, la marche est moins aiguë et l'on assiste

à une évolution progressive de l'obsession vers un délire

mélancolique caractérisé (délire systématisé secondaire). Le

malade, comme le dit Schuele, accepte l'idée obsédante qui

prend place au milieu de ses autres pensées ; la séparation

disparait et l'idée obsédante devient un délire véritable. C'est

ainsi qu'on voit certains malades passer du doute à la

croyance, d'un simple scrupule conscient à l'auto-accusation

délirante=.

Mmo R..., trente-deux ans, avait déjà, étant jeune fille, lu

crainte d'une grossesse si elle se mariait, à cause des douleurs

de l'accouchement. Après son mariage, contracté à rage de vingt

ans, cela devint une véritable phobie. Malgré la cessation de tous

rapports sexuels, les obsessions persistèrent, revêtant la forme

d'une sorte de maladie du doute avec délire du toucher : craintes

de toucher la literie, le linge de son mari de peur d'y rencontrer

des taches de sperme et des poussières qui, en se détachant,

auraient pu se déposer sur elle et pénétrer dans la matrice.

Doutes incessants, interrogations réitérées à ce sujet, sans arriver

à calmer l'angoisse. Lavages répétés des mains, des organes

génitaux; port d'une sorte de ceinture de chasteté recouverte de

deux pantalons étroitement fermés et serrés aux genoux, pour

calmer les crises angoissantes, dont la volonté et le raisonnement

sont impuissants à la débarrasser, bien qu'en dehors des paroxys-

mes elle les juge dénuées de fondement.

Plus tard, crainte du contact de tout individu du sexe mas-

culin, dans la rue, en omnibus. Elle ne peut sortir qu'accompa-

gnée d'une femme de chambre, et cette précaution n'évite pas les

interrogations consécutives, les doutes angoissants. Elle en arrive

' Ne pouvant rapporter ici les observations détaillées, nous nous bor-

nons à indiquer les traits principaux en rapport avec l'évolution symp-

tomatique. -

= J. Séglas. Lefons cliniytces, p. 8f,

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. 37

même à la peur de rencontrer des chiens, qui pourraient éjaculer

sur ses vêtements. -

Les choses étaient restées dans cet état, lorsqu'il y a deux ans, à

la suite d'une période pendant laquelle les obsessions avaient

été plus intenses, plus répétées, l'anxiété presque continuelle,

llm° R..., à l'occasion de ses règles, très normales cependant, ma-

nifeste l'idée qu'elle fait une fausse couche, suivie rapidement

d'une série d'idées, de teinte mélancolique, franchement déli-

rantes. Elle est enceinte sans savoir de qui ni comment. Elle

est une prostituée; elle s'est fait avorter; craintes de poursuites,

du déshonneur, de la ruine pour sa famille, de la damnation.

Elle est un monstre, elle fait horreur à tout le monde, etc. Tenta-

tive de suicide.

Aucun changement pendant dix mois. A cette époque, nou-

velles idées délirantes hypocondriaques. Elle a la matrice désor-

ganisée, le ventre gangrené. C'est la conséquence de son avorte-

ment, la punition de sa faute...

Peu à peu l'anxiété se calmp, les idées délirantes persistent,

mais gravitent dans un cercle de plus en plus restreint; rabâ-

chage monotone; l'état de la malade rappelle celui des gémis-

seurs de Morel.

(b) Confusion mentale; délire onirique. Il n'est pas

exceptionnel de voir l'obsession déterminer certains états

délirants auxquels on pourrait appliquer l'épithète générale

de confusion mentale.

Cette confusion mentale résulte de deux éléments : d'une

part, torpeur, impuissance intellectuelle ; de l'autre, auto-

matisme des idées aboutissant parfois à un véritable délire

à forme de rêve. Il n'y a là, en fait, que l'exagération de

ces troubles intellectuels particuliers, de caractère abou-

lique, que l'on retrouve toujours chez les obsédés et qu'ils

traduisent eux-mêmes en disant, par exemple : « Ma tête

travaille toujours et cependant je reste fixé sur une chose,

sans aboutir à rien ».

Suivant les cas, c'est tantôt l'un, tantôt l'autre de ces

deux éléments qui prédomine dans le tableau clinique.

L'état de torpeur intellectuelle peut être plus ou moins

accentué, depuis le simple engourdissement jusqu'à la confu-

sion mentale et même jusqu'à la stupeur. Ces accès de stu-

peur peuvent être quelquefois très courts et disparaître en

quelques jours ; mais il est des cas où je les ai vus durer

beaucoup plus longtemps, pendant plusieurs semaines.

38 CLINIQUE MENTALE.

J'ai observé un jeune homme de dix-sept ans, atteint de maladie

du doute (scrupules, interrogations, manie du pourquoi, recherche

angoissante du mot) qui, du fait même de ses obsessions, de plus

en plus absorbé par elles et indifférent aux choses extérieures, a

fini par verser de l'état de distraction, presque habituel aux obsédés,

dans un état de stupeur complète, avec troubles vaso-moteurs,

refus d'aliments, manie lectuaire, mutisme. Lorsqu'on le secouait

fortement, il levait la tête, regardait autour de lui d'un air égaré,

comme un dormeur qui s'éveille. « Quoi ? » disait-il seulement, puis

il retombait immédiatement dans son immobilité silencieuse. Cet

état dura plus de deux mois.

Schuele a bien étudié l'état d'excitation intellectuelle auto-

matique, de mentisme,si fréquent chez les obsédés. «Poussé

par une force irrésistible, dit-il, le malade est contraint de

suivre cette marche pathologique des idées qui devient de

plus en plus rapide, jusqu'à ce que, enfin, toutes ses pensées

se perdent dans un chaos confus. Des nuages obscurcissent

de plus en plus son intelligence où tout devient obscur, et

la pensée est absolument arrêtée. »

« Je suis continuellement distrait, me disait un malade

atteint de la folie du doute ; malgré tous mes efforts, je

regarde sans voir, j'écoute sans entendre, et pendant tout ce

temps mes idées me travaillent, partant de l'objet que j'ai à

la main pour arriver au Kamtchatka, et cela n'a pas de rai-

son de s'arrêter. »

C'est là l'état habituel et nous sommes encore dans le

domaine de l'obsession simple; que les choses viennent à

s'accentuer et l'on assiste à un véritable délire à forme de

rêve, qui peut durer plusieurs jours et même plusieurs mois.

J'ai soigné pendant plusieurs années un homme de trente ans.

atteint de maladie du doute avec scrupule de toute espèce, notam-

ment doute d'avoir pu frapper ou blesser quelqu'un malgré lui. A

deux reprises différentes, j'ai observé chez lui le fait suivant : Il

avait lu dans un journal le récit d'un crime dont l'auteur restait

inconnu. Cette lecture provoqua chez lui d'abord une crise de ses

obsessions habituelles, puis, quelques jours après, la crainte obsé-

dante d'avoir pu commettre le crime dont il avait lu le récit. Apre*

une courte période de doute conscient à ce sujet, il en arriva à se

croire véritablement coupable et à raconter toutes les circons-

tances de son crime imaginaire, la façon dont il l'avait prémédité

et commis, le mobile, comment il avait pu échapper à la justice,

aiec un luxe de détails qui n'existaient nullement dans son journal

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. 39

et une telle précision qu'il semblait évoquer et revivre des scènes

qu'il aurait réellement vécues. Aucun argument ne pouvait le con-

vaincre de son erreur. Ce délire particulier, à forme de rêve, dura

chez lui presque un mois à chaque fois.

Les cas de ce genre me semblent correspondre à ce que

Schuele a signalé en pareille circonstance sous le nom de

« délire systématisé aigu ». Mais il en est d'autres dans les-

quels les mêmes phénomènes se répètent et finissent par

constituer un délire qui, tout en gardant les mêmes carac-

tères, est beaucoup plus prolongé encore. Il arrive même

souvent, en pareil cas, que ce délire s'alimente dans un rêve

nocturne, précisant en quelque sorte le contenu de l'obses-

sion, rêve qui se prolonge pendant la veille et qui, se renou-

velant ou se développant les nuits suivantes, donne au délire

qui en résulte une sorte de stabilité, favorisée encore par les

troubles intellectuels fondamentaux d'aboulie, les paramné-

sies, les altérations de la perception extérieure, de lacoenes-

thésie... Par leur origine et leurs caractères intrinsèques,

ces délires méritent bien le qualificatif d'oniriques.

Leur notation n'a rien, d'ailleurs, qui puisse nous sur-

prendre, si nous nous rappelons la fréquence, chez les obsé-

dés, surtout les scrupuleux, de rêves en rapport avec l'obses-

sion, et les analogies profondes que présente leur état mental

fondamental avec celui des malades chez lesquels on observe

d'ordinaire les délires oniriques.

11-11 L..., cinquante-un ans, a eu, depuis l'âge de quatorze ans,

des obsessions diverses qui, depuis, n'ont toujours fait que

croître en intensité et en fréquence. C'était surtout des obsessions

de doute multiples, parmi lesquelles figurait au premier plan,

depuis son mariage, la crainte de tromper ou d'avoir trompé son

mari malgré elle.

Depuis une dizaine d'années, ces obsessions, qui se présentaient

jusque-là sous la forme classique, se sont quelque peu modifiées.

Souvent, les interrogations que se pose la malade font place à une

certitude par une sorte de confusion entre le souvenir du fait réel

qui reste incertain et les associations d'idées qu'il réveille actuel-

lement. L'événement qu'elle redoute se précise ainsi petit à petit

et devient si net dans son esprit qu'elle se le représente comme

elle pourrait se représenter une chose qui serait réellement

arrivée. Cela est tellement net qu'elle ne doute plus et finit par

affirmer : « Je me souviens ! » Quelques jours après la crise, elle

juge sainement les choses et se dit : « Suis-je bête (sic) d'avoir eu

40 0 CLINIQUE MENTALE.

ces idées. » Ce qui ne l'empêche pas d'être reprise par d'autres

toutes semblables.

Cela a encore duré ainsi un certain temps. Mais, depuis deux'

ans, les faux souvenirs, à force de se répéter, ont fini par acquérir

la précision des souvenirs réels et par ne plus être appréciés, à

aucun moment, à leur juste valeur. De plus, ils se soutiennent et

s'enchaînent les uns aux autres, et se relient également à des

rêves hypnagogiques, représentant à la malade tous les faits

qu'elle redoute d'avoir accomplis. Elle rêve ainsi qu'elle se relève

la nuit, sans prendre à peine le temps de se vêtir, pour descendre

se livrer dans la rue au premier venu. Elle voit son complice,

entend la voix des passants, ressent le froid de la nuit sur ses

épaules, éprouve des sensations génitales suivies au réveil d'un

sentiment de fatigue... Ces rêves, qui se renouvellent la nuit, per-

sistent dans la veille. AI-0 L... en arrive ainsi à se créer rétros-

pectivement une existence tout imaginaire de véritable prostituée.

Elle décrit toutes les scènes érotiques qu'elle aurait accomplies,

les revoit dans son imagination, en retrace les principaux détails

d'une façon aussi précise que si elles avaient réellement eu lieu.

Aussi, son doute n'existe-t-il plus à proprement parler, « car, dit-

elle, comment pourrais-je me représenter tout cela si je ne l'avais

pas réellement fait. Je ne rêve pas, allez, je me souviens. »

(c) Délires systématisés. L'analogie qui existe entre les

obsessions en général et les délires systématisés paranoïa-

ques a, depuis longtemps, frappé les observateurs à tel point

que certains d'entre eux (Arndt, Morselli...) ont qualifié

l'obsession du nom de paranoïa rudimentaire.

Un argument à l'appui de cette manière de voir pourrait être

tiré de ces cas, peut-être rares, mais nullement exceptionnels,

dans lesquels on voit l'obsession évoluer et passer par des

transitions insensibles à l'idée fixe et au délire systématisé.

Petit à petit, le malade perd vis-à-vis de ses obsessions tout

pouvoir de critique, de contrôle ; il ne la sépare plus de ses

autres idées; il l'accepte, il ne discute plus, ne doute guère

et souvent même il croit. Cependant, son intelligence n'est

pas absolument passive, mais son activité n'intervient plus

pour lutter, pour contrôler le caractère pathologique du phé-

nomène. Elle cherche, au contraire, à l'interpréter comme

un fait acquis accepté comme réel. C'est la voie ouverte aux

interprétations du délire systématisé.

Un jeune homme est atteint, depuis l'âge de dix-sept ans, d'ob-

sessions anxieuses diverses, surtout sous la forme de maladie du

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. 4[ 1

doute avec préoccupations d'ordre génital : craintes d'avoir com-

mis des actes inconvenants en public, d'avoir souillé telle ou telle

personne, d'avoir eu inconsciemment des rapprochements sexuels

anormaux; attraction mêlée de crainte du contact de choses répu-

gnantes.

Intermittentes d'abord, les crises obsédantes se sont de plus en

plus rapprochées, presque incessantes. En même temps, l'angoisse

concomitante devient moins intense; le malade lutte moins, est

plus passif, plus « indifférent », sa critique faiblit parallèlement

et. dans certaines occasions, le doute fait place à la certitude.

L'exécution de l'acte inconvenant ou immoral, tout en restant un

sujet de scrupules, n'est plus alors une crainte, c'est un fait cer-

tain et affirmé péremptoirement. Ce n'est plus un simple doute,

mais une idée d'6[î<<o«ec ! <St : < ! OH formelle, nettement délirante.

Plus récemment, se sont manifestés d'autres symptômes : idées

de persécution s'accompagnant d'interprétations délirantes et

même d'hallucinations. Elles se relient aux idées d'autoaccu-

sation, et trouvent leur explication dans les inconvenances que le

malade a commises ou pu commettre.

Idées d'un complot formé contre lui par des personnes dési-

gnées, voix injurieuses, idées d'empoisonnement, injection de

virus pendant le sommeil, etc.

Une dame que je connais depuis plus de quinze ans, a présenté

dès sa jeunesse des obsessions rupophobiques : angoisses détermi-

nées par la vue d'objets sales et répugnants, ou même par l'audi-

tion de mots éveillant l'idée de malpropreté : crainte des souillures

de l'âme, du péché, scrupules. Ce sont ces dernières obsessions

qui, plus tard, se sont placées au premier plan. Elles ont fini par

amener la malade à se considérer comme un être privilégié éprouvé

par le martyre et réalisant l'idéal de la pureté. Elle a souffert la

passion, dit-elle en parlant de ses obsessions premières ; elle fut

« dolorosa », mais elle a été « sacrée par Dieu... », etc.

Les conceptions délirantes qui forment le thème de ces

délires systématisés peuvent être en pareil cas de nature très

diverse : idées hypocondriaques, idées religieuses, idées de

persécution-, idées d'auto-accusation, ou même idées or-

gueilleuses. Les plus fréquentes, d'après notre observation

personnelle, sont les idées de persécution.

Il est, à ce propos, une remarque intéressante. C'est que

presque toujours ces idées de persécution expriment, de la

part du malade, l'idée d'une contrainte subie ; ils invoquent

l'hypnotisme, la suggestion... Souvent même, ces caractères

s'accentuent et les délires revêtent la forme que nous avons

42 CLINIQUE MENTALE. -

décrite sous le nom de variété psycho-motrice des délires de

persécution, avec tout ce cortège de symptômes qui se

résument dans un véritable dédoublement del a personnalité,

s'exprimant même parfois par des idées de possession.

Mlle J... présente, depuis l'âge de dix-huit ans, des obsessions

de doute sous forme d'interrogations; recherches métaphysiques.

Plus tard, idées obsédantes à forme de contraste; manie blas-

phématrice, impulsions à blasphémer en priant à l'église, à

frapper les personnes qu'elle aime le mieux; doutes sur l'exécu-

tion de ses diverses impulsions. A l'âge de vingt-quatre ans,

Mlle J..., qui, jusque-là, avait eu pleine conscience de ses obses-

sions, arrive à les considérer comme le fait d'un mauvais esprit.

Elle qui disait auparavant, en s'analysant très justement : « c'est

comme s'il y avait en moi une seconde pensée qui me contredit

toujourset me pousse au mal quand j'ai l'idée du bien », finit par

se croire réellement le jouet d'un être malfaisant, d'un démon qui

la possède, s'oppose à tous ses actes, l'inspire et la dirige à son

gré. et sa conviction est telle qu'elle ne voit plus de secours que

dans l'exorcisme.

Mlle F... avait commencé par avoir des obsessions d'onomato-

manie et d'arithmomanie(recUerche angoissante du mot, obsession

du chiffre 3 intervenant dans tous ses actes : lettres à vérifier trois

fois, portes à fermer trois fois, etc.).

Ne pouvant, malgré ses efforts, se débarrasser de ces «manies» »

qu'elle trouvait absurdes et qui l'entraînaient à des actes de plus

en plus extravagants, elle en vint à soupçonner qu'ils lui étaient

imposés par certaines personnes voulant lui jouer de mauvaises

farces et douées d'un pouvoir surnaturel. Une fois sur cette voie,

les interprétations ne se font pas attendre, puis les idées de per-

sécution caractérisées, de plus en plus systématisées, avec hallu-

cinations d'abord sensorielles, puis surtout psycho-motrices.

11 y a deux points particuliers à noter dans ce délire de persé-

cution. C'est d'abord qu'il a son aliment principal dans les obses-

sions onomatomaniaques qui n'ont cessé de persister. Les persécu-

tions, en effet, consistent surtout dans la recherche de mots ou de

séries de lettres qui sont imposés à la patiente comme un pro-

blème à résoudre et dont elle est forcée de trouver la solution sous

peine de souffrance et d'agitation.

En second-lieu, c'est la présence d'idées de défense correspon-

dant à la solution de ces problèmes onomatomaniaques et qui, par

leur organisation en système, leur opposition constante avec les

idées de persécution, la présence de phénomènes psychomoteurs

divers correspondant à ces deux ordres d'idées, constituent un

véritable dédoublement de la personnalité.

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. 43

A côté de ces faits dans lesquels l'évolution de l'obsession

au délire systématisé est nettement caractérisée, on rencontre

des cas beaucoup moins accentués. Ce-sont ceux dans les-

quels la psychose n'est encore qu'en voie d'organisation et

que MM. Pitres et Régis ont signalé sous le nom de cas de

transition.

M110 M..., âgée de vingt-six ans, est atteinte, depuis plusieurs

années, d'obsessions de doute très caractérisées; scrupules,

besoins de confessions réitérées, craintes de certains contacts.

lavages des mains.

Cette demoiselle qui, pendant longtemps, avait eu conscience

du caractère pathologique de ses « manies », comme elle disait

elle-même, se refuse à l'admettre maintenant; bien plus elle tend à

les regarder comme la preuve d'une sorte de supériorité. Elle a

une réponse prête à toute objection, une justification de tous ses

actes, et ses scrupules divers ne sont plus pour elle que les

preuves d'une conscience morale affinée, plus délicate que celles

des autres personnes et qui dépasse l'intelligence de ses contra-

dicteurs.

IV. Quelles sont, parmi les obsessions, celles qui sont

susceptibles des différentes transformations que nous venons

de décrire.

D'après Pitres et Régis, les formes qui aboutissent au

délire systématisé sont les états obsédants à symptômes sur-

tout intellectuels, et celles qui versent dans la mélancolie

anxieuse, les états obsédants à symptômes surtout émotion-

nels, c'est-à-dire les phobies.

Mes observations personnelles ne m'autorisent pas à par-

tager cette manière de voir, applicable peut-être à quelques

cas particuliers. Je croirais plus volontiers que les obses-

sions qui peuvent aboutir à des accidents vésaniques carac-

térisés, quelle qu'en soit la forme, sont surtout les obsessions

dites intellectuelles et, en particulier, les différents types

décrits sous le nom général de maladie du doute.

Je serais d'ailleurs assez disposé à croire que la maladie du

doute mériterait déjà de constituer, dans le cadre des obses-

sions,une variété à part, intermédiaire aux obsessions et aux

formes vésaniques caractérisées, les délires systématisés en

particulier. Ce serait surtout celles-là auxquelles pourrait

s'appliquer le terme de Paranoïa i,zidiî7mizlaii-e.

S'il est très difficile d'établir des rapports entre la forme

44 Il CLINIQUE MENTALE.

de l'obsession et son évolution vers le délire, on peut se

demander s'il n'existe pas, dans tel ou tel cas donné, des

symptômes de nature à faire craindre cette évolution.

Les éléments de pronostic me paraissent devoir être tirés,

non pas de la forme de l'obsession, mais du complexus symp-

tomatique et de l'analyse de l'état mental sous-jacent

On se borne généralement à n'envisager, dans l'obsession,

qu'un certain groupe de symptômes directement reliés à la

crise obsédante, et si l'on veut pénétrer plus avant dans leur

pathogénie, ce n'est guère que pour discuter les rapports

de subordination réciproques entre les troubles émotionnels

et l'idée obsédante. Cela peut avoir quelque intérêt, mais ce

n'est qu'une des faces de la question. Une autre, non moins

intéressante et beaucoup plus importante pour le clinicien,

c'est l'étude de l'état mental sous-jacent, interparoxystique 1,

et l'analyse de modifications intellectuelles variables qui

peuvent imprimer leur marque à l'obsession elle-même et

faire les malades si différents les uns des autres, fussent-ils

atteints de la même forme d'obsessions.

Que ces modifications se résument dans leur ensemble en

des troubles de synthèse mentale, à caractère d'insuffisance,

en une dissociation spéciale de la conscience personnelle,

les détails n'en diffèrent pas moins suivant les individus

ou chez le même individu suivant les étapes, et la durée de

la maladie.

Tantôt le défaut, l'insuffisance de synthèse se manifestent

dans le domaine de la perception, soit qu'elle porte sur les

objets ou sur les faits du monde extérieur, soit qu'elle

s'exerce sur les sensations internes, sur les divers éléments

de la cénesthésie. Tantôt c'est dans le domaine des souve-

nirs, et c'est ainsi que prennent naissance les paramnésies

spéciales, si fréquentes en particulier chez les douteurs.

D'autres fois, c'est l'idéalion, l'association des représentations

mentales qui se trouve intéressée, comme dans les cas si

nombreux de contraste psychique dont viennent se plaindre

les obsédés.

Ajoutons à cela l'existence, beaucoup plus fréquente qu'on

ne le croit, de phénomènes spéciaux d'automatisme sous

forme de tendances impulsives avec illusions ou hallucina-

1 Voir J. Sé-las. Leçons cliniques et Soc. mécl, psclc" février 1001. 1.

ÉVOLUTION DES OBSESSIONS ET LEUR PASSAGE AU DÉLIRE. l5

Lions kinesthétiques, de pseudo-hallucinations (au sens de

Kaudinsky), d'hallucinations verbo-motrices plus ou moins

développées, mais d'observation presque courante, enfin, de

véritables hallucinations sensorielles.

Il importe également de tenir compte de la fréquence des

paroxysmes, de l'intensité et de la durée des phénomènes

émotionnels concomitants, en raison même du pouvoir de

dissociation qu'exerce l'émotion sur les différents éléments

de la pensée.

Si ces différents troubles psychologiques sont plus faciles

à saisir lorsqu'on les considère dans leurs rapports directs

avec l'obsession, ils ne se manifestent pas moins en dehors

d'elle, dans l'exercice général de l'intelligence, dans les

troubles de l'attention, les défaillances de la mémoire, l'in-

suffisance de la volonté. 1

Ce sont là des désordres psychologiques divers que l'on

peut trouver non seulement isolés, mais réunis chez un

même malade, et cette notation n'est pas de peu d'importance

au point de vue du pronostic, pour déterminer l'atteinte plus

ou moins profonde de l'intelligence, l'envahissement plus

ou moins prononcé par l'obsession.

V. Indispensables pour le pronostic, ces notions ne sont

pas moins utiles pour se rendre compte du mécanisme de la

transformation de certaines obsessions, de leur évolution

vers le délire. Toutes aboutissent, en dernier terme, à l'exis-

tence, chez les obsédés, d'un trouble de la conscience person-

nelle sur lequel nous avons insisté autre part et auquel, à notre

avis, on n'attache pas assez d'importance. Même chez les

obsédés qui se rendent compte de leur état, cette division

de la conscience n'en existe pas moins déjà dans l'intervalle

des crises, comme à l'état latent, constituant une sorte de

diathèse mentale particulière qu'on pourrait appeler avec

Tanzi diathèse d'incoercibilité psychique.

L'idée obsédante n'en est que la manifestation ultime, la

plus parfaite ; car elle est constituée par un groupement,

une synthèse partielle de certains faits psychiques qui, loin

de s'assimiler à la synthèse principale représentant la cons-

cience personnelle, entre en lutte avec elle et l'envahit à

chaque instant, en se mêlant aux autres pensées.

Dans certaines circonstances, comme lorsque le sujet cède

à son obsession, cet envahissement devient tel qu'il absorbe

46 CLINIQUE MENTALE.

momentanément à son profit presque tout le champ de la con- -

science. La lutte disparaît et tous les éléments psychiques

semblent se grouper en une seule synthèse, en un état de con-

science unique. Mais celui-ci n'est justement que le dernier

terme d'épanouissement de la synthèse pathologique, la mani-

festation la plus nette de l'asservissement et de l'éclipsé mo-

mentanée de la conscience personnelle. C'est là, dans cette

dissociation de la conscience personnelle, dans son obnubila-

tion passagère,dans son asservissement plus ou moins durable

que nous trouverons la clé du mécanisme qui pourra déter-

miner le passage de l'obsession au délire.

Que les différents troubles psychiques examinés plus haut

figurant à l'origine de l'obsession et présentant tous le même

caractère de synthèse mentale insuffisante, viennent à se

multiplier, à s'exagérer d'une façon en quelque sorte aiguë,

et nous assistons alors, suivant les cas, à ces états de stu-

peur, de confusion mentale, à ces délires de rêve que nous

avons signalés, ou bien à des états à forme de mélancolie

anxieuse. Mais le bouleversement peut n'être pas aussi

brusque. Le processus de désagrégation psychologique s'ac-

centue de jour en jour; en raison même de leur répétition.

les synthèses partielles correspondant aux idées obsédantes

deviennent de plus en plus stables et précises, en même

temps qu'elles s'accroissent d'éléments nouveaux. C'est une

sorte de travail de pénétration lente aboutissant à l'appau-

vrissement de plus en plus prononcé de la conscience per-

sonnelle dont le rôle de réducteur finit par devenir impos-

sible. Il n'y a plus de contrôle, de critique; la lutte, le doute

font place à l'adaptation, à la croyance.

L'idée obsédante prend définitivement place au milieu des

autres pensées. Elle fait désormais partie intégrante de

l'être psychique. Souvent les choses en restent là ; mais,

d'autres fois, sur ce terrain ainsi préparé, on voit se mani-

fester ces tendances logiques, inconscientes et générales de

l'esprit humain, provoquant l'interprétation, la justification

d'un état de conscience contre lequel le malade ne lutte plus,

mais qui est désormais accepté. C'est ainsi qu'il s'engage sur

la voie des délires systématisés.

Ces considérations nous expliquent encore la forme que

revêtent quelquefois ces délires, les idées de persécution par

l'hypnotisme, la suggestion, ou les délires plus accentués de

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 47

possession en rapport avec un dédoublement de la person-

nalité qui ne sont à la fois que l'exagération et la justifica-

tion délirante de l'automatisme, de la dissociation, du

contraste psychique, inhérents à la préexistence et à la

persistance de l'obsession.

THÉRAPEUTIQUE.

La Rééducation motrice dans les maladies du sys-

tème nerveux. Ses applications à l'ataxie des

tabétiques ;

Par M. G. CONSTENSOUX

Ancien interne des hôpitaux,

Chef du senice de rééducation et kinésithérapie de la Clinique Cliarcot

(Salpêtrière).

Il n'est plus aujourd'hui de médecin habitué à la pratique

des maladies nerveuses qui ne connaisse la rééducation

motrice et ne sache que, grâce à cette méthode, il est désor-

mais possible de corriger dans une large mesure un grand

nombre des troubles des mouvements, mais bien peu parmi

eux se font de la rééducation une opinion à la fois juste et

précise : pour les uns, elle consiste en une sorte de gymnas-

tique dont l'emploi serait basé sur cette idée, exacte en elle-

même mais un peu trop vague, à savoir que l'exercice per-

fectionne, tant au point de vue de la quantité que de la

qualité, les fonctions de nos organes ; les autres y voient le

traitement correctif mais quasi-spécifique de l'ataxie. La

première opinion dénote une connaissance par trop stiperfi-

cielle de la question, la seconde ne tient compte que des

débuts, des premières tentatives de la rééducation, dont elle

ignore le développement actuel : ni l'une ni l'autre ne sont

plus de mise aujourd'hui.

Dans ces dernières années, en effet, l'étude des troubles

de la motilité dans les affections chroniques du système ner-

veux a été poussée plus à fond, ils ont été analysés, leur

pathogénie commence à s'éclairer dans bien des cas ; en

48 THÉRAPEUTIQUE.

même temps, on a appris à connaître les diverses variétés

de la thérapeutique par le mouvement et par l'exercice, leurs

effets, leurs modes d'action, et, par suite, leurs indications :

en sorte que désormais la rééducation, loin de représenter

une thérapeutique empirique et d'application étroite, est

devenue une méthode large dans sa conception, mais précise

dans ses applications, éclectique par les procédés qu'elle

met en oeuvre, déduite logiquement de l'analyse des troubles

qu'elle combat, de' la connaissance de la physiologie nor-

male et pathologique et du mode d'action des mouvements

méthodiques; elle a pu s'adresser à un grand nombre de

syndromes différents depuis qu'elle a su opposer aux divers

symptômes des techniques appropriées.

Si la rééducation mérite d'être ainsi comprise, ce serait

une tâche singulièrement vaste que d'entreprendre de traiter

le sujet en entier, de passer en revue toutes les maladies qui

relèvent de cette thérapeutique et d'étudier les procédés

qu'il convient d'employer pour chacune d'elles; aussi n'abor-

derons-nous que deux des chapitres de cette grosse question.

Nous parlerons d'abord de la rééducation motrice en

général, nous chercherons à la définir, à montrer ses prin-

cipes, ses limites, ses parentés et ses différences avec les

autres variétés de la thérapeutique par le mouvement ; nous

dirons à quel groupe de maladies elle s'adresse et suivant

quelle méthode générale on peut pratiquer utilement la

rééducation.

Après quoi, envisageant non pas les applications de la

rééducation, mais une seule d'entre elles, une des plus inté-

ressantes, il est vrai, nous indiquerons d'une façon plus spé-

ciale comment il convient aujourd'hui de conduire la réédu-

cation des ataxiques.

I. La Rééducation motrice.

Ce n'est qu'au siècle dernier que les progrès réalisés dans

l'étude des sciences physiques, joints à une connaissance plus

approfondie de la physiologie et de la pathologie, permirent

aux médecins thérapeutes d'utiliser désormais de façon vrai-

ment scientifique les moyens physiques, non pas que la valeur

de la plupart d'entre eux fût jusqu'alors méconnue nous

citerons seulement l'exemple des eaux minérales, mais

leur emploi était demeuré tout empirique.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 49

Vers 1820, l'École suédoise, avec Ling et ses élèves, avait

commencé d'étudier les effets des diverses variétés de mou-

vements actifs ou passifs sur les organismes vivants, sains

ou malades, faisant bénéficier de ces notions nouvelles non

seulement l'hygiène mais aussi la médecine ; désormais la

thérapeutique par le mouvement était fondée. Elle devait

bientôt se préciser, donnant naissance à des méthodes dis-

tinctes : le massage, la gymnastique médicale, la mécano-

thérapie, par exemple, mais toutes ces méthodes procédaient

également du même principe et se proposaient alors le

même but : développer les organes moteurs, afin d'aug-

menter et de perfectionner leurs fonctions. C'est aussi cette

même idée qui dirigeait les applications faites alors de ces

procédés thérapeutiques aux cas de maladies nerveuses ;

pour ce dernier groupe d'affections, le besoin ne se faisait

même pas sentir de demander davantage à la kinésithérapie,

puisque la neuropathologie existait à peine encore, que la

plupart des types cliniques qui nous sont aujourd'hui fami-

liers étaient ignorés, et que toutes les variétés de troubles de

la motilité notamment étaient alors confondues sous le nom

de paralysies, c'est-à-dire considérées comme des phéno-

mènes de déficit dus à la destruction plus ou moins com-

plète des organes moteurs ; tous les efforts des médecins

tendaient à la réparation de ces organes, et, si on cherchait,

par des procédés mécaniques, à en réveiller les fonctions,

c'est qu'on voyait là un moyen de solliciter et de régénérer

l'organe lui-même.

De bonne heure pourtant, l'observation des effets produits

par l'exercice chez les sujets normaux, enfants ou adultes,

et l'analyse de certains succès thérapeutiques dans des cas

de lésions incurables fit admettre cette idée nouvelle que si

les deux termes organe et fonction, système moteur et mou-

vement, sont évidemment dans une étroite dépendance l'un

par rapport à l'autre, il n'y a pourtant pas entre eux d'équa-

tion absolue, que l'appréciation de l'état organique ne donne

qu'une mesure très imparfaite de la fonction correspondante,

chez un sujet donné, l'état anatomique d'un organe restant

le même, son rendement est néanmoins susceptible de se

modifier dans une large mesure.

Considérant, par exemple, le système moteur d'un homme

de développement moyen, l'observation a de tout temps

1-1 srne. t. XV. 4

50 THÉRAPEUTIQUE.

démontré qu'en lui imposant un travail régulier et pro-

gressif, en le soumettant à certaines pratiques telles que le

massage, on voit le volume des muscles et, parallèlement,

leur puissance augmenter de façon manifeste : c'est ainsi

qu'on fait les athlètes. Mais ce développement porte alors

exclusivement sur la quantité de travail possible, et ces

mêmes muscles ne seront pas pour cela devenus plus habiles

à exécuter un effort pour lequel il faudrait plus de précision

que d'énergie. Si, au contraire, le même individu a répété

assidûment un mouvement déterminé, si complexe et délicat

soit-il, il devient au bout d'un certain temps capable de

l'exécuter à coup sûr, sans effort et même sans attention ;

les caractères morphologiques et l'apparence extérieure des

organes moteurs ne se sont pourtant pas modifiés, c'est leur i-

fonction seule qui s'est spécialisée dans le sens où elle a été

dirigée. Un entraînement de ce genre ne sert pas seulement

aux individus qui veulent acquérir une habileté exception-

nelle : c'est ainsi que tous nous avons plus ou moins péni-

blement appris à marcher, à courir, à écrire, à manier les

objets les plus variés, à exécuter tous nos mouvements, les

mouvements professionnels par exemple.

C'est en tenant compte de l'influence du système nerveux

qu'on comprend les effets d'une semblable éducation; les

muscles ne représentent que la partie inférieure du système

moteur neuro-musculaire, ils ne font qu'obéir passivement

aux ordres qui leur sont donnés et transmis par les centres

et les conducteurs nerveux ; les organes nerveux au contraire

constituent le mécanisme délicat qui commande et règle

l'action musculaire. Or, dans le premier cas, c'est le déve-

loppement des muscles qui a été favorisé ; dans le second,

il n'est pas douteux que c'est avant tout le système nerveux

qui, par l'exercice méthodique, par l'éducation, a été im-

pressionné. On peut bien admettre qu'en prenant de nou-

velles habitudes il a été matériellement modifié, on peut

supposer que de nouvelles connexions se sont établies ou

affirmées entre les neurones, mais comme ce sont là des

hypothèses que nos moyens actuels d'investigation ne pei ?

mettent pas de vérifier, le seul fait intéressant à constater et

à mettre à profit, c'est que, sous l'influence de l'exercice

bien dirigé, si les organes moteurs paraissent être demeurés

les mêmes, leurs fonctions se sont singulièrement modifiées.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 51

Une pareille idée jetait un jour tout nouveau sur le méca-

nisme de l'éducation physique : on put comprendre comment

celle-ci ne crée peut-être pas, mais éveille, met en évidence

et exalte les aptitudes fonctionnelles jusqu'alors plus ou

moins latentes des organes qu'elle adapte à des conditions

spéciales, en sorte que leur travail utile se trouve, aux points

de vue quantitatif et surtout qualiatif, notablement aug-

menté. '

Il n'est pas besoin d'insister pour faire comprendre com-

bien est féconde une pareille conception, quel parti on peut

tirer de cette plasticité, de cette susceptibilité de spécialisa-

tion et par suite de perfectionnement de nos organes à l'état

normal. Il serait intéressant de la montrer se traduisant à

chaque instant et pour les organes les plus.variés; aussi bien

pour le coeur et les vaisseaux dans les affections du système

circulatoire, que pour nos moyens de défense contre les infec-

tions ; on verrait alors qu'elle n'est qu'une manifestation de

propriétés biologiques beaucoup plus générales encore, des

facultés de sensibilité, d'adaptation et de mémoire de la

matière vivante. Mais ne nous écartons pas de notre sujet.

Les médecins, avons-nous dit, n'ignoraient pas les effets

possibles de l'éducation physique et de l'éducation motrice

en particulier, mais ce n'était guère que les individus sains

qu'ils s'efforçaient d'en faire bénéficier; pour les malades

atteints de troubles moteurs on cherchait surtout à atteindre

et reconstituer l'organe altéré ; quant aux troubles de la

motilité dans les maladies nerveuses, ils étaient aussi peu

connus que celles-ci elles-mêmes.

Cependant la neuropathologie, créée par Duchenne de

Boulogne et Charcot prenait, sous l'influence prépondérante

de l'Ecole de la Salpêtrière, le développement le plus rapide;

de nouveaux chapitres s'ouvraient tous les jours en patho-

logie nerveuse, et bientôt il fallut compter avec tout un

groupe de maladies ou de syndromes récemment décou-

verts, le tabès, la maladie de Friedreich, les affections céré-

belleusés, les tics, les chorées, les tremblements, la maladie

de Parkinson, l'athétose, les myôclonies, les crampes fonc-

tionnelles, toutes affections caractérisées par de gros trou-

bles de la motilité coïncidant avec la conservation de la force

musculaire, l'intégrité plus ou moins complète de la fibre

musculaire, et la non-abolition des contractions volontaires,

52 THÉRAPEUTIQUE.

affections dans lesquelles la perte de la fonction semble

l'emporter de beaucoup sur l'altération de l'organe.

Le rapprochement devait être tôt ou tard opéré entre de

pareilles affections et les notions que nous avons rappelées

relativement à l'action de l'éducation organique, mais, s'il

nous paraît aujourd'hui si simple et si logique, si nous trou-

vons si naturel, en cas de perturbations fonctionuelles dues

à des causes qui none pas irrémédiablement atteint les

organes-eux-mêmes, de reconstituer la fonction compro-

mise, au moyen d'un travail d'éducation nouvelle de

rééducation c'est que toutes les idées justes paraissent

simples d'après coup, et non pas que celle-ci en particulier

fut si facile à découvrir.

En fait, la rééducation n'a pas été constituée depuis de

bien longues années en méthode thérapeutique régulière, et

les causes de ce retard se comprennent assez bien. C'est

d'abord que les idées que nous avons exposées sur l'éduca-

tion motrice ne se sont précisées que peu à peu et n'étaient

pas dès le début formulées de façon aussi nette; c'est aussi

parce que, tant qu'un syndrome n'est connu qu'au point de

vue clinique, sans qu'on en connaisse en même temps les

éléments constituants et la pathogénie, nous n'avons pas de

guide qui permette de lui opposer une thérapeutique appro-

priée et par conséquent efficace : ainsi, pour les tics, ce

n'est que depuis qu'on connaît leur origine psychopa-

thique qu'on sait aussi les soigner et les guérir ; c'est encore

que la rééducation n'est, il faut le reconnaître, qu'un traite-

ment symptomatique et que c'est à défaut de traitement

causal qu'on a dû, en bien des cas, se contenter de remédier

aux effets de lésions définitives ; enfin, la rééducation a dû

préciser et éprouver ses procédés, les approprier aux divers

cas, en déterminer les indications et montrer.leur efficacité

avant de pouvoir prendre rang comme méthode de traite-

ment, or un pareil résultat n'a pas été obtenu sans efforts.

On pourrait bien remarquer que de tout temps l'effort

spontané de la nature a favorisé cette susceptibilité de

reconstitution des fonctions motrices : c'est ce qui arrive

chez les hémiplégiques, par exemple, lorsqu'ils recouvrent

partiellement leurs mouvements ; les médecins ont souvent

aidé ce travail de réparation en provoquant les mouvements

volontaires, mais, s'ils faisaient ainsi jusqu'à un certain

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 53

point de la rééducation, c'était inconsciemment. En Suède

et aussi en Allemagne et en France, les auteurs qui se sont

occupés de thérapeutique par le mouvement régularisèrent

quelque peu ces tentatives, et s'ils cherchaient à atteindre

surtoutl'organe musculaire, leurs écrits montrent que néan-

moins ils ne se désintéressaient pas complètement de la fonc-

tion, qu'en prescrivant à leurs malades les mouvements

volontaires, la gymnastique ou la mécanothérapie, eux qui

connaissaient bien l'éducation physique, avaient confusé-

ment pressenti les idées qui représentent aujourd'hui les

principes de la rééducation. C'est à propos du tabes qu'elles

commencèrent à se préciser : en présence, en effet, de

l'ataxie, de ce syndrome séparé par Duchenne de Boulogne

et Romberg du groupe des paralysies, caractérisé par l'in-

coordination et non par la perte des contractions muscu-

laires volontaires, plusieurs auteurs avaient essayé de

discipliner ces contractions anormales afin d'en rétablir

l'harmonie, mais tous ces essais étaient encore empiriques.

Au contraire, dans ces dernières années, les principes mêmes

de la rééducation ont été nettement établis, ses indications

et ses procédés se sont précisés, en sorte qu'elle a pu prendre

place parmi les méthodes régulières de la thérapeutique :

cette période est marquée par l'influence française.

Le professeur Raymond, en effet, après avoir constaté les

premiers succès dus à cette méthode, comprit de bonne heure

combien pouvait devenir vaste le champ d'action nouvelle-

ment découvert ; il montra la voie à ses élèves, formula les

notions essentielles qui constituent la base de la rééduca-

.Lion, il créa le mot même de rééducation, lequel remplaça

les appellations vagues dont on s'était servi jusqu'alors ; il

commença de faire appliquer ce mode de traitement, non

pas seulement à l'ataxie des tabétiques, mais encore à diffé-

rents autres syndromes moteurs ; enfin, après avoir ouvert

ce nouveau chapitre de la thérapeutique par l'exercice, il en

écrivit lui-même les premières pages. Plusieurs de ses

élèves, M. Faure, Riche et nous-même, l'ont suivi dans la

voie indiquée, publiant divers travaux sur ce sujet. Depuis

lors, l'idée de rééducation s'est encore étendue par les appli-

cations qui en ont été faites aux troubles d'origine psychique

(Raymond et Janet) ; le professeur Brissaud nous a appris

à traiter les tics suivant la méthode qu'ont exposée ses élèves

54 ik THÉRAPEUTIQUE.

Meige et Feindel ; à la clinique Charcot, les procédés de

rééducation sont maintenant systématiquement mis en pra-

tique dans le service dont M. Raymond a bien voulu depuis

plusieurs années nous confier la direction. Aujourd'hui la

question est assez avancée pour qu'il soit possible d'en pré-

senter une vue d'ensemble.

Tout d'abord, les bases de la rééducation sont maintenant

bien établies.

Etant donné que tous les mouvements coordonnés nor-

' maux n'ont été obtenus chez l'enfant ou l'adulte que par un

travail d'éducation spéciale des éléments nerveux qui com-

mandent aux contractions musculaires et en assurent l'har-

monie, on peut concevoir que, dans les cas où une perturba-

tion quelconque du système nerveux est venue dérégler ce

mécanisme délicat, sans toutefois détruire complètement les

éléments du système moteur neuro-musculaire, toutes les

fois, notamment, que les contractions volontaires ne sont

pas abolies, une éducation nouvelle des centres altérés peut

rétablir l'équilibre de ces contractions et, par conséquent,

les fonctions perdues ; l'expérience prouve que cet espoir est

légitime, tel est le premier principe de la rééducation

motrice. Remarquons qu'il peut s'appliquer aussi bien aux

centres supérieurs qui commandent le mouvement qu'aux

centres inférieurs qui en règlent le mécanisme.

Il en est un second, qui étend notablement encore notre

champ d'action : aucun mouvement n'est réalisé que grâce au

concours simultané de plusieurs muscles, et parfois, quand l'un

d'eux devient insuffisant, il en est d'autres qui peuvent com-

penser son action déficiente ; d'autre part, si les fonctions

dépendant des centres nerveux moteurs présentent normale-

ment des localisations constantes, cette spécialisation n'est

pourtant pas absolue. Si, dans l'enfance, tous les individus

sollicitent habituellement un même groupe de cellules cen-

trales pour y développer une fonction déterminée, ce n'est

pas qu'elles soient les seules susceptibles de l'acquérir : que

ce centre nerveux vienne à être détruit, ou que ses con-

nexions avec la périphérie soient interrompues, il sera

- encore possible d'attendre d'un autre groupe cellulaire ce

que le premier n'est plus capable de donner. De même que

certains muscles entre eux, de même aussi les neurones sont

dans une assez large mesure capables de se suppléer mutuel-

LA REEDUCATION MOTRICE. 00

lement : c'est pourquoi, même en cas de lésions nerveuses

profondes, de destruction complète de certains éléments, il

y a encore beaucoup'à attendre de la rééducation. Les exem-

ples de suppléances musculaires sont banaux, on en observe

dans tous les cas où l'action de certains muscles est sup-

primée, soit temporairement, soit définitivement, et où

néanmoins le membre tout entier continue de remplir les

fonctions de préhension ou de locomotion, dont le type est

alors seulement modifié. Les exemples de suppléances ner-

veuses ne sont pas rares non plus : nous savons maintenant

que les malades aphasiques par destruction de la troisième

frontale gauche apprennent à parler avec leur cerveau droit,

que les agraphiques ou les sujets atteints de crampe des

écrivains arrivent à écrire de la main gauche, c'est-à-dire,

eux aussi, avec leur cerveau droit soumis à une éducation

spéciale. Cette notion de suppléance est donc, elle aussi, de

première importance en matière de rééducation motrice.

La rééducation, c'est-à-dire la méthode basée essentielle-

ment sur ce double principe, pourrait alors être définie

l'ensemble des procédés de thérapeutique par les, mouve-

ments méthodiques lesquels visent, spécialement le rétablis-

sement des fonctions, soit en corrigeant par un entraînement

nouveau les anomalies de fonctionnement des éléments ner-

veux, soit en attribuant à d'autres organes les fonctions pri-

mitivement dévolues aux organes détruits.

C'est ainsi qu'il convient de comprendre la rééducation au

sens strict de ce mot, et, ainsi entendue, elle est déjà appli-

cable à un grand nombre de syndromes, tels que l'ataxie,

les tics, les défauts de prononciation, l'aphasie, et d'une

façon générale à tous les cas dans lesquels les contractions

musculaires volontaires considérées isolément sont conser-

vées et sensiblement normales, alors pourtant qu'elles se

montrent irrégulières dans leurs associations et leur adapta-

tion à une fonction déterminée.

Mais il était logique de chercher à faire bénéficier égale-

ment des procédés de rééducation d'autres affections dans

lesquelles non seulement les adaptations spéciales des con-

tractions musculaires à une fonction donnée sont viciées,

-mais où ces contractions elles-mêmes sont très diminuées :

ainsi en est-il dans les hémiplégies et les paraplégies. L'ex-

périence, en effet, a montré que la répétition des mouvements

56 THÉRAPEUTIQUE.

volontaires est un bon moyen d'activer les centres moteurs

ou de les suppléer et de réveiller, tant au point de vue de la

quantité que de la qualité, leurs fonctions perdues. Pour-

tant les conditions sont ici toutes différentes, puisqu'il s'agit

de rétablir non plus seulement les adaptations fonction-

nelles mais les mouvements eux-mêmes, et en même temps

d'agir sur les lésions organiques des nerfs, des muscles et

des articulations, aussi s'est-on gardé de supprimer l'emploi

des autres méthodes utiles en pareils cas, massage, élec-

tricité, mobilisation passive. Si alors on dit qu'on fait

aujourd'hui de la rééducation auxhémiplégiques et aux para-

plégiques, si pour certains médecins le sens du mot de réédu-

cation s'est étendu jusqu'à résumer tous les moyens de thé-

rapeutique par le mouvement propre à rétablir les fonctions

motrices altérées ou abolies, encore faut-il ne pas se faire

illusion sur la valeur des termes ; si on veut adopter cette

dernière définition peut-être un peu trop large, on ne doit

pas perdre de vue le sens primitif et plus exact du mot réédu-

cation, ni confondre celle-ci avec le massage, la gymnas-

tique médicale ou la mécanothérapie, lesquels peuvent bien

en certains cas lui être associés, mais restent des méthodes

distinctes dont chacune conserve ses principes, ses procédés

et ses indications propres.

L'époque- est donc aujourd'hui passée à laquelle le mot

de rééducation désignait seulement les tentatives hésitantes

faites dans le but de corriger l'ataxie tabétique, ce même

mot doit, comme nous l'avons montré, s'appliquer désor-

mais à une méthode générale ; mais la rééducation, pour

être opposée avec succès à des affections très différentes

entre elles, devra approprier ses manoeuvres et ses exer-

cices spécialement à chacune d'elles, et elle n'y réussira

que si l'on a au préalable déterminé d'abord de quels

éléments sont constitués les troubles moteurs correspon-

dants à chaque cas particulier, et, dans la mesure du

possible, quelle en est la pathogénie : alors seulement on

pourra décider si, dans l'espèce considérée, la rééducation

trouve ses indications, parmi ses procédés quels sont ceux

ou'il faut choisir, et avec quelles chances de succès. Nous ne

nous étendrons pas sur cette question de diagnostic, car elle

nous conduirait à passer en revue toute la pathologie des

mouvements; pourtant il est indispensable de rappeler les

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 57

principaux facteurs des troubles moteurs, d'indiquer sur

quels points portera en pareil cas l'examen du malade, et

quels sont ceux qui comportent des conclusions pratiques

au point de vue de la rééducation.

Exécuter un mouvement coordonné volontaire, c'est dépla-

cer par un mouvement régulier dans un sens et une mesure

appropriés au but à atteindre les leviers osseux constituant

l'armature des membres ou du tronc. Ces déplacements sont

déterminés par l'action de ressorts représentés par les mus-

cles : ceux-ci doivent donc jouir de leurs propriétés normales

d'élasticité et de contractilité, mais, même en ce cas. ils n'ont

pas par eux-mêmes d'initiative propre et ne font qu'obéir

passivement aux ordres qui leur sont donnés par les centres

nerveux et transmis par les nerfs. Enfin, la sensibilité sous

ses divers modes influence à tout instant les centres nerveux

et les muscles, et assure d'autre part le contrôle des mou-

vements exécutés.

Des lésions des os, nous ne dirons rien, car elles n'ont

rien à faire avec la rééducation ; il en est à peu près de

même pour les articulations, bien qu'on puisse faire remar-

quer que les attitudes et les fonctions articulaires ne sont

jamais indépendantes des muscles, car ceux-ci sont les vrais

moyens de contention actif des articulations. Pour le mus-

cle, la question essentielle au point de vue qui nous inté-

resse est de savoir, en cas de troubles fonctionnels, s'il y a

altération de la fibre elle-même, ce qu'indique l'examen

électrique, et alors la rééducation est impuissante. La fibre

musculaire étant supposée intacte, on tiendra le plus grand

compte de l'état du tonus musculaire, puisque toute ano-

malie dans la répartition de ce tonus modifie forcément les

attitudes et altère les mouvements; d'autre part, sachant

que le tonus musculaire n'est que l'expression du tonus ner-

veux et que ce dernier est une résultante complexe d'actions

diverses, la question se posera, souvent difficile à résoudre,

de savoir par quel mécanisme le tonus est altéré. Enfin, on

devra examiner comment se fait la contraction volontaire, si

elle n'est pas retardée, ou brusque, ou irrégulière dans sa

forme.

Après ces diverses recherches, on ne- connaît encore que

le fonctionnement de chaque muscle envisagé individuelle-

ment, et ces notions, il est vrai, sont déjà intéressantes, car

58 THÉRAPEUTIQUE.

elles comportent dans la correction des troubles moteurs des

conséquences pratiques importantes, mais il reste alors à

étudier les mouvements à proprement parler et notamment

la coordination motrice dont il n'a pas jusqu'ici été ques-

tion. Or, jamais un muscle n'entre en action isolément, tout

mouvement, si simple qu'il paraisse, exige le concours simul-

tané de plusieurs muscles : c'est ce que Duchenne de Bou-

logne exprimait en disant : « Les contractions musculaires

isolées ne sont pas dans la nature. »

On a pu distinguer parmi les mouvements coordonnés

deux sortes de coordinations : la coordination involontaire et

la coordination volontaire, ou, comme les a appelées en

termes plus clairs Mr. Raymond, les associations et les

coordinations motrices. Nous rappellerons que les pre-

mières, concernant des mouvements simples, tels que les

flexions ou les extensions des articulations, assurant aussi le

jeu des antagonistes, paraissent préétablies puisqu'on les

retrouve même chez le jeune enfant; les secondes, au con-

traire, se rapportant aux mouvements plus complexes ou à

l'adaptation des premières à un but déterminé, ne sont

obtenues que par l'exercice conscient ; enfin le mécanisme

des unes et des autres n'est pas le même, elles n'exigent pas

l'intervention des mêmes neurones. Les mouvements simples,

tels que ceux du nouveau-né serrant les objets qu'il ren-

contre, sont bien réalisés par l'action combinée de plu-

sieurs muscles ; ils ne représentent néanmoins encore que

des réflexes dont le centre est dans la moelle. Plus tard,

au contraire, l'enfant apprendra à exécuter volontairement

les mouvements simples, à les mesurer et à les associer

entre eux pour les approprier à un but déterminé ; c'est

alors l'influence corticale qui en fera des mouvements coor-

donnés, quitte à se désintéresser de leur exécution quand

l'habitude les aura rendus automatiques. Selon que les

mouvements simples, les associations motrices, seront

altérés ou que leurs adaptations fonctionnelles seules seront

perdues, le problème de la rééducation ne se présentera pas

dans les mêmes conditions : dans le premier cas, les neu-

rones inférieurs sont en jeu : dans le second, c'est l'action

des centres supérieurs qui est altérée ou perdue, et si l'exer-

cice peut dans l'un comme dans l'autre cas se montrer effi-

cace, la tâche sera pourtant différente. C'est là une première

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 59

distinction importante à établir, mais ce n'est pas la seule.

Bien que nous ne connaissions pas tout le mécanisme

nerveux de la coordination motrice, quoique certains points

soient en discussion, nous en savons néanmoins assez pour

que l'analyse des anomalies observées permette bien souvent

d'en reconnaître la cause : pour comprendre la physiologie

pathologique des mouvements, nous n'ignorons pas qu'ii

faut tenir compte de l'action d'un grand nombre de centres,

médullaires, bulbo-protubérantiels, cérébelleux et cérébraux,

dont nous commençons à entrevoir le rôle.

Or, ce long travail d'analyse des diverses anomalies des

mouvements ne saurait être fait avec trop d'exactitude pour

chacun des cas dans lesquels se pose la question de la réédu-

cation, et cela afin d'en saisir les indications et de ne pas

l'entreprendre chez des malades qui n'en peuvent pas béné-

ficier. Non seulement lorsque la fibre musculaire elle-même

est malade il n'y a rien à en attendre, mais il faut encore y

renoncer si. en dehors même des atrophies vraies, l'amai-

grissement local est tel qu'il existe de vraies cachexies plus

ou moins circonscrites, ou encore si les destructions ner-

veuses sont trop profondes. Il est bien évident que la réédu-

cation, comme toute autre méthode, a des limites d'action :

en général, il est vrai, les médecins se sont plutôt tenus

jusqu'ici en deçà de ces limites, pourtant nous avons vu

aussi discuter l'opportunité de la rééducation dans des cas

où un examen attentif aurait dû en écarter absolument

l'idée.

Mais ce même travail d'analyse n'est pas moins indispen-

sable pour choisir les procédés de rééducation auxquels il

convient d'avoir recours. C'est lui encore qui établira le

pronostic : nous savons par exemple que l'hypotonie se

corrige moins facilement que l'ataxie et les troubles d'ori-

gine cérébelleuse moins facilement que ceux d'origine céré-

brale.

Si on prend la peine de passer ainsi soigneusement en

revue les divers facteurs des anomalies des mouvements pour

toutes les affections justiciables de la rééducation, on est

frappé par trois observations importantes :

1° Le même mot d'incoordination, souvent employé pour

désigner tous ces états, correspond à des syndromes très

différents, ainsi l'incoordination du tabes et celle de la

60 THÉRAPEUTIQUE.

maladie de Friedreich ne se ressemblent que d'assez loin. Il

y a en réalité des états d'incoordination qui n'ont guère de

commun entre eux que ce nom. Sans doute on commence à

en distinguer quelques-uns, on ne confond plus notamment

l'asynergie (Babinski) et l'ataxie, mais il n'est pas douteux

que les distinctions devront se multiplier à mesure qu'on

connaîtra mieux leurs éléments constituants et leur patho-

génie : la thérapeutique les fait pressentir, puisqu'elle se

montre très inégalement efficace suivant les cas.

21 Le même mot d'incoordination est encore insuffisant à

un autre point de vue : il semble en effet, d'après sa signifi-

cation étymologique, indiquer que, dans les maladies dont

nous nous occupons, il y a seulement défaut d'adaptation

réciproque d'éléments individuellement normaux. Il donne-

rait par exemple à entendre que, chez les ataxiques, la

fonction de chaque muscle est intacte et que l'ataxie ne

provient que du défaut d'association opportune de leurs

diverses contractions. En réalité, il n'en est rien : dans

l'ataxie tabétique comme dans beaucoup d'autres syndromes

moteurs, chaque muscle envisagé individuellement se montre

altéré dans sa fonction, et il ne faut pas négliger de recons-

tituer chaque unité en même temps qu'on s'efforce de les

grouper pour rétablir les mouvements coordonnés normaux.

3° La rééducation se propose, nous l'avons dit, la recons-

titution de la fonction motrice. Parfois, en effet, la fonction

seule est troublée, mais, dans bien d'autres cas, les organes

eux-mêmes sont lésés et doivent eu même temps être eux-

mêmes traités par des procédés indépendants de la réédu-

cation.

C'est pour cette raison que, si on veut traiter avec succès

la plupart des troubles de la motilité, il faut pouvoir suivant

les cas associer à la rééducation proprement dite les autres

méthodes de thérapeutique physique, lesquelles se complè-

tent alors en se prêtant leur aide réciproque. De même

encore, c'est parce qu'il y a des syndromes différents d'in-

coordination, que la rééducation a dû varier ses procédés

pour les approprier à chacun des symptômes qu'elle a à

combattre.

Il serait intéressant maintenant de chercher à comprendre

le mode d'action de la rééducation motrice, et cela, non

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 61

seulement au point de vue théorique, mais encore pour la

pratique, afin de pouvoir favoriser à propos les processus

naturels : plusieurs opinions ont été mises en avant qui

n'ont pas toutes le même intérêt. Nous les rappellerons pour-

tant, car il n'est pas douteux que la question est complexe.

Tout d'abord, on peut se demander quelle est la part de

l'influence psychique dans la physiologie de la rééducation,

mais ici il faut établir des distinctions. Il faudrait n'avoir

jamais été témoin d'une cure de rééducation bien faite pour

admettre que celle-ci n'agit que par suggestion. Outre que

l'on a des succès chez les malades les moins accessibles à la

suggestion, lorsqu'on assiste à des progrès lents mais régu-

liers, lorsqu'on voit se modifier des symptômes tout à fait

indépendants de l'influence psychique, quand on constate

que ces mêmes troubles s'améliorent en raison de l'attention

et de la régularité des efforts dépensés, lorsqu'enlin on s'est

assuré que les succès sont bien en rapport avec les techniques

spéciales employées, l'idée de suggestion devient une expli-

cation inadmissible. Toute différente de la suggestion, c'est-

à-dire de la substitution de la volonté du médecin à celle du

malade, est la rééducation en cas de troubles moteurs d'ori-

gine corticale, chez les tiqueurs par exemple, puisqu'ici c'est

la volonté du malade qu'on s'efforce de fortifier et de régu-

lariser.

Si l'influence psychique intervient dans d'autres condi-

tions, ce n'est qu'en faisant disparaître peu à peu l'appré-

hension qui se manifeste chez tout sujet, sain ou malade,

lorsqu'il s'agit pour lui d'exécuter un mouvement difficile

ou de réaliser un équilibre dangereux, mais c'est là un

phénomène tout à fait banal, et, quand un homme bien

portant peut s'habituer à côtoyer un précipice, il ne suffit

pas de faire appel à la volonté pour qu'un ataxique recom-

mence à marcher.

Ce qui est plus vrai, c'est que bien souvent, dans les

paralysies notamment, les troubles fonctionnels dépassent

en étendue les régions directement intéressées par les

lésions; il se produit alors une sorte d'inhibition de voisi-

nage portant sur des muscles dont les fonctions sont sus-

ceptibles d'un rétablissement complet, mais, comme ce

retour n'est possible que par l'exercice, c'est déjà de la

rééducation.

63 thérapeutique.

On a pu invoquer aussi l'effort spontané de la nature :

c'est en effet une loi générale que les organes vivants tendent

à réagir contre les conditions défavorables qui leur sont

imposées. Mais cette réaction est d'autant plus marquée que

la cause de déchéance est moins prolongée et. d'autre part,

elle se fait toujours par l'intermédiaire du système nerveux,

or il s'agit en cas de troubles moteurs d'affections essentiel-

lement chroniques et elles-mêmes J'origine nerveuse, aussi ne

saurait-on compter alors sur les réactions spontanées, et, en

fait, les troubles de la coordination ne se corrigent pas

seuls.

Par le mot de compensation, on désigne le phénomène par

lequel un organe se modifie à mesure qu'il doit accomplir

un travail plus considérable : il en est ainsi des parois car-

diaques lorsque la pression vasculaire augmente. Or, on

voit bien aussi les fibres restées saines dans un muscle se

développer lorsque d'autres ont été détruites. Mais cette

compensation ne peut rétablir que la quantité et non la

qualité du travail effectué. '

La possibilité des suppléances organiques est déjà plus

intéressante : en ce qui concerne les muscles, elle est souvent

mise à profit, car s'il est vrai qu'il n'existe pas deux muscles

ayant les mêmes fonctions, certains ont cependant des

actions telles qu'ils peuvent se remplacer utilement. Au

cours de la rééducation, on peut être amené à modifier le

type des mouvements normaux, mais ce n'est là qu'un moyen

accessoire et non une méthode générale.

Quant à l'éducation proprement dite, c'est-à-dire aux

fonctions nouvelles que crée l'habitude, elle ne s'applique

guère directement aux muscles, puisque leurs contractions

sont réglées par le système nerveux et que c'est l'action de

ce dernier qu'il faut rapprocher de la normale.

Toutes les influences que nous venons de passer en revue

sont donc insuffisantes pour expliquer le mode d'action de

la rééducation. Sans doute, il ne faut pas les ignorer, car

elles peuvent être utilisées parfois à titre accessoire, mais

c'est toujours aux modifications fonctionnelles du système

nerveux qu'il faut revenir et notamment à ces deux pro-

priétés que nous avons données comme les principes mêmes

de la rééducation motrice : la faculté qu'ont les éléments

nerveux de régénérer leurs fonctions compromises : la possi-

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 63

I)iliLé de voir certains centres acquérir des fonctions norma-

lement dévolues à d'autres cellules.

Ce n'est pas tout encore de connaître les principes

généraux de la rééducation motrice, la physiologie patholo-

gique des mouvements, les nombreuses anomalies qu'ils

peuvent présenter, les moyens qu'il convient d'opposer à

chacun d'eux et leur mode d'action, il faut encore que le

rééducateur n'ignore .rien de la mécanique normale des

mouvements qu'il veut rétablir : il lui faut connaître exacte-

ment les effets de chaque contraction musculaire, le méca-

nisme de tous les mouvements, les actions toniques des

muscles, l'harmonie des antagonistes, le rôle de la pesanteur

dans les diverses altitudes, enfin il doit s'être livré à une

étude complète des grandes fonctions motrices.

Prenons-nous comme exemple la Station et la Locomo-

tion ? Comment pourrait-il apprendre à un malade marcher,

s'il n'était familier avec les conditions de l'équilibre, le

centre de gravité du corps humain et de ses divers segments,

les aplombs de chacun d'eux au-dessus du segment sous-

jacent, s'il ignorait les divers types de la marche afin de

tirer le meilleur parti possible des ressources de chaque

sujet ? .

Enfin il n'est pas inutile de rappeler qu'en matière de

rééducation, comme toutes les fois qu'il s'agit de thérapeu-

tique, les connaissances générales ne valent que par les

applications qu'on en peut faire à chaque cas particulier,

il ne peut pas exister de série immuable d'exercices appli-

cables à tous les malades atteints d'une même affection.

Pour diriger utilement le traitement, il faut, après le dia-

gnostic établi, déterminer de façon précise la nature des

troubles observés, leurs localisations, leur degré pour chaque

groupe musculaire : c'est alors seulement qu'on pourra

prévoir ce qu'il est possible d'attendre de ces muscles et

quels exercices de rééducation leur conviennent ; encore

devra-t-on en surveiller de près les effets, les modifier suivant

les changements que l'on observera, et saisir au jour le jour

les diverses indications qui se présenteront. On n'oubliera pas

non plus de tenir grand compte des symptômes observés

concurremment avec les troubles moteurs, des troubles

sensitifs par exemple, de l'état des forces, de l'intelligence

et de la bonne volonté du sujet. Rééduquer un malade, c'est

64 THÉRAPEUTIQUE.

faire une oeuvre essentiellement clinique et par conséquent

variable avec chaque cas particulier, pour laquelle le succès

ne dépend pas moins des qualités du médecin que des

symptômes qu'il a à combattre. C'est pourquoi nous estimons

qne la rééducation ne peut être menée à bien que par un

médecin et non par des auxiliaires, par un médecin ayant

l'habitude des maladies nerveuses et connaissant les difficultés

de la clinique, par un spécialiste familier avec la thérapeu-

tique par les exercices méthodiques.

Il nous resterait pour terminer à indiquer pour quelles

affections on peut employer la rééducation motrice. Pour

cela le plan naturel consisterait à rapprocher celles qui se

présentent dans les mêmes conditions, à grouper entre eux

par exemple les troubles d'origine psychopathique ou céré-

brale, les troubles d'origine cérébelleuse et ceux d'origine

médullaire, mais, outre qu'une pareille manière de procéder

nous entraînerait à de longs développements en nous forçant

à analyser tous les troubles des mouvements et à discuter

la pathogénie de chacun, elle supposerait à tort que l'état

actuel de nos connaissances ne nous laisse rien ignorer de

leur genèse, enfin il faudrait admettre presque autant de

variétés que de maladies, aussi nous contenterons-nous d'é-

numérer en les classant d'après la fonction intéressée les

affections dans lesquelles la rééducation motrice trouve ses

indications. Nous ferons remarquer que pour chacune d'elles

son étude devrait être reprise à part.

1° Station et locomotion (mouvements des membres

inférieurs et du tronc) : chez les tabétiques, les hémiplégi-

ques, les paraplégiques, dans la maladie de Parkinson,

l'astasie-abasie, la maladie de Friedreich, les affections

cérébelleuses ( ? ), la sclérose en plaques ( ? ).

2° Mouvements des membres supérieurs (préhen-

sion, écriture, etc.) : dans le tabes, l'hémiplégie, la maladie

de Parkinson, les chorées, les crampes professionnelles.

3° Troubles de la phonation.

a). Troubles fonctionnels : bégaiement et autres défauts

de prononciation.

b). Troubles d'origine organique : dysarthries, aphasies.

4° Mouvements de la face et du cou.

Chez les tiqueurs, chez les choréiques, dans le torticolis

mental.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 65

5° Mouvements des globes oculaires.

Dans le strabisme (méthode de Javal).

6° Mouvements respiratoires.

a). Troubles fonctionnels; chez les tiqueurs, les bègues.

b). Troubles d'origine organique : chez les cardiaques,

les emphysémateux, les tuberculeux.

7° Mouvements du coeur (Lagrange Revue de Méde-

cine, 1900).

8° C'est encore par les exercices de rééducation appliqués

aux muscles des parois abdominales que l'on réussit

parfois à améliorer les fonctions vésicales (en cas d'hypo-

tonie de la paroi abdominale) ou intestinales (Froussard).

Ajoutons enfin que dans certains cas, chez les ataxiques en

particulier, la rééducation de la sensibilité est importante

pour le rétablissement des fonctions motrices.

Si la rééducation a pu ouvrir devant elle un champ

d'action aussi vaste, si d'autre part elle repose sur des bases

à la fois certaines et bien connues, on voit combien nous

sommes loin maintenant de ces deux opinions contre

lesquelles nous nous élevions au début de ce travail, savoir

que la rééducation consiste en une vague gymnastique

destinée à rétablir empiriquement les fonctions motrices

compromises, ou encore qu'elle ne représente que le traite-

ment correctif de l'ataxie des tabétiques. Ces deux opinions,

nous espérons en avoir fait justice et nous estimons qu'on

peut considérer comme bien établies désormais les proposi-

tions suivantes :

1° La rééducation organique est une méthode générale de

traitement basée sur les idées de réparation et de suppléance

fonctionnelles.

2° La rééducation motrice représente une des applica-

tions les plus larges de la méthode de rééducation en géné-

ral. Elle intéresse particulièrement la pathologie nerveuse.

3° La rééducation motrice résume l'ensemble des procédés

qui visent spécialement le rétablissement de la fonction

motrice.

4° Il est parfois utile de l'associer à d'autres méthodes

lesquelles se proposent la reconstitution de l'organe lui-

même, mais ces méthodes demeurent indépendantes et né

Archives, 2° série, t. XV. g

Q6 THÉRAPEUTIQUE.

rentrent pas directement dans la conception de la réédu-

cation.

50 Si les indications de la rééducation sont très vastes, ses

applications doivent être très précises. Elle met en oeuvre

des procédés variés, mais ceux-ci, pour se montrer efficaces,

doivent être adaptés aux besoins de la clinique, aux symp-

tômes et aux localisations de ces symptômes propres non

seulement à chaque maladie, mais à chaque malade pris en

particulier.

II. La rééducation des ataxiques.

Après avoir jusqu'ici parlé de la rééducation motrice en

général et de ses nombreuses applications, nous allons main-

tenant traiter d'une seule d'entre elles, de ce qui concerne

le traitement de l'ataxie tabétique et en particulier les fonc-

tions de locomotion : c'est dans ce sens restreint que nous

nous servirons désormais du mot de rééducation. Nous avons

choisi cet exemple parce qu'en raison de la fréquence du

tabes il intéresse tous les médecins et un groupe important

de malades, et aussi parce qu'il représente un des chapitres

aujourd'hui bien connus de la question.

La rééducation des ataxiques n'est plus maintenant une

méthode nouvelle, elle a un passé qu'il est juste de ne pas

oublier, car les premières tentatives qu'il rappelle étaient

déjà intéressantes, et elles ont marqué le point de départ

des travaux actuels. ,

On trouve de maints côtés des origines à la rééducation.

Les élèves de Charcot se souviennent de l'avoir vu faisant,

dans un but non seulement d'étude, mais aussi de théra-

peutique, répéter et décomposer leurs mouvements aux

ataxiques de son service et tâchant de les régulariser. Les

Allemands font remonter les premiers essais de traitement

compensatoire entrepris par le professeur Leyden à une époque

bien antérieure à ses premières publications. Dans les gym-

nases suédois, les ataxiques étaient depuis longtemps sou-

mis, comme nombre d'autres malades, à des exercices systé-

matiques. Dans les établissements fréquentés par ces

malades, à Lamalou notamment, on avait même imaginé

des moyens d'appui pour leur permettre une sorte d'entraî-

nement. Au Congrès de Moscou (1896) le professeur Zablu-

dowslci a réclamé la priorité dans ce genre de traitement.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 67

Enfin plusieurs auteurs considèrent Mortimer Granville

comme l'initiateur de la méthode.

Nous ne discuterons pas le bien fondé de certaines de ces

revendications contre lesquelles on a pu élever des protesta-

tions ; ce n'étaient là, en tout cas, que des tentatives isolées

et dont le succès avait sans doute été modeste si on en juge

par le peu de retentissement qu'elles avaient eu.

C'est à un médecin suisse ! le Dr Frenkel. que revient le

mérite de s'être attaché spécialement à cette étude et d'avoir,

le premier, obtenu des résultats importants. Après les avoir

mentionnés dans une première communication, après quel-

ques autres publications relatives à sa technique, il fit à

Moscou une seconde communication plus remarquée du

public médical. Entre temps il s'était efforcé de faire con-

naître sa méthode à l'étranger et en France et déjà quelques

applications du traitementmécanique de fcztccxie (Hirsehberg)

avaient été faites à Paris non sans succès, lorsque Frenkel

vint lui-même à la Salpêtrière, désireux de soumettre au

contrôle officiel des neurologistes français les effets de ce

traitement. M. Raymond, depuis longtemps convaincu de

l'importance des thérapeutiques physiques en neuropatho-

logie, l'accueillit avec bienveillance, et, après avoir observé

des améliorations manifestes obtenues chez plusieurs ma-

lades, consacra deux de ses leçons cliniques à l'exposé de la

nouvelle méthode dont il étudiait le mode d'action et les

indications. L'autorité de notre maître lui donnait désormais

son rang parmi les thérapeutiques régulières, la classant

comme méthode de rééducation.

Sans doute les exercices de Frenkel ne constituaient

encore qu'une méthode imparfaite, plus empirique que

scientifique, incomplète et trop uniforme, ses résultats se

montraient encore inégaux; pourtant elle a marqué un

sérieux progrès et a compté à son actif d'importantes amé-

liorations. Frenkel a pu le premier formuler cette idée

que l'ataxie régulièrement traitée n'est pas incurable.

L'étude du traitement correctif de l'ataxie ne devait

pas tarder à être reprise et poussée plus à fond ; en Alle-

magne, il convient de citer à ce propos Goldscheider et

Jacob, en France les travaux de l'école de la Salpêtrière

inspirés par M. le professeur Raymond ; après les leçons de

M. Raymond, M. Faure fait paraître divers travaux sur la

68 THÉRAPEUTIQUE.

rééducation, puis viennent les thèses deLeclerc et de Riche,

/ enfin nous-même à la clinique Charcot, nous sommes parti-

culièrement consacré depuis plusieurs années a. cette question

'dont nous voulons exposer l'état actuel.

Le temps n'est plus où le traitement de l'ataxie se rédui-

sait aux exercices monotones d'une gymnastique très géné-

rale et indistinctement appliquée à tous les malades suivant

une même progression. Si on relit les premières publications

parues sur ce sujet, on est frappé, quelque justice qu'il

convienne de rendre aux efforts du début, par les imperfec-

tions non seulement de la pratique mais de la conduite

même du traitement. Naguère encore les exercices de réédu-

cation étaient divisés en deux groupes :

Exercices de rééducation des membres supérieurs, ima-

ginés pour rétablir les divers mouvements des mains.

Exercices de rééducation des membres inférieurs, ceux-ci

représentant toute la rééducation de la locomotion ; et

encore, si on analyse ces derniers, on constate que leur

variété était tout apparente, puisqu'ils ne concernaient que

les muscles des jambes et quelques muscles des cuisses ;

ainsi se trahissait chez les auteurs, cette illusion capitale

que l'incoordination de ces muscles existe seule ou du

moins est seule responsable des troubles de la marche,

comme si la station et surtout la locomotion étaient pos-

sibles, sans le concours des muscles postérieurs de la cuisse,

de ceux de la ceinture pelvienne et du tronc. Sans doute

aucun neurologiste ne peut ignorer l'existence de l'incoordi-

nation du tronc, mais sa fréquence était méconnue ; au con-

traire nous pouvons dire aujourd'hui que toutes les fois

qu'il existe des troubles de l'équilibre, la statique et les

mouvements du tronc sont anormaux, et qu'un médecin

qui ne disposerait d'aucun moyen d'action sur la muscula-

ture du rachis, des lombes, de l'abdomen et du bassin, ne

pourrait pas prétendre faire de la rééducation de la marche ;

parmi les exercices indiqués, on aurait pu mentionner

plusieurs erreurs de physiologie; parmi les appareils

employés, certains n'étaient pas sans danger. Nous avons

dû aussi apprendre à tenir mieux compte des divers éléments

constituants de l'ataxie, à accueillir plusieurs procédés

accessoires tels que les mouvements d'opposition douce,

indispensables pour la réalisation de certains efforts volon-

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 69

taires, à analyser le mécanisme de la marche afin de pres-

crire des exercices vraiment conformes à la physiologie,

enfin une erreur grave des premiers rééducateurs venait cer-

tainement de l'uniformité avec laquelle étaient prescrits les

exercices thérapeutiques, comme si la symptomatologie de

l'ataxie n'était pas infiniment variée pour qui l'examine

de près, comme si les troubles de la marche, les localisations

de l'incoordination, de l'hypotonie, des anesthésies étaient

toujours les mêmes et aboutissaient aux mêmes anomalies

de mouvements : c'est pourtant une règle sans exceptions

que la thérapeutique doit s'approprier aux besoins de

chaque malade, cette règle, il a fallu néanmoins la rappeler

dans le cas présent.

Nous venons de mentionner quelques-uns des points sur

lesquels s'est aujourd'hui modifiée la technique de la réédu-

cation appliquée aux ataxiques ; ces progrès suffiraient à

justifier l'exposé de ses procédés actuels. Sans traiter à fond

ce vaste sujet, nous allons maintenant indiquer la ma-

nière générale de comprendre et de diriger le traitement.

Pour entreprendre de lutter utilement contre l'ataxie d'un

tabétique, il faut connaître :

1° L'anatomie normale et la physiologie de tous les

éléments du système moteur.

2° Les divers facteurs d'anomalies des mouvements dont

l'ensemble constitue l'ataxie, leur pathogénie, leurs consé-

quences mécaniques, leurs localisations chez un malade

donné.

3° Les procédés qu'on peut opposer à chacun d'eux et les

moyens de les mettre en pratique pour chaque groupe mus-

culaire.

4° La physiologie normale de la marche, c'est-à-dire de la

fonction qu'on veut rétablir.

5° Enfin il faut savoir quand on peut appliquer, comment

il convient de régler et d'exécuter le traitement rééduca-

teur.

De l'anatomie et de la physiologie normales, nous ne

dirons rien, si ce n'est qu'il est inutile, à moins de les con-

naître parfaitement, de chercher à corriger les fonctions

motrices altérées.

L'étude de l'incoordination au cours du tabes mérite-

rait au contraire de nous arrêter longuement. Cette question

70 O THÉRAPEUTIQUE.

fera en effet l'objet de -travaux ultérieurs, mais rappelons

du moins ou signalons quelques-uns des symptômes qui

comportent des conséquences pratiques intéressantes.

Certains des caractères du muscle tabétique sont bien

connus quant à leur existence, mais leurs conséquences au

point de vue moteur méritent d'être précisées. La diminu-

tion habituelle du volume des muscles a été depuis long-

temps constatée, mais c'est à tort qu'on la désigne toujours

sous le nom d'atrophie, si du moins on donne à ce mot un

sens précis. L'atrophie vraie, avec altération histologique

de la fibre musculaire et modification des réactions élec-

triques, peut s'observer, mais à titre de complication au

cours du tabes; le plus souvent, on n'a affaire qu'à de

l'amaigrissement des muscles avec intégrité de la fibre

elle-même. Ces notions sont d'ailleurs bien établies et nous

n'avons plus à nous demander quelle part revient au

système nerveux et quelle part aux muscles dans la genèse

de troubles moteurs des ataxiques, mais encore faut-il

ne pas les oublier pour la thérapeutique ; l'exercice métho-

dique et prudent, inutile en cas d'atrophie vraie, est au

contraire tout indiqué contre l'amaigrissement muscu-

laire des tabétiques. De plus, autant il serait logique

de chercher à agir directement sur le muscle lui-même par

l'électricité ou par le massage en cas d'atrophie vraie,

autant ces moyens deviennent insuffisants chez les ataxiques

chez qui la fibre musculaire n'est pas altérée et ne saurait

être rendue responsable des incorrections des mouvements :

ces moyens pourront, dans certaines circonstances, trouver

leurs indications à titre accessoire, ils pourront ranimer la

nutrition de muscles cachectisés, mais c'est tout ce qu'il leur

faut demander : jamais ils n'aideront à rétablir le type nor-

mal de la contraction volontaire et de la coordination.

Celle-ci est fonction du système nerveux et ne peut se

reconstituer que par la réparation des éléments nerveux ou,

à défaut, par leur rééducation.

L'état de relâchement des muscles, habituel chez les tabé-

tiques a été observé depuis longtemps : Duchenne de Bou-

logne l'a vu et décrit, depuis il a été étudié sous le nom

d'hypotonie. L'hypotonie est en effet un symptôme,des plus

intéressants à notre point de vue ; il permet déjà de com-

prendre par des considérations d'ordre mécanique plusieurs

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 71 L

des irrégularités, des à-coup qui se produisent fatalement à

l'occasion des mouvements, puisque les diverses pièces de

la machine humaine ne sont plus ajustées entre elles.

L'hypotonie rend compte encore de la plupart des déforma-

tions et attitudes vicieuses. De plus, sachant que le tonus

musculaire n'est que la traduction du tonus nerveux et que

ce dernier est influencé, entre autres causes, par les impres-

sions sensitives et l'action cérébrale, nous pouvons dès

maintenant comprendre que, pour diminuer l'hypotonie,

nous pourrons d'une part, nous adresser aux moyens propres

à réveiller la sensibilité et compter d'autre part sur l'action

compensatrice des centres corticaux volontaires.

Si nous sommes jusqu'ici impuissants à rétablir les

réflexes musculo-tendineux abolis, nous pouvons dans une

large mesure diminuer l'amplitude et la fréquence des mou-

vements involontaires, enfin nous savons que la sensibilité

musculaire est capable de suppléer la sensibilité articulaire

toujours plus profondément touchée, que, sauf dans les cas

graves, l'anesthésie musculaire avec ses diverses variétés

est rarement absolue, que le sens musculaire est suscep-

tible de s'améliorer par la rééducation et devient alors d'un

grand secours pour le rétablissement de l'équilibre.

Après cette étude, déjà fertile en déductions pratiques, du

muscle tabétique au repos, l'étude de sa contraction volon-

taire est plus instructive encore. Tout d'abord il existe des

malades chez lesquels la contraction volontaire de certains

muscles n'est pas possible, ces muscles sont paralysés. Les

paralysies au cours du tabes sont bien connues et nous ne

les ignorons pas, mais ici comme pour les atrophies, nous

croyons qu'il ne faut admettre qu'à bon escient un semblable

diagnostic ; il n'est pas rare de voir chez les tabétiques des

groupes de muscles en apparence paralysés et dont l'exer-

cice méthodique permet peu à peu aux malades de retrouver

la contraction volontaire plus ou moins correcte. Mais, ce

qui est de règle, c'est que la contraction volontaire de chaque

muscle envisagé isolément se montre anormale dans sa

forme. Nous n'insisterons pas ici sur les caractères de cette

anomalie lesquels se rapprochent de ce que M. P. Richer a

appelé type de contraction balistique pour les muscles nor-

maux, remarquons seulement qu'ils sont peut-être plus

accusés encore pendant la décontraction. Ce qui est impor-

72 THÉRAPEUTIQUE.

tant au point de vue pratique, c'est que ces symptômes,

ainsi d'ailleurs que tous ceux qui ont été énumérés jusqu'ici,

sont indépendants de la coordination motrice puisqu'ils

concernent les muscles isolés et non leurs associations fonc-

tionnelles, d'où l'on peut conclure qu'avant de prétendre

rétablir le groupement synergique des diverses actions mus-

culaires, tout un premier chapitre du traitement des ata-

xiques doit être consacré à la rééducation de chaque unité

musculaire ; autrement ce serait une tâche vaine que d'asso-

cier des éléments anormaux dans l'espoir de refaire un

ensemble normal.

Le traitement de l'incoordination constituera la seconde

partie de la rééducation. Ici encore, il faut savoir procéder

méthodiquement, du simple au complexe. Nous avons déjà

distingué les associations motrices de la coordination pro-

prement dite, nous avons dit qu'elles ne sont pas naturel-

lement réalisées par le même effort. Les premières corres-

pondant aux mouvements simples, tels que la flexion ou

l'extension d'une articulation, sont réalisées par la combinai-

son d'un petit nombre d'efforts musculaires, l'harmonie de

ces derniers semble préétablie chez l'enfant et dépend sans

doute des centres nerveux inférieurs ; au contraire, la coor-

dination, c'est-à-dire la combinaison de plusieurs mouve-

ments simples et leur adaptation à un but déterminé exige

ou a exigé l'intervention des centres cérébraux conscients.

Or, associations et coordinations sont également défec-

tueuses dans l'ataxie : les premières devront donc être tout

d'abord l'objet d'une thérapeutique spéciale. Si maintenant

on se souvient qu'un mouvement simple n'est correct que

quand certains muscles se contractent normalement, quand

leurs antagonistes par une décontraction également régu-

lière leur servent de régulateurs, quand enfin les groupes

voisins s'opposent par leur action tonique à des déplace-

ments intempestifs du segment de membre considéré, on

comprend que le rétablissement des associations motrices

avec tous leurs éléments exige déjà beaucoup d'efforts et la

mise en oeuvre de moyens variés et souvent ingénieux. Ce

n'est qu'après ce résultat obtenu qu'on pourra corriger

l'incoordination et compter sur l'exercice, l'habitude et

l'entraînement pour voir reparaître plus ou moins complè-

tement l'automatisme des mouvements fonctionnels.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 13

Il est indispensable encore de procéder pour chaque

malade en particulier à ce travail d'analyse des éléments de

son incoordination et surtout d'en déterminer les localisa-

tions. Faut-il répéter que les troubles de la locomotion sont

infiniment variés chez les tabétiques, parce que la répartition

de l'hypotonie ou de l'ataxie, par exemple, n'est jamais

rigoureusement la même ? Or le choix des exercices qui

conviennent à chacun dépend de la connaissance précise

des muscles intéressés. ,

Mais ce n'est pas tout, car, à côté de l'analyse, il faut aussi

faire la synthèse des troubles observés, afin de comprendre

les perturbations apportées dans la mécanique de chaque

malade par les troubles divers qu'on aura constatés ; c'est

même par cette étude qu'il convient souvent de commencer,

on sait alors quels erreurs de statique on a à combattre,

celles-ci sont expliquées par les éléments de l'incoordination

et leurs localisations ; alors enfin on peut choisir les moyens

rationnels d'y remédier. Avec un peu d'habitude cette com-

préhension de chaque malade se fait plus facilement, mais

bien vite elle montre combien les descriptions classiques de

la marche des ataxiques, même les mieux faites et les plus

utiles en clinique pour le diagnostic de la maladie, sont

insuffisantes pour la thérapeutique, combien en réalité sont

variés les types de locomotion chez ces malades.

Enfin il n'est pas superflu de faire observer que pour

rééduquer un ataxique il faut connaître exactement la physio-

logie normale de la fonction qu'on veut rétablir, celle de la

marche par exemple, car trop souvent nous avons vu com-

bien certaines des conditions essentielles de la statique et

de la locomotion ont été jusqu'ici ignorées à propos de la

rééducation. Nous avons déjà signalé l'importance du tronc

à cet égard.

Nous avons essayé de montrer que l'ataxie des tabétiques,

si on veut la décomposer en ses éléments, est un syndrome

très complexe ; or, chacune de ces notions spéciales com-

porté dans l'application du'traitement rééducateur des con-

clusions pratiques. A chaque symptôme, suivant sa nature

et ses localisations, doivent correspondre des exercices

appropriés. On comprendra qu'il ne nous soit pas possible

de les énumérer et de les justifier un à un. De même que l'ata-

xie est faite de troubles élémentaires des contractions de

74 THÉRAPEUTIQUE.

chaque muscle, de la dissociation de leurs contractions

synergiques, et enfin, du défaut des mouvements nécessaires

à l'équilibre et la locomotion de la machine humaine, de

même aussi la rééducation de la marche comprendra des

exercices de trois ordres, les uns, les plus simples, destinés

à rétablir le type normal de la contraction musculaire indi-

viduelle, les seconds destinés à grouper ces contractions pour

obtenir des mouvements à peu près réguliers, les troi-

sièmes enfin associant entre eux ces mouvements pour satis-

faire aux conditions de l'équilibre du corps humain au

repos ou pendant la marche.

Les exercices du premier genre consisteront en mouve-

ments essentiellement simples et correspondront directe-

ment à l'action de chaque muscle ou chaque groupe muscu-

laire malade. Les seconds, plus variés, et d'abord simples

puis progressivement compliqués, chercheront à rétablir,

non pas, comme on semble l'avoir fait trop souvent, des

coordinations quelconques et sans intérêt pratique, mais

surtout les mouvements qui trouvent leur application dans

la marche et notamment dans le type de marche que l'on

propose au malade; les uns comme les autres, si monotones

et fastidieux qu'ils paraissent, représentent, on le conçoit,

toute la première partie du traitement, on ne saurait leur

consacrer trop de temps et d'attention, puisque ce sont eux

qui restaurent les fonctions partielles sans lesquelles les

mouvements d'ensemble sont évidemment impossibles.

Ce n'est pas assez de mettre debout un ataxique qui s'écroule

sur lui-même en lui recommandant de tâcher de se tenir en

équilibre, car le plus souvent il n'y réussit pas, et si cepen-

dant il y parvient enfin, après de nombreux essais, le

médecin qui n'aurait pas fait davantage pour l'y aider,

n'aurait guère le droit de s'attribuer aucune part dans ce

succès. Si au contraire il lui a montré au préalable pourquoi

et comment il tombe, s'il lui a appris comment il peut fixer

ses épaules, déplacer son bassin, assurer l'équilibre des

genoux, régler la position respective des jambes et des

pieds, il sera alors possible dans la station debout de lui

commander d'exécuter tel mouvement ou tel effort partiel

qu'il sera capable de donner et de soutenir de façon à se con-

former aux conditions de la mécanique du corps humain.

Les exercices de détails, les mouvements partiels sont

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. '0

réglés au lit dans le décubitus, c'est-à-dire dans des condi-

tions telles que toute l'attention du malade puisse être con-

centrée sur la seule région de son corps ou de ses membres

qu'il est en train de rééduquer : plus tard viennent les exer-

cices de station et de marche. Il ne peut être question d'énu-

mérer ici les multiples exercices que l'on a occasion de

prescrire au cours d'un traitement de rééducation ; en pre-

mier lieu, cette énumération serait interminable, puisqu'il

faudrait passer en revue tous les muscles et tous les mouve-

ments, et expliquer la raison d'être de chaque exercice,

mais de plus un pareil code de rééducation serait forcé-

ment faux et par conséquent dangereux, car il faut choisir

et souvent imaginer les exercices qui conviennent à chaque

malade en particulier. La compréhension exacte du trouble

que l'on veut corriger et du mouvement que l'on veut restaurer

est. au point de vue thérapeutique, la meilleure et la plus

féconde des indications.

Nous ne décrirons pas davantage les divers appareils qui

ont été inventés pour les exercices de rééducation, tous ne

sont d'ailleurs pas à l'abri de la critique ; beaucoup n'ont

plus qu'un intérêt historique. D'une façon générale on peut

dire que ces appareils doivent être simples : les uns auront

pour raison d'être de forcer le malade à exécuter un mouve-

ment volontaire précis, ils rendront donc des services à con-

dition de correspondre à des mouvements physiologiques.

Dans un deuxième groupe on peut rapprocher les appareils

qui offrent au malade un appui dans la marche; l'emploi de

ces derniers doit être plus discret puisque, si on s'en sert

de façon permanente, ils vont à l'encontre du but proposé en

remplaçant par un soutien artificiel un mouvement volon-

taire et en faisant par conséquent illusion sur la valeur du

résultat obtenu.

Connaissant maintenant et les symptômes que l'on a à

combattre et les moyens d'action qu'on peut leur opposer,

on ne doit pas oublier que ce n'est pas une tâche aisée que

la rééducation d'un ataxique. Elle exige un certain nombre

de qualités pratiques de la part du médecin comme du

malade : c'est une lutte minutieuse qu'ils entreprennent l'un

et l'autre, pour laquelle ils doivent se montrer étroitement

unis et accepter de dépenser tous deux beaucoup de temps

et d'efforts. Il est à peine besoin de dire que l'un comme

76 THÉRAPEUTIQUE.

l'autre doivent être armés de patience et capables d'une

attention soutenue. Outre sa compétence technique, le

maître aura besoin de toute la confiance de son élève, et

celui-ci n'ignorera pas que le traitement ne donnera chez

lui tous ses heureux effets qu'autant que lui-même aidera

son médecin par ses efforts, son intelligence et son assi-

duite : on pourrait dire justement que c'est le malade qui se

traite et se guérit sous la direction de son médecin. Le

contact journalier de l'un et l'autre est donc à souhaiter, et

la meilleure façon de l'obtenir est de décider le malade à

se consacrer entièrement à sa rééducation ; c'est pour se

placer dans ces conditions que beaucoup s'isolent dans les

instituts spéciaux; loin de tout autre préoccupation, ils

peuvent ainsi se soumettre à une surveillance de tous les ins-

tants, répéter plusieurs fois par jour sous un contrôle

autorisé et sans pécher non plus par excès, les exercices

qui leur sont indiqués : de plus l'influence du milieu, les

rapports quotidiens avec les autres malades, l'exemple des

progrès dont ils sont témoins chez ceux-ci provoquant leur

émulation, et leur servant de démonstrations pratiques,

constituent autant de conditions favorables au succès défi-

nitif.

Les indications positives de la rééducation chez les tabé-

tiques se réduisent, selon nous, à une seule, l'existence de

l'ataxie ; il est bien évident que la question de rééducation

ne se pose pas en cas de tabes fruste ou de tabes bénin sans

troubles moteurs, d'autre part, l'impotence ou seulement

l'incapacité d'exercice d'une profession est une raison plus

que suffisante pour décider un malade à corriger son incoor-

dination. Ce qui est plus intéressant, c'est la connaissance

des contre-indications, car avant d'entreprendre un traite-

ment long et difficile, encore faut-il s'assurer qu'il ne peut

pas être nuisible et qu'il doit au contraire être réellement

utile à l'intéressé. De ces contre-indications les unes tien-

nent à l'état général, ce sont par exemple la cachexie du

sujet, l'existence de troubles cardiaques ou une asthénie

trop marquée, d'autres sont constituées par la coexistence

de certains symptômes, arthropathies, fragilité osseuse,

amaurose, troubles psychiques ou seulement défaut d'intel-

ligence. Mais ce ne sont pas les seules, car étant donné un

tabétique ataxique sans complications spéciales, il faut

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 117 <

encore déterminer quel est le moment opportun pour lui

conseiller la rééducation. Depuis que nous savons mieux

traiter le tabes, nous ne considérons plus cette maladie

comme une affection à évolution fatalement progressive,

nous sommes habitués à voir la majorité des tabes se fixer à

une période quelconque et parfois de façon définitive, nous

savons aussi que, quand la maladie évolue, c'est moins par

une progression continue que par poussées successives. Or,'

ces notions sont ici de première importance. Quand un tabès

est en voie d'évolution, quand on assiste à une poussée plus

ou moins aiguë de l'affection, c'est celle-ci qu'il convient

avant tout de traiter; non seulement à ce moment le symp-

tôme ataxie passe au second plan, mais l'effort considérable

que représente pour le malade le travail de rééducation

pourrait même alors excéder ses forces et par suite n'être

pas sans inconvénients ; au contraire, quand un tabès est

fixé, quand on assiste à une période d'accalmie, le moment

est venu de regagner tout ou partie du terrain perdu et de

réparer les désordres qui se sont constitués. Mais, même

dans ces conditions, ce n'est pas toujours avec les mêmes

chances de succès que l'on peut entreprendrela rééducation :

lors des premières applications de la méthode, ce n'était pas

une des moindres surprises des cliniciens que de constater

l'inégalité des résultats obtenus : des progrès, tantôt consi-

dérables, tantôt insignifiants étaient réalisés sans que la

gravité des cas parût les expliquer. Aujourd'hui, si cette

question de pronostic est délicate, nous avons néanmoins

des éléments d'appréciation : ceux-ci sont basés avant tout

sur l'analyse des symptômes observés, leur nature, leurs

localisations et leur intensité : nous savons que l'incoordi-

nation même très accentuée, que les mouvements les plus

désordonnés se corrigent bien, alors que nous avons beau-

coup moins de moyens d'action sur l'hypotonie. Il est vrai

que lorsque l'hypotonie est circonscrite et se montre peu

influencée par le traitement, l'orthopédie peut être d'un

grand secours : nous disposons en effet, dès maintenant,

d'appareils rendant des services importants et le nombre

pourra s'en accroître, mais si l'hypotonie est à peu près

généralisée, elle constituera un obstacle que nous ne pou-

vons pas toujours vaincre et qui commande une certaine

réserve. On tiendra grand compte aussi des troubles de la

78 THÉRAPEUTIQUE.

sensibilité et surtout de la sensibilité profonde. Enfin les

' localisations propres à ces différents symptômes seront,

elles aussi, prises en grande considération : la participation

si fréquente du tronc, par exemple, complique beaucoup

les difficultés, tandis que, dans d'autres cas, l'impossibilité

même absolue de la marche tient au défaut d'action d'un

petit nombre seulement de groupes musculaires : quelques

mouvements retrouvés suffisent alors à rétablir l'équilibre.

Nous ne redirons pas quelles qualités il faut demander au

malade, mais le dernier élément, essentiel, il est vrai, dont

il faut tenir compte, c'est la compétence technique du méde-

cin. Les cas où la rééducation n'a rien donné s'expliquent,

à notre avis, par l'une des raisons suivantes : certaines

contre-indications ont été méconnues, le tabes s'est aggravé,

le malade est indocile ou inattentif, ou le rééducateur est

au-dessous de sa tâche.

Toutes les conditions favorables étant supposées réunies,

l'application pratique du traitement exige encore quelque

habitude; ce n'est pas chose indifférente que de soumettre à

un travail d'entraînement physique un tabétique, c'est-à-

dire un malade dont les forces sont toujours amoindries et

à qui tout excès de fatigue serait nuisible. On commencera

par régler la durée et la fréquence des séances de rééduca-

tion, celles-ci seront courtes au début et coupées elles-

mêmes de plusieurs repos, mais leur durée n'a rien de fixe,

. elle peut varier avec chaque malade. Si la plupart des tabé-

tiques se fatiguent rapidement, on sait aussi que, chez

d'autres, cette sensation de fatigue est retardée, que certains

la dissimuleraient volontiers, tellement est grand leur désir

de guérir; il ne faut donc pas s'en rapporter aux indications

du malade et on tiendra compte plutôt des signes physiques

capables de trahir la fatigue, c'est-à-dire de la respiration

et surtout des caractères du pouls. Mais si les exercices sont

courts, il est indispensable d'y revenir souvent ; peu et

souvent, telle doit être en effet la règle, elle est d'ailleurs

d'une application facile, si on remarque que tout déplace-

ment, tout mouvement même peut, à condition d'être fait

méthodiquement, représenter un exercice thérapeutique.

Pendant les séances quotidiennes qu'il dirige en personne,

le médecin donnera donc à son malade les indications les

plus minutieuses relativement aux mouvements qu'il exécu-

· LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 79

tera en son absence. Autant ces derniers, s'ils sont incor-

rects, compromettent le bénéfice des premiers et créent de

mauvaises habitudes, autant, dans de bonnes conditions, ils

doivent constituer une part importante du traitement, mais

pour cela les moindres détails, les attitudes permises, les

sièges à employer, les moyens dont on s'aidera auront été

déterminés exactement. Un malade capable de s'observer à

tout instant est un malade qui s'améliorera régulièrement

et vite, nous l'avons bien des fois constaté. Si l'on a affaire

en outre à un homme intelligent, il peut être utile pour

l'intéresser à son traitement de lui donner quelques expli-

cations, plus ou moins simples suivant les cas, à condition

toutefois d'interdire toute initiative thérapeutique qui ne

serait pas contrôlée par le médecin lui-même. Faut-il au

contraire soutenir l'attention du sujet, on s'appliquera alors

à combiner des exercices dont l'effet sera à peu près le

même et à frapper l'imagination en variant les conditions

extérieures. Lorsqu'enfin certains progrès sont trop lents,

et si néanmoins le succès final doit être obtenu, on insistera

sur ce qui est déjà gagné et l'autorité du médecin empêchera

le découragement et l'abandon de tout effort : pour cela les

relations établies entre malades sont excellentes, car le

spectacle d'un succès chez l'un excite l'émulation des autres

et la vue du malheur d'autrui inspire quelque résignation.

C'est en tout cas un traitement long que la rééducation

chez les ataxiques et on n'en sera pas surpris si on songe

qu'il s'agit de redonner de nouvelles habitudes, de recons-

tituer par l'exercice de nouveaux mécanismes moteurs chez

des malades ; heureusement dès les premières semaines on

obtient en règle très générale des progrès assez nets pour

que le malade les constate et en soit encouragé, mais c'est

par mois qu'il faut compter le temps au bout duquel il peut

espérer voir changer ses conditions d'existence.

Une question souvent posée est celle de savoir si la réé-

ducation motrice est compatible avec l'emploi des autres

thérapeutiques qui conviennent aux ataxiques. Nous dirons

quelques mots de cette question importante : tout d'abord il

ne faudrait pas perdre de vue que la rééducation n'est que

le traitement symptomatique de l'ataxie et non pas celui du

tabes ; si elle est particulièrement indiquée lorsque celui-ci

est arrêté, il est pourtant fréquent qu'on ait à combattre en

80 THÉRAPEUTIQUE.

même temps que l'incoordination la maladie qui en est la

cause, nous n'avons jamais vu d'inconvénients à poursuivre

simultanément ce double but; les injections mercurielles en

particulier ne présentent avec la rééducation aucune incom-

patibilité. Il en est de même pour la médication tonique,

pour l'hydrothérapie, pour le traitement hydrominéral.

Pour ce qui est de l'élongation, toute la question est de savoir

à quels procédés on a recours car, si certains doivent être

évités, c'est qu'ils présentent par eux-mêmes des inconvé-

nients. On en pourrait dire autant de l'électricité ou du

massage ; les indications d'emploi de ces méthodes doivent

être rigoureusement déterminées pour chaque cas particulier,

sans que la rééducation suivie concurremment les modifie :

la rééducation en un mot est actuellement le seul mode de

traitement que nous puissions directement opposer au

symptôme ataxie,les autres moyens thérapeutiques employés

en cas de tabes conservent leurs indications propre et peu-

vent être, s'il y a lieu, prescrits simultanément.

Il nous reste à dire pour terminer quels résultats donne

chez les ataxiques le traitement rééducateur.On peut d'abord

affirmer que jamais il ne comporte d'inconvénients s'il est

judicieusement appliqué ; les inconvénients qu'on a pu a

priori redouter étaient les suivants : dangers de fractures ou

d'accidents à l'occasion de chutes possibles, fatigue trop

grande causée par les exercices. Il nous suffira de rappeler

que l'état cachectique et la fragilité osseuse sont en effet des

contre-indications de la rééducation et que le surmenage

physique peut toujours être évité par un entraînement pru-

dent. Quant aux avantages, ils sont de deux ordres : réta-

blissement plus ou moins complet des fonctions-motrices,

conséquences de ce rétablissement sur l'état moral, l'état

général et certaines paresthésies douloureuses.

Sans entrer ici dans l'étude détaillée des effets du traite-

ment sur chacun des éléments de l'ataxie, on peut dire qu'il

n'est pas de malade qui ne voie, s'il donne un peu d'attention

et d'efforts, son incoordination diminuer de façon manifeste.

Ces succès de détail sont déjà intéressants en eux-mêmes car

ils sont une preuve de l'efficacité de la méthode et consti-

tuent des encouragements utiles pour soutenir la confiance

du sujet, mais, si l'on veut réellement juger la rééducation

- il faut poser la question à un point de vue plus pratique.

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 81

Le malade, naguère impotent et immobilisé dans un fau-

teuil est-il redevenu capable de se lever et de marcher seul

pendant quelques minutes, quitte à s'observer et à se mon-

trer prudent, peut-il se passer de son entourage dans les

circonstances habituelles'que présente la vie journalière, en

un mot a-t-il reconquis son indépendance ? ` ?

Peut-il espérer davantage, retrouver assez d'assurance

pour compter sur lui-même pour des déplacements plus

longs et plus difficiles, sortir seul sans danger, en un mot

est-il assez valide pour reprendre une existence à peu près

normale comportant l'exercice d'une profession ? ` ?

L'indépendance et la validité représentent, en effet, selon

nous, les deux degrés d'amélioration que l'on peut se

proposer. Heureusement, nous pouvons aujourd'hui, et

pour la plupart des cas bien choisis, répondre de façon affir-

mative.

Ce serait peu de chose, en effet, que d'obtenir dans les

mouvements des succès de détails si la fin du traitement

ne devait procurer tout au moins la première de ces deux

qualités, l'indépendance. Celle-ci ne représente, il est vrai,

un succès, que dans les cas de grande incoordination, mais

c'est alors celui dont-l'ataxique jusque-là impotent et tribu-

taire à tout instant de son entourage se montre le plus

heureux; nombre de malades, ceux en particulier que leur

condition sociale ou de fortune met à l'abri des soucis maté-

riels, s'en contentent ordinairement, et cet état suffit d'ail-

leurs pour l'exercice de bien des professions sédentaires.

Mais souvent aussi on est en droit d'espérer davantage, et,

comme nous le montrerons plus loin, les ataxiques ne sont

pas exceptionnels qui ont pu, après y avoir renoncé, reprendre

une vie active. D'une façon générale, on peut dire que, sauf

en cas de complications, la plupart des malades qui avaient

perdu leur indépendance peuvent la recouvrer, et ceux qui

l'avaient encore conservée, retrouver leur validité. Ce n'est

pas à dire que des succès plus complets ne puissent être

espérés, nous avons même publié une observation qui repré-

sente une vraie guérison intégrale de l'incoordination mo-

trice chez un ataxique avéré, mais si un semblable exemple

est la fois consolant pour les malades et instructif pour

les médecins, il ne faudrait pas le considérer comme don-

nant la mesure de l'amélioration que tous les malades sont

Archives, 2" série, t. XV. 6

82 THÉRAPEUTIQUE.

en droit d'espérer : il nous montre néanmoins que l'on peut

attendre beaucoup de la rééducation motrice.

Nous pouvons maintenant citer quelques observations

personnelles se rapportant aux divers degrés d'amélioration

auxquels nous avons fait allusion.

Cas. I. M. X..., quarante ans, officier. Tabès confirmé datant

de sept ans.

Incoordination motrice datant de deux ans. Le malade a dû

renoncer au service actif pour se faire donner un emploi sédentaire

et éviter même de porter l'uniforme. Au commencement de 1901,

il marche encore seul mais avec incertitude et sans se passer de sa

canne; il doit faire effort pour marcher dans les rues, il a peine à

monter et à descendre les étages, il hésite à traverser les chaus-

sées, il se fatigue très vite, et ne se permet que de petits déplace-

ments. M. X... est un homme, très intelligent, comprenant parfai-

tement son traitement et prêt à tout pour guérir.

Au bout de trois mois de rééducation, les progrès réalisés ont

déjà changé les conditions d'existence du malade. Un mois plus

tard, c'est à peine si on retrouve des traces d'incoordination.

M. X... rentre dans son régiment, y reprend ses anciennes fonctions

avec toutes les obligations qu'elles comportent, il monte à cheval

et fait sans restrictions son service. La même année, il suivait sans

difficultés les manoeuvres d'été. Jamais depuis lors il n'a quitté le

service actif.

Dernièrement, il a été promu au choix au grade de chef de

bataillon.

Cas. II. M. X..., trente-six ans, officier. Tabétique depuis

neuf ans. Depuis trois ans et demi les signes d'incoordination sont

apparus et l'ont depuis forcé à renoncer à l'activité. Il ne marche

seul que quelques instants, s'appuie ordinairement d'une main sur

sa canne et souvent se soutient de l'autre au bras de la personne

qui l'accompagne ; il est résolu à démissionner.

Au bout de quelques semaines, il reprend confiance, commence

à sortir seul et, son équilibre s'assurant, se sert de moins en moins

de sa canne. Après quatre mois de traitement, il est capable de

rentrer dans un régiment avec les fonctions de capitaine d'habil-'

lement. S'il n'est pas en état de monter à cheval et d'accepter sans

réserves toutes les obligations de la vie militaire, du moins il

reprend l'exercice de sa profession.

OBs. III. M""= D..., cinquante-quatre ans, salle Cruveilhier.

Tabétique depuis cinq ans. Incoordination motrice depuis quatorze

mois. Celle-ci dont la marche a été rapide s'est accentuée à ce

point que depuis deux mois la malade n'a pas quitté le lit. Au

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 83

début on la transporte sur un brancard jusqu'au service de Réédu-

cation, à ce moment'en effet non seulement la locomotion, mais

la station debout sont absolument impossibles.

Les progrès se montrent réguliers et assez rapides, la malade

arrive assez vite à'se tenir seule, puis à faire quelques pas. Au bout

de trois mois et demi, elle quitte l'hôpital, seule et à pied, prête à

reprendre sa vie ordinaire, devant seulement diminuer la longueur

et la fréquence de ses courses à pied.

Ois. IV. Mm0 D..., quarante-quatre ans, salle Rayer. Tabé-

tique depuis 1882. L'incoordination d'abord insensible, éclate

brusquement au commencement de 1901, et quand on n',ous apporte

la malade, le 13 novembre 1901, elle était au lit depuis sept mois,

absolument incapable de se tenir debout.

A partir du mois de mai 1902, elle circule seule dans les cours

en se servant de sa canne. Au mois de novembre, c'est-à-dire

après un an de traitement, elle quitte le service, étant maintenant

capable de se suffire à elle-même, à condition de se montrer pru-

dente ; toutefois, elle n'ose pas marcher dans les rues sans être

accompagnée.

OBs. V. M. Il..., quarante-cinq ans, horloger. Tabétique

depuis 1890. Troubles de la marche depuis 1896. Le traitement

rééducateur est commencé en novembre -1901.

A ce moment, le malade arrive encore à marcher seul, mais dif-

ficilement, de façon très incorrecte et sans jamais se passer de sa

canne; il a peine à venir de la porte de l'hôpital jusque dans la

service.

Au bout de quatre mois, l'incoordination a en grande partie

disparu, l'équilibre s'est bien assuré, le malade a retrouvé une

attitude régulière et n'hésite plus à sortir seul. En février 1902, il

est victime d'un accident tout à fait indépendant de ses exercices,

il se fait une fracture de jambe; la consolidation n'est complète

qu'au mois de juin. Il... qui se ressent de son long séjour au lit,

reprend son traitement. Au mois de novembre 1902, il est assez

bien pour mener une vie presque normale, il n'a plus à craindre

de chutes; s'il continue à fréquenter encore le service, ce n'est

plus que pour perfectionner certains mouvements spéciaux.

Cas. VI. M. 1,.... cinquante-un ans, surveillant d'usine, salle

Prus. Tabétique depuis 1899. Début de l'incoordination en novembre

1901. celle-ci s'accentue rapidement et au commencement de jan-

vier 1902 la marche et la station debout sont impossibles; on doit

porter le malade pour le déplacer.

L'ataxie se corrige assez régulièrement, mais l'hypotonie, très

marquée, constitue -une assez grosse difficulté. Néanmoins, B...

arrive bientôt à se tenir, puis à marcher seul dans le service. Pour

84 THÉRAPEUTIQUE.

traverser les cours, il continue à se servir de sa canne. En juin

1902. il se juge assez sûr de lui pour quitter l'hôpital et rentrer

chez lui.

Oss. VIII. M. B..., qnarante-trois ans, dessinateur. Incoor-

dination remontant à deux ans. Le traitement est commencé en

avril 4902. Le malade ne marche alors qu'en s'appuyant d'une

main sur sa canne et de l'autre sur un bras. L'incoordination, assez

accusée au tronc et à la jambe gauche, compromet à tout instant

l'équilibre. Celui-ci se rétablit à mesure que se corrigent les signes

observés du côté du tronc. Aujourd'hui B... n'a plus besoin d'au-

cun appui pour marcher chez lui; dans la rue, il prend sa canne,

mais s'en sert rarement. Il vient maintenant facilement dans le

service, et a repris sans difficultés l'exercice de sa profession, car

heureusement les mains sont à peu près indemnes et il continue à

entretenir leurs mouvements en même temps que ceux des

membres inférieurs.

Ons. VIII. M. S..., quarante-cinq ans, ingénieur. Tabétique

depuis 1895. En août 1900 incoordination à marche rapide appa-

rue en quinze jours et assez accentuée pour que le malade ait

besoin de deux appuis pour se déplacer. La rééducation est com-

mencée à la fin de novembre 1901. En avril 1902, S... désormais

capable de marcher seul, de monter et de descendre, cesse de

fréquenter le service pour reprendre ses occupations antérieures.

OBs. IX. M. A..., trente-cinq ans, avocat. Incoordination

extrême avec hypotonie accusée. Le malade doit se faire por-

ter pour les moindres déplacements, il ne peut se tenir assis sur

une chaise plus de quelques instants; en voiture il glisse peu à peu

et tomberait si on ne le soutenait.

Au bout de quatre mois de rééducation, il peut à titre d'exercice

marcher seul dans sa chambre. Dans la vie ordinaire, il est capable

en s'aidant d'un bras, de marcher assez facilement et sans plus

jamais tomber. Il sort tous les jours en voiture et sans difficultés.

OBq. X. M. N..., quarante-deux ans, négociant. Tabétique

depuis trois ans, ataxique depuis six mois. L'incoordination est

très accusée, la station debout est impossible. Après trois mois de

rééducation, le malade arrive à marcher seul pendant quelques

mètres. A ce moment, on assiste à une poussée de la maladie,

l'incoordination gagne le tronc. Après cette poussée, le traitement

est repris. Aujourd'hui M. N... est capable de se déplacer dans

son magasin et de s'occuper de ses affaires. A la campagne il fait

des courses d'une dizaine de minutes.

Ces. XI. M. J..., cinquante ans, comptable. Incoordination

moyenne intéressant le tronc et le membre inférieur gauche. Le

LA RÉÉDUCATION MOTRICE. 85

malade marche seul encore, mais sans assurance et avec des dépla-

cements des épaules qui compromettent parfois l'équilibre, ce

défaut se corrige bien par la rééducation du tronc; la démarche

devient régulière, la plupart des petites difficultés qui gênaient

M. J... disparaissent une à une. Aujourd'hui, quand il s'observe, il

marche tout à fait bien. Seuls les mouvements de flexion du

genou gauche pendant la descente sont encore brusques et incer-

tains.

L'histoire de ces malades pourrait servir de conclusion à

cette étude de la rééducation des ataxiques, nous ajouterons

pourtant quelques mots.

Si, il y a peu d'années encore, le tabes était, pourlagrande

majorité des cas, considéré comme une maladie sans appel,

presque fatalement progressive et aboutissant nécessaire-

ment à l'ataxie confirmée, aujourd'hui tous les neurologistes

s'accordent à reconnaître que ce tableau si sombre ne répond

plus, bien souvent, à la réalité des faits ; non seulement la

maladie peut spontanément présenter des rémissions dura-

bles, non seulement il faut compter avec les tabes frustes

qui ne se traduisent que par quelques symptômes discrets

et n'évoluent pas, mais surtout nous avons conscience de

n'être pas désarmés devant le danger de la sclérose radicu-

culaire postérieure; nous savons que nos moyens thérapeu-

tiques ne sont pas étrangers à la fréquence de plus en plus

grande de ces arrêts de la maladie. Plusieurs médecins ont

même pu parler de guérison de tabes, rapprochant ainsi

deux mots qui auraient autrefois semblé incompatibles :

c'est dire combien a changé le pronostic de la maladie, or,

il en est de même pour le plus grave de ses symptômes, pour

l'ataxie. De nombreuses observations prouvent que l'ataxie

n'est pas incurable, nous pouvons maintenant lui opposer,

des moyens thérapeutiques rationnels et efficaces ; il n'est

pas besoin d'insister pour faire comprendre toute l'impor-

tance pratique d'un pareil progrès. Si, dans la seconde partie

de ce travail, nous nous sommes bornés à l'étude de la réédu-

cation chez les tabétiques, c'est en partie parce que c'est là

une des applications les mieux connues de la méthode, mais

c'est surtout parce qu'il nous fallait, choisissant un exemple

précis, montrer comment la pratique de la rééducation, le

choix des procédés et leur mise en oeuvre doivent être

exactement déduits de l'analyse des troubles que l'on veut

86 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

corriger, de la connaissance de la physiologie normale et

pathologique et de l'observation des conditions cliniques :

ce n'est qu'à ce prix qu'on pourra espérer des succès.

Une étude analogue devrait être entreprise pour chacune

des affections judiciables de la rééducation motrice, on ver-

rait alors combien les conditions qu'elles présentent peuvent

être variables, on comprendrait pourquoi non seulement les

mêmes procédés, mais aussi les mêmes méthodes de réédu-

cation ne conviendront pas aux divers syndromes d'incoor-

dination ; à plus forte raison différeront-elles selon que les

troubles moteurs seront d'origine médullaire ou d'origine

corticale. Pourtant les mêmes principes, et avant tout l'idée

de reconstitution fonctionnelle, dirigent toutes ces tentatives,

et montrent leur parenté naturelle. C'est l'ensemble de ces

méthodes qui constitue la rééducation motrice, laquelle n'est

elle-même qu'une application de l'idée plus générale encore

de rééducation organique.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

1. Transmission aux descendants des lésions expérimentales

produites chez les ascendants ; par le De MaLHERBE.

Ce n'est pas sans un peu d'étonnement que nous avons lu le

compte rendu d'un travail de MM. Charrin, Delamarre et Moussu,

sur la transmission aux descendants des lésions expérimentales

produites chez les ascendants. Il y a là une grosse question, sou-

vent débattue jadis, relative aux lois de l'hérédité. L'hérédité

morbide et l'hérédité physiologique y sont également intéressées,

car elles ne sauraient avoir un mécanisme différent.

Les expérimentateurs que nous venons de nommer ont repris

sous une forme nouvelle des essais que des physiologistes avaient

déjà faits d'autre façon.

La question est celle-ci, en somme : des lésions accidentelles,

expérimentales ou autres, peuvent-elles se transmettre du pro-

créateur au produit de la conception ? Jusqu'à présent, les savants

qui s'étaient intéressés à cette question y avaient très générale-

ment répondu par la négative. Les mutilations subies systémati-

quement par les ascendants n'étaient pas transmises et l'on ne

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 87

réussissait jamais à changer de cette façon le type d'une race,

d'une famille, encore moins d'une espèce. Ainsi, vous auriez beau

couper une patte à des chiens ou à des chats, de génération en

génération, vous n'arriveriez jamais à produire une race, une

famille de manchots, si l'on peut s'exprimer ainsi.

A cet égard, nous connaissons dans l'espèce humaine une expé-

rience bien des fois séculaire : c'est le pied de la Chinoise. Si une

mutilation aussi grave pouvait par hérédité modifier la morpho-

logie d'une race, il y a longtemps que la chose serait faite et le

triste résultat obtenu. Mais chacun sait qu'il n'en est rien et qu'il

faut toujours emprisonner et martyriser le pied de la Chinoise pour

obtenir la forme traditionnelle voulue par l'esthétique des Célestes.

En vérité, s'il était vraiment besoin d'une démonstration rigou-

reuse par les faits, celle-ci nous semblerait bien suffisante. Cepen-

dant, sans aller chercher des preuves jusque dans l'Extrême-

Orient, on pourrait encore citer les expériences négatives faites

par des physiologistes européens et même français sur des

animaux de laboratoire. C'est à peine si l'on entend sur ce sujet

quelques notes discordantes, quelques affirmations douteuses.

Et voilà justement ce qui fait l'intérêt et, pour ainsi dire la

curiosité, en tout cas l'imprévu des expériences de M. Charrin et

de ses collaborateurs.

Ces physiologistes, dans une note présentée à l'Académie des

sciences (Voir le Bulletin Médical du 2 août), n'hésitent pas à

dire : « On s'est demandé si des lésions provoquées chez la mère

peuvent se reproduire chez le rejeton ; tout en laissant à part le

point de vue morphologique pur, nous avons réalisé plusieurs

séries d'expériences qui paraissent trancher le débat dans le sens

de l'affirmative. »

Cette affirmation est faite pour surprendre. Nous n'avons pas

pour cela la prétention d'y opposer une négation, n'ayant point

la compétence exigible en pareille matière.

La seule chose que nous puissions faire, c'est d'examiner de

près le texte de la note tel qu'on le trouve dans les journaux. Eh

bien ! les expériences ont consisté à opérer de très larges délabre-

ments du foie ou des reins chez des femelles en gestation. « Or,

nous dit-on, quand, au bout d'un temps suffisant (au minimum

une semaine), des femelles ainsi traitées ont mis bas, nous avons

observé chez un bon nombre de leurs descendants nés avant

terme ou sacrifiés au moment de la naissance, d'indiscutables

lésions des glandes hépatique ou rénale (congestion, hémorragies,

dégénérescence, quelques cylindres, etc.) : l'organe malade était

précisément l'homologue du viscère volontairement détérioré chez

la mère. »

Nous ne voudrions pas nous montrer trop difficiles, et pourtant

on nous permettra de nous déclarer non satisfaits pour ces résul-

88 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tats expérimentaux. Des congestions, des hémorragies, etc.,

n'ont vraiment rien de spécifique et peuvent souffrir le reproche

d'être plutôt banales.

Toutefois, les savants distingués dont les travaux nous ont si

fort intrigué ont poussé plus loin leurs délicates recherches. Seu-

lement cela devient d'une technicité bien particulière et qui, de

plus en plus, dépasse notre compétence. Ils ont voulu savoir si la

cytolysine correspondant à un parenchyme n'agit pas sur l'organe

homologue du foetus. Il importait donc de faire jouer comme il

convient les cytotoxines. Pour cela, on injecta sous la peau ou

dans les veines de femelles pleines des extraits de foie ou de

rein. « Or, disent les auteurs, assez fréquemment, quand, huit

jours au moins après la dernière de ces injections, ces femelles

ont mis bas, nous avons constaté que les détériorations portaient

avant tout, suivant qu'on avait utilisé des éléments hépatiques ou

rénaux, sur la glande biliaire ou urinaire des nouveau-nés. »

Nous avons vuque tout cela nous parait bien vague, bien imprécis.

Et malgré le grand respect que nous inspirent les savants très

éprouvés qui ont conduit ces expériences, nous sommes portés à

croire qu'on interprète mal les lois de l'hérédité, si lois il y a. Or,

il y en a certainement. Mais nous n'osons point nous mêler de

cette affaire, elle est trop difficile.

Tout ce que nous pouvons affirmer, c'est que toutes les expé-

riences de transmission des mutilations sont insuffisantes, nulle-

ment démonstratives et ne peuvent, jusqu'à nouvel avis, entraîner

la conviction (Gaz. 7néd. de Nunles).

IL Un point d'histoire de l'aphasie. La découverte de Broca et

l'évolution de ses idées sur la localisation de l'aphasie ; par le

Dr Ladame (Reu. méd. de la Suisse romande, n° 3, 1903).

Plusieurs auteurs ayant soutenu récemment que Broca n'avait

pas localisé uniquement dans la partie postérieure de la troisième

circonvolution frontale gauche, la fonction du langage articulé,

M. Ladame a cru utile de relever ce point d'histoire de l'aphasie

en passant en revue, dans leur ordre chronologique, les différentes

communications de Broca relatives à l'aphasie. Il résulte de

cette revue que les convictions de Broca se sont formées peu à

peu, au sur et à mesure des nouvelles observations ou des nou-

velles autopsies confirmatives de sa découverte, mais que jamais

il n'a varié sur la localisation de l'aphémie dans le pied de la

troisième circonvolution frontale gauche. G. D.

III. Sur l'anatomie pathologique de l'hérédo-ataxie cérébelleuse;

par Switalsiu (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, n° 5, 1901).

L'hérédo-ataxie cérébelleuse de Marie, qui est venue se placer à

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATUOLOGIQUES. 89r

côté de l'hérédo-ataxie de Friedreich, présente aujourd'hui un

tableau clinique complet, mais le tableau anatomo-pathologique

de cette affection ne repose encore que sur quelques rares autop-

sies, qui laissent beaucoup à désirer au point de vue de l'analogie.

Le résultat des recherches soigneusement enregistrées par l'auteur

est loin de contribuer à la détermination bien nette du tableau

anatomopathologique en question. Un seul caractère parait fixe,

c'est la petitesse du cervelet et de la moelle, avec ou sans lésions

macro et microscopiques; les lésions, lorsqu'elles existent, affectent

d'ailleurs une distribution topographique très irrégulière s'étendant

plus ou moins aux faisceaux cérébelleux directs, aux cordons de

Goll, de Burdach ou de Gowers. Pour expliquer ces différences con-

sidérables dans les lésions anatomiques d'une même maladie, le

D1' Switalski expose une théorie qui a l'avantage d'être rationnelle

et simple : l'hérédo-ataxique naîtrait avec un système nerveux et

un système vasculaire débile, la débilité nerveuse portant sur le

cervelet et ses voies ; les troubles cliniques commenceront à se

manifester et à s'accentuer avec la diminution progressive de la

nutrition. Le degré et l'extension plus ou moins considérables des

lésions anatomo-pathologiques seraient en rapport avec le degré

plus ou moins profond de cette dénutrition qui tendrait peu à peu

à altérer du centre à la périphérie toutes les parties du système

nerveux. R. C.

IV. Recherches sur la structure anatomique du système nerveux

chez un anencéphale en rapport avec le mécanisme fonctionnel;.

par VASCHIDE et VURPAS (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière. ne 5,

1901).

Ces recherches, suivies avec les différentes méthodes techniques

en usage, sur le névraxe d'un sujet dont l'existence biologique a

été décrite dans des articles antérieurs, ont conduit les auteurs

à un ensemble de propositions hypothétiques dont les principales

sont : 10 Qu'il pourrait exister des mouvements spontanés ou asso-

ciés, malgré une absence totale du faisceau pyramidal ; 2° il se

manifesterait des réactions sensitivo-motrices malgré la dégéné-

rescence des cellules nerveuses sur toute la hauteur du névraxe.

En résumé, ce cas « peut être considéré comme une expérience de

laboratoire qui prouverait, d'une part, l'existence d'une vie biolo-

gique rudimentaire, indépendamment dn fonctionnement des

centres nerveux supérieurs et d'autre part, l'incompatibilité notoire

qu'il y a entre l'explication ordinaire que l'on donne du fonction-

nement et du mécanisme du système nerveux et les constatations

que nos recherches histologiques ont amené à faire sur la struc-

ture du névraxe dans ce cas particulier ». R. C.

90 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

V. L'influence sur le travail volontaire d'un muscle de l'activité

d'autres muscles; parCH. FERÉ (Nouv. Icottogr. de la Salpêtrière,

n° 5, 1901).

Recherches expérimentales conduites selon la méthode déjà

exposée par l'auteur, portant sur le travail du médius, et enre-

gistrées à l'aide de l'ergographe de Mosso, desquelles il résulte

que : 1° les mouvements associés et synchromes de la mâchoire,

des fléchisseurs des doigts du côté opposé, des muscles de la jambe

du côté correspondant ou du côté opposé, si fatigants soient-ils

en eux-mêmes, modifient la courbe de la fatigue du médius et

produisent une augmentation au moins momentanée du travail.

2° En général, plus l'exaltation du travail a été faible au début,

plus la dépression est rapide. ! Comme les excitations sensorielles,

l'excitation autochtone, par l'activité volontaire permet de mobi-

liser des forces disponibles, elle ne crée pas de forces.

3° Le côté gauche et le ecté droit réagissent d'une manière très

différente. Le côté droit réagit plus rapidement et s'épuise plus

vite : asymétrie réactionnelle qui correspond à une asymétrie

motrice et sensorielle, et qui a été déjà observée dans les expé-

riences antérieures. R. CIIARON.

VI. Deux cas d'hémihypertrophie congénitale du corps; par A. Tilo-

MAS (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 6, 1901).

Dans le premier cas, enfant de quatre mois; l'hypertrophie

intéresse la face et la langue, à droite, les membres et le tronc à

gauche; dans le deuxième cas, la face est indemne et l'hypertro-

phie porte surtout surie membre supérieur. Dans les deux cas, il y a

diminution de la contractilité faradique pour les parties hyper-

trophiées,et le processus hypertrophique intéresse à la fois les par-

ties molles et osseuses. Dans le premier cas, il y a rétrocession du

processus pendant les deux premières années, ce qui parait une

indication pronostique favorable de cette affection. R. C.

VII. Ankyloses généralisées de la colonne vertébrale et de la

totalité des membres; par E. APERT. (Nouv. Iconogr. de la S(ilpé-

trière, n° 6, 1901). ).

Homme de trente ans, atteint de tuberculose pulmonaire et 't

présentant des ankyloses sinon complètes, au moins très serrées

de la plupart des articulations du tronc et des membres. L'auteur

élimine le diagnostic de rhumatisme déformant, d'ankyloses con-

génitales par aligamnios, ou par lésions acquises des centres ner-

veux : la musculature, les sensibilités et les réflexes sont demeurés

intacts. L'autopsie montre des lésions destructives des cartilages

articulaires et des déformations considérables des extrémités arti-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 91

culaires des os longs, des vertèbres. L'auteur estime que ce cas ne

saurait rentrer dans un cadre nosographique actuellement tracé et

que, s'il y avait lieu de lui affecter un nom caractéristique, il pour-

rait être dénommé : spongiopathie spondyioépiphysaire. 13. C.

VIII. De la réaction des pupilles dans les états d'ivresse et de son

importance médico-légale; par H. Gudden (iVeM)'ooy. Cezt·albl.,

XIX. 1900).

Plus de la moitié des individus, hommes ou femmes, transportés

à l'hôpital de Munich pour cause d'ivresse avec exaltation, pré-

sentent, immédiatement après leur arrivée, une diminutiou mani-

feste de la réaction des pupilles à la lumière, la plupart du temps

bilatérale, qui peut affecter la forme d'une immobilité presque

complète. Ce sont généralement des sujets ayant fait des excès de

bière et d'eau-de-vie mélangées ou d'eau-de-vie. L'accès dure un

quart d'heure à une demi-heure, un profond sommeil survient, et,

au réveil, tout disparait, y compris le trouble des pupilles, qui

s'accompagne d'une dilatation moyenne. Parfois, à ce moment, la

réaction pupillaire est excessive. Chez un certain nombre de

malades, chez ceux qui, à la suite du sommeil, demeurent excita-

bles et confus, la diminution ou la lenteur de la réaction pupil-

laire subsiste, bien que moindre, six à dix heures après l'admis-

sion, pour céder tout à fait en trois ou quatre heures à mesure que

se produit le parfait rétablissement. Presque tous les ivrognes ont

perdu absolument ou partiellement la mémoire des événements

qui se sont passés pendant leur état d'ivresse, pour une période

de temps embrassant parfois plusieurs heures, ou leurs souvenirs

sont altérés. Voici une observation â l'appui de ces constatations

chez un dégénéré. 1

Sans doute, la diminution temporaire de la réaction des pupilles

à la suite de l'ivresse est un symptôme paralytique produit par le

poison. On en ignore le mécanisme, mais elle peut servir de jauge

à l'intoxication générale du cerveau ; elle nous fournit la certitude

de l'existence d'une perturbation, d'un obscurcissement de la

conscience, plus ou moins graves, en tout cas pendant les phases

de l'ivresse où s'est développée la diminution de la réaction pupil-

laire. L'importance de ce signe en médecine légale saute aux yeux.

P. IEIiAVAL.

IX. De la dourine des chevaux; par J. 111AREK. (Veurolog. Cen-

tralbl., XIX, 1900).

C'est une affection contagieuse par le coït, dont l'incubation

dure de quelques jours à deux mois et qui se manifeste d'abord

sur les organes sexuels bien que cette localisation puisse êtie

extrêmement faible et même manquer. On constate, chez la

92 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

jument, un catarrhe insidieux de la muqueuse vaginale, souvent

compliqué de tout petits nodules et d'érosions; chez le mâle, une

tuméfaction graduelle du prépuce et du pénis, sans douleur,

accompagnée d'uréélirite catarrhale. Quelques semaines plus tard

ou en même temps se produisent des élevures très plates sur la

peau des diverses parties du corps. Rondes, annulaires ou irrégu-

lières, elles mesureut4 à8 centimètres, se forment très rapidement,

en quelques heures ou jours, ne sont ni douloureuses, ni chaudes,

durent de un à huit jours pour disparaître également brusque-

ment, tandis qu'à d'autres endroits d'autres surgissent. Avec elles

coexiste parfois une éruption semblable à de l'urticaire. Quelques

cas de prurit cutané qui, plus tard, cesse de lui-même. Simulta-

nément hyperesthésie progressive de la peau, soit par tout le

corps, soit seulement en quelques endroits, et sensibilité à la pres-

sion de plusieurs troncs nerveux (sciatique, péronier, médian, tri-

jumeau, intercostaux), qui détermine une respiration superficielle,

et de la raideur de la démarche. A ce moment se développe très

lentement une paralysie, qui devient complète après des semaines

ou des mois, du crural et du sciatique, parfois aussi de l'obtura-

teur des deux côtés, moins souvent des nerfs des pattes antérieures

ou d'un nerf crânien, pour atteindre avec le temps également

d'autres troncs nerveux. Parmi les nerfs crâniens, le facial, plus

rarement les nerfs des muscles de l'oeil, ou le glosso-pharyngien.

Jamais de paralysie des sphincters, ni des muscles de la queue.

Les muscles paralysés s'atrophient. Les réflexes cutanés, exagéré

par tout le corps ou en quelques points, disparaissent complète-

ment dans les endroits totalement' paralysés. Les réflexes profonds

fortement diminués ou absents, reviennent graduellement à la

normale quand survient une amélioration. L'excitabilité élec-

trique était, en un cas, normale dans les parties non paralysées,

diminuée dans la région paralysée ; en deux cas, il y avait réac-

tion dégénérative. Pas de troubles de la connaissance.

Quand la maladie progresse, la mort est fréquente par gangrène

du décubitus. La guérison est assez fréquente ; alors, ou la para-

lysie cède radicalement, ou il persiste une paralysie de quelques

nerfs. L'évolution comporte plusieurs mois, une année ou deux.

La mort en trois à quatre semaines est rare.

L'histologie minutieuse et longue détaillée par l'auteur lui per-

met de conclure, de concert avec le tableau clinique, à une polyné-

vrite infectieuse du cheval. La lésion des nerfs périphériques, après

avoir envahi les ganglions spinaux, entraine la dégénérescence

ascendante de quelques fibres nerveuses dans les cordons posté-

rieurs. Il peut aussi se produire des foyers inflammatoires dans

la moelle. P. KERAVAL.

e

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIQUES. 93

X. Contribution à la technique de la coloration des cellules ner-

veuses ; par MM. 131RLSCnONSIiY et Plien. (Neiii-olo,,7. Cenlzalbl.,

XIX, 1900).

Le violet de crésyle, dont la constitution est très analogue à

celle du bleu de méthyle, excelle pour la substance chromophile

des cellules nerveuses. L'auteur emploie le violet de crésyle RRI

de la fabrique de Mfihiheim sur le Main. Les préparations sont

stables. L'opération s'exécute immédiatement dans des solutions

étendues transparentes. La substance chromophile prend une

couleur bleu-violet. Le violet de crésyle a également de doubles

affinités : ainsi, il colore la substance amyloïde en bleu clair, tan-

dis que le reste du tissu est violet.

Technique. 1° Durcir les pièces dans l'alcool ou le formol,

avec traitement consécutif à l'alcool; 2° inclure dans la celloïdine;

3° Les coupes sont plongées pendant vingt-quatre heures à la

température de la chambre dans une solution étendue : six à dix

gouttes d'une solution concentrée aqueuse de violet de crésyle

dans 50 centimètres cubes d'eau suffisent ; 4° passer rapidement

les coupes dans l'eau ; 5° déshydratation par l'alcool progressive-

ment concentré ; ainsi se produit la différenciation de la substance

grise et de la substance blanche des coupes à l'origine uniformé-

ment colorées ; 6° éclaircissement à l'essence de cajeput ; 7° rinçage

au xylol sur le porte-objet, baume du Canada, couvre-objet.

On peut se passer d'inclure dans la celloïdine et inclure dans la

paraffine la pièce durcie à l'alcool. On peut colorer des coupes

congelées faites sur des blocs tirés directement de solutions con-

servatrices au formol. On peut colorer rapidement à l'aide de

solutions concentrées. Les coupes trop colorées sont ramenées à

la teinte voulue par un séjour prolongé dans l'alcool, et, si l'on

acidifie l'alcool avec des traces d'acide chlorhydrique, on se débar-

rasse très vite de l'excès de matière colorante. P. KERAVAL.

XI. Contribution à la question de l'immobilité réflexe des

pupilles ; par LEVIriSORN. (Centralblatt f. Alei,veizheilk, XXIII,

N. F. 1900.)

Jusqu'ici on u'a pas trouvé le lieu de la lésion qui produit l'im-

mobilité réflexe des pupilles. Les cas favorables à la recherche

anatomique nous manquent. Ce n'est pas étonnant, car, si le

symptôme en question peut, pendant des années, précéder d'autres

manifestations du tabes ou de la paralysie générale, dès que ces

derniers apparaissent, la marche de la maladie, surtout de la

paralysie générale, se précipite. On doit donc, a priori, croire qu'il

s'agit d'altérations très subtiles inaccessibles à nos moyens d'in-

vestigation. Puis, les altérations de n'importe quel point d'un

94 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

neurone envahissent très vite les autres parties de celui-ci. Il est à

penser que la lésion qui entraîne l'immobilité réflexe des pupilles

où se trouve le foyer, se manifeste très rapidement sur toutes les

parties qui entrent en ligne de compte dans la genèse du réflexe

pupillaire, y compris les fibres centripètes des pupilles. Cepen-

dant, en tous ces cas, l'étude anatomique du nerf optique n'a rien

donné.

On n'est pas arrivé jusqu'alors à trouver une explication exacte

de l'immobilité réflexe des pupilles qui soit en harmonie avec les

résultats anatomiques. Toutes les théories qui essaient d'expliquer

ce phénomène par un trouble de fibres centripètes des pupilles se

heurtent au fait indéniable de l'union centrale des noyaux sphinc-

tériens et de l'entre-croisement partiel des fibres pupillairescentri-

pètes (Bernheimer). Discussion des travaux de Bernheimer, Edin-

ger et Westphal, Bach et Wolff. Si l'on admet la première, qui

parait certaine, si l'on croit aussi à l'entre-croisement partiel et à

la terminaison des fibres pupillaires dans les noyaux sphinctériens,

un ne peut trouver d'explication exacte ni au phénomène de l'im-

mobilité pupillaire réflexe unilatérale, ni à l'inégalité des pupilles

et à l'inégale sensibilité réflexe de l'immobilité pupillaire réflexe

bilatérale, d'après les théories les plus admises actuellement qui

présument une lésion des fibres pupillaires centripètes. En effet,

dans ces conditions, tout excitant lumineux qui atteint un oeil

doit, en 'se transmettant à l'autre noyau sphinctérien, produire

l'égalité parfaite de la sensibilité réflexe ; où que gise la lésion

dans le trajet centripète, que les branches d'un noyau ou des deux

soient affectées, que l'affection soit plus prononcée d'un côté que

de l'autre, l'inégalité de la sensibibililé réflexe est tout aussi impos-

sible que l'inégalité des pupilles. Quant au sympathique cervical.

il n'a rien à faire avec l'immobilité pupillaire réflexe ; l'instillation

' d'une solution faible de cocaïne dilate promptement la pupille

(P. Schultz). Le sympathique cérébral est-il lésé ? C'est un terri-

toire encore trop peu exploré. Du reste, les phénomènes de la

paralysie du sympathique sont tout autres (Heddoeus), et l'inté-

grité fréquente de la. sensibilité malgré l'existence du myosis et de

l'immobilité des pupilles s'oppose à une explication de ce genre.

Il n'est pas possible d'admettre la théorie d'Heddoeus pour l'im-

mobilité pupillaire réflexe unilatérale ; la branche de l'oculo-moteur

commun qui anime le sphincter prendrait, pour lui, naissance

aussi bien dans le noyau sphinctérien que dans le noyau accom-

modateur ; or, les fibres sphinctériennes autant que les fibres

accommodatrices se terminent dans le ganglion ciliaire, et, par

suite, ne desservent qu'indirectement les muscles en question.

Donc, quand le noyau de l'accommodation est innervé, les fibres

qui en émanent n'agissent que sur l'accommodation, et récipro-

quement, les libres sphinctériennes n'agissent que sur la pupille.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 95

La lésion exclusive du point de départ de la voie réflexe centrifuge

ne cadrerait pas avec les manifestations de l'immobilité réflexe

des pupilles. ,

Eh bien, la voie centrifuge ayant perdu sa réaction à l'égard de

la lumière, tandis qu'elle réagit normalement à l'accommodation

et la clinique ne permettant pas de dire que l'excitation physiolo-

gique d'origine lumineuse ait moins de valeur que celle en rap-

port avec l'accommodation, on est bien obligé de s'imaginer que

le noyau sphinctérien se compose de deux groupes différents de cel-

Iiiles dont l'un transforme l'excitant lumineux en contraction du

sphincter, l'autre fait la même besogne pour les autres excitations.

(Dufour, Lyder Borthen, Bernheimer, Oppenheim, Kostenitsch).

Le foyer morbide qui préside à l'immobilité pupillaire réflexe

comprend donc une partie du noyau sphinctérien lui-même. L'iné-

galité et l'inégale réaction des pupilles de l'immobilité pupillaire

réflexe uni et bilatérale s'expliquent alors par l'atteinte plus forte

du groupe cellulaire d'un côté que de celui de l'autre : le défaut

de contraction irienne à la lumière est plus intense de ce côté que

du côté opposé. S'il existe du myosis, on peut croire au premier

degré d'une lésion qui irrite celle des cellules sphinctériennes non

préposées à la lumière, ou à une action irritative exercée sur ces

dernières par des cellules sphinctériennes malades voisines.

L'union centrale des noyaux sphinctériens ne nuit pas à l'inégale

contraction des pupilles ; si l'excitant se distribue également aux

deux noyaux, l'effet des cellules motrices se règle d'après le degré

de la lésion. 11 n'est pas rare en neuropathologie de voir deux

groupes de cellules voisins, à action fort semblable, se comporter

différemment à l'égard d'un même agent pathogène. Le poison

tabétique ou paralytique posséderait donc une influence élective

sur une partie déterminée du noyau de l'oculo-moteur commun ;

l'atteinte, avec ce groupe, de l'autre partie du sphincter transfor-

merait l'immobilité pupillaire réflexe en immobilité pupillaire

absolue. P. KER.1VAL.

XII. Le système psychiatrique de Wernitcke ; par C. -V1,NKLER

(Centrvlbl. f. Nervenheilk, XXIII ,N. F. 01. 1900.)

Analyse très consciencieuse du livre du professeur Wernicke, inti-

tulé Grundriss der Psychiatrie. 1894-1900. C'est un livre à lire, cela

vaut mieux qu'une analyse de seconde main. Nous en avons per-

sonnellement parlé dans notre.travail sur Vidée fixe : Archives de

neurologie, 1899. P. KERAVAL.

XIII. Les névroses trophiques vaso-motrices; par R. Cassirer.

(Centrczlbl. f. Neruenlceillc, XXIII, N. F. XI, 1900.)

Ces complexus symptomatiques, désignés sous les noms de :

acroparesthésie(Schulz), névrose vasomotrice (Nothnagel), érythro-

96 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

metalgie, maladie de llaynaud, oedème angionevrotiquede la peau,

sont constitués par un noyau de troubles vasomoteurs autour du-

quel se groupent d'autres éléments : troubles sensitifs, sécrétoires,

trophiques. L'auteur admet les divisions et subdivisions suivantes :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 97

la même région. Seulement l'évolution en est différente la plupart

du temps. 7. Les névroses trophiques vasomotrices autonomes

se manifestent par des phénomènes symptomatiques semblables.

8. La distinction entre les deux groupes est généralement pos-

sible sans grande difficulté ; parfois elle est plus dificile, et ne se peut

pratiquer d'emblée. 9 Notre propre expérience de concert avec

celle des autres nous permet néanmoins de dire : L'acroparesthésie,

la névrose vasomotrice, ]'e ? '</</M'oma ? <', la maladie de Rayttaud,

l'oedème circonscrit fugace et la gangrène en plaques névoopathique

doivent, en bien des cas, être tenus pour des tableaux morbides auto-

nomes. P. KERAVAL.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. La Paraldéhyde chez les aliénés; par D,-J. GAUANA. (Reuisla

deMedicina y cir.pract., n" 713).

L'auteur a beaucoup expérimenté cet hypnotique, qu'il donne à

la dose de 2 à 4 grammes. Le sommeil ainsi provoqué est rapide,

au point que s'il n'arrive pas très vite, c'est que le médicament

n'agit pas. Ce sommeil est profond et continu, il résiste au bruit

le plus intense et au mouvement sans que la sensibilité ni les

réflexes ne soient nullement troublés; c'est un sommeil consistant

et dense. Au réveil se manifeste un peu de céphalée, d'hébétude et

de congestion; l'haleine du malade présente alors une odeur

spéciale qui peut le gêner. Le goût désagréable de la paraldéhyde

amène quelquefois une résistance énergique des aliénés contre son

absorption. Il peut aussi se produire après quelques jours un peu

de saburre gastrique et parfois une certaine paraldéhydomanie

dont la suppression est d'ailleurs très bénigne. Enfin, au bout de

quelques jours, l'accoutumance se produit et le remède devient

inactif. En somme la rapidité de l'action et la durée et la solidité

du sommeil en constituent tous les avantages. C'est un médicament

de choix quand on n'a pas à s'en servir plus de quatre ou cinq

jours ; il est parfait pour le transport d'un aliéné en chemin de fer;

il est contre-indiqué chez les malades congestifs. F. 1301SS1ER.

IL Maladie de Basedow avec troubles psychiques provoqués par

l'ingestion, de corps thyroïdes en excès ; par le pr BoiNET.

(Revue neurologique, août 1899.)

Chez le malade dont l'observation est relatée, le corps thyroïde

de mouton fut ordonné en raison d'un dermatite exfoliatrice géné-

ralisée.

\icc.umrs, 2a béne, t. XV. 7

98 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

A la suite d'ingestion exagérée de corps thyroïdes se dérelop-

pent tout d'abord des troubles psychiques sous forme d'excitation

maniaque avec idées de persécution, puis des signes de basedo-

wisme moins l'exophtalmie. Ces troubles cessèrent avec la cessa-

tion de l'usage de corps thyroïde.

Cette observation, jointe à celle rapportée par Freiherr von

Notthaft, est favorable à la théorie du goitre exophtalmique par

hyperthyroidation ; ces deux cas montrent les dangers de la mé-

dication thyroïdienne employée soit d'une façon continue, soit à

doses exagérées. E. BLIN.

111. Méthode nouvelle du traitement du morphinisme et de l'al-

coolisme ; par A. Haré (Médical News, 7 juin 1902).

L'auteur préconise la substitution brusque de l'liyoscine en

injections hypodermiques massives. Quelques injections suffiraient.

IV. Deux cas de névrite sciatique, causée par des injections mer-

curielles pratiquées dans les muscles de la fesse; par Ropter

et 1'auzoN. (Revue de médecine, septembre 1901.)

Il s'agit de deux sujets syphilitiques chez qui des injections

intramusculaires déterminèrent des symptômes de névrite du

sciatique avec douleur intense, contractions, parésie, troubles

paresthéniques.

Un traitement électrique institué amena chez l'un des sujets une

amélioration rapide, mais chez le second les troubles ont persisté,

laissant le membre dans un état d'impotence fonctionnelle.

A noter que l'injection qui fut suivie de troubles névritiques ne

fut pas plus douloureuse que les autres. Il faudrait invoquer une

action provoquée par le contact prolongé du sel mercuriel. Dans

le second cas, un hématome nerveux en même temps que l'appari-

tion des premiers troubles peut faire penser à des phénomènes

de conpression. Dans tous les cas, il existe à la cuisse une zone

dangereuse qu'il faut éviter chaque fois qu'on pratique les injec-

tions mercurielles. M. HAmEL.

V. Sur les enfants arriérés. Diagnose et traitement; par

Fr. Warner. (Brit. i ? ied. Jouwz., octobre 1901.)

Cette communication et la discussion qui l'accompagne soulèvent

la question des classes spéciales et du départ à faire entre les en-

fants normaux, les arriérés simples relevant de classes distinctes

et les anormaux relevant du placement dans les établissements

spéciaux médico-pédagogiques.

VI. Du mode d'action de l'alcool sur l'économie dans l'alcoolisme

aigu ; l'alcool comme toxique et comme déshydratant ; par

Ch.VALENTiNO. (Revue de médecine, 1902.)

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 99

VII. Traitement du délire épileptique par l'alitement; par MARaN-

DON DE l10,NTYEL. (Revue de médecine, 1902.)

L'alitement a été essayé par l'auteur, sur de nombreux épilep-

tiques ayant des délires à répétition. L'expérimentation avait

d'autant plus de valeur que le traitement par le lit fut tour à tour

employé et suspendu pour des accès revenant à intervalles régu-

liers, ce qui permettait de comparer les deux procédés employés.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le traitement par l'ali-

tement n'a pas tout à fait donné les résultats favorables qu'on

pouvait en attendre. Dans quelques cas, l'alitement calma un peu

l'agitation, mais l'accès fut plus long; dans d'autres cas, la confu-

sion fut plus grande ; enfin, dans la plupart des autres, l'action

de l'alitement fut nulle. M. H.

VIII. Sur un cas de pachy-méningite hémorrhagique, traité par

des injections sous-cutanées de gélatine; par le Dr 1'.%ILLEUrt.

Il s'agit d'un homme de soixante-neuf ans, qui présentait tous

les signes d'une pachy-méningite hémorrhagique (état comateux,

rétrécissement des pupilles, pouls lent et dur, strabisme, vomisse-

ments, etc., et dont l'état semblait désespéré lorsqu'on lui fit à la

cuisse une injection sous-cutanée de 12 centimètres cubes de

sérum gélatine à i p. 100. Une amélioration indéniable ayant

suivi cette première injection, on en pratiqua autres à un ou

deux jours d'intervalles. Ces injections se sont parfaitement résor-

bées et n'ont donné lieu à aucun phénomène. '

Malheureusement une nouvelle hémorrhagie trop brusque et

trop massive pour permettre une intervention utile, emporta le

malade quelque temps après. L'autopsie n'a pas été pratiquée.

C'est la première fois, d'après l'auteur, que les propriétés hémos-

tatiques de la gélatine sont utilisées dans le traitement des hémor-

ragies intra-cràniennes. G. DENY.

IX. Abcès cérébral double après chute sur le front. Trépanation.

Guérison ; par les D1'3 AI2.T1LE et BOURQUI1V (Revue médicale de la

Suisse romande, 1902, n° 2).

Un enfant de huit ans se fend la peau du front eu tombant dans

un escalier. Survint une ostéomyélite, puis deux foyers d'encépha-

lite suppurée. En présence de la céphalée, de la fièvre, de la som-

nolence, etc., on racle l'os au niveau de laplaie frontale, jusqu'àla

dure-mère : une ponction de cette membrane ne donne pas de

résultat. Le lendemain, hémiplégie droite flasque, stupeur, vomis-

sements, frissons ; on incise la dure-mère, puis le lobe frontal

gauche ; il en sort 20 ou 30 grammes de pus épais. A la suite

de cette intervention, on observe une détente incomplète, mais

'100 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

les phénomènes de compression cérébrale subsistent. Dix-neuf

jours après l'ouverture du premier abcès, une ponction pra-

tiquée dans la cavité du côté du temporal gauche, donne accès

dans une seconde poche remplie de pus, qui est débridée et tam-

ponnée. A partir de ce moment, disparition graduelle des acci-

dents et retour complet de l'intelligence. G. D.

X. Contribution à la thérapeutique de la chorée ; par W. de

BECHTEPER'. (Cent·nl6latt f. 11'e·venheilk., XXIII, N. F. XI, 1900.)

Reproduction de l'article russe de l'0&os)titpe ! C/M'o<)' ! t de 1899.

Déjà analysé. P. KERAVAL.

XI. Résection du sympathique cervical pour névralgie du triju-

meau ; guérison; résultat éloigné; par M. GAUTI11ER. (Société des

Sciences médicales de Lyon, avril 1901.)

M. Gauthier présente un malade opéré par M. Jaboulay pour

une névralgie du trijumeau datant de quatre ans. Le malade souf-

frait dans la zone des nerfs maxiliaires supérieur et inférieur du

côté gauche. La douleur, modérée à l'état de repos, était intolé-

rable au moindre effort de mastication. M. Jaboulay a pratiqué la

résection du ganglion cervical supérieur du sympathique le

14 octobre 18900.

Pendant deux mois, il n'y eut point de changement notable. Au

bout de ce laps de temps, les douleurs commencèrent à dimi-

nuer et le le, janvier 1901, elles avaient disparu presque totale-

ment. Depuis ce moment, la mastication des aliments est rede-

venue possible.

Six mois après l'opération, l'état du malade est prospère : il a

engraissé de 4 kilogs. Il existe encore un peu de sensibilité à la

pression des points d'émergence des nerfs maxillaires supérieur

et inférieur, mais la douleur à la mastication a disparu tout à fait.

Comme conséquence de la section du sympathique, on doit noter

une légère diminution de la fente palpebrale, un peu d'enfonce-

ment du globe oculaire et du myosis bilatéral, mais plus accentué

à gauche. Il semble aussi que la joue gauche soit bouffie et un

peu colorée par rapport à la droite.

Ce fait tend à confirmer l'hypothèse formulée par M. Jaboulay.

Il pense que l'intervention agit en amenant à la longue des dégé-

nérescences dans le trijumeau, soit au niveau de la racine sensi-

tive vers la partie supérieure du plancher du quatrième ventricule,

soit dans son tronc et ses branches par le moyen des nombreux

filets qui s'y annexent en différents points. G. C.

XII. Accidents nerveux consécutifs à la suppression d'une otite ;

trépanation de l'apophyse mastoïde; par Lépine (Société natio-

nale de médecine de Lyon, il novembre 1901.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 101

M. Lépine présente un malade atteint d'épilepsie jaksonienne,

dont chaque crise présente des phénomènes différents (parésie

d'un des membres supérieurs, le gauche le plus souvent, et alalie).

Ce malade ayant eu autrefois un écoulement de l'oreille, M. Lépine

s'est inspiré de l'opinion de A. Broca qui préconise l'intervention

systématisée. Or les crises ont diminué sous l'influence de la tré-

panation de l'apophyse mastoïde, mais on n'a pas trouvé de pus.

Il est difficile d'expliquer cette amélioration. G. Carrier.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 4 décembre 1902. Présidence DE NI. GOM]3 ? ULT.

Angoisse et anxiété.

M. SOUJOES présente un débardeur de trente-six ans atteint d'aor-

tite. Ce malade éprouve à propos du froid, d'efforts, du vent, etc.,

des crises d'angine de poitrine très douloureuses au cours et en

dehors desquelles il n'a pas de peur psychique de la mort. Il a de

l'angoisse et pas d'anxiété. Ce fait montre bien la différence de

l'angoisse phénomène physique et de l'anxiété phénomène psy-

chique.

Phénomène des orteils dans l'apoplexie.

M. BRISSAUD depuis la dernière séance a observé quatre malades

en état d'apoplexie peu de temps après l'ictus. Chez les quatre

sujets il a trouvé très manifestement le signe de Babinsktri.

M. Marie a observé le même fait sur un malade deux heures

après l'ictus.

Méthode de l'isolement à l'hôpital pour les névroses.

M. DEJERINE préconise le système qu'il a adopté à la Salpétrière

pour la cure d'isolement et de psychothérapie appliquée aux

malades trop pauvres pour pouvoir être traités dans les maisons

de santé. Cet isolement se fait dans la salle commune. La condi-

tion d'accepter l'isolement absolu est posée au malade avant son

entrée. Il est tenu dans un lit dont les rideaux sont fermés et ne ,

reçoit ni lettres ni visites. Il ne voit que le chef de service le matin,

l'interne dans la journée et la surveillante qui ne doit que lui

apporter ses aliments et lui donner les soins matériels. Le dia-

gnostic n'est jamais fait devant la malade, on se contente de lui

affirmer qu'elle doit guérir. M. Déjerine, sur 200 malades, n'a eu

que 2 insuccès. Il traite ainsi des hystériques, des hystéro-neuras-

102 - ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

théniques, des neurasthéniques. Il engage les médecins des hôpi-

taux à s'organiser pour faire bénéficier les malades pauvres de

cette méthode.

Maladie de Dupuytren chez des tourneurs de bouchons.

M. Brissaud a trouvé chez les hommes qui exercent ce métier et

qui serrent le bouchon entre deux doigts de la main gauche, de

nombreux cas de maladie de Dupuytren, il en présente des photo-

graphies.

Arthropulhie syringomyélique.

M. Brissaud présente l'articulation scapulo-humérale d'un por-

teur aux halles, grand buveur, devenu épileptique, puis guéri de

ses attaques, qui ne pouvait lever le bras gauche en raison d'une

luxation. De plus il ne sentait plus la chaleur à la main droite et

pouvait la brûler sans aucune douleur, alors que la sensibilité

tactile était conservée. Les mouvements de l'articulation du coude

faisaient entendre des craquements à distance. Les deux affections

articulaires étaient comme les troubles de la sensibilité dus à la

syringomyélie. Or ces derniers troubles se superposaient à des

zones radiculaires connues. Ce mode de répartition admis comme

étant la règle par quelques neurologistes tels que MaxLahaye n'est

pourtant pas la règle et peut revêtir la disposition segmentaire, ou

du moins affecter les bandes radiculaires comprises dans un seg-

ment du tégument.

M. Dejerine a toujours vu dans ce cas la disposition radiculaire.

Il est difficile d'établir la topographie segmentaire de la moelle,

alors que la topographie radiculaire en est claire. On ne voit la

disposition segmentaire dans la syringo-myélie que quand celle-ci

est compliquée d'hystérie.

M. Brissaud ne peut admettre sans peine qu'au moins la limite

supérieure de la thermo-analgésie chez son sujet (entre épaule et

cou) ne soit pas segmentaire.

MlaO DÉJEUNE objecte que cette limite supérieure est celle des

innervations respectives du plexus brachial et du plexus cervical.

Malgré tout M. Brissaud ne pense pas que la disposition de ce

trouble soit toujours nécessairement radiculaire, bien qu'un des

premiers il ait signalé la fréquence de ce fait; « il ne faut pas

abuser même des choses les meilleures ».

Pathogénie de la maladie de Thomsenn.

MM. G. Ballet et Bordas attribuent le syndrome de Thomsenn à

un défaut d'assimilation musculaire. Ils ont trouvé dans l'urine

d'un sujet un produit alcaloïdique nouveau qui donne avec l'acide

picrique un picrate spécial.

sociétés savantes. 103

Paralysie radiculaire obstétricale.

lILHuET a suivi 20 cas de paralysie obstétricale du membre supé-

rieur et en présente 4 cas à la société. Cette paralysie est causée

par l'élongation du plexus au passage des épaules au détroit infé-

rieur. La réparation des muscles se fait bien, mais il persiste une

certaine déformation et un trouble fonctionnel consistant dans la

difficulté de la supination et de la rotation externe de l'humé-

rus. - -

Dicadococinésie.

MM. CAMPBELL (d'Edimbourg) et CROUZON ont étudié la diadoco-

cinésie chez les cérébelleux du service de M. Pierre Marie. Ils ont

constaté l'existence de ce symptôme révélé par M. Babinski sur

trois scléroses en plaques et ne l'ont pas trouvé sur un malade

atteint d'un syndrome hystérique simulant la sclérose en plaques

cérébello-spasmodiques, ils croient, en conséquence, que ce signe

peut être différenciateur de l'hystérie et d'un trouble organique.

Enfin ils ont constaté la diadococinésie sur un malade atteint d'une

lésion cérébelleuse consécutive à un traumatisme occipital.

Examen de la moelle d'un malade porteur du signe

6t'A)'o ? ? o ! 'e)'(M : . Tabes fruste.

M. Henri Dufour montre les coupes de moel4e provenant d'un

malade mort tuberculeux et n'ayant présenté comme seul signe

clinique de la série tabétique que le signe d'Argyll-Robertson. Il

n'existe pas de sclérose des cordons postérieurs; mais à la région

dorsale moyenne on voit des épaississements et tourbillons mé-

ningés constitués par de la méningite ancienne; de plus à ce

même niveau une racine postérieure est détruite, ce qui permet

d'affirmer l'existence d'un tabes'fruste. Ce cas permet donc de

considérer comme tabétiques avérés un certain nombre de malades

qui n'ont pour tout signe clinique que l'Argyll-ltobertson.

M. Dejerine chez un sujet atteint de signe d'Argyll et de douleurs

fulgurantes n'a pas trouvé de lésions.

M. Babinski a aussi vu de tels cas sans lésions mais jamais sans

lymphocytose. Pas d'Argyll sans lymphocytes, donc pas d'Argyll

sans qu'il y ait au moins un état méningitique spécifique spécial,

point de départ des altérations nerveuses.

M. DUFOUR a aussi toujours trouvé des lymphocytes dans le

liquide de la ponction lombaire.

Amyotrophie du tabes dorsalis (trois observations avec autopsies)

MM. F. Raymond et CI. PIIILIPPE communiquent trois observations,

suivies d'autopsies, dans lesquelles les symptômes ordinaires du

'jazz SOCIÉTÉS SAVANTES.

tabès dorsalis se sont compliqués, à une époque variable de leur

évolution, d'une amyotrophie souvent considérable et prédomi-

nante au niveau des muscles des membres inférieurs. Cette amyo-

trophie a évolué assez lentement, sans douleurs des nerfs ou des

muscles à la pression, entraînant une impotence fonctionnelle au

prorata de l'amaigrissement des muscles. Les réactions électriques

ont été souvent rencontrées plus ou moins modifiées (diminution

plus ou moins grande de l'excitabilité faradique et galvanique,

parfois avec une R. D. incomplète). A noter la déformation fré-

quente du pied, type Joffroy-Condoléon, avec griffe des orteils; et

la marche de l'amyotrophie débutant par les petits muscles des

pieds, pour gagner progressivement les grands muscles des

jambes et des cuisses. Les secousses fibrillaires ont été notées dans

le seul des cas où l'on ait pu assister à l'évolution de l'amyotrophie,

dans ce même cas, il y a eu des symptômes de paralysie labio-

glosso-laryngée (voie nasonnée) ; langue atrophiée avec secousses

fibrillaires; troubles de déglutition, etc.

A l'autopsie, à côté des lésions classiques du tabès dorsalis, les

auteurs ont trouvé une atrophie primitibe des grandes cellules radi-

culaires de la substance grise avec atrophie des racines antérieures

correspondantes et altérations névritiques secondaires. Cette polio-

myélite antérieure primitive commande rigoureusement l'amyo-

trophie des membres inférieurs.

Ainsi, ces trois observations plaident en faveur de l'association,

relativement fréquente, du tabès dorsalis classique et d'une amyo-

trophie progressive ordinairement prédominante au niveau des

muscles inférieurs, amyotrophie d'origine médullaire.

La secousse musculaire dans les diverses maladies

du système nerveux.

M. MENDELSON (de Saint-Péter§bourg) résume ses recherches gra-

phiques sur le caractère de la secousse musculaire réflexe dont la

-courbe représente une parabole dont la partie ascendante est

normalement plus courte que la partie descendante. La projection

de ces deux segments de courbe serait dans le rapport de 4 pour

l'ascendante, à 6 pour la descendante. Cette dernière portion est

généralement seule modifiée dans les états pathologiques.

Traitement spécifique de lésions non syphilitiques.

M. Grasset (de Montpellier) envoie une communication lue par

M. Marie au sujet de plusieurs cas de lésions des centres nerveux

manifestement indemnes de syphilis et pourtant améliorées ou

guéries sous l'influence du traitement mercuriel.

M. DURANTE montre des iîévi,o ? iies terminaux et une hypertrophie

en-masse du nerf médian surun avant-bras[après résection du coude.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 108

Paralysie sensitivo-motrice /(sco-spasmofM6, avec cypho-scoliose

vertébrale sans lymphocytose rachidienne.

MM. DUPRE et SGI31LLEAU. Garçon de dix-sept ans, présentant

depuis six mois une paraplégie motrice, flasque, avec hypotonie

musculaire, troubles sphinctériens, et hypoesthésie remontant

jusqu'à la cinquième dorsale. Pas de douleurs ni de symptômes

rondiculaires. Malgré le caractère flasque de la paralysie, on cons-

tate l'exagération des réflexes rotuliens, du clonus du pied et le

signe de Babinski. Cette association flascospasinodique est chez

le malade entièrement nette. La ponction lombaire ne décèle aucun

lymphocyte dans le liquide céphalo-rachidien.

Le diagnostic étiologique de la lésion est orienté vers le mal de

Pott par l'existence d'une cyphoscoliose dorsale supérieure très

prononcée. Mais l'absence de lymphocytes à la ponction lombaire

oblige à rejeter l'hypothèse de leptoméningite, intermédiaire à la

pachyméningite et à la myélyte transverse. Il faut admettre une

lésion médullaire dorsale,transverse, centrale, coïncidant avec une

lésion vertébrale, mais indépendante de tout processus anatomique

de contiguïté.

MM. HEITZ et Lortat-Jacob communiquent une note au sujet de

l'intermittence d'anesthésie radiculaire alternant avec des crises

gastriques chez des tabétiques.

M. P. Richer est nommé président pour 1903. F. Boissier.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 18 novembre 1902. - PRÉSIDFNCE DE M. Jules Voisin

La psychologie du tuberculeux.

M. Félix REGNAULT. Les manifestations psychologiques les

plus saillantes chez les tuberculeux sont : l'optimisme, l'égoïsme,

l'hyperexcitabilité et la sentimentalité. Ils sont optimistes parce

que souvent ils ne souffrent pas et de cetoptimisme nait leur insou-

ciance à se soigner énergiquement; aussi est-il salutaire de tou-

jours éclairer un tuberculeux sur son état; quand il connaît la

vérité, il ne s'en trouve pas démoralisé, mais, au contraire, il

comprend la nécessité du traitement qu'on lui impose. Leur

égoïsme n'est pas le propre de la tuberculose ; il est le fait de

l'affaiblissement et de la dépression. Leur sentimentalité, qui en

fait parfois des « embrasés », tient à ce fait que dans les sanatoria,

par exemple, ils mangent bien, ont la vie facile et ne sont nulle-

100 SOCIÉTÉS SAVANTKS.

ment préoccupés par les soucis de l'existence. Ceux qui sont

hyperexcités sexuellement ne sont, ni les tuberculeux fébriles, ni

les tuberculeux sans fièvre, mais les tuberculeux subfébriles.

La tuberculose peut ajouter un ou plusieurs caractères à l'état

mental préexistant ; elle ne le modifie pas de fond en comble,

comme cela arrive, par exemple, pour le myxoedème ou l'ablation

das testicules.

M. f3éan.r.on. C'est déjà dans la période prodomique, au

cours de la lente incubation, que le tubercubeux présente des

troubles nerveux et mentaux. Ce qui m'a le plus frappé à cette

époque, c'est qu'ils sont hypersuggestibles et abouliques. La cons-

tatation de cette hypersuggeslibililé fait espérer que l'influence

psychothérapique est de très courte durée et cela n'a rien d'éton-

nant, puisqu'elle est tenue en échec par une intoxication perma-

nente. Chez le tuberculeux, la suggestion agit sur le psychique ;

elle modifie le caractère, elle contribue à créer l'optimisme ; elle

n'agit sur les troubles somatiques que d'une façon faible et passa-

gère, ainsi que le font les médicaments Les tuberculeux, dès la

période prodromique, sont des abouliques; ils font toutes sortes

de projets qu'ils ne réalisent pas ; ce sont des êtres diminués au

point de vue de l'action. A une période plus avancée, ils sont

extrêmement égoïstes. Un malade me traduisait sou état

mental par ces mots : « Je suis anarchiste de la santé des

autres. » Un-autre, faisant son testament, partageait à dessein sa

fortune entre des gens tous mal portants, pour jouer une niche

à ceux de ses héritiers qui étaient bien portants et qui, pour cela

seul, lui étaient odieux.

M. Paul Magnin. Je suis tout à fait d'avis que la période pré-

bacillaire s'accompagne de changements de caractère. A ce sujet,

il faut distinguer le tuberculeux et le phtisique. Le tuberculeux

présente, en effet, une psychologie particulière : la psychologie

des phtisiques au contraire, est celle de tous les malades infectés

et épuisés. J'estime qu'il ne faut pas cacher au tuberculeux son

état, mais au contraire le lui révéler; en lui promettant formelle-

ment qu'il pourra se guérir s'il se soigne résolument, on obtient

de lui une très grande docilité, tout en lui laissant son opti-

misme.

M. Loinel DAURIAC. Je suis très frappé de la conscience avec

laquelle les médecins de nos jours se préoccupent de l'oppor-

tunité d'éclairer le malade sur son état. En révélant la vérité au

- tuberculeux, en lui apprenant qu'il est contagieux, on lui montre

qu'un devoir lui est imposé par la nécessité de ne point attenter à

la santé d'autrui ; il est ainsi tenu par la plus élémentaire obliga-

tion morale de préserver ses semblables des microbes dont il est

le véhicule; et je me félicite que les progrès de la science

SOCIÉTÉS SAVANTES. 107

exercent cette influence sur la moralité et la conscience des

malades.

- M. Caznux (d'Eaux-Bonnes). En principe, je suis également

d'avis qu'un tuberculeux doit-être prévenu de son état ; mais je

pense qu'il y faut des formes et des ménagements ; le médecin de

famille peut préparer le malade et l'entourage et leur épargner

un aveu brutal. Tout cela comporte des décisions d'espèce. Pour

ce qui est de l'évolution de la maladie, j'ai constaté que les tuber-

culeux névropathes ou hystériques sont ceux qui guérissent le

mieux.

M. Henri LEG1ESLE. La psychologie du tuberculeux varie suivant

qu'il s'agit du tuberculeux oisif qui séjourne dans un sanatorium

ou du tuberculeux actif qui continue à vivre de la vie ordinaire ;

cette différence du milieu influe sur lés modifications mentales ou

nerveuses.

M. Jules Voisin. Dans mon service de la Salpêtrière, je ne

perds guère, par an, plus de deux malades pour cause de tuber-

culose. C'est qu'ils ont, d'ordinaire, très bon appétit ; sinon on les

gave. Quant à l'état mental de ces malades, il faut distinguer ceux

qui sont atteints de tuberculose pulmonaire et ceux qui, par

exemple, ont de la tuberculose gastro-intestinale, ceux-ci sont

rarement euphoriques.

M. Lépinay. Il résulte de la discussion qu'avant les symptômes

cliniques de la tuberculose, on peut observer des perturbations

psychiques d'ordre spécial et qui peuvent faire soupçonner sinon

diagnostiquer l'affection. Les mêmes faits existent chez les

animaux et notamment chez les vaches. Les perturbations psy-

chiques ont surtout leur répercussion sur les organes sexuels et

les organes digestifs. Les vétérinaires savent que les vaches tauré-

lières (vaches qui paraissent changer de sexe) les vaches qui

mangent les objets, tels que les étoffes, les morceaux de bois ou

de fer, etc., sont pour la plupart des bêtes chez lesquelles la tuber-

culose commence à évoluer, sans cependant présenter des symp-

tômes cliniques, évidemment moins faciles à observer que chez les

humains. Je ne sache que pareille observation ait été faite pour

les petits animaux. Toutefois, j'ai remarqué un certain nombre de

petits chiens manifestement tuberculeux et chez lesquels le carac-

tère se modifiât complètement. De doux ils devenaient agressifs

au point de mordre les personnes qu'ils affectionnaient le plus. Ils

paraissent aussi avoir des excitations sexuelles anormales.

Somnoforme et suggestion.

M. Paul FAREZ, Certains malades ne peuvent, pour diverses

raisons, être plongés dans le sommeil hypnotique ; dès lors, toute

108 SOCIÉTÉS SAVANTES.

espèce de suggestion se montre chez eux tout à fait inefficace.

Pour ces cas, ou se décide parfois, en dernier ressort, à formuler

les suggestions curatives après avoir provoqué la narcose chloro-

formique. Or, le chloroforme présente, à notre point de vue

spécial, de multiples inconvénients, complications et même dan-

gers.

Je propose de le remplacer par le somnoforme. Cet anesthésique-

est inoffensif; il peut être administré sans aucun préparatif, chez

tous les individus, jeunes ou vieux, bien portants uu malades,

assis ou couchés, déshabillés ou non, avant ou après les repas ; il

procure un sommeil facile, immédiat et sûr ; au bout d'un certain

temps, le réveil survient, complet et instantané, sans qu'aucun

malaise se manifeste. Un neurasthénique avec phobies était soigné

par moi, sans grand résultat, depuis quelque temps ; les divers

agents hypotaxiques ne parvenaient guère à l'influencer. Il guérit

rapidement à la suite de quelques séances de suggestion, faites à la

faveur du sommeil somnoformique. La somnoformisation me

parait devoir, absolument et dans tous les cas, remplacer la chlo-

roformisation dans la pratique de la psychothérapie.

Hystérie (ruumatique guérie par la suggestion hypnotique.

M. Jules Voisin. Un maçon âgé de vingt-sept ans ressent une

violente commotion électrique en montant dans un tramway ; il

tombe à la renverse et l'on est obligé de le relever. Aussitôt, ses

membres inférieurs présentent des secousses qui, bientôt, se pro-

pagent à tout le corps. Cet état dure depuis plusieurs mois ; le

malheureux est incapable de se livrer à aucun travail et il est dans

la misère. 11 présente des stigmates manifestes d'hystérie. Je

l'hypnotise et il peut reprendre son travail après la deuxième

séance. Quelques mois après, à la suite de chagrins domestiques,

il est repris de ses secousses qu'une nouvelle hypnotisation fait

disparaitre complètement.

Psychologie d'anormaux, les femmes à barbe.

M. l3EItILLON. On a noté chez certains aliénés un assez grand

nombre de cas dans lesquels le système pileux était assez développé

au menton ; en outre chez certaines femmes la lèvre·supérieure

est légèrement ombragée et le menton partiellement garni de

poils. Ce n'est pas leur cas que je veux étudier, mais celui des

femmes, assez rares, qui ont une véritable barbe, d'aspect nette-

ment masculin ; Je vous en fais passer plusieurs photographies.

Parmi les femmes qui ont une barbe clairsemée, on trouve

fréquemment des viragos à allure, démarche, et sentiments mas-

culins. Au contraire, les femmes qui ont une barbe masculine

complète et très abondante sont éminemment femmes par la

1 BIBLIOGRAPHIE. 109

structure physique, l'état mental, les sentiments, la moralité, la

sexualité, la maternité, leurs organes génitaux sont normaux et

leurs époques régulières ; elles sont douces, plutôt timides

et recherchent la compagnie des femmes.

BIBLIOGRAPHIE.

1.' Le caractère; par A. Malapert, 1 vol. in-18 de 300 pages.

Bibliothèque internationale de Psychologie expérimentale,

(Directeur, Dr Toulouse). 0. Doin, éditeur, Paris 1902.

Il ne s'agit pas d'une théorie personnelle du caractère, mais d'une

étude historique et critique des travaux consacrés à cette question

d'une déconcertante complexité. Ce n'est que depuis une douzaine

d'années que les psychologues se sont occupés d'Ethologie, dont

Stuart-Mill réclamait la constitution dès 1843. Les préoccupations

métaphysiques, les tendances delà psychologie ordinaire à ne s'oc-

cuper que de généralités, le préjugé légué par le xviiie siècle,

d'après lequel tous les hommes naissent également amorphes et

plastiques, les inspirations de la physiologie et de la sociologie,

autant d'influences qui avaient éloigné les savants de l'étude des

diversités individuelles. Stuart-Mill ne voyait dans l'Ethologie que la

détermination des causes qui produisent les diverses formes de

caractère, nous devons y voir en même temps les particula-

rités individuelles sur lesquelles agissent ces causes. A côté de la

psychologie générale, qui est analytique, et abstraite, il peut et

il doit y avoir une psychologie synthétique et concrète, qui la com-

plétera, et qui sera l'Elitologie de Stuart-Mill, la Caractérologie de

Bahnsen, ou la Psychologie différentielle de W. Stern. La méthode

qui lui convient est la méthode clinique, la méthode déductive ris-

querait de substituer aux faits des constructions de l'esprit, et nous

exposerait à méconnaître une trop grande partie du réel obser-

vable.

Le caractère est la somme, ou mieux le système particulier cons-

titué par la réunion, selon certains rapports, des diverses disposi-

tions psychiques qui se rencontrent dans une personne donnée. Il

y a dans tout caractère, de l'inné, constitué par les transmissions

héréditaires de tous degrés et les constitutions physiques et men-

tales propres à l'être naissant ; il y a aussi de l'acquis, sous l'action

des influences naturelles ou sociales, que chaque homme subit, et

aussi de la réaction de l'intelligence, et de la volonté contre l'élé-

ment inné. Les causes qui concourent à la formation du caractère

110 BIBLIOGRAPHIE.

acquis sont l'évolution naturelle propre à tout être humain et

l'évolution accidentelle particulière à chacun. Ces évolutions à la

fois biologiques et psychologiques, facilitées ou contrariées par

- l'intervention de facteurs de tout ordre, depuis le climat, la nutri-

tion, les lésions organiques, jusqu'à l'éducation, les conditions

sociales, et la volonté, subissent des influences quelquefois lentess

constantes , quelquefois rapides sous forme de crises. Quant au

caractère inné, il repose sur le tempérament et le naturel, le pre-

mier tenant à des conditions purement physiologiques, le second

englobant l'ensemble des tendances et aptitudes mentales propres

à chaque individu. Les facteurs qui président à sa formation, sont

le sexe, la race, la nationalité et l'hérédité personnelle. L'auteur

va laisser décote l'Ethologie ethnologique, pour se limiter à l'Etho-

lologie individuelle, qu'il va considérer au point de vue métaphy-

sique, physiologique et surtout psychologique.

Le problème métaphysique de l'individuation a donné lieu à

deux grandes conceptions : le monisme et l'individualisme, qui

sont tour à tour acceptés et rejetés par la philosophie moderne et

contemporaine, avec parfois quelques essais de conciliation. Ces

conceptions ont fait naître l'idée de fatalisme, à laquelle Kant et

Schopenhauer s'efforcent de substituer l'idée de liberté en distin-

guant le caractère empirique du caractère intelligible. Cette dis-

tinction s'allie, sans la moindre contradiction, avec l'idée de fond

primitif, de caractère inné. Ce dernier n'est-il pas lui-même acquis,

et cette innéité dans l'individu ne peut-elle pas être une acquisition

de l'espèce ? Avec Hoffding, l'auteur conclut que l'individualité psy-

chique est l'une des limites positives de la science, nous touchons

là à un de ces problèmes dont la solution ne peut être qu'imagi-

native, hypothétique et par conséquent non scientifique.

Les rapports intimes qui existent entre le physique et le moral,

acceptés par tous les philosophes depuis Aristote, rendent impos

sible une théorie et une classification naturelle des caractères, sans

une théorie et une classification des tempéraments. Dans l'anti-

quité prévaut la théorie humoriste ; Stahl et Ileller. préparent

l'avènement des solidistes : puis les uns font dépendre le tempéra-

ment du développement des organes et voient partout des prédo-

minances organiques plus ou moins nettement localisées ; les autres

ne considèrent que l'activité particulière du système nerveux. Mais

peu à peu le tempérament change de sens, il ne désigne plus que

l'excitabilité variable du système nerveux : Kant, Seeland, Wundt

paraissent considérer ce dernier comme isolé dans l'organisme.'Le

tempérament s'identifie chez eux avec la sensibilité. M. Fouillée et

M. Manouvrier, retournent à une conception physiologique. Avec le

premier, la considération de la prédominance relative de l'épargne

(catabolisme, intégration) ou de la dépense (anabolisme, désinté-

gration) dans l'organisme, fournit les divisions essentielles ; leur

BIBLIOGRAPHIE. 111 1

rapport avec le système nerveux, les subdivisions ultérieures et

dérivées. La fonction sensitive favorise l'intégration, la fonction

motrice, la désintégration. Mais l'équivoque et l'indécision appa-

raissent quand il s'agit de passer des tempéraments aux caractères. -

M. Manouvrier s'appuie sur la variabilité de la quantité d'énergie

potentielle de l'organisme, qui peut tenir à l'état plus ou moins

florissant des fonctions de nutrition. Il existe trois tempéraments :

le sthénique, le mésosthénique et l'hyposthénique, qui correspon-

dent à la division classique : bilieux, sanguin, flegmatique. Mais

cette théorie a le tort de n'envisager que le degré d'activité psy-

chique et de négliger la direction de cette activité. Il résulte de la

variété de ces théories que le sens du mot tempérament n'est pas

encore suffisamment précisé et que la classification adoptée géné-

ralement ne repose que sur l'observation psychologique. L'auteur

est loin de vouloir nier l'influence du tempérament sur le caractère

mais il lui semble illégitime de chercher dans des hypothèses phy-

siques nn fondement positif pour une théorie et une classification

des caractères. Dans l'état actuel de la science, la psychologie peut

seule nous éclairer sur ce point.

L'auteur passe en revue et discute les théories psychologiques

du caractère, soutenues par les philosophes contemporains.

M. Paulhan s'est plus occupé de la forme que du fond. Il ne voit

que les tendances et leurs rapports, il donne au caractère un

aspect fragmentaire, morcelé et laisse absolument de côté le

grand ressort qui actionne les rouages et qui est en somme le

caractère. Selon M. Ribot, l'essence du]caractère doit être cherchée

exclusivement dans la sensibilité. 11 n'est que la prépondérance

native d'un instinct ou d'un groupe d'instincts. L'intelligence

éclaire la vie, mais n'en est pas le moteur. De ce que l'intelligence

n'est pas tout le caractère, objecte AI. Fouillée, s'en suit-il qu'elle

n'y est rien . N'est-elle pas innée au même titre que la sensibilité,

et ne peut-elle pas modifier cette dernière . De même, si la volonté

n'est, en dernière analyse, que la systématisation des tendances

sensitivo-motrices, ce rôle est-il sans portée dans la constitution

du caractère. Avec plus de raison Bain; M. Queyrat et M. A. Lévy

voient dans le caractère une synthèse des trois grandes facultés

psychiques : la sensibilité , l'intelligence et l'activité. Nous

devons, nous, ajouter la volonté. Les modalités sous lesquelles

apparaissent ces diverses fonctions constituent les véritables élé-

ments psychologiques du caractère. Pour être complet, il faudra

-aussi tenir compte de leurs rapports de coordination et de subor-

dination, et envisager leur qualité, non leur quantité, Si l'on ne peut

en déduire des lois au sens scientifique du mot, on peut au moins

relever des coïncidences qui confinent aux causalités. Quoiqu'il

en soit, ces relations qualitatives permettent de concevoir le type.

Une classification psychologique ne peut avoir la même vigueur

112 Z BIBLIOGRAPHIE.

qu'une classification zoologique. Le Dr Azam, se plaçant au point

de vue objectif, extérieur trouve les bons caractères, les mauvais et

ceux qui sont bons ou mauvais suivant les circonstances. B. Perez

serre de plus près la question : il y a. pour lui. les vifs, les ardents.

les lents et les équilibrés avec des types intermédiaires. Mais ne

prend-il pas lui aussi le signe, pour la chose elle-même . Ribot

admet les sensitifs, les actifs et les apathiques, qu'il décompose en

variétés. Il laisse de côté les amorphes et les instables de nature

pathologique. Ribot pèche par excès de simplification. Paulhan,

estimant qu'un caractère est déterminé d'un côté par la forme par-

ticulière que revêt l'activité de l'esprit, et d'un autre côté par la

nature même des tendances, trouve TO sortes de caractères.

Fouillée les ramené à trois : les intellectuels et les volontaires.

Les autres classifications ne sont que les combinaisons des précé-

dentes. L'auteur accepte la distinction en apathiques, affectifs, intel-

lectuels, actifs, tempérés et volontaires.

Nous passons ensuite aux caractères morbides, aux maladies du

caractère, qu'il ne faut pas confondre avec le caractère dans la

maladie. Le Du Boudeten compte trois : l'hypochondrie, la mélan-

colie, la névropathie, àlaquelle Queyrat substitue l'hystérie. Ilibot

distingue les cont.radictoiras successifs, les contradictoires simul-

tanés et les instables ou polymorphes. Que de normaux alorsse trou-

vent ainsi classés dans les anormaux et que d'anormaux sont

oubliés si l'unité et la stabilité entrent seules en ligne de compte.

L'Ethologie est loin d'être une science définitive ; l'imprécision

du vocabulaire psychologique donne lieu aux contradictions en

partie apparentes des théories énoncées. L'accord se fait cependant

sur l'objet et la méthode de cette science nouvelle, ce qui est impor-

tant.

Le livre de M. Malapert est l'oeuvre consciencieuse d'un psycho-

logue documenté ; les diverses théories émises avant lui y sont

exposées avec autant d'impartialité que de concision, et les dis-

cussions auxquelles il les soumet témoignent d'un esprit véritable-

ment scientifique. M. Malapert ne s'arrête pas à l'observation sub-

jective, il vante avec raison les avantages de l'expérimentation, et

ne dédaigne pas, comme tant d'autres, l'aide de la psychopatho-

logie pour éclairer la psychologie normale : la Bibliothèque inter-

nationale de Psychologie expérimentale vient de s'augmenter d'un

volume de haute valeur. J. BOYER.

II. Oreille et hystérie ; par FLEURY-CuAVANNE. (Th. Lyon 1901.

Le travail très important de M. Chavanne intéresse à la fois les

otologistes et les neurologistes. Il comprend trois parties. Dans la

première, après un historique de la question, l'auteur met au

point la question si délicate de l'acoumètrie. La deuxième partie

BIBLIOGRAPHIE. 113

est consacrée à l'étude du syndrome otique de l'hystérie. Les tra-

vaux de Walton, de Thomas et Oppenheim, de Lichwitz, de Gra-

denigo, y sont analysés.

Les observations personnelles de l'anteur, montrent l'absence de

rapport constant entre les troubles de la sensibilité cutanée et ceux

de la sensibilité acoutisque ; l'existence d'hypoesthésie acoustique

chez les hystériques, alors même qu'ils ne présentent aucun

trouble delà sensibilité, apparaît évidente dans la plupart des cas.

L'auteur passe en revue les caractères de cette diminution de

l'acuité auditive. Nous signalerons l'absence habituelle d'hypoex-

citabilité la réaction galvanique, contrairement aux notions

admises à la suite de Gradenigo; l'absence ordinaire de phéno-

mènes auriculaires subjectifs, ceux-ci, lorsqu'ils existent, étant

sous la dépendance d'une affection de l'oreille; le rôle d'appel

important pour la localisation de la névrose, joué par les lésions

auriculaires. Ce rôle, peut en effet, être assez considérable pour

éveiller une hystérie latente et servir d'agent provocateur à des

troubles localisés, non seulement sur l'oreille, mais encore sur

d'autres points de l'organisme.

La troisième partie comprend des faits d'hystérie auriculaire

monosymptomatique dans lesquels l'élément auriculaire, s'il n'est

pas toujours l'unique symptôme, domine du moins absolument la

scène hystérique. La surdité, la surdi-mutité, la surdi-cécité, la

surdi-muti-cécité sont ici la traduction de phénomènes d'aues-

thésie.

L'hyperesthésie est représentée par les algies otiques : hypera-

cousie douloureuse et hyperacousie hystérogène; zones hystéri-

ques ; vertige de Ménière hystérique extrêmement rare et pouvant

revêtir parfois la forme apoplectique; otalgie; algie mastoïdienne

(pseudo-mastoïdite).

L'étude des otorragies hystériques et celle de 1'li's [éro- trauma-

tisme de l'oreille terminent ce travail sur les rapports de l'oreille et

de l'hystérie. G. Carrier.

111. (le l'alcoolisme eei\Tormrndie; parILLsnoy

(Broch. 85 p., in-8, Evreux 1902).

La Normandie est ravagée par le café pris à la mode locale et

représentant de 30 à 200 grammes d'alcool pour un café pris par

un individu, sous forme de gloria, pouce-café, rincette, consola-

tion, etc. On y prend encore un mélange de cidre et d'eau-de-vie

chaud ou froid, appelé phlipp. Indépendamment de cette consom-

mation locale et de celle du cidre, le vin, l'eau-de-vie commune,

l'absinthe, le cognac y fraternisent avec l'eau-de-vie de cidre. Du

cabaret, l'alcool est passé dans la famille, le nourrisson au biberon

n'y échappe pas plus que l'enfant qui va à l'école avec de l'eau-de-

AnciuvES, 2» série, t. XV. 8

114 BIBLIOGRAPHIE.

vie dans son panier et qui chez lui dans la proportion de 1 sur 3

prend de l'eau-de-vie régulièrement après chacun de ses repas.

L'eau-de-vie de cidre frappe particulièrement la mémoire. Lacon- -

sommation alcoolique est passée dans l'Eure de 8.652 hectolitres

en 1827 à 56-652 en 1891, alors que le chiffre de la population a

diminué. Cette augmentation tient à l'établissement, en 1875, du

privilège des bouilleurs de cru et à la loi de 1880 autorisant l'ou-

verture des débits sur simple déclaration. L'Eure a toujours eu une

consommation alcoolique plus élevée que le reste de la France, en

1827, elle avait 2 litres d'alcool à 100° par tête et par an contre 1,12

pour la France ; en 1898 elle avait 16 litres à 100° contre 4,28 pour

la France. Dans un petit village de 300 habitants, les débitants

vendent 100 litres d'eau-de-vie par mois, Il y a dans l'Euro un

débit pour 72 habitants soit un débit pour 25 adultes. La bière

était la boisson d'autrefois en Normandie détrônée assez tard par

le cidre alors que le vin n'y a jamais été dédaigné. La population

a fondu sous le flux de l'alcool; l'Eure avait 425 078 habitants

en 1841, elle n'en a plus en 1896 que 340 652 soit une diminution de

1 500 par année. La criminalité y a doublé depuis 30 ans. De 1835

à 1897 les suicides ont passé de 44 à 172. Les frais d'assistance des

aliénés sont allés de 141 000 francs en 1869 à 267.000 en 1895.

F. B.

IV. Les aliénés devant la justice; par F. Pactes et Il. Colin. 1 vol.

in-12, Encyclop. d'aides-mémoire. Paris, Masson, 1902.

Laissant de côté tout ce qui a traita l'appréciation delà capacité

civile, les auteurs ne se sont pas proposés de faire un manuel de

médecine légale des aliénés; ils envisagent l'aliéné au point de vue

des actes délictueux qu'il a pu commettre. Ils montrent que trop

souvent il est considéré par les tribunaux comme responsable de

ses actes et que dès lors il n'échappe pas aux rigueurs de la loi;

malgré le texte de l'article 64 du Code pénal qui déclare qu'il n'y a

ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au

moment de l'action, ou qu'il a été contraint par une force là

laquelle il n'a pu résister. Il s'agit donc ici d'une étude des aliénés

méconnus par les tribunaux et par suite victimes d'une injustice

grave. Que l'on accuse les médecins de se montrer trop sensibles

au malheur de ces condamnés souvent inconscients, souvent très

dangereux, ceci n'empêche qu'il ne suffit pas de les empêcher de

nuire d'une façon quelconque. Ces pauvres diables ont des familles

sur qui retombent lourdementet cruellement l'oprobe et le déshon-

neur de la condamnation d'un de leurs membres, taches auxquelles

ces familles auraient échappé si, au lieu de la peine infamanle, les

magistrats avaient formulé une ordonnance de non lieu et appli-

qué un régime non déshonorant d'internement du malade. En pas-

sant en revue les actes les plus fréquents des aliénés : vols, meur-

BIBLIOGRAPHIE. 115

très, délits érotiques, incendies et la genèse de ces faits, les auteurs

examinent les causes de la non reconnaissance de l'irresponsabilité

dans les jugements trop rapides des fla grands délits, dans les cas

de défaut d'expertise médicale, de rejet de cette expertise quand

elle a eu lieu, et de refus d'expertise de la part des magistrats. Le

livre se termine par l'exposé de nombreux faits cliniques dans

lesquels les poursuites judiciaires ont été manifestement exercées

contre des aliénés dont le délit était un symptôme de leur état

d'aliénation mentale. Ce livre est non seulement didactique et scien-

tifique mais il a encore une portée plus large en démontrant l'ur-

gence d'une importante réforme dans l'application de la justice.

Un second volume traitant des aliénés dans les prisons complétera

cette intéressante étude. F. BOISSIER.

V. Alienados nos 7V ! '6MKaes; par J. de : 11ATTOS (1 vol. in-12 de

300 p., nombreuses fig. dans le texte. Lisbonne 1902).

Cet ouvrage est entièrement clinique. En dehors de la préface,

qui propose des réformes pour la législation et l'enseignement en

Portugal, il n'y a pas un seul chapitre de dissertation théorique.

Le plan très mûri, très net, très scientifique a été complètement et

exclusivement rempli avec des observations choisies parmi les plus

typiques. Cette construction particulière rend le livre très captivant

et facile à lire. Il traite par ordre de fréquence de chacun des délits

ou crimes les plus fréquents au cours de l'aliénation et dans une

seconde partie, il s'occupe des cas civils. Parmi les crimes contre

les peisonnes on remarque un meurtre commis au cours d'un accès

de manie transitoire guéri au moment du jugement, un autre

meurtre accompli avec une soudaineté brutale habituelle aux épi-

leptiques, le malade s'étant acharné sur le cadavre de la victime

dont il a bourré la bouche et le vagin avec toutes sortes d'objets,

faits dont il ne conserve aucun souvenir. Ce sont enfin des crimes

du même genre, des voies de fait ou des viols exécutés par des

mélancoliques avec délire de possession, des persécutés, des dé-

ments, des imbéciles, des idiots, enfin des incendies, des vols dont

un commis par un imbécile sous l'impulsion d'un autre individu.

Suivent des cas d'incapacité à tester,de non-validité de testaments

et de donations, d'interdictions, etc. Chaque cas est suivi d'une

discussion et d'une explication spéciale avec indications bibliogra-

phiques. F.BotSSIER.

VI. Mcmoria de la section de Lombres et Nemoria de la section de

blujeues de la casa de oi-ates de Santiago ; par J. CASTRO Soffia et

0. ECIIEGOYEN (deux fascicules in-8. Santiago du Chili, 1902).

Organisation et statistique de l'asile d'aliénés de Santiago du

Chili. Cas cliniques spéciaux et faits médico-légaux. Remarques

thérapeutiques. ' F. B.

VARIA.

Asiles d'aliénés ; Concours DE l'Adjuvat.

Le concours d'adjuvat des asiles publics d'aliénés de France,

réorganisé par l'arrêté ministériel du 9 mai 1902 i, s'est ouvert, au

Ministère de l'Intérieur, le 10 novembre dernier et s'est terminé le

21 du même mois. Le jury était composé de la manière suivante :

Président : M. le Dr Drouineau, Inspecteur Général des services

administratifs au Ministère de l'Intérieur; Membres titulaires :

M. le De Mairet, professeur de clinique des maladies mentales la

Faculté de Médecine de Montpellier; le Dr Rémond, professeur

de clinique des maladies mentales à la Faculté de médecine de

Toulouse ; le Dr Régis, chargé de cours à la Faculté de médecine

de Bordeaux; le Dr Magnan, médecin en chef de l'Asile clinique

(Sainte-Anne); le Drltousset, médecin en chef de l'asile public d'alié-

nés de Bron (Rhône); le Dr Anglade, directeur-médecin de l'asile

public d'aliénés d'Alençon (Orne); membre suppléant : M. le

Dr Giraud, directeur-médecin de l'asile public d'aliénés de Saint-

Yon (Seine-Inférieure).

Trente-six candidats (36) s'étaient fait inscrire pour ce concours

mais vingt (20) seulement ont été admis aux épreuves orales à la

suite desquelles onze ont été déclarés par le jury aptes à être nom-

més médecins-adjoints des asiles publics d'aliénés, savoir : MM. les

Drs Mercier, Capgras, Simon, Lagriffe, Aubry, Coulonjou, Parant,

Vernet, Gimbal, Ex-cequo : Masselon, n° 1, Maibois, n° 2.

Textes des questions choisies par le jury (Sorties ou non sorties

de l'urne) au cours des épreuves écrites et orale.

Première ÉPREUVE écrite : (Anatomie et physiologie du système

nerveux). Les nerfs de la langue. Questions restées dans l'urne :

10 Les centres corticaux; 2° Le neurone.

Deuxième épreuve ÉCRITE : (Organisation des Asiles publics d'a-

liénés et législation). Placement et sortie dans les asiles publics et

privés (Législation). Questions restées dans l'urne : 1°Quelles sont

les obligations respectives des directeurs, directeurs-médecins et

médecins-adjoints dans les asiles publics d'aliénés ? Dans quelles

circonstances et dans quelles conditions les médecins-adjoints

sont-ils appelés à suppléer leur chef de service ? 2° De la responsa-

bilité des directeurs et médecins en chef des asiles publics et privés,

dans le cas de suicide, d'évasion et d'accidents graves, ainsi que

dans les sorties d'essai ? 2

1 Voir cet arrêté dans le numéro de juillet 1902 des Archives (p. 71).

varia. 117

Épreuve orale : (Question portant sur la médecine et la chirurgie

en général). (5 séances). Première séance. Questions sorties :

Point de côté; fracture du col du fémur. Questions restées dans

l'urne : 1° Rétrécissement de l'oesophage (médecine et chirurgie) ;

20 Insuffisance hépatique (symptômes et diagnostic). Mal perforant

plantaire.

Deuxième séance. Question sortie : Symptômes et diagnostic

du goitre exophtalmique. - Questions restées dans l'urne : .' 1" Symp-

tômes et traitement de l'appendicite; 2° Complications cardiaques

du rhumatisme. Rétrécissements de l'urèthre.

Troisième séance.-Questions sorties : Symptomatologie dé l'in-

toxication saturnine. Hydrocèle, étiologie, diagnostic et traitement.

Questions restées dans l'urne : 1° Séméiologie des vomissements.

Hernie étranglée ombilicale ; 2° Diagnostic des céphalées, fistules

anales : symptômes, diagnostic, traitement.

Quatrième séance. Questions sorties : Hématurie : Etiologie et

traitement. Dyssenterie. Questions restées dans l'urne : 1° Dia-

gnostic différentiel de la rougeole et de la scarlatine à la première

période ; fracture de la base du crâne; 2° pathologie et diagnostic

du zona. Diagnostic et traitement des fractures de l'olécrane.

Cinquième séance. Questions sorties : Cirrhose hépatique :

étiologie et diagnostic. Rétrécissement de l'oesophage. -Questions

restées dans l'urne. : 1° Pleurésies purulentes : médecine et chirur-

gie ; 2° méningite tuberculeuse : symptômes et diagnostic, fracture

du maxillaire inférieur.

Comme on le voit, ce concours pèche par l'absence de toute

épreuve de clinique mentale.

Asile d'aliénés DE la SEINE : Concours de l'Internat en médecine.

Ce concours a commencé le 101' décembre à l'Hôtel de, Ville,

Jury : M. Bourneville, Courtois-Suffit, Dupain, P. Garnier, Mau-

claire, Toulouse et Vigoureux, 18 candidats étaient inscrits.

16 ont pris part à la question écrite, laquelle était : Luxation de

l'épaule ; complications de la fièvre typhoïde. Questions restées dans

l'urne : Symptômes et diagnostic de l'ulcère simple de l'estomac; et

plaies de l'abdomen ; Symptômes et diagnostic de la pleurésie

aignë et étranglements herniaires. La première séance de lecture

a eu lieu le 3 décembre : M. Damaye, 23 ; M. Danjan, 23; M. Vin-

cent, 21 ; M. Bour, 25. Séance du 4 décembre : MM. Violet, 25 ;

Audan, 20; Halberchstald, 24 ; Loew, 18. Séance du 6 dé-

cembre ; M. Privât de ForLunié, 25. M. Artarit, 21 ; M. Pas-

cault, 17. Séance du 8 décembre; M. Duhem, 20; M. Char-

pentier, 26; M. Dromard, 29.

Epreuve orale. (Sur un sujet d'anatomie et de physiologie du

système nerveux, 15 minutes de préparation, 15 minutes d'exposi-

118 varia.

tion, 20 points). Séance du 12 décembre : Nerf spinal. Ques-

tions restées dans l'urne : Cordons postérieurs; Région rolandi-

que. MM. Audan, 13 ; Charpentier, 15 el Damaye, Il ; Bour, 16 ;

Dromard, 19; et Artarit, 14. -Séance du 13 décembre : Région ro-

landique. Questions restées dans l'urne : Nerf moteur oculaire

commun; Racines postérieures. M. Halberchtaldt, 16 : M. Dau-

jean, 18. - Séance du 16 décembre : Racines postérieures, Ques-

tions restées dans l'urne. Nerf moteur oculaire commun; Plancher

du quatrième ventricule. M. Privât de Fortunié, 15; M. Viollet, 16

Question de garde (séance du 7 décembre) i Diagnostic et traite-

ment de l'occlusion intestinale. Questions restées dans l'urne : Des

signes de l'accouchement imminent; soins à donner à la partu-

riente ; Diagnostic et traitement de l'hémoptisie. Ont obtenu :

Ai. Artarit, 12; - Charpentier, 11; Danjan, Il ; Daiiiaye, 13 ; -

Audan, 10; Violet, 11 ; Privât de Fortunié, 12; Dromard,

14 ; Bour, 15 ; Haberchtaldt, 13. Le jury a proposé le classe-

ment suivant : internes titulaires, MM. Dromard, 62 points; Bour,

55 ; Haberchialdt, 53 ; Danjan, 53 ; Charpentier, 52; Privât de

Fortunié, 52 ; Violet, 52; Damaye, 47; Artarit, 47 ; Interne pro-

visoire, M. Audan. En terminant : le jury a émis plusieurs

voeux : 1° Que les étudiantes en médecine soient admises à con-

courir pour l'internat des asiles à la condition d'être affectées à la

division des femmes ; que la première épreuve orale portant

sur l'auatdmie et la physiologie du système nerveux soif transfor-

mée en épreuve écrite ; 3° qu'il soit accordé deux minutes de

reflexion avant l'épreuve de la question de garde et que cette ques-

tion porte sur la médecilve, la chirurgie ou l'obstétrique : 4° que le

concours de l'internat des asiles ait lieu après le concours de l'in-

ternat des hôpitaux afin d'avoir un plus grand nombre dé

candidats.

Les Aliénés en liberté.

Suicide d'un officier. « Hier matin, dit la Tribune de Neuens,

du 20 novembre, vers sept heures, M. le capitaine Fauchon s'est

suicidé dans la cour de son logement, rue de Paris, 21, en se

tirant un coup de revolver dans la tête. Le malheureux capitaine,

qui a eu la tête traversée de part en part, n'a succombé que vers

une heure de l'après-midi. Il était marié et père de trois enfants.

Le capitaine Fauchon comptait vingt-sept ans de service : il était

chevalier de la Légion d'honneur et à la veille d'être promu chef

de bataillon. Il paraît que depuis un mois il donnait des signes

de dérangement cérébral et l'on a tout lieu de croire que c'est dans

un accès de fièvre chaude qu'il s'est tué .» D'où la nécessité de

surveiller et de traiter de suite les troubles mentaux de ce

genre.

varia. 119 J

Folie incendiaire.- L'auteur des incendies qui ont détruit une

dizaine de maisons à Montauban vient d'être arrêté : c'est un jeune

fou, Jean-Marie Pages, âgé-de dix-sept ans, qui appartient à une

très honorable famille de Fabas. Le malheureux a énuméré, le rire

aux lèvres, les divers incendies qu'il avait allumés. 11 a été soumis

à l'examen d'un aliéniste. (Le Matin, 2 août.)

Suicide d'un aliéné. On a trouvé pendu à un pommier, près

de son habitation, le sieur Eugène Bourée, trente-cinq ans, jardi-

nier au château de Saint-Denis-Maisoncelles, près Bény-Bocage. Le

malheureux était, depuis quelque temps, atteint du délire de la

-persécution. Il laisse une veuve et deux enfants. (Bonhomme

Normand, 21 novembre 1902). Le Bon Sauveur de Caen, asile

privé faisant fonction d'asile public, n'a pas de place pour les

aliénés du Calvados, mais en a un assez grand nombre pour les

aliénés du département de la Seine.

Disparition. La préfecture fait publier l'avis suivant :

« L'intervention de l'autorité administrative est réclamée dans

un intérêt de famille en vue de rechercher le sieur François Bil-

laud, âgé de soixante-quatorze ans, disparu de la commune de

Saiute-Soulle vers le 20 juillet dernier. Signalement : taille élevée,

portant toute la barbe, taches sur la figure, vêtements en mauvais

état, facultés intellectuelles très affaiblies, atteint de la manie de la

persécution. Les personnes qui pourront fournir quelques rensei-

gnements sur le sus-nommé sont priées de les transmettre à la

préfecture. (Petite Gironde, 21 septembre).

Les drames de la folie. Une scène tragique s'est déroulée hier

12, rue Marcadet. Dans un petit logement du troisième étage de

cette maison habitait une marchande de légumes, \i"'e Marie N...,

âgée de trente ans. Ai°8 N... est mère d'une mignonne fillette de

huit ans, la petite Georgette. Depuis quelque lemps, la marchande

de légumes donnait des signes de dérangement cérébral : « Je ne

sais pas ce que j'ai, disait-elle parfois à ses voisins, ma tète me

semble lourde, lourde comme si j'avais un poids énorme sur le

crâne. »

La nuit dernière, vers quatre heures du matin, les habitants de

l'immeuble étaient réveillés en sursaut par un bruit formidable et

des cris de terreur provenant du logement occupé par lllme N... ;

on accourut ; la porte était fermée intérieurement. On l'enfonça,

et les voisins se précipitèrent dans la chambre à coucher. Là, un

terrible spectable s'offrit à leur vue.

La folle avait brisé à coups de hache tout son mobilier. Elle avait

ensuite pris dans sou berceau son enfant endormi, et l'avait éten-

due sur un tas de bois qu'elle avait auparavant arrosé de pétrole.

Elle dansait autour du bûcher en poussant des éclats de rire. Ter-

120 varia.

rorisée, l'enfant suppliait : « Maman, petite mère chérie, ne me

fais pas de mal, dis ! » On mit fin à cette scène en désarmant la

pauvre femme. Elle a été envoyée à l'infirmerie spéciale par le

commissaire. La petite Georgette a été recueillie par des parents

(Petite Gironde, 21 septembre 1902).

Un drame de la folie. D'après une dépêche de Privas du 12 sep-

tembre : « Un horrible drame de la folie vient de se produire à

Toulaud. La femme Marthe Servant, âgée de trente ans, mariée à

un agriculteur, avait éprouvé un tel chagrin de la mort de ses

parents, que ses facultés mentales en furent ébranlées. Sa folie

empira encore du jour où elle devint mère, et elle essaya à maintes

reprises de tuer son petit enfant; mais, étroitement surveillée, elle

ne put exécuter son funeste projet. Grâce à des soins dévoués, une

amélioration se produisit dans son état, et ses proches crurent à

sa guérison et ils se relâchèrent de la surveillance exercée sur

elle.

a Hier matin, elle fut prise d'une crise furieuse qui attira les

voisins. Ceux-ci, sachant le mari absent, voulurent pénétrer chez

elle ; mais comme ils allaient franchir la porte, la femme Servant,

absolument nue, se précipita dans la rue en brandissant un cou-

teau sanglant dont elle menaça les personnes attirées par ses cris.

Se doutant du drame qui avait dû s'accomplir, les voisins péné-

trèrent dans la maison ; l'enfant gisait inanimé sur le sol au milieu

d'une mare de sang. Il avait la tête et le corps tailladés de coups

de couteau. Les voisins se mirent à la poursuite de la femme Ser-

vant qui, tournant son arme contre elle, se déchira le corps à coups

de couteau. Epuisée par le sang perdu, la malheureuse tomba ina-

nimée dans la rue. Malgré les soins qui lui furent prodigués elle

expira au bout de quelques instants » (Petite Gironde, 13 sep-

tembre 1902).

Une arrestation mouvementée. Un commissaire de police blessé.

La nuit dernière, écrit-on de Rodez à la date du 12 septembre, le

commissaire de police fut avisé, à la sortie du théâtre, de la pré-

sence à Rodez d'un fou dangereux, qui descendait à ce moment la

rue Beteille. Le commissaire, accompagné de l'agent Viala, courut

aussitôt rue Beteille, et, rencontrant l'aliéné, le pria doucement de

le suivre ; mais le fou, résistant et essayant de fuir, le commissaire

et l'agent furent obligés d'engager avec lui une lutte très vive, à la

fin de laquelle l'aliéné fut conduit au poste ; mais, l'émotion pas-

sée, le commissaire constata qu'il avait un poignet foulé, tout le

haut du corps couvert de contusions et les vêtements absolument

zébrés de coups de couteau.

Quant à Viala, il avait une côte fracturée et il avait reçu au bas-

ventre une blessure extrêmement large, paraissant faite d'un coup

de couteau ou d'un coup de rasoir. Les médecins n'ont pu se pro-

varia. 121 1

noncer sur la gravité de cette blessure ; ils ne pensent pas que

l'état du commissaire de police, M. Dezombes, qui, outre sa foulure

du poignet droit, a reçu plusieurs contusions, soit extrêmement

grave. Quant au fou, qui était un homme de trente-six ans, domi-

cilié à Drulhe et nommé Marc-Antoine, maçon, originaire de ce

village, il a été admis d'urgence à l'asile des aliénés. L'arme dont il

s'est servi pour frapper le commissaire et l'agent Viala, était un

rasoir, qui a été trouvé, au point du jour, sur le terrain de la lutte.

(République nouvelle, 13 septembre 1902).

Le désespoir de la boulangère. On a fait grand bruit sur les

causes du suicide d'une boulangère de la rue du Val-de-Grâce.

Voici à quoi se résument les faits :

Deux jeunes époux, M. et Mm0 Dufois, venaient exploiter, il y a

trois mois, une boulangerie, 18, rue du Val-de-Grâce. Quelques

temps après l'installation, Mme Dufois donna des signes fréquents

d'absence et d'aliénation mentale. Plusieurs fois elle déclara qu'elle

en avait assez de la vie et qu'elle se suiciderait bientôt. Le boulan-

ger n'avait jamais attaché d'importance à ces propos.

Or, àinlo Dufois possédait, entre autres choses auxquelles elle

tenait beaucoup, deux magnifiques chats angoras. Ce furent ces

bêtes qui amenèrent un drame dans le ménage. Les deux chats

avaient voué une haine mortelle à un superbe lapin blanc que le

concierge de la boulangère élevait avec un soin jaloux. Saisissant

le moment où le rongeur s'était endormi devant sa cage, nos deux

matous bondirent sur lui et l'étranglèrent net. Cris, pleurs de la

concierge qui exigea, malgré les compensations pécuniaires, la

mort immédiate des criminels. On dut en passer par où elle vou-

lait. Malgré le désespoir de la boulangère, M. Dufois acheta donc

chez un pharmacien du cyanure de potassium et le donna à sa

femme, qui devait préparer les boulettes destinées à ses favoris.

Puis il sortit pour vaquer à ses affaires. Lorsqu'il revint, une

demi-heure après, il trouva sa femme couchée raide morte dans

sa chambre, au pied de son lit. Elle avait avalé un verre plein de

disssolution de cyanure de potassium. M. Carpin, commissaire de

police du quartier du Val-de-Grâce, a procédé aux constatations

d'usage. (Journaux du 1" septembre 1902).

La folle du parvis Notre-Dame. Les fidèles qui sortaient, hier,

de Notre-Dame, après la messe de onze heures, étaient fortement

surpris de voir, au milieu de la place du Parvis, à califourchon sur

un bourricot pelé, une femme d'un certain âge, vêtue d'un costume

de cycliste, et tenant un balai à la main. « Mon père, s'écriait-elle,

meurt ce soir à l'Hôtel des Invalides, par la volonté de Dieu ; et

moi, seconde Jeanne d'Arc, je suis, par la volonté de Dieu, envoyée

pour délivrer Paris de tous les Anglais qui y pullulent ! »

Amenée non sans peine, au milieu d'une foule énorme, au com-

122 1) VARIA.

missariat de police du quai aux Fleurs, la pauvre folle a déclaré se

nommer Ernestine G..., âgée de quarante-cinq ans, et demeurer

27, rue Mouffetard. M. Briy l'a dirigée sur l'infirmerie spéciale du

Dépôt.

Drames DE l'alcoolisme.

Folie alcoolique. M. Barré, boulanger à Lisieux, avait à son

service un nommé Piel, âgé de trente-deux ans, qui devenait fou

lorsqu'il avait bu, et cela lui arrivait souvent. Un jour de la semaine

dernière qu'il avait bu plus que d'habitude. Piel se mit à casser tout

chez son patron. Il n'a pas fallu moins de cinq hommes pour se

rendre maître de ce fou furieux qu'on a conduit en prison dans

une voiture, après l'avoir enveloppé et ficelé dans une couverture

(Bonhomme Normand, 21 novembre 1902). Pourquoi en prison et

non à l'hôpital ?

Une brute déchaînée. Assommé d'un seul coup. Arras, 29 sep-

tembre. A la suite d'un accès de folie alcoolique, le sujet belge

Welle, vingt-quatre ans, a frappé dans le village de Tilloy-les-Mof-

flames, avec un couteau, plusieurs jeunes gens qui rentraient chez

eux. Welle menaçant un nommé Chasseuraa, ce dernier, en cas de

légitime défense, lui asséna un tel coup que Welle eut la colonne

vertébrale brisée. Il a expiré ce matin (Le Journal du 30 sep-

tembre 1902).

Ivrogne brûlé. Dimanche, vers minuit, un incendie s'est déclaré

à Valsemé, près Pont-l'Evêque, dans une maison occupée par Pierre

Lenot, cinquante ans, ouvrier maréchal. La maison a été entière-

ment brûlée, ainsi que tout le mobilier qu'elle renfermait. Pertes,

pour le locataire, 2000 francs, pour le propriétaire, 1 000 francs.

Lenot. profitant de l'absence de sa femme, partie à Dives chez son

gendre, s'était enivré ; il a été retrouvé entièrement carbonisé dans

la cuisine, près la cheminée. Ou suppose que Lenot sera tombé

d'où sa femme l'avait retiré une fois déjà. Lenot passait pour boire

un litre d'eau-de-vie par jour, et quelle eau-de-vie ! (Bonhomme

Normand, 12 décembre 1902).

EFFET DE l'hérédité alcoolique.

Le professeur Demms, de Stuttgart, a étudié dix familles de

buveurs et dix familles de tempérants durant un laps de temps de

douze ans. Les 10 premières familles produisirent ensemble

57 enfants. 25 de ceux-ci moururent pendant la première semaine

de faiblesse, convulsions. oedème cérébral, etc. 6 étaient idiots, 5

étaient rabougtis, de véritables nains; 5 devinrent plus tard épi-

leptiques, 1 garçon eut une chorée grave, terminée par de l'idiotie,

5 avaient des maladies ou difformités congénitales : chorée,

hydrocéphalie, bec-de-lièvre, pied-bot. Deux des épileptiques sus-

VARIA. 123

dits devinrent buveurs. 10 seulement soit 17,5 p. 100 montrèrent

pendant leur enfance un développement physique et intellectuel

normal. Les 10 familles tempérantes eurent 61 enfants. De ceux-ci,

5 moururent en bas-âge de faiblesse, 4 eurent dans les dernières

années de leur jeunesse des maladies nerveuses curables, 2 seule-

ment manifestèrent des défectuosités nerveuses congénitales. Les

50 autres, soit 81 p. 100 étaient complètement normaux de corps et

d'esprit. (La Policlinique du 1 ? novembre 1902).

Assistance DES aliénés dans LES familles.

Une séquestration. Une dépêche de Vienne au Daily Express

annonce que l'on vient de découvrir une affaire de, séquestration

dont la victime est, depuis quatorze ans, tenue enfermée dans une

étable à cochons, par son frère, qui veut s'approprier sa part d'hé-

ritage. Le coupable est un riche fermier et sa victime, par suite

de cette longue captivité, a totalement perdu la raison et l'usage

de la parole. Elle était dans un état de malpropreté repoussant,

marchait sur ses mains et ses genoux comme les bêtes, et mangeait

par terre comme les porcs. C'est le hasard qui a fait découvrir ce

cas horrible de séquestration dont l'auteur a été arrêté (Petit

Parisien, 5 septembre 1902).

Séquestration. Enchaîné pendant trois ans. Sous ce titre,

le Journal du 8 octobre publie le fait suivant : « La police a décou-

vert à Dolcero un jeune homme appartenant à une très riche

famille qui, depuis trois ans, était enfermé et enchaîné dans un

souterrain, où il ne recevait pour toute nourriture qu'un peu

d'herbe. Le malheureux était presque nu et dans un état de pros-

tration lamentable. Son père et sas deux frères ont été arrêtés »

Séquestrée pendant douze ANS. Le Tribunal correctionnel de

Bagnères-de-Bigorre vient, après des débats mouvementés, de

condamner à trois mois de prison les époux Cadéac, de Dovèze,

inculpés d'avoir séquestre pendant douze ans, en la tenant enchaînée

sur son lit, leur nièce, Armandine Sabathée, hystérique inoffensive

(L'Aurore du 23 novembre 1902).

Assistance DES épileptiques.

Sous ce titre : Une mort horrible, la Petite Gironde du

17 septembre relate le fait suivant :

Une scène effroyable s'est déroulée, hier après-midi, boulevard

Diderot, à Paris. Un jeune homme a été complètement broyé par

un rouleau compresseur à vapeur du poids de 27 000 kilos, devant

de nombreux témoins, qui, impuissants à intervenir, ont assisté,

terrifiés, à l'épouvantable spectacle. Vers deux heures et demie, le

mécanicien Derrienic conduisait un compresseur sur le côté droit

1J24 VARIA.

du boulevard nouvellement empierré quand, soudain, à la hauteur

du numéro 70, le mécanicien ressentit un choc, tandis que des pas-

sants poussaient des cris d'effroi. Bien que sa machine ne s'avançât

qu'avec lenteur, il ne put arrêter aussitôt, fit encore quelques

mètres, puis descendit. Le mécanicien aperçut alors, étendu à plat

ventre sur le sol, un homme littéralement aplati. Seules, la tête et

les jambes étaient intactes. Des épaules aux cuisses, le corps avait .

été affreusement broyé.

M. Boutiueau, commissaire de police, appelé pour procéder aux

constatations, fit transporter le cadavre au poste de la rue Tra-

versière, puis chercha dans les poches de la victime quelques

pièces d'identité. Il trouva différents papiers au nom de Louis

Gasse, ouvrier tapissier, âgé de trente-trois ans, domicilié rue du

Faubourg-Saint-Antoine. Le malheureux habitait cette adresse

avec sa mère, employée dans une fabrique de sièges, rue Moreau.

C'est là que la pauvre femme a appris la fin tragique de son fils.

Elle est venue le reconnaître au poste. Le corps a été ensuite trans-

porté à son domicile.

Malgré les déclarations faites par les témoins, qui affirment avoir

vu Louis Gasse se jeter sous le rouleau, il se pourrait fort bien

qu'il ne s'agit pas d'un suicide, mais d'un accident. Le malheureux,

en effet, était sujet à des crises terribles d'épilepsie. Hier matin même,

terrassé par son mal, Louis Gasse était tombé sur la chaussée,

rue de Montreuil, et avait failli être écrasé par une voiture. Quand

l'accident s'est produit, le tapissier venait de sortir de l'hôpital

Saint-Antoine, où il était en traitement. Il se peut donc qu'à nou-

veau il ait été victime d'une crise au moment où il passait près du

rouleau. L'enquête a établi que le mécanicien ne pouvait matériel-

lement pas apercevoir le malheureux qu'il a écrasé, celui-ci étant

tombé à 50 centimètres environ de la lourde machine.

La Lanterne du 3 décembre rapporte le fait suivant : Henri

Séchet, âgé de vingt-six ans, épileptique, à demi-idiot, habitant

Irré-le-Polin (Sarthe), a trouvé la mort dans d'horribles circons-

tances. Le pauvre diable avait élu domicile dans une vieille mai-

son en ruine, dont il ne subsiste plus guère que le four, très vaste,

où Séchet couchait et dans lequel il n'hésitait pas à allumer du

feu.

Une voisine inquiète de ne pas voir l'idiot eut l'idée de se rendre

aux ruines. Elle trouva le malheureux en proie à d'horribles dou-

leurs. Un médecin, mandé en toute hâte, constata que l'infortuné

portait des brûlures au dos, à la poitrine, à l'abdomen et au ventre.

Pendant cet examen médical, Séchet rendit le dernier soupir. On

suppose qu'il se sera endormi alors que le feu était encore allumé

dans le four et que, pendant qu'il était en proie à sa crise d'épilelt-

sie, ses vêtements se seront enflammé.

faits DIVERS. 12s

Intelligence des chiens.

« Lord Avebury révèle, dans un article, la nouvelle méthode si

simple, inventée par lui, pour apprendre à lire à son propre chien.

Il avait commencé par prendre deux morceaux de carton de

dimensions égales ; sur l'un il écrivit le mot manger », il laissa

l'autre sans aucune inscription. '

« Ceci fait, le premier carton fut placé sur un plat contenant du

pain et de la viande et le second sur un plat vide. Dix jours après,

l'intelligent animal réussissait déjà à comprendre lequel des deux

cartons était valable. Aussitôt lord Avebury renouvela l'épreuve

avec divers cartons sur lesquels il écrivit : « boire, os, eau,

sortir, etc. Peu à peu, il parvint à se faire apporter le carton indi-

quant la chose que l'animal désirait et il réussit à lui enseigner

une centaine de mots.

« Aujourd'hui, le chien peut, tous les jours, demander ce qui

lui plait le mieux et tenir, avec son maître, une conversation aussi

élémentaire qu'alimentaire. » (Moniteur de l'hygiène publique du

1er novembre 1902.) C'est là un procédé employé par Itard

pour le Sauvage de r4t)e'o ? t et par nous pour des idiots qui

ne savent pas lire mais reconnaissent l'image du mot, comme ils

reconnaissent l'image d'un animal.

FAITS DIVERS.

Nécrologie. Le Dr A.-51. RAÏCHLINE, mort il y a quelques

mois, était né en Russie en 1865 d'une famille israélite. Il fit ses

études successivement aux gymnases deBobrouïslc et delllouiletr. Il

entra ensuite à la Faculté de Médecine de l'Université de Varsovie.

11 termina ses études à l'Université de Moscou où il obtint en 1888

le grade de médecin, se rendit ensuite à Paris, à Berlin et en

Suisse, s'installa définitivement à Paris où il fut reçu docteur avec

une thèse intitulée : « « Coizt2-ibiitioizà l'étude clinique de la syryngo-

myélie. » Il s'adonna plus spécialement à la neuro-pathologie et

suivit assidûment les leçons cliniques de Charcot puis celles du

professeur Raymond. A la section des maladies neiveuses et men-

tales du douzième Congrès international de médecine, il fit deux

communications, l'une sous ce titre : « Quelques considérations

sur le traitement du tabès dorsal », l'autre Sur le priapisme nocturne

chronique. Il a publié pendant plusieurs années, dans la Revue

neurologique, de nombreuses analyses des travaux russes con-

cernant la neurologie. Enfin il a publié régulièrement le compte

126 6 FAITS DIVERS.

rendu des séances de la Société de neurotogie et de psychiatrie de

Moscou dans les Archives de Neurologie. C'est à ce titre que nous

devons rendre un dernier hommage à sa mémoire.

SERGE SOUXHANOrI.

1VÉCROLOGIE.- Nous apprenons à l'instant la mort du professeur

KRAFTELI,NG ; le célèbre spécialiste pour les maladies nerveuses est

mort hier à Gratz.

Asiles d'aliénés. Mouvement en novembre. -NI. GUILLOT, direc-

teur de l'Asile clinique est promu à la classe exceptionnelle du

cadre. M. le Dr PELISSIER. médecin-adjoint à l'asile de Pierrefeu

(Var) est nommé à l'asile de Marseille (poste créé).

Cours de clinique des maladies mentales et des maladies de l'eizcé-

phale. M. le professeur Joffroy a commencé le cours de clinique

des maladies mentales le lundi 17 novembre 1902, à 2 heures et

demie, à l'amphithéâtre de l'asile clinique (Saint-Anne) et le conti-

nue les vendredis et lundis suivants, à la même heure.

Maladies du système nerveux : M. Pierre Marie, agrégé; mer-

credi à 4 heures (Grand Amphithéâtre).

Hospice DE BICÊTRE. Maladies nerveuses et mentales des Enfants :

M. BOURNEVILLE, le samedi à 9 heures et demie.

. Asile de Villejuif. Tz·am2vny du Chdtelet. Service de M. TOULOUSE,

Le mercredi matin, visite du service et présentation des malades

intéressantes.

Maison nationale DE CHARENTON. Il sera ouvert le vingt jan-

vier 1903, à la Maison Nationale de Charenton, Saint-Maurice

(Seine), un concours pour l'Internat dudit Etablissement. On trou-

vera chez le concierge de la Faculté de médecine et à la Maison

Nationale des exemplaires de l'arrêté qui fixe les conditions

d'admissibilité et le programme du concours.

Nouvelle clinique des maladies nervuses. L'Université de Buda-

Pest vient de fonder une clinique de maladies nerveuses et a dési-

gné comme professeur le célèbre neurologiste E. JENDRASIK (Ungnr

Mediz. Presse, (10 octobre).

Asile d'aliénés DE VENISE. Traitement révoltant des aliénés.

On est indigné en Italie, dit l'Aurore du 3 décembre 1902, des

traitements révoltants employés par les religieuses envers les ma-

lades de la maison d'aliénés de notre ville. Les faits sont si graves

que l'on croit que l'autorité religieuse elle-même demandera à ce

que les coupables soient punies sévèrement.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Algmbert (J.-G.). L'internement des aliénés criminels. Tn-8»

de 208 pages. J.-B Baillière, éditeur. -

Asile public d'aliénés d'Auxerre, rapport administratif pour

l'année 1901. Auxerre, 1902. Typographie Ch. Mélay.

Bechterew. Ueber paradoxe popilleazreaclioaz mzd ueber pupillen-

gerude fasern tM qehii-ii. Extrait du Dezilscheii zeilschrift sur Nerveat-

heilkiiiide. Leipzig, 1900. -

Z Ueber die darstellung de;' Rizeke ? zi ? 2a ? ,ksystyme inil

hulfe der eiitwicheliiiigs7nelhocle. Extrait des A7·ChiU. sur anatomie zilid

physiologie.

13ECIITEREW. Uebep die corticalen secreiorischen Centra der wichlig-

teaz verdanungsdrilsen. Extrait des Archiv. sur Anatomie Physiologie.

BECHTEREW. Ueber eiiie besondere inz kindesaler auf trebenae affec-

lion des nervensyslems mit molorischen Slbrungen und schleachsirzaz.

Extrait du Cenlralblatt für nervenheilkunde und psychiatrie. Coblenz.

BECHTEREW. Die sche21 vor fremdem blicke. Extrait du Cenlralblatt

sur nervenheilkunde und psychiatrie . Leipzi-, 1902.

Z Ueber objective symptome-der stôrungen der sensibili-

lckt bei den togeaz, z Neurosezz. Extrait du Mo ? : a<MC/M ? 7

psychiatrie und neurologie. Berlin, 1902.

BECMTEREW. Ueber objective symptôme localer hyperasthesie uiid

anasthesie bei den tog. ti-azii2alischeîz neurosen und bei hystérie.

Ueber acute cerebellare ataxie. blyoloazie, eiaze krankheit des <o ?

wechsels. Ueber die psychische ? z, schluckst5ruazgeaz (Dysphagia

psychica). Ueber réflexe un autlilz-und kopfgebicte. - Ueber zwang-

serbrechen. Ueber die bedentung des scapulo-humeralreflexes.

Ueber eiaz weinig bekannles faseisysten an de)' périphérie des antero-

laleralen abschnittes des halsi ? 2a ? ,kes. Ueber de; : augereflex und

orbicularisreflex. Extraits du Neurologisches Ceaztralblatt.

Bechterew. Ueber anflille voit zwangslachen, begleitet von toni-

scheiz krampfen und zucken un linken aawz. Extrait du Deutschen

medicinischeaz Z

BOflDEN-L1PPSPIiINGE. Die therapeutisclce Bedeutung des ichthyolsa-

licyls. Extrait du Allg. internat, aned. rundschau.

Chipault (A.). - Etat actuel de la chirurgie nerveuse. Z In-8° de

800 pages avec 230 figures. Paris 1902. Rueff éditeur. Prix : 25 francs.

A. Counvorz (A). Education, traitement et assistance des enfants

anormaux. In-8» de 1G pages, 1902. Prix : 1 franc.

DEyY (G.) et Rov (P.). La démence précoce. 111-18 de 96 pages

(Actualités médicales). Prix : 1 fr. 50; J.-B. Baillière, éditeur.

128 AVIS A NOS ABONNÉS.

De Fiiumeiue. La gymnastique de chambre sans appareil. 1 vol in-12

de 106 pages avec 32 figures. Librairie A. Maioine, 23-25, rue de l'Ecole

de Médecine. Prix.

FARQUIiAR I;UZZARD. Uniradicular palsies of the brachial plexus.

111-8- de 318 pages. -

Forty-ninth Annal refort Pensylvauia trainig School for Feeble-

Mindedchiidren.

Fontanelles (J.-P.). De la folie morale. Des degrés dans la

responsabilité morale. In-8- de 62 pages. Toulouse 1902. Lagarde et

Sebille imprim.

Faucher (E.). Rapport médical; compte moral et administratif f

pour l'exercice 9901; Asile public de la Chai,ité-sur-Loii,e. In-8» de

74 pages. Nevers, 1902. Mazeron fr. imprim.

GARNIER. -Rapport médical; Compte moral el administratif présenté

pour Vannée 1901 ; Budget de l'exercice 1903 ; Asile départemental

d'aliéîtés de Dijoit. In-8^ de 90 pages. Dijon, 1902. Sirodot-Carré, imprim.

HERMAN LuiDBOItG (in Upsala). Ueber die bezieh21 ? zgen der niyoclonia

familiaris zur myotonia congenita. Extrait du Deutsche zeitschrf.

Nervenheilkunde. Leipzig, 1902.

AVIS A NOS ABONNÉS.-L'échéance du le' JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

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mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-posle.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

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leurs réclamations la BANDE de leur" journal.

- Nous rappelons à nos lecteurs que V abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : BOUItNGVILl.6.

Evreux, Ch. HÉRISSEI, imp. - 12-1902.

Vol. XV. Février 1903. ? 86.

ARCHIVES 'DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE,

Contribution fui, l'étude des folies par contagion.

Par le D' Geoiuies CARRIER,

Médecin-adjoint de l'asile de Saint-Jean-de-Dieu (Lyon).

La contagion morbide dans les troubles psychiques peut

être définie : l'action de la suggestion exercée par un esprit

malade sur un ou plusieurs esprits sains, qui réagissent sui-

vant le terrain quileur est propre, depuis la simple croyance

à l'idée maladive, jusqu'à la manifestation délirante sous

toutes ses formes. Cet état, créé par suggestion, a été

dénommé dans le cadre nosologique de la folie sous le nom

de folie à deux, délire à deux, etc., expression qui ne nous

semble pas assez générale, et qu'on pourrait remplacer par

celle de folie par contagion.

La définition que nous donnons, en prenant l'élément

primordial de ce groupe de folies comme thème, a un pre-

mier avantage, croyons-nous, celui de comprendre les nom-

breuses observations publiées sur ce sujet et de donner un

même point de départ aux différentes variétés cliniques qui

ont été décrites. Elle a un deuxième avantage, celui d'être

générale, la folie à deux n'étant qu'un effet particulier de la

suggestion dans la sphère psychique morbide, suggestion

qui agit de tant de façons diverses dans la vie psychique

normale.

I. Le délire à deux fut décrit pour la première fois par

13aill,argerl en 1857. Dans ce travail, paru dans la Gazette

des Hôpitaux de 1870, l'auteur cite quatre observations de

13aillar-er. Quelques exemples de folie communiquée (Gaz. des

II6Pilaux, Annales naécl. psyclc., 1885, p. ? 1 ? ).

Archives, 21 série, t. XV. 9

130 CLINIQUE MENTALE.

ce genredefolie, qu'il dénomme folie communiquée. MM. Mo-

reau1 (de Tours) et Dagron2 publièrent de leur côté quelques

rares exemples de délire similaire chez deux individus, sans

attacher d'importance *à ces faits, et sans en tirer aucune

déduction.

En 1868, M. Maret3, dans sa thèse sur le Délire ces e ? 'e-

cutions, signale en passant le « délire en partie double,

délire de persécution qu'on rencontre chez des époux ayant

longtemps vécu ensemble dans les mêmes tourments de

l'esprit ».

Legrand du Saulle ? en 1871, dans son ouvrage sur le

délire des persécutions, signale les idées de persécution

communiquées ou délire à deux et à trois personnes. Dans

ce genre de délire communiqué, il y a un malade qui domine

l'autre ; l'un est le persécuté actif, l'autre le passif.

Lasègue et Falret^ en '1877, reprenant les idées éparses

sur la contagion de la folie, décrivent la folie à deux ou

folie communiquée. Ils mettent en évidence trois conditions

spéciales pour son apparition : 10 intelligence plus grande

de l'individu qui a le délire et qui l'impose progressivement

au second, plus faible d'esprit ; le premier est l'élément actif,

le second l'élément passif ; 1° nécessité d'une vie commune

pour les deux individus, dans le même milieu, avec le même

mode d'existence, les mêmes sentiments, les mêmes inté-

rêts, en dehors de toute autre influence extérieure ; 3° vrai-

semblance du délire, qui doit reposer sur des faits survenus

dans le passé ou sur des craintes ou des espérances conçues

pour l'avenir.

M. Régis6, en '1880, décrit un genre de folie à deux, qu'il

dénomme folie simultanée, caractérisé par réclusion simul-

tanée d'un délire chez deux prédisposés en contact et subis-

sant de's influences nocives communes.

Dans la période qui s'étend de 1881 à 1885, de nombreux

Moreau (de Tours). La Psychologie morbide, 2° partie, ch. i, 1859.

Dagron. Archives cliniques des maladies mentales el nerveuses, 1863.

8 Maret. Du délire des persécutions, th., Paris, 1SG8.

* Legrand du Saulle. Du délite des persécutions, 1871.

" Laségue et Falret. De la folie à deux (Annales médico-psycholo-

giques, 1877. '

° Régis. Folie à deux ou folie simultanée, th., Paris, 18SO.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 131

travaux parurent, soit en .France soit à l'étranger, sur la

folie à deux. C'est à M Marandon de Montyel que revient

l'honneur d'avoir décrit les différentes variétés cliniques de

folie à deux et d'avoir étudié d'une façon approfondie leur

étiologie et leur pathogénie'. En 1881, dans un premier

article, il distingue trois sortes de folie à deux : 1° la folie

imposée, dans laquelle il fait rentrer les observations de

Lasègue et Falret. Dans cette forme, comme Lasègue et

Falret l'ont dit eux-mêmes, il n'y a qu'un aliéné, un seul

halluciné ; 2° la folie simultanée de Régis ; 3° la folie com-

muniquée, dont le terme, créé par Ballarger, avait été repris

par Lasègue et Falret pour décrire une forme de folie à deux

que M. Marandon appelle folie imposée. Ce qui caractérise la

folie simultanée et la folie communiquée, c'est l'aliénation des

deux codélirants. Dans ce premier article, il croit en outre, que

la folie à deux ne peut apparaître que dans le cas de délire

de persécution.

En 1882 ? dans un deuxième article, M. Marandon étudie

l'étiologie et la pathogénie de la folie communiquée. Il met

surtout en évidence le rôle important de la prédisposition.

Lelimann 3, en 1885, propose d'appeler la folie communiquée :

folie induite; mais il n'apporte aucun document nouveau à

l'histoire des folies par contagion.

A partir de 1892, parurent de nombreux travaux sur la

contagion mentale morbide et sur les formes de folie qu'elle

engendre. 1 .

M. Pronier1, dans son intéressante thèse sur la contagion

de la folie, soutient que la folie imposée de Marandon n'est

que le premier degré de la contagion des folies non impres-

sionnantes, c'est-à-dire des folies systématisées, où l'indi-

vidu contaminé le serait en deux temps : simple croyance au

délire dans le premier temps, incorporation du délire dans

le deuxième.

' Marandon de Montyel. Contribution ci l'élude de la folie à deux

(Annales zt2éclico-hspchol.. 1881, p. 2S).

Marandon de Montyel. De l'imitation dans ses rapports avec la folie

communiquée (encéphale, 1882. p. 58J.

' Lehmann. Zur Casuislilz des inducirten Irreseins (Arch. fili, Psclz :

und zzeov., Biiid XIV, ilelft c, p. li5. -

Pronier. Elude sur la contagion de la folie, th., Lausanne, 1892.

133 CLIrIQ; E ,111EnTALE.

M. Marandon' publie de nouveau une observation de folie

multiple partiellement communiquée, d'où il tire cette

double conclusion : que dans les cas de folie multiple, le

sujet actif ne communique au sujet passif que la folie à

laquelle ce dernier est prédisposé ; que d'autre part, la folie

communiquée évolue par elle-même sans être influencée par

la séparation des deux codélirants.

M. de Boeck'2, dans une communication à la Société de

médecine mentale de Belgique sur la contagion de la folie,

tout en admettant les-trois variétés de folie à deux, de Maran-

don, rattache la folie imposée à la folie communiquée. Il

considère la première comme une forme de transition avec la

normale.

M. Kinkel ne croit pas que les groupes individualisés de la

folie à deux soient bien tranchés. M. Jeerger divise les conta-

minés en deux catégories, et considère la transmission de la

maladie d'une part, de l'autre la simple reproduction de ses

manifestations extérieures, qui est pour lui un phénomène

de suggestion hypnotique.. Citons aussi l'article de M. Paul

Moreau (de Tours) et le livre de M. Seppio Siegheli, sur le

crime à deux.

Mais la publication la plus instructive au point de vue

clinique est celle de M. Arnaud (de Vanves). Il admet,

comme Lasègue, Falret et Marandon la même étiologie et la

vraisemblance du délire. Comme ce dernier, il reconnaît les

trois formes cliniques décrites ; mais pour lui la folie

imposée se distingue de la folie communiquée par l'intensité

de la transmission et, au point de vue clinique, par la per-

sistance de la maladie chez le sujet passif dans cette der-

nière- après la séparation des codélirants. Il réunit ces deux

variétés au point de vue psychologique.

Dans deux nouveaux articles parus en 1894, M. Marandon

1 Marandon de Montyel. Folie multiple partiellement communiquée

avec dissimulation combinée des deux codélirants (Ifev. neurol., 1893,

p. 575.

' De Boeck. De la contagion de la folie (Bulletin de la Société de

médecine mentale de Belgique, 1893, p. il6).

3 Arnaud. La folie la deux, ses diverses formes cliniques (Annales

méd.-psycliol., mai-juin 1893).

4 Marandon de lontvel. Des conditions de la contagion mentale mon-

bide (Annal, méd.-psychol., 1894, t. XIX, 1. 266-167).

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 133

cherche à mettre au point la question. Il met en évidence les

trois grandes conditions de la contagion morbide ; revient

sur son opinion première d'après laquelle le délire de persé-

cution seul serait contagieux et montre que toutes les

formes délirantes peuvent se communiquer, depuis les formes

maniaques pures jusqu'aux délires systématisés. Il s'élève

contre la conception de M. Arnaud, qui ne sépare pas assez

la folie imposée de la folie commuuiquée,et il en retrace les

caractères cliniques'.

Certains auteurs, et plus particulièrement les étrangers,

en Allemagne et en Amérique, ont cherché à créer une forme

nouvelle de folie par contagion, la folie induite ou folie trans-

formée, c'est-à-dire la transmission d'idées délirantes d'un

aliéné à un autre aliéné. Cette forme, comme l'a dit M. Ma-

randon en '1894, n'est qu'un cas particulier de la folie com-

muniquée et ne doit pas constituer une espèce indépendante.

Depuis 1894, de nombreux mémoires ont paru sur la folie

à deux. En général, les auteurs admettent les formes cli-

niques classées par Marandon : les uns apportent de nou-

velles observations de folie communiquée2, de folie trans-

formée 3, de folie simultanée, de folie gémellaire, que les

1 Marandon de iliontyel. De la folie à deux el de ses trois grandes

variétés cliniques (Gaz. des Hôpitaux, 1894, p. 75, 79, 80, 81).

Legrain. Contribution à l'élude la folie communiquée (Aiiii. méd.-

psych., 11- 46).

2 Oscar Woods. Note sur quelques cas de folie (t deux chez plusieurs

membres d'une même famille (th., .0 ? )t. of ment. Science, il- d'oc-

tobre 1897).

Meyer. Contribution M l'étude de la folie communiquée (mal. de Kor-

sakofT). (Allg. Zeilsch. f. Psychiatrie, t. LV, f. 3, août 1898).

Burzio. Un cas de folie u deux (R. ricademia di medicina di Torino,

4 juillet 1899).

Gonzalès. Contribution et l'étude de la folie communiquée (Rivis.

.<pet-. di freniatria, an. XXXVII, f. 1, p. 57-59, 1900).

E.-A. Hénik. Un cas de folie à deux (Rev. neuaol., 1898, p. 25).

Jelh. Folie à deux (Boston, med. and Surg. Jounn., 1900, 11- 14).

W. Griffin, Cas de folie communiquée (The Journ. of ment. Science,

janvier 1900).

Meyer. Contribution à l'élude de la folie à deux et de la folie quérzc-

lente (.11,ch. f. Psychiatrie, t. XXXIV, fasc. 1, 1901).

Kalmus. Folie à deux ayant donné lieu au divorce (Arch. f.

Psychiatrie, t. XXXV, f. 1, 1901).

3 L. Finkelstein. Deux cas de folie par transformation (Jalrobücher

f. l'sycltiatrie, v. XVI, 3a f., 1897).

13 ï- CLINIQUE MENTALE.

auteurs tendent à faire rentrer dans le cadre nouveau des

maladies mentales familiales (Trénel', Fouque2, Sorel) ;

d'autres, de nouveaux faits cliniques sur la transmission de

certains troubles mentaux comme les phobies (Régis3), les

obsessions et les impulsions (Pitre et Régis), les interpré-

tations délirantes (Sérieux et Capgras).

Dans quelques publications plus générales, les auteurs

cherchent à étudier le phénomène psychologique delà conta-

gion mentale morbide, comme Schonfeld1 et Sorel5 qui le

rattachent à l'imitation ; Moutier 6, pour qui la contagion est

un fait physique résultant des variations que le sujet malade

fait subir au sujet sain dans sa dépense d'énergie : R. De-

wey1 qui insiste sur la prédisposition.

A un point de vue plus large, nous citerons encore les tra-

vaux récents de Bechterew8, de Tarde et surtout celui de

Nina Rodriguès9 sur la folie des foules, où le professeur bré-

silien développe le rôle important de la suggestion dans la

communication des phénomènes psychiques et où il montre

bien que la folie communiquée comme la folie des foules

relève du même facteur pathogénique.

II. - Pour qu'il y ait folie par contagion, il faut deux élé-

ments pathogéniques principaux : la contagion et la sztg-

geslibililé morbide ou prédisposition.

Nacke. Contribution à l'influence mutuelle des aliénés (cas d'infec-

tion musicale). (liev. neurol., 1902, p. 106).

' 1'réel. Maladies mentales familiales (Soc. niécl. psychol., 27' no-

vembre 1899).

- Fouque. Maladies mentales familiales, th., Paris, 1901.

3 Régis. Les Phobies à deux (Sem. mécl., 1896, p. 7).

1 Schonfeld. Sur la folie communiquée (Rev. neurol., 1895, p. 513).

c Sorel. Contribution à l'élude de la folie <t deux; rôle de l'imitation

dans la co ? zlagioii(le 1(ifolieù cleitx, th., Bordeaux, 1900-1901.

0 Moutier. Contagion de la neurasthénie (Rev. neurol., 1900, p. 776).

' R. Dewey. Remarques sur la contagion mentale et l'infection héritée

ou acquise, avec considération sur quelques mesures préventives de

folie et dégénérescence (American Journ. of 171saîzily, oct. 1S99).

' Recliterew, Rôle de la suggestion dans la vie publique (Arch.

iieiii-ol., juillet 1901, p. t6).

° Nina Rodriguès. La folie des foules, nouvelle contribution et l'élude

des folies épidémiques au Brésil (Annal, Me'<<.-pc/i0 ? 190),

p. 19, 189, 370).

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES .PAR CONTAGION. 133

La contagion morbide est la raison d'être de toutes les

formes de folie par imposition, par communication, par

transmission ou par simultanéité des phénomènes délirants.

Elle a été longtemps niée par les auteurs; M. Régis, dans sa

thèse soutenue en 1879, donne bien l'opinion de l'époque à

ce point de vue. « Je ne crois pas, disait-il, à la communica-

tion proprement dite de la folie ; la vésanie transmise de

toute pièce n'existe pas, et ce qui se communique, c'est la

partie la moins invraisemblable du délire, de telle sorte que

l'individu qui la reçoit n'est jamais un aliéné, quoi qu'il

fasse. » M. Marandon, dans son article de la Gazette des

Hôpitaux de 1894, montre bien l'évolution de cette idée de

la contagion de la folie. Elle fut développée par Lasègue et

Falret en 1873, puis. dans les publications de Macey1, de

Maret et surtout de Brunet ? qui met en évidence la commu-

nication du délire de persécution avec hallucinations de

l'ouïe. La contagion mentale fut alors acceptée, mais pour ce

seul délire. Plus tard, les travaux de Legrand du Saulle,

Nedhans, Savage, prouvèrent que les conceptions délirantes

de grandeur et les hallucinations expansives se communi-

quaient. Enfin, les observations de 1\Tasse 3, de Reverchon et

Pages sur la manie, puis celles de lypémanie communiquée,

dues à MM. Lapointe, Kreuser-Schulz, Martinenq. Taguet,

prouvèrent que les folies générales comme les folies 'systé-

matisées pouvaient se transmettre, et la contagion mentale

morbide eut droit d'existence.

Cette contagion morbide, avons-nous dit clans notre défi-

nition, n'est pas autre chose que la suggestion d'un esprit

malade sur un ou plusieurs esprits sains, qui 'réagissent

suivant le terrain plus ou moins prédisposé qu'ils possèdent.

A quoi se réduit cette suggestion ? ` ?

Elle peut se réduire à trois facteurs : l'imitation, la per-

suasion, l'action intermentale ; ce dernier facteur étant,

d'après M. Tarde*, les conditions d'après lesquelles un esprit

peut agir sur un autre.

' illacoy. De la folie communiquée ou du délire à deux ou plusieurs

personnes, th., Paris, 1S74.

- Brunet. Contagion de la folie (Annal, méd.-psych-, 1S75).

3 Nasse. Elude sur la contagion psychique sporadique c/< les pro-

ches parents (Acact. naécl.-psclt., 1874, p. 163).

^Tarde. L'action inlermenlale (Arch. d'anlhrop. criminelle, 1901, p. 168).

'136 CLINIQUE MENTALE.

L'imitation, dit M. Marandon, « est le besoin éprouvé

par la cellule nerveuse de reproduire ce qui l'impressionne.

Il nécessite pour se manifester une impression et une pré-

disposition normales dans l'ordre physiologique, morbides

dans l'ordre pathologique. »

La persuasion est la lente pénétration de la cellule ner-

veuse par des impressions répétées, qui annihilent les

impressions perçues antérieurement et qui la fait réagir

dans le sens de l'impression nouvelle.

L'action intermentalel consiste dans les conditions phy-

siques (cohabitation), physiologiques (age, sexe, santé ou

maladie, race), psychologiques (intelligence) et sociales

(langue, religion, éducation, etc.), d'après lesquelles deux

ou plusieurs individus vivent ensemble.

Ces trois facteurs agissent généralement en même temps

dans la suggestion morbide, et l'on peut voir des cas où ils

sont pour ainsi dire disséqués. Dans d'autres, c'est un des

facteurs qui prédomine sur les autres ; ainsi, dans le groupe

des folies communiquées, l'imitation prédominera dans les

folies émotionnelles ou impressionnantes qui frappent l'ima-

gination comme les manies, les mélancolies, etc. ; la persua-

sion sera le facteur principal au contraire dans les délires

systématisés. Dans les folies simultanées, l'action intermen-

tale jouera le premier rôle. Dans les folies imposées, enfin,

ce ne sera plus l'un ou l'autre des facteurs qui variera,

mais la résistance à la suggestion.

En effet, si la suggestion morbide estindispensableà à l'éclo-

sion des folies par contagion, un autre élément n'est pas

moins nécessaire à leur existence ; c'est la suggestibité de l'élé-

ment réceptif. Cette suggestibilité dépend essentiellement du

terrain récepteur. A l'état sain, tout individu est soumis plus

ou moins à des phénomènes suggestifs d'ordre divers parles

trois facteurs décrits : imitation, persuasion, action inter-

mentale. Il y résiste différemment ou même peut ne pas y

résister du tout. Ce degré de résistance aux suggestions

journalières, tient essentiellement au bon équilibre des

facultés mentales, qui permet de discerner, relativement au

milieu dans lequel on vit, les idées et les faits à accepter ou

à rejetter.

. ' Tarde. Loc. cil.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. ' ! 37

Il en est de même au point de vue morbide, et la résis-

tance à la contagion maladive dépendra du bon équilibre et

du bon fonctionnement des facultés mentales, en un mot, de

l'état du système nerveux central. Si le système nerveux est

taré, soit héréditairement, soit d'une façon acquise, il offrira

une moindre résistance aux suggestions morbides, les accep-

tera facilement et sera même capable sous leur influence

de réagir à son tour morbidement, ce qui se présente dans

les folies communiquées et simultanées.

Suivant le degré de prédisposition, la suggestibilité qui en

estla résultante directe sera plus ou moins grande et les sug-

gestions morbides seront acceptées de façon différente. Ce

fait est démontré en clinique dans les folies imposées, où la

suggestion a moins de prise à cause d'un terrain plus fort t

et par conséquent plus résistant. On peut donc dire que la

résistance est en raison inverse de la prédisposition.

Les deux éléments essentiels de toute folie par contagion

sont donc : la suggestion morbide et la prédisposition qui se

traduit par la plus ou moins grande suggestibilité des sujets

réceptifs.

Le trait d'union entre ces deux éléments essentiels est

formé par un troisième élément. l'impression morbide, bien

mise en évidence par M. Marandon dans son article de 1894

sur les conditions de la contagion mentale morbide. L'im-

pression morbide dépend essentiellement des deux éléments

en présence, l'élément suggestif et l'élément suggestible ; du

premier, car elle est le résultat de l'action des trois facteurs

de la suggestion, du second, car elle n'agit qu'en temps

qu'elle s'adresse à un élément plus réceptif ou moins résis-

tant. Elle est en raison directe de la suggestion, c'est-à-dire

que plus l'élément contagieux sera suggestif, plus il y aura

d'impression ou l'inverse ; mais elle est en raison inverse de la

prédisposition, c'est-à-dire que plus l'élément réceptif sera

prédisposé, moins il faudra d'impression morbide.

En somme, dans toute folie par contagion, il y a sugges-

tion, impression morbide et prédisposition.

III. -Nous venons de voir les trois éléments essentiels et

généraux des folies par contagion ; passons maintenant en

revue les causes déterminantes de leur éclosion.

Ces causes peuvent se diviser en trois groupes : un pre-

'13s CLINIQUE MENTALE.

mier groupe qui accentue l'élément suggestif, un deuxième

qui s'adresse la prédisposition et un troisième a l'impres-

sion.

Dans le premier groupe, les causes qui agissent le plus sur

l'élément suggestif sont : 1° une longue vie commune aussi

intime que possible ; 2° l'ascendant habituel du malade sur

le ou les sains d'esprit ; 3° l'action incessante de l'aliéné sur

son ou ses compagnons sains d'esprit pour les amener à

partager ses conceptions délirantes et ses troubles senso-

riels ; 4° la vraisemblance du délire dans les cas de folies sys-

tématisées ; 5° l'appât d'un intérêt personnel; 6° le milieu

familial, à cause de son intensité affective et de l'étroitesse

des liens qui peuvent unir les individus.

Dans le deuxième groupe, les causes s'adressent à la pré-

disposition, en l'augmentant généralement. Ce sont la

misère, les maladies, les intoxications, les vices débilitants,

les excès de toute nature, les chocs d'origine psychique ou

physique, enfin les étals physiologiques comme la puberté,

la menstruation, la grossesse, l'accouchement, la lactation,

la ménopause.

Le troisième groupe des causes déterminantes s'adresse à

l'impression produite par les phénomènes délirants.

r1 ce point de vue, on peutdiviserles folies en foliesimpres-

sionnantes et folies convaincantes.

Les folies impressionnantes, qui sont les folies générales

comme les manies, les lypémanies, frappent l'imagination

et sont d'autant plus contagieuses que le malade paraîtra

plus fou. Ce sont d'elles que relèvent les épidémies de folie

du moyen âge et celle qu'on a observées et qu'on peut obser-

ver encore de nos jours. Dans les lypémanies, ce sont les

états anxieux et le délire démonomaniaque qui sont les plus

contagieux. Les états maniaques le sont plus rarement.

Les folies convaincantes sont les délires systématisés, qui

sont d'autant plus contagieux qu'ils sont moins apparents,

comme l'a fait remarquer M. Pronier. Les plus souvent

transmises sont les idées de persécution, les idées mégalo-

maniaques le sont plus rarement. D'autres phénomènes

morbides peuvent aussi se transmettre, telles certaines

obsessions et impulsions (Pitres et Régis'), ainsi que les

1 Pitres et Régis. Les impulsions (Rev. de Psychiatrie, mai 1902, p. 208).

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 139

interprétations délirantes de la psychose isolée récemment

par MM. Sérieux et Capgras'. 1

En somme, toutes les formes délirantes peuvent être con-

tagieuses, deux l'ont été'plus particulièrement jusqu'ici,

ce sont les formes anxieuses de la mélancolie et les idées

de persécution.

IV. Toute folie par contagion se réduit à deux éléments

cliniques bien individualisés par les auteurs : un sujet actif,

élément contagieux, un sujet passif, élément réceptif.

Le sujet actif présente, en général, des facultés intellec-

tuelles plus vives, une volonté et une énergie plus grandes

que le sujet passif, il est en un mot plus suggestif. Cepen-

dant, son intelligence peut ne pas être supérieure et même

être inférieure à celle du sujet passif, l'acuité des phéno-

mènes délirants suffit à créer l'état suggestif.

Le sujet passif est un individu dont les facultés intellec-

tuelles sont amoindries à des degrés divers, par une prédis-

position soit héréditaire, soit acquise, en un mot, c'est un

suggestible. Selon sa prédisposition, il réagira diversement

à l'influence de l'élément contagieux. Ou bien, assez résis-

tant, il ne fera qu'enregistrer les impressions morbides sans

les conserver longtemps et les rejettera dès que l'influence

suggestive aura cessé. Ou bien, après une certaine résis-

tance, il ne se contentera plus de les enregistrer seulement,

mais se les appropriera, les développera et les transformera

pour édifier à son tour un délire qui prendra un cachet tout

personnel.

Dans certains cas, le sujet passif peut agir sur le sujet

actif ; mais cette action est inconsciente, elle est due à la

résistance plus ou moins grande qu'il offre aux idées déli-

rantes suggestives émises par le sujet actif. Elle a comme

résultat défaire évoluer plusrapidementles conceptions déli-

rantes du sujet actif; c'est ainsi que sous cette influence,

dans certains délires systématisés, on voit arriver très rapide-

ment les idées mégalomaniaques ou les réactions délirantes.

Comme MM. Marandon et Arnaud, nous reconnaîtrons

trois formes cliniques : lafolie imposée, type Lasègue-Falret;

la folie simultanée, type Régis ; la folie communiquée, type

Marandon.

' Sérieux et Capgras. ? M/. méd. -psychol., mai-juin 1902.

'140 CLINIQUE MENTALE.

Dans ces trois formes, les éléments pathogéniques sont

identiques; ce qui varie, c'est l'intensité de l'un ou l'autre

des facteurs et plus particulièrement de la prédisposition.

La folie imposée est l'action incessante et répétée du sujet

actif, élément morbide suggestif, sur l'élément réceptif, le

sujet passif doué d'une certaine résistance, c'est-à-dire d'une

faible prédisposition. Les opinions des différents auteurs

sont très variables sur la compréhension de cette forme de

folie par contagion. Elle a été d'abord la forme décrite par

Lasègue Falret, sous le nom de folie communiquée ; M. Pro-

nier la considère comme la première étape de la folie par

communication. M. Marandon qui l'a identifiée, admet que

ce qui la caractérise, c'est que le sujet passif n'est pas aliéné,

qu'il n'est jamais halluciné; il ne fait que partager les idées

délirantes du sujet actif sans y collaborer par lui-même.

Pour M. Arnaud, ce qui la différencie, c'est l'évolution du

délire chez le sujet passif, une fois qu'il n'est plus sous

l'influence du sujet actif. Enfin, M. Nina Rodriguès pense

que dans cette forme, on peut avoir de véritables délires

transitoires de peu,de durée chez les sujets passifs dégé-

nérés.

Notre manière de voir s'appuie surtout sur le degré de

prédisposition nécessaire que doit posséder le sujet passif.

Ce qui caractérise pour nous la folie imposée, c'est que le

sujet passif n'édifie jamais des phénomènes délirants qui lui

sontpropres, à côté de ceux que lui impose le sujet actif. Les

troubles qu'il présente sont toujours identiques à ceux

du sujet actif, et d'autre part ont un caractère particulier :

celui de disparaître lorsque l'influence suggestive du sujet

actif disparaît.

Jusqu'ici, nous sommes d'accord avec les auteurs, et en

particulier M. Marandon, mais où nous nous éloignons de sa

manière de voir, c'est lorsqu'il considère que le sujet passif

ne peut jamais avoir d'hallucinations et qu'il ne doit pas

être regardé comme aliéné. Or le sujet passif est toujours

un prédisposé suggestible, mais dont le degré de suggesti-

bilité peut varier, depuis la simple croyance naïve aux

troubles délirants, jusqu'à l'hallucination. Cette hallucina-

tion est en général une hallucination provoquée il est

vrai, reproduisant celle du sujet actif et disparaissant par la

séparation; maissaprovocationetses conséquences troublent

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 141

trop profondément ses facultéspour qu'il ne soit pas regardé,

momentanément du moins, comme anormal. Nous citerons,

à ce propos, l'observation d'un jeune homme et d'une jeune

femme que nous avons eue l'occasion d'observer récemment.

La jeune femme était une prédisposée débile qui, sous l'empire

d'habitudes alcooliques, réalisa un délire alcoolique typique,

« idées de persécution et de jalousie, hallucinations de l'ouïe et de

la vue, troubles du goût, de l'odorat et de la sensibilité générale »,

et devint le sujet actif d'une folie imposée. Le jeune homme légè-

rement prédisposé lui-même, très suggestionnable quoique assez

intelligent, cohabitait avec cette femme depuis plusieurs années et

devint l'agent passif après trois mois de résistance. Sa maîtresse

lui imposa d'abord ses idées de persécution, puis plus tard ses

hallucinations de l'ouïe ; il entendait mot pour mot ce qu'on disait

à sa maîtresse, c'était les mêmes insultes, les mêmes grossièretés.

Au moment où nous avons examiné ce couple, la femme avait

commencé à réagir contre ses persécuteurs en allant se plaindre

au commissaire et en les menaçant. Le jeune homme était allé

lui-même se plaindre au régisseur de l'immeuble qu'il habitait et

devait aller aussi chez le commissaire de police ; il voulait quitter

la maison pour fuir les persécutions dont sa maîtresse et lui

étaient l'objet. Ce qui l'amena chez un médecin, ce furent les me-

naces proférées contre lui par sa maîtresse jalouse et qui l'ef-

frayèrent.

Dans un premier examen, j'essayai de démontrer au jeune

homme l'inanité des faits qu'il me racontait et la mauvaise influence

de sa maîtresse. Il s'emporta presque, me demandant si je le pre-

nais aussi pour un fou, car il avait assisté à l'examen de sa femme

et m'affirma de nouveau avec exaltation la réalité des persécutions

que sa maîtresse subissait et des injures qu'on lui adressait. « Il

les avait bien entendues. » Je lui fis cependant promettre de ne pas

aller se plaindre au commissaire.

Huit jours après, je les revis; la jeune femme présentait tou-

jours la même acuité de ses phénomènes délirants, mais le jeune

homme, quoique encore très exalté, me prit à part et me dit qu'il

avait réfléchi à ce que je lui avais dit; qu'il n'était pas allé chez le

commissaire et qu'il croyait bien que sa maîtresse était gravement

malade. Depuis quatre jours, il n'avait plus entendu les injures

dont sa femme se plaignait et qu'il lui semblait bien cependant

avoir entendues auparavant. « J'étais très exalté », finit-il par me

dire. Je lui conseillai alors de faire interner sa maitresse, ce qu'il

fit quelques jours après.

Je le revis un mois après l'internement de la femme; il était

alors complètement remis et très conscient de la mauvaise influence

142 CLINIQUE MENTALE.

de sa maîtresse. La jeune femme sortit guérie après quatre mois

d'isolement et de traitement.

Parmi les faits rapidement relatés dans cette observation,

cas typique de folie imposée, retenons simplement ceci : que

la suggestion morbide peut aller sur le sujet passif jusqu'à

l'hallucination provoquée et surtout jusqu'à la réaction.

Doit-on dire dans ce cas, avec M. Marandon, qu'il y a seu-

lement erreur de l'esprit chez le sujet passif, et commentjuger

les réactions de ce genre de malades ? Il nous semble que le

fait même de l'imposition d'idées délirantes à un sujet le met

dans un état suggestif, un état de dépendance, qui lui aliène

en partie, dans certains cas, et totalement dans d'autres ses

facultés, ce qui le rend incapable de réagir contre les idées

maladives imposées pendant le temps-de l'influence sugges-

tive.

En résumé, dans les folies imposées, le sujet passif est

celui qui emprunte tout ou une partie des phénomènes déli-

rants du sujet actif, sans jamais rien créer par lui-même. Il

doit être considéré pendant ce laps de temps comme étant en

dépendance suggestive. Il y a nécessité absolue de le séparer

de son codélirant.

La deuxième forme est la folie simultanée, bien indivi-

dualisée par M. Régis, et sur laquelle nous ne nous arrête-

rons pas. Qu'il nous suffise de dire qu'elle est l'éclosion

simultanée d'une même forme délirante et par influence

réciproque chez deux prédisposés en contact. Il n'y a plus

à proprement parler de sujet actif et de sujet passif; la

suggestion morbide agit surtout par action inter-mentale et

par imitation inconscienle.

La troisième forme est la folie communiquée dont M. Ma-

randon a bien précisé les caractères cliniques. Ce qui la

caractérise et la différencie d'une façon très nette de la folie

imposée, c'est que le sujet passif, sous l'influence de la sug-

gestion morbide du sujet actif qui réveille sa puissance

vésanique, édifie un délire dans lequel certaines idées déli-

rantes lui sont propres et dépendent de son terrain, à côté

de celles que lui communique le sujet actif.

Les deux facteurs cliniques sont ici en .présence. Le sujet

actif aliéné qui agit lentement, mais d'une façon continue,

sur celui ou ceux qui deviendront ses codélirants, grâce aux

trois facteurs de la suggestion morbide.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 143

Le sujet passif, fortement prédisposé en général, qui reçoit

les impressions morbides répétées du sujetactif. Il y résiste

d'abord pendant plus ou moins de temps, suivant le degré

de sa prédisposition. Mais cesimpressions répétées ébranlent

petit à petit son état cérébral instable, puis réveillent l'état

vésanique latent qu'il avait en puissance et auquel le sujet

imprime le cachet spécial de son terrain.

Il passe donc, pour ainsi dire, par trois périodes succes-

sives dont les deux dernières se confondent : une première

période d'ébranlement cérébral qui correspond à l'accepta-

tion des idées délirantes du sujet actif ; une deuxième période

de réveil vésanique correspondant à l'éclosion des phéno-

mènes délirants vrais, comme les hallucinations, calqués sur

ceux du sujet actif. Enfin une troisième période, se confon-

dant en général avec la précédente, qui correspond à l'éclo-

sion de phénomènes délirants propres dépendant du terrain

et qui viennent se surajouter aux premiers.

Il y a donc deux éléments à considérer dans le délire du

sujet passif : les idées délirantes qui dépendent de l'in-

fluence suggestive du sujet actif, et celles que le sujet pas-

sif puise dans son propre 'fonds.

Cette influence du terrain du sujet passif sur les phéno-

mènes délirants peut faire varier le tableau clinique : ou bien

il y a simplement exagération des idées délirantes commu-

niquées qui continuent à évoluer indépendamment du sujet

actif et sous la simple impulsion que leur donne la prédis-

position du sujetpassif; Ou, il y a confusion des deux groupes

de manifestations délirantes qui se complètent pour ne for-

mer qu'un seul et même délire qui évolue; Enfin, les phéno-

mènes morbides surajoutés peuvent prendre le dessus et

former toutle tableau clinique au milieu duquel disparaissent

les troubles communiqués. A ces différents cas, on peut

ajouter celui que M. Marandon a publié en 1893, dans lequel

le sujet actif atteint de folie multiple ne transmet au conta-

miné que l'unique délire auquel ce dernier est prédisposé.

Comme la prédisposition du sujet passif, un autre élé-

ment, la continuité de la suggestion morbide du sujet actif,

peut faire varier le tableau clinique offert par le sujet passif.

Cette continuité de la suggestion agira non seulement sur

les éléments du délire qui ont été communiqués, mais aussi

et surtout elle augmentera la puissance vésanique du sujet

144 ik CLINIQUE MENTALE.

passif en l'activant sans cesse. Cliniquement, elle aura

comme résultat une acuité plus grande des phénomènes déli-

rants et une évolution plus rapide du délire, surtout dans

les cas de délires systématisés.

Ce qui prouve cette action, c'est que lorsqu'on sépare les

codélirants, il y a au bout de peu de temps une cédation

très nette dans l'acuité des manifestations délirantes du

sujet passif; son délire continue à évoluer il est vrai, mais

sous l'impulsion des seules forces vésaniques qu'il puise en

lui-même. Ce fait est très net dans l'observation que nous

rapportons plus loin. La séparation des codélirants dans les

folies communiquées a donc sa nécessité.

Dans le tableau clinique présenté par le sujet passif, trois

éléments sont donc à distinguer : '1" les manifestations déli-

rantes communiquées qui ontété le point de départ du réveil

vésanique ; 2° les phénomènes surajoutés dus à l'influence

de la prédisposition ; 3° l'acuité des phénomènes entretenus

par la continuité de la suggestion morbide du sujet actif.

En somme, la folie communiquée est caractérisée par la

transmission d'idées délirantes d'un sujet actif à un ou plu-

sieurs sujets passifs ; transmission qui est le point de départ

et à l'occasion de laquelle la puissance vésanique du sujet

passif prédisposé fait son éclosion. Sous cette impulsion, il

élabore de ses propres forces des idées délirantes qui évo-

luent par la suite, même une fois qu'il est séparé de l'élé-

ment contagieux.

C'est un aliéné au même titre que le sujet actif.

Pour les raisons que nous avons données, il y a nécessité

de séparer les codélirants pour leur traitement.

Observation '. Folie communiquée par la fille à sa mère.

1. - Agent actif. Dégénérescence mentale avec prédominance

d'idées de persécution, illusions et hallucinations multiples, troubles

de la sensibilité générale, interprétations délirantes. Excitation et

dépression par intervalles. Agent actif d'une folie communiquée

à sa mère.

111m° G. Marie, âgée de 46 ans, couturière.

Antécédents héréditaires. Son père, alcoolique avéré est mort de

' Cette observation, qui a été le point de départ de cette étude, a été

prise pendant notre année d'internat dans le service de notre maître,

M. Magnan.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 145

maladie indéterminée. Sa mère, prédisposée alcoolique a été

internée en même temps que la malade pour des phénomènes

délirants nés sous l'influence de ceux de la fille.

Dans ses antécédents personnels on relève une érysipèle et de

légères habitudes alcooliques. Rien de particulier dans son enfance

et dans son adolescence, elle a toujours été une instinctive. Mariée

assez jeune, elle a eu trois enfants dont deux sont morts en bas

âge, l'un de convulsions, l'autre de gastro-entérite; le troisième,

âgé de 26 ans, est au bagne.

Son examen somatique ne présente rien de particulier, c'est une

femme grande et bien musclée, qui n'a ni troubles cardiaques ni

phénomènes pulmonaires. Elle a des stigmates physiques de dégé-

nérescence, entre autre uue asymétrie faciale marquée.

Au point de vue intellectuel, c'est une femme d'une intelligence

moyenne, mais d'un caractère vif et énergique, d'une instruction

rudimentaire.

Depuis l'année 1899, elle habite avec sa mère qui, ancienne cui-

sinière, est venue auprès d'elle pour lui faire son ménage, pendant

qu'elle travaille à la maison de son métier de couturière. C'est au

mois de janvier 1900 que les premiers troubles apparaissent sous

l'influence des habitudes alcooliques apportées dans le ménage par

la mère, et aussi des soucis que lui donne son fils condamné aux

travaux forcés, mais qu'elle dit innocent.

Les phénomènes délirants ont commencé par des interprétations

fausses basées sur des illusions, puis rapidement des hallucinations

multiples apparurent. Les idées de persécution deviennent de plus

en plus marquées avec légère systématisation. « Ce sont des voi-

sins qui habitent au-dessus d'elle qui font du bruit exprès; elle les

entend dire en descendant l'escalier : « nous allons faire des misères

aux bonnes femmes qui sont en bas et la police ne viendra pas

nous chercher ici. Ces individus font partie d'une véritable asso-

ciation de souteneurs et de filles publiques qui les persécutent,

mais elle ne dit pas pourquoi.

Les hallucinations de l'ouïe deviennent de plus en plus intenses

et s'accentuent surtout depuis le mois de mai 1900. « Les individus

qu'elle entend, parlent de la tuer », et elle emploie des mots d'argot

qui lui sont familiers. « Elle sera dure à chouriner, il faudra

s'acharner sur elle à coup de scion. »

C'est à partir de cette époque, que la mère, qui jusqu'ici cherchait

à la rassurer et à lui montrer la fausseté de ses idées, commence

elle-même à être légèrement influencée, mais elle résiste encore.

Les discussions qui eurent lieu à ce moment entre les deux femmes

semblent avoir donné une nouvelle force aux phénomènes délirants

de la malade. En effet, au mois d'août les troubles hallucinatoires

augmentent et pour fuir ses persécuteurs, elle quitte son logement

pour la nuit et va coucher à l'hôtel, car elle ne peut plus dormir.

Archives, 2° série, t. XV. 10

146 CLINIQUE MENTALE.

Sa mère influencée la suit. Ses ennemis la suivent aussi et prennent

la chambre au-dessus d'elle. En effet, la première nuit elle entend

de nouveau des menaces de mort avec des insultes grossières.

« Aussitôt que tu vas dormir, on va te crampser (tuer) avec ta

vieille », et ajoute-t-elle, « ils veulent violer nos cadavres. »

Au mois de septembre elle commence à réagir en disant que

s'ils continuent, elle mettra le feu à l'hôtel.

Au mois de novembre d'autres troubles sensoriels apparaissent ;

ce sont des troubles du goût, de l'odorat, de la sensibilité générale,

l'activité du délire est à son apogée. Il lui semble qu'on lui met

dans ses aliments du laudanum ou de la teinture d'iode. On a fait

un trou au plafond que l'on bouche pendant le jour et par lequel

on fait égouter sur son oreiller un liquide à odeur acre, etc. Il lui

semble ressentir des piqûres sur le sein gauche. - Pas d'halluci-

nations de la vue, pas de troubles génitaux.

Au mois de décembre, à la suite de troubles hallucinatoires plus

actifs, elle réagit de nouveau; elle entend dire « qu'on va chou-

riner son mari et plusieurs autres personnes dont elle cite les

noms » ; elle entend la cuisinière du restaurant qui se trouve en

bas de chez elle, dire « Oh ! elle n'en a plus pour longtemps».

C'est alors qu'elle porte plainte au commissaire de police, ce qui

motive son arrestation et son transfert à Sainte-Anne, où elle

entre le 23 décembre 1900 dans le service de notre maître

M. Magnan.

La mère qui avait suivi sa fille dans son évolution délirante,

était entrée dans le même service la veille.

Le certificat du médecin delà Préfecture de police porte : Délire

mélancolique avec prédominance d'idées de persécution, halluci-

nations multiples, insomnies, excès alcooliques. Parait être l'agent

actif d'une folie à deux.

Signé : Dr LEGUAS.

Certificat d'entrée : Dégénérescence mentale avec illusions, hal-

lucinations, interprétations délirantes et idées de persécutions.

Signé : Dr Magnan.

Cette malade est restée dans le service de M. Magnan jusqu'au

16 février 1901, puis a été transférée à l'asile de Maison-Blanche.

Pendant ce séjour les phénomènes délirants sont toujours très

intenses, les troubles hallucinatoires dominent avec de nombreuses

interprétations délirantes sous l'influence desquelles elle s'excite

par intervalles. Elle présente en outre quelques idées de richesse :

« On l'a fait enfermer ici avec sa mère, dit-elle, parce qu'elle doit

faire un héritage d'un million d'une tante de Honneur. »

Elle sait en effet, que sa mère a été internée, mais elle en a été

complètement séparée et ne l'a vue que deux fois intentionnellement.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES'FOLIES PAR CONTAGION. 147

Les deux visites n'ont eu aucune action sur les phénomènes déli-

rants, si ce n'est quelques interprétations nouvelles et un peu de

dépression mélancolique, surtout après la deuxième visite qui eut

lieu àla fin de janvier et pendant laquelle la mère a essayé de la

raisonner. Les idées de persécution restent aussi actives, mais elle

ne désigne pas ses persécuteurs, c'est toujours on\ ou ils ! C'est

dans cet état qu'elle quitte le service de l'admission, le 16 février 1901.

1 Jusqu'au mois de janvier 1902, moment où nous l'avons perdue

de vue, cette malade est restée persécutée et hallucinée. De nou-

veaux troubles sensoriels sont apparus du côté des organes génitaux.

« On la dénature au physique et au moral. » Au physique, on se

livre sur elle à des attentats nocturnes, elle se relève la nuit'en

injuriant ses persécuteurs; protège ses organes génitaux avec des

linges... pour mettre obstacle aux attentats, etc. On la dénature au

moral en la faisant passer pour folle et en interprétant, dit-elle,

comme une tentative de suicide, l'essai qu'elle a fait de se jeter

dans le canal, ce qui, prétend-elle, n'était qu'un simulacre pourvoir

ce que feraient les infirmières. Elle ne désigne toujours pas ses

persécuteurs, elle les dénomme « ils ! » ou « ceux qui étaient au-

dessus de chez elle. » A la fin de l'année 1901, elle prétend que

ses persécutions sont moins fortes qu'au début. Elle se rappelle que

sa mère pendant un certain temps la raisonnait à ce sujet, en lui

disant de n'y pas faire attention. Si on lui demande ce qu'elle est

devenue, elle dit que le médecin lui a annoncé son transfert, mais

elle a entendu dire qu'elle était toujours à l'asile. Elle a bien reçu

des lettres de sa mère qui est à Dun, mais elle ne sait que croire.

Malgré ses affirmations, ses idées de persécution persistent. Son

état général est resté bon, mais elle présente des troubles vaso-

moteurs de la face et des mains.

La malade qui fait le sujet de cette observation présente

un délire de dégénéré banal. Un point sur lequel nous appe-

lons l'attention, c'est qu'elle n'a jamais eu d'hallucinations

de la vue. Elle devient le sujet actif d'une folie qu'elle com-

munique après plusieurs mois à sa mère qui est une prédis-

posée alcoolique chronique avec commencement d'affaiblis-

sement intellectuel. Ce qui fait l'intérêt de cette observation,

c'est que l'on y retrouve tous les éléments que doit présenter

l'agent actif suggestif, dans toute folie communiquée. Elle

nous montre aussi l'évolution rapide du délire sous l'in-

fluence de la résistance du sujet passif et son évolution

ultérieure après la séparation des deux malades.

1 Les renseignements suivants sont dus à l'amabilité de mon collègue

et ami, le D Ameliue.

148 CLINIQUE MENTALE.

II. Agent passif. Alcoolisme chronique avec affaiblissement inlel-

lccluel, hallucinations de l'ouïe et de la vue et idées de persécution.

Agent passif d'un délire communiqué par sa fille.

Mme G..., cuisinière est âgée de soixante-quinze ans.

Antécédents héréditaires. Son père est mort à quatre-vingt ans

Sa mère est morte à quarante-neuf ans de tuberculose pulmonaire.

Parmi ses frères ou soeurs, deux frères sont morts en bas Age, une

soeur s'est suicidée (asphyxie au charbon); une autre soeur est

morte à quarante ans d'affection indéterminée.

Dans les antécédents personnels, on ne relève pas de maladies

infectieuses, mais de nombreux excès alcooliques. Mariée à un

individu alcoolique avéré, elle a eu quatre enfants dont trois sont

morts : un à douze mois de variole, un a quinze mois et un autre

à huit jours de convulsions. Le quatrième est l'agent actif de cette

observation.

Mme G..., s'est toujours bien portée; elle fut placée comme cui-

sinière et a toujours travaillé régulièrement jusqu'au commence-

cément de l'année 1899, époque à laquelle elle vient habiter avec

sa fille qui travaille chez elle. Elle fait de loin en loin encore quel-

ques extra, mais reste la plupart du temps auprès de sa fille dont

elie fait le ménage.

Elle a toujours été d'un caractère assez doux, mais influençable;

par intervalles elle est violente et irritable, sous l'empire sans doute

de ses habitudes alcooliques.

Elle vivait donc depuis un an déjà avec sa fille lorsque cette

dernière commença en janvier 1900 à présenter des troubles men-

taux.'Pendant les quatre premiers mois, elle cherche à la rassurer

en tâchant de lui montrer l'inanité de ces persécutions imagi-

naires. Mais plus elle cherche à la raisonner, plus les conceptions

délirantes prennent de force et elle-même au mois de mai 1900

commence à avoir les mêmes préoccupations.

Elle se demande d'abord si sa fille n'a pas raison, s'il n'y a pas

effectivement des persécuteurs autour d'eux. Frappée de plus en

plus par ce qu'elle lui entend dire, elle résiste cependant encore

pendant tout le mois de mai, mais au mois de juin les hallucina-

tions font leur entrée en scène et viennent donner corps à ses pré-

occupations.

Le délire de Mm0 G. est copié sur celui du sujet actif; ce sont

les mêmes idées de persécution, les mêmes hallucinations avec les

mêmes mots d'argot, les mêmes interprétations; à cela s'ajoute

le cachet particulier de la malade qui'est alcoolique et dont l'intel-

ligence commence à s'affaiblir. Nous relevons des phénomènes

d'ordre purement alcoolique, des hallucinations de la vue et des

troubles somatiques; d'autre part son affaiblissement intellectuel

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 149

donne aux interprétations délirantes une allure plus mièvre et plus

naïve.

C'est le même genre d"idécs de persécution : « C'est un voisin,

se disant livreur au chemins de fer, qui habite au dessus, qui a

commencé à les persécuter. Il est venu s'installer au début de

l'exposition et court toute la nuit avec sa femme. Parfois il ramène

plusieurs femmes avec qui il fait du bruit toute la journée. Ils sont

ainsi toute une bande qui ne se montre pas et qui les suit partout. t.

Ils pénétrent chez elle quand elle sort avec sa fille, défont les lits.

salissent leur eau etc. » Comme le sujet actif, elle conclut qu'elles

ont affaire à une bande de souteneurs et de filles publiques qui

s'entendent pour les faire arrêter et veulent les faire disparaître.

Les hallucinations de l'ouïe sont semblables : « elle entend ces

individus frapper au plafond; » c'est l'homme en question qui dit

derrière sa fille : « j'ai tout ce qu'il faut pour la servir, elle ne

sera pas manquée » ou d'autres grossièretés. Une autre fois, elle

les a entendu dire « il faut les crampser parce qu'elles en connais-

sent trop. » Le mot crampser dont elle ne connaît pas la significa-

tion est emprunté au sujet actif. Elle les a entendu aussi se vanter

d'avoir couché avec sa fille après l'avoir endormie avec du chloro-

forme, etc...

L'influence de l'agent actif se faisant sentir d'une façon continue

elle présente des troubles du goût et de l'odorat. « Ses persécu-

teurs lui envoyaient de mauvaises odeurs, ils introduisaient dans

le mur toutes sortes de saletés qui sentaient l'urine, la viande ou

les oeufs pourris. ils ont essayé de l'empoisonner aves des grains

de pavot réduits. » -

A ces différents troubles calqués sur ceux du sujet actif viennent

s'ajouter ceux qui dépendent de son terrain particulier. Elle a des

insomnies, des cauchemars, des craintes et des frayeurs, elle rêve

qu'on court après elle pour la tuer; elle a des hallucinations de la.

vue assez intenses. Il lui semble voir au clair de lune un fantôme

qui la regarde, elle décrit ses vêtements (il avait un gilet noir et

une chemise blanche) et elle ajoute : « J'ai fait le signe de la croix

et il s'en est allé en vapeurs. » Elle aperçoit pendant la nuit des

lumières rondes de couleurs variées (violet, jaune, vert); elle n'a

jamais eu de zoopsie.

Depuis l'apparition des hallucinations, elle ne combat plus les

idées délirantes de sa fille; l'une et l'autre se communiquent leurs

persécutions, mais tandis que celles de la fille s'incorporent au

délire delà mère, la fille reste indifférente à celles de sa mère.

C'est ainsi qu'elle n'a jamais eu d'hallucinations de la vue. Il

semble même que cette communication des idées délirantes entre

elles ait produit le même effet que la résistance de la mère au

délire de la fille pendant les premiers mois. En effet, c'est à partir

du mois d'août, moment où le délire du sujet passif est entré dans

lu ' CLINIQUE MENTALE.

une phase active, que le sujet actif commence à réagir : il il va

d'abord coucher à l'hôtel huit jours puis menace d'y mettre le feu

si les persécutions ne cessent pas. » '

Jusqu'au mois de décembre, l'état morbide ne fait qu'augmenter,

jusqu'au moment où la fille porte plainte au commissaire de

police. La mère fait avec elle la même démarche qui la fait

interner à Sainte-Anne le 24 décembre 1900.

,Le certificat de la Préfecture de police porte : « Alcoolisme

chronique, affaiblissement intellectuel, hallucinations, persécutions

imaginaires. Signé : Dr LECnas.

Le certificat d'entrée : Léger affaiblissement intellectuel avec

hallucinations, idées de persécutions, excitation passagère.

Signé : Dr Magnan.

A son entrée, 111n1° G..., présente à côté des phénomènes déli-

rants que nous avons cités, de l'affaiblissement intellectuel carac-

térisé surtout par un défaut de mémoire assez prononcé. Elle con-

naît mal son âge et l'année; elle calcule très difficilement.

Légèrement excitée, dès qu'on l'interroge elle se met à pleurer,

mais avec instabilité dans l'état émotif. Il est facile de la distraire

de ses préoccupations par quelques paroles banales et alors elle

sourit et se confie d'une manière enfantine.

En somme, apathie intellectuelle avec excitation légère sous

l'influence de ses hallucinations. Elle a des étourdissement et des

crampes dans les bras et les jambes depuis dix mois, du tremble-

nent des doigts.

Séparée de sa fille dès le premier jour, elle présente après la

première semaine une cédation assez marquée dans l'acuité des

phénomènes délirants; l'excitation est complètement tombée, les

hallucinations de l'ouïe sont un peu moins intenses et lorsqu'on

lui parle de ses idées de persécution, elle met toujours en avant

sa fille dont elle raconte toutes les misères. Ses hallucinations de la

vue et ses frayeurs persistent encore mais faiblement grâce à la

privation d'alcool .

Le 8 janvier le certificat de quinzaine porte : Léger affaiblisse-

ment intellectuel avec hallucinations et idées de persécution en

voie de décroissance. Signé : Dr Magnan.

L'excitation étant tombée, elle commence à s'occuper dans le

service. A cette époque on lui fait voir intentionnellement sa fille

avec laquelle elle reste une matinée presque entière. Remise ainsi

sous l'influence de l'agent suggestif toujours aussi délirant, ses

idées de persécution reprennent plus d'acuité ainsi que ses hallu-

cinations de l'ouïe. Elle nous dit dans la soirée de ce même

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 151

jour « qu'elle a entendu une voix qui sortait du plafond lui dire :

c on va couper les mains de ta fille, etc. » Les hallucinations delà

vue restent au contraire toujours très faibles et semblent de plus

en plus s'atténuer.

Sous l'influence de cette visite, les phénomènes délirants ont

repris un peu plus d'acuité et l'empêchent de s'occuper pendant

deux jours. Puis peu à peu elle reprend son travail, les hallucina-

tions deviennent de plus en plus rares, mais elle conserve toujours

les mêmes idées de persécution. A la fin de janvier après une

deuxième visite à sa fille, elle présente une nouvelle crise halluci-

cinatoire qui dure quelques jours, les idées de persécution sont les

mêmes. Ainsi les deux visites de l'agent actif semblent avoir

influencé l'agent passif et donné une nouvelle force à ses phéno-

mènes délirants. nl"1° G..., est transférée à l'asile de Maison-

Blanche le 16 février 1901 en même temps que sa fille. Le certificat

de transfert porte : Léger affaiblissement intellectuel avec idées de

persécution. Signé : Dr Magnan.

D'après les renseignements que nous avons eus, la malade est

restée cinq mois à l'asile de Maison-Blanche, puis a été transférée

le 14 juillet 1901 à la colonie de Dun-sur-Auron où elle a été sui-

vie par notre collègue et ami le Dr Truelle de qui nous tenons les

renseignements qui suivent :

Pendant son séjour fut Maison-Blanche 111 ? G..., a toujours été

séparée de sa fille qu'elle ne voyait que de temps à autre pendant

une demi-heure. Ses persécuteurs ne l'y ont pas suivie, mais elle

conserve les même idées de persécution. Elle a quelques idées déli-

rantes nouvelles qu'elle puise dans son propre fonds : « Les infir-

mières commandaient les follesde la battre, du moins elle le pense

car elle les voyait rire; on lui laissait exprès les croisées ouvertes

pour la rendre malade, etc. « Les hallucinations de l'ouïe et de la

vue ont disparu.

Elle entre le 12 juillet 1901 à la colonie de Dun. A son entrée elle

raconte c que depuis sept mois elle est sous les verrous; qu'on lui

a volé son linge et ses meubles, qu'on lui garde son argent. On

lui a pris son petit-fils et sa fille; C'est la police. » Elle conserve

ses premières idées de persécution. Elle met toujours sa fille eu

avant dans le récit de son délire.

Séjour à la colonie. Pendant les premiers jours, elle demande

des nouvelles de sa fille qu'on martyrise, et qui est peut-être

morte là-bas. On la rassure et on la distrait facilement car elle

conserve toujours la même instabilité dans l'état émotif. Elle écrit

souvent à Maison-Blanche pour avoir des nouvelles de l'absente.

Facile à diriger, elle se plaît assez à la colonie, mais réclame de

temps à autre sa sortie sans grande suite dans les idées.

152 CLINIQUE MENTALE.

Au mois de décembre 1901, elle est tout à fait acclimatée, parle

moins de sa fille. Il faut l'interroger à ce sujet, elle n'en parle plus

guère spontanément comme avant. Son état intellectuel semble

avoir baissé, la mémoire est plus défectueuse et elle est satisfaite

d'elle-même. Affectivité et raisonnement débiles. A cette époque,

elle reçoit des nouvelles de sa fille et apprenant qu'elle a peur,

toujours peur, elle répond : « Que tout le monde a ses peines sur

la terre, que chacun a sa voix, que sa fille se mette à aller bien et

tout le monde sera tranquille. >

Elle raconte son ancien délire comme par le passé en y mélan-

geant l'histoire du cadavre découpé, trouvé aux environs du Père-

Lachaise dont elle a entendu parler. Elle croit toujours à la réalité

de ses anciennes persécutions, mais elles n'ont pas continué et

depuis son séjour à la colonie il n'en est pas né de nouvelles. Elle

conclut : « ici on est bien tranquille, si ma fille était là, on travail-

lerait toutes les deux dans la lingerie ».

Ce cas de folie communiquée fait bien ressortir la patho-

génie et l'évolution clinique de cette affection. Il met en

évidence l'influence réciproque des deux sujets et la néces-

sité de leur séparation.

Influence du sujet passif sur le sujet actif, qui par sa

résistance augmente et fait évoluer plus rapidement le délire

du sujet actif.

Influence du sujet actif sur l'agent passif : 1° par le réveil

de la prédisposition héréditaireet acquise du sujet passif, qui

élabore, comme peut le faire un alcoolique chronique, un

véritable délire qui évolue avec ses éléments principaux

puisés chez l'agent actif (idées de persécution, hallucinations

de l'ouïe, etc.) et ses éléments surajoutés puisés dans son

propre terrain d'alcoolique (hallucinations de la vue,

frayeurs, etc.) ; 2° par la réviviscence des troubles délirants

du sujet passif sous l'influence suggestive de l'élément actif.

A la folie communiquée on doit rattacher la folie induite

ou transformée des auteurs étrangers, qui n'est qu'un cas

particulier de cette dernière forme.

C'est l'influence suggestive morbide d'un aliéné sur un

autre aliéné. Le sujet actif transmet ses conceptions déli-

rantes, ses hallucinations, ses réactions à un ou plusieurs

sujets passifs déjà délirants. Le phénomène pathologique

est identique à celui de la folie communiquée et ses condi-

tions pathogéniques sont les mêmes; nous ne nous y arrê-

terons pas.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FOLIES PAR CONTAGION. 183

V. Au point de vue du traitement des folies par conta-

gion, sans nous arrêter à la thérapeutique des phénomènes

délirants, variables pour chaque cas, il nous semble que la

seule indication importante est l'isolement, laséparation des

codélirants, indication qui a sa raison d'être dans toutes les

formes que l'on a décrites.

Nous avons vu, en effet, qu'elles relèvent des mêmes con-

ditions pathogéniques; que l'action des impressions sugges-

tives se faisait sentir tant que les malades étaient en com-

mun, en donnant une plus grande acuité aux phénomènes

délirants et en augmentant la puissance de la prédispo-

sition.

Dans les folies imposées, les sujets passifs ne délirent que

sous l'influence de la suggestivité morbide des sujets actifs.

Leur séparation fera disparaître très rapidement chez les

premiers les phénomènes délirants qui ne sont que des phé-

nomènes de suggestion.

Dans les folies communiquées, bien qu'on ait à faire à des

sujets passifs véritablement aliénés, et dont le délire évolue

même après la séparation, celle-ci fait tout au moins dispa-

raître l'influence de la continuité de la suggestion morbide

quia, comme nous l'avons vu, de fâcheux résultats sur les

sujets passifs.

Quant aux folies simultanées, dont nous n'avons pu obser-

ver de cas, sans vouloir émettre une opinion d'accord avec

nos idées, il serait intéressant de voir si la continuité de

l'action suggestive réciproque des codélirants n'a pas une

action sur l'acuité et l'évolution de leur délire. Il semble

donc bien que l'indication importante dans le traitement des

folies par contagion, soit de soustraire les sujets à leur

influence morbide réciproque.

VI. Sans étudier longuement les considérations médico-

légales que peut faire naître la question des folies par con-

tagion, il est un fait cependant qui demande à être appro-

fondi. C'est la condition médico-légale des sujets passifs,

dans les cas de folie imposée.

Tous les auteurs, sauf récemment M. Nina Rodriguès'.

les considèrent comme responsables de leurs actes. Com-

Nina Rodriguès. Loc. cil.

154 CLINIQUE MENTALE.

ment, cependant, considérer comme responsables de leurs

actes des individus qui, sous l'influence suggestive d'autres

individus, perdent le libre jeu de leurs facultés, et par con-

séquent de leurs déterminations, à tel point qu'ils sont inca-

pables, pendant un certain laps de temps, de corriger les

idées qui leur sont imposées et qui peuvent les entraîner à

des actes légalementrepréhensibles.

C'est ainsi que, dans l'observation de folie imposée que

nous avons rapportée, le jeune homme, sous l'influence

suggestive de sa maîtresse, aurait pu aussi bien frapper un

de ses voisins, plutôt que d'aller se plaindre à son proprié-

taire des persécutions dont il était l'objet. Dans ce cas, il

nous. semble que cet individu était parfaitement irrespon-

sable de l'acte qu'il aurait pu commettre.

Nous croyons, en effet, que dans les folies imposées, les

sujets passifs doivent être considérés comme étant en état

suggestif, état qui aliène pendant le temps seulement où ils

sont sous l'influence suggestive leurs facultés directrices et

leur puissance de correction. Pendant ce laps de temps, ils

doivent être, au point de vue médico-légal, considérés

comme absolument irresponsables. '

Dans les folies simultanées et communiquées, la question

n'est pas à discuter, puisque les codélirants sont aliénés.

Conclusions. -,Il' Les folies à deux doivent être comprises

dans une dénomination plus générale, celle de folies par

contagion ou suggestion morbide.

Cette appellation s'appuie sur la pathogénie de ce groupe

de troubles mentaux et a l'avantage de comprendre dans un

même terme, tous les cas de phénomènes psychiques qui

ont comme point de départ la suggestion morbide, depuis

les folies communiquées jusqu'aux folies des foules; 2° il y a

nécessité de séparer les codélirants dans toutes les formes

de folie par contagion ; 3° il y a nécessité de considérer, au

point de vue médico-légal, les sujets passifs des folies impo-

sées comme étant en état suggestif et par conséquent irres-

ponsables tant qu'ils sont dans cet état.

PATHOLOGIE MENTALE.

Des obsessions et impulsions'

(Syndromes épisodiques chez les dégénérés).

Par le Dr SOUTZO (fils), (1(,- Bucarest.

La dégénérescence, décrite par nlorel, mais surtout bien

définie de nos jours grâce aux travaux de M. Magnan et de

son école, se traduit au dehors par un certain nombre de

signes physiques et psychiques classiques, généralement

groupés sous la dénomination commune, des stigmates.

Le rôle dévolu aux stigmates psychiques, tel qu'il a été

envisagé par le savant aliéniste de Sainte-Anne, constitue

aujourd'hui une vérité doctrinale d'une importance incontes-

table. Ces stigmates se présentent comme des épisodes sur-

venant dans la vie de l'individu dégénéré, mais faisant cepen-

dant corps avec son état mental. M. Magnan leur a, ajuste

titre, donné le nom de syndromes épisodiques.

Nous croyons nécessaire de rappeler dès à présent que sur

ce point les avis des aliénistes sont encore partagés ; quel-

ques-uns considèrent ces phénomènes morbides comme des

troubles liés aune forme spéciale de neurasthénie (Kraepelin)

(Régis) ; d'autres, comme un symptôme intellectuel de la

pathologie générale, au même titre que le délire (Pitres),

d'autres encore, et en plus grand nombre, comme autant

d'entités morbides nettement définies (Falret père, Legrand

du Saule) (paranoiarudimentaire deMendel et 111orsclli).

A l'heure actuelle, pour nous et pour la plupart des clini-

ciens, ces différentes manières de voir ne peuvent guère être

admises, étant donnée la coïncidence fréquente de ces divers

tableaux cliniques.

' Travail fait dans le Service de M. le D, )1.GNAN(,%Sile clinique Sainte-

Anne), qui avec une extrême bienveillance et amabilité nous a permis de

suivre de près les malades qui font l'objet de cette étude.

156 PATHOLOGIE MENTALE.

Quelles que soient les manifestations extérieures occasion-

nelles, pourrait-on dire, de ces syndromes morbides, ils se

caractérisent en effet par un nombre limite de mécanismes

psychiques devenus classiques, qui sont : les obsessions, im-

pulsions, inhibitions, perversions de l'instinct et troubles

délirants divers, toutes fonction de la déséquilibration des

départements cérébraux.

Sans examiner en détail ces variétés syndromiques, nous

voulons montrer dans un aperçu succint, les principaux

caractères de ces troubles; les observations ultérieures sui-

vies de leur analyse, montreront d'une façon indubitable le

rapport de ces phénomènes avec l'état de déséquilibre mental,

et la manière dont ces syndromes doivent être envisagés

aujourd'hui en clinique. '

« L'obsession, dit M. Magnan, est un mode d'activité céré-

brale, dans lequel, un mot, une pensée, une image s'impose

à l'esprit, en dehors de la volonté, mais sans malaise, àl'état

normal, avec, au contraire, une angoisse douloureuse qui la

rend irrésistible à l'état pathologique; d'autre part l'impul-

sion est l'acte que l'obsession tenace, tyrannique rend irrésis-

tible par l'intensité de la douleur morale qu'elle provoque. »

L'impulsion est à l'acte, ce que l'obsession est à l'idée. On

peut donc distinguer : idée obsédante, obsession, impulsion

et acte impulsif.

La première, qui se trouve ailleurs, à l'origine des délires

proprements dits, n'est pas plus l'obsession que l'état mélan-

colique n'est la mélancolie, De même l'acte impulsif est

secondaire, c'est une réaction; tandis que l'impulsion est

primitive; cette dernière est une tendance à l'acte, un ordre

donné par les centres moteurs en état d'éréthisme, mais sans

pour cela que l'acte soit fatalement accompli. On soutient

quelque fois, il est vrai, que l'impulsion ne peut exister sans

l'acte, c'est-à-dire que du seul fait qu'elle est née,l'impulsion

amène forcément après elle l'acte impulsif. Mais c'est une

erreur, la vérité d'ailleurs est mise en lumière dès nos pre-

mières observations. Il est d'autre part important de con-

naître les limites entre l'obsession physiologique et l'obses-

sion pathologique. La première se rencontre le plus souvent

chez les individus normaux : elle se manifeste comme une

idée qui occupe le cerveau à un faible degré, pour disparaître

aussitôt sans laisser de trace ; mais qu'une semblable idée

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 187

surgisse à l'esprit dans d'autres conditions, avec tendance à

devenir plus tenace, trahissant une irritation plus grande du

cerveau, à la faveur, par exemple, d'un état spécial du sujet

tel qu'un état d'émotivité, et qu'enfin en outre le taux nor-

mal de la volonté se trouve surpassé, l'obsession prend le

caractère pathologique ; la différence est une simple question

de degré, mais cette question de degré est sous la dépen-

dance d'un état défectueux du cerveau : la dégénérescence.

Plus l'obsession est tenace et plus fertile est la cause à la

suite de laquelle elle apparaît, plus elle indique un état dégé-

nératif grave.

L'obsession et l'impulsion décomposées par l'analyse com-

prennent deux éléments : un centre entrant tout à coup en

fonction, isolément, sans y être sollicité par le besoin du

mouvement ; et une impuissance momentanée de la volonté

à chasser le phénomène qui s'impose (Magnan). Il y a rupture

de l'harmonie des centres cérébraux et exubérance d'un cer-

tain nombre d'entre eux.

Tous les syndromes psychiques dans leurs manifestations

extérieures s'accompagnent des signes devenus classiques :

lutte angoissante, irrésistibilité, exagération des signes phy-

siques de l'émotion, répétition et persistance des phéno-

mènes, en dernier lieu soulagement à la suite de la satisfac-

tion donnée au centre en état d'éréthisme.

Mais dans cet enchaînement des manifestations persistent

la lucidité de la conscience et l'intégrité de la volonté. La

part que prend cette dernière dans le mécanisme des obses-

sions a été interprétée dans ces dernières années d'une façon

particulière. M. Artaud, au Congrès de Limoges 1901, soutient

dans sa communication, que l'obsession au point de vue

psychologique est une maladie de la volonté ; que l'élément

aboulie joue le rôle fondamental dans la genèse du syndrome

et que les éléments intellectuel et émotif n'y interviennent

que secondairement.

Sans commenter longuement cette manière de voir, qui

demanderait certainement des détails psychlogiques relatifs

au mécanisme intime des opérations volitives, nous croyons

cependant pouvoir affirmer' que l'élément volitionel n'a

aucune action dans la genèse de l'obsession. Celle-ci, comme

nous l'avons montré à l'occasion du mécanisme des syn-

dromes en général, demande le premier rôle à l'élément

158 PATHOLOGIE MENTALE.

intellectuel, l'idée, qui apparaît dans des conditions spé-

ciales, conditions réalisées par le cerveau anormal, déséqui-

libré. Comme nous le verrons, tout se passe en dehors de la

volonté et si celle-ci paraît intervenir, c'est dans l'impulsion

seulement, mais dans ce cas elle paraît simplement suspendue,

annihilée momentanément, par suite de la lutte qu'elle

oppose contre une force bien supérieure, force due à l'exa-

aération d'un ou de plusieurs centres psychiques en état

d'éréthisme.

La série des phénomènes morbides se présente de

mille manières, de telle sorte que chez le dégénéré type on

assiste à une véritable ataxie cérébro-spinale, selon l'expres-

sion de M. Magnan, ataxie de la pensée, des sentiments, de

la volonté, des fonctions psychomotrices, automatisme mé-

dullaire, en rapport avec les différentes manifestations des

syndromes. Reste un fait capital : la présence d'états névro-

pathiques : hystérie, épilepsie, neurasthénie, n'implique nul-

lement un rapport de causalité avec des manifestations psy-

chiques précédentes, mais seulement une coïncidence de ces

mêmes états développés sur un même terrain. Et si les

névroses sont susceptibles d'engendrer des troubles mentaux

analogues ; cependant on-peut y reconnaître des caractères

distinctifs et spéciaux pour chacune d'elles.

Ainsi , les impulsions épileptiques , sont incons-

cientes, automatiques, le malade n'a aucun souvenir des

actes accomplis. Chez les hystériques, elles constituent une

série d'actes désordonnés, nés d'un désir bizarre, d'un caprice

inexplicable, qui ont impressionné une volonté faible et inca-

pable de résister ; dans la plupart des cas, à la base de ces

impulsions existe une hallucination, très rarement une

obsession. Bref, le malade est l'esclave de ses sensations et

de sa maladie.

De même, chez les dégénérés impulsifs, les idées sont

libres par elles-mêmes, nullement subordonnées aux faits

antérieurs, comme cela se passe chez le mélancolique et le

délirant chronique, chez lesquels les actes délictueux sont

adéquats à leur délire ou à leurs troubles sensoriels.

L'idée obsédante chez les dégénérés naît avec l'individu,

reste longtemps latente jusqu'au moment où une cause

appréciable la fait éclater ; c'est alors que croissant petit à

petit, elle arrive à un maximum et constitue les troubles

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 159

morbides, appelés syndromes épisodiques. En clinique la

succession et l'enchaînement de ces phénomènes morbides se

présentent de mille manières. C'est ainsi qu'on rencontre

souvent chez un même malade soit une seule obsession ou

impulsion, qui se répète à titre d'épisode aux différentes

périodes de sa vie, soit un nombre plus ou moins considé-

rable de ces troubles, qui coexistent à certaines époques de

sa maladie, ou se succèdent et se suppléent à des époques

plus ou moins éloignées ; soit enfin des crises paroxystiques

de ces syndromes alternant de temps à autre avec les diverses

manifestations morbides liées à la folie des dégénérés, prin-

cipalement avec les innombrables couleurs des états déli-

rants.

L'explication de toutes ces manifestations telle, qu'elle se

présente en clinique, n'est que l'image fidèle de l'histoire

complète du malade ; grâce à celle-ci seulement, nous arri-

vons à éclairer la relation qui existe entre les syndromes et

le substratum commun : la dégénérescence. Donc, nous nous

demandons comment pourrait-on scinder ces modalités syn-

dromiques pour arriver à donner à chacune d'elles le carac-

tère particulier d'entité morbide, selon les idées de certains

aliénistes ? Ce serait de scinder leur substratum commun et

par suite à amputer le corps du malade même. Voilà à

quelles considérations nous mèneraient de pareilles vues

erronées.

Nos observations, qui ont porté sur un certain nombre

d'états syndromiques : idées homicides, idées de suicide,

doute, vol, perversions, etc., viennent en effet à l'appui

de notre unité de conception et élucider ces considérations.

OBs. L- Dégénérescence mentale, obsessions et impulsions conscientes

à l'homicide, craintes, onanisme, idées mélancoliques de suicide,

secondaires.

Marque B..., âgée de trente-trois ans, entre dans le service de

l'Admission de Sainte-Anne le 13 novembre 1901. Ses antécédents

témoignent d'une hérédité assez chargée, qui montre nettement

le degré de dégénérescence, dont elle est imprégnée.

Une grand'mère paternelle a présenté de graves troubles men-

taux. Après avoir vu à l'âge de vingt ans, une folle gesticulant

dans un puits de la maison, elle-même a présenté, entre vingt-cinq

et trente ans, des idées de suicide, sans tentative. Vers cinquante-

cinq ans, mêmes idées également, sans exécution. Enfin, vers

160 PATHOLOGIE MENTALE.

soixante-quinze ans, mêmes idées encore, qui ne l'ont plus quittée

jusqu'à sa mort à quatre-vingt-quatorze ans. Elle conservait ces

idées le plus secrètement possible, mais ne pouvait les chasser,

elle exigeait seulement, ne- voulant pas y céder, qu'on se tienne

constamment auprès d'elle, sans fournir aucune explication de

cette exigence.

Un grand-oncle maternel a eu, d'autre part, cinq enfants arriérés

et l'un d'eux a été réformé, à cause de ce défaut cérébral, du service

militaire. Le père de la malade est lui-même mort à l'âge de

soixante-quatre ans, albuminurique. Auparavant, à la suite d'une

attaque d'apoplexie, il était resté paralysé ; il se mettait parfois

en colère, mais il avait la force de se maintenir.

La mère est morte à l'âge de vingt-huit ans à la suite d'une

fluxion de poitrine ; elle était de tempérament nerveux.

La malade, enfin, a eu cinq frères et une soeur; trois frères dont

deux jumeaux morts en bas-âge. Un frère professeur, est nerveux.

Une soeur bien portante s'intéresse particulièrement'à la malade.

La malade, elle-même, n'a pas fait de graves maladies dans son

enfance, et n'a jamais eu d'accidents convulsifs. Cependant elle a

toujours montré un certain degré d'instabilité; d'un caractère

mobile, elle paraissait en même temps nerveuse, sensible et

émotive. En pension et au couvent elle aimait beaucoup lire

les récits de descriptions fantastiques. Elle adorait surtout la litté-

rature et la poésie, idéalistes, Imaginatives. A cette époque, elle se

livrait déjà à l'onanisme ; une force irrésistible, dit-elle, la poussait

à cet acte. Après quelques années elle arriva à répiimer en partie

cette habitude, mais continuait tout de même à s'y adonner pen-

dant la nuit, malgré son désir d'y résister; enfin pour s'en débar-

rasser complètement, elle finit par porter une ceinture qui cou-

vrait les organes génitaux et l'empêchait jusqu'à un certain point

d'y porter la main; malheureusement ses parents la lui tirent

enlever. Elle se demande actuellement si cette perversion de

l'instinct sexuel ne serait pas la cause efficiente de la maladie,

dont elle souffre.

Outre cet état mental instable, cependant déjà dès l'âge de douze

ans elle souffrait physiquement : douleurs à l'estomac, bouche

pâteuse et d'autres sensations à l'état d'ébauche, toutes de nature

à faire soupçonner des troubles hystériques. A l'âge de quatorze

ans elle eut ses premières règles ; c'est à la suite de cet événement

et à la faveur de déceptions d'ordre moral, ennuis, chagrins,

misère, que le premier accès véritablement psychpathique de sa

maladie actuelle, éclata. Des troubles profonds se montrèrent,

troubles imputables à ces deux étals maladifs : hystérie d'un côté,

déséquilibre psychique de l'autre, tous deux d'ailleurs fonction de

la dégénérescence. Deux mois après sa première apparition, la

menstruation s'arrêta, et de graves troubles physiques ouvrirent

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 161

la scène : douleurs gastriques, ballonnement du ventre, inappé

tence, bouffées de chaleur, douleurs dans la région ovarienne et

une sensation douloureuse qui, partant de l'estomac, montait à la

gorge et y provoquait une vive constriction avec sensation d'étouf-

fement (boule hystérique) ; quelquefois, ces douleurs arrivaient à

un tel point que la malade s'évanouissait, d'autres fois des crises

de larmes la soulageaient. C'était la véritable crise hystérique, qui

avait fait son apparition d'une façon évidente. D'autre part, du

côté de sa mentalité surgit l'idée tenace d'homicide, qui commence

dès lors et d'emblée à l'obséder : c'est l'idée de tuer tous ceux qui

se trouvent autour d'elle ; mais en même temps et comme par un

retour naturel cette obsession s'accompagne d'une vive crainte de

tout ce qui est capable de donner la mort : couteaux, aiguilles,

épingles, etc. Ce cortège de manifestations constituait le premier

accès de la maladie.

Ces idées, à la longue, préoccupaient moins l'esprit de la

malade ; celle-ci gardait l'espoir de s'en débarrasser et pouvait

continuer ses études. Puis brusquement elles surgirent de nouveau

dans son esprit et la tourmentèrent à tel point que la série des

troubles réapparut dans son entier : second accès paroxystique,

cette fois à l'âge de vingt ans.

L'éclosion de celui-ci eut lieu à la suite de deux événements :

10 Un trouble moral, un dommage considérable causé par un

prêtre à toute la famille de la malade, à tel point que l'évêque dût

s'en mêler; 2° la circonstance suivante : son père, instituteur,

faisait à cette époque une conférence sur les allumettes ; lorsqu'il

en vint à dire que le phosphore, qui entrait dans leur fabrication

était un poison énergique, la malade qui était présente, se troubla,

sentit une vive émotion et une profonde douleur du côté du

ventre : elle dit qu'à ce moment sa matrice a dû faire un énorme

mouvement de recul.

A dater de ce moment, elle tomba dans un état déplorable ; sa

santé physique était profondément atteinte : vives douleurs dans

le ventre, hyperesthésie dans la région des ovaires, boule hysté-

rique, crises nerveuses, évanouissements et tremblements muscu-

laires généralisés. Parallèlement à cet état physique, l'idée obsé-

dante d'homicide qu'elle présentait auparavant, mais fugace, se

montra exacerbée et prit des proportions plus fortes. L'impulsion

de tuer tous ceux qui se trouvaient autour d'elle et d'autant plus

qu'ils lui sont plus chers, spécialement son père, ne la quittait

plus; à la vue de celui-ci, l'idée surgissait dans son esprit et elle

avait beaucoup de peine à la dominer; de même, l'idée de mettre

du poison dans les aliments ; et par suite, comme la fois précé-

dente, se réveille encore la crainte de toucher à tout ce qui est en

état de donner la mort. A la cuisine, la vue d'un instrument tran-

chant réveillait l'idée d'homicide, mais l'idée d'y toucher la faisait

Archives, 2' série, t. XV. il

16l PATHOLOGIE MENTALE.

fuir. Elle luttait pour maîtriser ces pensées obsédantes et cette

lutte se traduisait par des manifestations, objectives réactionnelles :

angoisse extrême, respiration entrecoupée, tremblements généra-

lisés, troubles vasomoteurs, rougeur de la face, sueurs sut le front,

etc., à la longue la volonté et le jugement arrivaient à repousser

ces idées d'une manière lente,, mais elles n'étaient pas sans laisser,

des traces.

Son père, qui connaissait ces souffrances physiques et morales,

veilla pendant trois mois, nuit et jour auprès d'elle. Cet accès

dura environ six mois ; très fort pendant les trois premiers, beau-

coup moins pendant les derniers, où elle njavait que. de vagues

idées d'homicide, qui la tourmentaient bien encore continuelle-

ment, mais d'une façon moins intense. Puis, de nouveau, jusqu'à

vingt-cinq ans, tout alla bien, sauf quelques idées- fugitives qui

l'obsédaient de temps à autre. A cette époque, le troisième paro-

xysme survint lentement sans cause apparente et fut d'ailleurs

moins bruyant.

A vingt-cinq ans, elle entre dans un couvent, chargée de l'ins-

truction des enfants. Elle était contente de sa situation, et sa santé

était excellente, à part quelques troubles nerveux de nature

hystérique, quand, tout à coup, l'obsession refait. son apparition : , : .

à la vue des enfants, elle sent un vif désir de les tuer ; elle a

cependant l'énergie nécessaire pour lutter et.peul continuer à faire

la classe. Après quelque temps d'intervalle, on s'aperçut de son

état d'inquiétude et on lui donna congé. Tout, rentra dans l'ordre

avec le changement de milieu et ses idées obsédantes, cette fois,

disparurent un matin subitement sans laisser aucune trace, elle

put même reprendre ses occupations du couvent.

A vingt-six ans, quatrième accès épisodique dont la cause occa-

sionnelle fut une pleurésie, qui dura sept mois. C'est dans la con-

valescence de cette maladie, que les idées obsédantes, impulsions

homicides et idées d'empoisonner les aliments, réapparurent;

pendant huit jours, elles furent très tenaces, et, d'après le dire

d'une amie, il y a quatre ans, la malade alla même jusqu'à râper

des allumettes dans du civet de lièvre.et sentait, de nouveau un

désir de tuer les jeunes- enfants, qui se trouvaient, venir auprès

d'elle.

Ensuite vinrent des idées- mélancoliques- et, quelques idées de

suicide, mais sans que la malade fasse de tentative véritable;

d'autre part elle souffrait toujours du côté physique ; mais ces

souffrances l'inquiétaient moins que les obsessions maladives. Des

distractions et des promenades améliorèrent encore son état, elle ne

conserva que des douleurs dans les ovaires et un certain degré

de ballonnement du ventre.

II y a deux ans, une maladie de son père fut une nouvelle

cause pour l'éclosion de la cinquième poussée maladive. Pendant

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. '163

que celui-ci était malade, M. B... était chargé de lui donner les

soins nécessaires ; elle était bien portante du côté mental, mais

soudainement s'éveilla de nouveau en elle l'idée obsédante de

tuer son père ; toutes les fois qu'elle se trouvait en sa présence,

elle éprouvait une envie irrésistible soit de le tuer avec un instru-

ment, soit d'empoisonner ses aliments. Elle avait conscience de

cet état et en souffrait ; finalement, pour éviter tout dénouement

malheureux, elle s'empressa de quitter son père pour céder la.

place à sa soeur.

Peu de temps après, son père mourut, et la malade souffrant

énormément, rentra à Paris consulter le Dl' Soucques. Les soins

de celui-ci l'améliorent relativement..

Au printemps dernier, elle se trouve de nouveau sous l'empire

des idées noires, et dans un état physique déplorable, elle part

pour Lourdes, croyant par ce voyage rétablir sa santé, mais

n'y réussit pas. Cependant, un peu remise, elle va vivre à la cam-

pagne chez sa soeur ; la vie au grand air et le calme la soulagent.

mais petit à petit les vagues troubles physiques commencent à

prendre une allure manifeste, s'aggravent de jour en jour,

finissent par la décider à rentrer de nouveau à Paris consulter un

médecin. Il y a de cela sept semaines, quand, au moment de

partir dans ce but, un matin sans cause apparente, en dehors

de son état physique maladif, éclatent les idées obsédantes; cette

fois avec un cortège plus bruyant et tel qu'elle remarque une

moindre résistance de son esprit, moins de capacité à les dominer,

moins d'énergie dans la volonté qu'elle possédait auparavant. Ces

idées la rendaient en même temps mélancolique. Arrivée à Paris,

elle consulte le Dl' Charpentier, qui lui conseille d'entrer dans

une maison spéciale.

C'est dans ces conditions qu'elle entre à l'asile clinique dans le

service de M. Magnan. A l'asile, la malade présente une attitude

triste qui indique des souffrances profondes. Inquiète et décou-

ragée, elle nous répète souvent des phrases comme : « Je souffre

terriblement, ma tête est lourde, pourquoi donc ? Je sens ne plus

avoir de courage ni de volonté pour résister à mes idées, je suis-

dans un cercle d'où je ne crois pas pouvoir sortir. » Elle raconte

toute sa vie telle que nous l'avons décrite Elle présente un carac-

tère mobile et émotif. Les idées d'homicide et la crainte des objets-

qui donnent la mort, la, préoccupent spécialement d'une façon

continuelle et la tourmentent nuit et jour ; cette fois, elle se croit

prête à leur céder, ce qui la pousse à nous demander, si jamais,

commettant quelque acte délictueux, elle serait considérée comme

responsable. Ces idées envahissent totalement le champ de sa

conscience ; elle s'en rend parfaitement compte, et jamais l'impul-

sion n'est poussée jusqu'à l'acte. Mais par intervalles, les impulsions

sont plus fortes, et la malade se trouve alors dans un état d'anxiété

164 PATHOLOGIE MENTALE.

extrême, mais elle résiste et lutte avec beaucoup de force. Ces

accès paroxystiques s'accompagnent de troubles assez graves :

rougeur de la face, pouls rapide (118), respiration accélérée, grand

état émotif, maux de tête, etc. Il y a des jours au contraire où ces

idées sont moins intenses, où la malade paraît calme. Dans ces

intervalles, Marque B... est vive, son visage s'épanouit, aussi

essaie-t-elle de se donner du courage et de se distraire par la

lecture des vers d'André Chénier, Boileau, Heine ; tous ces

moyens lui'sont d'un grand secours contre ses singulières pensées.

Simultanément, elle souffre aussi du côté physique : des douleurs

atroces et continuelles dans les régions ovariennes, des troubles

gastriques divers, la bouche mauvaise, quelquefois une sensation

d'étouffement, sans la réelle constriction à la gorge; ce sont les

stigmates somatiques inhérents à l'hystérie ancienne ; pendant

son séjour à l'asile, elle n'a d'ailleurs jamais eu de vraies crises

complètes comme auparavant.

Peu à peu, et graduellement on remarque des rémissions de

plus longue durée; le traitement moral qu'on lui fait tous les

jours la rend plus confiante en elle-même, lui donne le courage

de lutter avec plus d'espoir d'être bientôt rétablie.

Dernièrement, elle a été soumise à deux séances d'hypno-

tisme.

Dans la première, la durée du temps nécessaire à l'endormir a

été plus longue (quinze minutes). Pendant l'état d'hypnose, surtout

au début, elle était excitée, et prononçait automatiquement des

paroles incohérentes :

« Pourquoi... malade... oh ! non... je ne guérirai pas... mon

Dieu... je ne veux pas faire du mal >, finalement, elle tomba dans

un sommeil,calme qu'on prolongea environ une heure. La sugges-

tion dans cet état l'a rendue à son réveil plus gaie et moins

inquiète ; ses idées obsédantes furent moins persistantes, la nuit

assez calme et elle a bien dormi. A la seconde séance, elle s'endor-

mit plus vite. De nouveau, excitée au début : « Oh ! ... le cerveau...

ça monte... non... ce n'est pas possible ». Elle se calma bientôt.

Les nuits et les jours de tranquillité qui succédèrent encore cette

fois, durèrent plus longtemps. Par intervalles ses idées font bien

derrechef leur apparition, mais beaucoup plus vagues et pour

disparaître ensuite. Malheureusement elle se décourage, ses

troubles physiques, qui continuent à persister, la crainte que sa

maladie va de nouveau éclater, consécutivement à la rémission

présente, attristent la malade, exagérant d'ailleurs ses souffrances.

Finalement cependant, les distractions, la lecture et surtout une

alimentation assez abondante, joints au traitement moral journa-

lier, amendent son état, de sorte qu'actuellement il ne lui reste

que quelques troubles somatiques (douleurs abdominales et mal

de tête).

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 16S

L'examen somatique de la malade ne révèle aucun stigmate

physique de dégénérescence, mais il fait découvrir en revanche

des signes bien nets d'hystérie : douleurs à la pression dans la

région des ovaires, légère boule hystérique ; troubles de la sensi-

bilité ; zones d'hyperesthésies mammaire et ovarienne ; pas d'hé-

mianesthésie, abolition du réflexe pharyngien, pas de troubles

oculaires, sauf un certain degré de myopie.

L'intérêt clinique de cette observation réside dans le

particularités suivantes : 1° Le syndrome homicide éclate

chez la malade par des accès paroxystiques à la suite

des causes occasionnelles et se répète à plusieurs reprises à

titre d'épisode. Dans les dernières périodes maladives, le

syndrome devient plus accentué, mais sans cesser de se

maintenir cependant sous forme d'impulsion (tendance) sans

jamais amener fatalement l'acte, contrairement à ce que

prétendent certains cliniciens ; 2° A côté du syndrome prin-

cipal, un état hystérique, et tous deux suivent une marche

distincte, n'ayant aucune relation de cause à l'effet que leur

origine commune : le terrain dégénératif.

OBs. II. Impulsion consciente au suicide (unique syndrome).

Idées mélancoliques secondaires par intervalles.

Souche, J..., âgée de trente-quatre ans, entre au service d'admis-

sion à Sainte-Anne, le 18 décembre 1901. Les renseignements sur

ses antécédents, quoique incomplets, sont tout de même suffisants

pour mettre en relief le rôle de l'hérédité.

Son père, alcoolique, est mort à un âge avancé à la suite d'une

fluxion de poitrine. Sa mère vit, est bien portante, nerveuse. Une

soeur est morte à la suite d'une paralysie survenue subitement.

Un oncle maternel aurait eu des idées noires ; parfois sans cause,

il devenait triste pendant plusieurs jours. La malade ne peut pas

nous fixer davantage sur ce point.

Dans les antécédents personnels de la malade on ne trouve ni

convulsions, ni maladie fébrile, ni trouble mental nettement

caractérisé. Elle a fréquenté régulièrement l'école jusqu'à l'âge de

douze ans; elle était d'un tempérament doux, devenait cependant

parfois mélancolique. Mariée à dix-neuf ans, elle eut 6 enfants et

deux fausses couches : la première de deux mois et l'autre de six

semaines. Ses enfants sont bien portants.

Au mois de décembre 1900, M. Souche a perdu un garçon de

seize ans, qui s'est suicidé à la suite d'une fièvre typhoïde. Ce

malheur l'attrista au point d'inquiéter son mari, qui lui fit consul-

166 PATHOLOGIE MENTALE.

ter un médecin. Les soins de celui-ci l'améliorèrent et bientôt, dans

une parfaite santé, elle reprit ses occupations.

Enfin il y a cinq mois, sans cause appréciable, sans qu'aucune

émotion ou ennui, soit domestique soit d'autre nature, puisse en

faire découvrir la genèse, brusquement, l'idée du suicide surgit

dans le cerveau de la malade. Cette idée obsédante n'avait aucune

relation avec le souvenir douloureux de la mort de son enfant,

elle s'éveilla tout à coup, la poursuivit 'pendant toute une nuit et

dès le lendemain, d'une façon automatique, elle passait à l'acte,

sans lutte, sans résistance.

Le syndrome ainsi caractérisé se présenta, trois fois, et chaque

fois la malade tenta de se suicider.

La première fois, il y a cinq mois, la malade en parfaite santé,

donnait des soins à ses enfants, lorsque subitement, l'idée de se

tuer lui vint, elle trouve par hasard dans la maison un flacon de

laudanum et en avale le contenu; le médecin appelé en toute hâte

lui prodigue les soins et la sauve.

Elle reprend son travail; mais il y a deux mois, l'idée de suicide

germe de nouveau, subite, impérative ; c'était la nuit, au matin

elle sort de chez elle pour exécuter son idée; elle veut se jeter à

l'eau; en route ses réflexions et l'idée de ses cinq enfants la

détournent un moment de sa préoccupation obsédante, absurde,

et le soir à quatre heures, elle rentre chez elle.

Enfin, il y a trois semaines, toujours sans cause et en parfaite

santé, elle quitte brusquement son logis, parce que cette même

idée de suicide la tenaille à nouveau; elle marche longtemps sans

savoir de quel côté elle se dirige et arrive dans une forêt (qu'elle

sut être plus tard près de Versailles) ; elle y resta sans manger pen-

dant cinq jours, espérant mourir de la sorte. Des gendarmes l'ayant

rencontrée et questionnée, l'amenèrent à Paris.

Elle fut admise a l'asile le 18 décembre 1901. A l'entrée, la ma-

lade est triste, rêveuse, indifférente. Assez intelligente, elle répond

avec précision et lucidité à nos questions, de sorte que rien ne

trahit un trouble quelconque des facultés mentales. Lorsqu'on lui

demande le motif qui l'a poussée à l'acte pour lequel elle a été "

amenée à l'asile, elle répond : « Je ne sais pas, l'idée de me tuer

m'est venue tout d'un coup sans raison aucune; c'est plus fort que

moi. » Cette phrase indique clairement que l'apparition de l'idée

obsédante a lieu dans son esprit d'une façon brusque, que son exé-

cution suit sans lutte ni réflexion préalable.

A la suite de nos questions sur l'idée qui s'est emparée de son

cerveau, la malade commence à pleurer et finit par s'étonner elle-

même des idées bizarres et absurdes qui l'accaparent à certains

moments et de l'impuissance où elle se trouve à les maîtriser.

Elle est calme pendant son séjour a l'hôpital, cependant à deux

reprises, pendant la nuit, elle a eu de nouveau des idées-noires ;

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 167

elle pleure, mais n'y donne pas suite. Elle n'a pas présenté d'hal-

lucinations. Son état mélancolique ne s'expliqne que par le trouble

moral auquel £ elle est sujette : se donner la mort alors qu'il

n'existe nulle cause, nul motif appréciable. Finalement, après dix

jours d'observation, la malade, moins inquiète, est envoyée à

l'asile de Maison-Blanche, dans un état d'amélioration sensible.

Chez cette seconde malade, nous remarquons que le syn-

drome suicide existe seul ; l'idée obsédante survient d'une

manière brusque, sans nulle réflexion antérieure, et pousse

la malade à l'exécution de l'acte instantanément ; aucune

résistance ou lutte n'existe de sa part.

Pour en finir avec ce genre d'impulsions, nous devons

rappeler que de pareils individus ne sont guère responsables

de leur crime. A ce titre donc, les syndromes s'imposent à

l'expert comme un acte d'aliénation mentale et au magistrat

comme un fait marqué d'irresponsabilité.

OBs. III. Dégénérescence mentale; obsessions et iii2l) ? ilsioiis mor-

bides, doute, crainte, perversion sexuelle.

Marie Ange C..., âgée de quarante-un ans entre à l'admission

de Sainte-Anne le 11 mars 1899.

On trouve dans ses antécédents une morbidité bien manifeste.

Une tante maternelle vésanique morte dans un asile à Rennes;

'la mère morte paralysée. Son père, faible d'esprit, mort^à la suite

d'une attaque d'apoplexie. Ses deux soeurs nerveuses excentriques.

Son frère faisant une bouffée de délire avec des idées de persécu-

tion ; il disait qu'on voulait lui faire du mal et lui prendre son

poste; à cause de ses idées, il dut quitter le service pour rentrer se

soigner chez lui; actuellement il est rétabli.

La malade a été bien portante pendant son enfance. Elle n'a

jamais eu de fièvres graves ni de convulsions. Seulement à .l'âge

de vingt ans, elle fit une fièvre typhoïde. En outre, elle avait un

caractère bizarre; parfois elle devenait sombre et par moments pré-

sentait des crises de rires et de larmes sans motif.

A l'âge de douze ans, elle se livra à la masturbation. L'idée lui

vint de la manière suivante. A l'école pendant qu'elle allait au cabi-

net, étant obligée d'attendre son tour, de peur d'uriner sur son

linge, elle mettait sa chemise, jupe et robe entre ses cuisses, de

sorte que le tout touchait les parties génitales; puis elle serrait

les cuisses l'une contre l'autre avec force en les frottant et les

remuant continuellement. Petit à petit, elle éprouvait du plaisir

et une jouissance charnelle, à la suite desquels, quelques gouttes

mouillaient son linge. Depuis cet instant elle continuait à exercer

168 PATHOLOGIE MENTALE.

cette manoeuvre plusieurs fois par jour et souvent pendant la nuit ;

jamais la malade n'exerçait l'onanisme digital.

A dix-sept ans, elle cherchait à se procurer des sensations

voluptueuses d'une autre façon; elle se suspendait aux arbres et

se frottait ses cuisses, tenant'sa chemise serrée entre ses jambes.

A l'âge de vingt ans, la malade eut les premiers rapprochements

sexuels. De vingt-un à vingt-sept ans, elle cessa subitement sa

mauvaise habitude. A vingt-sept ans, elle la reprit de nouveau.

Cette fois, pendant qu'elle se livrait à cet acte pervers, elle cher-

chait à s'exciter par toutes sortes d'idées que créait son imagina-

tion, idées liées aux sensations qu'elle avait éprouvées lors de son

premier coit.

La malade, par suite de l'onanisme répété, éprouvait du prurit

vulvaire. Les lèvres de ses organes génitaux étaient devenues vio-

lacées et semées de petits boutons. Enfin une sécrétion blanchâtre

s'écoulait de ses parties sexuelles.

A trente-huit ans, Marie-Ange C... se maria, mais tout de même

continua son ancienne mauvaise habitude, car elle affirmait que

les rapports sexuels lui donnaient moins de sensations voluptueuses

que l'onanisme exercé à sa manière.

' Toujours à la.même époque, elle était devenue plus irascible, se

mettait souvent en colère pour peu de chose; c'est alors que son

excitation génésique augmentait et qu'elle se livrait avec plus

d'acharnement à la masturbation.

En même temps. la malade se sentait poussée à des actes extra-

ordinaires : une impulsivité de casser la vaisselle, casser des

épingles, des aiguilles; dans la rue, une force irrésistible la pous-

sait à lancer avec les pieds les pierres qui se trouvaient sur son pas-

sage, à donner des coups aux personnes qui passaient à côté

d'elle. Elle était consciente de toutes ces idées bizarres, mais elle

ne pouvait pas s'en rendre maitresse.

Il y a trois ans, pendant qu'elle était concierge, et elle devait

rendre les comptes au gérant, un jour, elle crut avoir donné une

somme inférieure à celle qu'elle devait. Depuis ce moment, elle est

triste, préoccupée, inquiète, elle doute à chaque instant si elle n'a

pas égaré quelques billets de banque. Puis l'idée que des billets

de banque existent partout et une véritable crainte pour ceux-ci,

s'emparent de son cerveau et marquent dès lors l'idée obsédante

principale de son état maladif.

Comme contre-partie de ce doute et crainte de voler des billets

de banque, elle éprouvait une vive impulsion à s'emparer des por-

tefeuilles des gens pour voir s'ils n'en contenaient pas. Ainsi, dans

la rue, elle était poussée à fouiller dans les serviettes et poches des

gens croyant qu'ils y contenaient des billets avec et malgré sa

crainte de les leur arracher et de les déchirer. Pour éviter tout

incident elle luttait pour arriver à traverser le trottoir. Son unique

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 169

désir était de déchirer les billets et surtout de leur enlever les

quatre numéros des coins. Dans sa crainte de le faire, elle ramas-

sait des ordures, légumes ou autres objets, les rongeait et les

examinait en détail pour se convaincre qu'ils ne contenaient pas

de billets de banque.

Toutes ces manifestations morbides lui causaient des troubles

physiologiques qui Raccompagnent généralement tous les syn-

dromes : angoisse extrême, palpitations, congestion de la face,

obnubilation de la vue ; pour pouvoir lutter et résister, elle serrait

les mains, croisait les bras, mais surtout elle frottait ses cuisses,

de sorte qu'elle excitait de nouveau son ancienne mauvaise habi-

tude.

Il y a deux ans, à la suite de ces troubles, il lui surgit l'idée

obsédante qu'elle ne voit plus clair et surtout qu'elle ne peut plus

distinguer les couleurs; souvent alors elle demandait à son mari

de la conduire chez un médecin afin de l'examiner et la rassurer de

la maladie dont elle souffre du côté des yeux.

A la longue, des états secondaires alternatifs de dépression et

d'excitation apparurent graduellement, et son état allait s'aggra-

vant. Elle ne voulait plus manger, négligeait totalement son inté-

rieur ; tout ce changement se rapportait à l'obsession, aux idées de

doute et de crainte qu'elle éprouvait pour les billets de banque.

Son physique laissait aussi à désirer : fatigue générale, inappétence,

constipation, sensation générale de faiblesse et de douleur le long

de la moelle épinière.

Dans cet état, la malade est amenée à Sainte-Anne. A l'asile,

elle est triste, déprimée, anxieuse. Tous ces troubles morbides

remontent à une époque ancienne et ont suivi les étapes succes-

sives que nous avons détaillées. La perversion instinctive du début

n'étant que la première manifestation saillante de l'état psychopa-

tique plus marqué et plus tenace, qu'elle devait présenter plus

tard.

Tous ces troubles maladifs actuels pivotent autour de l'idée obsé-

dante du doute et des billets de banque. Elle croit les apercevoir

partout. A la vue des billets. elle est vivement impressionnée, res-

sent une forte angoisse, sa face rougit et elle recule vivement,

craignant de les toucher. Parfois, elle se sent poussée à fouiller

dans les lits des malades pour voir s'il n'y existe pas des porte-

monnaies, afin de se persuader qu'ils ne contiennent pas des billets

de banque.

Dans les premiers jours, elle repousse les aliments, petit à petit

elle les accepte, mais les examine attentivement, les coupe en

petits morceaux, car elle doute si elle ne va pas y rencontrer des

billets. Quelquefois elle refuse de manger du pain. « Le pain me

fait pourrir le sang et les miettes me sautent aux yeux, dit-elle».

Par ses réponses, elle cherche à cacher la vérité, mais en réalité

170 PATHOLOGIE MENTALE.

c'est qu'elle craint la présence des billets même dans le pain. Aussi

prétend-elle ne pas voir clair et ne pas distinguer les couleurs,

mais tout cela se réduit à une même cause : la crainte des billets ;

il ne suffit pas qu'on lui nomme la couleur, elle veut aussi qu'on

lui écrive, parce qu'elle doute si au milieu du bruit fait par les

malades elle n'a pas entendu le nom de la couleur, et que cela

pourrait être des billets de banque, qui se trouveraient là et dont

elle ne distinguerait pas la couleur.

La malade met trois heures à s'habiller et déshabiller, examine

en détail son linge toujours de peur d'y trouver caché des billets

de banque ou des porte-monnaies.

Parfois. la malade est agitée, profère des invectives surtout quand

elle ne peut s'endormir; elle a aussi des excitations génitales après

les douches. Petit à petit, elle devient plus calme et moins

anxieuse; le traitement moral du médecin influence énormément

sur l'état de la malade; enfin, au bout de seize mois elle arrive à

se rétablir complètement.

Actuellement, M. A. C... est lucide, ne présente plus aucune idée

obsédante, elle regarde et touche sans émotion des billets de

banque. Bref, elle constate l'absurdité des singulières idées, qui

s'étaient emparées d'elle il y a quelques mois.

Chez cette malade, nous constatons donc une coexistence

d'un certain nombre d'obsessions et impulsions. La folie

du doute est associée non seulement au délire du toucher,

mais aussi à une foule d'autres phénomènes syndromiques.

Tous ceux-ci apparaissent petit à petit et se succèdent dans

une période de cinq années, époque qui marque le début

de ses troubles. La maladie a duré longtemps et a fini parla

guérison. Ce mode de terminaison se rencontre générale-

ment. Nous verrons ultérieurement les opinions qu existent

sur la folie du doute et les différentes objections dont elles

sont susceptibles au point de vue clinique.

OBs. IV. Dégénérescence mentale; impulsions (tit vol et au sui-

citie, perversion de l'instinct accompagnant l'acte délictueux ; crises

hystériques.

Marie-Louise F..., âgée de quarante-cinq ans entre à l'admission

de Sainte-Anne le 17 février 1902.

Son casier héréditaire est manifestement chargé. Le grand père

maternel était alcoolique. Son père, hystérique, est mort à la suite

d'une crise; était porté souvent aux idées noires et restait des

semaines entières sans parler. Sa mère, morte à quatre-vingts ans

à la suite d'une attaque d'apoplexie; avait des idées de suicide,

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. lui t

mais n'a fait jamais aucune tentative. Une sceurde la malade s'est

suicidée à l'âge de vingt-quatre ans. Elle avait des crises hysté-

riques et à la suite d'une de ces crises elle s'est noyée. Une autre

est morte phtisique.

La malade ne commença à parler qu'à l'âge de cinq ans et avec

grande difficulté; deux ans après, elle eut unetfievre cérébrale qui i

lui est survenue à la suite d'une frayeur causée par un individu qui

courait après elle dans la rue, l'accusant de lui avoir volé un petit

chien. Dans son enfance, la malade était triste, craintive et cher-

chait la solitude; avait souvent des maux de tête et par intervalles

devenait irascible. Elle alla à l'école jusqu'à l'âge de quinze ans;

c'est à cette époque que les crises hystériques firent leur appari-

tion. Elles étaient précédées d'un état d'énervement, de sensations

de fourmillements dauslos bras, elle devenait anxieuse et finale-

ment la crise éclatait.

Elle se caractérisait par un gonflement et une douleur dans le

ventre, une sensation de boule hystérique avec étouffement et

ensuite elle tombait raide. L'apparition de cette névrose hysté-

rique n'est marquée par aucun événement important. Petit à petit

les crises se répètent plus souvent et la rendent incapable de con-

tinuer l'école. C'est alors que la malade commença la couture. En

même temps, Marie-Louise F... avait des idées vagues de tristesse

et ne demandait qu'à mourir.

A dix-sept ans, elle eut ses règles pour la première fois. A cette

époque elle fit une fièvre typhoïde grave, qui dura huit mois, à la

suite de laquelle survint la danse de Saint- Guy. Tout son corps

tremblait et même la bouche, dit la malade, ce qui lui créa une

certaine difficulté pour s'exprimer.

A l'âge de vingt ans, à cause de ses crises hystériques répétées

et de chorée, la malade fut internée à l'asile de Bron (Lyon), d'où

elle sortit améliorée.

A trente-huit ans, elle quitte Lyon pour venir à Paris où elle

reprit la couture; mais bientôt, le maniement de la soie l'énervait

énormément et lui provoquait des crises presque chaque semaine.

Toujours à cet âge elle fit une seconde fièvre typhoïde plus forte

que la première : à la suite de celle-ci, elle devint plus obtuse, et à

la même époque lui surgit l'idée de l'impulsion au vol. Cette

impulsion lui apparaissait brusquement et était suivie toutes les

fois par l'accomplissement de l'acte; la lutte de sa part était

presque nulle.

L'impulsion au vol présentait deux particularités : l'objet de

l'acte impulsif qui était toujours la soie et de préférence la soie

rouge; ensuite l'accomplissement de l'acte qui s'accompagnait de

l'orgasme génital. Ce genre d'éréthisme sexuel s'exécutait d'une

façon brusque au moment où elle touchait la soie et s'exagérait

même par le froissement de celle-ci ; progressivement, elle était

172 -) PATHOLOGIE MENTALE.

prise par une sorte de convulsion génitale, des sensations volup-

tueuses suivaient et finalement elle se sentait mouillée. A la suite

de ces phénomènes, survenait le soulagement (l'acte impulsif

étant accompli) et une fatigue générale (à la suite du plaisir

sexuel).

Pendant que la malade travaillait la couture, elle volait la soie

du magasin où elle était employée; plusieurs fois sa fille, qui con-

naissait son habitude, reportait la soie le lendemain à la patronne.

Depuis deux ans, elle est simplement vendeuse dans les magasins,

ne travaillant plus la soie qui la rendait nerveuse et lui provoquait

des crises répétées.

Malgré tout, elle restait sujette à l'impulsion du vol. Le plus

souvent, l'acte était commis aux Magasins du Bon Marché. A la

suite d'un vol commis dans ce magasin, la malade fut condamnée

à six mois de prison. Elle accomplissait cette peine, quand, à la

suite des crises répétées qui la rendirent trop malade, elle fit voir

ses habitudes maladives, et fut mise en liberté. A part ces impul-

sions au vol, la malade présentait continuellement des idées vagues

de suicide qui par intervalles devenaient telles, qu'elles poussaient

celle-ci à l'acte. C'est à la suite de ces idées qu'en 1899, elle se

coupa à la main droite avec un couteau ; puis, elle tenta à plusieurs

reprises de s'étrangler et de se jeter par l'escalier. Toutes les fois

qu'elle se trouvait près d'une fenêtre, elle se sentait poussée à s'y

jeter; l'espace m'attire, nous dit-elle.

Il y a un an elle fut amenée à l'asile clinique à la suite d'une

chute qu'elle fit volontairement par une fenêtre du deuxième étage

de la maison qu'elle habitait. Transportée à l'asile de Maison-

Blanche, elle y resta trois mois.

Un jour du mois de janvier dernier, elle fut reprise par l'idée de

suicide, survenue à la suite d'une crise hystérique. Elle sortit de

chez elle et se dirigea vers la ligne du chemin de fer de ceinture

ayant l'intention de se jeter sur les rails au passage d'un train. Sa

fille, qui comprit son dessein, courut après elle et arriva à temps

pour l'empêcher de mettre à exécution son funeste projet; à la

suite de cet événement elle devint triste jusqu'au lendemain, quand

tout à coup se substitua à l'idée précédente, l'impulsion au vol

qui s'empara de son esprit subitement. Elle sort à l'instant, prend

une voiture, sans même être complètement habillée et se dirige

vers le magasin du Printemps, y entre et vole un paquet de soie.

L'acte accompli s'accompagne de sensations volupteuses habi-

tuelles. Ensuite, fatiguée, elle s'assied sur un banc qui se trouvait

à proximité; c'est à ce moment qu'elle fut arrêtée pour être ame-

née à l'infirmerie et de là à Sainte-Anne.

La malade présente une faiblesse marquée du côté intellectuel

et principalement de la mémoire ; lucide d'ailleurs, elle nous

raconte très nettement lous ces incidents. Du côté physique, elle

' DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 173

présente des signes hystériques manifestes : un rétrécissement du

champ visuel très net surtout de l'oeil droit ; diploplie avec

amblyopie, et quelquefois les objets lui dansent devant les yeux ; -,

douleur à la pression dans la région épigastrique et ovarienne,

hémianesthésie du côté droit.

La malade à l'asile a parfois des idées noires ; elle se sent

énervée, frotte constamment ses mains, ne peut rester en place,

pleure par intervalles.

M.Louise F... a deux enfants dont une fille de ^quatorze ans,

nerveuse, souffre de douleurs dans le ventre et par moments s'éva-

nouit ; a la même maladie nerveuse que sa mère ; un fils, faible

d'esprit, est porté aux idées noires ; il a l'air de réfléchir conti-

nuellement, dit sa mère'.

Cette observation constitue un exemple frappant de la

coexistence possible d'une complexité des troubles mentaux

syndromiques et névrosiques qui, tant variés qu'ils se pré-

sentent, apparaissent et se répètent aux différentes époques

de la vie de la malade. Tous sont greffés sur un même

terrain : la dégénérescence, créée d'une part par une hérédité

chargée, et de l'autre par des maladies fébriles surtout

la fièvre typhoïde qui viennent renforcer cet état dégénératif

héréditaire.

OBs. V. Coexistence des troubles variés chez une dégénérée sur-

venant à différentes époques de sa vie : syndromes épisodiques,

délire mélancolique, délire mystique.

Zoé-Constantine M... entre pour la troisième fois à l'Admission

de Sainte-Anne le 23 février 1902. Les renseignements sur ses

antécédents héréditaires sont incomplets, mais son histoire trahit

suffisamment l'état dégénératif manifeste. Le début de sa maladie

remonte à l'âge de trente-quatre ans. Jusqu'à ce moment, la

malade était bien portante sauf le caractère un peu triste et

assombri qu'elle présentait dès son enfance même.

En 1890, date de son premier épisode morbide, elle devint tout

- d'un coup scrupuleuse, craintive et douteuse. Ces phénomènes

insolites prirent des proportions telles que petit à petit ils se trans-

formèrent en véritables obsessions morbides. Elle avait la crainte

des aiguilles, du verre et du feu ; elle ne pouvait pas voir une

bougie allumée sans avoir peur de voir s'allumer un incendie. La

malade avait surtout la crainte de blesser sa fille ou une personne

'Cette malade. selon les renseignements du M. le D'Garnier, médecin

en chef de l'Infirmerie du Dépôt, aurait subi en tout 16 condamnations

à la suite des nombreux vols commis dans les magasins.

171, pathologie mentale.

de son entourage chaque fois qu'elle ouvrait une porte. Quand

elle se trouvait dans la rue, elle redoutait d'être écrasée par les

voitures qui passaient près d'elle ; toutes les fois qu'elle se trouvait

près d'un arbre elle avait la crainte de ne pas s'accrocher à lui, et

quand elle s'éloignait, elle se retournait, demandant à sa fille qui

l'accompagnait s'il ne lui était rien arrivé. De même en achetant

un objet, après l'avoir payé, elle doutait si elle n'avait pas donné

moins que la somme due. Toutes ces obsessions de doute et de

crainte s'accompagnaient des- troubles physiologiques : palpita-

tions, angoisse. A la longue, elle était devenue anxieuse et sou-

vent pleurait, sentant elle-même la bizarrerie de ses idées. C'est

dans ces conditions qu'elle fut internée à l'asile pour la première

fois il y a treize ans. Après un séjour de trois mois, complètement

remise, sans aucune trace de ces troubles, elle quitta l'asile.

Après un intervalle de onze ans, en juin 1901, dans un état de

parfaite santé, elle fut prise d'une bouffée de troubles délirants

tout différents des premiers ce qui causa son second internement.

C'était un état de dépression mélancolique avec hallucinations

multiples de l'ouïe et de la vue, idées de culpabilité et de persé-

cution, et quelques anciennes idées de doute. La malade s'imagi-

nait que des assassins étaient cachés dans le grenier de la maison

où elle habitait, qu'elle les entendait marcher, que son mari la

faisait suivre par la police ; amenée peu après à l'asile, elle croyait

que des gens se trouvaient au-dessous de son lit, exprès pour la

surveiller ; elle entendait leurs pas. Elle se croyait criminelle et

demandait qu'on la punisse de suite pour le crime dont on l'accu-

sait. Trente jours après, la malade est sortie complètement guérie.

Elle alla passer deux mois à la campagne, et revint à Paris au

mois d'octobre 1901. Petit à petit apparurent dans- son cerveau

de nouvelles idées encore différentes des autres. Celles-ci s'accen-

tuèrent et arrivèrent à constituer son troisième accès maladif. Elle

devint au début très religieuse, allait chaque jour à l'église

(auparavant, elle n'y allait pas même le dimanche). Elle restait

longtemps sans parler, négligeait son intérieur pour aller à la

messe ; elle n'y amenait jamais ses enfants. Toutes les fois qu'elle

passait devant une église, elle y entrait. Un jeur elle dit à son

mari- qu'on l'empoisonnait, qu'on l'électrisait, qu'elle sentait

l'odeur du soufre ; plus souvent elle criait au. secours ; et la-nuit

elle ouvrait les fenêtres non pour se jeter, mais pour se

donner de l'air, disait-elle, car elle étouffait. Elle lisait

continuellement son livre de messe et à haute voix ; faisait : des

prières, implorait Dieu. Elle-n'a jamais tenté de se faire du.mal.

Ses troubles s'aggravèrent et on l'interna à l'asile Sainte-Anne

pour la troisième fois le 25 février. 1902. La malade à l'entrée

piésente cette fois des idées mystiques qui prédominent dans le

tableau morbide ; en outre des préoccupations hypocondriaques

DES OBSESSIONS ET IMPULSIONS. 175

et quelques idées mélancoliques, elle se plaint d'étouffements.

battements de coeur, ses nuits sont agitées de visions nocturnes,

elle s'imagine qu'on veut lui faire du mal, à la suite d'une entero-

clysme, elle accuse des douleurs dans le rectum et qu'elle n'est plus

en état d'aller à la selle. Ces troubles diminuent sensiblement et,

au bout de trois jours la malade devient lucide ; tout avait

disparu, elle ne sentait plus qu'une fatigue générale.

Analysant cette observation, nous saisissons ces faits

caractéristiques : La malade a présenté, dans l'intervalle de

treize années, trois épisodes morbides avec des troubles nette-

ment distincts, qui se sont montrés à des époques variables.

Premier épisode : Des obsesions et impulsions morbides :

doutes, craintes, scrupules.

Dans le second, un état de dépression mélancolique avec

hallucinations, idées de culpabilité et de persécution ; enfin

pour le dernier : délire mystique avec préoccupations hypo-

condriaques marquées. -

Voilà donc que la clinique nous montre trois espèces de

troubles- qui, quoique en apparence différents pour chaque

époque maladive, au fond appartiennent tous à une même'

base commune : la dégénérescence.

Relativement au terrain, jamais on ne pourrait considérer

ces troubles comme trois maladies distinctes adéquates aux

trois périodes, car dans ce cas il faudrait créer trois états

différents qui seraient liés à chacune de ces périodes mort

. bides.

De cet exposé enfin, tel qu'il nous est montré par la

clinique, nous croyons devoir faire ressortir quelques parti-

cularités concernant un certain nombre de syndromes

importants.

Le groupe des obsessions et impulsions à l'homicide et

suicide présente quelques caractères spéciaux. L'idée obsé-

dante est plus tenace, la lutte de la part du sujet est accrue

par la volonté qui s'oppose avec une plus grande énergie,

enfin la torture morale arrive au maximum. En ce qui con-

cerne l'exécution de l'acte nous devons ajouter, et avec

beaucoup de justesse, que M. Magnan distingue deux varié-

tés d'impulsions.

Dans la première variété, la décharge est brusque, auto-

matique, sans nulle résistance ou' réflexion antérieure du

176 PATHOLOGIE MENTALE.

sujet (seconde observation) ; dans la seconde, l'individu

se rend longtemps maître de son idée obsédante, ou bien, à

l'instant même où il se voit sur le point d'y céder, il a

recours à l'appui d'un parent ou à un autre moyen quel-

conque ; « il prévient son entourage », selon l'expression de

M. Magnan (seconde observation).

Enfin au point de vue médico-légal, les individus qui

commettent les crimes sous l'influence de ces impulsions

morbides, ne sont pas responsables ; et de pareils individus

de même que le prétendu criminel-né de Lambroso, ne sont,

comme nous l'avons vu, que des déséquilibrés appartenant

à la grande famille des dégénérés.

Le second syndrome, la folie du doute, demande aussi

quelques commentaires à cause des différentes interpréta-

tions qu'il a reçu de la part des aliénistes.

Falret père, qui décrivit la folie du doute pour la pre-

mière fois, d'une façon admirable, commit cette grande

faute de trop l'isoler. Il fit du syndrome une maladie distincte

avec une marche progressive et un pronostic défini : l'incu-

rabilité.

Legrand du Saule dans sa monographie, l'associe au délire

du toucher; pour lui, ce rapport intime existe nécessaire-

ment et l'apparition du délire du toucher marque le début

d'une seconde période dans l'entité morbide formée par

cette association. A l'heure actuelle, il y parmi les cliniciens

un certain nombre d'entre eux qui embrassent encore ces

idées. Pour M. Magnan et pour nous, nous sommes loin

d'envisager la folie du doute sous un pareil aspect ; elle ne

constitue qu'un syndrome qui peut exister en clinique, soit

isolément, soit parfois associée au délire du toucher, et cela

de préférence seulement, car on peut la rencontrer aussi avec

d'autres états syndromiques.

Le pronostic est habituellement favorable, mais à la con-

dition capitale de ne jamais négliger le malade, de l'avoir

chaque jour sous les yeux, de lui instituer un traitement

médical et moral continus.

Cette dernière manière de voir est d'ailleurs justifiée par

toutes nos observations.

Enfin, les autres syndromes relatés dans nos cas

donnent une idée nette des caractères généraux indiqués au

commencement de ce travail.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 177

Bref, comme conclusion, nous estimons pouvoir affirmer

que cette étude nous montre une fois de plus que les

syndromes épisodiques, quelque variés qu'ils soient, appar-

tiennent au même fond : la dégénérescence mentale; d'autre

part, elle nous permet de nous placer sur le terrain solide

de la clinique dans l'appréciation médico-légale des actes

délictueux et criminels accomplis, par des individus appar-

tenant à la grande classe des dégénérés.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. Une observation de sein hystérique; par le D1' Lannois. (Nouv.

Iconogn. de la Salpèlrière, n° 5, 1901).

Gonflement considérable du sein droit chez une femme à petites

crises. Ce gonflement. s'exagère sous l'influence des émotions,

diminue dans l'état de calme et sous l'action d'une simple bande

de flanelle. Plusieurs médecins conseillent l'ablation. Un chirur-

gien refuse d'intervenir. Intérêt du diagnostic au point de vue du

traitement.

IL Paralysie du nerf cubital et contracture consécutive « Main

en pince a ; par le Dr de LÉo.-4, (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière,

11 J, 1901.)

Deux observations de déformation de la main, selon le type

décrit par Duchenne, de Boulogne, dans la rétraction de l'arcade

palmaire : le premier cas, chez une femme dont la paralysie du

nerf facial se manifesta au réveil chloroformique, après une lapa-

rotomie. Un mois plus tard, la main présentait la déformation en

pince. La genèse exacte de cette paralysie, affirmée par l'examen

électrique, n'a pas pu être éclairée ; le deuxième cas, chez un

homme qui, de longues années avant, avait reçu une balle dans

l'avant-bras ; traumatisme suivi aussitôt de la paralysie de la

main. '

1H. Un cas d'ostéite déformante de Paget avec mélanodermie ;

autopsie; par L. HnoELO et J. IIEITZ. (Nouv. Icoraogu. de la Sal-

pétrière, n" 5, 1901.)

Observation clinique suivie d'un examen nécropsique et histolo-

bidule méticuleux de tous les organes, et, en particulier des os

Archives, 2- série, t. XV. 12

n8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lésés (fémurs et os de la jambe). Les particularités de cette obser-

vation, qui la distinguent d'autres cas similaires sont : l'intégrité

des os du crâne, la profonde altération des os de la jambe, allant

d'un côté jusqu'à la fusion à peu près complète du tibia et du

péroné. L'absence de lésion cardiaque, malgré' un degré très

avancé d'arlério-sclérose généralisée, l'intégrité de l'appareil cir-

culatoire du cerveau et de la grande pituitaire, l'altération pro-

fonde du corps thyroïde, du foie, de la rate, des reins et des cap-

sules surrénales. Les auteurs passent en revue les différentes

hypothèses mises en avant jusqu'à cejour pour expliquer la patho-

génie de la maladie de Paget : lésion médullaire; lésion d'une

glande vasculaire sanguine, athérome de l'artère nourricière de

l'os, et concluent que la lésion initiale de cette affection reste

obscure.

IV. Sur le trophoedème ; par Henry IEIGF. (Nouv. Iconogr. de la

Salpétriêre, n° 6, 1901).

L'auteur rappelle les différentes observations d'oedèmes dystro-

phiques antérieurement publiées, particulièrement les plus récentes,

de Vigoureux, Prathon, Rapin, Hertoghe, Mabille, et qui, sous des

appellations différentes, peuvent être, comme il l'a proposélui-même,

rangées dans un groupe spécial, sous le nom de trophoedème,

« caractérisé par un oedème blanc, dur, indolore, occupant un ou

plusieurs segments de l'un ou des deux membres inférieurs, et per-

sistant la vie entière, sans préjudice notable de la santé, pouvant

être tantôt isolé, tantôt héréditaire et familial et peut-être congé-

nital ». La nature, l'origine et les causes de cette dystrophie par-

ticulière, sont encore incertaines et ne pourront être éclairées que

par des constatations anatomiques qui sont à faire.

V. Contribution à l'étude du trophoedème chronique ; par IlER-

togiie. Ico ? zog7,. de la Salpél ? ,ièie, n° 6, 1901.)

Trois observations de trophoedème intéressant, dans deux cas.

un membre inférieur, dans le troisième, la face, avec caractères

d'hypothyroïdie. L'auteur signale cette parenté entre l'appauvris-

sement thyroïdien et le trophoedème : et aussi l'inefficacité du trai-

tement thyroïdien employé par lui. Il est porté à attiibuer cet

insuccès à l'insuffisance des méthodes suivies jusqu'à ce jour.

VI. Observation de trophoedème; par Mabille. (lTOItV. ICOI ? Ogl'. de Itl

Sa<p<nc7'e, n° 6, 1901).

OEdème chronique considérable des deux membres inférieurs

tout entiers chez une femme de dix-huit ans. Ayant évolué len-

tement, depuis l'âge de dix ans, à la suite d'un traumatisme cra-

REVUE DU PATHOLOGIE NERVEUSE. 179

uien compliqué de troubles choréiques et d'hémiplégie gauche.

Dans toutes les observations qui précèdent, l'oedeme présente les

caractères décrits plus haut par Meige.

Vit. Sur une forme d'hypertrophie des membres; par E. Rapin.

(oMt)./M) ! oa')'.de/a5a< ! 'tgt'e, n'G. 1901.)

Trois observations de trophoedème intéressant : l'une (enfant de

vingt mois) le membre inférieur gauche, la deuxième (femme de

cinquante-deux ans) le membre inférieur gauche avec début à

l'âge de quatorze ans, la troisième (femme de trente ans), les deux

membres supérieurs et la moitié droite de la face avec début con-

génital.

VIII. Nouveaux détails sur la paralysie asthénique, dont una

observation avec autopsie; parS. Goldfum. (-YCIII-010g. Ce21ti-albl.

xxi, 1902.)

Gros mémoire réparti entre les numéros 4, 5, 6, 7,8, 9, 10 et li

de ce journal, qui se décompose en trois parties. La première traite

d'une observation avec autopsie et des lésions possibles de la

maladie. La seconde éludie sept cas. La troisième expose la noso-

graphie,

La meilleure dénomination serait celle qui est usitée dans le titre

supra, parce qu'elle ne préjuge ni du siège, ni de la nature de

l'affection et qu'elle indique le symptôme dominant. Elle est de

Fajersztajn. (Voyez Archives de Neurologie, t. IV, p. 501. 189-1.

2° série.)

On l'a aussi appelée : paralysie bulbaire sans lésions, névrose

bulbaire, paralysie myasthénique (Oppenlieim), myasthénie grave

pseudoparalytique (Jolly), paralysie bulbaire asthéuique(Strümpell),

myasthénie générale grave (Laquer), lassitude pathologique des

muscles, myasthénie tout court (Uuverricht.)

Elle est plus fréquente que la paralysie bulbaire de Duchenne.

I. L'auteur fait remarquer que ce travail constitue le complé-

ment de celui qu'il a fait paraître dans la Peuisclie Zeitsclene., f.

A)'t)6 ? te ? f, t893, IV. Aussi plusieurs de ses observations ne

seront-elles que résumées.

Telle est la première observation complétée par la nécropsie. On

trouva un gros lymphosarcome au poumon droit et des nétastases

dans les muscles. Le thymus était probablement pris. Planches à

l'appui. Ce cas, avec celui de Weigert (tumeur maligne du thymus),

porte à deux les exemples de myasthénie caractérisée par l'inté-

grité du système nerveux, et par l'existence de néoplasmes en

dehors de celui-ci, avec métastases dans les muscles. En revanche

dans la plupart, des cas de myasthénie avec autopsie, on ne cons-

tatait ni tumeurs, ni autres altérations. Par suite il conviendrait

180 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de penser que les relations qu'on a voulu établir entre les néo-

plasmes et la paralysie asthénique sont hypothétiques, et que les

théories édifiées là-dessus sont caduques.

On a d'ailleurs trouvé aussi des néoplasmes bénins : pour ceux-

ci on ne voit pas comment, après être demeurés pendant plusieurs

années latents, ils auraient occasionné un beau jour, par sécré-

tion d'une substance toxique spéciale, de la paralysie asthénique,

Tel est le cas des lipomes des reins, et des kystes dermoides cou-

génitaux de l'ovaire.

La présente observation est elle-même assez suggestive. Un

premier accès de myasthénie guérit totalement en 6 mois, pen-

dant cinq ans rien de semblable. Puis, sans cause appréciable,

récidive par de la faiblesse des abducateurs du maxillaire inférieur

qui présente le cachet de la lassitude. A cet instant lassitude de

même genre des jambes sans la réaction myasthénique. Tendance

à la fatigue des membres. En peu de semaines les extrémités, le

tronc et la nuque témoignent du même syndrome et de la Mya R.

Le premier accès se traduisait surtout par des phénomènes bul-

baires et des symtômes oculaires. Cette fois pas de blépharoptose

permanente, pas de parésie des muscles des yeux, pas de diplopie,

pas de régurgitation des liquides, intégrité du voile du palais, de

la voix, de la déglutition; il n'y a de bulbaire que l'état du maxil-

laire inférieur, et il ne s'y joint que des troubles du côté des

adducteurs et des muscles rotateurs en dehors. Les accidents sont

aussi moins intenses, moins étendus, moins tenaces. Enfin, c'est

près d'une année après qu'apparaissent les phénomènes thoraciques

émanés du néoplasme. Les deux processus semblent avoir évolué

indépendamment l'un de l'autre ; la physionomie, la'marche des

accidents asthéniques ne semblent pas avoir été influencés par la

présence de la tumeur dans la cavité thoracique.

La mort a eu lieu subitement. L'asthénie avait alors rétrocédé ;

des symptômes d'asphyxie se sont montrés.

La répartition des troubles est la suivante : prédominance sur le

maxillaire inférieur ; atteinte du tronc et de la nuque plus que des

jambes, des jambes plus que des bras, des parties avoisinant le

tronc plus que de celles qui en sont éloignées.

La réaction myasthénique, radicalement absente pendant les cinq

années qui ont séparé le premier accès du second, faisait défaut

au début de la récidive : elle n'est apparue qu'un mois plus tard,

et non dans tous les muscles myasthéniques. Cette réaction est

indépendante du symptôme-fatigue; une fois, la force de la con-

traction au courant faradique a paru plus faible dans les muscles

préalablement épuisés par l'action de la volonté.

II. Nous arrivons maintenant, à la suite des observations II

à VIII, aux principaux caractères nosographiques.

La lassitude du muscle en est la note fondamentale. 11 suffit que

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 181

celui-ci fonctionne un peu pour que se produise une paralysie

complète. L'épuisement du territoire paralysé se répercute sur

d'autres territoires eu repos. Ainsi s'expliquent les exaspérations

vespérales, les améliorations matutinales.

Les variations d'intensité sont la règle lorsque le patient ne

succombe pas au premier accès. Ces variations s'étendent à des

années au besoin. S'il est rare qu'il y ait rémission absolue, en

revanche, au cours même de l'accès, il y a des fluctuations, des

phénomènes. Ladurée de dix ans est rare (Observ. I et 111.) Souvent

le malade succombe au premier accès (Observ. IV.) Pendant la

rémission, la lassitude musculaire disparaît ou décroit énormé-

ment ; la réaction anormale aux courants faradiques peut- même

faire place à l'état normal.

La réaction myasthénique de Jolly décelée chez cinq sujets sur

les six examinés à cet égard, apparaît le mieux quand on se sert

des excitations faradiques de longue durée, se succédant rapidement

les unes aux autres, tétanisantes. Elle peut être très étendue

(Observ. V) ; elle succède à la lassitude musculaire (Observ. I).

L'épuisement par les impulsions volontaires n'exerce pas d'in-

fluence sur l'excitabilité faradique ; inversement les muscles dont

les contractions ont presque cessé du fait de l'action directe ou

indirecte du courant faradique peuvent tout de suite après obéir à

la volonté. Le temps de repos indispensable pour réobtenir l'exci-

tabilité faradique originelle est d'environ une minute.

L'étude minutieuse de l'ensemble des éléments qui précèdent et

des signes différentiels entre la paralysie asthénique et la polio-

encéphalo-myélite aiguë entraine M. Goldflam à localiser la maladie

dans les centres corticaux moteurs. Si le foyer purement mental du

mouvement volontaire semble intact, la paralysie musculaire sur-

vient quand le malade lance à plusieurs reprises des impulsions

volontaires. Il y a donc dans ces centres une modification, anato-

miquement insaisissable, qui détermine leur épuisement, sous

l'influence de la volonté. Cette modification pourrait bien être le

fait des produits de dénutrition (Mosso.) Cela cadrerait avec les

rémissions et les intermittences susceptibles de durer des années.

Le mécanisme reste à chercher.

Le traitement repose sur le calme et le repos absolu, l'absence

d'émotions, l'alimentation prudente, la respiration artificielle en

cas de dyspnée, les toniques, ta substitution de l'examen galvanique

à l'examen faradique, 0,60 centi. par jour de thymus si l'on veut.

P. IERAVAL.

IX. Un nouveau symptôme de l'épilepsie ; par C. Ceci. (Centralbl.

f. Nervenheilk, XXIII, N. F. XI, 1900.)

Il s'agit d'un abaissement considérable at passager de la tem-

pérature qui survient à n'importe quel moment du jour, et dure

182 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

une demi-heure à une heure. On constate 30°, 3° et même 31°.

C'est en réalité une forme d'attaque, qui quelquefois revient trois-

quatre fois et plus dans les vingt-quatre heures, mais d'ordinaire

se montre à des intervalles de quelques jour ? ou de quelques

semaines, soit avec pauses très irrégulières, cas le plus habituel,

et apparition tantôt le matin, tantôt l'après-midi, soit sous la

forme d'intermittences régulières et retour au même moment de

la journée. Ni le phénomène, ni sa fréquence ne sont en constant

rapport avec la gravité de la maladie; l'hypothermie ne coïncide

pas non plus avec d'autres aecès d'épilepsie. Par ci, par là, néan-

moins, elle précédera une attaque d'une heure ou deux, coïnci-

dence qui n'est point constante du tout.

L'accident en question est manifestement d'origine vasomo-

trice ; il est probablement déterminé par la même cause que celle

qui engendre les autres symptômes de l'épilepsie, et fournit un

solide appui à la théorie de la nature auto-toxique de cette

névrose. Il se rattache en particulier àl'hypertoxicité du sang des

épileptiques : on se rappelle l'hypothermie des animaux auxquels

on a injecté du sang de ces malades (Ce.ni). Travail complet en

préparation. P. KERAVAL.

X. Observation d'aphasie avec agraphie; par M. ST.DFrM1,NN.

(Cerrt·al6l. f. iYei,vei2heilh-, XXIII. 1\. l.lt. 1900.)

Il s'agit d'une adulte en convalescence d'une fièvre typhoïde.

Elle est incapable de désigner verbalement les objets concrets,

leurs qualités, leurs couleurs, incapable de répéter. Elle ue peut

réciter spontanément des chansons qui lui sont familières, son

Pater, et n'a à son service que des locutions toutes faites telles

que « je ne peux pas », les noms propres de ses parents, des gens

de son entourage, ceux des objets usuels qu'elle voyait chaque

jour comme le sucre, le café. Elle comprend encore la parole et

l'écriture. C'est une aphasie motrice corticale accompagnée des

troubles graphiques en rapport avec celle-ci. Elle peut écrire les

mots qu'elle peut dire, et inversement. Elle essaie de trouver en

écrivant les mots qu'elle doit ou veut dire. Ceci indique à quel

genre de traitement il convient de s'adresser. C'est aux exercices

d'écriture. P. KERavaL.

XI. L'épilepsie corticale; par V.-I. Wassiliev. (Obozrénié

psichiatrii, V. 1900.)

Observation, avec autopsie, d'un homme de cinquante-cinq ans.

Les accidents paralytiques et les phénomènes convulsifs lémoi-

gnent d'une lésion des régions motrices de l'hémisphère droit. Il

n'y a ni traumatisme, ni altérations cutanées cépheliques ou crâ-

niennes ; il n'y a rien aux papilles optiques; il n'existe pas de'

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 183

douleurs de tête; la syphilis est catégoriquement niée. Reste

l'hypothèse de lésions vasculaires, les vaisseaux accessibles étant

durs. Une intervention chirurgicale' est réclamée par la famille,

mais le malade succombe à une pneumonie, dont il présentait les

prodromes à son arrivée à l'hôpital.

Autopsie. Sclérose des os du crâne, intégrité de la dure-

mère. Pie-mère de l'hémisphère droit trouble et épaissie : à gau--

che, elle est trouble le long des vaisseaux. A droite, .au niveau de

la partie supérieure du lobe pariétal, cette membrane est infil-

trée par une hémorrhagie récente du volume' d'une pièce de un

rouble-argent : elle s'enlève aisément. L'écorce semble ne présenter

aucune anomalie, mais, quand on écarte les ascendantes, on trouve

dans la profondeur du sillon- de 7Po<a) : do, à. peu près à la partie

moyenne de celui-ci, uu, foyer rouge-foncé gros- comme un gros

pois : limité à l'écorce, il occupe presque également la frontale

ascendante et la pariétale ascendante, lésant les territoires 53,54.

59, 61 du schéma d'Exner. C'est un foyer apoplectique.

L'auteur envisage l'embarras dans lequel se serait trouvé le chi-

rurgien qui eût opéré. Il analyse aussi les phénomènes cliniques

en rapport avec cette localisation. IL pense que la destruction

d'une certaine portion des régions motrices ne détermine pas chez

tout le monde un égal désordre de la sensibilité, an point de vue

de l'intensité ou de l'étendue : il est même probable, suivant lui,

qu'elle ne détermine pas, chez tous, un degré identique de para-

lysie. Il croit que le degré de ces désordres dans les affections cor-

ticales dépend notablement de la manière de vivre, des occupa-

tions, de la culture et du sujet, de sa complexion psychophysique

générale. La destruction de la région corticale qui préside aux

mouvements du bras droit chez un manoeuvre, un musicien, nn

savant de cabinet, se traduira par des troubles moteurs et sensitifs

dissemblables ; dissemblables surtout les derniers : leur évolution

sera distincte. P. Keraval.

XII. De l'étiologie du tabès dorsal; par M.Z.WAiNSCATEiN.(06o : ? ?

psichiatrii, V, 1900.)

Etude critique du travail de M. Motschoutkowsky intitulé :

Recherches clinico-slatisliques sur le tabès dorsal du Woenno-mé-

dilzinshy Jo2trnal. P. Keraval.

XIII. Deux cas de nystagmus chez la mère et la fille : par M. Jac-

QUE.1U. (Société des Sciences médicales de Lyon, 27 février 1901.)

M. Jacqueau présente deux sujets, la mère et l'enfant atteints

de nystagmus congénital des deux yeux sans autres lésions. La

première a quarante-sept ans, la seconde sept ans. Pas d'antécé-

dents pathologiques nets dans la famille.

184 -li REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

C'est le même type de nystagmus avec oscillations rythmiques

horizontales et mouvements de la tête. Il ne diffère chez les deux

malades que dans la rapidité et l'amplitude des oscillations. Chez

la mère, les oscillations sont de 420 à 130 par minute, chez l'en-

fant de 70 à 80.

M. Jacqueau insiste sur trois faits intéressants : 1° L'hérédité ;

2° Les mouvements associés de la tête et des yeux ; L'ab-

.sence de toute lésion oculaire.

Ces deux cas viennent à l'appui de la théorie cérébrale du nys-

tagmus. Knies définit le mystagmus congénital, l'insuffisance d'in-

nervation corticale des muscles volontaires des yeux. Cette

définition parait juste. La vision binoculaire, fonction acquise, ne

peut s'exécuter normalement qu'avec l'intégrité de l'appareil con-

ducteur et récepteur des cellules de l'écorce ; qu'il y ait un déve-

loppement défectueux de ces cellules, il en résultera un vice

d'innervation centrale en vue de la coordination des mouvements

oculaires; le nystagmus pourra devenir ainsi fréquemment l'abou-

tissant de ce défaut de coordination. G. C.

XIV. Paralysie asthénique d'Erb; par 111. JossEnwn. (Société des

Sciences médicales de Lyon, 27 février 1901.) `

M. Josserand présente un cas typique de l'affection qu'Erb a

décrite sous le nom de paralysie bulbaire asthénique. Elle se

caractérise surtout par des signes bulbaires comparables à la fois

à ceux de la paralysie labio-glosso-laryngée de Duchenne et à

ceux de la polieucéphalite supérieure de Wernicke. Elle diffère de

ces deux affections par l'absence de lésions des noyaux bulbaires,

par ses rémissions et par un pronostic-moins sévère. Elle en dif-

fère aussi par le mode de fonctionnement des muscles qui sont

atteints de parésie, de fatigue précoce, plutôt que de paralysie;

par l'absence d'atrophie, par la participation du facial supérieur,

par celle des muscles masticateurs et des muscles de la nuque.

G. C.

XV. Méningite cérébro-spinale au cours d'une endocardite infec-

tieuse pneumococcique. Valeur du signe de Kernig ; par

MM. JOSSERAND et Lesieur. (Société des Sciences médicales de Lyon,

6 mars 1901.)

MM. Josserand et Lesieur présentent le coeur d'une malade

ayant succombé à une méningite cérébro-spinale, au cours d'une

endocardite infectieuse subaiguë ayant évolué en sept mois. Le

pneumocoque a été trouvé dans le sang pendant la vie, dans le

pus des méninges cérébrales et spinales, dans les végétations de

l'endocarde et de la pulpe splénique après la mort. Le signe de

Kernig a permis de faire un diagnostic et un pronostic exacts

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 18S

d'une façon très précoce en l'absence de tout autre signe de ménin-

gite. Le signe de Kernig est important; rare dans la méningite

tuberculeuse, ce signe se rencontre fréquemment dans les autres

méningites, notamment dans la méningite cérébro-spinale. G. C.

XVI. Paralysie radiculaire totale du plexus brachial gauche et para-

lysie temporaire des membres inférieurs du même côté ; par

111. DUPLANT. (Société nationale de Médecine de Lyon, 20 mai 1901.)

M. Duplant présente un malade qui, immédiatement après un

grave accident, eut une paralysie flasque du membre supérieur

et du membre inférieur gauches. On constate, en même temps, un

enfoncement de l'oeil, une chute de la paupière du myosis ; pen-

dant quelques jours, les paralysies sont restées flasques, puis il y

eut des fourmillements et un retour de la motilité dans le mem-

bre inférieur, La paralysie du membre supérieur est restée flasque

avec légère amyotrophie et des douleurs au niveau de l'épaule.

Il y a eu, en outre, une anesthésie complète du membre supérieur;

il n'y a pas de paralysie faciale ; le malade craint la lumière;

voit bien les objets éloignés et mal les objets rapprochés.

Il s'agit, en somme, de paralysie radiculaire totale avec phéno-

mènes oculaires et démarche spasmodique. Ce qu'il y a d'intéres-

sant, c'est la coïncidence d'une paralysie médullaire et d'une para-

lysie périphérique. On peut admettre un arrachement des racines ,

coïncidant avec une lésion de la moelle.

M. Duplant pense que certains cas de maladie de Liltle peuvent

être attribués à des cas semblables. Ici, l'existence d'une hémato-

myélie cervicale semble inadmissible, il s'agit probablement d'un

hématorachis. G. C.

XVII. Syphilis médullaire et bulbaire précoce ; par M. Collet .

(Société des Sciences médicales de Lyon, 12 juin 1901.)

M. Collet rapporte l'observation curieuse d'une malade qui, en

résumé, a présenté les phénomènes suivants : de la paralysie ou

de la parésie dans le domaine des VII, IX, X, XI et XII0 paires

crâniennes ; de la parésie des membres supérieurs et inférieurs,

de la parésie du diaphragme, et des troubles incontestables de la

déglutition et de la phonation, pas de paralysie oculaire ni de

troubles sensoriels ou sensitifs. Les lésions nucléaires bulbaires

ont donc intéressé tous les noyaux du bulbe et de la moelle situés

au-dessous de la Vie paire.

M. Collet pense qu'il s'agit ici d'une lésion systématique de la

substance grise, de la moelle et du bulbe, d'une polyoméhte avec

polieucéphalite circonscrite.

La syphilis est la raison très probable de ces lésions. Les anté-

sédents spécifiques ne sont pas discutables. Le traitement a amené

186 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'amélioration immédiate des symptômes; et son interruption,

une rechute immédiate qui a cédé à une reprise du traitement.

G. C.

XVIII. Paralysie agitante avec tremblement limité aux membres

supérieurs; par M.-CoLLET. (Société des Sciences médicales de

Lyon, 26 juin 1901.)

M. Collet rapporte une observation 'de paralysie agitante avec

tremblement limité aux membres supérieurs, mais étendu à la

face, à la langue, au maxillaire.

Le malade, cultivateur, est âgé de cinquante-neuf ans et n'a

jamais été malade. Il se plaint seulement de tremblement, de rai-

deur des membres et de la colonne vertébrale. Les mouvements

débutèrent par la main droite et s'étendirent ensuite au bras

droit. Depuis six mois, la face, la paupière, la langue et le maxi-

llaire inférieur tremblent. Il ne s'agit pas de mouvements trans-

mis mais bien de mouvements propres à ces régions. -

Les membres supérieurs sont intacts., .

Pas de tremblement du larynx.

La marche se fait à petits pas. Le malade présente l'attitude

classique de la maladie de Parkinson.

Pas de troubles oculaires.

Il fut traité sans succès par l'hyoseine, puis par la nicotine à la

dose de 0,001, puis de 0,002.

L'auteur fait remarquer que la paralysie agitante atteint excep-

tionnellement la face. Licite quelques observations de tremblement

facial dues à Grasset, Ilosentlal, Démange. Wollenberg cite deux

cas de tremblement des paupières ; Westphall un cas de trem-

blement des lèvres ; Frederick lllüller un cas de tremblement, des

muscles du larynx. G. C.

XIX. Radiographies d'arthropathies tabétiques; par DESTOT.(Sociélê

des sciences médicales de Lyon), 10 juillet 1901.

M. Destot présente quatre cas d'artropathies tabétiques étudiées

par la radiographie.

Il insiste sur l'existence d'une période préataxique osseuse chez

les tabétiques, caractérisée surtout par l'existence de formations

ossifiantes dans les muscles et dans quelques tissus. Chez les tabé-

tiques avancés, on observe par contre de véritables fontes des

extrémités des os. G. C.

XX. Vertige d'origine nasal; par Collet (Société des sciences

médicales de Lyon), 16 octobre 1901.

M. Collet présente l'observation d'un homme d'une trentaine

d'années qui, brusquement, a présenté les phénomènes suivants :

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 187

Picotement dans les fosses nasales suivi ou non d'éternuement,

douleur vive à la nuque, puis chute en avant sans perte absolue-

de connaissance, affirme-t-il. Il avait eu une fois quelques mou-

vements convulsifs. La face est congestionnée pendant quel-

ques secondes, puis devient pâle pendant quelques minutes

avec transpiration abondante durant un quart d'heure. Pendant

l'examen, le pouls battait à 110. Le malade reste somnolent et

abattu pendant la soirée qui suit les accès. La muqueuse nasale

présente une sensibilité exagérée au niveau d'un éperon de la

cloison.

Cet incident a des analogies avec l'ictus laryngé; mais l'auteur

pense, bien que la pathogénie soit obscure, qu'il s'agit d'une exci-

tation s'irradiaut de la deuxième branche du trijumpeau qui a ici

une susceptibilité anormale, vers divers centres bulbaires, par

exemple vers le .centre modérateur du coeur, vers le centre vaso-

moteur etc. L'anémie cérébrale en résulterait.

On peut penser aussi à une crise d'épilepsie larvée, dont le pico-

tement nasal serait l'aura. Jusqu'à plus ample informé, M. Collet

propose le terme : « vertige d'origine nasal. » qui n'a aucune pré-

tention pathogénique. G. C.

XXI. Paralysie hystéro-saturnine du nerf radial ; par JOSSERAND.

(Société des sciences médicales de Lyon), 20 novembre 1901).

M. Josserand présente un jeune homme de vingt-neuf ans sans

antécédents pathologiques (ni syphilis, ni alcoolisme, ni cardiopa-

thie, ni albuminurie) qui subitement fut pris au milieu de son

repas d'une paralysie des extenseurs de l'avant-bras droit, et cela,

sans ictus.

C'est un ouvrier typographe; il ne présente pas le liseré de

Burton, mais il présente, sur la face interne des joues des taches

ardoisées, comme celles que Gublec a décrites chez les ouvriers

qui manient le plomb. Le diagnostic de paralysie radiale, d'origine

saturnine paraissait probable. Mais elle présente de nombreuses

anomalies : l'unilatéralité, le début apoplectiforme, la paralysie

du long supinateur. Les fléchisseurs sont atteints; le médian est

intéressé. Les intérosseux sont paralysés par suite le cubital.

Les troubles de la sensibilité consistent en une anesthésie profonde

complète et cylindrique de tout l'avant-bras. Le sens musculaire

est conservé ainsi que les réflexes. Pas de douleurs, pas d'atrophie.

Devant ce tableau, M. Josserand songe à une paralysie hystéri-

que. La distribution de l'anesthésie est caractéristique ; le malade

présente en outre une zone hystérogène daus le flanc droit et un

rétrécissement du champ visuel. Le saturnisme ne semble pas

étranger à cet état. Il s'agirait alors d'unehystérie symptomatique,

toxique. G. C.

188 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXII. Paralysie asthénique bulbo-spinale; par Leclerc (Société

nationale de médecine de Lyon, 2 décembre 1901).

M. Leclerc présente une malade avec le sydrôme de paralysie

athénique bulbo-spinale. A ce propos, il rappelle que. l'appellation

de paralysie asthénique bulbo-spinale a prévalu sur celle d'asthénie

bulbaire ; car ehez beaucoup de malades, l'asthénie musculaire

occupe non seulemet les muscles innervés par les nerfs crâniens,

mais aussi les muscles du tronc et des membres tributaires des

nerfs rachidieus.

L'examen histologique a toujours été négatif avec les méthodes

actuelles. Dans les cas de Charcot, de Déjerine, de Thomas, les

lésions sont disparates, ne peuvent pas expliquer les symptômes

chimiques constatés et ne permettent pas de conclure.

Au point de vue pathogénique, il n'y a que des hypothèses, ou

il faut admettre qu'est une entité morbide caractérisée par un

simple trouble fonctionnel, une altération encore invisible des cel-

lules motrices, abolissant leur fonction motrice et respectant leur

fonction trophique, puisque l'atrophie musculaire fait défaut, ou

bien comme le disent Déjérine et Thomas, le complexus sympto-

matique est un syndrome abritant sous son nom des atlections de

nature et d'origine différentes. M. Leclerc ne prend parti ni pour

l'une, ni pour l'autre hypothèse, devant les opinions si diverses

émises sur la question; il cite, en effet, un cas publié récemment

par Laquert et Weigert où ils trouvèrent à l'autopsie une tumeur

du thymus. De ce cas et de deux autres analogues, ils concluent

que ce syndrSme peut être l'effet d'une intoxication due à une

lésion du thymus. G. C.

XXIII. Note sur un cas de sclérose cérébrale infantile d'origine

hérédo-syphilitique. L'hérédo-syphilis et les encéphalites chro-

niques de l'enfance; par Pic et PIERY (Province Médicale, Lyon,

janvier, février 1901, no 4. 5, 8, 9, p. 37, 50, 80,-100.

Pic et Piery publient l'observation avec autopsie d'une

jeune fille, qui examinée pour la première fois en 1895 présentait

une hémiplégie spasmodique infantile. Cette affection avait débuté

à l'âge de huit ans et s'était accompagnée ultérieurement d'hémia-

thélose et de crises épileptiques. D'après les antécédents trouvés

du côté des parents et de la malade, on employa à cette époque

(août 1896 à mai 1897) le traitement spécifique qui eut un très

heureux résultat : amélioration de l'état général, apparition de la

puberté, disparition des crises épileptiques maintenue pendant

huit mois consécutifs. Les auteurs portèrent, dès ce moment, le

diagnostic de syphilis héréditaire.

En octobre 1897, la malade présentant de l'affaiblissement des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 189

facultés intellectuelles avec crises d'épilepsies jaksoniennes, entra

de nouveau à l'hôpital où le diagnostic de kyste du cerveau consé-

cutif à un traumatisme ancien. On décida une trépanation, qui

mit, en effet, en évidence l'existence d'un kyste. L'amélioration

consécutive fut passagère et la malade rentra en juillet 1898 à

l'hôpital présentant : de l'hémiplégie spasmodique avec hémiathé-

tose, affaiblissement des facultés intellectuelles et crises d'épilep-

sie jaksonienne. Elle contracta alors une broncho-pneumonie

mortelle. A l'autopsie, on constata, à la surface de l'hémisphère

gauche, l'existence d'une zone de sclérose cérébrale. Au niveau

d'une région répondant fort exactement au territoire d'irrigation

delà sylvienne, le manteau de l'hémisphère est réduit à une mince

lame scléreuse, déprimée, simulant une porencéphalie. Les artères

sylviennes droite et gauche sont atrophiées, sclérosées et partiel-

lement oblitérées.

L'examen microscopique montre l'existence de lésions d'asté-

rites sur les sylviennes et les vaisseaux intra-cérébraux. L'autop-

sie et l'examen microscopique montrèrent en somme qu'il s'agis-

sait d'une sclérose générale fort accentuée, accompagnée de la

dégénérescence habituelle. du faisceau pyramidal correspondant et

de l'atrophie de l'hémisphère homolatéral du cervelet.

Le parallélisme entre la distribution des lésions scléreuses et

celles du réseau artériel, la constatation directe de l'altération des

vaisseaux, prouvent à l'évidence l'origine vasculaire du processus

qui, pour les auteurs, ne peut être ici que la syphilis.

Les notions récentes acquises au point de vue étiologique, clini-

que et anatomo-pathologique, semblent prouver en effet,-dans le

plus grand nombre des cas, l'origine hérédo-syphilitique des

scléroses cérébrales dont la traduction clinique répond au diverses

affections spasmo-paralytiques infantiles. G. C.

XXIV. De l'aérophagie et des troubles gastriques qui l'accom-

pagnent ; par LYONNET et VINCErS (Lyon médical 10 février 1901.

n" 6, p. 189).

M. Lyonnet étudie les troubles gastriques qui accompagnent le

symptôme aérophagie. L'aérophagie est constituée par la dégluti-

tion de l'air atmosphérique. Cette déglutition peut être volontaire

ou indépendante de la volonté. L'aérophagie involontaire est

d'ordre pathologique et a été étudiée en détail par M. Bouvent.

Elle est ordinairament de nature hystérique ; le début est souvent

brusque, à la suite d'une cause occasionnelle quelconque. Il y a

deux phénomènes bien distincts quoique très rapprochés : t° la

déglatition d'un, ou ou plusieurs bols gazeux accompagnés de

bruits pharyngés, spasme classique du pharynx d'après M. Bouveret

2° des éructations sonores. La femme est le plus souvent atteinte,

l'homme peut l'être aussi.

190 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

La conséquence de cette déglutition incessante d'air est une

distension gastrique qui peut entraver les fonctions de liestomac.

La paroi stomacale est flasque, la. sonorité gastrique est augmen-

tée, il y a clapotage ; la palpation est douloureuse et amène une

recrudescence des spasmes pharyngés. On trouve souvent de

l'entéroptose, de la chute des reins, des battements à l'épigastre.

Comme troubles fonctionnels, l'insufffisance de la motricité

rend imparfaite la chymifleaiion et retarde l'évacuation de l'esto-

mac avec pesanteur et tension à l'épigastre etc. La constipation est

la règle, l'appétit est diminué, les vomissements sont rares; le

sommeil est mauvais.

Il y a des troubles fonctionnels du système nerveux, céphalée,

vertiges, asthénie neuro-musculaire etc... On peut rencontrer des

formes sévères où la nutrition est gravement atteinte.

Ce tableau symptomatique se rapproche de celui delà dyspepsie

nerveuse, mais les troubles gastriques, comme le fait remarquer

M. Lyonnet, sont ici consécutifs à l'aérophagie qui n'est pas un

symptôme concomiltant.

Le diagnostic se fera par l'examen attentif du malade, cepen-

dant au premier abord, on peut croire qu'il s'agit de dyspepsie

flatulente.

La marche est irrégulière comme dans toutes les manifestations

de l'hystérie. La durée est variable. Les troubles gastriques ont

en général, un pronostic bénin. L'auteur pose trois indications

pour le traitement de l'aérophagie et des troubles qui en dépen-

dent.

1° Traiter l'état général hystérique.

2° Faire cesser le spasme du pharynx, soit par des moyens

locaux (badigeonnages cocaïnnés, révulsion, cravate de Piorry).

soit par les antispasmodiques, soit par la suggestion.

3° Traiter les troubles dyspeptiques : l'indication principale est

d'augmenter la tonicité et la contractilité de la tunique musculaire

de l'estomac. G. Carrier.

XXV. Syndrome de Bénédikt : par lesD10 ViGouROUx" et Lnv.sTm.

Intéressante observation concernant un garçon de dix-sept ans

qui présente une paralysie totale et complète du moteur oculaire

commun gauche, avec une paralysie partielle du moteur oculaire

commun droit (complète pour les nerfs du sphincter irien, incom-

plète pour le nerf du droit inférieur) et une perturbation dans le

fonctionnement du faisceau pyramidal droit, caractérisée par une

parésie du facial inférieur, de l'hypoglosse et des membres, avec

hémitremblement. C'est là le syndrome de Weber, avec llémitrem-

blement, ou syndrome de Bénédickt. Ce cas porte à sept le nom

bre des cas actuellement publiés du syndrome de Bénédikt. (Revue

neurologique, août 1901.) E. B.

REVUE DE MÉDECINE .LÉGALE.

I. Des résultats positifs et indiscutables que l'anthropologie

criminelle peut obtenir à l'élaboration ou l'application des lois ;

par MM. et S. MARTIN (de Lyon). (Journal de Neuro-

logie 1901, n° 21.)

Cette note est l'exposé des principaux résultats récemment mis

en lumière par les études d'anthropologie criminelle. Ces résultats

peuvent être condensés dans les propositions suivantes :

Parmi les individus poursuivis comme criminels, il existe un

nombre considérable de dégénérés et de déséquilibrés à côté des

délirants proprement dits,-qui tous sont plus ou moins irresponsa-

bles et appartiennent au domaine de la psychiatrie.

Seuls doivent être considérés comme des criminels proprement

dits les individus qui ne présentent pas de tares physiques ou

psychiques. L'enquête médicale doit donc faire partie intégrant-

de tout dossier d'affaires criminelles, en particulier lorsqu'il se rap-

porte à des crimes étranges ou familiaux.

Au point de vue social, on peut dire que les sociétés sont respon-

sables en quelque sorte des actes criminels qu'elles subissent

puisque la plupart des dégénérescences physiques ou mentales

sont créées par l'alcoolisme, la tuberculose, la syphilis, etc., autant

de fléaux contre lesquels elles ont le devoir de se défendre.

G. Derny.

II. La loi et les ivrognes, avec remarques sur le traitement de

l'ivrognerie; par Joseph Collins. (77teV<;KTor/te : cc[JoM ? ' ? ! (,

4 mai 1901.)

Exposé très concis, mais assez complet et très intéressant, des

lois contre l'alcoolisme dans les principaux pays. R. M. C.

III. Conceptions impératives; parHuGu T. PATMCE. ( ? laeNe2u-

York Médical Journal, 7 septembre 1901.)

L'auteur désigne sous ce nom, ou sous l'appellation synonyme

d' « idées impératives », des idées, des impressions mentales ou

des émotions, presque toujours pénibles ou désagréables, mor-

bides à la'fois parleur intensité et par la persistance avec laquelle

elles se reproduisent contre le gré du sujet, contre sa volonté

même, et contre son raisonnement, qui demeure intact. Sauf de

rares exceptions, les cas de ce genre peuvent se diviser en deux

192 ) REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

catégories : 1° les phobies; 2° la psychose du doute ou de l'incer-

titude. Ce travail est accompagné de 19 observations que nous ne

pouvons naturellement analyser ici; nous nous bornerons à repro-

duire quelques remarques de l'auteur, relatives au pronostic et au

traitement.

Le pronostic est influencé par trois facteurs : 1° le caractère de

la conception impérative; 2° son degré d'intensité; 3° le caractère

et les dispositions du sujet; la folie du doute disparaît rarement;

les phobies au contraire sont susceptibles de guérison ou tout au

moins de notable amélioration. L'hérédité névropathique est natu-

rellement une condition défavorable qui aggrave sensiblement le

pronostic. Le traitement est varié et doit être prolongé et patient

comme celui de toutes les habitudes vicieuses; on peut prendre

pour modèle, en variant le procédé et en l'adoptant aux phéno-

mènes psychiques, le traitement que Brissaud conseille pour la

guérison de tics musculaires. R. DE Musgrave-Clay.

IV. De l'intervention chirurgicale chez les aliénés au point de vue

médico-légal; par le Dr Briand. (Annales médico-psychologiques,

octobre 1899.)

L'auteur, dans un rapport des plus intéressants, pose, devant la

Société de médecine légale, la question de savoir si l'on est auto-

risé, dans certains cas, à tenter une opération à l'insu d'un aliéné

ou malgré lui, avec ou sans l'assentiment de sa famille ?

Les exemples cités montrent que la solution est loin d'être

simple et qu'on ne saurait tirer de conclusion ferme en restant

dans les généralités.

En ce qui concerne les malades internés d'office, c'est-à-dire

sans que les parents aient eu à intervenir dans la détermination

prise par l'autorité administrative, M. Briand estime que le chi-

rurgien, appelé en consultation par le médecin traitant, n'a pas à

provoquer l'avis des parents qui sont légalement ignorés du

médecin. Il ne s'inspirera, dans sa détermination, que de l'état

mental de l'aliéné et de la gravité des lésions matérielles qui

mettent en question son intervention. E. B.

V. Des degrés de la responsabilité ; par le Dr Hospital.

(Annales iîédico-psychologiques, octobre 1899.)

Lorsqu'un homme sain d'esprit commet un crime, il est inévi-

tablement responsable ; à l'autre extrémité de l'échelle des respon-

sabilités, on trouve des méfaits perpétrés par des aliénés avérés

n'ayant plus conscience d'eux-mêmes; mais, entre les deux

extrêmes, ne peut-on pas placer des nuances S'il est prudent de

ne pas être p odigue de responsabilités limitées, il y a des cas où

- elles sont absolument indiquées : d'abord dans ceux où il est éta-

' REVUE DE médecine légale. 193,

bli que l'individu s'est trouvé dans un déséquilibre momentané,

dans un instant d'égarement, facteurs sans le secours desquels il

serait condamné au maximun ; dans ceux de dégénérés initiaux,

de tempéraments fous, qui apprécient tout de travers ; ceux des

minus habentes dont l'entendement n'est pas assez développé ; dans

ceux de suggestion morale, où un fort dominé un faible ; dans

ceux de maladies nerveuses, où l'individu ne se possède pas assez ;

dans les cas douteux, doute dont le prévenu, dans l'axiome de

droit, doit bénéficier.

En confirmation de ces idées, l'auteur apporte une importante

statistique de deux cents cas médico-légaux dans lesquels il eut à

faire un rapport, 1'70 hommes et 30 femmes. E. B.

VI. L'article 1384 du Code civil et la responsabilité des directeurs

médecins d'asiles d'aliénés ; par le Dr S. GARNIER.

Il est impossible que le directeur d'un asile public d'aliénés, qui

gère de son mieux les intérêts du département, enseiré qu'il est

dans des règlements dont il ne peut sortir, et obligé de subir sou-

vent des situations de fait qu'il ne lui appartient pas de modifier,

puisse, à un moment donné, être personnellement inquiété,

comme l'a été l'auteur, sous prétexte que, commettant de ses

gardiens, il est responsable de leurs agissements délictueux. 11

est nécessaire que la loi future fixe les conditions absolues de

cette responsabilité civile, laissée à l'arbitraire du juge. E. B.

Vil. La responsabilité civile des aliénés; par le De Giraud.

(Annales M( ! (.eo-;M;/c/tO<o ! <e6', novembre 1899.)

La jurisprudence se prononce à peu près unanimement en

France dans le sens que les personnes atteintes de démence ne

sont pas responsables, même civilement, des dommages qu'elles

ont causés.

On signale, toutefois, un arrêt en sens contraire, de la Cour de

Montpellier du 31 mai 1866.

Dans cet arrêt, la Cour de Montpellier a posé en théorie que,

dans l'application des principes de la responsabilité civile, la loi

ne tient compte ni de la volonté, ni de l'intention, et que, par

conséquent, les personnes atteintes de démence sont civilement

responsables du dommage qu'elles ont causé par leur fait.

Le tribunal du Havre, dans un jugement du 13 février 18î3, a

été d'avis que le principe de la responsabilité restait applicable

quand la partie lésée établissait que l'état de folie sous l'empire

duquel a été commis l'acte qui lui est préjudiciable était le résul-

tat, non du pur hasard ou d'une force irrésistible, mais d'habi-

tudes volontaires de débauche et d'excès alcooliques. Il s'agissait

Archives, 2" série, t. XV. 13

194 ik revue DE médecine légale.

d'un capitaine de navire de commerce qui avait blessé d'un coup

de feu un des hommes de son équipage.

L'armateur fut mis en cause et jugé civilement responsable des

actes de son capitaine, d'après l'article 1384 du Code civil par

lequel « on est responsable non seulement du dommage que l'on

cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par

le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que

l'on a sous sa garde ».

Les personnes désignées par l'article en question sont : le père

et la mère pour leurs enfants mineurs demeurant avec eux ; les

maîtres et commettants pour leurs domestiques et préposés; les

instituteurs et artisans pour leurs élèves et apprentis. E. B.

VIII. La législation récente sur les aliénés : progrès ou régression ;

par William Graiiam (The Journal of Mental Science. Octo-

bre 1901).

Etude très spéciale, consacrée à une législation qui ne ressembla

que de loin à la nôtre, et que nous devons nous borner à indi-

quer. 11. 111. C.

IX. Le fonctionnement de la loi sur l'ivresse ; par John Carswell

(l'lie Jozii-i ? al of 31e ? ztal Scieizee. Octobre 1901).

X. La législation sur l'ivresse; en Angleterre, principalement au

point de vue de la loi de 1898 ; par William COTTON.

Ces deux mémoires visent et discutent, au point de vue de leur

fonctionnement et de leurs effets, des textes de lois qui sont mul-

tiples et que nous ne connaissons guère en France où leurs dispo-

sitions ne seraient pas applicables, au moins actuellement.

R. M. C.

Il Responsabilité criminelle; par Henry LYLE M'INTRR. (The Jour-

nal of dlentul Science, janvier 1901.)

Ce travail est un commentaire ou une discussion des mémoires

publiés par M. Whiteway, en octobre 1899 et par M. Mercier, en

avril 1900, mémoires dont il a été rendu compte à cette place.

L'auteur croit à une diminution de la puissance de résistance

morale chez les sujets à hérédité névropathique, mais il déclare

que ce n'est qu'une simple opinion. Quant à l'existence de la para-

lysie générale au début dans les prisons, c'est une question dis-

cutée, mais qui ne lui parait pas avoir de rapport avec celle de la

responsabilité telle qu'on la conçoit actuellement. Le cas cité par

M. Wbitcway n'est qu'un fait particulier, plus que regrettable,

mais facile à éviter dans l'avenir. Le diagnostic de la paralysie

générale au début n'est pas tellement difficile que l'on ne puisse

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 195

sûrement éviter que les malades de cette nature soient victimes

d'injustices. On a formulé depuis quelques années beaucoup d'as-

sertions qui ont paru prématurées ou hasardées, en matière de

criminologie; mais tout le monde est à peu près d'accord pour

admettre que les criminels se distinguent de la foule par une ma-

nière d'être physique et morale aussi tranchée que celle qui sépare

les fous des gens raisonnables. Pour des motifs divers, cette opi-

nion est repoussée par beaucoup de médecins. L'opinion de l'au-

teur se résume en ceci : il faudrait faire pénétrer dans l'esprit des

magistrats une idée qu'ils admettent difficilement et qui, pourtant

est fort logique, et qui consiste à ne pas réserver toute son atten-

tion au crime, et à considérer non moins soigneusement le crimi-

nel; l'adoption de cette méthode constituerait un grand bienfait

pour la société, sans aucun danger pour la justice.

1. DG lIIUSGItAVE-CLY.

XII. Un cas d'homicide épileptique; parR. Peucy Smith. (T/te/OKf-

nal of Mental Science, juillet 1901.)

L'histoire de ce crime (assassinat d'une femme par son mari et

d'un petit enfant par son père) est assez banale en elle-même, et

si fauteur donne une relation détaillée du procès criminel, c'est

que, dans ce cas, où il s'agissait d'une épileptique ayant commis

son double meurtre en état de parfaite inconscience et sans en

ensuite aucun souvenir, le juge, contrairement aux erre-

ments ordinaires de la magistrature anglaise, a laissé à la défense

la plus entière liberté de rechercher et de faire valoir les antécé-

dents névropathiques de l'accusé, s'est prêté à toutes les recherches

dirigées dans ce sens, et s'est montré, dans son résumé, nettement

favorable à l'admission de l'irresponsabilité. L'accusé a été reconnu

coupable, mais aliéné, et, par suite, interné dans un asile.

R. DG lIIUEGR.aVE-CL.1Y.

Les aliénés en LIBERTÉ.

Une blanchisseuse, Mmo Marie Perrot, âgée de quarante-six ans,

demeurant 79, rue de Seine, se présentait, hier matin, au guichet

de la gare de la place Saint-Miche), demandant un billet pour la

Patagonie. « Je suis, glissa-t-elle confidentiellement dans l'oreille

de la préposée, Hve Ilumbert, et je désirerais prendre rapidement

la fuite. » Des employés remirent la pauvre folle entre les mains

des agents, qui la conduisirent devant M. Payaud, commissaire de

police du quartier de la Monnaie. 1\l Perrot a été envoyée à l'in-

lirmerie du dépôt. (Le Journal, 28 décembre 1903).

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 28 juillet 1902. Présidence de M. MOTET

Contribution à l'élude du cylo-diagnostic dans la paralysie gé-

aaérale.

III1L. Guc.nn et Dun.os communiquent trois cas de paralysie

générale, assez difficile à diagnostiquer : dans le premier on pou-

vait penser à un simple délire alcoolique, niais la présence de

lymphocytes fit craindre une paralysie générale ; en effet, ce pro-

nostic ne tarda pas à se réaliser.

Le second cas est relatif à un homme présentant les symptômes

de l'excitation maniaque. On aurait pu croire à un accès de para-

noïa aigu ou de manie intermittente. La constatation des lym-

phocytes confirma le diagnostic de paralysie générale, caractérisée

d'ailleurs, par de l'inégalité pupillaire et de l'hésitation dans la

parole. Ce malade était syphilitique.

Dans le troisième cas, il s'agit d'une confusion mentale simple.

simulant la paralysie générale. Le liquide céphalo-rachidien ne

contenait pas de lymphocytes.

M. Joefroy considère l'examen du liquide rachidien, par ponction

lombaire, comme un élément considérable de diagnostic de la

paralysie générale. La présence des éléments est un signe de

début. Ils apparaissent avant l'inégalité pupillaire et le signe

d'Argyll.

Elle permet de diagnostiquer la paralysie générale de l'al-

coolisme chronique et constitue un symptôme pathogénomique

des paralysies générales douteuses.

M. Legrain croit que la paralysie générale n'est pas la seule

affection dans laquelle on constate l'envahissement du liquide

rachidien par les lymphocytes.

M. Vigouroux a toujours eu recours à la ponction lombaire pour

faire des diagnostics difficiles.

M. Toulouse demande si ces éléments ne se rencontrent pas dans

l'alcoolisme chronique.

M. Joffroy. On en trouve parfois, mais rarement.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 197

M. NAGEOTTE. La lymphocytose a une importance considé-

rable dans le diagnostice précoce de la paralysie générale. Cepen-

dant on trouve aussi des lymphocytes dans toutes les encéplalo-

pathies syphiliques. Or, toutes les formes de syphilis cérébrales

ne se terminent pas par la paralysie générale.

M. JoFFROY espère qu'un jour le cyto-diagnostic permettra de

prévoir les rémissions de la méningo-encéphalite diffuse.

M. NAGEOTTE. Il en sera peut-être de la paralysie générale,

comme il en est du tabès, dont nous connaissons des formes

frustres.

M. Legrain croit que plusieurs intoxications peuvent provoquer

la lymphocytose.

M. 1VAGEOTTE. La lymphocytose ne peut constituer un phéno-

mène important, qu'à la condition d'être permanente. En effet, on

peut la constater transitoirement dans le zona.

M. V1GOUROUx. Les lymphocytes, bien que permanentes dans

la paralysie générale, se présentent en nombre peu variable.

M. B.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 15 janvier 1903. Présidence de M. P. RICHER

Sur une forme clinique et <tM<omo-pa<AoogMe de inditi71go-encé-

phalite tuberculeuse.

MM. ANGLADE et CIIOCREAUX (d'Alençon). Le malade avait subi un

violent traumatisme à huit ans, puis s'était bien porté. A dix-neuf

ans, il est pris de crises convulsives épileptiformes, suivies de con-

fusion mentale, et continue pendant six ans à revêtir le type com-

plet de l'épileptique vulgaire avec délire, ce qui nécessite son

internement. Il meurt enfin en état de mal sans avoir jamais pré-

senté de phénomènes méningitiques. Par contre, à l'autopsie, son

cerveau est parsemé de foyers de ramollissement inflammatoire

au niveau desquels on trouve des tubercules. Il existe des tuber-

cules dans les poumons. L'examen microscopique révèle une pro-

lifération névralgique intense envahissant la substance blanche

sous les foyers de ramollissement. Cette sclérose névroglique est en

rapport évident avec la production des phénomènes épileptiques.

Autopsie d'un géant acromégalique et diabétique.

MM. Launois et P. PRoy rapportent les résultats détaillés de l'au-

topsie d'un géant de 2 mètres 12 centimètres, présenté par

198 SOCIÉTÉS SAVANTES.

MM. Achard et Loeper, le 3 mai 1900, et mort dans leur service en

quelques heures à la suite de crises convulsives généralisées, subin-

trantes de caractère épileptiforme. Ils ont constaté notamment :

1° un volumineux épithélioma du corps thyroïde, ayant considéra-

blement dilaté la selle turcique (diamètre transversal, 40 milli-

mètres) et se prolongeant en haut par un pédicule qui passe entre

les deux nerfs optiques, sans les comprimer, s'enfonce dans la scis-

sure interhémisphérique et pénètre dans l'intérieur du lobe fron-

tal, où il remplit entièrement la cavité très agrandie du ventricule

latéral.

2° Une hypertrophie simple énorme du corps thyroïde (2;;0 gram-

mes) qui tend à confirmer les observations de Rapowich, Gley,

Bryce, Bediow, etc., sur les rapports de dépendance qui existe-

raient entre les deux glandes thyroïdienne et pituitiare.

3° Un gigantisme viscéral ayant doublé ou triplé le poids de Lt

plupart des organes (foie, rate, reins, pancréas, etc.), mais non

de l'encéphale, semblable à celui qui fut trouvé chez des géants et

chez certains acromécaliques par divers auteurs.

La constatation d'une tumeur hypophysaire confirme ici non

seulement le diagnostic d'acromégalie posé pendant la vie, mais

.encore celui de gigantisme : squelettes d'anciens géants à selle

turcique très agrandie (Taruifi, Cuningham, Sternberg, Tambu-

rini, etc.) ; autopsies récentes de géants à tumeur pituitaire(Dana,

Hutchinson, Dallema-ne, etc.). Enfin la glycosurie observée pen-

dant la vie, trouve aussi là son explication. En outre, la sympto-

matologie, relativement silencieuse, par laquelle s'était traduite

cette tumeur, montre la nécessité de pratiquer l'examen radiogra-

phique du crâne, non seulement chez les acromégaliques (Béclère)

mais aussi chez les géants. C'est cet examen quia permis récem-

ment à MM. Launois et Roy, en montrant l'agrandissement de la

selle turcique, d'affirmer l'acromégalie chez un géant infantile de

2 mètres 4 avant même qu'il eut réalisé les déformations caracté-

ristiques de la maladie de Pierre Marie.

M. P. Marie n'a jamais vu de prolongement ventriculaire des

tumeurs de l'hypopbise. Cette marche rapide, évolution et mort

en quatre ou cinq ans est caractéristique de la nature épithélioma-

teuse de la tuméfaction pituitaire.

Atrophie ponlo-cérébelleuse.

M. Thomas présente les pièces de l'autopsie d'un malade pour

lequel M. Touche et lui-même avaient posé le diagnostic de sclé-

rose en plaques, maladie dont le sujet présentait exactement les

signes, mais dont les centres nerveux ne portent aucune lésion. Il

s'agit d'une atrophie ponto-céréhelleuse avec dégénérescence pres-

que totale du pédoncule cérébral, sauf le second cinquième interne

SOCIÉTÉS SAVANTES. '199

et du faisceau pyramidal dans la moelle. Le tremblement inten-

tionnel et le nystagmus ne sont donc pas, comme M. Babinski l'a

déjà avancé, pathognomoniques de la sclérose en plaques et ne se

produisent dans cette maladie qu'autant qu'il y a de plaques de

sclérose sur le cervelet, la protubérance et l'écorce cérébrale,

étant donnée la suppléance possible entre l'écorce, le cervelet et

les centres labyrinthiques.

Sur un cas de paralysie alterne avec déviation conjuguée de la tête

et des yeux.

M. Thomas rapporte l'histoire de ce cas dont la lésion siégeait au

niveau du genou du nerf facial. La dégénérescence du faisceau

pyramidal était légère au-dessous, par contre la dégénérescence

de la substance réticulaire était intense au niveau du noyeau de

Deyters, et seulement du côté de la lésion (fibres déjà entrecroisées).

L'état des faisceaux dégénérés viendrait en outre à l'appui de l'ori-

gine olivaire du faisceau de la calotte.

Tics, stéréotypies, aérophagisme, catatonisme.

MM. Brissaud et Henri Meige, présentent une malade de cinquante-

neuf ans, atteinte de mouvements singuliers de la tête, du tronc et

des membres. Ces mouvements, à première vue, semblent indescrip-

tibles et n'avoir aucune signification; cependant, il s'agit de tics et

de mouvements stéréotypés en relation avec un état mental parti-

culier, obsession nosophobique qui pousse la malade à exprimer

par une mimique extrêmement dramatique, les douleurs dont elle

se dit atteinte. En réalité, cette malade est incapable de préciser

le siège de ses douleurs, qui d'ailleurs ne sont que l'hypertrophie

mentale de sensations banales. Les accidents ont débuté par des

clignements d'yeux à l'occasion d'une conjonctivite ; celle-ci a

guéri ; le clignement a persisté sous forme de tic. Plus tard, sont

survenus des mouvements grimaçants du visage, des hochements

de tête et toutes sortes de contorsions du tronc et des membres.

Ces mouvements sont tantôt convulsifs, de forme tonique ou de

forme clonique, tantôt, ce sont des gestes ou des attitudes stéréo-

typés non convulsifs ; ils cessent dès que l'attention de la malade

est attirée ailleurs ; ils s'exagèrent dès qu'elle parle ou qu'on lui

parle de sa maladie. Sensibilité cutanée normale ; les réflexes sont

impossibles à trouver, par suite d'un état de raideur presque cata-

tonique des membres ; enfin, cette femme est atteinte d'un tic aréo-

phagique qui se manifeste par des efforts exagérés de déglutition

de l'air, suivis d'éructation sonores et inodores.

L'intérêt de ce cas est de montrer la coexistence chez un même

sujet, de tics toniques et cloniques avec des mouvements stéréo-

typés, et enfin, avec des phénomènes de catatonisme.

200 SOCIÉTÉS SAVANTES.

. L'état mental de cette femme est manifestement troublé par des

préocupations nosophobiques, aujourd'hui, tous ses mouvements

sont compréhensibles et n'ont qu'un but, traduire ses souffrances

tics ou stéréotypes mimiques, ou bien ce sont des gestes de

défense pour se protéger contre la douleur.

On peut présager, étant donné l'âge de la malade, cinquante-neuf

ans, que son désordre mental et moteur ira croissant ; peut-être

même est-elle menacée de tomber dans la démence. Ce jour-là,

un observateur, qui n'aurait pas assisté au début des troubles

moteurs de la malade, et qui n'aurait pu entendre les explications

qu'elle donne de ses gesticulations outrancières, aurait grand peine

à les interpréter.

lien est pourtant ainsi de l'immense majorité des cas de tics et

de stéréotypies observés chez les aliénés.

Les psychiatres, M. Seglas en particulier, ont maintes fois, et

avec raison, insisté sur cette pathogénie ; mais les cas où celle-ci

apparaît avec évidence sont assez rares encore pour que nous

ayons cru devoir en présenter cet exemple.

Micropsie chez un tiqueur.

M. Henry Meige rapporte l'observation d'un garçon de quinze

ans, atteint depuis l'âge de sept ans de tic des paupières et de

bégaiements, qui présente, en outre,un trouble singulier de l'accom-

modation. De temps en temps, sans cause, sans 'avertissement

préalable, il voit les objets- diminuer de grandeur, et demeurer

ainsi plus petits pendant quelques minutes; puis ceux-ci repren-

nent leurs dimensions normales. Malgré leur diminution, tous les

objets restent parfaitement nets. Cette micropsie ne se produit

qu'à la lumière artificielle et surtout lorsque le jeune homme fixe

un certain temps un objet.

Des accidents analogues ont été signalés chez des hystériques.

Cependant, ce jeune homme ne présente aucun signe d'hystérie.

On peut se demander s'il ne s'agit pas là d'un trouble convulsif

de forme tonique, intermittent, localisé sur les muscles de l'accom-

modation, trouble comparable à ces accidents toniques convulsifs,

dont l'auteur a signalé la coexistence ou l'alternance avec les phé-

nomènes convulsifs de forme clonique présentés par les tiqueurs.

Il s'agit assurément d'un trouble fonctionnel de' l'accommodation, et

l'on sait que les tiqueurs sont particulièrement aptes à adultérer

toute espèce d'actes fonctionnels. On peut dire qu'ils ont autant

d'habileté à déformer les actes moteurs que d'autres en ont à les

perfectionner. Aussi ont-ils toujours à bénéficier d'une discipline

motrice méthodique.

M. CMuzoN montre les moelles de trois cas d'hémorrhagie céré-

brale avec ponction lombaire. Le lique des ponctions était rouge et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 201 1

nettement sanglant; des suffusions sanguines existent le long des

moelles. ·

· Pathogénie du tabès.

M. G. Guillain et P. Marie. D'après MM. Thomas et Ilauser. l'ori-

gine du processus tabétique serait une névrite portant spécialement

sur les racines postérieures et plus dystrophique qu'inflammatoire.

-D'après M. Nageotte, ce serait un état inflammatoire des racines

postérieures à la sortie de l'espace sous-arachnoïdien et faisant

suite à une syphilose méningée. Pour MM. Marie et Guillain.

La lésion méningitique est, en effet, constante, elle porte sur la

pie-mère de la région postérieure de la moelle, alors que la pie-

mère de la région antérieure est indemne. Les lésions des racines

ne sont pas des lésions de névrite radiculaire pure, elles sont con-

tinues à celles des méninges. Or, M. Guillain a trouvé dans des cas

de tabès récent des corps granuleux disséminés dans les cordons

postérieurs, plus encore que dans les racines. Cette coïncidence

des lésions piemériennes et médullaires est due à un système lym-

phatique spécial et autonome dévolu à la région postérieure de la

moelle et la partie postérieure de sa pie-mère, système lympha-

tique injectable sur le cadavre et sur l'animal vivant, système rigou-

reusement postérieur et n'ayant aucune communication avec les

espaces lymphatiques de la région antérieure. C'est ce système

lymphatique médullo-piemérien postérieur autonome qui est

atteint primitivement dans le tabès, et, si l'on admet que les

lésions de la syphilis sont avant tout lymphatiques, on peut dire

que le tabès à son origine pathôgénique est une lymphangite posté-

rieure syphilitique de la moelle.

M. Déjëmne conserve l'opinion qu'il a émise avec M. Thomas.

Cette diffusion de corps, granuleux dans la moelle, est sujette à

caution ; elle ne caractérise pas une myélite, mais elle se trouve

dans la majorité des cas de cachexie même sans myélite. Les

malades de M. Guillain n'étaient-ils pas des tabétiques cachectiques.

Dans de tels cas, on trouve de ces corps granuleux même dans la

région antérieure de la moelle.

M. PIIILIPPE, invité à émettre son opinion par M. Raymond, rap-

pelle les cas extrêmement nombreux de tabétiques d'une part et de

syphilis cérébro-spinales d'autre part, dont il a eu à examiner les

lésions depuis plusieurs années. De cet ensemble imposant de

matériaux, il conclut dans le sens déjà indiqué par les grands

maîtres, tels que Vulpian, Cliarcot, Fleclisig, et récemment encore

par Erb. Le caractère essentiel et primordial du tabes est d'être

par dessus tout systématique, non seulement par sa localisation

exclusivement postérieure et radiculaire, mais encore par le choix

même des fibres qui sont spécialement touchées dans la moelle et

202 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les racines. Ces fibres sont électivement celles qui vont aux cellules

motrices des cornes antérieures. C'est là une loi qui lui paraît irré-

vocablement acquise. D'autre part, conformément encore aux

enseignements de Westphall, Vulpian, etc., la nature de la lésion

de ces fibres spéciales dépend d'un processus atrophique sans alté-

rations interstitielles ni vasculaires ; le tube nerveux est atteint

primitivement. Inutile d'insister sur la différence énorme entre cet

état et le caractère tout à fait diffus des localisations syphilitiques

cérébro-spinales simples qui ne sont jamais systématisées ni en

aucun sens électives. Les altérations tabétiques comme celles de

la paralysie générale sont donc une classe spéciale de lésions syphi-

lithiques qu'il faut mettre absolument à part.

M. Marie est d'accord avec M. Philippe sur le point de la systé-

matisation ; mais il revient sur le processus qui détermine ces

lésions systématiques et admet que la lymphangite syphilitique

suive naturellement les espaces lymphatiques des bandelettes

externes, espaces en rapport avec les racines postérieures.

M. Raymond voudrait savoir jusqu'à quel point est réelle la certi-

tude sur ces voies lymphatiques spéciales.

M. Gillain répond que ses expériences et celles de M. Lépine

établissent l'existence, les limites et la répartition élective de ce

système lymphatique médullaire postérieur (injections de 'matières

colorantes solubles et de granulations colorées insolubles sur le

cadavre et sur le chien vivant).

M. Sicard n'a pas obtenu le même résultat avec des injections à

l'encre de Chine. Dans l'espace sous-arachnoïdien, la répartition a

été uniforme faisant manchon autour delà moelle avec maximum

au niveau des racines aussi bien antérieures que postérieures, et

diffusion dans l'épendyme. Sous la pie-mère les injections sont

restées sur place.

Valeur diagnostique de l'épilepsie spinale,

M. B%i31Nsi-,i obtient à volonté la trépidation épileptoïde du pied

sur des sujets normaux par le moyen suivant : mettant le pied en

demi-extension et faisant raidir les muscles du mollet, il percute

un moment le tendon d'Achille. Cela fait, on obtient par le procédé

habituel un clonus du pied qui peut durer longtemps selon qu'on a

plus ou moins excité le tendon. Il présente à l'appui deux sujets

atteints de troubles névropathiques purement fonctionnels et insi-

gnifiants sur lesquels le clonus est négatif par le procédé direct et

assez intense par contre.

Après percussion du tendon. L'épilepsie spinale n'a donc pas de

valeur absolue comme signe de lésion du système pyramidal, le

phénomène des orteils est, à ce titre, beaucoup plus important.

SOCIÉTÉS SAVANTES. -03 3

M. 1UYMOKD a observé, en effet, à la clinique, des faits ana-

logues et des phénomènes cloniques qu'on provoque chez des

malades dits neurasthéniques, phénomènes plus ou moins com-

plexes qui ne sont que des semblants d'épilepsie spinale.

Cécité et surdité verbales avec paraphasse par lésion droite

du cerveau.

M. Joffroy montre les pièces d'un sujet chez lequel ces symp-

tômes d'aphasie sensorielle étaient dus à une hémorrhagie située

dans l'hémisphère droit, entre la 1 ? et la 3° temporales, et un

foyer de méningo-encéphalite adhésive dans la région du pli

courbe également à droite. L'hémisphère gauche est entièrement

indemne. Touche, Kussmaui et d'autres ont publié deux ou trois

cas de lésions droites ayant produit l'aphasie chez des gauchers. Le

sujet dont il s'agit ici devrait être un gaucher rectifié.

' Trophoedème sec/mentaire acquis.

MM. LA1G\GL-L.1V : 1STI1C et Sicard présentent une jeune fille de

vingt-huit ans, qui, à la suite d'une entorse, a été atteinte d'un

oedème blanc, dur, douloureux, progressif et accompagné d'amai-

grissement musculaire, mais sans réaction de dégénérescence ni

troubles des réflexes du membre inférieur, s'étendant du pied à la

cuisse qu'il est en train d'envahir. Le traitement thyroïdien n'a a

rien donné. 11 s'agit vraisemblablement d'un trophoedème ana-

logue aux oedèmes trophiques congénitaux.

Les troubles psychiques dans la syringomyélie.

MM. Pierre Marie et Georges GUILLAIN. En parcourant les traités

de neurologie et les observations publiées, on peut croire que les

troubles psychiques n'appartiennent pas à la symptomatologie de

la syringomyélie qui, pour tous les médecins, est considérée

exclusivement comme une affection de la moelle et parfois du

bulbe.

Nous avons cependant observé qu'arrivés à une phase avancée

de leur affection, les syringomyéliques présentaient des troubles

psychiques dont la valeur pronostique, à notre avis, est importante

à connaître. Deux de nos malades, plusieurs mois avant leur mort,

eurent des idées de persécution, l'un d'entre eux devient véritable-

ment dénient, un autre, quatre mois avant sa mort, eut une psy-

chose érotomaniaque, un quatrième malade eut un délire religieux,

il s'est pendu. Nous observons actuellement un syringomyélique

qui depuis deux mois à des hallucinations, un état d'excitation

cérébrale très spécial.

Les troubles psychiques, dans nos cas, sont apparus dans la

204 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.

syringomyélie plusieurs mois avant la mort, il nous semblent donc

avoir souvent une signification pronostique incontestable. Ils peu-

vent d'ailleur avoir par eux-mêmes un pronostic grave, puisque

un de nos malades s'est suicidé.

Ces troubles psychiqnes ne sont pas sous la dépendance de l'al-

coolisme chronique, de l'urémie, de la glycosurie. Ils ne sont pas

en rapport avec une maladie infectieuse, ni avec l'hydrocéphalie.

Ils appartiennent à la symptomatologie propre de l'affection primi-

tivement médullaire, ils sont un symptôme tardif et probablement

plus fréquent qu'on ne l'a supposé dans la syringomyélie.

Contribution à l'étude de l'origine centrale de la paralysie saturnine.

Observation avec autopsie.

MM. Cl. Philippe et de Gothard. Un homme de trente-sept ans,

fait plusieurs séjours à la Salpêtrière en 1893, 1896, 1900, pour des

accidents de paralysie amyotrophique. C'est un peintre-verrier qui

a du saturnisme chronique depuis l'âge de vingt-quatre ans (crises

fréquentes de coliques de plomb ; accidents d'encéphalopathie,

avec accès épileptiformes, sans pertes de connaissance). C'est, en

outre, un alcoolique (vin, absinthe, amers). Enfin, depuis de

longues années, ce malade tousse aisément et il a des bronchites

longues chaque hiver. Sa paralysie a débuté en 1893, arrivant en

quelques semaines à abolir à peu près complètement les mouve

ments des pieds et des mains ; incomplètement ceux des jambes,

des cuisses, des bras, des épaules. Un premier séjour à la Salpê-

trière (mars, juin 1893), apporte une amélioration considérable à

tel point que les mains sont complètement guéries, mais les pieds

restent tombants. Surviennent une série de rechutes, avec amélio-

rations de plus en plus incomplètes pendant les années suivantes.

A noter de temps en temps quelques phénomènes douloureux

(hyperesthésie cutanée; douleurs dans les poignets). A ses derniers

séjours, la paralysie amyotrophique est surtout marquée aux

extrémités, plus aux mains qu'aux pieds (conservation du long

supinateur; prise à peu près totale des muscles interosseux,

etc.). Réflexes tendineux plutôt exagérés. Réflexes cutanés exa-

gérés. Pas de troubles objectifs de la sensibilité. Troubles oculaires

(pupilles inégales avec mydriase gauche ; réflexes lumineux faibles ;

réflexes accomodateurs énergiques; fond d'oeil normal).

Plusieurs examens pratiqués par M. Huet, en 1893 et en 1896, ont

montré des modifications électriques considérables, telles que :

R. D. complètes dans le groupe musculaire-antibrachial, sauf le

long supinateur, toujours resté indemne, dans tous les muscles de

l'éminence thénar, y compris le muscle court adducteur du pouce

et le 1" interosseux dorsal; R. D. partielle dans les muscles iner-

vés par le sciatique poplité externe, bien que minime dans le mus-

BIBLIOGRAPHIE. 205

cle jambier antérieur. Les troubles de la contractilité électrique

sont allé en s'aggravant progressivement. '

Le malade rentre en mars 1900 avec des signes indéniables de

tuberculose pulmonaire il la période cavitaire, dans un état tel

que tout examen devient impossible.- Il meurt le 13 mars 1900.

L'examen histologique, pratiqué à l'aide de toutes les nouvelles

techniques (Nissl; Weigert-Pal ; Marchi ; coupes et dissociations)

sur les pièces du système nerveux central et périphérique,

démontre avant tout l'existence d'une poliomyélite antérieure

subaigue (diminution de nombre des cellules; processus d'atrophie

simple et exceptionnellement d'atrophie dite pigmentaire ; sclérose

des vaisseaux ; sclérose névroglique légère), cette poliomyélite a

évolué sans méningite, dans toute la hauteur de la substance

grise, avec une prédominance marquée pour les renflements, en

particulier pour le renflement lombaire et pour la moelle sacrée,

en entraînant une dégénérescence secondaire des racines anté-

rieures, fascicules par fascicules. Les cordons postérieurs, le restant

de la moelle sont intacts. Les nombreux nerfs périphériques, dis-

sociés ne présentent ni grosses granulations, ni corps granuleux,

ni névrite segmentaire périaxile ; leurs lésions sont histologique-

ment parlant d'ordre purement secondaire et dégénératif. Les

muscles sont atrophiés sensiblement au prorata des altérations

des grandes cellules d'origine.

Cette observation, qui appartient incontestablement à la para-

lysie saturnine, d'après les descriptions classiques, vient à l'appui

de l'opinion des auteurs (Erb, Remak, Valpian, F. Raymond,

Oppenheim, Jolly, etc.), qui ont toujours soutenu l'origine centrale

de certaines formes Se paralysie saturnine, notamment pour la

forme généralisée et purement amyotrophique. Elle démontre à

nouveau combien le diaguostc clinique de la névrite amyotrophi-

que et de la poliomyélite antérieure reste difficile même à l'heure

actuelle. F. 13oissEa.

BIBLIOGRAPHIE.

Le dressage dans l'Education, par le D1' A. Bordier, directeur de

l'école de médecine et de pharmacie de Grenoble (conférence faite

à l'Ecole normale d'instituteurs).

Partant de ce principe que l'instinct est pour l'homme un guide

plus sur qu'une réflexion raisonnée, le Dr Bordier voudrait que

l'éducateur s'efforçât de donner à l'enfant l'habitude du bien, afin

qu'il en arrive à être brave, honnête et bon, sans avoir besoin de

faire intervenir l'effort de la volonté.

206 6 VARIA.

Avec Spencer, il ne désespère pas de la venue d'un temps « où

l'homme deviendra si organiquement moral qu'il accomplira par

instinct, à la manière des fourmis, des actes d'héroïsme et de dévoue-

ment ». Plus tard, il sera possible de faire intervenir l'intelligence rai-

sonnée pour faire naître le mérite, mais il faut d'abord l'habitude

que crée l'instinct moral.

Cette conception ne peut s'harmoniser avec l'idée d'une morale

absolue. Aussi le Dr Bordier considère-t-il la morale comme tou-

jours en devenir; elle évolue avec la société qu'elle a pour but de

consolider, et comme elle est avant tout la science de la vie pra-

tique, elle doit bien s'accommoder aux lieux et aux temps. C'est

cette morale utilitaire qu'on peut et qu'on doit transformer en ins-

tinct, en faisant vivre l'enfant dans un milieu d'êtres déjà dressés

et en lui faisant subir la contagion de l'exemple. Il faudra, suivant

le même principe, faire disparaître les instincts mauvais et amé-

liorer ceux quilne concorderaient plus avec les nécessités du mo-

ment. Pour ne pas faire entacher d'utilitarisme outré ces principes

de morale, le De Bordier estime que cette sorte de dressage ne

constitue pas le seul but de l'instituteur; ce dernier. devra couron-

ner et compléter son ouvrage en redevenant, une fois son rôle de

dresseur terminé, un éducateur intellectuel, en faisant comprendre

à ses élèves la valeur morale des habitudes qu'il leur aura données.

Et l'auteur termine par quelques réflexions dont nous goûtons

trop lajustesse pour ne pas les relever. « Si l'éducateur, dit-il, ne

doit être ni médecin, ni biologiste, ni psychologue, il doit cepen-

dant apprendre ai sentir à quel moment il devra réclamer le

secours d'une cure médicale pour obtenir ce que n'a pu donner

une méthode éducatrice. II faut qu'il connaisse suffisamment le

domaine exploré par la physiologie et la médecine pour qu'il ait eu

quelque sorte l'empirisme de ces sciences; alors il substituera aux

épithètes de paresseux, d'indolent, de vicieux,, celles de lympha-

tique, d'anémié, de malade en un mot, et au lieu de sévir, il pré-

viendra la famille et le médecin. » Le Dr Bordier ne pouvait mieux

dire en s'adressant à de futurs éducateurs. " >

Que d'enfants seront sauvés de la maladie et peut-être du

crime, si ses auditeurs se souviennent plus tard de cette belle con-

férence ! J. BOYER.

VA1UA.

Ecole DE psychologie. 49, ? -'le Scti ? 2t-A iitl7é- tles-A i,is , 49 (Au siège

de l'Institut psycho-physiologique)

cours de 1903

L'inauguration des cours a eu lieu le lundi 12 janvier, à cinq

VARIA. 207

heures, sous la présidence de M. le professeur Guno, membre de

l'Académie des sciences, professeur à la Sorboune. La leçon d'ou-

verture a été faite par M. Causrten, professeur au lycée Hoche sur

lv méthode en psychologie zoologique.

Hypnotisme thérapeutique. M. le Dr Béiullon, professeur. Objet

du cours : 1° La thérapeutique des maladies de la personnalité,

les lundis à cinq heures, à partir du lundi 12 janvier ; 2° Les appli-

cations de l'hypnotisme à la pédagogie, les jeudis à cinq heures

à partir du jeudi 15 janvier.

Hypnotisme expérimental. M. le Dr Paul lllacsm, professeur.

Objet du cours : L'hypnotisme chez les hystériques : Les anes-

thésies, les lundis et les jeudis à cinq heures et demie, à partir

du lundi 12 janvier.

Hypnotisme sociologique. M. le Dr Félix REGNACLT, professeur.

Objet du cours : L'hypnotisme dans les religions orientales : Le

Coran, lesvendredis à cinq heures, à partir du vendredi 16 janvier

Psychologie normale et pathologique. M. le De Paul Farez, pro-

fesseur. Objet du cours : La pathologie du sommeil naturel : Les

insomnies, les mardis et samedis à cinq heures, à partir du mardi

13 janvier.

Psychologie du criminel. M. le D1' Wateau, professeur. Objet du

cours : La femme délinquante et criminelle, les vendredis à cinq

heures et demie à partir du vendredi 15 janvier.

Psychologie des foules et Fo//Mt'6. M. le De Henry Lemesle, profes-

seur. Objet du cours : Superstitions locales : Les petits pèleri-

nages, les mercredis, à cinq heures et demie, à partir du mer-

credi li janvier.

Anntoznie et Psychologie comparées. M. E. C.USTIER, agrégé, pro-

fesseur de l'Université. Objet du cours : L'évolution des sentiments

et des fonctions psychiques dans la série animale. les samedis à

cinq heures et demie, à partir du samedi 17 janvier.

Psychologie des animaux. M. LÉPINAY, professeur.Objet du cours :

L'éducation et le dressage des animaux, les mercredis à cinq

heure=, à partir du mercredi 14 janvier.

Conférences DE 1903

Au siège de l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-

des-Arts, les vendredis à huit heures et demie du soir.

Vendredi iG janvier, à huit heures et demie, L'hypnotisme et l'or-

tleopédic morale, par M. le D1' BÉrnu-oN, médecin inspecteur des

asiles d'aliénés (avec projections). Vendredi 23 janvier, à huit

heures et demie, La psychologie de l'enfant arriéré et la lutte contre

la dégénérescence mentale, par M. le De Jules Voisin, médecin de la

Salpêtrière (avec projections). Vendredi 30 janvier, à huit heures

et demie, Education scientifique et psychologie, par M. Lusant,

docteur ès sciences, examinateur à l'Ecole polytechnique. Vendredi

208 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

6 février, à huit heures et demie, Le caractère dans les maladies :

Le tuberculeux, le cardiaque, le dyspeptique, par M. le Dr 1'lESSmcr.a,

membre correspondant de l'Académie de médecine. Vendredi

13 février, à huit heures et demie, L'émotivité morbide : Le traite-

ment psycho-lhérapique de lcz timidilé; par 11. le D' 13LalLCOV, méde-

cin-inspecteur des asiles d'aliénés (avec projections). Vendredi

20 février, à huit heures et demie, La suggestion collective : La dis-

cztssion et la propagande, par M. L. LE Foyer, vice-président de

l'Association de la paix par le droit. Vendredi 27 février à huit

heures et demie, La certitude médicale : Influence des Hayons X sur

les progrès de la médecine, par M. le 1), de Bourgade la D : 1RDY1 ? ,

directeur du journal les Rayons 1 (avec démonstrations de radios-

copie). Vendredi 6 mars, à huit heures et demie, Le rt3le psycJeclo-

trique de l'officier français, par M. le capitaine Villetahd de LAGL'E-

mE. Vendredi 13 mars à huit heures et demie, La psychologie

de l'éléphant, par M. Caustier, professeur au lycée Hoche (asec

projections). Vendredi 20 mars à huit heures et demie, Les causes

d' affaiblissement de la volonté : La thérapeutique des aboulies, par

M. le Dr Paul JOIRE (de Lille).

La plupart des conférences seront accompagnées de présenta-

tions de malades, de démonstrations cliniques de psychothérapie,

de démonstrations expérimentales et de présentations d'appareds.

IIotel-Dieu. Maladies du système rrcrveux.-111. Gilbert Ballet

reprendra ses leçons cliniques {Traitement des maladies nerveuses),

le Dimanche le, février, à 10 heures (Amphithéâtre Trousseau), et

les continuera les dimanches suivants à la même heure. Consulta-

tion externe et policlinique, le samedi à 9 h. 1/2 (Salon de la Salle

Sainte-Anne).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

ALO.NI13EIT GOGET (J.-G.). L'internement des aliénés criminels. In-8»

de 208 pages. J.-I3 Baillière, éditeur.

Giiipallt (A.). Etat actuel de la chirurgie nerveuse. T. Ier. In-8» de

800 pages avec 230 figures. Paris 1902. Hueff éditeur. Prix : 25 francs.

Deny (G.) et Roy (P.). La clémence précoce. In-18 de 96 pages

(Actualités médicales). Prix : 1 fr. 50; J.-B. Baillière, éditeur.

Jennings (Oscar). - Laguérison de la morphinomanie sans souffrance.

In-18 de 232 pages. Prix : 4 francs.. ,

Le rédacleur-géranl : Bourneville.

Evreux, Ch. Hébissey, imp. i-1903.

Vol. XV. Mars 1903. N° 87.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Nouvelle contribution à l'étude des psychoses

postopératoires ; 5

Par Mil. LuciEN PICQUÉ et Martel BRIAND.

La communication que nous avons faite en 1898 à la

Société de Chirurgie sur les psychoses post-opératoires est

bien venue à son heure pour montrer tout l'intérêt qui

s'attache à cette question. La longue discussion qui a été

ouverte devant cette Société a fixé des points importants.

Des thèses ont été soutenues où les auteurs ont envisagé

des côtés différents de la question* , des leçons cliniques 2

sont venues consacrer d'une façon officielle les faits que

nous avions indiqués. Des articles divers ont été écrits sur

le même sujet3. Enfin le rapport important de Rayneau

d'Orléans au Congrès d'Angers et la discussion qui en a

suivi la lecture, ainsi que la discussion de la Société de

Médecine de Bordeaux (Btcll. ntéd., 17 juillet 1898) démon-

trent suffisamment l'importance de ce sujet.

Notre intention en revenant aujourd'hui sur cette question

1 Thèse de Truelle, 189S. Thèse Margoliez, 1898. Thèse Guvot,

1899.

2 Professeur foffroy (Ili-esse i)2é(liectie, 19 mars 1898). Professeur

Berger [Médecine moderne. 17 juin 1899). - Professeur Duplay in'reste

médicale, 28 juin 1899).

' Callienzis d'Athènes et Montprofit d'Angers (.tng. Médical, 1898).

Hatigne ( Gaz. des J7(ip., 3 juin 1899. Marandon de Nlontliyel (Revue de

Chirurgie, 1898). Maurange (Gazette hebdomadaire, 11 avril 1S98.

Doléris (Société obstétricale, 8 juin 1898. Revue de psychiatrie, août

1898). Ozenne et Reynier (Société de médecine et c/)'K. pral.,

mai 1898). -Gallois (I3ullelin néclical, 1898).

Archives, 2' série, t. XV. 14

210 CLINIQUE MENTALE.

est de montrer le chemin parcouru depuis cette époque, de

fixer les points définitivement établis, de discuter ceux qui

sont restés en litige, de mettre en lumière certains faits nou-

veaux à l'aide des documents personnels que nous avons pu

recueillir au cours de ces dernières années.

Il nous restera enfin à montrer, en élargissant le problème,

quel intérêt il y a pour le chirurgien et pour l'aliéniste à

bien connaître les psychoses post-opératoires.

Restant fidèles à la définition que nous en avons donné à

la Société de chirurgie, nous n'envisagerons sous la déno-

mination de psychoses os<-operaot ? '6S que les troubles

délirants qui se produisent dans la sphère de l'idéation seule.

Quelques auteurs qui ont écrit depuis sur ce sujet ont cru

devoir y ranger tous les troubles nerveux qu'on peut obser-

ver à la suite des opérations. Maurange, dans un excellent

article rempli d'ailleurs d'aperçus judicieux, Gallois dans^

son article sur l'état mental des ovariolomisées, n'ont pu se

mettre en garde contre cette cause d'erreur et quelques-unes

des observations qu'ils nous ont citées sont relatives à des

neurasthénies simples qui pourraient être, pour certains,

rangées dans le groupe qui nous occupe, mais dont nous

devons réserver l'élude.

Dans un autre travail 1, nous avons montré que la neuras-

thénie post-opératoire existe .bien réellement, et qu'elle est

même fréquente. Nous avons insisté également sur sa valeur

pathogénique au point de vue de la production d'un certain

nombre de psychoses post-opératoires ; mais si le vrai délire

peut naître dans certains cas, comme nous avons essayé de

le prouver, d'un état neurasthénique, il est pratiquement

préférable de ne pas les confondre et l'on doit les étudier

séparément, réservant exclusivement au groupe des psy-

choses post-opératoires, les cas qui ressortissent à notre

définition. Même en envisageant les faits de cette façon,

l'accord n'est pas encore parfait parmi les cliniciens.

M. Régis a soutenu au Congrès d'Angers qu'il fallaitranger

sous cette dénomination les délires d'intoxication que nous

nous étions appliqués à distinguer des vrais délires sous le

nom de faux délires post-opératoires.

' Picqué et Dagonet. r\eurasllténie posl-opéraloire; Piqué et Dagonet,

Recueil des travaux. 2° volume, 1902, Masson.

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 211 L

Bien que notre très distingué collègue n'ait pas été, en

cette circonstance, suivi par les autres observateurs, nous

croyons utile d'insister à nouveau, sur la nécessité de séparer

avec soin les deux catégories de délire, en nous servant

d'arguments qui nous paraissent convaincants.

Certes au point de vue philosophique, ces deux variétés

'se produisant à la suite des opérations mériteraient de ren-

trer dans le cadre des psychoses post-opératoires ; mais

cette classification n'est rationnelle qu'en apparence, elle a

pour nous le grave inconvénient d'amener en clinique la

confusion la plus regrettable en rangeant sous la même

dénomination des éléments disparates, d'obscurcir la ques-

tion de la prophylaxie qui au point de vue chirurgical doit

tenir le premier rang, et aussi, de permettre au chirurgien

d'échapper à la responsabilité de ses actes.

Nous désirons, avant d'aller plus loin, nous expliquer sur

ces deux points. Lorsque nous avons commencé à rechercher

dans la science, pour établir le groupe des vraies psychoses

post-opératoires, des cas semblables à ceux que nous obser-

vions depuis de longues années dans les asiles, nous nous

sommes heurtés à un certain nombre de faits d'intoxication

septicémique évidente.

Nous avons été amené naturellement à les éliminer puis-

qu'il ne s'agissait en réalité que de délires transitoires (véri-

tables délires d'hôpital), se terminant rapidement par la

guérison ou par la mort, et nous ne pouvions nous résoudre

à ranger dans le même groupe, deux variétés de délire qui

diffèrent tant, au point de vue de l'étiologie, des symptômes

et du traitement.

Si rationnellement il s'agissait bien de délires survenant

après une opération, ils différaient tellement de ceux que

nous connaissions, que nous ne pouvions évidemment songer

qu'a établir deux groupes bien distincts de délires post-

opératoires.

M. Marandon de Monthyel, dans son article critique de la

Revue de chirurgie, a insisté également sur ces différences.

Alors que les premiers sont essentiellement transitoires,

et doivent être soignés à l'hôpital, les deuxièmes sont per-

manents, ou tout au moins d'une durée plus ou moins

longue et nécessitant l'internement dans un asile. En fait

personne ne niera qu'il y a des opérés délirants après un

212 CLINIQUE MENTALE.

traumatisme opératoire qui sont envoyés à l'asile pour y

guérir ou pour y rester ; tandis qu'il en est d'autres qui

présentent des délires transitoires dus surtout à la septi-

cémie, rarement au chloroforme ou aux autres agents médi-

camenteux.

On ne doit pas plus les confondre qu'on ne confond les cas

de folie puerpérale qu'onamèneàl'asileavec des délirespuer-

péraux transitoires dus à la septicémie. Les unes sont bien

des délires d'asile, et arrivent seuls aux aliénistes ; les autres

sont des délires d'hôpital. Ne voit-on pas l'intérêt considé-

rable qu'il y a à les distinguer pour ne pas envoyer à l'asile

et les traiter comme aliénés, des malades qui doivent guérir

à l'hôpital ou y mourir.

L'un de nous a cité ailleurs des cas de délirants d'hôpital

venus à l'asile comme aliénés, y mourir parfois rapidement,

ou guérir quand il lui avait été possible d'intervenir à temps.

Il a eu l'occasion de voir récemment dans un asile, une

malade envoyée comme atteinte de psychose post-opératoire

puerpérale et qui y est morte au bout de vingt-quatre heures

en pleine septicémie puerpérale. Il a relaté d'autre part

dans une communication à la Société de Chirurgie (le mars

1898) l'exemple d'un malade envoyé en plein délire fébrile

d'un service parisien, chez lequel il a pu reconnaître à

temps une suppuration très étendue du genou et qui guérit

de sa prétendue psychose par une amputation de la cuisse.

Parfois il est difficile de classer les faits dans l'une ou

l'autre de ces catégories. C'est ainsi que dans le cas qu'a

bien voulu me communiquer mon excellent confrère le pro-

fesseur Walther de Gothembourg (Suède) et qui se trouve à

la fin de ce travail (obs. IX), il est probable qu'il s'agissait

d'un délire infectieux, sans qu'il soit possible de l'affirmer

cependant.

Quoi qu'il en soit, cette observation est intéressante à

connaître, car elle montre qu'il existe une gradation insen-

sible entre les psychoses post-opératoires chirurgicales et

psychoses d'asile post-opératoires; et la question se com-

plique encore de la doctrine infectieuse appliquée à toutes

les variétés de psychoses.

Enfin, on observe souvent, ainsi que l'a démontré M. Ma-

gnan, des délires fébriles ou d'intoxications superposés à de

véritables psychoses, les uns et les autres survenus consé-

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES.. 213

cutivement à une opération; ce n'est qu'après la disparition

de l'épiphénomène d'intoxication passagère, qu'on peut

découvrir la coexistence d'une folie durable.

Les délires d'asiles, les vraies psychoses post-opératoires

selon nous, celles que M. Marandun de Monthyel désigne

plus spécialement sous le nom de folie post-opératoires pour

les distinguer des délires transitoires précédemment étudiés

ne sont pas par contre admis par tous les auteurs.

Notre distingué collègue de Bordeaux n'admet pas cette

catégorie et il s'est prononcé formellemenî sur ce point au

Congrès d'Angers. Nous tenons tout d'abord à répéter ce

que l'un de nous a écrit dans un article du Bulletin médical

(14 septembre 1898), que les malades auxquels il était fait

allusion n'étaient pas des aliénés chez lesquels des opéra-

tions ont été pratiquées ; mais des malades qui ont été

opérés à l'hôpital et qui ne sont venus à l'asile que parce

qu'ils ont présenté après l'opération des troubles cérébraux

persistants.

Dans une première communication à la Société de Chi-

rurgie, l'un de nous ' avait présenté ces malades sans

étiquette en se bornant à montrer que cette catégorie existe

réellement. A la question posée : l'opération a-t-elle chez

eux engendré le délire ? Chirurgiens et aliénistes ont

répondu.

Les chirurgiens se sont appliqués à démontrer chez leurs

opérés l'existence de psychopathies antérieures ou de prédis-

positions héréditaires.

Quant aux aliénistes, ils ont fixé définitivement ce point

culminant de la question. M. Truelle, disciple distingué de

M. Magnan, a indiqué que de toutes les causes indiquées pour

expliquer l'apparition de la psychose post-opératoire, une

seule était réelle et efficiente, à savoir la prédisposition héré-

ditaire ou acquise.

M. le professeur Joffroy a soutenu la même opinion dans

son intéressante leçon clinique. La plupart des aliénistes

d'ailleurs déclarent que les malades qui délirent après les

opérations sont des prédisposés vésaniques « dont le cerveau

était en quête d'une occasion de délirer (11a·aadoa) » et c'est

encore là une raison de séparer ces formes de la forme

' M. Lucien Picqué. Soc. de chirurgie, 1897,

214 CLINIQUE MENTALE.

infectieuse ou septicémique où la prédisposition vésanique

ne paraît pas nécessaire à certains aliénistes.

Voilà un point qui paraît solidement et définitivement

établi, et tous les les cas survenus, chez des sujets indemnes

de toute prédisposition héréditaire ou acquise, doivent être

tenus pour suspects.

La malade G... (obs. I) était nettement une prédisposée ;

il en était de même de la malade II... (obs. II).

Le premier malade de M. Dubousquet (obs. VI), présentait

très nettement une dégénérescence mentale avec hystérie. La

deuxième du même auteur était hypochondriaque (obs.VII).

Dans le cas de M. Vigouroux (obs. V), nous n'avons aucun

renseignement sur les antécédents héréditaires, et il en esl

-malheureusement de même dans un certain nombre d'obser-

vations, et si nous avons cité un de ces cas, c'est pour bien

montrer qu'il ne faut pas conclure de la présence de troubles

après une opération, à l'existence d'une psychose post-opé-

ratoire vraie. Dans l'observation qui nous a été communiquée

par M. Mignot, chef de clinique de la Faculté (obs. VIII), nous

avons peu de renseignements sur l'histoire de la malade. En

tout cas, il s'agit d'une débile et le délire post-opératoire

s'explique aisément.

Ces observations viennent confirmer d'ailleurs celles

publiées dans une deuxième communication *. Même dans

les cas publiés par l'un de nous, où les troubles psychiques

se sont greffés sur un état neurasthénique post-opératoire,

il est évident que là encore, on ne saurait nier l'influence

de ces prédispositions héréditaires ou acquises.

Dans un mémoire, l'un de nous a dit que les psychoses

post-opératoires étaient une légende. Or, il a voulu viser

les auteurs qui ont prétendu que l'opération pouvait à elle

seule produire la psychose.

La psychose post-opératoire en elle-même est un fait

qu'on ne saurait nier; ce qui est une légende, c'est la doc-

trine de certains qui admettent le pouvoir qu'aurait l'opéra-

tion de créer seule la psychose, puisque nous savons aujour-

d'hui, grâce à de nombreux travaux, que cette variété de

psychoses ne peut se produire que chez les dégénérés; nous

' Faite à la Société de chirurgie, du 2 mars 1898.

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 215

aurons à tirer de ces faits des enseignements importants au

point de vue chirurgical.

Déjà en 1887, dans un travail intéressant lu à la Société

médico-psychologique 1, )[. Charpentier réservait son premier

groupe aux idées morbides pouvant aller jusqu'au délire

chez les traumatisés ou les opérés ; et, dès cette époque,

l'auteur en appelait aux chirurgiens, leur demandant de

rechercher les antécédents héréditaires. Il y voyait l'occasion

de reprendre, pour le compte de la diathèse névropathique,

les idées de Verneuil sur le réveil des dialhèses.

Mais de ce que l'acte opératoire ne joue qu'un rôle occa-

sionnel, au même titre qu'une perturbation physique ou

morale quelconque, faut-il rejeter comme Régis cette classe

de psychoses, ou les appeler comme M. Truelle « psychoses,

dites post-opératoires » ? Je ne le crois pas pour ma part,

malgré le peu de fixité des symptômes de la marche, du

pronostic et du traitement.

La prédisposition héréditaire peut réagir selon un mode

particulier à chaque cerveau et produire, comme nous le

verrons plus loin, une forme de délire différente selon les

cas.

L'importance de la donnée étiologique d'une part, les con-

séquences prophylactiques qui en découlent d'autre part,

sont telles, que se trouve suffisamment justifiée, au point

de vue pratique, la classe des psychoses post-opératoires.

Les malades qui en sont atteints avaient jusqu'alors

échappé, grâce à des circonstances heureuses, à toute per-

turbation physique ou morale. Une seule paraît avoir agi : -.

l'opération, et c'est cette opération qui a été véritablement

le point de départ de la psychose.

Pourquoi vouloir la supprimer ? Qu'on la fasse rentrer

dans les psychose de dégénérescence, la chose va de soi, et

le chirurgien ne pourra que se féliciter que les aliénistes

aient fixé ce point de la question.

Il reste à trouver quelles sont les tares physiques ou les

stigmates psychiques, suivant le mot si heureux de M. Ma-

gnan, de la dégénérescence mentale qui permet de penser

que tel prédisposé pourrra délirer consécutivement à un trau-

matisme opératoire. En attendant, il suffira au chirurgien

' Les idées morbides et les délires de persécution.

216 CLINIQUE MENTALE.

de savoir que chez une classe de dégénérés, l'opération peut

conduire à une psychose. Nous verrons plus loin que cette

donnée bien connue de lui, lui permettra de restreindre de

plus en plus le chapitre des psychoses en s'abstenant d'opé-

rer certains malades.

M. Régis pense que dans ces conditions on doit invoquer

une coïncidence. On pourrait alors se demander à bon droit,

avec M. Marandon, pourquoi cette coïncidence ne serait pas

invoquée lorsque la psychose apparaît chez un dégénéré

à la suite d'une perturbation quelconque.

A titre de coïncidence, nous pouvons citer, d'ailleurs, l'ob-

servation du malade du Dr Legrain et qui se trouve à la fin

de ce mémoire (obs. IV). 1 .

Un malade opéré de cure radicale présente quelques

troubles psychiques après son opération : sa femme interro-

gée raconte qu'il avait présenté déjà quelques symptômes

avant son opération. Quoi qu'il en soit, le malade devient

paralytique général.

Il est certain que l'opération n'a pu produire une paraly-

sie générale, c'est-à-dire une maladie à lésions anatomiques

bien caractérisées. Tout au plus peut-on se demander si

l'opération, n'a pas fait éclater les symptômes cliniques jus-

qu'alors latents. Les mêmes réflexions peuvent être faites

pour la malade Q... (obs. III).

Les opérations gynécologiques prédisposent-elles plus que

d'autres, à l'éclosion du délire post-opératoire ? C'est un point

qui,;à diverses reprises, a exercé la sagacité des observateurs

et qui- aujourd'hui peut être considéré comme définitive-

ment tranché. A part Ollier et Ledentu, qui au cours de la

discussion que j'avais soulevée en '1898 à la Société de Chi-

rurgie ont affirmé ce rapport de causalité, tous les chirur-

giens sont unanimes à déclarer que l'intervention dans la

sphère génitale de la femme ne prédispose pas plus à la psy-

chose post-opératoire qu'aucune autre opération.

Déjà en 1891, les chirurgiens qui avaient pris part à la

discussion du Congrès de chirurgie étaient arrivés à la même

conclusion.

La confusion trop fréquente entre la neurasthémie simple

et les psychoses délirantes est une des raisons qui ont pro-

bablement conduit les auteurs à admettre cette relation. On

voit souvent des états neurasthéniques réveillés à la suite

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-oPERATOIRES. 217

d'interventions chirurgicales et comme le nombre des opéra-

tions pratiquées dans la zone génitale de la femme est

aujourd'hui considérable, il semble que cette intervention y

prédispose particulièrement ; mais comme, d'autre part, des

troubles analogues se présentent aussi bien chez l'homme

que chez la femme à la suite des opérations les plus diverses,

on n'est pas autorisé à affirmer que les opérations abdomi-

nales chez la femme les prédisposent plus que d'autres aux

vraies psychoses post-opératoires.

Les symptômes de la psychose post-opératoire sont des

plus variables.

C'est en s'appuyant d'ailleurs sur cette variabilité des

symptômes que quelques auteurs se refusent à grouper à

part les psychoses post-opératoires; aucun ne s'est d'ailleurs

appliqué à fournir des arguments très décisifs en faveur de

la suppression des psychoses post-opératoires. Il y avait

néanmoins dans leur étude des notions bien précieuses à

acquérir au point de vue des indications et contre-indica-

tions opératoires chez les aliénés.

Dans l'étude symptomatologique des psychoses post-opé-

ratoires il convient tout d'abord d'éliminer les formes qui

ressortissent à des lésions anatomiques bien définies; on ne

saurait évidemment y faire rentrer le cas du malade cité

plus loin et devenu paralytique général après l'opération; il

l'était probablement avant et on ne doit voir dans ce fait

qu'une simple coïncidence. Tout au plus pourrait-on penser

que l'intervention chirurgicale a réveillé une symptomato-

matologie jusqu'alors latente ?

A quelle cause attribuer la variabilité des formes déli-

rantesque l'on peut observer à la suite des opérations ? C'est

la forme variable de la mentalité ou de la prédisposition qui

crée la forme de la psychose, tout comme la variété de l'agent

toxique crée les variétés du délire d'intoxication. Chez telle

malade hystérique qui a présenté autrefois des accès de

manie, l'acte opératoire pourra développer une psychose

revêtant la forme de la manie hystérique. Chez telle autre,

la psychose prendra les allures d'un délire de persécution

dans lequel ne manqueront pas d'entrer parents et opérateurs

qui auront sollicité ou pratiqué une opération dans le but

de nuire au malade. Chez tel malade, l'opération pourra,

par la perte de sang ou les préoccupations morales, détermi-

218 CLINIQUE MENTALE.

ner de la dépression mélancolique ou un véritable accès de

délire mélancolique.

La nature même de l'opération pourra avoir sur l'opéré

une influence déterminante, quant à la forme de la psychose.

Les opérations pénibles, la perte d'un membre, du sein chez

la femme, l'anus contre nature ou la fistule urinaire hypo-

gastrique, les opérations entravant la puissance génésique

de l'homme, engendrent plus particulièrement les formes

mélancoliques. Et si ces formes sont fréquentes à la suite des

opérations, ce n'est pas tant parce qu'elles constituent les

formes les plus ordinaires de l'aliénation, que parce qu'elles

sont provoquées par une catégorie spéciale d'opérations.

Nous en avons constaté un grand nombre de cas, publiés

ailleurs. -

Il faudrait donc, pour expliquer les différences sympto-

matiques si considérables que l'on observe dans les psy-

choses post-opératoires, tenir compte de l'âge, des antécé-

dents héréditaires, des formes de troubles mentaux présen-

tés par la malade, surtout aussi du degré de prédisposition,

enfin, de la nature, de l'importance et du siège de l'opéra-

tion pratiquée, ainsi que des suites opératoires. Sous ce

rapport, l'un de nous a eu l'occasion de voir récemment une

malade, depuis longtemps hypochondriaque et mélancolique,

présenter à la suite d'une hystérectomie abdominale qui

avait demandé de longs mois à guérir, une crise de mélan-

colie aiguë avec tendance au suicide, qui disparut brusque-

ment dès que la malade put se lever.

Le diagnostic découle des considérations qui précèdent.

On ne se contentera pas de considérer comme psychose

post-opératoire tout trouble de l'idéation pouvant succéder

à une opération. Déjà en 1898, dans une première commu-

nication à la Société de Chirurgie (Bull., 1 ? mars 1898),

nous avions demandé qu'on éliminât de ce cadre les psy-

choses d'ordre médical pur, dépendant d'une affection anté-

rieure du sujet, ainsi que des délires toxiques et médica-

menteux.

L'expérience nous ayant démontré, depuis qu'on peut

observer à la suite d'opérations l'apparition de maladies

jusque-là méconnues, comme la paralysie générale, par

exemple, dont le début réel remontait plus ou moins loin

avant l'opération, il convient également d'en faire le départ.

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 219

De la sorte, on se trouve amené à n'avoir plus à considérer

que deux délires post-opératoires : le délire septicémique et

le vrai délire vésanique (délire d'Asile, proprement dit).

Cette distinction étant d'ailleurs justifiée par les considé-

rations précédentes, il suffira, dans chaque cas du premier

groupe, de rechercher l'existence du foyer infectieux causal.

Dans certains cas le foyer a pu exister, mais a diparu

presque complètement : une observation du professeur Wal-

ther, de Gothemberg, nous montre la difficulté de classer

ces variétés intermédiaires et l'on doit se demander si dans

ce cas la forme même du délire ne pourrait pas fournir une

indication utile. La confusion mentale que l'on tend à con-

sidérer aujourd'hui comme caractéristique d'un délire infec-

tieux pourrait dès lors constituer un élément précieux de

diagnostic. Quoi qu'il en soit, cette distinction est indispen-

sable à établir pour le pronostic et le traitement.

Le pronostic diffère naturellement selon la variété du

délire.

Dans le mémoire déjà cité (1 ? mars 1898) l'un de nous

citait le cas d'un malade envoyé dans un asile pour un délire

post-opératoire et qui guérit par l'amputation de la cuisse.

Depuis cette époque, il en a observé bien d'autres cas, et

pense que, hormis les cas de.septicémie généralisée, la guéri-

son peut être considérée comme la règle.

Il en est tout autrement dans les cas de psychoses vraies

post-opératoires qui relèvent de l'aliéniste seul. Là, cepen-

dant, il est encore nécessaire d'établir des catégories. Dans

les variétés mélancoliques dépendant d'infirmités curables,

le pronostic est relativement favorable et susceptible d'être

amélioré par l'intervention chirurgicale. Dans les autres cas,

il est absolument variable et dépend entièrement du degré

de la prédisposition héréditaire ou acquise du malade.

Les considérations qui précèdent, nous permettent d'être

bref sur le traitement des psychoses post-opératoires.

Dans les formes septicémiques, l'indication est très nette.

Rechercher le foyer infectieux et se comporter suivant les

cas. Dans la psychose vraie, remplir l'indication chirurgi-

cale chaque fois qu'elle se présente; lorsque le trouble men-

tal semble étroitement lié à la lésion. Or, les indications

peuvent être nombreuses, car toute la chirurgie, ainsi que

l'un de nous a eu souvent l'occasion de le voir, peut trouver

220 CLINIQUE MENTALE.

son application : tantôt, à la suite d'opérations, ce sont des

ankyloses (chirurgie orthopédique), tantôt des fistules uri-

naires ou stercorales (chirurgie réparatrice). Tantôt des per-

forations de la voûte palatine, parfois les maladies des yeux,

de l'oreille, du nez, et qui peuvent se guérir à la suite d'une

nouvelle intervention,

De l'étude précédente nous pouvons tirer les conclusions

suivantes ;

1° Sous la dénomination de psychoses post-opératoires,

on ne doit comprendre dans la pratique que les troubles

qui se produisent dans la sphère de l'idéation. Cette définition

est indispensable pour séparer de ce groupe d'autres mani-

festations avec lesquelles les psychoses ont été abusivement

confondues. La neurasthénie post-opératoire doit en être

rigoureusement séparée et constituer un chapitre à part ;

elle ne présente d'intérêt que comme élément pathogénique

possible des psychoses.

2° Dans ce groupe ainsi délimité, on doit écarter les

délires d'intoxication ou en former un chapitre à part. Si

au point de vue nosologique pur, le rapprochement peut

être soutenu, il ne saurait être de même dans la pratique.

La réunion de ces deux variétés de psychoses vient obscurcir

la question au point de vue de la prophylaxie de la sympto-

matologie, du pronostic et du traitement.

Les délires infectieux sont des délires transitoires qui

doivent guérir à l'hôpital spontanément, ou après une inter-

vention chirurgicale. Les envoyer à l'asile, comme on le fait

malheureusement trop souvent, c'est leur imposer une

séquestration inutile et les éloigner du milieu chirurgical

où ils peuvent guérir. Les vrais délires post-opératoires, au

contraire, sont des délires permanents qui ne peuvent être

traités qu'à l'asile.

La pathogénie de ces délires varie dans les deux groupes.

Dans le premier, le délire est, ainsi que nous venons de le

dire, exclusivement sous la dépendance de l'infection et peut

guérir par la suppression du foyer. Le cerveau peut, comme

certains aliénistes l'ont soutenu, ne présenter dans ces cas

aucune prédisposition héréditaire ou acquise.

Dans le deuxième, cette prédisposition constitue la prin-

cipale cause efficiente {Magnan et Truelle).

Si dans certains cas, comme nous l'avons montré dans un

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-oP&RATOIRES. 221

précédent mémoire (Picqué et Dagonet, Recueil des Tra-

vaux, 2e volume), la psychose peut se greffer sur un état neu-

rasthénique, elle reste, même dans ce cas, tributaire de la

mentalité des prédisposés.

La symptomatologie est très variable et dépend surtout

de l'âge du malade, des antécédents héréditaires, du degré

de la prédisposition, de la forme des troubles mentaux;

présentés antérieurement par les malades ; enfin, de la

nature de l'opération pratiquée. Ce sera l'oeuvre de l'avenir

de déterminer d'avance les symptômes de chaque psychose,

d'après les éléments précédemment indiqués.

Mais il reste encore des affections mentales coïncidantes

dont la confusion, avec les psychoses post-opératoires,

augmente encore cette prétendue variabilité des symptômes.

Nous en avons montré des exemples.

Quoi qu'il en soit, cette variété apparente dans les symp-

tômes ne doit pas d'ailleurs conduire, comme certains l'ont

prétendu, à la suppression pure et simple du cadre nosolo-

gique, de cette variété de psychoses. Il suffit de la rattacher,

conformément à la donnée pathogénique, aux psychoses de

dégénérescence, dont elle constitue une variété qu'il importe

au chirurgien de bien connaître.

Le diagnostic des formes est important à établir, puisqu'il

conduit à des considérations utiles au point de vue du pro-

nostic et du traitement. Presque toujours bénin dans les

formes infectieuses locales, justiciables d'une intervention

chirurgicale, il devient plus réservé dans les psychoses

vraies. Mais là encore, le chirurgien peut rencontrer un

nombre considérable de cas, où une opération pourra mettre

fin aux troubles cérébraux.

Enfin, en terminant et comme conclusion générale, nous

devons insister sur l'intérêt considérable qui s'attache à

l'étude des psychoses, aussi bien pour le chirurgien que

pour l'aliéniste.

Si elles existent réellement, telles que nous le comprenons,

on doit tenir pour erronée l'opinion des auteurs qui, pour

des raisons exposées ailleurs, les considèrent encore comme

produites de toutes pièces et directement par l'acte opéra-

toire.

Pour les chirurgiens, leur pathogénie est intéressante à

connaître puisqu'en la connaissant davantage ils pourront

222 CLINIQUE MENTALE.

diminuer le nombre de ces psychoses en évitant d'opérer

certaines catégories de prédisposés et en n'envoyant à

l'asile que les cas qui ne relèvent pas de l'infection (voir

thèse MaUet). -

Pour l'aliéniste, la connaissance exacte des formes de la

psychose le conduira à solliciter l'intervention du chirur-

sien dans les cas où elle reconnaîtra une origine infectieuse.

Observation I (communiquée par M. le Dr FEBYRË, médecin en

chef de Ville-Evrard).

G..., trente-six ans, israélite, institutrice. Entre dans le service

du Dr Febvré avec un certificat du 01 Séclas, daté du 15 mars 1899.

Atteinte de troubles intellectuels survenus brusquement à l'occa-

sion d'une opération, d'ailleurs légère et sans gravité, les troubles

intellectuels se caractérisent aujourd'hui par des idées hypocon-

driaques de décomposition des tissus, d'altération, de non existence

des organes et surtout par l'idée fixe, incessante d'une mort pro-

chaine et certaine.

Depuis quelques jours, la malade refuse même les aliments, se

confine au lit et reste : cn proie une agitation anxieuse continuelle,

entrecoupée de soupirs, de larmes, de gémissements, de lamenta-

tions. Il n'existe pas de signes physiques contestables, tels que

troubles pupillaires, tremblements de la langue, des lèvres, etc.

A son entrée dans le service, nous retrouvons tous les symptômes

signalés dans le certificat de mélancolie anxieuse avec idées hypo-

chondriaques « elle prie la mort » et idées de négation. Pendant

vingt-quatre heures elle refuse les aliments, ne se décide ensuite

que par crainte de la sonde. A ce moment, l'état physique est très

précaire, elle est pâle, amaigrie, sans forces ; la langue est sèche,

la soif est ardente; pas de fièvre. Ni sucre, ni albumine dans les

urines.

Le mari interrogé nous fournit les renseignements suivants :

Le père de la malade, de constitution délicate, supporte très mal

la boisson et s'enivre assez souvent ; il vit encore ainsi que sa

femme et ont tous deux soixante-quinze ans. La malade a deux

frères et une soeur très normaux. Une cousine est imbécile. Notre

malade était très exaltée mais gaie et active; elle a eu quatre

enfants et deux fausses couches, la dernière survenue à la suite

d'une chute était de deux mois, il y a six mois de cela.

Depuis cette fausse couche, elle a eu des métrorrhagies très

abondantes et si répétées qu'elle a fini par garder le lit et par

entrer à l'hôpital pour être curetée. Cette opération l'effrayait énor-

mément, et de plus, par trois fois elle a été préparée à la subir,

quant au dernier moment, des circonstances imprévues la fai-

saient remettre au lendemain

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 223

Quelques jours après ce simple curetage, les troubles mentaux

apparaissent.

Le 20 mars, IL le De Picqué trouve l'utérus dans l'axe ; rien aux

annexes, col largement déchiré, la déchirure se prolonge à gauche

jusque dans le cul-de-sac, lèvre postérieure du col augmenté de

volume. Dans les premiers jours d'avril, on note une améliora-

lion très rapide de l'état mental et de l'état physique ; la malade

engraisse.

Le 20 avril, rechute. Les idées hypocondriaques sont moins

nettes, ainsi que les idées de négation, mais les idées de culpabi-

lité se surajoutent; elle est cause de sa fausse couche, elle est

indigne de vivre.

Comme le Dieu des chrétiens, elle va mourir sur la croix, elle

l'a lu dans les journaux. Elle reconnaît de ses parents parmi les

malades. Des hallucinations menaçantes de l'ouïe la terrifient. Elle

fait une tentative de strangulation.

Le 28 septembre 1899, la malade toujonrs émotive, pleure dès

qu'on l'interroge. Les préoccupations hypocondriaques et les idées

de négation ont disparu; « je croyais être malade, c'était des

idées... quand on n'a pas de cerveau, pas de coeur on ne peut pas

vivre.

Les idées de culpabilité persistent. 4 Elle n'a pas été sage avant

de se marier, ce n'est pas de sa faute, c'est la misère qui l'a pous-

sée. Elle a aussi des idées de ruine, on l'abandonne, son mari, ses

enfants, on va bientôt la guillotiner, la crucifier, elle l'a lu dans

les journaux. On va la prendre à la place de Dreyfus, qui, lui

aussi, est innocent; c'est parce qu'elle est juive, on le lui dit assez

d'ailleurs. »

Les idées de persécution sont plus nettes ; elle accuse de tous ses

maux une certaine Lina; alors elle cesse de pleurer, s'excite, se

met en colère.

Mais toutes ces idées délirantes sont mal coordonnées, mal

systématisées comme s'il y avait de l'affaiblissement intellectuel.

La malade fait en outre des erreurs de personnalité : elle croit

reconnaître sa belle-mère dans une des malades, ses enfants dans

ceux qui jouent dans les jardins ; elle dit elle-même que ce ne

sont pas la les traits de ses enfants, de ses parents, mais ce sont

eux quand même, et certainement, elle ne peut se tromper. « Elle'

sent là ses enfants comme le chien sent son maître.» Les senti-

ments affectifs sont toujours très marqués. L'état physique est

excellent.

Réflexions. Il s'agit d'une observation très nette au

point de vue mental. La malade n'était avant l'opération

qu'une simple exaltée non délirante. Elle présenta aussitôt

après l'opération un délire mélancolique avec des idées de

224 CLINIQUE MENTALE.

négation, des hallucinations et des idées de suicide. Elle

était d'ailleurs prédisposée à la folie ; car une cousine était

aliénée et le père alcoolique.

Observation II (communiquée par M. le Dr FBBVfOE, médecin en

chef de Ville-Evrard).

H..., quarante-huit ans, couturière, est entrée dans le service de

M. le Dr FeBvRE, le 30 juin 1899. Le père était normal; la mère

est morte d'un cancer, s'enivrait. La malade a eu à l'âge de dix-

neuf ans une fièvre typhoïde. Mariée, elle a eu trois enfants, dont

un est mort de convulsions. Toujours elle a eu des migraines et a

présenté à quelques mois d'intervalle une paralysie faciale du

côté droit et une hémiplégie du côté gauche.

Depuis quelque temps, elle était affligée de métrorrhagies abon-

dantes et rebelles, et les premiers jours de mars elle a dû cesser

tout travail à cause de sa faiblesse. Elle souffrait en outre de la

constipation, dormait mal et son caractère était devenu méfiant

et irritable.

A latin de mai, elle entra dans un service où l'on décida l'abla-

tion d'un fibrome par la voie abdominale.

La malade, qui avait déjà en terreur d'entrer à l'hôpital s'effraya

encore davantage à l'idée de l'opération. Environ trois semaines

après celle-ci, les troubles commencent, elle croit que ses voisines

délit, des gamines l'insultent, l'obligent à boire du thé, la persé-

cutent ; son thé était du rhum, elle l'a bien senti, aussi elle est

obligée de crier, de faire du bruit, d'empêcher chacun de dormir.

il... ne raconte ces détails que quinze jours après son entrée à

l'asile. A son arrivée, elle est dans un état d'obnubilation intellec-

tuelle qui empêche tout interrogatoire suivi. Elle semble comme

endormie et il faut insister et la secouer pour obtenir une brève

réponse. « Causer me fatigue ». Par moments, la mémoire lui

échappe, puis revient. Quelques vagues idées de persécution se

manifestent; elle a des préoccupations hypocondriaques et des

hallucinations auditives : « On lui dit qu'elle ne reverra jamais

son mari, ni ses enfants, qu'il faudra encore l'opérer ».

Le 17 juillet, on note que le délire a disparu, mais l'intelligence

est restée quelque peu affaiblie; la mémoire présente des lacunes.

L'état physique commence à s'améliorer; mais la malade est tou-

jours très anémiée, très affaiblie.

30 juillet. Le placement étant volontaire le mari emmène sa

femme, d'ailleurs en convalescence.

Réflexions. Il s'agit dans cette observation d'une

malade méfiante avant l'opération, et très certainement déjà

persécutée. Il est regrettable que les antécédents alcooliques

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOiRES. 225 5

ne soient pas précisés et que d'autre part le diagnostic de

la confusion mentale n'ait pas été discuté.

Observation III (communiquée par M. le Dr Boudrie, médecin

en chef de l'asile de Maison-Blanche).

Q... (Félicie), née le 8 octobre 1858, à Paris.

Renseignements fournis par la malade. Antécédents hérédi-

taires : Père et mère d'origine normande. Père mort à soixante-

trois ans de cachexie cancéreuse (cancer de l'estomac). Pas de

troubles mentaux. Mère morte à soixante-treize ans, cardiaque,

tombait fréquemment en syncope. Est morte hémiplégique et

aphasique. Pas de troubles mentaux. Une soeur aînée encore

vivante, cinquante-trois ans, cardiaque. Une soeur morte à qua-

rante-sept ans de broncho pneumonie. Un frère mort à vingt-cinq

ans après pleurésie tuberculeuse. Aucun n'a été atteint de troubles

mentaux.

Antécédents personnels. Dans son enfance, n'a jamais eu d'at-

taques, ni aucune maladie infectieuse dont elle ait gardé souvenir.

Quelques angines. A partir de la mort de son père survenue quand

elle avait dix-neuf ans, la malade dut subvenir à la vie de sa mère

et se surmena. Elle eut, en outre, à soigner sa soeur (broncho-

pneumonie) et son frère (pleurésie tuberculeuse). Sa soeur et son

frère moururent à onze jours d'intervalle (décembre 1889 et jan-

vier 1890). A partir de ce jour, la malade s'est sentie physique-

ment affaiblie.

En 1895-96, un train où elle se trouvait ayant été tamponné,

elle crut avoir reçu des lésions internes et se fit examiner par le

1) Thoinot de l'Hôtel-Dieu. Les règles qui se produisaient au mo-

ment de l'accident, furent suspendues, puis reprirent au bout de

quelques jours.

A partir de ce moment, la malade devint irritable, émotive,

prompte à s'effrayer; par exemple, elle ressentit une grande émo-

tion quand elle se présenta au Dr Thoinot et une forte émotion

quand elle entra au Palais de Justice, un jour où elle l'y rencontra.

Elle avait de fréquentes insomnies.

Histoire de la maladie. La malade fut opérée le 24 mai 1897, î,

pour un polype du vagin, cause d'hémorragies répétées et pour

une fistule vésico-vaginale ( ? ). Elle était très anémiée, et de plus

encore affectée, dit-elle, par la mort de sa mère survenue quatre

mois auparavant ; puis, par la maladie de sa soeur aînée, cardiaque,

souffrant d'hémorragies nasales, et à qui elle avait dû cacher

la mort de sa mère.

La malade raconte que sous le chloroforme, elle croyait sentir

Archives, 2o série, t. XV. la

226 CLINIQUE MENTALE.

sa tête emportée par un train. L'opération dura une demi-heure et

ne fut pas suivie de vomissements. Pendant les premiers jours

après l'opération, la malade ressent des fourmillements, 'qu'elle

compare à l'action d'un poison sous la peau et qu'elle explique

par « le retour du sang ». Il lui semble que ses nerfs « se rétrac-

tent vers leur racine, et les doigts avec et les bras aussi.

Du mois de mai jusqu'au mois de septembre la malade doit res-

ter couchée, elle dormait peu, et fut prise de délire mélancolique

avec idées de persécution. Elle se trouvait à elle-même « un air

étrange », ellerefusait sa nourriture, parce qu'elle lui semblait être

de la chair humaine et parce que « ce n'était pas la peine de se

nourrir. » Elle fait une tentative de suicide parce que, dit-elle, sa

mémoire s'effaiblissait et qu'elle se sentait incapable de travailler;

elle absorbe du laudanum (septembre 1897. Elle avait aussi essayé

de se tuer en se frappant la tète et les tempes avec un marteau.

Toutes les personnes qu'elle apercevait lui semblaient hostiles,

la regardaient de travers et causaient d'elle. Parfois en marchani,

elle se sentait poursuivie. Elle soupçonne une certaine personne

qu'elle a rencontrée souvent, mais dont elle ne sait même pas le

nom, de vouloir sa mort. Elle apercevait, tantôt des foules en cir-

culation, tantôt divers personnages causant avec elle, ou entre

eux, de choses diverses; mais jamais d'elle-même. Pas d'halluci-

nations du sens génésique, pas d'idées délirantes obscènes.

Le 21 septembre 1897 elle fut internée à Vaucluse et resta cou-

chée à l'infirmerie jusqu'en février t898. Pendant tout ce temps,

on dut l'alimenter à la sonde- Elle gâta pendant quelques jours.

Elle dormait peu.

Depuis cette époque, très améliorée, passée dans un quartier de

tranquilles (2° quartier) elle ne délire plus en paroles, et se défend

d'avoir, actuellement, aucune des idées d'autrefois.

7</som<'<Me (mars 1899). - Grande, blonde, teint, aspect

lymphatique : card aque, insuffisance mitrale.

Mydriase permanente, très prononcée à droite; pas de signes

d'hystérie. Signification, non encore élucidée;, paralysie générale

probable.

RuFLEXfos. Il est regrettable que le diagnostic de

paralysie générale probable posé à la fin de l'observation

n'ait pas été établi sur des bases plus solides. Il s'agit plus

vraisemblablement d'un délire mélancolique avec une petite

pointe d'alcool. Il eut été intéressant de rechercher si les

élucubrations délirantes devaient être attribuées à l'acci-

dent de chemin de fer ou à l'opération.

On peut, en effet, admettre que le traumatisme a été,

plutôt que l'opération, le point de départ du délire.

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 227

Observation IV (communiquée par M. le Dr LECn.aN, médecin

en chef de l'asile d'aliénés de Ville-Evrard).

M... Jean-Baptiste, quarante-sept ans, tailleur decristaux.

Renseignements fournis par la femme : Antécédents héréditaires.

Père, mort à soixante-dix ans, traumatisme crânien. Mère,

morte de fièvre typhoïde, cinq ans après la naissance du malade.

Un fière ainé, cinquante ans. « Boit comme un suisse et n'est

jamais malade ». Garçon de lavoir, marié, deux enfants bien por-

tants. Autres antécédents, inconnus. A... P... Aucune mala-

die d'enfance.

Il y a une quinzaine d'années était sujet à des « étourdisse-

mens », « le sang lui montait à la tète et il devenait tout bleu ».

Cependant, lors de ses attaques, il ne perdait pas connaissance.

Jamais d'attaques épileptiformes, jamais de morsure à la langue.

Il lui est arrivé une fois seulement d'uriner dans son pantalon un

jour qu'il avait bu. Jamais d'incontinence nocturne, de même

jamais de bizarrerie de caractère; il n'était pas joueur. Peu porté

sur les plaisirs sexuels . A aucun moment le malade n'avait pré-

senté de tendance à la mélancolie, toujours d'un caractère gai et

expansif.

Ilabitudes de boissons. Le malade marié depuis vingt-huit ans

avait toujours été un grand buveur jusqu'à ces dernières années :

« sitôt qu'il avait quatre sous, c'était pour régaler toutle monde ».

Il buvait de tout (vin absinthe, goutte, etc.), et on le trou-

vait toujours chez le marchand devin. «Cependant, dit la femme,

depuis, trois ans, il ne buvait presque plus sur les conseils de son

médecin.»

Habitudes de boissons avouées par le malade^ à l'entrée.

(14 mars 1898). Vin rouge 2 litres. Cognac une ou deux fois par

jour. Absinthe, une ou deux fois par jour. Jamais de vulnéraire.

Histoire de la maladie. Le malade était affecté d'une hernie

inguinale depuis sa jeunesse. Cette hernie ne devait pas être très

gênante au début, car elle n'avait pas empêché M... de servir dans

la mobile en 1870.

Devant l'apparente bénignité de son affection, M... avait toujours

refusé de se laisser opérer ; mais depuis trois mois, il avait cessé

son ancien bandage qui lui allait bien et comme il n'avait plus

retrouvé, depuis lors, de bandage convenable, la hernie mal conte-

nue avait augmenté de volume et était devenue le siège de vives

douleurs. 0

Les premiers troubles mentaux remontent déjà à dix-huit mois

environ. n'était plus bien; il était devenu maussade, s'ennu-

yait, voyait tout en noir et pleurait souvent sans motif. Le som-

meil était devenu mauvais. Obsédé constamment par des idées

228 CLINIQUE MENTALE.

chimériques de misère et de ruine, M... passait son temps à se

lamenter, bien à tort d'ailleurs. -

Pendant toute cette période , ajoute la femme, il aurait souffert

de sensation de pesanteur fort possible au niveau de sa hernie.

Dès cette époque notre malade a présenté nettement les allures

d'un mélancolique : il se laissait aller, incapable de toute réaclion,

ne travaillant plus que par caprice et passait presque tout son

temps à dormir, « ce n'était plus du tout le même qu'auparavant ».

C'est dans ces conditions, que M... poussé par les douleurs de plus

en plus vives qu'il éprouvait, se décide à accepter l'opération de la

cure radicale pratiquée dans d'excellentes conditions, le 6 février

1898. La tumeur était énorme à ce moment, elle atteignait, au

dire de la femme, le volume d'un oeuf d'autruche.

Depuis le jour de l'opération, la femme n'a plus revu son mari

que les jours de visite, c'est-à-dire, le premier dimanche qui a

suivi l'opération et les dimanches suivants. Elle nous apprend

cependant que dans les cinq à six jours qui ont suivi l'opération, le

malade était vraiment bien. On aurait dit que les idées avaient

changé et il témoignait une vive satisfaction de se voir débarrassé

de son infirmité.

Puis, sans raison apparente, les idées mélancoliques primitives

reparaissent peu à peu et le délire reprend avec une intensité

qu'il n'avait jamais eue auparavant. Dès sa première visite, en effet,

la femme trouve son mari couché, ne s'occupant pas de ce qui se

passait autour de lui et ne répondant pas à ce qu'on lui disait.

Uniquement occupé dans ses idées hypochondriaques, il montrait

une indifférence extraordinaire à l'égard de sa femme et de sa

belle-fille qu'il aimait beaucoup auparavant et qu'il ne voulait

même plus voir maintenant. « Ca ne va pas, répétait-il, j'ai

toujours mal dans le ventre. Ce qu'ils m'ont fait, ou rien, c'est la

même chose. Je vais mourir, ajoutait-il; je ne reverrai plus la

Bastille. »

A partir de ce moment, la femme revoit son mari chaque

semaine, et constate que son état allait plulôt en empirant d'une

façon continue. Tout le monde lui faisait du mal. On voulait

l'empoisonner, le couper en morceaux, etc., elc.

Au bout d'un mois de séjour à la clinique, vingt et un jours après

l'opération (le malade avait passé ce temps-là toujours alité), le

chirurgien fait dire à la femme de venir chercher son mari sans

lui donner aucun renseignement sur son état.

4 mars 1898. La femme ramène le malade chez lui, mais

presque aussitôt elle voit son état empirer brusquement. Désordres

dans les idées et les actes ; il dérangeait tout chez lui. Tout l'ennu-

yait et il ne trouvait rien de bien. Une fois, un jour qu'il pleuvait,

la femme s'aperçut en rentrant qu'il était sorti dans la rue en

chaussettes et à demi habillé. 11 est persuadé que tout le monde, y

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-CPERATOIRES. 229

compris sa femme, voulait l'empoisonner. Il avait peur de tout,

et refusait de voir qui que ce soit dans la crainte qu'on lui fasse du

mal.

Cependant l'attitude n'était pas celle d'un persécuté, mais bien

d'un mélancolique. Jamais d'actes de violence. Il se disait pauvre,

malheureux, il n'avait pas de pain à manger. Attitude toujours

résignée et passive. Refus d'aliments par moments. Pas d'autres

accusations. Pas d'idées de suicide, au contraire, dit la femme, il

avait toujours peur de se faire du mal.

Etat du malade à son entrée (14 mars 1898). Malade très obnu-

bilé. Lenteur extrême des conceptions et des réponses, qui sont

souvent tout à côté de la question. Asymétrie faciale droite. Voix

nasillarde. Trouble profond de la mémoire portant seulement sur

les faits récents, car le malade nous dit bien son âge, son lieu de

naissance, l'âge auquel il a commencé à travailler. Par contre, il

ne peut donner aucun renseignement sur les causes de son interne-

ment et les circonstances qui l'ont amené. Il ne se rend d'ailleurs

aucun compte de l'endroit où il se trouve. « C'est une hernie que

j'ai attrapée. J'étais entré à l'hôpital, il y a déjà plus de quatre

mois et ils ne pouvaient rien me faire. C'est là qu'ils m'ont con-

duit jusqu'ici parce que j'étais inguérissable.

Quand on lui demanda dans quel hôpital il était : « Je n'en sais

rien, je ne me rappelle plus ; je sais que j'étais là.- Et maintenant

où êtes-vous ? Je ne suis plus qu'ici, voilà tout. Ils m'ont amené

avec une voiture ici, de l'hôpital (Sainte-Anne). » « Je n'ai plus de

mémoire, du tout, voilà déjà longtemps que je n'ai presque plus

de langue », dit-il en la tirant, quand on se lui commande. « C'est

pour cela que je ne peux plus manger... Je ne sais rien du tout...

Je ne sais pas, par moments je perds la tête. »

Pas d'inégalité pupillaire.

La langue ne semble pas animée de tremblement fébrilaire,

mais ses mouvements sont très indécis. Quand on commande au

malade de la tirer, il ne la tire pas complètement et il la porte de

droite à gauche et vice-versa.

Tremblement des doigts. « Je travaillais, mais je tremble... je

tremble je ne sais pas pourquoi», répond-il, quand on lui eu

demande la raison, qu'on lui en fait l'observation.

31 mars 1898. Soupirs profonds, gémissements, accablement,

air effrayé. Peur de mourir. Angoisse. « Je n'ai fait de mal il

personne... je ne sais pas... je ne sais pas. »

28 avril 1898. - L'état du malade a été en s'améliorant de jour

en jour sous l'influence de l'hydrothérapie et de la strychnine. Il

y a plus de spontanéité, il ne semble plus avoir de délire mélan-

colique ; mais il reste déprimé. Le gâtisme intermittent dont le

230 CLINIQUE MENTALE.

.naïade a conscience annonce l'anesthésie des sphincters. -Le

malade semble nettement envoie de gnérison.

Réflexions. Il s'agit dans ce cas d'un malade prédis-

posé (asymétrie faciale ; vertiges probablement épileptiques

dans l'enfance, urine dans son pantalon). Dix-huit mois

avant l'opération il a présenté des modifications de carac-

tère, des idées de ruine, survenues peut-être sous l'influence

des préoccupations que lui causait sa hernie. Les antécé-

dents syphilitiques n'ont pas été signalés.

Après l'opération il a présenté le même délire, un peu plus

accusé (idées typiques de négation, de ruine. Actes incons-

cients. Obnubilation).

Observation. V (d'après les notes communiquées par M. le

D1' Yigouroux, médecin en chef de l'asile de Vaucluse.

P... Marie, Victorine, née en 1861. Réglée à quatorze ans sans

accident, mariée à vingt-six ans. Une grossesse normale à vingt-

sept ans. A trente-trois ans entre à l'hôpital Bichat, où elle est

opérée le 4 juillet 1897, par M. Terrier, d'une grossesse tubaire.

Accidents fébriles consécutifs.

Deux mois après l'opération la malade présente des étourdisse-

ments accompagnés d'éblouissements. Bourdonnements dans les

oreilles. Tremblements des mains. Signe de mélancolie, ne veut

plus sortir de chez elle. Cauchemars. Réveils en sursaut. A nota-

blement engraissé. -

Le 2ljazvieo 4898, le mari qui est sergent de ville, est attaqué

par des anarchistes. L'émotion qu'elle en a ressenti a provoqué

chez elle un délire mélancolique arec craintes. Hallucinations.

Elle est internée dans le service de M. Vigouroux d'où elle sort très

améliorée le 10 septembre 1901.

Réflexions. Cette observation ne nous donne aucun

renseignement sur les antécédents héréditaires de la malade

et ne dit pas ce qu'elle était avant d'être opérée.

Il est donc difficile de formuler une opinion précise sur

la nature de la psychose dont elle était atteinte.

M. le Dr Dubousquet nous a adressé les deux observations

suivantes que nous joignons avec plaisir à ce mémoire :

Observation VI(communicluée par 11. le D' Dubouscluet). Le sujet

de cette observation est Melle Marie V... appartenant à une famille

'dont l'un de nous soigne les différents membres depuis dix-huit

ans et il en connaît les moindres antécédents. Un oncle'maternel de

' ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 231

la jeune fille est mort de paralysie générale; son père, sa mère et

son frère se portent bien, mais sont plutôt nerveux. Sauf une

fièvre typhoïde légère dont je l'ai soignée il y a huit ans, et qui

n'a laissé aucune suite, rien de particulier à noter dans ses anté-

cédents personnels comme maladie infectieuse ou intoxication

ayant pu déterminer une psychose quelconque. Mais elle présenle

au moment de ses règles une mentalité spéciale sur laquelle

j'insiste paiticulièrement. Elle a été réglée à treize ans et les

règles ont toujours été régulières et normales, mais à chaque

période, deux ou trois jours avant et pendant leur durée, son

caractère fort doux se modifie subitement ; elle devient irritable et

bien que parfaitement élevée et aimant . très sincèrement ses

parents, elle montre une désaffection marquée dont elle ne se rend

pas compte et sa mère a remarqué que pendant ce temps elle

ne faisait plus ses prières comme en temps normal. Cependant

l'examen le plus attentif ne montre chez elle aucun stigmate d'hys-

térie.

En 1896, la jeune fille qui avait dix-sept ans, était grande et

forte, présentait tous les attributs d'une bonne santé, perd l'appé-

tit, maigrit, a souvent de la diarthée, mais ne tousse pas, ne

crache pas et l'examen des organes reste absolument négatif'

En novembre 1896, elle est prise deux ou trois jours de fièvre

assez vive, d'une douleur très violente de tout le ventre, de vomis-

sements et je suis appelé. Je trouve la jeune fille avec un faciès

nettement péritonéal, des vomissements verdâtres, le ventre très

ballonné et douloureux sur toute la surface sans aucune localisa-

tion spéciale, voix éteinte, pouls 120, température 30°. Je fais

venir en consultation mon ami le Dr Brault, médecin des hôpitaux

qui confirme mon diagnostic, de péritonite aiguë, de nature

bacillaire très probable. Ce gros orage se calme après quelques

jours de traitement approprié et la malade paraissait en voie de

guérison, lorsque, un mois après, elle se plaint de point de côté

à gauche, la fièvre se rallume et je constate un gros épanchement

dans la plèvre gauche pour lequel le Dr Brault est rappelé par la

famille et moi : j'étais sur le point de pratiquer une-ponction

lorsque cet épanchement diminue rapidement pour disparaître

complètement en trois ou quatre semaines. Mais pendant la durée

de cette pleurésie d'autres accidents de même nature avaient

éclaté, abcès multiples, ganglionnaires du cou, abcès à une

aisselle et au dos. J'ouvris et soignai ces abcès au sur et à

mesure de leur production très rapide; à ce moment l'état delà

jeune fille était des plus précaires d'autant qu'une vaste collection

purulente s'était formée dans le dos. Et en juillet 1897, le Dr le Boy

des Barres et moi l'opérâmes, sous chloroforme, de cette grosse

collection. Après cette dernière intervention pratiquée presque in

extrernis, tant l'amoindrissement était considérable et tout

233 CLINIQUE MENTALE.

ressort disparu, la situation s'améliora assez vivement et l'espoir

d'une guérison se fit jour dans ma pensée. Mais je n'avais pas

fini avec ma malade qui vingt-deux jours après notre intervention

est prise d'excitation extrême avec changment complet des senti-

ments affectifs. Elle s'agite continuellement, ne dort plus, elle ne

veut plus voir sa mère , ni ses parents ni moi-même, pour qui elle

avait de l'affection, et dans son délire, le thème dominant est

qu'elle est damnée, voit les flammes de l'enfer et que c'est le

diable qui lui fait détester sa mère et ses parents. Mon excellent

ami le Dr Ballet est appelé par moi auprès de la malade et comme

moi pense que nous avons affaire à une psychose post-opératoire

chez une prédisposée.

L'état de la jeune fille alla en s'améliorant, et après deux mois

l'état mental était redevenu normal. Actuellement, aprèstoute cette

noire série pathologique pendant laquelle l'urine examinée régu-

lièrement ne présenta jamais rien d'anormal, la jeune fille a

repris sa santé et ses forces habituelles et va même se marier,

événement où je reste étranger et, fait bizarre à noter, depuis

son délire, les époques menstruelles reviennent sans que sa menta-

lité en ressente le moindre inconvénient.

Réflexions. Il s'agit certainement dans ce cas d'une

jeune fille atteinte de dégénérescence mentale et chez

laquelle un délire maniaque s'est déclaré consécutivement à

l'opération. Les phénomènes infectieux qu'elle a présentés

doivent également entrer en ligne de compte dans l'étiologie

de la psychose.

Observation VII (de M. le LV Dubousquet), J'ai soigné

pendant de nombreuses années le nommé M... A... rue Mathieu, a

Saint-Ouen, ouvrier tourneur, dont les antécédents familiaux sont

chargés : père alcoolique mort du delirium-tremens. Frère mort

dans un asile départemental, d'aliénation mentale survenue après

la Commune.

M... a toujours été très sobre, a toujours bien gagné sa vie et a

même fait il y a quatre ou cinq mois un petit héritage le mettant

à l'abri du besoin. Mais c'est un taciturne, un hypochondriaque

qui malgré son état de santé à peu près normal et une situation

particulière en somme satisfaisante, voit tout en noir. Il se croit

atteint de cancer de l'estomac, a peur de manquer de tout. Atteint

de chaudepisse à dix-huit ans; quinze ans après il fut opéré à

Lariboisière pour un rétrécissement.

En 1898, je fus rappelé auprès de lui pour une rétention d'urine.

Depuis quelques jours, il urinait avec peine, et j'eus toutes les

peines du monde à introduire une bougie féliforme ; de plus, âgé

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 333

à ce moment de soixante ans, il présentait une hypertrophie

considérable de la prostate ; cathétérisme fort difficilemant sup-

portée par lui, ainsi que la sonde à demeure. Je l'engageai après

plusieurs jours à se faire opérer, et dans une clinique de Paris, il

subit la cystotomie sus-pubienne. Il revint chez lui cinq semaines

après l'opération, et muni d'un appareil, il ne souffrait nullement,

de son avis même ; mais quelques jours après son opération, son

état de dépression mentale avait considérablement augmenté, et.

menaçant sans cesse sa femme de suicide, cette dernière ne pou-

vait le quitter. Enfin après quelques semaines de cet été il se

pendit à sa croisée pendant que sa femme était sortie faire des

commissions.

Réflexions. - Il s'agit très nettement dans ce cas d'un

hypochondriaque devenu plus mélancolique après avoir

été opéré. Il est à remarquer, à ce sujet, que les affections

des organes génito-urinaires chez l'homme prédisposent

plus particulièrement à la tristesse (Voir la thèse de Colom-

bani faite sur l'inspiration de M. Picqué).

Observation VIII (communiquée par M. le D, Mignot, chef de cli-

nique des maladies mentales à la Faculté de Médecine).

Mmo Ch... journalière, âgée de trente-huit à quarante ans, est

envoyé à Sainte-Anne, de Broutais, par le Dr Gilbert, le 25 décem-

bre 1898. Elle est transférée à Ville-Evrard, le 10 février 1899, dans

le service de M. le Dr Febvré qui fait le certificat : « elle est

atteinte de mélancolie caractérisée par un état de dépression

extrême amenant le découragement et les tendances au suicide;

idées d'iniquité, de culpabilité, hallucinations pénibles de l'ouïe,

cicatrice au niveau de la région hépatique ».

Au moment de sa sortie, le malade nous donne facilement les

renseignements suivants qui ont été confirmés par son mari. Elle

ignore ses antécédents héréditaires. Réglée à douze ans. La méno-

pause est survenue il y a un an. Elle a eu sept enfants, tous bien

portants. Quoique délicate, elle n'avait jamais été malade. En

juillet 1898, elle est prise subitement d'un violent point de côté à

droite, avec de la dyspnée, de la toux, de la fièvre. Un médecin

consulté ordonne un vésicatoire. Après trois semaines la malade

va mieux. En septembre le point de côté revient avec de la fièvre.

On fait une ponction exploratrice qui retire du pus et on fait le

diagnostic du foie suppuré le 28 septembre 1898.

Entrée à la Pitié, son état général était mauvais, elle ne man-

geait plus, était très amaigrie, se préoccupait beaucoup de son

mal ; des voisins lui avaient dit que l'on n'en réchappait pas et

ellevoyait avec crainte venir le moment de l'opération. On l'opère

sous chloroforme le 4 octobre 1899.

234 CLINIQUE MENTALE.

Quinze jours après l'opération, elle crache du pus pendant huit

jours. -

Fin décembre, elle quitte la Pitié et va à Broussais ayant tou-

jours une fistule donnant du pus. C'est là que les idées délirantes

apparaissent. -

La malade qui a conservé le souvenir complet de son délire,

nous raconte que, en même temps qu'elle pensait ne plus jamais

.devoir guérir, elle attribuait ses malheurs à à ses fautes passées,

le vol de petits objets, d'ailleurs chacun la regardait avec mépris

et, la nuit, surtout, des voix lui faisaieut des menaces et des pré-

dictions effrayantes. Sous l'influence de ce délire, elle ne pouvait

parler, toujours dans l'attente d'un malheur prochain et elle

essaye de se jeter par la fenêtre.

Ces idées délirantes ont persisté pendant son séjour à Sainte-

Anne et à Ville-Evrard; de plus les idées de persécution ont

augmenté sous l'influence d'hallucination de l'odorat du goût

et du sens génital, qui ont persisté jusqu'au mois d'août.

A l'heure actuelle, octobre 1900, l'état physique autrefois si mau-

vais est devenu excellent, quant à l'état mental, si les idées mélan-

coliques hypochondriaques et de persécution ont disparu, ainsi

que les hallucinations, la malade manifeste toujours par ses paro-

les et ses actes, ses gestes, la délibité de son état mental sur

laquelle parait avoir évolué un délire polymorphe survenu à l'oc-

casion d'une longue infection et d'une opération.

Réflexions. L'observation dénote un délire mélanco-

lique avec idées de culpabilité et de persécution et halluci-

nations survenus chez une débile. Il eût été intéressant de

savoir si la malade avait présenté d'autres délires avant

l'opération. On saitcombien les débiles délirent facilement.

Le délire post-opératoire s'explique aisément.

L'observation suivante nous a été adressée par notre

excellent confrère le professeur Walther de Gothembourg

(Suède).

Observation IX (Mme S... trente-huit ans, avait joui toujours

d'une bonne santé. Elle avait donné naissance à un enfant, il y a

onze ans, dans des conditions anormales. La dernière menstrua-

tion s'était montrée le 25 mars 1900. Le 28 août elle tombe

malade avec des douleurs dans le bas ventre. Le médecin qui

la soignait diagnostiqua « appendicite » et lui fit garder le lit

pendant dix jours. Depuis elle ne ressentit rien de mal jusqu'au

mois d'octobre quand elle fut prise de douleurs dans le ventre,

qui fut très tendu. A l'examen, on n'en trouva d'autre cause que des

coliques sous la dépendance des adhérences produites par l'appen-

ÉTUDE DES PSYCHOSES POST-OPÉRATOIRES. 235

dicile. Les douleurs cessèrent à l'administration des lavements et

des purgatifs. Ainsi fut ce cas. Le 14 novembre, elle entra pour quel-

ques jours à la Maternité de Gothembourg. Elle revint ensuite, le

2 décembre, après s'être trouvée très bien une quinzaine de jours.

Plus tard, l'état changea ; tantôt, elle se portait bien, tantôt mal.

Pourtant, elle était très faible et très nerveuse et les gardes-

malades la regardaient comme étant trop sensible. A Noël, les

mouvements foetaux et les battements cardiaques cessèrent d'être

perçus. Le travail commença à la nouvelle année mais cessa après

deux ou trois jours. Comme des bains chauds et des injections

n'amenèrent pas l'accouchement, le plus petit ballon Champetier

de Ribesfut introduit le 9 janvier 1901. Le col utérin se trouvait

assez en avant et le pli de Douglas était rempli d'nne partie foe-

tale résistante : le ventre était toujours très tendu. Le ballon fut

expulsé tout de suite et je reçus l'impression que la cavité utérine

était vide ; une chose dont je me persuadais aussitôt que le soup-

çon s'en était formé. Le foetus se trouvait en dehors et derrière

l'utérus qui était porté en avant contre l'espubien.

Pour comprendre la possibilité de cette longue erreur, il faut se

souvenir de la tension continuelle du ventre et de l'anamnèse

perfide. Après des questions répétées elle se rappela enfin que les

douleurs avaient commencé à gauche et puis s'étaient étendues à

droite. Dès lors il était facile de saisir que les douleurs dans la

cinquième semaine de la gravidité étaient occasionnées par la

rupture d'une poche foetale extra-utérine, probablement la

trompe gauche, et aussi pourquoi le travail cessa à la nouvelle

année.

Restait maintenant â fixer le meilleur temps pour l'opération.

Les dangers delà rupture de la poche foetale n'étaient pas encore

exclus, quoique la tension était un peu diminuée après la mort

du foetus, et les dangers d'infection croissaient toujours; et de

l'autre côté on ne pouvait prétendre que la circulation placen-

taire avait encore cessé, ce qui augmenterait le risque d'une opé-

ration immédiate. Pour ces raisons , je résolus de me laisser gui-

der par la température de la malade et d'entreprendre la laparo-

tomie quand la température montrerait une tendance à s'élever

au-dessus de 38° (au rectum).

Le 10 janvier 1901, environ trois semaines après la mort du foe-

tus, la laparotomie fut faite.

Le sac foetal se trouve, comme je l'avais prévu , en état de

décomposition; c'était impossible de le suturer à la partie abdo-

minale. Après l'extraction d'un foetus hydrocéphalique, pesant

4,000 grammes, dont le siège se trouvait enclavé dans le bassin

derrière l'utérus, j'enlevais par lambeaux tout le sac foetal, chose

assez difficile, vue l'étendue de la membrane et les adhérences à

l'intestin. A la fin, une très vive hémorrhagie complica l'ablation

23b' CLINIQUE MENTALE.

de l'arrière-faix fixé aux annexes gauches et dans le pli de Douglas,

ce qui fut fait par l'ablation des annexes tout à fait défigurées

après la mise d'une ligature en chaîne, tout près du côté gauche

de l'utérus; puis tamponade au Mikulicz. Le reste de la plaie fut

fermé en étages.

Durée de l'opération deux heures et demie; 0.070 centimètres

cubes de chloroforme furent administrés à la malade.

Il fut impossible de se former une idée de la relation de l'oeuf

aux parties distinctes des annexes à cause de l'hémorrhagie et

des lésions faites à celles-ci pendant l'opération.

Après l'opération la malade était très affaiblie, le pouls faible et

accéléré (130 par minute). Elle reçut des transfusions d'une solu-

tion de chlorure de sodium physiologique, des injections de cam-

phre et des lavements nutritifs. La température monta le soir à

39°3 centigrades; le lendemain à 3906 centigrades; le soir à 39°3

centigrades mais après elle reste normale à trois exceptions près,

quand elle put'respirer (38°2 centigrades; 38°7 centigrades; 38°3

centigrades).

Il fut bientôt évident que la malade avait des hallucinations de

persécution. Elle ne dormait plus, malgré des doses répétées de

trional, de bromure de potassium, de morphine, etc., etc. Après

les tentatives infructueuses de toutes espèces, elle fut couchée

dans une chambre (elle avait été isolée)', où furent soignés trois

autres malades, et aussitôt elle se calma, dormait bien et guérit au

bout de dix semaines. Il semble que la peur pour la solitude peut

expliquer en partie cette suite d'événements. En quittant l'hôpital

elle avait dans la partie supérieure de la plaie une fistule très

étroite qui laissait à peine pénétrer une sonde exploratrice, la

profondeur en était huit. Elle se portait bien à la fin du mois de mai.

Réflexions. Il semble possible d'admettre dans ce cas un

délire d'origine toxique ou infectieuse ; ce qui donne de la

valeur à cette hypothèse, c'est la brièveté du délire. Il n'y a

malheureusement que peu de détails sur l'état mental et la

nature des troubles intellectuels observés.

Banquet au Dr Régis. Le Comité de rédaction du Journal de

Médecine a été heureux de la décoration accordée à un de ses mem-

bres, M. le Dr Régis. Aussi, mardi dernier, un banquet intime

était-il offert au nouveau chevalier dans un des salons de l'hôtel

de Bayonne. Divers toasts ont été portés, auxquels notre excellent

collègue a répondu avec cette autorité de parole que tout le monde

lui connaît. {Journal de médecine de Bordeaux, du 1<"' février 1903).

Nous aussi, nous adressons nos plus vives félicitations à notre

collaborateur et ami, le Dr Régis.

CLINIQUE NERVEUSE.

Travail du Service D'ELEC'CROTIiÉR 1PIE de la Clinique CII.IRCOT

Sur quelques particularités cliniques de la névralgie

faciale et son traitement par l'électricité.

Par l. Z1111GIiN

Ancien interne des Hôpitaux.

Désirant nous faire une opinion sur la valeur du traitement

électrique dans les névralgies faciales, nous avons soumis à

l'épreuve de ce traitement un certain nombre de malades

atteints de cette affection qui se sont présentés à la consul-

tation de la clinique Charcot (P'' Raymond).

La modalité électrique que nous avons utilisée a été le

courant continu suivant la méthode proposée en 1897 par

Bergonié (de Bordeaux) méthode à laquelle nous avons fait

subir quelques modifications de détail. Disons de suite que

le procédé dont nous nous sommes servi diffère totalement

des procédés autrefois en usage (faradisation, galvanisation,

électricité statique,) procédés dont on trouve encore la

brève nomenclature au chapitre Traitement des ouvrages

les plus modernes, généralement suivie du perpétuel cliché :

« L'électricité donne quelquefois de bons résultats. »

Au cours de nos recherches thérapeutiques nous avons été

amené à approfondir l'histoire pathologique des malades que

nous avons eus à traiter, et nous avons été frappés par un

certain nombre de particularités cliniques qui, sans avoir

toutefois le mérite de l'inédit, nous ont paru du moins

assez intéressantes pour valoir une courte analyse.

238 clinique, nerveuse. z

I. sur quelques particularités cliniques de la névralgie

FACIALE

On reconnaît généralement à la névralgie faciale une

« forme bénigne » et « une forme grave », cette dernière se

rapportant plus spécialement à ce que Trousseau appelait

« névralgie épileptiforme ». Toutefois il est permis de se

demander si cette forme grave représente bien une forme

de la « névralgie faciale ». Car, si la « névralgie bénigne »

est une névralgie vraie de même ordre que la névralgie scia-

tique, que la névralgie intercostale, et, comme ces dernières,

tantôt légère, tantôt sérieuse, tenace et rebelle (à forme

grave par conséquent), la névralgie faciale épileptiforme se

comporte comme une affection possédant véritablement une

autonomie propre, affection dans laquelle le symptôme douleur

tient sans doute une plus grande, place, mais où ce symp-

tôme affecte une allure toute spéciale et se complique parfois

de phénomènes moteurs dont on ne retrouve pas les lionto-

logues sur les autres territoires nerveux.

D'ailleurs, rien n'est semblable entre les deux formes de

névralgie faciale : d'une part, en effet, douleur continue

avec paroxysmes momentanés, durée en quelque sorte limi-

tée, et curabilité à peu près certaine par les moyens appro-

priés ; de l'autre au contraire, affection caractérisée par des

phénomènes douloureux intermittents, intermittents non

seulement dans leur évolution générale, mais intermittents

aussi au moment de la production de l'accès lui-même, évo-

lution à très longue échéance, incurabilité presque certaine.

Et si l'on veut nous permettre une comparaison, nous dirons

qu'il y a entre ces « deux formes » une différence aussi tran-

chée qu'entre la névralgie du plexus cardiaque, a21goî- pec-

loris et la coronarite oblitérante dont l'expression

symptomatique est également l'angine de poitrine, mais avec

une évolution toute différente, puisque l'une est une affec-

tion passagère et transitoire, l'autre, une maladie organique

à marche progressive et fatale dans l'immense majorité des

cas.

Dans le type léger de la névralgie faciale, ce qu'on

observe, ce sont des douleurs continues ou bien des sensa-

tions de lourdeur, de pesanteur entrecoupées d'accès plus ou

moins aigus. Quelquefois ces paroxysmes aigus manquent

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 239

totalement. Dans les cas extrêmement bénins tout se borne

à une simple hyperesthésie du tégument et des parties pro-

fondes. ,

Cette hyperesthésie est un signe à peu près constant dans

toutes les névralgies du type léger. Dans quelques cas, mais

non toujours, on retrouvera les points de Valleix. Quant aux

troubles moteurs, ils n'existent pas, et il ne faudrait pas se

laisser induire en erreur et prendre pour du tic la grimace

que fait le malade au moment d'un paroxysme, grimace

provoquée uniquement par la douleur.

Enfin, la névralgie type léger se localise le plus souvent

sur une branche, un rameau du trijumeau. ,

Une fois installée elle a une évolution de durée variable

de quelques jours à plusieurs mois, parfois assez longue par

conséquent, mais, d'une façon générale, on peut dire, qu'à

part quelques cas exceptionnellement [rebelles, lorsqu'elle

disparaît on peut conclure à la guérison.

La grande névralgie faciale au contraire, la névralgie à

type grave est caractérisée par des douleurs intermittentes,

survenant à intervalles variables, s'annonçant fréquemment

par une sensation particulière, sorte d'aura qui fait dire au

malade : «je sens ma crise venir », et laissant après leur

explosion, non pas une douleur continue mais un sentiment

particulier d'endolorissement ou seulement une appréhen-

sion qui fait que le malade redoute le moindre attouchement

de la face comme susceptible de produire une nouvelle

secousse. Il est vrai d'ajouter que quelques malades attirent

l'attention surtout sur une douleur continue : dans ce cas

cette douleur occupe un point précis, toujours le même, et tout

porte à croire qu'elle répond à une lésion locale du nerf ou

des centres correspondants.

Autant de malades, autant de descriptions variées de

l'accès, et l'on connaît les comparaisons qui leur sont fami-

lières « cinglements, secousses, brûlures, etc. ».

L'un des caractères qui se retrouve à peu près constam-

ment chez tous et sur lequel, à notre avis, les auteurs

n'ont pas assez insisté, c'est que la douleur, quelle que soit

sa forme, suit toujours le trajet d'une branche nerveuse,

débutant soit par le sus-orbitaire, soit par le sous-orbitaire,

soit par le dentaire au niveau de leur point d'émergence, et

remontant « leur cours » avec plus ou moins de rapidité

240 0 CLINIQUE NERVEUSE.

jusqu'au tronc principal et aux centres. Dans presque tous

les cas le paroxysme douloureux affecte une marche anato-

miquement ascendante.

Il est rare cependant que la-grande névralgie faciale

débute d'emblée par des crises de cette nature, et il est beau-

coup plus fréquent de voir ces crises précédées pendant

quelques semaines ou quelques mois de douleurs vagues,

continues ou périodiques, sans aucun caractère bien tranché.

Dans le type grave de la névralgie faciale, les points de

Valleix n'ont pas la netteté mathématique indiquée par les

classiques. Au moment des crises, il existe presque toujours

une hyperesthésie généralisée; dans leur intervalle la pres-

sion du doigt sur les points d'émergence est généralement

assez douloureuse, mais la douleur n'est pas moindre si l'on

comprime une autre région du territoire affecté. La douleur

est parfois même plus marquée sur des points qui ne cor-

respondent pas aux points de Valleix. Cette hyperesthésie

uniforme est un caractère très important du type grave. En

outre, on notera bien souvent que cette hyperesthésie évolue

parallèlement aux crises douloureuses; très intense pendant

les accès les plus violents, peu intense et diminuée, mais

jamais totalement abolie, quand les crises sont devenues

tout à fait rares. Phénomène constant dans la grande névral-

gie faciale, l'hyperesthésie peut décroître, mais elle ne dis-

paraît que d'une façon tout à fait exceptionnelle. Elle se

propage parfois au bulbe pileux, ou bien empiète sur le ter-

ritoire du trijumeau opposé, et donne ainsi parfois l'illusion

d'une névralgie double.

Dans quelques cas la grande névralgie faciale s'accom-

pagne de troubles moteurs, et ceux-ci, bien reconnus, ont

permis de différencier une variété spéciale de la grande

névralgie faciale « la forme convulsive ». Mais il est certain

qu'on a abusé de cette forme, car les auteurs ont ici bien

souvent considéré comme du tic la grimace que fait le

malade lorsque surgit la douleur. Les cas de tic vrai

sont relativement peu fréquents. Rappelons du reste que

Valleix, sur 14 cas de névralgie faciale à type grave observés

par lui, n'a pu constater le tic que chez 4 d'entre eux. Sur

13 malades atteints de névralgie faciale grave, nous ne

l'avons observé que 7 fois, encore ne s'est-il montré franche-

ment accusé que 4 fois.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 241

Le caractère différentiel du tic et de la grimace est que le

tic produit des phénomènes spasmodiques, d'ordinaire sim-

ples, décomposés pour ainsi dire, tandis que la grimace

amène le plus souvent une « distorsion du visage » (Valleix).

Les troubles sécrétoires qui accompagnent la névralgie

faciale appartiennent presque exclusivement au type grave.

Rappelons que l'hypersécrétion lacrymale et sous-maxillaire

est décrite parmi les symptômes courants de l'affection.

Mais si l'épiphora est fonction de l'hypersécrétion lacry-

male, il peut tenir aussi à l'oblitération des conduits lacry-

maux sous l'influence du spasme qui alors n'est qu'une

manifestation locale du tic, et ce n'est pas là seulement une

théorie, mais bien la réalité, car l'épiphora se rencontre

surtout dans les formes convulsives.

Fort peu connue est l'augmentation de volume de la glande

sous-maxillaire, hypertrophie qui passe du reste assez sou-

vent inaperçue, mais que l'on constate chez quelques malades

au cours de crises violentes et prolongées. Quand elle existe,

cette augmentation de volume semble évoluer parallèlement

à la douleur, et nous l'avons trouvée d'autant plus marquée

que le malade traversait une période plus douloureuse de sa

crise. Dans les périodes d'analgésie, elle disparaît complète-

ment. Est-ce là un trouble trophique ? C'est ce que nous

n'avons pu déterminer d'une façon précise.

Parmi les troubles trophiques que l'on rattache à la

névralgie faciale, le zona ophtalmique est regardé comme

l'un des plus communs. Sur 17 cas de névralgie faciale cepen-

dant parmi lesquels 13 cas de type grave que nous avons

observés, jamais à aucun moment de leur affection, les ma-

lades n'ont présenté ce symptôme. Cette remarque ainsi que

l'allure toute spéciale du zona ophtalmique nous ont conduit

à admettre Y indépendance de cet état morbide par rapport

à la névralgie faciale.

L'un des caractères delà névralgie faciale à type grave est

de revenir à des époques indéterminées, sous forme de crises

plus ou moins rapprochées les unes des autres, et nous ne

savons guère quelles sont les causes qui en provoquent le

retour. Toutefois il en est deux qui ont manifesté leur

influence d'une façon à peu près constante chez la plupart de

nos malades. C'est d'abord l'influence atmosphérique, ce

qui ne veut pas dire l'influence du froid ou de l'humidité,

Archives, 2° série, t. XV. 16

242 CLINIQUE NERVEUSE.

mais le passage brusque d'une température douce à une

température rigoureuse, le passage de la sécheresse à l'humi-

dité et inversement; ce qui fait qu'à ces époques de transi-

tion, on voit les malades revenir par série consulter et

déplorer le retour de leurs crises. L'autre cause est l'appari-

tion de la période menstruelle; il y a à ce moment chez la

femme une période d'hypéralgie toujours très accentuée.

Nous nous sommes efforcés de déceler chez nos malades

la cause probable de la névralgie à type grave, et sur ce ter-

rain nous nous sommes constamment trouvé aux prises avec

les plus grandes difficultés.

Dans les deux tiers des cas nous n'avons pu parvenir à

déterminer cette cause : cela provient, en partie tout au

moins, de ce que nous avons rejeté par principe, en l'absence

de confirmations sérieuses et indiscutables, toutes les étiolo-

gies de carie dentaire, hystérie, neurasthénie, syphilis, si

souvent invoquées sans fondement bien réel. Chez un de nos

malades la névralgie paraissait devoir être rapportée au

paludisme. Il présentait une névralgie à type grave générali-

sée, ce qui cadrait assez mal avec la névralgie faciale palu-

dique, qui, on le sait, affecte le plus souvent le type léger,

et se localise de préférence à la branche ophtalmique. Mais

ce malade nous confia qu'en dehors de ses grandes crises

habituelles il souffrait à certains moments de douleurs sur-

ajoutées revenant à heure fixe et cédant, mais cédant

seules à quelques cachets de quinine, tandis que ce médica-

ment n'avait aucun effet sur la grande névralgie. Cette asso-

ciation du type grave avec le type léger à-étiologie bien

définie nous semble assez intéressante pour être signalée'.

Telles sont les quelques particularités d'ordre clinique que

nous avons pu relever chez une série de malades atteints de

névralgie du trijumeau. '

II. Traitement DE la ..névralgie faciale

La névralgie faciale, quelle que soit son type, léger ou

grave, est justiciable dans certains cas d'un traitement spé-

cifique, ce qui veut dire que dans tel ou tel type de névralgie

1 Chez un autre malade franchement tabétique, les crises névralgiques

présentèrent pour nous la même signification que les douleurs flilpi-

rantes.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 243

faciale il y aura lieu d'instituer une médication appropriée à

l'étiologie.

Ainsi par exemple, l'administration de sulfate de qui-

nine s'imposera dans les formes de « paludisme larvé »,

le traitement iodo-hydrargyrique dans les névralgies d'ori-

gine syphilitique, et ce même traitement pourra. être essayé

si l'on suppose la névralgie en relation avec le tabes. L'avul-

sion dentaire, l'ablation d'un dentier mal fait, l'extraction

d'un corps étranger, le traitement d'une sinusite, d'une

dacryocystite, etc., causes de différentes variétés de névralgie

faciale, peuvent être considérés également comme un véri-

table traitement spécifique : de même la résection du rebord

alvéolaire lorsque l'étiologie aura nettement montré qu'on

se trouve en présence de cette forme particulière que l'on

appelle la névralgie des édentés (opération de Jarre). Mais

en dehors de ces procédés thérapeutiques, qui eux tendent

véritablement à agir sur la cause de la névralgie et à la faire

cesser, et qui par conséquent ne visent qu'un petit nombre

de cas, on ne connaît guère de traitement qui par la cons-

tance de ses résultats ait affirmé indiscutablement sa

valeur.

Les médicaments tels que la morphine, la jusquiame, le

pyramidon, la gelsémine à l'intérieur, les topiques tels que

le liniment thérébentiné, le chloroforme, la cocaïne loco do-

lentt, les révulsifs de toute nature depuis le dé de Trousseau

pour la cautérisation ammoniacale superficielle jusqu'aux

injections de nitrate d'argent dans le sinus maxillaire ont

réussi dans certains cas, mais bien plus souvent dans la

névralgie légère que dans la grande névralgie faciale.

Parmi tous ces traitements l'opium administré suivant la

méthode de Trousseau et l'aconitine donnée sous la forme

de pilules de Moussette sont encore les médicaments les

plus estimés. L'administration méthodique de l'extrait thé-

baïque a donné d'assez bons résultats pour qu'on l'ait pu

considérer comme un traitement de choix. Toutefois, il faut

bien avouer que, même s'il est administré suivant les règles

fixées par Charcot et Gilles de la Tourette, son efficacité

s'épuise rapidement et qu'on se heurte bien souvent à des

phénomènes d'intolérance.

Parmi les méthodes de thérapeutique physique, la frigo-

thérapie a paru donner quelques bons résultats (pulvérisa-

12 Il. r CLINIQUE NERVEUSE.

tion de chlorure de méthyle, stypage), mais ils n'ont été

vraiment démonstratifs que dans les formes peu intenses,

passagères ou hyperesthésiques du type léger. Dans la grande

névralgie, l'effet, s'il existe, n'est jamais que momentané.

Ni le massage (Libotte), ni le massage vibratoire (Boudet

de Paris) n'ont donné, semble-t-il, de succès suffisants pour

pouvoir être recommandés.

III. Traitement électrique

Depuis longtemps, les auteurs ont eu recours à l'électricité

et celle-ci a été employée sous toutes ses formes avec des

résultats variables et différemment appréciés.

On s'est adressé et on s'adresse encore à l'électricité sta-

tique qui paraît avoir donné quelquefois de bons résultats,

mais peut-être faut-il être assez circonspect en ce qui con-

cerne le type de la névralgie qu'on a soumis à ce moyen. Il

est certain que dans des cas de névralgie développée sur un

terrain hystérique ou neurasthénique léger on a pu obtenir

de notables améliorations. Dans certains cas, en combat-

tant l'insomnie, l'électricité statique se montre d'une certaine

utilité.

Le courant faradique employé par Duchenne de Boulogne

puis par Becquerel est, d'après la plupart des auteurs, un

excellent révulsif dans certaines formes extrêmement légères

mais manque absolument d'efficacité dans les formes graves,

et cela même dans les névralgies à type léger un peu

sérieuses.

Le courant voltaïque, courant continu, a eu un champ

d'application beaucoup plus étendu. Rappelons que Magen-

die avait préconisé l'électro-puncture, c'est-à-dire la piqûre

électrolytique du nerf, procédé qui tomba rapidement en

désuétude. Un procédé usuel, et recommandé actuellement

encore par beaucoup de médecins, est l'application de tam-

pons sur les points douloureux pendant trois, cinq ou dix

minutes, avec une intensité variable, bà,10milli-ampèrespout,

les uns, 2 à 3 milli-ampères maximum pour les autres.

En Allemagne notamment, beaucoup de neurologistes ont

l'habitude de traiter la névralgie du trijumeau avec de petits

tampons et de se limiter à 2 ou 3 milli-ampères que l'on

fait passer pendant quelques instants seulement en chan-

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 245

géant les tampons de place toutes les minutes environ. Deux

ou trois séances constituent souvent toute la cure. Quant aux

résultats, ils correspondent à cette manière de faire et,

comme de juste, on les trouve notés tantôt comme extrê-

mement brillants, tantôt au contraire, comme absolument

nuls.

D'autres auteurs, convaincus de l'insuffisance du courant

continu ainsi appliqué, ont proposé l'introduction électroly-

tique de solutions médicamenteuses (cocaïne, chloroforme,

chlorure de zinc, antipyrine). Enfin dans ces dernières an-

nées on a essayé les courants de haute fréquence, mais on

n'a pu observer par ce moyen que de très rares améliorations.

Actuellement, tous les procédés de voltaïsation, et, du reste,

d'électrisation en général, doivent céder le pas à celui de

Bergonié qui l'emporte à coup sûr, par les résultats qu'il

permet d'obtenir.

A. Principe de la méthode. Il y a quelques années, cet.

auteur proposa d'utiliser dans la névralgie faciale des cou-

rants de haute intensité, de 30, 50, 80 milli-ampères et même

davantage.

Mais de semblables intensités ne peuvent être tolérées que

si l'on fait usage d'électrodes à large surface.

Aussi Bergonié recommande-t-il comme électrode active

une grande plaque d'étain enveloppée de nombreuses feuilles

de gaze, de surface assez considérable pour couvrir toute

une moitié de la face, et assez souple pour prendre bien

exactement l'empreinte des saillies et dépressions, sorte de

masque hémifacial en un mot. Ce masque porte deux

échancrures, l'une au niveau de l'oeil. l'autre au niveau de la

muqueuse labiale, de façon à soustraire ces parties à l'action

du courant. Le pôle actif est le pôle positif. La durée des

séances est de vingt minutes environ.

Après Bergonié, Mias, Bordier, Guilloz, Vernay, ont publié

des faits, dans lesquels le résultat thérapeutique apparaît

d'une façon très évidente. Mais plus enthousiastes que le

professeur de Bordeaux, ces auteurs ont proclamé des guéri-

sons, alors que Bergonié n'annonçait qu'une action pallia-

tive. '

Nos premières tentatives de traitement électrique visaient

de même à appliquer cette méthode aux malades atteints

de névralgie faciale. Nous avons eu recours à cet effet

246 CLINIQUE NERVEUSE.

au même manuel opératoire, mais nous nous sommes rapi-

dement aperçu que les hautes intensités n'étaient pas égale-

ment bien supportées par tous les malades, quelque dou-

ceur et quelque précaution que l'on mit à élever cette

intensité.

Aussi nous sommes-nous laissé quelque peu influencer

parles sensations et les impressions des malades eux-mêmes

et nous sommes-nous contentés d'intensités beaucoup plus

faibles; mais convaincu que les intensités faibles n'ont

qu'une action insignifiante lorsqu'on fait des applications de

quelques minutes ainsi que l'enseignent les traités classi-

ques, il nous a paru utile d'augmenter la durée des séances

afin de faire pénétrer une quantité d'électricité plus considé-

rable et d'obtenir ainsi des effets comparables à ceux de la

méthode de Bergonié.

L'application de courants continus à intensité faible (3 à

12 milIi-ampëres)eK6;H< quarante-cinq minutes, une heure

et davantage, tel est le procédé que nous employons actuel-

lement, procédé auquel nous sommes redevable de résultats

très encourageants, et dont nous proposons l'introduction

définitive dans la thérapeutique classique de la névralgie

du trijumeau.

B. Technique générale. Fôle à employer. Electrodes.

Une bonne batterie galvanique de 1(5 éléments au chlorure

de zinc ou mieux au sulfate de mercure, pourvue d'un

galvanomètre apériodique graduant de 0 à 15 milli-ampères

convient parfaitement pour l'application de ces courants.

Sur nos indications, Gaine a construit un type de batterie au

sulfate de mercure destinée spécialement aux applications

faciales. Le dispositif a été combiné de telle sorte que le

malade puisse faire les applications lui-même sans danger

et sans erreur possible.

C'est là un avantage qui a son importance. Le médecin

n'a ainsi nullement besoin défaire lui-même chaque séance

ni d'y assister, sauf peut-être pour les trois ou quatre pre-

mières, à titre de démonstration'. Par conséquent son rôle

consiste uniquement dans la direction et la surveillance du

traitement. Il lui appartiendraseulementde tenir son malade

1 La plupart des malades arrivent au buut de très peu de temps à

bien appliquer les électrodes et à manoeuvrer la batterie.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 247

bien en main, de vérifier de temps en temps l'état de la peau,

de constater les progrès accomplis, et, suivant les circons-

tances, d'augmenter ou diminuer l'intensité ou la durée des

séances, de faire suspendre ou reprendre les applications.

Les fils fixés aux électrodes sont terminés par des fiches

de grosseur inégale correspondant chacune à une prise de

courant, ce qui empêche toute interversion involontaire de

polarité. Le fil fixé-au masque facial sera ainsi toujours relié

au pôle positif. -

C'est en effet le pôle positif qui est indiqué comme pôle

actif dans le traitement des névralgies en général, et qu'on

recommande particulièrement dans la névralgie du triju-

meau. Il présente par lui-même une action sédative, calmante

bien connue et produit sans doute également des actions plus

profondes que nous ne connaissons pas d'une façon précise.

Les effets opposés du pôle négatif, généralement stimulant

ou irritant, ont fait rejeter l'emploi de ce pôle-par la plu-

part des auteurs. Quelques-uns cependant, parmi lesquels

Guilloz, ont tenté d'appliquer la méthode des intensités éle-

vées avec le pôle négatif comme pôle facial, et assurent avoir

obtenu des résultats tout à fait équivalents, ce qui, par con-

séquent tendrait à faire supposer que l'action polaire est pour

peu de chose dans les effets obtenus et que ceux-ci dépen-

dent surtout de l'action interpolaire.

L'électrode négative, de 4 à 500 centimètres carrés, sera

placée de préférence, ainsi que l'indique Bergonié, dans le

dos, au niveau des premières vertèbres dorsales descendant

jusqu'aux premières lombaires. On pourra toutefois, si la

finesse de la peau s'oppose à des applications prolongées au

même endroit, varier de, temps- à autre la position de cette

électrode. Cette électrode peut être en étain, ce métal étant

extrêmement malléable, recouvert d'une double couche de

feutre, le tout enveloppé dans une peau de chamois. On

pourra cependant construire une électrode excellente au

moyen d'une lame d'étain entourée de plusieurs couches de

coton hydrophile le tout enveloppé dans une sorte de sac de

fine mousseline.

La construction de l'électrode faciale a une importance

.très considérable. Celle-ci, de 250 centimètres carrésenviroh,

devra se mouler le plus exactement possible sur la face.

Une feuille d'étain souple découpée d'après le modèle de

248 CLINIQUE NERVEUSE.

Bergonié et recouverte de plusieurs épaisseurs de coton

hydrophile le tout enveloppé dans une mince mousseline cons-

titue une électrode faciale à peu près parfaite. Il faut rejeter

de parti pris tous les modèles où le tissu souple (feutre, coton

hydrophile) n'est pas en épaisseur suffisante, ainsi que tous

les modèles dans lesquels le métal ou le charbon ne sont

pas suffisamment éloignés de l'épiderme.

Bordier conseille de veiller également à ce que la distance

entre la peau et le métal de l'électrode soit partout la même

c'est-à-dire que le métal soit exactement parallèle à la sur-

face du tégument. On ne saurait oublier en effet que l'on

agit sur une région où la peau est extrêmement fine, et où

peuvent, si l'on n'y prend garde, se produire des escarres.

La nature du métal à utiliser pour la fabrication des élec-

trodes est, suivant certains auteurs, également à considérer,

Bordier rejette absolument le cuivre, le laiton, l'étain, le

plomb, le nickel, parce qu'il se produit une couche de carbo-

nate et d'oxyde par suite des actions électrolytiques qui se

passent au sein de l'eau retenue par imbibition dans l'élec-

trode, et que cette couche de composés métalliques offre

une grande résistance au passage du courant. Il pense que

lorsque de telles électrodes ont servi pendant quelque temps,

le courant ne passe plus que par quelques points du métal,

les moins résistants, et qu'alors la distribution des lignes de

flux est très irrégulière. De là un accroissement de densité

de courant en certains points qui explique comment peuvent

se produire des escarres. Pour éviter cet accident, Bordier

conseille l'aluminium ou le cuivre platiné.

L'électrode indifférente de même que l'électrode faciale

devront, bien entendu, être convenablement mouillées. Pour

maintenir une imbibition convenable, il vaut mieux laisser

tremper les électrodes la nuit dans de l'eau que l'on échauf-

fera au moment de l'usage par l'addition d'un peu d'eau

bouillante. Il faut toujours éviter de laisser sécher le coton,

car après plusieurs alternatives de dessication et de madé-

faction, il forme une masse compacte qui se prête mal à la

conformation du visage. On aura soin de ne se servir que

d'eau tiède. L'eau salée est à déconseiller, car il peut se

produire sous son influence une irritation des téguments.

Quand au cours d'une séance l'électrode viendra à perdre une

certaine quantité de son eau, on pourra en exprimant sur sa

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 249

partie supérieure une éponge remplie d'eau, lui restituer son

humidité.

L'un des points importants à observer dans le manuel

opératoire est l'application de l'électrode faciale sur la peau,

de telle façon qu'elle s'adapte bien exactement sur tous les

points. La pression exercée par l'électrode devra être sensi-

blement la même au niveau de la région temporo-frontale,

qu'au niveau de la région molaire, qu'au niveau de l'angle

du maxillaire. Cette compression uniforme peut être obtenue

au moyen d'une bande de caoutchouc (Bergonié), ou bien

au moyen d'une bande de crêpe Velpeau enroulée autour de

la tête en manière de minerve. Dans ce dernier cas on aura

soin d'interposer entre l'électrode et la bande un imper-

méable en caoutchouc ou en taffetas gommé.

m

C. Intensité. L'électrode faciale étant bien appliquée

sur le côté malade, l'électrode indifférente étant fixée au

moyen d'une ceinture au niveau de la région dorsale, on

commencera la séance. Le courant sera gradué à l'aide du

collecteur d'éléments qu'on poussera de gauche à droite

jusqu'à ce qu'on ait atteint l'intensité désirée. (Il est préfé-

rable, si l'on dispose d'une installation fixe, d'employer le

réducteur de potentiel.) Dans tous les cas on aura soin

de n'élever l'intensité qu'avec la plus grande lenteur.

A quelle intensité faut-il s'arrêter ? Cette question est

sans doute l'une des plus importantes, attendu que les

auteurs qui ont utilisé le courant continu contre la névralgie

faciale se sont servis les uns d'intensités faibles, c'est-à-dire

d'intensités ne dépassant qu'exceptionnellement 10 milli-

ampères et se rapprochant le plus souvent de 3 et même

de 2 milli-ampères, les autres (méthode de Bergonié) d'inten-

sités très élevées, c'est-à-dire d'intensités comprises entre

20 et 100 milli-ampères. Or de part et d'autre on a enregistré

de bons résultats, des résultats même très encourageants.

Boudet de Paris ne dit-il pas en effet que la guérison des

névralgies est le triomphe de l'électrothérapie : « Au bout

d'un très petit nombre de séances les douleurs faciales,

sciatiques, intercostales disparaissent et si le malade a la

constance de se soumettre à un traitement régulier pendant

quelque temps, il obtient une guérison radicale, même

lorsque la maladie remonte à une époque déjà éloignée.

Dans un cas entre autres, la névralgie trifaciale datait de

250 CLINIQUE NERVEUSE.

dix-huit ans. Un mois de traitement actif a fait disparaître

les douleurs qui n'ont plus reparu depuis un an. ». Dans ses

applications, Boudet employait des intensités de 5 milli-am-

pères environ.

Bergonié au contraire insiste sur l'utilité des hautes inten-

sités et se déclare convaincu de l'action bien autrement

puissante de ce procédé.

Nous avons essayé d'appliquer à certains malades les inten-

sités élevées. Il est certain que ces intensités peuvent être

aisément supportées surtout si on a la précaution d'y accou-

tumer les malades en leur faisant prendre des séances

quotidiennes à intensités progressivement croissantes. Mais

les malades n'aiment pas beaucoup, en général, la sensation

énergique fournie par les intensités élevées, et plus d'un

malade nous a déclaré préférer renoncer l'électricité que

de se soumettre à de nouvelles séances dans ces conditions.

Chez deux d'entre eux, des intensités comprises entre 15 et

20 milli-ampères ont chaque fois réveillé les douleurs les plus

violentes.

Ces faits d'intolérance ont du reste été notés parbergonié.

L'emploi de hautes intensités demande une surveillance

constante du malade, ce qui ne signifie pas cependant que la

méthode soit dangereuse, mais il faut être prévenu qu'une

interruption brusque dans le circuit,, soit du fait d'un

mouvement du malade, soit du fait d'un contact défectueux

peut amener une secousse d'ouverture dont l'effet peut être

désagréablement ressenti, et qui peut même amener la syn-

cope. Une mauvaise application du masque facial peut de

même produire une brûlure si l'on néglige de s'informer

de temps à autre des sensations éprouvées par la malade sous

l'influence du courant.

Lorsqu'on emploie des intensités faibles, l'escarrification

n'est pour ainsi dire pas à craindre. En outre, l'interruption

accidentelle du courant ne peut produire aucun accident

grave, sauf peut-être chez quelques arlério-scléreux ou aor-

tiques. Par conséquent il semble qu'à résultats égaux,

L'emploi d'intensités faibles se justifiera parfaitement-

Quelques auteurs ont renoncé à l'évaluation de l'intensité

du courant par le galvanomètre et, ce qu'ils cherchent à pré-

ciser, c'est l'intensité du courant qui pénètre dans l'économie

par centimètre carré, de surface, cutanée. C'est ce que l'on

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NEVRALGIE FACIALE. 25 !

appelle la densité du courant, et pour ces auteurs c'est la

densité qui se trouve être l'élément posologique capital.

(Pour obtenir la densité du courant à son entrée, il suffit

de diviser l'intensité totale du courant indiquée par le galva-

nomètre par le nombre de centimètres carrés de la surface

de l'électrode faciale.)

Il est certain que l'appréciation de la densité a une certaine

importance. Toutefois il serait inexact de supposer qu'on ait

dans ce moyen un élément de mesure d'une précision mathé-

matique, car, quoi qu'on fasse, et quelque soin qu'on ait mis

à appliquer l'électrode faciale hermétiquement sur le tégu-

ment, il est impossible d'empêcher le courant de s'écouler

plus aisément par certains points, ceux par exemple où la

résistance cutanée est moindre, où l'humidité de la plaque

est plus grande ou bien son contact avec la peau plus intime.

De telle sorte qu'il existe à côté de la densité théorique

facile à chiffrer, une densité réelle, densité pratique qui a

été parfaitement indiquée du reste par ceux qui se sont

occupés de la question, mais dont l'évaluation est impossible.

Les sensations éprouvées par les malades au moment du

passage du courant sont interprétées de façon très diverse.

Tel malade déclare ne rien sentir du tout avec 4, 5, 6 milli-

ampères, tel autre accuse simplement une sensation de

fourmillement, enfin un troisième aura une impression de

chaleur bienfaisante. A aucun moment les malades auxquels

nous avons appliqué les intensités faibles ne se sont plaints

de phénomènes douloureux ou seulement de sensations

désagréables. -

D. Durée. La durée de l'application électrique constitue

à elle seule un des facteurs les plus importants de la réussite.

On estime généralement qu'une durée de dix minutes est

suffisante; elle est même considérée par certains auteurs

comme une application longue puisque trois à cinq minutes

représentent pour eux un temps moyen. Nous -mettons en

garde également contre des prescriptions telles que celles-ci :

application de courant voltaïque une minute sur chaque

point douloureux; ce qui est absolument dérisoire.

Bergonié proposait des séances de vingt minutes et ses

élèves l'ont suivi dans cette voie. Peut-être cette durée est-

elle suffisante lorsqu'on applique des intensités élevées, mais

252 CLINIQUE NERVEUSE.

lorsqu'on se contente d'une intensité ne dépassant pas

10 milli-ampères, vingt minutes ne suffisent plus.

Nos premières applications furent faites pendant un quart

d'heure et vingt minutes, mais nous n'avons pas tardé à

nous apercevoir que l'amélioration que nous cherchions s'ob-

tenait beaucoup plus vite et beaucoup plus sûrement avec

des séances de trente, quarante, quarante-cinq et cinquante

minutes, et actuellement, après avoir tâtonné dans cette voie,

le minimum de temps que nous imposons aux malades est

une heure. Nous avons recherché parmi les observations

publiées avant nous les durées moyennes des séances, et

nous n'en avons trouvé que deux où il ait été fait mention

de séances dépassant une demi-heure : dans un cas, trente-

cinq à quarante-cinq minutes, dans l'autre, quarante à cin-

quante minutes.

Autant que nous, les malades sont convaincus de l'avantage

des séances prolongées, et l'un d'entre eux nous a même

incité à essayer des séances encore beaucoup plus longues.

Ces séances prolongées ne produisent aucune fatigue, le

malade n'ayant aucun appareil à tenir.

Il est indispensable cependant que les électrodes soient

convenablement appliquées et toujours en état d'humidité

parfaite. On n'oubliera pas de recommander au malade qui

fera lui-même les applications de s'assurer constamment de

l'humidité suffisante des électrodes.

E. Le Traitement dans son ensemble. Une séance con-

siste donc dans l'application du courant continua l'intensité

de 4 à 8 milli-ampères pendant une heure environ. Lorsqu'on

retire les électrodes on remarque que la peau du côté élec-

trisé est congestionnée, mais cet état ne tarde pas à dispa-

raître après quelques heures, et en général au bout de trois

heures la face a repris son aspect normal.

Immédiatement au sortir de la séance le malade éprouve

un sentiment de bien-être, une détente qui se trouve surtout

marquée dans les cas de névralgie à forme grave. Un des

effets particuliers de la séance de voltaïsation que nous

n'avons trouvé signalé nulle part est une certaine tendance au

sommeil.

Avec les faibles intensités il est exceptionnel de constater

une irritation cutanée quelconque. Il n'est pas rare qu'après

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 253

quelques séances il se produise une légère desquamation de

la couche la plus superficielle de l'épiderme. Cette éventua-

lité ne présente du reste aucun inconvénient. Toutefois il

serait bon de suspendre les séances pendant un ou deux

jours si cette desquamation avait tendance à s'exagérer.

On peut se contenter de 3 séances par semaine. Ce chiffre

est celui qui convient aux formes peu ou moyennement

douloureuses de la névralgie. Mais, dans les cas de névralgie

très violente, dans touteslesformes graves, dans toutes celles

qui s'accompagnent de tic, il est absolument indiqué de faire

des applications quotidiennes.

Celles-ci ne devront pas être faites à des heures indiffé-

rentes d'un jour à l'autre, un jour le matin par exemple et

le lendemain, le soir ou dans l'après-midi. Si des séances

ainsi faites n'amenaient qu'une amélioration insignifiante, il

ne faudrait pas s'en montrer autrement surpris, car l'un des

principaux éléments de succès est précisément l'absolue

régularité et la périodicité des applications. Un bon moyen

pour en obtenir l'exécution chez les malades est de les enga-

ger à s'y soumettre le matin dès le réveil.

Dans les quinze jours ou le mois qui suivront le début du

traitement, il ne faudra guère compter sur une amélioration

flagrante. Celle-ci se produit bien quelquefois dès la première

huitaine, mais beaucoup plus souvent il faut attendre jusqu'à

la fin du premier mois pour la voir survenir. Dans le type

grave, il y a même parfois au moment des premières séances

une augmentation des douleurs, fait sur lequel il y a lieu

d'appeler l'attention du malade, afin de ne pas le laisser con-

clure à l'inefficacité de l'électricité, ou même à sa nocivité.

Le médecin sera même à ce moment parfois obligé d'user de

toute sa puissance de persuasion pour éviter toute interrup-

tion du traitement, si, ne constatant encore aucun résultat,

ou traversant la période hyperalgique, le malade se trouvait

découragé, et s'apprêtait à renoncer à la cure qu'il vient

d'entreprendre.

Trois mois de séances représentent la moyenne que nous

avons généralement adoptée. Au bout dece temps les malades

les plus gravement touchés accusent à peu près tous une

amélioration nette plus ou moins considérable suivant les

sujets, presque toujours cependant très marquée. Après ces

trois mois, si l'on juge l'amélioration suffisante, on pourra

- 254 CLINIQUE NERVEUSE.

interrompre le traitement, mais non pas le suspendre d'une

façon définitive. Il est nécessaire en effet que les malades

reviennent de temps à autre à l'électricité, et il faut leur

recommander de reprendre de nouvelles séances pendant plu-

sieurs mois à raison de 8 à 10 par mois environ, alors même

que les douleurs seraient devenues insignifiantes. Ces séances

se feront de préférence pendant huit à dix jours consécutifs,

du 1er au 8 ou 10 de chaque mois, par exemple. Chez les

femmes, qui, pour la plupart présentent au moment de leurs

règles une poussée algique, il y aura intérêt à faire prendre

ces séances dans la semaine précédant la menstruation. Cer-

taines malades se sont même tellement accoutumées à cette

façon de faire que nous les voyons revenir dans le service

uniquement à l'époque précitée alors même qu'elles ne souf-

frent pas.

F. Résultats. Un certain nombre d'observations ont été

publiées par Bergonié, Bordier, Mias, Guilloz, Vernay. Toutes

ces observations se rapportent à des malades traités par la

méthode de Bergonié, ou tout au moins par des courants de

haute intensité.

Guilloz cherche à appliquer des densités de courant plus

'considérables que Bergonié : « J'ai essayé, dit-il, des cou-

rants de densité encore plus forte et dépassant souvent

l'unité et même 1,5. Je les fait passer jusqu'à ce que la peau

menace de s'altérer d'une façon permanente. L'électrode

active recouvre seulement les parties douloureuses et on en

diminue la surface à mesure que la douleur se circonscrit.

J'ai employé comme pôle actif, tantôt l'anode, tantôt la

cathode, sans qu'il m'ait été possible de différencier nette-

ment l'action prédominante de l'un des pôles. »

Parmi les résultats éloignés qui ont été notés, ceux que

rapporte Bergonié offrent un intérêt primordial puisque

l'auteur a pu suivre certains malades pendant sept à huit

ans. Malheureusement tous les auteurs ne l'ont pas imité et

n'ont pas publié de suites éloignées, ce qui, pour la névralgie

du trijumeau du type grave, est cependant de toute impor-

tance.

Cette névralgie du trijumeau type grave, peut-elle guérir ?

1 Société de Médecine de -Ya ? ! cy, 26 janvier 1898.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 2oS

Non, d'après Bergonié, qui, du reste, n'accorde au traite-

ment électrique qu'une valeur palliative- Oui, d'après quel-

ques-uns qui affirment avoir obtenu dans certains cas une

guérison pleine et entière, il est permis de se demander si,

dans des cas de ce genre, les auteurs n'ont pas été induits

en erreur par l'allure de la névralgie, et s'il ne s'agissait

pas ici et là de névralgies du type léger. Dans bien des

observations, en effet, le type' de la, névralgie n'est pas,

pas spécifié, et il est impossible de savoir auquel des deux

types appartient l'affection traitée. '

Sans doute les auteurs ont eu toujours soin de noter la

date du début de l'affection, mais cette indication ne donne

qu'un renseignement insuffisant. Que l'on veuille bien se

reporter aux quelques considérations d'ordre clinique que

nous avons développées plus haut, et où nous avons cherché

à préciser la ligne de démarcation entre les deux « formes »

de névralgie faciale. On y trouvera que la névralgie du type

léger peut affecter une allure légère, sérieuse ou tenace,

tout comme la névralgie sciatique qui se montre sous les

aspects les plus variés, depuis la forme la plus légère, jus-

qu'aux formes les plus extraordinairement rebelles. Or, pour

le type léger de la névralgie faciale, le traitement électrique

basé sur les principes que nous venons de passer en revue

est à coup sûr l'une des meilleures ^thérapeutiques et nous

l'avons vu réussir d'une façon parfaite dans des cas de névral-

gie de ce type qui avaientrésisté à tous les autres traitements.

La guérison y est la règle, et on peut s'attendre, après un

traitement régulier de deux mois environ, à voir les douleurs

disparaître d'une façon définitive.

Mais il n'en est pas de même du type grave de la névralgie

faciale, de la névralgie épileptiforme. Quoi qu'on en ait dit, la

guérison véritablement totale nous paraît bien improbable,

et nous ne l'avons pour notre part jamais observée d'une

façon absolue. Des améliorations considérables peuvent se

produire sous l'influence du traitement électrique, améliora-

lions qui approchent parfois assez sensiblement de la gué-

rison, mais nous n'hésitons pas à affirmer « qu'il reste tou-

jours quelque chose ». Même dans les cas où l'absence des

accès pendant de longs mois a paru offrir l'espoir d'une

disparition totale de la maladie, il s'est toujours produit à

un moment donné un ou plusieurs épisodes douloureux,

256 CLINIQUE NERVEUSE.

épisodes il est vrai très supportables, et comme la repro-

duction en abrégé et en miniature des accès d'autrefois.

L'emploi du courant continu suivant le procédé que nous

venons d'indiquer avec des intensités faibles de 4 à 10

milli-ampères, la durée longue des applications tri-hebdoma-

daires ou quotidiennes pendant trois mois d'abord, puis

pendant huit à dix jours les mois consécutifs, (période de

cure active pendant trois mois, période de soutien. la suite),

représentent la thérapeutique que nous utilisons dans la cure

de névralgie faciale.

Nous avons traité ainsi 17 malades atteints de névralgie

faciale dont la plupart avaient déjà tout tenté, ou à peu près

tout, pour obtenir un peu de soulagement.

Sur ces 17 malades, 7 ont présenté une névralgie du type

grave avec tic plus ou moins prononcé. Sur ces 7 malades

nous devons noter un insuccès complet; tous les autres ont

été améliorés dans des proportions variables. Cette amélio-

ration a été moyenne chez une malade qui ne s'est pas sou-

mise au traitement avec la régularité requise, mais elle a été

très marquée au contraire chez les 5 autres.

Six malades avaient le type grave mais sans tic. Sur ces

G cas, dans l'un, le nombre des séances a été notoirement

insuffisant (8 séances) ; dans un autre le traitement n'a pas

été fait régulièrement.

Restent donc 4 cas parmi lesquels nous notons une amé-

lioration moyenne, et 3 très grosses améliorations. Enfin sur

4 cas de névralgie du type léger, nous noterons un traite-

ment incomplet, une amélioration considérable et deux

guérisons. Malgré le peu d'importance qu'il faille attacher

aux statistiques, celle-ci en raison du nombre d'améliora-

tions obtenues, nous parait digne d'être prise en considéra-

tion.

On voit que nous ne faisons usage du terme de guérison

que pour les névralgies à type léger. Pour les névralgies du

type grave, nous n'avons voulu admettre comme possible

qu'une amélioration très considérable, et nous ne saurions

assez insister sur ce point. Bien que dans deux cas de

névralgie faciale de ce type nous ayions obtenu une sédation

presque absolue des douleurs, nous ne consentons pas à

reconnaître à la voltaïsation autre chose qu'une action pal-

liative.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 257

Il arrive en effet bien souvent qu'après la période d'amé-

lioration qui se montre presque toujours d'une façon nette

après les trois premiers mois, il se produise une rechute au

bout d'un temps variable. Ces rechutes se présentent parfois

en assez grand nombre pour permettre de douter de l'amélio-

ration obtenue, mais si l'on interroge les malades avec soin

et si l'on ne se borne pas à leur poser cette simple question :

« souffrez-vous encore ? » on apprendra d'abord que toutes ces

rechutes laissent entre elles des intervalles de repos absolu

bien plus longs que ceux qui existaient avant le traitement,

et ensuite que les crises douloureuses ne se montrent plus,

ni avec la même durée, ni avec la même intensité qu'avant

toute électrisation. En un mot : « l'électrisation a usé la

névralgie » (Bergonié).

Lorsqu'on demande aux malades d'étabir une comparaison

entre les sensations éprouvées avant le traitement et posté-

rieurement à lui, ceux-ci sont d'accord pour affirmer que

cette comparaison n'est plus possible même dans les périodes

les plus douloureuses. « Ce ne sont plus des éclairs, nous a

dit l'un de nos malades, je sens qu'il va y avoir quelque

chose, et ce quelque chose est un chatouillement considé-

rable et fort désagréable. » De toute façon la cessation

momentanée des accès ou leur diminution, l'existence d'inter-

valles non douloureux plus prolongés qu'auparavant, cons-

titue un bénéfice indiscutable, dont il faut tenir compte et

dont les malades sont du reste unanimes à'reconnaître

l'importance. Deux, et nous pourrions même dire trois de

nos malades avaient, avant le traitement, des idées de suicide

qui semblaient ne pas être qu'une vaine menace. Aucun

d'eux ne songe plus actuellement à attenter à ses jours.

Il est du reste encore un fait qui représente à lui seul un

notable élément d'appréciation de la valeur du traitement

électrique. Parmi tous nos malades qui constituent le groupe

de ceux qui ont obtenu une amélioration franche, il n'en est

pas un, qui, au premier présage de réapparition de douleurs,

ne soit revenu réclamer une nouvelle série de séances, et

tous nous ont assuré que parmi les différents traitements

qu'ils ont subis, médications internes, injections sous-cuta-

nées, analgésiques, topiques, névrotomie, résection, il n'en

est aucun qui leur ait procuré un soulagement aussi marqué

que le courant continu.

archives, 20 série, t. XV. 17

258 CLINIQUE NERVEUSE.

G. Mode d'action. Ces résultats sont-ils effectifs et véri-

tablement dus à l'action du courant électrique lui-même ? ou

bien faut-il voir une heureuse conséquence de la suggestion

armée ? C'est là un argument, qu'à l'exemple de Moebius, font

encore valoir un certain nombre d'auteurs, Bernheim par

exemple. Il faudrait admettre dans ce cas une bien

puissante influence suggestive de l'électricité que pourrait

d'ailleurs tout aussi bien créer le cachet d'antipyrine ou de

micapanis. Bernheim fait toutefois remarquer que la sugges-

tion ne réussit d'une façon certaine que dans les cas de

névralgie-névrose, tandis que dans les cas de névralgie-

névrite il avoue avoir peine à s'expliquer son mode d'action.

S'agit-il, comme on l'allègue, d'une heureuse coïncidence ?

Et n'aurions-nous pas pris pour des améliorations ces pério-

des d'accalmie que l'on observe chez bien des malades dans

l'évolution de leur névralgie. Sans doute il nous est impos-

sible de prétendre que cette éventualité si favorable ne se

soit pas produite chez un ou deux malades, mais il faudrait

vraiment un concours de circonstances bien extraordinaire

pour que cette heureuse coïncidence se soit montrée dans la

proportion de huit fois sur dix environ.

Quoi qu'il en soit, on peut étayer sur les propriétés phy-

siologiques du courant continu une théorie rationnelle de son

mode d'action dans la névralgie faciale. Déjà, il n'est pas

douteux qu'il faille pour une certaine part, faire intervenir

l'influence sédative du pôle positif. L'action polaire toutefois

n'est peut-être pas un argument suffisant quand il s'agit

d'expliquer la diminution des crises spasmodiques et en par-

ticulier du tic douloureux. Peut-être dans ce dernier cas

l'électricité vient-elle exercer une action sur le réflexe moteur

lui-même, en ce sens que, produisant une action analgésique

sur les extrémités périphériques, le réflexe moteur centrifuge

perdrait parallèlement de son intensité.

Bergonié explique ainsi le mode d'action de l'électricité

dans sa méthode : il se produit durant le passage du courant

des phénomènes de décomposition électrolytique des tissus,

et au voisinage de l'électrode positive se développe, par

action secondaire, un milieu acide. C'est dans ce milieu que

se trouvent plongés, pendant le passage du courant et après

lui, les dernières ramifications sensitives du nerf affecté, et

« il n'est pas irrationnel de supposer que de ce fait, et par

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '259

une action que j'ai appelée action tertiaire de l'électrolyse,

leur irritabilité pourra être momentanément diminuée, sus-

pendue, et même détruite si l'action est assez puissante et

prolongée. » Selon Bergonié ce ne sont pas seulement les

dernières ramifications du nerf qui sont atteintes, mais l'ac-

tion du courant s'étend sensiblement au delà, et il se fonde

sur ce fait, qu'après l'application du courant il existe une

diminution considérable de l'hyperexcitabilité de la peau et

des parties profondes, puisque les mouvements intenses, le

massage, la pression sur les branches nerveuses au niveau de

leur émergence, les mouvements de la parole, de la mastica-

tion ne provoquent pas de douleurs. Cette diffusion se ferait

par les canaux osseux de la face, qui à l'inverse des parties

osseuses offrent une moindre résistance au passage du cou-

rant, et celui-ci emprunterait, par conséquent, pour gagner

l'électrode indifférente, la voie offerte par les branches du

trijumeau. Et, admettant que l'électricité suive ainsi les

branches de ce nerf, il est fort juste de penser que le courant

agit profondément sur le trijumeau, et même sur le ganglion

de Gasser par cette voie.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XIV. De l'état actuel de la théorie de l'inflammation dans le sys-

tème nerveux central; par E. STORCH. (Ceitti,albl. f.Nerueilaeilk.,

XIII, iV. 1. XI, 4900.)

Toute toxine peut, par irritation, léser les vaisseaux et produire

ainsi une affection en foyer, dont les conséquences dépendent de la

structure et de la disposition du vaisseau ainsi que de l'endroit du

système nerveux central atteint. La toxine peut aussi, en péné-

trant dans la paroi d'un capillaire, préalablement intact ou malade,

envahir la lymphe qui arrose cellules et fibres, et agir sur le

parenchyme : ici intervient une espèce de sélection en rapport

avec la cause morbigène, avec l'individu, une affinité chimique,

qui fait que l'agent toxique s'adresse à des groupes nerveux phy-

siologiques, à des systèmes, et s'exprime cliniquement parles acci-

dents de la strychnine, du tétanos, du délire aigu, du tabes, de la

paralysie générale, Nous connaissons bien les altérations corres-

260 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

pondantes de certains neurones de la moelle, pas du tout celles

du cerveau.

Il y a lieu de distinguer l'inflammation qui suit le trajet des vais-

seaux, et celle qui suit le neurone.

1. --Le type de l'inflammation du neurone est celle du lubes dorsal,

constituée par la dégénérescence primitive des cordons postérieurs,

d'origine, le plus habituellement syphilitique. C'est une inflam-

mation, indépendante du système vasculaire, mathématiquement

limitée au trajet des fibres radiculaires postérieures, qui n'altère

pas la forme de la moelle. Racines postérieures, région externe

des cordons postérieurs, envahissement des faisceaux de Goit(dans

la moelle cervicale), telle est la marche de la lésion de bas eu

haut, progressivement. Les fibres nerveuses disparaissent pour

être remplacées par des fibres névrogliques. A un moment donné,

le champ dégénératif est relié aux cornes postérieures à l'aide de

cloisons de névroglie abondantes autant qu'épaisses, et surtout

aux colonnes de Clarke, altérées de même façon ; cette transfor-

mation se poursuit dans les cornes antérieures du même côté, et

gagne, par la commissure postérieure, la corne postérieure du

côté opposé. La constatation de lésions atrophiques identiques

dans les ramuscules sensitifs de la peau, dans les cellules des gan-

glions spinaux (segments intraspinaux), autorise à formuler que le

tabès émane d'une lésion primitive des cellules des ganglions spi-

naux, qui aboutit à la nécrose des extrémités les plus périphériques

ainsi que des racines postérieures dans tout leur parcours (Pierre

Marie, Oppenheim, Struempell). Les altérations de la substance de

soutènement sont secondaires : elles sont destinées à combler le

vide produit par la mort des éléments nerveux ; les fibres névro-

gliques se multiplient, mais les noyaux, peu. On ne voit que peu

de cellules granuleuses, un petit nombre seulement de cellules

étoilées ou cellules névrogliques riches en protoplasma, gonflées,

et elles sont peu volumineuses. C'est une sclérose isomorphe, qui

représente le degré le plus inférieur de l'irritation formative de la

névroglie.

II. L'inflammation qui s'adresse aux vaisseaux engendre des

lésions en foyer. Celles-ci sont, lorsque le système vasculaire est au

préalable intact (enfants, jeunes gens), causées par des corps

solides comme les embolies : d'où la poliomyélite.

Pour qu'un agent nocif amorphe exerce une action locale, il faut

que le système vasculaire soit auparavant affecté, comme dans le

cas d'anévrisme miliaire qui résiste moins à la pression. Alors,

interviennent pour détruire les tissus, hémorrhagies, embolies ou

thromboses. aseptiques (ischémie, anémie) ; tous agents trauma-

tiques en réalité ; ou bien les bactéries avec leurs produits de

désassimilation, toxiques d'origine interne ou externe. Les agents

nocifs agissent au prorata de leur acuité, de leur lenteur, de leur

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 261

constitution, de leur concentration, de la force de résistance et de

réaction locale et individuelle du tissu.

Le parenchyme nerveux possède une très faible puissance' de

régénération ; de là les variantes anatomopathologiques : chroma-

tolyse des cellules, tuméfaction des cylindraxes, régression des

gaines myéliniques, dissociation des éléments anatomiques, ré-

sorption des débris, avec cette particularité que ces débris peuvent

demeurer sur place longtemps à l'état de cellules calcifiées, de

mottes hyalines, de corpuscules amylacés. Le parenchyme reste

passif, sauf en certains cas légers et chroniques où l'irritation

caresse les couches périphériques des fibres nerveuses, fouette la

nutrition du cylindraxe et provoque sa réparation (sclérose en

plaques).

La substance de soutènement, ou névroglie d'origine ectoder-

mique, réagit vivement même vis-à-vis d'une irritation faible qui ne

parait pas altérer le parenchyme : telles les cellules satellites des

grandes cellules pyramidales de l'écorce se multiplient sans alté-

ration apparente du parenchyme. Ailleurs, les fibres de la névro-

glie sont intactes à côté des lacunes de la substance blanche de la

moelle. Enfin, si la lésion est extrême, la charpente de soutien

cède à son tour, il s'effectue une nécrose totale d'un morceau

de tissu, et ce séquestre irrite autour de lui.

Les lésions de nutrition sont de trois sortes : 1° la tuméfaction

du parenchyme avec activité modérée de la névroglie ; 2° la déca-

dence des éléments nerveux avec conservation de la charpente de

soutien ; 3° la nécrose ou ramollissement.

M. Storch étudie minutieusement le 1 amollissement constitué par

la formation d'une cavité qui contient le séquestre : dans la paroi

de celle-ci se produisent des phénomènes qui tendent à la guéri-

son. A. S'agit-il .'du ramollissement traumatique, d'une nécrose

anémique, l'inflammation qui lui succède procède des éléments

suivants : altération des vaisseaux, exsudation, ébranlement de

l'équilibre du tissu, prolifération de l'appareil de soutènement et

régression du parenchyme ; B. Le ramollissement toxi-infectieux

succède au contraire à l'inflammation. Il débute par l'exsudation

d'un liquide albumineux, l'émigration des hématies, et des leuco-

cytes plus spécialement chargés d'absorber tous les détritus qu'ils

emportent en se résorbant. La prolifération appartient à la névro-

glie seule.- elle commence du troisième au quatrième jour. Tout

près du foyer nécrosé, on rencontre encore de grosses cellules épi-

thehoïdes à un ou plusieurs noyaux, des cellules mésodermiques

du système vasculaire, endothéliales, des fibres de muscles et de

tissu conjonctif tuméfiées, hyalines, des espaces lymphatiques péri-

vasculaires bondés d'endothéliums proliférés, susceptibles de se

charger des décombres.

A noter que Hoche, au moyen d'embolies aseptiques renforcées

262 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

après coup d'infection, a obtenu une inflammation de la moelle

atteignant le canal central, espèce de syringomyélie iiifiani2nit-

loire.

L'inflammation aiguë peut, de par la persistance de l'irritation

atténuée, devenir chronique : sclérose en plaques consécutive à

encéphalomyélite disséminée.

Il existe aussi des lésions en foyer, c'est-à-dire vasculaires, dès

le début lentes et 17mésistibles : on y retrouve les altérations vascu-

laires, la tuméfaction de la névroglie qui est énorme, ex : cer-

taines formes de sclérose poly-insulaire ou diffuse, avec ou sans

augmentation de volume. Le microscope permet d'en déterminer

deux aspects, a. Sclérose en plaques : foyer composé d'un réseau

fort ou fin de libres de la névroglie, modérément riche en noyaux,

rappelant la disposition des libres nerveuses, fréquemment tra-

versé par des fibres nerveuses amyéliniques; dans la zone margi-

nale, cellules étoilées de névroglie gonflées ; b. Sclérose diffuse.

Particulière à l'enfance, elle porte sur le cerveau. Première espèce.

Circonvolutions, lobes ou presque un hémisphère massif, épais;

feutrage de névroglie avec nombreux noyaux, cellules étoilées

assez grosses. Un cas de ce genre observé chez un paralytique

général adulte. Deuxième espèce. Enfants. Tissu scléreux composé

d'une névroglie très abondante;on apeine à reconnaître l'ébauche

de la structure ancienne du cerveau. Quelques points ramollis

presque exclusivement formés de grosses cellules épithélioïdes ou

de grosses cellules étoilées gorgées de liquide. P. KERAYAL.

XV. Contribution à la connaissance des troubles de la conscience

avec conservation de la mémoire chez les épileptiques ; par

M. K. BONIIOEFFER. (Centralbl ? iYei-venheilk-, XXIII, N. F. XI, 1900.)

Observation très détaillée d'un dégénéré. Tares héréditaires,

convulsions dans l'enfance, signes de dégénérescence physiques,

faible résistance à l'égard de l'alcool, tendance à éprouver de

l'angoisse. Il présente un accès passager d'aliénation mentale

caractérisé par des sensations physiques anormales toutes parti-

culières, de l'apnée et de la dyspnée survenues brusquement au

réveil, qui ressemblent à celles des épileptiques en proie à un

accès d'agitation expansive. Il a du vertige : tout danse autour de

lui;'il ne peut s'empêcher de cligner des yeux, il sent qu'on lui

tire le ventre, il ressent des douleurs dans les membres, sa face

est cyanosée, sauf autour de la bouche et des yeux où elle est

pâle, les pupilles sont larges, continuellement en mouvement, il a

l'air de chercher quelque chose. L'accès passé, le malade ne se

rappelle que partiellement son délire de perquisition ; une grande

partie des autres symptômes lui sortent promptement de la

mémoire.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 263

Comme il a mis plusieurs fois le- feu, ses incendies doivent-ils

être mis sur le compte d'un trouble de la conscience d'origine

épileptique ? Avant que se produisit l'accès délirant précédent

d'angoisse et d'hypochondrie, on les avait considérés comme des

actes impulsifs probablement commis dans un état d'inconscience :

on avait invoqué les antécédents, l'ivresse, une intoxication car-

bonique causée par des polypes du nez, l'absence de motifs nor-

maux, mais, à raison de la conservation de la réminiscence, on ne

lui avait pas accordé tout le bénéfice de la loi. Or, maintenant, il

convient de se demander si les incendies ne dépendent pas d'un

trouble mental plus profond. Discussion de laquelle il ressort que

la conservation du souvenir n'élimine pas l'existence d'une obnu-

bilalion psychique épileptique, bien que la mémoire en l'espèce

soit rarement aussi nette que normalement. Et effectivement ici

la forme du souvenir des incendies prouve un trouble de la cons-

cience à l'époque de l'acte ; ces actes n'ont pas été produits par

l'enchaînement normal des idées qui aboutit à la volition. Il y

avait un désordre des opérations mentales comparable à celui du

rêve. Lire le mémoire. ~ P. IGRAVAL.

XVI. Altérations des os de la face consécutives à la paralysie faciale ;

par J.-K.-A. WERTIiE[M-SALOMONSO,4. (Centi-albl. f. Vo');e) : /t6t7A',

XX111.N.F,X[. 1900.)

Deux observations d'un homme de cinquante-deux ans et d'une

femme de vingt-sept ans, atteints depuis l'âge de dix ans et de

trois ans et demi de paralysie faciale gauche. Il existe une hyper-

trophie des contours des os, en particulier du maxiliaire supé-

rieur, du côté paralysé, qui les fait proéminer en dehors. Biblio-

graphie : Schauta, Académie des Sciences de Vienne, 1872,

t. LXV, p. 105-1 15. Schiff, Beilr. s. Physiolog., t. I, p. 123.

Nasse, Pfliigei's Archiv., 1880, t. XXIII, p. 361. Vulpian, Appar.

vasomoteur, t. II, p. 352. - Romberg, Lehrb, p. 248.

Il ne peut y avoir de rapport direct entre la paralysie faciale et

l'hypertrophie osseuse. Celle-ci tient à la flaccidité de la joue para-

lysée qui, n'appuyant plus constamment sur l'os n'en modère plus

l'accroissement : celui-ci s'est donné carrière du côté malade. La

paralysie ayant eu lieu aux âges indiqués, le développement des

os a pu s'effectuer pendant 8 et 15 années sans rencontrer le mo-

dérateur de la pression des muscles constitutifs de la-joue. Cette

joue est elle-même hypertrophiée, mais cela tient aux parties

molles, à une accumulation de graisse dans la peau moins mobile

que normalement. P.KERAVAL.

XVII. Influence des sciences naturelles sur le développement delà

psychologie; par M. A.-F. Lazoursky. (OGoarénié psichialrii,

V. 1900.)

264 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Sans doute les phénomènes psychiques ont une énorme impor-

tance dans la vie de l'homme, mais il ne faut pas oublier le rôle

qu'ont joué les sciences naturelles dans le développement de la

psychologie. Toutes les fois qu'une branche quelconque de la psy-

chologie s'est rapidement développée, l'impulsion lui a été donnée

par les'progrès de tel ou tel domaine des sciences naturelles, qu'il

s'agisse de la découverte de nouveaux faits, de l'élaboration de

nouvelles méthodes, de l'apparition d'une nouvelle théorie heu-

reuse. C'est ce que démontre l'auteur en suivant pas à pas les

principaux échelons de ce développement. -

Voici la méthode recommandée en. matière de psychologie par

M. Lazoursky. Décrire le plus complètement possible dans le cours

d'un espace de temps déterminé les actes, la conduite, les paroles, les

gestes, la mimique etc., d'une personne donnée, de façon à finale-

ment constituer l'histoire d'une période de sa vie, ainsi que nous,

médecins, établissons l'histoire d'une maladie. Prendre ses observa-

tions suivant un plan défini qui serait commun à toutes les observa-

tions semblables, et permettrait de les comparer. Après avoir

recueilli le* plus possible d'histoires de cette façon, les mettre en

regard les unes des autres. Alors, seulement alors, il sera possible

d'élaborer une classification naturelle des types, de fixer les con-

nexités et les liens qui peuvent existe rentre des propriétés psychi-

ques séparées, en un mot de transformer en un système scienti-

fique bien ordonné, achevé, un recueil incohérent, chaotique, de

faits et d'hypothèses. P. Keraval.

XVIII. Des réflexes musculo-tendineux complexes des extrémités

inférieures dans les myélites ; par W.-M. BECIITERFMI. (Obozrénié

psihiatrii, V. 1900).

Les myélites localisées au-dessus du renflement lombaire se tra-

duisent par une exagération franche des réflexes des extrémités

inférieures accompagnée de phénomènes spasmodiques. Ceux-ci

dépendent dans une large mesure de l'hyperexcitabilité réflexe,

grâce à laquelle de faibles excitations extérieures déterminent des

contractions musculaires convulsives. Le déplacement de l'un ou

l'autre des membres inférieurs, une légère caresse de la main sur

la peau, parfois même le simple soulèvement de la couverture,

l'action de l'air frais, provoquent instantanément la contraction

convulsive dans un des membres ou dans les deux de muscles tels

que le triceps fémoral et les gastrocnémiens. Eh bien, dans l'es-

pèce, en outre de l'exagération des réflexes tendineux et cutanés,

il faut tenir compte de l'existence de réflexes musculo-tendineux

complexes qui se manifestent sous l'influence des mouvements

d'extension et de la compression que l'on fait subir aux muscles

des extrémités inférieures des malades. Ces réflexes sont au nombre

de trois.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 265

A. Le réflexe extenseur de la jambe s'exprime par l'extension

en bloc du membre entier, due à une énergique contraction des mus-

cles de la face antérieure de la cuisse et de tous les gastrocné-

miens. On le provoque en fléchissant rapidement la jambe sur la

cuisse, ou le pied sur la jambe. Cette extension réflexe convulsive

se manifeste d'ordinaire au début de la flexion de la jambe parce

que c'est le moment où les muscles de la face antérieure de la

cuisse sont par là soumis à l'extension la plus vive. La flexion du

pied agit en exerçant une extension passive sur les gastrocné-

miens. Toujours, quand on provoque ce réflexe, les extenseurs de

la cuisse et les gastrocnémiens se contractent simultanément et

conjointement, comme s'il s'agissait d'un groupe de muscles exé-

cutant un mouvement déterminé.

J3. Moins constant, mais néanmoins fréquent, le réflexe fléchis-

seur de la jambe se traduit par la contraction simultanée des

fléchisseurs de la cuisse et du pied : la jambe se fléchit sur la

cuisse, le pied et les orteils, surtout le gros orteil, se fléchissent

sur la jambe. On le provoque en pratiquant la flexion plantaire du

pied, ou en comprimant entre les doigts delà main les muscles de

la cuisse et les gastrocnémiens, parfois même en déplaçant la

rotule, la jambe étant étendue : ce déplacement tire sur les exten-

seurs de la cuisse qui agissent, par voie réflexe, sur les fléchisseurs

de l'extrémité. En quelques cas la flexion dorsale du pied le déter-

mine : ce mouvement produit d'abord l'extension des gastrocné-

miens qui, par voie réflexe, fait contracter les antagonistes, prin-

cipalement le jambier antérieur et les péroniers. Alors, aussitôt

après la flexion du pied, à l'instant où ce dernier revient à sa posi-

tion première, les orteils s'étendent, particulièrement le gros

orteil, dont le tendon se dessine nettement : c'est ce qu'on appelle

la contraction paradoxale, qui n'a rien de paradoxal, car elle

émane de la contraction réflexe ordinaire sous la dépendance de

l'extension passive des muscles antagonistes. A noter la synergie

des fléchisseurs de la cuisse et du pied. C'est un réflexe qui s'ob-

tient constamment, mécaniquement, toutes les fois qu'on com-

prime les muscles de la cuisse, et qui ne se produit ni par simple

heurt des muscles de la cuisse, ni en choquant à l'aide du marteau

le tendon patellaire.

C. Réflexe adducteur de la jambe. Quand, les jambes étant

à demi-fléchies, le médecin les écarte brusquement, les adduc-

teurs de la cuisse subissent une extension qui détermine leur con-

traction : les membres inférieurs se rapprochent. 11 s'en faut de

beaucoup que ce réflexe soit aussi accentué et aussi fréquent que

les deux autres. Il ne se manifeste nettement que dans le cas

d'hyperexcitabilité réflexe extrêmement marquée.

Les réflexes précédents, surtout les deux premiers, peuvent, en

certaines conditions, être provoqués au moyen de l'excitation de

266 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

la peau, par exemple à l'éponge d'eau froide, au pincement des

membres inférieurs. M. Bechterew les compare enfin aux réflexes

de Schaeffer et de Cabienshy. P. KERAVAL.

XIX. De la localisation des centres du goût dans l'écorce du cerveau ;

par Ia.-P. GoRscnMw. (0&o'ë) ? ë psichiatrii. V. 1900.)

Expériences réalisées sur 43 chiens, dont voici les conclusions :

1. La destruction bilatérale delà région de l'écorce qui embrasse

les parties antéro-inférieures des 3° et 4e circonvolutions primi-

tives, de la sylvienne antérieure (40 circonv.), de'l'ectosylvienne

antérieure (3° circonv.), de la composite antérieure (portion infé-

rieure des 3e et 4° circonv.), entraine la perte complète du goût,

de toutes les catégories de sensations gustatives. 2. La destruc-

tion de toutes les autres régions corticales, frontales, pariétales,

temporales, occipitales, ne détermine, pas plus que celle de la face

inférieure du cerveau, pas le moindre affaiblissement des sensa-

tions gustatives. 3. La destruction de la région gustative en

question, d'un côté se traduit parla perte complète du goût sur la

moitié opposée de la langue et par un léger affaiblissement de

cette fonction de la moitié correspondante. 4. Une vaste des-

truction de toute cette région fait aussi disparaître la sensibilité

tactile de la langue, et cette anesthésie est exactement disposée

comme l'est l'anesthésie gustative. o. Le degré de l'ageustie est,

jusqu'à un certain point, directement proportionnel à l'étendue de

la destruction en profondeur et en surface : moins l'écorce est

détruite, plus faible est la perte du goût et inversement. 6. Il

en est de même à l'égard delà persistance ultérieure de l'ageustie :

une faible destruction unilatérale concorde avec l'amélioration

progressive du goût en quelques jours à peu près ; a-t-on nota-

blement délruit, il persiste encore de l'affaiblissement du goût au

bout de trois mois et demi. L'amélioration du goût suit la même

marche dans le cas de destruction bilatérale insignifiante. L'amé-

lioration du goût est beaucoup plus faible quand la destruction

bilatérale a été importante : il est probable qu'alors la sensibilité

tactile et les fonctions de l'écorce des parties voisines intactes con-

courent à cette amélioration. 7. La destruction partielle de la

région gustative produit une perte partielle du goût à l'égard de

catégories distinctes de sensations gustatives, ce qui* évidemment,

peut indiquer l'existence dans l'écorce cérébrale de centres séparés

indépendants affectés aux principales sensations du goût à la

perception du sucré, de l'acide, du salé, de l'amer. Des difficultés

opératoires s'opposent à la fixation exacte de la localisation de ces

centres. On est simplement en droit de supposer que la sylvienne

antérieure, au point le plus voisin de l'ectosylvienne antérieure,

contient surtout les centres de l'amer et du salé, que l'ectosyl-

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 267

vienne antérieure est principalement le siège de la sensibilité tac-

tile de la langue, de l'acide et du sucré. 11 semble que l'amer

occupe exactement la portion inférieure de la sylvienne antérieure

sur les confins de la scissure sylvienne et de la scissure présyl-

vienne, que le salé réside approximativement à la partie moyenne

de cette circonvolution. Le centre de l'acide serait localisé à la

portion inférieure de l'ectosylvienne antérieure, celui du sucré à sa

partie supérieure : le centre de la sensibilité tactile de la langue

occuperait, dans la même circonvolution, l'endroit le plus proche

de la suprasylvienne antérieure (2" circonv.). La réceptivité de la

sensation amère et de la sensation salée diminue vraisemblable-

ment graduellement à mesure que l'on passe de la sylvienne anté-

rieure à l'ectosylvienne antérieure voisine ; la réceptivité de la sen-

sation acide et de la sensation sucrée diminue graduellement à

mesure que l'on passe de l'ectosylvienne antérieure à la sylvienne

antérieure. Une localisation aussi fine s'appuie sur des expériences

dans lesquelles la destruction d'une petite portion précise de

l'écorce entraîne un trouble exclusif d'une seule espèce de saveur,

celle-ci demeurant indemne quand l'endroit en question est con-

servé : Hermann a, d'ailleurs, publié des observations cliniques

d'ageustie partielle chez les épileptiques et les paralytiques géné-

raux. (Obozrénié psichiainü 1899.) 8. L'excitation faradique de

la partie inférieure de la sylvienne antérieure, dans le point de

Ferrier, détermine parfois le réflexe cortical gustatif, caractérisé

par une faible contraction des lèvres du côté opposé. Peut-être

s'agit-il de l'excitation du centre du facial que l'on suppose loca-

lisé en ce point ? Mais l'effet en est assez faible et éphémère pour

qu'on puisse l'attribuer de préférence à l'excitation de la région

sensible. 9. Chez le chien comme chez l'homme il existe des

aptitudes individuelles à la perception des impressions du goût.

11 semble exister un certain parallélisme entre la race, la correc-

tion morphologique des circonvolutions du cerveau, et le degré de

développement du goût : meilleure est la race, plus régulière est

la forme des circonvolutions, plus développé est le sens du goût,

et inversement. Le réflexe cortical gustatif ne s'observe que chez

les chiens dont le goût est bien développé. 10. La région gus-

tative n'a pas de rapport direct avec la région olfactive. On a beau

détruire cette dernière à la face inférieure de l'hémisphère (ren-

flement olfactif, bandelette olfactive et lobe piriforme), le goût

n'est pas atteint. Si l'on détruit les parties corticales voisines de

la région olfactive, entre autres la région gustative, il se produit

un affaiblissement peu marqué, passager de l'odorat du côté cor-

respondant : il est évidemment causé par l'expansion du processus

inflammatoire à la bandelette olfactive ou par la compression

exercée sur cette bandelette par du sang épanché à la base du

crâne quand on a eu le malheur de léser des vaisseaux de la scis-

268 REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

sure de Sylvius. Les limites entre la région gustative et la région

olfactive peuvent être tracées par la scissure de Sylvius, le sillon

présylvien, le sillon rhinal, et le sillon olfactif. 11. Impossible

de déterminer exactement par ces expériences la réalité de la loi

de Weber et Fechner quant aux sensations gustatives : on est

obligé de juger de l'intensité de ces sensations par toute sorte de

mouvements réflexes dont le caractère dépend de diverses particu-

larités individuelles. Mais le degré de concentration de la solution

sapide doit croître beaucoup plus vite que l'intensité des sensations

auxquelles elle donne naissance, si l'on en juge d'après les diffé-

rents mouvements réflexes qui les traduisent. P. Keraval.

XX. Tumeur du nerf acoutisque ; par M. Lépine. {Société nationale

de Médecine de Lyon, 13 mai 1901.)

M. Lépine présente le cerveau d'une malade qui a succombé

dans son service avec les symptômes d'une tumeur cérébrale. Les

troubles avaient débuté par une céphalée nocturne, des bourdon-

nements dans l'oreille gauche et une amaurose de l'oeil droit; puis

l'amaurose était devenue double. Il y a un an, on lit le diagnostic

de tumeur cérébrale. La malade succomba dans une crise épi-

leptoïde. A l'autopsie, on trouva.une tumeur du volume d'un

oeuf, ayant débuté dans le rocher et s'étant. développée dans la

cavité crânienne sous la dure-mère. Ces tumeurs sont décrites sous

le nom de tumeurs du nerf acoustique et il en existe une douzaine

d'observations. G. Carrier.

XXI. Ramollissement de la Protubérance avec attitude cérébel-

leuse ; par M. Lépine. {Société nationale de médecine de Lyon) 8 juil-

let 1901.

M. Lépine présente un malade qui au mois de janvier dernier

éprouva quelques vertiges, une hémicranie gauche très violente,

puis de la titubation avec entraînement irrésistible à gauche, les

phénomènes durèrent plusieurs jours et tous ceux qui virent le

malade diagnostiquèrent à ce moment une affection cérébelleuse.

M. Lépine n'admit pas toutefois ce diagnostic, connaissant d'une

part, la possibilité de pareils symptômes avec une lésion protubé-

rantielle, et d'autre part il put constater des signes de paralysie

alterne : une hémianesthésie droite totale pour les membres,

gauche et incomplète pour la face, coïncidant avec une hémi-

parésie gauche et une paralysie complète de la corde vocale

gauche.

M. Lépine croit qu'on peut affirmer le ramollissement de la

protubérance. II y a probablement des lésions multiples pour

expliquera la fois l'hémianesthésie alterne, la paralysie et le syn-

drome cérébelleux. G. C.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 269

XXII. Troubles du goût dans le domaine de la corde du tympan par

lésion latérale ; par Pauly ; (Société nationale de médecine de Lyoti,

25 novembre 1901).

M. Pauly présente un jeune homme atteint de mal de Pott sous-

occipital et porteur d'une minerve plâtrée. Ce malade, il y a deux

mois, se plaignait de troubles de la mastication et de la déglutition.

On constata une déviation très marquée de la langue à droite, il

existait une paralysie de l'hypoglosse droit. Cette paralysie rétro-

céda assez rapidement. Il y a quinze jours, il présenta une légère

parésie faciale droite avec troubles du goût du même côté et une

légère faiblesse de la main gauche.

Devant l'évolution lente et progressive des accidents, M. Pauly

pense qu'il s'agit d'un processus pachyméningitique, auquel est

due la compression de l'hypoglosse et du facial près de leur ori-

gine apparente à la face antérieure du bulbe.

Dans ce cas, les troubles du goût acquièrent un intérêt tout par-

ticulier, car ils viennent à l'appui de l'opinion actuelle des physio-

logistes et anatomistes qui admettent que les filets de la corde du

tympan constituent, avec le nerf intermédiaire de Wisberg, avec

lequel ils se continuent, la portion sensitive du facial.

La persistance des troubles gustatifs, alors que la parésie faciale

a presque totalement disparu, montre bien qu'il s'agit de la com-

pression d'une branche nerveuse indépendaute du facial, c'est-à-

dire du nerf intermédiaire. Ce fait explique pourquoi les troubles

gustatifs n'accompagnent pas habituellement la paralysie faciale

d'origine basilaire. '

L'auteur insiste sur ce fait à retenir, qu'il peut exister des trou-

bles du goût dans le domaine de la corde du tympan par lésion

de la base ; il attire aussi l'attention sur la rareté de la paralysie de

l'hypoglosse dansle mal de Pott sous-occipital. G. C.

XXIII. A quelle partie de la molécule de cocaïne est due la psychose

de cocaïne; par le Dr HEIBERG.

Autrefois, l'art médical opérait presque exclusivement avec des

drogues qui, dans les temps modernes, ont été remplacées en

grande partie par les alcaloïdes.

De nos jours, on est allé encore plus loin, et l'on a essayé de

découvrir à quels groupes d'atomes d'alcaloïde sont dûs les effets

désirés ou non.

Quelques alcaloïdes ont, parmi d'autres effets secondaires, celui

de pouvoir produire des psychoses, mais jusqu'ici on n'a fait

aucune expérience pour tirer au clair quels sont les groupes

d'atomes, dans les molécules de ces alcaloïdes, auxquels il faut

attribuer la provenance de la psychose. La molécule de cocaïne se

prête à servir de point de départ pour une telle analyse.

270 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

En effet, les feuilles de belladone et l'atropine produisent une

psychose ayant tant de points de ressemblance avec la psychose

de cocaïne (hallucinations caractéristiques), que, si les deux subs-

tances ont un radical commun, on aurait le droit de chercher la

cause de la psychose essentiellement dans ce radical. Or, on ajus-

tement constaté les rapports intimes, au sens chimique, entre la

cocaïne et l'atropine.

La cocaïne se divise en alcool méthylique, en acide benzoïque

et en un groupe basai d'ecgonique. D'un autre côté, l'atropine se

divise en acide tropique et en tropine, et précisément le principe

de l'ecgonique se trouve être la tropine. La cocaïne et l'atropine

ont, d'ailleurs, en commun, beaucoup d'autres effets physiologi-

ques : influence sur la pupille, sur la température. {Revue ne : <-

rologique, juillet 1901.) E. Blin.

XXIV. Contribution à l'étude anatomo-pathologique de la myélite

syphilitique; parles D3 Thomas et HAUSER.

Observation intéressante de méningo-myélite subaiguë d'origine

syphilitique, avec altérations considérables du côté des méninges

et des vaisseaux, et désorganisation complète de la moelle au

niveau du foyer de myélite.

Contrairement à l'opinion le plus généralement admise, les

auteurs pensent qu'il y a lieu, dans l'étude du développement de

l'affection, de faire place à l'irritation primitive des éléments

parenchymateux, à côté des altérations secondaires que peuvent

leur imprimer les troubles de la circulation et l'inflammation des

méninges. (Revue neurologique, juillet 1901.) E. B.

XXV. Sur la question de la valeur clinique de la contraction idio-

musculaire dans les maladies mentales; par les ûrs Soukanoff

et SaNNOUCHgINE.

Dans les trois quarts des cas de malades psychiques, la con-

traction idio-musculaire est exprimée d'une -manière très mar-

quée. En comparant les données des divers tableaux publiés par les

auteurs, on voit que l'existence de la contraction idio-musculaire

n'a pas de valeur diagnostique comme pathognomonique pour

l'une ou l'autre forme de maladies mentales; on l'observe aussi

bien dans les maladies aiguës et curables que dans les maladies

chroniques et incurables.

Il est à noter que, sur 11 cas d'épilepsie et 11 cas de délire

alcoolique prolongé, elle n'a manqué dans aucun.

Plus la nutrition générale est insuffisante, plus la tendance à

l'apparition de la contraction idio-musculaire est grande; l'exis-

tence fréquente de la contraction idio-musculaire chez les ma-

lades psychiques est une preuve de plus que la lésion mentale est

en connexion très proche avec les troubles généraux de la nutri-

tion. [Revue neurologique, août 1901.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XXVI. Les porencéphalies traumatiques ; par M. le professeur

L : 1NDOUZY et M. Labbé {Presse médicale, 19 août 1899).

Les auteurs considèrent comme insuffisamment justifiée la dis-

tinction que M. Bourneville a établie entre la porencéphalie vraie,

par arrêt de développement, et les pseudo-porencéphalies résul-

tant de processus pathologiques divers. A leur avis, le terme de

porencéphalie doit désigner la lésion anatomique caractérisée par

l'existence de cavités creusées dans le tissu cérébral, quelle que

soit leur origine. -

Ils rapportent l'observation détaillée, avec autopsie, d'un cas

typique de porencéphalie traumatique constaté chez une jeune

fille de vingt ans. A l'âge de dix-huit mois, la malade était tombée

sur la tête et il en était résulté une fracture du crâne, suivie d'une

réparation osseuse incomplète ; la substance cérébrale avait été .

remplacée par une cavité infundibuliforme, en communication

avec le ventricule latéral. La déformation cérébrale était restée

latente jusqu'à l'âge de seize ans. A cet âge, se produisirent des

attaques épileptiformes et une hémiplégie droite avec aphasie ; ces

symptômes s'amendèrent mais reparurent quatre ans après et

entraînèrent alors la mort delà malade. Du rapprochement de

cette observation avec dix autres publiées par divers auteurs, et

dont ils donnent le résumé, MM. Landouzy et Labbé tirent des

déductions sur l'étiologie, le mode de production et l'évolution

des porencéphalies traumatiques. Ce n'est guère que par l'étiologie

et l'anatomie pathologique que la porencéphalie traumatique se

distingue des autres faits de porencéphalie. Le traumatisme porte

le plus souvent sur un individu très jeune, au moment de la nais-

sance ou dans les premiers mois de la vie ; il résulte parfois, chez

le nouveau-né de l'application maladroite et répétée du forceps

dans un accouchement difficile ; il peut aussi être réalisé par la

compression exercée sur la tête de l'enfant par la ceinture osseuse

du bassin, au cours du travail, ou encore par la chute de l'enfant

dans un accouchement précipité. On s'est même demandé si un

traumatisme intra-utérin, agissant par lui-même et à lui seul, ou

aidé de quelque processus hémorrhagique actionné par quelque

affection toxi-infectieuse passée de la mère à l'enfant, ne pourrait

pas expliquer certaines porencéphalies congénitales attribuées

jusqu'ici à un arrêt de développement. Habituellement, mais non

constamment, le traumatisme a provoqué une fracture du crâne,

ainsi que l'atteste, par la suite, l'existence d'une dépression ou

272 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'une perte de substance osseuse au point atteint. Le mode d'ac-

tion du traumatisme (lacération de la substance cérébrale, hémor-

rhagie. trouble trophique, inflammation) dans la production delà

porencéphalie n'est pas encore bien déterminé ; selon toute pro-

babilité, il doit varier -suivant' les cas. Les auteurs exposant avec

détails le mécanisme du développement de la porencéphalie à la

suite de traumatismes avec fractures ou fissures du crâne. Les

fractures et les fissures du crâne chez l'enfant n'ont aucune ten-

dance à se réparer ; la perte de substance osseuse tend même à

s'agrandir et ce fait, joint à l'absence de la dure-mère et de

l'arachnoïde à ce niveau, permet, dans la plupart des cas, la pro-

duction d'une encéphalocèle. Que celle-ci existe ou non, la portion

de substance corticale qui séparait la cavité intra-cérébrale des

téguments du crâne, se détruit en cette cavité prend alors la forme

d'un entonnoir à base externe ; le sommet communique générale-

ment avec le ventricule latéral. L'absence de la dure-mère au

niveau de l'orifice crânien, funilatéralité des lésions ont été con-

sidérés par certains auteurs comme des signes distinctifs des

porencéphalies traumatiques ; mais elles n'ont à ce point de vue

qu'une valeur relative à cause de leur inconstance. Il est à noter

que la variabilité du siège de la porencéphalie traumatique con-

traste avec la fixité de la localisation de la porencéphalie par

arrêt de développement ; toutes les régions, en effet, peuvent être

atteintes ; cela dépend du point où a porté le traumatisme.

A. Fenayrou.

XXVII. Sur un cas de méningite cérébro-spinale à streptocoque

et à staphylocoques chez un sujet atteint du mal de Pott fistu-

leux ; par GUI13.L. {Presse médicale, 10 septembre 1899).

Observation d'un enfant de cinq ans, atteint depuis deux ans

d'un mal de Pott fistuleux et qui a succombé à une méningite

cérébro-spinale. Cette complication s'était déclarée six jours après

la cessation de tout écoulement purulent par la fistule ; il n'y

avait eu, cependant, pendant ce laps de temps, aucune modifica-

tion de la plaie et aucun symptôme de rétention du pus. L'infec-

tion streptococcique et staphylococcique dont la méningite a été

la conséquence, a eu certainement son point de départ dans le

foyer tuberculeux. Bien que ce foyer arrivât au contact de la dure-

mère, cette méningite semble avoir constitué une barrière suffi-

sante à l'infection ; mais, celle-ci a pu se propager le long des

intercostaux qui baignaient dans le foyer tuberculeux et il esttrès

vraisemblable que les voies lymphatiques de ces nerfs sont celles

que les agents microbiens ont suivi. La cause occasionnelle qui a

provoqué l'infection des méninges et la pullulation des microbes

à leur niveau n'ont pu être déterminées. Cette cause n'intervient,

d'ailleurs, que rarement et il est exceptionnel de voir une ménin-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 273 3

gite cérébro-spinale entraîner la mort des sujets atteints de mal

de Pott listuleux. A. Fenayrou.

XXVIII. Les crises laryngées tabétiques dans leurs rapports avec les

autres crises viscérales du tabès ; par M. Touche {Presse médi-

etile, 30 aoùt 1899). ·

Sur 40 tabétiques soignés par lui, M. Touche en a trouvé 12,

dont il rapporte brièvement les observations, qui ont présenté des

crises laryngées. Un seul de ces 12 'malades n'avait probablement

pas de crises viscérales autres ; des 11 autres, 10 ont eu des crises

gastriques (parmi eux, 2 ont été atteints à la lois de crises gastri-

ques et de crise de diarrhée, ont présenté à la fois des crises

gastriques et des oises rectales, 1 a souffert à la fois de crises

gastriques, de crises de diarrhée et de crises rectales) et le onzième

a été atteint seulement de crises de diarrhée. L'auteur conclut de

ces faits : que la crise laryngée est fréquente, qu'à l'état d'isole-

ment, elle est rare; que, le plus habituellement, elle est doublée de

crises du tube digestif; dans l'immense majorité des cas, de crises

gastriques ; très exceptionnellement, de crises de diarrhée à l'état

isolé; assez fréquemment, de crises gastriques associées à des crises

rectales et à des crises de diarrhée. A. Fenayrou.

XXIX. Sur une forme récurrente de la polynévrite interstitielle

hypertrophique progressive de l'enfance (Dejerine) avec partici-

pation du nerf oculo-moteur externe ; par le Dr l3ossoLmo.

{Revue neurologique, août 1899.)

La polynévrite interstitielle hypertrophique progressive de l'en-

fance ou maladie de Dejerine, a pour caractères : ataxie des qua-

tre membres avec atrophie musculaire et contractions fibrillaires ;

troubles de la sensibilité cutanée avec retard des sensations et

douleurs fulgurantes ; nystagmus dynamique ; myosis avec symp-

tôme d'Argyll-Robertson ; cypho-scoliose ; hypertrophie et dureté

très marquée des troncs nerveux des extrémités ; hérédité simi-

laire.

L'observation rapportée par l'auteur présente tout d'abord le

syndrome de Dejerine mais son intérêt vient de son cours qui, bien

que lent et progressif, fut compliqué de trois exacerbations des

symptômes toutes les fois reproduits d'une manière stéréotypée.

De plus, au début des deux dernières exacerbations fut constaté

un symptôme nouveau : la parésie passagère du droit externe.

L'agent provocateur des exacerbations des phénomènes poly-

uévritiques ne peut être cherché, pour les deux derniers épisodes,

que dans une auto. intoxication, qui commençait dans le cours

des grossesses et se manifestait quelque temps après les couches.

E. B.

Archives, 2» série, t. XV. 18

274 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

f -

XXX. Maladie de Friedreich et hérédo-syphilis ; par le D1' BAYET.

de Neurologie, 1002, n° 8).

L'étiologie de la maladie de Friedreich est des plus obscure. On

sait que c'est une maladie familiale; on sait aussi que souvent

c'est- l'hérédité qu'il faut incriminer; mais qu'il est très rare

d'observer une hérédité similaire. Quant aux causes prochaines,

immédiates, à celles que mettent en jeu l'hérédité morbide, c'est à

peine si on les connaît. L'observation qui fait l'objet de ce travail

tendrait à faire ranger l'hérédo-syphilis parmi le causes de cette

maladie.

Il s'agit de cinq frères ou soeurs présentant tous à divers degrés

les risques de l'hérédo-ataxie de Friedreich : chez tous, sauf un, il

existait des anomalies de développement (arrêts de croissance,

aplasie diverses); chez tous on constatait des stigmates de syphilis

ancienne, d'ordre héréditaire et chez deux d'entre eux on a vu

évoluer des lésions d'hérédo-syphilis absolument caractéristiques.

Or, ce que l'on voit de l'anatomie pathologique de la maladie de

Friedreich tendant à faire croire qu'il s'agit souvent d'un véritable

arrêt dans le développement de la moelle, celui-ci dans bien des

cas d'après l'auteur ne reconnaissait pas d'autre cause que l'hérédo-

syphilis. ' G. D.

XXXI. Nouveau cas de tabès fruste chez un syphilitique; par le

D1' Glorieux. (Joi41,i. de Neurologie, 1902, n° 10).

Un homme de cinquante-sept ans, ayant contracté la syphilis,

il y a dix-sept ans, présente des symptômes intermittents de tabes;

ses réflexes rotuliens en particulier qui étaient abolis l'année dernière

ont réapparu cette année : Par contre , il est devenu complètement

impuissant. Ni ataxie, ni névrite optique. Il s'agit donc là d'un

tabès fruste essentiellement bénin chez un ancien syphilitique

ayant en outre commis de nombreux excès vénériens. G. D.

XXXII. Un cas de névrose traumatique grave; par J. CROCQ. (Jozwn.

' de Neurologie, 1902, n° 10).

Un homme de quarante-cinq ans, est victime, le 22 octobre 19Ol,

d'un accident de chemin de fer, qui ocassionne une commotion

physique et morale des plus violentes; il perd connaissance et

revient à lui le lendemain. Il éprouve de vives douleurs au flanc

gauche, à la tête et dans les jambes, il présente de l'amnésie des

vomissements, une parésie des membres inférieurs. Actuellement

on observe de l'obnubilation des facultés, des troubles de la parole,

une céphalalgie etune lombalgie intenses, une parésie avec anesthé-

sie des membres inférieurs; les réflexes tendineux sont exagérés,

le réflexe plantaire en flexion et le réflexe du facia lata sont abolis

à droite et presque seuls à gauche, le réflexe crémastérien est plus

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 275

faible à droite qu'à gauche, enfin le réflexe abdominal inférieur

est très faible. De l'analyse de ces différents symptômes, l'auteur

croit devoir conclure à l'existence à la fois de troubles purement

névrosiques et de troubles purement organiques causés par des

modifications moléculaires généralisées du système nerveux pro-

duits par la commotion. G. D.

X\,TII1. Comment meurent les épileptiques; par W. SpRATUNG

{Médical News, 28 juin 1902).

L'auteur ramène à quatre les principales formes sous lesquelles

on voit le plus souvent survenir la mort dans l'épilepsie.

10 Attaque unique foudroyante, 3 à 5 p. 100; -20 Coma mortel

par suite d'attaques en série, 23 p. 100; 3° Accidents concomi-

tants à l'attaque, 50 p. 100 ; - 4° Autres causes diverses, 24 p. 100

(à signaler la fréquence des complications pulmonaires et de la

tuberculose). Cette statistique diffère notablement de celle que

nous avons fait dresser par l'un de nos élèves (Ballard, Comment

meurent les épileptiques, thèse de Paris, 1900). Nous relèverons les

différences. ' . BOURNEVILLE.

XXXIV. Névralgie paresthésique sur un membreatteint de paralysie

infantile; par le Dr SOLLIER {Journal de Neurologie, 1900, n°2).

XXXV. Un cas de paralysie segmentaire; par van Gehuchten {Journal

de Neurologie, 1899, n° 25).

Il s'agit d'un homme de quarante-sept -ans, qui est atteint, de-

puis cinq mois, d'une paralysie des muscles des jambes et des

pieds avec abolition des réflexes rotuliens, sans amyotrophie, ni

troubles de la sensibilité. L'auteur incline à croire que ces troubles

sont dus non à une polynévrite, mais à une lésion de la substance

grise. On se trouverait donc en présence d'une de ces paralysies

segmentaires pour l'explication desquelles M. Brissaud a imaginé

la théorie de la métamérie spinale. D'après M. van Gehuchten,

ces paralytiques s'expliqueraient beaucoup plus naturellement, en

admettant l'existence dans la substance grise de la corne anté-

rieure de la moelle, de groupements cellulaires en connexion

intime avec les différents segments, soit du membre supérieur,

soit du membre inférieur.

XXXVI. Sur un cas de colique hépatique nerveuse ; par le

, Dr HOBINSON.

Observation de névralgie du foie sans lésion matérielle, et

notamment sans calcul. C'est la difficulté de diagnostic qui a

amené nombre d'auteurs à contester l'existence de la colique ner-

veuse, et à n'y voir qu'une lithiase larvée. L'auteur donne quel-

376 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ques indications sur l'étiologie et le diagnostic de cette affection.

{Revue neurologique, septembre 1901.) E. B.

XXXVII. Un cas de paralysie bulbaire asthénique suivi d'autopsie;

par les D1'8 Dejerine et A. Thomas.

En 1878, Erb a attiré l'attention des neurologistes sur un com-

plexus symptomatique d'origine bulbaire, caractérisé par un état

parétique des releveurs des paupières et de la musculature

externe des globes oculaires, des muscles de la face et de la

langue, des muscles masticateurs, des muscles du voile du palais

et du larynx, des muscles de la nuque et des extrémités; cet état

parétique augmente avec le fonctionnement des muscles dont

l'énergie s'épuise rapidement et aboutit rapidement à une para-

lysie totale; l'atrophie musculaire fait défaut et les réactions

électriques sont normales. Cette forme de paralysie bulbaire a été

appelée successivement : paralysie bulbaire sans lésion anato-

mique, paralysie bulbaire asthénique, maladie d'Erb; elle est

mieux connue sous le nom de paralysie bulbaire asthénique ou

syndrome d'Erb.

La plupart des autopsies n'ont donné que des résultats négatifs;

toutefois, dans un cas de Widal et Marinesco, il y avait des alté-

rations chromatolytiques des noyaux des nerfs crâniens, et, dans

une observation de Sossedofi et Glochner, les cellules du noyau

dorsal du pneumogastrique présentaient aussi des altérations

chromatiques.

Au point de vue clinique, l'intéressant cas rapporté par les

auteurs présente tous les caractères de la paralysie bulbaire

asthénique : ophtalmoplégie externe, parésie faciale, parésie de

la langue, du larynx, du voile du palais, épuisement rapide des

muscles, absence d'atrophie musculaire, résultats négatifs de

l'examen électrique.

Anatomiquement, cette observation diffère sensiblement des

résultats obtenus jusqu'ici; l'examen histologique, en effet,

décèle, dans des territoires assez limités de la zone motrice, des

lésions caractérisées par une multiplication très intense des cel-

lules de la névralgie et une raréfaction assez considérable des

cellules nerveuses. Il existe de l'atrophie des fibres pyramidales

dans leur trajet protubérantiel et bulbaire. Les noyaux des nerfs

crâniens moteurs sont sains.

Enfin, les muscles de la langue, du pharynx et surtout les mus-

-cles du larynx présentent de la dégénérescence graisseuse de la

fibre musculaire.

Quel que soit l'intérêt des particularités anatomiques qui y sont

relevées, cette observation ne saurait à elle seule faire conclure à

la nature organique de la paralysie bulbaire asthénique, qui est

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 277 7

XXXVIII. Trois observations de paralysie des mouvements associés

des globes oculaires; par les Drr RaYMonD et Cestan.

Dans le premier cas, il s'agit, chez un homme de quarante ans,

atteint d'une hémiplégie sensitivo-motrice gauche, avec participa-

tion du facial inférieur gauche, d'une paralysie des mouvements

associés de latéralité des deux yeux. A l'autopsie, on trouva un

gros tubercule ovoïde, mesurant 4 centimètres en hauteur et 3 en

largeur, intéressant le ruban de Reil, respectant les noyaux mo-

teurs des yeux, mais ayant détruit les fibres qui vont de l'écorce

à la VI, paire et celles que l'on croit unir entre eux les noyaux

de la 111° et de la VIe paires.

Dans le second cas, suivi aussi d'autopsie, il s'agit d'un tuber-

cule médian du tiers supérieur de la protubérance, ayant inté-

ressé les deux faisceaux longitudinaux postérieurs et s'étant tra-

duit cliniquement par une paralysie des mouvements associés de

latéralité vers la droite et vers la gauche; plus tard, ce tubercule

poussa un prolongement inférieur qui vint léser directement la

VI0 paire droite et créer dès lors un strabisme interne permanent

de l'oeil droit. Chez un 3° malade, existent, d'abord une paralysie de

l'élévation, puis, à un moindre degré, une paralysie de la latéra-

lité et, enfin, à un degré moins prononcé encore, une paralysie

delà convergence. Ces accidents ont succédé à un ictus et sont

associés à une hémiplégie sensitivo-motrice gauche. Depuis dix

ans, ils n'ont pas évolué et sont restés semblables à eux-mêmes.

Une autopsie est seule capable de donner la clef du syndrome

présenté par ce malade, d'en préciser le siège soit nucléaire, soit

extra-nucléaire dans le voisinage des tubercules quadrijumeaux,

soit supra-nucléaire dans le cerveau. {Revue neurologique, jan-

vier 4901.) E. B.

XXXIX. Sur deux cas de spondylite {type Betchereiv et type P. Marie) ;

par les D's DE BucK et DEBRAY. (Joiti-ii. de Neurol., 1902, n° 14).

Ce travail est basé sur deux cas de spondylite dont l'un se

rapprochait du type Betcherew par la localisation méningée pri-

mitive et la seule atteinte de la colonne vertébrale, tandis que

l'autre correspondait au type Stumpell-lllarie. De l'étude compara-

tive de ces deux cas, les auteurs tirent la conclusion que le méca-

nisme des arthropathies est des plus variés; ils rejettent la

manière de voir de Kollaritz et se rallient à celle de Massalongo

qui voit dans le rhumatisme chronique une affection plutôt une au

point de vue clinique et anatomique, mais dont l'étiologie peut

être très différente et reconnaître des facteurs dyscrasiques, trau-

peut-être moins une entité morbide qu'un syndrome abritant

sous son nom des affections de nature et d'origine différentes.

{Revue neurologique, janvier 1901 .) b E. Il.

278 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

matiques, toxiques, infactieux, némotrophiques, etc. Les lésions

varieraient seulement d'intensité suivant qu'elles intéressent la

cynoviale etles méninges ou seulement les cartilages et les liga-

ments périarticulaires. En un mot, l'appareil articulaire réagirait

toujours de la même façon, à des degrés près, aux divers agents

morbides qui l'atteignent. La gravité de l'affection est naturelle-

ment subordonnée à l'intensité de ces lésions et aussi de leur cause

productrice. Ainsi la forme nerveuse de l'arthropathie est grave

surtout parce que la cause productrice (tabes, tyrinnomyélie), est

immuable-et que les altérations portent à la fois sur tout l'appareil

articulaire. " G. D.

XL. De l'exagération des réflexes tendineux dans les névrites

périphériques; par MM. Brissaud et HRUANDET. (Journal de Neu-

rologie, 1902, n° 15).

Dans les quatre cas de névrite périphérique des membres infé-

rieurs relaies dans ce travail, les réflexes rotuliens étaient exagérés

et comme symptôme connexe le réflexe contralatéral. Il y a donc

un étage de neurone spinaux dont l'irritabilité est exagérée.

D'autre part, dans ces quatre observations, la paralysie était

nettement localisée au segment jambier. Comme il est difficile

d'admettre une lésion périphérique du nerf sciatique intéressant

seulement les fibres motrices descendant plus bas que le genou,

on est conduit à admettre que cette paralysie est d'origine centrale.

11 y aurait donc dans la nouvelle deux étages de neurones altérés.

Ces faits confirment donc la doctrine de la simultanéité de la

lésion périphérique du neurone. En un mot, dans les névrites péri-

phériques, la « neuronule » est totale soit d'emblée, soit à très

bref délai. G. D.

XLI. La valeur clinique de la dissociation des réflexes tendineux

et cutanés; par J. CROCQ. [Journal de Neurologie, 1902, n° 12).

Les conclusions de ce travail peuvent se résumer de la façon

suivante : la dissociation des réflexes tendineux et cutanés est

inconstante dans le tabès spasmodique; cette dissociation pouvant

en outre exister en dehors de toute altération organique du sys-

tème nerveux, on ne saurait lui accorder la même valeur patho-

gnomonique qu'au phénomène des orteils de Bubinski dont la

signification se précise de jour en jour davantage dans le sens

d'une lésion organique du faisceau pyramidal. G. D,

XLII. La genèse des tics ; par Henry Meige. {Journal de Neurologie,

490 ? = n° 11).

Tout acte, primitivement voulu, coordonné, systématique, qui

devient ensuite automatique et se répète avec excès, sans cause et

sans but, est un tic. La première manifestation motrice d'un tic

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 27f>

est donc, au moins dans la majorité des cas, sous la dépendance

de la volonté, autrement dit au début une intervention de l'écorce

cérébrale est nécessaire. Dans quelques cas cependant c'est un

spasme, un simple réflexe spinal, tel que le cliquotement des

paupières qui succède à la pénétration d'un corps étranger dans

l'oeil qui est le point de départ du tic; l'écorce n'entre alors en

ieu que secondairement pour commander la reprise du cliquote-

ment lorsque toute cause d'irritation a disparu. Tout tic comporte

donc à la fois un trouble mental et un trouble moteur : ce trouble

mental consiste dans une insuffisance du pouvoir inhibiteur de la

volonté, d'où cette conséquence que la thérapeutique des tics devra

être basée surtout sur la discipline des actes volontaires. G. D.

XLIII. Asthme vésical ; par 6,%%viisiii {Revue de Médecine 1899).

Quelques observations d'accès de dyspnée observés chez des

vieillards et liés d'une façon évidente à l'évacuation défectueuse de

la vessie. Chez ces malades, les lésions de l'appareil respiratoire

et circulatoire n'étaient pas suffisantes pour expliquer à elles seules

les accès de dyspnée et les résultats immédiats du cathétérisme

ont été tellement concluants qu'il est impossible de ne pas attri-

buer la cause directe de l'asthme et la rétention vésicale. La

pathogénie de ces troubles doit plutôt être attribuée à l'auto-into-

xication qu'à une action réflexe. M. H.

XLIV. Un cas de sclérose en plaques à tremblement hémilatéral ;

par Remlinger {Revue de Médecine 1899).

Observation d'un cas de sclérose en plaques où le tremblement

était limité aux membres supérieurs et inférieurs droits. Les autres

symptômes très nets ne permettaient pas d'infirmer le diagnostic

et d'attribuer ce tremblement à l'hystérie. M. il.

XLV. Sclérose en plaques médullaires consécutive à une arthrite

tuberculeuse de l'épaule, par LaNNOis ELPAVIOT. {Revue deàiéde-

cine 1899).

Le cas observé présentait comme signe particulier une hémi-

plégie droite à évolution progressive, avec intégrité de la face. Il

y avait exagération des réflexes et trépidation épileptoïde mais

absence d'ictères et de troubles oculaires. La présence de l'arthrite

pouvait faire supposer une névrite par propagation, ayant déter-

miné une lésion initiative de la moelle. L'autopsie montra qu'il

s'agissait d'une sclérose en plaques. L'auteur émet dans ce cas

l'hypothèse d'une infection due à la tuberculose articulaire. M. H.

XLVI. L'angor pectoris non coronarienne ; par MoREL-LAYALLEE

{Revue de Médecine, 1899).

- Observation d'une angor pectoris survenue chez une hystérique-

à la suite de névralgies intercostales dues à une pleurésie grippale

280 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

et s'étant étendues peu à peu au plexus cardiaque. A la suite d'ac-

cès fréquents et douloureux, l'affection évolua vers la dilatation

cardiaque avec ectasie des orifices valvulaires et asystolie cardio-

pulmonaire. Commentant cette observation, l'auteur ne voit pas

qu'il faille séparer d'une façon absolue au point de vue symptoma-

tique, les angines de poitrine en angines vraies ou coronaires,

toujours graves, et en angines fausses ou nerveuses, toujours

bénignes. Beaucoup d'angines fausses peuvent revêtir un carac-

tère de gravité exceptionnel sans être pour cela coronariennes et

entraîner soit la mort subite, soit la mort par déchéance car-

diaque. Il s'agit probablement dans ces cas de névrite par propa-

gation. M. H.

XLVII. Névrose présénile ; par ALLAS M. L. Hamilton. {Médical

Record, 28 décembre 1901.)

L'auteur applique à la période présénile les vues déjà émises à

la phase préparalytique et montre l'éclosion de névroses prémoni-

toires de la sénilité imminente précoce ou non. Il émet à ce

sujet quelques conclusions relatives à la thérapeutique prophy-

lactique et à l'hygiène du travail intellectuel des gens arrivés à la

période critique de l'insénescence prochaine.

XLVIII. Commotion cérébrale et hystéro-épilepsie ; par WILL-

NOYES. (i)Ieclie(il News, 1 ? novembre J 901.)

C'est un chapitre des rapports des névroses avec le traumatisme

cérébral. L'auteur rappelle, à propos d'un cas personnel, les tra-

vaux de Clark sur le sujet.

XLIX. Du pronostic dans les affections du système nerveux; par

IUDSON l3oaY. (Brit. naed. Jourra., novembre 1901.)

L'auteur examine successivement la question en se plaçant au

point de vue de l'agent provocateur, de l'altération morbide

intime du système nerveux, au point de vue des symptômes géné-

raux et du traitement. A. M.

L. L'adipose douloureuse ; par CH. Feré. {Revue de médecine,

août 1901.)

L'adipose douloureuse, déjà décrite par Dercum, peut se pré-

senter sous deux formes principales : une forme diffuse se confon-

dant par son aspect avec l'obésité et une forme disséminée avec

nodules lipomateux multiples. Des quatre observations rapportées

dans cet article, les deux premières se rapportent à deux femmes

hystériques ayant présenté la forme disséminée avec nodules adi-

peux douloureux et sensation de déchirure provoquée par la mobi-

lisation de la peau.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 281

Les deux autres observations se rapportent à deux neurasthéni-

ques, un homme et une femme, ayant présenté del'embonpoint suivi

d'algie douloureuses avec exacerbation par la pression et le glis-

sement de la peau. Ces troubles cessèrent avec un traitement ayant

amené une amélioration des troubles neurasthéniques et une

diminution de l'embonpoint. M. llAMc : L.

LI. Des troubles respiratoires en rapportavec les différents degrés

d'une émotion pathologique; par Vaschide et Marchand. {Revue

de médecine, septembre 1901.)

Recherches expérimentales faites à l'asile de Villejuif, sur un

sujet mélancolique présentant par intervalles des états anxieux

avec hallucinations multiples suivant des tableaux donnant l'état

des courbes respiratoires pendant la durée de l'état émotif.

. M. H : 1NEL.

LII. Un cas de névrite périphérique d'origine paludéenne; par

BURQUET. {Revue de médecine, août 1901.)

LUI. Sur une forme d'hérédo-ataxie cérébelleuse; par Tnounn et

Roux. (Revue de médecine septembre 1901.)

Observation d'un malade appartenant à une famille de cinq

personnes ayant présenté une même affection nerveuse et dont les

troubles ont été déjà décrits par MM. Klippel et Durante. M. H.

L1V. Une forme spéciale de tabès amyotrophiques ; par Chrétien

et Thomas (Revue de Médecine 1899).

Observation d'un cas de tabès avec absence de douleurs fulgu-

rantes et d'incoordination motrice et dont le signe le. plus marqué

a été une atrophie musculaire à prédominance inférieure avec évo-

lution très rapide et mort dans le marasme.

Les signes pupillaires et la constatation à l'autopsie de la sclé-

rose des cordons postérieurs permirent seuls de poser nettement

le diagnostic de tabes. Il y avait en outre une altération notable

des cellules des cornes antérieures. M. H.

LV. Un cas de migraine ophtalmoplégique (paralysie oculo-motrice

périodique ou récidivante) ; par Mathis. {Revue de médecine,

nov. 1901.) M. II.

LVI. Contribution à l'étude des accidents névropathiques de l'in-

digestion ; par Ch. Féré. {Revue de médecine, janvier 1902.)

Passant en revue les rapports entre la névropathie et les trou-

bles gastriques, l'auteur donne quelques observations d'accidents

nerveux consécutifs à des indigestions. Ces observations portent

la plupart sur des sujets névropathes.

282 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'indigestion produisit chez les uns des syncopes qui ne cédè-

rent qu'à un régime approprié; chez d'autres, des algies à dis-

tance, des parésies. L'indigestion peut aussi produire chez les

sujets prédisposés des hallucinations, du délire, ou bien des

troubles du sentiment apparaissant avant les sensations gastri-

ques : apathie, angoisse, confusion de l'esprit, etc.

Comme étiologie, l'auteur pense que les accidents tardifs et

durables peuvent être attribués à une intoxication ; mais les acci-

dents qui se terminent à la suite d'une évacuation peuvent être

plutôt rattachés à un acte réflexe. M. H.

LVII. Trois cas de polynévrite palustre ; par C. Mathis. {Revue de

médecine 1902.) M. H.

LVIII. Quelques cas de sclérodermie et de vitiligo chez des en-

fants ; par Hanshalteu et SYfLLA1.11VN. (Nottv. Iconogr. de la Sal-

pétnière, n° 3, 1899.)

Plusieurs observations de troubles trophiques chez des enfants,

les uns pouvant être franchement étiquetés « sclérodermie », les

autres s'en rapprochant. Y a-t-il identité entre le vitiligo et la sclé-

rodermie. Les auteurs ne sauraient l'affirmer, mais ils signalent

les analogies qui existent et les cas qui pourraient être considérés

comme une transition entre les deux formes. il. C.

L1X. Contribution à l'étude anatomo-pathologique et clinique de

l'amyotrophie Charcot-Marie; par P. Sainton. (iYou-v. Iconogr.

de la Salpèlrière, nos 3 et 4, 1899.)

L'auteur estime que le diagnostic d'amyotrophie Charcot-Marie

a été porté .abusivement dans un certain nombre de cas et qu'il

n'y a jusqu'à ce jour que deux cas qui peuvent être considérés

comme indiscutables, celui de Monnesco (1889) et celui qui est

rapporté dans cette étude. Cette affection, si elle est extrêmement

rare, n'en est pas moins une entité morbide dont le tableau cli-

nique et anatomo-pathologique peut être très nettement arrêté et

qui peut se résumer comme suit : atrophie musculaire progressive

et très lente débutant par le membre supérieur et par les muscles

des éminences thénar et hypothénar et les interosseux, puis ga-

gnant peu à peu les avant-bras et respectant les muscles du bras

et de l'épaule, intéressant enfin et toujours très lentement les mus-

cles des membres inférieurs en commençant par le pied. Au point

de vue anatomo-pathologique : altérations de la moelle (sclérose

des cordons postérieurs, prédominante dans le cordon de Bur-

dach, dégénération légère des faisceaux pyramidaux, altérations

de la colonne de Clarke, lésions cellulaires atrophiques des cornes

antérieures) : altérations des nerfs périphériques (dégénération des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 283

libres nerveuses des nerfs intra-musculaires, lésions des troncs ner-

veux de l'avant-bras et de la jambe) ; lésions musculaires (atro-

phie plus ou moins accentuée des fibres). 1. C.

I.X. Un cas de polynévrite tuberculeuse motrice; par M. DECROLY

{Journal de Neurologie, 1900, n° 2).

Il s'agit d'un jeune homme de vingt-trois ans, qui présentait une

paralysie complète de tous les muscles innervés par les sciatiques

poplités externes et internes et les extrémités des deux médians

à la main, avec abolition des réflexes tendineux et cutanés, réac-

tion de dégénérescence, atrophie musculaire, etc. Il n'existait pas

de troubles de la sensibilité.

C'est en se fondant sur le développement rapide de ces accidents

de trois ou quatre jours et sur l'intensité des douleurs localisées

aux nerfs et aux muscles intéressés, qui les ont accompagnés, que

l'auteur se croit autorisé à porterie diagnostic de polynévrite mo-

trice. Comme il est établi, d'autre part, que le malade était atteint

depuis deux ans de tuberculose pulmonaire et que de nombreuses

observations que le poison tuberculeux peut attaquer le système

nerveux périphérique, il lui semble logique de rattacher cette po-

1) névrite à cet agent étiologique. G. D.

LXI. A propos des relations entre l'astasie-abasie et l'artériosclé-

rose ; par le Dr Pelnar.

A propos de quatre cas intéressants d'astasie-abasie chez des

vieillards, l'auteur, après discussion, émet les conclusions sui-

vantes : 10 il existe une astasie-abasie à début sénile; 2° à côté de

l'astasie-abasie sénile chez des individus névropathiques, il y a des

cas d'abasie sénile monosymptomatique; 3° la pathognomonie de

ces cas n'est pas moins aisée à établir que la pathognomonie des

abasies monosymptomatiques chez les individus jeunes; 4° il n'y

a pas de raisons cliniques suffisantes pour distinguer une astasie

sénile artériosclérolique de l'astasie-abasie banale; 50 l'abasie

sénile peut se compliquer d'une artériosclérose, et le tableau cli-

nique des symptômes est donc modifié en ce sens; 6° dans quel-

ques cas d'artériosclérose, la démarche des malades est modi-

fiée, mais cette modification est assez distincte de la marche aba-

sique {Revue neurologique, septembre 1902). E. B.

LXII. Sur un réflexe anormal du facial inférieur dans un cas de

paralysie pseudo-bulbaire ; par le D'' l'cRac : as.

II s'agit d'un malade atteint, sans aucun doute, de paralysie

pseudo-bulbaire.

Le voile du palais ne répond pas aux excitations de la muqueuse

qui le revêt; mais on observe, par contre, un phénomène peu com-

284 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mun qui suit cette excitation; en touchant avec l'extrémité d'une

tige la moitié droite ou gauche du voile du palais, ou détermine

une contraction réflexe bien marquée du facial inférieur du côté

opposé à celui où a lieu la stimulation. Les limites de cette surface

réflexogène sont la ligne médiane en dedans et, en dehors, la mu-

queuse du pilier antérieur.

Après une discussion intéressante, l'auteur conclut que ce

réflexe croisé du facial démontre :

1° Qu'il n'y a pas une origine corticale, comme Crocq et Jen-

drassik l'admettent pour les réflexes cutanés; 2° que le voile du

palais ne reconnaît pas son innervation motrice dans le facial;

3° que dans la paralysie pseudo-bulbaire les réflexes à centre bul-

baire sont exagérés (Revue neurologique, septembre 1902. E. B.

LXIII. Un nouveau cas de torticolis mental. Rôle de l'idée fixe,

crainte de voir tomber la tête ; par le De SCIIEIIB.

Observation type de torticolis mental, aussi intéressant au point

de vue des attitudes de la malade, des subterfuges qu'elle emploie

que de l'idée fixe qui préside aux accidents et aux puériles pré-

cautions prises pour y porter remède. L'idée fixe mère de toutes

les phobies, de tous les subterfuges et artifices de statique, est la

peur continue qui hante la malade de voir son cou se casser et sa

tête tomber {Revue neurologique, sept. 1902). E. B.

LXIV. Contribution à la pathogénie du goitre exophtalmique; par

le D1' ÏEDRSCHI.

De ces expériences, l'auteur croit pouvoir tirer les conclusions

suivantes :

10 Chez les animaux,la lésion des corps restiformes (spécialement

dans leur portion antérieure) produit nettement le syndrome base-

dowien; 2° chez les animaux qui sont devenus basedowiens par

suite de lésion expérimentale, mais chez lesquels les symptômes

ont diminué ou sont disparus, on peut réveiller en totalité ou en

partie ces symptômes en produisant une hyperthyroïdisation ; -

3° Chez les animaux sur lesquels on a pratiqué la thyroïdecto-

mie, la lésion des corps restiformes ne provoque pas le syndrome

basedowien; 4° chez les animaux qui sont devenus basedowiens

par la lésion des corps restiformes, la thyroïdectomie diminue ou

fait disparaître la plus grande partie ou même tous les symptômes

basedowiens {Revue neurologique, juillet 1902). E. B.

LXV. Sur un cas de pellagre accompagné de la rétraction de l'apo-

névrose palmaire ; par les Des Parhon et GOLDSTEIN.

Observation intéressante à plusieurs points de vue. D'abord elle

montre la coexistence de la rétraction de l'aponévrose palmaire et

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 285

de la pellagre, fait qui n'a pas été noté jusqu'à présent. De plus,

et ce dernier fait ne manque pas d'importance, la pellagre étant

une maladie qui porte son action spécialement sur le système

nerveux, on peut soutenir, à cause de l'apparition de la rétraction

de l'aponévrose dans un pareil cas, que cette rétraction est un

trouble trophique dû à une altération du système nerveux {Revue

neurologique, juin 1902). E. B.

LXVI. Les myopathies familiales paroxystiques, myotonie, myo-

plégie ; par le professeur ODDO.

Parmi les syndromes familiaux à caractère évolutif, les troubles

musculaires occupent par leur fréquence une place prépondérante.

Le type habituel des myopathies familiales est caractérisé par

la lésion anatomique du muscle atrophié ou pseudo-hypertrophié.

Un autre caractère essentiel des myopathies familiales communes

est leur marche progressive et envahissante.

A côté des myopathies amyotropliiques, il existe d'autres trou-

bles héréditaires du muscle, plus rares mais non moins intétes-

sants : le caractère essentiel de ces myopathies familiales est l'in-

termittence des troubles fonctionnels qu'elles entraînent ; elles

méritent donc d'être englobées sous la dénomination de myopa-

thies familiales paroxystiques. Deux affections peuvent être ran-

gées dans ce groupe : la maladie de Thomsen et la paralysie

familiale périodique. Cliniquement, la maladie de Thomsen, c'est

la maladie de la contraction musuculaire et le terme de myotonie

la définit très bien. La paralysie familiale périodique est constituée

par des attaques d'impotence musculaire complète, c'est une myo-

plégie : les attaques surviennent tous les jours chez quelques

malades, mais chez la plupart les dates d'apparition sont plus

éloignées, elles sont irrégulières et imprévues.

Qu'il s'agisse de maladie de Thomsen ou de paralysie pério-

dique familiale, le trouble moteur résume à lui tout seul tout le

syndrome clinique, et ce trouble moteur est lui-môme constitué

par la perturbation momentanée du seul élément musculaire ;

myotonie ou myoplégie constituent bien cliniquement une myo-

pathie dont le caractère commun est la marche paroxystique.

D'ailleurs il existe des relations étroites entre la maladie de

Tbomsen et la paralysie familiale périodique. D'autre part, ces

deux affections ont une parenté évidente avec les amyotrophies

héréditaires myopathiques. Elles constituent bien un groupe de

myopathies familiales paroxystiques méritant de prendre place

dans la classe des dystrophies musculaires héréditaires {Revue

neurologique, sept 1902). E. B.

LXVII. Tic et fonction ; par le D1' Meige.

Si l'on envisage la série des actes qualifiés de fonctionnels,

286 6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

exception faite pour les fonctions de la vie végétative, on peut

dire que les tics sont toujours des sortes de perturbations fonc-

tionnelles.

On y retrouve les caractères des actes fonctionnels : la répéti-

tion, le besoin. Mais, dans le tic, ces caractères sont viciés : le

rythme moteur n'obéit plus à la loi du moindre effort, le besoin

devient excessif, l'acte se produit inopportunément.

Tantôt c'est un trouble d'une fonction indispensable à la vie,

tics respiratoires, ou à la santé, tics de nictitation. Tantôt il

s'agit d'une perturbation d'un acte fonctionnel dont l'importance

vitale est moindre, tic de la phonation, et qui peut même

faire défaut chez certains sujets, tic de sputation. Le tic peut

donc être un trouble d'une fonction normale, utile à l'individu.

Il existe en outre des actes comme l'écriture, la danse, etc., qui,

par l'éducation, arrivent à s'exécuter comme les actes fonctionnels

les plus essentiels. De ces actes on peut observer aussi des pertur-

bations qui, tout en restant étroitement apparentes aux tics, en

diffèrent surtout par ce fait qu'elles ne se produisent qu'au

moment où l'acte fonctionnel devrait se manifester.

Ces accidents tics ou crampes dits « professionnels » sont

encore des troubles d'une fonction, fonction qui n'est pas com-

mune à tous, mais dont le but est logique, utile.

Dans tous ces cas, le trouble fonctionnel parait être sous la

dépendance d'une imperfection, de l'état mental, en particulier de

la volonté dont l'action frénatrice est insuffisante pour rétablir la

régularité de l'acte fonctionnel, lorsque ce dernier, pour une

cause quelconque, vient à se modifier. {Revue neurologique,

mai 1902). 1;. 13.

LXVI 11. De l'hémiatrophie faciale dans ses rapports avec les lésions

du ganglion cervical inférieur ; par le D 130UVi' : YnoN.

Sans infirmer d'autres hypothèses qui restent dans le domaine

des possibilités théoriques, l'auteur, se fondant sur les observa-

tions qu'il a déjà publiées, sur l'interprétation d'observations an-

ciennes, estime que l'hemiatrophie faciale est fonction de la lésion

du ganglion cervical inférieur. Les rapports immédiats de ce gan-

glion avec le dôme formé par la plèvre pariétale permettent de

comprendre qu'il puisse être englobé dans les processus de pachy-

pleurite dont le sommet du poumon peut être le siège {Revue neu-

rologique, mars 1902). E. 13.

LXIX. Sclérose en plaques infantile à forme hémiplégique d'ori-

gine hérédo-syphilitique probable ; par le I)'' Carrier

II s'agit d'une sclérose disséminée chez une enfant de douze ans,

atteinte de syphilis héréditaire probable, ayant débuté cinq ans

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 287

auparavant avec le tableau clinique d'une hémiplégie spasmo-

dique avec un léger tremblement intentionnel du membre supé-

rieur.

L'étude histologique montra des lésions disséminées, sans sys-

tématisation aucune, à aspect de sclérose en plaques. {Revue neu-

t'o<o : <e, oct. 1902). E. B.

LXX. Tabes dorsalis et aortite. Note clinique ;

par le Du Arullani.

D'après les recherches de l'auteur, on peut dire qu'il existe entre

le tabès et les altérations aortiques (aortite, insuffisance, ané-

vrisme), des rapports fréquents, la cause toxique qui produit l'une

des maladies amenant aussi l'autre. Et puisque la cause du tabès

doit surtout être recherchée dans la syphilis, on comprend aisément

la fréquence de l'aortite comme manifestation vasculaire de la

syphilis.

La même chose peut être affirmée pour l'alcoolisme, la malaria,

le saturnisme.

Enfin, lorsqu'on considère la fréquence des altérations vascu-

laires et particulièrement aortiques dans le tabes, se pose naturel-

lement la question de savoir si, par hasard, la lésion du système

nerveux ne contribue pas à déterminer ou, au moins, à aggraver

les lésions vasculaires. {Revue neurologique, oct. 1902). E. B.

LYXI. Sclérose en plaques à symptômes transitoires et récidivants.

Paralysie temporaire des mouvements associés des yeux pour

la vision binoculaire à gauche, plus tard pour la vision binocu-

laire à droite ; par M. Gilbert Ballet.

Curieuse observation suivie depuis dix ans par M. Ballet. L'affec-

tion est à l'heure actuelle facilement diagnosticable mais ne le fut

pas toujours : elle débuta en 1887, par de la parésie des mouve-

ments des yeux à gauche et des membres gauches. Après quelques

semaines, retour à l'état normal jusqu'en 1892. A cette époque,

spasme de la face à gauche, puis diplopie binoculaire, vertiges,

vomissements.

D'avril 1893 à janvier 1893, santé parfaite, au moins au jugement

delà malade; de 1893 à 1895, nouveaux troubles : diplopie laté-

rale et en hauteur, spasme facial gauche, parésie faciale droite

périphérique, vertiges, vomissements. Cessation de tous ces symp-

tômes en 1895. De 1895 à 1901, c'est-à-dire pendant plus de cinq

ans, état normal. En 1901, réapparition des accidents, cette fois

sous la forme de paralysie associée des mouvements de latéralité

des yeux à droite. Aggravation progressive des troubles, avec cette

double particularité que la paralysie associée a fait place à un

simple nystagmus et que la paraplégie spasmodique s'est installée

288 SOCIÉTÉS SAVANTES. '

pour s'amender partiellement et reparaître enfin avec ses carac-

tères actuels.

Ce mode d'évolution par poussées successives, avec rémission et

rétrocession des symptômes, s'il n'est pas un fait nouveau dans

l'histoire de la sclérose en plaques s'est présenté rarement avec

des caractères aussi tranchés que dans le cas actuel. {Revue veu-

nodogique, mai 1902). E. A.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 27 octobre 1902. Présidence de M. Motet.

LE PRÉSIDENT annonce la mort de MM. Dagonet et Rousselin dont

il fait. l'éloge.

M. Christian donne lecture du discours qu'il a prononcé aux

obsèques de M. Dagonet.

M. Giraud lit le dernier adieu adressé par lui à M. Bousseliti.

M. Dagonet ayant été Président de la Société, la séance est levée

en signe de deuil.

Reprise de la séance. Présidence de M. Motet.

De la poudre minérale de Trunececk dans le traitement des aliénés

artérioscléroses.

M. Marchand. La fréquence de l'artério-sclérose chez les

aliénés a déterminé l'auteur à traiter plusieurs malades par l'in-

gestion de la poudre minérale de Trunecek. Le sérum de Trunecek

détermine souvent des indurations chroniques, son injection est

douloureuse ; la poudre minérale permet d'adminislrer une quan-

tité de sel plus grande que celle introduite dans l'organisme par

les injections de sérum; telles sont les considérations qui font

préférer l'emploi de la poudre minérale au sérum de Trunecek.

Pendant toute la durée du traitement, l'auteur a examiné l'état

mental des malades, leur nutrition générale, leur pouls, leurs

réflexes et leur force dynamométrique. L'affaiblissement intellec-

tuel et les idées délirantes n'ont présenté aucune modification

sous l'influence du traitement, l'anxiété et l'agitation ont disparu

chez plusieurs malades ; la nutrition générale et les troubles diges-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 289

tifs ont été très favorablement influencés ; le pouls est devenu

moins tendu et plus rapide ; la force dynamométrique a notable-

ment augmenté ; l'état des réflexes est resté le même. Ce traitement

peut rendre des services en médecine mentale en relevant les

forces des malades, en combattant les altérations nutritives des

cellules nerveuses, par une meilleure irrigation du cerveau.

Des états mélancoliques au cours des granulies tuberculeuses.

M. Bienvenu lit quatre observations de malades, emportés en

quelques jours, par une granulie dont la caractéristique est de

n'avoir pas touché le cerveau et ses enveloppes, ce qui a été vérifié

par le microscope.

Ces malades ont présenté, depuis le début de l'affection jusqu'à

la mort, un état mélancolique grave, une dépression profonde avec

stupeur ou angoisse, hallucinations fréquentes, etc.

M. Bienvenu croit que, dans ces cas, la cause delà dépression est

l'action sur les centres nerveux de la toxine ou d'une des toxines

du bacille tuberculeux. Cet état de dépression, simple chez les indi-

vidus normaux, devient vite mélancolie délirante chez les hérédi-

taires cérébraux.

C'est ce dont M. Bienvenu s'est assuré par des expériences sur

les animaux. Expériences qui le mènent à conclure que les toxines

tuberculeuses sont des poisons déprimant les cellules nerveuses.

Les cas qu'il publie seraient donc comparables à une expérience

de Laboratoire dans laquelle une forte quantité des toxines dépres-

sives tuberculeuses se trouveraient tout à coup injectées dans les

veines de dégénérés, toujours en puissance de délire et entraînerait

ainsi une mélancolie dont la gravité serait fonction et de la tare

héréditaire et de l'importance de l'intoxication.

M.DiDEa observé dans le service de M. Joffroy des faits qui vien-

nent à l'appui de ceux rapportés par M. Bienvenu.

Traitement de la paralysie générale par les injections intrarachi-

diennes de bi-iodure de mercure et d'iodure de potassium.

M. MARCHAND.- Certains auteurs sont persuadés qu'il est possible

d'améliorer les paralytiques généraux par un traitement antisyphi-

litique intensif. La façon d'introduire les sels de mercure dans

l'organisme peut avoir une influence dans son mode d'action; de

plus, les lésions dominantes de la paralysie générale sont d'ordre

inflammatoire. Ces diverses considérations ont engagé l'auteur à

tenter le traitement de la paralysie générale par les injections

intrarachidiennes de sels de mercure. Après avoir prélevé par une

ponction lombaire classique six centimètres cubes environ de

liquide céphalo-rachidien, l'auteur injecte deux milligrammes de

bi-iodure de mercure et deuxcentigrammes d'iodure de potassium,

Archives, 2' série, t. XV. 19

,2 ci 0 sociétés savantes; -

dissous d'ns deux centimètres cubes d'eau distillée. L'auteur n'a

jamais observé 'd'accidents à la suite de ses injeclious qui sont

renouvelées tous les huit jours. Sur sept malades qui ont suivi ce

traitement pendant trois mois, quatre ont été améliorées. L'auteur

fait remarquer que c'est là une nouvelle voie thérapeutique et qu'il

est'possible de traiter les paralytiques généraux par l'injection de

sels de mercure dans le liquide céphato-rachidien.

M. G. Ballet croit qu'il iaut ne faire d'injections intra-rachi-

diennes qu'avec la plus extrême prudence et qu'on ne doit pas trop

se hâter de'conseDLer une thérapeutique aussi hardie, qui pourrait

trouver au dehors un écho dangereux.

M. TOULOUSE. Des deux questions soulevées par M. Marchand

il en est une de résolue, c'est la possibilité de faire sans danger

des injections dans le liquide céphalo-rachidien.

M. Baiaw rappelle qu'on fait depuis longtemps des injections de

cocaïne dans le-liquide céphalo-rachidien et que M. Tui'fier a ins-

titué sur cette pratique toute une méthode d'anesthésie chirurgi-

cale. On pourra la juger dans un avenir prochain.

M. Ballet. 11 est certain que plusieurs chirurgiens sont con-

vaincus de l'innocuité de cette méthode qui ne serait dangereuse

dit-on, que si l'eau est employée comme véhicule de la substance

médicamenteuse. Pour atténuer le danger, on conseille de dissou-

dre l'agent thérapeutique dans une petite quantité de liquide

céphalo-rachidien, préalablement extrait par ponction. Je main-

tiens néanmoins qu'une thérapeutique aussi dangereuse ne doit

être pratiquée qu'avec la plus extrême prudence.

M. DIDE.- M. le professeur Joffroy, ayant eu la pensée de faire

des injections médicamenteuses dansle liquide céphalo-rachidien.

les expérimenta sur des animaux. Tous ceux auxquels on injecta

de l'iodure de potassium moururent. Le gaïacol fut mieux sup-

porté. M. B.

Séance du 24 novembre 1902. Présidence de M. Motet.

Du rythme psycho-biologique dans l'automatisme de certains aliénés.

MM. Vaschide et VunpAs développent cette opinion que le rythme

et la périodicité .semblent traduire les manifestations les plus rudi-

mentaires de la vie biologique et mentale; lorsque les éléments qui

la composent évoluent pour leur propre compte et sont soustraits à

l'action dktu centre coordinateur 'régulateur.

Le rythme et la périodicité seraient ainsi la caractéristique pro-

pre de la vie, de cet équilibre toujours instable, et seraient la tra-

duction extérieure de ces deux 'qualités, qui expriment la vie, à

savoir la dynamogéuie et le repos, se succédant périodiquement et

SOCIÉTÉS savantes. 291

rythmiquement. Les centres supérieurs auraient un rôle de coor-

dinateur psychodynamique, réglant la machine vitale, selon un

équilibre plus stable, grâce à cette propriété supérieure et vérita-

blement spécifique, réelle force active, qui est l'inhibition.

llili. Vicouaoux et JAQUEUER communiquent trois observations

de malades, ayant présenté un délire hallucinatoire ressemblant à

s'y méprendre à un délire alcoolique et dû à une auto-intoxication

par insuffisance rénale.

Chez le premier, homme de cinquante-huit ans, le diagnostic,

appuyé sur la constatation de plusieurs signes de petite urémie,

fut confirmé par le retour et la lenteur de l'élimination du bleu de

méthylène. La disparition'du délire coïncida avec la reprise de l'éli-

mination urinaire. ,

Chez le second, âgé de trente-six ans, suspect d'alcoolisme, les

phénomènes délirants disparurent sous l'influence du régime lacté,

en même temps qu'une albuminurie notable, l'oliguiie, les cépha-

lées et l'oedème des jambes.

Le troisième, ancien rhumatisant et atteint d'insuffisance mitrale,

présentait, à la fois, des troubles délirants très intenses et une

oligurie excessive.

Il était abstinent depuis plusieuts années et son état mental

s'améliora au moment oùl'oligurie fut remplacée par la polyurie.

Ces faits viennent à l'appui de l'opinion de MM. Klippel, Régis,

Ballet, Wales, Cullerre, etc., qui ont noté l'analogie étroite, unis-

sant le syndrome délire alcoolique au syndrome délire toxique.

M. Dupré. Ces observations rappellent beaucoup le délire par

insuffisance hépatique. Je désirerais savoir dans quel état se trou-

vait le foie des malades qui en font l'objet. 1

M. VIGOUROUX. Dans les deux seuls cas où il a été observé

rien d'anormal n'a été relevé.

M. DUPRÉ insiste sur la fréquence de l'association de l'insuffi-

sance rénale avec l'insuffisance hépatique.

M. TRÉNEL a observé une femme, atteinte pendant trois semaines

d'un délire très actif de persécution survenu au cours d'une

néphrite aiguë à laquelle elle a. succombé. Il a vu une autre

femme, non alcoolique et présentant les symptômes du délirium

tremens, et qui était atteinte uniquement de néphrite chronique.

M. Dupit rappelle que Maurice Faure a publié des cas analogues

d'hépato-uéphrite graisseuse, accompagnée de délire toxique. Ils

ressemblent beaucoup à ce qu'on observe quelquefois dans les

psychoses polynévritiques. '

M. `'1GOUROUS.-Dans la thèse de Maurice Faure il s'agit surtout

de néphrites aiguës.

292 ) sociétés savantes.

M. 1'nLncL considère qu'il est important de distinguer les symp-

tômes hépato-rénaux des symptômes polynévritiques,

M. Dupain a observé un cas de délire pseudo-alcoolique, chez

une femme à l'autopsie de laquelle on trouva des lésions du foie et

des reins.

M. PACTET croit qu'on porte très fréquemment le diagnostic de

délire alcoolique, alors qu'il s'agit de délire toxi-infectieux, par

insuffisance hépato-rénale.

M. Vallon a observé un cas analogue à celui de M. Vigouroux,

chez une infirmière brightique, suivant depuis longtemps un

régime lacté exclusif.

M. Toulouse. On subit trop l'influence de Lasègue, en portant

le diagnostic de délire alcoolique, d'après la description erronée

qu'il en a donnée. Il est temps de revenir sur cette erreur, qui fait

confondre le délire alcoolique avec tout autre délire toxique. Elle a

pour conséquence de donner dans les statistiques une proportion

inexacte de délirants alcooliques. Je reconnais qu'on n'a pas encore

trouvé de caractères permettant d'identifier le délire alcoolique.

M.Baianncroit que la demi-conscience, qu'ont certains délirants,

du caractère hallucinatoire de leurs manifestations sensorielles

pénibles est un signe probable d'intoxication non alcoolique. Il cite

l'exemple d'un brightique, qui fut pris d'un délire toxi-infectieux,

à la suite d'une ingestion de gibier faisandé et qui se rendait

compte dans ses intervalles lucides, de l'inanité de ses conceptions

délirantes.

La céphalée, qu'on observe presque toujours dans les cas ana-

logues, est rare dans le délire alcoolique vrai. Ce sont là deux

caractères importants à noter et qui résultent d'une longue obser-

vation. Marcel Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 3 février 1903. -PRÉSIDENCE DE M. PAULRtOOER.

Des temps de réactions sensorielles chez qxelques aphasiques.

11\I. \I,mE et VASCIIIDE communiquent une série de recherches

expérimentales sur la vie mentale des aphasiques. Comme tech-

nique les auteurs ont utilisé le chronomètre d'Arsonval. Les

recherches portèrent sur'quatre sujets. ·

Il résulte de leurs recherches que chez les aphasiques le temps

de réaction auditive simple et de choix est beaucoup plus lent, en

sociétés savantes. 293

dehors de tout trouble auditif. que chez les sujets normaux. Les

temps de choix sont extrêmement longs; les sujets ne paraissent

pas pouvoir toujours faire une distinction eutre deux excitations

sensorielles différentes. Les impressions ne se fixent pas suffisam-

ment pour faciliter la comparaison nécessaire ; l'attention est

instable et l'automatisme joue un rôle plus grand qu'à l'état nor-

mal.

Paralysie double du pneumogastrique pulmonaire.

M. Max EGGER rappelle les accidents produits chez le chien par

la section des deux pneumogastriques : vomissements incoer-

cibles, raucité de la voie, tachicardie, respiration réduite de deux

tiers comme nombre avec courbe spéciale et enfin mort pour bron-

chite infectieuse assez rapide. Une malade observée par l'auteur et

atteinte de tous les signes du tabès présente exactement tous

les mêmes phénomènes, elle n'a que trois ou quatre inspirations

par minute. La survie tient probablement à ce que la paralysie

pneumogastrique s'est installée lentement et progressivement,

créant ainsi une sorte d'accoutumance, tandis, que la soudaineté

des accidents contribue à tuer rapidement les chiens opérés des

deux vagues.

La marche de flanc chez les hémiplégiques.

MM. 0. Crouzon et C.-\i. CaurnELL présentent les résultats d'un

examen de la « marche de flanc » (Flankengang) chez des hémi-

plégiques dans le service de M. P.Marie, à laquelle M. Scluiller (de

Vienne) a consacré récemment un travail. Ils n'ont jamais trouvé

que la marche de flanc faisait ressortir une hémiplégie que la

marche en avant n'eût également décelée; mais d'accord avec

M. Schùller ils pensent que la n marche de flanc » peut aidera è.

établir le diagnostic différentiel de l'hémiplégie hystérique et

de l'hémiplégie organique.

Dégénérescences descendantes consécutives au ramollissement

du pédoncule cérébral.

M. Cestan insiste sur la dégénérescence du faisceau longitudinal

postérieur et sur la dégénérescence des fibres de la calotte. Il lui

a semblé que ces fibres venaient se placer en arrière de l'olive bul-

baire pout descendre ensuite directement dans le cordon antérieur

de la moelle ; ainsi donc une lésion pédonculaire entraine dans le

cordon antérieur de la moelle d'une dégénérescence d'un faisceau

qui est distinct de la voie pyramidale. 0

M. Marie appuie l'opinion de M. Cestan et présente quelques

coupes de moelles montrant des lésions consécutives à des altéra-

tions pédonculaires.

294 SOCIÉTÉS' SAVANTES.

Fracture du rachis. Paraplégie spasmodique. Laminectomie.

Guérison.

MM. RAYMOND, et SICARD présentent un jeune malade- qui s'est

fracturé accidentellement la colonne vertébrale au niveau, de la

12" dorsale. Consécutivement', ils'est installé une paraplégie spas-

modique, avec troubles de la vessie et ébauche du syndrome de

Brown-Séquard, ayant persisté durant plus de six mois. La lami-

nectomie a été suivie rapieement de la dispartition de tous ces

symptômes. Ce fait vient à l'appui de ceux publiés déjà par Phi-

lippe et Cestan, Babinski, Schulze et montrent que l'état spasmo-

dique n'est pas exclusivement et nécessairement sous la dépendance

de la dégénération du. faisceau pyramidal.

Clonisme du pied chez un neurasthénique,

Par MM. Gilbert BALLET et Louis Delherît.

Les neurologistes ne sont pas d'accord sur le point de savoir si

le clonisme du pied, ou comme on dit encore la trépidation spi-

nale peut s'observer dans les névroses (l'hystérie et la neurasthénie)

et en dehors des lésions du faisceau pyramidal.

MM. G. Ballet et L. Delherm présentent un malade qui permet

d'affirmer que sans aucun signe de lésion ou* d'irritation perma-

nente de ce faisceau, on peut rencontrer la trépidation spinale. Il

s'agit d'un homme de quarante-six ans entré à l'Hôtel-Dieu au mois

de décembre dernier pour une céphalée en casque assez vive pré-

dominante aux régions biparrétales et occipitales, remontant après

de trois ans, associée à une sensation de lassitude et de fatigue

générale habituelle. On ne relève chez lui aucun signe de lésion

cérébrale ou spinale ; l'examen du liquide céphalo-rachidien n'a

pas décelé de lymphocytoseles réflexes tendineux sont un peu forts

partout, mais également des deux côtés ; les gros orteils réagis-

sent en flexion. Or, lors de l'examen pratique le lendemain de

l'entrée on a constaté le phénomène suivant : En relevant forte-

ment la plante du pied droit, on détermine un clonisme des plus

net dont la durée était pour ainsi dire indéterminée et ne cessait

qu'avec la cessation du relèvement passif du pied. Ce clonisme

ressemblait de tous points à celui qu'on rencontre chez les malades

affectés de lésions organiques ; il était notamment impossible delà

différencier par- ces caractères objectifs du clonisme particulière-

ment marqué qu'on constatait au même moment chez un hémiplé-

gique avec cou tracture, couché dans le service. Ce clonisme n'a été

que transitoire. Trois jours après l'entrée du malade, on ne l'a plus

noté ; ce qui contribue encore à établir, son caractère de trouble

indépendant d'une lésion organique. Ce cas permet donc d'affirmer

que chez un malade présentant des symptômes neurasthéniques et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 295

indemne de tout signe dedésion organique du faisceau pyramidal,

on peut rencontrer le clonisme du pied, identique quand à ses

caractères objectifs, à celui qui se rencontre dans l'hémiplégie avec

lésion-

Il convient d'ajouter que si, cliniquement le clonisme est le

même dans les deux cas, il n'est pas démontré que dans les

deux cas, sa physiologie pathologique soit identique. En effet,

chez le malade de l'Hôtel-Dieu a existé et existe encore un trem-

blement à petites oscillations des mains et des- prises survenant

dans l'extension des membres et ayant tous les caractères d'un

tremblement hystéro-neurasthénique, ce tremblement était plus

accusé et plus diffus à l'époque où le malade présentait la trépi-

dation. Il pourrait se faire que cette trépidation eut été le résultat

d'une sorte de traumatisme des gastroumens. En tout cas, réserve

faite sur ce point de physiologie pathologique, elle présentait et

c'est le fait qu'il était intéressant de mettre en relief tous les carac-

tères cliniques de la trépidation par lésion organique.

M. Babinski ne pense pas que l'épilepsie spinale dénote fatale-

ment une lésion pyramidale,.on la rencontre dans des intoxications,

dans l'épilepsie, dans l'hystérie, dans la neurasthénie et même

chez des sujets normaux. Dans les névroses elle n'est pas fonction

de ces névroses, elle n'y a pas d'autre signification que chez les

sujets normaux. En somme, elle n'a de valeur comme signe que

quand elle est unilatérale et très accentuée.

M- Ballet. - Elle peut donner une- présomption en faveur d'une

lésion organique mais elle n'a pas de valeur décisive.

M. BRissAuD. L'épilepsie spinale peut manquer chez des orga-

niques comme elle peut se montrer chez quelques névrosés, mais

des cas isolés ne prouvent rien contre la règle générale. D'ailleurs

dans la plupart ces cas de lésions organiques on la voit rétro-

céder.

M. Babinski. Qu'on me montre un hystérique présentant une

épilepsie spinale et s'en guérissant en même temps que de sa

névrose 1 -

M. Raymond se rappelle avoir vu chez P. Sollier une jeune fille

hystérique qui avait un clonus du pied bilatéral très net qui dis-

parut après guérison de l'hystérie. La discussion se termine sur

l'avis général que l'épilepsie spinale perd de son importance

comme signe de lésion organique.

Atrophie des membres de nature mal déterminée.

M. Marie montre un jeune homme qui eut à quatre ans des

convulsions suivies de paralysie des quatre membre, A huit ans il

put marcher de nouveau. Il présente aujourd'hui une atrophie

énorme des membres; mais cette atrophie n'atteint pas le squelette.

296 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les fonctions des muscles persistent ; les mains conservent leur

longueur normale. 11 ne s'agit donc pas vraisemblablement d'une

paralysie infantile. Ne serait-ce pas un de ces cas d'atrophie con-

consécutive à une méningite cérébrospinale comme Rendu en a

publié. -

M. Brissaud. C'est en tout cas une atrophie consécutive à une

céphalo-myélite aiguë. 11 n'est d'ailleurs pas impossible de voir des

paralysies infantiles sans diminution du squelette et le malade de

M. Marie n'est peut-être pas absolument indemne de ce côté, car

s'il conserve, chose rare, la dimension normale de ses mains, il est

en tout cas bas de jambes..

Fracture chez un inyopathiqzte.

M. Crouzon présente la radiographie d'une fracture de l'humérus

survenue, sinon spontanément, du moins avec un traumatisme

minimum chez un malade atteint de myopathie progressive primi-

tive. L'humérus est très atrophié.

Examen cytologique du liquide céphalo-rachidien dans le tabes.

MM. P. Armand-Delille et Jean Camus ont examiné treize cas de

tabès du service de M. le professeurDéjerine; dans les deux tiers de

ces cas ils ont constaté l'absence de lymphocytose. L'âge du tabès

dans ces cas n'a pas semblé en rapport ni avec la présence ni avec

l'absence de la lymphocytose. La lymphocytose n'est pas non plus

en relation avec l'existence ou non d'ataxie ou de douleurs fulgu-

rantes ; elle ne pouvait donc être dans ces cas un élément de dia-

gnostic ou de pronostic.

Lésion du noyau rouge.

M. Guilmain montre les pièces et les préparations d'une lésion

ancienne limitée au noyau rouge, à la suite de laquelle la dégé-

nérescence secondaire a atteint le faisceau central de la calotte

dans le pédoncule, la protubérance et le bulbe, avec les fibres

périolivaires. Le faisceau central de la calotte irait donc bien de

la capsule périolivaire à celle du noyau rouge. A noter aussi dans

ce cas l'atrophie du pédoncule cérébelleux supérieur.

Un cas de Zona et topographie radiculaire suivi d'autopsie.

MM. P. Armand DELIT-LE et Jean Camus ont eu l'occasion de faire

l'autopsie d'une malade du service de M. le Dr Déjerine, trois

semaines après-une atteinte de zona portant sur le territoire.des

20 et 30 racines cervicales gauches.

Par la méthode de Marchi, ils ont constaté des fibres dégénérées

des racines postérieures correspondantes. Ces lésions étaient

SOCIÉTÉS SAVANTES. 297

extrêmement nettes à l'entrée de ces racines dans la moelle, on les

constatait également dans les cordons de lturdach. Dans les gan-

glions correspondant, on trouve également des lésions cellulaires.

Ce cas vient donc apporter une nouvelle confirmation à l'origine

ganglionnaire du zona. ri

Pathogénie du tabes.

M. BRissauD reprenant la discussion des précédentes séances

déclare que si l'on se range à l'opinion de-I11M. Marie et Guillain,

théorie lymphangitique, on ne peut conserver aucune cohésion

au syndrome de Duchenne, de Boulogne, et il faut en écarter par

exemple la névrite optique et les ophtalmoplégies qui sont pour-

tant caractéristiques du tabes. En suivant d'autre part M. Nageotte

dans sa théorie méningitique radiculaire, il faut renoncer à quan-

tité de variétés du tabès. Le système lymphatique postérieur spé-

cial ne lui parait pas encore anatomiquement démontré, et pour

M. de Massary et lui-même le tabès reste une affection spéciale de

l'ectoderme frappant de dégénérescence le protoneurone centri-

pète.

M. Dejerine. Ce n'est pas la première fois que la méningite a

été considérée comme l'accident primitif du tabes. Cette idée avait

été déjà avancée par Vulpian, mais après plus ample étude il y

avait renoncé et il considérai les lésions méningitiques comme

consécutives aux lésions des racines.

M. Marie considère que la r.»gion postérieure de la moelle forme

nn bloc composé de l'élément nerveux, vasculaire et méningé.

Les lymphatiques font partie intégrante de ce bloc, comme les

racines postérieures elles-mêmes, et c'est dans ce bloc ou une de

ses parties inséparables que débute le tabès sous l'influence de la

syphilis.

M. Raymond admet le tabès comme ne se produisant que sous

l'influence de la syphilis; mais il survient dans un organisme

syphilisé plutôt que comme accident directement syphilitique.

D'ailleurs si la syphilis crée seule le tabès vrai, la lésion systéma-

tique du bloc postérieur médullaire peut se produire dans d'autres

maladies sans syphilis antérieure, telle par exemple la maladie de

Friedreisch. M. Raymond voit d'ailleurs rétrocéder tous les jours

des tabes sans traitement spécifique, il en voit d'autres soumis à

ce traitement qui ne rétrocèdent pas. Tout en admettant entière-

ment l'origine syphilitique du tabes, il doute de l'efficacité du trai-

tement spécifique. Il propose donc qu'on choisisse deux cents cas

de tabes, on en traitera cent spécifiquement et lestent autres par

les autres méthodes et on jugera des résultats.

M. DÉJEUNE appuie cette dernière proposition qui serait fort

instructive. Il voit lui aussi de vieux tabétiques qui n'ont subi

298 - SOCIÉTÉS SAVANTES.

jamais aucun traitement spésipique même en pleins accidents syphi-

litiques et dont le tabès a pourtant rétrocédé.

M. BRISSAUD accepte avec empressement la proposition de

M. Raymond. L'origine spécifique- du tabès pour lui' ne fait aucun

doute, mais il voit rétrocéder des tabès sans traitement spécifique.

Il applique d'ailleurs ce dernier traitement et croit à l'amélioration

que les malades en retirent parce que peut-être il veut y croire et

s'en donner au moins l'illusion. F. BossuER.

SOCIÉTÉ D'IIYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 16' décembre 190 ? PRLSIDGnCE DE M. Jules Voisin

De la suggestion en pédagogie scolaire.

M. RAFFEGEAU expose les excellents résultats que l'on peut obtenir

chez des enfants paresseux ou névrosés, au moyen de la suggestion

à l'état de veille, associée à l'hydrothérapie et aux agents physiques.

Il rapporte, à l'appui de sa thèse, un certain nombre d'observations

et termine en insistant sur le- rôle excellent que pourrait jouer le

médecin, dans les écoles, aussi bien au point de vue mental qu'au

point de vue physique. 1

M. Bérillon. Je considère comme très inexacte l'expression

de : suggestion « à l'état de veille » ; on devrait dire : suggestion

« ci l'état de veille apparente ». En effet, le prestige du médecin, son

autorité naturelle, la mise en scène, etc., exercent sur l'enfant une

sorte d'intimidation. Cela est si vrai que tel sujet qui n'est pas sug-

geslionnable aujourd'hui pourra l'être demain à un haut degré; et

tel, réfractaire à l'influence d'un individu subira au plus haut

point la domination d'un autre. L'enfant auquel on croit faire une

suggestion à l'état de veille n'est plus à l'état de veille proprement

dite; il est déjà monoidéisé, inhibé; son pouvoir de contrôle est

suspendu, la suggestionnabilité accrue; il subit l'ascendaut de son

suggestionneur, ou bien il s'est spontanément et préalablement

auto-hypnotisé par la mise en jeu de 1' « expcclant attention », ou

bien il présente un cas d'hypnotisme fortuit. C'est à la faveur d'un

« étal passif» (Liébeautt) que la suggestion réussit. Dès lors ne

vaut-il pas mieux provoquer délibérément cet état passif ? Grâce

à l'hypnotisme, la suggestion gagne considérablement en efficacité

et les résultats thérapeutiques sont à la fois plus nombreux et plus

' stables.

.M. Félix REGNAULT. Dans l'emploi de la suggestion pédago-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 29&

Clique, il faut distinguer entre les sujets. Les enfants sont vicieux,

indisciplinés, inattentifs, etc., tantôt parce qu'il y a surmenage

intellectuel avec classes trop longues et insuffisance de récréations,

tantôt parce qu'ils ont une très mauvaise hygiène alimentaire,

tantôt parce qu'ils absordent des excitants, tels que vin, thé, café.

Dans ces divers cas, il faut réiormer l'hygiène intellectuelle et le

régime alimentaire. D'autres, fois, ces troubles- du caractère sont

sous la dépendance d'un polype muqueux, de végétations adé-

noïdes, d'adhérences préputiales (Bérillon) : en traitant la cause,

on supprime- l'effet. Restent, les névropathes, les- héréditaires, les

tarés. J'accorde que l'hypnotisme réalise chez eux des guérisons

d'une certaine durée; je doute qu'elles restent permanentes. Au

bout de quelques mois, il faut, je pense, revenir à la charge et

faire de nouveau appel à la suggestion : car lelonds héréditaire n''a

pas changé. La suggestion n'est donc pas souveraine et il est bon

qu'on en connaisse les limites.

M. Jules Voisin. Chez les héréditaires, chez les individus

atteints de folie morale, en particulier, les symptômes se succèdent

ou se remplacent. Par exemple, le kleptomane devient dipsomane

ou érotomane, etc., de plus, ils sont très difficilement hypnoti-

sables. '

M. Félix Regnault. Donc, si l'on'parvient à les hypnotiser, on

ne peut que supprimer un symptôme ; mais, à cause du terrain

prédisposé, le champ reste libre pour l'apparition et le développe-

ment d'autres symptômes morbides. C'est donc une amélioration

que l'on peut obtenir et non une guérison.

M. BERtLLOx. -Sans doute, si l'enfant dépasse un certain degré

de dégénérescence, il n'est ni curable, ni hypnotisable et même,

dans ces cas, l'hypnotisme est un instrument de diagnostic comme

de pronostic. Cette réserve faite, je maintiens en orthopédie morale

l'exactitude d'une formule que je me plais- à répéter, à savoir

qu'hypnotisable veut dire curable. Beaucoup qui ne sont pas hyp-

notisables peuvent néanmoins; être suggestionnés si on les chloro-

formise, ainsi que le faisait Auguste Voisin, ou, mieux encore,- si

on les soumet au somnoforme, ainsi que le recommandait tout

récemment M. Paul Farez. Dans ces cas, suggestionnable est

synonyme de curable. On nous dit : « Vous obtenez une amélio-

ration d'une durée limitée et non une guérison ». Je répondrai : si

par exemple, dans la kleptomanie ou l'onychophagie, on associe

à la suggestion hypnotique ce que j'ai appelé la psychomécanique,

si l'on ne cesse pas- le traitement trop tôt, si l'on a soin de créer

des « crans d'arrêt' si l'on réveille et développe le pouvoir modé-

rateur, on obtient des guérisons au sens propre du mot. En effet,

le petit vicieux est vraiment guéri, lorsqu'il est armé contre les

tentations ultérieures; et c'est cela que l'hypnotisme réalise. Si,

300 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par la suite, sous l'influence d'une intoxication, d'une infection

d'un traumatisme, l'enfant succombe à nouveau, il va sans dire

qu'on doit recourir de nouveau à la suggestion pour restaurer son

pouvoir de résistance.

M. Paul FAREZ. Lorsque, pour-diverses raisons, il est possible

de recourir ni à la suggestion hypnotique, ni à la suggestion som-

dique (pendant le sommeil naturel), ni à la suggestion pendant

une narcose chimiquement provoquée, nous sommes réduits à la

suggestion pendant l'état de veille. Or, celle-ci est, d'ordinaire,

fort peu efficace, à moins qu'on ne l'appuie sur le sommeil. D'une

manière générale, et surtout en orthopédie morale, je m'applique

à la formuler non pas dans la journée, mais le soir, au moment où

le malade vient de se mettre au lit et va s'endormir. Ma suggestion

est ainsi ce qui occupe en dernier lieu la conscience du malade;

c'est sur elle qu'il s'endort ; elle constitué une sorte de monoidéisme

qui, à la faveur du sommeil naturel, acquiert une bien plus grande

efficacité thérapeutique. Cette suggestion présomnique n'est nul-

lement combattue et annihilée, comme l'est trop souvent la sugges-

tion diurne, par toutes sortes de représentations variées qui assail-

lent et distraient la conscience ; elle offre une matière au

développement de lacérébration subconsciente, elle offre un moyen

facile et commode de se rapprocher, autant que possible, des con-

ditions de la suggestion hypnotique.

M. de Bourgade. Les enfants auxquels s'adresse cette ortho-

pédie morale ne sont pas tous des dégénérés ou des névropathes.

Souvent leur estomac et leur intestin sont malades et fabriquent

des toxines ; leur nutrition générale est en mauvais état. Pour les

guérir, il suffit de rétablir chez eux ce que j'appellerais l'orthonu-

trition. Un de mes malades avait l'idée fixe d'assassiner son père;

il en fut complètement débarrassé par des prescriptions de théra-

peutique générale. -

M. Paul MAGNIN. Ces observations sont très justes et il va sans

dire que, nous autres hypnotiseurs, nous restons, quand même et

par-dessus tout, médecins. Nous ne négligeons chez nos malades

aucune des indications de la thérapeutique générale ; mais il est

de nombreux cas où celle-ci est loin de suffire. Certains de nos

malades, nerveux ou mentaux, sont en imminence de guérison,

mais ils restent profondément abouliques ; et si l'hypnotisme les

guérit, c'est parce qu'il permet un entraînement méthodique de

leur volonté. A ce propos, plusieurs auteurs, très autorisés à d'au-

tres points de vue, écrivent et soutiennent encore aujourd'hui que

l'hypnotisme détraque ou supprime la volonté. Est-ce par igno-

rance ou par mauvaise foi ? En tous cas, ils propagent une erreur

de tous points erronée, à laquelle les faits donnent quotidienne-

ment un formel démenti. Le psychothérapeute, au contraire, est,

au sens propre, un professeur de volonté.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 301

Les /H6 ! 'os</)tC)'oMmes familiaux.

11. Binet Sanglé. Les hiérosyncrotèmes (groupes formés par

des religieux ou des dévots suggestionnés l'un par l'autre), peuvent

être figurés par une fraction dont le nominateur représente le

nombre total des membres de la famille et le numérateur le nom-

bre de religieux ou dévots de la famille ainsi définie. J'ai pu

reconstituer plus de 200 hiérosyncrotèmes familiaux dont quelques-

uns comptent jusqu'à 30, 38, 40 et 43 membres et qui montrent le

rôle joué à la lois par l'hérédité et le milieu dans la propagation

des idées religieuses et leur transmission à travers les siècles.

Séance du mardi 20 janvier 1903. Présidence DE M. Voisin

- La psychologie du cardiaque.

M. Fiessinger. La psychologie du cardiaque est bien différente

de celle du dyspeptique ou du tuberculeux. Chez le dyspeptique,

l'humeur est très inégale ; les alternatives' d'excitation et de

dépression sont très accusées; son pessimisme est fait d'un senti-

ment d'amertume ; sa misanthropie s'étend à sa personne d'abord

et à tout le genre humain ensuite; son intelligence gagne en

finesse, promptitude et délicatesse. Le phtisique est un optimiste

pour lui, un pessimiste vis-à-vis du genre humain qu'il déteste; il

est aisément rageur; il aime à voyager; il change de médecin.

Le cardiaque est un pessimiste pour lui, un optimiste vis-à-vis de ses

semblables qu'il supporte et qu'il aime; il est obéissant et doux;

il reste chez lui et demeure un client fidèle. En un mot, si le phti-

sique est optimiste et rageur,[le dyspeptique misanthrope est délicat,

le cardiaque, lui se signale surtout par son indulgence, sa pondé-

ration et sa sagesse; il juge avec finesse et perçoit les nuances; il

ne s'indigne pas contre le mal mais lutte contre lui avec ténacité.

M. BillILLoN. Le coeur est un réactif délicat et la moindre

émotion se traduit par une modification cardiaque ou circulatoire.

Les émotions sont très dangereuses chez les cardiopathes. Aussi

conviendrait-il d'instituer pour eux, par la psychothérapie, une

prophylaxie de l'émotion. En les .habituant à ne pas se laisser

démonter par une émotion, on empêcherait des aggravations et

même des morts subites. Cette indication thérapeutique est

d'autant plus légitime que l'hypnotisme peut agir directement sur

le coeur, la circulation générale et la tension artérielle, ainsi que

je l'ai montré à l'aide de nombreux tracés sphygmographiques.

Les fadeurs psychologiques et les divergences médicales.

1l. DAURiAc. Les désaccords entre médecins dans leurs prescrip-

tions ou leurs défenses ne portent généralement pas sur les dissen-

302 SOCIÉTÉS SAVANTES.

timents d'origine médicale. Les médecins s'entendent sur le mal

et sur ses conséquences. Mais, quand il s'agit d'interpréter ces

conséquences, de formuler des permissions- ou des défenses, ils

cessent d'être du même avis, parce qu'ils ne sont ni du même

caractère, ni de la même humeur ?

M. Paul IAGNIN. Sans doute; aussi, c'est à la fois comme méde-

cin et comme homme que, par exemple, je n'hésite pas à inter-

dire le mariage à mes tuberculeux ou à mes syphilitiques, même

guéris. J'apporte mes connaissances et mon autorité médicales au

service de la société pour épargner à cette dernière des rejetons

qui risqueraient de n'être que de non valeurs à la charge de la col-

iectivité, -

M. Bérillon. Cependant Fournier permet le mariage des syphi-

litiques après un certain nombre d'années de -traitement. Et pour

ma part, je ne désespérerais pas de la descendance d'un tubercu-

leux guéri; car, si dernier s'est véritablement guéri, c'est qu'en

outre de qualités morales de volonté et de persévérance, il offre

une certaine résistance physiologique.

M. Jules Voisin. Les enfants de syphilitiques guéris peuvent

paraître normaux. Toutefois j'ai -remarqué que, s'ils sont surme-

nés, ils font très facilement des psychoses de la puberté-.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance 25 janvier 1902. DÉDIÉE au NOM DE S.-S. KonsAKorr

S.-J. POPOF17. Un cas d'ataxie cérébelleuse aiguë d'origine organique,

compliquée par l'hystérie.

Malade, de cinquante-quatre ans, ancien alcoolique, devint malade

subitement de la manière suivante : tout d'abord apparaît un bruit

constant dans l'oreille gauche ; trois jours après la démarche devint

chancelante, mais il n'y avait point ni vomissements, ni de cépha-

lalgie; en ce temps on arracha au malade l'une des dents ; immé-

diatement après l'opération la démarche devint encore plus chan-

celante et ce phénomène progressa encore. Dans le cours de la

maladie on nota plusieurs périodes d'exacerbation de l'ataxie, de

sorte que, quatre mois après le début delà maladie, il n'était plus

en état de marcher. Outre l'ataxie on pouvait noter chez le malade

des symptômes de compression de certains nerfs crâniens, à

savoir : des nerfs auditif, trijumeau et oeulo-inoteui, commun. Ayant

SOCIÉTÉS SAVANTES. -303

en vue, que les lésions organiques du système nerveux sont sou-

vent compliquées de symptômes de caractère fonctionnel, l'auteur

soumit le malade àla suggestion, après quoi l'ataxie s'affaiblitcon-

sidérablement ; après la seconde séance de suggestion l'ataxie dis-

parut et le malade commença à bien marcher. 11 mourut à la suite

d'une maladie physique occasionnelle (volvulus)L'autopsie mani-

festa un kyste sous-méningien apoplectique qui avait détruit une

petite région du cervelet. Vu les données de l'autopsie, le rapporteur

attribue l'apparition primordiale de l'ataxie aux hémorrhagies

sous-méningiennes; quant à l'empirement nltérieur de l'ataxie, il

l'explique par le trouble fonctionnel qui est confirmé : 1° par la

guérison de l'ataxie après la suggestion et 2° parles données expé-

rimentales de Luciani que la lésion des petites régions du cervelet

provoque l'ataxie, mais que cette ataxie peut très vite guérir, grâce

à la propriété du cervelet de compenser très rapidement les trou-

bles des fonctions des petites régions du cervelet. Puisque la lésion

du cervelet chez le malade en question n'était pas grande, donc ou

ne peut pas expliquer seulement par la lésion en foyer l'ataxie si

prolongée.

discussion

Dr \V. SERBS6T ne voit pas d'indications nettes sur l'existence

de l'hystérie dans le cas en question. ,

Dr V. Weidenhamuer pense que les oscillations dans le degré de

l'ataxie peuvent être expliquées par le degré de pression en dedans

du kyste ; si le kyste était provoqué par une simple hémorrhagie,

il n'y aurait pas eu de phénomènes si accentués de compression de

la moelle allongée.

Dr G. PftIBYT60PF trouve que les modifications dans le cervelet

sont très significatives et voit sur la préparation une compression

très marquée de la moelle allongée, qui indique l'augmentation

lente de la compression du côté du kyste. Les oscillations très

marquées dans l'intensité des phénomènes morbides sont une règle

dans les kystes du cervelet. -

SI. G.-J : Rossolymo ne nie pas la possibilité de complication hys-

térique dans le cas donné.

M. L. S. 1111NOn rappelle que les tumeurs cérébelleuses peuvent

exister sans aucuns symptômes, par exemple, les cholestéatomes.

D' MOURATOFFitidique sur cefait que les explications anatomiques

du rapporteur ne sont pas fondées sur des données suffisantes.

Dr VEIDI ! £ ÇGAMML ? 11 pense à. l'existence possible d'une lésion

des deux hémisphères, à une lésion disséminée à la suite de modi-

fications vasctilaires.

D''St ! nBSEx voit chez le second malade des phénomènes indubi-

tables de démence qui prouvent le caractère diffus du process u

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

morbide, mais il ne comprend pas l'opinion de l'auteur sur l'am-

nésie comme sur un symptôme en foyer. Les D" PRIBYTKOFF et

VoRoBiErF ont aussi pris part à la discussion.

P ? 1. PR);OI3nIJCNS1Y.Eluae sur l'alexie sous-corticale et sur les trou-

- 6les similnires.

L'auteur a observé dans l'hôpital de Sainte-Catherine deux cas

d'alexie. C(M/. Malade, journalier, cinquante ans, grand buveur,

n'a jamais souffert de rien jusqu'à la maladie actuelle. Vers la mi-

décembre 1901, sans perte de conscience, il commença à ressentirune

faiblesse dans les extrémités gauches; trois jours après le début de

la maladie, c'est-à-direle 18 décembre, il entra dans l'hôpital. Elat

présent : certain affaiblissement d'attention et de combinaison, pa-

résie du nerf hypoglosse et des ramifications inférieures du nerf

facial gauche; hémiplégie et hémianesthésie gauche (de toutes espè-

ces) ; abolition des réflexes patellaires ; hémianopsie gauche. Le

malade ne peut presque pas lire, même l'imprimerie en gros carac-

tères ; et déchiffre malles mots ou ne les déchiffre pas du tout ; par-

fois d'après le commencement du mot il en devine la fin, mais il se

trompe bien souvent sans doute. 11 ne peut pas copier des phrases

d'un livre, il doit avant déchiffrer le mot ; si il réussit à lire le mot,

il l'écrit alors vite et régulièrement. Il écrit bien lui-même et sous

la dictée, mais il déchiffre mal les mots écrits (même par lui-même).

Le malade comprend mal les dessins et les tableaux. En suivant la

main de celui qui écrit, il peut deviner d'après les mouvements le

mot écrit. Il lit mieux les mots imprimés en noir qu'en rouge, mais

il distingue bien les couleurs l'une de l'autre. Vision des deux

5

yeux : . En lisant, il ne perd pas les lignes et passe de l'une

à l'autre régulièrement. L'ouïe est normale des deux côtés. Pen-

dant le séjour du malade à l'hôpital tous les phénomènes morbides

s'améliorèrent de même que l'alexie qui commença à disparaître

progressivement. Le malade n'était pas gaucher.

Cas Il. Malade de quante-cinq ans, ouvrier de fabrique, fut

amené à l'hôpital le 17 juillet de 1901 en état d'inconscience. Sur

les antécédentes on parvint seulement à apprendre que le malade

avait eu la syphilis à l'âge de vingt ans et comment est survenue

la maladie actuelle, on n'a pas pu le savoir. A l'entrée, on signale

une confusion mentale, une mauvaise orientation dans l'entourage;

le malade ne comprend pas tout de suite ce dont on lui parle; il

se démène constamment dans son lit. Hémianesthésie complète du

côté gauche. Parésie des extrémités gauches, ataxie. La confusion

mentale commença à disparaître progressivement [et alors seule-

ment on a eu la possibilité d'examiner d'une manière plus détaillée

et plus circonstanciée le malade en question.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 305

Etalprésent, 29 octobre 1901. Hémianopsie gauche très accentuée.

7 2

Vision de l'oeil droit = - - , vision de l'oeil gauche = Le

10 dO

malade distingue bien les couleurs. Il déchiffre les caractères im-

primés avec une certaine difficulté. En lisant il oublie bien vite ce

qu'il a lu, et souvent repète plusieurs fois une seule et même ligne

ou une partie de cette ligne ; s'il regarde de côté, il ne peut plus

trouver l'endroit, où il s'est arrêté ; le plus souvent malgré toutes

ses recherches le malade lit des fragments de phrases dans diffé-

rents endroits de la page. Parfois.il ne peut se rappeler que quelques

mots isolés de tout ce qu'il vient de lire. Il déchiffre en épelant les

mots écrits par lui-même et souvent les lit de travers ; il reconnaît

son écriture. Il écrit assez bien lui-même et sous la dictée, il copie

juste les mots qu'il a bien déchiffrés. La copie de diverses figures

géométriques ne lui réussit pas toujours et la copie même gros-

sière de divers tableaux quelconques n'est pas du tout à sa portée.

Il reconnaît fort malles tableaux et les dessins, il mêle souvent les

images; par exemple il prend le chien pour un homme, les pou-

pées pour des gens, etc. Il ne peut pas non plus concevoir le sens

d'un tableau. L'ouïe est affaiblîmes deux côtés, plus du côté

gauche. L'odorat s'est affaibli. Point d'aphasie. Le malade souffre

d'amnésie antérograde (et en partie rétrograde) : depuis le début

de sa maladie il ne se rappelle de rien ; de sa chambre le malade

doit être reconduit, car malgré le séjour d'une demi-année à l'hô-

pital, il ne peut trouver lui-même, ni sa chambre, ni son lit. Le

malade n'est pas gaucher.

La particularité de ces cas consiste dans la lésion de l'hémis-

phère droit (ordinairement l'alexie isolée correspond à une lésion

de l'hémisphère gauche), malgré que les deux malades ne sont pas

des gauchers. L'auteur s'associe à l'opinion de ceux qui pensent que

nous lisons avec les deux hémisphères. La particularité du cas Il

consiste dans l'amnésie antérograde comme symptôme d'une lésion

en foyer, identique au trouble d'orientation, décrit par d'autres

auteurs. L'alexie dans le cas II est aussi particulière, elle provient

non pas de ce que la voie optique est rompue, mais elle est due

seulement à la diminution de la durée de l'impression. Une alexie

de ce genre a été décrite par GRASHBY (le maladie pouvait lire le mot

s'il l'avait devant ses yeux en entier ; mais si on le faisait lire ce

même mot par syllabes et qu'il ne voyait qu'une seule lettre et

puis une autre, alors il ne pouvait plus lire ce mot.

DISCUSSIONS.

D' Mouravieff trouve que l'explication présentée par l'auteur

sur l'origine de l'alexie dans ses cas ne s'accorde pas avec la

manière de voir clinique et anatomique généralement adoptée.

Archives, 2e série, t. XV. 20

306 SOCIÉTÉS SAVANTES.

N'y avait-il pas dans ces cas quelque chose de plus simple, comme

par exemple, un trouble dans l'appareil oculomoteur commun. !

' Séance du 15 février 1902.

Dr N.-P. POSTOVSKY. Sur le diagnostic des psychoses syphilitiques.

Se basant sur deux observations, le rapporteur note les partieu-

larité suivantes des psychoses syphilitiques : i. Trouble de cons-

cience en forme d'accès de sommeil pathologique, différent du

sommeil normal par l'inclination du malade à s'endormir-de nou-

veau tout de suite après le réveil. 2. Affaiblissement des capacités

intellectuelles, se manifestant par une lenteur particulière dans

les opérations mentales, une amnésie, surtout pour les faits cou-

rants et récents et par un affaiblissement du sens moral ; cet affai-

blissement est d'une telle intensité qu'il est propre seulement aux

psychoses organiques. 3. Cours de maladie, caractérisé par l'in-

constance de symptômes dans la période primordiale de la maladie

et par l'échange subit tantôt des accerbations, tantôt des rémis-

sions. 4. Présence des troubles nerveux spéciaux pour les lésions

syphilitiques (céphalalgies, analgésies cutanées, états épileptiques

équivalents). 5. Présence des lésions syphilitiques cutanées. 6.

Influence favorable de la thérapie spécifique. L'auteur signale ses

cas par le nom de démence stupeureuse syphilitique. Cette forme

morbide doit être différenciée de l'amentia stupeureuse et de la

démence précoce para-hérédo-syphiliti,que, qui dans son cours

présente des phénomènes précoce et qui peut apparaître comme

l'un des chaînons terminaux de la longue série des formes morbides

provenant de la syphilis.

, . DISCUSSIONS.

De B. Sémidaloff et le Dr V. Weidengammer se basant sur la

connaissance personnelle des malades en question, ne peuvent pas

être d'accord avec le diagnostic du rapporteur.

D'A. Bernstein trouve que le rapporteur fait une erreur métho-

dologique eu élevant ses cas d'après le critérium, qui lui-même

est élevé de ces cas. '

Dr W. SERBSKY ne voit pas de raison d'attribuer la cause de la

lésion donnée à la syphilis, car un symptomocomplexus pareil est

aussi possible sans l'existence de la syphilis.

Les docteurs S. Soukiianoff, A. POPOFF et V. VOROBIEFF et S. Stein-

BERG ont pris part aux débats.

2. Dr S. STEINBERG. Sur' la construction et les plans de l'asile

psychiatrique du Zemstro du gouvernement de Saratoff...

· . A. BERNSTEIN. Cn. 13uscil.

SOCIÉTÉS SAVANTES- 307

S. SOKUII.4-N;OFF. RéSeaZi endocellulaire de Golgi dans les éléments ner-

veux de la moelle épinière.

Le procédé GoLGi-VERATTi permet de révéler dans les cellules de la

moelle épinière l'existence d'un réseau intracellulaire particulier.

Les morceaux de la moelle épinière doivent être placés pour la fixa-

tion dans le liquide de VEIIATTI (2 parties de solution de bichromate

de potassium à 5 p. 100 ; 2 parties de solution de chlorure de pla-

tine et de potassium à 1 p. 1000 ; 1-1 1/2-2 parties de solution

d'acide osmique à 1 p. 100). Les préparations les mieux réussies

ont été obtenues chez les jeunes cobayes de trois et cinq mois. Mais

avant de placer les fragments de la moelle épinière dans le liquide

fixateur formulé ci-dessus, les tronçons de moelle étaient partagés

par une section longitudinale en deux parties, une antérieure et

une postérieure. Les meilleures préparations étaient obtenues après

un séjour dans le liquide de Veratti de vingt à trente jours. En

suite, les petits fragmentsde moelle étaient portés dans un mélange

de bichromate de potassium (3 parties de solution de bichromate

de potasse à S p. 100) et de sulfate de cuivre (i partie de solution

de sulfate de cuivre à 5 p. 100) pour deux, deux et demi, trois jours

et d'ici ils étaient transportés dans une solutionde nitrate d'argent t

(à 1 p. 100) pour y rester environ quarante-huit heures. Les coupes

des morceaux, traités de cette manière, faites au microtome étaient

obtenues longitudinales. Le réseau endocellulaire s'obtient plus

difficilement dans les cellules de la moelle épinière que dans les

cellules des ganglions spinaux.

L'aspect externe du réseau intra-cellulaire de Golgi, inclus en

dedans des cellules spinales, présente beaucoup de variétés dans

les grosses cellules motrices ce réseau a une structure plus compli-

quée, plus parfaite; il est constitué ici par des filaments ayant, pour

la plupart, des contours irréguliers, tantôt plus fins, tantôt plus

gros, traversant le corps cellulaire dans des directions diverses; ces

filaments forment des mailles et donnent souvent des épaississe-

ments. Ces mailles, souvent allongées dans un sens, ont leur grand

axe, parallèle au bord du corps cellulaire, et auprès de la base des

dendrites ou dans les dendrites elles-mêmes il est parallèle à l'axe

longitudinal de ces dernières.

Le réseau endocellulaire pousse des rejetons qui se dirigent

dans les dendrites ; parfois on peut suivre une telle dendrite sur un

assez long trajet; assez souvent on peut voir que plusieurs rejetons

3-4 par exemple, se dirigent dans la même dendrite. Parfois le

réseau est formé comme un peloton embrouillé. Le réseau en ques-

tion est indubitablement endocellulaire; il n'atteint 'pas la-péri-

phérie du corps cellulaire, mais à la suite de' l'absence de l'espace

péricellulaire les contours du corps cellulaire ne sont pas, nets et

distincts. Mais si l'espace péricellulaire apparaît, alors on n'obtient

308 NÉCROLOGIE.

pas du tout de réseau endocellulaire. Dans la région du noyau

cellulaire le réseau se raréfie ; il ne semble pas avoir de relation

avec le noyau ; l'aspect du réseau dépend de la forme du corps

cellulaire ; ainsi, par exemple, dans les cellules spinales fusiformes

le réseau a l'aspect fusiforme dans son ensemble ; dans les cellules

rondes, le réseau a l'aspect correspondant, etc. Dans les petites

cellules spinales le réseau affecte une telle simplicité qu'on ne peut

même pas parler ici d'un réseau. Dans quelques-unes des petites

cellules fusiformes les rejetons du réseau endocellulaire, entrant

dans la dentrite, pouvaient être poursuivis sur une étendue plus

où moins longue, et alors on pouvait voir de quelle manière se

dichotomisent ces rejetons, inclus dans la dendrite lorsque cette

dernière se bifurque en deux ou plusieurs petits prolongements

protoplasmatiques. Sur l'une des préparations on pouvait voir

comment dans la dendrite d'une cellule fusiforme menue passent

parallèlement deux rejetons, partant du réseau endocellulaire, par

places s'unissant entre eux et ensuite se dichotomisant dans l'en-

droit où se fait, à ce qu'il paraît, la bifurcation de la dendrite. En

ce qui concerne la signification de ce réseau, ici aussi, comme

dans les travaux précédents sur cette question, l'auteur pense que

ce réseau n'a pas de rapport avec les voies dites conductrices de

la cellule nerveuse ; il présente seulement un système particulier,

inclus dans la cellule et pénétrant dans ses dendrites ; il est diffi-

cile pour le moment de dire quelque chose de défini sur la signifi-

cation de ce réseau.

Le Dr MINOR et le D Mouravieff ont proposé plusieurs questions

au rapporteur. V. Mouravieff. S. Soukhanoff.

NÉCROLOGIE.

Le Dr A.-M.-C. FEBVRÉ

Le Dr Febvré (Alphonse-Marie-Camille), médecin en chef des

asiles publics d'aliénés de la Seine, est décédé le 6 janvier 1903 à

l'asile de Ville-Evrard, après quelques mois de maladie. Il était

dans sa cinquantième année. Originaire de la Lorraine annexée,

Febvré avait été successivement interne à l'asile de Alaréville (1879),

puis médecin-adjoint à l'asile de Montdevergues (Vaucluse),où le

dévouement dont il fit preuve au cours d'une épidémie cholérique

lui valut une médaille d'or. Appelé à l'asile de Ville-Evrard dans

les premiers mois de 1887, en qualité de médecin-adjoint, Febvré

NÉCROLOGIE. 309

l'ut nommé, moins d'une année après (1888) médecin en chef et

chargé des divisions des femmes à l'asile et au pensionnat. Durant

les seize années qu'il a passées à Ville-Evrard, Febvré a eu le

mérite de provoquer bien des réformes destinées à améliorer le

sort de ses malades. Ses travaux sur les questions médico-admi-

nistratives ayant trait à l'assistance des aliénées, ses recherches

cliniques, ses publications portant sur la thérapeutique des mala-

dies mentales protégeront sa mémoire contre l'oubli. Son nom

restera toujours attaché à l'importante question de l'intervention

chirurgicale chez les aliénées. Avec son ami, le Or Picqué, Febvré

a lutté sans répit afin de faire bénéficier les personnes atteintes de

maladies mentales des progrès de la chirurgie contemporaine et

plus particulièrement de la gynécologie. Ce n'est pas sans une

profonde tristesse qu'on a appris la fin prématurée de l'aliéniste

modeste et consciencieux, du médecin dévoué, du collègue ser-

viable et sympathique que fut Febvré.

Febvré a fait un certain nombre de communications à la Société

médico-psychologique dont il était membre titulaire, à la Société

de chirurgie; il a publié divers travaux dans les Archives de neu-

rologie, le Progrès médical. Nous citerons les plus importants de

ses mémoires : Contribution à l'étude du délire d'origine sympa-

ihique (avec le Dr Picqué), Annales 7 ? édico-psychologiqites, jan-

vier 1893 ; Du rôle de l'intervention chirurgicale et en particulier

des opérations gynécologiques dans certaines formes d'aliénation

mentale (avec le Dl Picqué), communication faite à la Société de

chirurgie, le 29 mars 1899; Du rôle de l'hygiène et de la gyliéco-

logie dans les services de femmes aliénées (avec le Dr Picqué) Con-

grès des aliénistes de Marseille, 1899 ; Observation de folie sym-

pathique (avec le Dr Picqué), Société médico-psychologique, séance

du 26 décembre 1898 ? Rapport su), les asiles unisexués, sur la

Société de patronage des aliénés (commission mixte du Conseil

général de la Seine); une communication sur l'Open-door, Société

médico-psychologique, 1897 ; sur un Nouvel appareil pour l'ali-

mentation artificielle. Revue de psychiatrie, 1897. Il serait injuste

enfin de ne pas mentionner les Rapports annuels de Febvré au

préfet de la Seine. Ces rapports, qui sont un modèle, témoignent

de sa préoccupation constante d'améliorer le sort des malades et

de sa connaissance profonde des questions d'assistance des aliénées.

P. Sérieux.

Dans la séance du 13 janvier de la Commission de surveillance

des asiles de la Seine, le président, M. Atthalin, a rappelé en termes

éloquents la vie médico-administrative de Febvré. Il a terminé

ainsi :

« L'existence professionnelle du docteur Febvré, a-t-il dit, s'est

passée dans un constant souci d'améliorer le sort des aliénés. Très

310 BIBLIOGRAPHIE.

bienveillant pour le personnel, on le- voyait insister encore, dans

son rapport de 1899, sur le caractère de la tâche des infirmiers et

infirmières et apprécier comme réduits à une trop étroite mesure

les repos qui leur sont accordés en regard des agents des ateliers

et des services généraux astreints à une durée de travail plus limi-

tée. Enfin, la visite de son service, toujours admirablement tenu,

vous donnait lieu de découvrir, chaque année, quelque innovation

intéressante. Je citerai seulement, parmi celles-ci, la ! création de

l'appentis pour les gâteuses, si remarquée par la Commission, et

signalée comme modèle par notre excellent collègue le Dr Thulié.

« Aujourd'hui Febvré est parti d'entre nous, pour venir s'étendre

dans le champ du repos. lia eu, si l'image de la mort s'est offerte

à ses yeux perdus dans, les derniers brouillards, la. consolation

suprême de mesurer le chemin parcouru, la dette payée par

l'homme éphémère à l'éternelle humanité, et de s'endormir ainsi

que font, au soir, les ouvriers des rudes labeurs. Ce n'est pas seu-

lement la maison de Ville-Evrard, devenue pour'lui un second

foyer, ce n'est pas seulement dans le corps médical auquel nous

sommes si intimement liés par notre mandat, que la mémoire du

docteur Febvré restera fidèlement conservée; nous gardens ici,

avec l'évocation de cet expressif et loyal visage, l'impression

du devoir social' supérieurement accompli. »

BIBLIOGRAPHIE.

VIII. Raport S211' l'asile d'aliénés d'Auxerre pour l'année 1901 ;

par le D JoQaNrac, médecin-directeur.

La population de l'asile était de 635 malades le 1-jaiivier 1901,

de 764 au 31 décembre, dans laquelle figurent 103 aliénés de la

Seine et 46 F.). Pensionnat, 107. Sorties, 62, dont 29 par

guérison, 21 par amélioration, 5 par évasion. Les décès ont été

de 78 (39 H. et 38 F.), Recettes, 419.878; dépenses, 359.726. Dans

les recettes figurent 59.000 fr. provenant des aliénés de la Seine.

Parmj les dépenses, relevons une subvention de 100 francs pour

l'Association des médecins-aliénisles, qui devrait être inscrite au

budget de tous les asiles, une pension de repos de 350 francs et

une somme de 1.500 francs pour le relèvement des salaires du

personnel secondaire. Le. prix de journée des indigents est

de 1 fr. 198.

M. Journiac donne des détails intéressants sur le fonctionnement

delà lingerie, etc. Il voudrait « que les chefs de quartier aient un

BIBLIOGRAPHIE. 311

approvisionnement de linge toujours fixe, et dont ils auraient à

répondre. ».« Le cordonnier a soixante-dix-huit ans, ne sait ni

lire, ni écrire et se trouve forcé d'avoir recours à un malade pour

tenir la petite comptabilité qui lui incombe... L'atelier de tailleur

ne répond pas suffisamment à nos besoins, son chef qui approche

de quatre-vingts ans n'a plus l'énergie indispensable à sa fonc-

tion. » D'où la nécessité de ne pas hésiter à,créer des pensions de

repos. L'asile bénéficierait du remplacement de ces vieux servi-

teurs par des chefs d'atelier jeunes et actifs. La buanderie, la cui-

sine, la serre sont insuffisantes et malpropres, ainsi que nous

l'avons constaté dans notre visite, le 13 août dernier.

« Mon attention, dit M. Journiac, a été appelée sur le mode' de

distribution des eaux par l'apparition de trois cas de fièvre ty-

phoïde, et j'ai paré au plus pressé en supprimant les points où les

eaux de la ville et celles de Sainte-Marguerite pouvaient se trouver

en contact'. » Il y aurait intérêt à consigner dans tous les i ap-

ports de ce genre, la nature de l'eau donnée aux malades, et à

procéder de temps en temps à des analyses chimiques et bactério-

logiques.

Le service hydrothérapique est défectueux, surtout par suite de

la répartition des appareils dans trois salles plus ou moins exiguës,

au lieu d'une seule salle vaste. Cabinets à la turque, fosses fixes ou

tinettes mobiles. Utilisation à la colonie du Verger. Chaise percée,

entourée de rideaux, la nuit, dans les dortoirs. C'est moins défec-

tueux que les baquets ; mieux vaudraient des cabinets intérieurs.

Avant 1800, le médecin-directeur, le De Rousseau, donnait assez

souvent des congés d'essai et des permissions de sortie. M. Lapointe,

non; M. Journiac, qui n'est à Auxerre que depuis dix-huit mois,

en a donné quelquefois.

Le pensionnat ne procure pas les bénéfices qu'on en espérait.

On est en train de le gâter comme nous l'avons vu pour celui

de Saint-Robert en obstruant la vue qu'avaient les pension-

naires de leur jardin, par la construction de deux pavillons d'iso-

lement. Il est surprenant que ni le médecin de l'époque, ni la

Commission de surveillance, ni les inspecteurs, n'aient pas pro-

testé... à moins qu'on ne les ait pas consultés du tout.

Aux cellules, dont celles de l'Asile clinique sont une copie, nous

avons vu, dans le couloir, des chaises pleines, en bois, très

épaisses, très lourdes.

- Le service médical comprend : : 9 médecin directeur, 1 médecin

adjoint, 1 interne ; le personnel secondaire : 2b surveillants et

' L'asile est alimenté- par la source de Sainte-Marguerite qui parait

avoir été polluée par des infiltrations superficielles et par un ru en com-

munication avec la nappe souterraine ? De plus, l'asile reçoit de l'eau de

la ville, contaminée .(Fièvres typhoïdes fréquentes à Auxerre).

312 BIBLIOGRAPHIE.

infirmiers pour 309 aliénés dont 309 indigents; 24 surveillantes et

infirmières pour 308 aliénées dont 257 indigentes; à la colonie,

pour 39 malades, il y a 1 chef de culture, 1 basse-courière, 3 surveil-

lants ou gardiens, 1 charretier et 1 reposant.

Les aliénés dits criminels et dangereux sont au nombre de 29

(22 hommes et 7 femmes), dont 2 assassins, 4 tentatives d'assas-

sinat, 1 incendiaire, 2 attentats aux moeurs, les autres : voies de

fait, menaces, vagabondage, etc.

L'asile primitif daterait de 1839. Il a été confié à des laïques.

Il a été reconstruit en 1859. Il passait alors pour un asile modèle

et en harmonie avec sa-population (450 pensionnaires). B.

IX. Rapport sur l'exercice 1901 de l'asile départemental de l'Allier;

par le Dr Charon, médecin directeur.

Le 1er janvier 1901, on comptait 557 malades (282 H. et 275 F.),

dont 17 cas de folie alcoolique. Les admissions dans l'année ont

été de 159 (92 H. et 67 F.), les sorties de 84 (46 H. et 37 F.), les

décès de 61 (44 H. et 17 F.). 11 restait, le 31 décembre, 572 malades

(284 H. et 288 F.). «Dans les admissions figurent 14 malades de la

Seine. En 1891, il y a eu 116 admissions; en 1901, 159. « Si on

défalque les 12 aliénés de la Seine venant d'Ainay-le-Chàteau, des

159 admissions, on obtient 147, chiffre sensiblement égal à celui

des années précédentes. Les cas d'aliénation mentale paraissent

donc être à peu près stationnaires dans l'Allier, depuis cinq ans

tout au moins. »

Parmi les malades admis pour la première fois, figurent 22 idiots

et imbéciles (15 H. et 7 F.). Dans les sorties figurent 66 par gué-

rison, 30 par amélioration, 11 par évasion. « Presque tous étaient

améliorés et jouissaient, pour cette raison, d'une assez grande

liberté, dont ils ont profité pour s'évader. »

Au sujet de la mortalité, 61 décès, M. Charon fait remarquer

qu'il faut tenir compte, dans son appréciation, d'un fait particulier.

De décembre 1900 à décembre 1901, il est entré à l'asile 16 ma-

lades venus de la colonie familiale d'Ainay-le-Château, dépendant

du département de la Seine. Ces malades, tous âgés, sont arrivés,

pour la plupart, dans un état d'affaiblissement très grand ; beau-

coup sont morts peu après leur entrée. En effet, sur ces 16 entrées

d'Ainay-le-Chàteau, il y a eu 16 décès, soit la proportion énorme

de 43,75 p. 100. Pour avoir donc une idée plus exacte de la mor-

talité à l'asile Sainte-Catherine, il est juste de défalquer ces ma-

lades du chiffre des décès et de considérer 54 décès sur une popu-

lation traitée de 700 malades. Le pourcentage est alors plus faible

et donne 7,71 p. 100. ,

12 des 61 décès sont dus à la tuberculose pulmonaire (9 II. et 3 F.).

(Il y en avait eu 16 en 1900). « Tous nos efforts, écrit M. Charon,

BIBLIOGRAPHIE. 313

tendent à améliorer cette situation, et 'depuis notre arrivée à

l'asile Sainte-Catherine, en juillet 1901, nous avons mis en oeuvre

autant que le permettent l'insuffisance et l'exiguité des locaux,

tous les moyens propres à combattre l'extension du fléau. Des

pancartes interdisant de cracher à terre, des crachoirs en nombre

suffisant ont été placés dans tous les quartiers ; le balayage humide

des salles est pratiqué tous les jours. Les aliénés tuberculeux sont,

sinon isolés dans un quartier spécial, comme cela serait dési-

rable, mais actuellement irréalisable, du moins placés dans des

chambres particulières, à l'écart des autres malades qu'ils peuvent

ainsi plus difficilement contaminer. Leur linge est mis de côté et

plongé dans des solutions antiseptiques avant d'être envoyé au

blanchissage; enfin, après le décès de chaque tuberculeux, leur

chambre est soigneusement désinfectée par les vapeurs de formol.

Cet ensemble de mesures hygiéniques, bien qu'on ne puisse en

juger par le trop court espace de temps écoulé depuis leur emploi,

parait avoir donné des résultats très favorables; deux nouveaux

cas de tuberculose ont été seulement constatés depuis près d'un

an. Il est à espérer que cette mortalité se restreindra encore. »

Du. le Dr Charon a bien voulu nous fournir quelques renseigne-

ments complémentaires. Depuis son arrivée à l'asile de Sainte-

Catherine, 1er juillet 1901, jusqu'au 30 juin 1902, il a accordé

12 congés d'essai (4 H. et 8 F.), 41 permissions de sorties (26 H. et

la F.), variant de quelques heures à plusieurs jours. Il n'a

observé aucun inconvénient à cette pratique, ce qui vient à l'appui

de ce qui se fait dans les asiles de la Seine et ailleurs.

Le personnel secondaire (infirmiers, infirmières et ouvriers)

comprend 54 H. et 35 F., total 89. Au cours de 1901, il y a eu

foi9 sorties et 72 entrées. c Ce mouvement considérable, dit

M. Charron, correspond aux premiers temps de mon administra-

tion, pendant lesquels j'ai cru devoir remplacer le personnel

presque tout entier. Les mutations, malgré la faible moyenne du

personnel, seront beaucoup moins nombreuses cette année. »

Jusqu'au 1 ? janvier 1902, les frais de culte dépassaient 2,000 fr.

par an, par suite de la présence d'un aumônier dans l'établisse-

ment ; soit, pour 1901 :

314 BIBLIOGRAPHIE.

occasion, que les asiles de la Seine n'ont plus d'aumônier, et que

l'asile de Villejuif et l'asile de la Maison Blanche n'ont pas de

chapelle. Bourneville.

X. La- prophylaxie et le traitement du criminel récidiviste; par

J. Morel (Rapport in-8°. Amsterdam, 1901).

A la suite du Congrès d'anthropologie criminelle de 1893, l'auteur

a été chargé de cette question pour le Congrès de 1901 dans lequel

il résume les opinions de tous les criminalistes, jurisconsultes et

psychiatres ayant pris part aux débats. La définition du criminel

incorrigible est difficile à fixer'. Celle de M. Morel est la suivante :

« Un individu né dans des conditions spéciales, ou devenu victime

après sa naissance d'un processus morbide ou d'un défaut d'adju-

vants dans ses premières années et qui conséquemment n'a pas

atteint le développement psychique indispensable à l'homme nor-

mal. Il faut donc que les autorités veillent sur ces arriérés pour les

soustraire a leurs milieux corrompus et à leurs parents. Que ceux

qui se sont fait remarquer soient l'objet d'un rapport spécial remis

à l'autorité administrative et même judiciaire. Qu'on les place dès

qu'on pourra dans des Instituts médico-pédagogiques 1 spéciale-

ment organisés, dans lesquels les parents pourraient au besoin faire

placer spontanément leurs enfants dont le défaut de développement

moral les inquiéteraient. F. B.

XI. La gymnastique de chambre sans appareils, avec 32 figures

explicatives, par le Dr de Frumerie (Paris 1902, Maloine éditeur).

Dans cet ouvrage, M. de Frumerie s'est proposé de vulgariser

un certain nombre de mouvements raisonnes de gymnastique de

chambre, que chacun peut exécuter chez lui, seul et sans appareils,

dans un but thérapeutique ou simplement comme exercice hygié-

nique.

Après quelques courtes considérations sur le bénéfice que l'on

peut tirer d'une pratique méthodique de la gymnastique de cham-

bre, sur la distinction du but des mouvements, sur leur sélection,

et sur les précautions préliminaires que comporte cette gymnasti-

que, l'auteur décrit d'abord les attitudes à prendre, ce que l'on

pourrait appeler les positions initiales, ensuite les divers mouve-

ments réglés à exécuter dans ces différentes attitudes plus ou moins

combinées les unes avec les autres.

La partie consacrée aux mouvements est naturellement beau-

coup plus étendue que la précédente, car ces mouvements sont

nombreux, variés, et l'auteur, après les avoir décrits, indique pour

1 Ce mot, ainsi que ceux de Traitement médico-pédagogique, ont été

créés par Bourneville.

.varia; 315 j

chacun d'eux son effet physiologique et son dosage convenable.

La terminologie, empruntée à la gymnastique suédoise et traduite

littéralement en français, surprend quelque peu le lecteur au pre-

mier abord; mais le tout n'est que de s'entendre, comme dit le

proverbe, et grâce aux nombreuses figures qui accompagnent le

texte, l'entente n'est ni longue ni difficile. L'ouvrage se termine

par quelques pages consacrées à la marche méthodique, puis à

des remarques générales sur l'application de la gymnastique de

chambre, et enfin par une sorte de table d'ordonnances ou d'indi-

cations des mouvements plus particulièrement appropriés à un

certain nombre d'affections courantes. Ce petit livre pourra avan-

tageusement être utilisé par le médecin et par le client. Le pre-

mier y trouvera des renseignements qui pourront, surtout s'il

n'est pas familier avec les pratiques de la gymnastique, lui être

d'une grande aide pour choisir et formuler les exercices de gym-

nastique de chambre applicables dans tel ou tel cas particulier,

soin qu'il doit toujours se réserver; et le second s'en servira avec

profit pour se diriger dans l'exécution correcte et méthodique

de ceux de ces exercices qui lui auront été conseillés par son méde-

cin.. Cb. 11 : PErtT-Vsnot..

VARIA.

Troisième congrès national d'assistance PUBLIQUE ET DE bienfaisance

privée .

Ce Congrès organisé sous le patronage du Comité national, dont

le Président d'honneur est M. le Dr Théophile Roussel, sénateur et

ie Président M. Casimir-Périer, ancien Président de la République,

se tiendra à Bordeaux pendant les vacances de la Pentecôte, du la''

au 7 juin 1903. Une commision locale d'organisation vient d'être créée

ayant à sa tête comme Président d'honneur M. le Dr Lande, maire

(le Bordeaux et comme Président M. Bayssellance, ancien maire

de Bordeaux. '

Les questions suivantes qui ferontl'objet de rapports imprimés

et distribués par avance, seront discutées dans les assemblées

générales : PEMIÈRF. QUESTION. Assistance publique : des moyens

pratiques d'établir un lien permanent entre l'assistance publique et

la bienfaisance privée. Deuxième question. - Assistance et édtcea-

'lion des enfants anormaux [arriérés, bègues, sourds-muets, aveugles,

epilepliques et autres). Troisième question. Instruction profession-

'Meee<s : <t;a<tOHd ! ipe ? 'ot)6HMOftda ! )'e des AdpttaM.r. Quatrième ques-

TION. Organisation de l'assistance aux valides trop âgés pour trou-

316 varia. '

ver du travail, sans l'être assez pour participer aux secours publics.

Les sections à leur tour discuteront plus particulièrement dans

leurs séances respectives les questions suivantes : Première

Section : Enfants ET Adolescents. -'4°Patronage desnozca·rissons;

2° Colonies de vacances ; 3° Ecoles de préservation pour les enfants

indisciplinés ou en danger moral ou confiés par les Tribunaux ci

l'Assistance publique en vertu de la loi de 1898. Tentatives et progrès

depuis 1900. Deuxième Section : Adultes valides ET MALADES. -

(Assistance médicale, visite des pauvres, assistance par le travail.)

1° OEuvres d'assistance matérielle et morale aux militaires et marins

sous les drapeaux et au moment de leur <t'6e ? a(tOH ; 2° Efficacité des

secours à domicile aux familles nombreuses, Troisième Section :

Vieillards, infirmes ET incurables, aliénés. 1° Assistance aux

mutilés, notamment aux victimes d'accidents du travail bénéficiaires

d'une loi récente; 2° Patronage des aliénés convalescents et guéris.

Des visites aux établissements hospitaliers et charitables, publics

et privés, de la région, compléteront le programme de cet impor-

tant congrès. Les adhésions et cotisations (20 francs), sont reçues

dès maintenant chez M. le Dr E. Régis, secrétaire général du con-

grès, 164, rueSaint-Sernin, à Bordeaux.

Asiles d'aliénés : CONCOURS DE l'adjuvat. Errata.

Nous avons inséré dans notre numéro de janvier dernier (p.416)

les résultats du dernier concours, tels qu'ils nous avaient été

fournis. La note ne donnait aucun renseignement sur les épreuves

cliniques. Or, ces épreuves ont eu lieu à l'Asile clinique, chaque jour,

pendant une semaine. Cette épreuve fondamentale consistait en

l'examen de deux aliénés; une demi-heure d'examen, une demi-

heure d'exposition. Ajoutons qu'il existe aussi une épreuve sur

titres dont la cote avait été donnée avant la correction de toute

épreuve écrite (Voir le texte de l'arrêté relatif à ce concours dans

le n° de juillet 1902 des Archives (p. 70).

CONCOURS POUR la nomination A deux places D'INTERNE EN médecine

A l'asile d'aliénés DE CLERMONT, (OISE).

Le concours sera ouvert à neuf heures précises à l'asile de Cler-

mont, le jeudi 5 mars 1903. Les candidats qui désirent prendre

part à ce concours devront se faire inscrire à l'asile de Clermont,

bureau de la direction, tous les jours, les dimanches et fêtes

exceptés, de neuf heures à midi et de deux heures à cinq heures

du soir, du 10 février au 1 ? mars.

Conditions de l'admission au concours et formalités à remplir : ''

Pourront prendre part au concours tous les étudiants en médecine

ayant moins de trente'ans révolus le jour de l'ouverture du con-

cours. Ils devront remplir les conditions suivantes : 1° Etre Fran-

' VARIA. 317

çais et avoir satisfait à la loi de recrutement (acte de naissance,

livret militaire) ; 2° Avoir seize inscriptions (certificat de la

Faculté) ; 3° Produire un certificat de bonne vie et moeurs.

N. B. Si le nombre des candidats le permet, le 3° et le 4° pourront

être désignés, dans l'ordre du classement, pour être titularisés en

cas de vacances ultérieures.

Epreuves du concours. Le concours portera sur les matières sui-

vantes : 1° Epreuves d'admissibilité. Epreuve écrite de trois heures

sur un sujet d'anatomie et de physiologie ; 2° Epreuve définitive.

Epreuve orale de quinze minutes, après dix minutes de réflexion

sur la pathologie interne, la pathologie externe et la petite chi-

rurgie. Le maximum des points à accorder pour chaque est : pour

l'épreuve écrite : 30 points ; pour l'épreuve orale : 20 points.

Avantages attachés à la fonction. Les internes recevront le

logement, la nourriture, le chauffage, l'éclairage, le blanchissage

et un traitement annuel de 800 francs. La durée de l'internat est

de trois ans. Les internes pourront passer leurs thèses dans cet

intervalle sans être obligés de renoncer à leurs fonctions. Fait à

Clermont, le 31 janvier 1903. Le directeur de l'asile, LESVJKR.

Ce concours est annoncé trop tardivement pour attirer les can-

didats en nombre.

BRITISH MEDICAL ASSOCIATION. CONGRÈS ANNUEL

Section de méd. psychologique. (British mcd. Jour., 30 août 1902.)

La section a entendu un exposé du Dl G.-W. blOULD président, sur

les progrès modernes de l'hospitalisation et de la thérapeutique des

aliénés. Discussion générale entre MM. Bucknill, Hack Tuke

Maudsiey et Cr. Brown. La victoire est restée sans contredit au

cottage System et aux asiles pavillonnaires dont le Cheadle-Royal

Asilum de Manchester fut le premier type érigé en 1862.

Sir John Sibbald a parlé ensuite des soins à donner aux malades

mentaux hors l'asile fermé. Ce dernier imprime, quelle que soit

sa perfection, un stigmate particulier à ceux qui y ont passé;

aussi doit-on ériger à côté des établissements de ce genre des

cliniques ouvertes où ces malades, dès le début et les premiers

signes de maladie, puissent être traités durant un temps plus ou

moins long, voire même comme traitement externe par consulta-

tion ouverte. Ces institutions cliniques spéciales seraient outillées

selon les dernières données de la thérapeutique contemporaine

(alitement, observation continue) et confiées à la direction d'alié-

nistes de carrière. Sir John Sibbald cite comme type du genre

l'hôpital spécial du De Pontopidan, à Copenhague, datant déjà de

plus de trente ans. L'intérêt de l'enseignement se trouve là con-

cilié avec celui dès malades. Cette communication a servi de base

aux décisions de la section. ' . , A. M.

318 faits divers.

Une IDIOTE A l'état sauvage

Sous ce titre : Un être mystérieux, la Petite Gironde du

25 septembre raconte l'histoire bizarre qui suit :

Depuis quelque temps, les habitants de -la paisible cité d'Oron,

dans le canton de Vaud, passaient par des transes épouvantables.

Toutes leurs nuits étaient troublées par les promenades d'un fan-

tôme, un véritable fantôme, affirmait-on, et non pas les gamine-

ries d'un sinistre farceur. Plusieurs personnes voulurent en avoir

le coeur net et proposèrent une expédition nocturne pour éclaircir

ce mystère, mais la majorité des habitants s'y opposa, en disant

qu'il fallait laisser le fantôme subir les tourments auxquels il avait

été condamné. 'Si on interrompait ses promenades, un désastre

épouvantable ne manquerait pas de s'abattre sur la région.

Or, hier, un simple gendarme, en faisant' sa tournée, se trouva

'dans un bois face à face avec le fantôme, et grande fut la stupé-

faction du brave Pandore en constatant que le spectre était une

jeune fille, âgée d'une quinzaine d'années, muette et idiote. Elle

n'avait sur elle pour tout vêtement qu'un morceau de toile dont

on fait les sacs; sa chevelure, toute embroussaillée, retombait sur

ses épaules. La plante des pieds est formée d'une corne épaisse, et

la malheureuse, retournée presque à l'état sauvage,.rampe et

marche à quatre pattes comme un animal.'On ignore d'où elle

vient, et on ne possède aucun renseignement sur son identité.

Ce cas rappelle celui du Sauvage de l'Aue·oz, qui a fait

l'objet de deux mémoires remarquables d'Itard, que nous

avons réimprimés dans notre Bibliothèque d'éducation spé-

ciale. La publication de l'histoire de cette idiote ne manque-

rait sans doute pas d'intérêt. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. Mouvement de jan-

vier 1903. M. le Dr CosTA, médecin-adjoint à l'asile. de Marseille,

nommé médecin-inspecteur du service des aliénés du départe-

ment des Alpes-Maritimes, est maintenu dans ses fonctions de

médecin-adjoiut et conserve son rang pour être nommé, ultérieu-

rement, médecin en chef. M. le Dr ALLA-MAN, médecin-adjoint à

Blois, nommé médecin-adjoint à Marseille, en remplacement de

M. le Dr Costa. M. le Dr Mercier, reçu le premier au concours

d'adjuvat, est nommé médecin-adjoint de l'asile dePierrefeu (Var),

, . FAITS DIVERS.. - - - 31û

en remplacement de M. le Dr Pélissier, nommé à Marseille. M. le

D''Marchand, médecin-adjoint à l'asile de Bailleul (Nord), nommé

médecin-adjoint à l'asile de Blois, en remplacement de AI. le

DAllamau,nommé â Marseille. M. le Dr BÉcuE, médecin-adjoint à

l'asile de Rafond (Charente-Inférieure), nommé à l'asile de Bailleul

en remplacement de M. le Dr Marchand nommé à Blois. M. le Dr

Carcans, second du coucours'd'adjuvat, nommé médecin-adjoint. à

l'asile de Lafond (Charente-Inférieure), en remplacement du Dr

Bécue, nommé à Bailleul. M. le Dr Bonne, médecin-adjoint à

l'asile de Braqueville (Haute-Garonne), nommé à la première classe

du cadre.

Distinctions honorifiques. Sont nommés chevaliers de la

Légion d'honneur : M. RAOUL, directeur de l'asile d'aliénés de

Bron (Rhône); M. Rémond, professeur à la Faculté de médecine de

Toulouse (chaire des maladies mentales); M. Régis, chargé du

cours à la Faculté de médecine de Bordeaux (chaire des maladies

mentales). Nous adressons nos plus vives félicitations à notre ami

et collaborateur Régis.

REms'ra Frenopatica espanola, organo cientifico del manicomio

de son Baudilio de Llobregat, periodico mensual illustrado direc-

tor : Dr Rodriguez-Morini. Nous venons de recevoir le premier

numéro de cette Revue qui comble une lacune -de la presse médi-

cale espagnole.

Société D'ÉTUDES psychiques DE MARSEILLE. Il est ouvert, parles

soins de la Société d'études psychiques de Alarseille (41 , rue de

Rome), une enquête scientifique sur les stigmates et généralement

toutes marques ou particularités corporelles, attribuées, dans l'opi-

nion populaire, à une influence de la pensée sur le corps. Pour

l'étude d'une question qui intéresse tout le monde, la Société a cru

pouvoir compter sur le concours du public.

Toute personne, mère de famille ou autre, en possession de

documents intéressants sur le sujet, notamment de ces faits si

courants d'influence supposée de l'esprit de la mère sur'le corps

de l'enfant à naître 1, est priée de vouloir bien les adresser à M. 1(-

Dr Goudard, vice-président de la Société, et président de la com-

mission qui les étudiera et les classera pour en tirer les conclusions

qu'ils comporteraient. Les personnes qui désireraient conserver

l'anonymat sont prévenues qu'aucune publication ne sera faite avec

les noms propres sans l'autorisation des auteurs. '

Hospice de la Salpêtrière. Maladies mentales et nerveuses,

M. J. Voisin : jeudi à 10 heures. , , ,

' On trouvera de nombreux renseignements sur cette question' dans la

collection des C07nple-rendiis du service des enfants de Bicêtre.

320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Hôtel-Dieu. M. G. Ballet a repris ses leçons cliniques (Trai-

tement des maladies nerveuses), le Dimanche 1er février, à 10 heures

(Amphithéâtre Trousseau), et les continue les dimanches suivants

à la même heure. Consultation externe et policlinique, le samedi

à 9 h. 1/2 (Salon de la Salle Sainte-Anne).

Hospice DE Bicêtre. Maladies nerveuses et mentales des enfants ;

M. Bourneville, le samedi à 9 h. 1/2 très précises.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

ÂLOMBERT Gouet (J.-G.). L'internement des aliénés criminels. In-8"

de 208 pages. J.-B Baillière, éditeur.

CHIP.1ULT (A.). - Etat actuel de la chirurgie nerveuse. T. I". In-8° de

800 pages avec 230 figures. Paris 1902. Rueff éditeur. Prix : 25 francs.

Deny (G.) et Roy (P.). La démence précoce. In-18 de 96 pages

(Actualités médicales). Prix : 1 fr. 50; J.-B. Baillière, éditeur.

JENN)XGS (Oscar).- La guérison de la morphinomanie sans souffrance.

In-18 de 232 pages. Prix : fi-aiics.

GnAssET(J). Leçons de clinique médicale, 4 ? série. 1 vol, iii-80 de

756 pages. Librairie Masson et CI«, 120, Boulevard Saint-Germain. Prix :

12 francs.

LAFAIiQUE (Georges). La poéluberculose et le sanatorium de Banyuls-

sun-bler. In-8° de 48 pages. Librairie C. Naud, 3 rue Racine Prix : 1 fr. 50

Martin Baru. - illeiittil defeclives : 77te ? Classification azzcl Training.

In-8° de 14 pages. -

Mleus (Fr.). De la clémence précoce chez les jeunes yens. In-8° de

86 pages. Gand, 1902. Vander Haegken, imprim.

Pieraccini (G.). - La serillui,a a specchio ed il centro moture grafico

aulonomo. In-8- de 548 pages.

RENOULT (Paul-Louis). Contribution à l'élude des rapports de l'idiotie

et du rachitisme. Librairie Jules Rousset, 1 vol. in-8°, de 84 pages. Prix :

2 fr. 50.

Rogues de Fursac (J). Manuel de Psychiatrie. 1 vol. in 12 de 314

pages. Librairie Alcan, 108, boulevard Saint-Germain.

RuMLER. Les maladies sexuelles contagieuses ainsi que les pW) ! -

cipes fondamentaux de leur traitement. In-8" de 96 pages. Genève. 1902.

RuMLER. Cause, nature et guérison de la neurasllténie. In-8 de 342

pages. Genève. 1902.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Ch. Héhissey, imp. 2-lool.

Vol. XV. - Avril 1903. NO 88.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

HISTOIRE ET CRITIQUE.

Physio-psychologie des religieuses; les religieuses

de Port-Royal. '

(Cinquième série de cinq observations).

Par le Dr Cwo.ns BINET-SANGLÉ, professeur à l'Ecole de psychologie.

. Observation I. Marguerite Dupré.

Etol général.-Lorsque, le 28 décembre 1651, Marguerite Dupré

entra au monastère de Port-Royal, elle était « dans un état d'in-

firmité qui visiblement devoit durer toute sa vie i. « J'étois

sujette, éci it-elle, à de grandes migraine ? et à des maux d'estomac

et de rein qui avoieut beaucoup augmenté depuis deux ans 2. »

L'abbesse de Port-Royal Jacqueline Arnauld la saigna, lui fil

prendre divers remèdes, et, pendant un an, elle jouit d'une meil-

leure santé. Mais deux mois après sa profession, c'est-à-dire à la

fin de février 1653 (la profession ayant lieu d'ordinaire un au après

la prise d'habit), elle tomba gravement malade.

« Cette maladie, qui étoit toujours accompagnée de grande :

fièvres, me dura une année toute entière et me mit à l'extrémité,

L'année suivante, je jouis d'une santé passable, mais je ne tarda

pas d'être de nouveau enveloppée d'infirmités à cause qu'il se for.

moit dans mon corps des abcès qui 'manquèrent de me donner ir

mort sur la fin de l'année 1657, ce qui a continué jusqu'au mot

de janvier 1662 3. » C'étaient des abcès de foie. En effet sa bio

' Jérôme Besoigne, Histoire de l'abbaye de Port-Royal. A Cologne

aux dépens de la NIDCCLII, t. II. 20t

' Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal et de plu

sieun persomies qui leur étaient attachées, etc ? Aux dépens de l

Compagnie. MUCCLJ, Il.

3 Vies, 11, 3G4.

Archives, 2- série, t. XV. 21

322 HISTOIRE ET CRITIQUE.

graphe la soeur Angélique Arnauld d'Andilly nous apprend qu'elle

avait, depuis plusieurs années, un « abcès dans le foie qui ne la

laissoit jamais sans douleurs ». « En ces quatre années (fin 1657

janvier 1662), continue Marguerite Dupré, j'ai été seize fois à l'ex-

trémité et j'ai reçu deux fois les derniers Sacremens; pour ce que

ces abcès se vuidoient de tems en tems, et il s'en formoit de nou-

veaux ou les mêmes se remplissoient : ce qu'il y a de certain c'est

que pendant ce tems-là j'étois accablée de fièvres, de vomissemens

et de coliques très violentes. Outre ces accidens, qui survenoient

de tems en tems, j'étois dans de continuelles infirmités. La dou-

leur de mon côté droit ne me donnoit aucune heure de relâche, et

m'étoit le plus souvent presque insupportable. Je ne me pouvois

plus tenir à genoux, ni debout, à cause des nerfs qui se tendant

me faisoient faillir le coeur. L'humeur de mes abcès étoit si ma-

ligne que, quand elle s'épanchoit dessus les nerfs, ce qui arrivoit

assez fréquemment, elle me rendoit comme paralytique. En un

moment je demeurois sans pouvoir plus me remuer ; de sorte qu'il

me falloit me rapporter des lieux où j'étois. On me fit appliquer

deux cautères aux bras ; mais la malignité de l'humeur étoit si

grande, que l'on fut contraint de les ôter, de peur que je ne

devinsse impotente des deux bras, comme je commençois déjà,

ne les pouvant plus étendre. Les coliques étoient fort fréquentes

et le dégoût continuel, et quelquefois il étoit si grand que je vo-

missois tout ce que je prenoiS2 ». « Les maux de cceur qu'elle

avoit presque toujours, dit de son côté Angélique Arnauld d'An-

dilly, faisoient qu'elle avoit extrêmement besoin d'air et ne pou-

voit vivre sans cela 3 ».

Quelques renseignements nous sont parvenus sur les complica-

tions qui survinrent pendant ces quatre années. « Au commence-

ment de 1660, elle tomba dans une dangereuse maladie, dont elle

revint cependant à force de remèdes, mais qui la laissa très affai-

blie4 ». « A la première signature des Religieuses, en 1661, elle

tomba malade à l'extrémité de la douleur qu'elle ressentoit d'avoir

été obligée de faire ce qu'elle avoit résolu de ne jamais faire, quoi-

que cette signature se fit avec restriction « ». En effet, douze jours

après la mort de Jacqueline Arnauld, c'est-à-dire le 18 août 1661,

« je tombai, dit-elle, dans un de mes grands accidens, ayant la

fièvre continue, accompagnée de rêveries, de vomissemens si grands,

que l'on n'attendoit que la mort x. A peine relevée, « je retombai

1,ics, II. 378.

- Vies, 11, 364.

3 Vies, II, 379.

1 Vies, II, 373.

Jérôti)e Besoigne, II, 204.

° Vies, lI, 364-7.

PHYSI0-PSYCH0L0GIE DES RELIGIEUSES. 323 3

malade d'une dissenterie à la fin de septembre, et l'on croyoit que

je n'en reviendrois pas. Je relevai encore de cet accident; mais je

continuai d'avoir les infirmités que j'ai dit m'être ordinaires et qui

étoient causées par ces abcès. Au commencement de l'année 1662,

mon mal s'augmentoit de jour en jour 1 ». Le médecin lui ordonna

du vin émétique.

« 11 lui prit en même tems de grandes peines d'esprit sur quel-

ques péchés qu'elle croyoit avoir commis °- », et, pour se faire

pardonner une de ces fautes, elle commença une neuvaine le

16 janvier 1662. « Le lendemain 17, comme elle prioit devant un

tableau de la mère Angélique 3 » (Jacqueline Arnauld), « il me vint

en pensée, dit-elle, de la prier de m'obtenir du soulagement dans

mes maux, seulement pour trois mois, et que ce me seroit une vraie

marque que je n'avois pas offensé Dieu dans cette occasion que je .

craignois. En même tems je pris une petite croix rouge, qui étoit

faite de celle qu'elle avoit portée, avec laquelle je fis trois signes

de croix sur mon côté malade, la priant que, comme elle avoit

autrefois demandé àDieu de faire toutes les observances seulement

pendant trois ans. elle m'obtint la même grâce pour un an, et que

même les trois mois me suffiroient : je ne lui demandois pas d'être

sans douleurs, mais qu'elles fussent telles que je pusse m'acquitter

des observances, et qu'elles ne m'obligeassent point à me servir de

remèdes. Dans le même tems je fus quitte de toutes mes infir-

mités et de toutes mes peines; et chaque jour de la neuvaine, je

rentrai dans quelqu'une des observances dont j'étois exempte à

cause de mes infirmités; tellement que le dernier jour j'étois dans

tous les exercices de la Communauté, même au jeûne, et je n'eus

plus besoin de tous les remèdes dont j'usois continuellement, et

dont je ne pouvois me passer. Je les quittai tous; et depuis ce tems

je n'en ai usé d'aucun, et n'ai manqué à aucune observance pour

cause d'infirmité depuis le 17 janvier 1662... jusqu'au 27 mars.J'ai

été trois mois dans une parfaite santé : au bout de ces trois mois les

douleurs ont recommencé, mais avec tant de modération, comme

j'en avois prié la mère Angélique, que je ne me suis plus servi de

remèdes et que j'ai depuis assisté à toutes les observances'1 ».

Les dévots médecins de Port-Royal crurent à un miracle. Nous

pouvons aujourd'hui nous rendre mieux compte des faits. Voici

comment les phénomènes paraissent s'être succédé :

1° Un an environ après son entrée à Port-Royal, Marguerite

Dupré, déjà souffrante d'algies diverses, est atteinte d'une maladie

qui se manifeste par de grands accès de fièvre, et dure une année

entière ; 0

' Vies, IL 364-7.

1 et 3 Jérôme Besoigne, I, 476.

1 Vies, 1,367.

324 HISTOIRE ET CRITIQUE.

2° Après une autre année de santé passable, il se forme chez

elle des abcès du foie, dont elle nous décrit la marche inégale,

les alternatives de reprise et de rémission, la douleur fixe et

violente qui, sous peine de syncope, condamne les malades à

l'immobilité dans le décubitus dorsal, l'inappétence absolue, les

nausées, les vomissements, la fièvre, les rêvasseries des paro-

xysmes. A ces symptômes s'ajoutent des attaques soudaines de

paralysie et des contractures en flexion des bras qui, rapprochés

des migraines et des « maux d'estomac et de rein » de notre

religieuse, nous permettent de porter le diagnostic d'hystéro-

neurasthénie.

3° L'hépatite suppurée présente avec la dysenterie des affinités

si intimes qu'Annesley a proposé d'introduire dans la nomencla-

ture la dysenterie hépatique. Cette maladie s'observe non seulement

dans les pays chauds mais aussi dans nos climats, où elle peut

donner lieu, comme l'a montré Netter, à de grands abcès. Bien que

la maladie dont Marguerite Dupré fut atteinte en février 1653,

paraisse être la malaria, maladie endémique au monastère de

Port-Royal, à cause des étangs peuplés de moustiques qui l'entou-

raient, il est probable que l'agent de la dysenterie joua un rôle

dans l'hépatite suppurée de cette religieuse, et que c'est à lui

qu'il faut attribuer surtout les vomissements répétés et les coli-

ques « fort fréquentes» et «très violentes» » qu'elle nous signale.

Quoi qu'il en soit, à la suite d'un paroxysme occasionné par une

émotion dépressive (signature du formulaire), la dysenterie, ma-

ladie également endémique à Port-Royal, se déclare chez Mar-

guerite Dupré.

4° Elle s'accompagne d'angoisses morales, dues vraisemblable-

ment à une légère altération des neurones corticaux provoquée

par elle, et la malade est ainsi conduite à faire une neuvaine, au

cours de laquelle elle demande le soulagement de ses maux pen-

dant trois mois.

5° L'hépatite suppurée procède par poussées congestives inter-

rompues par des rémissions trompeuses. Il se peut donc qu'il n'y

ait eu qu'une simple coïncidence entre la prière en question et l'une

de ces rémissions. Mais il se peut aussi que celle-ci se soit produite

par autosuggestion. L'hysléro-neurasthénie du sujet, sa crainte

d'avoir offensé Dieu, son ardent désir de s'acquitter des obser-

vances, la rapidité de l'atténuation des symptômes, l'égalité de

durée entre la rémission demandée et la rémission effective,

plaident en faveur de cette hypothèse, que légitiment d'ailleurs les

relations existantes entre les neurones à images et à idées et les

neurones pathiques et vaso-moteurs. Quoi qu'il en soit, il n'est pas

douteux que la cessation des angoisses morales de Marguerite

Dupré ne soit due à l'autosuggestion.

Les trois mois écoulés, elle recommença à souffrir de « plusieurs

PHYSIO-PSYCHOLGGIE DES RELIGIEUSES. 32S

incommodités, », et, en 1664, il se produisit un réveil de ses co-

lonies hépatiques. « Elle tomba malade, le jour des Saints Inno-

cens, d'un abcès qu'elle avoit au côté et qu'elle avoit caché tant

qu'elle avoit pu ! ». Toutefois, l'archevêque de Paris étant venu la

voir, « elle se traîna comme elle put au parloir' ». Cette nouvelle

poussée s'accompagna d'angoisses morales, qui furent attribuées

à l'affaire de la.signature, et de crainte de la mort.

A la fin de juin 1666, elle retomba malade. Le 2 juillet, il lui

prit « une fort grande colique à quoi elle étoit sujette ». Elle

assista à Vêpres avec un visage de mort, et passa toute la nuit

« dans de grandes douleurs et de grands vomissemens 5 ». Le len-

demain 3 juillet, elle dut s'aliter. Les remèdes ne lui procurèrent

aucun soulagement, « sinon qu'elle avoit des intervalles où la dou-

leur étoit plus modérée° ». « Le médecin l'avoit fait saigner, et il

trouva le sang extraordinairement corrompu'. ». Dans la nuit

du 4 juillet, qui était environ le dixième jour de la maladie, son

état s'aggrava. « Les douleurs ne lui donnoient point de relâche,

non plus que ses vomissemens. » Le pouls était fort, mais les forces

s'épuisaient. On lui administra un remède. « D'abord l'opération

alla assez bien, mais ensuite tout d'un coup tout s'arrêta, et ses

douleurs augmentant, elle changea si fort en une heure, dit Angé-

lique Arnauld d'Andilly, que quand je rentrai dans sa chambre et

que je jettai les yeux sur elle, je vis la mort sur son visage". » Les

selles et les vomissements avaient cessé. Elle souffrait de douleurs

intenses. Elle était sans forces, et avait grand peine à parler. Elle

resta dans cet état de onze heures du soir à deux heures du matin.

A deux heures, « elle fit un mouvement de tête, comme pour se

retourner sur le côté, et dans le même instant... elle perdit la parole

et la connoissance9 ». Mais parole et connaissance revinrent, et

elle fit preuve « d'une entière liberté d'esprit jusqu'à un demi-quart

d'heure avant d'expirer 10 », « tenant en main le crucifix qu'elle

adoroit dans une grande paix, et suivant avec une attention mar-

quée les prières que la Communauté récitoit pour elle il. ».

Caractère. Orgueilleuse et d'un« naturel prompt et vif»13,

elle devint, sous l'influence des suggestions religieuses,

1 Jérôme Besoigne, I, 476-7.

' et 3 lbid. II, 208.

', ', °, ' Vies, il, 381.

'et Vies, II, 384.

10 Vies, il, 38s.

Jérôme Besoigne, II, 335.

" Vies, II, 373.

326 HISTOIRE ET CRITIQUE.

retenue, silencieuse et humble. Elle 'se disait « une pauvre

ignorante » 1, et s'occupait des travaux les plus bas.

Tristesse. Elle présentait une prédisposition à la tristesse.

En 1661, la dysenterie se déclara chez elle à l'occasion d'une

douleur morale. En 1662, ses abcès du foie s'accompagnèrent

de « grandes peines d'esprit ». En 1664, pendant son exil aux

Annonciades de Saint-Denis, la nouvelle que des religieuses

de Port-Royal avaient signé le formulaire2 la plongea dans

l'abattement : Pressée elle-même par l'archevêque de Paris

de se rendre, « elle passa cinq jours à pleurer, désolée de

l'état où elle se trouvoit, partagée entre la crainte d'offenser

Dieu en signant, et d'avoir toujours à souffrir en ne signant

pas », « peinée et excédée d'angoisses»3. Elle finit par se

soumettre, et n'y gagna que de nouvelles inquiétudes. Le

jour de sa rentrée à Port-Royal, elle resta dans un coin de

l'église « priant et pleurant » 1. En ce temps là, « elle dor-

moit peu la nuit »°. Enfin, s'étant convaincue que la signa-

ture était un mal, elle s'accusa de sa faute « dans les termes

les plus humbles et les plus touchants et avec une grande

abondance de larmes »6. « Depuis ce moment, elle sentit la

plus grande joie qu'elle eût jamais éprouvée, mêlée avec une

intime douleur de son péché nT. Elle continua d'ailleurs à le

pleurer et en eut d'affreux remords.

Suggestibilité. Elle disait à propos de la rémission pseudo-

miraculeuse de son mal : « Je n'ai pas seulement reçu cette

grâce par l'intercession de notre chère mère, mais bien

d'autres très secrètes et très considérables que je ne puis

publier ; et je puis assurer que je ne me sens jamais inspirée

de demander quelque chose à Dieu que je ne l'obtienne par

son intercession»8. Cela donne la mesure de sa suggestibilité.

' Jérôme Besoigne, II, 206.

5 Recueil des pièces relatives it la signature du formulaire, pour servir

à l'histoire des religieuses de Port-Royal. Relation de ce qui s'est passé

à Port-Royal depuis le commencement de l'année 1661, jusqu'au joui de

l'enlèvement des religieuses, etc., p. 14.

1 Jérôme Besoigne, il, 208.

4et 1 Ibid., II, 215.

° Vies. II, 373.

' Jérôme Besoigne, II, 215.

8 Vies, II, 368.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 327

Elle était professe d'un couvent de la Congrégation de

Notre-Dame en Flandre, lorsque, « au bout de deux ans, le

18 décembre 1651, elle futreçue àPort-Royal, sans dot »1. Là,

elle subit les suggestions d'Antoine Singlin, directeur des

religieuses, et de l'abbesse Jacqueline Arnauld, qui, dit-elle,

« prit possession de mon coeur »2. Ayant refusé de signer le

formulaire antijanséniste de 1661, elle fut, en 1664, exilée

aux Annonciades de Saint-Denis3. Elle y faisait neuf neuvai-

nes par jour. Dans les premiers temps, elle se glorifiait de

sa résistance, mais au bout de dix mois de captivité, « elle se

laissa tellement emporter par la considération de l'obéis-

sance aveugle à son supérieur, qu'oubliant tout autre chose,

elle signa purement et simplement, le formulaire entre les

mains de M. de Père6xe » 1, ce qu'elle fit « avec un grand

trouble »1. « Elle étoit alors malade et elle craignoit de

mourir dans une désobéissance criminelle »6. « Elle signa

aussi le nouveau formulaire avec le mandement de M. l'arche-

vêque » '. Revenue à Port-Royal et soumise de nouveau aux

suggestions jansénistes, elle rétracta sa signature et refusa

de signer le formulaire de 1665. Bien plus, voulant multi-

plie)' les preuves de son repentir, elle fit de sa rétractation

plusieurs copies qu'elle jetait par les fenêtres et par-dessus les

murs du monastère, alors bloqué.

Observation II. Anne-Marie de Flécelles de Brégy.

Ascendance. - En 1664 (trente et un ans), Anne-Marie de Flé-

celles de Brégy avait encore une de sesgrand'mères. En juin 1665,

(trente-deux ans), son père vivait encore. En mai, il l'engagea

en pleurant à signer le formulaire antijanséniste. Il avait un

frère ecclésiastique, l'abbé de Flécelles. Celui-ci étant allé voir sa

nièce ce même mois, pour l'engager aussi à signer, « il se saisit

extraordinairement en me parlant, dit-elle, et ce saisissement

joint à son grand âge et à une indisposition actuelle où il étoit

1 Jérôme Besogne, II. 204.

5 Vies, II.

Il 11 s'agit des Annonciades célestes ou Filles bleues, institution fondée à

Gênes en 1601 par une veuve Maria Vittoria Fornari et son amieVincen-

tina Lamelli. Cet ordre possédait 50 maisons en Italie, en France et en

Espagne. Le nom d'Annonciades commémorait la légendaire annonciation

de la Vierge.

', 3, °, ' Vies, 11, 371. 1.

328 HISTOIRE ET CRITIQUE.

alors, me fit craindre qu'il ne tombât dangereusement malade. La

mère supérieure lui venant dire adieu, le trouva sans parole t. »

La mère d'Anne-Marie de Flécelles de Brégy était coquette, « grande

façonnière et la plus vaine créature qui soit au monde » dit Talle-

mant des Réaux. Elle essaya aussi de lui faire signer le formulaire,

employant « des menaces effrayantes, qu'elle accompagnoit de

reproches piquans et de beaucoup de duretés 2 ». Enfin cette reli-

gieuse était parente de Jean-François-Paul Philippi dit de Gondi,

cardinal de de Retz.

Etat général. Elle naquit en 1633. Le Supplément au Nécrologe

de Port-Royal parle des « fréquentes maladies auxquelles elle

était sujette 3 ». « Quelque tems après ma profession (1660,

vingt-sept ans), écrit-elle, il m'arriva une fâcheuse incommodité

qui faisoit que je ne gardois presque pas de nourriture 4.» Le

29 novembre 1664 (trente et un ans), jour de son enlèvement de

Port-Royal, elle se trouva « fort mal ». La même année, ayant

appris que plusieurs-religieuses avaient signé le formulaire, « la

douleur que j'en ressentis, écrit-elle encore, la crainte de tomber

moi-même et la violence que je me fis pour cacher les angoisses de

mon coeur sous l'apparence d'une égalité et d'une force que rien

n'altère..., me fit tomber dans des incommodités corporelles que

le tems n'a point réparées. » « Les jours gras (1665, trente-deux

ans), je me trouvai dans un accablement d'esprit épouvantable sur

des sujets qui n'avoient rien de commun avec la signature. Je me

fis toutes les violences possibles pour n'en témoigner rien au

dehors, et pour conserver mon assiette ordinaire. Cette contrainte

autant que les peines mêmes, jointe à la douleur que me cau-

soient les signatures nouvelles que j'apprends, me causa un cra-

chement de sang qui m'incommoda fort. » Il est difficile de dire

si l'affection que révèle ce symptôme fut la cause ou l'effet de ces

émotions. En août 1666 (trente-trois ans), elle tomba dangereuse-

ment malade. Elle mourut le 1 ? avril 1684, vers 8 heures du

matin, à l'âge de cinquante et un ans.

' Recueil de pièces relatives à la signature du formulaire, pour servir à

l'histoire des religieuses de Port-Royal.

Relation de la captivité de la scenr Anne-Marie de Z de

Flécelles de Brégi, Religieuse de Port-Royal des Champs, écrite par

elle-même, p. 24.

1 Jérôme Besoigne, I, 582.

Supplément au Nécrologe de l'abbaïe de Noire-Dame de l'orl-Roïal-

des-Champs, ordre de Cileaux. institut du Saint-Sacrement, etc.,

D1DCCX1XV. ' -'

* Recueil de pièces, etc,, Belatioii citée, 16.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 329 9

Intelligence et caractère, - On lui attribuait un « grand génie 1 »,

« un esprit de premier ordre et un courage dont il y a peu d'exem-

ple2 ». Elle-même ne se reconnaissait qu'une « volonté droite et

sincère dans une intelligence très simple et très bornée3 ». Dans

le milieu d'ignorantes où elle vivait, elle passait pour une savante.

Elle parlait et écrivait avec force et élégance, disait-on. Elle fit

preuve dans sa jeunesse d'un orgueil que la règle et les sugges-

tions du monastère ne purent entièrement dompter, bien qu'elle

se comparât dans la suite à un ver de terre.

Tristesse. L'affaire du formulaire la plongea dans la tristesse.

Exilée aux Ursulines de Saint-Denis, elle assista, le jour de son

arrivée, « aux deux récréations qui lui furent d'autant plus pénibles

qu'elles étoient fort gaies ».

Chaque signature nouvelle la plongeait « dans la douleur extrême

et le tremblement 6 ». Et, lorsqu'elle quitta les Ursulines, le

5 juillet 1665 (trente-deux ans), elle versa des larmes.

Amours. Comme elle était pensionnaire à Port-Royal, l'abbesse

Jacqueline Arnauld la reprit un jour de telle sorte que son orgueil

eût à en souffrir. « Cela me fut sensible d'abord, dit-elle, néan-

moins jamais je n'aimai si tendrement cette mère que depuis ce

tems là ; et il me sembloit que je lui étois quelque chose puisqu'elle

prenoit soin de Moi ». D'autres fois, il lui arrivait de dire

qu' « elle ne tenoit à personne 8 ».

Craintes. -Elle écrivait au sujet de son enlèvement de Port-

1'toyal : « Je trouvois la grâce que Dieu nous faisoit si grande, qu'elle

me transportoit de joie; mais la crainte de n'en pas faire un saint

' Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal et de

plusieurs personnes qui leur étoient attachées, etc.. Aux dépens de la

Compagnie MDCCLI.

Supplément au Nécrologe, 509.

3 Recueil de pièces. Relation citée, 9.

1 L'ordre des Ursulines, fondé en 1537 par Angeta de Brescia, comptait

environ 300 couvents en France avant la Révolution. On y recevait l'habit

religieux à partir de quinze ans.

Jérôme Besoigne, lI, 128-9.

0 Recueil de pièces.-Relation citée. 60.

' Mémoires pour servir « l'histoire de Port-Royal et it la vie de la Révé-

rende Mère Marie-Angélique de Sczicale-3lagdeleizzelrnauld réformatrice

de ce Monastère. A Utreclit, aux dépens de la Compagnie MDCCXHI,

t. II. 406.

b Supplément au Nécrologe, 512,

330 HISTOIRE ET CRITIQUE.

usage l'accompagnoit de tremblement 1 D; et, à propos de la signa-

ture : Je tremble de peur, « à la voix terrible de celui qui m'assure

qu'il perdra tous les menteurs et les précipitera avec les timides

dans l'étang de feu2 ». « Il me prend, écrivait-elle encore en sep-

tembre 1664 (trente et un an·), certaines craintes de n'avoir pas

assez de crainte3. ), Et, à propos de religieuses qui avaient signé :

4 Cela m'a mis dans un tel tremblement et dans une crainte si

terrible que Dieu ne m'abandonne, que je lui ai instamment

demandé qu'il me fit la grâce de me tirer à lui, et me suis offerte

à souffrir toute ma vie toutes sortes d'humiliations, d'afflictions et

de maladies, pour obtenir le secours de la grâce et le don de la

persévérance en n'abandonnant jamais la vérité » « Qui ne

temblera ? Qui ne craindra, lorsque l'on voit ceux de la race par

laquelle on espéroit le salut d'Israël, tomber. C'est une douleur la

plus sensible du monde B. »

Suggestibilité. Elle fut baptisée en 1638 (cinq ans), devint

pensionnaire au couvent de Port-Royal, y prit l'habit de novice, le

28 septembre 1656 (vingt-trois ans), d'après les Vies, le 28 sep-

tembre 1659 (vingt-six ans), d'après le Supplément au Nécrologe,

fit son noviciat sous la direction d'Angélique Arnauld d'Audilly, et

fit profession, le 11 novembre zig57 (vingt-quatre ans), d'après les

Vies, le 11 novembre 1660 (vingt-sept ans), d'après le Supplément

au Nécrologe. Ce dernier ouvrage parle de c ses longues et fer-

ventes prières6 ». Obstinée dans sa foi janséniste, elle refusa de

signer le formulaire de 1661, et, le 29 novembre 1684 (trente et un

ans), fut enlevée de Port-Royal, et exilée aux Ursulines de Saint-

Denis. Au moment de quitter ses compagnes, « dans un mouve-

ment de douleur et de tendresse qui me mettoit hors de moi-

même, écrit-elle, je leur dis que je les suppliois de me permettre

de leur exposer mes sentimens avant que d'être arrachée d'avec

elle, et de leur dire... en leur présence et en celle des Messieurs

qui étoient présens, que je condamnois, anémathisois et rétractois

toute signature qu'on pourroit extorquer de moi, en santé, en

maladie et surtout à la mort 7. » Une pareille déclaration prouve

qu'elle avait parfaitement conscience de sa suggestibilité.

Pendant le trajet de Port-Royal aux Ursulines, elle dit.« trois

' Recueil de pièces. Relation citée, 3.

lbid., 10.

3 Ibid., 13. -

ibis., 61.

* Ibid., 74.

'' Supplément au Nécrologe, 518.

' Recueil de pièces. Relation citée, 3.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 331 L

heures d'office et beaucoup de Psaumes, Litanies et autres

Prières 1 ». Pendant sa captivité, «le besoin que j'avois de la

prière, dit-elle, m'en renouvelloit sans cesse l'obligation 2 ». Aussi

passait-elle de quatre ou cinq heures à neuf ou onze heures du

matin, et l'après-midi à proportion dans la chapelle des Ursulines.

Son père, son oncle l'abbé de Flécelles, et sa mère l'engageaient à

signer. Mais ni les larmes du premier, ni les syncopes du second,

ni les « menaces effrayantes » de la troisième ne parvinrent à la

fléchir. On la menaça du roi. « Le Roi, dit-elle, peut nous faire

couper la tête, puisqu'il a en main l'autorité et l'épée : mais il ne

peut pas donner la foi d'un fait contesté, nécessaire pour signer;

cela passe sa puissance 3. » Elle revint à Port-Royal le 5 juillet 1665

(trente-deux ans). Le 28, elle signa de son sang un acte où elle décla-

rait persister dans son refus de signer et désavouer tout ce qu'on

pourrait lui faire faire dans une dernière maladie. Dans ses divers

écrits, elle cite Ieschayahou (Isaïe), Irmeyahou (Jerémie), les évan-

giles, Schaoul dit Paulos (saint Paul), Aurelius Augustinus (saint

Augustin), Bernard Tescelin (saint Bernard. Livre des commande-

mensetdes dispenses), Thomasso d'Aquino (saint Thomas d'Aquin),

Corneille Jansen (Jansenius) et Jean du Vergier de Hauranne.

Pouvoir suggestif . - Pendant la persécution dirigée contre Port-

Royal, elle soutint ses compagnes dans leur résistance. On la vit

« éclairer de ses lumières les ténèbres de celles qui n'étoient pas

suffisamment instruites, soutenir par l'exemple d'une fermeté

inébranlable la faiblesse de celles qui chancelloient ; relever dans

l'occasion par des saillies vives et justes toute la turpitude des

absurdités que le sieur Cliamillard leur débitoit pour les séduire;

confondre avec la force et la précision du raisonnement tous les

mauvais argumens que M. de Péréfixe prenoit la peine de venir

sans cesse leur répéter lui-même, dresser tous les actes que la

nécessité d'une juste défense les obligeoit d'oposer aux vexations

qu'on leur faisoit souffrir; réprimer avec cette sage hauteur, qui

ne s'écarte point de l'humilité, les entreprises des étrangères qu'on

leur avoit données pour les gouverner, ou plutôt pour les persé-

cuter; et malgré toutes les précautions de ces actives surveillantes

et des soeurs infidèles, trouver tous les jours des ressources inno-

centes, pour entretenir au dehors la correspondance nécessaire au

besoin de leurs affaires, et pour instruire le public de ce qu'il im-

portoit à leur justification de lui faire connoitre 1.» »

1 Recueil de pièces. Relation citée, 3.

° jM., 5.

3 Jérôme Besoigne, II, 141.

1 Supplément au Nécrologe, 510.

332 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Observation III. Magdeleine de Flécelles.

Etat générale Magdeleine de Flécelles avait deux soeurs vivantes

en 1711. Elle naquit en avril 1650. Pierre Guilbert parle de « son

courage et de sa patience dans ses longues et pénibles infirmi-

tés 1` ». Le 28 décembre 1710 (soixante ans), la supérieure du

couvent de Mont-Cenis, où elle était alors, écrivait : « Sa santé,

quoique faible, est assez bonne= », et le 10 février 1711 (soixante

et un ans) : « elle n'a pas de santé, ou du moins très peu... Elle a la

fièvre double-tierce dès les 4 heures après-midi du cinq de ce

mois-'». D'ailleurs, pendant son séjour au Mont-Cenis (6 novembre

1709-avril 1714, cinquante-neuf à soixante-quatre ans), elle fut

« toujours infirme et souvent malade 4 ».

« Elle fut attaquée, le 22 janvier 1724 (soixante-quatorze ans),

d'une violente oppression de poitrine accompagnée d'une fièvre

continue, avec de fréquens redoublemens. Elle fut la première à

sentir que cette maladie le conduiroit en peu de jours à l'éternité...

Son mal redoubla la nuit du 24 au 25... Elle fut un peu mieux le

26, mais, sur le soir, elle se trouva plus mal... Vers les onze heures

elle perdit connoissance et fut en cet état environ pendant deux

heures... enfin... elle joignit les mains et expira )'. C'était le 27

janvier 1724, à une heure du matin. Elle avait exactement soixante-

treize ans neuf mois et vingt-trois jours.

Tristesse et crainte. La supérieure du couvent de Mont-Cenis

lui ayant lu une lettre où le cardinal Louis-Antoine de -Noailles

l'engageait à signer le formulaire antijanséniste de 1705, « elle

écouta avec de fréquens soupirs qui furent suivis de larmes ° ».

Lorsqu'elle eût signé, « des doutes sur son état devinrent pour

elle une espèce de tourment d'autant plus pénible, qu'il falloit les

retenir et n'en rien laisser apercevoir' 7 ».

Elle était ainsi « livrée à toutes les peines de sa conscience, flot-

tante entre la crainte et l'assurance, abandonnée à ses inquiétu-

des 8D .

« L'abus qu'elle disoit avoir fait de la visite du seigneur, excitoit

ses fréquentes larmes" » Enfin, dans la nuit du 24 au 25 jan-

' Pierre Guilbert. Mémoires historiques et chronologiques sur l abbayede

Poi,I-Royal-des-Chan ? ps. A Utrecht, MDCCLVI, t. VII, 321.

' et 1 Ibid.. VII, 61-5.

' Ibid., VII, 69.

5 Supplément au Nécrologe, 347.

8 Pierre Guilbert, VH, 60.

' et 8 Ibitl., VII, 66.

0 ibid., VII, 321.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 333

vier 1724, c'est-à-dire l'avant-veille de sa mort, elle versa c un tor-

rent de larmes 1 », en pensant au péché qu'elle avait commis en

signant le formulaire.

Suggestibilité. C'était une fille simple et ignorante « n'ayant

jamais été curieuse de s'instruire que des devoirs de son état et

s'en remettant pour le reste sur les lumières des personnes en qui

elle avait confiance 2 ». Elle prit l'habit de novice le 5 février 1674

(vingt-quatre ans) et fit profession le 19 février 1675 (vingt-cinq

ans). Elle avait pour confesseur le père Rousseau de l'Oratoire.

Elle refusa d'abord de signer le formulaire de 1705 et fut

exilée au couvent de Mont-Cenis, où elle arriva le 6 novem-

bre 1709 (cinquante-neuf ans). Là, suggestionnée « par l'insinuante

persuasion et la flatteuse induction du doucereux catéchiste (de

Truchis) que l'on introduisit auprès d'elle 3 », elle finit par signer

le 27 décembre 1710 (soixante ans). Elle resta trois ans dans ce

couvent après sa signature. La supérieure écrivait, le 28 décem-

bre 1710 : « Elle a trop de ferveur », et, le 10 février 1711 (soixante

et un ans) : « Elle est bien aimable, et d'une vertu très édifiante...

je n'ai de querelle avec elle que sur sa trop grande ferveur 3 » En

avril 1714 (soixante-quatre ans), elle fut transférée sur sa demande

à la congrégation de Soissons. 1

Le 8 septembre de la même année, elle fit une rétractation de sa

signature, où l'on lit : Je suplie qu'on n'aïe aucun égard à ce

que l'on m'a fait signer par suggestion s ». Vers 1716 (soixante-

six ans), elle passa à l'abbaye de Sainte-Perrine de la Villette-

lès-Paris, où elle mourut dans des grands sentiments de piété et

fut enterrée.

(A suivre) .

' Supplément au Nécrologe. 347.

2 Jérôme Besoigne, III, 267.

3 Pierre Guilbert, VI, 188.

ibis., 1'II, 64.

5lbicl., VII, 65.

' Supplément au-Nécrologe. 152.

CLINIQUE-NERVEUSE.

Travail DU SERVICE D'ÉLECTnOTHÉnA.PtE DE la Clinique CILARCOT

Sur quelques particularités cliniques de la névralgie

faciale et son traitement par l'électricité.

Par A. ZIMIERN

Ancien interne des Hôpitaux.

IV. Conclusions

D'après ce que nous venons d'exposer sur le traitement de

la névralgie faciale par l'électricité, nous nous expliquons

difficilement comment certaines monographies n'insistent

pas davantage sur le traitement électrique, et comment

d'autres le passent même entièrement sous silence. Gilles de

la Tourette n'affirme-t-il pas que, si les moyens médicaux

ont échoué, il reste bien le traitement chirurgical, traitement

plein de dangers et d'aléas, mais qu'en dehors de lui il n'y

a rien à tenter. Mauclaire ne dit-il pas aussi que lorsque les

moyens médicaux auront été utilisés sans succès, le médecin

« devra céder la place au chirurgien », et cet auteur ne con-

seille-t-il pas d'opérer même de suite et sans attendre, sous

prétexte qu'attendre, c'est donner à la névrite ascendante et

aux lésions encéphaliques le temps d'évoluer. Et il ajoute :

« d'ailleurs quand bien même le résultat ne serait pas par-

fait (Trousseau affirmen'avoirjamaisvu guérir complètement

le tic douloureux de la face). on peut dire avec Ch. Monod,

qu'un an de bien-être au cours d'une affection qui

impose de véritables tortures, constitue un bénéfice apprécié

par les malades, d'autant plus que l'intervention est exempte

de dangers (névrectomie). »

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NEVRALGIE FACIALE. 335

Contrairement à cette opinion nous ne saurions admettre

qu'après une tentative consciencieuse des méthodes médicales,

le médecin s'efface sans hésiter devant le chirurgien.

Une place, et une place importante doit être réservée au

traitement électrique, que, dans tous les cas, on aura intérêt

à essayer avant de songer à une intervention chirurgicale

même légère.

Les chirurgiens qui se sont adressés à la névralgie faciale

ont tenté la cautérisation, l'arrachement, l'élongation, la

section du trijumeau. On a également eu recours à la ligature

de la carotide primitive, à la résection du ganglion cervical

supérieur, mais la plupart se sont arrêtés à la névrectomie

qui est considérée actuellement comme une intervention

simple et bénigne. De nombreux procédés ont été préconisés

pour pratiquer la névrectomie, et le procédé de Lossen-Braun

que Segond a été le premier à faire connaître en France est

actuellement celui qui sert de type aux interventions péri-

phériques. On y a recours lorsqu'on considère comme témé-

raire d'aborder le tronc lui-même du trijumeau.

Dans ces dernières années cependant, et cela surtout

depuis les tentatives et la publication de Fedor Krause,

les chirurgiens se sont appliqués à une intervention plus

sérieuse, l'ablation du ganglion de Gasser. -

Rappelons que cette opération fut faite pour la première

fois par W. Rose (1890) et reprise ensuite par Horsley, puis

par Ilartley et Krause ; puis par Doyen, Poirier, Guinard,

Delbet, Chipault, Gérard-Marchand et Bougie, etc. Tous ces

opérateurs sont unanimes à reconnaître la difficulté et la

gravité de l'intervention. L'hémorragie primitive on secon-

daire, la blessure du sinus caverneux, la compression du

cerveau, leschokopératoire sontautant d'accidents immédiats

possibles et à craindre.

On a également pu constater à la suite de l'opération

des troubles sensitifs sans grande importance il est vrai,

eu égard à la gravité de l'affection, et des troubles moteurs,

mais aussi, et surtout, des complications trophiques ou

inflammatoires du côté de l'appareil oculaire, complications,

qui, bien que considérées par Krause comme secondaires,

ont pu aboutir à l'ulcération de la cornée, à des paralysies

oeulo-motrices graves et à la perte de l'oeil.

La question est donc de savoir actuellement, si, en pré-

336 CLINIQUE NERVEUSE.

sence des risques de lagasserectomie, l'intervention se trouve

suffisamment justifiée.

Lorsqu'on consulte dans ce but les statistiques, on trouve

des chiffres de mortalité déjà assez éloquents.

Krause déclare au Congrès de 1900 avoir pratiqué 24 fois

la résection du ganglion de Gasser et n'avoir perdu que

2 malades. Tous les autres seraient guéris et la névralgie

aurait disparu pour ne plus revenir.

Dans une communication plus récente au Trentième

Congrès des Chirurgiens allemands, il compte sur 25 extir-

pations, 3 décès. Il assure en outre n'avoir jamais vu de

récidive dans le cas où il s'agissait d'une névralgie classique

du trijumeau.

Mais cependant une analyse approfondie des cas publiés

par Krause nous a permis de relever sur 25 cas d'extirpation

du nerf, 5 cas seulement de guérison absolue et définitive,

3 cas de guérison obtenue au prix de troubles oculaires

graves, et 3 cas avec récidive plus ou moins sérieuse du

côté opposé. Chez 5 'malades les douleurs n'ont pas dis-

paru complètement, et chez 2 de ces 5 cas, il y a eu réci-

dive franche et complète, ce que Krause explique du reste,

en déclarant que dans l'un des cas il s'agissait d'hystérie,

et dans l'autre, de neurasthénie ( ? ). Si l'on ajoute qu'une

malade n'a été soignée qu'un temps insuffisant, qu'une autre

présentait une hémiplégie qui persista sept mois encore

après l'opération, on voit qu'il reste 7 cas qui représentent

le chiffre de la mortalité de cet auteur. De ce nombre,

3 morts sont évidemment dues à l'intervention opératoire

elle-même, les autres à des complications survenues peu de

temps après.

Il ressort de cette statistique que Krause a une moyenne

d'une mort sur trois cas, et une guérison absolue sur cas.

Ces chiffres suffisent à attester la gravité toute spéciale de la

gasserectomie.

Depuis le mémoire de Krause du reste, d'autres interven-

tions ont été faites, en France notamment, et les résultats

ne paraissent guère avoir été plus favorables. Toutes les sta-

tistiques (Gérard-Marchand et Herbet, Tiffany, Massoutard)

dénotent l'extrême gravité de l'intervention. Sur 95 cas réunis

par Gérard-Marchand et Herbet, il y a eu 17 décès. Becq en

1895 a réuni 41 cas avec 6 morts opératoires. Tiffany donne

PARTICULARITÉS CLINIQUES bE LA NEVRALGIE FACIALE. 337 î

une statistique de 108 cas dont 24 morts, sans indiquer le

nombre des guérisons.

Le traitement chirurgical ne paraît donc pas avoir donné

des résultats assez brillants pour contrebalancer les dangers

et les aléas auxquels il expose.

D'après Krause lui-même du reste, il ne faut en arriver là

qu'en cas de nécessité absolue, et dans son dernier travail,

cet auteur arrive à cette conclusion, que l'opération n'est

justifiée que dans les cas de gravité des symptômes et d'in-

succès de tous les moyens usités auparavant.

D'après ces considérations sur le traitement chirurgical et

en présence de l'amélioration dont on peut faire bénéficier

les malades par le traitement électrique méthodique tel que

nous venons de l'exposer, nous estimons que la conduite à

tenir doit être la suivante :

1° Dans les névralgies à étiologie bien déterminée, on aura

recours à leur traitement spécifique.

2° Dans les névralgies à type léger, on commencera par

s'adresser d'abord aux médications usuelles quitte à recourir

en cas d'insuccès à l'électricité, qui amènera à peu près cer-

tainement la guérison complète.

3° Dans les névralgies du type grave, après que l'on aura

constaté l'inefficacité des moyens médicaux administrés

d'une façon méthodique (parmi lesquels le traitement opiacé)

on soumettra le malade à l'élecii-isatio2z pendant un temps

suffisamment long pour juger des effets obtenus (minimum

trois mois) et l'on ne se décidera à pratiquer une interven-

tion chirurgicale qu'en cas d'insuccès absolu. En dernière

analyse une opération périphérique pourra être tentée

(névrectomie). Mais ce n'est qu'en désespoir de cause et

devant la demande formelle du malade ou la menace péremp-

toire de suicide, que l'on devra se résoudre à proposer la

gasserectomie.

Observation I. M ? T..., quarante-sept ans, couturière. En

1888, la malade éprouve quelques sensations désagréables dans

les gencives en mangeant. Ces petites douleurs ont duré un mois.

Elle habitait, nous a-t-elle dit, à ce moment, un rez-de-chaussée

très humide. C'est le lendemain d'un bal, en 1897, qu'elle a

éprouvé les premières douleurs avec tressaillement léger dans un

côté de la face, le côté droit. Ces douleurs étaient extrêmement

intenses. Quinze jours auparavant cependant, elle s'était aperçue

Aucmvn.s, 2" série, t. XV. 22 1-

338 CLINIQUE NERVEUSE.

d'une certaine gêne avec fourmillements et picotements du côté

droit.

Après avoir essayé pendant plusieurs jours de l'antipyrine, de

l'exalgine et d'autres médicaments qui calmèrent les douleurs tem-

porairement, la malade s'est fait arracher deux dents sans résultat

marqué. Puis elle prend de l'extrait thébaïque à haute dose sans

plus de résultat, et enfin après un traitement par le chlorure

d'éthyle, elle est soignée pour rhumatisme cérébral. Néanmoins,

les douleurs persistent violentes dans la région maxillaire supé-

rieure et inférieure du côté droit. En 1898 on lui fait une double

opération (résection) dont la malade porte du reste la cicatrice,

l'une sur le nerf maxillaire inférieur, l'autre sur le sous-orbitaire.

Le lendemain de l'opération, les douleurs ont réapparu aussi vio-

lentes qu'auparavant.

A quelques mois de là, la malade a pris de l'iodure qui lui a pro-

curé un soulagement de neuf mois, mais non pas la disparition de

la névralgie. En 1899, la névralgie redouble d'intensité : la malade

essaie à deux reprises différentes de se remettre au traitement

ioduré, mais cela sans aucun bénéfice.

' État actuel. La douleur se montre chez cette malade avec un

double caractère. C'est d'abord : -.

1° Une douleur violente en coup de fouet allant du menton à

l'oreille, survenant le soir à partir de 9 heures, et durant jusqu'à

une heure avancée de la nuit, mais'n'existant pas d'une façon con-

tinue, et survenant seulement par crises de quinze jours ou

trois semaines, avec des intervalles de repos peu prolongés cepen-

dant. Ces crises sont extrêmement intenses, rendent la mastica-

tion absolument impossible, si bien que la malade ne peut prendre

que des liquides. Lorsque se produit un bâillement ou que la ma-

lade se mouche, la douleur survient atrocement violente, et il lui

semble qu'on lui arrache la langue. L'oeil parait être projeté hors

de l'orbite. Chaque pas que la malade fait sur les pavés delà

Salpêtrière provoque des paroxysmes douloureux des plus

intenses.

Ensuite : 2° Une sensation pénible qui n'est pas une véritable

douleur et que la malade compare à un fourmillement, à un creu-

sement, à une cautérisation profonde par un fer rouge. Celle-ci est

continue et constante.

La déglutition de la salive est presque impossible et la salive

s'écoule en dehors. Il parait y avoir d'ailleurs un certain degré

d'hypersécrétion salivaire après chaque crise de même qu'un écou-

lement abondant de larmes.

La face du côté droit est absolument immobilisée par les dou-

leurs au moment du début des accès, mais après il se produit une

sorte de spasme, une sorte de « constriction qui remonte ». La

PARTICULARITÉS "CLINIQUES DE LA NEVRALGIE FACIALE. 339

face est congestionnée, surtout au niveau de l'os malaire qui pré-

sente une teinte rouge notablement différente du côté sain. La

douleur occupe les trois branches du trijumeau mais les maxil-

laires paraissent être le trajet de prédilection de la douleur. Quand

on recherche la douleur à la pression, on ne trouve que le point

dentaire inférieur qui soit véritablement douloureux. Les autres

ne paraissent pas exister, ou peut être s'estompent derrière l'hy-

persensibilité de tout le tégument cutané. L'hyperesthésie de la

peau s'étend jusqu'aux cheveux. Leur attouchement est supporté

difficilement par la malade.

Lorsque la malade vient nous voir, il lui est absolument impos-

sible de parler, et c'est une personne de sa famille qui nous donne

les renseignements de son observation. Comme troubles moteurs,

il y aurait quelquefois quelques légers soubresauts, mais passa-

gers ; toutefois, le tic est nettement marqué. Il débute par le men-

ton où se produit une fossette et se localise ensuite aux paupières.

Comme troubles sensoriels, on note seulement les bourdonnements

d'oreille.

Étiologie. La névralgie ne paraît pas être d'origine dentaire,

car toutes les dents ont été enlevées du côté malade. L'hystérie ne

parait pas devoir être mise en cause, bien que la malade ait eu, il

y a dix ans, une crise de nerfs, et se souvienne, avoir eu « la boule ».

Mais actuellement pas de stigmates. Pas de tabes, pas de coryza

chronique antérieur, pas de rhinite spécifique. La syphilis ne

parait pas non plus devoir être incriminée bien que la malade ait

eu sur 8 grossesses, 4 fausses couches de deux, trois et quatre

mois. La malade présente néanmoins un terrain névropathique

indiscutable. Elle s'émotionne et pleure facilement. Elle se trouve

dans une période d'irrégularité menstruelle, due vraisemblable-

ment à la ménopause prochaine.

Traitement. Commencé le 28 mars 1900 (4 à 6 mA. 15 minutes).

Amélioration dès la 7° séance, qui a progressé, mais très lente-

ment jusqu'à la 30°. Les périodes menstruelles d'avril, mai, juin,

sont marquées de douleurs assez violentes.

A partir du 20 juin 1900 (54 séances), il y a une très grande amé-

lioration. Il n'y a plus que quelques rares élancements qui sont

plutôt des tiraillements sur le trajet du nerf, des sensations de

petite bête qui trottine au-dessus de la lèvre supérieure.

Juillet 1900. On continue le traitement. Douleurs insignifiantes

et seulement au moment des règles. Août : on continue le traite-

ment ; du 6 au 10, douleurs d'intensité moyenne, les règles sur-

viennent le 20 août, mais sans grandes douleurs. Elle compte fin

août 100 séances, prises d'une façon à peu près continue.

Septembre : deux ou trois séances par semaine ; n'éprouve

que des cuissons insignifiantes'; les règles viennent sans douleur.

340 CLINIQUE NERVEUSE.

A partir de septembre, la malade ne vient plus que de temps en

temps « pour être suivie » et pour faire quelques séances quelques

jours avant ses règles.

De septembre 1900 à mai 1901, la malade n'a eu que de très

rares~secousses dans la face sans grande intensité. En mai 1901,

nous conseillons à la malade un mois à un mois et demi de traite-

ment prophylactique.

Juin'1901 : Les chaleurs sont mal supportées; deux crises dou-

loureuses de cinq jours chacune; la malade continue le traitement

tous les jours. En juillet 1901. Etat très satisfaisant. Les règles de

juillet sont précédées d'une crise douloureuse du 22 au 27 juillet.

A partir de juillet les séances sont de trente minutes au mini-

mum.

En août 1901. Etat très satisfaisant. Les quelques élancements

que présente encore la malade de temps à autre, durent à peine

une seconde et sont facilement supportés. Elle a trouvé une amé-

lioration considérable des petites crises résiduelles parles séances

de trente minutes. Elle prétend que les douleurs ont été plus

courtes, durant à peine une seconde. Le 23 août, la malade cesse

le traitement pour partira la campagne.

Septembre et octobre. Etat très satisfaisant. N'a plus que

quelques élancements au voisinage de l'oeil. En novembre, éprouve

une crise très forte à la suite du brouillard. Cette crise a duré

trois semaines et a été l'une des plus violentes, et la plus longue

que la malade ait eue depuis le traitement. Toutefois, la violence

des douleurs n'est pas à comparer avec leur intensité d'autrefois.

Diarrhée persistante à ce moment.

Depuis novembre la malade reprend un traitement suivi. Les

secousses douloureuses s'espacent peu à peu.

10 décembre. Amélioration très notable. Les douleurs ont presque

entièrement cédé. Du 19 au 26 décembre elle a encore eu une période

assez pénible.

Du 10 au 25 janvier 1902, nouvelle période très pénible due peut-

être à la constipation intense, ou peut-être encore à l'état du temps

particulièrement mauvais à cette époque. Les séances sont faites

avec une durée d'une heure. Cette durée amène une sédation très

manifeste et très rapide.

A partir de février, nous conseillons à la malade de prendre par

précaution huit à dix séances chaque mois.

A partir de mars les douleurs ont de nouveau presque entière-

ment disparu.

Oss. II. M ? B... vingt-six ans. Antécédents personnels : Une

pneumonie à l'âge de huit ans. Réglée à l'âge de douze ans;

mariée à l'âge de dix-huit ans ; a eu quelques migraines depuis

ses premières règles.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE L\ NÉVR-11,GIIP FACIALE. 341

La malade a une petite fille âgée actuellement de cinq ans et

n'a jamais eu de fausse couche, ni constaté de retard dans ses

règles. Mais, si jeune fille, elle a eu quelques migraines excessive-

ment légères, c'est depuis sa grossesse que la douleur qu'elle

éprouve dans la tête a pris un caractère de névralgie faciale

typique. La malade estime que des chagrins de famille sont pour

beaucoup dans l'apparition de cette névralgie. -

A cette époque les accès se montraient trois fois par semaine, et

duraient cinq à six heures ; la disparition n'était complète que

lorsque la malade avait dormi une nuit entière. Tout à fait au

début, il est arrivé à la malade d'être en proie à ces douleurs

pendant une période continue parfois très longue, mais cette

allure dans la marche de la névralgie ne s'est guère présentée

qu'une fois ou deux fois par an.

Au début, ! a névralgie faciale s'est localisée sur les branches

ophtalmique et maxillaire ; le plus souvent toutefois sur l'ophtal-

mique.

État actuel. -La douleur estréveillée parle froid, lalumière, la

mastication, le rire, le bâillement. Une sorte d'aura la précède,

caractérisé par une sensation de pesanteur dans la tête, sensation

indéfinissable de lourdeur au front. La douleur contourne le

sourcil, puis se fixe au pourtour de l'un ou l'autre oeil, ou bien

s'étend jusqu'à la région occipito-mastoïdienne. Dans ce dernier

cas, l'accès est bien plus atroce. La douleur siège profondément ;

c'est « comme un creusement de la figure ».

La durée de ces phénomènes douloureux est de dix à douze

heures, quelquefois de deux jours. Ils cèdent d'ordinaire à une

nuit de sommeil pour revenir deux jours après. A certains

moments cependant, la douleur affecte le type nocturne, de sorte

que la malade ne prend aucun repos. Son intensité a été parfois

telle qu'elle a pu faire naître des idées de suicide. Parfois il y a

des quinzaines d'accalmie complète.

On ne constate ni troubles moteurs, ni troubles trophiques, et

il n'y a à signaler qu'un certain degré de photophobie et d'acou-

phobie.

Les douleurs affectent tantôt un côté, tantôt l'autre. Elles se répè-

tent plusieurs fois dans le mois sans cause apparente, mais sont

constantes aux époques menstruelles, apparaissant généralement

au début des règles ; plus rarement à leur déclin.

La névralgie date actuellement de huit ans. La malade a essayé

tous les traitements que l'on recommande d'ordinaire, l'iodure.

le bromure, les antispasmodiques, sans résultat aucun. Le fer

et l'hydrothérapie n'ont pas amené de résultats plus marqués.

Plusieurs avulsions dentaires n'ont amené aucun soulagement.

La malade déclare avoir eu quelquefois des crises qui paraissent

342 CLINIQUE NERVEUSE.

avoir été des crises d'hystérie fruste, mais qui cependant n'ont

pas réapparu depuis fort longtemps. On ne constate du reste pas

de stigmates bien apparents : pas de rétrécissement du champ

visuel, pas de troubles de la sensibilité.

Le traitement a été commencé le 30 avril 1900, alternativement

des deux côtés de la face. Vers la trentième séance la malade

éprouve une amélioration très considérable, et à la fin de

juillet 1900, les douleurs ont presque complètement disparu.

En septembre, il se produit une période douloureuse. A la fin de

septembre, on cesse le traitement, et nous engageons la malade à

ne plus faire que quelques séances avant l'époque présumée des

règles, cela à titre préventif.

Les règles d'octobre ont été précédées d'une période doulou-

reuse de quelques jours, mais qui a cessé dès l'apparition du

flux. En novembre et en décembre, il n'y a pas eu de douleurs,

sauf quelques sensations pénibles au moment des règles.

La malade continue à suivre son traitement, faisant à titre

prophylactique quelques séances tous les mois avant la période

menstruelle, et depuis cette époque, elle n'a plus jamais éprouvé

que quelques douleurs venant, soit avant, soit après les règles,

très facilement supportables en raison de leur médiocre inten-

sité, de leur courte durée. Aussi la malade se considère-t-elle

comme guérie. Notons comme époques les plus douloureuses, les

règles de septembre 190t et de mars 1902. Toutes les autres

périodes se sont passées sans douleur appréciable.

Ces. III. 1-e L..., quarante-cinq ans. Antécédents. Sa

mère a eu une névralgie faciale qui a provoqué la chute des dents

du côté malade, ainsi que des cheveux.

Chez elle les douleurs ont disparu après la ménopause. Le début

de la névralgie remonte à huit ans. Elle a commencé par des

picotements dans le maxillaire inférieur, existant d'une façon

continue sans crise aucune. Ces douleurs n'existaient qu'au

moment des repas, ce qui rendait la mastication très pénible. Un

mois après, crises de névralgie faciale vraie. Un peu plus tard sont

apparues des douleurs du côté opposé. Les crises se produisaient

nuit et jour avec intermittences variables mais parfois très rap-

prochées, et se produisant toutes les cinq minutes.

Etat actuel. La crise est annoncée par un léger picotement.

La malade se raidit pour essayer de lutler, mais néanmoins la

crise survient qui augmente insensiblement d'intensité et arrive à

une période d'acmé qui dure une minute entière. Puis la douleur

décroit insensiblement. Elle ressemble, au dire de la malade, à des

pointes d'acier que l'on enfonce dans la région malade. Pas de

tic d'aucune sorte.

Au moment des règles, les douleurs deviennent plus fortes. La

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 343

glande sous-maxillaire se tuméfie. Le tissu cellulaire sous-cutané

s'indure. Au moment des crises existe un point douloureux, une

sorte de picotement très pénible sous la langue du côté affecté. La

langue parait épaissie et tuméfiée à la malade, mais cet état

diminue au déclin des crises.

La face du côté gauche est hyperesthésiée au moment des crises,

mais dans leur intervalle il n'y a aucun trouble de la sensibilité.

La malade a usé de tous les médicaments qu'on lui a conseillés,

sans succès. Pas de spécificité, pas d'impaludisme. Aucune

étiologie bien nette.

Le traitement chez cette malade a été commencé le 11 mai 1900.

Séances d'un quart d'heure à cinq milliampères.

Amélioration progressive.

Après 20 séances, la malade déclare constater un mieux très

sensible, la mastication se fait beaucoup plus facilement. Elle

prend assez régulièrement ses trois séances par semaine.

En mars 1901, alors que le traitement paraissait avoir son plein

effet, la malade est prise de douleurs très violentes, avec gonfle-

ment considérable de la parotide, de la sous-maxillaire et de la

sublinguale du côté malade. Augmentation de volume très

marquée des vaisseaux du cou et des veines ranines. La langue

est très épaissie.

Le 3 mars 1901, la malade cesse de venir. Elle s'est fait une

entorse pour laquelle elle a été obligée de rester à la chambre. Le

15 mars elle est prise d'une crise de coliques hépatiques qui dure

quarante-huit heures. Depuis ce moment les douleurs ont complè-

tement cessé du côté de la face, et se sont réduites à quelques

fourmillements insignifiants.

Un mois entier la malade a vécu pour ainsi dire sans souf-

france. Mais en mai, au moment des règles, les douleurs ont reparu

avecleurintensité première. On fait une tentative avec des intensités

de 12 à 20 milliampères pendant vingt minutes, mais la malade

s'en trouve mal et accuse une recrudescence des douleurs. Elle

ne veut plus se soumettre ces intensités. Nous la soumettons

alors à partir de juin à des séances d'une heure. Ces séances pro-

longées fournissent une amélioration très nette, et permettent à

la malade de dormir sa nuit entière, alors qu'auparavant, elle ne

dormait pas.

Le 1 ? juillet, après un mois de ce traitement, la malade trouve

que les crises sont beaucoup moins longues qu'autrefois, les

douleurs moins intenses. La période menstruelle n'a amené cette

fois aucune recrudescence des douleurs. 11 s'est produit unique-

ment un léger gonflement de la sous-maxillaire qui n'a pas tardé

à disparaître. V,

L'état de la malade reste satisfaisant en août et septembre.

Elle continue à venir de temps en temps. Les douleurs sont très

344 CLINIQUE NERVEUSE.

supportables; elles sont rares et n'augmentent pas au moment

des règles. Les séances sont de quarante-cinq minutes à une heure.

En octobre, l'état reste très satisfaisant.

Nous revoyons la malade en novembre au sortir d'une petite

crise qui a duré huit jours, mais qui n'a égalé en intensité aucune

des crises antérieures. En dehors de cette crise la malade déclare

n'avoir que des phénomènes douloureux rares et très supporta-

bles.

Les crises n'ont pas la moitié d'intensité qu'elles avaient aupa-

ravant et aux époques où elle avait autrefois dix élancements, il y

en a aujourd'hui à peine trois. Les nuits sont bonnes, et la malade

peut très bien dormir toute sa nuit. Elle déclare du reste ne vou-

loir se soumettre à aucun autre traitement que l'électricité.

Les mois de décembre et janvier 1902 ont été marqués par des

douleurs assez intenses. En février, l'état s'améliore à nouveau.

Depuis cette époque l'état reste très amélioré, sauf peut-être au

moment des règles où les douleurs réapparaissent, mais cela d'une

façon très tolérable.

OBs. IV. F..., soixante-huit ans, concierge, ancien militaire,

a fait entre autres la campagne de Crimée. Il déclare n'avoir jamais

été malade.

Le début de la névralgie remonte à seize ans, et les douleurs

furent attribuées par lui à des névralgies dentaires.'Un dentiste,

consulté, trouva les dents saines, mais pratiqua néanmoins l'avul-

sion sur la demande du malade.

Les phénomènes douloureux cédèrent bien pendant quelques

mois (cinq mois environ) mais reprirent ensuite de plus belle. En

1888, une incision faite sur le bord du maxillaire n'amena aucune

amélioration. A partir de ce moment les douleurs présentent un

caractère d'acuité extrême. Le malade ne peut tenir en place, se

roulant parterre, et essayant toutes les positions possibles pour

obtenir quelque soulagement. La douleur existe d'une façon à peu

, près constante; il y a bien de temps à autre quelque accalmie

mais jamais cessation absolue. Elle siège exclusivement sur le ter-

ritoire de l'ophtalmique et du maxillaire supérieur. Quand la dou-

leur est sur le point de venir, le côté malade semble pesant, puis

surviennent quelques élancements, et insensiblement la douleur

arrive à son acmé. Elle semble avoir pour point de départ le nerf

sous-orbitaire.

Le malade a du tic vrai, il fait la grimace et porte la main à sa

figure pour comprimer la région, mais on observe en outre au

moment des accès quelques mouvements involontaires. La durée

de chaque accès est de deux à trois secondes environ. Il y a envi-

ron deux accès par minute. Ces accès ne cessent pas la nuit d'une

façon complète. Le moindre mouvement pendant le sommeil en

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 345

provoque le retour et le réveil s'accompagne de douleurs répétées

dont le malade compare la succession aux décharges d'un feu

d'artifice. Il n'existe pas de douleurcontinue. Entre les accès iln'y

a qu'une sensation d'endolorissement. Il n'y a pas de point dou-

loureux à la pression, mais une hyperesthésie généralisée et beau-

coup plus marquée sur le territoire du sous-orbitaire. Les gencives

sont hyperesthesiées.

On note de l'épiphora, mais pas de troubles trophiques. Le

malade se plaint parfois d'irradiations du côté opposé. L'observa-

tion est très difficile à prendre en raison de l'impossibilité où se

trouve le malade de soutenir une conversation, chaque phrase étant

entrecoupée d'un accès douloureux.

Traitement. Le malade a subi toutes sortes de traitements :

antipyrine, aconit, phénacétine. Il y a eu également quinze

séances de pinceau faradique qui n'ont fait qu'accentuer les dou-

leurs.

Le traitement est commencé le 10 octobre 1900 à la dose de 5 à

8 mA. Il se trouve déjà amélioré légèrement au bout de huit

séances, et l'amélioration est surtout très caractérisée à partir de

la fi0°. Le 17 avril, période douloureuse qui dure jusqu'au 25, et

depuis lors les crises vont en diminuant d'intensité et s'éloignent

peu à peu pour ne revenir qu'à intervalles très espacés. Une période

douloureuse a pu être notée du 10 au 21 juillet. On prolonge les

séances à trente-cinq minutes, et les douleurs cèdent bientôt à

nouveau.

Lelor août 1901, le malade déclare se trouver extrêmement bien,

et à partir de ce moment il vient de temps à autre sans régularité

aucune, prendre quelques séances. Il se passe ainsi des semaines

entières sans douleur, et quand celles-ci se produisent, elles ne

sont que passagères.

Une petite crise survient en octobre 1901 assez violente pour

faire craindre une récidive, mais après quelques séances de qua-

rante-cinq minutes ou une heure de durée, cette période doulou-

reuse se calme; les douleurs deviennent plus courtes et plus rares,

et à la fin de novembre l'état est de nouveau parfaitement satis-

faisant.

En mars 1902, le malade se plaint d'avoir quelques « chatouil-

lements du côté opposé » mais qui ne l'inquiètent aucunement.

Depuis cette époque l'état se maintient absolument satisfaisant.

Obs. V. M..., quarante-neuf ans, secrétaire d'une compagnie

de chemins de fer. En 1884, en se faisant la barbe, le malade res-

sent une légère douleur au niveau de la région sous-orbitaire. Dans

la nuit qui suit l'apparition de ce point douloureux, le malade est

pris subitement d'une douleur semblable aune décharge électrique

346 CLINIQUE NERVEUSE.

excessivement violente. Il a été soigné à ce moment pendant

quatre à cinq mois par des pilules de Moussette, du sirop de Gibert

dont il prend la quantité énorme de 8 litres, par des douches, des

frictions mercurielles, tout cela sans aucun bénéfice. Un médecin

homéopathe lui a injecté sous la peau du chlorhydrate de cicutine

sans meilleur résultat. Au contraire, après ces différents traite-

ments, les douleurs ont augmenté d'intensité, les décharges se

sont rapprochées et à partir de ce moment les douleurs sont telle-

ment violentes que le malade ne peut ni parler ni manger.

Après avoir encore fait de la métallothérapie et consulté le

« zouave Jacob » ( ! ) qui malgré des passes savantes, n'obtint aucun

succès, il consulta M. Landouzy qui recommanda du chloral à

haute dose et fit faire des pulvérisations de chlorure de méthyle.

Tous ces procédés n'amenèrent aucun changement. Et le malade

nous dit que ne pouvant prendre aucun repos et ne voyant aucune

issue à ses maux, il pense au suicide.

En 1887, sur sa demande, M. Peyrot lui fait la résection du

sous-orbitaire sur une longueur de 8 millimètres. Cette interven-

tion fut suivie d'un soulagement momentané de dix mois; mais le

malade, homme intelligent d'ailleurs, a le sentiment qu'il ne s'agit

que d'un calme passagercar de temps en temps partent de la cica-

trice des élancements non absolument douloureux mais assez

pénibles.

L'année suivante, il se confie de nouveau à M. Peyrot qui résèque

le sus-orbitaire. L'opération est suivie d'un phlegmon. Il n'y a à la

suite aucun soulagement, si ce n'est une intensité et une durée un

peu moindre des douleurs. Les douleurs que, depuis cette époque,

le malade éprouve, siègent dans la région maxillo-temporale. Ce

sont des élancements, des douleurs paroxystiques, intermittentes,

la plupart très violentes, éclatantes, suivant l'expression du malade,

absolument épouvantables, l'obligeant à crier. Pendant tout le

temps de sa crise, il reste sous le coup d'une angoisse extrême. La

douleur commence toujours par la branche sous-orbitaire, puis

gagne le sus-orbitaire, mais jamais le nerf maxillaire inférieur

n'est atteint.

Les opérations que le malade a subies n'ont pas diminué le nom-

bre de crises, mais peut-être atténué leur intensité. Les douleurs

cèdent parfois d'une façon à peu près complète pendant deux ou

trois mois. Toutefois le plus longiutervalle de repos a élé de cinq

mois. « 11 me suffit de toucher la voûte palatine avec une four-

chette ou même la pointe de la langue pour susciter la crise.

Aussitôt surviennent des élancements douloureux qui constituent

le signe précurseur, puis un engourdissement général; ensuite une

série de secousses, électriques, brèves, puis la douleur s'en va en

fuyant progressivement. Cette crise dure une demi-minute. Lorsque

j'ai un accès, cet accès est composé d'une série de crises analogues

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA. NÉVRALGIE FACIALE..347

revenant en moyenne toutes les minutes ». Lorsque les crises sont

très violentes, le malade prend un purgatif et se met au régime

lacté mixte, ce qui lui procure un certain soulagement.

Pas de tic complet mais quelques spasmes légers (l'oeil tend à se

fermer par spasme de l'orbiculaire.

Hyperesthésie marquée de la peau, des gencives, du cuir chevelu.

EpipUora très marqué au moment des accès, mais rien d'analogue

du côté de la muqueuse nasale ou de la salive.

Etat actuel. Depuis dix ans le malade est en proie à sa névral-

gie qui ne cède que pendant des périodes de deux à trois mois. En

mai 1900, la douleur cesse jusqu'au 1er août 1900, à l'exception de

quelques élancements douloureux fugitifs.

Mais depuis le l'le août 1900 jusqu'au 15 octobre, la période algique

fait de nouveau son apparition. Les crises sont constantes, violentes

et surviennent nuit et jour. C'est à ce moment que nous examinons

le malade.

Etiologie. Parmi les antécédents héréditaires il y a lieu de

signaler que son père a eu des douleurs fulgurantes et' d'autres

signes tabétiques, que sa mère a souffert également d'une névral-

gie faciale à forme grave.

Pas de rhumatisme, pas d'impaludisme. Mais le malade paraît

être nettement tabétique.

En 1879-80 en effet il a eu du ptosis à droite, et de 1893 à 1895,

quelques douleurs fulgurantes pour lesquelles il a pris de l'iodure

et fait des frictions (ce traitement n'a eu aucune action sur la

névralgie). Toutefois, s'il n'y a pas de réflexes rotuliens, il n'existe

ni signe de Romberg, ni signe d'Argyll, ni lésions de l'oeil.

L'examen de l'appareil oculaire permet de constater uniquement

une légère diploplie croisée, reliquat de l'ancienne paralysie de la

troisième paire droite survenue en 1880.

Le malade ne pense pas avoir contracté la syphilis.

Traitement. Le traitement a été commencé le 22 octobre 1900,

avec une durée de vingt minutes environ à ce moment, durée qui

plus tard a été augmentée. Intensité 5 à 6 milliampères.

Après une vingtaine de séances l'amélioration se montre d'une

façon nette et se poursuit assez régulièrement.

Il y a cependant de temps à autre des crises violentes, mais

celles-ci sont moins intenses qu'avant le traitement électrique.

Grosse crise douloureuse au mois d'avril 1901 qui dure une quin-

zaine de jours. A partir de lin juin 1901 (il y a eu à ce moment

cent-cinquante séances), on cesse le traitement électrique. 11 y a

encore à partir de ce moment-là quelques « chatouillements dou-

loureux » pendant vingt-cinq jours, mais à partir du 21 juillet

3118. CLINIQUE NERVEUSE.

1901, et après une crise douloureuse assez forte qui a duré quatre

jours, la douleur n'est jamais revenue.

Le malade pense que le résultat obtenu doit être attribué en

partie à des purgatifs fréquents et au régime lacté qu'il suit depuis

un certain temps. Il nous fait* remarquer qu'il a déjà eu des

périodes complètement dépourvues de crises et que la plus longue

de ces périodes a été de cinq mois.

Revu six mois après, en février, le malade est toujours dans un

état très satisfaisant. En mai 1902, il a ressenti quelques fourmille-

ments insignifiants pour lesquels nous avons conseillé une reprise

temporaire du traitement. Toutefois, ces sensations pénibles n'ont

pas persisté. Le malade nous a déclaré à ce moment qu'une séance

d'une heure lui procure un soulagement considérable, que d'autre

part, les élancements qu'il ressent ont une mollesse toute spé-

ciale.

En juin, les douleurs n'ont pas reparu, les fourmillements ont à

peu près complètement cessé.

OBS. VI. iM-0 0..., âgée de soixante-dix-sept ans : névralgie

faciale. Il y a quinze ou seize ans, cette malade a reçu au-dessus

de l'oeil droit un coup assez violent, et croit devoir attribuer

sa névralgie el cette cause. Toutefois, ce n'est que depuis six ans

que la malade souffre dans la région droite de la face de douleurs

qui, faibles au début, et ne donnant lieu qu'à une sensation de

chatouillement, localisées d'abord à la tempe, ont gagné progressi-

vement en intensité et en étendue.

Les douleurs se présentent sous forme de crises à intervalles

irréguliers cinq à six fois par jour environ. Avec le temps, les

crises deviennent de plus en plus intolérables. Au mois de janvier

1900, elle est renversée par un cheval. Cet accident, toutefois,

n'amène aucune modification dans son état. Enfin en septembre

de la même année, les douleurs restées jusque-là tolérables sont

devenues extrêmement violentes. Elles surviennent pendant le

repos aussi bien qu'à la suite du moindre mouvement. Un effort

quelconque, soit pour se baisser, soit pour se lever, provoque une

crise.

Cette crise dure un temps variable; la durée maxima a été de

une heure et demie; d'ordinaire cependant la crise dure quelques

minutes.

La malade a essayé de nombreux médicaments dont aucun

n'a donné une véritable amélioration. Elle a subi le traitement

électrique à partir du 21 novembre 1900 (séances de vingt

minutes, 4 milliampères). Après la 56e séance, la malade déclare

que les crises sont aussi nombreuses qu'avant le traitement,

mais peut-être moins fréquentes la nuit qu'autrefois. «

En tout cas, les crises, au lieu de durer une demi-heure, ne

PARTICULARITÉS CLINIQUES- DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 349

durent que cinq minutes au maximum, et leur intensité est beau-

coup moindre. La malade ne veut pas quitter le traitement élec-

trique. Alors qu'autrefois, elle ne pouvait ni manger, ni parler, en

raison des douleurs aiguës que soulevaient ces mouvements;

actuellement elle prend facilement quelques aliments et cause long-

temps, sans ancune douleur. Malheureusement, la malade a con-

tracté une bronchite qui l'a forcée à interrompre le traitement et

depuis lors, elle ne l'a jamais repris.

OBs. VII. Mne F..., envoyée par le Dr Bruhl, trente-trois ans;

brocanteuse. Depuis octobre 1900, accuse des névralgies dans tout le

domaine du trijumeau droit; ces névralgies sont venues sans cause

appréciable et nous n'avons pu actuellement rapporter leur origine

à aucune étiologie évidente; elles ont débuté en octobre 1900 et

ont augmenté d'intensité vers le milieu de ce mois. D'ordinaire

elles se présentent sous la forme de crises, de douleurs aiguës en

coup de fouet, sans aura cependant, douleurs que la malade

essaie de maîtriser en maintenant sur sa figure une immobilité

absolue des traits. '

Les douleurs surviennent vers trois heures de l'après-midi, vont

en augmentant jusqu'au soir, se prolongeant la nuit et empêchant

la malade de reposer. Vêts onze heures, le repos devient possible

et les douleurs disparaissent jusqu'au lendemain matin, où elles

reprennent mais d'une façon extrêmement légère; il n'y a pas

d'hyperesthésie; pas de points de Valleix; le seul fait saillant est

la chute habituelle des cheveux du côté malade, trouble trophique

sur lequel, du reste, la malade attire plusieurs fois notre attention.

Vers la fin janvier, c'est-à-dire trois mois après le début de la

névralgie, sont apparus des troubles gastro-intestinaux survenant

par crises et caractérisés par constipation opiniâtre, éructations,

douleurs au creux épigastrique, douleurs abdominales, sortes de

coliques, ressenties comme des mouvements péristaltiques « ana-

logues à des serpents, dit la malade » vomissements pituiteux et

glaires, surtout au moment des crises douloureuses, mais pas

exclusivement matutinales.

La malade, toutefois, avoue prendre fréquemment, dans l'inten-

tion de se tonifier, de l'eau de mélisse et de la menthe; chose

curieuse, ces crises douloureuses produisent sur la névralgie une

sorte de dérivation, car celle-ci s'atténue dès que les troubles

gastro-intestinaux apparaissent. Actuellement la névralgie faciale

alterne avec les troubles intestinaux et augmente dès que ceux-ci

cèdent. La malade a eu recours au bromure et à d'autres potions

de différente composition sans résultat apparent. Depuis plusieurs

mois la névralgie est assez intense. La malade présente en outre

un léger goitre avec tachycardie, et un peu de tremblement mais

sans exophtalmie.

350 CLINIQUE NERVEUSE.

A l'examen physique on constate de la dilatation gastrique, un

bruit très net de clapotage, la langue est sale, sèche. La malade

se plaint d'avoir notablement maigri; elle ne présente absolument

aucun stigmate d'hystérie, bien que nous ayions recherché cette

cause avec le plus grand soin; pas de syphilis, pas d'épilepsie et

rien de particulier dans les antécédents.

Traitement. Bien que cette forme de névralgie semble indé-

terminée, nous soumettons la malade au traitement électrique,

le 27 avril 1901 ; elle a eu des applications quotidiennes pour sa

névralgie faciale et des séances tri-hebdomadaires pour son entérite.

Dès la huitième séance (8 milli-ampères, à raison de trente minutes,

durée minima) l'amélioration se produit au dire de la malade.

Les crises sont plus rares et les douleurs moins violentes. Il se

trouve que chaque jour apporte de l'amélioration, mais ce qui est

assez singulier, c'est que les douleurs conservent leur même régu-

larité, apparaissent dans l'après-midi, pour se terminer vers le

soir. Au bout de 20 séances, on constate une amélioration très

manifeste.

En juin, après 37 séances, elle demande à cesser son traitement

et à retourner dans son pays. Le 27 décembre de la même année,

sa mère nous dit qu'elle n'a plus ressenti aucune douleur depuis

qu'elle est revenue chez elle. Le l01' janvier 1902, elle nous écrit

que « de la tête elle se trouve presque complètement guérie. »

Ajoutons que pour ses troubles intestinaux et sa constipation

nous avons tenté le traitement galvanique onduié qui nous a

donné, non pas la guérison absolue, mais une amélioration. très

marquée des symptômes intestinaux, amélioration qui a persisté

au dire de la malade.

Cas. VIII. M-11 B..., fleuriste; névralgie faciale. Cette malade

a cessé tout traitement au bout de quatre séances n'ayant pu

constater aucun résultat à la suite de ces quatre séances.

Cas. IX. B. A..., cinquante-sept ans, a eu de 1873 à 1881 de

nombreux accès de fièvre palustre contractés au Mexique, au

Congo, à Panama, où il était obligé de coucher à la belle étoile.

En 1899 la névralgie a débuté à la suite d'un coup de froid sur

la joue, dans une rue où il y aurait eu un violent courant d'air.

Ce furent d'abord des douleurs peu intenses mais dont l'acuité

augmenta progressivement, si bien qu'au bout de peu de temps,

la mastication était devenue impossible, et que le moindre attou-

chement ou le moindre mouvement amenait des douleurs

atroces.

A ce moment le malade redoutait la pression la plus minime sur

la figure qui provoquait à coup sûr une crise. Chose remarquable

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 351

les crises se succédaient sans périodicité aucune. Il fut traité à

cette époque par les courants continus' et l'électricité statique,

traitement qui parut avoir produit un certain résultat et un léger

soulagement, en ce qui concerne du moins l'intensité des dou-

leurs. '

Il n'est resté après ce traitement que des douleurs venant à

intervalles variables plusieurs fois par mois, et se reproduisant,

soit à la suite de frottements ou d'attouchements de la figure, soit

à la suite de courants d'air, de changements de température, de

passage d'un temps chaud à un temps froid, d'un temps humide

à un temps sec.

Ce traitement électrique a été suivi pendant six à sept mois à

raison de trois fois la semaine, puis la névralgie a disparu pen-

dant treize mois. Jusqu'en février 1901 le malade n'a absolument

rien ressenti sauf cette impression « qu'il avait une joue ».

En février 1901 ayant été obligé de sortir beaucoup parle froid,

le malade sent le besoin de garantir sa joue avec son mouchoir.

Le froid subit et le temps humide provoquent à ce moment le

retour des douleurs ou tout au moins une recrudescence très mar-

quée rendant à nouveau les mouvements douloureux et la masti-

cation très pénibles. Toutefois ayant constaté qu'il suffisait de se

frapper légèrement le côté malade pour diminuer la douleur, le

malade utilise ce procédé de pseudo-massage pour prendre ses

repas.

Les douleurs changent souvent de type, affectant tantôt le type

nocturne, tantôt diurne, se présentant tantôt sous la forme d'éclair,

tantôt sous la forme de pincements, tantôt sous la forme de

douleurs en zig-zag, mais, caractère particulier, ces crises dou-

loureuses sont toujours entrecoupées d'intervalles libres de tous

phénomènes douloureux.

Après avoir essayé encore l'électricité avec des courants de 15

à 16 milli-ampères pendant un mois, et obtenu une très petite

amélioration, le malade continuant à avoir des douleurs, consulte

le PrBergonié qui lui conseille des courants très intenses appli-

qués sur une grande surface.

Pendant un mois on essaya les hautes intensités (30 et 35 milli-

ampères, traitement fait tous les deux jours). La douleur alors, de

superficielle qu'elle était serait devenue profonde. Ayant placé l'un

des pôles, non plus sur le tégument mais dans la bouche,sur la mu-

queuse, le malade détermina la production d'une escarre. A plu-

sieurs reprises le malade avait du reste essayé le traitement par la

quinine, traitement qui ne donna aucun résultat en ce qui con-

cerne les grandes douleurs. Il faut ajouter qu'en dehors des accès

' Application de tampons sur les points d'émergence pendant une ou

deux minutes.

35° ? 6HIQtJE nerveuse.

de névralgie faciale à forme grave que présente ce malade, il

existe de temps à autre des périodes où apparaissent de petites

crises d'un caractère spécial survenant régulièrement le soir à la

même heure (paludisme larvé) mais qui toujours s'éteignent au

bout de peu de jours, après un traitement par la quinine associée

à l'antipyrine.

Lorsque le malade vient nous trouver, il éprouve des douleurs

violentes, non pas au point qu'il soit dans l'impossibilité d'ouvrir

la bouche pour parler ou manger, mais suffisantes toutefois pour

qu'il ne se passe aucun repas ou aucune conversation sans de nom-

breuses douleurs.

Le malade présente en outre du tic vrai, c'est chez lui un état

de spasme intermittent qui donne l'impression du mâchonne-

ment.

Le sillon jugo-nasal se trouve très accentué et aurait du reste été

marqué davantage. Il y a là comme une sorte de contracture per-

manente. Le malade accuse encore de l'épiphora bilatéral lors-

qu'il est soumis au froid, et cela sans doute, en raison du spasme

des conduits lacrymaux. En ce qui concerne les troubles sensitifs

il n'y a à noter qu'une diminution du goût. A aucun moment il

n'y a eu de zona ophtalmique et pourtant le malade déclare avoir

eu il y a deux ans du zona intercostal. Notons que plusieurs dents

ont été arrachées sans aucun résultat.

Traitement. Le malade a fait lui-même les applications sous

notre direction et cela pendant une heure tous les jours, avec

4 milli-ampères d'intensité.

Après six mois de traitement, ayant éprouvé une amélioration

très notable il a suspendu l'électricité pendant plusieurs jours, et

n'a pas continué à épronver de douleurs.

Il s'est produit une petite crise cependant, vers le mois de janvier

1902, au moment des grands froids.

En mai le malade déclare être depuis deux mois dans un état très

satisfaisant, n'avoir plus que quelques sensations pénibles c des

douleurs molles ro, dit-il, « mes nerfs paraissent engourdis, et la

douleur ressemble maintenant plutôt à un mal de dents qu'à une

névralgie faciale vraie. »

Il y a encore quelquefois à intervalles très éloignés, de petits

éclairs, mais absolument supportables. Le tic a perdu également

de son intensité et ne se montre que d'une façon exceptionnelle

et très atténuée.

Oos. X. Mme L... Antécédents héréditaires. Comme anté-

cédents héréditaires, nous notons une névralgie faciale chez sa

mère, névralgie dont elle a souffert énormément, siégeant du

côté droit et qu'aucun traitement médical n'a réussi à faire dis-

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 353

paraitre. Cette névralgie, apparue au moment de la première gros-

sesse, aurait cessé au bout d'un certain temps, pour réapparaître

d'une façon définitive à la ménopause et s'installer d'une façon

permanente.

Chez notre malade, le début remonte à 1899, c'est-à-dire à

trois ans. Déjà il y a dix ans la malade se plaignait de douleurs

lancinantes pénibles, dans la région oculaire, survenant surtout la

nuit, douleurs intermittentes et vagues qui se sont accompagnées

parait-il, à deux reprises différentes, d'une amblyopie d'une durée

de huit jours. Cette amblyopie aurait coïncidé avec des douleurs

très violentes, et la malade soumise à l'obscurité guérit rapide-

ment de celte complication. Ces douleurs vagues se sont localisées

ultérieurement à la région malaire, à la région du nez et à la

lèvre supérieure du côté gauche.

Depuis deux ans la névralgie s'est installée d'une façon plus

franche, elle a commencé par des douleurs aiguës coïncidant géné-

ralement avec la fin des règles. Ces douleurs étaient d'abord con-

tinues et extrêmement violentes, puis au bout de quelques mois

elles ont procédé avec intermittences, les crises étant séparées par

un intervalle de trois à quatre minutes et chaque accès durant envi-

ron une trentaine de minutes. Quand la crise approche, la malade

la devine par une lassitude considérable de tout son être, des sen-

sations pénibles dans les jambes.

La malade compare ses douleurs à des coups de marteau extrê-

mement violents, à des secousses électriques, et la crise se termine

généralement par un épiphora abondant. Lorsque les douleurs

sont extrêmement violentes, elles s'accompagnent parfois

d'un léger tic où plutôt d'un léger ressaut du côté malade, mais

ce n'est pas là un phénomène constant.

Actuellement les accès durent deux minutes, puis disparaissent

pendant plusieurs heures : leur nombre en vingt-quatre heures est

très variable quelquefois 2, 3, 5, 6 ; d'autres fois la journée se passe

d'une façon absolument normale, sans accès aucun. L'air vif, le

contact de l'eau, la mastication rappellent la crise.

Le point de départ de la douleur, parait être le nerf sous-orbi-

taire ; la douleur descend en effet de ce point le long du sillon

jugo-nasal, atteint la lèvre supérieure, et finit par envahir toute la

joue. On constate au moment de l'accès et seulement pendant

cette période, une hyperesthésie marquée du côté malade. La face

de ce côté est rouge, injectée, chaude ; on ne constate en dehors

de ces phénomènes aucune modification de la sensibilité, dans

aucun de ces modes; il n'y a ni troubles de la sensibilité gustative

ni salivation anormale; mais la malade déclare que pendant les

crises très violentes il y a suppression complète de l'écoulement

salivaire du côté malade.

Il est difficile de rattacher cette névralgie à une cause précise. Il

Archives, 2e série, t. XV. 23

3 ? j 4 CLINIQUE NERVEUSE.

faut noter que la malade a eu des dents cariées, qui ont été enle-

vées sans produire aucune amélioration. Le 'début de la maladie

remonte à trois anset la ménopause qui date de cette époque serait

d'après la malade en corrélation avec l'affection qu'elle présente.

On lui a fait plusieurs traitements, par exemple de l'électri-

cité avec la machine Gramme rotative, traitement suivi d'amélio-

ration pendant un mois et demi mais auquel ont succédé après ce

temps des douleurs peut-être plus intenses* encore qu'auparavant.

Elle a été également traitée par l'extrait thébaïque, qui a produit

une amélioration évidente, et il n'est resté depuis ce moment

(quelques semaines avant le traitement électrique actuel) que des

douleurs moins accentuées qu'auparavant.

C'est à cette époque (janvier 4 ! i01) que nous avons commencé le

traitement électrique, d'abord à raison de 5 mA pendant vingt

minutes, et, à partir de la 15° séance, la malade déclare ne plus

souffrir du tout et n'avoir à se plaindre que de quelques douleurs

vagues dans les yeux.

La malade éprouve de nouveau quelques douleurs espacées

pendant le mois de juillet 1901, et c'est à partir de cette époque que

nous faisons des séances de trente minutes. Ces douleurs diminuent

vers la lin août et au commencement de septembre, bien que la

malade ne suive son traitement que d'une façon très irrégulière.

Le 23 septembre elle nous déclare n'avoir plus que de petites

crises faibles et rares. A partir de ce moment, cette malade est

venue très irrégulièrement, demandant quelques séances au

moment de la réapparition des douleurs et malgré noti conseil

de se soumettre à un traitement régulier. Toutefois le traitement

qu'elle a suivi parait avoir eu quelque efficacité, puisque le 3 jan-

vier 1902 elle nous déclare qu'il n'y a aucune comparaison à faire

entre son état actuel et les atteintes antérieures. En juin 1902,

après être revenue prendre encore de-ci de-là quelques séances, elle

nous déclare que son état avoisine presque la guérison, tellement

elle est tranquille et satisfaite des résultats obtenus.

Ous. Xi. Mm0 S., cinquante-six ans. \ient en juillet 1901; névral-

gie faciale depuis vingt-cinq ans, ayant subi une recrudescence

Liés marquée depuis un an.

L'observation détaillée de cette malade a été égarée.

Cette malade a subi un traitement d'une durée de quatre mois

environ. Les'éançesont été d'une heure avec une intensité de 4 m A.

Au bout de 45 séances, on a pu noter une amélioration très marquée,

mais celle-ci n'a pas persisté au delà des premiers jours de janvier

et à partir du 10 janvier 1902, l'état de la malade ne s'améliore

plus. Elle cesse le traitement le 17 mars, désespérée et souffrant

autant qu'au début du traitement. Elle retourne à Dijon où elle

habite.

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 355

OBS. XII. 11m P ? soixante-cinq ans, habite Salins (Jura). Un

an après son mariage, brusquement pendant une nuit, elle est

prise de douleurs en coup de marteau l'angle externe et supérieur

de l'orbite gauche. Ces douleurs avaient une durée variable, mais

présentaient cependant une période de calme, elle-même plus ou

ou moms longue. Six mois après, ces douleurs disparaissent, et

pendant cette période de rémission la malade se marie.

Réapparition des douleurs au 6e mois de la grossesse mais avec

un aulre caractère. Elles siègent à la face, sur la lèvre supérieure,

l'aile du nez, le front, la tempe gauche. La malade les compare à

des tremblements électriques occasionnant des douleurs très vives

« en charbon ardent, en lame de canif, dit-elle, qui s'étendent dans

son cerveau où il y aurait une plaie que chaque mouvement de la

figure, le rire, le bâillement, l'action de mordre viendrait déchi-

rer davantage ».

On lui arrache une dent (la canine) bien qu'elle fut intacte.

Pas de soulagement. Une mouche placée sur la région temporale

gauche aurait beaucoup calmé les douleurs. Puis pendant une

douzaine d'années, rémission.

En 1880, retour des douleurs avec les mêmes caractères pendant

un an environ.

Ensuite nouvelle rémission entrecoupée de quelques périodes

douloureuses seulement. A partir de 1893 retour définitif de la

névralgie. Depuis 1893 les douleurs n'ont pas cessé, il n'y a pas de

périodes de rémission sauf en été pendant deux mois environ.

Impossibilité de manger, la malade est obligée de «sucer du bouil-

lon » elle ne peut ni avaler la salive, (probablement hypersécrétion)

ni tousser, ni cracher. Elle ne peut se débarbouiller sans provo-

quer les douleurs les plus atroces.

Élut actuel. Les trois branches du trijumeau paraissent égale-

ment atteintes; il parait y avoir une légère prédominance sur

l'ophtalmique. Les points douloureux d'émergence ne peuvent être

décelés. Les paroxysmes reviennent à chaque instant. Hypersensi-

bilité de la peau particulièrement marquée dans la moitié supé-

rieure de la face du côté du cuir chevelu. Hyperesthé'ie de la

langue et des gencives. Comme troubles moteurs, il y aurait eu

(nous n'avons pu en être témoin) des secousses convulsives dans le

sourciller, l'orbiculaire et le releveur de l'aile du nez. En tous cas

la malade affirme avoir eu des secousses dans les accès les plus

forts. Hypersécrétion lacrymale quand la crise est violente.

Étiolroqie. Rien de particulier dans les antécédents. Pas de

fausse couche ; la malade a eu 3 enfants dont l'un est mort de

méningite, et les autres sont actuellement bien portants. Aucune

des causes générales invoquées d'ordinaire (paludisme, rhuma-

tisme, hystérie, tabes, etc). Pas de troubles oculaires, pas de signe

356 CLINIQUE NERVEUSE.

d'it,-yll. Syphilis improbable. La seule éliologie plausible mais

bien banale, est la carie dentaire. Elle s'est fait extraire des dents

bonnes et mauvaises, sans soulagement consécutif cependant.

Traitement. Le traitement est commencé le 15 novembre 1901.

quarante-cinq minutes par jour avec une intensité de 4 à G milli-

ampères. Au bout de dix jours, la malade éprouve un grand sou-

lagement, n'ayant plus que quelques crises rares, de peu de durée

et de peu d'intensité. A la fin de décembre, il se produit une très

grande amélioration. Dans les premiersjours de janvier cependanl,

recrudescence légère des douleurs.

Ces douleurs, assez violentes, de dix à quinze minutes de durée

qui n'existaient plus les jours précédents persistent jusqu'au

10 janvier; à partir de ce moment-les phénomènes douloureux

diminuent progressivement avec quelques alternatives de recru-

descence peu marquée. La seconde partie de janvier et février se

passent sans douleur notable. Le 10 lévrier, la malade déclare que

depuis quinze jours elle n'a pas éprouvé une seule douleur et que

les dernières qu'elle a ressenties étaient insignifiantes.

Elle part le 17 février pour son pays, malgré notre insistance. Sa

dernière note porte : Dimanche 16 février : Venue ce matin pour

la dernière fois avant son départ; déclare ne plus rien ressentir,

sauf quelques petites douleurs passagères et de durée extrêmement

courte; se trouve très satisfaite du traitement qui a duré juste trois

mois : hier et aujourd'hui, aucune douleur.

Nous avons reçu d'elle quatre lettres : la première où elle nous dit

que du 17 février au 17 mars, il n'y a eu que quatre à cinq petits

éclairs et seulement la crainte hypothétique d'une récidive. « Je

n'ose me débarbouiller fort ». La deuxième lettre (du 17 mars au

17 avril) il y a eu le 26 mars plusieurs éclairs dans les gencives, et

le 6 avril trois éclairs dans le cerveau, ce qui lui a donné une

grande frayeur, mais ces éclairs ne se sont pas reproduits.- « Mais

il y a souvent encore quelque chose dans la gencive, quand je

commence à mâcher; pourtant depuis deux jours, je ne sens plus

rien ».

Du 17 avril au 18 mai, les éclairs dans la gencive persistent et il

y a de temps à autre, quelques irradiations dans le cerveau. Du

17 mai à la fin juin, la malade se plaint encore de quelques dou-

leurs, mais rares, et sans comparaison aucune avec les douleurs

d'autrefois. Il est certain que si cette malade avait pu reprendre

de temps à autre le traitement l'amélioration première aurait per-

sisté d'une façon beaucoup plus marquée.

OBs. XIII. M ? M..., névralgie faciale du type grave depuis

trois ans. A en plusieurs rémissions : la première année, la névral-

gie a duré trois mois; la deuxième année deux mois, et en 1900,

PARTICULARITÉS CLINIQUES DE LA NÉVRALGIE FACIALE. 357

depuis octobre, lanévralgie provoque des douleurs très intenses,

moins violentes cependant que l'année précédente, mais ayant

subi depuis plusieurs jours une recrudescence marquée ; les

périodes de rémission n'ont jamais été absolument calmes, il y a

toujours eu des périodes de névralgie atténuée. Elle s'est fait arra-

cher toutes les dents sans résultat.

Traitement. Du 14 au 24 décembre 1901, elle a eu huit séances;

elle revient le 6 janvier 1902, et nous informe qu'elle va partir à

la campagne pour un mois; elle souffre cependant toujours beau-

coup, mais déclare avoir trouvé un grand soulagement dans les

applications que nous lui avons faites.

Cas. 11V. - 111'u L..., soixante ans, est prise de névralgie dans le

côté droit de la face, depuis octobre 1901, sous forme d'élance-

ments douloureux. Déjà depuis deux ans elle avait éprouvé

quelques atteintes de très courte durée, sorte de secousses élec-

triques, d'éclairs, partant du sillon jugo-nasal, pour remonter sur

le côté externe de l'orbite et s'irradier à la région frontale. Le

début de ces phénomènes paraît coïncider avec un tamponnement

fait pour épistaxis rebelle.

En octobre 1901 les douleurs fugaces sont devenues beaucoup

plus fréquentes, plus intenses et plus tenaces.

Elles surviennent par accès durant une vingtaine de minutes.

D'après les dires da la malade il est difficile de se rendre compte

du type exact de la névralgie, toutefois il semble bien se rappro-

cher du type grave.

L'accès commence par des éclairs qui passent devant les yeux,

immédiatement suivis d'une sensation de déchirement dans la

moitié droite delà face. Entre les accès il n'y a qu'une sensation

d'endolorissement. Ces accès se répètent quinze à vingt fois par

jour au minimum. Souvent ils apparaissent toutes les cinq ou dix

minutes, d'autres fois, toutes les demi-heures seulement. Pendant

l'accès la malade ne peut ni manger, ni parler, ni marcher, ni se

livrer à une occupation quelconque. Le sommeil est parfois rendu

impossible par la répétition et l'intensité des douleurs. Jamais il

n'y a eu le moindre tic ; il n'y a pas non plus de grimaces, la malade

cherche au contraire à obtenir l'immobilité la plus complète de la

face au moment de l'accès.

Dans les premières semaines la névralgie était localisée sur le

nerf sous-orbitaire, puis peu à peu la douleur a envahi tout le côté

droit de la face.

Hyperesthésie très marquée dans la région d'émergence du tri-

jumeau s'étendant au bulbe pileux est parfois telle, que la malade

ne peut ni mettre son chapeau ni se coiffer. L'apparition de l'accès

est accompagnée de troubles vaso-moteurs, injection de la face,

358 CLINIQUE NERVEUSE.

chaleur gênante, rougeur des paupières. L'épiphora n'apparaît

plus que dans les périodes très violentes.

Bien entendu la malade a épuisé toute la série des médicaments

et des moyens usuels depuis l'antipyrine jusqu'au siphonage et

cela sans bénéfice apparent. -

Le 6 février, elle commence le traitement électrique.

Dès les premières séances, la malade éprouve un notable soula-

gement et peut dormir, les douleurs ayant presque complètement

cessé la nuit. Au bout d'un mois de traitement, les douleurs ont

diminué très notablement de violence et les accès s'espacent. Au

bout de deux mois de traitement la malade déclare n'avoir plus

que quelques petites douleurs passagères.

A partir de juin la malade se trouve dans un état très satisfai-

sant et cesse de suivre le traitement d'une façon régulière. Finjuit-

let au retour de la campagne elle demande à compléter son trai-

tement parce que depuis le 20 juillet elle a eu de petits accès plus

intenses, mais ne ressemblant néanmoins en rien aux accès d'au-

trefois. La durée est de une seconde au lieu de vingt minutes et il

n'y en a que trois à quatre par jour au lieu du minimum de

quinze..

Ous. XV. i)lllle B..., trente-quatre ans. Le début de la maladie

remonte à trois mois et parait d'origine grippale. La malade venait

d'avoir une atteinte de grippe très légère ayant duré quatre à cinq

jours. Au cours d'une grossesse, la malade aurait déjà éprouvé des

douleurs faciales analogues, à celles qui la font souffrir actuelle-

ment qui, cependant, n'ont pas été traitées, ces phénomènes ayant

disparu au bout de très peu de jours.

Peu après la cessation de la fièvre (février 1902), la malade res-

sent de chaque côté de la région occipitale, des douleurs névral-

giques plus accentuées à droite qu'à gauche.

Ces douleurs se sont ensuite localisées sur le sommet de la tète,

s'accompagnant d'un degré assez marqué d'hyperesthésie (attou-

chement des cheveux extrêmement pénible, impossibilité de se

coiffer). Enfin elles se sont fixées à la région frontale. Ces douleurs

sont continues avec périodes d'exacerbation, consistant en élance-

ments qui durent un quart d'heure en moyenne sans phénomènes

moteurs ni convulsifs d'aucune sorte, sans aura précurseur et se

produisant sans raison aucune, très violentes le malin; les paro-

xysmes durent une demi-heure, puis cessent.

Dans le courant de la journée, elles réapparaissent, mais locali-

sées cette fois au sommet de la tête ou à la région occipitale. Enfin

, le soir, vers quatre heures, les phénomènes douloureux se montrent

à nouveau, non pas dans la région frontale mais tantôt au sommet

de la tête, tantôt plus en arrière. l'as d'aura dans tous ces accès.

Au commencement du mois de mai, les douleurs ont complète-

FIBROMATOSE-ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 359

ment cessé sur le sommet de la tête; seules les douleurs de la

région occipitale droite et de la région frontale ont persisté; elles

s'accentuent au moment des changements de temps.

La malade a été mise en traitement, et au bout d'un mois, les

douleurs de la région frontale ont disparu presque complètement,

ne laissant plus qu'une légère sensibilité. Les paroxysmes sont

devenus très rares, très légers, et ne réapparaissent que tous les

trois ou quatre jours seulement.

0>ss. XVI et XVII. Ces deux observations ont trait à des ma-

lades atteints de névralgie du type grave.

Chez l'un de ces deux malades, le début remonte a six ans, chez

l'autre à trois ans environ.

Le traitement a été commencé chez ces deux malades en mars

1902 (séances d'une heure tous les jours, intensité de 4 à 6 milli-

ampères). La date relativement rapprochée du commencement de

ce traitement ne nous permet pas de porter sur les résultats des

conclusions définitives. Toutefois ces deux malades ont été amélio-

rés dans une très notable proportion, et leur état actuel est jugé

comme très satisfaisant.

Nous nous proposons de communiquer leur histoire avec

quelques autres de malades actuellement en traitement, mais

seulement lorsque nous nous y croirons autorisés par la consta-

talion d'une amélioration suffisamment durable et persistante.

RECUEIL DE FAITS.

Fibromatose et paralysie générale;

ParleD.l. CUf.L>JIiR);.

L'affection connue sous le nom de maladie de Reckling-

hausen est-elle est toujours congénitale ?

Est-elle due à une altération anatomique du système ner-

veux ? C'est ce qui n'est pas encore établi d'une façon incon-

testable. Les auteurs toutefois s'entendent pour admettre

que, chez les sujets atteints de celte maladie, il existe une

certaine faiblesse congénitale du système nerveux qui fait

d'eux une catégorie à part de dégénérés. A ce titre, l'obser-

vation que nous allons donner et qui nous offre un cas jus-

360 RECUEIL DE FAITS.

qu'ici unique, croyons-nous, de paralysie générale chez une

femme atteinte de dcrmofibromatose congénitale et proba-

blement héréditaire peut présenter un certain intérêt.

O...Zélina, femme C... quarante-sept ans, marchande ambulante,

mariée, un enfant, est admise d'office par transfèrement de l'asile

de Niort, le 30 avril 1901, avec le certificat suivant : « alcoolisme

chronique; affaiblissement intellectuel; tentative de suicide et

d'incendie pendant un accès ; état physique bon ; peut être trans-

férée ». Le certificat de vingt-quatre heures est ainsi conçu :

« atteinte de psychose polynévritique d'origine alcoolique ; démence,

perte totale de la mémoire, impulsions automatiques au suicide,

vague délire de satisfaction et de richesses, symptômes de névrite

des membres inférieurs ».

On constate à l'entrée de l'hyperesthésie "cutanée ; les réflexes

sont très exagérés, la démarche est un peu spasmodique; le pied

gauche est un peu pendant; pas de trépidation épileptoïde.

L'excitation plantaire provoque la flexion des orteils. Pupilles

égales réagissant bien à la lumière ; chute légère de la paupière

et du sourcil gauches; abaissement de la commissure labiale du

même côté.

L'état mental est caractérisé par une hébétude profonde avec

perte totale de la mémoire dont la malade a une vague conscience ;

elle répète à chaque instant : « Je ne sais pas... je ne sais plus... je n'ai

plus d'idées ». C'est sa seule réponse aux questions que nous lui

posons relativement à ses antécédents, au temps actuel et au lieu

où elle se trouve. Par moments, elle manifeste un peu d'exaltation

cérébrale avec idées de satisfaction et de richesses : « elle a

fait un gros héritage de son père ; elle a plus de cent mille francs » ;

pas d'embarras de la parole.

Nous revenons sur l'examen physique pour décrire une parti-

cularité tératologique importante qu'on relève sur cette malade.

Elle est atteinte de fibromatose généralisée du tégument externe

tout entier.

Le visage est couvert de petites tumeurs sessiles, très confluen-

tes en certains points, fermes sans être dures, adhérentes à la,

peau qui, à leur niveau, est lisse sans différer, comme aspect, du

tégument voisin; il y en a depuis la grosseur d'un grain de blé

. jusqu'à la grosseur d'une petite noisette; les plus grosses sont au

menton.

Dans le cuir chevelu les tumeurs plus disséminées sont beau-

coup plus volumineuses; l'une atteint la grosseur d'une noix;

deux ou trois celle d'une cerise; elles sont pédiculées plus ou

moins molles, un peu molluscoïdes.

Sur la poitrine les tumeurs sont très confluentes dans toute la

région sternale ; elles sont beaucoup moins nombreuses sur les

FIBROMATOSE ET PARALYSIE GENERALE. Obi

seins. Elles affectent les unes la forme sessile et dure et les autres

la forme molluscoïde et molle.

Sur les bras elles sont discrètes. Sur le bras gauche, un peu au-

dessus du pli du coude, on remarque un gros fibrome pédicule.

'Sur les jambes et les pieds elles sont assez nombreuses, grosses,

plutôt sessiles et dures.

Ledos, du cou au sacrum, enestliltéralemenlcouverljsurunfond

de petits si bromes sessiles se détachent de nombreuses excrois-

sances molles à pédicule large, surtout dans la région médiane.

Ce n'est nas tout. On relève sur différentes parties du corps des

- 1'î y. lU,

362 RECUEIL DE FAITS.

noevi sous forme de larges taches pigmentaires de couleur plus ou

moins foncée depuis le jaune jusqu'au brun noir. Il existe une de

ces larges taches sur la partie postéro-inlerne de la jambe droite.

un autre à la partie supéro-interne de la cuisse du moine côté et

une troisième sur une large étendue de la fesse gauche.

La photographie ci-dessus donne une idée suffisante de cette

singulière affection.

La malade nous a affirmé qu'elle « avait ça de naissance » et

que sa mère était affectée de tumeurs semblables.

1 1 mai. - Depuis hiersoireiieaeu trois attaques épileptiformes :

perte de connaissance, pâleur, chute., puis rougeur de la face sans

convulsions; au bout de quelques instants, elle revient à elle et se

livre à des mouvements automatiques comme de chercher dans

ses poches, de ramasser quelque chose à terre.

1° jrri Erysipèle de la face, -IL la suite d'une écorchure au

nez. terminé par guérison.

6 juin. Une attaque épileptiforme hier. Persistance delà

démence massive. L'intelligence ne manifeste d'activité que pour

les fonctions végétatives. Tous les matins elle nous accueille par

cette invariable formule « J'ai grand faim ; si vous saviez comme

j'ai faim ». On continue aussi à constater quelques vagues idées de

satisfaction et de richesses.

27 juillet. - Un peu d'excitation cérébrale sans modification de

la santé physique; elle radote de la façon suivante : a Je ne suis pas

malade; c'est de l'ennui; mon pauvre père est mort; il n'y pas

longtemps... Quel malheur ! il n'y a plus de morale, plus

rien... Je n'aime plus ma petite fille comme autrefois. Elle n'apas

bon coeur. Elle a peut-être fait quelques bêtises Je ne veux pas

penser à ce qu'elle a fait... Je n'ai plus d'idées, plus de mémoire.

Je ne me rappelle plus d'un instant à l'autre ». Les membres infé-

rieurs continuent à être faibles et la démarche un peu spasmodique.

Aussitôt qu'on veut explorer la sensibilité, le corps entier entre

en une raideur généralisée intense. Pupilles toujours égales et réa-

gissant bien ; mais depuis quelques temps on constate un peu

d'embarras de la parole avec achoppement syllabique. Les atta-

ques épileptiformes reviennent à peu près tous les mois.

22 décembre . -Attaques épileptiformes en série- Abrutissement

profond; gâtisme; les membres refusent tout service; elle ne quitte

plus le lit.

5 janvier 1902. Entérite grippale à forme grave, suivie de

cachexie, d'escarres au sacrum et de marasme progressif.

6 mai. A la suite d'une série d'attaques la malade, profondé-

ment cachectique, succombe le 6 mai.

Autopsie. Epanchement très abondant de liquide sous-arach-

noïdien ; méninges transparentes mais très congestionnées avec

FIBROMATOSE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 363

suffusions sanguines étendues à toutes les régions antéro-latérales

des hémisphères. Artères saines, non épaissies, à part quelques

points très restreints sur la Sylvienne gauche à son origine.

Hémisphère droit : poids 440 grammes; extrêmement ramolli et

difflueut; adhérences de la pie-mère à la substance gnseconnuen-

te-, et profondes sur les deux tiers antérieurs; en l'enlevant, elle

entraîne en certains points presque toute l'épaisseur de la substance

grise jusqu'à la substance blanche que l'on sent indurée au fond

de l'anfractuosité; la substance grise est d'ailleurs réduite à une

lame très mince. Pas de granulations épendymaires. A la coupe,

pas de lésions en foyer.

Hémisphère gauche : poids 4CO grammes. Les adhérences sont

beaucoup moins généralisées que du côté opposé ; elles sont sur-

tout profondes de chaque côté de la scissure de S\ Ivius ; l'atrophie,

elle ramollissement de la substance grise sont moins marqués,

ce qui explique la différence de poids des deux hémisphères. Pas

de granulations épendymaires dans les ventricules.

On ne trouve aucune tumeur fibreuse sur le trajet des nerfs

superficiels ou profonds malgré les recherches opérées à ce point

de vue. On fait même la dissection du plexus brachial dans toute

son étendue : elle est absolument négative.

Les viscères n'ont pas été examinés.

Nous ne savons si, en dehors de l'alcoolisme, il y a lieu

d'incriminer quelque autre cause occasionnelle dans ce cas

de paralysie générale. Nous ignorons notamment si cette

malade a eu la syphilis. La seule chose d'ailleurs qui nous.

paraisse intéressante dans cette observation, c'est la coïnci-

dence de la fibromatose, affection congénitale et familiale,

d'après les dires de la malade, dont il n'y a pas lieu de sus-

pecter la véracité, car elle n'a jamais varié sur ce point

malgré son état de démence, et de la péri-encéphalite,

maladie tenue comme la plus accidentelle des psychopathies,

et considérée généralement comme se développant ordinai-

nairement en dehors de la prédisposition et chez des indivi-

dus à cerveau primitivement bien constitué.

Or, si la libromatose est l'indice d'une faiblesse coiigéîîi-

tale du système nerveux, suivant l'expression même des

auteurs, ce cas viendrait s'ajouter à ceux déjà nombreux,

où l'on voit la paralysie générale frapper des prédisposés,

des dégénérés, voire mêmes des imbéciles.

En 1888, M. L-F. Arnaud publiait deux cas de paralysie

générale chez des imbéciles, rappelait deux observations

analogues l'une de More), l'autre de M. Christian et ratta-

361 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

chait la faiblesse congénitale cérébrale de ses malades à

l'alcoolisme des parents'. 1.

En 1893, mon interne Gagnerot, dans sa thèse intitulée,

« De la prédisposition dans la paralysie générale » donnait

des exemples de paralysie éclose sur le terrain de la dégéné-

rescence2.

En 1897, Luigi Cappelletti publiait un. mémoire sur la

paralysie générale chez les imbéciles'.

En 1898, je donnais moi-même, dans les Annales médico-

psychologiques, une observation du même genre et j'avan-

çais cette opinion que « presque tous les paralytiques géné-

raux de la classe rurale sont des débiles M. Les observations

que j'ai recueillies depuis ne sont pas de nature à me faire

changer d'opinion. 1

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Observation d'états psychiques anormaux survenant pério-

diquement ; par S. Kure (de 'l'olcio). ( £ YCIII'010g. Centralbl., XIX,

1900).

Dame de cinquante-deux ans, mariée à vingt-deux, ayant eu

huit grossesses normales. Hérédité nerveuse. Enfance normale

sauf depuis l'âge de treize ans : céphalalgie habituelle. Enfant,

elle avait un caractère calme et réfléchi; adulte, elle était vive,

sociable, fort recherchée et aimée. Existence régulière. Grande

fumeuse de tabac.

A trente-neuf ans, elle est grosse pour la neuvième fois et

accouche prématurément au huitième mois. Trois semaines plus

tard, à des intervalles de cinq jours, elle est, durant une heure

ou deux, assaillies de défiances inexplicables avec crainte d'être

volée. Au bout de trois mois, apparaissent des accès d'angoisse,

compliquée d'agitation vive et de délire en rapport avec des illu-

sions, qui reviennent à des périodes régulières et ne varient point.

' L.-F. ARNAUD. Deux cas de paralysie générale avec autopsie chez

des imbéciles (Annales médico-psychologiques, 1888).

GIGNEROT. Thèse de Paris, 1893.

3Luigi CAI ? ELLr'L11, Ilevisla sper. (li Frenialria, 1897.

'A. Cullerre. Paralysie générale chez une imbécile (Annales méllico-

psychologiques, 1899).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 36S

Chaque accès est ainsi constitué. Le premier jour, la malade est

irritable, maussade, irascible, demi-anxieuse, elle ne dort pas.

Puis arrive une véritable angoisse, à laquelle se joignent des illu-

sions de l'ouïe, et bientôt des hallucinations, provoquant des

idées de persécution ; il se produit une confusion mentale accusée.

Graduellement absorbée par ce qui se passe en elle, insensible au

monde extérieur, la patiente, en deux à trois jours de cet état,

devient stupide et calaleptoïde. Peu à peu, elle s'endort debout :

ses paupières se ferment, son corps s'accote à un appui résistant et

demeure tranquille et immobile. On éprouve beaucoup de peine à

la tirer de cette somnolence ; il faut pour cela l'interpeller vigou-

reusement, et ce réveil ne dure qu'un instant, mais si, à ce

moment, on lui présente une pipe allumée, elle la fume. La som-

mation dure habituellement trente heures ; elle rétrocède insensi-

blement pour laisser la place à la lucidité. L'intervalle lucide est

de trois à cinq jours, absolument normal pendant les premières

années de l'affection, il est teinté maintenant tantôt de gaité, tan-

tôt d'hébétude. L'amnésie de ce qui s'est passé au cours de l'accès

est totale. A la suite de cet intervalle lucide, les phases de l'accès

reparaissent dans l'ordre indiqué. Chaque accès est précédé et

suivi d'une légère exaltation. Diagnostic impossible. P. KERavaL.

Il. De l'origine de la catatonie; par A. Pisniatsciiewskv. (06ozréni é

psichialrii, V. 1900)

Travail fort substantiel accompagné de six observations person-

nelles et d'un tableau des mensurations craniométriques.

Conclusions. 1. La catatonie est un type morbide autonome

qui appartient au groupe des psychoses dégénératives. 2. Les

signes s'en manifestent généralement à vingt ans, mais il existe

des cas précoces et des cas tardifs.- 3. Elle est incurable mais son

évolution est traversée par des phases accentuées d'amélioration,

suivant la gravité et le caractère de sa forme. 4. Ses symp-

tômes ne présentent la plupart du temps pas le même relief : pen-

dant que les uns sont fortement marqués, les autres sont simple-

ment esquissés. - . Il faut considérer comme symptômes cons-

tants : la diminution de la sensibilité à la douleur et l'exagération

de la tonicité musculaire. 6. La démence progressive plus ou

moins rapide en est l'élément intellectuel P. KERAVAL.

111. Manie aiguë produite par le Toeniaf ? ); par BARCtA CAIIUILLERO,

(Sigle Médico, ? t° 2S03).

Il s'agit d'un jeune homme conduit l'asile de Santiago dans

un état de manie aiguë avec agitation extrême. Le traitement

ordinaire n'amena qu'un calme relatif laissant persister un état de

36C REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

confusion incohérente absolue. Ayant constaté des anneaux de

taenia dans les selles du malade on administra l'extrait de foudre

mâle : un tccnia armé long de sept mètres fut expulsé et le sillet

fut radicalement guéri du jour.au lendemain de tousses troubles

mentaux. Avec une prudente réserve l'auteur se range avec Esqui-

rol, Luys, Ilammond, etc , parmi ceux qui admettent la présence

de parasites de cet ordre comme cause de troubles vésaniques et

se demande si un cas aussi net ne peut venir à l'appui de cette

opinion. F. B.

IV. Psychose infectieuse ; par le Du V. Oiz or CSQU6aD0. (Revista

de llediciau y cir. r<7e<. no 696).

Une malade à la suite d'une lièvre puerpérale est frappée decou-

fusion mentale. L'auteur déconseilla d'abord l'internement et isola

simplement la malade avec nu traitement très actif pour parer aux

accidents somatiques qui menacèrent encore sa vie. Après un au

l'état mental restant mauvais la malade est internée avec un non-

restreint absolu et traitée toujours très assiduement et rationnel-

lement. Sa guérison survint complète après deux années de mala-

die, et a résisté depuis à des chocs moraux très graves. L'auteur

s'appuie sur ce fait pour déclarer que les aliénés sont bien plus

souvent curables que ne le pensent les gens du monde et nombre

de médecins, et que quelque longue que soit la durée des symp-

tômes le traitement ne doit jamais cesser d'être actif, et le décou-

ragement ne doit jamais relâcher la thérapeutique. 1, B.

V. Troubles psychiques dans un cas de tumeur du lobe frontal;

par les D"' Cestan et Lejonne.

Il s'agit d'une femme de trente-trois ans, chez qui l'existence de

névrite optique, de céphalée, de vomissements, permit, avec l'évo-

lution de la maladie, de diagnostiquer une tumeur cérébrale. Les

attaques d'épilepsie jacksonnienne permettaient de dire qu'elle

siégeait non loin de la scissure de Ilolando, du côté gauche. Le

peu d'intensité de l'hémiplégie, l'absence d'aphasie incitaient à

penser que la zone rolandique était irritée, mais non détruite.

La localisation précise d'une tumeur au niveau du lobe frontal

était difficile, en raison des conclusions peu positives qui se déga-

gent de l'examen des cas publiés..

Le tableau clinique des troubles intellectuels chez la malade avait

présenté deux stades bien différents. Au début, il y avait une com-

pression cérébrale générale, caractérisée par la céphalée, les vomis-

sements, la névrite optique; avec elle coïncidaient des phénomènes

de torpeur générale. Plus tard, tous les phénomènes somatiques

de compression cérébrale générale disparurent pour faire place à

une période psychique caractérisée par des troubles de la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 367

mémoire, la perte de tout sentiment affectif et un état d'euphorie

remarquable.

A l'autopsie, on trouva, au niveau du lobe frontal gauche, une

tumeur du volume d'une grosse orange, variété de sarcome des

méninges, ayant refoulé puis détruit les circonvolutions cérébrales

avoLinantes. (Revue neurologique, septembre 1901.) E. B.

VI. L'instinct sexuel; par FIRRÉ (Revue de Médecine 1899).

L'instinct peut être défini une activité, un potentiel héréditaire,

qui est mis en jeu par les excitants extérieurs et peut se mani-

fester au moment de la naissance ou beaucoup plus tard. Les

différents instincts s'établissent dans la série animale suivant un

ordre qui constitue une hiérarchie persistante. Les instincts qui

ont pour but la préservation de l'individu apparaissent d'abord,

puis ceux qui ont rapport à la préservation de l'espèce et à celle

des groupes sociaux. L'instinct sexuel qui a pour but la préserva-

tion de l'espèce se développe plus tard que les instincts individua-

listes. Chez l'homme, il devient un instinct complexe ; d'abord

ayant simplement pour but l'acte de la conjugaison, il se com-

plique d'instincts relatifs à l'attraction sexuelle puis à l'union per-

manente et à la protection des êtres procréés.

L'instinct sexuel apparaît en général et en corrélation étroite

avec le développement des organes sexuels. Cette corrélation peut

quelquefois faire défaut ; elle constitue alors un déséquilibre de

l'instinct. L'instinct sexuel est en outre mis en jeu par des excitants

extrinsèques, impressions tactiles, olfactives, etc., émotions, exci-

tants intellectuels. La valeur de ces excitants varie suivant chaque

individu ; mais il y a perversion et déséquilibre de 1 instinct

lorsque l'un d'eux est prépondérant ou est nécessaire pour éveiller

l'instinct. Toutefois chez les races civilisées, l'élément intellectuel

tend à diriger l'instinct sexuel et à piésider à la sélection. Impul-

sif et sensuel chez le sauvage, l'amour tend à devenir parental chez

le civilisé.

Celle évolution de l'amour peut réaliser un élément de sélection

tendant à l'élimination des types chez lesquels cet amour parental

est le moins développé (mortalité plus giande chez les enfants

élevés en nourrice, chez les enfants naturels, etc.). M. il.

VII. Contribution à l'étude des perversions sexuelles ; parle D''Serge

SOL)IIIIANUF. (Annales médico-psychologiques, février 1901.

L'auteur rapporte l'histoire d'un homme de vingt-sept ans chez

qui, après des essais de coït non suivis de succès, l'impulsion nor-

male pour le sexe féminin se transforma en une impulsion anor-

male de forme rare.

Il remarqua un jour que cela lui faisait plaisir de regarder une

femme uriner ou aller à la selle. Peu à peu il constata qu'il

368 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lui venait l'envie de prendre l'urine d'une femme pendant qu'elle

urinait et de boire cette urine. Il parvint à trouver accidentellement

des lieux d'aisance où, sans être remarqué par la femme qui uri-

nait, il pouvait prendre de son urine et la boire ; ce manège provo-

quait.chez lui non seulement l'excitation sexuelle, mais encore une

éjaculation. Il répétait cette manoeuvre presque, tous les jours et

en ari iva à prendre dans sa main et à avaler non seulement de

l'urine mais encore des matières fécales.

Mais un jour, après avoir pris dans la bouche de l'urine et des

excréments, le malade sentit une irritation à la bouche et une

démangeaison à la lèvre. Il eut peur d'avoir attrape la syphilis,

courut de médecin en médecin en suppliant qu'on le lui dise fran-

chement et finit par avouer ses tristes habitudes.

L'examen de la sphère psychique du malade et de ses antécé-

dents démontrent d'une manière très claire que l'anomalie sexuelle

en question n'est qu'un des nombreux symptômes de dégéné-

rescence psychique qu'on peut constater chez lui . E. B.

VIII. La Volupté, la cruauté et la religion ; par le Dr P. GANNOUCIJKINF

(Annales médico-psychologiques, décembre 1901).

Il a été beaucoup dit à propos de la connexion du sentiment

religieux et sexuel, encore plus, peut-être de la connexion de la

cruauté et de la volupté; mais comparativement peu, à propos de

la connexion du sentiment religieux et de la cruauté, et encore

moins à propos de la connexion de ces trois sentiments réunis.

Des recherches effectuées par l'auteur, il résulte que la religion,

la cruauté et la volupté sont très proches parentes ; un de ces sen-

timents s'élève à côté de l'autre, ou est remplacé par l'autre.

De ces trois sentiments, le plus fort est le sentimeut sexuel; le

sentiment religieux et la cruauté, en certains cas, doivent être

regardés comme des succédanés du tout puissant instinct sexuel.

Les juges, les instituteurs et les moralistes ne doivent jamais oublier

cette parenté.

Enfin, la réunion de ces divers sentiments dans un groupe peut

avoir de l'importance pour la classification naturelle physiologique

des sentiments, classification qui est possible dans l'avenir. E. B.

IX. De la valeur sociale des dégénérés, par les DSRssmonn et Lagriffe.

(Annales ? H6('co-p ? /c/to<o( ? MM, janvier-juin 1901.

Les nombreuses et intéressantes observations de dégénérés

recueillies par les auteurs, peuvent se diviser en trois groupes :

dans le premier, la déchéance est complète; dans le second, la

criminalité simplement morale ou à la fois morale et sociale est

évidente, la relégation future certaine; dans le troisième enfin,

1 Voir un cas s'en rapprochant, 1902, t. XIV, p. 462. ,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 369

l'individu tend à s'expatrier, cherchant ainsi le milieu nouveau

dans lequel il rencontrera moins d'occasions de conflit avec des

lois sociales moins précises. 1

La suggestibilité intensive et pathologique des malades des deux

derniers groupes devient l'adjuvant le plus précieux dans le trai-

tement. Pour instituer une thérapeutique rationnelle, il est un

certain nombre de facteurs dont il faut tenir le plus grand compte :

1° les dégénérés sont des héréditaires ; par conséquent, il faut les

arracher à leur milieu ; 2° il faut les placer dans un milieu spécial,

les réunir et non pas les noyer dans un milieu normal qui les

découragerait et dans lequel les conditions spéculatives que l'on

sait empêcheraient que l'on s'occupât d'eux ; 3o il faut utiliser le

seul moyen existant pour fixer leur attention, par conséquent, il

faut éliminer toute tentative pour une instruction abstraite et se

localiser uniquement dans le domaine concret.

Mais on ne peut prétendre que ce soit là un traitement curatif;

ces malades sont des victimes de la société et de sa prétendue

civilisation; là est le mal, là aussi seulement est le remède.

Ce qui fait que nous dégénérons, c'est que de parti pris, pour

ainsi dire, puisque nous en sommes instruits, notre vie est un défi

constamment jeté à l'hygiène naturelle ; puisque malgré tous les

cris d'alarme poussés, pour ne parler que des plus grands dan-

gers, la syphilis et l'alcool, dont quelques-uns vivent et dont tous

meurent, évoluent librement devant une société complice.

E. BLIN.

X. Un cas de folie brightique ; par le Dr VIALLON. (Annales médico-

psychologiques, juin 1901).

Les troubles mentaux consécutifs aux états infectieux avec albu-

minurie sont fréquents. Ils se traduisent d'ordinaire par de la

confusion mentale, avec ou sans agitation, et le plus souvent, avec

des illusions et des hallucinations sensorielles, quelquefois des

idées de persécution liées à des troubles de la sensibilité. Une

hygiène sévère, la diète lactée, les purgatifs, les font en général

disparaître en peu de temps. Dans les cas d'albuminurie chronique,

de mal de Bright, les résultats que l'on peut obtenir par le régime

lacté sont évidemment moins certains; on observe des guérisons

temporaires ou plutôt des rémissions d'assez longue durée relevant

directement de la médication ; en tout cas, les bénéfices du trai-

tement n'en sont pas moins importants.

L'observation publiée par l'auteur en est un exemple intéressant.

Il s'agit d'une femme soignée dans le service de M. le professeur

Pierret et qui, du fait de la diète lactée, a eu trois rémissions très

nettes dans son état mental ; elle a pu sortir de l'asile une fois

pendant plus d'un mois, et les deux autres fois elle a été plus ou

Archives, 2- série, t.- XV. 24

370 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

moins longtemps sans présenter de troubles mentaux. Fait sur-

tout digne d'être noté : la cessation des troubles mentaux a tou-

jours coïncidé avec la. disparition de l'albumine dans les urines.

Du reste, la plupart des conceptions délirantes de la malade se

rattachaient d'une façon étroite aux troubles albuminuriques.

E. B.

XI. Deux cas de manie guéris à la suite d'une infection grave; par

M. AYE1(AR. (Annales médico-psychologiques, août 1901.

Il s'agit de deux cas de manie, guéris l'un à la suite d'une pneu-

monie grave, l'autre consécutivement à un phlegmon diffus de

l'avant-bras.

. Si la disparition du délire et de l'agitation par l'installation d'un

état fébrile est d'observation très ancienne. le fait de l'intervention

d'une affection grave dans la guérison d'une vésanie est plus digne

d'intérêt et tout d'actualité, étant donné les théories qui tendent

à prédominer à l'heure actuelle dans la pathogénie des affections

mentales.

L'effet incontestable d'une infection très virulente sur l'état

mental pourrait servir d'amorce à des recherches thérapeutiques

basées sur l'inoculation de cultures microbiennes dont on sait

aujourd'hui faire varier la virulence, et dont l'action pourrait être

dosée après des études expérimentales conduites avec toute la

prudence que réclame un pareil sujet.

Une première tentative faite dans cet ordre d'idées par le

Dl Catala a porté des fruits assez appréciables pour engager à ten-

ter de nouvelles expériences. E. B.

XII. La folie des foules. Nouvelle contribution à l'étude des folies

épidémiques au Brésil ; par le Dr N)NA RODRIGUES. (Annales

médico psychologiques, janvier-octobre 1901).

Dans une première étude sur une épidémie de folie religieuse au

Brésil, l'auteur s'était attaché à démontrer la nature morbide du

cas.

Il reprend l'étude de ce sujet dans un travail des plus intéressants

et des plus documentés, duquel il résulte que la formule de Sighele

relative à la responsabilité juridique des foules est tout au moins

insuffisante.

Si, dans une foule arrivée à l'apogée de l'exaltation, c'est-à-dire

au moment précis où son activité destructive et criminelle a atteint

son maximum d'intensité, le simple état suggestif se transforme

en un vrai délire plus ou moins transitoire, il est clair que les

principes sur lesquels repose la responsabilité juridique de ses

membres seront les mêmes que ceux qui sont applicables à l'alié-

nation mentale et non à l'hypnotisme.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 371

De ce fait, la responsabilité juridique des foules s'évanouit com-

plètement dans le cas ou le vrai délire collectif est indiscutable et.

dans les étals de foules moins intenses, la peine doit être atténuée

parce que les instigateurs et les chefs sont toujours suspects d'un

fort déséquilibre mental.

Toutefois, l'analyse psychologique de la foule s'imposera à

chaque cas, car elle seule permet de vérifier si les chefs ou meneurs

sont des criminels reconnus et dangereux, auquel cas, qu'ils soient

ou non en état de foule, une répression énergique sera toujours

méritée. E. BLIN.

XIII. Les abus sexuels : ce qu'il faut entendre par ces mots; par

M0 Jennie G. Duncan. (Tite 11 ew Yoi,k Médical Journal, 13 juillet

1901.)

L'abus sexuel ne consiste pas seulement dans la violation gros-

sière de la loi de continence, mais dans toute union dans laquelle

on recherche le plaisir au lieu de rechercher uniquement la pro-

pagation de l'espèce. Sous le couvert du mariage on s'accorde à

soi-même beaucoup trop de privilèges : d'ailleurs si le monde était

pur, la cérémonie du mariage serait parfaitement inutile; mais

comme il ne l'est pas, cette cérémonie est encore nécessaire.

Il parait que lorsque ces vérités seront plus connues, et surtout

mieux pratiquées, le monde sera plus heureux, et surtout meilleur,

car il faut rendre justice à Madame (ou Mademoiselle) Duncan elle

ne se plaint pas de l'humanité au point de vue de la quantité,

mais de la qualité. H. DE lULGRAVE-CL : 1Y.

XIV. Recherches urologiques et hématologiques dans la démence

précoce ; par les D's DIDE et CHÉNAIS.

De recherches faites sur 18 cas de démence précoce, les auteurs

concluent que dans cette affection : 1° parmi les globules blancs,

les éosinophiles sont plus nombreux que normalement; 2° la quan-

tité d'urine émise en vingt quatre heures est légèrement au-des-

sous de la normale; 3° l'urée est nettement diminuée; 4° les phos-

phates sont à peu près normaux comme quantité; 5° les chlorures

sont augmentés ; 6° l'albuminurie, même intermittente est excep-

tionnelle (Annales médico-psychologiques, décembre 1902).

E. B.

XV. Les hallucinations unilatérales ; par le Dr Si,'GLAS.

Une hallucination est dite unilatérale lorsqu'elle est localisée

par le sujet dans une seule des moitiés symétriques -d'un même

appareil sensoriel, fonctionnant d'ordinaire simultanément.

L'étude des hallucinations unilatérales se limite à celles de la

vue et de l'ouïe, l'ouïe étant plus fréquemment atteinte. Ces deux

372 Z REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

sens peuvent être affectés isolément ou simultanément chez le

même sujet et dans ce cas l'ouïe et la vue sont intéressés du même

côté.

On retrouve dans les hallucinations unilatérales les mêmes caté-

gories'que pour les hallucinations bilatérales à savoir des halluci-

nations élémentaires et différenciées, communes ou verbales.

Pourquoi certaines hallucinations se présentent-elles sous l'as-

pect unilatéral ? Ni les preuves cliniques ni les preuves anatomi-

quées invoquées ne sont démonstratives.

Est-ce à dire qu'on doive, au nom de^l'anatomie, rayer ce symp-

tôme de la séméiologie psychiatrique ? On n'est pas plus fondé à

s'appuyer sur des données anatomiques trop étroites pour expli-

quer l'hallucination unilatérale que pour nier d'emblée son exis-

tence possible.

D'ailleurs il existe nombre de faits très comparables, parfaite-

ment admis en physiologie ou en pathologie, bien que l'on n'ait

pu jusqu'à ce jour en fournir une explication définitive : ne recon-

naît-on pas une place dans la séméiologie nerveuse à l'amblyopie

unilatérale fonctionnelle, fût-elle en contradiction avec les données

étroites de l'anatomie ?

Pourquoi l'hallucination visuelle unilatérale, tout aussi bien que

l'amaurose, ne résulterait-elle pas d'un désordre psychique d'ordre

supérieur, d'un trouble de la conscience dans le domaine de la

vision binoculaire, puisque, dans toutes les deux, nous voyons

cette fonction se rétablir- lorsqu'elle vient à être sollicitée, et les

perceptions extérieures, comme l'hallucination, se manifester dans

certaines expériences sous leur forme habituelle.

Il est à remarquer que, la plupart du temps, les hallucinations

unilatérales rentrent dans la catégorie des hallucinations dites à

point de repère, et les résultats fournis par les observations clini-

ques concordent parfaitement avec ceux des expériences de M. Binet

sur les hallucinations à point de repère des hystériques.

Il ne faut pas oublier d'ailleurs que les hallucinations unilaté-

rales s'accompagnent très fréquemment de troubles divers de l'ap-

pareil sensoriel périphérique du même côté qui peuvent intervenir

pour provoquer, entretenir et localiser le processus hallucinatoire,

lui servir à l'occasion de-point de repère intellectuel.

Les hallucinations unilatérales auditives sont le plus souvent

verbales : elles supposent, de même que la perception auditive

verbale, non seulement l'excitation du centre auditif commun,

mais celle du centre auditif verbal. Or la fonction du langage est

unilatérale et se trouve dévolue à l'hémisphère gauche.

Comment concilier l'unilatéralité d'une hallucination verbale

avec son origine dans un centre indifférent à la provenance des

sons ? Que les hallucinations verbales soient unilatérales ou bilaté-

rales, les centres corticaux enjeu sont les mêmes et la localisation

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 373

tantôt à droite, tantôt à gauche, ne dépend que du siège de la

lésion périphérique déterminant le point de repère de'l'hallucina-

tion. L'hallucination auditive verbale se trouve ainsi superposée

au bruit subjectif, et c'est le caractère unilatéral de ce bruit sub-

jectif qui fait l'unilatéralité de l'hallucination.

Que l'hallucination unilatérale soit auditive ou visuelle, on

retrouve le rôle prépondérant d'un point de repère de nature

variable. Alors même que ce point de repère serait constitué par

des sensations subjectives, il ne joue pas le rôle d'un simple stimu-

lus anatomique venant exciter le centre sensoriel correspondant.

Il donne une direction psychologique, comme dans les cas où il se

trouve déterminé par des associations d'idées, des habitudes plus

ou moins conscientes. Son action s'exerce surtout sur l'attention

qu'il fixe et dérive à son profit, en engendrant ainsi cet état de

distraction qui porte atteinte à l'intégrité delà conscience et déter-

mine ces troubles de la synthèse psychique d'où résulte l'abstrac-

tion, ou la négligence de l'une des images sensorielles et la locali-

sation de l'hallucination du côté du point de repère unilatéral.

Donc si l'intervention des centrés sensoriels corticaux est tou-

jours nécessaire à la production d'une hallucination, elle ne cons-

titue pas la seule condition, nécessaire et suffisante, ni de son

existence, ni de sa localisation.

Lorsqu'il s'agit en particulier des hallucinations unilatérales, il

importe de tenir compte d'autres facteurs, tels que l'état de l'or-

gane sensoriel périphérique, l'existence de sensations subjectives,

l'état mental du sujet, et des divers facteurs psychiques qui peu-

vent fournir un point de départ au processus hallucinatoire, non

pas lui assigner un trajet purement anatomique, mais lui détermi-

ner une direction psychologique, et influer plus ou moins directe-

ment sur la localisation unilatérale de l'hallucination en lui don-

nant un point de repère (Annales médico-psyclaologiques, mai-

décembre 1902). E. Blin.

XVI. Paralysie générale à marche rapide avec crises d'angoisse;

par le D LONDE.

Il s'agit d'un tabétique méconnu, soigné comme neurasthénique

et dyspeptique depuis des années, chez qui une crise d'anxiété

avec angoisse précordiale et tachycardie à 140 marqua le début

d'une paralysie générale à marche rapide dont la durée n'excéda

pas trois mois. L'angoisse persista pendant tout le cours de la

maladie. Il faut noter l'association à l'angoisse de la tachycardie

sans fièvre, trouble bulbaire, et la mort rapide avec dyspnée,

autre trouble bulbaire sans doute, ainsi que la syncope. Ce fait

vient à l'appui de l'opinion qui fait de l'angoisse la manifesta-

tion d'un trouble bulbaire (Revue neurologique, juillet 1902).

E. 13.

374 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.

XVII. Vitiligo chez une folle ; par le Dr ROUDNEW.

La question des rapports du vitiligo avec les maladies nerveuses

est d'un certain intérêt; l'achromie cutanée peut affecter aussi des

rapports avec les maladies mentales. Il en fut ainsi dans l'obser-

vation rapportée par l'auteur.

Dans ce cas, les taches blanches de différentes grandeurs étaient

tout à fait symétriques d'un côté et de l'autre du corps ; la sensi-

bilité à leur niveau était tout à fait différente de la sensibilité de

la peau aux endroits non dépigmentés. L'absence complète de

pilosité sur le corps de la malade, la chute de tous les cheveux

dans l'espace d'une semaine, la chute des dents de la mâchoire

supérieure, la repousse ultérieure des cheveux et de trois dents,

l'absence des symptômes tabétiques, le vitiligo et enfin la maladie

psychique qui a terminé le cycle, tels furent les éléments de cette

dystrophie complexe (Revue neurologique, juillet 1902). E. B.

XVIII. Des myopsychies (association des troubles musculaires

et des troubles psychiques) ; par le professeur JORFROY.

La chorée de Sydenham, la chorée de Huntington, la maladie

des tics, la maladie de Parkinson, la maladie de Thomsen, le

tabes, la maladie de Friedreich, la syringomyélie et toutes les

amyotrophies dites primitives, ainsi que les troubles mentaux qui

les accompagnent fréquemment; ne sont que des manifestations

diverses de la dégénérescence et forment un groupe naturel que

M. Joffroy désignerait volontiers sous le nom de groupe des mala-

dies musculo-psychiques d'origine conceptionnelle ou héréditaire

ou, pour tout dire en un mot, sous le nom de myopsychies. (Revue

neurologique, avril 1902). E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MËDICO-PSYCHOLOGÏQUE

Séance du 26 janvier 1903. Présidence de MM. Motet et Ballet

M. Motet, président sortant, remercie éloquemment ses collègues

de l'honneur qu'ils lui ont fait en l'appelant, pour la seconde fois,

à diriger leurs travaux. Cette circonstance lui a permis de pré-

sider les fêtes du centenaire de la fondation de la Société médico-

SOCIÉTÉS savantes. 375

psychologique et de rendre hommage à ses éminents fondateurs.

Après avoir pas<é en revue les principales discussions qui ont eu

lieu au cours de l'année, il adresse un nouvel adieu ému à

1111. Fdlret et Dagonet, les derniers survivants d'une pléiade

d'honneur qui ont rendu les plus grands services à la médecine

mentale. M. Motet souhaite ensuite la bienvenue à M Ballet et

l'invite à le remplacer au fauteuil de la présidence.

M. Ballet remercie à son tour la société qui l'a appelé à suc-

céder à un maître pour lequel il professe, depuis des années, la

plus respectueuse sympathie. Il n'oubliera jamais l'accueil char-

mant que lui a fait M. Motet, le jour où il est allé lui demander

d'utiles conseils dont il apprécie chaque jour davantage la valeur.

« Je suis heureux, ajoute M. Ballet, de l'occasion qui m'est offerte

de dire enfin tout haut ce que je pense tout bas depuis si long-

temps. »

11 expose ensuite que la société est à un tournant dangereux de

son histoire, déjà vieille de cinquante ans et qu'elle doit, sous

peine de mentir à ses origines et se laisser devancer par de plus

jeunes sociétés, s'appliquer à faire connaître le plus rapidement

possible, au public médical, les travaux qui lui sont présentés;

elle attirera ainsi les communications qu'elle doit être la première

à recevoir.

LE Président annonce ensuite la mort de M. Febvré ; ce collègue

doit être considéré comme le prototype du médecin d'asile auquel

rien de ce qui peut intéresser ses malades ne doit demeurer

étranger. Pitoyable à toutes les misères humaines, il dirigeait un

service important à l'asile de Ville-Evrard, pour lequel sa mort

constitue une perte difficilement réparable'.

Commission oes pRix. Prix Moreau (de Tours). MM. An-

theaume, Dupré, Garnier, Joffroy et Moreau (de Tours) sont

nommés membres de la Commission chargée de décerner le prix

Moreau (de Tours).

Prix l3elhonme. MM. Bourneville, Magnan, Nageotte, Séglas

et Sollier sont désignés pour faire partie de la Commission du

prix Belhomme.

Prix Sémelaigne. MM. Arnaud, Klippel, Pactet, Sémelaigne et

Vallon désigneront le lauréat du prix Sémelaigne.

Commission DES candidatures. MM. Arnaud, Dupré, Legros,

Pottier et Sollier sont élus membres de la Commission chargée

d'examiner les titres des candidats à la place laissée vacante par

la mort de M. J. Falret.

Recherches sur la topographie du sens cutané.

M. Philippe communique en son nom et au nom de M. Marinier,

le résultat des recherches qu'il a entreprises avec un compas

376 SOCIÉTÉS SAVANTES.

analogue à celui de Weber pour 10 vérifier si, comme le prétend

W. James, la forme et la dissemblance des contacts n'a aucune

influence sur la perception de ces contacts; 2° reviser les anciennes

tables de Weber où les mesures sont prises sporadiquement, et

non en suite continue, ce qui ne'donne que des indications incom-

plètes sur la topographie sensorielle de chaque région.

Pour éviter ce dernier inconvénient, les mesures ont été prises

selon des lignes déterminées par des repères anatomiques faciles à

retrouver :

I. Lignes latérales : 1° antérieures (à droite et à gauche) depuis

l'omoplate jusqu'au pli de l'aine, en passant par le mamelon, le

milieu de la rotule et le cou de pied ; 2° postérieures du milieu

de l'omoplate à l'extrémité du gros orteil en passant par le

milieu du creux poplité.

II. Lignes médianes : 1° antérieure : du bord supérieur du sternum

à la cime du pubis, en passant par l'appendice xyphoïde et l'om-

bilic ; 2° postérieure : de la nuque (à la naissance des cheveux) au

sacrum.

III. LIGNES brachiales : 1° antérieure : de l'acromion à l'extrémité

du médius, en passant par le milieu du pli du coude ; 2° posté-

rieure : de l'acromion à la racine de l'ongle du médius, en passant

par l'olécrane.

Les explorations ont porté sur 4 sujets : elles ont été faites dans

le sens longitudinal, par la méthode des tâtonnements, et selon la

technique exposée pour éliminer les causes d'erreur. Le compas

était armé alternativement de deux boules d'ivoire de 1 milli-

mètre de diamètre, et d'une boule et d'un cylindre d'ivoire de

1 millimètre également : il a été pris près de 4000 mesures.

Les conclusions sont les suivantes :

1° Il est plus facile de sentir deux contacts dissemblables que

deux contacts semblables. Chez tous les sujets étudiés, et chez les

quelques personnes examinées en dehors de la série, l'écart néces-

saire pour sentir deux contacts était toujours moindre, quand on

employait une boule et un cylindre que quand on employait deux

boules identiques. C'est à peine s'il y a eu 4 ou 5 exceptions acci-

dentelles sur le total des mesures.

2° La sensibilité cutanée a été trouvée généralement plus affinée

que ne l'indiquent les tables de Weber (sauf pour le visage).

3° La distribution de cette sensibilité ne varie pas seulement

d'une région à l'autre : elle varie aussi dans la même région, d'un

point à son voisin (ce que n'indiquent pas les tables de Weber,

dont les explorations sont incomplètes) et il n'est pas rare de ren-

contrer, près d'une zone très sensible, une autre zone très peu

sensible. Il ne semble pas que cette variation dépende de distri-

butions des nerfs cutanés.

' SOCIÉTÉS SAVANTES. 377

4° La sensibilité même de chaque région est sujette à des

variations assez considérables : non pas durant la même séance,

mais d'un mois à l'autre nous avons constaté des écarts et des

changements importants. Ce qui reste toujours constant, c'est

l'abaissement du seuil quand les contacts sont dissemblables.

Cette alternance des contacts semblables et dissemblables est

donc la méthode de choix pour explorer la sensibilité cutanée et

vérifier l'attention des réponses, toutes les fois qu'on veut faire un

examen rapide et précis.

LE Président. Les recherches effectuées sur la sensibilité sont

toujours intéressantes, parce qu'elles sont souvent contradictoires

et que leurs résultats varient chez un même individu avec les

heures de la journée, le temps, la température, etc...

M. CxRISrI,N demande si les expériences de M. Philippe ont été

faites à une température uniforme

M. Philippe. Nos expériences ont été faites à une température

variant entre 16 et 20 degrés centigrades. Comme le froid a pour

effet de diminuer considérablement la sensibilité de la peau, nous

avons opéré sur des modèles d'atelier, habitués à poser le nu et

dont la peau est par conséquent moins sensible aux changements

de la température ambiante.

Un rêve à répétitions.

M. PROI rapporte l'histoire d'un médecin qui, à plusieurs

époques de son existence, a fait un rêve, toujours le même et

relatif à sa vie de collège. Il s'imaginait être candidat au bacca-

lauréat et avoir à répondre à un juge qui l'interrogeait sur l'his-

toire. M. B.

Séance dit 23 février 1903. Présidence de M. Brunet.

Présentation de dessins d'aliénés.

M. LAROUSSINIE montre des dessins exécutés par un aliéné et

tellement en rapport avec son délire que, d'après le présentateur,

ils portent avec eux une indication suffisamment précise pour

permettre de reconnaître la forme de la maladie dont cet individu

était atteint.

M. Arnauld fait passer à cette occasion, sous les yeux de ses col-

lègues, une série de dessins émanant d'une aliénée dont le délire,

systématisé se reflète aussi dans des détails qui caractérisent son

délire.

Les idées érotigaces dans l'épilepsie.

M. Marie communique deux cas d'épilepsie associée à des rêves

érotiques suivis d'impulsions violentes et d'obsessions homicides.

378 sociétés savantes.

Les deux malades sont des dégénérés héréditaires ; tous deux

ont eu de l'épilepsie à la suite d'une fièvre typhoïde. Des impul-

sions violentes ont compliqué les crises après l'échéance de la

puberté. Ils sont sujets à des rêves érotiques coïncidant avec les

séries de crises; la série aboutit à une ou plusieurs impulsions

terminales à frapper ou tuer. Dans un cas, il s'agit d'une véritable

obsession consciente, que le malade annonce en réclamant l'iso-

lement pour s'en défendre. Le malade fut arrêté courant un cou-

teau en main après des femmes inconnues, dans la rue.

De nombreux auteurs ont signalé des phénomènes de même

ordre, tels sont certains cas signalés en médecine légale d'impul-

sions post-comitiales au viol ou simplement à l'exhibition, avec ou

sans onanisme. Inversement on peut rapprocher ces cas de coïts

éveillant la crise comitiale, tels que ceux relatés par Féré. Les

deux phénomènes se trouvant associés plus ou moins indissolu-

blement, l'entrée en action du centre génito-spinal réalise un syn-

drome épileptogène, l'attaque d'épilepsie entraînant d'autre part

l'éréthisme sexuel et l'orgasme vénérien. Dans d'autres cas qui

sont la règle, c'est le centre vésico-spiual qui s'associe au phéno-

mène convulsif.

Car il n'y a point, dans l'émission de l'urine concomitante de

la crise, un simple phénomène d'expulsion, dû au contact désor-

donné des parois abdominales et vésicales, mais un relâchement

sphinctérien par action nerveuse centrale du centre correspondant.

Un phénomène analogue se produisant dans le centre voisin de

Budge, amènerait l'expulsion du sperme avec ou sans rêve érotique

associé.

L'étude de ces cas pourrait peut-être un jour éclairer les pro-

blèmes médico-légaux qui se posent à l'occasion de certains crimes

sadiques, périodiques et stéréotypés. -

Du râle de l'image motrice dans la vie sexuelle.

M. Cl. VURPAS. A la suite de recherches entreprises avec M. Vas-

chide soit sur des sujets sains, soit sur des aliénés, au sujet du

rôle de l'image motrice dans la vie sexuelle, nous avons été ame-

nés à quelques observations qui peuvent ainsi se résumer.

I. Il y a un rapport étroit entre la tendance à l'impulsion et le

désir génital. Les impulsifs d'une manière générale manifestent

dans leurs paroles, leurs propos, leurs gestes, leur mimique, leur

attitude générale, un penchant marqué à l'érotisme.

II. La musique exerce une influence manifeste aussi bien sur

l'état moteur général, dont elle est un tonique, que sur la vie

sexuelle. Dans certains cas pathologiques, l'acte génital ne peut

avoir lieu que sous l'excitation de la musique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 379

III. L'abattement et l'état de lassitude musculaire, qui suit

l'acte génital, semble indiquer l'épuisement temporaire de l'acti-

vité motrice dans sa condition psychologique, l'image motrice.

IV. L'élévation brusque de la pression sanguine, sous l'influence

d'une excitation sexuelle, tend à montrer le rôle de l'image motrice

et de l'élément moteur dans la genèse, le développement et l'évo-

lution de l'excitation génitale.

V. L'érotomanie, qui consiste dans une contemplation amou-

reuse pure, toute idéale, et dans laquelle le sujet est tout sensibi-

lité, consiste précisément dans un trouble moteur, dans une insuf-

fisance ou impuissance de l'image motrice. De ces différentes

constatations, MM. Vaschide et Vurpas se croient autorisés à ad-

mettre :

a. L'acte génital consiste dans une tension de plus en plus

accentuée de l'état moteur. Dans sa production et ses différentes

phases l'image motrice joue le rôle primordial.

b. Dans l'acte sexuel, le système moteur tout entier est intéressé

et intervient. L'équilibre moteur total arrive à un état d'excitation

et de potentiel tel qu'il ne peut se maintenir à un taux aussi élevé

et qu'à la suite on relève des phénomènes de fatigue et d'épuise-

ment moteur.

c. L'excitation motrice se traduit également par des phénomènes

circulatoires, vaso-moteurs, respiratoires, qui sont consécutifs

aux phénomènes moteurs, en sont la conséquence et les traduisent

au dehors.

d. Les érotiques sont des moteurs, et d'une façon générale

presque tous les moteurs sont des érotiques.

e. Dans toute sa marche et toutes ses allures capricieuses, la vie

sexuelle consiste dans l'évolution et la tendance au déciauchement

de l'image motrice et de l'état moteur. Tous les préparatifs, tous

les accessoires qui concourent à exciter les désirs génésiques sont

surtout des excitateurs de l'image motrice. Tous les sens peuvent

selon chaque individualité présenter une action excitatrice de l'état

moteur, plus ou moins développée et accentuée selon les différents

cas.

En terminant les auteurs insistent sur une distinction qui pré-

cise le sens et la portée de leurs observations. Entre l'image mo-

trice proprement dite et l'image motrice devenue sexuelle, il y a

une différence aussi bien dans la modalité que dans l'ensemble

des phénomènes psychologiques ou plutôt des éléments mentaux,

qui constituent la nature intime de l'image motrice.

L'image motrice proprement dite possède en elle-même tous les

éléments de l'image motrice sexuelle, sauf l'émotion; l'image

motrice ordinaire se résoud et s'achève dans ses éléments consti-

tutil's, taudis que l'image motrice sexuelle se développe et se cons-

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

titue au contraire, à mesure que croissent d'intensité tous les

éléments qui la composent. De nombreuses associations d'images

entraînant secondairement à leur suite de nouveaux groupes

véritables satellites mobiles, se développent et évoluent, augmen-

tant toujours d'intensité et de vitesse jusqu'à ce que le maximum

d'excitation mentale soit atteint. Cette multitude de fragments

d'images, d'éléments d'idées alimentés et nourris par une émo-

tion toujours plus intense, donne à l'image mentale sexuelle

une physionomie bien définie et bien particulière, qui porte à

la faire considérer comme l'image motrice la plus intense et la

plus émotive, c'est-à-dire la plus capable d'évoquer une émo-

tion généralisée et réellement extériorisée.

Il semble que l'image motrice sexuelle mette en action de nom-

breux centres nerveux, dont chacun apporterait ses éléments à

cette image particulièrement riche et ayant atteint le plus haut

degré de cristallisation.

M. Laroussinie croit que l'influence de la musique sur les cen-

tres de la vie sexuelle varie dans les différents genres de musique.

M. Dupré ne pense pas que l'influence bien connue de. la

musique sur la sexualité puisse servir d'argument pour expliquer

la nature motrice de cette influence, la musique étant une excita-

tion d'ordre sensorio-psychique. et pouvant s'exercer sur le pro-

cessus génésique, sans l'intermédiaire de l'élément moteur.

M. Vurpas cite l'exemple d'une femme normalement réglée,

dont les règles durèrent pendant les quinze jours qu'elle passa à

Beyruth, où elle s'était rendue pour entendre du Wagner. Elles

s'arrêtèrent sitôt qu'elle reprit le chemin du retour.

Elections. M. Vigouroux est élu membre titulaire.

Marcel Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 5 mars 1903. Présidence de M. Paul Ricucn.

Troubles fonctionnels de la moitié droite de la moelle consécutifs

à un traumatisme de la main.

AI. Monnier-Villard présente une malade chez laquelle un

traumatisme de la main nécessita l'amputation d'un doigt. Cet

accident eut un retentissement sur la moitié correspondante de la

substance grise de la moelle dont les fonctions sont altérées, notam-

ment au point de vue sensitif.

M. Marie a vu de nombreux cas de névrite ascendante ayant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 381

causé des troubles médullaires à la suite de lésions des doigts, ces

troubles ont été parfois jusqu'à la syringomyélie.

M. Ballet. L'existence de la névrite ascendante n'est qu'une expli-

cation, en tout cas elle n'est pas prouvée pour le cas présenté

actuellement.

M. DLJERINE insiste sur la fréquence des traumatismes insigni-

fiants des doigts suivis d'atrophies et de douleurs le long des tra-

jets nerveux. L'infection est bien la cause de ces complications.

Recherches expérimentales sur la mémoire immédiate

des aphasiques.

MM. P. Marie et N. Vaschide. Il résulte des recherches de ces

auteurs que la mémoire immédiate des chiffres, des syllabes, des

sons et des mots est sérieusement atteinte. Leurs sujets aphasiques

n'avaient presque pas de mémoire immédiate et elle était limitée

à la répétition spontanée du mot, de la syllabe et du chiffre pro-

noncé. En moyenne, ils ne pouvaient plus retenir que trois, ou,

maximum atteint très rarement d'ailleurs, quatre chiffres, quatre

syllabes, etc. Parmi les mots dont l'évocation était plus facile et

plus rapide, les verbes occupaient la première place. Les adverbes,

les interjections et les pronoms indéfinis et tous les éléments lin-

guistiques empreints psychologiquement des éléments émotifs et

intellectuellement indéfinis paraissent pouvoir se fixer plus facile-

ment dans la mémoire des aphasiques. Chez un sujet atteint

d'aphasie traumatique la mémoire immédiate était excellente par

rapport aux autres aphasiques, tout en étant réellement diminuée.

Paralysie flasque avec dissociation des réflexes.

M. DÉJFRLNE présente une jeune femme syphilitique atteinte de

paraplégie flasque avec relâchement des sphincters, irtégrité de

toutes les sensibilités, réactions normales à la galvanisation et à

la faradisation, chez laquelle les réflexes tendineux sont abolis, les

réflexes cutanés conservés et le signe de Babinski très net. Le trai-

tement spécifique n'a donné aucun résultat.

Etude clinique de la forme tabétique des scléroses combinées.

MM. P. Marie et Crouzon ont cherché quels étaient les signes

permettant de faire le diagnostic de cette forme des scléroses com-

binées qui est le plus souvent une trouvaille d'autopsie, alors que

la forme spasmodique de cette même affection correspond à une

description précise et peut être souvent diagnostiquée.

La démarche d'un de leurs malades était caractéristique : il ne

présentait pas d'incoordination, mais avançait ses jambes lente-

ment en les traînant derrière lui comme s'il avait eu à tirer un

poids lourd. Les auteurs ont retrouvé cette démarche avec traîne-

'382 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment de jambes, chez un malade atteint d'hérédoafaxie cérébelleuse.

L'autopsie du premier malade a montré des lésions des cordons

postérieurs combinées à des lésions du faisceau cérébelleux direct

Les auteurs attribuent aussi une grande importance diagnos-

tique à la paraplégie compliquant le tabes. Ce signe mentionné pour

la'première fois par Leyden et Bouchard en 1863 et en 1865 semble

avoir été perdu de vue. Les auteurs ont pu vérifier son exactitude

dans plusieurs autopsies.

Le phénomène des orteils de Babinski chez les tabétiques a pu leur

permettre de faire dans plusieurs cas le diagnostic de sclérose

combinée. Ils ont pu, par une autopsie, vérifier dans un cas, la

valeur de ce signe. Ils signalent la fréquence de la cécité dans la

sclérose combinée. Enfin ils ont pu relever chez un de leurs malades

un début subaigu qui présentait les signes d'une infection cérébro-

spinale. MM. Marie et Crouzon ont pu, par l'ensemble symptoma-

tique qu'ils décrivent, dépister quatre fois la sclérose combinée chez

55 tabétiques de l'hospice de Bicètre, soit dans une proportion

de 1/13. Cette affection est donc plus fréquente qu'on ne le croit

généralement.

Trépidation épileptoïde.

MM. Léopold Lgvi et BAUER. L'embarras peut être grand quand

on trouve en dehors d'une affection nerveuse caractérisée le symp-

tôme trépidation épileptoïde unilatéral avec tous ses caractères

typiques et constants, surtout s'il existe chez un malade nerveux,

dégénéré. On sait, en effet, que ce symptôme peut exister dans la .

neurasthénie et l'hystérie.

L'analyse un peu serrée d'un cas de ce genre concernant un

malade de quarante ans entré à l'hôpital pour entérite chronique,

permet cependant par suite de coexistence de flexion combinée

de la cuisse et du tronc et peut-être du signe de Babinski de con-

clure à une affection organique, probablement plaque de sclérose

rhumatismale.

Malformations congénitales des membres inférieurs.

M. Gombault présente un enfant sourd et muet dont le membre

inférieur droit extrêmement diminué dans toutes ses dimensions

possède un fémur, un tibia et un péroné de dimensions trop exi-

guës, le pied n'a que trois doigts ; le membre inférieur gauche

plus mal conformé montre à la place de la cuisse et du genou une

masse globuleuse, la jambe n'a qu'un tibia sans péroné, le pied a

quatre doigts seulement. Les radiographies sont communiquées.

Note sur les altérations de la sensibilité et leur rapport à la po'cep-

tion de l'espace, dans un cas de sclérose combinée.

MM. VASCHIDE et Rousseau. L'examen d'un malade atteint de

sociétés savantes. 383

sclérose combinée, D..., au point de vue de la dégénérescence des

diverses formes de la sensibilité, et des modifications que la pré-

sence des troubles sensitifs entraîne dans la perception de l'espace,

a conduit les auteurs aux conclusions suivantes :

1" La sensibilité tactile superficielle, mesurée à l'aide d'aiguilles

dont le poids varie entre 0 gr. 003 et 1 gr. (système Toulouse-

Vaschide), est abolie sur les membres gauches et est très faible

sur les membres droits Sur ces derniers, les erreurs de localisation

sont presque constantes.

2° La sensibilité à la douleur et à la chaleur thermique, mesurée

à l'aide de gouttelettes d'eau distillée pesant o gr. 02, est diminuée.

Le rapport de ces deux sensibilités est exprimé par la loi formulée

parE. Veress pour l'individu normal : « A mesure que le seuil de

la sensation de chaleur s'élève, le seuil de la sensation de douleur

s'élève dans une proportion analogue; les courbes exprimant les

valeurs de ces deux sensibilités suivent une même marche ascen-

dante ou descendante. »

3° La sensibilité musculaire profonde, dynamique, est seule con-

servée, et pour les membres supérieurs uniquement. Le système

des sensations musculaires profondes des membres supérieurs

forme la base de l'orientation dans la vie quotidienne du sujet.

Deux groupes sont à distinguer, a : Sensations et mouvements gou-

vernés par le sentiment d'une direction et la connaissance d'un

point de repère constant. 6 : Sensations et mouvements que ne

guide pas l'idée d'une direction précise. Dans le premier cas, les

localisations sont extrêmement précises et mesurées par la percep-

tion d'un espace angulaire. Dans le second, toute mesure est impos-

sible et le sujet s'oriente à l'aide d'un système de plans définis

exclusivement par la notion des positions successives du membre.

Il apparaît de ces observations que l'espace visuel et l'espace

moteur sont irréductibles et que ce dernier peut devenir le principe

d'un automatisme musculaire original, exclusif des images men-

tales visuelles. Enfin s'il vient à se produire une dissociation très

accentuée entre le sentiment de la direction qui coordonne la

cinesthésie musculaire, et le sentiment de la position du membre,

l'ensemble des sensations musculaires cessera de donnera la cons-

cience l'impression d'une synergie, d'une concordance entre les

divers groupes de ces sensations : de nouvelles variables seront

introduites dans notre perception de l'espace, qui cesse d'être, dès

lors, un espace homogène à trois dimensions.

Examen cytologique rachidien chez les tabétiques.

MM. VIDAL, SIC.4RD et RAVAUT pensent que les différences des

résultats obtenus par eux et par M. Armand Delille et Camus tien-

nent aux différences des techniques et à l'insuffisance de celle de

384 SOCIÉTÉS savantes.

ces deux derniers auteurs. Une nouvelle série de recherches a

donné à M. Widal 36 lymphocytoses très accentuées sur 37 cas

observés. Sa technique consiste surtout à ne pas transvaser, à

centrifuger dans un tube effilé qui a reçu directement le

liquide céphalo-rachidien à égoutter et à recueillir le culot avec

une pipette capillaire. Enfin étaler très peu sur la lamelle. Il

ne faut d'ailleurs pas croire que la présence des lymphocytes carac-

térise le tabes. On la rencontre dès le début de la sypliilis, c'est

une lésion banale qui peut se trouver dans toutes les irritations

méningées et dans quantité de manifestations infectieuses cou-

rantes, même dans les oreillons ; elle n'a rien de spécifique. Il

était seulement intéressant après une nouvelle série de recherches

d'affirmer une fois de plus sa constance dans le tabes.

MM. P. Marie et CROUZON ont examiné le liquide céphalo-rachidien

de vingt tabétiques de date et de formes variables. Ils ont constaté

dans tous les cas la présence de la lymphocytose. Une seule fois la

lymphocytose a été discrète ; il s'agissait d'un malade tabétique

depuis huit ans, aveugle, ayant peu de douleurs et sans incoordi-

nation marquée. Dans les autres cas, il n'y avait pas de relation

entre le degré de lymphocytose et la symptomatologie. '

M. Vaquez a trouvé la lymphocytose dans un cas d'aortite syphi.

litique.

M. Brissaud a trouvé 8 fois la lymphocytose sur huit tabes.

M. Ballet a trouvé la lymphocytose 5 fois sur 8 tabès et 6 fois

sur 8 paralysies générales.

M. Souques l'a trouvée 3 fois abondante dans 3 tabes confirmés,

elle a manqué une fois dans un signe d'Argyll comme symptôme

isolé et unique. ·

M. Dupré l'a retrouvée 2 fois abondanteet une fois discrète sur

3 tabes.

M. Froin sur 7 tabes l'a trouvée 3 fois abondante, 2 fois

moyenne, 2 fois légère.

M. Achard a trouvé la lymphocytose chez un paralytique général

à la quatrième, tentative seulement. 11 ne l'a pas trouvée chez un

autre paralytique à la première tentative.

MM. Gombault et HALBRON n'ont eu qu'un examen négatif sur

11 cas.

M. Babinski a trouvé la lymphocytose dans tous les cas chez

10 tabétiques et 7 paralytiques généraux. C'est d'ailleurs un symp-

tôme commun qui n'est nullement pathognomonique de la ménin-

gite spécifique.

M. P. Riciier pense que pour mettre fin au débat MM. Armand

Delille et Camus devraient recommencer leurs recherches avec la

technique de M. Widal.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 385

Hystérie tardive.

M. Dupré rapporte l'observation d'un cas d'hystérie mâle ayant

débuté chez un vieillard de soixante-quatorze ans.

Atrophie du pédoncule.

1111f. GoiLC,m et Marie dans un cas de sclérose névroglique éten-

due au lobes frontal, rolandique, paracentral, temporal et pariétal,

a trouvé tout le pied du pédoncule gauche atrophié ainsi que la

totalité de la pyramide correspondante, les signes cliniques pen-

dant la vie n'étaient pas adéquats à une pareille lésion.

Ramollissement localisé au loc2cs niger. -

M. GuiLL.uN montre les pièces d'un ramollissement du locus itigei-

seul, avec sclérose du laisceau de Turk et de la pyramide.

F. Boissier.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 15 mars 1902.

Cas I. De A. KORNILOFP et De A. SMIRXOFF ont fait la descrip-

tion de deux malades avec présentation de l'une d'elles. Fillette de

sept ans, née à terme et sans accident. Point de lues chez les

parents. Le père mort à la suite d'un coup d'apoplexie, était un

buveur. Agée de six mois, la fillette supporta une maladie infec-

tieuse très grave, probablement la scarlatine et bientôt après la

rougeole. Au dixième mois on remarqua pour la première fois un

tremblement des extrémités supérieures et de la tète. La malade

commença à marcher un peu à un an et demi, mais elle ne put

jamais marcher sans l'aide de quelqu'un. A l'âge de deux ans, elle

commença à.parler. A l'âge de trois ans elle eut la varicelle, à six

ans la diphtérie. La maladie empirait lentement; dans ces der-

niers temps la mère de l'enfant a remarqué un affaiblissement

visible de l'intelligence chez sa fille; avant la fillette n'était pas

gâteuse, à présent elle l'est.

.E'<(p ? 'MH(. La fillette est d'une mauvaise nutrition -les

glandes lymphatiques cervicales sont gonflées. Sur le menton on

voit une cicatrice à la suite d'une exulcération ancienne. Dans les

organes internes rien d'anormal. L'expression de la face est peu

intelligente; la malade sourit continuellement. Les capacités

mentales sont très affaiblies; dit plusieurs mots seulement; la

Archives, 2o série, t. XV. 25

386 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mémoire peu développée ; l'humeur toujours gaie, prononce les

mots lentement, en traînant. Le tonus musculaire-est exagéré.

Point de paralysies, quoique les mouvements se fassent sans force

suffisante à la suite de la rigidité. Pendant le repos on ne

remarque point de tremblement, mais dans les mouvements ce

dernier apparaît, comme dans la sclérose disséminée. La démarche

est spasmodique et ataxique; la malade ne peut marcher sans

soutien. Les réflexes tendineux ne sont pas exagérés. Le phéno-

mène de Babinski tantôt existe, tantôt non. A la pression de l'os

de la cuisse droite apparaît une flexion exagérée des orteils en

aspect de griffe. Du côté des nerfs crâniens on peut noter : un

léger nystagmus, lorsque la malade tourne les yeux du côté droit ;

des mouvements comme ataxiques, lorsque la malade tire la

langue. Pendant la déglutition souvent elle avale de travers. La

voix et nasale. Le rapporteur exclut dans son cas la sclérose

disséminée et la pseudo sclérose de Strumpeli et pose le dia-

gnostic de la paralysie infantile bilatérale, ne se rapportant pas à

la forme ordinaire, mais à celle qui apparaît comme familiale ou

héréditaire (cas de Drestfeld, Polieus, Frend, etc.). Le développe-

ment tardif des symptômes s'explique par les causes endogènes,

comme dans les formes héréditaires : le nystagmus et le trem-

blement d'intention ne sont pas exclus du symptomocomplexus

de la paralysie infantile, d'après les paroles de Frend.

Cas II. Fillette de huit ans, entre à l'hôpital de Sainte-Sophie

à Moscou le 13 janvier 1901. Jusqu'au mois de mai de l'année

1900, la petite était tout à fait bien portante. Depuis mai appa-

rurent des convulsions cloniques, avant tout dans la moitié gauche

de la face et bientôt après dans les membres supérieur et inférieur

gauches. Les convulsions apparaissaient en forme d'accès qui

étaient tantôt très fréquents, tantôt plus rares. Pendant les accès, '

la malade conservait toujours sa conscience; le caractère n'était

pas modifié.

Etat présent. 18 janvier 1901. La fillette est de bonne nutri-

tion. Sa colonne vertébrale présente la cypho-scoliose droite. Les

organes respiratoires, de circulation, de digestion et urino-géni-

taux ne présentent rien de particulier. Rien d'anormal dans la

sphère psychique de la malade. Point de céphalalgie, ni de ver-

tige. La parole est régulière. L'appareil moteur, la position du

corps est volontaire ; la démarche est un peu irrégulière ; la

malade relève le pied gauche et le pose sur le bord externe de la

plante. Dans l'état de nutrition des muscles, on remarque une

certaine différence entre les membres supérieurs droit et gauche,

en faveur du membre droit. Les mouvements actifs sont libres et

égaux des deux côtés. Dans les mouvements passifs on ne

remarque point ni rigidité, ni contractures. Point d'ataxie, ni de

' SOCIÉTÉS SAVANTES. 387

mouvements choréiques involontaires, point de tiraillements fibril-

laires, ni de tremblement. Les réflexes des enveloppes muqueuses

et des enveloppes cutanées sont égaux des deux côtés. Le symp-

tôme de Babinski apparaît quelquefois du côté gauche. Les

réflexes tendineux sont un peu exagérés des deux côtés ; les

réflexes patellaires sont plus exagérés du côté droit que du côté

gauche. La sensibilité dans toutes ses espèces n'est pas troublée ;

le sens musculaire est, ptut-êlre, légèrement troublé dans le

membre supérieur gauche. Les fonctions des sens supérieurs ne

sont pas dérangées. La langue, lorsque la malade la tire, se dévie

un peu à droite ; le pli labio-nasal est plus accentué du côté droit;

t'oeil droit se ferme plus fortement que l'oeil gauche. Les mouve-

ments des yeux sont normaux. Les pupilles sont égales et réa-

gissent bien. Le fond de l'oeil est normal.

Souvent apparaissent des convulsions cloniques du muscle

orbiculaire des paupières; outre ces convulsions, paraissant plu-

sieurs fois par heure, surviennent encore des convulsions plus

répandues après l'intervalle de un ou deux jours; ces convulsions

débutent ordinairement par la contraction clonique du muscle

orbiculaire gauche, parfois simultanément avec des tiraillements

du coin gauche de la bouche ; bientôt s'associent les convulsions

cloniques du membre supérieur et ensuite du membre inférieur,

lorsque déjà les muscles faciaux sont en repos. Vers la fin de

l'accès les convulsions cloniques des membres se transforment en

spasme tonique s'achevant par des contractions isolées très fortes

des groupes musculaires isolés ; l'accès dure deux ou trois

minutes. La conscience est conservée. La sphère émotive et l'hu-

meur sont sans modification. Deux semaines après l'entrée à

l'hôpital, la malade fut atteinte de la rougeole, après laquelle les

accès convulsifs se modifièrent d'une manière très marquée quan-

titativement et qualificativement.

Depuis le il février jusqu'au 19 février, il y avait 40-80 accès par

jour. On ne parvint pas à suivre leur ordre à cause de leur fré-

quence. Outre les muscles qui participaient avant dans les convul-

sions, prirent part encore les muscles cervicaux, spinaux, et

parlois les muscles du membre inférieur droit; certains accès se

terminaient par un cri qui n'était pas épileptique, mais plutôt

provoqué par la douleur dans les muscles en contraction. La

conscience ne disparaissait point.

La malade, ce dernier temps, devint plus faible et plus maigre. On

nota en ce temps la rigidité et la faiblesse de la cuisse, delajambe,

de la main et de l'avant-bras du côté gauche; le membre inférieur

gauche était en état de pied bot. Les réflexes tendineux sont un

peu exagérés des deux côtés ; du côté gauche, on observe un clo-

nus de la plante. La cypho-scoliose a augmenté ; la parésie du

nerf facial est plus marquée. Depuis le 1°t' mars jusqu'au 1er mai,

388 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les accès commencèrent à s'affaiblir progressivement et au mois

de mai cessèrent presque entièrement; parfois seulement apparais-

saient encore des tiraillements de l'oei ! . Le poids de la malade aug-

menta et elle commençait à marcher; la faiblesse et la rigidité de

la moitié gauche disparurent presque tout à fait et les auteurs la

comptaient presque guérie.

Cet état dura jusqu'au mois de juillet, lorsque, sans aucune

cause visible, réapparurent de nouveau les accès qui atteignirent

dans l'intervalle de temps du 2o juillet au 12 octobre, la même

fréquence qui a été notée pendant la rougeole. A la moitié d'août,

de nouveau survint une amélioration progressive et vers le 20 sep-

tembre les accès apparaissaient seulement après 2-3 jours. La

petite commença à marcher; l'état général était satisfaisant. Le

20 septembre, la fillette fut atteinte d'un typhus abdominal assez

grave, la période fébrile dura à peu près trois semaines. Dans la

période de la chute de température les accès convulsifs réappa-

rurent et vers le mois d'octobre, leur fréquence était de 100 accès

par jour. Les accès eux-mêmes étaient devenus plus forts et ont

changé de caractère; l'ordre des convulsions n'était pas toujours

constant : le plus souvent les convulsions commençaient de l'extré-

mité supérieure gauche, puis de l'extrémité inférieure et de la

face; parfois les accès débutaient de la face ou du membre infé-

rieur. Rarement, et surtout dans les accès très forts, participait le

membre inférieur droit et encore plus rarement, le membre supé-

rieur droit. La conscience, comme toujours, était conservée. Les

contractures étaient le plus marquées dans les muscles spinaux et

cervicaux et dans les fléchisseurs de la main et de la plante. Les

réflexes tendineux étaient exagérés sur la plante gauche plus que

sur la plante droite ; un clonus très marqué avec symptôme de

Babinski du côté gauche. Le-fond de l'oeil est normal. Au mois de

novembre commença une amélioration lente, qui ensuite devint

plus rapide. Vers le mois de janvier de 1902, les accès sont deve-

nus assez rares, se limitaient seulement par des tiraillements delà

face et du membre supérieur. L'état général s'améliora aussi.

Actuellement, les nerfs crâniens, outre une parésie insignifiante

du nerf facial, ne présentent rien de particulier. La sensibilité est

normale. Les mouvements volontaires sont un peu limités encore

dans les articulations brachiale et cubitale et plus dans la main.

Pendant les mouvements passifs on remarque des contractures

dans les fléchisseurs de la main, du bras, de la plante et de la

jambe. Les réflexes tendineux sont plus exagérés du côté gauche

que du côté droit. Le clonus de la plante peut être provoqué faci-

lement. Symptôme de Babinski et de Schacller très accentués. La

démarche a un type un peu hémiplégique : la malade se met surle

bord externe de la plante, ne plie pas le membre dans le genou et

dans la plante et emporte le pied de côté. La nutrition des muscles

SOCIÉTÉS SAVANTES. 389

du côté gauche est abaissée. L'excitabilité électrique par le courant

continu est diminuée du côté gauche. Le muscle abducteur court

du pouce donne la réaction de dégénérescence : dans les muscles

triceps crural et vaste interne, A et K donnent des chiffres égaux.

L'excitabilité au courant faradique est abaissée en somme pour les

muscles des extrémités gauches.

Traitement. Au commencement les bromures et les iodures;

après la première exacerbation traitement mercuriel, bientôt

remplacé par les injections sous-cutanées d'arsenic. Pendant le

cours de la seconde exacerbation de nouveau les iodures. Après le

typhus abdominal, de nouveau le traitement arsenical. Dans les

accès très forts on employait la morphine, l'hydrate de chloral, le

chloroforme. Le .traitement arsenical, à ce qu'il parait avait le plus

d'influence favorable sur la maladie. Dans le cas donné, sautent

aux yeux les oscillations dans le cours de la maladie, les graves

exacerbations et le cours comparativement favorable de la mala-

die, malgré les exacerbations. En faveur du caractère organique de

la maladie par le caractère et la propagation des convulsions, le

trouble nutritif dans les muscles, la modification de leur excitabi-

lité électrique, le manque des troubles sensoriels, le manque du

caractère hystérique et d'autres stigmates hystériques. Le foyer-

morbide, probablement, était localisé dans la région des centres.

moteurs de l'écoree de l'hémisphère droite; mais il était superfi-

ciel, car les paralysies n'étaient pas stables. Excluant le trauma-

tisme, la tumeur cérébrale et l'encéphalite, l'auteur suppose dans

le cas donné une tuberculose, mais pas en forme de tubercule soli-

taire, qui doit être exclu comme tout autre tumeur, mais en forme

d'une plaque tuberculeuse méningienne (méningite en plaque).

Discussion. Dr W. Mouratoff trouve le cas II très compliqué

et porte l'attention sur ce fait que les convulsions se propageaient

d'une manière non spéciale à l'épilepsie cervicale, une partie des

phénomènes peut être rapportée à l'hystérie.

Dr G. Hossomio, qui pendant la démonstration de la deuxième

malade, a observé chez elle plusieurs accès de convulsions, trouve

que le début de ces dernières n'est pas toujours égal et suppose

que, peut-être, le processus morbide a ici un caractère disséminé.

Deux cas de méningite basilaire simple.

D1' 11.-A. LoUnz. Le rapporteur a eu l'occasion d'observer ces

dernières années dans l'hôpital de ville I deux cas de méningite

basilaire simple avec guérison. Dans le cas I, il s'agissait d'un

jeune homme de vingt-cinq ans, commis dans un magasin de ma-

nufacture. Pas d'hérédité neuropathique; le lien et l'abus des

boissons fortes sont absolument niés. Le malade, jouissant toujours

d'une bonne santé, tomba malade subitement; la maladie débuta

390 SOCIÉTÉS SAVANTES.

par un vertige, après quoi pendant quelque temps resta une cépha-

lalgie. Bientôt s'associèrent des vomissements et une semaine plus

tard - un affaiblissement de la vue. L'examen du fond de l'mil

démontra une papille étranglée. Trois jours après le début de la

maladie, le 20noxembre 1899, le malade entra à l'hôpital. Sa tem-

pérature était un peu élevée : le soir 37,5-37,8 et le matin, normale

(36,4-36,5). L'élévation de température cessa trois jours après et

la température resta normale tout le temps. De plus le malade se

plaignait de maux de tête dans la région frontale, se propageant

des deux côtés et de vertiges. La conscience était nette; les papilles

réagissaient bien ; on constata une diplopie, due à la paralysie de

l'abducteur droit et un affaiblissement très marqué de la vue,

papille étranglée, des contractures insignifiantes de la nuque, une

démarche très chancelante; dans tout le reste, rien d'anormal.

Dans le cours ultérieur de la maladie, on observa des oscilla-

tions très marquées dans l'intensité des principaux symptômes :

après de courtes rémissions survenaient des exacerbations, cépha-

lalgie, vertiges, accompagnés de vomissements et de ralentissement

du pouls. Mais avec le temps les périodes d'exacerbation devinrent

de plus en plus rares et moins accentuées. Sept semaines après le

début de la maladie, la vue s'améliora et après plus de trois mois

du débyt de la maladie, le malade se rétablit entièrement. Six

mois après sa sortie de l'hôpital, il restait tout à fait bien portant.

La thérapie consistait à l'application de cantharides sur la nuque.

Chaque application des cantharides était suivie d'une amélioration

très marquée des symptômes morbides principaux. On donnait au

malade le natrium iodaturn (1,0-2,0 par jour). Avant de quitter

l'hôpital, le malade avait fait 12 frictions d'onguent gris (2,0).

Cas II. Malade de vingt ans. Père alcoolique. Mère provenant

d'une famille tuberculeuse, mais bien portante. Le lues et l'abus

des boissons fortes sont exclus. Dix ans de cela un traumatisme de

la tête, après quoi apparurent des céphalalgies très fortes et des

vertiges pendant deux semaines, mais sans réapparition ultérieure

de ces symptômes. Durant un an le malade était obligé de s'occu-

per dans une localité très froide et très humide. Sa maladie survint

subitement et débuta par des phénomènes d'une faiblesse générale,

le lendemain - céphalalgie, vertige, étal fébrile. Le 26 septembre

1901, troisième jour de sa maladie, le malade entra à l'hôpital. Le

cours de la maladie dans ce cas était presque identique à celui du

cas précédent. La fièvre ne dura que cinq jours et seulement le

30 septembre la température s'éleva jusqu'à 39,5, ayant été nor-

male le matin.

Le cours ultérieur de la maladie se fit sans fièvre. Les symp-

tômes principaux consistaient en des maux de tête dans la région

frontale, des vertiges, le ralentissement du pouls, jusqu'à 54-42

BIBLIOGRAPHIE. 391

battements par minute, des vomissements, des constipations, des

contractures insignifiantes de la nuque et une démarche chance-

lante ; manque de réflexes patellaires et exagération des réflexes

plantaires avec flexion dorsale de tous les orteils. Dans le couis

ultérieur de la maladie apparut une faiblesse de la vue, qui en

progressant toujours, atteignit jusqu'à l'amaurose complète de

l'oeil droit et l'amblyopie assez significative de l'oeil gauche.

L'examen du fond de l'mil par le D'' Averbach, donna des résul-

tats négatifs concernant l'oeil droit (névrite rétrobullaire) et démon-

tra une névro-rétinite de l'oeil gauche; ensuite apparut une parésie

de l'abducteur droit et peu de temps après de l'abducteur gauche.

L'échange à tour de rôle des périodes de l'exacerbation des symp-

tômes principaux avec les périodes de rémissions ici aussi ressort

au premier plan. La maladie céda peu à peu, et le malade quitta

l'hôpital le 9 décembre 1901, mais il se rétablit tout à fait à la moi-

tié de janvier, c'est-à-dire presque quatre mois après le début de la

maladie. Pourtant actuellement encore la vue de l'oeil gauche =

0,6-0,7; l'oeil droit distingue les doigts à 25 centimètres de loin;

le fond de l'oeil gauche est normal; dans l'oeil droit on remarque

la pâleur de la papille, la parésie de l'abducteur droit reste encore.

Tliérapie- les cantharides. Le malade ne pouvait supporter l'iode.

Discussion. 1), A. ICoew.or.r ne se décide pas d'exclure avec

assurance dans les cas du rapporteur la méningite syphilitique

(basilaire).

Dr B. Mouravieff relate au sujet du cas du rapporteur un cas

de méningite infectieuse chronique, d'origine grippale à ce qu'il

parait, accompagnée de phénomènes basilaires et s'étant terminée

par la guérison.

Professeur W. Rotii a observé pendant l'épidémie de l'influenza

à Moscou plusieurs cas de méningite, ressemblant beaucoup à la

méningite tuberculeuse ; mais comme ces cas se sont terminés par

la guérison, il les rapporte à la catégorie des méningites grippale.

Le Dr G. 13ossoLluo et le D1' G. Pribytkoff ont aussi participé aux

débats. B. Mouiuvieff. A. BEftNES1'EIN.

BIBLIOGRAPHIE.

XII. Recherches cliniques el thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie

et l'idiotie. Compte rendu du service des enfants de Bicètre

pendant l'année 1901, t. XXII, par Bourneville, avec la collabora-

tion de 111\i. Arnl>ard, Royer (J.), Crouzon, MoreI(L.), Paul Bon-

cour, Philippe et Oberthur. Librairie du Progrès médical, 1902.

392 2 BIBLIOGRAPHIE.

Fidèle à la tâche qu'il s'est imposé, M. Bourneville publie le

compte rendu de son service des enfants idiots, épileptiques et

arriérés de Bicêtre pendant l'année 1901. Vingt-deuxième volume

de la collection, il constitue avec ses devanciers un recueil pré-

cieux, un amas considérable de matériaux pour tout ce qui con-

concerne la neuropathologie infantile.

La première partie est consacrée à l'histoire du service (Bicétre

et Fondation Vallée) pendant l'année 1901. Les résultats du trai-

tement médico-pédagogique sont des plus intéressants, et l'on

reste étonné en lisant ce chapitre combien avec une patience

inlassable, un dévouement de tous les instants, on peut aniverà à

développer le cerveau des idiots, des imbéciles et des arriérés et à

tirer partie du peu qu'ils ont de cérébralité. Toute cetle première

partie constitue un résumé très clair et très complet de la méthode

employée dans le service du D'' Bourneville, que termine l'exposé

des méthodes employées en Angleterre, Allemagne, Belgique,

Danemark.

La seconde partie, instructions médico-pédagogique, complément

de la première, comprend un schéma d'observation aussi com-

plet et aussi détaillé que possible, et où aucun symptôme n'est

négligé ; un petit lexique explique les termes employés le plus'

fréquemment et indispensables à connaître.

La troisième partie est consacrée à la clinique, la thérapeutique

et l'anatomie pathologique. Dans ce chapitre sont étudiés beau-

coup de points de la neurologie infantile, discutés sur des faits et

des résultats. -

Trois observations démontrent l'efficacité du bromure de camphre

dans l'épilepsie vertigineuse; le traitement doit être prolongé

longtemps, ce n'est qu'a cette condition qu'on peut attendre un

heureux résultat.

Revenant sur l'idiotie morale, dont il a publié de nombreuses

observations et qu'il a tant contribué au faire connaître, M. Bour-

neville met en relief l'un des symptômes de cette maladie : le

mensonge.

Un remarquable mémoire est consacré à l'étude des rapports de

l'impotence musculaire et de certains troubles osseux dans l'hémi-

plégie infantile. De l'étude du fémur, de l'humérus, du radius et

du cubitus, MM. Bourneville et Paul Boncour concluent que les os

malades présentent des modifications uniquement imputables au

moindre développement des muscles et à une diminution de leur

activité.

Signalant les hémorrhagies de la peau et des muqueuses pendant

et après les accès d'épilepsie, l'auteur relève leur analogie avec les

stigmates des extatiques. Une très intéressante observation d'idiotie

symptomatique d'une sclérose atrophique limitée aux circonvolu-

tions du coin gauche, avec examen histologique détaillé. Un cas

BIBLIOGRAPHIE. 393

r7. ri.

394 BIBLIOGRAPHIE.

de folie infantile suivi de la bibliographie de la question. A côté de

Vidiotie qu'il a décrite avec tant de soin, M. Rour-

neville étudie Vidiotie mongolienne (rig. 11) à faciès de « chinois »,

vue déjà par les auteurs anglais et américains, dont il cite les

travaux-. De l'examen histologique, pratiqué dans deux cas par

Philippe et Oberthur, il résulte qu'il s'agit d'un processus dégéné-

ratif du cerveau avec lésions dystrophiques très avancées. Le

dernier travail est consacré à une observation très remarquable

de porencéphalie vraie associée à la pseudo-porencépbalie.

Illustré de nombreuses planches, ce vingt-deuxième volume est

digne de ses devanciers et montre comme eux les résultats

remarquables que donne, dans un service hospitalier, au point de

vue pratique et scientifique, une direction attentive et de tous les

instants '. Ch Mirallié.

Les Tics et leur traitement, par Henry 111mc et E. Feindel,

avec préface de M. le professeur HntssAUD (Paris. Masson et Ci0,

édit. 1902). '

En publiant ce livre de plus de 600 pages sur les tics, MM. Meige

et feimlel n'ont pas seulement voulu relater le fruit de dix ans

d'observations consciencieuses et de recherches laborieuses, niais

ils ont voulu démontrer que la réputation d'incurabilité des tics

est imméritée, et qu'avec une thérapeutique appropriée, on peut

atténuer toujours et guérir souvent ces infirmités déplorables.

MM. Meige et Feindct ont trouvé une introduction originale et

précieuse dans l'observation qu'ils publient sous le nom de Con ?

clences d'un Tiqueur. Ils ont eu la bonne fortune de soigner un

malade intelligent, bon observateur de lui-même et psychologue

subtil qui était, selon leur expression, le prototype du liqueur. Ce

malade est allé au-devant des interrogations, et les renseignements

qu'il a donnés sur son état ont été d'autant plus précieux qu'il était

étranger aux choses de la médecine et exposait spontanément ce

qui lui était arrivé et ce qu'il en pensait, sans répondre à un ques-

tionnaire qui aurait pu le suggérer. L'observation de ce malade

est complète, les tics convulsifs se sont développés chez lui et gé-

néralisés peu à peu, des obsessions, des phobies, des tics d'idées,

des manies avec craintes obsédantes, des idées ébauchées de sui-

cide et d'homicide sont survenues tour à tour, et ce tiqueur a

gardé l'état mental infantile que conservent toujours les liqueurs,

malgré les progrès de l'age. '

Après cette entrée en matière qui d'emblée l'ait apprécier au

lecteur les multiples formes que peut revêtir ce qu'on appelle tic,

les auteurs abordent la critique historique. Il est curieux de sui-

vre dans ce chapitre l'évolution de l'étude nosographique des tics,

' Cette analyse est extraite de la Gaz. (le Nantes, 1903, p. 183.

BIBLIOGRAPHIE. 395

et nous ne saurions trop approuver MM. Meige et 1<'ein(le] qui,

envisageant leur sujet sous son double aspect somatique et men-

tal, éviteront de trop schématiser, ce qui les éloignerait de la réa-

lité, tout en se gardant de généraliser à outrance.

L'étude pallaogéitiq2ce commence par une différenciation entre le

tic et le spasme qu'ils résument nettement ainsi : « En présence

d'une réaction motrice à laquelle l'écorce cérébrale ne prend pas

et n'a jamais pris part, nous dirons : ce n'est pas un tic. Et si cette

réaction motrice est la conséquence de t'irritât ! on pathologique d'un

point quelconque de l'arc réflexe bulbo-spinal, nou-. ajouterons :

c'est un spasme. En présence d'une réaction motrice à laquelle

l'écorce cérébrale prend ou a pris part, nous dirons : ce n'est pas un

spasme. Et si ce phénomène moteur, où se reconnaît la partici-

pation à un moment quelconque de l'écorce cérébrale, présente en

outre certains caractères pathologiques distinctifs, nous pourrons

ajouter : c'est un tic. »

11 y a parmi les réactions motrices de simples réflexes spinaux,

parmi lesquels se rangent les spasmes et d'autres réactions coor-

données en vue d'une fonction, des actes moteurs fonctionnels,

résultant tantôt d'un besoin congénital, tantôt d'une éducation,

tantôt engendrés par des idées. Ce dernier groupe sur lequel la

volonté a un empire, comprend les tics. 11111. lleige et Feindel

n'admettent pas de différence réelle entre les tics convulsifs et les

tics coordonnés. Cette distinction, comme nous l'avions nous-même

indiqué dans notre thèse est artificielle, et nous approuvons les

auteurs de l'avoir résolument supprimée.

Elude pathogénique. La genèse du tic tient surtout à l'état

mental du liqueur. Le tic a son origine dans un mouvement vo-

lontaire qui a sa raison d'être, qui devient habituel et se continue

involontairement quand la raison d'être a disparu. Le pouvoir

inhibitif de la volonté n'existe pas ou est fort diminué chez le ti-

queur, surtout en ce qui concerne le tic. L'habitude joue un rôle

considérable dans la genèse du tic, mais il se différencie du geste

habituel en ce que sa répétition se fait hols propos et avec excès,

c'est, en somme, selon l'expression de M. Brissaud, une habitude

morbide. L'idée joue aussi un grand rôle dans la pathogéuie des

tics, quant à la conscience elle intervient et disparait au cours du

phénomène à des degrés et à des moments divers. Les tics sont

toujours des sortes de perturbations fonctionnelles, la fonction

joue un grand rôle dans leur origine, et cette perturbation fonc-

tionnelle est la conséquence d'une imperfection de l'état mental

et en particulier de la volonté.

' J. inoin, Etude sur les tics chez les dégénérés, les imbéciles et les

idiots itli. de Paris 1893).

396 BIBLIOGRAPHIE.

L'état mental du tiqueur est bien analysé par 1111. lleine et Fein-

del. Ils le qualifient avec raison d'infantile. Déséquilibre, volonté

débile et instable, émotivité exagérée, affectivité, vanité, manque

de pondération, idées fixes, obsessions, phobies, etc., sont les

principaux caractères de cet état mental.

MM. Meige et Feindel font remarquer, et nous les approuvons,

que le tic exige deux éléments : l'élément moteur et l'élément psy-

chique. Ils montrent le danger qu'il y a à appeler tic d'idées une

obsession, une phobie. Ils insistent sur la nécessité de se limiter

dans. l'étude des tics et critiquent à ce propos certains passages de

notre thèse où nous franchissons peut-être un peu trop délibéré-

ment le pont qui relie les tics et les idées fixes. II faut, en effet,

savoir se borner, car tout est transition dans la nature, et nous

croyons avoir montré nous-même. dans notre thèse, que, en se

cantonnant dans la simple observation des mouvements convulsifs

chez les idiots, on pouvait, par des transitions insensibles, allier

des phénomènes moteurs, dont l'origine est une lésion anatomique,

aux phénomènes moteurs qui ne sont que la manifestation toute

secondaire d'une idée obsédante. La science consiste justement à

prendre ces faits, à les séparer, à les classer, pour permettre de

mieux les étudier et de les mieux comprendre, et c'est pour cela

que nous acceptons la critique de MM. Meige et Feindel et que

nous croyons qu'il faut borner le domaine des tics à celui desphé-

nomènes moteurs.

L'étiologie des tics est celle de la plupart des maladies nerveuses

et mentales. L'hérédité, l'imitation, le surmenage professionnel y

trouvent une grande place. {'anatomie pathologique n'existe pas et

aucune lésion, cause d'un tic, n'a été démontrée de façon probante.

L'étude de la réaction motrice du tic ne peut être faite d'une

façon précise, à cause de la grande variabilité du phénomène d'un

sujet à l'autre et chez le même sujet. Il en est de même de la des-

cription des symptômes accessoires.

Nous ne suivrons pas les auteurs dans la description des diffé-

rents tics qui ont été observés : face, oreille, audition, paupières,

globes oculaires, vision, nez, lèvres, mâchoires, cou, tronc, épaules,

bras, bassin, membres inférieurs, etc. y participent. Signalons

tout particulièrement le chapitre cousacré au torticolis mental, que

les auteurs considèrent comme l'un des tics les plus fixes et les

plus tenaces. Les tics de sputation, de déglutition, d'éructation,

de vomissement, l'aérophagie, ceux de la respiration, le ronfle-

ment, le reniflement, le soufflement, le sifflement, la toux, le san-

glot, le hoquet, les tics du langage, l'écholalie, la coprolalie sont

tour à tour minutieusement décrits.

Nous ne saurions non plus insister sur l'évolution des tics essen-

tiellement capricieuse, mais propos de laquelle les auteurs dé-

crivent quelques types morbides où le tic est un des symptômes

BIBLIOGRAPHIE. 3'9-1 %

importants, tels que la maladie de Gilles de la Tourette et la cho-

rée variable de Brissaud. Un chapitre intéressant sur les gestes et

stratagèmes des malades pour remédier à leur infirmité, montre

bien leur impuissance de volonté. Puis après un court exposé des

complications assez variables des tics, MM. Meige et Feindel étu-

dient la parenté morbide des tics avec l'hystérie, la neurasthénie,

l'épilepsie, les vésanies, l'idiotie.

Le diagnostic des tics se fera avec les gestes habituels, avec les

mouvements des aliénés que M. Séglas appelle stéréolypies, dans

ces dernières, il n'y a pas de mouvements convulsifs, ce sont des

actes souvent professionnels que les malades finissent par répéter

involontairement. Leur origine est une idée délirante. Les auteurs

avouent que les stéréotypies sont devenues des actes automa-

tiques « par un processus tout à fait comparable à celui des tics ».

Nous avouerons franchement que nous ne saisissons pas très bien

la différence entre ces stéréotypies, dont le mécanisme est le même

que celui des tics, et les tics eux-mêmes, et qu'il serait peut-être

simple et logique de les classer dans la même catégorie. Le dia-

gnostic avec les spasmes est plus nécessaire. La distinction a été

établie par les auteurs dès le début de leur livre. Aucune manifes-

tation de la volonté n'a d'action sur le spasme, ils sont souvent

douloureux et persistent souvent durant le sommeil. A ce propos,

MM. Meige et teindel font la description du spasme, appelé très

improprement tic douloureux de la face, et établissent un parallèle

entre le torticolis-tic et le toiticolis-spasme. Le diagnostic avec les

chorées, le paramyoclonus multiplex et la maladie de Thomsen est

ordinairement facile. Ou doit encore distinguer des tics certaines

athétoses, les tremblements et les crampes professionnelles.

Le pronostic dépend absolument de l'état mental du tiqueur.

Le traitement est un chapitre important dans ce yéritable traité

des tics. Les auteurs commencent d'abord par affirmer nettement

la curabilité du phénomène. Le traitement médicamenteux est

souvent inefficace, il consiste dans les médicaments sédatifs, hyp-

notiques stimulants qu'on donne ordinairement aux nerveux. Il ne

faut pas cependant éliminer d'emblée ce mode ue traitement qui,

parfois, peut être utile.

Le régime, l'hygiène, l'hydrothérapie sont des adjuvants puis-

sants à utiliser comme le massage et la mécanothérapie, dont il

faut savoir trouver les indications. L'électrothérapie, quand-elle

dépasse la « psychothérapique », produit plutôt de mauvais effets.

La suggestion hypnotique chez quelques hystériques a donné des

résultats appréciables. Les auteurs ne sont pas partisans du trai-

tement chirurgical. Nous ne saurions trop les approuver. Les ré-

sultats suffisent à eux seuls pour condamner ces interventions

sanglantes qui, le plus souvent, ne sont expliquées que par l'igno-

rance clinique et pathogénique absolue en l'espèce du chirurgien

398 VARIA.

qui tente de pareilles opérations. Les appareils orthopédiques

sont généralement peu efficaces et parfois nuisibles. Le véritable

traitement des tics est le traitement rééducateur. MM. Meige et

Feindel s'étendent sur les moyens d'obtenir la discipline de l'im-

mobilité et du mouvement, sur-les séances d'immobilité et d'exer-

cices lents avec surveillance du tic. Ils insistent sur l'utilité que

peuvent avoir les mouvements en miroir, c'est-à-dire faits dans les

sens opposés des mouvements du tic à corriger.

Le repos au lit, l'isolement pourront être parfois nécessaires.

Enfin on aura recours à la psychothérapie, selon l'expression de

M. Rrissaud, c'est-à-dire l'éducation psychique, celle de la volonté.

Tout ce traitement entre en somme 'dans la méthode médico-

pédagogique qu'a si perfectionnée et si développée notre maître,

M. Bourneville. Les auteurs de cet ouvrage reconnaissent du reste

que ses laborieux efforts sont loin d'être superflus chez les arriérés

et les anormaux. On aurait tort de limiter aux imbéciles et aux

idiots les indications du traitement médico-pédagogique; elles

s'étendent à tous les anormaux quels qu'ils soient et quelque soit

le derré de leurs anomalies. Les liqueurs, même très intelligents,

bénéficient tout particulièrement de cette méthode thérapeutique,

et MM. Meige et Feindel ont absolument raison de considérer le

traitement rééducateur et psychothérapique que nous appelons,

nous, d'une façon plus générale, médico-pédagogique, comme le

seul moyen curatif réellement efficace contre les tics, tant au point

de vue curatif qu'au point de vue prophylactique.

Une analyse un peu détaillée suffit à montrer la conscience que

les auteurs ont mis à composer leurs livres sur les tics. Mais ce

qu'elle ne peut mettre en valeur, c'est la richesse de sa documen-

tation bibliographique et clinique et la clarté de son exposition.

Ce ne sont pas là, du reste, les seuls mérites de l'oeuvre de

MM. Meige et Feindel, qui ne peut être appréciée à sa valeur

qu'après une lecture sérieuse et réfléchie. 1 J. Nom.

VARIA.

' Assistance des enfants idiots.

La très grande majorité des médecins ont oublié ou ne savent

pas exactement quelles sont les conditions à remplir pour l'admis-

sion de ces enfants dans les établissements très rares qui leur sont

spécialement affectés ou dans les asiles d'aliénés ordinaires. Les

explications données verbalement ne sont pas toujours bien com-

prises. Les notices imprimées que nous remettons aux familles ne

FAITS DIVERS. 3,9

le sont guère mieux. Nous rapporterons successivement plusieurs

lettres pour préciser la question.

Tans, le 20 février 1903.

Mon cher ami,

Vous m'avez dit, je crois, qu'il était facile de faire admettre un

petit idiot à Bicétre même quand il habite la province; qu'il suflit

pour cela de le faire passer par l'infirmerie spéciale où le D1' Gar-

nier ou l'un de ses remplaçants délivrerait un certificat. Vous seriez

bien aimable de me dire s'il y a autre chose à faire.

Nous avons dans notre village il s'agit d'un département de

IIE4st - un malheureux idiot, de sept ou huit ans, que les parents

voudraient bien placer et ils sont dans l'indigence.

Mille excuses et bien à vous. Dr E. G.

Bicetre, le 22 février 1903.

Mon cher ami,

Quand les parents habitent Paris et ont un enfant idiot, ils

peuvent le faire admettre par placement volontaire s'ils ont le do-

micile de secours et il est maintenu; si, au contraire, les parents

n'ont pas le domicile de secours, l'enfant ne peut être admis que

par placement d'office, et après son admission l'administration fait

une enquête et transfère le malade dans l'asile de son département.

Elle ne peut, en effet, maintenir dans les asiles d'enfants de la

Seine les enfants des autres départements alors qu'il y a une qua-

rantaine d'enfants qui attendent une place à Bicêtre. Telle est,

mon cher ami, la situation exacte.

Il est du devoir des Conseils généraux et du gouvernement de

créer des asiles-écoles dans chaque département. Il n'y en a pas

un seul qui n'ait au moins 200 enfants arriérés, idiots, imbéciles

et épileptiques des deux sexes, c'est-à-dire une population justi-

fiant la construction d'un asile-école.

Bien à vous. B0111t\ENILLC.

Nous publierons d'autres lettres pour bien fixer la question dans

les esprit».

FAITS DIVERS.

Un assassin de seize ans. Un meurtre a été commis avenue

d'Italie dans les premiers jours de janvier sur la personne de

M. François Rollin, âgé de vingt-huit ans, entrepreneur de fumis-

terie, domicilié )52, avenue d'Italie. Frappé d'un coup de couteau

dans le dos, M. Hollin expira quelques instants après. L'assassin

fut arrêté dans la nuit, c'est un nommé Georges Delliomme âgé

de seize ans. Conduit au commissariat et interrogé, Georges Del-

400 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

homme a fait des aveux complets. Il était en compagnie de plu-

sieurs amis quand il commit son crime. Ils avaient bit toute la

soirée. Arrivés avenue d'Italie, Georges Deihomme fit le pari de

« saigner » le premier « type » qui passerait. Ce fut M. François

Rouit qui se présenta. Georges Delliomme avait donné sa parole. Il

gagna son pari. Ses complices sont les nommés Louis Ferrant, âgé

de quinze ans; Louis Gambert, seize ans, et Georges Courtille,

quinze ans. Ils ont été écroués au Dépôt. C'est encore un crime

de l'alcoolisme et des marchands de vin.

Folie et sorcellerie. Le nommé Kissier, marchand ambulant

à Anost (Côte-d'Or), pris de folie et prétendant que sa femme

l'avait ensorcelé, l'a tuée d'un coup de couteau. (Bonhomme 1101'-

mars).

Assistance dans les familles; séquestration. On a arrêté à

Madrid (Espagne), M. de La Lama, ancien député et sénateur, accusé

de séquestration de sa fille, âgée de quatorze ans. Celle-ci est la

nièce de la duchesse de Castro Enriques, déjà condamnée pour exci-

tation de mineures à la débauche. La fille de M. de La Lama a déclaré

au juge qu'on l'obligeait à entretenir des rapports incestueux avec

son frère âgé de dix-sept ans. (Bonhomme Normand, mars).

LE treizième congrès DES aliénistes et NHUROLOGISTES DE France

ET des pays DE langue rtt.a\C.11SE se réunira à Bruxelles, le 1 ? a0tit

1903, sous la présidence d'honneur de M. le Baron van der Bruggen,

ministre de l'Agriculture, et de M. A. Gérard, ministre de France

à Bruxelles.

Troisième Congrès national d'assistance publique et de BtEKFAI-

SANCE privée. Ce congrès aura lieu à Bordeaux du fer au 7 juin

(voir p. 315).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Bain (Adolphe) De chez les hystériques. Librairie

Vigot, 23, Place de l'Heole-ile-Médecine. 1 vol., in-18 de l.'i3 pages. Prix :

2 francs.

.)Iii,i.s (Charles K.). 7'he suryery of brain lumors frooa tlte point

of vietu of the NeuroloQi.il mil ioles of a récent ( (ise. 111-8- de 20 pages.

l'ltilatlelpica Médical Journal. 1902.

3111.LS (Chartes K.). l'aralysis of (tll four l'unis andof o;te Sicle of

the face Dissociation of Sensation, 111-8- de 1-1 pages. Journal of

nervous and mental ilisease, 1903.

' Le rédacteur-gérant : f3oowFVn.c,e.

Evreux, Cli. Ilsmsser, inip. - 3-1003.

Vol. XV. Mai 1903. N 89 :

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Clinique psychiatrique DE l'Université DE MOSCOU

Étude sur la manie ;

PAR LES DOCTEURS

Serge SOUKIIANOFF, privat-docent à l'Université de Moscou,

et Pierre GANNOUCHKINE, médecin de la Clinique psychiatrique.

Les recherches actuelles sont fondées sur le matériel qui

s'était accumulé dans la Clinique psychiatrique de Moscou

concernant la question sur la manie. Nous avons exclu de

ce matériel tous les cas, où avant ou après l'accès de la ma-

nie on pouvait noter chez les malades un état dépressif, tant

soit peu prolongé, en rapportant ces cas à la catégorie de la

psychose circulaire. Cela se comprend bien que les cas, où

la manie apparaît comme complication d'une autre maladie

psychique quelconque, par exemple de la paralysie générale,

de la démence précoce, de la démence sénile, etc., ne sont

pas entrés dans notre matériel, de même que les cas, où

l'état maniaque est accompagné de confusion mentale

(amentia maniaque).

D'un autre côté, il faut, pourtant, dire que dans ce travail

nous avons recueilli dans un groupe les cas, où il avait un

seul accès de manie, ainsi que les cas où la manie a donné

des récidives ; nous sommes de cette opinion que toute psy-

chose aiguë, sera- ce l'anxentia, la mélancolie, la manie, etc"

est toujours portée à récidiver, survenant à différents inter-

valles de temps; parfois ces intervalles sont courts compara-

tivement, parfois très prolongés; on ne peut dire pour sûr

d'aucun malade, qui a supporté l'une des maladies sus-nom-

Arcuives, 2- série, t. XV. 26

402 CLINIQUE mentale.

mées, que cette maladie ne se répétera pas. Ayant affaire ;IL

un malade, atteint d'une maladie psychique aiguë pour la

première fois, nous ne pouvons pas définir tant soit peu

juste le degré de l'inclination de son organisme aux réci-

dives de la maladie psychique. Se basant sur ce point de

vue, nous ne trouvons pas nécessaire de séparer les malades

ayant eu un seul accès de manie, des malades, chez lesquels

la manie a été constatée plus d'une seule fois. Par consé-

quent, comme nous le comprenons, il n'existe point de

manie périodique, mais il y a seulement la manie, comme

psychose aiguë, donnant des récidives.

Ayant fait ces remarques générales préliminaires, nous

passons maintenant à l'analyse du matériel clinique, qui a

servi de sujet au travail actuel; nous nous sommes servis

des historiques de maladie comme des maniaques station-

naires ainsi que ceux des malades de la consultation externe

de la Clinique. Le nombre général des malades, enregistrés

dans la Clinique psychiatrique de Moscou presque depuis

son existence de quinze ans (à savoir, depuis le mois de

novembre 1887, jusqu'au 9 septembre 1902) était 4434, dont

2840 hommes et 1594 femmes ; parmi ce nombre de malades

psychiques nous avons trouvé possible de reconnaître la

manie seulement chez 40 malades, 'dont 16 hommes et

24 femmes. Les données que nous venons de citer indiquent

très nettement que la manie est une maladie psychique

très rare. Si nous prenons les hommes et les femmes ensem-

ble, nous verrons alors que la fréquence de la manie parmi

les malades psychiques est de 0,9 p-. 100. Mais si nous pre-

nons les femmes et les hommes à part, nous verrons que

parmi tous les malades psychiques hommes les maniaques

font 0,56 p. 100 et parmi les malades psychiques femmes,

les maniaques font 1,50 p. 100 ; autrement dit, sur 200 cas

de maladie psychique chez les hommes il revient un

cas de manie et sur 300 cas de maladie mentale chez les

femmes il revient 2 cas de manie. Quoique le nombre de

malades souffrant de manie n'est pas grand en général, mais

il permet, pourtant, de penser que les femmes sont plus pen-

chées à souffrir de manie que les hommes, ce qui corres-

pond parfaitement avec les données de la littérature citées

plus bas. La grande prédisposition des femmes à la manie

comparativement aux hommes sera encore plus visible si

étude SUR la manie. 403

nous prenons en considération que le nombre des femmes

aliénées est en général moins grand que celui des hommes

aliénés ; d'après les données de la Clinique pour la période

de temps sus-indiqué, le rapport du nombre de malades

psychiques hommes (ZS'r0) au nombre des malades psychi-

ques femmes (1894) est de 1,79 : 1. Si le nombre des hommes

aliénés et des femmes aliénées 'était égal, alors le nombre

des hommes maniaques se rapporterait au nombrede femmes

maniaques comme 1 : 2,68.

Il est intéressant de comparer le nombre, indiquant le

pourcentage des maniaques hommes, parmi les malades

psychiques en général, avec le nombre correspondant, se

rapportant à la mélancolie. Tandis que les maniaques sont

moins de\ p. 100 (0,91 p. 100), le pourcentage des nzélaza-

coliques est exprimé par le chiffre 6,23. Par conséquent,

la mélancolie se rencontre en général bien plus souvent que

la manie (presque pour 7 fois plus souvent).

Si nous prenons les hommes et les femmes à part et si

nous comparons les chiffres correspondants, indiquant la

fréquence de la mélancolie et de la manie chez les uns et les

autres, nous verrons alors que pendant que la manie se ren-

contre chez les hommes dans 3,65 p. 100, la manie donne

chez eux 0,56 p. 100 ; autrement dit, la mélancolie chez les

hommes se rencontre plus souvent que la manie approxima-

tivement pour 6 1/2 fois. Si nous comparons la fréquence de

l'apparition de la mélancolie (10,75 p. 100) et de la manie

(1,52 p. 100) chez les femmes, nous verrons qu'elles souffrent

de mélancolie plus souvent que de manie pour 7 fois.

Ces données comparatives nous permettent de dire d'une

manière définie que si la manie apparaît chez les femmes,

ainsi que chez les hommes comme une .maladie psychique

comparativement rare, la mélancolie au contraire, surtout

chez les femmes, doit être envisagée comme l'une des mala-

dies mentales la plus fréquente.

Concernant la question, à quel âge le plus souvent peut

se manifester le premier accès de la manie, nos données ont

démontré que de 38 cas de manie le premier accès a été noté

avant l'âge de quinze ans 2 fois, à l'âge de seize-vingt-cinq

ans 20 fois, à l'âge de vingt-six-trente-cinq ans 10 fois, à l'âge

de trente-six-quarante-cinq ans 4 fois et à l'âge de plus de

cinquante-six ans 2 fois ; il faut encore noter que parmi

404 ik CLINIQUE MENTALE.

notre matériel il n'y avait pas un seul cas, où la manie se

serait manifestée à l'âge de quarante-six-cinquante-cinq ans.

Les données qui viennent d'être citées démontrent très net-

tement que la manie se manifeste le plus souvent pour la

première fois entre seize et vingt-cinq ans ; on observe la

manie rarement avant quinze ans et de plus en plus rare-

mens après vingt-cinq ans. Il faut encore noter, entre autres,

que parmi nos malades l'âge le plus jeune du premier accès

de manie était treize ans et le plus vieux soixante-six ans.

En comparant les chiffres obtenus par nous avec les

chiffres des autres auteurs nous trouvons partout un nombre

plus considérable de cas de manie que le démontrent nos

données.

Mendel1 et Ziehen2 instituent d'une manière très définie

ce fait que la manie est une maladie psychique très rare;

pourtant, les chiffres indiquant le nombre des manies parmi

les malades psychiques, cités chez les autres auteurs, pré-

valuent beaucoup sur les nôtres."

Ainsi par exemple, Zielieît dit que sur 100 admissions à

la Clinique psychiatrique de Jena, il revient 3-4 cas de manie.

Gad,iaislc ? r, qui a examiné le matériel de la Clinique psy-

chiatrique de Saint-Pétersbourg dans la période de temps

de 1870-1890 a trouvé parmi 1323 malades 157 cas de manie,

ce qui fai t 11, 8 p.100 (8 p.100 parmi les hommes et ? b p.100

parmi les femmes). Goittizikoff5 dans l'asile psychiatrique de

Kharkoff constata en 1884 parmi les hommes 5,5 p. 100 de

manie et parmi les femmes 13, 49 p. 100. Les contradictions

si grandes dans les résultats, obtenus par différents auteurs,

exigent, certes, des explications ; premièrement, il faut

savoir, dans quoi consiste la cause de telles diversités, et

secondement, lesquels des chiffres sus-cités peuvent avoir

une signification comparativement absolue et moins rela-

tive.

Pour répondre à la première question ou, autrement dit,

1 Mendel. Leilfaden der Psychiatrie. Stuttgai 1902.

' ZIEIIEN. Psychiatrie. Zweile du/luge. Leipzig, 1902.

3 Ziehen. L. C.

'Moniteur (russe) de Neuropathologie, de Psychiatrie et-de Psycl0-

pathologie légale, 1893, fasc. 111.

1 Archives (russes) de Psychiatrie, 1885, n°' 2-3.

ÉTUDE SUR LA. MANIE. 405

pour élucider la cause delà contradiction parmi les auteurs,

il faut prendre en considération avant tout la manière non

identique chez les aliénistes d'envisager la forme morbide

en question.

Cette considération a obligé Michelson et Tschige1 à se

réfuter même de la détermination du nombre relatif des

maniaques parmi les aliénés, se trouvant à l'asile psychia-

trique. Concernant la monographie de Mendel- sur la manie,

nous devons remarquer que cet auteur a inclu dans le groupe

de manie, comme une de ses espèces, la manie hallucina-

toire, qui ensuite, par,51eg2del lui-même, fut tout à fait sépa-

rée de la manie et inclue dans le groupe du délire hallucina-

toire. Goitinikoff rapporté au groupe de la manie de tels

cas, qui actuellement seraient indubitablement enregistrés

autrement (par exemple, Tobsuchtet 11-ciiiiisinn). La seconde

cause de la différence entre les données des autres auteurs

et les nôtres dépend de cela que toutes les investigations

étaient faites sur les malades stationnaires et peuvent seu-

lement témoigner le nombre des maniaques parmi les

malades psychiques, se trouvant dans l'établissement spé-

cial et non parmi le nombre général de malades psychiques;

quant à notre matériel, il appartient aux malades qui ont

tous passé (et les malades stationnaires aussi) par la consul-

tation externe de la Clinique psychiatrique de Moscou.

Il est indubitable que le nombre relatif de maniaques

parmi les malades, qui ont passé par la consultation externe,

est bien moins grand que le nombre de maniaques parmi

les malades stationnaires, car le matériel de consultation

externe est raréfié par toute une série de malades qui n'ont

pas besoin de séjour à l'hôpital. Il est donc indubitable que

la composition générale des malades psychiques est repré-

sentée d'une manière bien plus juste par le matériel passant

par la consultation externe que celui de l'hôpital. Vu cela,

nous nous permettons de penser que les chiffres obtenus

par nous justement sur un pareil matériel ont une signifi-

cation plus absolue, que les recherches faites sur le matériel

de l'hôpital. La régularité des considérations sus-citées,

' Moniteur (russe) de Neuropalhologie, de Psychiatrie et de Psycho-

pathologie légale. Année IX, fasc., II.

2 Mendel. Die Manie, 1881.

406 CLINIQUE MENTALE.

ainsi que de nos données, est confirmée par cela que nos

chiffres approchent des chiffres qui ont été obtenus dans

l'investigation d'un tel matériel, où on ne pouvait pas parler

d'aucun choix artificiel, à savoir, dans l'investigation des

données du dénombrement des aliénés, qui a été fait avec la

participation de médecins aliénistes en 1893 dans le gouver-

nement de Moscou, où de 2940 1 malades psychiques pour

la part de la manie il revient 46 cas (1,61 p. 100).

En examinant l'hérédité chez nos maniaques nous avons

eu les données suivantes : de 32 cas dans 4 cas l'hérédité est

niée (12.50 p. 1 00), dans 22 cas sont notées des maladies

nerveuses et mentales et l'alcoolisme du père et de la mère

(68,78 p. 100), dans 6 cas il y avait une indication sur les

mêmes maladies chez de proches parents (frères, soeurs,

tantes, oncles et grands parents (18,75 p. 100). Si nous joi-

gnons le second et le troisième groupes ensemble, nous

verrons que la tare héréditaire est notée dans la- manie dans

87,G p. 100. Nous ne trouvons pas superflu de comparer ce .

pourceniage avec le degré de la tare héréditaire dans d'au-

tres formes de maladies mentales qui ont été examinées par

nous sous ce rapport ; d'après nos données la tare hérédi- '

taire dans la paralysie générale est notée approximative-

ment dans 75 p. 100, dans la mélancolie, dans 82 p. 100 et

dans la constitution des obsessions morbides dans 9 p. 100.

Par conséquent, donc, la manie occupe parmi ces chiffres

une place entre la mélancolie et les obsessions morbides. Il

est encore à remarquer, entre autres, que les cas de manie,

où l'existence de la prédisposition héréditaire est niée, con-

cernent des femmes.

En examinant les malades, qui ont servi de matériel pour

le travail présent, dans notre esprit surgissaient encore

certes d'autres questions, par exemple sur la fréquence des

accès dans la manie, sur leur durée, sur les espèces clini-

ques de cette maladie, etc.; mais nous avons décidé de ne

pas toucher à ces questions, car en examinant quelques-unes

de ces questions, nous n'avons reçu rien de nouveau et en

examinant d'autres nous avons trouvé que notre matériel

n'était pas assez suffisant.

' W. Iakovexko. Les aliénés du 'gouvernement de Moscou. 1900, Mos-

cou .

NOUVELLES OBSERVATIONS DE NÉVROSE D'ANGOISSE. 407

Nouvelles observations de névrose d'angoisse;

- Par P. IIARTENBERG.

On a pris l'habitude durant ces dernières années de ran-

ger sous l'étiquette uniforme et générale de neurasthénie

la plupart des désordres nerveux mal définis et non classés

qui n'appartenaient pas au tableau classique de l'hystérie

et de l'épilepsie. De l'aveu de beaucoup d'auteurs, c'est là un

regrettable abus de langage; et à force de prodiguer ce

terme de neurasthénie et de l'appliquer à des troubles né-

vropathiques dissemblables, on risque de lui'enlever toute

précision clinique et presque toute valeur. D'ailleurs, il

parait bien évident que tous les troubles qui ne sont ni

hystériques, ni épileptiques, ne doivent pas nécessairement

pour cela être considérés comme neurasthéniques et que

dans l'observation et la classification des désordres si déli-

cats et si complexes du systèmes nerveux il doit subsister

encore bien des ignorances et bien des lacunes.

C'est dans le but de réagir contre cette tendance fâcheuse

et d'apporter un peu d'ordre et de clarté dans la question,

que Sigmund Freud, de Vienne, a proposé en 1895 de sépa-

rer de ce qu'on appelle neurasthénie un groupe de symp-

tômes bien délimité et d'en faire un type clinique autonome

sous le nom de « Névrose d'Angoisse ».

Voici, d'après le travail primitif de Freud et d'après mes

recherches personnelles, la description de la névrose d'an-

goisse. Elle est constituée par les grands symptômes sui-

vants :

Il Une irritabilité générale, qui rend le malade impatient,

agité, sensible à l'excès à toutes les impressions sensoriel-

les et en particulier à celles de l'ouïe, de sorte qu'il souffre

souvent d'une véritable hyperesthésie auditive;

2" Un état habituel d'attente anxieuse, dans lequel le

sujet se sent sans cesse comme sous la menace d'un événe-

ment pénible et imminent, d'un malheur qui le guette et

qu'il redoute, et qui va fondre sur lui à l'improviste;

408 CLINIQUE MENTALE.

3° Des crises d'angoisse aiguë, dans lesquelles l'anxiété

habituelle s'exagère et s'accompagne de troubles organiques,

tels que battements de coeur, dyspnée, sueurs profuses,

crampes stomacales et intestinales, ténesme, etc. ;

Ces crises peuvent être incomplètes et n'offrir qu'un symp-

tôme dominant comme les palpitations, la dyspnée, les

troubles digestifs, les sueurs profuses, le ténesme vésical ou

anal : d'où autant de variétés de crises rudimentaires : crise

cardiaque, crise respiratoire, crise gastrique, crise vési-

cale, etc.;

4° Des équivalents de crises, représentés par desparesthé-

sies, des terreurs nocturnes avec réveils angoissants, des

tremblements, des secousses musculaires, des phénomènes

vasculaires et congestifs (doigt mort), des variations de la

nutrition générale avec engraissement ou amaigrissement

périodique; *

5° Des phobies et des obsessions !

Tel est, dans sa plus grande simplicité, le tableau clinique

de la névrose d'angoisse. Ces différents symptômes énumé-

rés peuvent se combiner entre eux diversement et offrir des

variantes individuelles. Mais le signe essentiel, qui consti-

tue le fond même de l'affection, qui lui donne son nom et la

différencie des autres types névropathiques, c'est l'angoisse

chronique avec paroxysmes aigus. Il s'agit par excellence

d'une névrose anxieuse, et l'angoisse est toujours mise au

premier plan par les malades dans le récit de leurs peines.

Or il n'en est pas de même chez les neurasthéniques. La

neurasthénie, si l'on admet la conception de Charcot avec

ses six stigmates : céphalée, rachialgie, asthénie neuro-mus-

culaire, dépression cérébrale, insomnie, dyspepsie atonique,

est essentiellement une névrose dépressive par épuisement

du système nerveux cérébro-spinal. Ce qui caractérise l'état

neurasthénique, c'est non l'attente anxieuse, non l'irritabi-

lité, mais la fatigue et l'asthénie. Je sais bien que certains

auteurs, tels que IIeclter, Kaan, Bouveret ont décrit l'an-

goisse comme un des symptômes de la. neurasthénie; mais

à cela Freud réplique avec vraisemblance que ces auteurs

ont précisément observé des cas où la névrose d'angoisse et

la neurasthénie se trouvaient présentes chez un même sujet,

par une de ces associations morbides qui fréquemment unis-

sent entre elles l'hysthérie et la neurasthénie ou encore l'une

NOUVELLES OBSERVATIONS DE NÉVROSE D'ANGOISSE. 409

de ces dernières avec l'épilepsie essentielle. Il semble natu-

rel en effet que neurasthénie et névrose anxieuse puissent

évoluer parallèlement chez un même sujet; et voici une

observation à titre d'exemple, où l'on voit la neurasthénie

guérie sous l'influence du traitement tandis que la névrose

d'angoisse persiste pendant longtemps encore.

Observation I. 1-0 L..., vingt-six ans, mariée, mère d'un

enfant de quatre ans et demi se portant bien. Père et mère ner-

veux : le père a eu des atteintes de neurasthénie, la mère est très

impressionnable ; mais aucun .cas de psychose ni de diathèse

graves dans la famille. La malade ne présente pas d'ailleurs de

stigmates physiques de dégénérescence.

En juin 1901, pendant un séjour à l'étranger, au cours duquel

la malade a mené une vie mondaine très agitée et très fatigante.

les premiers symptômes se déclarent dans les conditions suivantes :

un ami de la maison a fait la cour à 1\i"'e L... et l'a engagée dans

un flitt assez avancé. Il existe une grande attraction réciproque ;

la situation devient périlleuse pour l'honnêteté de la jeune femme,

quand soudain, l'ami galant, saisi de remords et se reprenant lui-

même, met un terme à leurs relations. Ils cessent à peu près de se

voir.

Cette décision, au lieu de tranquilliser la malade pour l'avenir,

soulève au contraire brusquement en elle toute une série de pro-

blèmes qu'elle n'avait pas envisagés auparavant. Elle aperçoit seu-

lement les conséquences possibles de ses actes, reconnaitle danger

qu'elle a couru, est prise de remords amers, se sent assaillie de

scrupules pour l'incorrection de sa conduite. Des lors, elle est

envahie par un sentiment d'anxiété qui ne l'abandonnera plus.

Elle vit dans une inquiétude continuelle. Mille questions se posent

à son esprit, auxquelles son esprit est constamment occupé à

répondre : « Aime-t-elle encore son mari ? Son enfant ? Elle est

une grande coupable. Elle doit être punie. Quels malheurs lui arri-

veront ? Comment y échapper ? » Ainsi vit-elle dans un état d'at-

tente anxieuse continuelle, dans l'appréhension constante du dan-

ger imminent. Parfois, cette anxiété grandit et augmente jusqu'à

l'angoisse aiguë, survenant par crises, durant lesquelles elle

étouffe, pleure, se désespère et appelle la mort qui la délivrera de

son martyre.

Des troubles somatiques accompagnent cet état mental.

Céphalée intense, en forme de casque. Dépression nerveuse pro-

fonde. Fatigue, pesanteur des membres, dégoût, de l'action et de

l'effort. Troubles digestifs. Entérite muco-membraneuse. Insomnie.

Dans l'intervalle des crises anxieuses, bien que toujours inquiète

et découragée, la malade se rend compte de la fausseté de ses

il. 10 CLINIQUE MENTALE.

scrupules et de l'inanité de ses craintes. Mais dès que l'angoisse

grandit, son opinion se transforme et elle se retrouve aussitôt sous

l'empire de ses préoccupations obsédantes.

En octobre 1901, j'institue un traitement tonique et reconsti-

tuant. Suralimentation, repos au lit, lécithine en injections hypo-

dermiques, frank ini : ation. L'état dépressif s'améliore progressi-

vement : la sensation de fatigue disparait avec la céphalée et

l'asthénie motrice. Les fonctions digestives se régularisenl. Le

sommeil se rétablit. Tous les symptômes neurasthéniques s'amen-

dent. Seul subsiste l'état anxieux, qui, malgré le traitement, per-

siste presque intégralement avec des alternatives d'atténuation et

de rechute. L'état somatique est excellent ; une analyse d'urine ne

révèle aucun élément anormal, aucun trouble dans les excrétions,

de chlorures, de phosphates et d'urée. L'obsession subsiste cepen-

dant, une crainte du châtiment, avec scrupules, reproches, idées

de suicide.

Ce n'est que six mois plus tard, après un traitement hygié-

nique, physique, médicamenteux et psychique, poursuivi avec

persévérance, que ces accidents mentaux s'atténuent, sans avoir

. disparu encore entièrement à l'heure actuelle.

En conclusion, nous voyons dans ce cas évoluer d'une marche

différente les symptômes asthéniques et les symptômes anxieux.

Sous l'influence du traitement, la neurasthénie a guéri rapidement

et ses symptômes ont disparu. Ceux de la névrose d'angoisse

attente anxieuse, crises d'angoisse, obsession ont subsisté pour

ne s'amender que beaucoup plus tard.

Pour expliquer l'étiologie de la névrose d'angoisse, Freud

fait appel aune hypothèse assez étrange. Conformément à

sa théorie générale selon laquelle tous les troubles nerveux,

ceux de l'hystérie comme ceux de la neurasthénie, auraient

une étiologie sexuelle, il déclare que la névrose d'angoisse

est produite pour une insuffisance de satisfaction du besoin

sexuel. L'excitation génitale, ne trouvant pas son issue par

les voies naturelles, au moyen de « l'acte spécifique u, reflue

vers les centres nerveux supérieurs et se crée des voies de

dérivation en produisant des désordres émotionnels et orga-

niques. C'est par ce mécanisme pathogénique qu'agiraient

l'abstinence sexuelle, le coït réservé ou interrompu sans

détente, la suppression brusque de l'onanisme habituel chez

l'homme comme chez la femme.

Il y a certes dans cette affirmation de Freud une grande

NOUVELLES OBSERVATIONS DE NÉVROSE D'ANGOISSE. 411

part de vérité. De nombreux auteurs ont attribué au facteur

sexuel un rôle important dans la pathogénie des névroses.

Qu'il me suffise de citer les noms de Gattel, de Tschisch,

de Loewenfeld, de Kisch, dont j'ai résumé les observations

dans mon travail sur ce sujet. Tout récemment, M. Pierre

Janet, à propos justement de la névrose d'angoisse, écrit :

«Si on peut avoir des renseignements, des aveux sur la vie

sexuelle des malades, on voit qu'elle est presque toujours

troublée et qu'elle est bien troublée en effet dans le sens

qu'indique Freud. Ces personnes ont des désirs, souvent

même trop fréquents, ils essaient de les satisfaire, mais n'y

parviennent que très incomplètement. Les uns le constatent

avec résignation, les autres s'en irritent et font des efforts

désespérés et ridicules pour retrouver ce paradis perdu. Chez

ceux-ci et à un moindre degré, mais d'une manière égale-

ment certaine, des troubles remarquables, ruminations,

agitations, angoisses, accompagnent ces excitations sexuel-

les incomplètes o.

J'ai personnellement examiné des cas très réels où l'insuf-

fisance de satisfaction sexuelle avait provoqué une névrose

d'angoisse. L'observation nouvelle et inédite qui va suivre

vient donc à l'appui de la théorie de Freud.

Observation II. - 111 ? M..., quarante-deux ans, habituellement

bien portante, peu nerveuse et nullement dégénérée, a perdu son

mari il y a dix-huit mois environ. Son veuvage est attristé encore

par des difficultés de succession et des discussions de famille. En

octobre 1901, un an environ après la mort de son mari, elle se

sent prise des premières atteintes de son mal. Inquiétude vague

et sans motifs, oppression, anxiété. Peu à peu, ces symptômes

augmentent. L'attente anxieuse, la crainte perpétuelle d'un mal-

heur imminent s'installent dans sa conscience d'une façon chro-

nique. En même temps apparaissent des crises d'angoisse aiguë,

survenant soit la nuit sous forme de réveils angoissants, soit le

matin, soit dans la journée, avec dyspnée, suffocation, larmes,

désespoir, idées de suicide. Néanmoins, l'état général reste satis-

faisant. Il n'y a ni asthénie, ni céphalée, ni dyspepsie, ni dépres-

sion cérébrale ; aucun des symptômes de la neurasthénie clas-

sique, sauf de l'insomnie, existant d'ailleurs d'une façon intermit-

tente.

Maigre mon traitement, très soigneusement appliqué en avril et

mai 1901, l'amélioration est peu marquée au bout de deux mois.

A ce moment, la malade se remarie et reprend sa vie sexuelle.

412 CLINIQUE MENTALE.

Moins de trois semaines plus tard, tous les symptômes anxieux

avaient tout à fait disparu et Mme M... est aujourd'hui complète-

ment guérie.

Mais si Freud a fait une remarque juste en mettant en

relief le rôle du facteur sexuel dans l'étiologie de la névrose

d'angoisse, il semble qu'il se soit mépris en attribuant à ce

facteur sexuel une valeur à peu près spécifique. Peu d'au-

teurs le suivront dans une affirmation aussi absolue. Et

j'avoue, pour ma part, que malgré mon insistance et mes

recherches, je suis loin d'avoir découvert toujours à l'origine

de la maladie la cause sexuelle incriminée.

En revanche, tout choc, tout traumatisme émotionnel,

tout surmenage affectif m'ont paru pouvoir produire l'explo-

sion de la névrose. A cet égard la névrose traumatique ne

serait qu'une variété de la névrose d'angoisse.

Le cas suivant offre un intérêt d'actualité en ce qu'il

semble provoqué par les émotions de l'automobilisme.

Observation III. M. F... trente-six ans. Père mort à soixante-

cinq ans d'une congestion pulmonaire Mère morte à soixante-

six ans de coma diabétique.

Antécédents personnels du malade : rougeole, fièvre thyphoïde à

18 ans, kyste hydatique du poumon à vingt-deux ans, expulsé par

vomique à vingt-trois ans. En 1899, M. F... commence à faire de

l'automobile, d'abord sur un tricycle, ensuite sur une voiturette,

enfin sur une voiture de 6 chevaux, dont il s'est servi jusqu'à ce

jour. En mai 1899, il va de Nice à Maçon en 4 étapes. Les trois

premiers jours se passent bien, malgré une grande fatigue pro-

duite par l'attention tendue et la préoccupation de la direction de

la voiture. Le quatrième jour, en descendant à ineufchàteau pour

déjeuner, le malade se sent fortement indisposé. Il éprouve

une impression de gêne très pénible au niveau du creux épigas-

trique, semblable à ce qu'on éprouve dans une vive émotion. Il

claque des dents, frissonne, ressent de violents battements de

coeur et est assailli par la crainte d'une mort subite. Il parvient

non sans peine à se réchauffer en s'enveloppant de fourrures, et

au bout d'une heure, à peu près rétabli, reprend son voyage.

Au début du mois d'août suivant, nouvelle crise. Le malade est

brusquement réveillé la nuit par une peur indéfinissable. Ces

crises se répètent les nuits suivantes et il en reste de l'angoisse

jusqu'au jour suivant. Un médecin consulté trouve une dilatation

d'estomac, piescrit un régime et rassure le malade. L'angoisse

diminue.

NOUVELLES OBSERVATIONS DE NÉVROSE D'ANGOISSE. 413

En octobre suivant, après trois jours de route en automobile,

le malade dîne de bon appétit et couche à Avignon. Vers onze

heures, il est brusquement réveillé par une terreur atroce. Il lui

semble que c'est la fin, que son coeur va se rompre, qu'il va mou-

rir sur l'instant. Il se précipite hors du lit, fait la lumière : l'accès

se calme au bout d'une demi-heure environ. Quatre jours après,

nouvelle crise nocturne qui dure quatre heures. Le malade est

persuadé qu'il est atteint d'une maladie de coeur très grave, et ne

peut plus dormir sans lumière. Les nuits suivantes, crises noc-

turnes. Les journées sont assez calmes, mais le malade éprouve

sans cesse un sentiment d'inquiétude et d'abattement. Rassuré

pendant quelques jours par une consultation médicale, l'angoisse

reprend bientôt et les crises se renouvellent toutes les nuits, avec

la terreur de la mort imminente. Dès qu'il se trouve seul, l'an-

goisse devient aiguë, et il a peur de mourir.

Au début de décembre 1900, M. F... a la douleur de perdre sa

mère et il en ressent un coup terrible. A partir de ce moment,

toujours angoissé, toujours inquiet de sa maladie de coeur, tou-

jours sous la menace de la mort immédiate, il néglige ses intérêts,

se désole en songeant au sort de sa femme et de ses enfants s'il

venait à disparaître. En décembre, consultation chez un spécia-

liste pour les maladies de coeur, qui ne relève aucune lésion, et

attribue tous les accidents à l'état gastrique. Le malade rassuré

une fois encore, reprend un peu d'énergie, commence à lutter

contre ses craintes vaines, fait de l'hygiène, du repos, de l'hydro-

thérapie, du massage, etc,. Amélioration. Crises moins fréquentes

et moins fortes. Mais l'angoisse persiste ets'exagère par le moindre

bruit, le moindre choc.

En juin, M F... se rend à Paris, seul, pour visiter le salon de

peinture. Après une promenade d'une demi-heure au Grand-Palais,

il se demande subitement : « C'est imprudent de rester à Paris

sans prévenir ta femme : s'il t'arrivait un malheur, elle ne le sau-

rait pas. » Il constate alors qu'il ne porte sur lui aucune pièce

d'identité, et est envahi aussitôt par une anxiété terrible, qui l'é-

trangle et lui coupe bras et jambes. L'accès ne dure que cinq

minutes, mais il est d'une violence extrême.

Enfin le dernier accès est survenu en juillet à une représen-

tation de théâtre où l'on jouait «Au téléphone », pièce très drama-

tique dans laquelle un mari assiste par le téléphone à l'assasinat

de sa femme et de son enfant. M. F... est très impressionné par ce

spectacle, éprouve due anxiété terrible, a peur de se trouver mal,

mais parvient à se maîtriser jusqu'à la chute du rideau.

En somme, depuis une année, les crises sont moins fortes

qu'au début, mais beaucoup plus nombreuses. Le malade est sous

l'impression d'angoisse, en attente anxieuse, en imminence de

peur aiguë. Il a des accès de peur à propos de tout : un rien l'émo-

414 ! i CLINIQUE MENTALE.

tionne.Un choc en chemin de fer, une imprudence d'enfant, un cheval

qui bute, une chaussée à traverser parmi les voitures, un faux

pas, tout est pour lui motif à une anxiété poignante. Les bruits,

même très faibles, le font tressauter le jour, l'éveille en sursaut la

nuit. Il ne peut plus dormir sans lumière ; et si, pendant son

sommeil, on éteint celle-ci, il se réveille aussitôt. Depuis novembre

dernier, il est en outre sujet à des troubles intestinaux, crises de

coliques, diagnostiquées comme névropathiques par le médecin.

Inutile d'ajouter que M. F... a depuis longtemps cessé l'usage de

l'automobile. Quant aux habitudes sexuelles, elles ont été de tout

temps régulières, et on ne saurait, dans le cas actuel, incriminer

nullement une cause sexuelle de la névrose.

Cette dernière observation pourrait peut-être contribuera : a

nous éclairer sur la nature même de la maladie. Nous y

voyons le- malade atteint franchement d'une hyperexcita-

bilité de tout le système nerveux viscéral et émotionnel,

c'est-à-dire du système nerveux sympathique. Par contre, les

grandes fonctions du système nerveux cérébro-spinal parais-

sent intactes : sensibilité générale, organes sensoriels, moti-

lité, intelligence et volonté. Seule l'émotivité est profondé-

ment troublée. Il semble donc que le siège de l'affection réside

dans le système sympathique dont les fonctions altérées par

les causes pathogéniques ordinaires, telles que la fatigue,

l'épuisement, le surmenage, l'intoxication, etc., révèlent une

hyperexcitabilité pathologique. C'est en vertu de ces remar-

ques que j'ai émis l'hypothèse que la névrose d'angoisse

pourrait bien consister en une faiblesse irritable du système

sympathique, au même titre que la neurasthénie est consi-

dérée comme une faiblesse irritable du système cérébro-

spinal. La même altération fonctionnelle produirait ainsi

deux névroses différentes suivant sa localisation. Rien

d'étonnant alors à ce que névrose d'angoisse et neurasthénie

se rencontrent si souvent associées chez le même malade et

aient été confondues jusqu'à ce jour dans un type morbide

unique. Les causes qui agissent sur l'une des parties du sys-

tème nerveux, fatigue, intoxication, infection, etc., ontbien

des chances de toucher aussi l'autre partie. Et il faut des

cas, en somme assez favorables, pour qu'on trouve l'un des

systèmes atteint tandis que l'autre est resté absolument

indemne.

NOUVELLES OBSERVATIONS DE NÉVROSE D ANGOISSE. 415

Cependant ces cas de névrose d'angoisse pure existent. Depuis

que les premiers travaux attirèrent l'attentionsur elle, un cer-

tain nombre d'auteurs en ont rencontré des exemples authen-

tiques, et reconnaissent la réalité clinique du syndrome de

Freud. Ainsi, MM. Pitres et Régis ont insisté à plusieurs re-

prises, dans des publications successives, sur l'intérêt de la

névrose anxieuse considérée comme terrain d'éclosion des

obsessions et des phobies. M. Lalanne, dans son intéressant

rapport au Congrès des aliénistes et neurologistes tenu à Gre-

noble en 1902, accorde une place importante à la névrose d'an-

goisse. A ce même congrès, dans la discussion de ce rapport,

plusieurs neurologistes, et en particulier M. Gilbert Ballet

ont reconnu l'existence du syndrome tel qu'il a été décrit par

Freud et observé par moi-même. Enfin, dans son dernier et

remarquable ouvrage, M. Pierre Janet propose de considérer

comme autonome, sous lenomdepsychasthénie, un type cli-

nique qui, de son propre aveu, est assez voisin de la névrose

d'angoisse. C'est moins par la description que par l'inter-

prétation des symptômes que son opinion diffère de la nôtre.

On peut donc, en somme, considérer le syndrome clinique

de la névrose d'angoisse comme réel et généralement accepté

à ce jour. Le seul point litigieux est celui de l'autonomie de

l'affection réclamée par Freud et par moi-même. La plupart

des auteurs qui ont reconnu sa réalité clinique, MAL Pitres et

Régis, Ballet, Lalanne, etc., se refusent par contre à en faire

une névrose distincte et n'y veulent voir qu' « un état inter-

médiaire, un terme de passage entre les névroses et les psy-

choses à base d'anxiété » (Lalanne), qui se greffe le plus habi-

tuellement sur un fond névropathique ou psychopalhique et

finit en général par se confondre soit avec la neurasthénie,

soit avec la mélancolie anxieuse. Certes, ces éventualités

sont possibles dans le pronostic de la névrose d'angoisse.

Mais il n'en reste pas moins vrai qu'il se présente des cas où

le tableau de l'affection existe à l'état pur, sans aucune parti-

cipation de neurasthénie ni mélancolie, et qui spontanément

ou par l'effet de la cure guérissent entièrement, sans verser

jamais ni dans la névrose asthénique ni dans la psychose

anxieuse. C'est pour ces cas que nous persistons à maintenir

la légitimité de l'autonomie de la névrose d'angoisse.

Bibliogr\puie. Ballet. Communication au Congrès des Aliénistes

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416 CLINIQUE MENTALE.

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HISTOIRE ET CRITIQUE.

Physio-psychologie des religieuses; les religieuses i.

de Port-Royal.

(Cinquième série de cinq observations).

Par le D1' Chaules BINET- SANGLÉ, professeur à l'Ecole de psycholod

(Suite et fin.)

Observation III. Magdeleine Thomas du Fossé.

Hérédité. Magdeleine Thomas du Fossé descendait de Gentien

Thomas I, dont la famille était originaire de Blois et qui était

maître des comptes en la Chambre de Normandie sous Henri III.

Son fils Gentien Thomas II, seigneur du Fossé, lui succéda dans

ses charges. En 1665 il alla, sur le conseil des médecins, aux eaux

de Bourbon « pour une colique d'estomach qui lui causoit de

violentes douleurs' ». Le matin de son départ « il avoit eu une fort

mauvaise nuit2 ». Ces eaux ne lui procurèrent qu'un soulagement

passager. « Son mal empira toujours' ». En septembre 1665,

ce voyant que tous les remèdes ne pouvoient lui procurer le soula-

gement qu'on lui promettoit' », il se prépara à la mort. Il mourut

ce même mois. Il était « d'un naturel vif et bouillant'' » « d'un

esprit ardent et plein de feu » « « franc et d'un coeur ouvert 7 ».

Charles Maignart, prêtre de l'Oratoire, curé de Sainte-Croix-

Saint-Ouen de Rouen, sa paroisse, avec lequel il était intimement lié

s'étant retiré du monde en 1643, sous les suggestions de l'abbé

Jean du Vergier de Hauranne, Gentien Thomas II du Fossé, plein

d'une « vive douleurs », s'en vint exprès à Paris pour quereller cet

Abbé qu'il ne connoissoit point encore, et pour lui redemander son

Curé qu'il lui avoit enlevé. Il lui parla en effet avec chaleur; se

' et Pierre Thomas du Fossé, `357,

et 1 Ibid. 258.

Ibid. 21.

° Nécrologe.

Ubid. 25. -

8 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil. 21 .

Ancmvss, 2* série, t. XV. 27

418 HISTOIRE ET CRITIQUE.

plaignant du tort qu'il faisoit atout un peuple en le privant de celui

qui étoit toute Inur consolation et tout leur conseil. Ce pieux abbé

lui répondit avec beaucoup de douceur, selon l'esprit et les règles

de l'Église, et lui représenta avec tant de lorce et d'onction la

nécessité de la pénitence, pour tous ceux qui se sentent redevables

à la divine justice, que celui qui étoit venu pour se plaindre de

l'enlèvement de son Curé, se sentit lui-même enlevé par la vertu

toute divine de la vérité qui pénétra son coeur. Dès ce moment il

prit la résolution de quitter le monde, et demeura à Paris pendant

quelque tems, pour faire un renouvellement de toute sa vie, et

prendre pour l'avenir du S. Abbé des règles de conduite 1 n.

11 lui fit sa confession générale. Du Vergier lui montra « la

nécessité indispensable qu'ont les pères et les mères de s'appli-

quer avec tout le soin possible à procurer à leurs enfants une

éducation conforme, non seulement à leur naissance, à quoi

ils ne manquent guère, mais beaucoup plus à leur baptême, et à

cette glorieuse qualité qu'ils ont acquise d'enfans de Dipu2 », et

lui proposa de mettre ses enfants aux Petites-Ecoles de Port-Royal

des-Champs qu'il avait fondées. Gentien s'empressa d'accepler.

Revenu à Rouen, il dit à sa femme : « C'est une éloquence toute

de feu qui se fait sentir au coeur, et qui l'embrase dans le même

tems qu'elle frappe les oreilles 3. Celle-ci voulut voir le célèbre

suggestionneur, et revint de Paris convertie. Les deux époux « com-

mencèrent d'abord par se retirer des compagnies et à demeurer

chez eux dans l'occupation et dans la prière* ». Ils ne sortaient

que pour aller à l'église ou pour faire quelques visites absolument

nécessaires. « On voyoit dans leur conduite et dans leur exté-

rieur un certain air de modestie et de piété qui tenait lieu de lan-

gage, et qui faisoit connaître qu'ils ne vouloient plus avoir de com-

merce comme auparavant avec le monde5 » Gentien vendit sa

'vaisselle d'argent et sa charge, et ils se retirèrent chez une

dévote, 111m de Fresle, à Rouville près Rouen, où ils se mirent

sous la direction de Jean Guillebert, curé de cette paroisse, autre

« aimant spirituel » des âmes.

A Rouen on attribuait ces excentricités à de la « foiblesse d'es-

prit7 ». Gentien Thomas II n'en continua pas moins à vivre « dans

' Nécrologe.

' Ibicl. 24.

3 Ibid. 26.

1 Jérôme Besoiône, Ilf, 121.

* Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil, 30.

* Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil. 79.

' Ibicl. 30.

I'II1 S10-PSI CHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 4[9

]a pratique d'une piété toujours uniforme' ». Suivant le conseil

de Jean du Verrier, il « n'épargna rien pour procurer à tous ses

enfansune éducation vraiment chrétienne 2 ». Il confia trois de ses

1,115 à l'abbé Antoine Singlin, qui les mena aux Pe,iles-Feoles de

Port-Royal des Charnus, où le dévot Etienne de Bascle fut chargé

de « les instruire et les former à la piété' ».

L'un d'eux Pierre Thomas du Fossé qui, après avoir été solitaire

de Port-Itoyal, s'était retiré avec d'autres dévots au château

des Troux près Chwreuse, écrivait : « lion père commença à

craindre, comme un père vraiment chrétien, que n'étant plus

retenu comme à Port-Royal, par les règles d'une vie commune, ni

veillé par des personnes dont je respectasse l'autorité, je ne me

déboutasse insensiblement de la piété, et ne sortisse de la voie

dans laquelle j'avois commencé à marcher dans mon enfance. Il

en écrivit à Messieurs Singten et de Saci, et à moi même assez for-

tement, pour m'engager à prendre quelque parti, me proposant

l'exemple de quelques-uns de mes parens ». Le parti qu'il lui pro-

posait était d'embrasser l'état ecclésiastique.

Gentien Thomas Il mit encore trois de ses filles pensionnaires

à l'abbaye de Port-Itoval, et, à l'occasion de la profession de l'une

d'elles Magdeleine, il donna 1000 écus à la communauté et s'en-

gagea envers elle à une rente de 100 écus.

Sa femme \laynlene Beuselin; née en 1606, était « fille d'une

mère qui lui di'-oit qu'on ne jeûnoit plus en comparaison de son

tems où l'on ne maugeoit qu'au soirs. » « Fort bien faite" », dans

sa jeunesse elle était « un peu pesante7 » en 1684 (soixanle-dix-

huit ans). Pendant le carême de cette même année, à la suite d'une

longue course faite pied et à jeun, « elle se sentit prise d'une dif-

ficulté de respirer qui augmenta peu à peu8 surtout pendant

l'été, se compliqua « d'une hydropisie très fâcheuse*' », fit beau-

coup souffrir la malade, s'aggrava en octobre, et se termina parla

mort, le 10 novembre 1684 (soixante dix-huit ans) Il s'agissait

vraisemblablement d'une maladie de coeur, peut être d'une stéatose

cardiaque chez une vieille femme obèse, affection qui se serait aggra-

vée a la suite d'une longue marche. Elle avait « l'esprit naturellc-

' \'écrologecle Porl-Ifo"ul, l'il.

°Pierre Thomas du Fossé.- Loc. cit. 79.

' lie de M. Thomas du Fossé : en tête (lèses mémoires, XVII.

'Pierre Thomas du Fossé. Luc. cil. 212.

` \'écrologc de Port-Ruïal, 43 1.

' Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit,. L'7.

et Ibid. 38,è.

'Néci,ologe (16 Pnrl-Roïal.

420 HISTOIRE ET CRITIQUE.

ment un peu allier1 », était très charitable, craignait la mort et les

jugements de Dieu. « Alliée à la plus grande partie des premières

personnes de la ville » de Rouen, elle menait la vie mondaine, lorsque

son mari lui parla de Jean du Vergier de Hauranne et l'exhorta de

l'aller voir. Elle partit surlechamp pour Paris, et subit non seule-

ment les suggestions de ce prêtre, mais celles de JacquelineArnauldt,

abbesse de Port-Royal des Champs, qui la logea six semaines auprès

du monastère, et celles d'Antoine Singlin. Ils « achevèrent l'ou-

vrage commencé par l'abbé 3 ». Elle fit une confession générale,-

et, à son retour à Rouen, « se rendit... imitation de son mari,

renonça comme lui aux assemblées, aux divertissemens, aux fes-

tins, et se rendit aux offices et aux instructions des Eglises 6 ». De

plus ils prirent d'un commun accord «la pieuse résolution de vivre

comme frère et soeur ° ». En 1648 (quarante-deux ans), à l'occa-

sion de la profession de sa fille Alagdelène, elle donna 1000 francs

de toile à l'abbaye de Port-Royal.

En 1671 (soixante-cinq ans), elle se mit sous la direction de Nico-

las le Tourneux, chapelain du collège des Grassins. « Elle ne sor-

toit jamais d'avec lui que plus forte, parce qu'elle en sortoit plus

humble', » D'ailleurs « sa soumission et son humble docilité ont

toujours été admirées de ceux qui la conduisoient ; et, quoiqu'elle

eut l'esprit naturellement.un peu altier, elle s'abaissoit comme un

enfant sous la conduite des personnes en qui elle respectoit l'auto-

rité et la lumière de Dieu' ». Son fils Pierre Thomas du Fossé nous

la peint aussi « rempliedelacraintedu Seigneur... de respect pour

les ministres de l'Eglise 8 ». Elle montrait une « grande simplicité

dans sa soumission respectueuse envers les prêtres de Jésus-Christ,

et une crainte très sincère d'offenser Dieu' ». « Depuis que Dieu

s'étoitfait connaitre plus particulièrement à elle, elle ne se démentit

jamais de sa première piété, mais marcha toujours d'un pas égal dans

la voie de son salut. Elle lit paraître jusqu'à la fin la solidité de sa

vertu par la docilité avec laquelle elle recevoit les salutaires répré-

hensions de ceux à qui elle avoit confié la conduite de sa con-

science ? » Elle fut « toute sa vie très exacte à observer les jeûnes

1 Ibid, 431.

Pierre Thomas du Fossé, 27.

' et* Jérôme Besoigne. Loc. cit., IV, 297.

' Jérôme Besoigne. Loc. cit. II1, 121.

'Pierre Thomas du Fossé, Loc. cil., 340.

' Nécrologe de Port-Roïal, 431.

1 Pierre Thomas du Fossé, Loc. cit. 386.

' Ibid. 387.

11, Ibid. 386.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 421 i

prescrits par l'Eglise' », et, à soixante-dix-huit ans, elle « jeunoit

le Carême et les autres jours de jeûne avec la même exactitude

que si elle n'avoit eu que trente ans 2 ». Elle avait deux parentes

religieuses, l'une Geneviève de la Haye à Port-Royal, l'autre 11"« de

Flavancourt au Trésor. Elle fut sur son désir enterrée dans l'église

de Port-Royal. Sévère à l'égard de ses enfants, elle voulait « qu'ils

dépendissent d'elle3 ». Elle voulait aussi « que ses domestiques

fussent persuadés qu'elle les aimoit pour Dieu Il ».

Gentien Thomas II et Magdelène Beuselin eurent neuf enfants,

cinq fils, dont deux jumeaux, et quatre filles.

L'aîné des fils, Gentien Thomas III du Fossé, « garçon bien fait,6 ».

« des plus grands et des plus puissans de son àgeo », « avancé

dans ses études, et qui promettoit beaucoup selon le monde 7 »

mourut jeune, au commencement de 1650, « en huit jours d'une

fièvre très violente8 ». Il avait été élevé aux Petites-Ecoles de Port-

Royal sous les dévots Etienne de Bascle, Claude Lancelot, religieux

de Saint-Cyran, Pierre Nicole, bachelier en théologie, et Charles

Wallon de Beaupuis, prêtre.

Le second, Henri-Thomas du Fossé, né en 1631, mourut « d'une

mort précipitée... qui l'enleva tout d'un coup'' », le 22 avril 1652,

à vingt et un ans. Il subit la même éducation que le précédent,

fut mis, à douze ans, aux Petites-Ecoles de Port-Royal, et fut en-

terré dans l'abbaye.

Le troisième, Pierre Thomas du Fossé, naquit le 6 août 1631.

Enfant, il était grand et fort, le plus fort de tous les élèves des

Petites-Ecoles.

En 1649 (quinze ans), « je tombai malade, dit-il,... d'une très

grosse fièvre avec un transport au cerveau. Je ne parlois que de

Guerre, et je voulois toujours me lever, disant que M. le Prince

m'appettott, et qu'il falloit que j'allasse le trouver. Pendant que

mon corps étoit ainsi agité par cette violente lièvre, et mon esprit

par cette phrénésie, mon âme souirroit d'étranges angoisses, et

sentoit même, si je l'ose dire, d'étranges douleurs. Car je croyois

effectivement être en l'autre monde, et souffrir quelque chose des

peines qui étoient dues à mes péchés. Je ne pouvois néanmoins

bien discerner en quel lieu j'étois, mais ce que je sais c'est que

j'étois en un état de souffrances bien pénibles. Cela dura tout le

' Nécrologe de Port-Roial, 131.

' Pierre Thomas du Fossé.

1 Ibid. 387.

Ibid. 383.

' "' Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil. 98.

* Mémoire de Le Maître en tète des mémoires de Nicolas Fontaine.

° Vecnolore de Port-Roial, 172.

422 HISTOIRE ET CRITIQUE.

tems du transport an cerveau : mais lorsqu'il eut cessé, l'idée et

le sentiment de ce qui s'étoit passé en moi, et de ce que j'avais vu

et même souffert en me croyant un l'autre monde, me lit une si

forte impression sur l'esprit que dès ce moment toule cette pas-

sion si violente que je sentois pour la guerre se dissipai. » il

renonça donc à la carrière des armes.

Ce délire d'action systématisé avec hallucinations et idées mé-

lancoliques rappelle les accidents cérébraux qui surviennent, au

cours de la lièvre typhoïde, chez les prédisposé-. Il est du reste à

remarquer que la « très grosse fièvre » de Pierre-Thomas du Fossé

se déclara vers l'époque même où son frère, Gentien Thomas Ifl.

fut atteint de la « fièvre très violente » qui l'empoi ta en huit jours.

L'une apparut en 1649, l'autre au* commencement de 1650, ce qui

fait songer à une épidémie familiale.

Il semble que cette maladie modifia complètement le tempéra-

ment de Pierre Thomas du Fossé. En effet celui qui avait été un

enfant vigoureux écrira plus tard : « Le travail corporel ne me con-

venoit en aucune sorte, selon que je l'ai souvent éprouvé;... la

foiblesse de ma poitrine et de mon tempérament ne pouvoit pas

me permettre, de soutenir un travail pénible2. » - -

Le 2 novembre 1658 (vingt-quatre ans), il eut une hallucination

auditive, dont il ne parle pas dans ses mémoires, mais que Nicolas

Fontaine nous a rapportée dans les siens. Antoine Le Maistre était

alors malade à la mort. « Un soir, lorsque tnut le monde étoit

retiré de la chambre de M. Le Maître, pour lui laisser passer la

nuit en repos. M. du Fossé qui avoit sa chambre, attenant M. Le

Maître dans un appartement fort séparé de tout le monde, ayant

quelque chose à laire ce soir-là, ne se coucha pas si t6t. Sur les

neuf heures du soir, lorsqu'il écrivoit, on frappa un grand coup

a sa porte qui étoit proche de sa table. Cela le surprit un peu.

n'ayant ouï personne dans ce grand silence de la nuit. Il demanda

néanmoins qui étoit la, comme cela se fait; mais personnelle

lui répondit. Quoique cela le surprit un peu, il ne laissoit pas de

continuer ce qu'il faisoit3; et lorsqu'il y etoit appliqué, un second

coup frappa a la porte, encore plus brusquement que le premier.

M. du Fo-sé se leva aussittôt, ouvrit la porte, et ne voyant per-

sonne, il prit de la lumière pour voir depuis le haut jusqu'au

bas du deré, s il n'y avoit personne de caché, qui par plaisir

voulut lui l'aire peur. N'ayant vu aucune trace que personne fut

' Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit., 96-7.

' Ibid. 164.

Il est remarquable que, personne ne lui répondant, il n'alla pas ouvrit

de suite. Il avait sans doute à demi conscience qu'il était victime d'une

hallucination.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 423

venu là, les pensées commencèrent à s'élever, et certains nuages

de peur l'environnèrent, quelque résolution qu'il lâchât de

conserver. Il se remettoit néanmoins à écrire, mais les yeux un

peu étonnés et l'esprit un peu agité de distraction et do trouble,

lorsqu'un troisième coup, encore plus fort que les deux autres, lui

fit tomber la plume des mains. Il tomba presque à la renverse, et

il fut bien heureux de trouver son lit proche de lui, pour s'y jeter

promptement. Il n'entendit plus rien depuis; mais il n'en avoit

que trop ouï pour avoir lieu de passer une nuit bien inquiète,

jusqu'à ce que le matin étant venu, il fit part de cette inquiétude a

ses amis les plus mtimes, qui prirent de là un fort mauvais au-

gure, et qui deux jours après ne virent que trop clairement ce que

marquoit ce signal funeste, qui s'adressa précisément à celui qui

faisoit la plus grande perte à la mort de M. Le Maître ] . » Celui-ci

mourut eu effet deux jours après, le 4 novembre 1658.

Je crois que l'hypothèse d'une farce dont Pierre Thomas

du Fossé aurait été victime doit être écartée. Il n'était per-

sonne à Port-Royal qui fut capable d'aller frapper bruyam-

ment, la nuit, dans le but de lui faire peur, à la porte d'un

solitaire dont la chambre était attenante à celle d'un mori-

bond solitaire aimé et respecté de tous. Que s'était-il donc

passé ?

Pour le comprendre, il nous faut nous reporter aux

Mémoires de Louis de Pontis. Louis de Pontis devint soli-

taire de Port-Royal à la suite de la frayeur que lui causa la

mort subite d'un de ses amis. Voici ce qu'il écrit, à la fin de

ses mémoires, au sujet de cette personne :

« J'appris une chose de la propre bouche de son confesseur, qui

servit beaucoup à augmenter encore mon étonnement. Car il me

dit que lorsqu'il le coufessoit un jour, ils entendirent frapper

à la porte de la chambre trois grands coups. S'étant levé aussi-

tost pour voir qui c'étoit, et ayant ouvert la porte, il ne trouva

personne. Comme d se fut remis à sa place pour continer sa con-

fession, il entendit tout de nouveau frapper plus fort qu'aupara-

vant. Ce qui l'ayant obligé de se relever, pour voir qui étoit celuy

qui frappoit ainsi, comme il ne trouva encore personne, il dit à

son confesseur en s'écriant : Ah ! mon père, ce n'est pas vous que

cela regarde. Et il prit en effet cet avertissement comme lui venant

de la part de Dieu » »

' Nicolas ronlaine. llémoires, If, 179.

' Mémoires du sieur de Pontis, Paris, 1778 11, : m'7,

4u21 fez HISTOIRE ET CRITIQUE.

Ici nous n'avons plus les mêmes raisons que précédem-

ment pour repousser l'hypothèse d'un tour joué à un dévot

en train de se confesser, par quelqu'un de ses proches ou de

ses serviteurs. Mais voici qui est intéressant.

Les Mémoires de Louis de Pontis furent rédigés par Pierre-

Thomas du Fossé, qui les commença en 1657 (vingt-trois ans) et

les termina en 1658 (vingt-quatre ans), c'est-à-dire l'année même

où mourut Antoine Le 1«istre. L'auteur de la biographie de notre

dévot s'exprime ainsi : « M. du Fossé recueillit aussi les Mémoires

de M. de Pontis, qui étoit alors retiré à Port-Royal des Champs.

Au milieu de ces occupations, il perdit M. Le Maître qui fut enlevé

par une promte mort le 4 novembre'. » De telle sorte que

Pierre-Thomas du Fossé avait la mémoire toute fraîche de l'anec-

dote relative à l'ami de Louis de Pontis, et était peut-être même

en train de la rédiger, dans cette nuit du 2 novembre lii58, où il

entendit frapper les trois coups. Pour toutes ces raisons, je con-

clus à une hallucination auditive. Ce signe de mort est connu

dans le monde des mystiques sous le nom de marteau de Saint-

Beizoit. Ce serait une de ces hallucinations qui se transmettent par

suggestion chez des sujets prédisposés.

En 1661 (vingt-sept ans), Pierre Thomas fit une maladie sur

laquelle aucun renseignement ne nous est parvenu. En 1665 (trente

et un ans), au moment où il se préparait à aller voir son père

mourant, une autre maladie l'obligea à différer son départ. En

mai 1665 (trente-deux ans), il était « très incommodé d'une palpi-

tation de coeur, qui me tourmentoit, dit-il, principalement les

nuits2». Ces « violentes palpitations de coeur... me mettoient

souvent en danger de mort3 ». L'hiver suivant, il alla consulter

les plus habiles médecins de Rouen, pour ce mal qui ne lui « don-

noit point de relâche, car, dit-il, je passois une partie des nuits

dans des inquiétudes mortelles'' ». Il suivit sans succès divers

traitements. Enfin un gentilhomme très riche et « célèbre par l'ex-

cellence de ses remèdes, nommé M. Bouchait », lui indiqua le sui-

vant : « Mettez de l'antimoine en poudre dans un matras de verre,

avec la sixième partie de sel ammoniac aussi en poudre, et bien

mêlé avec l'antimoine. Faites-le sublimer au feu de sable, en gar-

dant bien les degrés du feu, ce qui dure environ seize heures, et

l'on donne sur la fin le feu très violent, c'est-à-dire les quatre ou

' Vie de 31. Thomas du Fossé, XVII.

9 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil., ? 811.

'' Ibid, 283.

* Ibid, 292.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 425

cinq dernières heures. Cassez ensuite votre vaisseau, et en tirez

seulement ce qui est monté et s'est attaché au parois du matras.

Broyez cela et le faites sublimer de nouveau six fois différentes,

c'est-à-dire six jours de suite, en prenant chaque fois ce qui est

élevé et attaché au parois de votre vaisseau, le broyant et le met-

tant dans un autre, les six sublimations durant beaucoup moins

que la première, c'est-à-dire dix heures chacune environ. Gardez

avec soin cette poudre, en la tenant sèchement dans une bouteille

de verre bien bouchée, et s'il se peut même chaudement. On en

met seulement le poids d'un quart de grain dans un demi-setier=

de vin d'Espagne, et l'on la laisse infuser à froid, bien bouchée,

l'espace de vingt-quatre heures, avant que d'en prendre une cuil-

lerée 3 seulement tous les matins à jeun, tant que dure le demi-

setier, mesure de Paris, et il faut être au moins deux heures après

sans manger. Le remède ne produit aucun effet sensible, ni parles

sueurs, ni par les urines, ni par haut ni par bas, sinon qu'on se

sent guérir : car tous ne guérissent pas, mais j'en ai vu de très

beaux effets ajoute Pierre-Thomas du Fossé. Pour moi, dès la pre-

mière cuillerée, je fus bien dédommagé des peines que j'avais

prises, puisqu'elle m'arrêta tout d'un coup les syncopes ou palpi-

tations dans le tems de leur plus grande violence, comme si je ne

les eusse jamais eues'. »

Quelle était donc cette poudre merveilleuse, résultant de

l'action, sous un « feu très violent », de l'antimoine sur le sel

ammoniac ou chlorure d'ammonium ? L'antimoine s'oxyde

à la température de sa fusion (450°), et donne d'abondantes

vapeurs d'oxyde d'antimoine Sb3 03. Or cet oxyde, chauffé

avec le chlorure d'ammonium, donne du trichlorure d'anti-

moine, de l'eau et du gaz ammoniac selon la formule sui-

vante :

Sb ? 0 ? 6AzIItCI-2SbC13-3Hz0-f-6Azlli

D'autre part le trichlorure d'antimoine est décomposé par

un excès d'eau froide (eau du vin d'Espagne), qui précipite

une poudre blanche d'oxychlorure d'antimoine SBOCI. Or,

1 Le grain valait 0 gr 053, le quart de grain 0 gr 01325.

Le semi-sétter valait environ -^- de litre soit 125 centimètres cubes.

'' En admettant qu'il s'agisse de la cuillerée à soupe, c'était donc 1G

centimètres cubes de cette infusion qu'on devait prendre par jour, soit

0 gr 0010 de poudre.

'Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil., 293-1.

{26 HISTOIRE ET CRITIQUE.

à la dose indiquée de 1 milligramme et demi par jour, cette

poudre est absolument sans effet sur l'organisme, ainsi que

notre dévot l'observe d'ailleurs.

La guérison de ses palpitations et de ses syncopes eût donc

lieu par autosuggestion. Un traitement conseillé par un

gentilhomme « célèbre par l'excellence de ses remèdes », et

qui plus est très riche, c'est-à-dire désintéressé, une poudre

qu'on mettait exactement cent heures à préparer, ne pou-

vait pas ne pas agir sur un solitaire de Port-Royal. La

clientèle des marchands de faux remèdes n'est-elle pas com-

posée en majorité de prêtres et de dévots ? Et quel médecin

n'entendit parler d'une poudre ou d'un élixir merveilleux

dont telle communauté religieuse a le secret, qui guérit

parfois et soulage toujours ?

La guérison instantanée par une dose d'environ un milli-

gramme et demi d'oxychlorure d'antimoine des palpitations

et des syncopes dont souffrait Pierre Thomas du Fossé donne

la mesure de sa suggestibilité, et prouve que ces accidents

étaient d'origine hystérique (liyperamiboïsme des neurones).

En 1684 (cinquante ans), il fut tès gravement malade, mais se

rétablit complètement. En 1696 (soixante-deux ans) il présenta les

premiers symptômes de la maladie dont il devait moutir. 1-1 le

frappa « seulement ma langue, dit-il, et tous les muscles des en-

virons, d'une espèce de paralysie qui s'est augmentée d'une ma-

nière insensible, jusqu'à m'ôter tout à fait l'usage de la parole, et

me rendre le manger et le boire très difficile, avec quelques autres

accidens qui en dépendent' ». « Mon mal étoit d'abord fort peu

de chose. Je fus bien deux mois et demi sans qu'on s'apperçut dans

la maison que j'avois peine à parler, sentant moi seul cette diffi-

culté*. » Cette difficulté augmenta, malgré « quelques remèdes de

M. l'abbé de Lucé, dont j'ai éprouvé l'excellence en bien des ren-

contres3 ». Les médecins lui ordonnèrent le repos. Sur ces entre-

faites, « je me blessai à l'os de la jambe, et quoique ce mal ne

parut rien d'abord, il s'aigrit et je ne laissai pas d'être près de

deux mois sans pouvoir marcher. Pendant ce tems-là, mon autre

mal augmenta beaucoup, en sorte que je commençai à avoir une

vraie peine à parler ». Son frère alla à Paris consulter le doc-

teur de Chaudrai, « Mais le remède qu'il m'ordonna, qui étoit

1 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil., 2. ·

' et 7&)t/. 488.

4 Ibid. 410.

PHYSIO-PSYCIIOLOGIE DES RELIGIEUSES. 427

de l'eau de bétoine distiléel, me fit tant de mal, que j'eus bien

regret de l'avoir pris. » Puis « on me saigna sous la langue, je

pris des goûtes d'Angleterre2, j'usai d'esprit de corne de cerf3,

d'essence de poudre de vipère*, de teinture d'anis, d'extrait de

fleurs de tilleul, de vulnéraires et de plusieurs autres remèdes que

chacun disoit être le spécifique de mon mal. Mais, bien loin de

m'en sentir soulagé, ma paralysie augmentoit toujours'* ». Fagon

lui ordonna les eaux de Bourbon, où il prit la « douge ». « Je puis

dire que je ne me fusse jamais figuré qu'on eût tant souffert.

Je perdis d'abord la respiration, croyant que j'allois expirer;

mais après m'avoir fait entendre avec beaucoup de peine, on arrêta

ce fleuve d'eau bouillante que l'on fait tomber sur vous, et la

nature s'accoutuma peu à peu à ce qui lui avoit d'abord paru

insupportable. Je ne sais rien de plus humiliant que ce remède...

Cependant toutes ces tortures ne purent me délier la langue qui

étoit toujours également embarrassée » a.

Une maladie intercurrente survint. « Je fus pris d'une lièvre et

d'un mal de côté, et en deux jours de tems je me trouvai en tel

état que j'envoyai prier le curé de la paroisse de me venir confes-

ser. J'eus bien de la peine à me faire entendre » 7. Il fut quatre

jours à la mort, et au bout de huit jours hors de danger. Il s'agis-

sait probablement d'une pneumonie.

Quant à la paralysie, elle « suivit régulièrement son premier

cours, et alla toujours en augmentant, suit pour la difficulté

de boire et de manger »8. Il alla consulter près de Jossé un prêtre

célèbre pour ses cures miraculeuses, eût recours « à l'intercession

de plusieurs saints »', fit« divers pèlerinages et plusieurs neuvaines

selon ma dévotion particulière, dit-il, ou celle de mes amis »i', De

Chaudrai, qu'il alla cette fois voir lui-même, lui lit mettre un

emplâtre sous la gorge et lui donna des poudres à avaler et à pri-

ser. Tout fut vain. De temps en temps des complications se pro-

duisaient. Le deuxième ou troisième jour du carême de 1697

' La bétoine passait pour tonique, stimulante, céphalique, antispasmo-

dique. On l'employait aussi comme sternutatoire. il est probable que de

Chaudrai voulut faire une révulsion sur la pituitaire, ce que paraît

indiquer sa prescription de poudres à priser. (Voir infra.) ! Pierre I homas du Fossé. Loc. cil. 490.

3 Peut-être les gouttes anglaises noires ù l'opium.

* Composé complexe où domine le carbonate d'ammonium.

5 Cette poudre passait pour très active. Elle agissait par son nom im-

pressionnaut.

0 et Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil.. 491.

8 Ibid. 493.

° et'° ibis. 3.

428 HISTOIRE ET CRITIQUE.

(soixante-quatre ans), il fut pris d'une toux qui lui dura jus-

qu'après Pâques. « Elle étoit si violente et si fréquente, et l'im-

puissance où je me trouvois de cracher à cause de la paralysie qui

rendoit immobiles les nerfs et les muscles du larynx, me réduisit

à un tel état, que je croyois fort souvent ne pouvoir pas résister

deux jours de suite à un mal qui me donnoit aucun repos ni jour

ni nuit. Je pazsois aussi le jour étant levé dans une agitation per-

pétuelle, et la nuit j'étois souvent obligé de me tenir appuyé sur

mon coude sans fermer l'eeil et sans pouvoir presque respirer un

seul moment qu'avec cette toux qui ne me donnoit aucun relâche.

Quand j'avois été ainsi tourmenté deux ou trois jours de suite, j'en

avois autant de repos. Lorsque je commençons à me croire guéri,

je recommençois à tousser, de manière à ne plus espérer d'y pou-

voir résister; et lorsque j'étois le plus découragé, j'avois tout d'un

coup une bonne nuit. Tout le Carême se passa de cette sorte »'. 11

mourut le 4 novembre 1698, à soixante-quatre ans, après avoir

souffert « pendant deux ans les douleurs les plus aiguës »2, « au-

tant consumé par l'austérité de sa pénitence que par son assiduité

au travail »3.

Avec de pareils documents, il est plus facile de faire, à deux

siècles de distance, le diagnostic de l'affection dont mourut Pierre-

Thomas du Fossé qu'on ne le ferait peut-être après une observation

directe mais de courte durée. 11 s'agit de la paralysie labio-glosso-

laryngée. Due à l'altération des neurones moteurs des noyaux

d'origine des septième, neuvième, dixième, onzième et douzième

paires crâniennes, cette affection frappe surtout les individus du

sexe masculin entre trente et soixante ans. Son début est presque

toujours lent et insidieux. Elle se manifeste d'abord par une

dysarthrie, due à la paralysie de la langue et des lèvres, et qui

aboutit bientôt à l'anarthrie, puis à l'alalie par paralysie du larynx.

Déjà sont apparus, avec la paralysie du pharynx, des troubles de la

déglutition qui facilitent le passage des aliments et de la salive

dans les voies respiratoires. Il en résulte des secousses de toux,

violentes, répétées, extrêmement pénibles et fatigantes, des inflam-

mations des bronches, comme celle dont Pierre-Thomas du Fossé

fut atteint pendant le carême de 1687, et des pneumonies dites

pneumonies de déglutition, comme celle à ce qu'il semble dont

il faillit mourir aux eaux de Bourbon. L'intelligence reste intacte.

Aussi put-il écrire ses Mémoires, tout en étant obligé de les inter-

rompre plusieurs fois. Cette affection progressive et incurable dure

en moyenne de deux à trois ans.

' Pierre Thomas du Fossé . Loc. cil. 506.

' Vie de M. Thomas du Fossé, en tête de ses mémoires, XXXIII.

Nécrologe de Poi-1-Roïcil. 421.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 429

Une épitaphe d'un de ses amis attribue à Pierre-Thomas du Fossé

« une chasteté sans reproche... une charité sans réserve »'. C'était

un rêveur. « Si je n'étois point occupé à la lecture, dit-il, et même

à la composition ou à la traduction, je me trouvois accablé par

une foule de pensées qui me venoient malgré moi, et qui me trou-

bloient » 2. C'était aussi un émotif. Lorsque sa soeur Magdeleine

signa le formulait antijanséniste, il en fut « pénétré de douleur »3.

Son père, qui le destinait à l'état ecclésiastique, le fit tonsurer à

sept ans, à l'occasion de sa confirmation, et le mit en 1643 (neuf

ans) aux Petites Ecoles de Port-Royal. Il y eût successivement pour

maîtres, ainsi que ses frères Gentien III et Henri, les dévots Selle,

Etienne de Bascle, Claude Lancelot (en 1645, onze ans), Pierre

Nicole et Charles Wallon de Beaupuis (en 1646, douze ans). « On

nous inspiroit sur tout la crainte de Dieu, dit-il, l'éloignement du

péché, et une très grande horreur du mensonge » . Ils avaient

pourcatéchisme la Théologie familière de Jean du Vergier de Hau-

ranne Eni646(douze ans) les Petites Ecoles furent transférées à Paris

rue Saint-Dominique au faubourg Saint-Jacques, d'où on menait

les élèves tous les Dimanches à Vêpres, à Port-Royal de Paris,

où préchoit alors M. Singlin '. 11 eût enfin pour professeur de

philosophie Jean Bourgeois, abbé de la Merci-Dieu.

En 1650 (seize ans), son frère Gentien III étant mort, «l'on ne

manqua pas, dit-il, de se servir de cette mort pour nous faire

comprendre qu'il n'y avoit, ni force de corps, ni jeunesse qui dut

nous mettre en assurance contre la crainte d'une mort sembla-

ble ss. Aussi, « voyant que ses deux frères étoient morts tout

jeunes, il se dit à lui-même qu'il pourroit bien ne leur pas survivre

beaucoup », et il résolut de « sacrifier à Dieu ce qui lui restoit de

vie » 6. La même année il fut mis chez Retard, docteur en Sor-

bonne et curé de Magni, paroisse de Port-Royal des Champs. Six

mois après, il se retira à la ferme des Granges près l'abbaye, pour

y mener la vie des solitaires. Il s'y lia étroitement avpc le dévot

Antoine Le Maistre, qui lui donna « des instructions très solides,

tant pour les études que pour la piété 7 ». En 1656 (vingt-deux

ans), obligé de sortir des Granges, il alla demeurer à Paris avec

' Epitaphe de Pierre Thomas du Fossé, en tète de ses mémoires.

XXXIX.

* Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit., 104.

' Ibid. 252.

4 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil.. 94.

6 Ibid. 98.

8 Nicolas du Fontaine. Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal,

A Cologne, aux dépens de la Compagnie MDCCXXXV11, t. II, 175.

'Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit., 95G.

430 0 HISTOIRE ET CRITIQUE.

les dévots Sébastien le Main de Tillemont et François Akakia du

Lac. et se mit sous la direction de l'abbé Chartes Akakia du Mont,

confesseur de Port-Royal. En 1657 (vingt-trois ans), il revint dans

le désert de Port-Royal, où il commençait sa journée à quatre

heures ou quatre heures et demie du matin par des prières, des

lectures pieuses et la messe. La même année, « je pris le dessein.

dit-il, d'aller demeurer à Saittt-Cyran où quelques personnes de

ma connaissance s'étoient retirées 1 ». Mais, après un voyage à

cette abbaye, il renonça à son dessein. Très lié avec le prêtre

Isaac-Louis Le Maistre de Saci, solitaire de Port-Royal, il se mit

sous sa direction, après la mort d'Antoine Le Maistre (1658, vingt-

quatre ans). En 1660 (vingt-six ans), obligé de quitter les Granges

à cause du renouvellement de la persécution contre Port-Royal,

il se relira avec le Nain de Tillemont et le curé Jean Burtugai, doc-

leur enSoiboune,au château des Troux près Chevreuse. Son père,

ainsi qu'Antoine de Singlinet LeMaistre de Saci, l'engagèrent alors

à embrasser l'état ecclésiastique et à entrer au couvent. Mais, dit-

il, « le goût quej'avois pris à la vie de Port-Royal, joint à la con-

noissance que j'avois de mille embarras où l'on s'engage dans une

communauté, en voulant éviter ceux du monde me donnoit de

l'éloignement des Monastères,2 ». D'ailleurs c son humilité et son

amour pour la sainte pauvreté lui firent toujours constament

refuser de recevoir aucun ordre ou Bénéfice 3 n. Il continua donc

à mener la vie dévote, et, en 1661 (vingt-sept ans), il alla s'éta-

blir avec le dévot Antoine Baudri de Saint-Giles d'Asson à la

ferme dite Petit Port-Royal, et se lia avec le curé de l'endroit.

La même année, fit à pied un pèlerinage à Notre-Dame(le Chartres,

à neuf lieues de Port-Royal. En 1662 (vingt-huit an,), trouvant

que la ferme où il logeait était trop loin de la plus proche église,

il alla habiter Paris avec son frère Augustin Thomas du Bosroger,

les prêtres Antoine Singlin et Le Maistre de Saci et le solitaire

Nicolas Fontaine, ne s'entretenant avec eux que de piété et se mon-

trant très assidu à la messe et au prône. En septembre 1665 (trente

et un ans), Le Maistre de Saci l'engagea à ne pas prendre la charge

de son père qui venait de mourir, et à continuer à mener la vie

dévote. La même année, il fit un voyage à Rome. En 1666 (trente-

deux ans) il alla en Normandie, et se lia intimement avec un curé

de cette province. En 1667 (trente-trois ans) il alla avec son fière

Augustin Thomas du Bosroger et Julien, curé du Fos-é, à Angers

voir leur ami Charles Hillerin, ancien curé de Saint-Mei ri et prieur

de Saint-André. Ils virent aussi l'évêque Henri Arnauld, (t qui leur

1 Ibid. 159.

Pici-e Thomas du Fossé. Loc. cil., 212.

D Nécrologie dePort-Roïal. 421.

l'il YS 1 0-PSYCIIOLO OIE DES RELIGIEUSES. 431

donna toutes sortes de marques d'estime et d'amitié )),et assis-

tèrent, dans l'église des religieuses de Sainte-Marie d'Angers, à la

canonisation de François de Sales. A Pâques 1669 (trente-cinq ans),

il alla habiter avec le prêtre Claude de Sainte-Marthe, confesseur

de Port-Royal, Nicolas le Tournejx, chanoine de Rouen, dont il

était allé naguère entendre lessermons, et qu'il avait mis en rela-

tion avec les solitaires de Port-Royal, et le dévot Le Nain de

Tillemont. Après la mort de sa mère, survenue le 10 novembre

1684 (cinquante ans), il voulut vivre dans une solitude complète,

mais son frère, sa belle-soeur et Nicolas Le Tourneux s'y opposèrent,

A la fin de 1601 (cinquante-sept ans), il fit, avec son frère Augustin

Thomas du l3osroeret la femme de celui-ci, une sorte de voyage

circulaire. Ils passèrent par Orléans, où ils rendirent visite à M1"0 de

lioucbu, abbesse de Voisins, par Amboise, où ils virent 1 abbé

Gaillard qui y faisait une mission, par Saumur, où ils rendirent

visite aux religieuses de la Félicité, par Angers, où ils firent con-

iirmer l'enfant d'Augustin Thomas par l'évoque Henri Arnauld,

qui leur donna encore « tontes les marques de l'amitié la plus

tendre2 », et allèrent voir un pieux ecclésiastique nommé Heord,

par Avranches, où ils nouèrent des relations, par l'intermédiaire

du chanoine François Dirois, précepteur d'un de leurs frères, avec

une société d'ecclésiastiques et de dévots, parle Mont Saint-Michel,

dont ils visitèrent l'abbaye, par Argentan, dont ils visitèrent le

couvent de Jacobins, par la Trappe, où ils s'entretinrent avec l'abbé

et assistèrent à Matines et à tout l'office, par Evreux enfin, où ils

rendirent visite à' leurami Métayer, curé de Saint-Thomas.

En 1G06 (soixante-deux ans), les médecins lui ayant interdit de

travailler, il ne lit plus que prier et lire des livres de piété. En

1697 (soixante-trois an=), après la maladie qu'il fit aux eaux de

Bourbon, « j'eus le courage, dit-il, d'aller, quoique je fusse très

mal, le jour de la Pentecôte, entendre la messe que je fis dire, et

où je communiai dans le caveau de la Sainte-Chapelle, où l'on

garde la Vraie Croixs ». Il fut enterré dans l'église de Saint-Etienne

du Mont, bien qu'il eût souhaité l'être à Port-Royal, où son coeur

seul fut porté. Outre les ecclésiastiques et les dévots que j'ai cités,

il avait encore pour amis l'abbé Sébastien-Joseph du Cambout de

Pont-Chasteau, la dévote 111 ? Le Sesne de Teméricourt et son

neveu l'abbé Jean-Baptiste Le Sesne de Ménille d'Ettemare, les

dévots Antoine Arnauld d'Andilli, Raphaël Le charron d'Epinoi et

la dévote Catherine-Françoise de Ilrotagiie de Vertus, sans compter

les solitaires de Port-Royal. Il était « d'une piété éclairée et uni-

' Vie de Il. Thomas du fusse, en tète de ses mémoires, XXVII. 1.

2 Vie de M. Thomas du Fossé, XXXI.

1 Pierre Thomas du Fossé, loc. cit., 492.

432 ' HISTOIRE ET CRITIQUE.

forme 1 ». Un de ses amis lui attribue « une prière sans relâche - ».

« Il entreprenoit peu de commerce avec les savans, de peur de

perdre en conversations inutiles les momens qu'il deslinoit à la

prière et à l'étude des livres saints 3. » Apartir de 1657 (vingt-trois

ans), il travailla avec Antoine Le Maistre aux Vies des Saints. Cette

année-là, ils revirent ensemble la traduction d'Iôannès dit l'Eche-

leur (saint Jean Climaque) par Robert Arnauld d'Andilli, à l'aide

du commentaire d'Elias de Crète, que Pierre-Thomas du Fossé alla

copier dans une bibliothèque. En 1658 et 1659 (vingt-quatre et

vingt-cinq ans), il traduisit de l'espagnol en l'abrégeant la Vie tic

dom 13m'thélemy des Martyrs, archevêque de Braga en Portugal. En

1660 (vingt-six ans), il étudia l'histoire ecclésiastique avec Le Nain

de Tdiemont et Jean Burlugai. En 1662 (vingt-huit ans), il écrivit

la vie de Thomas Becket (saint Thomas de Cantorberi). En 1675

(quarante et un an), il publia une histoire de Quintus Septimius

Florens Tertullianus (Tertullien) et d'Ongénès (Orirène). En 1684

(cinquante ans), il continua les commentaires d'Isaac-Louis Le

Maistre de Saci sur la Bible. Il est l'auteur des notes françaises de

la moitié du livre des Nombres, du Deuteronome, des Juges, de

Routh (Ruth), des troisième et quatrième livres des Rois, desPara-

lipomènes, d'Ezra (Esdras), de Tobit (l'obie), de Judith, d'Ksther,

de lyob (Job), des Pseaumes, du Cantique des Cantiques, cl'Irmey-

ahou (Jérémie), de Barouk (Barueli), d'Iehezqel (Ezeeliiel ? de

Daniel, des 111achabées et des quatre Evangélistes. A la fin de 1697

(soixante-trnis ans), il commença ses Mémoires, et les acheva après

Pâques 1698. Enfin il collabora à plusieurs ouvrages dévots de Le,

Maistre et de Le Maistre de Saci, entre autres à la Vie d'Iôannès

l'Echeleur et à celles d'Ignatios (saint Ignace) martyr. Ainsi qu'il

l'écrivait en 1690 (cinquante-six ans) à Lazare André Bocquillot,

chanoine d'Avallon, il fit l'aumône avec ce que ses ouvrages lui

rapportèrent, mais la plupart ne lui rapportèrent rien.

Les deux autres fils de Gentien Thomas II du Fossé étaient

jumeaux. L'un, Augustin Thomas du Bosroger, mena, dès 1662, la

vie dévote en compagnie de son frère Pierre Thomas, des prêtres

Antoine de Singlin et Le Maistre de Saci et du solitaire Nicolas

Fontaine.

En 1667, il alla avec Pierre Thomas et le curé Julien à Angers,

voir le curé Charles d'Hillerin et l'évêque Henri Arnauld; et à la fin

de 1691, il l'accompagna dans son voyage circulaire.

Devenu maître des comptes à Rouen, il vendit sa charge « afin

de vivre avec plus de liberté dans la retraite et dans les exercices

' Nicolas du Fontaine. Loc. cit., II. 180.

' Epitaphes en tête de ses mémoires, XXXIX.

3 Dictionnaire de 31oi,e ? ,i. Art. Thomas.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 433

de piété' ». Il se distingua « par une piété singulière ». Il mourut

le 26 mai 1701, et fut enterré dans l'église de Saint-Etienne du

Mont. Sa mère lui cherchait « une épouse chrétienne3 ». Elle lui

fut procurée par une de ses parentes, Geneviève de la Haye, reli-

gieuse à Port-Royal, dans la personne de Catherine Agnès le Mais-

tre de Séricourt, jeune fille très pieuse que sa mère mit d'ailleurs

dans l'alternative d'accepter le parti ou d'entrer au couvent. Le

mariage fut célébré par Antoine Arnauld, docteur en Sorbonne,

grand-oncle de la mariée.

Augustin Thomas eut de sa femme un garçon et une fille, qui

furent élevés dans la piété. -

La fille, Catherine-Angélique Thomas du Fossé, fut tenue sur les

fonds baptismaux par Antoine Arnauld. « Digne héritière de la piété

de son illustre famille, elle sçut joindre à une profonde humilité et

aune exacte fidélité à tous ses devoirs, une grande connoissance

des vérités de la Religion, auxquelles elle fut fortement attachée,

aussi bien qu'à Port-Royal et à tous les gens de bien. Elle eut

toujours un grand attrait pour la solitude, le silence et la

prière ? » Elle mourut le 20 janvier 1731.

L'autre fils de Gentien Thomas II du Fossé mourut jeune, au

commencement de 1660, dans le séminaire de Beauvais « avec tous

les sentimens de piété et de religion qu'on peut désirer dans une

personne de son âge ° ». « 11 avoit eu quelque tems avant d'être

malade, un dessein formé de quitter le monde, et il prioit tous les

jours Dieu de l'affermir dans cette sainte résolution 6. »

Des quatre filles de Gentien Thomas II, l'aînée seule se maria.

Les trois autres avaient été élevées à l'abbaye de Port-Royal des

Champs. Elles « profitèrent si bien de l'éducation chrétienne

qu'elles y reçurent, que deux s'y consacrèrent à Dieu ; et la, plus

jeune ayant été empêchée par ses grandes infirmités, vécut au

milieu du monde dans une grande piété et dans la virginité qu'elle

avoit vouée » a

La seconde était Magdeleine Thomas du Fossé, qui fait l'objet

de cette observation.

La troisième, Anne Thomas du Fossé, se fit religieuse à Port-

Vie (le.11. Thomas du Fossé, en tète de ses mémoires, XXXIII.

' Dictionnaire de lIoiei,i. A-1. Thomas.

' Vie de M. Thomas du Fossé, XXVIII.

* Nécrologe des plus célèbres défenseurs et confesseurs des dix-sep-

/tem6e< dix-huitième siècles. Acte. : 11DCCLX. t. IV, 95.

' Vie de M. Thomas du Fossé, XXIII. ·

" Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil., 168.

Vie de .11. Thomas du Fossé, XVII.

Archives, 2e série, t. XV. 28

434 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Royal, et mourut jeune, le 1 ? juillet 1661, après dix ou douze ans

de profession.

Voici ce que Pierre Thomas du Fossé dit de la quatrième, à la-

quelle il est fait allusion plus haut.

« Ses infirmités l'ayant empêchée d'être religieuse, elle vivoit

dans le monde comme une personne qui avoit renoncé au monde.

Elle avoit été pensionnaire à Port-Royal, et ce fut là que com-

mença son mal. qui fut d'abord une fluxion qui se jetta sur ses

jambes, et qui devint si grande qu'il fallut lui faire de terribles

incisions, en sorte qu'on lui tira quasi tout le gros os de la jambe

qui était carié. Elle souffrit des douleurs presque incroyables, tant

de son mal que des opérations faites par les chirurgiens qui, bien

qu'habiles, lamartyrisoient tous les jours, sans pouvoir faire refer-

mer cette plaie monstrueuse que l'on avoit peine à voir. » Enfin

un médecin amateur et dévot des Champs des Landres, lui « donna

un baume qui calma peu à peu ses douleurs et la mit en état de

pouvoir guérir de ce mal si furieux. Mais quoique sa plaie se fut

refermée, il lui resta néanmoins un mauvais levain, qui lui causoit

de tems en tems des douleurs insupportables. « Il lui semblait que

ses nerfs, et jusqu'à la moelle de ses os étaient pénétrés de l'àcreté

si cuisante de cette humeur'. » Ses douleurs ne cessèrent qu'à sa

mort, qui survint en juin 1680. Elle fut enterrée à Port-Royal des

Champs. Elle était très charitable.

Etat général de Magdeleine Thomas du Fossé. Fille d'un dévot

et d'une dévote ; ayant cinq frères, dont le premier et le second

moururent jeunes, dont le troisième, faible « de poitrine et de

tempérament et d'une chasteté sans reproche », eut à quinze ans

un « transport au cerveau », à trente-deux ans des palpitations

et des syncopes qui guérirent par suggestion, et mourut de para-

lysie labio-glosso-larynrée, après avoir été solitaire de Port-Royal,

dont le quatrième mena aussi la vie dévote, dont le cinquième enfin

mourut jeune, dans un séminaire, au moment où il se préparait à

quitter le monde, ces deux derniers étant jumeaux ; ayant trois

soeurs, dont l'aînée devint religieuse de Port-Royal, et dont l'autre,

atteinte d'une carie du tibia, mena la vie dévote et mourut quatre'

ans avant sa mère ; comptant encore parmi ses parents les reli-

gieuses Geneviève de la Haye et Mm0 de Flavancourt et le dévot

Chartes Maignard de Bernières, Magdeleine Thomas du Fossé ne

pouvait échapper à la fatalité qui pesait sur sa famille et fut

emportée dans le mouvement de dégénérescence qui la précipitait

au néant.

Elle naquit en 1628, et, comme son frère Pierre, mourut par le

' Pierre Thomas du Fossé. Loc. cil,, 367.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 435

système nerveux. En effet, elle tomba « pçu à peu dans une espèce

de paralysie qui, lui ôtant insensiblement l'usage de ses membres

les uns après les autres, la réduisit à la fin en un tel état qu'elle

ne pouvoit plus se rendre aucun service à elle-même. Etant cou-

chée sur un côté, elle étoit forcée de s'y tenir, si on ne venoit la

changer de place, sans pouvoir s'aider en aucune sorte de ses

mains, non pas même pour se délivrer de l'importunité des mou-

cherons qui la piquoient au visage durant l'été » Elle mourut de

cette quadriplégie le 25 octobre 1696.

Intelligence et caractère. - C'était une « fort bonne fille, fort

humble et pleine de charité2 ». Mais, bien qu'elle fut « d'un natu-

rel actif' », « elle manquoit un peu de... force et de... fermeté

d'âme4 ».

Tristesse, Elle présentait une propension à la tristesse.

Le 15 octobre 1664 (36 ans), dans un moment « d'accablement

de tristesse sur toutes ces affaires (affaires du formulaire antijan-

séniste) beaucoup plus grand qu'à l'ordinaire 6 », elle signa « fon-

dant toute en pleurs », le formulaire de 1661. Elle était alors

«dans une grande angoisse' », qui, après sa signature, ne fit

qu'augmenter. c Je passé (sic) le soir et le matin du lendemain

dans une engoisse (sic), que je ne puis exprimer, ne sçachant

encore néanmoins ce que je feroisl ». « La pauvre soeur, dès le

lendemain de la signature, vint se mettre à genoux devant toute la

Communauté, et fondant en larmes, se recommanda aux prières

de l'Assemblée, protestant qu'elle avoit signé parce qu'elle n'avoit

pu résister aux raisons qu'on lui avait dites9 ». « Je demeuroy,

dit-elle encore, ce soir (de la signature) et les deux jours suivans

dans des pleurs presque continuelles, et tellement hors de moy,

que je ne sçavois ce que je faisois..., j'estois dans une étrange

inquiétude de ce que j'avois fait, craignant beaucoup d'avoir offensé

' Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit, 474. Ces moucherons armés

étaient les anophèles des étangs de Port-Royal, qui rendirent la fièvre

palustre endémique dans ce monastère.

' Ibid. 251.

' Ibid. 473.

'Ibid. 251.

'Recueil de pièces, etc., Lettres de la soeur Magdeleine de iiainte-

àielhilde. R. de il. li. à touseigneur l'archevêque de Paris, 2.

0 Vies, II, 169. ,

7 Recueil de pièces, etc. Lettre citée, 3.

8 Ibid. 3.

"Jérôme Giroust, I, SOt.

436 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Dieu '. Elle alla « communier toute en larmes= ». Et ce furent

dès lors « des troubles et des angoisses incroyables3 », un « trou-

ble de conscience épouventable ^ », un accablement entrecoupé de

pleurs. Son frère Pierre, étant allé la voir, remarqua en elle « une

fort grande tristesses ». Elle finit par rétracter, et fut exilée aux

Filles de Sainte-Marie de Saint-Denis. Lorsqu'elle y recevait de

mauvaises nouvelles de la Communauté de Port-Royal, « elle étoit

presque des jours entiers à ne faire que pleurero ».

Suggestibilité. Ses parents la firent d'abord élever aux Ursu-

lines, puis l'envoyèrent à l'abbaye de Port-Royal des Champs.

Elle y prit l'habit de novice le 22 juillet 1646 (dix-huit ans), et y

fit profession le 28 octobre 1648 (vingt ans). Voici ce qu'écrit Pierre

Thomas du Fossé à cette occasion :

« Je ne saurois m'empêcher, en parlant de l'entrée de mes deux

soeurs dans l'abbaye de Port-Royal, de remarquer quelque chose

du désintéressement merveilleux de cette maison, et de la ma-

nière toute religieuse et toute chrétienne dont l'on avoit accou-

tumé d'y recevoir les filles à la profession religieuse. Jamais les

vues humaines n'entroient en considération pour recevoir une

fille. Ni la naissance, ni les grands biens, ni le crédit des parens,

ni les avantages ou les défauts corporels ne pouvoient être des

motifs pour recevoir ou pour refuser celles qui se présentoient. On

s'attachoit uniquement à examiner devant Dieu autant qu'il étoit

possible, si elles avoient vocation, non seulement pour la religion

en général, mais encore pour la maison où elles vouloient entrer ;

c'est-à-dire, si elles avoient un vrai fond de piété et de bonne vo-

lonté; si elles venaient avec un désir sincère de se dépoinller de tout

esprit propre; si elles baïssoient véritablement le monde ; si elles

aimoient la dernière place dans la maison du Seigneur ; si elles

avoient de la solidité d'esprit et non de la légèreté, n'y ayant rien

de plus à craindre que ces roseaux agiles dans le désert par tous

les vents, dont a parlé Jésus-Christ... Quand donc on croyoit

découvrir des marques de vocation dans une fille, la maison se

tenoit heureuse de pouvoir l'admettre, sans considérer si elle avoit

de l'argent ou si elle n'en avoit point 7 ». Ce témoignage est con-

firme par tous ceux de l'époque, et c'est ce qui m'a conduit à

choisir les religieuses de Port-Royal comme sujets d'observation.

' Recueil de pièces, etc,. Lettre citée, 5.

' Ibid. 6.

3 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit.. 252.

4 Vies, II, 180.

5 Pierre Thomas du Fossé, Loc. cil., 352.

Vies, II, 159.

7 Pierre Thomas du Fossé. Loc. cit. 81.

PHYSIO-PSY CHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 437

Pierre-Thomas du Fossé ajoute que ses parents n'en firent pas

moins d'importantes donations à Port-Royal, « ce que je remarque

exprès, dit-il, pour faire voir que, si les maisons religieuses sont

dans un véritable esprit de désintéressement et de pauvreté, les

parens des filles qui veulent s'y engager, n'en sont que plus obligés

de s'acquitter pleinement de leur devoir ».

Magdeleine Thomas du Fossé, qui manquait, comme on l'a

vu, de « force et de fermeté d'âme », signa le formulaire anti-

janséniste de 1661, le 15 octobre ! 664 (trente-six ans), rétracta

sa signature le 2S du même mois, écrivit, le 18 janvier 1665.

(trente-sept ans), à l'archevêque de Paris pour lui faire part

de son repentir d'avoir rétracté, et signa de nouveau ce même

formulaire. Elle refusa de signer celui de 1665, et fut exilée

au couvent des filles de Sainte-Marie de Saint-Denis, dont les

novices et les jeunes professes lui envoyèrent, le lundi où le

mardi gras, un pâté sur lequel son nom était écrit, et dans

lequel elle trouva « une discipline qu'elle leur avait demandée

quelques jours auparavant »2. Elle signa enfin le formulaire

de 1665, puis étant revenue à Port-Royal, rétracta ses trois

signatures, le vingt-six mars 1670 (quarante-deux ans). Il y

eut donc exactement, de 1664 à 1670 (trente-six ans à qua-

rante-deux ans), c'est-à-dire en six ans, six sautes de foi

chez cette religieuse. Cela donne la mesure de sa sugges-

tibilité. En 1690 (soixante-deux ans), elle devint sous-prieure

de Port-Royal.

Voici la formule hiérologique de la famille Thomas du

Fossé.

438 HISTOIRE ET CRITIQUE.

Observation V. Marguerite-Angélique Giroust des Tournelles

Hérédité. Marguerite-Angélique Giroust des Tournelles, fille

de «.parens très chrétiens 1 », avait deux frères et une soeur, qui

mourut au moins huit ans avant elle. L'un des frères, Julien Gi-

roust de Bessi, né vers 1626, était adroit, sage, doux, humble,

obligeant et pieux. Il fut élevé par ses parents dans la « crainte de

Dieu= », choisit le métier des armes et devint officier. Un jour,

« la compagnie qu'il commandoit étant entrée pour se loger dans

une abbaïe de filles, d'où toutes les religieuses avoient été con-

traintes de sortir, il en restoit une jeune bien faite, dont personne

n'avoit pris soin, quoiqu'elle fut de bonne maison, parce qu'elle

n'avoit point de parens dans le païs. Cette pauvre fille n'ayant pas

eu le tems de délibérer où elle pourroit se réfugier, se trouva au

milieu des gens de guerre, sans savoir que devenir. Elle s'alla

jetter aux pieds du capitaine, et le conjura autant par ses larmes

que par ses paroles de la sauver de ce péril. Il le lui promit et

l'exécuta à l'heure même, la conduisant chez une hôtesse qui

était veuve, où il prit soin de la faire subsister autant de tems

qu'elle en eut besoin 3 ».

A la suite d'un différend avec un de ses supérieurs, il résolut de

quitter le monde et alla à Port-Royal des Champs demander

conseil à sa soeur Marguerite, qui l'engagea à mettre son projet à

exécution. Il subit aussi les suggestions de l'abbesse Jacqueline

Arnauld, si bien qu'il « croyoit certainement que Dieu s'en étoit

servi pour le déterminer à quitter le monde et à se donner entiè-

rement à Dieu ». Elle lui fit un jour cadeau d'un livre de piété et

d'un petit reliquaire, « qu'il estimoit beaucoup, dit sa soeur, et

qu'il portoit toujours sur lui par dévotion. Un jour étant allé se

baigner à la rivière, il oublia de l'ôter de son col, et le cordon

s'étant rompu, il le perdit dans l'eau et ne s'en apperçut qu'en sor-

tant de la rivière. Il fut sensiblement touché de la perte qu'il

venoit de faire (car il aimoit beaucoup ce reliquaire), et comme

il étoit sur le bord de l'eau, tout pensif et affligé de cette perte, il

fut étonné de voir sur l'eau d'assez loin le cordon qui s'approchoit

peu à peu de lui. Il s'avança tout transporté de joie, lit un pas

ou deux dans la rivière et l'attrapa : ce qu'il a toujours cru être

une chose miraculeuse, ainsi qu'il me l'a raconté plusieurs fois5 ».

' Nécrologe de l'ort-Roial, 175.

' Nécrologe de Porl-Roïal, 175.

3 Ibid. 176.

' Mémoires pour servir, etc.. Relation de Marguerite Gii oust.

5 Mémoires pour servir, etc., Relation de Marguerite Giroust, II, 513.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 439

Il prétendit donc « renoncer autant à sa volonté qu'à tous ses

biens et à toutes les espérances du siècle 1 u. En conséquence, il

lit une retraite à Port-Royal des Champs, puis y devint solitaire

vers 1649 (vingt-trois ans). il recevait et servait les hôtes et les

ecclésiastiques de la maison. Il mourut le 27 avril 1659 (trente-

trois ans environ), et fut enterré dans l'église de Port-Royal des

Champs.

Son frère, Antoine Giroust, était prompt et impatient. Son pré-

cepteur lui apprit « en même tems la science de l'Evangile et celle

des lettres humaines' ». Il entra, à quinze ans, chez Jean-François

Paul Philippi dit de Gondi, abbé de Retz, plus tard cardinal, et

fut, encore jeune, pourvu d'un canonicat à Saint-icolas-du-

Louvre. A peine ordonné prêtre, il échangea son canonicat contre

la cure de Magni, près Port-Royal-des-Champs, et demanda à dire

sa première messe dans la chapelle de cette abbaye. Mais sa soeur,

lui ayant fait lire une lettre de Jean du Vergier de Hauranne sur

le sacerdoce, « il comprit combien il étoit indigne de l'état où il se

trouvoit engagé, et il eut une telle fraïeur des jugemens de Dieu,

qu'il résolut de descendre du lieu où sa présomption l'avoit con-

duit3 ». 11 prit Antoine Singlin comme directeur de conscience, et,

sous ses suggestions aussi bien que sous celles de sa propre soeur,

se défit de son bénéfice, et devint, en 1649, solitaire de Port-Royal.

On lui confia la charge de second sacristain, qu'il accepta « non

sans quelque répugnance, parce qu'il regardoit encore comme

fort au-dessus de son mérite · », et qu'il la conserva vingt-quatre

ans. 11 mourut « avec humilité et les sentimens d'une amère péni-

teniez », et fut enterré dans l'église de Port-Royal des Champs.

Elat général. Marguerite-Angélique Giroust des Tournelles

naquit en 16tl. « Au commencement que je fus entrée (à l'abbaye

de Port-Royal), écrit-elle, j'avois de la peine à m'accoutumer as

plusieurs choses, particulièrement à la nourriture, en sorte que je

ne pouvois presque manger de tout ce qu'on donnoit au réfec-

toires ». Elle mourut le 12 septembre 1691, à quatre-vingts ans.

Intelligence. Elle se dit « pauvre d'esprit'' ».

Sugyesti61lilé. Elle fut reçue gratuitement à Port-Royal, où

elle prit l'habit de novice le 8 septembre 1628 (dix-sept ans), et fit

' Nécrologie, 177. ! Ibid. 167.

3 Ibid. 418.

1 Jérôme Besoigne. IV, 98.

" Peirre Guilbert Loc. cit., 1555.

0 Mémoires pour servir, etc' il, 510.

7 IGicl. H.

440 HISTOIRE -ET CRITIQUE.

profession le 9 décembre 1629 (dix-huit ans). Elle fut sugges-

tionnée avec ardeur par l'abbesse Jacqueline Arnauld. « J'étois,

écrit-elle encore, si ignorante et si grossière, que je réduisois tout

cet esprit (l'esprit de religion) aux choses extérieures, croyant

qu'il suffisoit d'être bien mortifiée, bien modeste, dévote, obéis-

sante, et de souffrir beaucoup de choses sensibles au corps. Mais

elle me détrompa en disant qu'il consisloit véritablement dans la

mortification intérieure et dans le sacrifice que nous devons faire

continuellement à Dieu de notre propre volonté, et que le sacrifice

le plus agréable à Dieu étoit un coeur contrit et humilié, un

esprit pénitent et abbatu devant Dieu. Elle me parloit si admira-

;»' blement de Dieu et de toutes les vertus chrétiennes et religieuses,

que j'en étois toute ravie ; et il me sembloit que Dieu même me

parloit... j'avois écrit un petit recueil de ses paroles ' ».

Elle resta trente ans sans écrire à sa soeur, parce que Jacqueline

et Jeanne Arnauld lui ayant dit « que Mademoiselle sa soeur ne lui

écrivant pas, ce n'étoit pas iL elle à commencer, elle avoit eu la

docilité de se rendre à cela 2 ». Elle n'apprit la mort de cette

soeur que huit ans après.

La formule hiérologique de la famille Giroust se réduit

à ces trois membres :

Marguerite Angélique Julien Giroust de Bessi Antoine Giroust

Giroust des Tournelles Solitaire Chanoine

Religieuse de Port-Royal Sacristain

de Port-Royal de Iloi-1-lioyal

Je relève chez une des cinq religieuses que je viens d'élu-

dier, l'hérédité névropathique et religieuse (Magdeleine

Thomas du Fossé); chez deux (Anne-Marie de Flècelles de

Bregy et Marguerite Angélique Giroust des Tournelles) l'hé-

rédité religieuse.

Des trois sur la santé desquelles quelques renseignements

nous sont parvenus, la première (Marguerite Dupré) était

hystéro-neurasthénique et fut atteinte de dysenterie et d'hé-

patite suppurée dont elle fut soulagée par autos suggestion;

la seconde (Anne-Marie de Flècelles de Brégy) était mala-

dive, et fut atteinte, à vingt-sept ans, de vomissements

répétés, et, à trente-deux ans, d'un crachement de sang; la

troisième (Madeleine de Flècelles) était également maladive,

Iliid. 515. ! Ibid. ni. 27t.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES. 441

et mourut en cinq jours d'une «oppression de poitrine » avec

fièvre continue.

Des quatre dont nous connaissons l'âge de la mort, la

première (Anne-Marie de Flècelles de Brégy) mourut à cin-

quante et un ans, la seconde (Madeleine de Flècelles) à près

de soixante-quatorze ans, la troisième (Magdeleine Thomas .

du Fossé) à soixante-huit ans, la quatrième (Marguerite- f

Angélique Giroust des Tournelles) à quatre-vingts ans, 1,8

moyenne de la durée de la vie de ces quatre religieuses'est'

de soixante-huit ans *. '%

Une (Anne-Marie de Flècelles de Brégy) passait pour inte'1·d

ligente. Une autre (Marguerite Angélique Giroust des Tour-^

nelles) se disait pauvre d'esprit.

Deux (Marguerite Dupré et Magdeleine Thomas du Fossé),

présentaient de la prédisposition à la tristesse; une de

1 inaffectivité et de la prédisposition à la crainte (Anne-Marie

de Flècelles de Brégy).

Toutes de l'hypersuggestibilité.

Trois un certain pouvoir suggestif (Anne-Marie de Flècelles

de Brégy, Magdeleine Thomas du Fossé, Marguerite Angéli-

que Giroust des Tournelles).

Dr Charles BmET-SAVCt.I : .

Asiles D'ALIÉNÉS. Nominations et promotions M. le

Dl Pélissier, médecin-adjoint à l'asile des aliénés de Marseille,

promu à la iro classe du cadre. M. le D'' ViGNouRoux, médecin

en chef à l'asile de Vauctuse, promu à la 2° classe du cadre.

M. le Dr BLIN, médecin eu chef à l'asile de Vaucluse, promu à la

111 classe du cadre.

Distinctions honorifiques. Officier de l'Instruction tt ? ue.

M. GUILLOT, directeur de l'asile-cltuique (Ste-Anne).

Officiers d'académies. ' M. CuvELtnn, directeur de l'asile

d'aliénés de Rennes. M. le D'' DUBOURDIEU, médecin-adjoint de

l'asile d'aliénés de Pau. M. le D' Perucci, directeur-médecin

de l'asile d'aliénésde St-Gemmes-sur-Loire (Maine-et-Loire).

' Lorsque j'établirai cette moyenne sur l'ensemble de mes observations.

j'aurai l'occasion de faire remarquer qu'elle ne pourrait être comparée

qu'à la moyenne de la vie des sujets yant cléjU atteint Page où les reli-

gteuses prennent l'habit, moyenne de beaucoup plus élevée que la

moyenne générale.

REVUE CRITIQUE

Les stigmates obstétricaux de la dégénérescence ;

1

D'après René et Henri L.IItGGIt'. '.

A côté des stigmates physiques et des stigmates mentaux, il y

a lieu de décrire des stigmates obstétricaux de la dégénérescence,

ayant même valeur et même signification.

'l'elle est l'opinion que, depuis bientôt cinq ans, les auteurs se

sont efforcés d'exposer en des communications répétées, basées

sur un très grand nombre de faits. La thèse de IL Larger con-

tient plus de 600 observations de femmes, correspondant à

2.000 anomalies obstétricales au moins. Depuis ce temps, ce

chiffre s'est encore augmenté de nouvelles observations confirma-

tives inlassablement recueillies par les auteurs et aussi par quel-

ques neurologistes (Dupré, Féré, etc.).

Il s'agit donc là d'un travail très important et très digne de

retenir l'attention, à la fois par le grand nombre et la nouveauté

des faits exposés. La théorie de la dégénérescence joue un très

grand rôle, non seulement en pathologie nerveuse et mentale,

mais encore en pathologie générale; tous les médecins sont inté-

ressés à connaître les stigmates obstétricaux de la dégénéres-

cence, et, si la théorie de Il. Larger touche de plus près les accou-

cheurs et les neurologistes, du moins les uns et les autres doi-

vent-ils l'examiner avec l'impartialité que méritent les faits nom-

breux et bien observés sur lesquels elle repose.

La plupart des accoucheurs, un peu troublés par une recherche

des tares physiques et mentales avec laquelle ils étaient peu fami-

liarisés, semblent s'être efforcés d'englober toute la théorie de la

dégénérescence obstétricale sous les reproches que seules méri-

' Communications à l'Académie de Médecine (2 août 1898, 28 juillet

1899, 13 novembre 1900 et 31 décembre 1901) ; à la Société de Chirurgie

(10-23 juillet 1901) , au Congrès d'Obstétrique et de Gynécologie de

Nantes (septembre 1901) ; à la Société de Biologie (7-14 décembre 1901);

ùla Société d'Obstétrique de Paris (mai 1902).-Tlièse de Paris (II. Larger),

i juillet 1901. Vigot, frères, éditeurs. Revue générale in Revue de

Médecine, 10 août 1902, p. 723.

LES STIGMATES OBSTÉTRICAUX DE LA DÉGÉNÉRESCENCE. 443

tent peut-être certaines de ses applications. Les neurologistes

n'ont pas les mêmes raisons d'hostilité préconçue; aussi ont-ils

réservé, en général, aux stigmates obstétricaux de Larger le

même accueil qu'aux stigmates physiques de Morel ou aux stig-

mates mentaux de Magnan et de ses élèves, quitte à leur adresser

ensuite les mêmes objections.

Nous voudrions ici résumer simplement et brièvement les tra-

vaux des auteurs, indiquer les différentes critiques qui leur furent

adressées et montrer qu'en dépit des objections, dont la plupart

ont été, pour la partie obstétricale, formulées par M. Porak dans

un récent rapport à l'Académie de médecine 1, il reste toute une

catégorie de faits indiscutables et très originalement mis en

lumière.

Jusqu'aux travaux de 11. et H. Larger, la dégénérescence

paraissait s'arrêter, sans qu'on sût pourquoi et sans qu'on y eût

surtout porté attention, au seuil de l'obstétrique, dont tous les

traités sont muets sur ce chapitre. 1

Et cependant, comme le disent fort bien les auteurs : « S'il est

une partie de la biologie où la dégénérescence doive s'exercer,

n'est-ce pas tout d'abord sur la gestation où son action se mani-

feste le plus directement. D'un autre côté, il est universellement

admis que les anomalies de l'embryon, telles que le bec-de-lièvre,

l'exencéphale, etc., sont soumises aux lois de l'Hérédité, et l'on

voudrait que les anomalies du foettts dont la différence avec

l'embryon n'est que nominale et purement conventionnelle ne

le fussent pas ? Comment admettre, en un mot, que ce qui est

anormal au début du développement de l'oeuf humain soit héré-

ditaire et que ce qui est anormal dans le cours de ce développe-

ment et jusqu'au moment de l'éclosion de ce même oeuf ne soit

plus héréditaire ? Cela est, on en conviendra aisément, tout à fait

inadmissible. »

A l'aide de leurs 600 observations inédites et la plupart sériées,

les auteurs établissent la loi suivante : « Etant donnée l'une quel-

conque des anomalies de la gestation, l'on peut toujours et néces-

sairement conclure à des antécédents héréditaires, soit névropa-

thiques, soit psychiques, soit tératologiques - à des antécédents

de dégénérescence en un mot de l'un des générateurs ou des

deux à la fois. »

D'après MM. Larger, les anomalies de la gestation ne sont donc

autre chose que des manifestations dégénératives. Aussi, à côté

des stigmates physiques et moraux de Magnan, placent-ils les

stigmates obstétricaux. Ils démontrent nettement l'identité

1 Bullet. de l'ficacl. de Médecine, 3° série, t. 1LVIII, 2S octobre 1902,

p. 340. ,

444 si REVUE CRITIQUE.

absolue existant entre ces nouveaux stigmates et les anciens. Par

de multiples exemples, ils nous les font voir se transformant par

l'hérédité, soit entre eux, soit avec les stigmates physiques ou

moraux; si bien que chez certains individus et même parfois dans

une génération entière, la dégénérescence peut se manifester uni-

q2ténzent par des anomalies de la gestation. C'est même ce qui

permet de retrouver les anneaux qui semblent manquer si sou-

vent dans la chaîne de l'hérédité.

Voici deux schémas d'observations où se voit cette hérédité par

transformation.

A). Transformation des stigmates obstétricaux entre eux :

Première génération. Grand'mère : présentations anormales.

Deuxième génération. Fille : avortements, hydramnios, etc.

Troisième génération. Petite-fille : gémelliparité. grossesse

ectopique, etc., ou retour aux présentations anormale de la grand'-

mère.

B) Transformation des stigmates moraux en stigmates obsté-

tricaux.

Première génération. Troubles mentaux, épilepsie. etc., mais

gestations anormales.

Deuxième génération. Aucune tare physique ou morale, mais

gestations anormales.

Troisième génération. Troubles mentaux, épilepsie, etc.

Déjà Bourneville, dans les observations si complètes qu'il prend

de ses malades ', avait recherché si les enfants arriérés, idiots ou

épileptiques avaient été conçus dans des conditions normales ou

dans l'alcoolisme; si la grossesse avait été accidentée par des

émotions (impressions maternelles), des traumatismes, des mala-

dies infectieuses; s'ils étaient nés par le sommet ou par le siège,

s'il y avait eu de l'hydrammos, une intervention obstétricale avec

du sous-chloroforme, constriction par le cordon, asphyxie à la

naissance, gémellarité.

Parmi les anomalies de la gestation, Ch. Féré avait déjà rangé

dans sa « famille névropathique » la stérilité, la gémellité et l'avor-

tement. Les auteurs y ajoutent : la grossesse ectopique, toutes les

anomalies du placenta, des membranes et du cordon, toutes les pré-

sentations anormales, etc. On peut donc dire avec Héricourt 2 ;

« qu'ils élargissent singulièrement le domaine des stigmates de la

dégénérescence en général ».

1 Bourneville, Comptes rendus du service des enfants de Bicétre, de

1880 à 1902.

Retrue sciezlifique (Rev. rose), 47 aost 1901, p. 212.

LES STIGMATES OBSTÉTRICAUX DE LA DÉGÉNÉRESCENCE. 445

Voici, d'ailleurs, le tableau général des stigmates obstétricaux

de la dégénérescence donné par H. Larger dans sa thèse :

Anomalies de la conception : stérilité, gémellité, grossesse ecto-

pique.

Anomalies de la grossesse : toutes les anomalies du placenta

(hémorrhagies, placenta praevia, multilobé, adhérences, etc.);

toutes les anomalies de membranes en général (rupture préma-

turée, non rupture ou accouchement, oeuf entier, mâle hydati-

forme, hvdramnios) ; toutes les anomalies du cordon (insertion

vélamenteuse, brièveté, allongement, circulaires, etc.).

Anomalies de l'accouchement : Avortement et accouchement pré-

maturé, grossesse prolongée, procidences et toutes les présenta-

tions anormales jusque et y compris les positions droites de l'oc-

ciput.

L'hérédité s'exerce, en outre, sur certaines intoxications ou

infections puerpérales : l'eclampsie et la phlegmatia post-posté-

rieure, ou, du moins, sur l'aptitude à contracter ces affections,

sur le terrain, en un mot.

C'est assurément la nature dégénérative des présentations < ! Mûr-

males qui est l'élément le plus original; c'est aussi celui qui a sou-

levé les plus vives critiques de la part des accoucheurs.

On sait que ces derniers attribuent les présentations anormales

à des causes purement maternelles et exclusivement mécaniques

et pensent qu'elles sont réglées par la loi dite de 1' « accommo-

dation de Pajot ».

« En dehors des mouvements actifs qui n'ont rien de perma-

nent, le foetus peut et doit être considéré dans l'utérus, non seu-

lement comme un être vivant et actif, mais encore comme un

corps passif. Dès lors, il est soumis aux lois physiques qui régis-

sent tous les corps placés dans les mêmes conditions que lui. La

pierre dans la vessie, le calcul dans la vésicule biliaire, n'ont pas

d'angles saillants, mais arrondis. Le foetus, lui, arrondit ses

angles en se fléchissant... chaque pression qu'il supporte... cha-

que mouvement qui lui est imprimé ont pour résultat, non de le

polir, mais de le fléchir, puisqu'il ne peut s'étendre. » Ainsi

s'exprime M. Pinard 1. '

On comprend que les accoucheurs, qui affirmaient aussi nette-

ment leur conception d'un foetus s'accommodant passivement à

l'organisme maternel, aient vivement combattu la loi de la dégé-

nérescence obstétricale, dans laquelle ils voyaient une contradic-

tion formelle avec la doctrine classique.

M. Porak est, à cet égard, le fidèle interprète de leurs tent

1 Prof. Pinard. Traité du palper abdominal, 2- édition, p. 3.

440 REVUE CRITIQUE.

dances lorsqu'il dit 2 : « Depuis Solayrès de Renhac, notre effort

le plus constant a tendu à démontrer la réalité de ces théories'

mécaniques. Chaque génération a apporté une notion nouvelle ou

un éclaircissement à cette importante doctrine, sans laquelle

l'obstétrique ne serait qu'un-amas confus de faits inexpliqués.

Nous ne saurions plus nous en passer. »

Toutefois, M. Porak veut bien admettre comme très important

le rôle de l'hérédité en pathologie obstétricale et, dit-il, « si les

accoucheurs n'ont pas encore tenu grand compte des recherches

des auteurs, c'est que celles-ci sont connues depuis peu de

temps. » Pourtant, les travaux de Lucas, de More], de Magnan et

de ses élèves datent déjà de plusieurs années, et les auteurs ne

méritent pas non plus le reproche d'avoir voulu « proposer une

classification des signes de dégénérescence, dans laquelle ils ont

rangé des phénomènes dont les plus importants étaient connus

avant eux. »

Très justement, le rapporteur fait remarquer que Morel et bien

d'autres ont montré avec quelle rapidité s'éteignent les familles

d'aliénés; mais le grand mérite de MM. Larger est d'avoir montré

que la stérilité, l'avortement, l'accouchement prématuré et la

mortinatalité marquent les stades successifs d'un seul et même

arrêt de développement, dont le résultat est, pour les dégénérés,

la destruction du produit de la conception et partant l'extinction

de la race. Les autres anomalies de la gestation, ajoutent-ils,

concourent au même but, « car il est évident qu'une dégénérée

qui a une présentation anormale court les plus grands risques de

mettre au monde un enfant mort-né. Et, si la dégénérescence, en

général, tend à la stérilité et à l'extinction rapide de l'individu

dégénéré et de ses descendants, il est certain que les stigmates

obstétricaux réalisent cette tendance plus sûrement encore que

les autres-stigmates de dégénérescence. »

Au point de vue purement obstétrical, M. Porak pense que

c'est un tort de ranger les moindres anomalies de la gestation

parmi les stigmates obstétricaux et il est incontestable que c'est

bien là le point où la critique peut le plus facilement s'exercer. Il

est évident, en effet, qu'au point de vue de la force de la démons-

tration, il eût mieux valu s'en tenir au risque d'être incomplet

aux grosses tares obstétricales et que, prise isolément, l'affir-

mation de la nature dégénérative des positions OIDP apparaît un

peu excessive. Mais les auteurs n'ont pas autrement insisté sur ce

point. Il faut, par ailleurs, reconnaître que les positions droites

de l'occiput (tares légères) sont, par rapport aux présentations du

siège, de la face et de l'épanle (tares graves), ce que la simple

q Poral;, loc. cil.

LES STIGMATES OBSTÉTRICAUX DE LA DÉGÉNÉRESCENCE. 447

luette bifide est à la gueule de loup complète. C'est une question

de mesure, et il ne faut pas trop s'étonner qu'il y ait des degrés

infinis dans les tares héréditaires, depuis celles qui sont incompa-

tibles avec la vie, jusqu'à celles qui sont e peine visibles et ne

présentent souvent qu'un intérêt de curiosité. Tels sont les cas où

les positions droites de l'occiput, les circulaires du cordon, etc.,

et autres anomalies de peu d'importance existent isolément.

Ce sont ces faits de transition qui rattachent l'hérédité patholo-

gique à l'hérédité normale. Ils créent entre celles-ci des liens si

intimes que, par une marche inverse de phénomènes, ils permet-

tent à certains dégénérés de pouvoir se régénérer. Si ces mêmes

liens n'existaient pas dans les stigmates obstétricaux, ces der-

niers ne seraient pas identiques aux autres stigmates elles ano-

malies obstétricales ne pourraient pas rentrer dans le cadre de la

dégénérescence.

Le rapporteur fait encore dire à MM. Larger : « Qu'ils croient

avoir démontré l'influence du sexe et, en particulier, du sexe

masculin sur la répétition par l'hérédité des présentations anor-

males. » Non, les auteurs prétendent seulement qu'il est im-

possible d'expliquer les cas bien nets qu'ils apportent d'hérédité

des présentations anormales par les mâles, à l'aide des théories

exclusivement maternelles, ayant l'utérus, le bassin, etc., pour

base, telles qu'elles résultent de la loi dite de l'accomodation de

Pajot.

En voici deux exemples, pris entre plusieurs autres :

Observation 11.-Femme née prématurément, épileptique. Elle

a successivement, de deux maris différents, 6 enfants à terme et

plusieurs avortements. Ses enfants naissent alternativement, l'un

par la face avec procédence d'un bras, l'autre par le siège.

L'un de ses fils, épileptique aussi, né lui-même par le siège, a

successivement, de trois femmes différentes, des enfants nés par le

siège. De sa deuxième femme, il a 2 enfants, nés, l'un par la face

avec procidence d'un bras, et l'autre né parle siège; c'est-à-dire

qu'on retrouve ici la même alternance des présentations anor-

males que dans les couches de sa mère.

Observation 112. Femme normale. Mari dégénéré. Après trois

couches parfaitement normales, la femme devient enceinte pour

la quatrième fois, durant les émotions du siège de Paris : accou-

chement d'un garçon né par la face, avec procidence d'un bras.

Ce fils, un véritable enfant du siège (Féré), est un dégénéré phy-

' Thèse IL Larger. Série 11. Obs. 51, 52, 5a; - p. 43. ! Thèse II. Large». Série A. Obs. 20, 21, 2 ? p. -il.

448 REVUE CRITIQUE.

siqueet psychique. Marié, son premier né se présente, comme lui-

même, par la face, avec procidence d'un bras.

On ne peut évidemment soutenir qu'il n'y ait là que de simples

coïncidences. Et cela d'autant plus que les auteurs relatent huit

autres cas d'hérédité des présentations anormales par les mâles,

sans compter le cas historique, vraiment curieux, d'Agrippa et de

son arrière-petit-fils Néron, nés tous deux par le siège. Pline 1

(l'ancien), qui rapporte le fait, remarque que ceux qui sont nés

par les pieds et auxquels les Romains décernaient le surnom

d'Agrippa (de aigre pa7,liis ou de segritudo et pes) « sont voués à

un mauvais destin, tant par eux-mêmes que par leur descen-

dance, témoins Caligula et Néron, ces fléaux du genre humain. »

En d'autres termes, des dégénérés.

A ce point de vue historique, on trouvera dans la thèse de

H. Larger des documents fort curieux sur les présentations anor-

males et autres anomalies obstétricales de quelques personnages

célèbres. On y verra notamment ce fait intéressant que « la pémel-

lité se manifeste au moment décisif, sinon ultime, de la déca-

dence de toutes les grandes dynasties, telles que les Césars, les

Antonius, les Carlovingiens, les Valois, les Bourbons. Récem-

ment encore, les journaux nous apprenaient que la sultane favo-

rite venait de donner deux jumelles au représentant dégénéré de

la dynastie décadente des Osmanlis.

Ce qui autorise encore, ajoute M. Porak, à ne considérer que

comme étant de pures coïncidences les cas d'hérédité des présen-

tations anormales par les mâles relatées par MM. Larger, c'est

leur petit nombre.

Il est vrai que, sur les 340 observations de présentations anor-

males des auteurs, et bien que dans toutes, sans exception, des

antécédents de dégénérescence aient été relevés, il en est une cen-

taine au plus sur ce nombre où les renseignements ont pu être

un peu détaillés. Néanmoins, dans 32 cas, ils sont parvenus à

remonter à l'hérédité similaire des présentations anormales. C'est

parmi ces 32 cas que dix fois ils ont relevé cette hérédité par les

mâles. Ces chiffres sont donc relativement considérables.

Nous savons, en effet, combien il est difficile de rechercher les

antécédents de dégénérescence en général et cette recherche, dans

le cas présent des stigmates obstétricaux se complique de ce fait

qu'il faut s'en rapporter, dans l'immense majorité des cas, à des

anamnestiquespeu connus, même dans la classe éclairée. Le lec-

teur sait-il comment il est né ? Si son placenta était bien inséré ?

Et s'il a vu le jour par la tête ou... par le siège ?

« Mais, disent les auteurs, est-ce à dire que, devant ces faits

désormais incontestables de l'hérédité des présentations anormales

1 Pline (l'ancien). Livre VII, chap. VI.

LES STIGMATES OBSTÉTRICAUX DE LA DÉGÉNÉRESCENCE. 449

par les mâles, il ne faille plus tenir compte des relations méca-

niques existant entre le bassin, l'utérus et le foetus ? Evidemment

non. Les conditions mécaniques peuvent sans doute favoriser ou

même entraver la production d'une présentation anormale; elles

ne sauraient la créer. En un mot, ce ne sont là que des causes

secondes. »

Il n'y a donc pas incompatibilité absolue entre les théories

mécaniques et celle des stigmates obstétricaux de la dégénéres-

cence. M. Porak s'en est rendu compte, puisqu'il s'efforce de

concilier les théories mécaniques avec l'hérédité des présentations

anormales par les mâles bien démontrées par R. et H. Larger.

La conception de ces derniers établissant la transmission de la

dégénérescence des générateurs dès le passage du foetus in utero,

ne fait en quelque sorte que prouver l'action plus indirecte que

directe de l'organisme maternel et aussi paternel. Si la dégé-

nérescence obstétricale ne résout pas définitivement le problème

des présentations du foetus, du moins elle le recule et, suivant

l'expression des auteurs, elle transporte le même problème, de

la mécanique pelvienne jusqu'à la biologie générale.

Mais il est toute une série d'autres faits non moins démons-

tratifs et qui constituent toute la première partie de la thèse de

H. Larger. Ce dernier, en effet, y opère une sélection de 36 obser-

vations, dans laquelle l'influence de la dégénérescence sur la pro-

duction des présentations anormales et des autres anomalies de

la gestation est marquée avec une telle évidence, que ces obser-

vations, ainsi que le remarque ajuste titre l'auteur, acquièrent la

valeur d'expériences de laboratoire.

Il s'agit de femmes qui, après une ou plusieurs couches nor-

males, contractent des crises d'épilepsie, d'hystérie, etc., et accou-

chent ensuite en présentations anormales. Guéries de leur affection

nerveuse, elles accouchent de nouveau normalement, etc., etc.

Des femmes enfin, qui ont tour à tour des présentations nor-

males avec un mari normal et des présentations anormales avec

un autre mari anormal (influence du mâle).

Voici notamment 3 observations qui marquent d'une façon

saissisante cette influence du mâle :

Première observation 1. Premier mari normal : présentations

normales en OIGA.

Deuxième mari dégénéré : présentation de la face.

Deuxième observation'2. Premier amant normal : deux présen-

tations successives, normales en OIGA.

1 Thèse Il. Larger. Série A. Obs. 157; p. 29.

Thèse Il. Larger. Sériel, et Da. Obs. 127-14; p. 29.

Archives, 2' série, t. XV. 29

4SO REVUE CRITIQUE.

. Deuxième amant dégénéré : présentation du siège.

Ce n'est pas tout : le deuxième amant est un homme marié,

qui a simultanément de sa femme légitime un enfant du même

âge que celui de sa maitresse, né aussi par le siège.

Troisième o6servatiorzr.-llfari dégénéré' : trois grossesses avec

chaque fois, présentation anormale et éclampsie puerpérale.

La femme prend ensuite un amant parfaitement normal; trois

nouvelles couches, toutes normales, en OIGA, et sans éclampsie

puerpérale. 1

On sera forcé de reconnaître que, devant cette dernière série

de faits, il n'est plus possible de faire intervenir les théories mé-

caniques. même à titre de causes secondes. Si l'on conçoit, en

effet, qu'un père dégénéré puisse engendrer une fille douée d'un

bassin vicieux, on ne saurait admettre que deux maris différents

aient une influence quelconque sur le bassin d'une même femme.

Nous avons tenu à discuter point par point le rapport de

M. Porak, parce qu'il présente pour la première fois d'une ma-

nière officielle les objections qui, de tous côtés, ont été adressées

à la théorie de la dégénérescence obstétricale par les accoucheurs.

Parmi toutes ces objections, quelles sont celles que retiendront

les neurologistes ? Ils ne s'inquiéteront pas trop de savoir si la

loi de l'accommodation de Pajot doit garder invariable sa valeur

théorique et dogmatique. Ils ne contesteront guère tous ces faits

d'hérédité par les mâles qui, s'ils surprennent un peu dans un

domaine où l'on envisage surtout les deux facteurs mère et foetus,

sont en tout conformes aux grandes lois générales de la biologie.

Mais ils penseront que les stigmates obstétricaux de la dégénéres-

cence méritent et c'est tout à l'honneur des auteurs les

mêmes critiques que les stigmates mentaux ou physiques, lesquels

sont unanimement admis en pathologie nerveuse et mentale, mais

'dont la valeur pathogénique, diagnostique et pronostique varie

beaucoup avec les différents auteurs. En effet ce qui diminue un

peu l'importance des stigmates dégénératifs (mentaux, physi-

ques, obstétricaux), c'est leur fréquence et, pourrait-on dire, leur

banalité. Trop de sujets ont eu des obsessions, faibles et éphé-

mères, trop de sujets ont de légères modifications morphologi-

ques du pavillon de l'oreille, pour que leur simple constatation

permette d'affirmer que ceux qui en sont porteurs ne pourront

délirer comme ceux qui en sont indemnes, ni présenter les mêmes

formes morbides. De même, les présentations droites de l'occiput

sont des tares qu'il peut être intéressant'de noter au point de vue

général, mais qui sont vraiment trop légères pour qu'il en soit

tenu compte pratiquement.

' Thèse H. Larger. Série 1., et Da. Obs. 127-14; p. 29.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 451

En revanche, les grosses tares, présentations de la face, du siège,

etc.. acquièrent, précisément par leur moindre fréquence relative,

la même et aussi incontestable valeur que la polydactylie, l'hypos-

dadias ou toutes les phobies.

Pratiquement, il s'en suit qu'il faut ouvrir un nouveau chapitre

dans la recherche des antécédents pathologiques, héréditaires ou

personnels, celui des tares obstétricales, et qu'il y a lieu de com-

pléter sur ce point toutes les observations, particulièrement celles

recueillies au point de vue neurologique ou psychiatrique. Il s'en

suit également qu'il n'est pas indifférent de naître comme tout le

monde, par le sommet, ou de naître de travers, par la face ou les

pieds, et qu'à ce titre le médecin praticien fera bien, en présence

d'un accouchement anormal, d'appliquer tous ses efforts à parer,

par des soins et une éducation appropriées, àlatiansformation

heureusement non inéluctable, des tares dégénératives obstétri-

cales ou physiques en tares mentales.

Telle est l'oeuvre des Larger qu'il nous a paru intéressant de

vulgariser par une analyse impartiale.

Pierre Roy.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXVI. Recherches sur les centres spinaux des muscles de la jambe;

par le DTAMUON et l11-e-PAI111ON. (Journal de Neurologie, 1903,

n° 47).

Les expériences des auteurs ontété faites sur six chiens auxquels

ils ont enlevé des deux côtés un ou plusieurs des muscles de la

jambe. A la suite de l'extirpation des jumeaux, ils ont constaté

des altérations du groupement secondaire qui apparaît dans la

moitié inférieure du 4° segment lombaire et occupe la partie la

plus antérieure du groupement primaire postero-interne. Le

centre du fléchisseur superficiel apparait lui aussi dans la moitié

inférieure du 4° segment lombaire; le centre du fléchisseur pro-

fond occupe la place qui reste en dehors du précédent, en arrière

du centre des jumeaux. En ce qui concerne les muscles de la région

antero-externe, c'est du niveau de l'extrémité inférieure de la

moitié supérieure du 4° segment lombaire que serait situé le centre

du jambier antérieur : immédiatement en arrière de lui se trouve

le Centre des extenseurs des orteils. Les centres des péroniens

seraient situé à un niveau un peu inférieur. Ces résultats, d'après

452 REVUE D'ANATOMIE, ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

les auteurs, seraient susceptibles de s'appliquer à l'homme dans

leurs lignes générales et peuvent, en tout cas, servir de guide pour

des recherches futures sur la localisation des muscles de la jambe

de l'homme. G. D.

XXVII. Sur la localisation des centres moteurs. du biceps crural, du

demi-tendineux et du demi-membraneux dans la moelle épinière;

par les Drs Parhon et GOLDSTEIN. (Journal de Neurologie, 1902 -

n° 139).

Les auteurs ont enlevé chez un chien le biceps crural, chez un

autre le demi-tendineux et chez un troisième le demi-membraneux

d'un côté et le demi-tendineux de l'autre. Les animaux furent

sacrifiés au bout de 15 à 19 jours et leur moelle fixée parles pro-

cédés habituels a été ensuite débitée en coupes serrées. On a

constaté alors que chez le premier chien, les cellules du groupe-

ment intermédiaire du noyau du sciatique étaient en réaction,

taudis que celles du groupement central du même noyau étaient

intactes. Au contraire, chez le second animal les altérations étaient

cantonnées à la moitié inférieure du groupement central. Chez le

troisième chien les altérations correspondantes à la réaction du

demi-membraneux étaient situées dans la moitié supérieure du

groupement central, tandis que celles correspondantes à l'extir-

pation du demi-tendineux occupaient la moitié inférieure du même

groupement.

Il résulte de ces recherches que le noyau du biceps crural est

représenté par le groupement intermédiaire et non pas par le

groupement central comme l'avaient soutenu antérieurement les

auteurs. Ce groupement central représente le noyau du demi-

membraneux et du demi-tendineux. Un point reste pourtant

debout de leurs premières recherches : c'est que les muscles pos-

térieurs de la cuisse ne sont pas inervés d'une façon diffuses

par les deux colonnes qui leur correspondent et que ces colonnes

innervent chacune des muscles, qui diffèrent un peu par leur

fonction.. 1 G. D,

XXVIII. De l'incitation des muscles et des nerfs par les courants

faradiques de fermeture et d'ouverture; par 1. lo1'ExKO.(Jauri«l

de Neurologie, 1902 n° 11.

Des recherches expérimentales exposés dans ce travail, il ressort

que la notion de la rapidité de la variation de l'intensité des courants

faradiques dans les phénomènes de l'incitabilité des muscles et

des nerfs a une importance plus grande que celle qu'on lui avait

accordée jusqu'ici. 11 semble que le premier stade de paralysie

(perte de l'incitabilité parfatique ou anesthésie) soit dû non à

l'impossibilité de réagir à la même force de l'excitant, mais à

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 453

l'impossibilité de réagir à une variation trop lente. La fatigue et

l'anesthésie conduisent la matière vivante à un état d'inertie, qui

exige pour être vaincu, l'emploi d'ondes plus brusques et plus

intenses.

Cette étude purement physiologique pourrait peut-être trouver

une application à l'électro-diagnostic. Du moment que dans

l'épuisement la fatigue et la déchéance organique, la diminution

d'excitabilité des muscles et des nerfs se traduit par une diminu-

tion de sensibilité avec variations lentes de potentiel, la réaction

de débilité est caractérisée par une inaptitude à répondre aux

ondes de clôture, les courants de rupture ayant conservé leur plein

effet. Le quotient F/0'qui exprime le rapport entre la hauteur de

la secousse de la fermeture faradique à l'ouverture, subirait une

diminution dans les états de débilité, relativement à ce qu'il pré-

sente à l'état normal ou du côté sain. G. Deny.

XXIX. De la sensibilité du squelette ; par le Dr Max Egger. ,

L'auteur a démontré déjà que les vibrations moléculaires d'un

diapason, de par les trépidations qu'il émet sur l'os, constituent

un excellent spécifique pour la membrane sensible de l'os, pour

le périoste et ses annexes, les capsules et les ligaments péii-artieu-

laires.

Le squelette d'un membre dont la peau a conservé sa sensi-

bilité normale ne perçoit pas les trépidations d'un diapason

appliqué sur lui ; mais un membre à anesthésie tégumentaire

totale reste sensible aux vibrations du diapason : ni la peau ni le

muscle ne peuvent être considérés comme les organes percep-

teurs des vibrations qu'on détermine sur les os, et ce sont indu-

bitablement ces derniers qui sont les organes percepteurs par

excellence. ,

L'expérience a montré que la sensation de vibration n'a-lieu

qu'à l'endroit même d'application du diapason, ce qui permet de

délimiter étroitement les zones d'anesthésie squelettique [Revue

neurologique, juin 1902). E. 13.

XXX. Essai sur la psycho-physiologie du sommeil. Le sommeil

dans la paralysie faciale ; par MM. VASCHIDE et 1'unras.

De l'analyse délicate de deux cas de paralysie faciale, les auteurs

tirent les déductions suivantes :

I. Dans la paralysie faciale, l'écartement palpébral du côté

paralysé est toujours moindre pendant le sommeil que pendant la

veille : dans certains cas même l'occlusion peut être complète ou à

peu près. '

IL 11 y a un rapport étroit entre la position des yeux et celle

des paupières, ainsi qu'entre les mouvements de l'oeil et ceux des

paupières.

454 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

III. L'occlusion de la paupière pendant le sommeil semble due

chez l'individu' normal comme chez le sujet atteint de paralysie

faciale, à un relâchement du releveur de la paupière. Cet état de

relâchement du releveur correspond à une hypotonicité générale

de la musculature de l'oeil. -

IV. L'hypotonicité des muscles des yeux est en rapport avec un

défaut de convergence et un état d'indépendance des deux yeux

dans leurs rapports réciproques.

V. Le défaut de convergence oculaire coïncide avec l'état de

« distraction » qui caractérise le sommeil. 11 y a ainsi un rapport

entre l' « attention » psychologique et l'attention oculaire.

VI. Le défaut d'adaptation oculaire, d'accomodation, provoque

de la confusion dans la perception des images visuelles, qui

deviennent floues, estompées, embrouillées. Ce défaut de netteté

et de délimitation précises dans les contours des objets amène un

trouble de l'attention et jette la distraction dans l'état mental du

sujet {Revue neurologique, sept. 1902). E. B.

XXXI. Réseau endocellulaire de Golgi dans les cellules nerveuses

de la moelle épinière ; par le Dr SouKHAKOFF.

Description de la technique pour obtenir le réseau endocellu-

laire de Golgi dans la moelle des cobayes et morphologie de ce

réseau. Quelle est la signification de ce réseau dans le protoplasma

cellulaire ? il s'agit d'un système particulier, inclus dans la cellule,

pénétrant dans les dendrites ; mais il est bien difficile de se faire

une opinion sur sa valeur et sa fonction jusqu'au jour où l'on

réussira à révéler ce réseau endocellulaire dans les cellules patho-

logiques (Revue neurologique, sept. 1902). E. B.

XXII. Contribution à la psycho-physiologie des mourants. Deux

cas de chorée chronique ; par MM. Vaschide et VuRras.

Dans deux cas de chorée chronique, les auteurs ont recherché

avec soin les modifications des troubles moteurs qui se sont pro-

duites au cours des derniers jours qui précédèrent la mort. Alors

que la chorée chronique est caractérisée par des mouvements

sans but défini et continus, que le sommeil n'arrête pas tout à

fait, ces mouvements ont cessé complètement quelques jours

avant la mort. La physionomie pathologique s'est trouvée brisée

et les sujets ont acquis la fonction parfaite de leurs mouvements

automatiques, réflexes et volontaires. Ce fait plaiderait contre

l'existence de lésions définies, ou bien encore on pourrait penser

à une suppléance fonctionnelle en tout cas fort curieuse, difficile

et intéressante à comprendre et à saisir, d'autant qu'elle a lieu

seulement les quelques jours qui précèdent la mort (Revue neza-

rologique, mai 1902). E. B.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 485

XXXIII. Le réflexe vulvo-anal ; par le Dr Rossolimo.

Ce réflexe, dont la recherche paraît difficilement applicable dans

la pratique, consiste en une contraction simultanée', chez la femme

du muscle constricteur de la vulve et de l'anus, après une irritation

mécanique légère de ce dernier. Il est fortement exagéré dans les

cas de vaginsme.

Son absence peut être le symptôme d'une affection organique du

cône médullaire et de la queue de cheval : il peut servir de signe

de l'état des fonctions sexuelles. (Bévue neurologique, oct. 1902).

E. B.

XXXIV. Contributions à l'étude du rôle du cerveau dans l'inner-

vation des organes de la vie végétative, à propos de deux cas

d'hémiplégie; par les Dg PAItHON et GOLDSTEIN.

A propos de deux cas d'hémiplégie avec troubles vaso-moteurs,

les auteurs font une revue d'ensemble des différents points que les

études antérieures ont établis relativement à la question de l'in-

fluence que le cerveau exerce sur l'innervation des organes de la

vie végétative.

Peu nombreux sont les cas publiés jusqu'à présent dans le but

de préciser le siège du centre ou plutôt des centres vaso-moteurs

cérébraux : en les examinant, on est frappé de la grande fréquence,

delà presque constance des altérations du corps strié. Les deux

cas rapportés par MM. Parhon et Goldstein viennent encore con-

firmer cette notion, si bien qu'une conclusion paraît s'imposer, à

savoir que le corps strié et surtout la tète du noyau caudé contient

des centres vaso-moteurs. (Revue neurologique, oct. 1902). E. BuN.

XXXV. Pathogénie de certaines cavités médullaires ;

par MM. Tiioius et Hausser.

-La nature et l'origine des cavités médullaires sont encore assez

vivement discutées; à côté des grandes cavités qui résultent de la

dilatation du canal de l'épendyme ou de la fonte d'un gliome à

point de départ épendymaire, il en est d'autres, généralement

moins considérables, qui reconnaissent pour origine des glioses

disséminées, des inflammations chroniques, des foyers liémorrba-

giques, des myélites par compression : dans ces différents cas, le

canal de l'épendyme reste étranger à la formation des cavités :

c'est dans cette catégorie que parait devoir rentrer l'intéressante

observation rapportée par les auteurs, observation des plus com-

plète au point de vue anatomo-pathologique, et accompagnée de

nombreuses figures.

Il s'agit d'une femme atteinte de démence sénile avec hémipa-

résie du côté droit, à l'autopsie de laquelle on trouva, sur toute la

436 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

hauteur de la moelle, des fentes et foyers de désorganisation pri-

mitil's localisés à la substance grise. Les fentes présentent une

disposition remarquable, parcourent la corne postérieure suivant

une ligne droite, souvent axiale, et semblent la sectionner en deux

moitiés.

La répétition de cette topographie sur toute la hauteur du côté

droit, la symétrie des altérations du côté gauche, évoquent aus-

sitôt l'idée de leur origine vasculaire. On trouve d'ailleurs des vais-

seaux occupant la lumière de ces fentes et dirigés parallèlement

à elles ; et outre l'augmentation et la sclérose des petits vaisseaux

avoisinants, l'inflammation chronique des artères du système pos-

térieur, notamment de l'artère du septum médian postérieur et de

celles qui pénètrent dans les cordons blancs postérieurs, sont des

indices de la participation importante de l'appareil circulatoire.

Cette observation démontre que des troubles circulatoires peu-

vent être le point de départ de pertes de substance médullaire, en

dehors de toute autre cause. Elle établit aussi que les pertes de

substance produites sous l'influence de troubles vasculaires, indé-

pendantes au début de toute gliose, peuvent susciter secondaire-

ment une réaction névroglique prononcée. (Revue neurologique, oct.

1902). 1;. 13.

XXXVI. Nouvelle méthode de mensurations cérébrales. Atrophie

relative du lobe pariétal par rapport au lobe frontal dans la

démence ; par MM. Dide et CIIENAIS.

Afin de pouvoir apprécier et comparer les proportions anormales

que semblent avoir certaines portions du cerveau chez les aliénés,

et notamment les déments, les auteurs ont utilisé le mode de

mensuration suivant :

Après avoir isolé chaque hémisphère et l'avoir posé à plat sur

sa surface interhémisphérique, on détermine sur le cerveau quatre

points fixes, à savoir les extrémités supérieure et inférieure de la

scissure de Rolando, la portion la plus antérieure du lobe frontal

et la portion la plus postérieure du lobe occipital.

Ces points permettent d'établir :

1° La direction théorique de la scissure de Rolando ; 21 Une

ligne fronto-rolandique supérieure; 3" Une ligne fronto-rolan-

diqne inférieure; 4° Une ligne occipito-rolaudique supérieure;

- 5° Une ligne occipito-rolandique inférieure; 60 Une ligne

occipito-frontale.

Ces six lignes limitent les arêtes d'un tétraèdre dont tous les

éléments (arêtes, hauteur, faces, volumes, angles) peuvent être

calculés. M. le prof. Joffroy enseigne que les processus psychiques

les plus importants se passent au niveau du grand centre d'asso-

ciation postérieur : le nouveau procédé de mensuration de

MM. Dide et Chenais, apporte à cette notion une confirmation ma-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 457

thématique et montre, chiffres en main, que, tout au moins dans

la démence, le grand centre d'association postérieur, s'atrophie

par rapport au centre antérieur (Revue neurologique, mai 1902).

E. B.

XXXVII. Deux nouveaux cas de lésions limitées au bourrelet du

corps calleux; par MM. Pelsiar et SICALICBA.

Comme dans deux cas déjà présentés, les auteurs ont trouvé,

dans la partie inférieure du bourrelet, une coloration brunâtre se

poursuivant, dans l'un des cas, jusque dans la couche sous-épen-

dymairede la paroi interne de la corne postérieure droiteet gauche.

S'ils ne peuvent à l'heure actuelle poser de conclusion affirmative

sur la nature de cette lésion, les auteurs estiment pourtant que

les connexions entre la destruction de l'écorce cérébrale et la lésion

du corps calleux sont assez loin de la simplicité et de la régularité

qui semblaient être évidentes après les travaux de Monakow, Ann-

frovicz et Déjerine. (Revue neurologique., mai 1902). E. B.

XXXVIII. Le sens du goût chez les gens normaux et chez ceux qui

sont affectés d'épilepsie, de folie systématisée chronique de pa-

ralysie générale progressive; par J. Heiimann (06o : r<;Mf'ept-

chiulrü IV, 1899..

Etude très intéressante de laquelle il semble résulter que les

désordres du goût de l'épileptique et du paralytique sont d'origine

corticale, à raison : 10 des modifications anatomiques et fonction-

nelles de l'écorce dans ces maladies ; 2° Des paralysies partielles

et del'émoussement du sens du goût; 3° De l'aura du goût ren-

contrée chez l'épileptique; - 4° De la sensation amère ou acide

antérieure aux accès de ce dernier;-5° Des illusions du goût obser-

vées chez les paralytiques, par Kornfeld et 131l : Plès ; 6° De la

simultanéité des troubles du goût et de l'affaiblissement d'autres

fonctions corticales chez ces malades. P. Keuaval.

XXXIX. Contribution clinique à l'étude de la topographie des

atrophies musculaires myélopathiques ; par Il. et E. llue-c

(Non. Icoizogi,. de la Salpélrière, 11- 1, 1902)

Les recherches entreprises depuis quelques années en vue de la

détermination des localisations sensitivo-motrices de la moelle

tendent à opposer deux théories, celle de la distribution segmen-

taire et celle de la distribution radiculaire. Pour ce qui concerne

les localisations sensitives, une séduisante hypothèse de Brissaud

explique ces deux théories par le siège extra et intra-médullaire

des lésions. Quant aux localisations motrices qui se prêtent moins

lâchement à la conciliation, leur détermination donne lieu à des

opinions différentes. Les uns (Sano) estiment que tout muscle doit

458 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

avoir son noyau d'innervation distinct dans la corne antérieure,'

d'autres (Van Gehuchten, de Neef) croient que la localisation mo-

trice est segmentaire; Parhon, Goldstein trouvent que la distribu-,

tion motrice est segmentaire pour certaines régions seulement. En

opposition à ces résultats contradictoires de la méthode expéri-

mentale, les auteurs donnent 4 observations cliniques détaillées,

deux de syringomyélie et deux de paralysie infantile présentant

des atrophies musculaires des membres supérieurs intéressant le

groupe radiculaire du plexus brachial; ils en concluent que « deux

lésions très différentes de la corne antérieure (syringomyélie et

polyomyélite infantile) peuvent déterminer en réalité des troubles

moteurs, non à disposition segmentaire, mais à disposition exclu-

sivement radiculaire et que la seule topographie des atrophies

musculaires ne peuvent servir de base au diagnostic de siège

médullaire ou radiculaire de la lésion. » R. Cnaaon.

XL. Anatomie des lacunes de désintégration cérébrale ; par

J. FERRAND (Nouv. Icmaogr. de la ff/pe ? 6)'e, n° 2, 1902.

Recherches macro et microscopiques d'après les matériaux du

laboratoire de Bicêtre. Le siège le plus habituel des lacunes est

dans les noyaux gris du cerveau, par ordre de fréquence : noyau

lenticulaire, couche optique, noyau caudé, capsule interne, c'est-à-

dire dans le domaine d'irrigation des cérébrales. Le lieu d'élection

des lacunes se trouve au niveau de la coupe de Flechsig. Leur di-

menston moyenne est celle d'une petite lentille et ne dépasse pas

celle d'un haricot, leur forme est à peu près ronde, plus allongée

dans le sens du vaisseau autour duquel elles siègent; leurs parois

sont déchiquetées, de teinte grisâtre ou ocreuse, renfermant un

liquide louche ou un magma jaunâtre au milieu duquel se voit

l'ouverture du vaisseau. La formation de la lacune passe par deux

degrés : au premier degré la lacune n'est pas constituée à propre-

ment parler, c'est la lacune miliaire (raréfaction du tissu cérébral

autour du vaisseau sans solution de continuité) ; au deuxième

degré, lacune vraie c'est-à-dire cavité contenant à son centre un

vaisseau altéré dans ses parois mais toujours perméable, cavité

limitée par un parenchyme cérébral en voie de désintégration

contenant des éléments cellulaires et librillaires. il. C.

XLI. Absence congénitale des muscles grand et petit pectoral; par

A. Souques (IVOUD. ICOIIO9 ? '. de la Salpêlrière, n° 2, 1902).

Garçon de vingt ans. Adroite le petit pectoral fait complètement

défaut, il ne reste du grand pectoral qu'un petit faisceau de la

portion claviculaire : il s'agit d'un arrêt de développement congé-

nital. En dehors de son intérêt immédiat, cette observation permet

de vérifier que, dans la respiration normale, les intercostaux exter-

asiles d'aliénés. 459

nés restent immobiles, mais qu'ils entrent en action pendant

l'inspiration forcée ; et aussi que la suppression des pectoraux

n'entraîne aucune impotence du membre supérieur. R. C.

XLII. Le sens des attitudes ; par P. Bonnier (iyouv. Iconogr. de la

.Sf ! )- ! €)-e,n° 2-1902).

Dans une suite de travaux antérieurs sur le vertige, le tabes

labyrinthique, l'oreille, l'orientation, M. P. Bonnier a entrepris

de réduire à une seule entité plus compréhensive, qu'il désigne sens

des altitudes, les différentes conceptions physiologiques qui ont

cours sous les noms de sens musculaire, sens de l'espace, sens kiiies-

thésiqzce, sens stéréognostiquc, etc. Il n'a pas eu l'ambition de créer

un sens nouveau, mais seulement une expression nouvelle plus

conl'orme à l'observation scientifique. « Je ne crois à l'existence

des choses que si elles nous fournissent sensoriellement ou intel-

lectuellement les moyens de les localiser. Une chose n'acquiert

d'existence réelle pour nous que par l'identité de la localisation de

ses divers aspects sensoriels; la distribution topographique des

choses de notre milieu les unes par rapport aux autres et par rap-

port à nous qui permet l'extériorisation sensorielle, crée la notion

d'objectivité ; de même la notion de subjectivité dépend de la loca-

lisation des choses en nous et ces deux termes du moi et du non

moi sont sortis des opérations des plus directes du sens des atti-

tudes.» Ces idées, dégagées de toute conception ancienne sur la psy-

chologie de la conscience et des sensations, ont été vivement com-

battues par M. Claparède qui reprocha à M. Bonnierden'avoir pas

compris que « le physique et le psychique étaient hétérogènes,

que la sensation n'a rien à faire avec l'espace, que si la localisa-

tion est un fait de conscience, le fait de conscience, lui, n'est pas

localisé. Le travail de M. P. Bonnier n'est pas un nouvel exposé

médico-psychologique, mais la réponse documentée d'un philoso-

phe biologiste à un philosophe spiritualiste. R. C.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. Assistance des aliénés en Bavière jusqu'à la fin du xviii0 siècle ;

par F. Kollmann (Ceatral6l, f. Nervenheilk, XXII. N. F, X. 1899).

Au xiv° et au xv° siècle les villes libres de Nuremberg et d'Augs-

bourg se préoccupent surtout de se débarrasser des aliénés soit en

les transférant quand ils étaient étrangers au pays, soit en les

rendant à leurs parents chargés de les nourrir et de les maintenir.

460 asiles d'aliénés.

Certains sur la motion de leurs parents étaient séquestrés, à leurs

frais, dans des prisons, tantôt pendant quelques jours, tantôt pen-

dant des années, où ils étaient maltraités et enchaînés. Pour en

sortir il fallait une caution des parents, ou prêter le serment de ne

pas se venger, mais ils y étaient réintégrés dès qu'ils étaient à nou-

veau reconnus dangereux. Vers l'an 1460, on fonde une maison de

fous expressément et exclusivement destinée aux aliénés, maison

dont il n'est plus question dans les documents du xvt° siècle.

A la fin du xvi° siècle et au xvn° siècle, la Bavière est travaillée

par les idées de sorcellerie et de possession. Les aliénés sont regar-

dés comme des pécheurs abandonnés de Dieu, de véritables ani-

maux ; on les exècre, on les évite, on les condamne au bâton, au

cachot, à mort. Le criminel aliéné est tenu pour sain d'esprit et

pendu, roué, décapité.

Au xvn° et au xvur siècle, les congrégations religieuses s'occu-

pent d'assister les aliénés, mais il n'est fait mention que d'assis-

tance et de mesures à l'égard des mendiants, vagabonds, criminels

et pauvres. Il est vrai que le terme de pauvre désignait alors non

seulement les pauvres, mais les épileptiques, les idiots, les déli-

rants mélancoliques et les furieux. On les rendait à leurs commu-

nes qut devaient en prendre soin ou les expulser hors du pays.

A la fin du xvi[° siècle, quand, en 1'749 on eut brûlé le der-

nier sorcier sur le sol allemand, les aliénés sont surtout dans les

prisons et dans les établissements de pauvres. Les maisons d'alié-

nés d'ordinaire annexées aux maisons de correction et à l'assistance

des pauvres, sont organisées de telle sorte que ces malheureux sont

dénués de tout, maltraités, considérés comme des bêtes curieuses,

inventoriés comme des objets inanimés, logés dans des caves la

nuit, on les mélange le jour, par économie, aux détenus qui s'en

l'ont un jeu.

La maison de correction de Saint-Georges à Bayreuth et celle

d'Augsbourg, séquestrent parfois des demi-aliénés et ceux qui ont

fait des menaces ou sont à charge leurs parents. Le fondateur

de Saint-Georges avait spécifié qu'on y devait également séques-

trer les mélancoliques et les extravagants nuisibles à eux-mêmes

et aux autres, de sorte qu'à la fin, cet établissement est bondé

d'aliénés.

A Passau les aliénés sont assimilés aux criminels avec lesquels

on les enferme dans le donjon de Niederhaus.

L'assistance des aliénés s'effectue encore dans les hôpitaux,

notamment à Wurzbourg et à Augsbourg. Le quartier d'aliénés

d'Augsbourg se compose de neuf trous étroits, sales, sans fenêtres.

Les malades sont aux fers, sans nourriture, sur de la paille. On

leur passe leur pitance par un pertuis pratiqué à la porte comme

dans une cage. Il en est de même à l'hôpital Julius de Wurzbourg.

La nourriture de ces malheureux est faite des débris dont les autres

asiles d'aliénés. 461

ne veulent plus. On rive à des anneaux de fer et à des chaînes les

furieux que l'on craint. Déguenillés, ils ne sont changés de literie

que toutes les six semaines et de paille tous les trois mois. Tous

les moyens de contrainte sont usités et les coups sont de règle. On

les traite en les fouettantd'orties, en leur inoculant la gale, en leur

administrant le tartre stibié intus et extra, en les cautérisant au

fer rouge, en les inondant de douches froides.

C'est vers la fin du xvui0 siècle qu'on émet l'idée de construire

des établissements pour.aliénés(JM/eM<g'c ? ? «en 1799); mais, mal-

gré les résultats de l'inel, de Ileil, on ne pense encore qu'à un

simple asile de détention. Le rédacteur de cette feuille écrit :

« Que ne puis-je communiquer à tous le sentiment de crainte qui

m'étreint chaque fois que je regarde cet animal à forme humaine.

L'aliéné a conservé la même enveloppe que nous, celle dont nous

a revêtus le Créateur, mais cette enveloppe est défigurée... Ce qui

nous procure le spectacle le plus terrifiant, le plus nauséabond, le

plus éhonté. Réfléchissons à ce que serait notre sort s'il nous fal-

lait errer aussi avilis, aussi méprisés, sans savoir que faire, en

spectacle à la multitude. » P. KEHAVAL.

Il. L'idéal hospitalier en matière de traitement des aliénés :

exposé de certaines méthodes en usage à l'asile du district de

Stirling, Larbert ; par George M. Robertson. (Tlee Journal of

Mental Science. Avril 1902.)

Avant d'exposer les méthodes dont il s'agit, l'auteur croit devoir

poser les principes généraux qui servent de base à ces méthodes,

afin de préciser ses motifs et son but. Le principe dominant est de

faire de l'asile une institution médicale, fonctionnant d'après les

mêmes principes médicaux et poursuivant le même idéal de trai-

tement que les grands hôpitaux généraux, lesquels sont reconnus

comme les plus parfaits exemples de ce que peut l'humanité sociale

combinée avec la science médicale. Pour obéir à ce ptincipe domi-

nant, il faut, dans les asiles, non seulement faire beaucoup de

choses, mais surtout en défaire beaucoup, car, malheureusement,

ces asiles ont un « passé. » Sans doute bien des moyens violents

ont disparu pour toujours, mais tout le passé n'est pas mort; il y

a des traditions qui se perpétuent.

Hier encore, l'asile ressemblait par sa construction, par son ad-

ministration, à une prison, et il ne s'est pas complètement libéré

de cette forme matérielle et morale. On a supprimé les cellules,

mais on les a remplacées par des « chambres d'isolement » qui

leur ressemblent fort. On y enferme certains malades dans la

journée, de moins en moins il est vrai, et pendant la nuit,

de moins en moins aussi : ce sont des reliquats de l'ancienne

prison. Si l'on veut se rapprocher de l'idéal hospitalier, il faut

réduire l'incarcération obligatoire au degré où l'on a réduit l'emploi

462 asiles d'aliénés.

de la camisole de force, c'est-à-dire pratiquement l'abolir. Si le

fou est un malade, il ne faut pas l'enfermer, pas plus la nuit que

le jour, mais il faut le surveiller, la nuit comme le jour : ce qui

revient à dire qu'il faut augmenter le personnel de surveillance

des asiles et surtout le personnel de nuit. La réforme qui suppri-

mera l'abus des chambres d'isolement est une réforme de premier

ordre qui prendra rang à côté de celles de Pinel, de Tuke et de

Conolly.

Mais il y a d'autres pratiques, non moins héréditaires dans les

asiles, et plus difficiles à supprimer. Il s'en faut que la violence

soit habituellement employée à l'égard des aliénés, mais il arrive

parfois que des actes de brutalité sont commis, et si rares qu'ils

soient, ils sont encore trop fréquents; mais même en laissant de

côté ces faits exceptionnels, il est certain qu'on emploie à l'égard

des malades des asiles beaucoup de force et de brusquerie inutiles,

sans aller jusqu'à la violence. Il ne faut pas trop en vouloir aux

serviteurs d'asiles, ils ne savent pas comment on doit traiter les

fous, et d'ailleurs le plus souvent ils sortent d'un milieu où les

échanges de coups sont fréquents et servent communément d'ar-

guments. Cette disposition à la violence, si inquiétante pour ceux

qui dirigent l'asile, est sensiblement plus fréquente dans le per-

sonnel masculin ; mais ce que l'on rencontre trop souvent dans

le personnel des deux sexes; c'est la rudesse du langage et de la

conduite : on mène les malades et on leur commande, au lieu de

les persuader et de les amener où l'on veut. L'auteur est convaincu

que ces procédés sont essentiellement propres à créer et à cultiver

chez les malades l'excitation et la violence, et il en trouve la

preuve dans ce fait que ce qui a pu être ainsi artificiellement

créé, a pu, par un procédé inverse, être supprimé. Tout le monde

sait qu'il y a dans l'épilepsie une période où le malade est parti-

culièrement irritable : mais dans d'autres formes d'aliénation

mentale, il existe, sans que peut-être ils soient aussi nets, des

moments d'élection pour l'irritabilité, et ces moments peuvent, par

des agissements maladroits, être prolongés et aggravés, au grand

détriment des malades et du personnel lui-même, dont le service

est rendu bien plus pénible. Le but pratique à atteindre, c'est

d'obtenir du personnel de la sympathie, de la douceur et de la

patience à l'égard des malades qui doivent être traités avec encore

bien plus de bonté que s'ils étaient sains d'esprit, absolument

comme il arrive pour l'ouvrier qui entre à l'hôpital, et qui y est

l'objet d'attentions que l'on n'aurait assurément pas pour lui s'il

était bien portant. Pratiquement, le meilleur moyen de remplir

ces indications dans les salles d'hommes est d'employer des infir-

mières au lieu d'infirmiers ; l'extension qu'on a pu donner à leur

emploi, et les services qu'elles ont rendu ont dépassé toutes les

prévisions. Dans les- salles de femmes, la création de plusieurs

asiles d'aliénés. 463

postes de matrones assistantes, pour surveiller les infirmières, et

faire leur service dans les salles et au milieu des malades paraît

pouvoir remédier à toute difficulté. Il conviendra de les payer et

de les traiter convenablement, et de leur donner beaucoup d'auto-

rité ; elles seront faciles à recruter dans la grande armée des infir-

mières hospitalières ayant suivi des cours théoriques et pratiques

réguliers.

Un autre point très important, c'est le peu de confiance que

l'on peut avoir dans la surveillance du personnel, et l'ignorance

des infractions commises où est laissé le médecin. Et il ne faut pas

s'en étonner, car les motifs qui poussent un surveillant ou une

surveillante à ne pas révéler les méfaits de leurs subordonnés sont

bien naturels : ils se résument dans la réponse que faisait l'un

d'eux à l'auteur au moment où il passait dans un autie asile :

« On m'aurait fait une vie de chien si j'avais parlé, » et l'aveu

tardif de ce surveillant n'a rien d'exceptionnel. Ici le remède est

difficile à trouver; peut-être ne peut-on le chercher que dans le

perfectionnement moral du personnel qui supprimera, non la non-

révélation de l'infraction, mais l'infraction elle-même : celle-ci

d'ailleurs sera rendue plus rare par la présence continuelle dans

les salles d'une personne responsable, comme la matrone assis-

tante dont il. été question plus haut.

S'il fallait montrer par un argument de plus combien la sur-

veillance de nuit des aliénés est défectueuse, et combien les asiles

sont, à cet égard, en retard sur les hôpitaux généraux, on trou-

verait cette preuve dans ce fait que, dans presque tous les asiles,

les hommes malades ou infirmes sont soignés par un personnel

masculin. Il n'y a absolument aucune raison de ne pas employer

des femmes dans les salles d'hommes malades et infirmes, sous

la direction d'infirmières hospitalières instruites. Ce dernier point

la présence et la direction d'une infirmière d'hôpital instruite

et diplômée est absolument capital : en fait, en ne mettant

pas à la tête de l'infirmerie d'un asile une infirmière diplômée, on

ferait preuve d'un esprit aussi rétrograde qu'en donnant la direc-

tion de l'asile lui-même à une personne étrangère à la médecine.

Enfin, l'auteur aborde la question du personnel. Les qualités

nécessaires pour faire une bonne infirmière d'asile sont multiples :

il faut qu'elle soit saine de corps et d'esprit, intelligente, active,

sympathique et consciencieuse, capable de se contrôler elle-même

avec fermeté, et de contrôler les autres avec bonté, docile aux

ordres reçus et pourtant capable d'initiative dans les cas impré-

vus : telles sont les qualités que l'on exige d'elle, et que l'on ren-

contre assez souvent ; celles qui les réunissent sont à coup sûr des

sujets d'élite, et pourtant elles sont moins appréciées du public

que les infirmières d'hôpital, moins surtout qu'elles ne le méri-

tent. Un des bons moyens de relever leur situation, en effaçant

464 asiles d'aliénés.

cette inégalité, c'est de les faire travailler côte à côte avec des

infirmières d'hôpital : cela pousse quelques infirmières d'asile à

rechercher le diplôme hospitalier, et le résultat est excellent ; car

on ne l'ait pas une bonne infirmière d'asile sans être une bonne

infirmière d'hôpital, et les deux diplômes ne sont pas de trop ; car

les cours et les examens destinés aux infirmières d'asiles ont déjà

'rendu d'incalculables services.

Ces préliminaires posés, l'auteur aborde maintenant l'étude des

méthodes et des réformes introduites dans l'asile qu'il dirige.

Service de nuit : augmentation du personnel et surveillant de nuit;

surveillance continue des dortoirs ; abolition du système solitaire

(chambres d'isolement)- Le but évident à atteindre c'est que la sur-

veillance ne faiblisse jamais et qu'elle soit la nuit aussi réelle que

le jour. Mais, bien que le malade qui a besoin d'être surveillé le

jour en ait tout aussi grand besoin la nuit, coinme la plupart des

malades dorment la nuit, le personnel de nuit n'a pas besoin, à

beaucoup près, d'être aussi nombreux que le personnel de jour. A

l'asile de Stirling, qui contient 690 malades et comporte 250 entrées

par an, le service de nuit comporte 20 personnes, soit le tiers

environ du personnel de jour et un agent de surveillance pour

3 malades. Avec ce personnel, la surveillance est absolument de

même ordre et tout aussi efficace la nuit que le jour. L'expérience

des hôpitaux qui nous montre que la surveillance est d'autant

plus facile et plus économique qu'un plus grand nombre de ma-

lades est réuni dans un local commun est naturellement applicable

aux asiles. Les malades sont classés d'après les symptômes qu'ils

présentent et catégorisés dans les divers dortoirs selon le degré

de surveillance nécessité par leur état. On objectera qu'il suffit

d'un malade bruyant pour troubler le repos de toute une salle :

l'auteur répond à cela que la véritable raison de l'internement

solitaire pendant la nuit doit être cherchée dans l'insuffisance du

personnel et non dans les allures bruyantes de certains malades,

et que d'ailleurs le Dr Elkins a démontré que c'est précisément

cet isolement de la nuit qui exagère le caractère bruyant de ces

malades, tandis que bien maniés par un personnel adroit et suffi-

sant ils rentreraient dans le calme et retrouveraient le sommeil.

L'expérience acquise à cet égard parle Dr Elkins est d'ailleurs con-

firmée par les constatations du Dr Middiemass, du Dr John Mac-

pherson, du Dr Keay, du Dr Marr et de l'auteur lui-même.

Le dortoir des entrants échappe naturellement toute prévision,

aussi bien qu'à toute classification, et peut devenir bruyant à cer-

tains moments : l'auteur ouvre alors un dortoir d'entrants sup-

plémentaire confié à deux infirmières, qui suffisent d'autant mieux

qu'il ne s'agit guère que de surveiller trois ou quatre malades; de

même il lui est arrivé, accidentellement, de placer un malade par

trop bruyant dans une chambre spéciale, sous la surveillance d'une

asiles d'aliénés. 465

infirmière spéciale. Moyennant ces précautions, le dortoir des en-

trants est habituellement calme. Le Ur Clouston a constaté lui-

même que, sous l'influence de ce système, des malades qui, sous

l'ancien système, avaient été durant des années bruyants et insup-

portables étaient devenus parfaitement calmes. Mais alors même

que ce système comporterait plus de bruit et plus d'agitation,

ce qui n'est pas le cas, même si les malades dormaient moins

facilement, il faudrait encore l'adopter pour en finir avec le sys-

tème des chambres d'isolement. M. Robertson ne voudrait pas

exprimer trop vivement sa pensée, pour ne pas contrister ceux de

ses confrères qui ont encore recours à cette méthode; il ne peut

cependant s'empêcher de dire qu'il a peut-être encore plus d'aver-

sion pour l'incarcération dans des chambres d'isolement que pour

la camisole de force et les autres moyens de contrainte mécani-

que, peut-être parce qu'il n'a pas vu à l'oeuvre ces derniers moyens

de coercition, tandis qu'il a pu voir au contraire les effets de l'iso-'

lement pendant la nuit de malades qui ont bien plus besoin d'être

surveillés par une infirmière attentive que d'être enfermés par un

tour de clef. Les effets de cet internement nocturne sont nuisibles et

dégradants pour le malade; ils sont en outre démoralisants pour

le personnel. Il serait puéril de dire que l'on n'aura jamais recours

à l'un ou l'autre de ces moyens coercitifs, mais ils ne doivent être

employés par le médecin clu'avec une grande hésitation et seule-

ment lorsqu'il s'y voit contraint et forcé. Il y a deux ans, à Glas-

gow, l'auteur disait que si un seizième de l'asile était consacré à

des chambres séparées, cela suffirait amplement, et que, avec un

personnel de nuit suffisant, il ne faudrait pas plus de un trente

deuxième. Cette assertion a paru chimérique ; les faits démontrent

aujourd'hui qu'elle était exacte. C'est ainsi que du temps de Co-

nolly on déclarait chimérique l'abolition de la contrainte méca-

nique. Il y a une objection qui est parfois soulevée -lorsque les

méthodes en vigueur dans un asile réussissent moins bien dans

une autre, c'est que les malades de certains districts sont plus

accessibles que d'autres au principe d'autorité. Il est possible que

cette objection ait parfois une certaine valeur, mais elle n'est pas

valable en tout cas pour l'asile que l'auteur dirige, et dont les

malades sont fournis par les régions les plus vicieuses, les plus

alcooliques et les plus criminelles de toute l'Ecosse. Et à ce propos

1 auteur ne veut pas négliger de s'occuper du traitement de jour,

par l'alitement, des cas aigus et agités, selon la méthode préco-

nisée par Magnan, Whitcombe, Sir J. Batty Tuke et d'autres

auteurs. Cette méthode est, dans l'ensemble, bien supérieure aux

méthodes anciennes ; elle donne plus de sécurité, en même temps

qu'elle est plus conforme aux méthodes hospitalières générales et

aux sentiments professionnels. Il est remarquable de voir avec

quelle promptitude les malades aigus renoncent à toute tentative

Archives, 2° série, t. XV. 30

466 asiles d'aliénés.

violente pour se lever, et quelles facilités ce traitement offre à la

surveillance de nuit. M. Robertson renvoie ceux qui pensent que

ce procédé présente des difficultés insurmontables aux résultats

obtenus par le Dl Magnan, qui porteront la conviction dans tous

les esprits ouverts à l'évidence. A l'asile de Sainte-Anne, qui est le

centre de répartition des malades des divers asiles de Paris, le

Dr Magnan reçoit chaque année plus de 3 000 cas récents. Tous les

cas aigus sont traités par le séjour au lit dans des dortoirs, sans

qu'on ait jamais besoin d'aucun recours, ni le jour ni la nuit, à

l'internement dans des chambres d'isolement pour cause d'agita-

tion aiguë. 11 n'y a qu'une objection à ce système, c'est qu'il néces-

siterait l'usage plus général des médicaments sédatifs, mais les

faits ne viennent pas à l'appui de cette objection. Il est difficile

d'établir une moyenne pour l'emploi de ces agents. Mais le

D'' Ellcins donne la statistique de sa pratique, avec surveillance

des dortoirs, et sa moyenne est certainement très faible. L'au-

teur croit que la sienne donne également des chiffres inférieurs à

la moyenne, et pourtant il a une grande confiance dans la valeur

thérapeutique de cette médication. En tout cas, une fois le

système en vigueur, l'objection peut être considérée comme négli-

geable, les preuves se manifestant plutôt en sens inverse. Quant

aux détails du système, l'auteur explique que chaque dortoir de

l'asile, sauf trois de chaque côté, contenant ensemble 34 malades,

est sous la surveillance d'une infirmière ou d'un serviteur, et que

sept dortoirs ont chacun deux infirmières ou serviteurs. Les dor-

toirs sans infirmières ont leurs portes ouvertes. La moitié des

malades est en observation continue, les trois quarts en obser-

vation presque continue, le personnel ne perdant pas son temps

à visiter un trop grand nombre de chambres séparées. L'asile

comprend quatre dortoirs doubles, avec des portes battantes, con-

tenant chacun 80 lits, qui sont occupés par des malades calmes et

travailleurs, et dont les dimensions considérables, peut-être

trop considérables rendent la surveillance de nuit extrêmement

facile. Pour assurer le bon fonctionnement du système, il y a,

nécessité d'augmenter le cube d'air individuel des malades, le

chiffre a été réduit à 4. î80.

L'auteur fait remarquer en passant que c'est assurément une

faute d'avoir des dortoirs et des salles d'infirmerie trop vastes; la

surveillance et les soins y sont rendus plus difficiles ; mais c'est

une faute aussi (il s'agit bien entendu des asiles publics) d'avoir

des dortoirs et des salles d'infirmerie trop petits et des chambres

isolées trop nombreuses ; la surveillance et les soins nécessaires

ne peuvent alors être obtenus qu'à grand prix d'argent, au moyen

d'un personnel très nombreux.

Quant au nombre de malades que peut surveiller pendant la

nuit un seul serviteur, il ne paraît pas devoir dépasser 25 dans une

asiles d'aliénés. 467

salle d'aigus, de malades ou de sujets affaiblis, mais peut aller

jusqu'à quarante dans une salle contenant des malades qu'il

faut lever à cause de leurs habitudes malpropres, ou surveiller à

cause de leurs crises.

L'asile ne contient que trente chambres séparées, dont quelques-

unes sont capitonnées; elles s'ouvrent toutes sur les salles, et

leurs portes restent ouvertes la nuit pour faciliter la surveillance.

Leur usage est généralement considéré comme une faveur accordée

à des malades tranquilles et dont beaucoup rendent de menus

services dans les salles. Il y a quelques années, les chambres

étaient, comme dans la plupart des asiles, occupées pendant la

nuit par des malades agités, bruyants et destructeurs. Mais, dans

ces conditions d'isolement, il était impossible de rechercher les

causes d'agitation et d'insomnie : celles-ci, en même temps que

d'autres mauvaises habitudes, ne faisaient que s'aggraver : aucun

effort ne pouvait être tenté pour rendre les malades plus propres,

pour les empêcher de déchirer leurs vêtements et leur literie, et

quand on entrait le matin dans les chambres, on y trouvait du

linge mis en pièces et une odeur infecte. 11 faut ajouter que

souvent, le malade ainsi enfermé passait toute la nuit à crier et à

donner des coups dans la porte, tenant ainsi tout un dortoir

éveillé.

De même que la réclusion dans le jour, la réclusion pendant la

nuit peut quelquefois être nécessaire; mais c'est un procédé

auquel il ne faut avoir recours comme aux moyens mécani-

ques de contention qu'avec une extrême réserve, et jamais

sans l'ordre du médecin. Chez les malades à tendances homicides,

chez quelques autres peut-être, on peut légitimement y avoir

recours, mais non sans avoir pris les mesures nécessaires pour

assurer au malade le bien-être, les soins, et la surveillance. Mieux

on sait soigner les aliénés, moins on a besoin de les enfermer la

nuit. A Leavesden, durant les trois dernières années, il n'a pas été

nécessaire d'isoler la nuit un seul malade dans le quartier des

hommes; et depuis deux ans il n'y a eu qu'un seul isolement dans

le quartier des femmes; il s'agissait d'une malade avec idées

d'homicide. L'expérience a montré toutefois que s'il n'y a que

peu ou pas de difficulté à soigner les entrants dans un dortoir com-

mun, il n'en va pas de même à l'égard de malades qui ont été

habitués à être internés la nuit; il faut beaucoup plus de temps

pour les corriger de leurs habitudes bruyantes et malpropres;

encore y retombent-ils facilement. Dans les hôpitaux généraux il

y aie plus souvent des chambres latérales, destinées aux cas spé-

ciaux, méningite, apoplexie, etc,. Rien ne s'oppose à l'existence

dans un asile de dispositions analogues. Les portes de ces

chambres, habituellement ouvertes, pourraient être fermés dans

ces cas spéciaux, (malades à idées de suicide, moribonds, etc.),

468 asiles d'aliénés.

mais alors un serviteur spécial serait placé auprès du malade et

n'aurait à s'occuper que de lui.

Le personnel de nuit de l'asile de Leavesden se compose de 35

personnes : du côté des femmes une surveillante en chef de nuit;

une surveillante adjointe, responsable, faisant ordinairement le

service d'infirmière de nuit, mais remplaçant en cas de maladie ou

de congé la surveillante en chef et 17 infirmières ordinaires.

Du côté des hommes un surveillant en chef et un surveillant adjoint

et 14 infirmiers ordinaires.-Il y a, étant donné le chiffre du per-

sonnel et le nombre des salles, un infirmier et deux infirmières de

réserve. Eu cas d'extrême urgence on détache au service de nuit

'des infirmiers du service de jour. Déduction faite des surveillants,

le personnel de nuit est à l'égard des malades dans le rapport de

1 à 54 ce qui n'a rien d'excessif.

Les registres tenus par le personnel de nuit sont identiques dans

les quartiers d hommes et de femmes, saul la couleur du papier,

pour éviter toute confusion. Ils indiquent : la date, le numéro de

la salle, le nombre des malades, les noms de ceux qui se mouillent

et sont malpropres, la liste des pièces de lingerie souillées, les

noms des malades qui ont des attaques et le nombre de ces atta-

ques, les noms de ceux qui sont agités et bruyants, de ceux qui

sont malades et nécessitent des soins spéciaux, de ceux qui cou-

chent dans des chambres isolées, de ceux qui prennent des stimu-

lants (avec indication de la dose). la température de la salle, les

plaintes au sujet de cette température, la température du malade

s'il y a lieu, enfin tous les faits qui peuvent ou doivent être l'objet

d'une mention spéciale, (morts, accidents, cas spéciaux, matelas

mouillés, visites du personnel médical, etc,). Chaque matin le

surveillant en chef de la nuit examine et paraphe les registres de

nuit. Pour assurer la continuité du traitement, le rapport de nuit

est lu chaque matin par le personnel de jour, et quand le soir,

celui-ci remet le service au personnel de nuit, il lui remet en même

temps que les médicaments et les extras nécessaires pour la nuit,

un registre dont il a rempli les quatre colonnes; ces colonnes

comprennent la première le nom des malades qui ont besoin de

médicaments et d'extras; la seconde le nom des entrants; la

troisième le nom des malades qui ont besoin d'une attention spé-

ciale, la quatrième les observations. Le registre du surveillant en

chef de nuit est trèssimple : sur une page, ordinairement presque

blanche, il note ses observations spéciales; sur l'autre il inscrit

les heures où il a commencé ses rondes de nuit (il en fait ordinai-

rement cinq chaque nuit dans les salles de l'infirmerie et quatre

dans les salles ordinaires) sans suivre un ordre régulier, et chacune

de ces rondes est notée sur le registre de l'infirmerie de nuit; la

température des salles, le nombre des malades malpropres dans

chaque salle, le nombre des malades ayant eu des attaques, les

asiles d'aliénés. 469

visites du personnel dans les salles, les malades qui prennent des

médicaments et des stimulants. Il doit aussi répondre par écrit à

ces deux questions : Le personnel de nuit s'est-il bien acquitté de

son service et y a-t-il eu des omissions dans les mesures à

prendre à l'égard des malades difficiles, et pourquoi ? La descrip-

tion de ces registres est longue à écrire; mais on conçoit que

dans la pratique, leur tenue est fort simple.

Si l'on excepte la surveillance générale, mais réelle du médecin

directeur et du personnel médical, de la matrone et de quelques

autres fonctionnaires de l'asile, on voit que la perfection des soins

et de la surveillance repose tout entière sur la personne qui a la

surveillance générale; il faut donc que cette personne soit absolu-

ment digne de confiance, que l'on puisse s'en rapporter à elle pour

signaler tout ce qui se passe sans crainte et sans partialité, et

que l'on puisse compter sur elle pour agir avec sagesse dans les

cas imprévus : il s'ensuit qu'il faut la rémunérer libéralement, la

loger convenablement et lui donner une position sûre. Le Dr Ro-

bertson et le Dr Keay voudraient que cette personne lût une infir-

mière d'hôpital diplômée : l'auteur ne partage pas absolument

cette opinion; en 1899 il y a eu àl'asile de Leavesden une épidémie

de fièvre typhoïde, d'entérite et de pneumonie; on a fait venir

18 infirmières d'hôpital et l'on a pu voir nettement les inconvé-

nients qui résultaient de leur manque d'habitude en matière de

soins à donner aux aliénés : elles étaient moins habiles à prévenir

les eschares que les infirmières de l'asile : elles avaient une ten-

dance à recourir trop facilement à la contention mécanique.et l'iso-

lement ; si le malade déraisonnait, elles prennaient peur, et si

comme il arrive souvent, son langage s'écartait considérablement

des règles de la décence, elles se sauvaient.

Les efforts du surveillant en chef de nuit doivent être secondés

par un personnel sachant observer les malades et habile à les

manier : il est nécessaire pour cela de lui accorder une situation

et un salaire supérieurs à ceux du personnel de jour ou des simples

infirmiers ou infirmières. Il n'y a aucun inconvénient, du moins

pour le personnel de nuit, à permettre l'habitation hors de l'asile,

,1% ec une allocation représentant le loyer, la nourriture et le blan-

chissage.

L'auteur aborde ensuite un point épineux, l'emploi des femmes

pour soigner les aliénés malades et infirmes : sur ce point tout a

été dit, et tous les arguments pouret contre ont été fournis : il n'y

a pas lieu de les répéter, mais seulement de prédire que, avant

longtemps, dans tous les asiles, les aliénés maladesserout soignés

par des femmes. A Leavesden, ce principe a été partiellement

adopté puisque les six salles de l'infirmerie des hommes sont pla-

cées pendant le jour sous la direction d'une surveillante ayant son

diplôme de l'Association Médico-Psychologique. Pour diverses

470 asiles d'aliénés.

raisons on n'a pu pousser plus avant l'application de la méthode,

dont ces raisons toutes particulières ne sauraient diminuer l'excel-

lence reconnue. Tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'il

y a certains malades qui ne sauraient être soignés par des femmes, ',

mais tous ceux qui ont loyalement tenté l'expérience savent combien

-ces cas là sont exceptionnels. L'auteur est d'avis que le service de

l'infirmerie ne doit pas être confié conjointement à des hommes et

à des femmes.

Il entre ensuite dans quelques considérations sur l'emploi des

horloges-témoins, destinées à constater et à révéler le passage

des rondes de nuit. Toutes, môme les plus parfaites, sont inutiles

et permettront toujours de tricher à qui voudra s'en donner la

peine, car, dit ,111. Eikins, « l'esprit humain est plus subtil que

« n'importe quel instrument. » 11 a laissé ces horloges où il les a

trouvées, mais n'en appoint ajouté de nouvelles : peu importe en

effet qu'un surveillant soit dans telle salle, à telle heure; ce qui

importe, et ce que l'horloge ne dit pas, c'est ce qu'il y faisait d'utile.

L'auteur ne se propose pas ici de toucher au traitement des cas

bruyants on agités ni aux soins qu'ils nécessitent pendant la nuit :

chacun de ces cas d'ailleurs demande à être observé et manié

suivant les indications qui résultent de cette observation. Il faut

ajouter qu'ils doivent être étudiés non seulement au point de vue

mental mais au point de vue somatique, beaucoup de troubles

organiques jouant un rôle considérable dans la genèse de l'agita-

tion, de l'insomnie, etc. Souvent on s'apercevra qu'un malade est

facilement agité la nuit parce que, avant son entrée, il exerçait un

métier de nuit et avait l'habitude de .dormir le jour, Le régime

aura aussi une grande importance : tout le monde connaît ces

malades atteints de boulimie sentie, qui dorment après leur repas,

et tiennent la nuit tout un dortoir éveillé. Les infirmières de nuit

doivent connaître tous les artifices capables de provoquer le som-

meil, car en obtenant le sommeil on évite bien des symptômes

aigus. Les jours de pluie, il y a des malades qui dorment moins

bien. faute d'air et d'exercice. Les tuberculeux surtout ont besoinde

vivre en plein air, et il est indispensable de leur procurer des abris.

Voyons maintenant les avantages obtenus à Leavesden par cette

extension de la surveillance de nuit : d'abord les risques d'incen-

die, d'attaques imprévues, d'apoplexies et autres maladies soudai-

nes, de suicide chez des malades non soupçonnés de cette tendance,

et même d'homicide sont réduits à leur minimum. Si l'on com-

pare l'état actuel à l'état ancien, le calme des salles et des dor-

toirs est surprenant. Naturellement, il y a quelquefois des malades

bruyants, il n'en saurait être autrement, puisque, après tout, c'est

un asile d'aliénés : mais dans le plus tranquille des villages ne

trouve-t-on pas parfois un ivrogne attardé qui réveille les habi-

tants ? Un autre résultat très avantageux c est que les malades

SOCIÉTÉS SAVANTES. 471 1

malpropres ont considérablement réformé leurs habitudes, au point

que beaucoup d'entre eux sont devenus presque propres/foutes les

fois qu'un matelas est mouillé, une enquête est faite pour déter-

miner la cause, et savoir si c'est la surveillance qui a été en défaut.

Dans les deux asiles de Sunderland et de Leavesend, depuis

l'adoptiondu nouveau système, non seulement les malades ont des

nuits meilleures, mais sous l'influence d'un sommeil réparateur

leurs journées deviennent meilleures, et leur état mental et physi-

que va s'améliorant. Les narcotiques sont très rarement employés.

On objectera peut-être que ce qui a été réalisable avec les malades

de Leavesden ne l'est pas avec les malades d'autres asiles : l'auteur

ne saurait accepter l'objection, car les opinions qu'il avance sont le

résultat d'une expérience de quatorze années passées au milieu d'a-

liénés de catégories très, diverses et dans des régions très différentes.

Discussion : M. AIIDLLEIIASS, collaborateur de l'auteur dans son

premier travail, confirme sur tous les points les opinions émises

dans celui-ci.

M. George Robertson, absent, fait donner lecture d'un travail

qui ne fait que résumer son travail analysé par nous ici-même.

M. Rhodes, approuve l'emploi des femmes dans les salles

d'hommes de l'infirmerie des asiles : il voudrait aussi que l'on

adoptât un système d'enseignement professionnel spécial pour les

infirmiers et infirmières d'asile.

Les autres orateurs n'apportent aucune objection ni aucune

critique nouvelles. R. de Musgrave CLAY.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 2 avril 1903. PnËsiDENCE de M. P. Ricuer.

Hystérie monosymptomatique.

MM. HAUSER et B.uvy présentent une jeune fille qui a été prise

il y a quelques jours de paraplégie sans prodromes. Spasmodique

d'abord, la paraplégie est devenue flasque très vile, il y a eu au

début un peu d'anesthésie qui ne persiste aujourd'hui que sous la

forme d'une plaque au membre inférieur droit. Il n'y a jamais eu

aucune douleur; les réflexes sont exagérés, il y a un clonus du

pied très net et le phénomène des orteils est accentué. La cause

472 SOCIÉTÉS savantes.

de cet état échappe complètement aux auteurs qui par élimination

en font un cas d'hystérie monosymptomatique en l'absence de tout

autre signe d'hystérie. Ils demandent à ce sujet l'opinion de la

Société.

MM. IlAi31NsKi, Raymond, Ballet et Marie n'admettent pas cedia-

"" gnostic, pour eux la malade est nettement atteinte d'une affection

organique.

Chimisme du liquide céphalo-i-achidiei2,

MM. Sicard, GUILLAIN et Ravëau ont recherché l'albumine dans

le liquide céphalo-rachidien dans la paralysie générale et le tabes.

La présence de l'albumine est constante dans ces deux maladies.

L'ébullition ne donne à l'état normal qu'un louche léger, dans le

tabes et la paralysie générale, on obtient au contraire un nuage

très opaque des plus nets. Ce signe peut suppléer la cytoscopie

pour le praticieu qui n'est pas outillé pour la pratiquer. Sa diffé-

renciation de la globuline et de la serine, n'a pas encore donné

d'indication spéciale.

Sier laprésezzce d'albumines coagulables par la chaleur clans le liquide

céphalo-rachdiien des paralytiques généraux et des méningites

chroniques.

MM. GUILL.\lu1' et V. Parant. Quand on chauffe, dans un tube

à expériences, 2 à 3 centimètres cubes d'un liquide céplialo-raclii-

dien normal, on observe une légère opalescence. Cette opalescence.

est due à la présence physiologique d'une petite quantité de glo-

buline. Celle-ci, peut en effet être précipitée à froid par le sulfate

de magnésie et le liquide, chauffé après infiltration, reste absolu-

ment clair. Quand on chauffe le liquide céphalo-rachidien d'un

malade atteint de paralysie générale, de méningite chronique, on

observe un trouble extrêmement prononcé. Après avoir précipité

froid la globuline par le sulfate de magnésie on observe encore

un trouble après chauffage. Donc dans le liquide céphalo-rachi-

dien de ces malades il existe de la serine. Nous avons observé,

dans le service du Dr Joffroy cette réaction dans 16 cas de para-

lysie générale. Au contraire, dans 20 autres cas où il s'agissait de

malades atteints de psychoses diverses, démence précoce, mélan-

colie, manie aiguë, etc; la réaction en question faisait défaut. La

recherche de la serine dans le liquide céphalo-rachidien est très

facile à faire. Cette réaction est souvent en parallèle avec la lym-

phocitose, elle semble même être plus précoce que celle-ci; elle

mérite donc, croyons-nous, de prendre place à côté de l'examen

des lymphocytes dans la séméiologie du liquide céphalo-rachidien.

La présence de l'albumine est indépendante de la présence des

leucocytes, car elle se trouve après centrifugation. Dans le cas de

méningite, d'irritation méningée, il existe vraisemblablement des

sociétés savantes. 473

troubles de la circulation lymphatique qui expliquent le passage

de l'albumine du sérum sanguin et lymphatique dans le liquide

céphalo-rachidien.

Sur une variété particulière de syndrome alterne.

MM. Pierre Marie ET 0. Crouzon présentent un homme atteint

d'hémiplégie gauche, de paralysie de l'oculomoteur commun droit,

de paralysie laciale droite, de paralysie du trijumeau droit. Ce

syndrome ne répond ni au syndrome de Weber, ni au syndrome

de Millard-Gubler, il semble être une association de ces deux syn-

dromes et est en rapport avec des lésions pédonculaire et bulbo-

protuberantielle coexistants.

Sclèrème cutané dans la myopathie.

M. Ballet présente un malade atteint de myopathie généralisée

et attire l'attention sur la dureté spéciale des mollets du malade,

dureté à laquelle participe la peau et avec laquelle elle fait corps.

On ne sent pas une dureté profonde avec une peau mobile par

dessus, mais une masse homogène dure de la surface au fond sans

distinction de couche.

M. Pierre Marie présente un homme de soixante ans atteint

vraisemblablement de chorée chronique.

L'affection a débuté chez ce malade à l'âge de sept ans; il n'exis-

tait dans sa famille aucune hérédité similaire.

Ce début précoce de cette affection est exceptionnel.

Paralysie radiculaire du type Klzi ? ? iplie d'origine traumatique

empiétant sur les deuxième et troisième, dorsales.

MM. Armand UELILLE ET MaxEGGER présentent un malade atteint

de paralysie radiculaire du type Iclumpke qui s'écarte du type

classique par certains caractères particuliers.

11 s'agit d'une paralysie d'origine traumatiqne presque exclusi-

vement sensitive, le mouvement et la force musculaire étant très

peu touchés, par contre il y a anesthésie absolue dans le domaine

de la huitième racine servicale et de la première dorsale. Les carac-

tères particuliers à ce cas consistent dans l'anesthésie des terri-

toires thoraciques et axillaires des deuxième et troisième dorsales.

Les rami-communicantes de ces racines sont également touchés,

comme le montrent les troubles vaso-moteurs de la face et de

l'oreille qui se surajoutent aux troubles oetilo-pupillaires qui

dépendent du ramus commnnicant de la première dorsale.

Amnésie antérograde continue de fixation et de conservation

Topongnosie, sans troubles visuels.

M. Ernest Duphé. Malade de 53 ans, ancien grand buveur et

fumeur, sans autre lésion saisissable que de la tuberculose loca-

474 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lisée au sommet droit, entré dans le service pour des troubles

cérébraux qui ont brusquement débuté, sans ictus, il y a trois ans,

à l'occasion d'un grand chaa-rin.

Ces troubles consistent dans une impossibilité absolue de fixer

les images sensorielles, de les retenir, par suite de les utiliser en

les associant, dans les opérations psychiques, aux images mnémo-

niques du passé, qui sont conservées. Toutes les images sont per-

çues, comprises et jugées : aucune ne persiste.

Le déficit est purement mnésique, nullement intellectuel : le

malade raisonne correctement sur tout et a gardé intacte la

mémoire de tout son passé jusqu'à il y a trois ans.

Incapacité d'orientation topographique absolue. Habitant chez

sa fille depuis six mois, le malade est incapable de se diriger dans

les trois pièces de l'appartement : il s'y perd, ne peut retrouver

son lit, etc.

Le seul autre trouble psychique constaté est l'apparition, à

l'occasion de l'examen ; de la conversation, de manifestations exté-

rieures (tremblement, accélération des mouvements cardio-respi-

ratoires, troubles vaso-moteurs) d'une émotion que ne ressent pas

d'ailleurs le malade, il s'agit là d'un trouble psychoréllexe de la

mimique émotive et non de l'émotivité elle-même : le malade

s'étonne lui-même de ces troubles, auxquels il assiste sans les

expliquer.

Comme troubles somatiques : caractère incertain, vaguement

ébrieux delà marche. Légère exagération des réflexes tendineux.

Céphalée diffuse continue. A la ponction lombaire, lymphocytose

discrète (6 à 7 éléments par champ.) Aucun trouble visuel ni pupil-

laire : légère neuropapillite à l'ophtalmoscope. Pas de stigmate

hystérique.

L'intérêt majeur de ce cas git dans la difficulté de l'interprétation

du syndrome. Celui-ci se résume dans une amnésie continue de

fixation et de conservation dont la topoagnosie n'est qu'un corol-

laire. Ce syndrome a déjà été constaté (Hugo Magnus, Forster.

Dide) chez les occipitaux organiques, atteints d'hémianopsie tem-

porale double. Mais notre malade ne présente pas de cécité, ni corti-

cale,ni verbale, ni psychique. L'amnésie s'étend d'ailleurs à toutes

les images sensorielles.

L'analyse étiologique et clinique, le cyto-diagnostic céphalo-

rachidien autorisent à supposer l'existence de méningite chro-

nique. C'est la seule donnée positive que l'on puisse invoquer,

comme substratumd'un syndrome psychopathologique si curieux

et si spécial.

Examen histologique des nerfs dans un cas de paralysie radiculaire

du plexus brachial.

MM. Max EGCErt.ET P. Armand Delille ont eu l'occasion d'exa-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 475

miner histologiquement les nerfs dans un cas de paralysie radi-

culaire totale du plexus brachial d'origine traumatique remontant

à quatre ans.

L'état du membre, excessivement atrophié, dont l'impotence et

l'anesthésie étaient complètes et accompagnées de troubles circu=

latoires faisait présumer qu'il y avait une destruction complète

des fibres nerveuses du membre atteint, aussi les auteurs ont-ils

été surpris de trouver dans chacun des principaux nerfs examinés

par différentes méthodes un nombre considérable de cylindres-

axes revêtus de leurs gaines de myéline mais toutes les fibres sont

grêles.

On peut se demander s'il ne s'agit pas de fibres de régénération

car tandis que pendant les deux premières années la sensibilité ne

pouvait être rappelée par aucun procédé, dans les années qui sui-

virent, l'anesthésie cédait à la sommation.

Ataxie d'origine centrale et d'origine périphérique.

MM. DÉ.1ER1NE ET M. Eggeu. - Deux cas de lésion de la couche

optique, dont un confirmé par l'autopsie. Hémianesthésie gauche

avec le caractère de la diminution centripète pour les sensibilités

superficielles. Dans les deux cas, perte complète de la perception

des attitudes et des mouvements passifs dans l'extrémité supérieure

gauche. Dans l'un des cas, empiétement de l'hémianesthésie pour

l'extrémité inférieure droite. Tous les mouvements sont conservés

dans les membres anesthésiés. Il y a seulement diminution consi-

dérable de la force musculaire des membres du côté gauche et de

la jambe du côté droit. Dans ce même cas il y a une algie cérébrale

persistante continuelle, résistant à toute médication analgésiante.

Encore ici, douleurs vésicales, mictions impérieuses fréquentes,

sécheressede la bouche, rendantia déglutition difficile. Perversion

du goût. Laplupart des aliment paraissent amers.

Malgré cette perte complète du sens des attitudes, les deux

malades réalisent avec leur extrémité anesthésique toutes les posi-

tions qui en exige et ceia avec une perfection remarquable. Elles

exécutent dans un ordre parfait une série de mouvements succes-

sifs, elles savent faire des mouvements isolés, elles savent

ralentir et accélérer le mouvement. Dans les deux cas, il existe

un tremblement abasique, bien visible, quand le mouvement

s'adresse aux grands leviers. Mais l'oscillation de ces trem-

blements, les écarts sont incomparablement moins accusés que

dans l'ataxie du tabes, à troubles sensitifs égaux. Chez l'ata-

xique une perte complète de la sensibilité profonde, la réalisa-

tiou exacte d'une attitude est chose impossible.il en est de même

ponr une série de mouvements consécutifs. L'ordre de la succes-

sion se trouve troublé. Les mouvements isolés deviennent dès

476 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mouvements d'ensemble. Il manque en outre la fixation statique

et cinétique du levier de rapport. En un mot la désorientation

d'un membre de l'ataxique tabétique contraste fortement avec la

faible ligne d'ataxie d'origine centrale. La cause de cette différence

entre l'ataxie périphérique et l'ataxie centrale, doit être cherchée

~~ ailleurs que dans les troubles sensitifs. Dans toute la hauteur de

l'axe cérébro-spinale sont échelonnées divers autres coordina-

teurs présidant à des fonctions d'autant plus élevées qu'ils se rap-

prochent de l'écorce : centres médullaires, centres bulbo-protubé-

rantiels, centres opto-striés, cérébelleux et corticaux. Le faisceau

sensitif parcourant tous ces centres leur apporte à chacun des

apports sensitifs de la périphérie des renseignements auxquels

chaque centre répond et dans la mesure de son rôle. Si tout

apport sensitif de la part de la périphérie se trouve interrompu

déjà au niveau du premier neurone du faisceau sensitif, comme

c'estle cas, parle bain, aucundes centres coordinateursncse trouve

renseigné des exigences de la part d'un mouvement en puissance

d'exécution. L'impulsion motive part sur un membre privé du

tonus musculaire, privé delà faculté d'une fixation statique eteiné-

tique, cette impulsion arrive sur un membre dont la musculature

ne se contracte plus dans un ordre de succession régulier et où la

contraction elle-même n'est plus l'effet d'une décharge continue,

dosée, appropriée. Il en résulte nécessairement une désorientation

et une incoordination maxima. Si par contre le faisceau sensitif

se trouve détruit seulement dans son dernier neurone, dans le

neurone thalamo-cortical, l'apport sensitif peut encore affluer de

la périphérie sur les divers centres coordinateurs et l'ataxie est

nécessairement moins accusée comme le montrent si bien nos

deux cas de lésions thalamiques. F. Boissier.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 17 février 1003. Présidence DE M. Jules Voisin

Le rêve musical.

M. G1LLLT. Le rêve musical q pour origine, tantôt un état phy-

siologique spécial qui donne naissance à des illusions auditives

musicales dont l'imagination s'empare et qu'elle transforme en

phrases musicales; tantôt les préoccupations musicales de la veille,

tantôt les excitations auditives qui surviennent pendant le sommeil;

tantôt des suggestions spéciales. L'habitude, la mémoire, l'associa-

tion des idées, l'imagination ont chacune leur rôle respectif dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 477 7

la cérébrationinconscientequi produit le rêve musical. La Sonate du

DiabledeTARTiN; résulte des préoccupations du momentetdes idées

qui ont obsédé l'esprit pendant la veille. En général, les rêves

musicaux ne surviennent que chez des personnes exclusivement

musiciennes, soit par nature, soit par éducation.

Aboulie motrice systématisée. Traitement par la suggestion

hypnotique.

M. Berillon. Je fus, il y a plusieurs années, auprès d'une

dame de quarante ans, qu'on disait atteinte depuis six mois d'une

paralysie des jambes. Elle déclarait ne pas pouvoir se lever. Il ne

s'agissait même pas d'une paraplégie hystérique, car la malade

retirait vivement ses pieds lorsqu'on les lui chatouillait ou piquait. Sur

moninvitation pressante, elle accomplit même divers mouvements.

Malgré cela, elle se déclarait incapable de quitter son lit, sa volonté

ne pouvant animer ses jambes. Il s'agissait d'une aboulie motrice

systématisée chez une hystérique. Une tentative d'hypnotisation fut

suivie de succès. Dans cet état, je lui fais la suggestion de se lever

le lendemain à deux heures de l'après-midi pour aller lire un billet

relatif à sa santé et que je venais de déposer dans un coffret sur

la cheminée d'une autre chambre. La suggestion est ainsi renfor-

cée par la mise en jeu d'une curiosité très naturelle. Je pensais que

le désir de connaître ce que j'avais écrit constituerait un excitant

capable de provoquer la réalisation de la suggestion. Celle-ci fut

exécutée à l'heure dite. La malade se leva, traversa plusieurs pièces

et alla ouvrirje coffret. La guérison fut considérée comme obtenue

car elle se leva, depuis, tous les jours et reprit son existence habi-

tuelle.

Je l'avais perdue de vue lorsque, cinq ans après, je fus rappelé

auprès d'elle. Cette fois, l'aboulie motrice s'était localisée aux mem-

bres supérieurs. La malade restait capable d'accomplir tous les

mouvements, mais après un long retard. Elle mettait environ une

minute pour saisir et porter à sa bouche une cuillère d'aliment.

De plus, les mouvements ne pouvaient être exécutés que si le poids

des objets était extrêmement léger. A cet effet, on lui avait con-

fectionné toute une collection d'objets en aluminium. En outre la

malade ne pouvait exercer sur les touches du piano des pressions

suffisantes pour produire des sons. Sous l'influence de la sugges-

tion hypnotique ainsi que d'une gymnastique appropriée et gra-

duée, faite dans l'état d'hypnotisme, la guérison fut promptement

obtenue.

Phychologie de l'étudiant en médecine américain.

M. DsuoNCUY. Aux Etats-Unis, l'organisation des études

médicales soumet les étudiants à un véritable entraînement pour

478 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'obtention du diplôme, ils sont constamment tenus en éveil par

des questions posées sur les différents cours de la semaine, tant

par les professeurs que par leurs camarades qui, dans ce but, se

groupent en sociétés d'étudiants.

Nulle perte de temps, les malades sont amenés à la clinique, les

élèves sont conduits par groupes aux lits des malades, des interro-

gations sont toujours posées.

Ainsi l'attention est soutenue, la mémoire excellemment entrai-

née, l'émulation suscitée par suite, les étudiants font preuve d'une

grande volonté et d'une non moins grande bonne volonté.

L'école cherche à éviter le surmenage tout en imposant un grand

effort intellectuel. Il y a communauté d'effort et de but entre les

'élèves et le corps enseignant.

L'école de médecine américaine forme un tout, une sorte d'en-

traînement mutuel pour l'obtention du diplôme de docteur.

La phsychologie du stomacal.

M. DE Bourgade expose les troubles du caractère et les phéno-

mènes nerveux qui résultent des diverses affections de l'estomac,

en particulier des dyspepsies par fermentation et auto-intoxication.

Séance du mardi 24 mars 1903. Présidence de M. Jules VOISIN

L'influence des anniversaires sur les récidives d'une psychonévrose

Iraumautique intermittente.

M. Paul FAnrz. Une femme âgée de trente-trois ans, présente

annuellement, depuis cinq ans, à époques fixes, au commencement

de marset la fin dejuillet, destroubles nerveux etmentaux lelsque

anorexie, vomissements, constipation, anurie, pleurs, photophobie,

obsession delamort, agitation des bras et(lesjambes, insomnie, etc.

Cette femme aimait follement un homme qui est mort subitement,

il a a cinq ans ; ce traumatisme psychique provoque, avec des idées

de suicide, la première de ces crises ; depuis lors, les accès revien-

nent à l'anniversaire de cette mort et à celui de leur première

rencontre. Au sur et à mesure que ces crises se répètent, elles se

font plus longues et plus intenses ; elles durent, non plus trois ou

quatre jours, comme au début, mais huit, dix ou quinze jours;

elles s'annoncent par divers prodromes huit ou quinze jours à

l'avance ; elles laissent après elles des troubles vatiespendant une

quinzaine. La crise de mars 1902 ne s'est pas terminée; au mois

de juillet est venue la recrudescence coutumière ; depuis plus de

six mois, la malade souffre d'un état pathologique chronique avec

de courtes rémissions et des exacerbations fréquentes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 479

Hypnotisée, cette malade se remet à dormir la nuit et à s'ali-

menter ; ses troubles mentaux ne tardent pas à disparaître; en

deux mois son poids s'est élevée de 40 à 48 kilos. Cette fois, la

crise qui survenait d'ordinaire au début du mois de mars n'a pas

eu heu.

M. liCIiIl.L0l. J'ai observé un certain nombre de'cas de ce genre.

Toutes les fois que la chose est possible, je demande au malade

de venir systématiquement se soumettre à quelques séances d'hyp-

notisme, à l'approche de chaque anniversaire; ainsi l'on prévient

très facilement les récidives.

M. Pau)MAGN)N rapporte l'observation d'une malade qu'il traite

en ce moment et qui présente une crise d'anorexie hystérique,

chaque année à l'anniversaire de la mort de sa mère.

L'hypnotisme fortuit.

M. 131 : 111LLON. Dans la terminologie médicale, le mot hypnotisme

sert à désiger l'état psychologique, qui résulte d'une influence

exercée artificiellement ou plutôt expérimentalement par un indi-

vidu sur le système nerveux d'un autre individu : cet état psycho-

logique est constitué essentiellement par une série de modifica-

tions dans le système nerveux du sujet. Ces modifications varient

selon le degré de l'hypnotisme, depuis la diminution des facultés

de contrôle mental jusqu'à l'automatisme le plus absolu.

Dans le langage courant, le mot hypnotisme est pris dans une

acception beaucoup plus simple, il est synonyme de monïdéisme,

et l'on dit d'un individu qu'il est ou paraît hypnotisé lorsque son

attention s'est absorbée dans une idée fixe sur un point unique.

En effet, les phénomènes d'hypnotisme ne sont pas toujours le

résultatd'une intervention expérimentale. L'état d'hypnotisme qui

consiste primitivement dans l'inhibition, c'est-à-dire dans la sus-

pension d'activité de quelques-unes des fonctions mentales, et, en

particulier de la volonté, peut survenir fortuitement. Les causes

qui sont susceptibles de produire l'hypnose peuvent s'exercer sur

un individu sans qu'il y ait chez autrui aucune intervention de pro-

voquer cet état. En un mot, un homme peut s'auto-hypnotiser

involontairement et spontanément. L'état d'esprit que l'on a

désigné sous le nom d'expectant attention, certains états affectifs

ou émotifs, la fatigue, la timidité, peuvent favoriser l'auto-hypno-

tisation chez des individus prédisposés ou simplement ignorants.

Les états hypuoïdes spontanés sont fréquemment le résultat de

chocs physiques ou d'impressions morales vives, s'exerçant sur

des hystériques, des fatigués, des alcooliques ou des intoxiqués.

Il faut aussi mentionner l'intimidation provoquée par des per-

sonnes douées d'une certaine autorité naturelle ou auxquelles on

attribue quelque prestige. L'imitation et les influences du milieu

480 SOCIÉTÉS SAVANTES.

jouent un rôle considérable dans la production des états hypnoïdes.

L'ensemble des conditions qui concourent à la production de

l'hypnotisme est fort complexe. Il en résulte que tel individu qui

n'est pas hypnotisable aujourd'hui pourra l'être le lendemain au

plus haut degré, et que tel sujet qui sera réfractaire à l'influence

- d'un individu subira au plus haut point la domination d'un autre.

La possibilité de l'auto-hypnotisme spontané explique l'action

thérapeutique, en apparence si merveilleuse, de ce que l'on appelle

à tort la suggestion à l'état de veille. En réalité, la puissance de

la suggestion n'acquiert chez certains sujets une telle inten-

sité que parce qu'ils se sont spontanément et préalablement auto-

hypnotisés par la mise en jeu de l'expectant attention.

M. Paul IAG.41N. Jadis, à la Pitié, j'ai vu de nombreuses hysté-

riques qu'on amenait chez Dumontpallier parce qu'elles s'étaient

fortuitement auto-hypnotisées, après leur sortie de l'hôpital, en

regardant dans la rue quelque objet brillant, alors qu'il n'y avait

eu de la part de qui que ce fut, aucune tentative d'hypnotisation.

La psychologie de la vitesse.

M. Hachet-Souplet. Quiconque est en situation d'accroître à

volonté sa vitesse est uniquement envahi par les impressions

intenses qu'il en éprouve; il ne s'appartient plus; il est grisé;

alors naissent en lui des sentiments qu'il n'a pas à l'état normal :

l'orgueil, la combativité, la colère, la haine, la méchanceté, la

violence. Ces sentiments varient de forme et de degré, suivant

qu'il s'agit du conducteur d'omnibus, du cocher de fiacre, du

cavalier, de l'automobiliste.

M. l3ErsmLOS. Il y a une grande analogie entre l'euphorie de la

vitesse et l'euphorie de la morphine. Ceux qui se laissent emporter

à faire de la vitesse, pour elle-même, sans aucun but d'utilité,

sont, le plus souvent, des dégénérés dépourvus de tout pouvoir

modérateur; ils n'ont plusaucun empire sur eux-mêmes, et entrent

en fureur contre les obstacles mêmes minimes.

M. PaulMAGMN. Qu'il s'agisse de vitesse, de tabac ou d'alcool,

on a affaire à des individus qui de l'usage ne peuvent s'empê-

cher de tomber dans l'abus; ils sont, en effet, dépourvus de pou-

voir modérateur, au point de perdre l'intinct de leur conversation

personnelle.

M. GROLLET. L'euphorie de l'automobiliste n'est pas identique à

celle du cavalier ; celui-ci doit faire preuve d'art, de compétence

et de savoir, il utilise une machine intelligente de laquelle il se

fait comprendre et qu'il doit ménager, car il s'agit d'un animal

qui n'obéit pas toujours servilement, mais consent à obéir dans

certaines limites.

M. Lux. En Algérie j'ai été témoin de fantasias arabes. Ce sont

SOCIE1'ES SAVANTES. 481

des demi-fous, grisés par la poudre, emportés par une fureur sau-

vague ; ils n'ont plus aucune espèce de pouvoir modérateur. Leur

euphorie ressemble à celles des automobilistes et gagne aussi les

chevaux.

M. Berillon. J'ai été très frappé par le fait suivant. Un automo-

biliste, au sortir d'un village, écrase un homme sans s'en aperce-

voir et continue sa route à toute vitesse. Quelques jours après, il

apprend cette mort enlisant les journaux et, d'inductions en induc-

tions, il conclut que c'est lui qui l'a causée. On ne l'avait pas vu,

il était sûr de l'impunité; néanmoins, ses sentiments moraux

l'emportent, il se dénonce et verse à la famille une forte indem-

nité. Cette mésaventure ne l'a point guéri de sa passion ; il refait

de la vitesse avec la même frénésie que par le passé.

M. Voisin. Quand une telle catastrophe ne sert pas de leçon et

que son auteur n'est pas guéri pour toujours, c'est qu'il s'agit,

comme le soutient justement M. Bérillou, d'un individu dépourvu

de tout pouvoir modérateur; on se trouve en présence d'une véri-

table obsession. '

SOCIÉTÉ DE \EUROP1'l'IIOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 29 mars 1902.

De l'acliwz tlccr·cepeuliytle Cül Sé>'219)z de Tr2mccl, (avec présentation

d'un malade). Professeur W. Rom.

Le malade présenté est un trafiquant de quarante-deux ans.Ason

entrée à la clinique, 10 décembre 1901, avant tout saute aux yeux

l'expression d'étonnement, comme figée sur la physionomie du

malade. Ses yeux sont ouverts plus que d'ordinaire, le front légère-

ment froncé, les sourcils soulevés, les mouvements mimiques

menus sontabolis. Dans la musculature du tronc et,en partie, dans

les extrémités, on observe aussi un enchaînement assez significatif,

de sorte que l'aspect du malade rappelle au premier coup d'oeil la

paralysie agitante. Les mouvements sont lents et maladroits; le

malade ne peut pas courir. Les mouvements complexes réussis-

sent avec peine à cause de l'enchaînement et du tremblement,

s'associant chaque mouvement volontaire et augmentant, lorsque

la tension musculaire est plus grande et surtout pendant l'émotion;

la langue présente des tiraillements rythmiques, lorsque le malade

l'allonge, les muscles faciaux subissent alternativement des tirail-

lements, la tête se balance, tout le corps et le bras tendu commen-

IlItCIIIVES, 20 séiie, t. XV. 31

4S2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cent à se balancer d'une manière rythmique, faisant 2.4 oscilla-

tions par seconde ; le pied, que le malade relève étant couché au

lit, se balance aussi, et s'il relève les deux pieds, alors les oscil-

lations envahissent tout le corps et sont si fortes qu'elles font

trembler le lit. Dans l'état-de repos, point de tremblement ou on

~ observe seulement des tiraillement isolés dans les muscles faciaux.

En partie, la rigidité chez le malade peut être expliquée par la

tension volontaire de la musculature, ayant pour but de suppri-

mer les mouvements supplémentaires. Le malade, malgré le trem-

blement, mange lui-même, mais il ne peut pas boire avec la sou-

coupe. En marchant, le malade regarde ses pieds, risquant de

tomber s'il relève ses yeux en haut; parfois il chancelle de côté et

d'autre, comme dans l'ataxie cérébelleuse; il se tourne lentement

et avec gaucherie. En parlant, sa langue s'embrouille, les con-

sonnes sont prononcées indistinctement, sa, parole rappelle celle

d'un paralytique, mais elle n'est pas tout à fait caractéristique pour

la paralysie générale : ici il y a plus de conformité et plus de cons-

tance dans la dysarthrie ; il n'y a point de replacement des syllabes,

point d'accrochements temporaires, mais on voit que le malade a

toujours beaucoup de peine à diriger l'appareil du discours, prin-

cipalement à la suite des mouvements involontaires continuels,

auxquels il doit toujours s'opposer. Si on prie le malade de scander,

alors sa prononciation devient plus distincte. Pendant la déglu-

tition le malade avale souvent de travers. Point de paralysie, de

convulsions, ni de contractures. Dans les mouvements passifs, on

observe partout une légère rigidité. La sensibilité cutanée est nor-

male, mais le sens musculaire dans les extrémités inférieures a

souffert un peu, à ce qu'il parait. Les organes des sens supérieurs sont

normaux, quoique les papilles des nerfs optiques soient très pâles

et la réaction des pupilles est lente. Les réflexes patellaires ne sont

pas modifiés, ceux du tendon d'Aciiille manquent; les réflexes

des membres supérieurs sont normaux. Point de réflexe Babinski.

Le malade ne peut longtemps retenir l'urine; impotence. La cons-

cience est nette, la mémoire peul-être un peu affaiblie, mais le

malade en différents temps pouvait toujours communiquer, sans se

contredire, les données anamnesticlues concernant sa maladie ; on

ne remarque point de défauts de mémoire marquée; l'intelligence

est diminuée à ce qu'il semble ; le cercle des intérêts est rétréci ;

le malade est assez apathique, lent, peu communicatif. Du côté des

organes internes on a constaté une artériosclérose assez accusée.

L'anomnèse. Les phénomènes sus-décrits commencèrent à se

développer en 4889. La période initiale de la maladie était signa-

lée par un certain engourdissement et une certaine faiblesse dans

les bouts desdoigts et un tremblement avec faiblesse des membres

inférieurs ; en 1891 survint un trouble de la parole ; on prenait quel-

quefois le malade pour un ivrogne. Tous les phénomènes morbides

, SOC1É1'ES SAVANTES. 483

se développaient en progressant lentement. Le malade jusqu'à cette

dernière année continuait à vendre du poisson au marché : mais au

printemps de l'année 1891 la maladie progressa plus rapidement

sans aucune cause visible. Ayant exclu la paralysie agitante et la

sclérose disséminée, l'auteur s'arrête sur la diagnostic de la pse2c-

dosclérose sans déterminer l'essentiel du processus morbide chez le

malade donné. Il est possible qu'on a affaire ici à un trouble diffus de

la nutrition des éléments moteurs du cerveau; mais on ne peut nier

ici (comme le fait Strumpet) l'atrophie primaire de certains sys-

tèmes accessoires des fibres nerveuses ayant rapport aux mouve-

ments. Le traitement du malade par l'injection sous-cutanée de

sérum de Trunecek donna des résultats favorables en rapport de

l'affaiblissement marqué du tremblement, de l'amélioration de la

parole et de la démarche, et aussi de l'état général du malade.

Lorsque les injections étaient supprimées, les phénomènes morbides

avaient tendance à s'aggraver. En outre, le rapporteur a observé

une certaine amélioration après les injections de ce sérum, chez

des hémiplégiques avec artériosclérose très prononcée, surtout

une amélioration de l'état général.

Cette communication a été l'objet de plusieurs remarques par

différents membres de la société, et quelques questions ont été

posées au rapporteur. '

Elude sur les obsessions morbides.

Dry Pierre Gannouciikine et Serge Sockhanoi-'f. Les auteurs se

sont servis pour leur travail de 1-1 malades stationnaires de la Cli-

nique psychiatrique de Moscou, et de 85 malades de la consultation

externe de la Clinique. Dans ce nombre entrent seulement les cas

où les idées obsédantes font l'essentiel de la lésion, présentant la

manife-tation d'une constitution particulière, envisagée par les

auteurs comme une névrose, ou plutôt une psycho-névrose aussi

indépendante que l'hystérie ou l'épilepsie. Parmi le nombre

de ces malades, atteints d'obsessions morbides, les hommes

pour 3,62 fois prévalaient sur les femmes. La plus grande majo-

rité des cas de la lésion donnée appartenait aux personnes s'occu-

pant de diverses professions intellectuelles. La tare héréditaire

existait dans 92 p. 100 de tous les cas, dans la plupart des cas on.

a trouvé des indications sur les maladies nerveuses et psychiques

au moins chez 3 membres de la famille donnée parmi les plus

proches parents. Dans 1/3 de tous les cas, on pouvait constater

l'existence d'une hérédité homogène, et la maladie, le plus souvent,

était transmise de la mère au fils et plus rarement du père à la

fille. Les rapporteurs pensent que les personnes, souffrant des obses-

sions morbides, présentent des particularités de caractère, consta-

tées dans beaucoup de cas de ce genre ; ces malades sont des indi-

484 1 SOCIÉTÉS SAVANTES.

vidus à caractère inquiet, indécis et scrupuleux. Les personnes,

souffrant des idées obsédantes, s'habituent déjà de bonne heure à

l'auto-observatiou et à l'analyse de leur état mental ; rarement on

remarque chez eux une cruauté grossière envers les êtres qui les

~ entourent; souvent on constate chez ces malades des idées liypo-

chondriaqueset, en particulier, la crainte d'avoir une maladie psy-

chique.

Pour la plus grande majorité des cas, le début des idées obsé-

dantes se rapporte à l'Age le plus jeune et ces idées se développent

progressivement d'une manière non remarquable; dans un petit

nombre de cas seulement on peut signaler un début aigu de la

maladie ; par exemple, dans 1 cas les idées obsédantes se dévelop-

pèrent d'une manière aiguë après un changement de bonnes con-

ditions de la vie pour de plus mauvaises; dans 4 cas - après une

secousse morale ; dans 2 cas après l'accouchement. Le com s des

obsessions morbides est toujours sujet à des oscillations; les exa-

cerbations et les aggravations ont été observés en dépendance des

causes variables; dans 1 cas, la manifestation des symptômes de

la syphilis cérébrale influa d'une manière favorable sur les idées

obsédantes. Concernant les troubles moteurs et les modifications

de conscience, les auteurs notent dans 1 cas des accès épileptoïdes,

dans 3 cas des vertiges, dans 5 cas, des accès hystériformes,

dans 8 cas, des syncopes trouble de conscience di, courte durée.

Les anomalies sexuelles dans l'une ou l'autre forme sont très sou-

vent observées dans les idées obsédantes, mais ces anomalies appa-

raissent non comme cause de la maladie donnée, mais comme

symptôme accessoire simplement. Dans 5 cas, le symptôme com-

plexus des obsessions morbides a été constaté dans la démence pré-

coce, mais les auteurs ont exclu de pareils cas du groupe de la

constitution des idées obsédantes, et les ont cités seulement pour

comparer ces cas avec les cas des idées obsédantes, où ces dernières

forment une maladie spéciale et constitutionnelle.

D1' W. Si.n>3sl;r indique sur cela que si les rapporteurs avaient

pris aussi en considération les cas légers qui ne nécessitent pas

d'administration dons les asiles spéciaux, alors leurs conclusions

seraient quelque peu autres, par exemple, en rapport de la distri-

bution des sexes, de la description des particularités du caractère

de tels malades.

D1' W. Mouratoff envisage comme « neurasthénie psychique » ce

que les rapporteurs décrivent comme constitution des obsessions

morbides, et trouve que souvent, de pair avec les idées obsédantes

on peut rencontrer aussi d'autres troubles. Si on peut même

admettre une constitution particulière décrite par les rapporteurs,

c'est seulement comme une dégénérescence psychasthénique.

D1' G. HOSSOLIblO insiste sur ce fait que souvent dans de sem-

blables cas on peut noter une hérédité tuberculeuse, et il est porté

BIBLIOGRAPHIE. 485

à reconnaître l'existence d'une constitution, sur le terrain de

laquelle peuvent se développer des idées obsédantes; ne peut-on

pas donner à cette constitution un nom plus large comme, par

exemple, « constitution tiqueuse » ? Outre les particularités de

caractère, notés par les rapporteurs dans la constitution des

obsessions morbides, on peut encore y ajouter une mobilité parti-

culière de l'attention, l'amour pour toute sorte d'habitudes, ten-

dance au pédantisme, abondance de phénomènes vaso-moteurs.

D'' V. Vot3oBlFr.r insiste sur l'état émotionnel mobile particulier

chez de tels malades.

Dr A. Bernstein est. d'accord avec l'élévation d'une « constitution

des idées obsédantes » comme maladie particulière, et il rappelle

qu'une telle tentative a déjà été faite par KnAEpEUN.Le Dr W. Jn-

kovenko et le Dr N. Pos'rovsKY ont aussi pris part aux débats.

Il a été question [ensuite des moyens pour éterniser la mémoire

du défunt président de la Société, le professeur A.-J. KOJEVNIIZOI-7F.

A.I3EwsTElrr, B. Mouravilff.

BIBLIOGRAPHIE.

XIV. Les obsessions et les impulsions; par A. Pzrnrs et );. Itécs.1 1 vol.

de 434 pages de la Bibliothèque internationale de psychologie

expérimentale, normale et pathologique du )-)'' Toulouse. Doiu,

éditeur. Paris, 1902.

1. La première partie du volume est consacrée aux obsessions.

Après un court aperçu historique, MM. Pitres et Régis étudient la

conception psyoho-pathotogique de l'obsession : avec Morel, ils

considèrent l'émotion comme l'élément primitif et fondamental de

l'obsession, alors que d'autres auteurs (Wesphal) tiennent ce symp-

tôme pour un trouble à base idéative. Ils résument les caractères

généraux des états obsédants dans la définition suivante : L'obses-

sion est un syndrome morbide caractérisé par l'apparition involontaire

et anxieuse dans la conscience, de sentiments ou de pensées parasites

qui tendent ti. s'imposer au Mot, évoluent ci côté de lui malgré ses

efforts pour les repousser et créent ainsi une variété de dissociation

psychique dont le dernier terme est le dédoublement conscient de la

personnalité.

Cette définition sépare les obsessions des idées fixes pures sans

émotion angoissante. Les auteurs séparent les états obsédants en

deux grands groupes, suivant que l'anxiété se manifeste plus spé-

cialement par une crainte, idées obsédantes phobiques (phobies), ou

par une idée (états obsédants idé(itifs). Les phobies se subdivisent

486 BIBLIOGRAPHIE.

à leur tour en phobies diffuses ou générales (panophobies) et en

phobies particulières ou spéciales (monoplaoLies). Quant aux états

obsédants idéatifs, c'est-à-dire ceux dans lesquels l'état anxieux

se produit sous forme intellectuelle ou d'idée, ce sont les obsessions

proprement dites. qu'on peut subdiviser en obsessions diffuses et en

^-obsessions spéciales.

Les phobies diffuses (névrose d'angoisse type) sont intéressantes

au double point de vue clinique et psychologique. Les sujets qui en

sont atteints vivent dans un état permanent d'attente anxieuse

(Freud), de tension émotive qui éclate brusquement par paroxysmes,

sans motif apparent, ou à l'occasion de circonstances accidentelles

futiles. Les attaques anxieuses se présentent sous des aspects

divers et avec une intensité variable (attaques rudimentaires dans

certains cas). Freud a signalé des attaques de dyspnée, de bou-

limie, de diarrhée, de sueurs, de vertige, etc. MM. Pitres et Régis

donnent huit observations d'obsessions à forme panophobique

qui montrent l'anxiété latente, diffuse, non encore formulée ou

formulée seulement momentanément, l'obsession restant rudimen-

taire. On y saisit la genèse de la phobie « qui vient se greffer

comme une sorte d'objectivation plus ou moins durable sur l'état

d'angoisse qui constitue le fond de la maladie ».

Les phobies spéciales sont divisées par Pities et Régis en

1° phobies des objets, 2° phobies des lieux, des éléments, des 7nizla-

dies, de la mort; 3° phobies des êtres vivants. Comme les autres

états obsédants, les phobies systématisées d'origine sensorielle

peuvent être constitutionnelles ou accidentelles. Les phobies cons-

lit2ctioznelles se présentent sous la forme de répulsions angois-

santes ou de peurs anxieuses originelles, chroniques, portant

spécialement sur un objet déterminé (épingle, orage, chien, etc.) ;

leurs caractères principaux sont : l'hérédité chargée, souvent

similaire, des malades; le début précoce (enfance, puberté); la

persistance indéfinie sous la même forme, avec des alternatives

de paroxysme et d'accalmie ; souvent l'adjonction de phobies

accessoires ou d'autres phobies systématisées. Les phobies systéma-

tisées accidentelles surviennent chez des sujets moins dégénérés, à

un âge plus avancé (de 30 à 50 ans) à l'occasion d'un choc moral

(phobies traumatiques). Les auteurs donnent des observations de

phobies de la rage, de délire du toucher, de polypbobies se succè-

dent chez le même malade (peur angoissante de la phtisie, des

épingles, des chiens, de la folie, de maladies diverses).

Les auteurs étudient ensuite les obsessions proprement dites.

Ils admettent que phobie et obsession ne sont pas deux choses

différentes, mais deux degrés d'un même état neuro-psychopa-

thique, différant simplement par la proportion des deux éléments,

émotif et idéatif, qui le constituent. L'obsession n'est souvent

qu'une phobie ayant perdu son caractère de simple trouble émotif,

BIBLIOGRAPHIE. 487

pour prendre par le fait même de son évolution, celui de trouble

à la fois émotif et intellectuel. Plus l'obsession tend à s'intellec-

tualiser, plus, en général, son substratum émotif s'atténue. Pour

que la phobie systématisée tourne à l'obsession, il faut que cette

phobie, au lieu de se manifester par des crises d'angoisses inter-

mittentes, avec calme complet dans l'intervalle, préoccupe plus ou

moins, dans l'interparoxysme, l'esprit du sujet, ce qui arrive dans

la majorité des cas. MM. Pitres et Régis étudient successivement

trois variétés d'obsessions : les obsessions idéatives, les obsessions

impulsives, les obsessions hallucinatoires.

Obsessions idéatives. Ce sont des idées parasites, automatiques,

discordantes, irrésistibles. Les plus fréquentes sont des idées rela-

tives à la morale, à la métaphysique, à la religion. Rarement

l'idée obsédante est unique, le plus souvent plusieurs idées obsé-

dantes coexistent, soit similaires, soit dissemblables. L'obsession

se manifeste habituellement sous forme paroxystique, s'impose iL

la conscience révoltée, d'où une lutte qui ne fait le plus souvent

qu'accentuer l'angoisse. Un point important est la conservation

de la conscience, sauf dans quelques cas asez rares. Parmi les

obsesssions idéatives citons les obsessions du doute, du scrupule,

du mot, du chiffre, du langage, de la maladie.

Obsessions impulsives. Cette variété n'est autre que l'idée obsé-

dante d'accomplir un acte quelconque, indifférent ou criminel ;

onomatomanie, pyromanie, etc. Les auteurs étudient les points

suivants : les phobies d'impulsion se rattachent-elles aux impul-

ions ? Les obsédés cèdent-ils souvent à leurs impulsions ? Le sui-

cide est-il fréquent ? L'obsession, impulsive est toujours précédée

de pensée et de lutte et suivie d'une détente, d'une satisfaction.

d'un soulagement. Quelques pages sont consacrées aux obsessions

inhibitoires.

Obsessions hallucinatoires. MM. Pitres et Régis admettent, avec

M. Séblas, que l'hallucination est relativement fréquenté dansl'ob.-

session ; c'est l'idée émotive qui se transforme en sensation exté-

riorisée.

Des considérations intéressantes sont consacrées aux moyens de

défense des obsédés : ces moyens ont pour but : 1° de prévenir les

accès obsédants : 2° de dominer ces accès quand ils éclatent;

3° d'en atténuer les effets émotifs ou de les dissimuler. Certains

tics sont des moyens de défense.

Un chapitre important est réservé à l'obsession de la rougeur ou

éreutbopllobie. L'histoire de cette curieuse obsession, dont on doit

ladescription W il41. Pitres et Régis, est très complèteet les auteurs

nous donnent dans leur monographie des documents cliniques des

plus intéressantes et des aperçus ingénieux touchant l'interpréta-

lion de ce trouble.

Dans le chapitre Étiologie sont étudiées les causes prédispo-

488 BIBLIOGRAPHIE.

santesdes obsessions : âge, sexe, profession, hérédité, etc. Il résulte

des recherches des auteurs que les femmes sont plus sujettes que

les hommes aux obsessions dans la proportion de z 2 et quec'est

dans la période moyenne de la vie, entre vingt et quarante-cinq

ans, qu'on rencontre le plus d'obsédés. Dans plus des trois quarts

des cas, les obsessions surviennent avant la trentième année. L'hé-

rédité joue un rôle considérable (dans les quatre cinquièmes des

cas) ; parfois sous une forme similaire. Les obsessions sont des syn-

dromes constitutionnels de dégénérescence, mais dans l'immense

majorité des cas, elles ne coexistent pas avec les stigmates phy-

siques. Les causes occasionnelles sont des émotions morales, des

pratiques sexuelles irrégulières, des états maladifs divers; leur

importance est secondaire par rapport à celle de l'hérédité.

Nous n'insisterons pas sur le chapitre consacré à la marche, à la

durée, au pronostic, à la terminaison des obsessions, non plus que

sur le chapitre dans lequel sont étudiées la nature des obsessions,

leur place en nosographie. Notons seulement que MM. Pitres et

Régis considèrent l'obsession comme un état mixte, neuro-psycho-

pathique et comme un symptôme : il y a des obsessions de dégé-

nérés, d'alcooliques, d'épileptiques, d'hystériques, de neurasthé-

niques. Ces dernières seraient de toutes les plus fréquentes.

Le diagnostic doit être fait avec les états physiologiques (idées

fixes. passions), avec les états pathologiques (psychoses, névroses).

Il faut en outre distinguer les obsessions entre elles (obsessions

accidentelles, constitutionnelles, hystériques, neurasthéniques).

Pour ce qui touche au traitement, les auteurs examinent les

questions de l'internement, de l'isolement simple, de la psychothé-

rapie, de l'hypnotisme.

IL Impulsions. L'impulsion morbide est, .d'après MM. Pitres

et Régis, dans le domaine de l'activité volontaire, la tendance

impérieuse, souvent même irrésistible, au retour vers le pur

réflexe. Envisagées au point de vue de leur symptomatologie géné-

rale, les impulsions sont habituellement : endogènes, involontaires,

rapides, violentes, aberrantes, conscientes, subconscientes ou iiicoiis-

cientes, mnésiques ou amnésiques, isolées ou répétées. Les auteurs

admettent trois types d'impulsions : 1° les impulsions motrices

pures, à réflexe direct, sans action inhibitoire intermédiaire (idiots,

imbéciles, épileptiques) ; 2° les impulsions psycho-motrices, à

réflexe retardé, avec intermédiaire émotif ou idéo-émotif, mais

sans action sérieuse d'inhibition (psychasthéniques, hystériques,

maniaques) ; 3° les impulsions psychiques, à réflexe interrompu,

avec intermédiaire idéo-émotif long, compliqué, douloureux,

accompagné d'une lutte d'inhibition souvent victorieuse (obses-

sions impulsives).

Les formes cliniques des impulsions sont nombreuses : impul-

sions au suicide, à l'homicide, au vol, à l'incendie, à boire, la

BIBLIOGRAPHIE. 489

fugue, impulsions sexuelles. Niant l'existence de monomanies

impulsives, les auteurs examinent les impulsions dans les princi-

paux états psyctiopatliiques : dégénérescence, épilepsie, hystérie-

alcoolisme, paralysie générale, vésanies. Dans le dernier chapitre,

ils étudient l'étiologie des impulsions, le diagnostic. la marche et

la durée, le pronostic et le traitement de ces troubles. Les consi-

dérations médico-légales sont illustrées par d'instructifs rapports

médico-légaux sur quelques cas d'impulsions.

L'analyse qui précède montrera peut-être combien MM. Pitres et

Régis ont exploré avec soin le domaine dont ils s'étaient

proposé la description, mais elle est évidemment insuffisante pour

donner une idée des mérites de cette définitive monographie sur

les obsessions et les impulsions. Non seulement aucun des nom-

breux et délicats problèmes que soulève l'étude de cette question

n'a été laissé dans l'ombre, mais pour plusieurs les auteurs ont

proposé des solutions séduisantes par leur clarté et toujours basées

sur l'observation clinique. Aliénistes, neurologues, psychologues,

tous ceux qui s'intéressent aux questions de psychopathologie

liront et consulteront avec fruit l'oe'uvre nouvelle des Maîtres émi-

nents auxquels on doit d'avoir fait de l'Université de Bordeaux

un centre scientifique des plus importants au point de vue psychia-

trique. Paul Sérieux.

Rapport sur l'asile d'aliénés de la Roche-szii--Yoil; par le

Du' Cullerre, médecin-directeur. Exercice 1901.

La population qui était de 530 au 1er janvier 1901, s'élevait à 576 : 1 la fin de l'année. Le nombre des entrées en 1901 a été de 137

(64 h. et 73 f.) C'est le chiffre le plus élevé d'admissions qu'il y a

eu depuis la fondation de l'asile. Dans ce chiffre figurent 13 idiots

et imbéciles. 18 cas sont dûs aux excès alcooliques (154 h. et 3 f.).

M. Cullerre signale, comme d'habitude, un assez grand nombre

d.' aliénés chroniques parmi les entrants (26 cas de folie simple

remontaient à plus de six mois). D'où la nécessité d'admettre à

l'asile les aliénés le plus près possible du début si on veut diminuer

les charges dues à l'incurabilité. « Très exceptionnellement, dit

M. Cullerre, nous constatons trois guérisons tardives chez trois

hommes. L'un était depuis près de 6 ans àl'asileet les deux autres

depuis 3 ans. Jusqu'ici, aucun n'a eu de rechute. » Ces faits mon-

trent que les médecins doivent être réservés et observer avec soin

leurs malades avant de prononcer l'incurabilité. D'où la nécessité

d'un traitement régulier et continu. Les décès ont été de 68 (24 h.

et 34 f.), dont 4 dans la première quinzaine de l'admission, 14 i.

sontdus à la phtisie, 21 à la fièvre typhoïde. «Le nombre des décès

par phtisie pulmonaire représente un quart de la mortalité totale.

Cette proportion s'explique par l'apparition périodique de

l'influenza qui réveille les tuberculoses latentes et précipite l'évolu-

490 BIBLIOGRAPHIE.

tion de cette maladie. « M. Cullerre appelle tout particulièrement

l'attention sur le nombre des tuberculoses traitées (23) pour l'iso-

lement desquelles il n'a aucun local. ' *

Le prix de journée est de 0 fr.9a>. 41 aliénés delà Seine à 1 fr. 30.

Aumônier, 1.600 fr. Frais de culte, '700 )r. qu'il serait possible de

réduire considérablement en suivant la pratique des asiles

d'Atixei-re, (le Moulins et de la Charité. L'asile paie deux pensions

àerelraite de chacune 200 fr. Signalons l'installation de la lumière

électrique. Le pain, fabriqué par l'asile, revient à 0 fr. 19 le hilugr.

Un médecin-directeur, deux internes soit chacun 45 observa-

tions en 1901. Personnel secondaire : 1 surveillantenchel' (800 fr.),

14 religieuses (2.380 fr.), 6 infirmiers délectasse (2.160 fr.), 8 de

2° classe (2.400 fr.), 8 de 3° classe ( ? .4f' fr.) 6 infirmières de

lr0 classe (1.584 fr.), 10 infirmiers de 3° classe (2.160), soit un agent

pour neuf malades.

« Le recrutement du personnel de surveillance continue à être

l'objet de mes soucis. Comme je l'ai déjà constaté à plusieurs

reprises ce recrutement est de plus en plus difficile en même temps

que croissent les exigences des candidats aux emplois vacants.

D'accord avec l'Inspecteur général des services administratifs qui

a visité l'asile l'année dernière et cette année même, je proposerai

au budget prochain d'améliorer les conditions matérielles de ce

personnel en lui attribuant le régime alimentaire des pension-

naires de troisième classe.

« Jusqu'ici, en effet, les infirmiers et infirmières ont partagé le

régime commun et bien que la nourriture des malades de cette

catégorie soit suffisante, elle est inférieure comme quantité et

confort à celle que les infirmers reçoivent dans la plupart des

hôpitaux et hospices ordinaires. » B.

XVI. Localizaciones 7 ? îetizilti,es par Juaii-laria,Oi3.itnio. Thèse de

Buenos-Aires, 1902.

Sans grande originalité, mais avec précision, l'auteur donne

dans sa thèse un assez bon état actuel de nos connaissances sur

les localisations médullaires, d'après les travaux récents de Bech-

terew, Déjerine, Edinger, Jakob, Marie, Van Gehnchten, etc. Après

avoir étudié l'anatomie descriptive des enveloppes et des vaisseaux

de la moelle, puis son anatomie topographique, il aborde l'histo-

logie de la substance médullaire grise et blanche, l'origine et la

terminaison des racines et cordons, avec les voies de conduction.

Enfin il expose d'après les tableaux d'Edinger et de Jakob les

principales localisations motrices et sensitives, c'est-à-dire la

représentation dans la moelle des différents territoires cutanés,

des différents muscles, etc. Dix observations anatomo-ctiniques,

avec planches, illustrent avantageusement ce travail très conscien-

cieux. p. R.

VARIA.

ASSISTANCE DES IDIOTS EN FRANCE.

La rioche-sur-Yon, le 11 mars 1903.

Mon cher confrère,

Conformément à votre désir, je vous adresse quelques rensei-

gnements sur nos quartiers d'enfants (de 5 à 18 ans.) Vous

ayant précédemment adressé des renseignements jusqu'à l'année

1896, c'est de cette année que partiront les documents statistiques

suivants :

493 VARIA.

Je vous prie d'observer que je n'ai, pour l'éducation des enfants,

ni personnel, ni crédit, et que j'utilise du côté des garçons un

malade (persécuté hypocondriaque), ancien instituteur et du côté

des filles la religieuse surveillante de la section.

Le nombre restreint d'enfants qui vont en classe s'explique par

' la qualité de nos malades en grande majorité idiots complets,

épileptique^, paralysés, n'ayant pas la parole, et ces garçons

prennent part à des exercices gymnastiques (méthode Pichery),

dirigés par un infirmier compétent. Une infirmière s'occupe de leur

apprendre les soins corporels et les habitudes de propreté. Les

enfants valides vont chaque semaine en promenade dans la cam-

pagne.

Le traitement médical comporte les moyens habituels dirigés

contre le lymphatisme, la tuberculose, les accidents cérébraux et

surtout l'épilepsie. J'ai obtenu de bons résultats dans quelques

cas d'épilepsie à accès très fréquents, de l'administration du borate

de soude.

D'une façon générale, l'aspect de la section des garçons est plus

satisfaisant que celui des filles. La première est aux mains d'un

ménage dont la femme, intelligente et dévouée, se dévoue littéra-

lement à ses malades ; tandis que la seconde est aux mains d'infir-

mières obtuses, sous la surveillance d'une religieuse qui ne s'inté-

resse que médiocrement à l'amélioration de ses malades, par

inertie surtout, peut-être aussi par inaptitude à changer ses habi-

tudes routinières.

Veuillez agréer, Monsieur et cher confrère, l'assurance de ma

considération la plus distinguée.

Le Directeur-Médecin, CULLERRE.

Assistance des imbéciles moraux.

Un établissement et créer.-Sous ce titre, le Petit Pnrisicn du Il fé-

vrier relate le fait suivant : On jugeait hier au tribunal correc-

tionnel de la Seine un nommé Mussy, inculpé de vol. Cet individu

ayant eu dans sa famille des alcooliques, épileptiques, aliénés,

infirmes et'autres, avait été, à la demande de son avocat, l'objet

d'un examen médical.

Le D Dubuisson, chargé de ce soin, a fait un rapport fort inté-

ressant à celle occasion. Tout en reconnaissant que Mussy a des

tares héréditaires sérieuses, il ne peut le considérer comme un

irresponsable. C'est à coup sur, dit-il, un malade. Et le praticien

traitant de son cas dit à ce propos qu'il est regrettable qu'il

n'existe pas des établissements spéciaux pour des individus du

genre de Mussy, car pour eux le régime de l'asile où de la prison

est aussi détestable que néfaste. Il les perd à tout jamais.

« Il devrait être créé des établissements intermédiaires, tenant

VARIA. 493

de l'un et de l'autre, sans en avoir le mauvais côté, et l'on arri- -

verait, estime-t-il, à des résultats des plus satisfaisants. Ce genre

d'établissement n'existant pas encore, les magistrats n'ont pu

qu'appliquer la loi. et comme les délits commis par )Iussy étaient

graves, ils lui ont infligé un an de prison. La question n'en

demeure pas moins très curieuse et à étudier. »

Les cas analogues au précédent sont assez communs. Tels

sont les imbéciles intellectuels et moraux, suffisamment amé-

liorés pour ne pas être placés dans un asile d'aliénés, mais

incapables, abandonnés à eux-mêmes, de se conduire régu-

lièrement, de subvenir complètement à leurs besoins. C'est

pour eux que nous avons demandé la création àBicêtre, par

exemple, d'une section à part où ils continueraient à travail-

ler dans les ateliers, les jardins, les services généraux, tout

en jouissant d'une liberté relative, ne sortant pas librement

comme les administrés de l'hospice, mais seulement sur auto-

risation et autant que possible avec des parents ou des amis.

il y a là un point intéressant d'assistance, sur lequel depuis

bien des années nous appelons l'attention de la commission

de surveillance des asiles de la Seine et de la commission

spéciale du Conseil général. D.

DU MAINTIEN DES ALCOOLIQUES DANS LES ASILES D'ALIÉNÉS.

Dans une leçon publiée par la Gaz, 971éd. de Nantes (1903,

n° ·11, p. 19u), M. le D'' Biaute, rappelant l'enquête provoquée

par la Revue de psychiatrie au sujet du maintien des alcoo-

liques dans les asiles, après disparition des troubles déli-

rants, dit que, à part l'opinion de M. Keraval, qui a répondu

« qu'un asile d'aliénés n'était qu'un hôpital, où on ne

devait garder les sujets que pendant qu'ils présentaient les

troubles mentaux dus à l'intoxication et où il ne conve-

nait pas de traiter l'habitude de boire », que toutes les

autres réponses peuvent se résumer de la manière sui-

vante :

« 1° La plupart des médecins maintiennent les alcooliques après

la disparition des troubles délirants aigus.

« 2° La durée de ce maintien est le plus souvent supérieure à un

mois.

« 3° La plupart des médecins maintiennent plus longtemps les

alcooliques qui reviennent à l'asile après un premier internement.

« 4° La plupart des médecins justifient ce maintien par des rai-

sons médicales et par intérêt pour les malades. Mais ce ne sont pas

494 VARIA.

des justifications légales. Quelques-uns prennent la précaution

d'obtenir le consentement des malades et, dans l'état actuel de la

législation, cette pratique parait être la moins irrégulière. Mais il

serait désirable que cette question fut tranchée par un texte précis

quand on s'occupera de la loi qui devra remplacer celle de 1838

sur les aliénés.

& Quant à moi, continue M. Biaute, je tends plutôt a suivre

la pratique du Dr leravil 12bellaizi hors de l'asile les alcoolique s

dès que les troubles mentaux ont disparu, nome croyant pas

autorisé à leur faire entendre et supporter des cours de

morale pendant un temps plus ou moins prolongé, laissant

aux autorités compétentes le soin et la responsabilité de

nouveaux internements, quand ils sont reconnus néces-

saires. En cela, je suis exactement les prescriptions de la

loi. »

L'opinion de MM. Keraval et Biaute est celle que nous

avons soutenue quand il s'est agi de consacrer le cinquième

asile de la Seine, dénommé aujourd'hui asile de la Maison-

Blanche, aux alcooliques, aux buveurs. Les asiles de buveurs

sont autres que des asiles d'aliénés. Pour y enfermer et y

maintenir les buveurs, il faut une loi spéciale. Les alcooli-

ques délirants sontdes aliénés etleur place naturelle est dans

les asiles d'aliénés. Une fois guéris de leur délire, on ne peut

les y maintenir, même momentanément, qu'à titre de conua-

lescents. Ce maintien varie suivant les cas, mais ne peut se

prolonger tant qu'une disposition légale ne sera pas inter-

venue. B.

NÉCESSITÉ D'ENSEIGNER A TOUS LES INPIIt311RES ET INFIRMIÈRES LES SOINS

A DONNER AUX ALIÉNÉS ET LA SURVEILLANCE QUI EST NÉCESSAIRE.

Drame de la folie. Un jeune homme de vingt-quatre ans,

Georges Libreville, demeurant, 9, rue Lacuée, dont la vie à

outrance et les excès de toute sorte avaient ébranlé la raison, a

été pris soudain, hier matin, d'un accès de folie furieuse, et, sai-

sissant par les cheveux une jeune femme de vingt-deux ans, Marie

Béron, qui était venue lui faire une visite matinale, il tenta de la

précipiter par la fenêtre. Comme la malheureuse se débattait, il

saisit un tabouret et lui en asséna sur le crâne un coup terrible.

Aux cris de la victime, on accourut et on arracha la jeune

femme des mains de son bourreau. Puis on voulut saisir le forcené

qui déjà avait enjambé la fenêtre. On put heureusement le saisir

par ses vêtements avant qu'il se fût précipité dans le vide.

FAITS DIVERS. 495

Le jeune homme fut conduit à l'hôpital Saint-Antoine, car il

s'était entamé les poignets en brisant les vitres de la fenêtre à

coups de poing, et il fallait panser ses blessures. Tandis qu'il était

dans la salle d'opérations, le malheureux profita d'un moment -t

d'inattention de ceux qui le surveillaient pour s'emparer d'un

scalpel, dont il se porta un coup dans le ventre. On put enfin le

désarmer. Mais on dut lui mettre la camisole de force pour l'em-

pécher d'attenter de nouveau à sa vie. Son état est désespéré.

Quant à Marie Bérou, elle a été également conduite à l'hôpital

Saint-Antoine. (Le Malin, 11 septembre 1903.) - D'où la néces-

sité de faire faire à tous les infirmiers et infirmières un stage dans

les services d'aliénés. Ils sauront mieux ce qu'il convient de faire, à

l'hôpital en présence de malades délirants. La place de ce malade

nous paraissait plutôt être à l'asile d'aliénés que dans un hôpital.

FAITS DIVERS.

Suicide d'adolescent. Un jeune homme de quinze ans, de

Bouafle, Eugène Duval, s'est pendu dans le grenier de ses parents,

cultivateurs à Douane, à la suite des circonstances suivantes :

11-11 Duval, avait été surprise en revenant des champs, de ne

pas voir son fils Eugène, qu'elle avait sévèrement admonesté avant

son départ à la suite d'un petit larcin d'oiseaux qu'il avait commis

au préjudice d'un de leurs voisins. Connaissant le caractère

impressionnable de son enfant, elle fut prise d inqmétudeet se mit

à le rechercher dans toutes les dépendances de la ferme. Quelques

heures après, l'infortunée mère découvrit dans un grenier à four-

rages son fils pendu à une solive. Le désespoir des parents est

navrant. (Journal de Sciiie-et-Oise, 21 mars 1903.)

Hue Boursault, le petit llarcel Martoret, onze ans, que son père

réprimandait parce qu'il se querellait avec des camarades, s'est

jeté par une fenêtre du troisième étage et s'est tué. (Bonhomme

Normand, 27 mars.

Tentative de suicide de jeunes garçons. Alfred Manger, seize

ans, mécanicien à Gabourg, ayant été congédié par son patron,

a tenté de mettre fin à ses jours en allumant, la nuit, un réchaud

de charbon dans sa chambre à coucher. Des voisins, ne l'ayant pas

vu descendre le matin, montèrent à sa chambre et le trouvèrent

étendu sur son lit, sans connaissance. Un médecin, après deux

heures de soins énergiques, a pu le rappeler à la vie.

496 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

DRAME DE l'alcoolisme. La dame Fortin, trente-deux ans, jour-

nalière à Rursarcl(Orne), une alcoolique, s'est jetée dans une mare

avec ses deux enfants, Jules, 7 ans, et Modestine, 3 ans. Le petit

garçona pu se sauver. La mère et la fillette sont mortes. (Bonhomme

Normand, 27 mars.) -

A l'asile des .1LIG\CS D'aR)SEC7TIERES. La Commission de surveil-

lance de l'Asile s'est réunie vendredi après-midi et a pris la délibé-

ration suivante qu'elle nous communique :

«La Commission, après avoir examiné les prétendus faits allégués,

reconnaît qu'il s'agit d'allégations défigurées ou absolument fausses,

toutes d'ailleurs calomnieuses, que tout a été parfaitement régu-

lier et que l'Asile, loin d'être compromis par la gestion du Direc-

teur actuel, n'a fait que prospérer depuis les huit années que le

docteur Keraval est à sa tête, ce dont elle ne peut s'empêcher de

le féliciter.La preuve de cette prospérité est d'ailleurs manifestée

par les nombreux travaux effectués sur les ressources de l'établisse-

ment et la situation de caisse envoyée récemment à M. le Préfet à

l'occasion des plans et devis propres à l'installation du pavillon des

bains nouvellement construit. » (Progrès du Nord, ler mars).

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Catalogue complet des Thèses de doctoral de la Faculté de Médecine

de Bordeaux. z de 48 payes. Ilobers à Bordeaux. Prix : 2 bancs.

Ganmrn (Samuel), L'étal mental d'un escroc féminin el d'un assas-

sin voleur. In-S° de 50 pages. Dijon. 1903.

liaizélbitch der Pathologischen des Nervensijslems, in-8" de 320 pages.

Karger, Berlm, 1903.

/7anf ? Me/t der Pathologischen Anulomie des Nervensystems. 111-8- de

320 pages. Karger, Berliu, 1903.

KLEI ? PETEit. Von der \'alun der Dinge an sich. In-8° de fS pages.

Barth. Leipzig, 1903.

Muskens (L.-J.-J.). Studien liber segmentale Schmerzygefùhlsslo-

rungen ancl Tabelischen und lsltilepliscleeza, in-8" de 80 pages. Arcli.

sur Psychiatrie. ·

PAILLOTE (Paul). Suggestion musicale, in-8- de 16 pages, Tricotet,

Paris, 1903. Prix ; 0 fr. 25.

PFISTEIi (H.). - Die anwendung von Reruhigungsmillehs Geisles-

krunken. In-S° de f0 pages, Cari, ilarhold. Halle, 1903.

Le réducteur-gérant : Bouiinevii.i.c.

Evreua, Cli. fltitissey, inip. -.4-IDOJ.

Vol XV. Juin 1903. N"90.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

Note sur un cas de bestialité chez la femme ;

Par Cn. FÉRÉ,

Médecin de Bicêtre.

On observe aussi bien chez la femme que chez l'homme

une attraction morbide pour les animaux '. Cette attraction

peut n'avoir rien à faire avec le sexe, c'est la zoophilie.

D'autres fois elle se manifeste par des actes sexuels, c'est la

bestialité. La zoophilie paraît plus fréquente chez la femme,

la bestialité chez l'homme.

Dans la bestialité, l'homme peut jouer le rôle actif ou le

rôle passif. Le plus souvent il joue le rôle actif et il s'adresse

aux animaux les plus divers 2 : juments, brebis, chèvres,

chiennes, lapines, 3 oies, canards, poules, etc. Quand il joue

le rôle passif c'est avec l'animal le plus sociable, le plus

initiable, le chien (sodomie bestiale passive) *. Chez la

femme on ne connaît guère que la bestialité passive avec le

chien 5.

' Ch. Féré. L'instinct sexuel, évolution et dissolution. 2, édit. 1902,

p. 166.

- lfantetrazza. L'amour dans l'humanité, 1886. p. 124. - Boissier et

Lachaud Perversion sexuelle à forme obsédante. (Arcla. de Neurologie,

1893, t.XXVI p. 383).

' Boëteau. Un cas bestialité (France médicale, 4891 t. XXXVIII, p. 593).

'A. Montalli. La pederaslia Ira il cane a l'nomo (Sperimentale. 1887, LX,

p. 285). Delnstre et Linas. Sodomie bestiale (Soc. de inéd. légale.

1873-74, III, p. 165). Brouardel Pédérastie d'un chien à l'homme

(Seinaine 12édie., 1887, VII, p. 318).

'L. Thoinot. dltentatsauxmceursel,veruersiozzsdzzsensgénilal,1898,

p. 268.

Arscmves, 2· série, t. XV. 32

498 CLINIQUE NERVEUSE.

On est très porté à la considérer comme une perversion

instinctive congénitale : elle peut être impulsive, obsédante,

coïncider avec l'impuissance du coït normal. La privation

des rapports normaux .ne suffit pas à la déterminer : il faut

un chimiotropisme spécial. Du reste elle coïncide en général

avec la débilité mentale. Cependant il existe des circons-

tances indépendantes du sujet qui peuvent jouer un rôle

provocateur évident. Le fait que je vais rapporter me pa-

raît particulièrement intéressant à cet égard.

OBs. Longévité héréditaire. Antécédents personnels névro-

pathiques. Choc moral dans l'enfance. j4.moMfju ? /c/to-&'ea;K6<

des chiens. Descendance psychopathique.

Mme B..., soixante-douze ans, appartient par son père à une

famille où la longévité n'est pas rare. Son père et un oncle sont

morts à quatre-vingt-huit ans, une tante à quatre-vingt-douze ans;

il y a eu plusieurs cas analogues à la génération précédente. Les

hommes surtout passaient pour des originaux, se faisaient remar-

quer par des singularités du costume; mais menaient leurs

affaires avec succès. Son oncle et sa tante avaient eu plusieurs

enfants qui étaient morts en bas âge. Sa mère était fille unique,

elle est morte à trente-huit ans d'une affection aiguë de poitrine.

Deux enfants nés avant elle avaient succombé à des convulsions

dans leur première année. Elle avait eu elle-même des convulsions

à plusieurs reprises dans son enfance, et elle était sujette à des

colères violentes dans lesquelles elle se roulait par terre et déchi-

rait ses vêtements, et qui ne se calmaient que quand on la laissait

seule. C'est à la suite d'une de ces colères que se produisit l'inci-

dent qui a eu une influence si profonde sur sa vie sexuelle. Elle

avait environ trois ans et demi, lorsqu'à la suite d'une con-

trariété dont la cause est oubliée, elle eût une explosion particu-

lièrement vive. Après avoir lacéré ses vêtements, elle avait couru

hors de la maison et s'était roulée avec fureur sur la pelouse du

jardin. On l'avait abandonnée à son sort. Elle s'était calmée peu

à peu et était restée étendue, les vêtements en désordre. Deux chiens

avec lesquels elle jouait chaque jour s'approchèrent d'elle et se

mirent à la lécher à qui mieux mieux sur toutes les parties décou-

vertes. Elle se laissait faire, comme d'ordinaire; elle éprouvait du

plaisir àleurs caresses qui la calmaient. Il arriva que pendant que

l'un des chiens portait sa langue sur les parties génitales l'autre

lui léchait la bouche. Elle éprouva une sensation intense qu'elle

n'a jamais oubliée, mais qu'elle n'a jamais pu définir : cette

sorte de choc était' accompagné d'une tension délicieuse

des organes génitaux. Elle s'enfuit toute honteuse bien

qu'elle ne pût rien comprendre à ce qui lui arrivait. A partir

NOTE SUR UN CAS DE BESTIALITE CHEZ LA FEMME. 499

de cette époque, elle recherchait les caressés des chiens

sachant qu'elle faisait quelque chose de mal et qu'il fallait se

cacher. Elle les attirait dans des bosquets écartés et cherchait à

les amener vers ses parties génitales, généralement en vain. Mais

elle remarqua bientôt que les caresses sur la bouche amenaient

la même excitation agréable des organes génitaux; elles étaient

plus faciles à se procurer et ne provoquaient pas le même sentiment

de honte. Cependant elle rougissait qnand elle se sentait surprise

et se mettait à pleurer. On la gronda plusieurs fois parce qu'elle

attirait les caresses des chiens sur sa bouche avec du sucre ou

d'autres aliments alléchants. Elle croit qu'on n'a jamais compris ce

dont il s'agissait; mais on fit disparaître les chiens. Il y avait

deux ans environ que ces manoeuvres duraient.

La violence de son caractère, qui s'était un peu calmée, se ré-

veilla, elle eut des cauchemars où les chiens tenaient la princi-

pale place. Une femme de chambre qui arriva à lui airacher le

secret de ses regrets, fit de son mieux pour les suppléer mais sans

succès; ses caresses ne provoquaient que du dégoût. Cette inti-

mité fut peut-être surprise ; la femme de chambre disparut un

jour brusquement comme les chiens. Les pratiques qu'elle avait

apprises ne lui donnaient aucun plaisir ; elle ne pensait qu'aux

caresses de ses chiens. Tous les animaux de cette espèce qu'elle

pouvait.apercevoir, elle les suivait du regard aussi loin que pos-

sible, prenant un grand plaisir à leurs caresses réciproques, et se

représentait celles qu'elle pouvait attendre. L'occasion manqua

longtemps ; son imagination ne s'en exaltait que mieux. Elle cher-

chait à se rapprocher des chiens qu'elle rencontrait mais bien peu

répondaient à ses caresses ; un coup de langue sur la main lui

donnait une grande satisfaction et entretenait ses désirs. Les essais

de masturbation ne lui procuraient aucun plaisir. Elle ne connais-

sait la satisfaction complète que par les rêves de chiens qui la

léchaient sur la bouche.

Elle avait onze ans lorsqu'en raison d'une affection pulmo-

naire de sa mère, on l'envoya pour quelques semaines chez

une cousine qui vivait aussi à la campagne. Elle y trouva un chien

de chasse avec lequel elle fut bientôt au mieux. Dès qu'elle pouvait

s'isoler avec lui elle se faisait lécher sur la bouche et sur les par-

ties génitales. Elle le caressait elle-même, et elle essaya plu-

sieurs fois de mettre à profit les érections qu'elle provoquait. Les

frottements qu'elle obtint ou même la pénétration incomplète

ne lui donnèrent pas le plaisir que lui procurait la langue ; elle

renonça à ces tentatives.

Peu de temps après son retour à la maison paternelle, elle eut

ses premières règles qui lui causèrent une émotion très intense

parce qu'elle pensait que sa conduite pouvait en être la cause. Elle

se rassura quand on lui eut donné des explications. A partir de

500 CLINIQUE NERVEUSE.

cette époque elle éprouva surtout quelques jours avant l'écoule-

ment qui était régulier, et sans douleur, ni troubles quelconques,

une excitation sexuelle intense qui lui inspirait des tentatives de

masturbation par des procédés divers qui n'amenaient aucune satis-

' faction. Elle ne connaissait toujours la satisfaction complète que par

les rêves de caresses buccales de chiens. Les jeunes garçons lui

étaient tout aussi indifférents au point de vue sexuel que les jeunes

filles; et elle ne distinguait pas plus les adultes en raison de

leur sexe. Elle sentait très bien la différence quand il s'agissait des

chiens; elle aimait à caresser les chiennes quand elle pouvait en

approcher, mais elle ne recherchait pas leurs caresses. Du reste,

depuis son séjour chez sa cousine elle n'eut plus la possibilité

d'obtenir des caresses capables de la satisfaire; les quelques con-

tacts qu'elle pouvait avoir en passant avec des chiens ne pouvaient

réussir qu'à l'exciter.

Son éducation était très surveillée; cependant les lectures, ses

conversations avec d'autres jeunes filles, les soirées de musique et

de danse avaient donné de nombreuses occasions à ses senti-

ments de s'éveiller. Toutefois, lorsqu'à dix-huit ans passés, on lui

parla pour la première fois de mariage, ce fut pour elle un éton-

nement angoissant. Elle se rendait bien compte qu'il s'agissait

d'une anomalie, mais la satisfaction de l'instinct sexuel était pour

elle inséparable de la langue d'un chien. Elle aimait les enfants,

la famille, la maison, s'occupait avec plaisir des soins du ménage

et avait le plus grand désir de devenir une mère de famille; elle

comprenait la fonction comme un honneur. °

Le fiancé que sa famille avait choisi pour elle, était un homme

de douze ans plus âgé, qui avait déjà conquis une situation hono-

rable. Il lui paraissait parfait autant au point de vue physique

qu'au point de vue intellectuel et moral : elle avait pour lui la

plus complète estime; mais il ne s'agissait pas d'attraction

sexuelle qu'un homme n'avait jamais éveillée en elle. Elle l'ac-

cepta avec la ferme volonté de devenir une femme.

Elle se tint parole : mais la tâche ne fut pas facile. Les rapports

sexuels ne lui inspiraient que de la répugnance : elle les subissait

sans aucune satisfaction. Il en fut ainsi pendant plusieurs mois.

Un soir qu'elle subissait son mari avec la résignation habituelle,

elle eût tout à coup l'idée d'un chien qui lui léchait les lèvres. Ce

fut un coup de foudre, une satisfaction d'une intensité inconnue

même dans les rêves. Ce plaisir lui laissa un sentiment de honte

extrêmement pénible.

A partir de ce moment l'éventualité d'un rapprochement conju-

gal constitua pour elle une obsession des plus douloureuses : il lui

sembla qu'elle ne pourrait plus éviter l'association d'idées. Le fait

est qu'elle ne l'évita plus. Elle redoutait au-dessus de tout cette

satisfaction qu'elle n'obtenait qu'au prix de la honte. Quand le soir

NOTE SUR UN CAS DE BESTIALITÉ CHEZ LA FEMME. 501

arrivait, elle était angoissée, à l'idée que son mari pourrait s'ap-

procher d'elle ; elle ne se calmait et ne pouvait espérer le sommeil

que quand elle le sentait bien endormi. Chaque fois qu'elle avait

éprouvé le plaisir amphibologique qui lui répugnait, elle était

plus révoltée contre elle-même et restait agitée toute la nuit.

Elle devint enceinte au bout de onze mois de mariage. Ce fut

une grande joie pour elle : elle désirait la maternité et c'était un

soulagement que d'éviter les rapports sexuels. Elle accoucha à

terme d'un enfant mâle bien conformé et vigoureux, sans avoir

présenté aucun trouble nerveux. Elle ne pouvait pas manquer

d'accepter l'allaitement avec plaisir. Tout allait bien pendant les

six premières semaines, lorsqu'un jour pendant qu'elle allaitait

son enfant à la fenêtre, elle vit passer un chien; l'idée lui vint des

caresses du chien, elle éprouva une vive excitation génitale. Depuis

elle ne put plus donner le sein sans que l'association avec ses consé-

quences se reproduisit immédiatement. L'excitation génitale était

d'autant plus intense que le repas de l'enfant durait plus long-

temps. Elle rapprochait ces repas pour les abréger et éviter d'arri-

ver à l'orgasme. Elle ne réussissait pas toujours. L'enfant était

chétif, croissait lentement; il prit des convulsions, qui se répétèrent.

et auxquelles il succomba au quatrième mois. Elle attribua sa mort

à son anomalie sexuelle.

Six mois plus tard elle devint de nouveau enceinte. La grossesse

évolua normalement, elle accoucha à terme d'une fille bien confor-

mée qu'elle ne voulut pas allaiter. Elevée par une nourrice l'enfant

eut cependant des convulsions à plusieurs reprises au cours de

l'allaitement. Elle n'a pas échappé à la névropathie comme on le

verra plus tard. '

Les obsessions de chiens qui avaient disparu pendant la gros-

sesse revinrent spontanément de temps en temps mais sans sanc-

tion autrement que dans les rêves ou dans les rapports sexuels

où elles étaient toujours extrêmement pénibles.

Après cinq ans de mariage,- son mari succomba en quelques

jours à une affection aiguë de poitrine.. Bien qu'elle l'estimât à

tous les points de vue, et qu'elle eut toujours vécu avec lui en con-

formité de goûts et d'idées, bien que sa mort la laissât pour un

temps au moins dans une situation difficile, elle reconnaît qu'elle

éprouva une sorte de soulagement, tant était pénible l'angoisse

des rapports sexuels.

Elle se voua à l'éducation de sa fille, et les soins quelle en prit

l'aidèrent à résister à ses obsessions sexuelles, et un désir constant

d'introduire un chien chez elle. Cependant ces obsessions se sont

reproduites avec une intensité variable et à des intervalles plus ou

moins longs, à peu pi es constamment réveillées par la vue des

chiens, pendant toute sa vie sexuelle : et elle a été sujette à des

rêves spéciaux, qui n'ont cessé que environ cinq ans après la

g02 CLINIQUE NERVEUSE.

menstruation, à cinquante-six ans. Il n'existe pas de tare anato-

mique grossière.

Il est à remarquer que, sortie de l'enfance, cette femme, atteinte

d'une perversion sexuelle grave, est restée dans la moralité sexuelle

et a rempli ses devoirs de-femme et de mère ; et on peut dire que

sa moralité s'affirme dans le motif de ses aveux.

Sa fille qui avait été convulsive dans sa première enfance n'a

présenté d'autres troubles névropathiques que des migraines sen-

sorielles périodiques, a eu deux fils qui ont maintenant vingt

et dix-neuf ans et qui malgré l'absence de toute tare du côté

paternel sont atteints de démence précoce. Chez tous les deux la

masturbation a tenu une grande place dans le début de la

déchéance : on peut la considérer comme un symptôme. La

grand'mère y voit une cause, et elle tient à ce qu'on n'accuse pas

sa fille d'une négligence d'éducation : c'est d'elle que tout le

mal vient.

Ce fait est remarquable par plusieurs circonstances :

1° L'éveil de l'anomalie parune double excitation accidentelle

qui met en jeu l'instinct sexuel à un âge précoce. L'excita-

tion concomitante des parties génitales et de la bouche a pro-

voqué une synesthésie qui persiste et est mise en action plus

tard parla simple représentation. Cette circonstance peut per-

mettre de considérer la perversion comme acquise. L'on

peut admettre qu'une telle acquisition nécessite une aptitude

individuelle; elle montre pourtant qu'en bonne hygiène on

doit éviter les chances d'irritation des organes génitaux chez

les enfants, si peu sexuelle que l'irritation puisse paraître.

2° La capacité de la résistance au désir de la satisfaction

de l'instinct perverti, montre bien que la discipline peut

avoir une action sur les perversions sexuelles comme sur les

autres.

3° Le développementde lasynesthésie génito-mamelonnaire

sous l'influence de la vue du chien indique bien pourtant la

gravité de l'intoxication psychique.

4" II est des cas dans lesquels on peut rapporter les troubles

nerveux de l'enfant aux orages sensoriels provoqués par la

synesthésie génito-mamelonnaire de la nourrice; mais la rela-

tion de cause à l'effet est au moins douteuse dans celu-ci, car le

second enfant élevé par une nourrice normale, a cependant

eu aussi des convulsions et a donné naissance à des enfants

tarés.

REVUE CRITIQUE.

Dernières conceptions et définitions de l'hystérie ;

Par le D' ALBERT CHARPENTIER

Lauréat de la Faculté de Médecine de Paris.

M. Bernheim a fait paraître dans le Bulletin Médical

(n° du 8 novembre 1902) un article intitulé : Conception

nouvelle et étiologie de l'hystérie. Une année auparavant,

le 7 novembre 1901, M. Babinski proposait à la Société de

Neurologie de Paris une Définition de l'hystérie1 qui fut

reproduite dans plusieurs journaux. En même temps que la

définition qui synthétise dans une formule les attributs

distinctifs et exclusifs appartenant à cette entité morbide,

l'auteur émettait-nécessairement une conception et une étio-

logie. Nous devons ajouter que les notions émises par

M. Babinski sur l'hystérie ont dû paraître définitives à ses

collègues de la Société puisque, depuis cette époque, aucun

d'entre eux n'a élevé de critiques ni proposé une autre défi-

nition.

C'est parce que M. Bernheim (de Nancy) a émis récem-

ment, dans l'article auquel nous faisons allusion une con-

ception de l'hystérie qu'il qualifie de nouvelle, que nous

avons cru intéressant de comparer ces deux travaux, cha-

cun d'eux avec les travaux antérieurs des auteurs respectifs

et de rechercher si le plus récent, celui de M. Bernheim,

apporte- sur la question des idées nouvelles, contradictoires

ou complémentaires. Le travail de M. Babinski ayant des

droits d'aînesse c'est par son étude que nous commen-

cerons.

' Voir « Extraits des comptes rendus des séances de la Société de

Neurologie de Paris (Masson et Créditeurs).

50 REVUE CRITIQUE.

I. Avant de définir l'hystérie qui est une entité, l'auteur

cherche à définir les manifestations morbides que les neu-

rologistes, d'un commun accord clinique, appellent hysté-

riques. Il essayé de trouver quel est, parmi les diverses

manifestations dites hystériques, le caractère propre, appar-

tenant à toutes et n'appartenant qu'a elles. Il a procédé

comme un physicien qui, voulant définir le mouvement,

commence par définir les corps qui se meuvent. De cette

manière, M. Babinski a été amené à passer en revue, indi-

rectement et en cours d'analyse, les différentes conceptions

que les auteurs se sont faites de l'hystérie. Résumant dans

une phrase, les nombreuses définitions antérieurement

données, il a montré que «les troubles fonctionnels et men-

taux capables d'être provoqués par des causes psychiques;

de se succéder chez les mêmes sujets ; troubles ne retentis-

sant pas gravement sur la nutrition générale ni sur l'état

mental des malades... » ne contenaient pas quoique dits

hystériques le caractère nécessaire et suffisant à toute

définition : appartenir en propre à l'hystérie et n'appartenir

qu'à elle.

La logique scientifique nécessitait une autre définition.

Poursuivant son étude de classification comparée comme

un anatomiste opère la séparation des tissus, l'auteur arrive

à se convaincre que la suggestion renferme la clé du pro-

blème. Le caractère qui définit la manifestation hystérique

c'est la possibilité d'être reproduite par suggestion avec

une exactitude rigoureuse chez certains sujets et de dispa-

raître sous l'influence exclusive de la persuasion.

Comme définir ne consiste pas seulement dans la substi-

tution d'un mot à un autre, dans la réalisation d'une

abstraction verbale, l'auteur s'explique sur le sens qu'il

attribue aux mots suggestion et persuasion. Ce sens, il le

prend dans le Dictionnaire de Littré avec l'acception pleine,

étymologique. Suggestion implique quelque chose de nui-

sible, de déraisonnable dans l'acte que l'on veut faire accom-

plir à autrui; persuasion au contraire, sous-entend que

l'acte à accomplir est en harmonie avec la réalité, avec le

bon sens.

Dire à quelqu'un de bien portant que son bras droit se

paralyse, qu'il est paralysé, c'est opérer une suggestion car

c'est faire accomplir à quelqu'un de sensé une chose dérai-

DERNIÈRES CONCEPTIONS ET DÉFINITIONS DE L'HYSTÉRIE. 505

sonnable. Déclarer à un malade atteint de monoplégie

psychique que sa paralysie va disparaître dans quelques ins-

tants sous l'influence de sa volonté rééduquée, c'est guérir

par persuasion, car c'est faire accepter par autrui une

idée éminemment raisonnable et en harmonie avec la réalité.

On voit que l'auteur, pour être précis dans un ordre

d'idées qui commandera des conclusions logiques, a distin-

gué la suggestion de la persuasion d'accord en cela avec

le langage populaire -, bien que le vocabulaire médical

emploie souvent ces deux mots l'un pour l'autre. 112 ? 8'ây ;v

binski, par la définition qu'il donne des manifestations,

hystériques, les fait rentrer au point de vue de l'étiologie ? et

du mécanisme dans le domaine des phénomènes psychiques- ? ?

(ou mentaux) puisqu'il les subordonne d'une manière intime^

à la suggestion ou auto-suggestion et à la persuasion, phé-

nomènes mentaux. Il y a plus : par sa définition, l'auteur

distingue nettement les manifestations hystériques d'avec

d'autres manifestations, également mentales, comme les

troubles neurasthéniques, les phobies, la maladie du doute,

les délires conscients... qui précisément ne sont pas, ainsi

que les premières, susceptibles d'être reproduites avec

rigueur et de disparaître complètement par persuasion.

Si nous insistons sur cette conséquence de la définition

c'est que, dans la dénomination des phénomènes mentaux,

il règne chez la plupart des auteurs une confusion regret-

table. Beaucoup emploient indifféremment les qualificatifs :

hystérique, psychique, fonctionnel, comme s'ils s'équiva-

laient. Une crampe des écrivains est une maladie fonction-

nelle. On ne peut pas dire que c'est une manifestation

psychique ni hystérique. La maladie du doute est un trouble

mental ou psychique (ces deux mots étant synonymes, l'un

latin, l'autre grec), mais ce trouble n'est pas hystérique.

Le spasme musculaire qui accompagne certaines affections

organiques (Rétrécissements de 1'urèthre, de l'oesophage,

etc. ! ) est un trouble fonctionnel, mais non mental ni hysté-

rique. Ces exemples, que nous pourrions multiplier, ne sont

que l'illustration clinique de la définition émise par l'auteur

puisque ces diverses affections, distinctes les unes des

autres, le sont aussi des troubles hystériques comme n'étant

pas susceptibles d'apparaître par suggestion chez certains

sujets et de disparaître e2tièreme2G pa· e·sacasaon.

506 REVUE CRITIQUE.

Il va sans dire que si la définition de l'hystérie vaut pour

distinguer entre eux les accidents psychiques, elle vaut a

fortiori pour différencier les manifestations purement

mentales des manifestations par lésions organiques. Des

phénomènes tels que'l'exagération unilatérale d'un réflexe

tendineux, l'abolition du réflexe pupillaire à la lumière,

l'hypotonicité musculaire, la fièvre continuer etc., phéno-

mènes qui ne sont pas psychiques ne peuvent appartenir à

l'hystérie. Cette énonciation qui paraîtra évidente et banale

est loin d'être en harmonie avec l'opinion de tous les auteurs

classiques, avec toutes les observations publiées sur les

phénomènes « hystériques » et sur les guérisons pas sug-

gestion (lisez persuasion).

Après avoir ainsi défini les accidents hystériques, l'auteur

s'occupe de l'hystérie elle-même.

L'hystérie en puissance, potentielle, l'hystérie sans mani-

festation est une entité, une abstraction.

L'auteur la définit « un état d'esprit en vertu duquel on

est apte à présenter des manifestations hystériques » et par

conséquent, en remplaçant « manifestations hystériques »

par leur définition : L'hystérie est un état psychique rendant

le sujet qui s'y trouve capable de s'aulo-suggestionner,

d'être suggestionné et d'être guéri sous l'influence exclusive

de la persuasion .

Il est une forme de la persuasion qui joue un grand rôle

dans la thérapeutique des manifestations hystériques : c'est

l'hypnotisme.

M. Babinski, dans un travail ancien, développant l'opi-

nion de son maître Charcot, avait déjà montré les relations

de nature qui unissent l'hypnotisme et l'hystérie con-

trairement à l'opinion soutenue par l'école de Nancy et en

particulier par M. Bernheim,

L'auteur reprend cette fois avec précision la définition de

l'hypnotisme : « C'est un état psychique rendant le sujet

qui s'y trouve susceptible de subir la suggestion d'antrui.

Il se manifeste par des phénomènes que la suggestion fait

naître, que la persuasion fait disparaître et qui sont iden-

tiques aux accidents hystériques. »

' Voir Diagnostic différentiel de l'hémiplégie organique et hystérique,

paL Babinski (Extrait de la Gazette des Hôpitaux des 5 et 8 mai 1900.

Imprimerie Levé).

DERNIÈRES CONCEPTIONS ET DÉFINITIONS DE L'HYSTÉRIE. 507

En somme, entre l'hystérique et l'hypnotisé il n'y a pas

une différence de nature ; un seul point les sépare : l'hysté-

rique est actif (auto-suggestion) tandis que l'hypnotisé est

passif (suggestion et persuasion d'autrui).

II. Reportons-nous dix ans en arrière et relisons les tra-

vaux de M. Babinski qui ont pour titres : Hypnotisme et

Hystérie'; Association de l'hystérie avec les maladies

organiques du système nerveux, les névroses et diverses

autres affections 2 ; Contractures organique et hystérique3;

Paralysie faciale hystérique \ etc..

Dans tous ces travaux on constate chez l'auteur la préoc-

cupation constante de trouver par l'examen objectif des mani-

festations morbides les caractères ressortissant en propre

aux maladies organiques du système nerveux et les carac-

tères positifs ou négatifs qui appartiennent à l'hystérie.

L'auteur, tout en admettant avec Charcot que l'hystérie

est la grande simulatrice, cherchait par l'analyse minutieuse

des symptômes à prouver que l'hystérie simule grossière-

ment, pour qui n'y regarde pas de près, mais qu'avec un

marteau-percuteur, une aiguille, une bobine à courants

faradiques et un peu de patience, on peut, le plus souvent,

dépister la nature hystérique d'une manifestation.

L'auteur se faisait déjà de l'hystérie la conception que

nous venons de résumer. Dans le travail sur les « Contrac-

tures organique et hystérique » l'auteur rejette en partie

l'opinion de Richer qui place la contracture organique sous

la dépendance d'une lésion du faisceau pyramidal et la con-

tracture hystérique sous la dépendance d'un trouble fonc-

tionnel de ce faisceau,. M. Babinski énumère les raisons qui

lui font penser que la contracture hystérique est identique à

une contraction volontaire prolongée. Nous citons cet

exemple important pour bien montrer que l'auteur, depuis

dix ans déjà, considère l'hystérie comme un état psychique

particulier, le plus souvent comme un trouble de la volonté

' Hypnotisme et Hystérie (1891), G. Masson, édit.

° Association de l'Iletéi,ic avec les maladies organiques... etc. (1892)

G. Masson, édit.

' Contractures organiques et hystériques (1S93), G. Masson, édit.

' Paralysie faciale hystérique (1892), G. Masson, édit.

508 REVUE CRITIQUE.

et de l'imagination, mais jamais comme une infection ou

une intoxication localisée fonctionnellement et capable de

produire des manifestations extraordinaires, des paralysies

et des contractures entous points semblables à celles qui

sont créées par des lésions encéphaliques ou médullaires.

Jamais l'hystérie ne fera une paralysie radiale avec con-

' servation de la contraction du long supinateur, comme

l'intoxication saturnine en réalise couramment. Jamais

l'hystérie ne réalisera une paralysie spasmodique avec incon-

tinence des matières, incontinence d'urine, exagération des

, réflexes rotuliens, achilléens, épilepsie spinale légitime,

etc... Et nous prenons à dessein un exemple où les symp-

tômes produits par la lésion médullaire ont un aspect

d'exagération presque dramatique. Comparons avec une

paraplégie hystérique : La démarche est bizarre, titubante

avec fracas, l'incontinence d'urine, si elle existe, n'a pas le

caractère de régularité dans l'échappement, l'incontinence

des matières fait défaut (parce que rarement l'hystérique

consentira à n'être pas propre) les réflexes tendineux sont

normaux, etc.

Parmi les travaux de l'auteur à cette époque il en est deux

sur lesquels nous devons insister particulièrement, parce

qu'ils ont une importance doctrinale. Le premier c'est

« V Association de l'hystérie avec les maladies organiques, les

névroses et diverses autres affections ». Avec Charcot, l'au-

teur montre que « l'hystérie est une des affections les plus

répandues et que bien peu d'individus, selon lui, ne peuvent

dans certaines circonstances en subir les atteintes ». C'est

une névrose qui s'associe aux maladies les plus diverses. Et

il cite : une observation d'hémiplégie avec paralysie mo-

trice organique (contracture, exagération des réflexes,

épilepsie spinale, etc.) et hé7zzi-azesthésie sensilivo- senso-

7,ielle hystérique (guérison rapide de l'hémianesthésie par

l'application d'un aimant) ; une observation de paralysie

faciale consécutive à une fracture du rocher, associée à

l'hystérie (troubles locomoteurs, démarche ébrieuse, ver-

tiges. Disparition des troubles hystériques sous l'influence

de la suggestion), etc...

Ce travail sur les associations hystéro-organiques met en

valeur l'intérêt qui s'attache au relevé détaillé des observa-

tions, à l'analyse minutieuse des phénomènes, et au dia-

DERNIÈRES CONCEPTIONS ET DEFINITIONS DE L'HYSTÉRIE. 5O

gnostic « en série morbide » permettant seul de vérifier si

tous les symptômes observés sont justiciables de la même

interprétation. De cette manière, on dépiste la part hysté-

rique surajoutée et on interprète avec d'autant plus de

justesse les guérisons obtenues que celles-ci paraissent plus

merveilleuses.

Le deuxième travail est intitulé : Hypnotisme et hystérie,

du rôle de l'hypnotisme en thérapeutique. Ici, l'auteur

réfute les idées de l'École de Nancy sur l'hypnotisme, la

suggestion, idées soutenues particulièrement par M. Bern-

heim. Pour ce dernier, nous le savons déjà, l'hypnotisme

est un état physiologique, comme le sommeil naturel.

M. Babinski démontre 1° par l'analyse comparative des

manifestationshystériques etdes manifestations hypnotiques,

qu'elles sont identiques ; 2° que le sommeil hypnotique à

moins que l'on ne joue sur le sens des mots n'est pas

obtenu chez tout le monde, tant s'en faut; 3° que la sug-

gestion hypnotique, absolument comme la persuasion à

l'état de veille (procédé plus ancien) ne guérit complètement

que les manifestations hystériques; 4° que, parmi les cures

citées par M. Bernheim dans ses deux livres et obtenues par

la suggestion, la plupart se rapportent à l'hystérie et que,

pour les autres (maladies non hystériques) le diagnostic,

non seulement n'est pas scientifiquement établi mais paraît,

à la seule lecture, devoir être réformé.

III. M. Bernheim, dans son récent travail, donne de

l'hystérique la définition suivante : Un hystérique est un

sujet qui a un appareil hyslé ? -ogè ? 2e très développé et facile

à émouvoir. Cette substitution des mots « appareil hystéro-

gène » au mot « hystérique » dans l'espoir d'une définition

rappelle un peu celle qu'un médecin donna jadis de la

vertu dormitive de l'opium.

Après cette définition, l'auteur montre que l'hystérie est

souvent associée à la neurasthénie, à la mélancolie, à la

confusion mentale, à l'anxiété nerveuse. M. Bernheim paraît

avoir à coeur de faire un diagnostic différentiel précis, de

dégager ce qui est organique et ce qui est hystérique : « Le

clinicien saura par une étude approfondie, démêler cet

écheveau symptomatique, complexe, et savoir ce qui est

primitif, ce qui est consécutif. Il n'attribuera pas à l'hysté-

510 REVUE CRITIQUE.

rie, par exemple, tout l'ensemble des manifestations pré-

sentées par un hystérique... L'hystérie peut n'être qu'une

manifestation secondaire greffée sur la neurasthénie primitive

ou sur la mélancolie primitive » (Bullet. niéd., page 938). Et,

l'auteur, après avoir parlé, à propos de l'anorexie nerveuse,

« d'une psychose d'évolution qu'il croit infectieuse, comme

la chlorose, l'ostéomyélite, la chorée » et après avoir dit que

«le fond de cette maladie est psychique mais que la sugges-

tion cependant ne supprime pas l'anorexie, » insiste sur la

part que la suggestion peut enlever dans les psychoses :

« dégager l'élément psychique auto-suggestif, ramener la ma-

ladie à ce qu'elle est réellement. Je devais insister sur cette

distinction dont la méconnaissance est grosse de déceptions

pour tous ceux qui manient la thérapeutique suggestive ».

(Bull. Med. p. 938).

N'avons-nous pas déjà vu les mêmes idées dans les leçons

du mardi de Charcot et dans le travail précédemment cité

sur « l'Association de l'hystérie avec les maladies organe-

ques, les névroses, et diverses autres affections » ? Dans

tous les cas, combien l'auteur est loin de ses affirmations

anciennes, loin de cet optimisme curateur que l'on trouve

en tête de chaque observation clinique dans les deux livres

qui ont pour titre De la suggestion (1886) et Hypnotisme,

Suggestion, Psychothérapie (1891).

Pour ne parler que du dernier, l'auteur a groupé les

observations de malades guéris par la suggestion hypnotique

de la façon suivante : 1° observations de névrose trauma-

tique ; 2° observation d'hystérie convulsive ; 3° troubles

hystériques divers : li-0 observations de ciiorée ; 5° observa-

tion de tétanie; 6° observation de névroses génitales; 7°

observation de névroses psychiques ; 8° alcoolisme ; 9°

affections neurasthéniques ; 10° observation de nervo-arthri-

tisme ; il° observation de troubles menstruels; 12° névral-

gies ; 13° rhumatismes ; 1r° affections spinales ; '15° Troubles

liés à des affections organiques diverses ; 160 troubles

menstruels ; 17° observation de suggestion par métallothé-

rapie et magnéto-thérapie.

Sur les 208 observations relatées et étiquetées par

M. Bernheim lui-même, il n'y en a que 32 sous la dépen-

dance de l'hystérie. (Nous avons souligné les affections net-

tement organiques qui, d'après l'auteur, auraient guéri

dernières conceptions ET définitions DE l'hystérie. 5 M

par suggestion). L'auteur, à cette époque, prétendait non

seulement hypnotiser tout le monde, mais encore guérir

des affections très diverses, qu'il n'appelait pas hystéri-

ques, par la suggestion. Nous ne reprendrons pas une à

une les observations publiées dans ces deux volumes,

mais nous rappellerons les lignes que M. Bernheim écrivit à

propos d'une affection, étiquetée cérébelleuse (Obs. CII :

Psychothérapie) et dont certains symptômes, non des

moindres, guérirent par les aimants : « N'est-ce pas une

« chose étrange et presque merveilleuse de voir une affec-

« tion aussi grave, des symptômes aussi complexes, de la

« titubation et un vertige datant de plus de sept ans qui

a avaient résisté aux traitements les plus énergiques, céder

« en quelques heures à l'application d'un morceau de fer

« aimanté ? » Il faut s'étonner que ce procédé si simple pour

guérir les affections cérébelleuses n'ait pas obtenu plus de

faveur de la part des neurologistes... et des malades.

Revenant à son récent travail, nous constatons que l'au-

teur a sensiblement modifié ses idées, mais nous ne voyons

pas que sa conception soit nouvelle.

« La chorée n'est pas hystérique, mais hystérogène »,

écrit-il, page 939. Ce qui veut dire que l'hystérie peut s'as-

socier à la chorée de Sydenham, comme elle s'associe à

l'épilepsie, au tabes, à la sclérose en plaques etc...

Dans les pages qui suivent, l'auteur démontre par des

exemples multiples, dont quelques-uns empruntés à son

livre, l'association de l'hystérie aux maladies organiques du

système nerveux (Epilepsie et hystérie ; angine de poitrine

vraie et fausses-crises ; tabes et hystérie, etc.). Nous répé-

tons que cette énonciation réitérée de faits exacts et connus

ne constitue pas une « conception nouvelle » de l'hystérie.

L'auteur, étudiant ensuite plus particulièrement l'étiologie,

donne une place importante au traumatisme. Peut-être

n'est-il pas inutile de rappeler que c'est à Charcot que revient

l'honneur d'avoir démontré et magistralement décrit l'hys-

téro-traumatisme, que l'on a appelé à tort depuis « la

névrose traumatique ».

L'auteur, à propos des hystéries dites toxiques ou infec-

' Cas de Charcot, ltaymond, Mathieu, Séglas, Babinski, Souques,

Oppenheira, liemack, Bernhardt, Manuel, etc..

S13 revue critique.

tieuses écrit : « L'hystérie n'est pas fonction de toxique ni

de toxine ; ce n'est pas non plus une maladie autonome

c'est un appareil symptomatique dû à l'éniolivilé qui peut

se greffer sur des étals morbides divers » (loc. cit., p. 941).

Peut-on dire cette fois que l'auteur ait défini l'hystérie

d'une façon nouvelle ou même seulement complémentaire ?

Il serait facile de prouver que « tous les appareils sympto-

« matiques dus à l'émotivité et pouvant se greffer sur des

« états morbides divers » ne sont pas hystériques. Un

diabétique, par exemple, qui à la suite d'une émotion

présente l'appareil symptomatique de la mélancolie (refus

d'aliments, idées bizarres, de suicide, etc.) ne peut être

étiqueté « hystérique ». Cette définition pécherait donc au

moins par ce caractère fondamental de ne pas énoncer des

attributs appartenant en propre à l'hystérie et n'appartenant

qu'à elle.

Ni, Bernheim termine son travail par ces mots : « Dans ce

« court aperçu qui se complétera et s'éclairera par la lec-

« ture de nos observations dont il constitue comme une

« synthèse clinique, j'ai cherché à établir l'origine psychique

« des crises d'hystérie générale et locale dans leurs nom-

« breuses variétés » (1. c., p. 94'2).

Peut-être l'auteur généralisant, paraphrasant ces lignes, et

assimilant à juste titre « l'origine psychique » et la sugges-

tion, répondrait-il qu'il est de ceux qui ont depuis longtemps

montré toute la valeur de la suggestion dans les manifesta-

tions cliniques de l'hystérie et dans la thérapeutique.

Nous ne voudrions pas retirer à M. Bernheim la part active

qu'il prit à propager la suggestion et la thérapeutique

suggestive. Ce que nous lui reprochons, après beaucoup

d'autres, c'est d'avoir étendu tellement la suggestion qu'il la

trouve partout et d'avoir, par une généralisation verbale,

confondu des choses de nature différente. « La suggestion

est l'acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau

et acceptée par lui », dit M. Bernheim dans son livre (p. 24).

L'auteur confond suggestion et persuasion, suggestion et

croyance. Le cerveau à qui l'on fait accepter l'idée de la

réalité des rayons Roentgen est-il suggestionné ? Evidem-

ment non. Il est persuadé ou convaincu. Pour être clair,

on doit garder au mot suggestion son sens étymologique

défavorable.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 513

De l'étude comparative des travaux que nous avons passés

en revue, il ressort, pour nous, que le récent travail de

- àl. Bernheim ne justifie pas son titre, puisqu'il n'apporte

pas une conception nouvelle de l'hystérie, mais une atté-

nuation à certaines affirmations anciennes. Le travail anté-

rieur de M. Babinski nous paraît justifier son titre. Il

apporte une définition de l'hystérie que nous croyons

nouvelle et surtout inattaquable, une véritable « commune

mesure » à laquelle les auteurs seront forcés de se reporter

pour juger en présence d'un complexus difficile ou nou-

veau s'il doit ou non être dénommé hystérique'.

ENSEIGNEMENT.

La clinique psychiatrique de l'Université de

Giessen (Grand-Duché de Hesse). 2;

Par M. LE D' Paul SÉRIEUX,

Médecin en chef de la Maison de santé de Ville-Evrard.

En 1835. le professeur de psychiatrie F. v. Ritgen proposa la

fondation d'un hôpital destiné aux aliénés curables et qui devait

être annexé à l'Université de Giessen; son projet, bien qu'approuvé

par une des Chambres du Grand-Duché de Hesse ne put être mis

à exécution. Un nouveau projet fut soumis aux Chambres en 4845;

on n'enseignait alors la psychiatrie que dans les deux Universités

de Berlin et de Greisswald. Wolff demanda au Parlement « la cons-

truction d'un établissement universitaire autonome pour les aliénés

curables»; il proposait une clinique de 50 à 00 lits, et insistait sur

l'utilité de l'enseignement des maladies mentales. La solution fut

encore ajournée. En 1848, la Faculté de médecine intervint, sans

pouvoir faire aboutir le projet, malgré de longues discussions.

' M. le professeur Grasset (de Montpellier) vient de faire paraître un

livre intitulé « l'Hypnotisme et la suggestion », dans lequel il expose une

théorie de l'Hystérie et de la Suggestion basée sur un schéma des fonc-

tions cérébrales : le Centre 0 et le Polygone. Nous essaierons prochaine-

ment de passer en revue cet ouvrage.

2 Voir P. Sérieux, les Cliniques psychiatriques des Universités alle

mandes. Archiv. cl. Neurologie 1900-1901, 11-- 57, 59, 60, 61, G3.

AI1CHIVES, ° Sél'iC, t. YV. 33

8 14 - ENSEIGNEMENT.

En 1878, la Faculté émit un nouveau voeu en faveur de la créa-

tion à Giessen d'un institut psychiatrique. Ce n'est qu'en 1890 que

la construction de la clinique commença.

Le plan primitif de Ludwig, directeur de l'asile de Heppenheim,

a dû être modifié sur les'indications du professeur Sommer, qui

fut nommé directeur de la clinique au moment où les construc-

tions commençaient à s'élever. La plus utile de ces modifications

fut la suppression des galeries couvertes prévues pour relier les

différents pavillons. Cette disposition, qui devait si heureusement

transformer la physionomie de la clinique, eut aussi pour résultat

une économie de 190 000 francs.

La construction des bâtiments a nécessité une dépense de

un million de francs. L'ameublement, les appareils ont coûté

150 000 francs. Le prix de revient du lit est de 11 000 francs.

L'inauguration de la clinique de Giessen eut lieu en 18961. l.

Avant d'aborder la description détaillée des divers pavillons qui

composent la clinique de Giessen, nous résumerons les caractéris-

tiques de cet établissement.

Nombre peu élevé des malades (80 à 100 lits).

Proportion relativement considérable du nombre des pavillons

(huit pour 80 à 100 malades).

Absence de galeries couvertes.

Différenciation de chaque pavillon avec adaptation spéciale à la

catégorie de malades qu'il doit recevoir.

Multiplicité et organisation très complète des salles de surveil-

lance continue avec installation de baignoires, lavabos, water-

closets dans les salles mêmes.

Installation de chambres d'examen clinique à proximité des salles

de surveillance. '

Proscription des moyens de contrainte (restrâint) et des moyens

de sûreté, tels que murs, grilles, (sauf, pour ces dernières, dans le

pavillon d'isolement).

Emploi presque exclusif de ['alitement et du traitement par les

bains prolongés dans les accès d'agitation.

Proscription de l'isolement cellulaire.

Connexion étroite des salles de surveillance continue avec les

locaux destinés aux agités.

Logements des médecins situés à proximité des salles de surveil-

lance continue (la surveillance et l'assistance médicales devant être

aussi rapprochées que possible des malades qui en ont le plus

besoin).

Installation téléphonique très complète.

Eclairage électrique.

' La Faculté de médecine de Giessen compte 17 Professeurs et Privat-

Docenten et 149 étudiants.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITE DE GIESSEN. 818

Chauffage, central (vapeur à basse pression).

Distribution d'eau froide {de source) et d'eau chaude à volonté

dans chaque pavillon, d'où possibilité de traiter facilement par

les bains tièdes les agités et les sujets atteints d'eschares.

Abondance des locaux pour les recherches scientifiques et pour

l'enseignement psychiatrique (laboratoires de psychologie patholo-

gique et autres).

Proportion considérable du personnel médical et des infirmiers

(un infirmier pour 2,5 à 3 malades; cinq médecins pour 80 à

100 malades).

Installation de la clinique.

Plan D'ENSEMBLE. La clinique de Giessen (Psychiatrische Kli-

tzik zu Giessen) est située à l'extrémité Sud de la ville. Le terrain

d'assiette est rectangulaire ; les plus grands côtés sont orientés

vers le N.-E. et le S.-O. La superficie en est de 26.189 mètres

carrés; la superficie des constructions est d'environ 3,780 mq.

La clinique est complètement isolée, point important pour un

établissement psychiatrique. Non loin s'élèvent le nouvel institut

d'hygiène, les autres cliniques (de gynécologie, de médecine interne,

d'ophtalmologie, de chirurgie), l'Institut d'anatomie pathologique.

C'est là une disposition que nous avons rencontrée dans un grand

nombre de villes universitaires d'Allemagne et de Russie, où cli-

niques et instituts divers, placés à proximité les uns des autres,

tout en restant complètement indépendants, forment un quartier

universitaire. On apprécie fort, dans ces villes, les avantages mul-

tiples de ce groupement des différents Instituts universitaires dans

le même quartier ; les étudiants peuvent ainsi, sans perte de temps,

suivre les différents cours cliniques. Ajoutons que ces cours n'ont

pas lieu, comme à Paris, tous à la même heure.

En outre, cette proximité des divers établissements universi-

taires a pour avantage de permettre de transférer les malades des

autres services hospitaliers at la clinique psychiatrique et récipro-

quement, dans les meilleures conditions. Cette situation de la

clinique est encore très favorable au point de vue de l'enseigne-

ment ; elle permet, en effet, aux étudiants de fréquenter le service

en dehors des heures de cours et de se familiariser comme on

le fait dans les cliniques d'accouchement avec diverses manifes-

tations pathologiques (ictus de la paralysie générale, délires épilep-

tiques), qui ne peuvent qu'exceptionnellement être présentées aux

heures des leçons. La faculté accordée aux étudiants de suivre les

malades en dehors des heures de cours est de nature, dit M. Dan-

nemann, à leur donner des notions plus précises sur les troubles

psychiques et à graver plus profondément dans leur esprit les faits

dont ils ont déjà été témoins à la salle des conférences.

SI 6 . ENSEIGNEMENT.

Des jardins de la clinique, on jouit d'une belle vue sur les bois

et les ruines de la vallée de la Lahn.

Les plantations ont été l'objet de soins tout particulier : elles

s'étendent jusqu'aux limites du terrain; du côté de la façade, elles

sont séparées de la rue par une grille légère; sur les autres côtés,

la clôture n'est formée que par un léger grillage de 4m50 de hau-

teur. Grâce à ces modes de clôture, l'impression est des plus

agréables; rien ne vient limiter la vue et donner le sentiment de

la privation de la liberté.

Le parc est traversé par de larges avenues disposées de façon

que l'entrée de chaque pavillon est précédée d'un bosquet de sapins.

Ce bouquet d'arbres sert à isoler chaque pavillon au point de

vue optique, en même temps qu'il est utilisé par les malades auto-

risés à se promener dans le parc, qui peuvent venir se reposer

sous des berceaux de verdure ombreux.

Les malades des pavillons de tranquilles (pavillon n° 11) ont la

jouissance des jardins d'agrément situés des deux côtés du jardin

potager, derrière les pavillons, et dans lesquels se trouve une

butte artificielle. Les pensionnaires ont à leur disposition exclu-

sive le jardin qui entoure leur pavillon ; on y accède par un escalier

latéral. Les quartiers d'agités de chaque sexe possèdent un jardin

entouré d'un mur; on a évité tout ce qui aurait rappelé les

« préaux d'agités » des anciens asiles; des pelouses, des planta-

tions, des vérandas, des meubles de jardin ornent et égayent ce

jardin d'agités; rien n'y rappelle sa destination spéciale à des

aliénés.

Du côté S.-E. du terrain et dans le voisinage de la villa du pro-

fesseur, les plantations sont plus fournies. Derrière le pavillon des

agitées (femmes), se trouve une pépinière.

L'impression produite par l'ensemble des bâtiments de la cli-

nique disséminés dans un parc, sans galeries couvertes reliant les

pavillons entre eux, est des plus favorables. Les villas composant

la division des hommes et celle des femmes sont symétriquement

disposées autour du bâtiment principal et de la cuisine situés au

milieu delà clinique; mais on a cherché à masqner la symétrie

au lieu de l'accentuer, comme dans la plupart des asiles anciens,

par la rigidité et la monotonie des galeries couvertes ainsi que

par l'uniformité des divers quartiers. Les pavillons de chaque

division diffèrent, en effet, les uns des autres : comme ils ont cha-

cun une fonction différente à remplir, on s'est bien gardé dé les

calquer tous sur le même plan.

Rien dans leur aspect qui donne l'idée d'un hôpital ou d'un

asile d'aliénés; ce sont des villas élégantes entourées de verdure

et de bosquets, dont le toit en saillie et les motifs de décoration

rappellent l'aspect extérieur des chalets suisses. Les jardins, nous

l'avons vu, n'ont rien de commun avec les préaux de certains

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. SI 7

asiles; ils ne sont pas clos, sauf le jardin des agités. Point de

murs d'enceinte, mais une grille sur la rue, et, sur les autres

côtés, une clôture insuffisante pour empêcher les évasions.

L'examen de l'aménagement intérieur des divers pavillons ne

détermine pas une impression moins bonne que celle de la vue

d'ensemble : lumière et air à profusion, grâce à des fenêtres très

hautes et très larges;-propreté extrême, par l'emploi généralisé

du linoléum; bonne tenue du personnel; organisation très

complète de chaque pavillon, avec un souci extrême des moindres

détails et des exigences spéciales auxquelles chacun d'eux doit

satisfaire ; installation excellente des salles de surveillance;

aménagements spéciaux pour le traitement par le lit, les bains de

traitement; -absence des moyens de contention.

L'absence de galeries couvertes reliant les divers pavillons et

bâtiments (galeries prévues par le plan primitif), n'a présenté aucun

inconvénient; on n'a donc pas eu à regretter l'abandon du projet

antérieur. La crainte avait été exprimée de voir le transport des

aliments rendu difficile par suite de la dissémination des pavillons;

cette appréhension n'était pas fondée. D'ailleurs, chaque pavillon

possède un office-tisanerie avec appareil de chauffage au gaz et

fours permettant de remédier à certains inconvénients. On n'a

pas eu besoin d'avoir recours à des chariots spéciaux pour le trans-

port des aliments.

La segmentation de chaque division d'hommes et de femmes en

pavillons distincts n'a donc présenté que des avantages; l'expé-

rience, dit M. Dannemann, prouve que, même pour un petit

établissement, on doit adopter le système de la dispersion des

pavillons, mais en tenant compte de l'augmentation du personnel

nécessité par cette disposition. La physionomie des asiles conçus

d'après ce plan est entièrement modifiée. Les malades, répartis

par petits groupes suivant leurs affinité ? , n'exercent plus les uns

sur les autres une influence fâcheuse ; les altercations deviennent

plus rares; l'isolement est de moins en moins employé; le contrôle

médical s'exerce d'une façon active, non seulement par de courtes

visites, mais par suite du logement des médecins dans les pavil-

lons de malades.

Le nombre de ces pavillons est de huit : 4, situés du côté Est,

sont destinés aux femmes ; les 4 pavillons du côté Ouest aux

hommes. Chaque pavillon est, dans chaque division d'hommes et

et de femmes, affecté aux sujets des catégories suivantes :

1° Tranquilles, pensionnaires, malades cultivés;

2° Tranquilles ayant besoin d'une surveillance continue ;

3° Agités ;

4° Sujets à isoler. Aliénés criminels.

Entre les deux groupes de pavillons sont placés le bâtiment d'ad-

ministration et d'enseignement et la cuisine. Isolée des services

ru' 1 S' ENSEIGNEMENT.

de la Clinique, la villa du Professeur, de vastes proportions, est

située à l'angle N. du terrain ; elle se trouve ainsi, conformément

aux desiderata formulés par Jacobi, suffisamment éloignée des

pavillons, mais assez près cependant pour faciliter au Professeur

l'accomplissement de ses'devoirs professionnels.

Tous les bâtiments sont construits sur des caves dont la hauteur

au-dessus du sol varie de 1 mètre à m. 50. A l'exception du bâti-

ment principal, ils possèdent un toit en saillie dans le genre de

celui des chalets.

Bâtiment principal. Ce bâtiment, élevé de deux étages, en

façade sur la rue, sert à l'enseignement, aux recherches scientifi-

ques et aux services administratifs. La partie médiane de la façade

fait saillie en avant-corps. La face postérieure du bâtiment est

munie de deux ailes de peu d'étendue ; à sa partie médiane se

trouve l'escalier. L'entrée principale de la clinique, située entre la

loge du concierge et celle d'un garçon de service, donne accès dans

un vestibule de vastes proportions dont la voûte est soutenue par

deux colonnes. Sur les murs trois médaillons en relief de Pinel,

Conolly et Griesinger.

Dans le vestibule aboutissent de chaque côté deux larges corri-

dors ; un escalier très large conduit au ler étage. Les locaux du

rez-de-chaussée situés dans la moitié droite du bâtiment sont

réservés à la policlinique (consultations externes), âIaj6< ? o</tMe

et au Laboratoire d'anatomie.

La « policlinique pour les maladies mentales et nerveuses » com-

prend une salle d'attente, une chambre noire pour l'ophtalmos-

copie et une salle de consultations munie de tous les appareils né-

cessaires pour l'examen des malades : (appareils électriques pour

courants constants et faradiques, instruments pour l'examen du

sang, de la sensibilité, du fond de l'oeil, des réflexes (appareil mul-

tiplicateur des réflexes du Professeur Sommer), pour la craniomé-

trie, etc.)

Le laboratoire d'anatomie, silué dans l'aile postérieure, sert à la

conservation des pièces anatomiques (cerveaux et moelle) ; il est

utilisé en outre comme salle d'autopsie et possède sur le jardin

une entrée spécialement réservée au transport des corps ; enfin, il

sert de laboratoire clinique pour la Policlinique.

Dans le sous-sol sont situés la lingerie, les salles de bains du per-

sonnel médical et des employés, le magasin d'approvisionnement.

La moitié gauche du bâtiment principal comprend, au rez-de-

chaussée, deux pièces servant de bureaux administratifs avec le

poste téléphonique central, la salle à manger des assistants, un

cabinet mis à la disposition des prêtres, et, dans l'aile postérieure,

deux chambres pour le médecin assistant chargé de la division des

femmes.

clinique psychiatrique DE L'UNIVERSITÉ DE GIESSEN. 319

Le premier étage est presque exclusivement réservé aux besoins

de l'enseignement et des recherches scientifiques. Les murs du

vaste corridor qui occupe toute la partie postérieure du 1 ? étage

sont couverts d'une collection de plans d'asile anciens et moder-

nes, allemands et étrangers, qui montrent aux élèves les étapes

successives de l'assistance des aliénés, depuis les couvents trans-

formés en asiles jusqu'aux établissements à pavillons dispersés.

On y voit encore des collections de photographies, de crânes, qui

en font un véritable Musée psychiatrique. -

Au milieu du bâtiment se trouve la salle des cours avec 50 pla-

ces : chaque auditeur, commodément installé, a, à sa disposition

une table mobile. Sur les parois delà salle, 40 planches d'anatomie

cérébrale macroscopique. Dans la salle sont conservées les collec-

tions de préparations microscopiques, les photographies diaposi-

tives, les cylindres phonographiques. Le Professeur fait ses leçons

placé sur une tribune, sur laquelle prennent place les médecins

assistants. Il y a un appareil à projection (de Zeiss), qui sert aussi

à la démonstration des microphotographie*. Les projections pho-

tographiques sont très employées pour l'enseignement. En outre

d'une série de coupes physiologiques et pathologiques des diverses

régions de l'encéphale et de la moelle, M. Sommer possède une

riche collection de types cliniques des diverses affections du système

nerveux c de sorte qu'à l'occasion d'un cas spécial il peut faire

passer devant les yeux de ses auditeurs les projections de tous les

cas analogues qui représentent les diverses phases de la même

maladie ou ceux d'autres formes voisines qu'il importe de connaître

pour le diagnostic différentiel » (Ladame).

Sur le corridor de la moitié gauche du bâtiment donnent le

cabinet du Professeur, une salle d'attente, l'utelier du mécanicien

en chef (qui a aussi la surveillance de l'éclairage électrique), et

enfin trois vastes pièces servant de laboratoires psychophysiques.

L'énergie électrique nécessaire au fonctionnement de ces labora-

toires est fournie par 6 éléments Meidinger et 4 Leclanché. La

salle la plus grande renferme le matériel nécessaire pour les recher-

ches sur les temps de réaction, sur les associations : chronoscope

de Hipp avec son appareil de contrôle, un grand nombre d'instru-

ments de psychophysique, d'appareils électriques. La seconde salle

sert aux recherches sur les phénomènes psychomoteurs, sur-

tout avec l'appareil de Sommer pour l'étude des manifestations

motrices dans les trois dimensions. La troisième salle sert pour

les recherches purement psychologiques : épreuves sur le calcul,

les associations. Elle peut être mise en communication avec la pre-

mière salle dans le cas où des examens psychométriques seraient

utiles.

Sur la moitié droite du corridor s'ouvrent un grand laboratoire

pour les travaux microscopiques, un vaste atelier de photographie,

520 ENSEIGNEMENT.

et les deux chambres composant le logement du médecin assistant

de la division des hommes.

L'étage supérieur (2° étage), mansardé, est occupé par des maga-

SMM, des dortoirs pour des employés.

Pavillons des pensionnaires. Ces deux pavillons, qui portent

le n° I (un pour chaque sexe), sont tout à fait symétriques. Ils pos-

sèdent des locaux pour 12 à 15 pensionnaires de 1 ? et de 2° classe,

tranquilles et sociables. On y met aussi certains malades de

3° classe qui par leur éducation, leur culture, sont mieux à leur

place dans ces pavillons qu'avec des indigents. La situation tout-

à fait isolée de ce pavillon favorise les admissions de malades

«nerveux» qui entrent facilement de leur propre volonté à la Clinique

dès qu'ils sont assurés de ne pas être confondus avec les aliénés.

La façade du bâtiment donne sur le parc; la partie postérieure

sur la rue. Ces pavillons ont été conçus sur le plan d'un quartier

« ouvert ». Chacun d'eux est pour ainsi dire double : il est formé

par la réunion de deux villas primitivement séparées sur un

plan antérieur. Ces deux villas ne sont unies que par un passage

au rez-de-chaussée; les caves, le premier étage, le grenier sont

complètement séparés. Chaque moitié de ces pavillons jumeaux

possède, dans son entrée spéciale, sa véranda, son escalier, ses

lavabos, salles de bains, water-closets.

La moitié Est est meublée et aménagée d'une façon moins

luxueuse que la partie Ouest. Celle-ci possède un salon avec une

bibliothèque, une salle à manger, six chambres à un lit et des

chambres pour le personnel. Dans la moitié Est, deux chambres

particulières du premier étage sont remplacées par une chambre

à 3 lits. '

Dans tous les locaux des pavillons, les parquets sont recouverts

de linoléum, sauf les salles de bains, les lavabos, les closets qui

sont dallés.

Le mobilier des chambres de pensionnaires se compose d'un

lit, d'une table de nuit, d'une armoire, d'une étagère, de sièges

en bois courbé, de chaises-longues, d'une table de toilette, etc.

Les fenêtres ne sont pas munies de grilles; elles possèdent des

volets intérieurs que les malades peuvent manoeuvrer à leur guise

et qui né servent qu'à les protéger contre le soleil.

L'examen du plan du rez-de-chaussée de la moitié droite du

pavillon montre que tous les aménagements nécessaires à une

section de surveillance y sont réalisés. Il suffit de fermer la porte

qui fait communiquer le corridor avec l'autre moitié du pavillon,

pour transformer, au cas où la présence de malades à idées de

suicide l'exige, le rez-de-chaussée de la moitié droite en quartier

de surveillance possédant une salle de jour (le corridor), deux

chambres de pensionnaires pour 2 et 8 lits chacune, commuai-

CLINIQUE psychiatrique DE L'UNIVERSITÉ DE CIESSEN. 821

quant directement avec une salle de bains et les closets, et en

relation téléphonique avec le médecin de la division. -

Pavillons de TRANQUILLES. - Les deux pavillons (n° 11) de tran-

quilles (hommes et femmes) sont également superposables. Ils

n'ont qu'un rez-de-chaussée et sont destinés à servir de pavillons

de traitement et de surveillance pour 12 à 15 malades tranquilles,

déprimés, ou à idées de suicide. Un vestibule spacieux conduit à

un corridor transversal auquel aboutit, à angle droit, un autre

corridor moins large, sur lequel s'ouvrent l'office-tisanerie, la

salle de bains, une salle contenant water-closets et lavabos.

Le corridor transversal conduit à droite et à gauche, dans les

deux grandes salles du pavillon. Celle de gauche, d'une conte-

nance de 250 mètres carrés, avec 7 à 8 lits, sert de salle de sur-

veillance continue pour le traitement par le lit; celle de droite,

dont les dimensions sont les mêmes, est divisée en deux parties

par une balustrade surmontée d'une sorte de paravent, formant

une séparation de 2 mètres de haut et servant avec l'aide d'une

portière à isoler optiquement les deux parties de la salle : l'une

sert de dortoir pour les convalescents (6 lits), l'autre de salle de

jour pour les hommes, d'atelier de couture pour les femmes. Un

des lits du dortoir est réservé à un infirmier.

Les deux grandes salles en question reçoivent la lumière de

trois côtés ; la ventilation est parlaite. La salle de surveillance

possède une baignoire roulante, des water-closets, des lavabos.

Éclairage à l'aide de lampes électriques placées au plafond et dans

les angles.

Le pavillon comprend encore une chambre pour une infirmière

,qu'on peut appeler en cas de besoin. pendant la nuit, de la salle

de surveillance, à l'aide d'un signal électrique), une chambre pour

un malade convalescent, une chambre pour un médecin assistant

ou stagiaire, qui est ainsi à même de contrôler ce qui se passe

dans le pavillon et de porter des secours immédiats en cas d'acci-

dents. (Dans le pavillon de la division des femmes est logé le troi-

sième médecin assistant; dans celui des hommes habite le médecin

stagiaire). -

Pavillons DE surveillance continue pour agités. Ces pavillons

de surveillance continue (pavillons n° 111) sont réservés aux malades

agités, mais susceptibles néanmoins d'être traités par le repos au

lit, et aux sujets qui cherchent à s'évader. Ils ne sont pas complè-

tement superposables dans chaque division.

Chaque pavillon, à deux étages, possède 12 lits répartis au rez

de chaussée et'au premier étage.

fiez de chaussée. On accède d'abord dans un corridor, dont le

parquet est revêtu de linoléum ; la lumière vient d'un autre cor-

822 enseignement.

ridor très bien éclairé qui conduit au pavillon d'isolement. A droite

du corridor (pavillon des femmes) une grande salle de jour d'une

capacité de 175 mètres carrés sert aux malades qui ne gardent pas

le lit ; elle est éclairée par quatre fenêtres. A gauche, une vaste

salle de surveillance continue occupe presque toute la profondeur du

bâtiment. Le chiffre normal de ses lits est de 10 ; la capacité est de

300 mètres cubes; la lumière vient à flots par 6 fenêtres de 1,70 m2

de superficie. Les murs sont peints à l'huile sur une hauteur de

2 mètres; le parquet est revêtu de linoléum.

Cette salle de surveillance continue a été aménagée d'une façon

très intéressante en vue de sa destination spéciale et de l'applica-

tion du traitement par le lit. Dans l'installation de cette salle on

s'est inspiré de la pensée qu'il fallait, dans une station de surveil-

lance psychiatrique, que le personnel eût sous la main tous les

aménagements nécessaires pour traiter les malades (baignoires,

lavabos, water-closets, etc.). De cette façon les infirmiers ne pou-

vaient être distraits de la tâche de surveillance qui leur incombe

par la nécessité de se procurer au dehors l'outillage nécessaire. A

l'aide d'une large portière on a, dans la salle de surveillance, séparé

de la partie réservée aux lits, une sorte de vaste annexe (Wachsaal-

Toilelte) dans lequel se trouvent une baignoire mobile, deux lava-

bos, un évier, une chaise percée roulante. Une grande armoire

renferme, en 3 placards distincts, du linge de corps pour le change

des malades, des draps, des peignoirs, des vêtements de caout-

chouc pour les infirmières baigneuses, certains médicaments non

toxiques, les instruments, tels que : thermomètres, un petit

arsenal pour les secours immédiats, bande d'Esmark, pince à

corps étrangers, pièces de pansement, etc. Notons encore dans la

salle de surveillance un certain nombre de tables spéciales pour le

traitement par le lit. i

L'éclairage électrique est obtenu par 7 lampes de 16 bougies :

2 au plafond, 4 dans les angles, à 2 mètres de hauteur.

L'éclairage par des lampes situées dans les divers angles présente

des avantages pour l'examen de certains malades (eschares)

pendant la nuit. Des dispositions ont été prises pour éviter l'ex-

tinction subite de toutes les lampes électriques en cas de court-

circuit.

- La veilleuse de nuit peut appeler du renfort à l'aide d'un signal

électrique.

Cet aménagement très complet nous parait devoir être imité

dans toutes les salles de surveillance continue. Grâce en effet à ces

excellentes dispositions on a sous la main tout ce qui peut être utile

soit pour le traitement habituel des aliénés aigus, soit pour parer

aux accidents les plus à craindre : ni les infirmiers ni les malades

n'ont de prétexte pour sortir delà salle. Aux fenêtres sont placées

des jalousies qui se manoeuvrent de l'intérieur de la salle, la

CLINIQUE psychiatrique DE l'université DE GIESSEN. 823

fenêtre restant fermée. Un mode de fixation spécial des jalousies

permet, lorsque celles-ci sont baissées, de laisser les fenêtres

ouvertes sans avoir d'évasion à craindre.

Le rez de chaussée du pavillon possède encore une salle de

bains spacieuse pour les entrants, avec lavabos, une chambre d'in-

firmière, des water-closets et une salle d'examen clinique, où le

médecin peut interroger individuellement chaque malade loin du

bruit. L'examen du médecin est d'autant plus facilité que l'aliéné

dissimule moins ses antécédents, ses idées délirantes, etc., lors-

qu'il est seul avec le médecin que lorsqu'on l'interroge devant les

autres malades et les infirmiers. En outre le médecin a sous la

main tous les instruments qui peuvent lui être utiles pour l'examen

clinique : appareil photographique avec lampe au magnésium,

cinématographe, instruments de psychologie physiologique, gra-

phophone, lampe pour pupilles, appareils électriques, instruments

chirurgicaux, réactifs pour analyses chimiques. La salle d'examen

comprend encore une table d'opéralion, des lavabos, des casiers

pour les feuilles du service de surveillance, les feuilles de bains,

d'attaques, de règles. C'est dans cette pièce qu'ont lieu également

les petites opérations qui pourraient impressionner péniblement

les autres malades : alimentation à la sonde, etc. Ces salles d'exa-

men clinique, dit M. Dannemann, facilitent considérablement les

rapports du médecin et du malade; seules elles permettent au

médecin d'entrer plus intimement en contact avec le patient; elles

suppriment enfin d'une façon complète la cause première de bien

des inconvénients et de bien des troubles. Enfin, comme cette salle

est utilisée pour la rédaction des observations, il en résulte que le

contrôle du personnel de surveillance est assurée par la situation

même de ce cabinet médical '.

Le premier étage du pavillon est destiné aux sujets plus tran-

quilles qui ont besoin d'être surveillés plutôt dans le jour que la

nuit, à ceux qui n'ont pas d'idées de suicide, ne sont ni dangereux

ni insociables : tels sont certains paralytiques au début, certains

paranoïaques, certains débiles. La disposition des locaux est la

suivante : une salle de réunion, deux dortoirs dont l'un possède

un lavabo, une salle de bains, des closets, le logement du surveil-

lant en chef et deux chambres d'isolement donnant sur un vesti-

bule spécial qui sert à amortir le bruit. Ces deux chambres sont

destinées à des malades bruyants (ronfleurs), mais ne doivent pas

être considérées comme des cellules pour sujets dangereux : les

vitres sont d'ailleurs celles des autres locaux.

L'étage supérieur mansardé renferme un vestiaire et divers autres

locaux.

'La maison de santé de Ville-Evrard possède, depuis 1897, des chambres

d'examen analogues. '

524 4 ENSEIGNEMGNT.

Pavillons d'isolement. Ces pavillons (pavillons n° IV), à rez de

chaussée seulement, sont mis en communication avec les pavil-

lons n° III que nous venons de décrire par un couloir bien éclairé,

assez court. Il est réservé aux malades agités et insociables. Le

nombre de lits est de 7. Les desiderata d'un quartier de ce genre

sont les suivants : bonne organisation de la distribution et de

l'évacuation des eaux ; grand nombre de cabinets d'aisance; ven-

tilation soignée de tous les locaux : éclairage, naturel et artificiel,

parfait, chauffage sans danger pour les malades, et assurant à

toutes les pièces une température égale ; salle de bains; installation

pour le nettoyage des linges et vêtements souillés : élimination des

aménagements rappelant la prison.

Le sous-sol du pavillon renferme une petite buanderie (chauffage

au gaz).

Le corridor du rez-de-chaussée, en pente, est facilement nettoyé

à grande eau à l'aide de deux postes d'eau. Sur le corridor don-

nent 4 chambres d'isolement, dont une réservée aux aliénés crimi-

nels, et une salle de bttiîts qui communique avec une grande salle

de 90 mètres carrés possédant trois lits destinés aux malades les

moins agités (paralytiques et autres). Une chambre à coucher est

affectée à une infirmière qui peut, en cas d'urgence, venir à l'aide

de la veilleuse.

Les cellules ont environ 50 mètres carrés. Leurs parois sont

peintes à l'huile jusqu'à une hauteur de 2 mètres. Le parquet est

recouvert de linoléum. Les angles sont arrondis. Les fenêtres sont

doubles : la fenêtre intérieure est au même niveau que le mur et

les carreaux ont de 6 à 10 millimètres d'épaisseur; la fenêtre exté-

rieure ressemble aux fenêtres ordinaires. En dehors se trouvent

des jalousies en bois et des grilles. Entre les deux fenêtres il y a

des rideaux. Sur les quatre cellules, trois possèdent, ainsi que la

grande salle, des water-closets dont l'effet d'eau peut être réglé

par le personnel.

Tous les locaux de la section ont des doubles portes : la porte

extérieure est massive ; la porte intérieure possède un judas et, à

la partie inférieure, un grillage laissant passer l'air chaud qui vient

d'une bouche de chaleur située entre les deux portes. Le malade

ne peut ainsi ni voir ni atteindre la bouche de chaleur. Chaque

cellule a une bouche de ventilation. L'éclairage électrique est

défectueux en ce sens que les lampes électriques ne sont pas ins-

tallées au plafond comme il conviendrait, mais au-dessus des

portes. La salle de bains et la grande salle de surveillance et d'ali-

tement sont mieux éclairées ; dans celles-ci, comme dans les autres

salles de surveillance, des lampes électriques sont placées dans les

angles.

La salle de bains possède une baignoire mobile, des lavabos et

un appareil de chauffage à gaz grâce auquel on peut donner aux

CLINIQUE psychiatrique DE l'université DE GIESSEN. 528

malades des aliments et des boissons chaudes, même pendant la

Duit; cet aménagement présente de grands avantages pour

certains catatoniques qui, tantôt refusent, tantôt acceptent volon-

tiers les aliments.

La cellule réservée aux aliénés criminels possède deux grilles,

dont l'une protège la fenêtre et l'autre se trouve placée devant la

porte. Cette disposition ne nous paraît pas devoir être imitée.

Ce pavillon d'isolement n'est pas un quartier cellulaire dans

l'ancienne acception du mot : les malades y sont traités par le

repos au lit, la porte de la cellule restant ouverte. Seul l'aména-

gement des grillages à la partie inférieure des portes (pour per-

mettre le chauffage) ne nous paraît pas à recommander. D'ailleurs

ce qui donne à ce pavillon le caractère d'un quartier de traite-

ment en lui enlevant la physionomie d'un quartier cellulaire quasi-

pénitentiaire, c'est l'existence d'une salle de surveillance assez

spacieuse où l'on place les malades qui doivent garder le lit :

sujets inconscients, paralysés dont on veut épargner la vue aux

autres agités, mais qui ont besoin de soins assidus.

Le jardin de ce pavillon est entouré d'un mur, disposition qui

n'existe pas dans les autres pavillons.

Cuisine. Bâtiment à rez-de-chaussée seulement. Au sous-sol :

magasins, salle de bains pour le personnel. Au rez-de-chaussée,

logement de la cuisinière, laverie. Cuisine spacieuse. On n'a pas

adopté la cuisson à la vapeur. Ventilation soignée. Deux salles de

distribution des aliments.

Classement des malades. La dispersion des pavillons est une

source d'avantages considérables, quand le nombre du personnel

médical et du personnel de surveillance est suffisamment -élevé.

Au lieu de voir les malades se nuire réciproquement par suite de

la centralisation des quartiers, on constate que les sujets tranquilles

bénéficient de la suppression d'impressions pénibles, optiques et

acoustiques, qui ne peuvent leur être évitées dans les établisse-

ments construits sur un autre plan.

A ce point de vue, le classement des aliénés est organisé ainsi

qu'il suit, à la clinique de Giessen, pour chaque division d'hom-

mes et de femmes : ·

1° Salle de surveillance pour aliénés tranquilles et sujets à idées

de suicide, avec surveillance continue (pavillon II, côté gauche)'.

2° Section pour malades tranquilles et convalescents de 3° classe

(pavillon II, côté droit).

3° Section pour malades tranquilles de la classe moyenne (côté

droit des pavillons jumeaux I).

4° Section pour pensionnaires tranquilles (côté gauche des pavil-

lons jumeaux 1).

826 ENSEIGNEMENT.

5° Section pour malades demi-agités (1er étage des pavillons de

surveillance continue, nc III).

6° Salle de surveillance pour malades agités mais non dange-

reux, avec surveillance continue (rez-de-chaussée du pavillon de

surveillance n° 111). -

7° Salle de surveillance et section de surveillance (cellulaire)

pour malades agités et violents avec surveillance continue. Une

cellule pour aliéné criminel (pavillon d'isolement IV).

La clinique de Giessen, avec ses sept sections distinctes répar-

ties dans quatre pavillons, pour chaque sexe, possède donc un

quartier de classement de plus que n'en demande Flechsig pour

une clinique psychiatrique. Le professeur de Leipzig réclame en

effet sept quartiers, mais il en réserve un pour les maladies con-

tagieuses. A Giessen la proximité du pavillon d'isolement pour

contagieux de la clinique de médecine permet de se passer d'une

installation de ce genre.

Il convient d'insister sur la grande extension donnée au service

de surveillance continue même pendant ta nuit. Il existe en effet,

dans chaque division, trois salles de surveillauce continue, qui

permettent de restreindre d'une façon considérable l'emploi des

narcotiques. 1

Installations hygiéniques. Le cube d'air moyen est, par ma-

lade, de 35 à 40 mètres. La ventilation est assurée par une canali-

sation qui part de la chambre de ventilation située dans le sous-

sol et vient se terminer au-dessus du toit. En hiver quand la ven-

tilation naturelle par les fenêtres est limitée, le renouvellement

artificiel de l'air est activé par suite de communications établies

entre la canalisation de la ventilation et les appareils de chauffage

qui envoient de l'air chaud dans ladite canalisation. On a pris en

outre des dispositions pour que l'air arrive avec un certain degré

hygrométrique.

Chauffage central à la vapeur à basse pression. Installation des

appareils dans le sous-sol du pavillon n° III des hommes. Six chau-

dières envoient la vapeur dans une canalisation souterraine. Dans

les pavillons de malades les appareils de chauffage sont placés

dans de grandes niches fermées du côté des corridors par des

portes de fer. L'air des salles pénètre par des ouvertures situées à

la partie inférieure et sort par les orifices supérieurs. Le chauffage

est réglé à volonté.

Chaque bâtiment de la clinique possède dans le grenier un réser-

voir d'eau en communication avec la canalisation de vapeur qui

lui cède sa chaleur. L'eau chaude est distribuée aux bains, aux

lavabos et à l'office.

clinique psychiatrique DE l'université DE GIESSEN. 527

Eau. La clinique est alimentée en eau de source par la dis-

tribution de la ville. Le nombre des postes d'eau des pavillons est

considérable : 16 postes d'eau froide et 5 postes d'eau chaude dans le

pavillon I, 18 postes d'eau froide et 6 d'eau chaude dans le pavil-

lon II1, etc.

Le service des bains a été particulièrement bien organisé. Chaque

division a six salles de bains, sans compter les baignoires mo-

biles des salles de surveillance. Les salles de bains et les lava-

bos, sauf ceux des sections d'agités, sont dallées. Les baignoires

sont en zinc, de forme elliptique. L'eau d'arrosage (jardins) est

fournie par un certain nombre de fontaines.

Les eaux usées et les matières fécales sont entraînées par un sys-

tème de canalisation dans six bassins filtrants situés sous le pavillon

n° 1V des hommes. Les liquides sont évacués dans l'égout; les

matières solides sont enlevées plusieurs fois par an à l'aide d'ap-

pareils à vidange pneumatique. Tous les closets sont à effet d'eau

avec siphon; les cuvettes sont en porcelaine ou en fer émaillé. Des

précautions ont été prises pour prévenir l'obstruction de ces cana-

lisations.

Eclairage. La lumière électrique est fournie par une usine

centrale qui distribue également la lumière aux autres instituts

cliniques du voisinage. Les câbles sont placés à 2 mètres de hau-

teur au-dessus du plancher, dans les corridors et sont placés de

façon qu'un court-circuit, au cas où il viendrait à s'en produire,

ne puisse déterminer l'extinction de toutes les lampes d'un pavil-

lon. Les interrupteurs font une saillie de 3 centimètres sur les

murs; aucune disposition spéciale ne les protège contre les malades,

mais ils ne peuvent être manoeuvres qu'à l'aide d'une clef spéciale.

L'éclairage des jardins est assuré par neuf lampes électriques de

25 bougies et un certain nombre de becs de gaz..

Ameublement. Tous les locaux sont munis de thermomètres

disposés horizontalement : la cuvette faisant saillie dans l'intérieur

des chambres tandis que l'échelle graduée, traversant le mur,

apparaît dans le corridor. On peut ainsi régler les appareils de

chauffage et de ventilation du corridor même.

11 faut noter que les parquets de la plupart des locaux de la

clinique sont revêtus de linoléum (Ankermark-Delmenhorst) : il

est inutile d'insister sur les avantages d'une surface unie, sans

interstices et d'un nettoyage facile à grande eau. M. le Dr Danne-

mann se loue beaucoup de cet emploi généralisé du linonéum. La

plupart des salles de bains et des closets possèdent un revêtement

en carrelage ; de même les corridors des pavillons cellululaires.

Dans cinq chambres d'isolement on a fait l'essai du xylolithe.

L'emploi de cette substance ne serait indiqué que dans les locaux

528 8 ' ENSEIGNEMENT.

qui ne sont exposés ni à des souillures fréquentes par les déjec-

tions, ni à des érosions mécaniques dues au déplacement des lits.

Autrement le xylolithe perd son poli et son aspect antérieurs et

conserve les odeurs. -

La question du confort n'a pas été négligée. Les lits métalliques

ont été munis d'aménagements spéciaux, sans cependant attirer

l'attention par un aspect anormal. A la tête et au pied du lit ont

été placées des tablettes de bois; les montants latéraux du lit

peuvent être abaissés. La partie moyenne du sommier est suréle-

vée par des ressorts de façon à n'être de niveau avec les parties

correspondant aux extrémités que lorsque le malade est couché :

on empêche ainsi la formation de « creux » qui provoquent la

formation d'eschares. Le tiers supérieur du sommier qui corres-

pond à la tète du malade-est mobile et peut être relevé de façon

à permettre au patient de rester à moitié assis sans fatigue et sans

compression des organes de la poitrine et du cou. Les trois parties

du sommier sont réunies entre elles afin que les sujets agités, qui

arrachent et déchirent leur literie, ne puissent les enlever. Les

fournitures du lit comprennent un matelas de crin, une toile imper-

méable et une alèze de flanelle pour le tiers moyen, une couverture

de laine et des draps. Les lits des malades sujets à des attaques

convulsives peuvent être munis de barrières latérales capitonnées.

Tous les lits sont mobiles. Les pensionnaires possèdent des lits de

bois avec un sommier « cotte de mailles ».

Les meubles en bois de sapin, sont de couleur sombre, afin de

contraster avec les tons clairs des murs. Il en est de même des s

tables spéciales pour le lit, des armoires, tables de toilette,

armoires à linge sale. Les tables de nuit n'ont pas de fond, dispo-

sition qui permet de les entretenir propres. De nombreuses chaises-

longues sont réparties dans tous les pavillons : elles sont revêtues

d'une étoffe à dessin oriental, qui recouvre une toile imperméable

protégeant les coussins de la chaise-longue.

Dans tous les locaux se montre le soin de la décoration : jardi-

nières, tableaux, rideaux aux fenêtres, etc.

Téléphone. Le système des pavillons détachés rend indispen-

sable l'usage du téléphone pour éviter les pertes de temps. Des

postes téléphoniques doivent être installés, non seulement chez les

surveillants en chef, mais chez les médecins. Les réseaux télépho-

niques sont les suivants : -.

1° Réseau indépendant du poste central (situé dans le bâtiment

principal) et faisant communiquer entre eux tous les pavillons des

hommes.

2° Même disposition pour les pavillons des femmes.

3° Réseau téléphonique principal réunissant tous les pavillons,

CLINIQUE psychiatrique DE l'université DE GIESSEN. 52U

la cuisine,' la villa du professeur, les chambres des médecins de

chaque division avec le poste central.

40 Réseau permettant d'appeler directement le concierge, de

chaque pavillon, de la villa du professeur, des chambres des mé-

decins.

5° Réseau microphonique réunisssant les chambres des méde-

cins asssistants logés dans les pavillons de tranquilles hommes et

femmes.

6° Réseau reliant le rez-de-chaussée avec le 1"'étage des pavillons

d'agités (111).

Dans la nuit le poste central est mis en communication avec la

loge du concierge ; de plus les médecins chargés des divisions

d'hommes et de femmes sont en communication directe perma-

nente avec la salle de surveillance du pavillon d'agités.

La clinique possède en tout 13 postes téléphoniques et 10 sta-

tions microphoniques. Elle est en outre reliée au réseau urbain et

à l'usine électrique.

Les principes qui ont présidé à l'installation du téléphone sont

les suivants : les pavillons de chaque division d'hommes et de

femmes doivent être reliés directement entre eux. Dans les pavillons

possédant plusieurs sections, celles-ci doivent communiquer direc-

tement entre elles. Chaque bâtiment doit être en communication

avec le poste central du bureau d'administration et ses annexes :

cuisine, etc.

Aménagements de sûreté. Le principe du remplacement des

moyens de sûreté mécaniques par la surveillance du personnel a

reçu sa plus large application dans les jardins. Les grilles et les

haies qui entourent les jardins servent seulement de limite au

domaine, mais ne sauraient être considérées comme pouvant em-

pécher les évasions. Un seul jardin entouré de murs est réservé,

dans chaque division, pour les malades insociables et évadeurs.

Dans les pavillons de pensionnaires rien ne rappelle la destina-

tion spéciale des locaux, sauf une disposition particulière des

fenêtres qui permet de les fermer à clef. Les portes des corridors

des autres pavillons ne peuvent être ouvertes qu'à l'aide d'une clef

spéciale; les cages d'escalier sont accessibles à tous les malades.

Dans les pavillons de pensionnaires les portes des chambres pos-

sèdent une serrure et un bouton ; tandis que dans les autres pavil-

lons les portes n'ont qu'une serrure et une poignée placée au milieu

de la porte et dirigée en bas. Toutes les fenêtres sont munies de

vitres ordinaires, à l'exception des fenêtres intérieures des cellules.

Dans les salles de bains et les closets les vitres sont en verre

dépoli. Les serrures des fenêtres et des portes sont identiques dans

les deux divisions ; leur modèle a été emprunté à Alt-Scherbitz.

Archives, 2* série, t. XV. 3t

830 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

A l'exception des pavillons cellulaires qui possèdent des jalou-

sies ordinaires, toutes les fenêtres sont munies de jalousies spé-

ciales qui lorsqu'elles sont baissées forment une paroi impéné-

trable : mais on peut à l'aide d'une clef déterminer un écartement

des lames d'un centimètre. Il est possible de limiter cet écartement

à la partie supérieure ou inférieure de la jalousie. On peut laisser

la fenêtre ouverte, lorsque les jalousies sont baissées; celles-ci étant

fixées suffisent pour empêcher toute évasion.

On n'a placé de grilles que dans les lavabos et les closets des

pavillons n° II (hommes et femmes), dans ceux du le, étage des

pavillons n° M, dans deux, chambres d'isolement de ces divers

pavillons, dans la salle d'examen clinique du rez-de-chaussée,

dans une chambre d'infirmier, enfin dans les pavillons d'isolement

(n- IV).

Grâce à la surveillance permanente exercée par le personnel,

on a pas eu occasion de constater les avantages fournis par l'exis-

tences de grilles, dans les locaux peu nombreux où il en existe.

L'absence de grillages et de vitres spéciales dans les salles de

surveillance n'a pas présenté d'inconvénients. Plus importants que

tous les moyens de contention mécanique sont une bonne organi-

sation d'un personnel responsable à toute heure et un contrôle

médical le plus fréquent possible.

Malgré que l'élimination de matériaux inflammables et l'emploi

de la lumière électrique aient considérablement diminué les chances

d'incendie, chaque pavillon possède cependant, dans le grenier, un

poste d'incendie, avec le matériel nécessaire. (A suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXVII. Un cas d'akathisie, d'après MM. Raymond et JANET.

Ce nom qui signifie impossibilité de s'asseoir, a été donné par

M. HASKOWS (dePrague). Voici quel estl'aspect du malade étudié ici.

Cet homme, âgé de quarante-deuxans,'vient d'être assis sur sa chaise;

dans quelques minutes, quelquefois cinq ou six minutes, on le voit

manifester une gêne et une souffrance extraordinaires. Use con-

torsionne, il se raidit surtout du côté gauche, étend et écarte les

jambes, appuie la tête sur l'épaule gauche, il tient sa chaise à deux

mains et fait semblant de s'y cramponner. En réalité, il s'appuie

sur les deux mains, et empêche le siège de s'appuyer sur la chaise.

En même temps, la sueur lui vient au front et aux mains, et, dans

quelques cas, on voit de grosses gouttes qui coulent sur sa figure,

la, respiration est anxieuse, le coeur palpite, la face exprime la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 531

douleur, la terreur et l'angoisse : enfin, n'y pouvant pins tenir, il

se lève brusquement et immédiatement changement d'attitude, il

respire librement et sa figure exprime le soulagement et le calme.

Lorsqu'il est chez lui, les choses sont plus pénibles encore parce

qu'il n'est distrait par rien de ses préoccupations ; il ne peut rester

assis que quelques instants et il faut sans cesse qu'il se lève, qu'il

aille et vienne dans la chambre. Les troubles s'aggravent encore

s'il est assis devant son établi et s'il doit travailler. Il était bijou-

tier de son métier et ne peut plus entrer dans aucun atelier, car

on refuse cet ouvrier qui ne peut rester assis et qui se contorsionne

désespérément dès qu'il a un travail devant lui.

Ce malade ne présente pas des signes d'hystérie, mais il a dans

sa famille des tares nerveuses importantes, et son père et sa mère

étaient tous deux de grands alcooliques.

Les symptômes qu'il présente s'associent à un état mental parti-

culier, à une instabilité singulière, de manière qu'on doit classer

son état dans l'ordre des psychasthénies. (Journal de médecine et

de chirurgie pratiques du 10 mars 1903.)

LXXIII. Deux cas de polynévrites chez deux blennorrhagiques ;

par MM. les Drs Raymond et CERTAIN.

L'histoire de la gonococcie s'est enrichie de faits nouveaux pro-

bants, grâce à la connaissance plus parfaite des milieux de culture

et des conditions de vitalité du gonocoque. Il existe donc de véri-

tables métastases gonorrhéiques qui peuvent porter sur l'appareil

locomoteur, sur l'appareil circulatoire, le rein, etc... Le système

nerveux n'est point à l'abri de l'action, soit du gonocoque lui-

même, soit de ses toxines et les deux observations publiées par

les auteurs montrent que le système nerveux périphérique n'est

pas épargné. Il s'agit, en effet, de deux malades qui, au cours

d'une blennorrhagie ont été atteints l'un d'une polynévrite sensi-

tivo-motrice généralisée aux quatre membres et à la face, à

forme de polynévrite ascendante, avec un minimum d'intensité

sur les membres qui n'ont jamais présenté la réaction de dégéné-

rescence et ont vite récupéré leur motilité, avec un maximum

d'intensité sur les muscles de la face qui ont présenté, au con-

traire, une D R très accentuée et sont très parésiés ; l'autre d'une

polynévrite à forme pseudo-tabétique mais sans troubles des

réactions électriques et à pronostic très favorable.

Y a-t-il donc des conditions particulières de virulence du gono-

coque, d'association microbienne, de prédisposition du terrain

par une intoxication antérieure telle que l'alcool ? la blennor-

rhagie a-t-elle agi comme cause favorisante ? Au contraire, la

névrite blennorrhagique est-elle spécifique ? Ce sont là autant de

questions sans réponse à l'heure actuelle. (Revue neurologique,

février 1901). 1. Blin. ,

532 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXXIV. Paraplégie flasque avec exagération des réflexes rotuliens et

trépidation épileptoïde ; par M. Lannois. (Société médicale des

hôpitaux de Lyon. 10 janvier 1902).

M. Lannois publie l'oFservation d'une femme de quarante et un

ans qui présentait l'ensemble des symptômes que l'on trouve dans

les sections complètes de la moelle à la région cervico-dorsase,

c'est-à-dire la paraplégie flasque avec l'anesthésie complète à tous

ses modes et l'exagération de la tonicité des sphincters. Mais au

lieu de présenter de l'abolition des réflexes, comme l'ont démontré

les recherches de Bastian, Van Gehuchten et récemment Crocq; et

contrairement aux données de la physiologie classique, il existait

chez la malade de M. Lannois une exagération manifeste des

réflexes rotuliens et une trépidation épileptoïde indéfiniment per-

sistante. A l'autopsie, on trouva une carie tuberculeuse sans pus,

de la 7° cervicale et des trois premières dorsales avec affais-

sement du corps de ces quatre vertèbres, réduit à une hauteur de

6 à 7 millimètres. La moelle était totalement ramollie sur une

hauteur de 3 centimètres et demi. Il semble qu'il y ait macrosco-

piquement une interruption complète.

L'auteur rappelle l'opinion émise par Crocq dans son rapprot au

Congrès de Limoges del901, d'après laquelle il tend àadmettreque

la voie conductrice du tonus musculaire et des réflexes appartient

aux voies longues, sauf dans certaines conditions dans lesquelles

les voies courtes continuent à être perméables. Cette opinion ne

pourrait expliquer les phénomènes observés. M. Lannois pense

que si il est vrai que les voies courtes cessent d'être la voie con-

ductrice des incitations au profit des voies longues, rien ne prouve

qu'elles soient détruites et qu'elles ne puissent pas, à un moment

donné reprendre toute leur importance. Ne peut-on penser qu'il y

a des variétés individuelles et que certaines personnes continuent

à se servir de leurs voies courtes en même temps que de leurs

voies longues. Il explique par le mécanisme de l'emploi récupéré

des voies courtes, ce qui s'est produit chez sa malade. En

premier lieu compression de la moelle, irritation des faisceaux

descendants (faisceau pyramidal, de Monakow, etc.) mise en état

d'excitabilité des myoneurones, de sorte que, lorsque la section

médullaire a été complétée plus tard, la moindre incitation pas-

sant par les voies courtes rappelées à l'exercice, a suffi pour don-

ner des réflexes exagérés.

L'auteur met aussi en évidence l'important phénomène de la dis-

sociation de l'état du tonus musculaire et des réflexes tendineux.

Les muscles sont séparés par la section médullaire de leur centre

tonique cérébral, d'où paralysie flasque, tansdis que les réflexes

tendineux et quelques réflexes cutanés se font pas les voies courtes

médullaires. G. Carrier.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 533

LXXV. Formes cliniques du tremblement dans la paralysie agitante,

par Collet (Société des sciences médicales de Lyon. 15 janvier

1902).

M. Collet a recherché les formes anormales du tremblement dans

la paralysie agitante, ce symptôme étant un des caractères pres-

que essentiels de la maladie de Parkinson.

D'après ses recherches, l'auteur range en quatre groupes les

formes anormales de tremblement :

1 ? Les cas où le tremblement est absent ; ,

2° Les cas où le tremblement s'étend à des parties du corps

qu'il n'intéresse pas habituellement;

3° Les cas où le tremblement est unilatéral ;

4° Les cas où le tremblement, bilatéral d'abord devient unilaté-

ral dans la suite.

M. Collet cite à l'appui des observations de ces différentes formes

cliniques du tremblement. G. C.

LXXVI. Paralysies et crises laryngées dans le tabes ; par M. COLLET

(Société des Sciences médicales de Lyon, 5 février 1902).

M. Collet a pu réunir trois observations de tabes avec paralysies

et crises laryngées, qui lui suggèrent les conclusions suivantes :

1° La paralysie des dilatateurs de la glotte peut simuler la crise

laryngée. Il faut donc analyser de près les symptômes avant de

conclure à l'existence des crises laryngées ; 2° La paralysie des

dilatateurs de la glotte prédispose aux crises laryngées, les rend

plus fréquentes et plus graves, mais ne les cause pas. Leur origine

doit être recherchée dans une irritation réflexe du nerf laryngé

supérieur ; 3° Il y a habituellement, dans les cas de paralysie des

dilatateurs de la glotte, coexistence d'une tachycardie assez mar-

quée. G. C.

LXXVH. Syphilis cérébrale ? Souffle céphalique ; par M. CLAMENT

(Société médicale des hôpitaux de Lyon, 14 février 1902).

Il s'agit d'un jeune verrier de dix-sept ans, qui présente depuis

trois mois des céphalies quotidiennes dès son réveil, qui se dissi-

pent au bout de quelques heures. Quinze jours avant son entrée à

l'hôpital les douleurs de tête sont devenues permanentes, avec

exacerbation nocturne. En même temps sont apparus les bourdon-

nements d'oreilles, des troubles de la vue et une certaine tendance

au vertige. Il aurait eu deux ou trois fois des vomissements.

A l'examen ophtalmoscopique on constate une neuro-résinite

double, plus accusée à droite. Il s'agissait donc d'une compression

cérébrale, probablement par une tumeur, siégeant dans les parties

tolérantes du cerveau et dans l'hémisphère droit ; le malade ne

S34 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

présentait pas d'autres phénomènes nerveux, ni de paralysie des

nerfs crâniens. ,

Se basant sur de faibles indices tels que l'épatement du.nez, la

mauvaise conformation des dents, la présence d'un ganglion occi-

pital, M. Clément pense à de la syphilis héréditaire, et institue un

traitement mixte qui au bout d'une dizaine de jours procura au

malade une certaine amélioration.

Les bourdonnements d'oreille ayant persisté, l'auteur pratiqua

l'auscultation de la tête. Il trouva, en appliquant le sthétoscope

sur le crâne du côté droit, un souffle systolique intense, prolongé,

à caractère musical par intervalles : la raisonnance est un peu

creuse; son maximum est à la région pariétale au-dessus et un peu

en arrière du sommet de l'oreille. Il se propage en s'atténuant,

soit vers le front, soit vers l'occiput.Il n'existe pas du côté.gauche.

Il n'y a pas de souffle anémique au coeur, pas de souffle dans les

carotides. La compression de la carotide droite fait cesser le souf-

fle céphalique, ainsi que le bourdonnement; la compression de la

cacotide gauche l'augmente. Pas de 'souffle- oculaire, ni frémisse-

ment, ni battement dans la région crânienne.

M. Clément pense qu'il s'agit d'un bruit vasculaire lié à l'exis-

tence d'une lésion cérébrale. Ce phénomène pourrait être dû, dit

l'auteur, soit à.une artérite syphilitique avec végétation dans la

la lumière du vaisseau ; soit à une artérite, avec anévrisme ; soit

enfin à la présence d'une gomme cérébrale ou de plaques scléro-

gommeuses des méninges comprimant une artère ; il ne s'arrête

à aucun diagnostic et ne fait que signaler le fait. G. Carrier.

LXXVIII. Paralysie générale et syphilis en apparence bénigne;

par M. Devay (Echo médical de Lyon, n° 2, 15 février 1902,

p. 33). ,

M. Devay met en évidence le rôle important que joue la syphilis

dans l'étiologie de la paralysie générale. D'après sa statistique, elle

est certaine dans une proportion de 50 p. 100, et incertaine dans

une proportion de 30 p. 100. Pour l'auteur, l'origine syphilitique

de la paralysie générale n'est presque plus à discuter; c'est un

accident parasyphilitique dont les symptômes peuvent rétrocéder

grâce à un traitement intensif par les injections de calomel et

l'iodure de potassium à hautes doses.

L'auteur publie quatre observations dans lesquelles il attire

l'attention sur la rapidité avec laquelle les symptômes paralyti-

ques ont succédé à l'accident initial (quatre à cinq ans) d'une

intensité très atténuée, et sur la gravité ultérieure d'accidents

syphilitiques très bénins en apparence. Il affirme en outre sa

croyance à la possibilité d'amender le processus paralytique par

un traitement spécifique intensif et prolongé. G. C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 835

LXX1X. Sclérodermie et atrophie musculaire; par M. Vacher

(Société des Sciences médicales de Lyon, 19 février 1902).

Dans l'observation publiée par M. Vacher on constate aux deux

mains, mais plus marquée à gauche : 1° une atrophie musculaire

des plus nettes des muscles des éminences thénar et hypothénar,

interosseux et lembricaux avec ses symptômes cliniques; l'atro-

phie respecte les avant-bras.

2° Un état remarquable de la peau de la main qui est rose

foncée avec lignes papillaires et grandes lignes palmaires très

accusées. Elle est épaissie et adhérente, rugueuse au toucher, se

laissant difficilement pincer entre les doigts. Cet état se prolonge

sur la face dorsale au niveau des deuxième et troisième phalanges

des doigts seulement, alors qu'à la face palmaire ils sont atteints

dans toute leur étendue. Les ongles sont amincis. Pas de troubles

de la sensibilité. Subjectivement, la malade n'accuse qu'une sensa-

tion de froid.

Cette observation est intéressante par l'association d'une atro-

phie musculaire du type myélopathique à la sclérodermie et vient

à l'appui de 1 opinion des auteurs qui ont trouvé des lésions ner-

veuses dans cette dernière affection. G. C.

LXXX. Cas d'hémiatrophie progressive de la langue et de la face;

par Alice Woods (de San Francisco.)

Le cas présente ceci de particulièrement intéressant qu'il a

débuté peu de temps après une scarlatine chez une enfant jeune

(cinq ans). La paralysie siège à droite, tandis que beaucoup d'ob-

servations lui assignent une prédilection pour le côté gauche.

Enfin la migraine dont elle souffrait souvent avant que la paralysie

se développât a diminué à mesure que cette dernière progressait.

(Occidental med. Times, décembre 1901).

LXXXI. Un cas de myopathie avec réactions électriques normales ;

par F. ALIARD (Nouv. Iconogr. de la Snlpétrière, p° 1-1902).

Enfant de huit ans présentant le tableau complet de la myopa-

thie primitive avec cette particularité : aucun des muscles ne pré-

sentait de diminution sensible des excitabilités électriques galva-

niques et faradiques. Ce qui semblerait démontrer que, au cours

des myélopathies, la fibre musculaire subit des altérations variées

et que tandis que dans la plupart des cas ces altérations se tradui-

sent par une diminution quantitative des excitabilités électriques,

dans quelques cas au moins elles pourraient ne modifier en rien

l'état de la conductibilité électrique. R. C.

530 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LXXXII. Une variété peu commune de myopathie atrophique pro-

gressive ; par Ed. Long (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n" i

1902).

Symptomatologie complète de la maladie avec cette particula-

rité rare : Début du processus atrophique par les muscles de la

nuque, de la région postérieure du tronc et de la ceinture pel-

vienne,' d'où attitude et imptoence extraordinaires. Rappelant

les nombreuses variétés déjà cataloguées (types de Landouzy et

Déjerine, d'Erb, de Leyden-Mobius, de Zimmerlin, d'Eichhorst.

etc.), l'auteur estime que les variantes symptomatiques de l'atro-

phie musculaire progressive ne méritent plus qu'on en fasse des

types spéciaux. Il. Charron.

LXXXIII. Une myopathie avec rétractions familiales : parCESTAN et

LEJONNL (Nouv, Icoizog7-. de l'a Salpêtrière, n° 1,1902).

Famille de 4 enfants (sans antécédents héréditaires) dont deux

l'un de vingt-cinq ans, l'autre de treize ans, présentent une myopa-

thie à symptômes très accentués et généralisés, atrophie scléreuse

extrême avec rétraction des membres supérieurs et inférieurs qui

sont plus accentués chez l'aîné et qui dans les deux cas se sont

manifestés dès le début de l'affection. R. C.

LXXXIV. Sur un nouveau cas d'amyotrophie à type Charcot-Marie ;

par Socn (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 1,1902)

Femme de quarante-six ans ayant un père atteint de la même

affection : amyotrophie, réaction de dégénérescence, troubles des

sensibilités, localisation nette aux membres inférieurs, intégrité de

la racine des membres avec les particularités nouvelles : douleurs

fulgurantes et narcolepsie ayant débuté dès l'origine de la maladie

qui remonte à vingt-six ans. L'auteur se demande s'il faut voir la

de simples coincidences ou de nouveaux symptômes à signaler

dans le type Charcot-Marie. R. C.

LXXXV. De la myotonie atrophique (Contribution à la théorie des

myopathies); par IIOSSOLIMO (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière,

n° 1,1902).

Observation ainsi résumée par l'auteur : un homme d'âge

moyen présente depuis trois ans des phénomènes myotoniques

généralisés de la face, du cou, du tronc et des membres. L'examen

anatomique des muscles dénote toutes les propriétés caractéristi-

ques de la myotonie (maladie de Thomsen). Plus tard à ce tableau

commencent à se surajouter, comme particularités atypiques, des

phénomènes d'atrophie musculaire progressive dont le degré se

montre proportionnel à la .gravité du phénomène myotonique,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 337

avec troubles qualitatifs et quantitatifs de l'excitabilité électrique

et affaiblissement de tous les réflexes tendineux. R. C.

LXXXVI. Sur les affections de la queue de cheval et du segment

inférieur de la moelle. Leçon de M. le Pr RAYMOND (Nouv. Iconogr.

de la Salpêtrière, n° 2,1903).

L1XXVII. Infantilisme dégénératif (type Lorain) compliqué de dys-

thyroïdie pubérale (type Brissaud) ; par DUPRÉ et Pagniez (Nouv.

Iconogr. de la no 3,1902).

Observation intéressante par l'analyse des facteurs successifs de

l'arrêt de développement. Hérédo-alcoolisme, accouchement pré-

maturé avec présentation du siège, retard de la dentition, de la

marche, du langage, de l'intelligence. Infantilisme héréditaire

d'origine toxique. Série d'infections infantiles pendant les pre-

mières années de la vie, coqueluche, scarlatine, impétigo et fièvre

typhoïde. Infantilisme acquis, d'origine infectieuse. Evolution pu-

bérale rudimentaire, syndrome myxoedémateux. Infantilisme dys-

thyroïdien. R. C.

LXXXIII. Syndrome de Little; par G. DANIEL (Nouv. Iconogr. de la

- Salpêtrière, no 2,1902).

L'auteur montre ce qu'il y a de vague et d'incertain dans le

tableau clinique et anatomo-pathologique de cette affection, il

rappelle la définition proposée par Van Gehuchten ; « naissance

avant terme, contracture spasmodique des membres, absence de

lésionscérébrales, tendance à la guérison spontanée etprogressive.»,

Il présente plusieurs cas dans lesquels on trouve tantôt la nais-

sance à terme, l'aggravation progressive des symptômes, le début

plusieurs années après la naissanse et encore l'adjonction d'autres

symptômes ; nystagmus, parole spasmodique, ou l'absence des

lésions médullaires à l'autopsie. La diversité de ces cas indique

l'intérêt qu'il y aurait à définir sous un terme moins général que

« syndrome de Little » les diverses affections qui s'y rapportent.

R. C. '

LXXXIX. Diplégie faciale congénitale avec paralysies oculaires et

troubles de la déglutition ; par DECRoLY. (Journ. de Neurologie,

1902, 11" 23).

11 s'agit d'un enfant de sept semaines, né à terme dans de

bonnes conditions, qui est atteint depuis sanaissance d'une double

paralysie faciale accompagnée d'ophthalmoplébie et de troubles de

la déglutition attribuée, d'après l'auteur, à une atrophie ou une

aplasie des noyaux bulbaires et prébulbaires, aplasie qui remonte

même peut-être plus haut mais dont les symptômes (contracture,

538 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

faiblesse intellectuelle, troubles du langage) ne s'accuseront que

plus tard. G. D.

XC. Poliomyélite chronique ; par le D DEBRAY. (7oM)'H. de neuro-

logie, 1902, n° 24).

Il s'agit d'un homme de soixante ans, qui fut pris en pleine

santé d'un ictus auquel succéda une atrophie musculaire du type

de Duchenne sans réaction de dégénérescence au niveau de tous les

muscles atrophiés. L'auteur crut pouvoir rattacher cette atrophie

musculaire à une lésion d'origine musculaire des groupes cellu-

laires qui correspondent dans la corne antérieure aux muscles de

la main : la situation, à la partie supérieure des cornes grises, de

ces groupes cellulaires explique que dans les cas de thrombose ou

d'embolie de l'artère centrale, ils ne puissent, comme les groupes

cellulaires antérieurs, recevoir du sang des rameaux périphériques

provenant des intercostales. G. DENY.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXVf. Nouvelles communications sur les champs myélogènes de

l'écorce du cerveau de l'homme; par P. Flechsig. (Neurolog.

Cettral6l. XXII. 1903).

L'auteur possède actuellement en tout 52 séries de coupes d'encé-

phales de foetus et d'enfants qui comprennent les phases les plus

importantes du processus de myélinisation de l'écorce. D'où cette

nouvelle annexe aux communications précédentes. (Voyez Archives

de Neurologie t. 1. p. 375, 1896. t. 7. p. 154 : 4899.-et Congrès

des physiologistes de Turin 1901).

Io. Le nombre des champs en question est vraisemblablement

arrêté à 36. 2°. La première pariétale comprend trois champs,

notamment un territoire situé à sa face externe, généralement

caché dans le sillon interpariétal, caractérisé par une myélinisation

très précoce, mais non chez les nouveau-nés encore peu déve-

loppés : ce n'est que chez les enfants venus à terme de 4 semaines

environ que la formation de la myéline est assez avancée pour

qu'on puisse en préciser les variations en grandeur et en longueur.

M. Flechsig lui donne le numéro 14. Ce serait un champ primordial

tardif.

Formant le dizième environ de la première pariétale, limité en

dehors par le pli courbe, il serait équitablement désigné sous le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 539

nom de circonvolution sus-angulaire. Parfois constituant un pli de

passage, parfois contigu en large et en long à la face externe de

la Ire pariétale, elle est limitée en avant par la zone marginale

de la partie supérieure de la pariétale ascendante (région des

membres inférieurs successivement étiquetée sous les numéros 18

et 16 qui décidément doit être numérotée 18.) En arrière et en

dehors elle est entourée du champ successivement numéroté 26,

22, qui, en arrière atteint à la Ire occipitale. Cette circonvolution

sus-angulaire ressemble étonnamment quant au volume et à la

disposition de ses fibres à lacirconvolution sous-angidaire décrite

en 1895 : toutes deux -acquièrent leurs manchons de myéline

presque en même temps.

Impossible de dire si elle reçoit un appoint de la couronne

rayonnante : chez le nouveau-né à maturité on a l'impression que

la substance blanche de la pariétale ascendante lui envoie en

arrière quelques fibres myéliniques. Le petit nombre d'éléments

empêche de parler de trousseaux de la couronne rayonnante et il

s'y mêle des fibres arciformes de la pariétale ascendante, de sorte

qu'il pourrait bien y avoir quelques fibres de projections isolées.

Mais de très bonne heures apparaît un faisceau radiaire qui se

porte dans la direction de la couronne rayonnante de la circonvo-

lution de l'ourlet, en arrière ; c'est un faisceau du corps calleux,

dont le développement précoce est d'autant plus frappant qu'il est

situé dans le corps calleux, entre les trousseaux calleux du pli

courbe, lesquels appartiennent au territoire terminal n° 36 et se

développent, c'est-à-dire s'entourent de myéline extrêmement

tard. Ce faisceau calleux de la circonvolution sus-angulaire ou champ

210 14 n'est pas un faisceau de la couronne rayonnante .

3° La partie supérieure (antérieure) de la première occipitale, qui

forme entre autres aussi le segment supérieur du coin, rattachée

jadis à la sphère visuelle, n'appartient décidément pas à la sphère

visuelle. Celle-ci ou sphère primaire visuelle de la raie de Vicq

d'Azyr est le champ n° 4. La zone en question est le n° 8. Le déve-

loppement histologique de ces deux cases est tout différent : elles

ne fusionnent pas directement et sont séparées par une bande

corticale étroite qui se développe plus tard. La radiation optique

primaire ne se jette que dans le champ de,Vicq d'Azyr. Presque

en même temps que la case 8, les fibres nerveuses se myélinisent

dans une région de l'écorce qui entoure en arrière et en dehors la

sphère visuelle primaire (région polaire externe), et mérite le ne 1-1

de nouvelles observations montrent qu'une portion de cette région

se développe plus tôt et doit recevoir un numéro spécial (recher-

ches en train).

4° Ordre de succession des champs sphère olfactive. Le n° 1 a été

donné aux ascendantes, le n° 2 à la sphère olfactive. Voici un foetus

de 34 centimètres de long chez lequel la bandelette olfactive

540 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

contient déjà de la myéline, quelques fibres à myéline occupent

l'écorce de la circonvolution en crochet et la lame perforée anté-

rieure tout contre le début de la scissure de Sylvius, tandis que

l'écorce des ascendantes est encore amyélinique : sans doute un

trousseau myélinique de 100 fibres s'élève du globus pallidus vers

. les ascendantes, mais il perd ses gaines de myéline à 1 ou 2 milli-

mètres de l'écorce. Faudrait-il donc se déjuger ?

50 La disposition et le ,mode d'évolution des fibres corticales

prématurément myélinisées présentent dans les divers champs

corticaux des différences caractéristiques qui permettent de dis-

tinguer le type moteur du type sensitif. Le premier est surtout

accentué dans la frontale ascendante, le second, dans la temporale

transverse postérieure. Aucun des deux ne se trouve dans les cir-

convolutions sus et sous-angulaires : disposition spéciale (radiaire)

de leurs fibres, rappelant un peu le type moteur mais aussi voisine

du type calleux ( ? ),

6° A tout trousseau sensitif (centripète) des organes centraux

doit correspondre un trousseau moteur. Le système de projection

de l'écorce semble satisfaire à cette dualité. La radiation tactile et

' le faisceau pyramidal, la radiation optique primaire et secondaire

constituent des composés de ce genre. Même réflextion pour la

radiation auditive et le faisceau de '1·ïrrl : , pour la racine antérieure

de la couche optique et le faisceau d'Arnold. L'étude approfondie

des dégénérescences secondaires montrent que Déjerine se trompe

en faisant provenir les faisceaux d'Arnold de l'opercule, les

faisceaux de Turck des 2° et 3° temporales.

7° Causes de la loi de succession suivant laquelle se forment les

sillons de la surface du cerveau. C'est de très bonne heure que

se forment les sillons à l'intérieur ou sur le bord des territoires

primordiaux : ils ne se forment qu'à la fin à l'intérieur des terri-

toires terminaux. Leur succession émane donc pour une bonne

part au moins des relations du développement intérieur des lobes

cérébraux. Pour en apprécier le code il faut seulement distinguer

entre les sillons transitoires et les sillons permanents.

La scissure de Sylvius forme une exception. Elle est, en effet,

entourée d'un nombre extraordinairement grand de champs myé-

logènes corticaux, de onze au minimum, tant territoires primor-

diaux qu'intermédiaires, et même d'une case qui est presque un

territoire terminal. Par contre, le sillon de Holando, la scissure

calcarine, le sillon de l'hippocampe sont chacun en dedans d'un

champ cortical de sorte qu'on est autorisé à parler ici de sillons

sensoriels, c'est-à-dire de sillons qui servent à agrandir une sphère

sensible. Tous se produisent de bonne heure.

Les divers segments du sillon interpariétal ont une genèse frac-

tionnée. D'abord se produit la partie la plus antérieure, celle qui

est contiguë à la pariétale ascendante (champ n° 1 ancien) ; puis

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 841

c'est la portion la plus postérieure, celle qui limite en dehors le

champ n° 8; enfin apparaît le segment moyen situé entre les

champs n° 14 (nouveau), et 34. '

Du premier sillon temporal, se développe d'abord la partie qui

limite le champ n° 5 (sphère auditive de 1901), et, beaucoup plus

tard, celle qui est située entre les champs n, 18 (1901) et 36. Tout

cela signifie que : « où il y a des districts corticaux hâtifs, exis-

tent aussi des sillons précoces. »

Les coupes en séries donnent l'impression que les faisceaux de

la couronne rayonnante, dans les zones où ils sont très épais,

radiation tactile des ascendantes, radiation optique chassent

devant eux l'écorce, et que, partout où on trouve la maturité pré-

coce des faisceaux de la couronne rayonnante, apparaît également

de bonne heure la segmentation à l'aide de sillons, en un mot,

l'édification des circonvolutions. Comme ce n'est qu'en certains

endroits de l'écorce que la couronne rayonnante est dense, il s'en-

suit des différences naturelles dans la segmentation à l'aide de

sillons des divers territoires corticaux. Inversement, on constate

l'apparition tardive de sillons dans les zones où de longs faisceaux

d'association nombreux et puissants (à développement tardif), et

des trousseaux calleux, tardifs aussi, se joignent à l'écorce :

exemples : champs corticaux n°" 35 et 36 de 1901 anciens 40 et 38

de 1898. Il ne saurait donc plus avoir de doute sur l'existence d'un

)'[tppp0)'( de cause ci effet entre le développement par cases de l'écorce

entre les champs corticaux myélogènes, et l'époque de la formation

des sillons définitifs, c'est-à-dire des circonvolutions permanentes.

P. KKHAVAL.

XXVII. Lenteur des pupilles à l'accomodation et à la convergence;

par J. Strasburger. Du mouvement myotonique des pupilles :

parA.SAENGER. De la lenteur dite myotonique à la convergence

des pupilles immobiles à la lumière; par Nonne. Lenteur

des pupilles à l'accomodation et à la convergence, ou mouve-

ment myotonique des pupilles ; par J. STHASBURGER. Du

terme de mouvement myotonique des pupilles; par A. Saenger.

(Neurolog. Cenlralblalt, XXI. 16, 18, 21, 22, 24. 1902). De la

contracture du sphincter irien des pupilles immobiles à la

lumière, pendant la réaction à l'accomodation et à la con-

vergence ; par M. Rotumann. De la réaction neurotonique

des pupilles; par J. PILTZ. (Neurolog. Centralblatt XXII. 1903.)

Les observations de Strasburger, au nombre de trois, concer-

nent des jeunes gens syphilitiques atteints d'immobilité des pupilles

à la lumière soit d'un côté, soit des deux et présentant en outre

une réaction lente quoique complète à l'accommodation et à la

convergence de la pupille immobile ou non à la lumière. C'est ce

S42 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

que Saenger appelle le mouvement myotonique des pupilles, déjà

observé par Piltz chez le paralytique général mais seulement à la

suite de la contraction volontaire énergique de l'orbiculaire palpé-

bral. Saenger en donne une autre observation où ce phénomène

se produit tant à l'accommodation et à la convergence que par la

fermeture de la paupière chez un tabétique à longue évolution ( ? ) ;

il tend à croire qu'il s'agit d'une lésion périphérique siégeant dans

l'iris, quelque chose d'analogue au trouble myotonique de la

maladie de Thomsen, le microscope cornéen de Westien ayant

décelé des troubles trophiques de l'anneau irien. AI. Nonne apporte

deux nouvelles observations dans lesquelles, au lieu de syphilis et

d'affection spinale, existait diabète sucré et alcoolisme, qui permet-

tent de penser à un trouble localisé dans la branche centrifuge de

l'arc réflexe : il croit à une altération tonique du mouvement de

convergence des pupilles immobiles à la lumière, d'origine péri-

phérique et musculaire.

M. Strasburger n'accepte pas l'expression de mouvement myoto-

nique des pupilles pour les raisons suivantes. Absence de toute

myotonie; dans la myotonie de Thomsen, les muscles oculaires

sont exceptionnellement atteints tandis qu'ici ils sont seuls affectés.

Le décours du mouvement des pupilles a, avec la maladie de

Thomsen, le seul point commun de la lenteur et de la durée ulté-

rieure de la contraction : dans la myotonie, l'exercice des mou-

vements musculaires vient à bout de la raideur, ici, la répétition

accélère sans la détendre la réaction. La raréfaction du tissu irien

est juste le contraire de l'augmentation de volume du muscle

myotonique : la perte de substance de certains muscles est tardive

dans la maladie de Thomsen, et, d'ailleurs, la raréfaction d'un

muscle ne prouve pas une affection musculaire idiopathique.

M. Saenger insiste sur la durée de la contraction et la lenteur de

la dilatation finale de la pupille pendant le phénomène. Dans sou

observation et celles de Piltz, Strasburger, Nonne, la contraction

persiste, la dilatation s'effectue infiniment lentement; le terme

de mouvement tonique consigne précisément la conlraction

tonique du muscle irien. Ce à quoi répond M.Rothmann que les cas

de Strasburger et de Saenger diffèrent. Le premier témoigne du

simple ralentissement de l'ensemble des phases du phénomène, de

la paresse de la pupille. Celui de Saenger montre la fixation pen-

dant plusieurs minutes de la pupille à son plus fort état de con-

traction, c'est-à-dire la contracture, Nonne également. Voici une

observation dans laquelle on a vu se développer cette contracture à

la phase de régression partielle d'une paralysie complète du

sphincter irien. 11 y a donc deux formes de réaction lente de la

pupille à l'accommodation et à la convergence, dont l'une, celle de

Strasburger, est le prodrome faible de celle de Saenger. Ces deux

formes émanent de l'atrophie progressive et de la contracture du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 543

sphincter irien parésié et se peuvent développer sur le terrain de

multiples processus aigus et chroniques lésant le territoire

nucléaire ou les fibres nerveuses du sphincter. En attendant les

recherches microscopiques éventuelles, ces observations prouvent

que la paresse des pupilles et la contracture du sphincter irien à

l'accommodation et à la convergence que l'on observe sur les pupilles

inertes à la lumière tiennent à une altération périphérique du

sphincter de l'iris.

Ilevisant les faits relatifs à la manière d'être des pupilles dans le

cours des maladies organiques du système nerveux central, M. Piltz

en vient au phénomène pupillaire en question décrit par lui, Stras-

burger, Saenger et Nonne, auquel il attribue deux caractères : une

certaine paresse du mouvement de la pupille, une remarquable

persistance ultérieure de la contraction qui s'est installée. En

d'autres termes, la contraction de l'iris à la convergence et à l'ac-

comodation, voire à la convergence seule, ne s'effectue que très

lentement, et l'iris demeure contracté plusieurs secondes, minutes,

ou heures pour ne se dilater que graduellement. Il est probable

qu'il s'agit de certaines altérations pathologiques du centre irien

ou de la branche centrifuge de l'arc réflexe du muscle irien. Mais

il y a plusieurs espèces de ce phénomène. 1° Il est des cas où

la cause doit en être cherchée dans une affection du système ner-

veux central : on a affaire alors à la réaction pupillaire neuroio-

nique ; neurotoniques sont ici la réaction à la lumière, la réaction

à l'accommodation, la réaction à la convergence, la réaction

des pupilles par contraction de l'orbiculaire. 20 L'expres-

sion de réaction pupillaire myotonique convient aux cas où l'on

constate certaines altérations pathologiques dans le tissu même de

l'iris et où la forme myotonique du mouvement des pupilles apparaît

à l'examen des réflexes pupillaires encore conservés. 3° La

réaction neurotonique et la réaction myotonique des pupilles peu-

vent être désignées sous le nom commun de réaction tonique, mou-

vement tonique, forme tonique du mouvement des pupilles.

P. IiERAVAL.

Conférences de médecine légale psychiatrique (3° trimestre sco-

laire). M. le D1' Paul Ganncca, médecin en chef de l'Infirmerie spé-

ciale, est chargé du cours de médecine légale psychiatrique,

3° série de conférences, les mercredis et les samedis à 1 h. 1/2,

3, quai de l'Horloge. (La conférence du mercredi sera consacrée à

des exercices pratiques de diagnostic.) Des cartes d'admission sont

délivrées au secrétariat de la Faculté à MM. les Docteurs en Méde-

cine, les internes des hôpitaux et les étudiants ayant passé leur

4e examen de doctorat. Après trois mois d'assiduité à ce cours, un

certificat de présence sera régulièrement délivré.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 27 avril 1903. Présidence de M. G. Ballet

M. RITTI, secrétaire général, donne lecture d'une communication

de M. Prou, intitulé :

Le rôle des organes internes dans l'évolution et la constitution de la

vie mentale.

Les organes internes ne sont pas seulement la « brute dyna-

mique » de Bichat : ils interviennent aussi pour une part impor-

tante dans l'évolution et la constitution de la vie mentale.

I. En effet, la vie végétative.régit la nutrition des centres

nerveux supérieurs tout aussi bien que celle des muscles et des os.

Le cerveau de l'enfant, à sa naissance, ne pourra conserver les

sensations qui lui viennent du monde extérieur, l'adolescent et

l'adulte ne pourront poursuivre leur éducation, conserver et

augmenter les acquisitions passées, rester normaux que si aucun

trouble somatique n'entrave le développement de la vie végétative.

l'évolution parallèle des deux vies, sympatique et intellectuelle.

II. L'écorce du cerveau étant le lieu où aboutissent les termi-

naisons nerveuses de l'organisme périphérique et des viscères, les

excitations qui portent sur ces terminaisons parviennent immédia-

tement à l'encéphale et modifient plus ou moins le dynamisme

mental selon que le trouble viscéral, fonctionnel, survient brusque-

ment et dure peu (aphasie transitoire par simple indigestion chez

l'enfant, cas de Kénock) ou s'installe à demeure fixe dans l'orga-

nisme physique (psychoses d'origine génitale ; hypochondrie par

ptose rénale; transformation du caractère et des goûts après l'é-

masculation). Si l'affection somatique chronique passe à l'état

aigu, il y a délire ou perte de la connaissance, c'est-à-dire abolition

de la conscience pendant la durée de la crise. Si la maladie est

ancienne et a subi de fréquents paroxysmes, la raison tout entière

peut sombrer à tout jamais, vaincue par la vie végétative.

Sur un cas de délire de Dlcdiumnité.

MM. Ballet et DIIEUA. Cette observation est celle d'un malade

qui a été en proie à un délire des plus intenses, mais qui reposait

SOCIÉTÉS SAVANTES. 545

uniquement sur des troubles cérébraux en tout point analogues à

ceux que l'on observe chez les médiums. L'état mental des « alié-

nés » de ce genre semble n'être que l'exagération, le grossissement

de l'état mental propre à tous les médiums.

Lorsqu'on étudie, en effet, au point de vue de sa physiologie

pathologique l'état mental d'un médium, on voit qu'il restez

d'une désagrégation plus ou moins complète de la persoBmaiifë1 ·

avec intervention des phénomènes subconscients et hallucinations ^

consécutives. Vfc,

Que le médium fasse marcher une table, qu'il écrive automate,

quement, qu'il entende une voix, il attribue toujonrs à un être.

imaginaire des phénomènes dont la plus grande part revient à une

personnalité seconde qui existe en lui et qu'il ignore.

Or, ce qu'on observe chez les médiums, c'est aussi ce qu'on

observe considérablement grossi chez des médiums (semblables à

celui de l'observation) qui, obéissant aveuglément à l'esprit, fait

des tentatives de]suicide et d'homicide, se livrent à des actes extrava-

gants les plus variés et passent avec raison pour de véritables

aliénés. Cependant il n'y a aucune différence fondamentale entre

le trouble mental de ces aliénés et celui des médiums ordinaires.

Délire-hallucinatoire avec idées de persécution consécutif à des

phénomènes de médiunanité.

MM. GILBERT Ballet ET Monier-Vinard. Chez le malade dont

l'observation a été présentée, aux phénomènes ordinaires de

l'état médiumnique (communication avec les esprits, écriture auto-

matique) se sont surajoutées des hallucinations extrêmement in-

tenses de tous les sens, et plus particulièrement de la vue et de

l'ouïe. Leur variété, leur mobilité sont extrêmes. Mais en outre, la

tendance au dédoublement de la personnalité consciente qui ca-

ractérise tout médium s'est progressivement accentuée, et mainte-

nant, le malade rappelant en cela le visionnaire Swedenborg,

effectue de nombreux voyages dans les astres. Il parcourt surtout

la planète Saturne et, par écrit, il donne le récit de ses excursions,

décrivant le pays, le langage, les moeurs de ses habitants. Des

idées de persécution se sont développées aussi. La débilité mentale

du sujet est le facteur étiologique de tous ces troubles.

M. G. Ballet. - Le malade dont il est question dans cette

observation est très intéressant : 10 au point de vue de la psycho-

logie psychologique du médium; 2° parce qu'il est la représenta-

tion de la personnalité de Swedenborg, cet homme éminent qui,

toute sa vie, est allé se promener dans les astres. C'est pour ainsi

dire un Swedenborg au petit pied avec cette différence que

Swedenborg était une puissante intelligence tandis que notre

malade est un imbécile.

Archives, 2 séné. t. XV. 35

846 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le malade, AI. X..., est introduit. Il raconte ses voyages dans

Saturne de la mer Saturnine jusqu'à Rostoff (nom qu'il a vu

écrit là-bas).- Saturne est une terre abandonnée dont lis habitants

parlent un grec écorché (,ic). Il est, dit-il, spirile; il peut quitter

son lit et part comme un nuage, comme la fumée d'une cigarette.

Une fois arrivé dans Saturne, il retrouve son corps matériel. Un

esprit s'est emparé de lui, l'esprit de sa défunte (femme) qui le

fait écrire; mais il ne sait jamais d'avance ce qu'il va écrire, etc.

AI. Doissier donne le résumé d'une observation analogue de dé-

lire chez un médium. Observation qui sera communiquée in extenso

ultérieurement.

n1. Christian fait la remarque que ces observations ressemblent

aux observations de démonomanie publiées autrefois dans

Esquirol, Michéa, Calmeil et la vie des Saints. Il distingue deux

catégories de médiums, le médium soi-disant raisonnable qu'on

rencontre dans la société et celui qui, à cause de l'intensité de ces

troubles délirants, ne peut y vivre. Les hallucinations, les troubles

de la sensibilité sont attribués à l'influence des esprits. On était

autrefois sous l'iiiflierice d'Asmodée ou d'Astharotlr. Les déniono-

manes, tout comme les médiums, allaient en voyage : s'ils n'allaient

pas visiter Saturne, ils allaient au sabbat.

M. i-. Ballet s'associe aux remarques de M. Christian, il ne s'a-

git pas d'une forme psycbo-patbiqne nouvelle. En présentant ces

observations, les auteurs n'ont eu pour but que de rechercher

comment nous, médecins, pouvons interpréter l'état mental des

médium*. Il y a des degrés divers depuis le spirite banal jusqu'au

médimn éctivant. Le lait constant, chez le médium, c'est la tendance

' la dissociation de la personnalité, c'est la désagrégation arrivant

à favoriser le développement des hallucinations auditives et vi-

suelles 1.

ni. CHRISTIAN. On observe la même gradation dan" la démo-

nomanie. Chez les théomanes également. Au premier échelon, les

gens pieux; à un degré supérieur, ces gens sont plus spéciale-

ment favorisés de Dieu. Un pas de plus et Dieu leur parle. Ils sont

sur le chemin de la folie.

A1M. KLIPIIEL et Viguurocx présentent trois observations depot'a-

lytiques généraux qui, bien que u'etaut ni cachectiques, ni cardia-

ques, ni brightiques, ni diabétiques, ont présenté de I*oedèrne

fugace. Cet oedème fut uni-lalérai occupant chez l'un la jambe,

chez un autre il éiait symétrique et de même siège; chez le troi-

sième il occupait les deux jambes et se manifesta au mveau du

dos des deux mains. C'était un oedème mou, blanc, indolore, gar-

1 Voir à titre de documents : Bourneville, Iconographie phot. de la

Salpêtrière; Louise Laleau ou la stigmatisée belge; - Bibliothèque

diabolique, etc.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 54T

dant l'empreinte du doigt. Il fut intermittent, d'une durée de trois

à cinq jours. La station debout a semblé une condition favorable à

son développement, la marche et le repos le faisaient disparaitre.

Les trois observations se rapportent à des paralytiques généraux

avéré» à une période peu avancée de leur maladie. Quelle est donc

l'origine de cet oedème, les auteurs écartent l'eedème inflamma-

toire, l'cedème cardiaque, brightique, diabétique ; l'oedème e

cachectique ne peut être mis en cause. Chez les paralytiques géné-

raux à la période de cachexie, l'oedème permanent, s'accompagne

d'un ensemble de troubles vaso-moteurs et trophiques dus l'alté-

ration des centres nerveux.

Cet oedème précoce montre une défaillance intermittente du

système nerveux et traduit l'action de l'infection sur les centres

vaso-moteurs, qu'elle se fasse sentir dans les ganglions du sympa-

thique, dans la moelle, dans le bulbe ou au niveau même de l'é-

corce cérébrale. La précocité de l'apparition de l'oedème permet

même d'admettre qu'il faut rapporter ce svmprômeà l'encéphalite

et que le point de départ de la vaso-paralysie est dans l'écorce au

niv au des centres moteurs des membres.

La physiologie n'y contredit pas ; on sait, en effet, que les centres

moteurs des membres sont susceptibles d'influencer la circulation

de-; mêmes parties. Il est logique d'admettre que, avant d'être

atteint dans son entier, le système vaso-moteur est d'abord

altéré dans ses centres les plus fragiles; de même que dans le

système de la vie de relation ce sont les muscles striés dont les

mouvements sont les plus délicats qui sont les premiers atteints

(muscle» des lèvres et de la lace, doigts, etc.). Plus tard, les vaso-

paralysies s'accusent jusque dans les viscères en produisant le foie,

le rem, le poumon vaso-paralytiques.

M. TouLousE. Les faits rapportés par MM. Klippel et Vigouroux

sont très intéressants, en attirant l'attention du médecin sur les

cas fréquents où les paralytiques généraux présentent des oedèmes

non symétriques à la période de début. Je me rallie complètement

à la théorie de M. Klippel. Ces faits sont à rapprocher du dermo-

graphisme qu'on rencontre chez les mêmes malades et qu'on peut

attribuer à la même cause.

M. ÏREUEL. J'ai eu précisément l'occasion de voir cet oedème

chez le malade dont j'ai présenté l'observation récemment. La

paralysie motrice des deux membres supérieurs avait été précédée

par un oedème.

111. ARNAUD. Il s'agit d'un symptôme qu'on s'étonne de ne pas

voir signalé partout et qu'on rencontre assez fréquemment. Je me

rappelle en avoir vu plusieurs cas. Je les ai constatés surtout aux

membres supérieurs. Je ne pense pas toutefois qu'ils se présentent

à une période aussi précoce.

548 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du 2G avril 1902.

Un cas d' hémihypertrophie faciale avec présentation d'une malade.

Dr L. AIinor. Il s'agit d'une fille de trente ans. chez laquelle

commença à s'augmenter en volume la moitié droite de la face.

approximativement un an après qu'on lui avait fait l'opération

d'un abcès profond, s'étant développé du côté droit du cou, sous

l'angle de la mâchoire inférieure, à la suite de la destruction mor-

bide d'une glande lymphatique. L'augmentation concernait prin-

cipalement l'os de la mâchoire inférieure et progressait jusqu'à

l'année 1900, lorsque le processus, à ce qu'il parait, acheva son

développement. Ce cas, au premier abord, fait l'impression, ainsi

que les cas de Danas, d'une hémiatrophie gauche, mais un exa-

men plus détaillé, vérifié par le professeur d'anatomie D. Zernoff,

indique que c'est seulement la moitié droite augmentée, qui est

lésée. En s'appuyant sur la pathogénie du cas, l'auteur est porté à

reconnaître ici une cause périphérique, sans doute à la suite d'une

blessure de la bronche ou du ganglion du nerf sympathique pen-

dant l'opération de la glande. Pour confirmer cette supposition,

M. Minor cite les expériences des auteurs étrangers et aussi le

travail du professeur Sinitzine. Il présente à l'appui les crânes de

lapins, opérés par le professeur Sinitzine, qui a eu l'amabilité de

les lui prêter pour cette séance. Sur ces crânes, on voit la différence

dans la croissance de la mâchoire et des dents entre le côté sain

et le côté opéré. La communication, outre la présentation de la

malade, a été accompagnée encore par la démonstration d'une

figure moulée de la joue et de la mâchoire inférieure et d'une

série de photographies concernant la malade en question et aussi

les cas des autres auteurs. ,

Discussion. Le Dr N. POSTOWSRY trouve possible que la dystro-

phie donnée pouvait être congénitale, d'autant plus que la lésion

du nerf périphérique n'est pas bien démontrée.

Dr B. Mouravieff voit une cause possible de l'excroissance uni-

latérale de l'os de face dans la stagnation du sang et de la lymphe,

provoquée par la compression par la cicatrice profonde des vais-

seaux veineux et lymphatiques correspondants.

Le professeur W.HoT); insiste sur ce fait que' simultanément on

peut observer l'hémiatrophie et l'hémihypertrophie, comme cela a

lieu dans le torticolis.

Le Dr Pribytkoff a aussi observé des cas semblables.

SOCIÉTÉS savantes. 549

Du trouble dissocié de la sensibilité cutanée dans la lésion du tronc

cérébral.

Dr G. Rossolysio. L'auteur communique quatre observations

personnelles, dans lesquelles ressortent en premier lieu l'analgésie

et la thermoanesthésie simultanément avec le trouble de la coor-

dination de. type cérébelleux et avec le trouble de divers nerfs

cérébraux.

Cas 1. Malade K ? de soixante-cinq ans. La période initiale

de la maladie est apoplectique. Au début, vertige, vomissements et

un hoquet incessant. Sphère motrice normale. Affaiblissement du

réflexe patellaire droit. Au commencement des fourmillements

dans la moitié gauche de la face et la main gauche. La sensibilité

tactile'partout normale. Analgésie et tlzeumonnesthésie profondes et

très prolongées de la moitié droite du corps et des extrémités droites.

Diabète. Diagnostic : Affection de la moelle allongée.

Cas 11. Malade B..., quarante-cinq ans. Commencement pro-

gressif de la maladie, dans trois accès, céphalalgie, vertige, vomis-

sement, hoquet incessant. Ataxie des extrémités droites, de type

cérébelleux; tendance à tomber du côté droit. Lenteur musculaire

du côté du nerf facial droit. Les mouvements des extrémités sont

normaux. Douleurs dans la moitié droite de la tête. Sensibilité

tactile normale partout. Un affaiblissement très marqué de la sen-

sibilité douloureuse et thermique dans toute la moitié gauche de

la face, de la tête, du tronc et des extrémités gauches. Un petit

affaiblissement du sens musculaire sur l'extrémité supérieure droite.

Disparition progressive des phénomènes morbides sous l'influence

d'un traitement spécifique. Diagnostic : Affection spécifique du

tegmentum du pont de Varole.

Cas Il[. Malade, de quarante-deux ans. Période initiale apo-

plectique de la maladie. Au début, vomissement, hoquet, vertige.

Phénomènes stables. Ataxie de caractère cérébelleux dans les

extrémités droites. Démarche cérébelleuse avec tendance à tomber

à droite. Parésie de la portion motrice du trijumeau du coté droit

et du nerf pathétique. Dysphagie. Les mouvements des extrémités

sont normaux. Affaiblissement du réflexe laryngé. Manque des

réflexes de la fossette du coeur et abdominaux. Le sens tactile est

sans modifications. Abaissement très profond de la sensibilité

thermique et douloureuse sur toute la moitié gauche du corps.

Abaissement du goût sur toute la moitié droite de la langue.

Diagnostic : Affection du tegmentum du pont de Varole et de la

moelle allongée.

Cas IV. Alalade P..., quarante-sept ans. Développement de la

maladie en quelques heures. Au début : vertige, nausée, vomisse-

ment, hoquet opiniâtre de longue durée, trouble de la déglutition,

550 SOCIÉTÉS SAVANTES.

douleur dans la moitié gauche de la tête. Phénomènes stables :

ataxie à caractère cérébelleux dans les extrémités gauches, dé-

marche cérébelleuse avec tendance à tomber à droite. Rétrécisse-

ment et réaction lente de la pupille gauche. Trouble oculo-moteur

compliqué avec difficulté de rotation des bulbes des yeux à gauche et

avec parésie du muscle droit inférieur du côté droit. Nystagmus

rotatoire et vertical plus accentué, lorsque le malade regarde à

gauche. Point d'affaiblissements des mouvements volontaires.

Affaiblissement du réflexe cornéal gauche. Affaiblissement de tous

les réflexes tendineux. Parfois des douleurs fulgurantes dans la

région de la branche II du trijemeau gauche. La sensibilité tactile

est conservée partout. Profonde anesthésie thermique et doulou-

reuse avec inversion des perceptions des températures extrêmes

sur la moitié gauche de la face, principalement dans la branche II

du trijumeau gauche et sur la moitié droite du corps,plus basque

la clavicule. Dans deux tiers antérieurs de la moitié gauche de la

langue un léger affaiblissement du goût. Diagnostic : Affection

spécifique du tegmentum du pont de Varole.

Se basant sur l'étude de ces quatre cas personnels et les compa-

rant avec huit cas, décrits par d'autres auteurs, dont deux ont été

suivis d'autopsie (Walenberg et Laclanie et lllonalcow), le rappor-

teur trouve possible (1) d'instituer le tableau clinique, consistant

en symptômes basilaires et accessoires, où en premier lieu il envi-

sage l'analgésie et la thermoanesthésie unilatérales ou entrecroisées

avec conservation de la sensibilité tactile (la dissociation syringo-

myélique) du côté opposé au foyer morbide et des phénomènes

cérébello-ataxiques, préalablement du côté du foyer ; d'admettre

pour un tel symptôme complexus la lésion localisée de la moelle

allongée dans la région des fibres arciformes internes, avoisinant

l'olive, le noyau ambigu, le faisceau de Gowers et la racine ascen-

dante du trijumeau et du pont de Varole dans la formation réticu-

laire du tegmentum, au voisinage des pédoncules céréhelleux

antérieurs de reconnaître l'existence dans le tronc cérébral des

voies particulières, ne correspondant pas avec le faisceau de

Govers, mais probablement s'élevant du faisceau fondamental du

cordon antéro-latéral et destinées pour conduire les sensations

thermiques et douloureuses.

Discussion. Le Dr L. MINOR est d'avis qu'il y avait dans les

cas du rapporteur quelque chose de semblable à la paralysie de

Brown-Séquard avec une localisation haute.

Le Dr W. MOURATORF trouve possible qu'une partie des phéno-

mènes, observés chez les malades en question, étaient d'un carac-

tère réflexe. Plusieurs remarques ont été encore faites par le pro-

fesseur W. Both et le D1' G. PRIBYTKOFF,

A, BFRNSTEIN. B. MOURAVIEFF. S. SOUAfi.4NOPl'.

sociétés savantes.. 551

(Séance du il mai 1902)

De l'aspect externe des dendrites veiiiales chez les vertébrés adultes.

D" SERGE SouKHANOFF et Feliks GZ : IIiNIEC61. Les dendrites des

cellules nerveuses de la moelle épinière chez les vertébrés adultes

jusqu'à présent n'ont pas été étudiées, à la suite de l'énorme

difficulté d'obtenir une imprégnation chromo-osmique tant soit

peu suffisante à des conditions données ; mais si on se sert pour le

traitement des préparations (par la méthode de Golgi-Ramon Y

CAJAL) de la moelle épinière des vertébrés supérieurs adultes de la

méthode proposée par SAUKHANOFF, alors on parvient à sur-

monter à un degré assez considérable la difficulté en question. Le

procédé de Soor.trwoFF consiste en ceci, que avant de plonger les

morceaux de la moelle épinière dans le liquide chromo osmique,

il est indispensable de partaaer ces morceaux en deux ou trois

parties à l'aide d'une coupe longitudinale. Grâce à cette méthode,

on obtient, dans certains cas, une assez bonne imprégnation

des éléments nerveux et une parfaite imprégnation suffisante de

leurs dendrites. Les rapporteurs décrivent les résultats des investi-

gations (par la méthode deGalgi Ilamon y Cnjal) de la moelle épi-

nière d'un vieux lapin (d'aspect bien portant), chez lequel bien des

cellules spinales de calibre menu étaient pourvues de df-iilli ites, se

trouvant en état variqueux. Chez d'antres petites cellules toutes

les dendi ites étaient parsemées d'appendices collatéraux de diverses

formes et grandeurs; lesprolongementsprotopiasmatiques,appar-

tenant aux cellules motrices de la corne antérieure, étaient pauvres

en appendices collatéraux, et l'état variqueux n'était observé que

préférenciellement sur les dendrites terminales; en outre, on pou-

vait encore voir sur les dendrites, richement pourvues d'appen-

dices collatéraux, des formations particulières, comme des ap-

pendices collatéraux plus complexes ; les auteurs donnent à ces

formations le nom de « rejetons ». Ensuite, les auteurs citent les

résultats de leur examen de la moelle épinière de deux hommes

(de trente-neuf et de cinquante-deux ans) ; ici aussi ils ont constaté

une différence très marquée entre l'aspect externe des dendrites

des cornes antérieures et des cornes postérieures; les contours

des prolongements protoplasmatiques des cellules motrices sont

plus réguliers et moins sinueux et, en somme, plus pauvres en

appendices collatéraux que les dendrites des cellules sensitives

ayant des contours moins réguliers et riches en appendices colla-

téraux : Vêlât moniliforme a été observé seulement sur les ramifi-

cations terminales des dendrites motrices et sur un grand nombre

de ramifications des cellules de la corne postérieure. Pour conclu-

sion, les rapporteurs notent qu'il leur est arrivé devoir sur le corps

58Ë SOCIÉTÉS SAVANTES.

cellulaire des éléments nerveux de la corne postérieure des appen-

dices, rappelant, par leur aspect, les appendices collatéraux des

dendrites. Ont pris part à la discussion, MM. Fh. Rybalioff et

W. Roth.

En discutant sur la question d'éterniser la mémoire du défunt

professeur A. J. Kojevnikoff, la Société a décidé, entre autres, une

fois les moyens trouvés, de fonder un Institut neurologique sous

le nom de A. J. Kojevnikoff.

' A. BFRNSTEIN. B. Mouravieff. S. SOUHHANOFF.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 7 mai 1903. Présidence DE 11. PAUL RICHER

Abolition du réflexe pupillaire dans la syphilis.

M. Polguère rapporte quelques cas de syphilis qu'il suit depuis

six ans au moins, quelques-uns mêmes depuis quatorze ans. Parmi

ces malades cinq sont tabétiques, trois sont paralytiques généraux.

Un de ces derniers a du myosis avec rigidité mais sans inégalité

pupillaire. Plusieurs autres ont une abolition complète du réflexe

pupillaire sans aucun autre signe de tabès ou de méningo-encé-

phalite.

Etude clinique et expérimentale sur le fonctionnement du nerf dégé-

zzéré sensitif.

M. Alax EGGER. La méthode des relevés périodiques de l'état

des sensibilités a montré que les anestbésies organiques (tabès,

hémianesthésie hémiplégique, sclérose en plaques, névrites), ne

sont pas du tout fixes, immuables comme on le voit, mais qu'elles

sont au contraire sujettes à de grandes oscillations de leur état

intensif et extensif. Des périodes de régression alternent avec des

périodes d'accroissement, même si l'affection date de longues

années.

L'application de la méthode de sommation a montré que les

anesthésies organiques du tabès, de l'hémianesthésie cérébrale, de

la sclérose en plaque, de la névrite, ont conservé derrière le masque

d'une mort apparente de grandes manifestations vitales. Un dia-

pason vibrant moyennant un électro-aimant et dont une des

branches est munie d'une pointe d'épingle fait 60 piqûres par

seconde. Avec cet instrument on réveille partout la sensibilité où

la dégénérescence nerveuse a créé de l'anesthésie. Les anesthésies

sociétés savantes. 553

lés plus intenses cèdent sous l'influence de la sommation. C'est

dans les anesthésies psychiques que la méthode de la sommation

a donné les plus heureux résultats pratiques. Les cas d'anesthésies

hystériques les plus rebelles ont été guéris.

L'anesthésie organique que l'opinion générale attribue à une

destruction matérielle des voies conductrices ou de leurs aboutis-

sants relèvent d'une autre cause.

Egger croit que la gaine de myéline joue le rôle de membrane

nourricière vis-à-vis du cylindraxe. Ce dernier demande deux

nutritions; une nutrition trophique qui lui vient de la cellule gan-

glionnaire et une nutrition d'activité qui lui est assurée par la

gaine de myéline. Si la gaine de myéline s'atrophie et disparaît, le

nerf devient facilement épuisable et sa conduction est ralentie.

Conduction ralentie et épuisement rapide sont les propriétés, nor-

males du nerf sans myéline ut de la libre de Rémak (libres sécré-

toires, vasomotrices, sympathiques). En pathologie l'épuisement

et la conduction ralentie se trouvent daus toutes les affections de

la voie sensitive, mais principalement dans le tabès et la névrite.

Comme la résistance dépend du diamètre du conducteur, l'atro-

phie extrême du cylindraxe oppose une grande résistance au cou-

rant centripète. L'autopsie d'un cas de paralysie totale du plexus

brachial a montré que l'existence d'une quantité considérable de

tubes nerveux laissa subsister une anesthésie absolue. Ici le cylin-

draxe était réduit à une mince fibrille qui opposa une grande

résistance aux irritants ordinaires. Ce n'est que le renforcement

des irritants par le procédé de la sommation qui a fini par

vaincre cette résistance. Egger croit que la plupart des anesthésies

organiques sont dues à une augmentation de la résistance ner-

veuse, qui elle-même reconnaîtrait comme cause l'atrophie du

cylindraxe et la disparition de la gaine de myéline. Une anesthé-

sie ne peut être déclarée absolue que si elle a résisté à la somma-

tion.

Guérison d'une mélancolique au cours d'une provocation du vertige

voltaïque.

M. Babinski dirigeant le traitement d'une mélancolique intermit-

tente, dont le dernier accès durait depuis seize mois et dont le syn-

drome était aussi complet que les troubles étaient profonds, eut

l'occasion de rechercher sur cette malade le vertige voltaïque. Après

la première séance de trois minutes, la patiente se déclara infini-

ment mieux et étonnée à l'excès de voir presque tout son malaise

dissipé comme par enchantement. Une seconde séance eut lieu, le

vertige fut plus intense encore, la malade perdit presque connais-

sance et en revenant à elle, elle se trouva complètement guérie.

Elle décrivit son vertige, dit avoir perdu connaissance un moment

pendant lequel elle a rêvé qu'elle naviguait et éprouvait un violent

554 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mal de mer, puisqu'elle abordait à une côte au moment, où se

réveillant, elle s'est trouvée entièrement transformée. M. Babinski

demande que l'on cherche à produire comme lui le vertige vol-

taïque très accentué en plaçant comme lui les électrodes devant le

tragus, pour voir s'il y a là réellement un moyen curatif, ou si ce

cas qui l'a vivement frappé n'était qu'une simple coïncidence de

guérison survenant naturellement avec une manoeuvre qui ne l'au-

rait pas causée.

Lui. Ballet fait observer qu'il s'agit là d'une mélancolie intermit-

tente, variété à marche très particulière. On électrise des malades

atteints de cette ailection pendant des mois sans rien obtenir et

un beau jour ils se guérissent comme si on avait déclenché

quelque chose. En tout cas, au prochain accès de sa malade,

M. Babinski devrait recommencer cette pratique à toutes les phases

de la maladie.

Alénizgisnze ou méningite.

M. P3r(ISSAUD présente une malade qui à plusieurs reprises eu

tous les symptômes de la méningite, y compris le cri hydrencé-

phalique, agitations, strabisme. paralysie, immobilité pupillaire,

etc. La ponction lombaire a montré une riche lymphncytose, le

diagnostic porté la première fois a été méningite tuberculeuse. Le

traitement spécifique fut appliqué à tout hasard malgré l'absence

de tout stigmate et de tout commémoratif de syphilis, la malade

est partie guérie. Elle a eu à intervalles assez longs trois accès

pareils. Sa santé actuellement est parfaite sauf un peu d'inégalité

avec rigidité pupillaires et unelymphocitose toujours positive. Les

réflexes tendineux sont diminués.

M. Babinski fait de cette malade une tabétique.

M. MARIE montre les pièces de deux méningites postérieures de la

moelle.

Thrombose médullaire et hyperesthésie.

MM. BRISSAUD et 13nESSY rapportent l'histoire d'une thrombose

médullaire traumatique localisée en un point si restreint qu'elle

avait réalisé une section très fine de la moelle, une minuscule

portion d'une seule racine postérieure était intéressée, et au

lieu d'anesthésie, la région correspondante était hyperesthésique.

Gigantisme précoce.

111. HYDOVERNIK envoie l'observation, les photographies et les

radiographies d'un enfant de cinq ans et demi actuellement aussi '

grand et aussi développé physiquement qu'un jeune homme de

quinze ans. Le développement génital notamment est complet. La

radiographie de la tête permet de croire que la selle turcique est

fort élargie. La croissance de l'enfant a été régulière jusqu'à l'âge

SOCIÉTÉS SAVANTES. 555

d'un an et demi. A ce moment ont eu lieu des accidents méningo-

encéphaliques graves, et l'accroissement est devenu anormal.

M. MARIE rappelle qu'en un cas analogue l'ablation d'un gros

testicule fit rétrocéder les symptômes.

Etude sur le phénomène des orteils (signe de Babinski).

h1. G. M : 1RINRSCO. -J'ai étudié le réflexe plantaire sur 190 sujets,

dont 130 atteints de maladie organique du système nerveux, 45

normaux adultes et la enfants nouveau-nés. Sur 100 sujets atteints

d'hémiplégie organique j'ai trouvé le signe de Babinski dans

86 cas. Parmi les 30 cas de paraplégie organique, nous trouvons le

mal de Pott (la cas), la syphilis médullaire (4 cas), le cancer de la

colonne vertébrale (1 cas), sarcome des méninges (2 cas), trauma-

tisme de la moelle épinière (4 cas), pellagre avec paraplégie (2 cas);

tabès combiné (2 cas), sclérose latérale amyotrophique (1 cas).

Le signe de Babinski fait défaut dans 3 cas de section traumatique

de la moelle épinière et dans le cas de cancer de la colonne ver-

tébrale, mais il est présent dans tous les autres cas. Je ne l'ai

jamais trouvé à l'état normal sur les 45 sujets que j'ai examinés,

au moins avec les caractères bien définis qui le caractérisent à

l'état pathologique. Sur 16 enfants nouveau-nés, je n'ai trouvé

qu'une seule fois le signe de Babinski, sous forme d'extension, plus

accusée au gros orteil. Par contre il est de règle chez les enfants

nouveau-nés à l'état de sommeil. On peut le retrouver parfois

chez les enfants d'un certain âge et même chez les adultes à l'état

de sommeil. La région plantaire excitée n'est pas indifférente.

Dans 11 cas d'hémiplégie et paraplégie organique, l'excitation

du bord externe donnait lieu au phénomène des orteils, tandis

que l'excitation du bord interne produisait le réflexe normal en

flexion. Le réflexe de Babinski n'a pas du tout la même significa-

tion que l'exagération des réflexes et le clonus du pied.

Différents états pathologiques et le sommeil chloroformique

peuvent opérer une dissociation de ces trois phénomènes.

Dans les compressions progressives de la moelle épinière, les

réflexes peuvent disparaître de même que le clonus du pied, tandis

que le phénomène de Babinski persiste. Dans l'hémiplégie récente

immédiatement peu de temps après l'ictus, le phénomène de

Babinski a déjà fait son apparition, taudis que l'exagération des

réflexes ne parait que beaucoup plus tard.

Le sommeil chloroformique opère une dissociation inverse, le

signe de Babinski disparait avant ou en même temps que les

réflexes cutanés normaux, tandis que l'exagération des réflexes et

le clonus persistent. On peut observer des phénomènes plus inté-

ressants encore, à savoir : la disparition du signe de Babinski et

l'apparition d'un réflexe plantaire en flexion, ou vice-versa, c'est-

à-dire l'apparition pendant le sommeil chloroformique ou après,

556 bibliographie.

du phénomène des orleils qui n'existait pas auparavant. Tous ces

faits démontreraient à mon avis que le signe de Babinski est un

trouble fonctionnel des voies pyramidales, mais il ne dépend pas

de la lésion même des fibres pyramidales. Le siège du phénomène

des orteils n'est pas dans la moelle, car il ne se produit pas dans

les lésions transverses de l'axe spinal. F. Boissier.

BIBLIOGRAPHIE.

XVII. Les psychoses chez les Juifs d'Algérie; par 111. VICTOR Trenga.

Thèse de doctorat (niontpellier, Delor-Boehm.

D'un style alerte et imagé. M. Victor Trenga nous peint la men-

talité de certains Juifs algériens. Les tableaux brossés de main de

maître, sont d'une vérité si saisissante qu'ils risquent de tromper

le lecteur comme ils ont trompé l'auLeur même. Hypnotisé par ses

sujets, M. Trenga semble n'avoir plus rien vu d'autre autour de

lui. Il me rapelle Zola (je ne crois pas qu'il se fâche du parallèle

avec un tel maître) par la fidélité du trait et la puissance du colo-

ris. Pas un de ses portraits sous lequel, habitant ce pays, on soit

embarrassé de mettre un nom. Mais Zola, quand il décrit ses Rou-

gon-Maquart, sait bien qu'il s'agit d'une famille exceptionnelle,

d'une famille de dégénérés. Il le sait et le dit. D2. Trenga oublie de

dire qu'il peint des exceptionnels. Si bien qu'à le lire, on croirait

tous les Israélites d'Algérie bons à mettre à Charenton.

Ces réserves faites sur les généralisations trop hâtives et trop

absolues de AI. Trenga, j'estime qu'il a fait une oeuvre documentée,

originale, utile et-ce qui ne gâte rien -agréable à lire, en écrivant

cette thèse. lia montré la fréquence des psychoses beaucoup plus

grande chez les Juifs d'Algérie que chez les autres races indigènes

ou immigrantes delà colonie. lien a recherché les causes, et il les

a trouvées dans les idées et les coutumes traditionnelles de la race

juive, dans les persécutions séculaires qu'elle a subies et dont il la

plaint, dans ses fautes d'hygiène et son abandon du séjour et des

travaux des champs, toutes causes dont les effets se sont transmis

et accumulés par une longue hérédité qu'aggrave encore l'habitude

des mariages consanguins.

Il est regrettable que M. Trenga n'ait pas encore humanisé d'avan-

tage sa thèse en indiquant les remèdes au mal qu'il signale. Mais

il se déduisent de l'énumération même des causes précitées : il faut

que les Juifs sachent remonter le courant qui les a conduits à

cette fâcheuse prédisposition aux psychoses; le salut de leur des-

cendance est à ce prix. Dr L. moreau.

bibliographie. 557 Î

XVIII. La mimique; par Ed. CUYER. 1 vol. in-12, fig. Paris,

0. Doin, 1902.

La mimique est l'expression volontaire ou involontaire, la tra-

duction au dehors des actes psychiques, des idées, des sentiments

dont les manifestations extérieures sont le langage de la parole et

des gestes. Il s'agit surtout dans ce livre de l'expression des émo-

tions. Que la mimique soit volontaire ou non, les gestes faciaux ou

corporels doivent être exactement les mêmes. Sur cette base l'au-

teur étudie d'abord la mimique émotive en général, puis, faisant

méthodiquement l'étude myologique de la face il précise le méca-

nisme de chaque muscle pris à part, pour analyser ensuite les

mouvements expressifs de chaque trait et de chaque région de la

face pris à part. C'est ensuite les expressions données par la tête,

le tronc et enfin les membres qui sont examinés un à un d'après

chaque segment et chaque région ou organe pouvant traduire une

impression. Cette longue analyse organique amène naturellement

une synthèse fonctionnelle qui consiste en l'étude des sentiments

dans l'ensemble de leur expression. Duchenne de Boulogne et

Darwin sont les deux sources principales auxquelles l'auteur fait

de nombreux emprunts et aux figures desquels il ajoute un grand

nombre de dessins remarquablement exécutés par lui-même.

L'ouvrage est très condensé, trop même, car il en résulte une cer-

taine aridité, qu'un plus grand nombre de figures aurait peut-être

atténuée. L'interprétation originelle des gestes expressifs est sou-

vent heureuse, quelquefois partant discutable; telle celle du geste

de menace trois doigts et le pouce fléchis et l'index étendu.

M. Cuyer se demande si ce geste n'est pas né après l'invention

des armes à feu, représentant par exemple la main visant avec un

pistolet. N'est-il pas plus simple et plus réel de voir dans ce geste

très fréquent, très spontané et évidemment plus ancien que les

armes à feu, une main tenant un bâton dont elle menace la per-

sonne visée. F. Boissier.

XIX. Ja/t}'M6e ? e/t< iibei, die Leislungen uazcl Fortschrifte attf tlem

Gebreile de ? ' Neurologie zzncl Psychiatrie.

L'Annuaire des travaux et mémoires, ayant trait ci la Neurologie

et à la Psychiatrie, est édité par la librairie S. Karger, 15, Karls-

trasse, à Berlin. Celui de 1902 ne comporte pas moins de 1.104

pages, grand in-8.

Cette publication dirigée par le De Ed. FLATAU de Waschau, et

les U9 MENDBL et JdCODSOB1V de Berlin. aidés de nombreux colla-

borateurs allemands, autrichiens, américains et russes, comprend

deux parties. Dans la 1 ? subdivisée en six chapitres, sont relevés

et même analysés, s'ils ont quelque importance, tous les travaux

858 BIBLIOGRAPHIE.

portant sur les méthodes suivies dans l'étude du système nerveux

sur son anatomie, sa physiologie, sa pathologie et sur la théra-

peutique générale et spéciale des maladies qui l'intéressent.

Dans la deuxième partie, consacrée à la Psychiatrie, nous trou-

vons mentionnés tous les ouvrages sur la Psychologie, l'Etiologie,

la symptomatologie et le diagnostic des diverses psychoses, sur

l'anthropologie criminelle, la Psychiatrie juridique, la Thérapeu-

tique des maladies mentales, sur les étabtiasements d'aiiéiiés et

sur la question de l'internement.

Le volume se termine par un appendice, consacré à la litté-

rature italienne, oeuvre du D'' Lugaro de Florence.

On se rend aisément compte de l'importance et de la valeur de

cette publication qui en est à sa cinquième année d'existence,

d'autant plus que malgré le nombre considérable d'articles, les

auteurs ne se sont pas bornés à de sèches analyses, mais oui fait

oeuvre de critique toutes les fois que l'importance du travail le

comportait. '

XX. Le cerveau; par les Drs TOULOUSE et L. AIarchand (Volume de la

Petite E7tl-yclo,é(lie scientifique du XXe siècle) ; chez aehleieher,

frères, Paris, 1901.

A ce petit volume, simplement conçu et simplement écrit, on

pourrait peut être adresser un reproche : celui de ne s'adresser ni

à l'homme de science, ni aux gens du monde. Le premier n'y

trouvera rien qu'il ne sache, les autres et j'en ai fait l'expé-

rience- le fermeront à la cinquième page. L'ouvrage est divisé

en quatre parties, dont la première est consacrée à l'étude du cer-

veau dans la série animale (depuis t'aethaiium jusqu'aux anthro-

poïdes). La seconde partie, la plus importante, est réservée à

l'étude du cerveau de l'homme (l'embryologie, l'anatomie et l'his-

totogie en 55 pages. Il est regrettable de n'y constater que des

aperçus de technique (méthodes de Weigert, de NissI, de Golzi)

encombrant un cadre déjà trop restreint pour le sujet.

Troisième partie : physiologie du cerveau. A noter dans cette

partie, un chapitre vraiment iniéressant sur le langage. Enfin la

quatrième partie est intitulée : Aperça de psychologie physiologique.

Cet aperçu m'a laissé rêveur, je crains de l'avoir mal compris.

Une notice mobile était jointe à l'ouvrage, et comme j'y lis

« prière d'insérer », j'en extrais l'impression de l'éditeur : « C'est

là un de ces livres de premier ordre que chacun devrait avoir, et

surtout devrait lire, car le sujet nous touche essentiellement et

certes, cette lecture sera une révélation pour la plupart, et en

même temps qu'il nous sera de grand profit comme instruction,

il nous charmera, et devant bon nombre de ses pages, on restera

rêveur, surpris, émerveillé. » L.-E. MOREL.

BIBLIOGRAPHIE. 559

XXI. Les alcoolisés non alcooliques. Etude 2)sycito-physioloqique

et thérapeutique sur l'intoxication alcoolique latente ; par le Dol

Dromard (Paris 1902, Steitilieil.

Dans l'intoxicatiou alcoolique il existe, avant que le système

nerveux suit définitivement lésé et que des faits cliniques l'ex-

priment clairement, une phase que l'auteur cherche à mettre en

relief. C'est cet état qui sans être manifestement pathologique

témoigne d'une modification organique. Cet état purement transi-

toire, devient définitif. 111. Dromard décrit cette phase, et il le fait

avec une clarté et une précision remarquables. Déclarons avant de

résumer les idées de l'auteur, que l'ouvrage est écrit dans un style

alerte et agréable, qu'on regrette de ne pas rencontrer plus fré-

quemment dans les ouvrages médicaux.

Le dégoût de l'alcool, d'abord instinctif, ne tarde pas à dispa-

raître sous l'influence de l'habitude provoquée par les mille

circonstances de la vie. D'abord buveur bénévole, sain de corps et

d'e,prit, on devient un buveur pathologique et l'étape est ainsi

franchie. C'est progressivement, honnêtement, ho urgeoi.-e ment, sans

jamais s'enivrer qu'on arrive ainsi à i état mob de. Un s'accoutume

au poison et ce poison devient un besoin ; les deux étais sont

engendrés par un état corrélatif de la cellule nerveuse. De déduc-

tiou en déduction l'auteur a) rive à cette conclusion : « à côté du

type clinique de l'alcoolisme chronique (nettement pathologique),

il existe un type paraclinique caract risé par le double signe de

l'accoutumance et du besoin. » kt il en montre l'analogie ou

l'imprégnation mot pbinique, d'où sa dénomination d'alcuolumauie.

La succession des laits est la même dans le.- deux intoxications.

L'alcoolomanie mérite une autonomie, d'abord eu raison de ses

caractères propres qui la séparent de l'ivrognerie, de la dipso-

mame, de l'alcoolisme proprement dit et de toutes les tares

pathologiques relevant des méfaits de l'alcool en général. Elle, le

mérite ensuite en raison de ses limites naturelles qui bien que fort

élastiques la placent entre une période de réaction à manifestations

multiples et une période d'écroulement, indice d'une tare patho-

logique. Il y a un intérêt spécial à bien étudier cette phase de l'in-

toxication en raison de la possibilité de la guérir et de la mettre

en lumière, puisque c'est son ignorance qui en fait le danger.

C'est sur ces données que ni. Dromard cherche à établir une

thérapeutique rationnelle et pour cela il propose le sérum anti-

éthylique dont on a déjà fort parlé il y a quelques mois. On n'a

pas le droit, à notre avis, de le rejeter ou de l'accepter à 1 heure

qu'il est. Nous constatons simplement que ce mode de traitement

a un défenseur habile et convaincu dans l'auteur de l'ouvrage, qui

expose très clairement les bases de cette méthode et ses résultats

actuels.

ASILES D'ALIÉNÉS.

ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS

' ASILES PRIVÉS FAISANT FONCTIONS D'ASILES PUBLICS, QUARTIERS 1)'HOSPICE

ET MAISONS PARTICULIÈRES

AVEC LES NOMS DES MEDECINS EN CHEF ET MÉDECINS-ADJOINTS

ET LE NOMBRE DES INTERNES.

asiles d'aliénés. 561

562 asiles d'aliénés.

asiles d'aliénés. 563

564 asiles d'aliénés.

asiles d'aliénés. 565

566 asiles d'aliénés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ` 567

5G8 asiles d'aliénés.

asiles d'aliénés. 569

L'asile de la Maison Blanche et celui de Ville-Evrard appar-

tiennent au département de la Seine. Ils ont pour directeurs ad ? ni-

nistratifs, VI11. Druon et Balet. Pharmaciens, 11JI. Tliahuis et

Moureu. A Vaucluse, 1 directeur-administratif, M. Pichon,

Pharmacien, M. Valeur. A l'Asile clinique, 1 directeur-adminis-

tratif, M. Guillot. pharmacien, M. Quesneville ; 8 internes en mé-

decine et 4 en pharmacie. 1

Il[. La surveillance des aliénés dans les asiles pendant la nuit ;

par John KEAY. (The Journal of ille ? 2ttil Science, octobre 1901.)

Les aliénés internés dans les asiles régionaux passent à peu près

la moitié de leur temps au lit : règle générale il se couchent à huit

heures et se lèvent à six. La question de savoir si ce séjour au lit

ne pourrait pas être utilement abrégé ne sera pas actuellement

examinée ; et l'auteur se bornera à étudier la question, grave entre

toutes, de la surveillance des malades pendant ces dix heures de

séjour au lit. il n'y a pas bien longtemps que cette question est

soulevée. Dans un passé qui n'est pas bien lointain, on enfermait

chaque soir les malades aigus ou agités dans des chambres sépa-

rées, les autres dans les dortoirs avec la touchante confiance que

la providence veillerait sur eux et qu'il n'arriverait rien de fâcheux.

Si un malade se suicidait, si un épileptique étouffait, c'était un

malheur, mais tout le monde sait qu'il arrive des malheurs.

Il n'en est plus ainsi et les malades aigus ou nouvellement admis,

ceux qui ont des idées de suicide, les épileptiques sont soumis

pendant la nuit tu une surveillance continuelle.

Le progrès est manifeste, mais il. n'est pas suffisant : l'auteur

estime 1° que la surveillance de nuit des aliénés atteints de mala-

dies somatiques n'est pas ce qu'elle devrait être ; 213 que beaucoup

de malades n'ont pas besoin de cette surveillance de nuit et pour-

raient avec avantage en être dispensés ; 3° que la surveillance

exercée par le personnel de nuit est insuffisante.

10 Supposons une salle de femmes contenant vingt lits : pendant

le jour il y a deux ou trois infirmières, une surveillante qui va et

vient, et trois ou quatre visites médicales.

Pendant les dix à douze heures de repos, tout cela est remplacé

par les soins d'une seule infirmière, le plus souvent peu experte et

non diplômée. La situation est encore plus défectueuse dans les

salles d'hommes où on ne trouve la nuit qu'un serviteur ordinaire

sans expérience et sans instruction professionnelles. Le remède

naturellement consisterait à avoir dans les salles d'hommes aussi

bien que de femmes des infirmières instruites en permanence toute

la nuit. 2° Il y a des surveillances de nuit qui son inutiles : une ronde

faite toutes les heures par exemple, parait absolument superflue

pour des malades parmi lesquels ou n'a laissé aucun de ceux qui

570 asiles d'aliénés.

peuvent donner quelque inquiétude, lesquels comme on l'a vu plus

haut, sont transférés dans les dortoirs d'observation. La ronde ne

fait que réveiller des malades tranquilles. Une sonnette dans cha-

que pièce suffit pour le cas où un malade aurait besoin d'assistance.

Dans l'asile que dirige l'auteur, aucun serviteur ne couche dans les

dortoirs : leur présence serait une des dispositions les plus fâcheuses

que l'on puisse concevoir à la fois pour les malades et pour le

personnel.

La porte des chambres de surveillants ne s'ouvre pas non plus

directement dans le dortoir ; un pareil arrangement est également

préjudiciable au repos des malades et du personnel. Il ne faut pas

demander cette surveillance de nuit a un infirmier qui a bien fait

sa journée et qui a besoin de repos : si on le réveille, il sera irri-

table et disposé à calmer les malades par des mesures sommaires.

D'ailleurs le voisinage du surveillant ne donne qu'une fausse

sécurité, et pour peu qu'il ait le sommeil lourd, un malade peut

en étrangler un autre dans le dortoir sans qu'il s'éveille.

3° Si dans un asile de fi00 malades on augmente le chiffre du

personnel de nuit dans la proportion de deux à dix ou douze, la

question de savoir comment ou surveillera ce personnel s'impose

à notre attention : l'auteur rappelle ici un certaiu nombre de

fraudes dont se rendent coupables les infirmiers pour diminuer ou

adoucir leur service.

Les procédés mécaniques de constatation de la présence d'une

personne dans un endroit donné à un certain moment (horloges

électriques qu'il faut loucher) sont des moyens insuffisants qu'il

faut reléguer au nombre des jouets d'enfant. Un surveillant et une

surveillante en chef pour le service de nuit, seront eux-mêmes

pris dans le personnel des asiles, n'offriront pas beaucoup plus

de garanties que leurs subordonnés, et se rendront de mutuels

services au détriment de la surveillance.

Le seul moyen efficace, suivant l'auteur, est d'obtenir, comme

dans les hôpitaux généraux, le concours de dames, instruites dans

l'art de soigner les malades, et qui exerceront sur l'asile, pendant

la nuit, une serveillance et une direction, et auront sous leurs

ordres le personnel de nuit : cette dame n'aurait pour chefs que les

médecins de l'asile, qui lui donneraient, quand il aurait lieu, les

instructions nécessaires pour le traitement des cas particuliers

pendant la nuit. L'auteur ne connaît qu'un seul asile où ce sys-

tème ait franchi la période d'expérimentation pour entrer en fonc-

tionnement régulier, c'est l'asile de Larbert, et le D1' Robertson

n'a qu'à se louer des résultats, qui constituent, pour la surveillance

de nuit un immense progrès sur le passé'.

1 Voir l'analyse de l'important travail du Dr Robertson dans le n° de

mai des Archives, p. 4fil.

asiles d'aliénés. 571

En résumé les desiderata formulés par' l'auteur sont les sui-

vants : 1° que les malades des deux sexes soient soignés par des

infirmières instruites dans leur art ; 2° que les cas récemment

admis, les cas aigus, les épileptiques, les agités, les bruyants, les

aliénés à idées de suicide soient placés dans des dortoirs spéciaux

sous une surveillance constante ; 3° que les malades qu'il convient

de surveiller, mais non d'une manière continue soient placés dans

des dortoirs ordinaires soumis à des visites périodiques; 4° que

les malades tranquilles, inoffensifs, en qui on peut avoir confiance

soient placés dans des dortoirs ou des chambres séparées avec des

portes ouvertes, sans inspection des surveillants; " que ce soit

une dame, expérimentée dans l'art de soigner les malades, qui

exerce les fonctions de surveillante en chef du personnel de nuit

pour l'asile tout entier. li. nn \Iuca.wa-CL.ai.

Dès l'origine, dans notre service d'enfants à Bicètre, nous

avons obtenu de M. Peyron, alors directeur de l'assistance

publique, un veilleur ou une veilleuse par salle. Par consé-

quent nos enfants épileptiques ont été surveillés. Pas tou-

jours comme nous l'aurions voulu car de même que M. Keay

le service de veille, au lieu d'être confié à des infirmiers et

infirmières expérimentés, diplômés, est encore malgré tous

nos efforts depuis 25 ans, confié aux débutants.

Aucun agent ne couche dans les dortoirs; c'est la thèse que

nous avons toujours essayé de faire prévaloir, soit dans de

nombreuses discussions à la Commission de surveillance des

asiles de la Seine, soit dans les Archives ou dans les Congrès.

Relevons enfin l'opinion de l'auteur que nous soutenons

depuis bien longtemps, relative à l'emploi des infirmières

dans les asiles d'aliénés, la surveillante en chef ne dépendant

que du médecin, seul compétent pour lui donner des ins-

tructions sur la conduite à tenir envers les malades.

Boukxeville.

IV. La construction des asiles dans les pays tropicaux; par P.-C.-J.

van Beeho. ( 77te Journal o/ Mental Science, juillet 1901.)

L'auteur, qui est médecin de l'asile gouvernemental de Buitenzorg

(Java) résume dans cet article les conditions principales que doit

réaliser un asile construit spécialement en vue des climats tropi-

caux. Son travail est accompagné d'un plan. R. 1L-C.

V. Discours présidentiel prononcé à la soixantième réunion

annuelle de l'Association médico-psychologique, tenue à Cork

872 asiles d'aliénés.

le 25 juillet 1901 ; par Oscar \1'oons. (Tlee Journal of illentol

Science, octobre 1901.)

Ainsi que l'a fait remarquer ill. Conolly Norman en félicitant

l'orateur, ce discours touche à une multitude de sujets, et par là,

comme la plupart de ceux qui l'ont précédé, il échappe à toute

analyse. li. M. C.

VI. La question des retraites : son influence sur les fonctionnaires

des asiles, avec suggestions pour une législation ultérieure, par

Edward D. 0' NEiLL(771e Journal of Mental Science. Octobre

1901).

Etude d'un caractère tout spécial que nous devons nous borner

à indiquer. , il. M. C.

VII. Un plaidoyer en faveur de relations plus étroites entre l'Asso-

ciation médico-psychologique et les médecins qui se consacrent

au traitement des aliénés dans des établissements particuliers ;

par 1;LIOT Daunt. (Tlie Journal of Mental Science, janvier 1901.)

On ne peut que signaler ici ce travail qui, bien que dépourvu de

caractère scientifique, intéresse les médecins anglais qui s'occupent

de psychiatrie sans être directement attachés à des asiles.

K. M.-C.

VIII. Quelques incidents de l'histoire et des coutumes de l'asile de

Ticehurst; par les DIItECTEUItS-IIüDECI\. (The Journal ouf mental

Scie,nce,,janvier 1901.)

Notiee curieuse et intéressante sur cet asile, aujourd'hui plus

que centenaire. R. M.-C.

IX. Direction administrative des asiles et petit personnel ; par

J. 13leVERIDGb, Spence. (Bi,il. necl , octobre 1901.)

Exposé fait au congrès de la British médical Association.

Le président de la section de psychologie développe la nécessité

de soigner l'éducation morale des infirmiers et agents divers en

même temps que les conditions matérielles dans lesquelles l'admi-

nistration les place, si l'on veut pouvoir réclamer d'eux ces soins

diligents pour les malades et un aide attentif pour les médecins.

A. MARIE.

X. De l'examen' anthropologique des malades des asiles ; par

Ed. Goodvll. (l3rit. nzecl. Journ., octobre 1901.)'

L'auteur propose un questionnaire spécial qu'il détaille longue-

ment pour l'examen anthropologique adapté au cas spécial des

aliénés. A. M.

VARIA.

Treizième congrès DES médecins aliénistes ET ,EUROLOGISTES

DE france ET DES pays DE langue française

(Sessioza de Bruxelles).. ,

Le programme comprendra : 1° Questions mises à l'ordre du

jour parle Congrès de Grenoble (1902); a. Pcychiatrie : Catatonie et

stupeur. Rapporteur 111. le D'' CLAUS (d'Anvers), b. Neurologie :

Histologie de la paralysie générale, Rapporteur : 11. le Dol KLtpeEL

(de Paris) ; c. Assistance, Thérapeutique : Traitement de l'agitation

et de l'insomnie dans les maladies mentales et nerveuses. ltap-

porteur : M. le D'' Trenel (de Saint-Yon); 2° Travaux divers,

démontrations, etc.

Nous avons tout lieu d'espérer que, comme par le passé, les com-

pagnies de chemins de fer consentiront à accorder une réduction

notable aux Congressistes. Nous vous prions de bien vouloir

adresser, dès maintenant, votre adhésion au secrétaire général du

Congrès. Les litres des communications diverses devront nous par-

venir avant le 1 ? juin 1903. Afin de i'aliciter la tâche des journa-

listes et dans le bnt d'éviter les erreurs, nous prions les auteurs de

nous adresser, avant le le'juillet, un résumé succinct de leurs travaux,

résumé qm sera immédiatement imprimé et distribué au cours des

séances. Vous recevrez ultérieurement les renseignements concer-

nant les logements, les excursions, les visites d'asile et de colonies,

etc.-Veuillez agréer, Alonsieur et très honoré confrère, l'expres-

sion de nos sentiments très distingués. Le Secrétaire général, Dr J.

Crocq. Le Président, Professeur Francoti-e.

N. B. Prière d'envoyer l'adhésion à M. le Dr CRoco, avenue

Palmerston, 27, Bruxelles.

Enseignement DES SOURDS-MUETS.

Voici les conclusions d'un travail publié il y a quelques mois par

notre ami le Dr A.IiEGNaRD, inspecteur général des services adminis-

tratifs du ministère de l'Intérieur.

I. Les sourds-muets se divisent en deux catégories, suivant

qu'ils sont atteints de surdité congénitale ou surdité acquise, sur-

venue d'ordinaire dans la première enfance.

II. Toutes choses égales d'ailleurs, une des causes essentielles de

leur infériorité est l'absence de cet élément capital du développe-

ment intellectuel : la formation du langage articulé et l'évolution

de la parole.

874 - VARIA.

III. Ce phénomène de développement d'ordre inconscient, abso-

lument réflexe, ne fait pas défaut chez l'enfant atteint de surdité

acquise, c'est-à-dire, devenu sourd, d'ordinaire, à l'âge de deux

ou trois ans au plus. Ces enfants-là avec plus d'intelligence ont en

même temps une meilleure voix, puisqu'ils ont parlé : chez eux, on

rencontre les sourds-muets les plus remarquables, et, à cet ordre,

appartiennent généralement tous ceux qui retirent le plus de fruit

de l'enseignement.

IV. Au point de vue de l'instruction des sourds-muets, le livre VI,

chapitre xxii du Code Justinien, montre bien qu'à Rome, déjà, on

s'en occupait depuis longtemps.

V. L'histoire du sourd-muet traité et guéri au vu° siècle, par

Jean de Beverley, est absolument apocryphe.

VI. En dépit des assertions concernant les mérites de Pierre,

Ponce (de Léon), on ne connaît rien de précis sur ce moine, qui

n'a laissé aucun écrit.

VII Le véritable initiateur, l'inventeur de la méthode orale

est l'illustre Juan Pablo Bonet, d'Aragon, secrétaire du connétable

de Castille. homme de la Renaissance et savant humaniste qui

dans son inappréciable livre sur la Réduction des lettres et l'art

d'enseigner à parler aux muets, établit sur des bases inébranlables

les principes essentiels de l'enseignement oral seul moyen de

remplir le but qui est de rendre le sourd-muet à la Société, au

commerce des hommes.

VIII. Jean-Conrad Amman, suisse allemand, établi à Amsterdam

compléta en 1692, dans son Sudrus logucus, l'oeuvre de Bonet, en

insistant sur la lecture sur les lèvres, dont celui-ci avait entrevu la

possibilité.

IX. Le trop-surfait Wallis ne parait, au point de vue l'enseigne-

ment des sourds-muets, que comme un vulgaire charlatan.

X. L'Allemand Heinicke, trop attaqué, toujours misérable et

besogneux eut la gloire de maintenir et de propager dans son

pays la méthode orale, fondée par Ronetet complétée par Amman.

Xi. Jacob Rodriguez Pereira, dit Péreire, juif portugais, importa

en France la méthode orale qu'il avait connue dans la patrie de

Bonet. En dépit de certaines réserves et du mystère dont il enve-

loppait ses démonstrations, il aurait pu rendre des services. L'abbé

Deschamps, d'Orléans, véritable humanitaire, homme du xvui0

siècle, par plus d'un côté pratiquait aussi l'enseignement oral, et

aurait pu à cet égard maintenir la France au niveau des nations

les plus favorisées (Voir sur cette question le livre remarquable

d'Ed. Séguin).

LES aliénés EN liberté.

Depuis quelque temps, un comptable, Bol. Cousin, âgé de qua-

rante-trois ans, demeurant rue Damrémont, donnait des signes de

varia. 575

dérangement cérébral. Hier soir, s'imaginant que sa femme voulait

l'empoisonner. il résolut de la brûler vive. Dans ce but, il amassa

des chiffons sous le lit dans lequel la malheureuse venait de s'en-

dormir, et, après les avoir imbibés de pétrole, y mit le feu.

11m° Cousin se réveilla, heureusement, et appela les voisins.

Ceux-ci parvinrent non sans peine à se rendre maîtres du

forcené et à éteindre le commencement d'incendie. M. Cousin a été

envoyé à l'infirmerie du Dépôt (Le Matin, 8 septembre 1902).

Le commissaire de police du quartier Saint-Lambert a requis

hier après-midi, à deux heures et demie, les pompiers pour s'em-

parer d'une folle, 11«° Bertrand, demeurant 20, rue de Chambéry,

qui s'était barricadée chez elle, au cinquième étage, refusant d'ou-

vrir et menaçant de se jeter par la fenêtre si on tentait d'enfoncer

sa porte. Les sapeurs ont pénétré chez cette'lemme par la fenêtre

en s'aidant d'une échelle qu'ils avaient accrochée au balcon du

sixième étage. inllnû- Bertrand a été tronsportée à l'infirmerie spé-

ciale du Dépôt (Le Matin, S septembre 1902).

Madame Sarah Bernhardt et le /bu. De Nantes au Petit Journal :

La représentation de la Dame aux Camélias donnée, hier soir, au

théâtre de la Renaissance, par 111° Sarah Bernhardt a été troublée

par un incident.

Un monsieur très correct, en habit, qui avait pris place aux fau-

teuils des premières, sortit pendant le premier acte en tenant des

propos bizarres, racontant qu'il était descendu au même hôtel que

M-0 Sarah Bernhardt, qu'il avait à peine mangé et qu'il s'absentait

pour « faire une critique urgente ».

Au contrôle, il demanda à parler à la grande artiste, en insistant

très vivement. Sur ces entrefaites, on apprit que le malheureux,

en quittant l'hôtel, avait déclaré qu'il voulait enlever M'110 Sarah

Bernhardt. C'était un fou.

Il fallut lui dire qu'on le conduisait près de l'actrice pour l'em-

mener en voiture et le conduire à la mairie. Il y passa la nuit.

très agité, se disant le Messie et le « disciple de Sarah », parlant

de son amour pour elle et de son intention de l'enlever. On a

interné aujourd'hui le malheureux à l'asile d'aliénés (Le Matin,

19 septembre 1902).

Folie et mysticisme. La concierge de l'immeuble situé 18, rue

de Tlemcen se présentait, hier dans la matinée, au commissariat

de h1. Tirache, place Gambetta, demandant aide et secours contre

une de ses locataires, la demoiselle Juliette Teldat, âgée de

cinquante-sept ans, qui, disait-elle, avait depuis la veille au soir

fait dans sa chambre un bruit d'enfer, brisant son mobilier, hurlant

et ameutant les voisins.

Deux inspecteurs du commissariat suivirent la concierge à l'en-

576 G varia.

droit indiqué et purent se convaincre que l'honnête portière n'avait

rien exagéré : à la fenêtre d'un logement situé au premier étage

sur la cour, Juliette Teldat se tenait à demi nue, les cheveux sur le

dos, gesticulant et faisant mine à chaque instant de se précipiter

dans le vide.

Comme elle avait fermé sa porte à double tour, après avoir

entassé derrière ce qui lui restait de meubles, encore à peu près

entiers, les inspecteurs durent pour pénétrer dans la place envoyer

chercher une échelle qu'on appliqua contre la fenêtre. A la vue

des arrivants, la pauvre femme qui était atteinte de folie mystique

à laquelle se joignait la manie de la persécution, marcha à leur

rencontre, leur présentant au visage un bâton arraché à l'une de

ses chaises et dont elle se servait comme d'un crucifix : « Arrière,

démons, s'écriait-elle, arrière'.Satan qui venez pour me faire rôtir ! » u

Quelques instants après, elle se jetait à genoux devant un agent

en uniforme en qui elle croyait voir le « Alessie » qui venait la

chercher. Ce fut, d'ailleurs, grâce à cette croyance qu'on put arriver

à ligoter la malheureuse folle et à la descendre, toujours par la

fenêtre, jusqu'à un fiacte réquisitionné.

Le trajet de la maison au commissariat ne se fit pas sans

encombre. Par une extraordinaire malchance, le cheval du fiacre

étant tombé à la hauteur du numéro 6 de la rue Oberkampf, les

deux brancards du véhicule furent cassés. Effrayée à nouveau par

le choc, la folle se mit à jeter des cris perçants qui, en un clin

d'oeil, amassèrent autour de la voiture plusieurs centaines de per-

sonnes indignées, croyant à un rapt, et décidées à faire un mau-

vais parti aux inspecteurs qu'ils considéraient comme d'odieux

ravisseurs. L'agent en umforme qui suivait à pied, à quelque

distance, arriva fort à propos sur ces entrefaites et sa présence

sauva une seconde fois la situation. Juliette Teldat a été dirigée,

par les soins de 11. Tirache, sur l'infirmerie spéciale du dépôt.

(France, de Bordeaux, 23 septembre 1902).

L'éducation du public est à faire pour tout ce qui con-

cerne la préhension, l'hospitalisation, la convalescence et le

patronage des aliénés. L'intervention de la foule est impul-

sive et ne fait qu'aggraver le mal.

Le Christ au poste. « Je suis Celui qui suis. Inclinez-vous, et

regrettez vos péchés. Voici que l'heure du repentir est venue pour

vous. Reconnaissez le Christ, votre sauveur... » Ainsi parlait hier,

monté sur une borne, dans la Grande-Rue de Fontenay-aux-Roses,

un individu vêtu d'une longue robe. Il faisait de grands gestes,

comme pour bénir la foule. Alais la foule était absente ; il était

onze heures du soir.

Deux agents du commissariat de Sceaux entendirent les discours,

varia. 577

reçurent les bénédictions, et n'en furent pas touchés. Ils s'empa-

rèrent de l'homme, qu'ils conduisirent au poste. Là, il déclara qu'il

se nommait Henri Lavergne, qu'il était âgé de trente-deux ans, et

exerçait la profession de charpentier, « comme le Nazaréen ».

Je suis, ajoutait-il, le nouveau Christ envoyé sur terre pour

racheter les péchés des hommes. Smith Piggot, à Londres, se pré-

tend le Alessie. C'est un imposteur. Aloi seul, je suis le vrai Christ.

Les Agapemonistes m'ont vu, en 1790. Aloi seul, j'ai le droit de

porter la robe du prophète... » Puis se retournant vers les agents :

« Soldats de Pilate ! Faites votre devoir ! » Ainsi interpellés, les

agents conduisirent le Messie à l'infirmerie du Dépôt (Le Matin,

9 septembre 1902). u

Les prouesses d'un sous-lflarseille. Dix-sept fois interné.

AI. Pasques, juge d'instruction, a interrogé aujourd'hui Calmenil,

cet ancien lutteur de chez Marseiiie qui fut arrêté au cours d'une

sanglante bagarre à Bicêtre. Calmenil, qui pèse 47 kilos, a déjà

subi quatorze condamnations et a été dix-sept fois interné à l'asile

de Villejuif. En 1886, il fut enfermé dans une maison d'aliénés

pour avoir tué, dans un accès de folie, un agent de police; remis

en liberté, il partit pour le Transvaal, d'où il rapporta un magot

de cinquante mille francs.En 1899, il se signala de nouveau par un

exploit peu banal : il mangea le nez de sa maîtresse au cours

d'une discussion ; ce coup de mâchoire lui valut deux ans de prison.

Actuellement poursuivi pour avoir tenté d'assommer le sous-

brigadier Gros, Calmenil, qu'assistait son défenseur, l" Paul Istel,

a déclaré que l'attitude des agents, chargés de le surveiller jour et

nuit, l'avait exaspéré ; ce lutteur en retraite sera soumis à une

expertise médicale (La Presse, 5 octobre 1902).

Drame DE la folie. Roubaix. Au numéro 50 de la rue

Labruyère vivaient les époux Vandevelde-Bousseuw, avec leur

famille, composée de huit enfants. Le mari était atteint de la folie

de la persécution et avait tenté plusieurs fois déjà de se donner la

mort.Les médecinsavaientconseilléàsafemme de lefaire admettre.

l'hôpital; mais elle préférait le soigner dans la maison.

Les enfants, au réveil, ont trouvé le corps de leur père et de leur

mère dans un flot de sang. La mère ne donnait plus signe de vie,

mais le père respirait encore.

On croit que le pauvre fou s'est éveillé et se croyant, comme

toujours, poursuivi par les gendarmes, est descendu au rez-de-

chaussée prendre un rasoir et un marteau, puis remontant dans

sa chambre, il aura frappé à coups de marteau sa femme qui dor-

mait. Celle-ci, se défendant, sera tombée entre les deux lits, où le

meurtrier, s'acharnant sur elle, lui aura coupé le cou avec un

rasoir. L'artère carotide s'est ouverte. Puis, retournant son arme

contre lui-même, il s'est porté plusieurs coups de rasoir. Le meur-

ARCIIIVES, 2° série, t. XV. 37

578 VARIA.

trier a rendu le dernier soupir avant l'arrivée du commissaire.

(L'Aurore, 20 mars 1903.)

Une pauvre folle d'Hénin-Liétard (Nord) a répandu un litre

de pétrole sur ses vêtements et y a mis le feu. Elle est morte dans

d'atroces souffrances. -

- Pendant une absence de sa femme, le sieur Alexis Baux, 43 ans,

journalier à Livarot, s'est pendu dans un cabinet contigu à sa

chambre à coucher. Le malheureux était malade et semblait ne

plus jouir de ses facultés mentales. Il avait déjà tenté de se suicider

en mélangeant du soufre d'allumettes à ses aliments (Bonhomme

Normand, l01' avril).

JVo ? /eM<H : <fH ? 'emeK<.A Fresney-le-Puceux, M. GustaveDecoole,

33 ans, caissier et directeur de la fromagerie, donnant depuis

quelques mois des signes de dérangement cérébral, s'est noyé

dimanche. Il s'était attaché au cou une pierre pesant 10 kiiogs.

(Bonhomme Normand 10 avril).

Drame de lit folie. - On a procédé hier matin, à l'arrestation

d'un malheureux aliéné, Paul Verner, demeurant rue Corbeau, qui

a tenté d'assassiner sa propiiétaire, 1fm° Aubichat, logeuse,.36,

faubourg du Temple. Cette femme a été frappée, ainsi qu'une de

ses amies, AIm0 Richard, qui s'était portée à son secours, de plu-

sieurs coups de couteau. Mais les blessures reçues par les vic-

times ne mettent pas leurs jours en danger. Paul Venter il déjà

été interné plusieurs fois dans des asiles d'aliénés. (L'Aurore du

9 avril.)

Assistance DES IDIOTS.

Cambriolage d'un rladoitl(41-d. Nous avons signalé le vol com-

mis dans l'école des filles de Livry, canton de Caumont, où un

cambrioleur a, pendant la nuit, essayé d'enlever le produit déposé

au fond de la cour par les petites filles fréquentant l'école. Ce

singulier voleur est aujourd'hui connu : c'est un pauvre idiot.

Ayant entendu dire que « ça portait bonheur », il aura voulu sans

doute en enlever une quantité suffisante pour assurerson bonheur

jusqu'à la fin de ses jours. On avait d'abord accusé de ce larcin un

brave et honnête homme du pays. Et maintenant que le voleur a

tout avoué, certaines personnes s'en éloignent encore, comme d'un

homme qui n'est pas en bonne odeur auprès d'elles, tant il est

vrai que de la calomnie il reste toujours quelque chose. (Le

Bonhomme normand, 20-26 mars 1903V

Pauvre fille. Une fille Désirée Dubosq, 24 ans, journalière à

Pont-l'Evêque, ne jouit pas de toutes ses facultés, ce qui ne l'a pas

empêchée de devenir mère. Elle mit d'abord son enfant en nour-

varia. 579

rice ; puis, sous prétexte qu'il n'était pas bien soigné, elle le retira

et le confia à sa mère. Mais la maman, au lieu de donnerle biberon

à l'enfant, alla se biberonner dans les cabarets du quartier, si bien

que le pauvre petit est mort de faim. La fille Dubosq a été pour-

suivie et condamnée à un mois d'emprisonnement et 16 francs

d'amende pour n'avoir pas fait les déclarations prévues par la loi,

et à deux mois de la même peine pour homicide par imprudence.

Mais, comme la fille Dubosq a été déjà enfermée dans une maison

d'aliénés et qu'elle n'a jamais été condamnée, le tribunal dePont-

l'Evêque lui a acccordé le bénéfice de la loi Béreuger. (Bonhomme

Normand, n° 4, 1903).

Assistance des épileptiques. ,

Noyade dans un fossé. Le sieur Louis Anquetil, 46 ans, jour-

nalier à Castilly, canton d'Isiguy, émondait des arbres près d'un

fossé rempli d'eau. Le malheureux, qui était épileptique, fut pris

d'une crise et tomba dans le fossé. Quand on le retira, il avait

cessé de vivre. (Le Bonhomme normand, 20-26 mars 1903).

Drame dans un asile d'aliénés

Le Petit Journala. publié une dépêche de Alarseille, 21 décembre,

ainsi conçue : un légionnaire de nationalité autrichienne, nommé

Berger, était interné depuis peu à l'asile d'aliénés de Saint-Pierre.

L'état du malheureux s'étant aggravé, il fut, ce soir, transporté

dans la section des agiles, placée sous la surveillance des gardiens

Lautier et Navel.

Or. pendant que s'opérait ce transfert, Berger, qui avait cdissi-

mulé sous ses vêlements un couteau, en porta un terrible coup à

Lautier, qui fut très grièvement blessé à l'abdomen. Navel se pré-

cipita au secours de son camarade. Mal lui en prit, car Berger,

tournant sa fureur contre lui, le blessa à son tour à la poitrine.

Aux cris des victimesdu fou, le personnel de l'asile accourut et

put maîtriser Berger, qu'on ne put désarmer assez tôt, cependant,

pour empêcher de se blesser lui-même avec l'arme qu'il tenait

toujours à la main. L'état de Navel est considéré comme déses-

péré. Lautier pourra être sauvé. L'enquête a démontré que Berger

avait dérobé le couteau à un ouvrier peintre qui avait, ces jours-

ci, travaillé dans l'établissement.

Ce fait montre la nécessité qui s'impose à tous de tenir compte

de l'article du Règlement qui recommande' de ne laisser aucun

instrument dangereux entre les mains des aliénés et par cotis.6-

queut de fouiller soigneusement leurs vêtements. Cet article du

Règlement devrait être affiché dans les asiles et communiqué à

tous les ouvriers qui viennent y travailler.

FAITS DIVERS.

AGILES d'aliénés. Nominations et promotions. Mouvement

d'avril. AI. le D1' RODIET, médecin-adjoint à Montdeverues

promu à la 1 ? classe du cadre. AI. ,1e D1' Chabon, directeur-

médecin à l'Asile de Mouiins, nommé directeur-médecin à Dury

(Somme), en remplacement de AI. le De 1LRTINENC, admis à faire

valoir ses droits à la retraite pour infirmités. M. le D1' ÏÏAMEL,

médecin-adjoint à Rouen, nommé directeur-médecin à Aloulins.

M. le Dr ANGLADE, directeur-médecin à Alençon, nommé médecin

en chef à Bordeaux, en remplacement de M. le Dr PoNS, admis à

faire valoir ses droits à la retraite. M. le De Charuel, médecin-

adjoint à Châlons (Marne), nommé directeur-médecin à Alençou,

M. le Dr IERAVnL, directeur-médecin à Armentières, nommé

médecin en chef à l'Asile de Ville-Evrard (Seine), en remplacement

de M. le D1' FEBVRÉ, décédé. M. le De Chardon, médecin en chef

à Rennes, nommé directeur-médecin à Armentières. - AI. le

Du' SIZARET, directeur-médecin à Saiut-Ylie (Jura), nommé médecin

en chef à Rennes. Ai. le D1' HAMEL, directeur-médecin à Moulins,

nommé à Auxerre. Vu. le De Jouii,\,r.\c, directeur-médecin à

Auxerre, nommé à Saint-Ylie. Du. le D1' BOURDIN, médecin-adjoint

à Nevers, nommé directeur-médecin à Aloulins.

Troisième Congrès National d'assistance publique ET DE BIENFAI-

Sanve privée. Ce congrès aura lieu à Bordeaux du 1"' au 7 juin

(voir page 31j).

ENSEIGNEMENT DES MAL4D1ES NERVEUSES ET MENTALES. Hospice de

la Salpêtrière : M. le Professeur RAYMOND, mardi et vendredi, à

10 heures. M. le docteur DENY, jeudi, à 10 heures. Hospice de

l31célre : 111. BOURN1.1'ILLE, samedi, à9lleures et demie. Confé-

rence de médecine légale psychiatrique : M. Paul G.1RNIER, à l'in-

firmerie spéciale de la préfecture de police, quai de l'Horloge, mer-

credi et samedi, à 1 heure et demie ? colepnatiqzze : 11. 1311;ILLOV,

le lundi et le jeudi, à heures. f,

Liste des asiles ; personnel. La liste que nous publions plus

haut renferme probablement des erreurs et des omissions. Nous

prions nos lecteurs de bien vouloir nous aider à les corriger.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Maxwell (J.). L'amnésie les troubles de la conscience dans l'épi-

lepsie. 1 vol, in-8" de 2SG pages. Imp. Goutiotiillioti. Bordeaux.

Fét,m ET Fuct;. - l'elil nzazzuel poatirae cle la vaccirzalion. In-1 ? °

de 80 pages, Couchent. Lausanne, 1903.

Grasset. Les nerfs articalontoteurs des membres. Librairie Alcali,

108, boulevard Saint-Germain.

Revue philosophique, sommaire du n- d'Avril 1903 (28° année.) C. l3os.

Conttibuhon à l'étude des sentiments intellectuels. L. Winiarski. Le

principe du moindre effort comme base de la science sociale. (Suite et

fin). F. LE Dantec. Instinct et Servitude. (Suite et fin). P. Hous-

seau. La mémoire des rêves dans le rêve. Analyse et comptes rendus.

- Revue des périodiques étrangers. Livres nouveaux. Abonne-

ment, du 1"' janvier : Un an, Paris, 30 fr. ; départements et étranger, 33 fr.

La Livraison : 3 fr. Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain,

Paris (61)

SiiUiNDA (Anastas). ocn'M/ton cérébrale du nerf pneumogastrique,

in-S° de 28 pages. Gutenberg. Bucarest.

AVIS ANOS ABONNÉS.Z'ëcAëaHce du 1er JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le moulant

de leur renouvellement . Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont i-ieit it paye· ezz SMS dit

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste. ,

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés z à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- z1'ozes rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit ci 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : Bouhneville.

TABLE DES MATIÈRES

Abcès cérébral double après chute

sur le front. Trépanation. Guéri-

son, par Matile et Bourquin, 99.

Aboulie motrice systématisée. Trai-

tement par la succession hypnoti-

que, par Itérilloii, 477.

Abus sexuels : ce qu'il faut enten-

dre par ces mots, par )lac Dnncan,

371.

Accidents nerveux, consécutifs à la

suppression d'une otite ; trépana-

tion de l'apophyse mastoïde ; par

Lépine, 100, 268.

Achojiégalie. Autopsie d'un géant

et diabétique, par Launois et

l'roy, 197.

Adipose douloureuse, par Féré, 2SO.

Aéropiugie. De l' et des troubles

gastriques qui l'accompagnent,

par Lyonuet et Vincens, 180. Voir

Tics.

Albumine. Voir liquide cephalo-rec-

cleiclien.

Agraphie. Voir Aphasie.

AKATiusOE, Un cas d ? par Ray-

mond et Janet. 530.

Alcool. Voir Morphinisme. Du mode

d'action de 1' sur l'économie

dans l'alcoolisme aigu.l'-comme

toxique et comme déshydratant,

par Valeutino. 98. Contribution

à l'étude de l'alcoolisme en Nor-

mandie, par Lerov, 113. Drames

de 1 ? 122.' Effet de l'hérédité

alcoolique. 122. Du maintien des

alcooliques dans les asiles d'alié-

nés, 493. -

Alcoolisés. Les non alcooliques,

par Dromard.

Alexie. Etude sur l' sous-corti-

cale et sur les troubles similaires,

par l'reobrajenshy, 301.

Aliénés. Voir L'aralcleZcpZe. Les

devant la justice, Ilaclet et

Colin, 114. Alienados nos Tribu-

naes, par de Atattos. 1 ? Asiles

d' -, concours de l'Adjuvat. 116.

Asiles d' de la Seinp, concours

de l'Internat en médecine, 117. Les

en liberté, 11, 195, 574. Suicide

d'un -, 119. Voir Assistance. De

l'intervention chirurgicale chez les

aupointdevuemdico-téga),

par Uriand, 192. Voir Itesronsa61-

lité. La législation récente sur

les , progrès ou régression, par

Grallam. 904. De la poudre miné-

rale de 1'runececl : dans le traite-

ment desartério-sc ! érosés. par

Marchand, 288. Voir Automatisme.

Dessins d' par Laroussmie,

377. L'idéal hospitalier en matière

de traitement des -, exposé de

certaines méthodes en usage à

l'asile du district rie Stirlina, Lar-

bert, par Hohertson, 461.

Amnésie antérograde continue de

fixation et de conservation. To-

poagnosie, sans troubles visuels,

pai@ Dtil)i,C,, 473.

Amyotropiub du tabès dorsalis, pat

Haymond et l'hilippe, 103. Contri-

bution à l'étude anatomo-patho-

lo.i(lue et clinique de l' Cliar-

cot ? lat-ie. par Sainton, 1). 282.

Sur un nouveau cas d' i type

Charcot-\Iarie, par Soca. 536.

AnEacÉl : l,a.r.. Voir slènze nerveux.

Angoisse et anxiété, parSouques.101.

J'ECTOUIS non coronalienne,

par JIorel-Lavallée, 279.

AN'ILOSF.S gélll'll]SéeS de la colon-

ne vertéblale et de la totalité des

membres, par Apert, J0.

Annuaire allemand de neurologie et

de psychiàtiie. par Flateau, Men-

del et Jacobson.

Anormaux. Psychologie d' , les

femmes à barbe, par Bérillon, 108.

Anthropologie. Des résultats posi-

tifs et indiscutables que Il cri-

minelle peut obtenir l'élabora-

tion ou l'application des lois, par

Lacassag<eetA)artin.i7t.

Anthropologique. Examen des

malades, par Goodal, 572.

Aphasie. Un point d'histoire de l ?

La découverte de Ilruca et l'évo-

lution de ses idées sur la localisa-

tion de l' par Ladame, 88. Ob-

table DES matières. 583

servation d' avec agraphie. par

Stadelmann, 182. Voir Réactions

sensorielles, Voir Mémoire.

Apophyse mastoïde. Voir Accidents

nerveux.

Apoplexie. Voir Orteils.

ARG1LL-130BERTSO\. Examen de la

moelle d'un malade porteur du

signe - - Tabes fruste, par Du-

four.103.

ARRES'rvTlorr rnouv2mentée, 120.

Artériosclérose. Voir Astasie-abasie.

Arthropathie syringomyélique, par

Brissaud, 102.'Radiusraphies d'-

tabétiques, par Destot, 186.

Asile d'aliénés. Rapport surs

d'Anxerre, pour l'année 1901, par

Jourmac, 310.- de l'Allier, rap-

port sur l'exercice 1901, par Cha-

roii, 312. - Concours de l'Adju-

vat, 316. Nominations et pro-

motions, 318. Rapport sur l' - de

la 1'%OClle-Stli'-YOII, par Cullerre,

489. A l' - d'Armentières, 496.

Les privés faisant fonction d'a-

siles publics, quartiers d'hospice

et maisons de santé, 560. Cons-

tructions d'- dans les pays tropi-

caux, par van Ueero, 572 de

Tlcelrurst, 572. Direction admi-

nistrative et petit personnel, par

Spetice, 572. Promotions et nomi-

nations, 580.

Assassin. Un de seize ans, 399.

Assistance des épileptiques, 32,

123. 579. des aliénés dans les

familles,1 ? 3.- cies enfants iHiots,

399. dans les famille ? 400.

des aliénés en Bavière jusqu'à la

fin du xvnr'SK;c)e, par Kollmann,

459. -(les idiots en France, par

Bourneville, 491, 578.

Association medico-psychotonique.

Discours de Woods, 571.

Astasie-abasie. A propos des rela-

tions entre l ? et l'artériosclé-

rose, par Peinai-, 283.

Asthme vésical, par Hawinski, 379.

Ataxie. Voir Système nerveux. Un

cas cl' - cérébelleuse aiguë d'ori-

gine organique, compliquée par

l'hystérie, par PopofT, 302.

d'origine centrale et d'origine

périphérique, par Déjerme et Eg-

ger, 474.

Atrophie ponto-cérébelleuse, par

Thomas, 198, des membres de

nature ma) déterminée, par Marie,

295. du pédoncule, parGuillain

et Marie, 38. Contribution cli-

nique à l'étude de la topographie

des musculaires nivélt)l)athi-

yues, 1ar Cestau ut liurt, 457.

Automatisme. Du rythme psycho-

biologique dans 1' de certains

aliénés, par Vaschide et Vurpas,

290.

BASEDow. Maladie de Basedow avec

troubles psychiques provoqués

par l'ingestion de corps thyroïdes

en excès, I)ai- Boiiiet, 97.

Béai : nu : T. Syndrome de . par Vi-

gouronx et Lavastine, 190.

Bestialité. Note sur un cas de

chez la femme, par Féré, 497.

Biiocv. Voir Aphasie.

Car vci ÈRK. Le -, par lltalapert, 109.

Cardiaque. La psychologie du .

par Fussinger. 301.

CnT.TOwsvE.Voir Tics. De l'origine

du -, par Pisniatschewsky, 365.

Cavités médullaires. Pathogénie de

certaines -, par Thomas et

Danser, 455.

Cécité et surihté verbales avec pa-

raphasie par lésion droite du cer-

v·eau, par .lolTroy, 203.

Cellules nerveuses. Contribution

à la technique de la coloration des

- , par Ueiscliowky et Plien, 93.

Centres spinaux, Recherches sur les

des muscles de la jambe, par

Parhon et M°° Parhon, 451. Sur

laloca)isat[ondesmotetns,du

biceps crural, du demi-tendineux

et du demi-membraneux dans la

moelle épinière. par Parhon et

Go(isteiii, 152. -

Cerveau. Contribution à l'étude

du rôle du - dans l'innervation

des organes du la vie végétative,

a propos de deux cas d'hémiplé-

gie, par Parhon et Goldsteiii, 455.

Nouvelles communications sur les

champs myélogènes de l'écorce

du de l'homme,par Flechsig,538.

CuaecoT-JInnIE. Voir Ilapolnoplcie.

Chiens. Intelligence des -, 125.

CuonéE. ComribuVOU 1 la psyc(ro-

physiologie des mourants; deux

cas de - clironique, par 1'aschide

et Vzjt-pas, 453.

Chorée. Contribution a, la théra-

peutique île la, par de Bechte-

rew, 100

CLOwsutcdu pied chez un neurasthé-

nique, par Ballet et Delherm, 291.

S84 TABLE DES MATIÈRES

Cocaïne. A quelle partie de la molé-

cule de est due la psychose de

- , par Ileiberg. 26n.

Colique hépatique. Sur un cas de

nerveuse, par Robinson, 275.

Colonne vertébrale. V. Ankyloses.

Conceptions impératives, par Ilugh

Patrick, 191.

Concours pour la nomination à

deux places d'interne en médecine

à l'asile d'aliénés de Clermont

(Oise), 316,

Conférence de médecine légale psy-

chiatrique, 543.

Congrès. Troisième national d'as-

sistance publique et de bienfai-

sance privée, a15. - annuel du

l3rlstisll médical Association, 317.

Treizième desaliénisies et neu-

roiogistes de France et des pays

de langue française, 400. 573. Troi-

sième national d'assistance pu-

blique et de bienfaisance privée,

400.

Contraction. V. maladies mentales.

Corps calleux. Deux nouveaux cas

de lésions limitées au bourrelet

du-, par l'elmar et Skalitka, 457.

Corps thwioide. Voir Basedow.

Crises laryngées 'l 1]3erIQUES dans

leurs rapports avec les autres

crises viscérales du tabès, par

Touche, 273.

Criminel récidiviste. La prophylaxie

et le traitement du-, par More),

314.

Crises d'angoisse. Voir Paralysie.

Cruauté. Voir Volupté.

CYTG-UInGOST1G, Contribution à l'é-

tude du - dans la paralysie

générale, par Guiard et Dullos, 196.

Dégénérés. De la valeur sociale

des-, par ltemond et Lagrill'e,

309.

Dégénérescences descendantes con-

sécutives au ramollissement du

pédoncule cérébral, par Cestan,

293. Les stigmates obstétricaux

delà.parU. et il. Larger, 443.

Délire éitleptique. Traitement du

par l'alitement, par Maraudon

de Jlontyel, 9cJ, -. Voir Obses-

sion. Sur un cas de médiumnité,

par Baliet et Dlieur, 5<5. liallu-

cinatoire avec idées de pei sédition

consécutif à des phénomènes de

médiumnité, par Ballet et Mo-

nier-Vmard, 54î.

Démence précoce. Recherches urolo-

giques et hématologiques dans la

- . par Dile et Cllénais, 371.

Voir Mensurations cérébrales.

Désespoir d'une boulangère, 121.

Désintégrai ion cérébrale. Anatomie

des lacunes de-, par Ferranci, 158.

Dendrites. De l'aspect externe des

vemales cln les vertébrés

adultes, par Soullianoil et Czaitil-

cels, 551.

DIADOCOCI,NÉliir. par Campbell et

Crouzon, 103.

DIPLIsGIR faciale congénitale avec

daralysies oculaires et troubles de

la déglutition, parDecroly,5 ? 7.

Disparition, 119.

Divergences médicales. Les facteurs

psychologiques et les -, par

Daunac, 301.

DorrsmE iies chevaux, par Marck, 91.

Dressage. Le - dans l'éducation,

par Bordier. 205.

Dupuytren. Maladie de chez des

tourneurs de bouchons, par Bris-

saud, 102.

Dystiiyroidie. Voir Infantilisme.

Ecole de psychologie. Cour de 1903,

20o.

Educatiom. Voir Dressage.

Emotion. Voir Troubles.

Encéphalites. Voir Sclérose céré-

Grale.

Enfants arriérés. Diagnostic et trai-

tement, par Warner, 98.

Epilepsie. Voir Assistance. -. Voir

Assistance. Un nouveeu symptôme

de l' , par Ceni, 181. L' cor-

ticale, par Wassiliev, z. Valeur

diagnostique de 1' spinale, par

Babinski, 202. Contribution à la

connaissance des troubles de la

conscience avec conservation de

la mémoire chez les -. par lion-

hoell'er, 202. Comment meurent les

épileptiques, par Spratling, 275.

Les idées érotiques dans l ? par

Marie, 377. Recherches cliniques

et thérapeutiques sur l' -, l'hys-

térie et l'idiotie, par Dournevilfe,

391.

Enu. Voir Paralysie.

Etats psychiques anormaux. Obser-

vation d' survenant périodique-

ment, par Kure, 361.

Etudiant. Psychologie de l' - en

médecine américain, par Demou-

chv, 477.

TABLE DES MATIÈRES. S83

Fibromvtose et paralysie générale,

par Cullerre, 359.

Folie incendiaire, 119. Les drames

de la-, 119. Un drame de la -,

120. La folle du parvis Notre-

Dame, 121. Contribution à l'étude

Iles - par contagion, par Cairier,

129. Un cas de - bl'iâl7tique, par

Yiallon, 369. La - des foules.

Nouvelle contribution l'étude

des - épidémiques au Brésil, par

Nina Iloiliigites, 370. - et sur-

cellerie, 400. Drame de la -,

- 19 : i,517, 5ï9, 580.

Fracture chez un myopathiquo, par

Crouzon, '96,

FRII·.UAEICII. Maladie (le - ethérédo-

sylaills, par liayet, 274.

Giessen. Clinique psychiatrique de

l'Université -, par Sérieux, 313.

Goitre exophtalmique. Contribution

a la pathogénie du -, par Te(leq-

clii, 284.

GOLGI. Réseau endocellulalre de -

dans les éléments nerveux de la

moelle épinière. par Soul : llauolF,

307. Réseau emlocellllalre de -

dans les cellules nerveuses ils la

moelle épinière, par Soukliariolï,

154.

Goût. De la localisation des centres

dndans l'écorce du cerveau.

llar Gorschhow, 266. Troubles du

- dans le domaine de la corde

du tympan, parlé,ion latérale, par

l'auly, 209. Le sens du - chez

les gens normaux et étiez ceux

uni sont affectés d'épilepsie, de

folie systématisée chronique, de

paralysie générale progressive, par

Ilermauu, 457. par

Giunulies. Voir Mélancoliques.

Gymnastique. La de chambre

"ans appareils, par de Frumerie,

314.

Hallucinations. Les- unilatérales,

par Séglas, 371.

1JL111pTR01'111E. De l' - faciale dans

ses rapports avec les lésions du

ganglion cervical inférieur, par

liouveyron, '-186. Cas d' pro-

gressive de la langue et de la face,

par 11^'^ Voods 535.

11L111'LI.GIyURS. Voir Marche de

flanc. -. Voir cerveau.

IIF : VIEiIPEliTR01'111E congénitale du

corps, par- Thomas, 90. Un cas

d' - faciale avec présentation

d'une malade, par Minor, 548.

, Hérédité. Voir Alcool.

Hi ? 11L'DO-,11'AXIE cérébelleuse. Slll'l'il-

natomie pathologique de - par

SNViLil,1,i, 88. Sur une forme d' ,

par Thomar, 281.

HÉRI.DO-ST('fIILIS. Voir Sclérose Cél'é-

brale. - Voir Friedreich.

IIIEROS1'\CROI'h.IIESPA\IIL1.1UX. Le ?

par Binet-Sanâlé 301.

Homicide. Un cas d' - épileptique,

par Smith, 193.

Hypertrophie. Sur une forme Il' -

des membres, par Rapin, 179.

Hypnotisme fortuit, par Berillon,

t79.

Hysiéiue traumatique guérie par la

suggestion hypnotique, par .1. Voi-

sin, 108. - Voir Oreille. - tar-

dive, par Dupré, 385. - mono-

symptumatique, par Ilauser et

ltan cy, 471. Dernières concep-

tions et dénouions de 1' , par

A. Charpentier, 503.

II1'STI : RO-EI'IL6l'SIE. Commotion Céré-

brule et - par vVill-Noes, 280.

IDIOrE. Une idiote à l'état sauvage,

318.

Image motrice. Du rôle de l'- dans

la vie sexuelle, par Vurpas, 378.

Impulsions Voir

Obsessions.

Indigestion. Contribution à l'étude

des accidents névropathiques de

par Péré, 281.

Infantilisme dégénératif compliqué

de ptibéi-ale, par Du-

pré et Pagniez, 537.

Injections mercurielle. Voir.Ye'unïe.

Instinct sexuel. L' -, par Féré,

307.

Ivresse. Voir Pupilles.

Ivrognes. La loi et les -, avec re

marques sur le traitement tie l'i-

vrornerle, par Collais, 191. Le

fonctionnement de la loi sur l'i-

\resse. par Carswell, 194. La lé-

gislittioii sur l'ivresse, en Angle-

tei re, principalement au point de

vue de la loi de 1898, par Cotton.

19 1.

Juifs d'Algérie. Les psychoses chez

les par Treuga.

Kernig. Voir Méningite.

Klumpke. Voir Paralysie.

586 TABLE DES MATIÈRES.

LAIIINECT0AItE. Voir Rachis.

Lésions expérimentales. Voir Trans-

mission.

Liquide CBl'IL1L(1-IIACHIDIEN. Examen

cytologique du dans le tabes,

par 11 mand Delille et Camus, 296.

Chimisme du , parSicard, Guil-

lain et Itaveau. 472. Snr la pré

sence d'albumines coagulables,

par la chaleur dans le des pa-

i-alytiqttes généraux et des ménin-

gites chroniques, par Guillain et

Parant, 472.

LITTLE. Syndrome de , par Da-

niel, 537.

Lobe frontal. Voir Troubles psy-

chiques.

LOCALIZe1C101ES 111 : DULARES, par Obar-

rlo, 490.

Locus NIGRR. Ramollissement loca-

lisé au -, par Guillam, 385.

MALADIES mentales. Sur la question

de la valeur clinique de la con-

traction idio-miiseulaire dans les

. par SuulcanolT et Sannouch-

Iiine, 270.

Malformations ? congénitales des

membres inférieurs, par Gom-

bault, 382.

Manie p l'olr 1'ccnia. Deux cas de

guéris à la suite d'une infec-

tinrave, parAyém,tt,310.Iaude

sur la -, par Soulchanolf et Gan-

nouchkiue,4û).

DE 1--LA,C. La - chez les

hémiplégiques, par Crouzon et

Campbell, 293.

MÉLAXcoDQUEs.Desetatsau cours

des granulies tuberculeuses, par

Bienvenu, 289.

Mémoire. Recherches expérimenta-

les sur la mémoire immédiate des

aphasique ? part'. 119arie et Vas-

cbide, 381.

de la section de Lombres

et Memoria de la section de Mu-

jeres de la casa de orates de San-

tiago, par Castro Solfia et Eche-

goyen, 115.

Méningite cérébro-spinale au- cours

d'u ne en docard i te infectieuse pneu-

mococcique. Valeur du signe de

Kernig, par Josseiaud et Lesieur,

84. Sur un cas de - cérébro-

spinale à streptocoque et à sta-

phylocoques chez un sujet atteint

du mal de Polt fistuleux, par Gui-

bal, 272. Deux cas de basilaire

simple, par Louny, *389. Voir

Liquide céphalo-rachidien,

1lt.smco-GCI : PH\I.1TF tuberculeuse.

Sur une forme clinique et ana-

tomo-pathologique de , par An-

glade et Chocreaux, 197.

Mensurations cérébrales. Nouvelle

méthode de -. Atrophie relative

du lobe pariétal par rapport au

lobe frontal dans la démence, par

Dide et Chenais, 456.

Micropsie chez un tiqueur, par

Meige, 200.

blIGRlNE. Un cas de opbtalmo-

plégique, par Matins, 281.

Mimique. La-, par Cuyer.

Moelle épinière. Voir Golgi. -,

Voir Centres moteurs. -. Voir

Queue de cheval.

Mo) ! )'mr< ! suE et Alcoolisme. Méthode

nouvelle du traitement du -.

illuscr. L'influence sur le travail

volontaire d'unde l'activité

d'autres muscles, par Féré, 90.

De l'incitation , des et des nerfs

par les courants faradiques de

fermeture et d'ouverture, par lo-

teyko, 52. Absence congénitale

(les - grand et petit pectoral, par

Souques. 458.

Myélites. Voir Réflexes. Coiitribii-

Lion à l'étude anatomo-patliolo-

gique de la - syphilitique, par

Thomas et Ilauser, 270.

Ahot'A'ruOEs. Les familiales paroxys-

tiques, inyoiliiiie, myoplégie. par

Uticlo, 285. Fracture chez un myo-

pathiquf, par Crouzon, 296.

Voir Sclérèn2c. Un cas de - avec

réaction électriques normales, par

Allard, 535. Une variété peu com-

mune de atrophique progres-

sive, par Long, 536. Une - avec

rétractions familiales, par Cestan

et Lejonne. 536.

Ivoi,syciiii ? s. Des -, par Joffroy,

37 4.

AIyotonie. Ue la atrophique, par

liussoliiiio, 536.

Nécrologie. 125. l'ebvré. 308.

Nerf cubital. Voir Paralysie. -ra-

dial. Voir Paralysie. Tumeur du

acoustique, I)at, Lél)iiie, 208.

oculo-moteur externe. Voir Poly-

névrite. Examen lustologique des

dans un cas de paralysie ra(li-

culaire du plexus brachial, par

Egger et Delille, 474.

TABLE DES MATIÈRES. 587

Neurasthénique. Voir C107lisine.

Névralgie. Voir Sympathique ceî,-

uical. Sur quelques panicularités

cliniques de la faciale et son

traitement par l'électricité, par

Xnmnern, p. 237, 335. pares-

tlvésique sur un membre atteint

de paralysie infantile, par Sollier,

275. I

Névrite sciatique. Deux cas de

causée par des injections mercu-

rielles pratiquées dans les muscles

de la fesse. par Itopter, 98. Un cas

de périphérique d'origine palu-

(leenne. par Burquet, 281.

Névroses. Les troplaques vaso-mo-

trices, par Cassirer, 95. Méthode

de l'isolement à l'hôpital pour les

- , par llép : rme, 10t. Un cas de

traumntique grave, par Crocq,

274. présénile, par Allan Ila-

milon, 280. Nouvelles observa-

tions de d'angoisse, par Uar-

tenber" 407,

Noyau-rougi : . Lésion du- par Guil-

main, 296.

Nystaguus. Deux cas de chez la

mère et la fille, par Jacqueau,

183.

Obsessions. Note sur l'évolution

des obsessions et leur passage au

délire, par Séglas. 33. Des et

impulsions, par Soutzo, le). Etu-

de sur les mondes, par Gan-

noucbloue et Soukhanoff, 483. Les

et les impulsions, par l'itres et

Régis, 4S5.

OE;L. Voir Paralysie générale.

Oreille et hystérie, par Fleurv-Cha-

vanne, 112.

Organes internes. Le rôle des

dans l'évolutiun delà constitution

de la vie mentale, par Pron, 5H.

Orteils. Phénomène des dans l'a-

poplexie, par Urissaud, 101.

Ostéite. Voir Pagel.

Otite. Voir Accidents nerveux.

Pncnvméswcme. Sur un cas de

liéinorrhagique, traité par des in-

jections sous-cutanées de. gela

tille. par Tailleur. 99.

Pages. Un cas d'ostéite déformante

de avec mélanodermie, autop-

sie, par Iludelo et flcitz, 177.

Paiialdeiiyde. La chez les aliénés,

Par (,al latia, 97.

]'%IIILYSIE générale. L'état du fond

de l'oeil chez les paralytiques gé-

néraux Pt ses lésions anatomi-

ques initiales et terminales, par

Kéraval et Raviart, l - rariicu-

laire obstétrical, par Iluet, 103.

sensitivo-motrice Ilasco-spas-

modique, avec cypho-scoliose ver-

tébrale sans lymphocytose rachi-

dienne, par Dupré et 5ébllleau,

,105. - du nerf cubital et contrac-

ture consécutive Main en pince »,

par de Léon. 77. Nouveaux dé-

tails sut la - asthénique, dont

une observation avec autopsie,

par Goldllam, 179. Asthénique

d'Hrb. par Josserand. 184. - radi-

culaiie du plexus brachial gau-

che et paralysie temporaire des

membres intérieurs du même

côté, par Duplant. 15. agi-

tante avec tremblement limité

aux membres supérieurs, par Col-

let, 186. hysléro-satuiniiie du

nerf radial, par Josserancl. 187.-

asthénique bulbo-spinale, par Le-

clerc. ils. générale. Voir Cylo-

diagnostic. Sur un cas de - al-

terne avec déviation conjuguée de

la tête et des yeux, par bornas,

199. Contribution à l'étude de l'o-

rigille centrale de la saturnine,

par Pllilippe et de Guthard, '201.

Altérations des os de la lace con-

sécutives à la faciale, par \Ver-

lllenn-Salumonson. 263. infan-

tile. Voir Névralgie. Un cas de

- segmeiilairc, par van Gehiirh-

ten, 275. Un cas de - bulbaire,

asthénique suivi d'autopsie, par

Déjeune et Thomas, p. 276. Trois

observations de - des mouve-

ments associés des globes oculai-

rcs. par Itaymond et Cestan, -7.

Traitement de la - générale par

les injections de

bi-iovilre de mercure et d'iodure

de potassium, per [Marchand, '-89.

- double du pneumogastrique

pulmonaire, par Egger, 293. -

générale. Voir 7'"iA<'o<) ! ft/oe.

générale a marche rapide avec

crises d'angoisse, ])arLon()e. 373.

- fiasque avec dissociation des

réflexes, par Déjerine, 3S1. i ?

ciale. Voir Sommeil. -. Voir Li-

quicle céphalo-rachidien. radi-

etilaii-f, (î(i type Kluinpke d'origine

traumatique empiétant sur les

deuxième et troisième dorsales.

588 TABLE DES MATIÈRES.

par Delille et Egger, 473. gfné-

raie et syphilis en apparence bé-

nigne, par Devay, 534. - ocu-

laires. Voir Diplégie.

Tédoncule cérébral. Voir Dégéné-

rescences. . Voir atrophie.

PELLVCOE. Sur un cas de accom-

pagna de la rétraction de l'ap0[)e-

vrose palmaire, par Parhon et

et Goldstein, 284.

Perversions sexuelles. Contribu-

tion à l'étude des , par Souk

hanof. 307.

Poliomyélite chronique, par Debrav,

538.

Polynévrite. Sur une forme récur-

rente de ia.intf'rstitienehyppr-

trophique progressive de l'enfance

(Déjeune) avec participation du

nerf oculo-moteur externe, par

llossolimo, 27 ? 'l'rois cas de

palustre, par Matins, 282, Un cas

de tuberculeuse motrice, par

Decroly. 283.

PORF..NCI',1'11. LIES. Les traumati-

ques, par Lantiouzy et Labbé, 271.

POTT. 1-oir Jléttingilc.

Protubérance. Ramollissement de

la avec attitude cérébelleuse,

par Léplne, 2GJ.

Pupilles. De la réaction des - dans

les éiats d'ivresse et de son impor-

tance médico-légale, par Gutlden,

91. Contribution a la question de

l'immobilité réflexe des -, par

Levinsohn, 93. Lenteur des à

l'accomodation et à la. convergence

par Strasburger. 511.

Psychologie. Influence des sciences

naturelles sur le développement

de la -, par Lazourshy, 263.

Psychonévrose. L'influence des an-

niversaires sur les récidives d'une

traumatique intermittente, par

Farez, 478.

Psychoses. Nouvelle contribution à

l'étude des post-opératoires,

par Picqué et l3riand, 209. Sur le

diagnostic des syphihtiques.

par l'otowsky, 306. infectieuse,

par Esquerdô, 300.

Questions de retraites, par 0'\eill,

j7 : . (

Queue de chevu.. Sur les affections I

de)aet du segment inférieur

de la moelle, par liaymond, 537.

li.vcms. Iracture du -.1'arapléniel

spasmodique. Lamnectomie. Gué-

rison, par Z et Sicard,

294.

Réactions sensorielles. Des temps

de - chez quelques aphasiques,

par Marie Vaschitle, 292.

Rééducation motrice. Voir Système

nerveux.

Réflexes. Des- musculo-tendinew

complexes des extrémités infé-

rieures dans les myélites, par

Beelitei-e-%v, 264. De l'exagération

destendineux dansées névrites

périphériques, par Bl'ISSil1111 et et

Bruandet, 278. La valeur clinique

(le la dissociation ries tendi-

neux et cutanés, par Crocq, 278.

Sur un anormal du facial infé-

rieur dans un cas de paralysie

pseudo-bulbaire, par Yerrers.83.

Voir Paralysie. La vulvo-

anal, par Itossolimo, 45.

Religieuses, 1'lly.SiO-PSVCIIOIO.-ie(]eS

- . Les de. Port- Royal, par Bi-

net-Sanglé, 321, 417.

Religion. Voir Volupté.

Responsabilité. Des degrés de la

llar llospital, 19". L'article

1884 du Code civil et la -des di-

recteurs-médecins d'asiles d'alié-

nés, par Canner, 19 ? La- civile

ries aliénés. La - criminelle, par

Winter, 194.

) ! f : vE : l répétitions, par 377.

Le musical, par Cillet, 476.

Sclérème cutané dansla myopathie,

par Ballet, 473.

Sclérodermie. Quelques cas de -

et da vitiligo chez des enfants, par

Hanshalter et Spillmann, 282. -

et,itropliiem(isculaire, 1)tr Vacher,

535.

Sclérose cérébrale in'antile d'oli-

gine hérédo-syphililique. L'héré,

(10-syl)llills (,t les encéphalites

chroniques de l'enfance. Un cas

(le - en plaques à tremblement

hémilatéral, par Iielnlinner, 279.

- en plaques médullaires consé-

cutive à une arthrite tuberculeuse

rie l'épaule, par Lannois et Da-

viot, 279. en plaques infantile

à forme hémiplégique d'origine

hérédo-sypliilitique probable, par

Carrier. 286. - en plaques à

symptômes transitoires et récidi-

vants. Paralysie temporaire des

mouvements associés des yeux

pour la vision binoculaire à

TABLE DES MATIÈRES. 589

z tard pour la vision

binoculaire droite, par Ballet,

287. Elude clinique de la forme

tabétique des combinées, par

P. Marie et Crouzon, 981. Note

sur les altérations de la setisibi-

lité et leur rapport à la perception

de l'espace, dans un cas de -

combinée par Vaschide et Hous-

seau, 382.

Secousses musculaires. Les clans

les diverses maladies du système

nerveux, par\Iendelson, 10î.

Sein liystéi ique. Une observation de

- , par Lannois, 177.

Sens cutané. Recherches surla topo-

graphie du - par l'hilippe, 375.

Le des altitudes, par Bon nier, 459.

Sensibilité. De la - du squelette,

par Egger, li-53 - Voir Troubles.

Sommeil, Essai sur la tlsycllo plly-

siolo-ie du -. Le - dans la pa-

ralysle faciale, par Vaschide et

Vurpas, 453.

et suggestion, par Farez

107.

Sourds-muets. Enseignement des ,

573.

Spondylite. Sur un cas de -, par

de Biicli et Debray, 277.

STERI.OT1'PIE. Voir Tics.

Suggestion. Voir Somnoforme.

hypnotique. Voir Hystérie. De la

en pédagogie scolaire, par ltaf-

fegau,298. '

Suicide d'adolescent, 493. Tentative

de de jeunes garçons, 495.

Surdité. Voir Cécité.

Surveillance des aliénés pendant

la nuit, par Kay 509. '

Sympathique cervical. Résection du

- pour névralgie du trijumeau,

nuénson, résultat éloigné, par

Gautllier, 100.

Syndrome alterne. Sur une variété

particulière de -, par Picire Ma-

rie et Crouzou, 473.

SSItI\GOJIYI;L1F. Les troubles psychi-

ques dans la -, par P. Marie et.

Guillain, 203.

Syphilis. Traitement de lésions non

syphilitiques, par Grasset, l0ïr. -

médullaire et bulbalreprécoce, par

Collet,185.

Système nerveux. La rééducation

motrice dans les maladies du -

Ses applications à l'ataxie des ta-

bétique.q, par Conslensoux, 47.

Recherches sur lastructure anato-

mique du - chez un arieticépliale

en rapport avec le mécanisme

fonctionnel, par Vaschide et Vur-

pas, 89. De l'état actuel de la

théorie de l'inflammation dans le

- bentral, par Storch, 259. Du

pronostic dans les affections du

, par .ludson Bury, 280.

Tabès. Voir Système nerveux.

fruste. Voir Argyll-Hobertson. .

Voir Amyolrophie. De t'étioiogie

du - dorsal, par 1\'ainscatelu,183.

Pathogénie du , par Guillait et

P. Marie, 201. - Voir Crises.

Nouveau cas de fruste chez un n

syphilitique, par Glorieux, 274.

Une forme spéciale de amyotro-

phique, par Chrétien et Thomas,

181, - dorsatis et aortite. Note

clinique, par Arnllani, 287. -,

Voir Liquide céphalo-rachidien.

Pathogénie du -, par lirissaud,

297, Examen z

dien dans le - par Wirial, Sicart

et ftavaut, 383.

Thomsenn. Pathogénie de la maladie

de , par Ballet et Bordas, 102.

Tics, stéréotypies, aérophagisme,

éatatouisme, par Brissaud et

Meige. 199. La genèse des , par

Moge, 278. - et fonction, par

111eye, 285. Les - et leur traite-

ment, par Menuet Fondei, 394.

T.I : VIa, Manie aiguë produite par le

. par Barcia Cahuillero, 365.

Torticolis mental. Un nouveau cas

fle - Rôle de l'idée fixe. Crainte

de voir tomber la tête, par Scherb,

284. '

Transmission aux descendants des

lésions expérimentales chez les

ascendants, par 111alllerbe, 86.

Trépanation. Voir abcès cérébral

double. -(le t'apophysemastoide.

Voir Accidents nerveux.

Trépidation épileptoïde, par Lévi et

liauer, 3S ?

Trijumeau. \'. Sympathique cervical.

Troubles respiratoires. Des - en

rapport avec les riilférents degrés

d'une émotion pathologique, par

Vaschide et Marchand, 281.

psychiques dans un cas rie tumeur

du lobe frontal, par Cestan et Le-

jonne, 366. fonctionnels de la

moitié dioite de la moelle consé-

cutifs à un traumatisme de la

main, par Dionnier-Villard 350.-

? )0 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

de lariéglutition. Voir Diplégie.

Du - dissocié de la sensibilité

cutanée dans la lésion du tronc

cérébral, par Rossoluno, 519.

'I'ROI'llol-DÈ31F. Sur le - par lleige,

178. Contribution à l'étude du -

chronique, har Ilertoclle, 1 îts. Ob-

servation du -, par llabllle. 1 ig.

- segmentaire acquis, par Lai-

grif-1-Lavastitie et Sicard, 203.

Trunececk. De l'aclion thérapeutique

du sérum rie Trunececk, par liotl,

481. Voir Aliénés.

Tuberculeux. La psychologie du ,

par Régnault (Félix), 105.

Tumeur, Voir Nerf..

Vertige d'origine nasal, par Coliet,

186,

Y[TEssE. La psychologie de la ,

par fachet ouplet, t80.

Vitiligo. Voir Sclérodermie. chez

une folle, par ltoudnew. 374.

Volupté. La cruauté et la religion,

par Z 308.

Wernicice. Le système psychia-

trique de-, par Winlcler, 95.

Zoma. Un cas de à topohraphie

radiculaire suivi d'autopsie, par

Armand Delille et Camus, 297.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Allan. 280.

Aunlaile. 197.

Apert. 90.

Ariillani. 287.

Ayéiliak-d, 31O.

Babinski. 202.

Ballet (G.), 287, 291,

5ta.

Ballat, P02, 3 i 4, f73. S+.

Barcia-Cahuillero, 365.

]3atiei,, 382.

Bouvry. 471.

Baet. 274.

lfeéro (van), 572.

l3etcherew (\1'. cle),100.

364. i.

Bérillon, -108, 477, 479.

Bielschow·I : v. 93.

Bienvenu, 289.

Binpt-Sa)is)6, 301,32).

417.

Boinet, 97.

Bonhoell'er, 262.

Ronnier, 439.

Bordas, 102.

Borriier. 205.

Bourgade (de), 478.

Boiirquin, 99.

Ifouveyron, 286.

l3rianH, 192. 210.

Brissami, 101, 102, 199,

278, 297.

l3uaudet, 278.

Buck. 277.

Burquet, 281.

Campbell, 103, 293.

Camus, 29G.

Carrier, 129, 286.

Carswel, 194.

Cassirer. 93.

Castro-Sonia, 115.

Ceni, 179.

Cestan, 277, 293, 366,

f5ï. 531, 53G.

Charon, 312.

Charpentier, 503.

C)mia.is,371,456.

Chocreaux, 197.

Chrétien, 2SI.

Clément. 533. -

Colin. 114.

Collet, 185, 486, 533.

Collms. 191.

Constensoux, 47.

Cotton, 194.

Crocq, 27 4, 27S.

Crouzon,103.293.296.

473.

Cullerre, 359, 489.

Il,miel, 537.

Dauriac, 301.

Debray, 277, 538.

I)ecroly, 282. 537.

Déjerine, 101,276,475.

Delherm, 294.

llelllle, 296. 473, 474.

Dlieur, .54 £ .

Petnonchv, 477.

Des ! ot,186.

Devay, 534.

Dide, 371.46.

Diiflos, 196.

Dufotkr, 103.

Duncan, 3î1.

Duplant, JS3.

Du pré, 103. 383, 473,

537.

Echegoven. 115.

Egger, 29, 453, 473, 474.

475.

Farf'z,iû7,47S.

Febvre, 308.

Feindel, 894.

Féré. 90, 280, 281, 367,

497.

Ferrand, 458.

Fiessinger. 301.

Pleclt,iâ 535.

Fleiiiy-Cliavaiiiie, 109.

Frumerie (de), 31f.

Galiana, 97.

Cannoucbl.ine, 3GS, Ol,

483.

Garnier, 193.

Gaulhier, 100.

Gawunski, 279.

Gehuchten (Van), 275.

Gillet, 476.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. S91

Giraud, 493.

Glorieux, 274.

(ioliillain, 179.

Goltistain, 284,452, 455.

Goilibatilt, 386.

Gooilal, 572.

Z 266.

Gotlard, 2(4.

Graliain, 194.

Grasset, 104.

Gulden, 91.

Guibal, 272.

201, 203, 38.-),

-472.

Gililmaiti. 296.

Guyard, 190.

Gzarniecl.i, 551.

Hacliet-Souplet, 480.

llamilion, 280.

Ilansha ! ter, 2S ?

Ilaré, 93.

Hartenberg. 407.

llanser, 270, 455, 471.

])Mbci'g,2'6'.).

Ilerniann. 457.

,le 178.

Ileilz, 177.

]tosp)tat,192.

Ilnrlelo. 177.

II net, 103, 457.

Hugh, 191.

loteyko, 432.

liaison- Rury, 280.

Jacqueau. 183.

Janet, 530.

dolTroy, 203, '114.

Josseiand, 184, 187.

Journiic. 310.

Xcay, 569.

Kéiaval, 1.

hollmann, 4j9.

1 £ 1)1'11110ff, 385.

lvre, 3Gf.

Lalbé, "11.

Lacassairne, 191 .

Lalame, 88.

Lagnffe. 368.

Laïulouzv, 211.

Lannois.' 177, 279, 532.

Largor, 142.

Laroussue, 2ï1.

Lannois, 197.

1 ? ivastiiie, 190.

Lavgnel, 203.

Lazuursl : y, G3,

Leclerc, 188.

Lejonne, 366, 536.

Léon (de), 177.

Lepine, 100, 268.

l,eiov. 113.

Lesieur. 184.

Levinsohn, 93. ,

Leva, 382. I

Londe, 373.

Long, 5*6.

Louiiz. 389.

Lyle-\Vinter, 19.

Z

Mabille, 178.

Malapert, 109.

Malherbe, 80.

Marandon de Montyel

99.

Marchand, 281, 288, 289

Marck, 91.

Marie (11.), 201,203, 381,

473.

Marie, 292, 295. 3j7,

385.

martien, 191.

Matins. 281, 282.

,NI 99.

blattos (de), 115.

neige. 11S, 179, 200

278,285,394.

Meudelson, 104.

M in or, 548.

Monier-Vinard, 545.

Jlonnier-1'lllard, 350.

- Nloiel (.1.). 314.

Morel-Lavallée, 279.

Mottet, 374.

Nonne, 541. ,

Obarrio. 't90.

o(Ido, 28.

O'Neill, 572.

otz y Esquerdo, 366.

Pactet, 1 11.

Paginez, 537.

Parant, 472. - ·

Paillon, 284, 'lJl, k5,

435.

Pal-iloii 451.

Patrick, 191.

Paulv, 269.

Paviôr. 279.

Peinai-, 283, 137.

l'erey-Smilh, 195.

Perrers, 283.

Philippe, 103, 204, 375.

l'ic et l'ien', 188.

Piltz, 541."

Piqué, 210.

risniafchewskv. 365.

Pitres, 485.

l'lien, 93.

Popofl, 302.

Postovsky. 306.

Piéobrajpuskv, 304.

Pron, 377.

Prou, 544.

Proy, 197.

Ralieneau, 298.

Ranin, 179.

Savant,383.

liaveau, 472.

ltnviart, 1. 1.

liaytnomi, 103.277,91,

530, 531, 537.

Régis, 485.

Regnault, 105.

Iteuiliiiger, 279.

Réniond, 368.

Robertson. 161.

Itohinson, 275.

Rodrigues. 370.

Itopleï, 98.

ltossolnuo, 273, 455,

5'G.

Itoilv, 481.

Rolhmann, 541.

Itouduew. 37 'i

Rousseau', 382.

Houx,281.

Saenger, 541.

Sau)tun,282.

Saimouchiiie, 270.

Sckerb. 284.

Sébilleau. 103.

Séglas, ;i3. 371.

Sérieux, 31. i.

Sicard, ` ? 03, 294, 472.

r-kahcka, 437.

S)nn'noit',385.

Soca. 530.

Sollier, 275.

Soul : anu(F, ` ? î0. 30 i, 367,

- FOi. 4a+, 453, 5ul.

Souques, 101, ràS.

Souiza, 133.

apnce,a' ! 2.

Spillmanu, 282.

Sprasling, 275.

btailelmaiin. 182.

torli, '59.

Srwbttrt,.er. 5f1.

bwitalski, 88.

Tailleur, 99.

Tauton, 98.

Tedesehi, 284.

592 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Thomar, 281.

Thomas. 90, 198, 199;

2' ! 0,27( ! .281,455.

Touche, 273.

Vacher, 535.

Vaientiiio. 98.

Vaschide, 89, 281, 290,

9 ? 3S 1, 38 : D, -t53, f5 : .

Vallon, 369.

Vi;;ourous, 190.

Viîicetis, 189.

Voisin, 108.

1'nrpas, 8'), 290, 378,

4a3, 454.

Wainscastein, 183.

Warner, 98.

Wassilief, 182.

Werlheim - saloon

son, 263.

Wiiial, 383.

Will-Noyes, 280.

Winkler, 93.

M,'oods, 5îl.

Woods (Alice), 535.

Zimmern. 237, 336.

Evreux, CI]. H€massr, imp. - ;i-1903.