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DE
NEUROLOGIE
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NEUROLOGIE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
MiS MALADIES NrnvrUSia ET MENTALES
. Fondue pAn J.-M. CHARCOT
PIJIIII(-.1 SOUS I.A ootFCnon urs MM.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
3 la [''acuité de médecine
ie l',u m.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Ste-Annc).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système nerveux
à la Farulté de médecine
de Pans.
coi 9.ADOI%ÀTH(Ilts Principaux
1t11.ABAUIE (J.), A I BARD, l3AItISICi, ItALLRT, UL1N( : IIAilU(It.), DUN,
1301SSIISIt ( ! '.), f30\( : OlJll (P.), BOYElt (J.), UH1ANI) (\1.), ItItISSAlIU (E.),
Z (I'.), BI3l : NET z (J.-r..),(;ATSAHAS. CESTAN, ( : fIAUUfiIIT,
CIIAIIO,N, ( : IIItISTIAN CLI : I3A61UAL : U, COLOLI AN. C111,1.Eltltl ? 1)[.BOVH (M.), ! )RNY, t)) : VAY, Ull( : A 61P, 1)(IVAL(IÀTilis), 1-'Al ( : Il l ? 11, G'Eü\ ItL, 1 rliE (Cil ), I ENAYI30li
1f ? Itltllslt, FIIANCOTTE, GILLES DE LA TOU11KTTK, GAItNII.lt (S.), GOMISAULT,
GRASSET, GU ! A)t)),Kl' : )tAYAL, ](OUI,il)JY, LAUA11E, LA1U(31ZY,LEG13AIN,
LI.N013L1's, LEI10Y, LYVOI'F, HABILLE, 111A1tAN110N DE MONTYEL, \1.\ItIIL (A.), ,
Z 6111tALLlls, 1111SGItA\'E-f : l.A1',PAItlS (A.), DE )'E)tKY,PET[T,P)CQL'E,
l'tI ? Itltl ? 'C, i'ITItES, 11EGIS, ItI : GNAIIIV (11.), Renier (P.), NICHER (I'.), IIOTII (v.),
SEGLAS, SÉIUEl'X, s0l.l.ll : lt, SOUIUIAXOFF, S01 QI'I : S, TAGUET,
TII1L0 (Or.), T11UI.1E (Il ), TRUELLE, l,ltItIOLA, VALLON, V1LLAHD, VOISIN (J.),
Y VON (P.).
liéclcrctetv' en chef : BOURNEVILIE E
Secrétaires île la rédaction : J.-B. CHARCOT et J. NOIR
Deuxième série, tome XIV. 1902.
Avec 36 figures dans le texte.
PARIS
13UIlL'AUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
. 1902
Vol. XIV.
Juillet 190E :
N° 'i9,
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
THÉRAPEUTIQUE.
Nouvelle contribution à l'étude de l'épilepsie verti-
gineuse et à son traitement par le bromure de
- camphre ;
Par BOURNEV1LLE et A\IB1RD.
Depuis bien des années le bromure camphre est employé
dans le service des enfants de Bicêtre'. Les résultats théra-
peutiques obtenus soit dans la chorée, soit contre l'insomnie,
et les cauchemars, soit surtout dans l'épilepsie ont été consi-
gnés dans des thèses inaugurales ou des notes insérées dans
les Compte rendus annuels 2. Aux faits anciens, nous allons en
ajouter quelques-uns qui nous paraissent de nature à encou-
rager les médecins praticiens à recourir à ce médicament,
' Bibliographie. Bourneville, Communications à la Société de bio-
logie, 1874 et Progr. méd., 1874, 1875, résumées dans la thèse de M. le
D, Patliault, 1875. Revues des travaux publiés sur le bromure de
camphre (Pi,og ? -. znéd., passim) ; Cornet, Traitement de l'épilepsie, 1889
(avec observations de notre service); Bourneville, Observation de chorée
guérie par le bromure de camphre, avec spécimens de l'écriture (Compte
rendu du service de Bicêtre pour 1885, p. 49); Du bromure de camphre
dans l'épilepsie (Compte rendu de 1889, p. 33). De l'emploi lhé7 ? apeit-
tique du bromure de camphre (érections douloureuses et cystalgie,
accidents dus à la dentition, spermatorrhée, insomnie, hystérie, délirium
trémens), et en particulier dans l'épilepsie vertigineuse, 5 observations
(Compte rendu de 1895, p. 218); Chorée, bromure de camphre, guérison.
En collaboration avec M. Katz. (Compte rendu de 1898, p. 3).
' Dernièrement, nous avons vu une malade de Pologne atteinte d'une
affection douloureuse de la vessie, à laquelle le professeur Lotar a donné,
avec succès, des capsules de bromure de camphre du Dr Clin.
Archives, 2'série, t. XIV. 1
2 \ THÉRAPEUTIQUE. 1
moins employé qu'il ne devrait l'être, non seulement dans
l'épilepsie, mais dans un grand nombre d'affections du sys-
tème nerveux. 1 .
Observation I. ÉPILEPSIE SYIIPTOM.TIQUr.
Sommaire. Pov, excès de boissons. Oncle paternel, excès de bois-
sons, mort de tuberculose. Renseignements insuffisants sur le reste
de la famille. Mère sujette à des céphalalgies . Un frère et une
soeur, morts de méningite. Pas de consanguinité. Inégalité d'âge
de cinq ans (père plus âgé).
Notre malade : première dent à sept mois. Propre à dix mois.
Premières convulsions à sept mois. Tics convulsifs de l'épaule du
côté droit. Convulsions fréquentes de sept mois à trois ans. Début
de l'éjrilepsie ci neuf ans. Accès et vertiges nombreux. Irritabilité,
jalousie, turbulence. Description des accès et des vertiges. Procui-
siozz. Bromure de camphre. Diminution progressive et, enfin, dispa-
2-ilioiz des vertiges. Sortie, mariage.
Du... (Rachel), née le 14 juin 1883, entrée le 27 mai 1895 à la
Fondation Vallée, en est sortie le 5 février 1901.
Antécédents héréditaires. Père* : mort à trente-huit ans d'une
hernie étranglée; pas de rhumatismes, pas de convulsions, pas de
maladies vénériennes, ni de lièvre typhoïde. Il buvait beaucoup, mais
n'était que rarement ivre. [Père : pas de renseignements. Mère :
soixante-quatorze ans, rhumatisante. Grands parents inconnus.
Une soeur et sa fille bien portantes. Un frère mort de tuberculose.]
Mère : fièvre typhoïde à douze ans, pas de troubles intellectuels
consécutifs; céphalalgies mais pas de migraines, ni de syphilis, ni
alcoolisme, vive et emportée. [Père : sobre, mort à cinquante-neuf f
ans. 31èi-e : morte à quarante-cinq ans, de cause inconnue. Grands
parents, pas de renseignements. Un frère : vingt-huit ans, sobre.
Deux soeurs : rien à signaler. Pas d'idiots, d'épileptiques, de mal-
formés dans le reste de la famille.]
Pas de consanguité. Inégalité d'âge de cinq ans. (Père plus âgé).
Dix enfants : 1° garçon, dix-neuf ans, sain; 2° fille morte en
venant au monde, à terme ; la mort a été attribuée par la mère à
une chute ; 3° garçon mort à vingt-deux ans d'une méningite qui a
duré onze mois; 4° fausse couche de trois mois, suite d'une peur;
5°`garçon, fièvre typhoïde à sept ans et demi, intelligent; 60 fille
morte à six semaines de cholérine ; 7° notre malade ; 8° garçon,
dix ans, rien à signaler; 9° fille, sept ans, otite suppurée; 10° fille
morte à deux mois et demi de méningite. r
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 3
'Notre malade. Rien de spécial à la conception 1. Grossesse abso-
lument normale, ni chutes, ni émotions, ni frayeurs, ni.éclàmpsie :
Accouchement à terme en une heure. Elle a perdu beaucoup d'eau ;
présentation du sommet. Pas d'asphyxie, pas de cordon. Nourrie
au sein par sa mère jusqu'à dix-sept mois. Prise du sein normale,
pas de cris. Première dent à sept mois. Dentition complète à dix-
huit mois. Elle a commencé à parler à huit mois, a été propre à
dix mois. Ni bave, ni succion, ni onanisme.
Premières convulsions à sept mois, avec la première dent, pen-
dant trente minutes. Aurait été toute raide, sans secousses, yeux
grands ouverts. Depuis lors, jusqu'à trois ans, au moins cent
convulsions. C'est la première qui a été la plus longue. Les pre-
mières convulsions n'ont pas modifié l'intelligence. A la suite des
premières convulsions, à sept mois, l'enfant, au dire de sa mère,
'aurait conservé un mouvement spasmodique de l'épaule droite.
De trois à neuf ans, aucun accident convulsif, ni cauchemars, ni
terreurs, ni vertiges. Le premier accès est survenu dans les
conditions suivantes : A la fête de la place d'Italie, l'enfant
demandait un sou pour monter sur les chevaux de bois. Sa
mère refuse, l'enfant persiste dans sa demande et tout d'un coup
tombe raide ; elle resta quarante-huit heures sans connaissance.
Un médecin, pendant ce temps, tenta vainement de la ranimer.
Elle se réveilla spontanément, appela sa mère et demanda à
manger. Elle fut menée à la Salpêtrière où Charcot ordonna des
douches et du bromure. Nouvel accès trois jours après, sans cri.
Elle se laissa glisser le long d'un mur, resta raide, puis elle ronfla.
iN bave, ni écume, ni évacuations : durée cinq minutes. Pas de folie
pré-ou post-épileptique. Sa mère n'aurait pas constaté de vertiges
et cependant on les a notés dés l'entrée. Pas d'atteinte de l'intel-
ligence. Aucune maladie infectieuse, ni accidents scrofuleux; plu-
sieurs bronchites légères.
Etat actuel. L'enfant parait en bonne santé, son attitude est
normale. La physionomie intelligente. Lèvres et conjonctives bien
colorées.
Tête : Cheveux châtains bien plantés. Crâne, configuration arron-
die, symétrique. Front bombé. Visage ovale, cicatrice à la partie
gauche du front, suite de chute. Arcades sourcillières normales,
symétriques. Sourcils abondants, châtain foncé, bien plantés. Pau-
pières mobiles et régulières. Yeux normaux. Nez droit. Pommettes
régulières. Voûte du palais, amygdales, langue, normales. Dents
bien plantées, saines. Menton rond. Oreilles régulières, lobule
bien détaché. Tronc bien conformé. Membres supérieurs et infé-
1 Le père, comme nous l'avons dit, commettait de fréquents ercès de
boisson, et les rapports sexuels avaient souvent lieu quand il avait bu.
4 THÉRAPEUTIQUE.
rieurs normaux, ainsi que les réflexes ; onychophagie bila-
térale. Tous les ongles sont rongés dans une longueur qui varie
de 5 à 6 millimètres. L'auscultation et la percussion ne décèlent
rien de particulier.
Puberté. -Aisselles et pénil glabres. Seins : 7 centimètres de
large sur 6 1/2 de haut. Grandes lèvres peu développées. Petites
lèvres normales. Hymen, fissure antéro-postérieure. Pas d'hémor-
rhoïdes. Anus glabre. Non réglée. Pas d'onanisme.
Caractère variable, triste si on la laisse seule, pas d'accès' de
colère. Pas de perversions des instincts. Vagues tendances au sui-
cide, aurait essayé de se jeter par la fenêtre, au dire de sa mère.-
Digestion et respiration normales. Sujette à paresser. Sensibi-
tité spéciale et générale normales. Aucun signe d'hystérie. Som-
meil bon, naturel. Sentiments affectifs excellents. Parole et voix
nettes. Propre, soigneuse de sa personne.
Température à Ventrée.
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 5
39. - R ? dont les vertiges sont très nombreux, a son premier
accès aujourd'hui, précédé d'une série de [vertiges. Pendant cinq
minutes, elle est restée debout, immobile, le regard fixe, le visage
pâle. Puis elle a dit : Oh ! que j'ai mal au coeurl J'ai mangé trop
de poires. On l'a couchée et, au bout de quelques secondes, rigi-
dité générale, secousses très fortes des quatre membres, face pâle
puis violacée, bave assez abondante, ronflement. Au bout de deux
minutes environ elle est revenue à elle : Où suis-je ? J'ai mal au
coeur ; j'ai mangé trop de poires, je n'en mangerai plus. » Ensuite
elle a vomi beaucoup. Elle s'est endormie deux heures après. La
nuit a été bonne. Cet accès, le premier, depuis l'entrée, paraît
avoir été provoqué par une indigestion.
Température dans l'accès.
6 THÉRAPEUTIQUE.
course. En reprenant connaissance, elle est toute étonnée du che-
min parcouru. z
Décembre. Le bromure de camphre, suspendu le 8 octobre et
remplacé par l'élixir polybromuré, est repris de 2 à 10 capsules et
de 10 à 2 ; élixir polybromuré de 1 à 4 grammes et de 4 à 1.
Puberté. Seins 7 centimètres sur 7 et demi à droite, 7 sur 6 et
demi à gauche. Fin duvet sur les deux tiers médians du pénil.
Quelques poils à l'extrémité supérieure des grandes lèvres, qui sont
assez développées, écartées l'une de l'autre d'un centimètre, lais-
sant passer les petites lèvres brunes. Les règles n'ont point encore
paru.. , ' . '
1896. Juin. Ptt&e ? Quelquesrares poils dans les aisselles.
Seins, 14 centimètres de haut sur 11 de large. Aréoles bien pig-
mentées. Poils assez abondants sur le pénil. Les petites lèvres,
très larges, débordent les grandes d'un centimètre. Capuchon long,
recouvrant un clitoris petit. Hymen, orifice laissant passer l'index.
Les premières règles ont apparu sans accidents particuliers. Le
traitement, outre les douches, les travaux scolaires et manuels et
la gymnastique a continué ainsi qu'il suit :
- . ÏAHLEAU A. Mesures de la lèle
/
8 THÉRAPEUTIQUE. - '<>
Le caractère s'améliore, mais Rachel reste turbulente, taquine
et semble aimer à faire de la peine aux autres enfants. Sous tous les -
autres rapports, les progrès signalés plus haut persistent. < » ~
1898. Janvier. Puberté. Seins, 16 sur 18. L'orifice de l'hy-
men paraît un peu large et permet facilement l'entrée de l'index.
Son travail, son activité et sa tenue ne laissent rien à désirer,
mais elle est souvent peu attentive, dissipe ses compagnes. Elle est
moqueuse, arrogante, voudrait dominer tout le monde et n'agit .
qu'à sa guise. Depuis quelque temps, elle se livre à Y onanisme et(
essaye de se faire toucher par les autres. Elle exige à cet égard
une surveillance toute particulière.
Novembre. Persistance de l'onanisme, cherche à entraîner ses
compagnes et à profiter du moindre relâchement de surveil-
lance.
1899. Janvier. Puberté. -l4fêmes dimensions des seins, pénil
garni de poils longs et noirs sur toute sa longueur. Poils moyen- ' 4
nement abondants sous les aisselles.
Rachel tient mieux compte des observations qui lui sont faites;
elle pourrait faire de plus grands progrès en classe si elle était
moins étourdie et moins distraite. Elle est toujours orgueilleuse,
voudrait qu'on l'admire en toutet partout, essaye en promenaded'at- ,
tirer lès regards des hommes. Elle aime les jeux bruyants, est très
adroite pour les travaux manuels, sait faire marcher la machine à
coudre. A la gymnastique, elle est d'une agilité et d'une adresse
sans pareilles.
Juillet. Puberté. Poils nombreux, mais courts sous les t
aisselles formant une bande de 8 centimètres sur 3. Seins 18 cen-
timètres sur 15. Tout le pénil est couvert de poils noirs et assez
longs. Même état de la vulve.
1900. Janvier. Puberté. Le sein droit mesure 21 centimètres "
transversalement sur 17 verticalement, le gauche 20 sur 17, aréoles
bien dessinées, mamelons bien développés. Même état du système ',
pileux. Grandes lèvres un peu plus épaisses.
Rachel travaille avec plus d'assiduité à la classe. Elle est tou-
jours un peu légère et étourdie, il faut lui faire des remontrances
qu'elle accepte beaucoup mieux qu'autrefois. Elle s'accorde bien
avec les compagnes de son âge, est serviable. C'est l'une des plus t
avancées pour le travail manuel. Cette amélioration du caractère ·
coïncide avec une diminution considérable des vertiges. '
Juin. Puberté. Pas de changement notable, sauf que les
grandes lèvres ont un peu grossi, sont plus pigmentées et pré-
sentent des poils au niveau du tiers supérieur de la face externe.
A signaler une vanité croissante, le désir d'attirer sur elle l'atten-,
tion des hommes qui viennent dans le service. Pour le reste, rien
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 9
de spécial à noter. Intelligence, attention, activité très satisfai-
santes. ,
Rachel a fait des progrès sous tous les rapports. C'est une nature
passionnée, des plus impressionnables. Il faut exercer sur elle une
surveillance constante, principalement quand des ouvriers ou des
jardiniers sont dans la maison. Elle fait tout ce qu'elle peut pour
attirer leurs regards, passe et repasse devant eux. Ses allures, ses
manières, son regard, tout est provoquant chez elle. Elle céderait
volontiers` à la moindre invitation. Pour tout ce qui concerne les
travaux de repassage et à l'aiguille elle est très adroite. Elle pique
à la machine avec beaucoup d'adresse. C'est une des meilleures
ouvrières de l'ouvroir. Elle continue à faire delà gymnastique avec
une agilité surprenante.
Septembre. Comme les vertiges ont considérablement diminué,
3, 4, 9 dans les trois derniers mois au lieu de 300 à 400 dans les
premiers mois de son séjour, nous lui accordons, sur la demande
de sa mère, un congé de deux mois.
Tableau B. Tableau du poids et de la taille.
10 THÉRAPEUTIQUE. H .
27 novembre. Sa mère nous apprend que Rachel travaille dans
une imprimerie, qu'on est content d'elle, qu'elle se conduit bien et
elle affirme qu'elle n'a eu, depuis son départ,aucun accident t nerveux.
,1901. - Le 23 janvier, nous recevons une lettre d'un M. Z.. nous
demandant un rendez-vous afin d'avoir des renseignements sur la
maladie de Rachel. Le signataire ne serait autre qu'un prétendu.
o février. Sa mère vient nous demander si R... peut se marier.
Le prétendu, âgé de vingt-quatre ans, ouvrier en vitraux, serait
fils de sourds et muets, son père à partir de quatre ans, à la suite
d'une chute, sa mère, de naissance, ce qu'on a attribué à une peur
de sa mère pendant la grossesse. Rachel continue à travailler dans
une imprimerie où l'on est satisfait d'elle. Sa mère n'a remarque
aucun vertige, ce qui est probable, car on en aurait vu à l'impri-
merie, d'autant plus qu'elle travaille partout, même aux machines.
,1902. Nous apprenons que Rachel s'est mariée en novembre
dernier. Son mari, qui est bien au point de vue physique, parait
intelligent, s'exprime avec facilité, se déclare très content de son
mariage, n'avoir à se plaindre en aucune façon de sa femme.
Celle-ci est en bonne santé, bien qu'elle ait un peu maigri et n'au-
rait eu aucun accident nerveux. La surveillante, Allie Langlet, qui
est allée aux renseignements a trouvé leur logement très soigné,
très propre. Rachel était absente.
Voir page 11 marche des accidents épileptiques.
RÉFLEXIONS. I. U hérédité est très peu chargée. Ce qui
domine, c'est Y alcoolisme du père, qui parait s'être traduit
chez ses enfants, par deux cas de méningite et l'épilepsie
de notre malade,
II. Cette affection aurait été précédée de nombreuses con-
vulsions depuis l'âge de sept mois jusqu'à trois ans. De là à
. neuf ans aucun accident convulsif. C'est à neuf ans qu'aurait
débuté l'épilepsie. Elle était surtout caractérisée par des
vertiges.
III. Sous l'influence du traitement par le bromure de
camphre, administré sous forme de capsules, les vertiges ont
diminué et finalement disparu. L'histoire de Rachel met bien
en évidence les heureuses modifications survenues dans son
caractère, au sur et à mesure de la diminution des vertiges.
A cet égard, c'est une observation typique.
IV. La description que nous avons tracée d'un accès et de
plusieurs vertiges s'ajoute à celles qui sont disséminées dans
nos Comptes-rendus et dont les auteurs des traités de
médecine pourraient assurément tirer profit.
1 Tableau C. Tableaît des accès.
12 THÉRAPEUTIQUE.
Observation II. Épilepsie idiopathique z). Bromure DE camphre.
Guérison. ' '
Sommaire . Père, aucun accident nerveux, mort de tuberculose en
décembre 1890. Renseignements à peu près nuls sur sa famille.
JHO'e, migraineuse. - Grand'mère maternelle sujette à des né-
vralgies. Rien de particulier dans le reste de la famille. SoeMr
morte probablement de tuberculose . - Pas de consanguinité.
Inégalité d'âge de huit ans. (Père plus âgé.) - 1 ?
Conception, rien d'anormal. Grossesse tourmentée par une
maladie de son mari. Accouchement un peu long. Cyanose à
la naissance. Première dent à six mois. Dentition complète à ?
Début de la parole à un an ; de la marche à quatorze mois.
- Propre de bonne heure. Intelligence développée. Certificat
d'éludés à douze ans. Ennuis et tristesse dans la douzième année.
Première crise à treize ans (février 1898). Ensuite quelques
crises espacées sur un laps de temps de deux mois (1898). Ver-
tiges très nombreux. Traitement par le bromure de camphre.
Disparition complète des crises en juin de la même année. Main-
tien de la guérison de juin 1899 à 1902. >
De Mich... (Marguerite), née le 4 avril 1885, entrée le 7 janvier
1899 à la Fondation Vallée, est sortie le 20 avril 1901.
Antécédents héréditaires. [Renseignements fournis par sa mère).
Père, quarante-cinq ans, rhumatisant ; tourneur de son métier,
mort en décembre 1899 de tuberculose. -Pas de convulsions, pas
de migraines, pas d'abusd'alcool ni de tabac. Caractère vif. Marié
à vingt-sept ans. Le père de la malade est d'origine italienne,
et on ne peut donner de renseignements sur sa famille, mais on
pense qu'il n'y a jamais eu de cas de maladie nerveuse.
Mère, trente-huit ans, migraines fréquentes dès l'âge de douze
ans. Réglée à quatorze ans.Les migraines, très fréquentes dans
les premières années, se sont un peu espacées, au point de ne repa-
raître actuellement que tous les mois. Elles consistent en une
céphalalgie, accompagnée de nausées et parfois de vomissements;
pas de brouillard, mais souvent elle voit un fil noir tendu devant
l'oeil gauche. Ni rhumatisme, ni chorée, ni fièvre typhoïde. [Père,
mort à soixante-un ans, d'un refroidissement, sobre, pas de
migraines. Mère, soixante dix-sept ans, bien portante, pas de
migraines, mais elle a « comme des névralgies ». Pas de ren-
seignements sur les grands parents. -Un frère, quarante-cinq ans,
en bonne santé ainsi que ses dix enfants qui n'ont pas eu de con-
vulsions. Une soetM-, mariée, aeu une fille, laquelle elle-même a
une enfant : ni les uns, ni les autres n'ont eu de convulsions^
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 'lez
Rien dans le reste de la famille, ni bègues, ni paralytiques, ni
malformés, ni strabiques, etc.]
Pas de consanguinité. Différence d'âge de huit ans (père plus
âgé). Aucun indice de syphilis ni chez l'un, ni chez l'autre.
Deux enfants. 1° Notre malade; 2° une fille morte à huit ans
et demi de péritonite tuberculeuse aux Enfants-malades.
Antécédents personnels. A la conception, rien de spécial si ce
n'est que le père était déjà souffrant. Grossesse dans des condi-
tions à peu près parfaites, sauf que la mère était continuellement
préoccupée par la santé de son mari. Elle ne sait pas exactement
àquelle époque elle a senti remuer l'enfant ; les mouvements étaient
modérés. Accouchement à terme, travail assez long, l'enfant est
venue toute noire, tu la naissance, néanmoins elle aurait crié de
suite. (Frictions). Accès de cris nuit et jour pendant les premières
semaines.
L'enfant a été nourrie simultanément au sein et au biberon (lait
de vache). Première dent à six mois. A quatre mois, on la met-
tait déjà sur le vase. Elle a commencé à causer à un an, à mar-
cher à quatorze mois. Pas de convulsions.
A six ans, M... fréquente l'école; elle y aurait été heureuse sauf
dans la dernière année où elle ne pouvait s'entendre avec sa mai-
tresse de classe. Elle y aurait travaillé en général avec succès et a
eu son certificat d'études à douze ans. 1
Avant la première crise (février 1898) qui a duré deux à trois
heures, la malade semble avoir eu une contracture des membres
inférieurs, elle avait les pieds tournés en dedans. Cette contracture
a été attribuée à une longue course à Paris, avec un grand refroi-
dissement ( ? ). Ala suite de quelques exercices de marche, cette con-
tracture a disparu. C'est alors qu'est apparue une sensation de boule
venant de l'estomac et s'arrêtant dans la gorge. Ces crises avec
boule revenaient tous les jours pendant une heure.
Vers le mois de mai 1898, les crises avec boule ont été remplacées
par des crises complètes. Elles étaient annoncées par une envie de
partir, d'aller chez une voisine, dans la rue. Sa mère le lui
défendant, elle tombait. Pas de cri, chute subite, rigidité générale,
poings fermés, pouces en dedans ; pas de grands mouvements, pas
d'arc de cercle, mais perte d'urine et écume abondante.
La malade revenait à elle en poussant des cris et en souffrant
du coeur. La première crise dura deux heures. Les grandes crises
se sont reproduites tous les jours jusqu'à quatre par jour.
Durant les deux semaines ayant précédé son placement à la Sal-
pêtrière (26 juillet 1898), elle aurait eu après ses crises des atta-
ques de folie. Elle mangeait de l'herbe, se roulait par terre, dans le
ruisseau, criait, refusait d'obéir aux ordres, essayait de battre sa
mère, serrait et desserrait son corset sans motifs, cassait les car-
14 liez THÉRAPEUTIQUE. i,-
reaux. Deux fois elle est montée sur le barreau de la fenêtre- du
premier étage comme si elle voulait se jeter dans la rue. Les crises
de folie duraient deux ou trois heures. Pas d'onanisme. ,
A la Salpêtriêre où elle reste jusqu'au 38 novembre, elle a eu
deux crises en juillet et 5 en août (lettre de AI. J. Voisin).
Les parents la reprennent alors chez eux. Bientôt -la malade
accuse une douleur sourde dans les jambes suivie au bout de cinq
asixjours,det)e)'<7es. '
En somme après des phénomènes prémonitoires surviennent des
accès d'épilepsie qui durent six mois. Trois mois d'accalmie. Enfin,
retour des accidents épileptiques qui motivent l'entrée dans le ser-
vice.
État actuel. - Tète petite, arrondie, cheveux châtains, pas
d'anomalie d'implantation. Front bas. Face allongée. Joues symé-
triques. Nez droit. Vue normale, pas de dyschromatopsie. Lèvres
moyennes. Langue mobile. Amygdales grosses. L'enfant respire par
la bouche sans que l'examen de la gorge explique ce fait. Maxii-
laires normaux. Dentition régulière. Oreilles. Pavillon grand,
,écarté de la tête. Physionomie douce, intelligente. Attitude bonne.
Cou. Corps thyroïde perceptible à la palpation.
Thorax symétrique et viscères normaux. Abdomen régulier.
.Foie dépassant les fausses côtes d'un doigt.
Puberté. Seins, 16 centimètres de haut sur 18 de large, symé-
triques. Aisselles glabres. Pénil à peine garni de quelques poils
Grandes lèvres épaisses. Petites lèvres normales. Clitoris bien déve-
loppé. Hymen, orifice circulaire laissant pénétrer le petit doigt.
Région anale naturelle. La malade n'est pas réglée. Pas d'ona-
nisme.
Mich... parle, comprend et répond bien, marche lentement, pa-
rait absorbée, court bien, mais est assez vite essoufflée à cause de
son embonpoint qui est assez prononcé. Appétit bon, sans trouble
de la digestion. Elle s'endort assez lentement, semble parfois en
proie à des cauchemars ; s'agite et parle quelquefois tout haut la
nuit. ,
Elle est d'une propreté irréprochable, allant même jusqu'à une
certaine coquetterie. Caractère calme, n'aime pas les jeux bruyants ;
s'emporte néanmoins assez facilement, quand on la contredit. Elle
aime bien ses compagnes et joue volontiers avec elles. Elle dit s'en-
nuyer beaucoup, parle souvent de ses parents. Elle n'a jamais
pleuré. Parfois accès de petits rires, courts et « nerveux ».
. Elle ne souffre de la tête qu'après ses vertiges, la céphalalgie
dure peu. Pas de phénomènes vasomoteurs appréciables à la
face. Le sensibilités générale et spéciale sont physiologiques. Les
seutiments affectifs sont développés.
Tics. Quand elle est inactive, elle compte successivement tous
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 15
les doigts de la main droite avec une vivacité extraordinaire et
sans s'en apercevoir. <
Très attentive, fait des réflexions sur tout ce qu'elle voit, prend
un plaisir extrême à la musique. Lit facilement, très vite, sem-
ble avoir hâte de terminer sa lecture. Elle écrit régulièrement et
rapidement. En géographie, histoire, calcul, force moyenne, elle
possède d'ailleurs son certificat d'études. Néanmoins, elle se plaint
d'un affaiblissement de la mémoire depuis qu'elle a ses vertiges. Tel
est l'état de la malade au moment et dans les premiers temps de
son entrée à la Fondation Vallée.
Température à l'entrée.
16 THÉRAPEUTIQUE. '
son caractère avant de tomber. Elle paraissait calme. Immédiate-
ment avant la chute, étant à l'école, elle dit à sa voisine : «,Je n'y
vois plus bien clair. » Aussitôt sa tête s'est rejetée en arrière, elle
est tombée sur sa voisine de droite. La figure s'est congestionnée,
les paupières ont battu vivement, ses yeux se sont- dirigés- en
haut, ses mâchoires se sont contractées. Les membres rigides ont
été pris de fortes secousses. Après cette première- période quia a
duré environ une minute, le corps est devenu flasque, la malade
a ronflé et à chaque ronflement elle envoyait un jet de bave (non
sanguinolente). Elle a uriné sous elle et s'est endormie pendant
quelques minutes. On l'a montée au dortoir pour la changer.
C'est alors seulement qu'elle est revenue tout à fait à elle. Elle
était tout étonnée d'être au dortoir : « Pourquoi m'avez-vous fait
monter ici ? » Elle ne se souvenait de rien. Température au mo-
ment du ronflement, 37°, 6 ; un quart d'heure après 31°, 8;~deux
heures après, 3 î°, 3. C'est le seul accès constaté jusqu'à la sortie.'
Dans ce cas, de même que dans le précédent, nous cons-;
tâtons une élévation de la température sous l'influence de
l'accès. Cette élévation est bien mise en relief par le tableau'
de la température durant les cinq premiers jours de l'ad=
mission. - '
Juin. Les vertiges diminuent. De Mich... a assez de goût
pour les travaux scolaires. Elle n'est maladroite ni pour la cou-
ture, ni pour le repassage, toutefois il faut la stimuler. Elle met
de la bonne volonté à la gymnastique, mais n'est pas très agile
dans ses mouvements à cause de son embonpoint. Très affectueuse
envers ses compagnes, un peu turbulente ; la moindre observation
l'ennuie et la surexcite et elle accueille les remontrances avec un
sourire moqueur. Même traitement. ' -
Puberté. Quelques poils rares sous les aisselles. Seins symé-,
triques, 18 centimètres de haut sur 20. Poils bruns, assez longs,
peu nombreux sur le pénil. Grandes lèvres épaisses. Petites le-,
vres normales. Clitoris assez développé. Même état de l'hymen et
de la région anale.
Décembre. Elle a eu trois vertiges le jour où elle a appris la'] Ï
mort de son père. ' '
1900. JetKUte ? Pu6e ? ? Même état des aisselles. Seins, 25 sur'
18 à droite, 24 sur 18 à gauche. Mamelons peu saillants. Aréoles -
bien dessinées. Poils plus abondants et plus longs sur le pénil. Pas,
d'autres changements. Les règles ont paru, pour la première fois, ,
du 12 au 19 juillet, puis du 13 au 18 août. Elles ont été suspen- z
dues en septembre et ont reparu du 8 au 14 octobre, du 2 au
9 novembre, du 2 au 8 décembre. ;, . ,
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 17
DeMich ? dont les vertiges sont devenus de plus en plus rares, s'est
améliorée sous tous les rapports. Elle travaille bien à l'école, fait
parfois la classe à des compagnes moins avancées. Elle est plus
calme, moins irritable, plus prévenante et plus serviable. Elle se
montre habile et courageuse à l'ouvoir. Elle apporte à la gymnas-
tique beaucoup de bonne volonté. Même traitement sauf que les
capsules de bromure de camphre ne seront données que de 2 à 6.
Juin. L'amélioration a continué, M... n'a eu ni accès, ni ver-
tige; depuis le 1 ? janvier.
Pouls de la taille.
18 THÉRAPEUTIQUE. 11,
fluence du traitement par le bromure de camphre, la décroisssnce
suivante : qu
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 19
II. L'action du bromure de camphre s'est fait sentir bien
plus rapidement que chez la malade de la première observa^
tion. La guérison s'est maintenue puisque de juillet '1900 au
commencement de 1902, il n'est survenu ni accès, ni vertiges.
Observation III. Imbécillité ET épilepsie SYMPTOMATIQUE.
Sommaire. Père, enfant naturel, aucun accident syphilitique.
Céphalalgies après la naissance du malade. Grand'mère pater-
nelle nerveuse, sujette à de violentes colères et à des crises épilep-
déserteur on ne sait pourquoi, à été condamné à la prison (belge).
Mère, -ouvrière dans une manufacture de tabac, C071villsiolis de
l'enfance, violente, a voulu tuer son mari, dont elle s'est séparée
après huit ans de mariage. Deux tantes maternelles déséquili-
brées. Une soeur et un frère morts de convulsions.
Consanguinité (cousins germains). Inégalité d'âge de quatre
ans.
Grossesse : vomissements. Rien de particulier à l'accouchement et
et la naissance. Première dent ci six mois. Début de la parole
, et de la marche à dix mois. Convulsions internes à sept mois. -
A huit ans et demi, chute dans l'eau. A neuf ans, enfermé, pen-
dant dix minutes, dans une salle de discipline pour avoir jeté des
pierres contre un factionnaire : affolement à la sortie. - Pî-eniie ? ,s
accidents épileptiques deux semaines après cette émotion. Ver-
tiges de plus en plus fréquents, jusqu'à cinquante ( ? ) par jour avant,
l'entrée. Renvoi des écoles. Placements multiples en appren-
tissage. Accès et vertiges .
1894. Elixir polybromuré (de 2 ci 4 gr.) et bromure de camphre
de 2 à 6 puis 8) ; hydrothérapie, etc. Guérison ( ? ).
Henné... (F. P.). né à Lille, le 8 septembre 1883, est entré à
Bicêtre, le 5 octobre 1893.
1893. 6 octobre. Description d'un vertige. L'enfant est de-
bout. Subitement, sans çri, la tête et le tronc sont jetés en avant
et si l'on n'était pas intervenu aussitôt, il se serait contusionné la
face sur la table. On le maintient debout en le soutenant sous les
bras, sans cela il s'affaisserait. La tête, dans l'extension, est pen-
chée sur l'épaule droite. La face et les yeux sont dirigée en haut et
à gauche. Paupières ouvertes. Bouche secouée à gauche. Quel-
ques secousses du bras correspondant. Les joues deviennent rou-
ges. Au bout d'environ deux minutes, l'enfant qui, jusque là,
était resté penché en avant, se redresse, regarde tout étonné,
pâlit, et revient à lui sans se rendre compte qu'il a été malade. 11
appelle ces vertiges des accès debout.
20 THÉRAPEUTIQUE. 0 *~
' 1895. 6 avril. Description d'un accès. H... tombe violemment
à la renverse. Corps rigide, en extension. raçe congestionnée,
plutôt violacée que rouge. Mains fermées, les pouces en dedans.
Secousses cloniques des membres. Ni stertor, ni bave, ni miction.
Au bout d'une minute il revient tout à fait à lui ? Parfois, il
tombe en avant (cicatrices du menton). '
24 juin. Aulne accès. Sans avertissement, sans cri, il tombe
en arrière. Nous le voyons alors qu'il a des mouvements cloniques
des paupières (les yeux sont portés directement en haut) et des
bras qui se rapprochent et s'éloignent successivement de la ligne
médiane et des membres inférieurs. Ni ronflement, ni bave, ni
évacuation involontaire. Durée une minute. Il se relève, ramasse et
remet sa ceinture. '
On assure qu'au réfectoire, s'il a un vertige, il continue à man-
ger comme s'il n'avait rien du tout. (C'est le cas d'un autre malade,
Siga...). 1 .
1896. Juin. Parallèlement à la diminution des vertiges, les mai-
tres constatent que la mémoire devient meilleure. - '
1897. Avril. Accès : Avant de tomber en arrière, H... tourne plu-
sieurs fois sur lui-même comme une toupie. Un peu de bave. Sou-
bresauts à la fin. T. R. 37 ? un quart d'heure après, T. R. 375,
deux heures après, 37°,4. Dans un accès de 1901, on a noté : ,T. H.
37°,5, 37°,7 et 37ü,l.
1902. Janvier. Envoyé en congé. Sa mère nous a écrtt depuis
qu'il n'avait eu ni accès, ni vertiges. - j
Marche des accidents épileptiques.
ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE' ET BROMURE DE CAMPHRE. 21
tigineuse où l'efficacité du bromure de camphre a été remar-
quable.-Les trois qui précèdent nous semblent suffisamment
démonstratives pour ne laisser aucun doute. Elles corroborent
tout ce que nos élèves et nous avons dit dans des publications
antérieures. Ainsi que le montrent nos observations, le trai-
tement doit être longtemps prolongé, ce n'est qu'à cette
condition qu'un peut attendre un heureux résultat.
.·4H t.
Réflexions sur la puberté à propos des deux premières
i, observations, par Bourneville.
Nous avons noté tous les six mois, à peu près régulière-
ment l'évolution de la puberté chez Rachel D... de 1895
à y1901. Au début, les aisselles et le pénil étaient glabres,
les grandes et les petites lèvres peu développées. Seuls les
seins indiquaient une transformation prochaine.
' Eh 1896, le pénil se garnit de poils alors que les aisselles
n'en offrent qu'un petit nombre. Les grandes et les petites
lèvres surtout grossissent, les seins doublent presque de
volume et les règles apparaissent.
' Tandis que les poils du pénil s'étendent, s'allongent sur
tout le pénil, envahissent la face externe des grandes lèvres,
surtout en haut, ceux des aisselles n'augmentent que lente-
ment en abondance et en longueur.
Les seins qui avaient en 1895, 7 centimètres de large sur
6 cent. 5 de haut, mesuraient en 1902, 21 cent. sur 17.
Les aréoles et les mamelons s'accusent progressivement.
Les grandes lèvres deviennent peu à peu plus volumineuses
et leur face interne se pigmente.
Les règles ont toujours été régulières et se sont établies
sans douleur. ·
Parallèlement, de 1895 à 1900, la taille s'est élevée de
1 mètre 44 à 1 mètre 58 et le poids a monté de 30 kilogram-
mes à 49.
Chez la seconde malade, nous voyons une évolution à peu
près semblable : la puberté commence par le développement'
des seins, puis par l'apparition du système pileux du pénil
et enfin dans les aisselles. L'établissement des règles s'est
annoncé par une poussée du côté des seins '.
' Le lecteur trouvera de nombreuses descriptions de la puberté chez
les garçons et les filles dans nos Comptes rendus du service des enfants
de Bicêtre.1
PHYSIOLOGIE.
Contribution à l'étude de l'action physiologique de
la valériane et des valërianates ;
Par Cu. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.
Les médicaments sont souvent soumis aux caprices de la
fortune. C'est que les maladies ne se présentent pas toujours
sous les mêmes formes; c'est que les malades ont leur indi-
vidualité : les réactions ne peuvent être que variables, tant
qu'on n'a pas affaire à un agent spécifique. Après avoir paru
efficace dans un grand nombre de circonstances, le même'
médicament peut paraître tout à fait inutile. De son inutilité,
dans un grand nombre cas, on conclut facilement à, son
inertie. ^ 1
- La valériane a été vantée comme un remède à une infi-,
nité d'états morbides; mais le grand nombre de ses échecs a
conduit au scepticisme, etonenestvenuàlaconsidérercomme
- n'agissant pas autrement que par la suggestion. 30 grammes
de poudre de valériane n'ayant fait éprouver à Trousseau
qu'un peu de céphalalgie, d'incertitude, de troubles de l'ouïe,
de la vue et de la motilité, on en conclut * que son action phy-
siologique est presque nulle.
Cependant, les expériences de Grisai' avaient montré que
l'essence de valériane diminue les réflexes, déprime en
général les fonctions du système nerveaux, produit de la
somnolence, de la paralysie. Elle peut simuler l'action con-
vulsivante de la strychnine, de la brucine et du carbonate
d'ammoniaque. Boek " à vu de plus qu'elle ralentit les mou-
r ? Villejean. Art. Valériane. Nouveau dictionnaire de médecine et
de chirurgie pratique, t. XXXVIII, 1885, p. 220.
' Grisar. Experimenlelle Beili-iige zur l'harnza7oclynazzzilc der celte
Wc/te Oele. Inaug. Diss, Bonn, 1873. i
; 3 Boek. Expérimente itber die Wirkungsweise der Radix Yaleriance.
Inaug. Diss. Gottingen, 1874.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 23
vements de la respiration et du coeur, qui, après la cessation
des mouvements respiratoires, s'arrête en diastole. Hélène
Sikorska 1 constate aussi que l'extrait de valériane, suivant
les doses, produit de la fatigue, de l'apathie, de la parésie et
de la paralysie, ou même la mort avec dyspnée et arrêt consé-
cutif du coeur.
Barrallier 2 avait d'ailleurs reconnu à l'huile essentielle,
la propriété d'amener, chez l'homme normal, la paresse intel-
lectuelle, l'assoupissement et le sommeil.
Un fait particulièrement intéressant a été observé par
A. llTayor 3, c'est l'augmentation préalable des réflexes chez la
grenouille. Ce fait indique que les phénomènes de dépres-
sion sont précédés d'une exagération de l'excitabilité.
Nous allons voir, en effet, que, comme les anesthésiques,
les narcotiques 4, et les analgésiques 1, en général, la valé-
riane a une action excitante préalable.
On peut s'en rendre compte, en étudiant son influence sur
le travail avec l'ergographe de Mosso. Comme dans les expé-
riences antérieures, on (l'auteur) travaille par séries de
4 ergogrammes; des repos de cinq minutes, séparant les
séries, et des repos d'une minute séparant les ergogrammes
de chaque série : le médius droit soulève chaque seconde
un poids de 3 kilogrammes. Rappelons qu'en général, à l'état
normal, une première série faite après repos complet donne
un travail de 22 à 23 kilogrammètres et que 9 séries
succesives donnent un travail total de 143 à 150 kilogram-
mètres, la dernière série donnant de 40 à 50 p. 100 du tra-
vail de la première 1. Une seule expérience chaque jour à la
même heure.
Hélèiie Sikorska. Étude pharmacodynamique des principales prépa-
rations de Valériane. Thèse Genève, 1899.
2 A. Barrallier. Des effets physiologiques et des effets thérapeutiques
de l'huile essentielle de valériane [Bulletin géit. de thérapeutique, 1860,
LIX, p. 211).
' Sikorska. Loc. cil., p. 5.
' Ch. Féré, Note sur l'influence de l'opium sur le travail (Cf. Soc. de
Biologie, 1901. p. 725]. Note sur l'influence du haschisch sur le <)'< : -
vail. IGicl., p. 696). -Les poisons nerveux [L'année psychologique, 1902).
' Ch. Féré. Note sur l'action excitante de Vanlipyrine [Journal de
Neurologie, 1cJ01. p. G31)..
6 Ch. Féré. L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail (drch. de
Neurologie, 1901, 2° série, t. XII, p. 372).
24' PHI810LOGIE....
Expérience 1. Cinq minutes avant le travail, on prend une
pilule fraîche de 0 gr. 25 d'extrait de valériane 1.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 25,
. 26 PHYSIOLOGIE.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 27
28 ' PHYSIOLOGIE. '"' Il
ACTION DE LA VALERIANE ET DES V.1LRL1N1TES. 29
30 PHYSIOLOGIE. 1 1
Immédiatement après la 9° série, on prend de nouveau 0 gr. 25
d'extrait de valériane. '
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES..31.
32 PHYSIOLOGIE.
Immédiatement après la 9° série, c'est-à-dire cinq minutes avant
la 100, on a repris 1 gramme d'extrait de valériane.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 83
34 . ' PHYSIOLOGIE. . - -.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 35
36 PHYSIOLOGIE.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 37
38 PHYSIOLOGIE.
Ces expériences montrent, en somme, que l'extrait de valé-
rianne donne une excitation plus rapide, plus intense et
plus durable à mesure que la dose augmente, jusqu'à une
certaine limite. Avec les fortes doses, l'excitation très rapide,
et très forte perd ensuite de la durée, puis disparaît tout à
fait dès le début. Le travail total des neuf séries d'ergo-
grammes après avoir augmenté, diminue, les doses croissant
toujonrs : avec 25 centigrammes, on a eu un travail total de
111 kg. 054; avec 50 centigrammes, un travail total de
114 kg. 55; avec 75 centigrammes, un travail total de
197 Icg..49; avec un gramme, un travail total de 89 kg. 85;
avec 2 grammes ; un travail total de 76 kg. 14; avec 3 gram-
mes, un travail total de 56 kg. 37. On a ainsi une sorte de
mesure de l'action dépressive ou, narcotique croissante avec
la dose. Les effets différents suivant que la valériane inter-
vient, quand le sujet est reposé ou quand il est fatigué,
indique la possibilité d'effets variés suivant l'individu et sui-
vant les conditions actuelles.
La valérianate d'ammoniaque, qui, après avoir été vanté
comme une panacée, passe aussi pour inactif, donne des
résultats analogues.
Expérience VIII. -Immédiatement'avant le travail, 0 gr. 20 de
valérianate d'ammoniaque enrobé, pour éviter la saveur et
l'odeur, dans un pain azyme.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 39
40 ' PHYSIOLOGIE.'
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATHS. 41
42 PHYSIOLOGIE. ' ' '
Immédiatement avant la f 0° série, on reprend 9 gr. 10 de valé-
rianate d'ammoniaque.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 43
44 PHYSIOLOGIE.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 45
,46 PHYSIOLOGIE.
Immédiatement avant le début de la 10e série, 0 gr. 05 de valé-
rianate de soude. 1
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 47
48 PHYSIOLOGIE.
ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 42
50 PHYSIOLOGIE.
voisin de celui de la première expérience avec 25 centigram-
mes d'extrait, de valériane. Le travail total diminue aussi
quand la dose s'accroît : 115 kg. 95, dans l'expérience XII,
69 kg .03 dans l'expérience XIII. ) '
La valériane et ses composés produisent à faible dose une
excitation primitive de la motilité volontaire. Ce sont des
excitdnts'de l'écorce cérébrale 'dont la manière^ propre de
réagir est l'activité volontaire. A doses plus fortes ils pro-
duisent une dépression primitive. A toutes les' doses ils
provoquent une diminution de la résistance à la fatigue.
Ces effets inverses des agents chimiques, suivant les doses,
ont été souvent remarqués et sont intéressants à divers
points de vue 1. Quand la dépression se manifeste d'emblée,
il est vraisemblable qu'elle est encore la conséquence d'une
décharge préalable. On ne peut guère admettre que l'action
de la valériane s'exerce exclusivement sur la fonction la plus
élevée de l'activité nerveuse ; elle agit aussi, sans doute, sur
les autres. Lorsque l'activité nerveuse éprouve une décharge
généralisée sous l'influence d'une excitation forte, l'activité
volontaire, la plus fragile, est la première à céder.
Il n'est pas sans intérêt de rapprocher l'action physiolo-
gique de la valériane de l'action thérapeutique qu'on lui
reconnaît le plus communément et dont la connaissance est
le fruit de l'empirisme : action antispasmodique et calmante.
Les phénomènes qu'elle provoque reproduisent d'une maniè-
re générale les troubles qu'on la destine à combattre; une
excitation aboutissant à une dépression, on a une perver-
sion des fonctions motrices. On pourrait trouver dans ce rap-
port, la question de doses mise à part, un argument en
faveur du premier principe de l'Organon : similia siiiiilibzls
czc·aaL2c ? Nous retrouverons d'ailleurs ce rapport dans l"é-
tude d'autres antispasmodiques dont l'action n'est pas sans
analogie avec celle de la valériane et des valérianates.
1 R. Lépine. Deux phases contraires de l'action de certains znéclica-
ments [La semaine médicale, 1889, p. 437). Ch. Féré. La pathologie
des émotions, 1892, p. 225. Téralogénie expérimentale et pathologie
générale [volume jubilaire du cinquantenaire de la Société de Biologie,
1899, p. 360. Lauder Brunton, Action des médicaments, trad. fr.,
" 1901, p. 31.
REVUE'D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
iW ? ^ ? PATHOLOGIQUES.
j]J-) ? )*))"1', .. 1 4 1
'I ? De la présence d'un parasite dans le sang des épileptiques ;
L o*,41 ? - 1 p : tt-M.M.BRA. 1
0- - ! ° ' - ' ,
f, Des,prélèvements de sang par ponction des veines de l'avant-
bras, opérés dans les services de M. Magnan, à l'Asile clinique, et de
ji'tn /. Eléments parasitaires du sang comitial. Schéma.
(II. Chaussé, del.)
52 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
M. Marandon de lontyel ? L'I'asile de Ville-Evrard, sur soixante-
dix sujets atteints d'épilepsie générale, dite idiopathique, nous ont
permis de constater, à certaines périodes de l'affection, la présence
.constante d'un microorganisme. ' ? >
Dans les longs intervalles interparoxystiques, l'examen est le
plus souvent négatif, mais lorsqu'à l'approche'des attaques, pen-
dant ou immédiatement après les crises incomplètes, les absences,
les vertiges, on examine une goutte de sang frais avec un grossis-
sement d'au moins 500 diamètres, on aperçoit dans le plasma "de
petits points faiblement réfringents de 1 1-t et au-dessous, isolés ou
réunis en diplocoques, animés d'un mouvement très vif et virevol-
tant constamment sur eux-mêmes, puis, à l'état d'unités ou en
plus ou moins grand nombre, des corps offrant l'aspect de vermi-
cules, d'une longueur égale ou supérieuee au diamètre des héma-
ties et composés de six à huit grains le plus souvent. Les uns sont
formés de grains égaux, les autres présentent à leurs extrémités
ou dans leur continuité des grains plus volumineux, polymorphes,
Tig. 2. Sang d'épileptique immédiatement avant une crise convulsive.
Altérations globulaires. Parasites : cocci isolés et en diplocoques,
corps vermiculaires en chaînettes. Gross. -000 Slicropli. A. Lumière.
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIQUES 53
ovoïdes, bacillaires, etc. La forme la plus typique parait être la
chaînette terminée à chaque extrémité par un grain plus volumi-
neux [forme en boulets enchaînés). Ces corps sont animés d'ondu-
lations serpentines, culbutent sur eux-mêmes, se présentent alter-
nativement dans leur grand diamètre ou par leurs grains termi-
naux. Ils se pelotonnent si bien qu'il faut les suivre longtemps
pour être fixé sur leur forme véritable. Ils adhèrent fréquemment
aux globules rouges par une de leurs extrémités.
Il arrive/suivant les périodes et les individus, que ces uermt'CM/M
font défaut dans le sang et que seulement on rencontre les cocci isolés
ou en diplocoques, soit mobiles et libres dans le sérum, soit accolés
aux hématies ou englobés dans les phagocytes. '
Examen avec coloration. Les préparations du sang desséchées
et fixées dans le mélange alcool et étlier sont soumises a uné colo-
ration prolongée, soit dans le bleu de Kûhne, soit dans la thionine
Fitl. 3. Sang d'épileptiques pendant une crise incomplète. Altérations
globulaires. Parasites : cocci isolés et en diplocoques, corps vermi-
'... , . ; ; . 1000
culaires composes de grains égaux ou polymorphes.Gross. ?
Microph. A. Lumière.
54 REVUE D'ANATOMIE ET, DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.u51
phéniquée. Le parasite se colore assez faiblement, et rien ne vaut -31.
l'examen du sang frais ? \. , - ' '. ! << '>. j
Ensemencements et cultures. * En prélevant le sang à l'approche i)
des attaques convulsives, pendant les vertiges, les crises incom- /
plètes chez les épileptiques qui ne présentent ni morsures de la , t",
langue, ni plaies des téguments, nous sommes arrivés, en collabo ? ,
ration avec II. Chaussé, à isoler 60 fois sur 100 le microorganisme
observe dans le sang. p
Au' sortir de la veine, le sang est réparti largement dans des s
tubes de bouillon ordinaire, neutre ou alcalin. Les tubes sontpor"
tés à l'étuve à 34° et peuvent être examinés au bout de quarante-
huit heures. Le microbe pousse bien entre 34° et 37°. Aérobie; son,
développement se ralentit dans le vide. , ..., - .- T.&"n
Bouillon. Au bout de vingt-quatre heures à l'étuve, le I)ouil- i
Ion est légèrement troublé et contient de petits flocons à peiner..
visibles. La culture garde son trouble. Peu ou pas de dépôt. Réac-un
tion acide au bout d'un certain temps. 1 1 jp
Dans lacullure examinée sans coloration (l,eitz, oc. 3, obj. 1/13), gi
cocci de 0,6 la à 1 p. et diplocoques mobiles. Courtes chaînettes .
composées le plus souvent de quatre, six, huit grains égaux, ou pré-
sentant à un moindre degré, dans leur continuité ou à leurs extré- ii
mités, les grains polymorphes observés dans le sang. Les chaînettes
sont animées des ondulations qu'elles présentent dans le sang. ^
Gélatine. Par piqûre, léger trouble à peine visible le long du
trait. Rien à l'orifice. Pas de liquéfaction.-Gélose. -Semis blan-
châtre extrêmement fin, visible par transparence. Pomme de
terre. Pas de culture apparente à l'oeil nu, bien que le micros ? )'
cope montre un développement appréciable.
Le parasite possède dans les cultures les réactions colorantes v
qu'il présente dans le sang. Il se colore par les solutions'hydro-
alcooliques ou aqueuses des couleurs d'aniline basiques. Il prend
mal le Gram. Pour peu que l'action de l'alcool soit prolongée, il se
décolore pour absorber la couleur complémentaire. 1.
L'injection in tra-veineuse des cultures, répétée à diverses reprises xi
chez le lapin, reproduit dans le sang les formes parasitaires type- 1
ques du sang comitial.
Il paraît s'agir, en somme, d'un streptocoque qui, par ses carac-
tères morphologiques et biologiques, constitue une variété très,'
spéciale et que nous n'avons trouvé que chez les épileptiques,
Nous nous proposons de donner dans une Note ultérieure le
résultat des recherches expérimentales. ' ' ' `
II. Altérations pathologiques dans la démence ; par Joseph SHaw ? *'
130LTON (Tlie-Jouî-12(il oflieîital Science, Avril 1901). ` ' ' e
L'auteur conclut : 1° que l'épaisseur de la couche pyramidale i
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 55
des cellules nerveuses varie avec le degré d'amenée ou de démence
existant chez le malade ; 2° que les altérations histo-pathologiques
qui surviennent dans la folie dépendent uniquement du degré de
la démence et sont indépendantes du temps pendant lequel la
folie a existé. R. de Musgrave CLAY.
111. ' Méthode pour rendre permanentes les préparations au
sublimé de Golgi par la substitution du platine ; par \V. Ford
ROBEUTSON et Jales MACDONALD (The Journal of Mental Science,
Avril 1901). ,
Les auteurs décrivent avec soin leurs méthodes respectives,
auxquelles ils attribuent les avantages suivants : Elles rendent les
préparations permanentes sous le couvre-objet; elles peuvent être
facilement étudiées avec de forts grossissements ordinaires et avec
des objectifs à immersion huileuse ; le dépôt est noir ou presque
noir.' Par ces modifications, la méthode de Golgi devient plus utile
qu'elle n'était jusqu'à présent pour l'étude des altérations patho-
logiques des cellules corticales dans les cas d'aliénation mentale.
- ' R. de MUSGRAVE Clay.
IV. Un cas de sarcome intra-musculaire de l'épaule droite ayant
pénétré par perforation dans le canal rachidien, avec paraplégie ;
par Léonard WEBER, (77te 1'ew Yo ? ,Iz Médical Journal, Ier juin
1901.) '
Observation curieuse et intéressante, relatée dans tous ses
détails et suivie d'une autopsie partielle. R. Xi. C.
V. Un cas d'apoplexie cérébelleuse avec autopsie ; par Léonard
Weber. (1'Ize New-York Médical Journal, 15 juin 1901.)
Voici le résumé de l'observation :
Homme de vingt-neuf ans, célibataire, alité, céphalalgie conti-
nuelle, généralisée, avec vertiges, nausées et vomissements qui
augmentent dès qu'il lève la tête ou essaye de se lever : ces symp-
tômes datent de deux mois ; le malade, de constitution solide,
s'est émacié, la face est tirée, la peau moite et froide, le pouls
plein (60 à 70). Constipation; urine légèrement albumineuse. Pas
d'hérédité fâcheuse. Pas de syphilis : il menait sans effort une
vie de travail fatigante. L'apparition des symptômes a été brusque.
Il y a eu un court répit d'une quinzaine pendant lequel il a essayé
de reprendre son travail, puis une rechute. il est parfaitement
sensé, il voit, il entend, il écrit, répond intelligemment à toutes
les questions et ne présente aucun trouble de la sensibilité ni de la
motilité. Tout ici indiquait une. lésion nerveuse centrale, grave,
et probablement cérébelleuse. On penchait pour l'apoplexie qui
56 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
avait cependant contre elle la durée déjà longue de la maladie.
Terminaison par mort subite. A l'autopsie, on trouve le système
veineux tout entier littéralement gorgé de sang ; le coeur était
augmenté d'un tiers dans toutes ses dimensions : les parois des
cavités gauches avaient une épaisseur double de l'épaisseur; nor-
male, celles du coeur droit étaient également épaissies : toutes les
valvules étaient saines : l'aorte était normale. Les viscères étaient
sains, les reins seulement un peu volumineux et de couleur rouge
brun, et on trouvait vers leur surface des signes de néphrite inters-
titielle au début. Les membranes du cerveau, la substance grise
et la substance blanche, les pédoncules, la protubérance et la
moelle étaient sains. L'hémisphère cérébelleux droit était un peu
plus saillant que le gauche, et par une légère fente, située vers le
milieu, du sang avait récemment coulé vers le quatrième ventri-
cule, donnant lieu à quelques caillots frais qui comprimaient la
région. En procédant avec soin, on vit que cette fente s'ouvrait,
s'agrandissait, et l'on mit à jour une grande cavité dans la subs-
tance de l'hémisphère : elle était remplie de grands caillots mous
rouge foncé, récents, et de quelques autres plus petits et plus
anciens. L'hémisphère gauche était sain. R. DE MUSGRAVE-CLAY.
' ' R. de Musgrave-Clay.
VI. Le sens musculaire; par John RFID. (Tite Journal of'mental
Science, juillet 1901.) '
On a soutenu à propos du sens musculaire que la contraction du
muscle et la force dépensée pour déterminer cette contraction
étaient les éléments nécessaires de son existence. Il existe des sen-
sations de poids, de corps pesants pressant sur la tête, sur les
articulations, etc., qui sont toujours estimées comme des poids
plus ou moins volumineux, bien que le tissu musculaire n'existe
pas dans'les points où sont localisées ces soi-disant sensations mus-
culaires. Il y a des états pathologiques du muscle, atrophie, etc.,
mais, dans ces états, bien qu'il puisse exister de la rigidité, il
n'existe jamais de sensation de poids rapportée au muscle. La seule
sensation éprouvée est une sensation de fatigue, peut-être de dou-
leur ou d'endolorissement ; la sensation de poids est absente. Si
les muscles sont malades les sensations sont de la nature des sen-
sations organiques, et semblables à celles que l'on observe dans
les régions soumises aux centres nerveux organiques. S'il y a un
petit ulcère sous-cutané, douloureux, on peut trouver le muscle
rigide ; mais ce n'est pas la sensation de poids qui existe, c'est
celle de rigidité musculaire. Quelle que soit la cause de cette rigi-
dité, il n'y a qu'une sensation qui appartienne au muscle, c'est
celle de tension. Comment se fait-il que pour ce sens spécial il n'y
ait pas de sensation spéciale de poids ? Même chez les aliénés et
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques'. ? -* 57
chez les sujets qui ont accompli un travail pénible, il n'est pas à-la
connaissance de l'auteur, et il n'a pas observé clu'il existe de sen-
sations subjectives rapportées spécialement au muscle. Et pourtant
les fausses sensations du toucher, de l'ouïe, etc., sont invariable-
ment rapportées aux organes qui les concernent. Les difficultés du
sujet peuvent donc se résumer ainsi : 1° les sensations de poids ne
sont pas rapportées spécialement au muscle ; 2° les muscles
malades, enflammés, etc., ne fournissent jamais d'exemples de
sens musculaire proprement dit ; 3° des muscles mis en état de
tension par un choc électrique, par des irritations cutanées, ne
donnent jamais autre chose que les sensations organiques de ten-
sion ou de fatigue ; 4° les hallucinations des aliénés rapportées aux
muscles ne fournissent pas d'exemple de ce que l'on entend par
les sensations du sens musculaire. R. de 111USGriAVe-CLl.
f
VIL' Pointe osseuse, provenant d'une fracture du crâne par coup
de feu, étant restée appuyée contre le cerveau pendant qua-
- rante-quatre ans; par D. S. Limi3. (1'Ive New-York Médical
Journal, 3 août 1901.)
Il s'agit d'un fragment de la boite crânienne, de forme irrégu-
lièrement ovale, et mesurant un pouce et demi sur cinq huitièmes
de pouce. Il a été extrait, à l'autopsie, de la scissure de Sylvius
droite, contre la première circonvolution temporale, la pariétale
ascendante et la supra-marginale : la première était un peu atro-
phiée, comme par une compression. Le fragment osseux était
enchâssé dans les vaisseaux de la pie-mère : de petits fragments
de plomb y adhéraient encore. Le coup de feu au crâne datait
de 1837 : la guérison avait été prompte et complète, sans retentis-
. sèment physique ou intellectuel. Il. de MusGHAVE.CLAY.
VIII. La Topographie de la dégénérescence corticale des paraly-
tiques généraux, et ses relations avec les centres d'association
de Flechsig; par K. Schaffer. (Neurologisches Centralblatt, XXI, ? 190).
L'auteur a étudié par la méthode des coupes en séries colorées
au moyen des procédés de Weigert et Wolters le cerveau de déments
paralytiques, c'est-à-dire de paralytiques généraux ayant présenlé
. une mégalomanie sans couleur, de la dysarthrie, de la paralysie du
facial et des pupilles. C'est ce qu'il appelle la paralysie générale
- typique. 11 donne trois observations avec figures des coupes.
Les deux premières concernent la démence paralytique sans
tabes. Le processus dégénératif est peu marqué : (t) dans les fron-
tales ascendantes et les frontales voisines; b) dans les lèvres de la
fissure calcarine; c) dans les circonvolutions de passage teiiiporo-
58 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.' ' -
pariétales profondes de Broca ou transverses temporales délleschl. ''
Il est extrêmemeut accusé : a) dans les parties antérieures et : z
basales des frontales; 6) dans tout le lobe pariétal; c) dans la parié-'
tale ascendante; d) dans les circonvolutions temporales; e)'dans ?
l'insula. Les altérations du lobe occipital tiennent le milieu' entre z
ces deux degrés.. - 1 ; -i . , e 'i ? f
La troisième observation de démence paralytique avec tabès, est r'
caractérisée par : I. une dégénérescence relativement faible : a)
de la frontale ascendante, et de la frontale la plus proche; 6) du
coin; c,) de la première temporale et du premier pli de passage tem- *
poral profond ; d) du système des fibres de la corne d'Ammon. II. '"*
une excessive dégénérescence ; a) des frontales ; b) de la pariétale Hi z
ascendante et du lobe pariétal; c) de l'iusula; d) de la circonvo- ' ·
lution du corps calleux; e) des deuxième et troisième temporales. '* !
Cette observation, tout en se confondant, quant à la topographie "
de la dégénérescence avec les cas de paralysie générale typique, '*
en présente cependant un développement plus intense.' ' v '
Conclusions. Le fait dominant en l'espèce est l'intégrité relative
des compartiments sensoriels centraux : la dégénérescence porte '
principalement sur les territoires des hémisphères que Flechsig a ''
désignés sous le nom de centres d'association. Siemerling n'a-t-il ' ''
pas dit que les fibres les plus résistantes à la lésion de la paralysie n
générale sont celles qui, chez le foetus, se myélinisentles premières :
or celles-ci correspondent presque exclusivement aux faisceaux ^
sensoriels centraux, c'est-à-dire aux compartiments 'sensoriels'
centraux. (Ueb. ar/Mc/te«6 ? t6K<Me/fe< : <H d.Gelaimzs. Neurolog. ^
Centralbl., 1898.) - 1 - , , >'
Ramon y Cajal vient, d'autre part, de découvrir dans les centres
sensoriels de l'écorce un plexus spécifique qui, composé de fibres "
centripètes, se 'termine, dans l'écorce motrice (sphère tactile du ' '
corps de Flechsig) au niveau des cellules pyramidales de' moyenne
grosseur, et, dans l'écorce visuelle, au niveau des cellules nerveuses '
étoilées (Stzadien u6. d. Hirnrinde d. Afenschelz. Bewengugsrinde, '
1900.) Ce plexus manque dans les centres d'association de I'lechsig. ' ; '
L'écorce de la pariétale ascendante ne le possède pas non plus, et *
sa fine structure se rapproche plutôt de celle de l'écorce d'associa-
tion. » *"'
Eh bien, nous voyons dans la paralysie générale. la pariétale /
ascendante tout aussi dégénérée que les localités corticales typi-'
ques de Flechsig, autant à peu près que le lobe frontal et le lobe
pariétal : cette allure contraste vivement avec l'intégrité relative
de la frontale ascendante. En un mot, les caractères d'anatomie
normale attestent, de concert avec la manière d'être pathologique, j' z
la nature associative de la pariétale ascendante. >' ' ·
La paralysie générale typique, accompagnée ou non de tabès, *' ''
se traduit par un processus dégénératif qui porte de préférence sur
REVUE D'ANATOMOE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 59
les [territoires*. de ..l'hémisphère cérébral désignés par Flechsig
comme des centres d'association.
Storch, de. son côté, dans la paralysie générale atypique, dans
celle qui se traduit moins par la démence, a peine marquée, que
par des attaques congestives, trouve une intégrité relative du lobe
frontal; la dégénérescence corticale se limite ici au territoire des
hémisphères qui a été le foyer de l'attaque congestive. (Monatsschr.
f. Psychiat. u. Neurolog, 1901.) Storch mentionne des faits où il y
avait eu monoplégie corticale, cécité corticale; surdité corticale :
les altérations histologiques portaient spécialement sur la zone
motrice, l'écorce visuelle (tissure calcarine), la première temporale.
Ce sont les cas que Storch nomme paralysies générales atypiques;
ils sont atypiques tant par leur localisation que par leur décours.
Celles de ces observations dans lesquelles le lobe frontal est affecté
se rapprochent cliniquement, proportionnellement aux altérations
de ce lobe, de la paralysie générale démentielle, typique.
La paralysie générale atypique forme, en somme, le pendant de
la paralysie générale typique. La première se traduit par un léger
affaiblissement des fonctions d'association : intégrité des centres
d'association de Fleclisig; les centres sensoriels sont lésés, ce qui
entraine des troubles correspondants. Dans la seconde, prédomine
la faiblesse des associations : il y a dégénérescence du territoire
d'association de Flechsig; les centres sensoriels sont relativement
épargnés. ' ·
Ces faitspathologiques militent en faveur de la théorie de Flechsig g
qui voit dans les territoires corticaux extrasensoriels des régions
surtout associatives.
En relevant l'atteinte prééminente de la pariétale ascendante, qui
doit être une écorce plutôt associative que sensorielle, en signalant
l'intégrité relative non pas seulement de la frontale ascendante,
mais aussi des parties contiguës des frontales, nous ne pouvons
nous empêcher de rappeler que, dans la sclérose latérale amyo-
trophique, la plupart des altérations se rencontrent dans la fron-
tale ascendante, dans la première frontale et dans la'partie contiguë
de la deuxième ; à l'endroit où celle-ci passe dans la frontale ascen-
dante la pariétale ascendante ne présente que des altérations modé-
iées.(Pi-obst. z. d. fortschr. hrlcr«>vlsmrg. ct. rnolor. Lcitungsbahnen.
Archiv ? Psych., XXX.) Charcot et Marie, Kojewnilcow et Mettent
aussi relevé que la pariétale ascendante était moins lésée que la
frontale ascendante.
La paralysie générale épargne donc exactement le territoire de
l'écorce que touche la sclérose latérale amyotrophique. Elle épar-
gne encore régulièrement la zone visuelle et la zone auditive. Tout
ceci' indique que la dégénérescence corticale de la paralysie géné-
rale est une affection élective de l'écorce du cerveau, qu'elle obéit à
des lois, que ce n'est pas une lésion diffuse au hasard. P. Keraval.
60 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
1X. Observation de ramollissement bilatéral et symétrique du
lobe frontal, accompagné de névrite optique; par ZACHER. (iyeu-
rolog. Centrulbl., XX, 1901). ' ? ' '
c Ce foyer occupe exactement et exclusivement la moitié anté-
rieure du lobe frontal; il a détruit moins l'écorce que la substance
blanche de ce lobe des deux côtés. Le reste du cerveau, y compris
la protubérance et'le bulbe, ne présente pas de grosse lésion.
Les deux moitiés antérieures des deux lobes frontaux ont donc été
réellement supprimées. Le malade ayant vécu plusieurs semaines
à la suite de son ictus, on a pu faire la part des symptômes acces-
soires, dus à Faction à distance de la lésion qui occasionne l'ictus,
et se rendre compte de ce qui appartient à la moitié antérieure
des lobes frontaux. .1 1 1
Il ne saurait être question de troubles moteurs, de troubles sen-
sitifs, de troubles de la parole. Les troubles de la parole et de la
déglutition du début tenaient aune action à distance de la lésion ;
ils ne tardèrent pas à disparaître. Les troubles des muscles des
yeux furent trop mobiles et, ultérieurement, trop faibles pour
qu'on pût les rattacher au foyer. La faiblesse marquée des muscles
du tronc et de la nuque des premières semaines disparut égale-
ment, ce qui prouve que le centre des muscles du tronc est plus
près du foyer que celui des muscles des extrémités. En réalités
2z'y a pas eu de symptômes de déficit somatiques. -
En revanche, on constata des phénomènes psychiques persistants.
Ce furent : u) un trouble de l'attention entraînant de l'amnésie;
b) l'oubli de soi-même ; c) l'inémotivité ; d) l'esprit de saillie ;
e) l'insouciance.
a) Incapable de se rien rappeler d'une heure à l'autre, le patient
percevait cependant bien ce qui se passait autour de lui, compre-
nait nettement, jugeait exactement. Il reconnaissait les personnes
à la voix (puisqu'il était aveugle), répondait judicieusement, mais
ne pouvait indiquer qui lui avait en dernier rendu visite, ce que
cette personne lui avait dit, ce qui s'était passé la veille, etc. A
côté de cela, la mémoire du passé, du déjà vécu était intacte. L'ap-
préciation du temps, de l'ordre de succession des événements, lui
manquait.
b) Il ne semblait pas touché de ce qui se passait à son sujet, de
ce qui lui arrivait ; jamais il ne parlait de ce qui pouvait lui man-
quer, de la raison pour laquelle il était placé en un autre milieu,
des allées et venues de sa femme et de ses enfants qui n'étaient
plus avec lui ; il ne s'étonnait pas de voir arriver un médecin qu'il
ne connaissait point, un oculiste qui l'examinait en détail. Il
n'était pas surpris de gâter et n'en témoignait pas de regret. Sa
cécité, la gravité de son affection, ne l'ont jamais frappé ; il n'en
disait rien, même quand on lui demandait des renseignements sur
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 61
sa vision ; jamais il n'a manifesté la moindre émotion à ce sujet.
Son état morbide n'avait, semblait-il, pas pénétré dans sa cons-
cience. Il dit un jour à un serviteur : « Allumez la lumière, il fait
tout à fait sombre », ,
c) Il percevait sans comprendre ce qu'il percevait. Comme il se
fatiguait intellectuellement assez vite, comme on ne pouvait sou-
tenir «son attention longtemps, il était impossible d'analyser la
perturbation de la personnalité. Les fonctions d'association étaient
probablement troublées; à certaines sensations et impressions
'sensorielles ne se rattachait aucune ou ne se rattachaient que
peu des idées habituelles et, par suite, ces sensations, ces percep-
tions ne faisaient plus aucune impression sur lui. Ainsi s'explique-
rait et le défaut de toute réaction émotive et l'absence d'initiative,
de vivacité d'esprit. Ce n'était pas un apathique, un indolent dans
le sens ordinaire du mot, car il répondait généralement prompte-
' ment et correctement dans un ton enjoué, avec assaisonnement de
plaisanteries. Il était encore capable de renseigner vite et juste-
" ment sur ses affaires et sa personne, de prendre des décisions cor-
respondantes judicieuses, pourvu qu'il s'agit de choses se rappor-
tant au passé. Seulement l'intelligence se fatiguait excessivement
vite, de sorte qu'au bout de peu de temps il devenait inattentif,
distrait, et souvent alors somnolait et même s'endormait profon-
dément. 1
d) Fort humoristique, il faisait volontiers des remarques ou
tenait des propos à prétention spirituelle, qui sentaient les farces
des garçons cordonniers de Berlin. Ceci contrastait avec l'état
piteux du malheureux. Il avait en réalité conservé l'habitude de
railler, comme au temps de sa splendeur physique, où il employait
"volontiers le jargon berlinois, parce qu'il ne s'apercevait pas de sa
triste position. >
''" e) Le caractère, irritable dans les premiers temps, le 'poussait
- à envoyer aisément promener les gens; il perdait vite patience.
' Plus tard, il était devenu d'une douceur, d'une insouciance remar-
quables.
L'état des yeux est tout aussi intéressant. L'étude anatomique
indique une névrite optique compliquée de nombreuses hémorra-
gies dans la papille et la rétine, et non une papille étranglée ordi-
naire, compliquée d'hémorragies. Quoi qu'il en soit, il est impos-
' sible de la rattacher aux foyers de ramollissement; il n'existe pas
-' ici de névrite optique descendante, et rien n'est en faveur d'une
infection. Rien non plus ne permet d'admettre une névrite optique
vraie. Il y avait donc en l'espèce simple coïncidence de foyers de
ramollissement frontaux et de névrite optique bilatérale compli-
quée d'hémorragies.
La cécité et l'état du fond de l'oeil qui, au début, pouvait fort
bien représenter les premiers signes de la papille étranglée, firent,
62 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
de concert avec les accidents ' cérébraux, d'abord penser à' une
tumeur cérébrale. L'évolution fit abandonner ce 'diagnostic ? Plus
tard, les phénomènes cérébraux et leur marche imposèrent l'idée
du foyer de ramollissement siégeant très probablement dans le
cerveau antérieur. L'état des yeux ne s'y rattachait plus. On opina
pour l'indépendance de l'affection cérébrale et de l'affection ocu-
laire, ayant cependant pour cause commune l'athérome ou la
thrombose des vaisseaux. Les nombreuses hémorragies à disposi-
tion spéciale qui siégeaient à l'intérieur et au pourtour de la
papille proéminente firent soupçonner l'existence d'une éventualité
rare, de la thrombose bilatérale de la veine ophtalmique. L'autop-
sie montra qu'il n'en était rien, qu'il s'agissait d'une névrite
optique qui avait occasionné l'erreur de diagnostic en question
à cause des hémorragies nombreuses occupant la papille et la
rétine. ·
Cette observation doit en cette manière être rapprochée des
exemples d'affection cérébrale ou spinale compliqués de névrite
optique, dans lesquels on n'a pu constater à la genèse de la névrite
optique de cause plausible, infectieuse ou autre; on en trouve dans
la bibliographie. P. KERAVAL.
Kyste dermoïde du cerveau; par le professeur J. ÏÏALVA.
L'auteur décrit un cas de kyste dermoïde, qui siégeait dans le
lobe temporal et frontal de l'hémisphère droit chez un homme, épi-
leptique, de quarante-six annéées. Le kyste dermoïde, était rempli
de touffes de poils et de masses graisseuses. A l'examen microsco-
pique, l'auteur trouva, que les parois du kyste étaient couverts
d'épithélium pavimenteux sur une couche de tissu conjonctif sclé-
reux, qui contenait ça et là du tissu osseux, des glandes séborroï-
ques. Une trouvaille remarquable était un tissu, qui était composé
de fibrilles sclérotiques et des cellules ressemblant à des cellules
musculaires striées, comme on les trouve dans le rhabdomyoma
coi-dis. Il s'agit donc d'un reliquat du coeur.
Vu ces tissus différents il ne s'agit pas d'une inclusion seulement
de l'épiblaste, mais d'un enclavement de l'épiblaste et du méso-
blaste appartenant à un deuxième foetus. On ne peut pas caracté-
riser ce kyste comme un kyste' dermoïde simple, mais il faut le
classifier d'après le procédé de Wilms et Marchand comme une
tumeur tératoïde, c'est-à-dire comme un embryoma dermoïdal.
Le premier cas d'un kyste dermoïde du cervelet était publié par
Clairat (Gazette des hôpitaux civils et militaires, ne 42, 1838). Un
fait pour ce temps si bizarre, que la rédaction eroyait nécessaire à
ajouter sous la ligne : « Nous publions ce fait sous la garantie per-
sonnelle de l'auteur et sans oser nous prononcer en aucune ma-
nière ». D'autres cas de tératomie ou de kystes dermoïdes ducer-
t .)) ? t).)t. SOCIÉTÉS SAVANTES.. 63
veau ont été publiés par R. llaier Wood, Batliorst, Irvine, Strass-
. mann et Strecker, Tannenhain, J'rzewosky, Saxer, y non compris
les cas de kystes dermoïdes, qui se trouve dans la pie-mère céré-
brale ou dans l'hypophyse ou dans la glande pinéale. (Archives
t Bohèmes de médecine clinique, a, 1902, t.,III, fascicule 4). ? 1 1 SAVANTES
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 5 juin 1902. Présidence de M. Gombault.
Sur un cas de surdité verbale pure.
1,1\I. DÉacntNr et Thomas présentent un jeune garçon de onze ans,
atteint de troubles de l'audition depuis six mois et de troubles de
l'équilibre depuis deux mois, avec surdité verbale pure. Le père
était, alcoolique, l'enfant est intelligent mais nerveux, l'acuité
visuelle est diminuée, il y a une ébauche de signe de Romberg et
une légère altération de l'écriture. L'acuité auditive est normale,
le bruit de la montre est entendu à une distance raisonnable, la
conduction osseuse des sons est normale, l'orientation des bruits
est normale aussi, l'enfant va ouvrir quand on sonne, comprend
ce clu'il lit, comprend les jeux de physionomie, lit sur les lèvres
ce qu'on lui dit, écrit facilement, mais ne comprend pas ce qu'on
lui dit oralement. L'audition verbale seule est abolie. Il ne com-
prend plus que le mot Gustave qui est son prénom.
Les troubles de l'équilibre s'accentuent pendant le mouvement
et l'attirent en oscillations en avant et en arrière surtout en mon-
tant un escalier. Dans les yeux,'il n'existe qu'un peu de pâleur de
la pupille,. le champ visuel est normal. 11 n'y a pas lieu de voir
dans ce cas une surdité verbale fonctionnelle hystérique ni trau-
matique, bien que le sujet ait reçu près de l'oreille, y a quelque
. temps, une pomme de terre lancée avec vigueur. S'agit-il d'une
surdité verbale organique corticale, sous-corticale ou labyrin-
thique ? les symptômes ne permettent pas de préciser. Il n'y a
pas de vertige galvanique, mais les réactions vestibulaires sont
intactes, il n'y a pas de signes cérébelleux, pas de paraphasie,
'64 , SOCIÉTÉS SAVANTES.
rien qui permette un diagnostic certain. L'origine organique sem-
ble seule pouvoir être affirmée sans plus ample explication. "
M. BRISSTUD comptait justement présenter lui-même ce malade
qu'il a examiné avec M. Bonnier et M. Péchin. Ce dernier a trouvé
chez le patient une atrophie papillaire bi-latérale intense.
M. Bonnier, invité à parler, bien qu'étranger à la Société, a
trouvé chez ce malade des lésions labyrinthiques anciennes, très
accusées, et des lésions assez intenses de l'oreille moyenne avec
paracousie marquée, surtout à gauche. L'enfant est obligé, de
faire effort pour entendre et comprendre,'il saisit encore quelques
mots et lit facilement sur les lèvres. Il y a chez lui des phéno-
mènes suspensifs plutôt que des phénomènes de déchet organique.
Les lésions oculaires qu'il présente correspondent aux lésions
auriculaires anciennes qu'elles accompagnent souvent. Néanmoins
les lésions labyrinthiques ne suffisent pas pour expliquer la sur-
dité verbale pure. Il n'y a d'autre part aucun trouble du langage
intérieur. Les lésions périphériques jouent en tout cas un grand
rôle dans ce cas.
M. B 13r-,qsKi. L'examen voltaïque du vertige étant négatif, il y a
une lésion bi-auriculaire. ' " "'
Faciès de Sphinx dans la myopathie.
MM. Gilbert Ballet et Delherm montrent deux malades affectés
de myopathie chez lesquels on constate un faciès assez particulier
produit par l'élargissement de la base du cou, élargissement bi-
latéral chez le premier malade, unilatéral chez-le deuxième. Cet
élargissement dépend de la saillie du muscle trapèze, saillie qui
parait tenir elle-même à la prédominance d'action du faisceau
supérieur (claviculaire) du muscle par suite de l'atrophie des fais-
ceaux inférieurs.
Le cou ressemble à celui des statuettes égyptiennes, particuliè-
rement du Sphinx, le trapèze rappelant l'aspect des bandelettes
latérales qui, dans les statuettes en question, tombent de la coif-
fure. C'est la raison pour laquelle les auteurs proposent de désigner
ce faciès particulier de certains myopathiques sous le nom de
faciès de Sphinx. MM. Déjerine et Marie : C'est la forme classique
du cou dans les myopathies.
Préparations d'un cas de névrite hyperlrophique.
MM. DFJERINP et Thomas. Les symptômes ont été : ataxie avec
atrophie musculaire et scoliose. La moelle épinière avait conservé
son volume normal, il y avait des lésions des faisceaux de Bur-
dach dans la région dorsolombaire et du cordon de Goll dans la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 65
région cervicale. Les racines étaient molles, gélatineuses, lar-
dacées ; les nerfs périphériques étaient gros et durs. Les racines
étaient faciles à dissocier, les nerfs résistants. Dans les racines,
l'hyperplasie conjonctive n'est pas le principal phénomène, le rôle
important est dévolu à la multiplication des tubes nerveux comme
dans un véritable névrome. Dans les nerfs périphériques au con-
traire, l'hyperplasie conjonctive est énorme et les tubes, nerveux
sont très raréfiés. L'affection était familiale et, fait curieux, le
' phénomène d'Argyll-ltobertson existait chez les trois malades
atteints dans la famille, bien que pour l'un d'eux l'absence de
syphilis fût prouvée. La névrite hypertrophique serait donc la
seule affection pouvant donner le signe d'Argyll sans syphilis.
M. Meunier communique un cas d'atrophie musculaire progres-
sive, avec contractures transitoires d'un membre. 1
>1111. EGGeR et. Déjerine communiquent deux cas de paralysie
radiculaire par arrachement, compliquée d'hémalomyélie.
Sensibilité osseuse décelée par le diapason.
M. EGGER présente le diapason avec lequel il recherche la sensi-
bilité osseuse et qu'il considère comme l'irritant spécifique des os.
Les vibrations du diapason atteignent ceux-ci sans impression-
ner les parties molles interposées. Une tabétique dont la peau
est demeurée sensible ne sent pas le diapason appliqué sur le
tibia ; au contraire, une malade atteinte de paraplégie spasmo-
dique et qui a perdu toutes les autres sensibilités, a conservé sa
sensibilité osseuse au diapason (ce qui expliquerait la non-flacci-
dité de sa paralysie). Il y a donc dissociation possible des autres
sensibilités et de la sensibilité osseuse.
M. Dufour. En effet, la cocaïne qui anesthésie tous les autres
tissus, n'anesthésie pas les os.
M. Touche montre les pièces d'un cas d'hémiplégie infantile avec
athétose.
M. BRISSAUD présente un doigt à ressort très caractérisé chez un
névropathe. Les chirurgiens n'ont-ils pas tort d'avoir, après tant
d'autres choses, accaparé le doigt à ressort.
Marteau automatique et gradué.
M. Maurice Dupont présente un petit appareil qu'il a expéri-
menté dans le service de clinique de M. le professeur Joffroy pour
la recherche et la mesure des réflexes tendineux. Cet appareil, à
percussion automatique et graduée 1, se compose d'un petit mar-
' Cet appareil a été construit sur les indications de M. Dupont par la
maison Mathieu.
Archives, 2° série, t. XIV. 5
66 BIBLIOGRAPHIE.
teau-pilon actionné par un ressort dont la tension est réglée au
moyen d'une tige'd'acier graduée qui permet d'armer l'appareil.
Le déclanchement du marteau a lieu sous la pression du doigt ap-
puyé sur le déclic. Un autre ressort antagoniste du premier et plus
faible, relève le marteau aussitôt sa course effectuée, de telle sorte
que le choc instantané est à peine perceptible, et chose intéres-
sante à noter, le réflexe a lieu avec un contact d'une durée inap-
préciable. - .. , ' . -- ' - -itt. i-e ,>}
M. Dupont fait voir sur des photographies les points d'élection
à utiliser pour appliquer l'appareil afin d'obtenir des résultats
comparables et dans des positions déterminées sur le corps à nu.
En recherchant les réflexes avec la force la plus faible, on peut
établir une courbe qui a son intérêt dans des maladies à marche
lente comme le tabes.. * '
Cet appareil aura son utilité à l'hôpital et pour l'enseignement
puisqu'il permet de mettre en évidence la différence dans l'état des
réflexes sur un même malade de chaque côté du corps sans qu'on
puisse faire intervenir la différence dans le mode de percussion.
L'application de cet appareil se prête particulièrement à la re-
cherche des réflexes du masséter, du carpe, etc, plus délicats à
obtenir avec le marteau classique. * ,.
M. Pagniez montre les photographies d'un cas d'hémiplégie avec
aphasie sensorielle. - ' ' '
111. Halipré envoie une observation de syndronae d'fldaoi-.SGokes.
F. Il01SS1EE.
BIBLIOGRAPHIE
I. Essai sur l'hémiplégie des vieillards; par Jean Ferrand.
Thèse 1902. J. Rousset, éditeur.
Jean Ferrand étudie, d'après l'enseignement de Pierre
Marie, l'hémiplégie des vieillards et sa lésion anatomique : les
lacunes de désintégration cérébrale.
On appelle du nom de lacunes les pertes de substance déter-
minant une cavité plus ou moins volumineuse dans le cerveau.
Leur description anatomique et clinique, bien qu'elles'aient été
signalées cà et là antérieurement par quelques auteurs,' date de la'
communication de P. Marie au Congrès de médecine de 1900. On
les observe dans les noyaux centraux, surtout dans le noyau len-
ticulaire, et elles apparaissent nettement sur une coupe de Flechsig.
BIBLIOGRAPHIE. 67 -1
Quelquefois elles sont multiples et disséminées. Elles ont des
dimensions variant de celles d'une lentille à celles d'un haricot.
Leur cavité est remplie d'un liquide lymphatique, d'éléments ner-
- veux (fibres et cellules névrogliques), d'éléments figurés du sang;
'elle est traversée par un vaisseau qui en constitue l'axe.
"La lacune est formée par une raréfaction du tissu cérébral
autour d'une artériole, perméable, présentant quelquefois des corps
granuleux dans sa tunique moyenne. Elle semble liée à l'artério-
sclérose et différente de l'hémorragie, du ramollissement et des
encéphatites déjà décrites. Elle doit être différenciée de l'état
criblé du cerveau de Durand Fardel qui est un aspect normal dû
aux artérioles, de la porose cérébrale en fromage de gruyère
qui est due probablement à des altérations cadavériques. 1
Les lacunes produisent chez les vieillards une hémiplégie à
symptomatologie particulière. Le tableau clinique est le suivant :
ictus sans perte de connaissance; hémiplégie partielle, incom-
plète, dysarthrie ; conservation du sens stéréognostique. Tous ces
phénomènes sont transitoires et il n'en subsiste pour caractériser
le « lacunaire » que' quelques troubles : la « marche à petits pas »,
l'impossibilité de boutonner un vêtement avec la main qui a été
paralysée, l'impossibilité d'occlusion isolée de l'oeil de ce côté,
l'amnésie. Le lacunaire peut guérir définitivement ou avoir plu-
sieurs ictus qui le conduisent au gâtisme (alitement permanent,
incontinence d'urine et de matières, eschares) ; il peut succomber
à l'hémorragie cérébrale, lésion qui est peut-être née de la lacune.
Les lacunes sont fréquentes : elles expliquent 75 p. 100 des hémi-
plégies chez les vieillards, l'hémorragie se rencontrant dans 15
p. 100 des cas et le ramollissement dans 10 p. 100.
La thèse de Ferrand, par l'exposé clair et par les beaux clichés
qu'elle contient, met au point une des questions les plus impor-
tantes de l'anatomie pathologique du système nerveux.
O. CROUZON.
II. Les enfants retardataires ; par le Dr APERT. (Les actualités
médicales, vol. in-16, de 96 p., J.-B. Baillière et fils.)
Le volume de M. Apert est un essai de mise au point de cette
question si intéressante des retards de développement. Pour en
arriver à cette conclusion que la thérapeutique n'est pas impuis-
sante en face de ces manifestations, l'auteur décrit un certain
nombre de types un peu arbitraires, il faut l'avouer, ce défaut
provient de ce que l'auteur n'a pas suffisamment comparé entre
eux les sujets groupés par lui sous le nom de retardataires' ; il
1 On se demande pourquoi créer ce nouveau terme ? Le mot arriéré,
quoi qu'en dise M. Apert, n'est nullement synonyme d'idiot et la confu-
sion n'est faite que par ceux qui ne fréquentent pas les asiles spéciaux.
68 BIBLIOGRAPHIE.
eût été nécessaire pour cela d'observer un plus grand nombre de
ces malades et d'en suivre l'évolution. C'était facile, eu égard à la
fréquence de ces types dans nos asiles et en particulier à Bicêtre
où M. Bourneville consacre la matinée du samedi à montrer les
résultats qu'on peut espérer du traitement médico-pédagogique
bien conduit et longtemps. De ce fait la valeur clinique du livre
est très diminuée. Pourquoi par exemple' affirmer qu'il faut dis-
tinguer « entre les malformations acquises dues à des lésions céré-
brales survenues dans la vie foetale ou ! 'dans la première enfance,
comme cela se fait chez les idiots proprement dits et les simples
stigmates de dégénérescence que l'on observe si fréquemment chez
les arriérés... Les idiots ne présentent-ils donc pas des stigmates
de dégénérescence ? Ces déformations céphaliques, ces anomalies
si fréquemment constatées, n'ont-elles pas le droit d'être considé-
rées comme telles ? Un arriéré, même un arriéré placé au voisinage
de l'état normal, est souvent devenu ainsi parce que une lésion de
ses centres nerveux a existé un moment donné. Il a eu la chance
que cette lésion fut légère, ou peu étendue, ou évoluât heureuse-
ment. Mais chez un idiot profond, la lésion peut aussi rétrocéder,
et il n'est heureusement pas rare que des sujets qui étaient en bas-
âge dans un état de déchéance navrante présentent dix ans après
des signes d'une simple arriération. Cette distinction de M. Apert
n'est donc pas basée sur une observation personnelle et suffisante 1.
Pour ne pas insister sur ce sujet trop longuement, déclarons que
les autres chapitres de ce livre sont extrêmement étudiés et extrê-
mement documentés. L'auteur y a réuni toutes les notions rela-
tives à la question. Les causes du retard, la pathogénie de l'affec-
tion, son anatomie pathologique sont exposées avec clarté et pré-
cision. M. Apert donne un excellent conseil en demandant que les
arriérés soient mensurés; on se demande même pourquoi il n'a pas
cru devoir prendre sur les divers sujets qu'il a été à même d'exa-
miner, les mensurations qu'il recommande ?
Les conclusions sont excellentes et il faut louer l'auteur de con-
tribuer à faire connaître au corps médical qu'un traitement bien
compris redonnera dans la société humaine une place à ceux qui
l'avaient perdue par suite d'une maladie. '
III. Diagnostic des maladies de la moelle. Siège des lésions ; par le
Professeur Grasset. (Les actualités médicales, 1 vol., 96 pages,
J.-B. Baillière, éditeur.)
Etant donné un malade chez lequel on a reconnu une maladie '
de la moelle, comment peut-on cliniquement déterminer le siège
précis de l'altération médullaire ?
1 On trouvera de nombreux documents dans les 21 volumes des Comptes
rendus du service des enfants de Bicêtre.
VARIA. T' 69
C'est à cette question que l'auteur apporte une réponse avec sa
compétence ordinaire.
Dans un premier chapitre, il étudie la séméiologie des systèmes
de la moelle, c'est-à-dire les signes auxquels on reconnaît le siège
de l'altération médullaire dans tel ou tel système de cet organe.
C'est ainsi que sont successivement passés en revue :
, 1° Le 'syndrome des cordons postérieurs : troubles sensitifs et
ataxie ; 2° le syndrome des cordons antéro-latéraux : état paréto-
spasmodique, contractures et tremblement intentionnel ; 3° le syn-
drome associé des cordons postérieurs et latéraux : état ataxospa-
smodique ; 4° le syndrome des cornes antérieures : atrophie
musculaire; 5° le syndrome associé des cordons latéraux et des
cornes antérieures : atrophie musculaire spasmodique ; 6° le syn-
drome de la substance grise centro-postérieur : dissociation, dite
syringomyétique, des sensibilités (et troubles vasomoteurs) ; 70 le
syndrome associé des cornes antérieures et de la substance grise
centro-postérieure (syndrome de l'entière substance grise) ; atro-
phie musculaire, dissociation dite syringomyélique des sensibi-
lités et troubles vaso-moteurs ; 8° le syndrome d'une moitié latérale
de la moelle : hémiparaplégie croisée.
Dans un second chapitre, l'auteur fait l'étude du diagnostic de
siège des lésions, en hauteur. Après avoir établi les principes géné-
raux du diagnostic en hauteur, il examine successivement le syn-
drome radiculo-segmentaire du cône médullaire ; le syndrome
radiculo-segmentaire de la moelle sacrée : le syndrome radiculaire
de la moelle lombaire; le syndrome métamérique ou segmentaire
de la moelle lombo-sacrée ; le syndrome radiculaire de la moelle
dorsale; le syndrome métamérique ou segmentaire de la moelle
dorsale ; le syndrome radiculaire de la moelle brachiale ; le syn-
drome segmentaire ou métamérique de la moelle brachiale et enfin
le syndrome de la moelle cervicale. E. B.
VARIA.
Douzième congrès des médecins aliénistes et neurologistes
Session de Limoges .
programme
Vendredi 1er août. 9 heures, séance solennelle d'ouverture du
Congrès, à l'hôtel de ville. 10 h. 1/2, visite du musée-bliblio-
thèque. 2 heures, séance à l'Ecole de médecine ; installation du
bureau.
70 VARIA.
Discussion de la 110 question du programme : Des états anxieux'
dans les maladies mentales. Rapporteur : M. LALANNE, deiBor-1 4
deaux. 8 heures, réception à l'hôtel de ville. iv
Samedi 2. 9 heures, séance à l'Ecole de médecine. Discus-;S
cussion de la 2e question : Les tics en général. Rapporteur : '
M. Noguès, de Toulouse. 2 heures, continuation de la discus-'
sion ; communications diverses; désignation du siège du prochain z
Congrès et élection du président. Le soir, banquet du Congrès à
par souscription..), v '
Dimanche 3. Excursion à la Mure ; retour en voiture par les'' °'
lacs de Laffrey. ,t f
Lundi 4. Visite de l'asile de Saint-Robert : 8 h. 1/2, visite de
la ferme ; 10 heures, visite de l'asile ; déjeuner offert par le Conseil "'
général ; 2 heures, séance à l'asile ; communications diverses. ,
Mardi 5. 9 heures, séance à l'Ecole de médecine. Discus-
sion de la 3e question : Les auto-accusateurs au point de vue inédico-
légal. Rapporteur : AI. Ernest DupRr, de Paris. - 2 heures, com-
munications diverses. , .
Mercredi 6. Départ de Grenoble en chemin de fer pour la''
Grande-Chartreuse par Voiron et Saiut-Laurent-du-Pout; visite de'
la fabrique de liqueurs à Fourvoirie ; déjeunera Saint-Pierre-de-r
Chartreuse. 2 heures, départ pour le couvent : visite du couvent -
et séance; communications diverses. (Les dames ne sont pas ad- '
mises à l'intérieur du monastère). Excursion très facile et faculta- cl
tive à Notre-Dame-de-Casalibus et chapelle de Saint-Bruno. Retour
et coucher à Saint-Pierre-de-Chartreuse. ' ` '
Jeudi 7. Excursions au choix : 1° ascension au Grand-Som '
(2 033 mètres d'altitude). Se munir de bonnes chaussures ferrées ;
2° excursion facile au habert de Malamiffe. Vu les nombreux sous-
bois, MM. les amateurs photographes feront bien de* se munir de
plaques orthochromatiques. Déjeuner général à Saint-Pierre-de-
Chartreuse. Fin du Congrès. Retour en voiture à Grenoble par le
Sappey. (Si un certain nombre de congressistes le désirent, une '
excursion aura lieu le vendredi 8, à Bourg-d'Oisans, point de dé-'
part de nombreuses excursions dans la haute montagne.)
Observations. I. Les membres du Congrès sont priés de faire
connaître immédiatement au secrétaire général s'ils ont l'intention
de prendre part à la réception de l'hôtel de ville, à l'excursion àc,
la Mure, aux banquets du Congrès et de l'asile, à l'excursion à la Y
Chartreuse et à l'ascension du Grand-Som. ci- ' ' '
IL MM. les adhérents qui désireront profiter des réductions .'
accordées par les Compagnies de chemins de fer, sont invités à -
adresser directement, avant le 6 juillet, à M. le D'' Régis, président
du Congrès (154, rue Saint-Sernin, à Bordeaux, Gironde), l'indica- t
tion : 1° de leur nom et adresse, lisiblement écrits; 2° de leurgarete
VARIA. 71 1
le,départ et, si le voyage exige un trajet sur plusieurs réseaux, de
la'gare de départ sur chaque réseau. Chaque Compagnie délivrera
un coupon spécial pour la partie du trajet qui la concerne; 3° de
la classe en laquelle ils désirent effectuer le voyage. Le retour doit
être effectué par la même voie que'l'aller. Les dames n'ont pas
droit à la réduction. z
III. MM. les adhérents sont priés d'envoyer au secrétaire gé-
néral les titres des communications qu'ils se proposent de faire. ' '
IV. Nous prions MM. les congressistes qui ne nous ont pas
encore envoyé leurs cotisations de vouloir bien nous les adresser
au plus tôt, afin d'éviter des frais de recouvrement. ·
N. - Le secrétaire général se met à la disposition de MM. les
congressistes pour les renseignements dont ils auraient besoin.
wrMi',1 CONCOURS POUR l'emploi DE médecin adjoint
>&** ' DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS
.1 j- ...
Le président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes,
Sur la proposition du conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et
de l'Hygiène publiques; Vu la loi du 30 juin 1838, l'ordonnance
du 18 décembre 1839, les décrets des 0 juin 1863 et 19 octobre 1894 ;
Vu les arrêtés ministériels des 18 juillet et 24 octobre 1888 et
des 12 juin 1899 et 7 mars 1900 ; Vu l'avis du Comité des ins-
pecteurs généraux en date du 10 décembre 1901, arrête : '
Article premier. Un concours pour l'admission aux emplois
de médecin adjoint des Asiles publics d'Aliénés s'ouvrira à Paris, le
lundi 10 novembre 1902.'
Art. 2. Les candidats devront être Français et docteurs en
médecine d'une des facultés de l'Etat, avoir satisfait a la loi sur le
recrutement de l'armée et ne pas être âgés de plus de trente-deux
ans, au jour de l'ouverture du concours; ils devront justifier d'un
stage d'une année, au moins, soit comme internes dans un asile
public'ou. privé consacré au traitement de l'aliénation mentale,
soit comme chefs de clinique ou internes des hôpitaux nommés au
concours. /
Leur demande devra être adressée au ministre de l'Intérieur, qui
leur fera connaître si elle est agréée et s'ils sont admis à prendre
part au concours. Elle devra parvenir le jeudi 9 octobre 1902, au
plus tard, au ministère de l'Intérieure 1 ? bureau de la direction de
l'Assistance et de l'Hygiène publiques, 7, rue Cambacérès, qui est
exclusivement chargé de l'organisation du concours). ' '
Cette demande sera accompagnée de l'acte de naissance du pos-
tulant, de ses états de service et d'une note résumant ses titres et
travaux scientifiques, ainsi que des pièces faisant la preuve de son
stage -et de l'accomplissement de ses obligations militaires.
72 VARIA.
Art. 3. Le jury chargé de juger le résultat du concours sera
composé comme suit : 1° un inspecteur général des services admi-,
nistratifs du ministère de l'Intérieur, désigné par le ministre, pré-
sident ; 2° trois professeurs, agrégés ou chargés de cours des ma-
ladies mentales, en exercice dans des Facultés ou Écoles de médecine
de l'État ; 3° trois directeurs médecins ou médecins en chef d'asiles
publics d'aliénés ou de la maison nationale de Cbarenton ; 4° enfin,
un juré suppléant pris parmi les directeurs médecins ou médecins
en chef des mêmes établissements. Tous les jurés seront désignés,
par le ministre de l'Intérieur, sur la proposition du Comité des
inspecteurs généraux.
Les professeurs, les agrégés ou les chargés de cours seront elioi-
sis dans des Facultés ou Écoles différentes. Les directeurs médecins,
et les médecins en chef devront eux-mêmes être pris dans des éta-
blissements différents et, en outre, appartenir à des asiles situés
hors du ressort des Facultés qui auront fourni les professeurs, les
agrégés ou les chargés de cours. En cas d'absence, le président est
remplacé par un autre inspecteur général- des services, adminis-
tratifs désigné par le ministre de l'Intérieur.
S'il se produisait plusieurs absences parmi les autres membres
du jury, il serait fait appel au juré suppléant pour remplacer le
premier juré absent et les épreuves continueraient, de plein droit,
avec les membres restants.
Art. 4. Les épreuves seront toutes subies à Paris, sous le con-
trôle de l'inspecteur général, président. Les épreuves écrites sont
éliminatoires. Les épreuves sont au nombre de cinq, savoir : 1° une
question écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système
nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures aux candidats;
le maximum des points sera de 30 ; 2° une question écrite portant
zur l'organisation des asiles publics d'aliénés et sur la législation
des aliénés, pour laquelle il sera accordé deux heures; le maxi-
mum des points sera de 10; 3° une question orale portant sur la
médecine et la chirurgie en général, pour laquelle il sera accordé
vingt minutes de réflexion et quinze minutes d'exposition ; le
maximum des points sera de 20 ; 4° une épreuve clinique sur deux
malades aliénés. Il sera accordé trente minutes pour l'examen des
deux malades, quinze minutes de réflexion et trente minutes d'ex-
position. L'un des deux malades sera plus spécialement examiné
au point de vue médico-légal ; le maximum des points sera de 30.
Aucun des candidats ne pourra subir cette épreuve dans l'asile
auquel il appartient ou aura appartenu depuis moins de trois ans ; -,
5° une épreuve sur titres. Le maximum des points sera de 10 pour
cette épreuve et les points devront être donnés au début de la
séance de correction des épreuves écrites. Il sera tenu compte de >
ces points en vue de l'admissibilité des candidats aux épreuves
orales et cliniques. ,
VARIA. 73
Art. 5. = Le nombre des places mises au concours est fixé à
dix' : il ne pourra, dans aucun cas, être dépassé. Aucun délai n'est
garanti pour la nomination des candidats reçus au concours. Au
sur et à mesure des vacances d'emploi qui se produiront dans les
asiles d'aliénés,' les candidats déclarés admis seront nommés sui-
vant l'ordre de classement par mérite établi par le jury. C'est à
partir du jour de l'installation effective du médecin adjoint que
commenceront à courir ses services. Les avancements de classe
pourront être accordés par le ministre, savoir : aux directeurs mé-
decins et médecins en chef, après trois ans de stage, au minimum,
dans la classe inférieure ; aux médecins adjoints, après deux ans,
au minimum, dans la classe précédente. ,
Art. 6. Sont et demeurent abrogées les dispositions anté-
rieures' du présent arrêté, notamment celles de l'article 8 du
7 mars 1900, qui dispensait du concours le chef de clinique de
pathologie mentale et des maladies de l'encéphale à la Faculté de
médecine de l'Université de Paris. Ge dernier se trouvera désor-
mais soumis aux mêmes conditions que les autres candidats.
Art. 7. Le conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et de
l'Hygiène publiques est chargé de l'exécution du présent arrêté.
- Pans, le 9 mai 1902.
Waldeck-Rousseau.
Annexe de l'arrêté du 9 mai tu. En vertu du décret du 49 oc-
tobre 1894, les cadres et traitements des directeurs médecins, mé-
decins en chef et médecins adjoints des asiles publics d'aliénés ont
été établis ainsi qu'il suit :
74 y VARIA.
A ces traitements s'ajoute la jouissance des avantages en nature
déterminés par le règlement (logement, chauffage, éclairage) ! j" '*
1 1 1 . rnR^. W wfn 1
, LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ...-> ? > . ;t, ) ,,
Sous ce titre : Un foti dangereux, le Progrès de l'Eure
du 13 mai relaté - le fait suivant : ' , , , , r ? ? '13 T- ', ,
« La gendarmerie a conduit hier matin à Bernay, pour être °
interné à l'hospice, un nommé Anquetin, journalier,'âgé'de'
soixante ans, qui, atteint d'aliénation mentale depuis plusieurs
années, est devenu tout à coup dangereux. Avant-hier, il s'était
rendu chez le maire de la commune et après avoir jeté des pierres
dans la porte, l'avait menacé de son fusil. » .... ' . '.
Cet homme aurait dû être hospitalisé « depuis plusieurs
années », c'est-à-dire au début de sa maladie. On s'y, décide
parce qu'il a voulu attenter à la vie de 31. le Maire, qui au-r.
rait pu payer de sa vie son incurie, car il aurait dû, faire
interner son administré. Il est probable que s'il ne l'a pas
fait plus tôt, c'est afin d'économiser une dépense à sa con-
mune. Rappelons que la loi du 30 juin 1838 n'est pas seule-
ment une loi de police, mais aussi et surtout une. loi.de,n
bienfaisance et d'assistance. , ~,t>' '< * i
- < .,....q;
Hospitalisation des IDIOTS , . t^y
Sous ce titre : l'Immoralité et la campagne, le Bonhomme Normand "
du 8 mai relate le fait suivant : « François Lecoeur, trente-six ans,' '
journalier, à Sainte-Marguerite-de-Viette, a de singulières manières
quand il est ivre. Il ne peut rencontrer une petite fille sans se
livrer devant elle à des actes coupables. La jeune Charlotte Le- ' ·
puyader, quatorze ans, servante, revenait de la messe à Livarot,,
lorsqu'elle rencontra Lecoeur. qui se déboutonna devant elle en,
essayant de l'entraîner avec lui. La fillette se sauva et raconta les
faits à son maître qui porta plainte. L'enquête a établi que Lecoeur, .
était zrnllezi idiot. Le tribunal correctionnel de Lisieux l'a condamné ,
à deux mois de prison, avec la loi Bérenger. » , , "
Attentat à la pudeur. Ces jours-ci, deux petites filles d'Etur-
queraye revenaient de l'école de Brestot, lorsque le nommé Joseph
Langlois, âgé de trente-cinq ans et idiot, prit dans ses bras l'aînée,,
âgée de neuf ans et demi, et l'ayant emportée dans un herbage, ti
commit sur elle un attentat à la pudeur. Il paraît, de son propre;,
aveu, que c'est le troisième fait de ce genre commis par cetirres-
ponsable. Sa mère a promis de le surveiller. (Le Progrès de l'liure, n
10 juin 1902.) ' ' 1 , . .( )'" > <<(.
VARIA. 75
Outrage public à la pudeur et tentative de viol sur une idiote.
Joseph Leneveu, trente-six ans, terrassier à la construction de la
ligne du tramway de Caen à Falaise, avait entraîné une jeune fille
n'ayant pas sa raison et essayait d'abuser d'elle dans une écurie de
routaine-le-Pin, près Langannerie, lorsqu'il fut arrêté par le sieur
Leroy, cultivateur. Leneveu, qui était ivre, a été condamné par le
tribunal correctionnel de Falaise à trois mois de prison et à
16 francs d'amende pour outrage public à la pudeur (Bonhomme
Normand du 22 mai). ZD
Tous ces'cas montrent la nécessité de l'hospitalisation.
Avec le traitement médico-pédagogique, quand les idiots
sont jeunes, on peut les améliorer, même les guérir.
F" NÉCESSITÉ DE L'IIOSPIT.1LISAT10N DES ÉPILEPTIQUES
Nous avons retrouvé récemment plusieurs faits qui auraient
. du être publiés plus tôt. Ils n'en sont pas moins démonstra-
tifs, bien que n'étant pas d'actualité.
Un triste accident a mis eu émoi, le jour de Noël, les habitants
de la route d'Evreux à Louviers. La femme Filâtre, journalière,
âgée de soixante-deux ans, a été trouvée par son mari, vers sept
heures du soir, à moitié carbonisée près de son poêle renversé.
Les voisins ont aidé Filâtre à relever le cadavre de sa femme, dont
les chairs tombaient en lambeaux. Comme cette malheureuse était
sujette à des attaques d'épilepsie, on suppose qu'elle sera tombée
sur le poêle, qui, en se renversant sur elle, aura mis le feu à ses
vêtements. (Rappel de l'Eui-e, fer janvier 1895.)
La gendarmerie de Montargis, sur la demande du maire de Châ-
lette, s'est transportée au hameau du Vésine à l'effet de constater
la folie furieuse dont venait, d'être happé un nommé Terroux
(Michel), âgé de trente et un ans, ouvrier à la fabrique de Langlée,
commune de Châtelette. Le médecin, M. le docteur Vialette, appelé
immédiatement, a déclaré que Terreux était atteint de folie épi-
/epu6 et que son admission à l'hospice de Montargis était urgente.
Ce qui a été fait immédiatement. Terroux est sujet suisse, il est né
à Genève le 18 juin 1864. Il est marié et père de famille, (Le Iiépu-
blicain Orléanais, 26 juillet 189.)
Toute la maison du n° 9, rue des Savonnières, était en émoi hier
soir, entre 8 heures et demie et 9 heures, au sujet de la locataire
du premier étage, Emma M..., âgée de trente ans, qui se tordait
dans de terribles convulsions. Effrayés, les voisins crurent à un
empoisonnement, cette personne ayant tenté de se suicider il y a
quelque temps. Un courut sur la place d'Armes quérir des gar-
diens de la paix de service, qui se transportèrent dans la maison
76 VARIA.
et firent prévenir M. le docteur Guiol. Le médecin légiste constata
que Emma M..., était en proie à une violente crise épileptiques et
ordonna son envoi à l'hôpital civil. Une voiture transportait quel-
ques instants après la malade dans cet établissement. (Le Petit
Va ? ,, le, septembre 1895.)
Hier lundi, vers 7 heures du soir, un malheureux, atteint (l'épi-
lepsie, après s'être présenté chez un manufacturier du Vouldy, fut
pris subitement d'une crise épileptique et tomba sur la chaussée
boueuse en se tordant dans d'horribles souffrances.
La police, informée du fait, lui vint en aide et le transporta dans
une voiture à bras au bureau central où il reçut les soins que récla-
mait son état. Le pauvre malheureux, ayant enfin recouvert l'usage
de ses sens, fut reconduit à son domicile. (Le Petit Troyen du
14 novembre 1895.)
Un club de Genève avait organisé une course au Vergys, mon-
tagne située aux environs de Bonneviile et dont l'ascension
comporte la traversée d'une arête très dangereuse. Au dernier
moment, un jeune Allemand, nommé Kirschtinck, âgé de vingt-
six ana, ouvrier tapissier, vint demander aux excursionnistes de
se joindre à eux. Ces derniers acceptèrent, ignorant que' leur
nouveau compagnon était épileptique.
Arrivé sur la fameuse corniche, appelée Arête-Verte, tout à
coup Kirschhnek pâlit, grinça des dents et se mit à gesticuler,
en proie- une crise occasionnée sans doute par la fatigue et la
marche. Ses compagnons se précipitèrent et essayèrent de le
maintenir par la force sur l'étroit espace où il se tordait, mais
dans un spasme violent, le malheureux leur échappa des mains et
roula dans le vide. Après avoir rebondi sur une pente glacée, le
corps vint s'abattre sur un banc de rochers à une centaine de
mètres en contre-bas. On ne releva qu'un cadavre, le malheureux
avait le crâne fracassé, la colonne vertébrale et une jambe brisées
en plusieurs endroits. (Lanterne, 25 mars'1899.)
On a découvert dans le bois de Damelevières (Meurthe-et-
Moselle) un journalier de Lunéville, Charles Labarthe, cinquante-
quatre ans, gelé jusqu'à la ceinture. 11 s'étaitrendu en forèe. le 2 jan-
vier dernier lorsqu'il fut frappé d'une crise d'épilepsie. Quand il re-
couvra ses sens, Labarthe ne put reprendre le chemin de la maison ;
il avait les jambes gelées et pouvait à peine se traîner. Le malheu-
reux, depuis lors, dut se nourrir deracinespénibtement arrachées au
sol durci, et il serait infailliblement mort de faim si on ne l'avait
point découvert. Le journalier a été transporté à l'hôpital dans un
état très grave. (Bonhomme Normand n° G, 1902).
Dans un café, hier, vers onze heures trois quarts du soir, un
consommateur, M. Eugène I..., vingt et un ans, étudiant à Aix et
FAITS DIVERS. I t
de passage dans notre ville, a été pris d'une violente crise épilep-
tique. M. le De Daspres et un ou deux de ses confrères lui ont pro-
digué des soins. M. I... a été ensuite conduit en voiture à l'hôpital
civil; mais à son arrivée, une sensible amélioration s'étant pro-
duite dans son état, il est rentré à l'hôtel. (Petit Var du 21 novem-
bre 1895.) ,
Un passager, natif des environs de Montargis, était pris subite-
ment, presque en face de la maison d'école de Givraines, d'une
attaque d'épilepsie. Il tomba sur le milieu de la route. 11 fut relevé
par le garde champêtre et M. Greloux. Après lui avoir donné les
soins nécessaires et qu'il eut repris complètement connaissance, il
fut conduit chez M. Labrosse, aubergiste, où il mangea d'un assez
bon appétit, puis il se dirigea surBeaumont. (Le Républicain orléa-
nais, 23 décembre 1895.)
Les épileptiques doivent être hospitalisés, traités avec
soin, occupés à des travaux manuels (ateliers, fermes). Si les
accès deviennent très rares, ils peuvent retourner chez eux.
S'ils retombent malades, ils doivent être réhospitalisés sans
difficulté. B.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Mouvement d'avril. M. GRUIIIER, directeur
de l'asile d'aliénés de Rennes, nommé directeur de l'asile d'aliénés
de Maréville (Meurthe-et-Moselle), en remplacement de M. Bresson
non acceptant et admis à l'aire valoir ses droits à la retraite ;
M. le D1' DEZWARTE, médecin-adjoint à l'asile de Bailleul, promu à
la classe exceptionnelle du cadre; AI. CUVELIER, économe de
l'Institution nationale des sourds-muets de Paris, nommé directeur
de l'asile d'aliénés de Rennes.
Nécrologie. M. le Dr Meredith Clymer, ancien professeur des
maladies nerveuses à l'Albany Médical Collège. Nous avons le
vif regret d'apprendre la mort de M. le Dr Falret. Nous lui consa-
crerons une notice biographique dans notre prochain numéro.
Quartier d'aliénés de Gaillon. Le ministre de l'Intérieur vient
de prendre une décision d'après laquelle le quartier spécial d'alié-
nés et épileptiques de Gaillon, installé dans une des dépendances
de l'ancienne maison centrale, cessera, à dater du 4 janvier 1903,
78 , » FAITS DIVERS.
de faire partie des services de l'administration pénitentiaire ? pour
dépendre, comme établissement national de bienfaisance, des ser-
vices de l'Assistance et de l'Hygiène publiques. Ajoutons que,
depuis plusieurs mois déjà, la direction provisoire de cet établisse-
ment est confiée à M. le Dr Leroy, le distingué médecin de l'asile
de Navarre (.P)'<wes6<'B ! t ? 'e, 13 mai). . ' ? W ? u : 4W
. Le directeur DE l'asile DES aliénés DE Tournai BLESSÉ par UN FOU :
M. le Dr Lentz, directeur de l'asile des aliénés, faisait sa tournée
habituelle, quand, arrivé dans le quartier de sûreté où sont'enfer-
més les plus violents, un de ceux-ci sauta sur le médecin et avant
que les gardiens aient pu l'empêcher, lui porta dans le ventre un
coup de grosse aiguille qu'il tenait dissimulée. On maîtrisa l'aliéné.
M. Lentz, ensanglanté fut reconduit à son habitation. La blessure
n'est pas grave. (Journal d'accouchements du 15 juin 1902.) , 1 ,. j.
Enfants assassins. Un élève du gymnase de Batoum (Russie),
nommé Kavkhadze, douze ans, avait frappé récemment de deux
coups de couteau M'Ic Arnoldi, maîtresse de langue française dans
cet établissement, et l'avait grièvement blessée. La malheureuse
institutrice est morte après d'horribles souffrances. (Bonhomme
Normand, du 19 juin 1902.) - La cour d'assises d'Oran vient de
juger un jeune Arabe, âgé de treize ans, qui avait tué son père d'un
coup de fusil pour se venger d'une correction qui lui avait' été in-
fligée. Elle l'a condamné à l'internement dans une maison de cor-
rection jusqu'à sa majorité. (Indicateur de Cognac, 5 juin 1C03.)
A Berlin (Prusse), un enfant de cinq ans laissé seul avec sa petite
soeur de trois mois, l'a tuée à coups de couteau. (Le Bonhomme
Normand, 28 février 1902.)
Bestialité d'un enfant. Un gamin de treize ans, Jules Marie
dit Cabriolet, demeurant à Maisy, canton d'Isigny, a été surpris au
moment où- il commettait un acte ignoble de bestialité sur un
mouton.
Un monstre de neuf ANs. La police de Dresde poursuit depuis
quelque temps une enquête sur ce fait que,'dans l'espace d'un an,
plusieurs enfants sont tombés dans l'Elbe et s'y sont noyés. '
Elle a constaté que tous ces accidents sont dus à la malveillance
et que le coupable est un enfant de neuf ans, fils d'un balayeur de
rues, dans le faubourg de Pieschen. '
Il y a trois jours encore, il a poussé l'enfant Piestch, de la berge
dans l'Elbe. Un garçon de huit ans et une petite fille ont été ses vic-
times, il y a quinze jours. ,
Dans quatre autres cas, où des enfants avaient péri dans l'Elbe,
on a établi la présence du précoce meurtrier. Ainsi, ce garçon de
neuf ans aurait commis sept assassinats. (Archives d'anthropologie
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 79
criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique
du 15 juin 1902.)
Suicide d'un adolescent. Une couturière, 1\In Lurin, qui habite
65, rue de Clichy, avait, hier, pendant le déjeuner, fait quelques
remontrances amicales à son fils Charles, jeune homme de quinze
ans, parce qu'il négligeait un peu ses études. L'enfant ne répondit
pas et la petite scène fut presque aussitôt oubliée. A deux heures,
119° Lurin s'absenta, laissant son fils seul. Quand elle rentra, le
soir, elle le trouva asphyxié dans sa chambre : l'enfant, désolé,
s'était suicidé. A quinze ans ! (Journal du 28 décembre 1895.)
Alcoolisme de l'enfance. A Ivry, une fillette de quatre ans est
morte dans d'atroces souffrances, après avoir bu le contenu d'une
fiole de rhum laissée à sa portée. (Bonhomme Normand du 12 au
18 juillet 1900.)
DÉMONOMANE de Grèzes (Aveyron). A propos de cette malade,
rappelons à nos lecteurs la Bibliothèque diabolique du Dr Bocn-
neville, 25 fr. peur nos abonnés.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Gttnnao Bnowv Note on a mett) forzzz of oeslhesiomeler, extrait de
Journal of Physiology.
KEu.ER. Nyt 7'o.s7.-) ? for abnormvoesenel onzfaltend aaîidssvage,
Bliztde og Vanfore-Sagen 1 zVorclezz. Kobenhavn 1902.
B,131NSIU. Définition de l'hystérie. Extrait de la Société de Neuro-
logie de Paris.
Cappelletti. Die un zxuovo ignotico fei malati clizzzenllze : Clore-
tons. Extrait de la Reforma Medica. Rome, 1901.
Ladame (de Genève). - La question de l'aphasie motrice sozis-coili-
cale. Extrait de la Revue neurologique, in-8" de 6 pages.
Muggia. Sopra in caso di epilepsia z in un calienato, iii-8- de
20 pages, Ferrara, 1901.
LEROY (Raoul). Contribution à l'élude de l'alcoolisme en normal-
die, notes et documents sur le bilan de l'alcoolisme dans l'Eure au
XIX siècle. Evreux, 1901. Imprimerie Hérissey.
KouxtDjY (P.). De l'extension et de son application dans le trai-
tement des maladies nerveuses. In-S° de r4 4 pages. Prix : 1 fr. 50 aux
bureaux du Progrès Médical.
Chataloff (N.). Essai sur la classification Talltoréizi7ue des mala-
dies nerveuses. In-8° de 6 pages. Extrait de la Revue Neurologique.
Pechin et ALL\RD. - Paralysie faciale et paralysie des mouvements
80 AVIS A NOS ABONNES.
associés de la latéralité des globes oculaires du même côté. Examen
électrique. In-8° de 4 pages. Extrait de la Revue Neurologique.
Allird (F.). -Conlraclilité et sensibilité électriques pendant l'anal-
gésie chirurgicale par injections soxzs-arctc7tzzoecliezzzzesctecocaïzze.In-8°
de G pages. Extrait de la Revue Neurologique.
Paciei (F.) et Colin (11.). Les aliénés dans les prisons [aliénés i ? 2écoîi-
zzus et condamnés), l'etit in-8° de 172 pages. Prix : 2 fr. 50. Masson et Ci,
édit. i^ "" .,
z (A.1. - Traité d'hygiène, fascicule I. In-8° de 500 pages. Mas-
son et C ? édtt. '
Pi ? i (P.). L'epilessia. Eliologia. Patogenesi e cura. In-18
de 278 pages. Il
Mobin (J.). L'hystérie et les superstitions religieuses . In-16 de
21 pages. Paris, 1902.
Pearsw (M.). Les polynévrites, in-8" de 248 pages. Prix : 6 fr,
FOEKSTER. Uie z ttzzcl pathologie de;' coordination. In-8°
de 316 pages avec G3 ligures, luna. 1902. Gustav Fisclier, édit.
l'vweo Iiun. Trealmenl of acromegaly willt pituitary corpus. In-8°
de 4G pages. Extrait du Tlte Journal of llze American Médical dsso-
cialioîi.
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evroux, Ch. Hébi6Sey, imp. G-1902.
Vol. XIV. Août 1902. N° 80.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE ?
Sur un cas de papillome épithélioïde 'du noyau
rouge. Contribution à l'étude des fonctions du
noyau rouge ;
- PAR
i
M. le Professeur RAYMOND
et
M. Raymond CESTAN,
Ancien Chef de Clinique à la SalpéLrire.
[Clinique nerveuse de la Salpêtrière)
Des théories imaginées pour expliquer l'exagération du
tonus musculaire et l'apparition de la contracture spasmo-
dique consécutives aux lésions de la voie pyramidale, il en
est une qui attribue au noyau rouge un rôle important, rôle
producteur d'après elle de la force excitatrice du tonus que
viendrait régulariser et tempérer l'action inhibitrice du fais-
ceau pyramidal.
Or, nous rapportons ici dans ses détails une observation déjà
présentée à la Société de Neurologie du 15 mai 1902, qui z
concerne une destruction complète du noyau rouge gauche
accompagnée cependant d'exagération du tonus musculaire. >
Certes, les destructions du noyau rouge, bien que rares, ne .
sont pas exceptionnelles ; on les rencontre en effet très sou-
vent dans le syndrome de Weber classique; mais dans ce
cas, ces destructions étant associées à des altérations pro-
noncées de la voie pyramidale du pied du pédoncule, la
méthode anatomo-clinique ne peut analyser les phénomènes
et nous indiquer la fonction précise de l'une ou l'autre partie,
noyau rouge ou faisceau pyramidal.
A ce point de vue, notre cas devient des plus importants,
Archives, 2' série, t. XIV. t 6
82 CLINIQUE NERVEUSE. r
sinon même tout à fait exceptionnel, puisqu'il consiste en
un papillome primitif épithélioïde, qui a détruit le noyau
rouge mais respecté entièrement les fibres pyramidales, don-
nant' lieu ainsi à une variété un peu particulière de syn-
drome de Weber; il soulève donc deux discussions intéres-
santes, l'une d'histologie, l'autre de physiopathologie.
Observation. T..., cinquante-sept ans. Début de la maladie
en novembre 1900, par céphalées. Bientôt paralysie de toutes les
branches de la troisième paire gauche; peu après, parésie des branches
de la troisième paire droite. Pas de lésions du fond de l'ceil. Légère
faiblesse du bras et de la jambe droite. Exagération de tous les réflexes
tendineux sans trépidation spinale, sans signe de Babinski. Asynergie
cérébelleuse à droite. Troubles de la parole. Hypoesthésie du côté
droit. Néoplasme ayant détruit le noyau rouge gauche et une grande
partie du noyau rouge droit.
T..., cinquante-sept ans, charbonnier, ne présente ni antécé-
dents héréditaires ni antécédents personnels dignes d'être signa-
lés ; il a un fils bien portant. Pas de syphilis, pas d'alcoolisme. La
santé générale est bonne jusqu'au 30 novembre 1900. Ce jour-là,
le malade éprouve une céphalée intense, mais sans fièvre, sans
vomissements ; cette céphalée persiste avec la même intensité une
semaine durant, puis la paupière gauche tombe tout d'un coup et
le malade entre alors dans notre service à la Salpêtrière.
En décembre 1900, le malade est atteint d'un syndrome de Weber
un peu particulier consistant en troubles oculaires et en troubles
de la motilité (ftq. 4). ·
1° Troubles oculaires. L'oeil gauche est en ptosis paralytique
avec contraction intense du frontal pour essayer de relever la pau-
pière. L'oeil est en strabisme externe permanent. On constate une
paralysie complète de toutes les. branches de la troisième paire
gauche; la pupille est en myosis, elle a perdu ses deux réflexes
accomodateur et lumineux. La sixième paire et la quatrième paire
sont normales. Le fond de l'oeil ne présente pas traces de névrite.
Absence d'hémiopie.
L'oeil droit montre déjà une légère parésie de tous les muscles
innervés par la troisième paire droite.
.L'étude du réflexe lumineux consensuel montre que : 10 l'excita-
tion de l'oeil droit amène une contraction de la pupille droite, mais
non de la gauche ; 2° l'excitation de l'oeil gauche est sans effet sur
la pupille gauche, mais fait contracter la pupille droite.
Ces troubles ont persisté toujours avec la même intensité ; au
surplus, la parésie de la troisième paire droite s'est fortement
exagérée dans les derniers jours de la maladie mais n'a jamais été
CAS DE PAPILLOME ÉPITHPLI01DE DU NOYAU ROUGE 83
aussi complète qu'à gauche ; c'est ainsi que le ptosis et le stra-
Fig. 4. - Paralysie de la troisième paire gauche avec ptosis,
démarche cérébelleuse. Ataxie du bras droit (Photographie
instantanée pendant la marche).
84 -il - CLINIQUE NERVEUSE. 1 , 4 ,
bisme externe n'étaient absolus que dans ce dernier côté. Vers la
fin, les deux sixièmes paires ont paru parésiées ; il a donc semblé
qu'il existait à ce moment une légère paralysie des mouvements
associés de latéralité (examen de M. Sauvineau) (fig. 5 et 6).
t
2° Troubles de la motilité. Il n'existe pas à proprement parler
une paralysie motrice. La force musculaire est bien conservée à
droite et à.'gauche..Les divers mouvements segmentaires de la
main, de l'avant-bras, du bras, du pied, de la jambe sont exécutés
avec une bonne énergie. Le malade peut se lever, s'asseoir sur son
lit sans peine. Dynamomètre : 33. Les réflexes rotuliens sont
Fig. 5. Ptosis et strabisme externe paralytique de l'oeil gauche.
Ptosis léger de l'ml droit.
CAS DE PAPILLOME EPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 85
exagérés des deux côtés, mais sans trépidation spinale. Le réflexe
cutané plantaire se fait en flexion à gauche, la recherche donne des
résultats douteux à droite. Les réflexes cutanés sont nettement
diminués à droite. La sensibilité est légèrement émoussée à droite.
En résumé, il existe un très léger degré d'hémiparésie motrice
droite. Cendant le malade présente de gros troubles moteurs ainsi
faits : ' '
a) La démarche est titubante ; les jambes sont écartées, les pas
irréguliers, inégaux, le poids du corps portant surtout sur la jambe
gauche et la jambe droite étant lancée irrégulièrement dans la
Fig. 6. Paralysie du droit supérieur gauche.
86 ' ' CLINIQUE NERVEUSE.
marche; le malade talonne de cette jambe comme un tabétique.
Les oscillations sont telles pendant la marche avec des propulsions
ou des rétropulsions comme si le malade ne pouvait assurer son
centre de gravité que l'on craint, à chaque instant, une chute du
sujet.
6) La station verticale est aussi fort difficile ; elle n'est possible
que si les jambes sont bien écartées : dès que les talons sont réunis
on voit se produire de nombreuses oscillations en différents sens.
L'occlusion de l'oeil droit (l'oeil gauche est un ptosis permanent)
ne pai ait pas avoir une grosse influence sur ce trouble de l'équi-
libre.
c) Les mouvements des mains présentent une légère incoordina-
tion : la main droite plane au-dessus des objets à saisir et présente
alors des mouvements irréguliers qui rappellent ceux de la sclé-
rose en plaques.
d) Le mouvement associé de flexion de la cuisse sur le bassin
existe à droite. ,
e) Lorsqu'on dit au malade, étendu sur le sol, de soulever la
jambe droite, on voit cette jambe prise d'oscillations irrégulières;
ensuite lorsqu'on commande de la laisser retomber sur le sol, le
malade la laisse tomber brusquement. Ces phénomènes ne se pro-
duisent pas du côté gauche. '
f) 11 est impossible au malade de se relever tout seul ; il est pris
de titubation avec grands mouvements incoordonnés de la jambe
droite.
coup à celle de la sclérose en plaques.
Il n'existe ni paralysie faciale, ni paralysie du voile du palais,
ni déviation de la langue, ni troubles laryngés.
L'intelligence est intacte ; la santé générale est bonne ; l'appétit
excellent. Les mines ne renferment ni sucre, ni albumine.
Le malade est soumis sans succès à un traitement mercuriel
intensif. La maladie progresse. La parole devient de plus en plus
difficile; on voit survenir une légère parésie du facial inférieur
droit. L'asynergie cérébelleuse devient de plus en plus prononcée
et gagne même le côté gauche, à tel point que le malade reste
toute la journée immobile dans son lit, cependant on ne constate
pas, au sens strict du mot, une paralysie motrice des membres. Les
céphalées sont toujours intenses, mais sans vomissements, sans
oedème papillaire. La parésie se prononce de plus en plus du côté
de la troisième paire droite et le malade meurt le 20 mars 1901,
quatre mois environ après le début de l'affection.
Autopsie. Les organes ne présentent pas de lésion macrosco-
pique intéressante. Nous avons examiné avec soin les poumons, le
coeur, le foie, l'estomac, le pancréas, la rate, les reins, la vessie,
CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 87
l'intestin, le rectum, la prostate, les testicules, sans trouver un
foyer néoplasique primitif visible à <'tft7 nu ou sensible ci la palpalion.
Absence de tuberculose viscérale. Double broncbo-pneumonie de
la base.
'La moelle est extraite facilement ; le canal osseux, les méninges
et l'axe nerveux ne présentent rien d'anormal ; Il en est de même
du bulbe, du cervelet et du cerveau qui ont été débitées en coupes
successives après durcissement.
La seule lébion consiste en une tumeur logée dans la calotte des
pédoncules cérébraux ( ? 7). Avant tout durcissement, cette tumeur
est arrondie, polycyclique, molle, d'aspect caséeux au centre, avec
quelques dilatations vasculaires à la périphérie. Les nerfs de la
troisième paire sont grisâtres, aplatis ; ce caractère est surtout
marqué pour le nerf de, la troisième paire gauche, moins net pour '
. celui de la troisième paire droite, les autres nerfs crâniens ont
leur aspect habituel.
Après durcissement dans les réactifs habituels, cette tumeur, nous
, a paru solitaire dans un examen minutieux macroscopique de tous
les organes et de l'axe encéptialo-médullaire, elle a la forme d'une
grosse olive placée au centre de la calotte des deux pédoncules
cérébraux, en avant de l'aqueduc de Sylvius dont elle est séparée
par une distance de 3 à 4 millimètres environ. Son extrémité supé-
Fin. 7.
88 CLINIQUE NERVEUSE.
rieure n'atteint pas la couche optique, son extrémité supérieure se
trouve à la hauteur du noyau d'origine de la quatrième paire ; son
axe général est parallèle à celui du tronc cérébral et placé, dans
sa partie toute inférieure, dans le cinquième supérieur de la pro-
tubérance, dans sa presque totalité dans la calotte du pédoncule.
Son plus grand diamètre, un peu supérieur à celui d'une pièce de
cinquante centimes, est au niveau des noyaux des troisièmes paires
où sa circonférence antérieure affleure sous la pie-mère interpédon-
- culaire. au fond du sillon qui sépare les deux points de sortie des
troisièmes paires.
Sur une coupe colorée par le Weigert-Pal, passant à ce niveau
de développement maximum, on voit la tumeur dessinée par une
zone décolorée, arrondie, à bords polycycliques taillés ci pic,
comme on l'observe dans une lésion de déficit par ramollissement.
Si nous' suivons son pourtour pour étudier les parties du tronc
cérébral lésées, nous voyons sa partie antérieure affleurer sous la
pie-mère de l'espace interpédonculaire, ensuite le bord de la
tumeur se diriger vers la gauche (2 millimètres environ), intéres-
sant ainsi toute la zone de sortie de la troisième paire gauche, en
coupant le ruban de Reil médian gauche dans son tiers externe,
passer à 3 millimètres sous l'aqueduc de Sylvius et au-dessus du
noyau de la troisième paire gauche, redescendre ensuite en inté-
ressant la partie interne du noyau de la troisième paire droite,
- --suivre la direction de sortie des fibres de cette troisième paire,
sectionner dans son milieu le noyau rouge droit; enfin venir
, aboutir de nouveau au fond de l'espace interpédonculaire en res-
pectant la sortie de la troisième paire droite.
Ainsi sont englobées dans la tumeur : A, à gauche : 1° en totalité, ? le trajet de la troisième paire (noyau et fibres) ; 2° en totalité, le
noyau rouge ; 3° la moitié interne du faisceau sensitif. B, à droite :
11 la partie interne du noyau et des libres de la troisième paire ;
2° la partie interne du noyau rouge.
Sont au contraire tout à fait épargnés, les pieds des deux pédon-
cules, les rubans de Reil latéraux, les tubercules quadrijumeaux.
Nous étudierons : 1° la nature de la tumeur; 2° les effets pro-
duits par la tumeur.
' 1° Nature de la tumeur. -La tumeur estconstituéepar une masse
centrale nécrosée entourée de tubes à cellules cylindriques ame-
nant la destruction progressive du tissu' nerveux voisin.
Sur des coupes perpendiculaires à leur axe, ces tubes revêtent
deux aspects. On voit tantôt un petit tube à lumière centrale vide,
à paroi formée par de hautes cellules cylindriques, les cellules no-
plasiques, tantôt un tube plus volumineux.
Dans ce dernier cas, la paroi est formée soit par une seule couche
de cellules cylindriques, soit par plusieurs couches de cellules
CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 89
cubiques, qui se stratifient de manière à constituer un véritable
bourgeon externe d'envahissement. Mais en outre la lumière du
tube est occupée par une véritable papille. Cette papille, qu'un
léger espace sépare de la couche des cellules néoplasiques, présente
au centre un vaisseau rempli de sang avec des parois plus ou
moins nettes; autour du vaisseau se dispose une infiltration de
cellules rondes et de fibrilles donnant l'aspect d'un tissu myxoma-
teux. Les coupes parallèles à l'axe montrent une semblable dispo-
sition soit petit tube de cellules, soit gros tube avec papille cen-
trale autour d'un vaisseau sanguin. En étudiant les divers points
de la préparation on voit nettement que ces différences d'aspect,
tube vide ou tube plein, dépendent de l'orientation de la coupe,
suivant que le tube a été sectionnéplusou moins loin desondiamètre
maximum transversal ou longitudinal. Sur les coupes parallèles à
l'axe, on voit parfaitement les tractus centraux vasculo-conjonctifs
s'anastomoser, de même on peut apercevoir la couche de cellules
épithéliales, pousser des prolongements sous forme de bourgeons
externes, d'abord pleins, puis pénétrés par la papille vasculo-con-
jonctive, à la façon des doigts de la main qui pénètrent dans un
gant. Il s'agit donc d'une variété de néoplasme papillomateux et
très végétant, se présentant sous la forme de collerette de grosses
cellules entourant un tractus vasculo-conjonctifet s'agrandissant
par une série de bourgeons externes. Les cellules néoplasiques
sont cylindriques, très hautes, à extrémités limitées par un plantez
sans prolongement, touchant ainsi par simple contact le tis<ù rtêr-
veux avoisinant. Elles ont un protoplasma bien colore, sms
vacuoles, sans granulations; elles possèdent un noyau volurtr·pûx
ovalaire, riche en substance chromatine; ce noyau est placé'-t,6
jours à la même distance de la base et du sommet et comme se
cellules ont la même hauteur et le même aspect, il en résulte une
apparence d'une glande tubulaire, lorsque le centre du tube n'est
pas occupé par la papille vasculaire (fig. 8).
A certains endroits, les cellules subissent une multiplication
active, revêtent le tube, de deux ou trois couches de cellules qui
deviennent alors plus petites et cubiques, enfin on peut apercevoir
comme nous l'avons signalé plus haut des proliférations plus
accentuées encore sous la forme de petits bourgeons qui vont pé-
nétrer dans le tissu nerveux avoisinant; ce caractère est surtout
évident dans la zone périphérique d'envahissement.
L'espace intertubulaire est rempli par le tissu nerveux conznlc-
tement dégénéré sans fibres à myéline, sans éléments nerveux, sans
réaction névroglique proprement dite, mais avec une quantité
énorme de corps granuleux bien visibles par la méthode de Mar-
chi, dont on peut encore colorer les noyaux. Ainsi, nous pouvons
affirmer, après avoir employé les méthodes de Marchi, de Weigert-
Pal, du picro-cannin, de l'hémateine éosine, que ce néoplasme a
90 CLINrQUB NERVEUSE.
totalement détruit la zone indiquée ci-dessus, qu'il a complètement
respecté au contraire le tissu nerveux qui l'entoure. Il a produit
un véritable ramollissement localisé, dont on comprend d'ailleurs
fort bien la pathogénie puisque les vaisseaux nutritifs sont entourés
d'une barrière épithéliale et qu'on n'aperçoit pas des néo-vaisseaux;
à l'action nécrosante du néoplasme lui-même s'est donc adjoint un
élément mécanique qui nous explique fort bien comment a pu se
'-produire par le fait d'une tumeur une lésion de déficit bien loca-
lisée ; c'est là un fait important que nous voulons déjà souligner.
- Celte tumeur est-elle primitive ou secondaire ? L'aspect des cel-
lules néoplasiques, très élevées, cylindriques, rangées en tubes
Fig. 8.
CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 91
fait songer tout d'abord à un néoplasme secondaire à un cancer
primitif glandulaire, peut-être intestinal. C'est là une hypothèse
très acceptable. Mais il existe des raisons qui permettent de croire
à un néoplasme primitif. Le malade est mort cinq mois après le
début de la maladie; le cancer secondaire du pédoncule aurait
donc pu atteindre le volume d'une grosse olive sans qu'il nous ait
été possible de trouver le cancer primitif ? Nos recherches ont été
il est vrai faites uniquement avec la vue et le palper; il faudrait
donc admettre un foyer primitif microscopique alors que le foyer
secondaire est appréciable avec les moyens de recherche ordi-
naires.
Ii J. 9.
92 1) CLINIQUE NERVEUSE. ' ,
Au surplus, ce noyau cancéreux secondaire serait unique en tant
que généralisation; non seulement, dans l'hypothèse d'un cancer
primitif du tractus intestinal, le foie et les poumons sont normaux,
mais nous ne trouvons pas d'autres foyers secondaires dans les
autres organes de la grande circulation. Il serait bien étrange de
voir une embolie cancéreuse venir se loger dans le pédoncule, alors
que nous savons que dans le cerveau la sylvien'ne est l'artère de
choix de l'embolie.
Mais il existe d'autres arguments plus importants en faveur de
'l'origine primitive du néoplasme. La pie-mère tapissant le fond
de l'espace interpédonculaire est épaissie par une néoformation
vasculo-embryonnaire tout à fait analogue à la structure des
papilles que nous avons décrites au centre des tubes ; cette pie-
mère est recouverte sur sa face interne, pédozzculuire, d'une couche
de cellules cylindriques néoplasiques ; or ces cellules sont rangées
en une série de papilles envahissantes à pointes dirigées vers la subs-
tance nerveuse. Enfin, l'étude attentive des éléments néoplasiques
montre que le noyau très allongé est toujours placé au centre
de la cellule, qu'il est entouré d'un protoplasma bien coloré dans
toutes ses parties et que cet aspect est différent de celui de l'épi-
thélium intestinal auquel ressemble à première vue notre tumeur
(fig- 9),
Si donc on peut admettre que la pie-mère peut avoir formé une
barrière de résistance au processus d'envahissement de dedans en
dehors des cellules néoplasiques qui se seraient ainsi réfléchies sur
sa face interne, il est beaucoup plus vraisemblable de convenir
que cette pie-mère a été en réalité le point de départ du néo-
plasme, qui serait dès lors un néoplasme primitif des méninges molles
interpédonculaires.
, Mais dans quelle catégorie de tumeurs pouvons-nous placer ce
néoplasme ? Il ne s'agit pas dans l'espèce soit de sarcome soit de
gliome ; il n'existe pas au voisinage du pédoncule cérébral une
glande capable de dégénérer en un epithéliome semblable aux
nôtres, enfin la description que nous avons donnée est tout à fait
différente de celle des endothéliomes de la pie-mère, tumeurs com-
posées de cellules aplaties ou fusiformes, souvent orientées en
nodule, avec ou sans dépôts calcaires constituant la variété de
psammomes de Virchow, de sarcomes angiolithiques de Cornil.
Par son aspect épithélial, papillomateux, notre cas est tout à fait
différent des tumeurs primitives ordinaires du cerveau. Or les
auteurs français sont très sobres de détails sur ces tumeurs épilhé-
liales développées primitivement dans le système nerveux; la plu-
part les passe même sous silence. Cependant, Rindffeisch avait
étudié un cas à peu près semblable au nôtre (Traité d'histologie
pathologique, 1873, p. 693, t. II). « Le caractère principal de ces
tumeurs, disait-il, est une formation de véritables papilles sur la
CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 93
surface qui donne naissance à la néopla-ie. C'est au cervelet que
j'ai rencontré pour la première fois le papillome de la pie-mère et
des vaisseaux... La substance de la tumeur était d'un gris rou-
geâtre, translucide, tremblotante. En la dilacérant, on la réduisit
complètement en une masse énorme de papilles richement rami-
fiées, dont chacune possédait un vaisseau central, très peu de
tissu conjonctif et un double revêtement épithélial. La couche cel-
luleuse externe était formée de cellules cylindriques courtes et
épaisses. En examinant le stroma des papilles on rencontrait en
dernier lieu les vaisseaux sanguins qui passent de la pie-mère
dans le cervelet, de manière qu'il ne pouvait y avoir de doute sur
l'origine de la tumeur. » On voit ainsi combien notre description
se rapproche de celle de Rindfleisch. Dans notre cas, il est vrai,
les cellules néoplasiques, sont élevées, plus hautes, mais d'une
part Rindfleisch dit plus loin que les cellules peuvent revêtir un
aspect tout à fait cylindrique très allongé, d'autre part, l'un de
nous a déjà présenté à la Société Anatomique de 1899, un fait tout
à fait identique au cas actuel, tumeur corticale rolaudique avec
papilles vasculaires, dans lequel les cellules néoplasiques étaient
cubiques. Enfin dans son Traité d'Analomie pathologique (t. 1,
p. 431, 1898) Xiégler admet que les cellules de l'endothéliome
cérébral peuvent revêtir l'aspect cubique, cylindrique, voir même
l'aspect épithélial et il figure une coupe bien analogue aux
nôtres.
Il existe donc un groupe très exceptionnel de tumeurs primi-
tives pie-mériennes, papillome cérébral pour Rindfleisch, endothé-
liome épithélioïde pour Zié ? Iei- ; elles sont constituées essentielle-
ment par des papilles vasculaires nées de la pie-mère et revêtues
d'une ou plusieurs couches de cellules cubiques ou cylindriques.
Mais il est difficile de retrouver le point de départ du néoplasme.
S'agit-il de papillomes analogues aux végétations du plexus cho-
roïde ? Les cellules néoplasiques sont-elles d'origine épendymaire ?
Mais le plexus choroïde du ventricule latéral bien que contour-
nant le pédoncule cérébral sur sa face supérieure et externe se
trouve assez éloigné de l'espace interpédonculaire et, chez notre
malade l'examen de tous les plexus choroïdes ne nous a rien
montré d'anormal ; enfin les cellules néoplasiques nous ont paru
un peu différentes des cellules épendymaires qui sont plus petites
avec d'une part un plateau bien net d'autre part une extrémité
allongée. La question d'origine reste donc en suspens, mais du
moins nous croyons devoir admettre que notre observation est
un nouvel exemple de papillome primitif épilhéloïde de pie-
mère.
2° Effets produits par la tumeur. La tumeur a eu une action
destructive pour les parties du système nerveux envahi. Son centre
94 CLINIQUE NERVEUSE. ·
est en effet occupé par des masses en pleine nécrobiose, dont les
éléments cellulaires prennent difficilement les colorants, et la mé-
thode de Marchi y décèlent de nombreux corps granuleux typiques.
Ces masses sont le résultat de la nécrose et du tissu nerveux et
des parties centrales néoplasiques. Nous avons déjà indiqué les
limites de la tumeur et par suite les régions du pédoncule détruites,
à gauche, la totalité du noyau rouge et de la troisième paire, à
droite, la moitié interne du noyau rouge et de la troisième paire.
Nous avons indiqué aussi l'intégrité du pied des deux pédoncules
cérébraux.
Une lésion ainsi placée a détruit la troisième paire gauche qui
présente des lésions de dégénérescence (méthode de.Marchi et de
Weigert-Pal) très accusées et de divers stades suivant les fibres
observées, aspect qui correspond assez bien à la marche progressi-
vement envahissante de la tumeur. De semblables lésions existent
mais à un bien moindre degré dans la troisième paire droite. Nous
n'insistons pas : elles sont semblables aux lésions classiques de la
dégénérescence wallérienne observée après la destruction complète
de la cellule d'origine des nerfs périphériques.
Nous avons tenté ensuite par la méthode de Marchi de
rechercher l'existence d'un faisceau rubro-spinal qui établirait des
relations entre le noyau rouge et les divers étages médullaires.
Nous avons trouvé des granulations caractéristiques de dégéné-
rescence des fibres nerveuses, en petit nombre dans le pédoncule
cérébelleux supérieur droit, en petit nombre aussi de chaque côté
de la ligne médiane dans le bulbe et la protubérance dans une
région située immédiatement en avant du faisceau longitudinal pos-
térieur, en petit nombre dans les fibres du ruban de Reil et dans la
région du faisceau de la calotte ; mais la voie pyramidale médullaire
était intacte et il nous u été impossible de trouver un faisceau rubro-
spinal. Au surplus, on peut faire des réserves sur ce cas négatif,
puisqu'il concerne une tumeur à marche extensive ayant entraîné
la mort quatre mois après le début, et n'ayant pu ainsi créer une
dégénérescence immédiate et massive de faisceau comme le font
un ramollissement et une hémorragie brusques qui en une seule
fois détruisent un système de fibres. Cependant le caractère nette-
ment destructif du néoplasme est à signaler; nous pouvons dire
que tout le noyau rouge gauche a disparu dans l'intervalle de trois
mois et que dans ces circonstances la méthode de Marchi n'a pas
montré un faisceau dégénéré dans la moelle cervicale.
Le cas que nous venons de relater soulève deux problèmes
intéressants, l'un histologique, la nature du néoplasme,
l'autre anatomo-clinique, les relations entre le tableau symp-
tomatique observé et le siège de la lésion.
CAS DE PAPILLOME ËP1THÉUQIBK DU NOYAU ROUGE 95
Nous avons déjà discuté le premier; nous avons donné
plus haut les raisons qui nous font croire que cette tumeur
n'est point une localisation secondaire d'un cancer primitif
épithélial ayant passé inaperçu, mais bien un néoplasme
primitivement développé dans le pédoncule cérébral, pro-
bablement une variété d'aspect épithélial d'endothéliome ner-
veux, né aux dépens de la pie-mère pédonculaire (p. 20 et91).
Notre malade présentait des paralysies oculaires associées
à des troubles moteurs des membres et à des troubles de la
parole.
L'explication de ces paralysies oculaires est facile à don-
ner : la tumeur a détruit à gauche la totalité de la troi-
sième paire aussi bien dans son trajet à travers le noyau
rouge qu'au niveau de son noyau, à droite la partie interne
du trajet de la troisième paire. Il y a eu deux phases dans
l'histoire oculaire du malade, une phase initiale, paralysie
complète de la troisième paire gauche, une phase terminale,
double paralysie des deux troisièmes paires, complète à gau-
che, incomplète à droite, la lésion ayant alors franchi la
ligne médiane. Nous signalerons en outre l'absence de névrite
optique oedémateuse, qui nous avait empêché de porter un
diagnostic étiologique précis ; cette absence est fort bien
expliquée par le faible volume de la tumeur qui est destruc-
tive plus que proliférative, et au surplus éloignée de tout
vaisseau dont la compression aurait entraîné une hydrocé-
phalie ventriculaire et comme conséquence une névrite oedé-
mateuse.
Les troubles moteurs du bras et de la jambe du côté droit
ne consistaient ni en paralysie motrice proprement dite ni
en phénomènes tels que trépidation spinale et contracture,
signature de la dégénérescence du faisceau pyramidal. En
elfet, les méthodes de coloration de Marchi et de Weigert
nous ont montré l'intégrité du pied du pédoncule gauche et
de la voie motrice pyramidale médullaire.
Les troubles moteurs, cependant très prononcés, consis-
taient en réalité en démarche cérébelleuse, titubation, trem-
blement statique et intentionnel de la main droite, talonne-
ment et ataxie de la jambe droite pendant la marche, enfin en
asynergie dans les divers mouvements de cette jambe analogue
à-la description donnée par M. Babinski. Ces troubles mo-
96 CLINIQUE NERVEUSE. 1
teurs ont été signalés depuis longtemps dans le syndrome de
Weber; dès 1886, Richards, chez un malade ayant eu une
hémorrhagie du pédoncule, notait une titubation analogue
à celle de l'ivresse ; Nothnagel avait attiré l'attention sur eux
dans la pathologie de la région des tubercules quadrijumeaux,
Moeli et Marinesco dans les Archio. de Psychiatrie, puisd'As-
tros dans son remarquable travail de la Revue de Médecine
, de 1894 sur le syndrome de Weber, les ont à nouveau
signalés. Notre cas en est un nouvel exemple des plus nets,
puisque chez notre malade ces troubles moteurs existaient
indépendants de toute paralysie motrice des membres pro-
prement dite.
Quelle peut être la cause de ces troubles ataxiformes ? On
a pu invoquer dans certains cas l'excitation de la voie pyra-
midale du' pied du pédoncule, soit par la compression, soit
par l'irritation due aux produits toxiques néoplasiques. Mais,
dans notre cas, la voie pyramidale examinée par la méthode
de Marchi paraît intacte ; en outre, nous avons maintenant en
notre possession un réflexe, le réflexe cutané plantaire, qui
traduit d'une manière délicate les perturbations de la voie
pyramidale; or, chez notre malade, il était normal, en flexion.
Au surplus, ces troubles moteurs ne ressemblent pas aux trou-
bles moteurs post-hémiplégiques. A l'inverse de ces derniers,
ils ne sont pas constants, permanents; un peu analogues à ceux
de la sclérose en plaques, ils ne se produisent qu'à l'occa-
sion des mouvements voulus, que lorsque l'équilibre des
segments des membres se modifie par la contraction muscu-
laire ; enfin ils ne sont pas superposés à un état de spasmo-
dicité latent ou patent du bras et de la jambe ; on voit donc
qu'on ne peut confondre cet aspect clinique avec le syn-
drome de Benedikt, qui est un syndrome de Weber avec
tremblement post-hémiplégique. Ainsi les mouvements ataxi-
formes présentés par notre malade ne nous paraissent pas être
sous la dépendance d'une perturbation de la voie motrice
pyramidale ; nous devons en chercher la raison dans la des-
truction de certaines parties du pédoncule. 1
Le faisceau sensitif médian du côté droit est altéré. Cette
altération explique-t-elle le tremblement et l'ataxie des mou-
vements ? Elle a pu y contribuer dans une large part, mais
non y suffire à elle seule. Au début, en effet, il nous a été
impossible de constater chez le malade soit de l'hypoes- ,
CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 97
thésie certaine, soit de la perte du sens des attitudes, alors
que cependant les troubles ataxiformes étaient très pronon-
cés. Au surplus, en sens inverse, nous avons pu constater
plusieurs fois chez d'autres malades que des troubles sensi-
tifs profonds (perte du sens stéréognostique, perte du sens
articulaire), dus à des lésions des voies sensitives cérébrales,
ne s'accompagnaient pas forcément d'ataxie de mouvements
et de troubles d'incoordination semblables à ceux présentés
par notre malade. Si, par suite, l'existence des troubles sen-
sitifs favorise l'apparition. de l'ataxie des mouvements, du
moins la lésion d'un autre appareil est indispensable. Or chez
notre malade, dès le début, ont apparu des troubles d'in-
coordination et le noyau rouge gauche a été détruit, car sa
place est occupée par le centre du néoplasme. 1
La fonction de ce noyau rouge est encore inconnue. Nous
discuterons plus loin le rôle de centre tonique des réflexes
qu'on lui a attribué. L'anatomie nous enseigne qu'il est en-
touré par les fibres du pédoncule cérébelleux supérieur venu
de l'hémisphère cérébelleux du côté opposé. Pour certains
auteurs, il est en partie le point d'origine des fibres du pé-
doncule supérieur, pédoncule par suite à direction descen-
dante, pour d'autres il est au contiaire le point d'arrivée de
ce même pédoncule, qui aurait par suite une direction ascen-
dante. Notre cas confirme plutôt cette deuxième hypothèse,
car, avec la méthode de Marchi, nous n'avons pas. trouvé une
grosse dégénérescence dans le pédoncule cérébelleux droit,
au-dessous du noyau rouge gauche. Quoi qu'il en soit, le
noyau rouge est en connexion intime avec le pédoncule céré-
belleux supérieur ; sa destruction doit par suite entraîner
une perturbation dans la fonction du cervelet destiné, par
un mécanisme complexe, que nous ne pouvons analyser ici,
à maintenir l'équilibre et à régulariser les mouvements
volontaires. C'est donc à la lésion du noyau rouge gauche et
par suite du pédoncule cérébelleux supérieur droit que l'on
doit surtout attribuer les troubles ataxiformes et le tremble-
ment intentionnel observés dans le bras et lajambe du côté
droit, dont l'apparition a pu être facilitée par la lésion de la
voie sensitive.
Notre malade présentait aussi cette asynergie des mouve-
ments de la jambe décrite par M. Babinski. Dans les faits
signalés par cet auteur, l'asynergie, il est vrai, occupait.les
Archives, 2- série, t. XIV. 7
98 CLINIQUE NERVEUSE.
membres du côté de la lésion ; ces faits consistaient en
lésions bulbo-protubérantielles et se caractérisaient d'une
manière essentielle par une paralysie motrice vraie du bras
et de la jambe gauche du côté opposé à la lésion, et par des
paralysies des nerfs crâniens et une asynergie cérébelleuse
du côté même de la lésion. M. Babinski met l'asynergie céré-
belleuse sur le compte d'une altération du pédoncule céré-
belleux inférieur au niveau de la région bulbo-protubéran-
tielle et comme la voie cérébelleuse médullo-cérébelleuse, ou
cérébello-médullaire ne paraît pas s'entrecroiser, il est natu-
rel que les troubles d'asynergie siègent du côté de la lésion
bulbo-protubérantielle. Notre cas est un peu différent, puis-
que l'asynergie cérébelleuse atteint les membres du côté
opposé à la lésion ; la raison en est dans l'entrecroisement
des pédoncules cérébelleux supérieurs, de telle sorte qu'une
lésion du noyau rouge gauche agit en réalité sur le pédon-
cule cérébelleux droit. Aussi, tandis que l'asynergie céré-
belleuse peut modifier singulièrement le syndrome de Millard-
Gubler en déterminant des troubles moteurs des membres du
même côté que la paralysie des nerfs crâniens, c'est-à-dire du
côté de la lésion bulbo-protubérantielle, dans le cas actuel
elle modifie légèrement au contraire le syndrome de Weber
puisque, comme les troubles moteurs consécutifs à la lésion
de la voie motrice pédonculaire, elle siège du côté opposé aux
nerfs crâniens atteints, c'est-à-dire du côté opposé à la lésion.
En résumé, nous pouvons conclure de l'étude de notre malade
qu'une-lésion du noyau rouge, du pédoncule cérébelleux
supérieur au niveau du pédoncule cérébral, détermine une
ataxie cérébelleuse avec tremblement intentionnel et asyner-
gie des membres du côté opposé à la lésion pédonculaire.
Nous ne poursuivrons pas plus loin ce problème, car il rentre
dès lors dans la physiologie pathologique du cervelet.
A l'hémiataxie droite étaient associés chez notre malade
des troubles du langage. Ces troubles peuvent en effet s'ob-
server dans le syndrome de Weber et d'Astros les a très mi-
nutieusement analysés dans son article précité. Bien qu'as-
sociés à des troubles moteurs des membres du côté droit, on
les distingue facilement de l'aphasie, car on constate, non
une perte de la mémoire des mots lus ou entendus et des
images d'articulation, mais bien une dysarthrie. Tantôt cette
dysarthrie est analogue à celle des pseudo-bulbaires, asso-
CAS DE PAPILLOME ÙPITHLIOIDE DU NOYAU ROUGE 99
ciée à des parésies des lèvres et de la langue. Dans ce cas, la
pathogénie en est souvent complexe. Observés en effet sur-
tout, selon la judicieuse remarque de d'Astros, dans les
syndromes de Weber par ramollissement du pédoncule
cérébral et presque toujours du pédoncule cérébral gauche,
ils peuvent dépendre de grosses lésions pédonculaires, de
déficit, ayant atteint le faisceau géniculé du pied du pédon-
cule, d'autant plus que les artères radiculaires destinées à
la troisième paire traversent et irriguent la partie interne
du pied du pédoncule et qu'elles sont le siège maximum des
lésions dans le cas de syndrome protubérantiel par artérite
chronique; mais elles peuvent relever aussi, comme le mon-
trent les cas de d'Astros et de Souques, de petites lésions
lacunaires du cerveau ou de la protubérance; on peut même
observer un mélange d'aphasie vraie et de dysarthrie, asso-
ciation que font très bien comprendre la multiplicité et la
dissémination des artérites chroniques du cerveau.
Mais, dans des cas plus rares, la dysarthrie pédonculaire
est due à des lésions limitées de la calotte du pédoncule,
tubercule, tumeur..... Notre cas en est un exemple. La dy-
sarthrie n'est pas alors associée à des troubles parétiqùes
des organes d'émission des sons, lèvres, langue, larynx, elle
rappelle par ses caractères de lenteur, de scansion les trou-
bles dysarthriques des affections cérébelleuses tels que
sclérose en plaques, hérédo-ataxie cérébelleuse. Or, pour
Luys et Jaccoud, ces altérations seraient le résultat de trou-
bles d'incoordination de la parole, véritable glosso-ataxie
par lésions portant sur le système commissural cérébello-
bulbaire. Aussi, chez notre malade, sans nier absolument la
perturbation du faisceau géniculé gauche par le néoplasme
si voisin.de ce faisceau, puisqu'il a détruit la zone de sortie
de la troisième paire gauche, croyons-nous cependant préfé-
rable d'assimiler les troubles de la parole aux troubles
moteurs ataxiformes des membres et d'adopter pour cet
ensemble symptomatique une pathogénie univoque, la lésion
du pédoncule cérébelleux supérieur au niveau du noyau
rouge.
Un dernier point reste à analyser, l'état du tonus muscu-
laire. D'après une théorie récente, le tonus musculaire subi-
rait deux influences adverses, l'une excitatrice, l'autre
modératrice. La première aurait son centre d'origine dans
100 CLINIQUE NERVEUSE.
le mésocéphale, en particulier dans le noyau rouge et par-
viendrait à la moelle par la voie cérébelleuse descendante et
par un faisceau rubro-spinal. La deuxième aurait son centre
d'origine dans l'écorce motrice et parviendrait à la moelle
par le faisceau pyramidal. On comprend dès lors que la
lésion de la voie pyramidale doit entraîner une lape·lo21-
cité musculaire puisque l'action excitatrice n'est plus con-
trebalancée par l'action modératrice et que la lésion
des centres d'excitation du tonus musculaire, en parti-
culier du noyau rouge, doit déterminer au contraire une
/n/)0<o ? cë plus ou moins marquée. Or, notre malade
présente une destruction du noyau rouge sans altération de
la voie pyramidale, réalise en un mot parfaitement les con-
ditions de la deuxième supposition. Quel était donc l'état du
tonus musculaire chez lui ? Nous l'avons trouvé exagéré des
deux côtés avec des réflexes vifs, mais sans trépidation
spinale cependant. On ne peut dire par suite que, chez notre
malade, le noyau rouge était le centre producteur du tonus.
Au surplus, comme l'a indiqué M. Grasset, le maintien et
l'exagération du tonus musculaire sont le résultat d'un méca-
nisme très complexe auquel participe tout l'axe cérébro-
spinal ; le cas de notre malade vient démontrer à nouveau
combien est encore lointaine l'explication définitive de la
contracture spasmodique post-hémiplégique.
Nous résumerons ainsi notre observation. Un homme est
atteint d'un syndrome de Weber très particulier en ce sens
que les troubles moteurs des membres du côté droit, asso-
ciés à la paralysie de la troisième paire gauche, consistent
non en paralysie motrice vraie, mais en incoordination, en
ataxie, en asynergie, en dysarthrie ; ils s'accompagnent
d'une exagération généralisée des réflexes ; ils siègent du
côté opposé à la lésion pédonculaire. A l'autopsie nous trou-
vons exclusivement un endothéliome primitif, d'aspect épi-
thélial, né aux dépens de la pie-mère pédonculaire et ayant
détruit à gauche la totalité du noyau rouge, à droite la
moitié interne de ce même noyau, ayant au contraire res-
pecté entièrement le pied des deux pédoncules. Il semble
donc que les troubles moteurs des membres ont été déter-
minés par la lésion de la voie cérébelleuse supérieure, inter-
rompue dans le cas actuel au niveau du noyau rouge.
PATHOLOGIE NERVEUSE
Tremblements infantiles et nystagmus congénitaux.
Essai de classification séméiologique;
PAR MM.
E. 1,\OLLE,
Ancien interne des hôpitaux de Pans,
Médecin suppléant de l'Iopilal civil de Brest.
E. AUI31\EAU,
Ancien chef de etiuujue du D''dcWcckcr,
Oculiste de l'hôpital civil de Brest.
Au cours de nos consultations à l'hôpital civil de Brest,
nous avons été frappés du nombre relativement considérable
de Nystagmus dits Essentiels que nous observions au milieu
d'autres sujets présentant du tremblement des yeux sympto-
matique d'une maladie du système nerveux ou d'une alté-
ration de l'appareil de la vision. Parfois l'affection se retrou-
vait chez plusieurs membres de la même famille et tous
avaient été frappés dès la naissance : leur Nystagmus était
à la fois congénital et héréditaire. En examinant plus parti-
culièrement certains d'entre eux il nous a été possible de
retrouver d'autres signes indiquant la participation du sys-
tème nerveux à la production du phénomène. Il y avait là
autre chose qu'un symptôme isolé, un véritable syndrome
clinique plus ou moins complexe qu'il nous a paru intéres-
sant d'approfondir. L'observation d'une variété exception-
nelle du tremblement familial, le Tremblement Infantile
Congénital, nous a semblé se rattacher intimement aux faits
précédents. Nous avons donc cherché à leur assigner un
rang dans les affections du système nerveux, et nous avons
tenté, d'après leur tableau clinique, de les enchaîner aux
grandes affections mieux connues parce qu'on avait pu
déterminer leurs lésions anatomiques. Nous avons naturelle-
ment divisé ces faits d'après les symptômes surajoutés et
nous avons établi une progression allant du Tremblement ou
103 'l) PATHOLOGIE NERVEUSE.
du Nystagmus simples aux formes rendues plus complexes
par les signes nouveaux qu'ils présentaient à l'examen. Bien
que nous soyons convaincus que le tremblement de la tête
et le tremblement des globes oculaires soient des phéno-
mènes du même ordre, nous les avons schématiquement
divisés en deux catégories que nous étudions tour à tour.
Les réflexions qu'elles nous ont suggérées sont du reste les
mêmes. Nous avons été heureux, dans la courte étude biblio-
graphique que nous avons pu faire, de nous assurer qu'au
moins pour le Tremblement Infantile nous partagions les
idées d'un certain nombre d'observateurs qui se sont pré-
occupés de la même question (Démange, Thébault, Joffroy,
Bourgarel, Rubens, etc.), et nous sommes arrivés au point
de vue spécial que nous nous sommes proposé, à la conclu-
sion que MM. Achard et Soupault' formulaient pour les
tremblements héréditaire et sénile : « Toute distinction
entre le tremblement héréditaire et le tremblement sénile
nous paraît injustifiée et nous estimons qu'il y aurait tout
avantage à supprimer ces dénominations inexactes et à
réunir ces deux affections en une seule sous le nom de
tremblement essentiel ou de névrose trémulante. » Nous
faisons toutefois une réserve pour ce dernier terme : nous
pensons qu'il existe des lésions bien caractérisées suscep-
tibles de les expliquer bien que nous n'ayons pu nous assu-
rer de leur existence.
I. - Tremblement infantile congénital familial
Observation. Geon. Henriette, âgée de trois mois le 18 avril 1901.
L'enfant est née à terme, les couches ont été bonnes : l'accouche-
ment avait duré trois jours, mais les grandes douleurs n'ont duré
qu'une demi-heure. L'écoulement du liquide amniotique aurait
été médiocre.
C'est le septième enfant : le premier est un garçon de douze ans
bien portant opéré en décembre 1899 par le Dr Civel d'un abcès froids
du dos. Le deuxième est un garçon de neuf ans bien portant. Le
troisième, garçon mort à trois mois de méningite. Le quatrième,
garçon mort à treize mois avec des phénomènes méîingiliqïies con-
sécutifs à une diarrhée infantile. Celui-ci tremblait de la tête depuis
sa naissance. Il avait des attaques épilepliformes avec écume de
' Achard et Soupault. Gaz. Ieebclon., 22 avril 1897.
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 403
la bouche et yeux convulsés. Pendant ces attaques, le visage était
noir et l'enfant semblait ne pas respirer. Le début des attaques
remontait à l'âge de sept à huit mois : d'abord rares, elles ont été
en s'exagérant jusqu'à se présenter à trois reprises le même jour.
La maladie terminale n'a duré que quatre à cinq jours pendant
lesquels l'enfant criait constamment. Le cinquième est un garçon
de quatre ans bien portant. Le sixième est une petite fille de deux
ans bien portante; le septième est le sujet. 1
La mère n'a jamais été malade, n'a jamais fait de fausses cou-
ches. Le père tousse continuellement, crache parfois, sue par-
fois la nuit, a craché du sang. Il a fait une bronchite il y a cinq
ans. N'a jamais eu d'éruptions sur le corps, est maçon de son mé-
tier. Il n'y a pas de tousseurs dans la famille du père et de la
mère. Aucune autre personne ne tremble dans la famille.
La mère a remarqué que, dès /'t ! g'6 de quinze jours, l'enfant
remuait la tête dans le sens horizontal. Ces mouvements rappellent
ceux présentés par le frère aîné mort d'accidents méningitiques et
ont débuté à peu près à la même époque. Ces mouvements, d'abord
peu marqués, se sont exagérés peu à peu.
L'enfant a été élevée au sein, n'a jamais eu d'indisposition. Son
aspect est des meilleurs : les masses musculaires sont fermes. Elle
ne présente pas d'éruption sur la peau. Elle ne présente aucun stig-
mate de syphilis (oreilles, anus, lèvres, bouche etc.), pas de pla-
ques ptérygoïdiennes de Parrot. Pas de signes morbides dans les
poumons ou au coeur, pas de polymicroadenopathies. Pas de trou-
bles digestifs, les selles sont bonnes.
Les réflexes patellaires sont légèrement exagérés. Le chatouille-
ment de la plante du pied détermine un léger relèvement des
orteils
Il n'y a pas de troubles apparents de la sensibilité. L'enfant voit
bien, elle entend bien. Elle ne présente pas de modifications appré-
ciables de la voix : elle crie comme tous les enfants. La tête est
bien conformée, les oreilles sont un peu grandes, allongées, avec
ourlet aplati. La fontanelle antérieure est bien tendue, la tête est
recouverte de petits cheveux bruns.
A l'état de repos, l'enfant a la tête agitée d'un petit tremblement
à oscillation assez rapides, courtes, brèves, à direction horizontale.
Ce tremblement se manifeste dès que l'enfant regarde devant elle,
mais, dès quelle tourne la tête et que, la baissant, elle prend un
point d'appui même léger, le tremblement cesse. Lorsque l'enfant
dort, la tête appuyée, le tremblement cesse encore. Si l'enfant
tourne la tête sans prendre de point d'appui, le tremblement
cesse encore. Ce tremblement s'exagère à l'occasion de quelque
émotion : joie ou colère. Il n'y a pas de tremblement dans le sens
vertical.
Les yeux ne présentent rien de spécial. L'examen du fond d'oeil
'104 PATHOLOGIE NERVEUSE.
pratiqué par le Dr Aubineau a été trouvé normal. Il n'y a pas de
nystagmus.
Du côté des membres supérieurs, on observe des mouvements
athétosiques analogues à ceux des autres enfants. Mais il n'y a pas
de tremblement des membres.
L'enfant, à ce moment, présente un léger coryza.
Antécédents héréditaires (complément). Le grand-père maternel
est aveugle de naissance : il est âgé de soixante-six ans.
Un oncle maternel, fils du précédent, serait également aveu-
gle-zzé. Il a cinq autres frères et soeurs bien portants. ,
La grand-mère maternelle, bien portante, est morte du choléra à
l'âge de quarante ans.
Marche. L'enfant revue à plusieurs reprises a toujours présenté
le même symptôme. Elle avait été amenée par la mère, dans la
crainte d'accidents mémngitiques analogues a ceux qui avaient
emporté le frère, atteint du même tremblement.
Les tremblements essentiels analogues à celui que nous
faisons connaître sont exceptionnels. Récemment M. le pro-
fesseur Raymond et son chef de clinique M. Cestan en pré-
sentaient un cas intéressant, non familial, à la Société de
Neurologie 1. Nous renvoyons à la discussion soulevée par
cette présentation pour l'historique des faits antérieurement
connus.
John Thomson 2 a étudié sous le nom de spasme nuant
une affection qu'il considère comme une névrose fonction-
nelle affectant les jeunes enfants, et a évolution courte et
bien définie : ses symptômes principaux consistent dans des
mouvements involontaires de la tête avec nystagmus ocu-
. laire. Ce dernier peut manquer quelquefois. La relation
entre les mouvements de la tête et le nystagmus est démon-
trée par ce fait que lorsqu'on ferme les yeux, les mouve-
ments de la tête s'arrêtent, et que si on immobilise la tête,
le nystagmus s'accentue ou apparaît s'il n'existait déjà. Les
trois quarts des cas se présentent de quatre à douze mois.
La maladie est plus fréquente chez les filles et l'hérédité
' Raymond et Cestan. Soc. de Neurol. Séance du jeudi 2 mai 1901, in
Revue Neurologique n° 9, p. 178. Un cas de tremblement essentiel con-
génital (du type sénile).
' Thomson. Sur l'éliolorlie du spasme nulant avec .\'yslagnxus chez
les petits enfants. (The Scollish Médical cccul Surgical Journal 1900,
juillet, p. 7, vol. VII, n° I), analybé in Presse médicale 1901, 13 avril,
n° 30, par Tollemer.
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX '108
nerveuse semble influencer sa production. La dentition
paraît avoir un effet prédisposant ainsi que certaines mala-
dies infectieuses : rougeole, bronchite, etc. Mais l'élément
causal principal est le mauvais éclairage de la pièce où
habite l'enfant, et la maladie serait due aux efforts continus
que fait le petit être pour regarder par la fenêtre. De même
elle se rencontre de préférence dans les mois les plus
obscurs de Tannée. Le rachitisme est fréquent chez les petits
malades. Le spasme nutant a beaucoup d'analogie avec la
chorée.
Il s'agit là évidemment d'une affection tout à fait
étrangère au tremblement essentiel infantile dont la durée
paraît être indéfinie. En outre il y a dans cette dernière
affection plus qu'une manifestation isolée d'une simple
névrose fonctionnelle. En analysant les divers renseigne-
ments fournis par notre observation, nous trouvons une
importante tare nerveuse chez les ascendants maternels : le
grand-père et un oncle aveugles-nés. 11 s'agit donc ici d'une
affection à manifestations cérébrales variables apparaissant
chez quelques-uns seulement des membres d'une même
famille. Nous retrouvons là un élément commun aux diverses
maladies familiales, respectant certaines personnes, en frap-
pant d'autres eu vertu de lois obscures ou mieux parfaite-
ment inconnues. Il existe certainement une relation directe
entre l'infirmité présentée par le grand-père et l'oncle'
maternels et le tremblement essentiel congénital de deux
des descendant. Chez l'un d'eux le développement irrégu-
lier des centres nerveux se traduit d'autre part par l'exagé-
ration des réflexes patellaires ; chez le second par des crises
épileptiformes survenues de bonne heure et par un état de
faiblesse relative qui permet le facile envahissement des
méninges par une inflammation secondaire à un choléra
infantile. Chez un dernier enfin, des accidents méningi-
tiques mortels sont les seules manifestations de cet état
morbide si apparent chez quelques membres de la famille
et qui n'est peut-être que latent chez les frères et soeurs,
n'attendant pour se produire qu'une occasion qui peut
d'ailleurs ne pas se présenter.
106 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Il. Nystagmus congénitaux .
Les cas de nystagmus que nous allons maintenant passer
en revue se divisent naturellement en trois catégories : "
1. Les Nystagmus essentiels simples ;
2. Les Nystagmus essentiels avec exagération des réflexes
patellaires;
3. Les Nystagmus essentiels à caractère familial avec ou
sans exagération des réflexes patellaires.
Tous ces nystagmus ont pour caractère primordial d'être'
congénitaux. Il va sans dire que nous avons soigneusement
éliminé de cette étude les nystagmus symptomatiques d'une
affection nerveuse caractérisée et ceux qui pouvaient être la "
conséquence d'un vice de réfraction, d'une anomalie congé-
nitale ou d'une lésion de l'oeil. Nous avons noté du strabisme
dans quelques-unes des observations qui vont suivre. Malgré
la coïncidence de ce symptôme intermittent ou permanent,"
malgré que nous ayons trouvé une fois une forte myopie
monoculaire, nous avons considéré ces cas comme se ratta-
chant au .nystagmus essentiel en raison de leur caractère
familial ou des autres symptômes (exagération des réflexes,
inégalité pupillaire) qui les accompagnaient. Parmi les
mouvements de la tête que l'on rencontre très fréquemment
avec le nystagmus, les mouvements lents d'inclinaison ne
sont pas assimilables à des tremblements. Il n'en est pas de
même des mouvements que nous avons qualifiés de pendu-
laires et que nous avons trouvés dans six de nos observa-
tions : il s'agit bien là de tremblements oscillatoires pen-
dulaires absolument analogues aux mouvements nystag-
miques. ' -
A. Nystagmus essentiels simples.
Observation. 11[ell. fea ? ijze, âgée de quatorze ans. vient à la consul-
tation de l'hôpital civil le 13 juillet 1901. Elle est la seule de la
famille à présenter cette infirmité. C'est une fille de taille moyenne
qui n'offre rien de particulier dans les grands appareils; le coeur,
les poumons, le tube digestif, fonctionnent bien. Elle ne présente
pas d'atrophie musculaire, pas de déviation de la colonne verté-
brale, pas de tremblement intentionnel.
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 107
Le nystagmus pour lequel elle vient consulter existe depuis la
naissance : c'est un nystagmus à tremblement transversal (non hori-
zontal) qui s'exagère par la vision dans les positions extrêmes de
l'oeil. Le sujet incline naturellement la tête pour arriver à immobi-
liser les yeux. Il n'a pas de tremblement ni d'oscillations (mouve-
ments pendulaires) de la tête, mais des mouvements lents de la
tête qui s'exagèrent, disent les parents, sous l'influence du travail
ou d'une émotion.
Le sujet ne présente pas de modifications des réflexes patellaires.
Pas de clonus du pied. La sensibilité est conservée intégralement.
Examen des yeux. = V = 1 (H in -f- 0,50). Pas de strabisme,
fond d'oeil normal. Réactions pupillaires et réflexes normaux.
Observation II. Ben. Francisque, âgé de douze ans et demi, se
présente à la consultation de l'hôpital civil le 11 juin 1901. Le sujet
est venu à terme : il a présenté une ophtalmie purulente probable
au moment de la naissance : cette affection s'est du reste bien
terminée.
Il a eu quatre frères et soeurs. Il est le troisième et est le seul
restant. Il a eu la coqueluche à deux ans et demi : à ce moment
il a vomi du sang. A la même époque il eut une rougeole. En 1897
il fit une fluxion de poitrine à la suite de laquelle il a présenté une
sorte de paralysie des membres inférieurs (ataxie-abasie ? ) qui a
duré un mois, il a pu remarcher à la suite. L'enfant toussait et
vomissait facilement jusqu'à il y a deux ans et demi. Du reste,
maintenant encore, il tousse et vomit facilement. Jusqu'à l'âge de
trois ans il dormait mal.
De ses quatre frères et soeurs, un est mort du croup à trois ans
et demi, une soeur est morte à trois ans et demi de méningite, un
troisième est mort en naissant. Un quatrième garçon est mort à
trois mois et demi de diarrhée infantile.
Le père est mort de dysenterie chronique à l'âge de quarante-
deux ans et demi.
La mère est bien portante : elle a eu une fièvre typhoïde avant la
conception de l'enfant. Elle était à peine rétablie au moment de la
conception. Pendant la grossesse elle avait été faible et très ner-
veuse (sans attaques).
Etat actuel. Enfant d'apparence robuste, est intelligent, répond
très bien à toutes les questions qu'on lui pose. La langue est bonne,
la dentition est bonne, le tube digestif fonctionne bien. Il n'y a
rien au coeur ni aux poumons. Rien dans les urines.
Il présente un nyslagmus transversal à petites oscillations remar-
quable par sa plus grande fréquence dans tous les mouvements
commandés. Ce nystagmus s'accompagne de mouvements pendu-
laires de la tête caractérisés par de petites oscillations.
108 PATHOLOGIE NERVEUSE.'
Ce nystagmus remonte à la naissance; mais la mère raconte qu'il
se serait surtout exagéré à partir de deux ans. Instinctivement
le sujet porte la tête à droite et fixe dans la position droite extrême :
dans cette situation il parvient à immobiliser ses yeux. Mais dans
la position gauche extrême le nystagmus persiste. -
Le sujet ne présente pas d'atrophies, il est bien conformé, il n'a
pas de tremblement intentionnel des membres. Il marche facile-
ment, n'a pas de Romberg. Cependant la mère signale qu'il a
des mouvements incoordonnés, qu'il bouge constamment, la force
musculaire est conservée dans son intégrité. Au dynamomètre
M. U = 9 M. G = 11 (il s'agit d'un dynamomètre pour adultes).
Il n'y a pas de troubles de la sensibilité. Les réflexes patellaires
sont normaux. Il n'y a pas de clonus.
En examinant plus attentivement le malade on constate qu'il
existe un très léger tremblement des mains.
Les oscillations de ce tremblement se font dans le sens transver-
sal. On constate aussi un léger état de spasticité et de la trémuia-
tion des mains. '
Ecriture du sujet à la date
L'écriture du sujet est manifestement tremblée.
Examen des yeux =V - 3 - Hm + 0,50. Fond d'oeil et milieux
3
oculaires normaux. Réactions pupillaires normales. Le sujet fut
soumis au traitement par l'autipyrine, le sirop de chloral à hautes
doses, la picrotoaine à la dose de 2 milligrammes sans aucun
bénéfice.
Observation III. Glo. François, âgé de quatorze ans. Elève au lycée
de Brest.
Nystagmus horizontal. Emmétrope, vision normale. Pas d'ano-
malies dans l'oeil. Pas de mouvements de la tète. Asymétrie faciale.
Héllexes normaux.
Observation IV. Lej. Geneviève, âgée de cinq ans.
Nystagmus horizontal. Strabisme alternant convergent intermit-
tent. Hm -(- 0,'75 à la lcératoscopie. Pas de lésions du fond de
I'oeil. Inéralié pupillaire très nette (les deux pupilles réagissent ci la
lumière et ci lléflexes normaux. Père mort alcoo-
lique.
Plusieurs particularités des observations qui précèdent méritent
d'attirer l'attention : le sujet de l'observation 5 a été conçu à la
suite d'une fièvre typhoïde et alors que sa mère se trouvait dans
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 109
des conditions de nervosité et de faiblesse accentuées. On connaît
la prédilection des grandes infections et en particulier de la fièvre
typhoïde pour les centres nerveux, et l'on peut se demander si
l'infection ébertbienne, qui, longtemps encore après la disparition
des phénomènes immédiats, peut persister, dans le sang, comme
le prouve la réaction de Widal, ne saurait en pareil cas impres-
sionner d'une façon nuisible le développementdu système nerveux
du produit de la conception. Remarquons encore que, bien que le
nystagmus occupe le premier rang dans les symptômes présentés
par les précédents malades, il, est loin d'exister à l'état isolé.
Den... a de l'instabilité motrice au dire de sa mère. Il présente
nettement du tremblement des doigts, de la trémulation et de la
spasticité des mains que son écriture révèle. Glo... a de l'asymé-
trie faciale. Lej... a de l'inégalité pupillaire,. avec conservation
des réflexes iriens. En résumé, sur 4 sujets, 3 présentent déjà des
signes indéniables d'altérations du système nerveux central.
B. -11'ystugmus avec exagération des réflexes.
013-ERV,%TION' I. /)... ilittî-the, huit ans et demi, vient consulter
le 5 octobre 1901. Est la troisième de 4 enfants.
1° G..., quatorze ans, rien de particulier. 2° G..., douze ans.
Extrêmement nerveux, est venu consulter pour des douleurs
d'oreilles siégeant droite ou à gauche, ne s'accompagnant pas
de fièvre, durant des heures pour cesser subitement. Enfant à
figure pâle, présentant un dédoublement physiologique du deu-
xième bruit à la base du coeur. S'est modifiée rapidement sous
l'influence de l'hydrothérapie et d'un traitement ferrugineux (pro-
toxalate de fer). Ne présente pas de nystagmus. 3° Le sujet. 4° Une
petite fille de cinq ans. Tous ces enfants sont intelligents ; le sujet
serait le moins bien doué.
Les parents sont bien portants et ne présentent pas de tare appa-
rente. Une tante paternelle aurait une légère myopie. Le père a
une myopie forte.
La grossesse a été normale. L'accouchement s'est fait dans
d'excellentes conditions.
C'est une enfant bien constituée sans tare organique : elle ne
présente pas d'autres signes que des dents crénelées avec une den-
tition légèrement défectueuse rappelant celle des adénoïdiens. Le
sujet est d'une émotivité extrême ; elle a des phobies, en particu-
lier elle a peur des animaux sans aucune espèce de raison. Elle se
plaint aussi d'une sensation de froid qu'il est très difficile de faire
disparaître.
110 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Examen des yeux. Nystagmus mixte, horizontal et rolatoire.
Strabisme alternant divergent intermittent. Emmétrope.
V Lecture facile. Fond d'oeil et milieux oculaires normaux.
Pas de tremblement de la tête. La mère raconte que le nystagmus
aurait toujours existé. '
Les réflexes rotuliens sont notablement exagérés. Il n'existe pas de
trépidation épileptoïde du pied. 11 n'y a pas de signe de Babinski.
Les réflexes oMo'6[)tte ? ! S sont également exagérés, mais dans de
faibles proportions. Il n'existe pas de tremblement intentionnel
des membres supérieurs. Il n'y a pas de tremblement de la tête,
du corps ou des mains, il n'existe pas de troubles de la sensibilité.
D'après le dire de la mère, l'enfant aurait des mouvements
désordonnés dans les bras et dans les jambes, mais ces mouve-
ments n'ont aucun des caractères de ceux de la chorée.
Observation II. Bern... Joseph, dix-sept aîzs, vient consulter le
23 novembre 1901. Le père est mort tuberculeux. La mère, 3 soeurs
et un frère sont bien portants. Le sujet ne peut fournir de rensei-
gnements sur ses oncles et tantes qui lui sont inconnus. Mais il est
affirmatif lorsqu'il dit qu'il est le seul dans la famille dont les
yeux bougent. Lui-même n'a jamais eu d'autres maladies qu'une
bronchite, il y a un an. L'examen des appareils ne révèle qu'une
respiration soufflante au sommet droit, accompagnée d'une exa-
gération dans la tonalité du deuxième bruit pulmonaire à la base
du coeur.
Examezz des ? /eM.c. Nystagmus horizontal. Milieux et fond d'oeil
4
normaux. Emmétrope. Vue'= . Réactions pupillaires normales.
Oscillations pendulaires de la tête .
Le sujet ne présente pas de tremblement des mains. Il ne pré-
sente pas de Romberg. Les réflexes patellaires sont normaux. Mais
on constate une ébauche de clonus du pied qui ne se reproduit
pas au deuxième examen. Pas de signe de Habinski. A un nouvel
examen on constate toujours à la première épreuve une ébauche
de clonus caractérisée par 2 ou 3 ressauts. Pas de troubles de la
sensibilité. Le nystagmus remonte à la naissance. Le sujet n'a
jamais été malade.
Dans l'une des observations qui précèdent l'exagération
des réflexes rotuliens est nettement accentuée. Dans la
seconde l'ébauche de clonus que nous n'avons pu obtenir
qu'à la première épreuve nous a paru cependant indéniable.
Devons-nous donc considérer ces sujets comme atteints de
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX ']'Il
sclérose en plaque fruste ? Cette opinion est inadmissible
parce qu'en dehors de l'absence de signes plus caractérisés
de cette dernière affection, le nystagmus est apparu dès les
premiers jours de la vie, et qu'en outre il manque à cette
hypothèse une notion étiologique importante : l'absence de
toute infection profonde que l'on rencontre toujours dans
l'histoire des sujets frappés de sclérose en plaques. Nous
pensons donc qu'ici encore une anomalie dans le développe-
ment du système nerveux central a entraîné l'apparition des
signes morbides.
C. Nystagmus essentiels familiaux.
Observation I. Liv..., vingt-trois ans. Séminariste. Nystagmus
horizontal. Rien d'anormal dans les milieux oculaires. Aucune
lésion du fond d'oeil. Pas de strabisme. Ilm z- 0,75 V = -^-. Lec-
ture facile. Ni mouvements ni tremblements de la tête. Réflexes
normaux (patellaires).
Observation II. Liu..., vingt ans (frère du précédent). Nystag-
mus présentant les mêmes caractères que chez le frère. Pas de
mouvements ni de tremblements de la tête. Bonne vision. Le jeune
homme est entré au service comme engagé volontaire. Les réflexes
patellaires n'ont pas été examinés.
Observation III. Appr... François, trente-sept ans. Se présente à
la consultation de l'hôpital le 24 septembre 1901.
Examen des yeux. Nystagmus mixte (horizontal et rotatoire).
Ce nystagmus existe depuis la naissance. 11 s'accompagne d'oscil-
lations de la tête nettement pendulaires à amplitude très courte,
semblant comme le nystagmus exister constamment.
. 0. G. Em... V= 1 0. D. Myopie de 9 D. sans lésions choroï-
diennes (cet oeil a du strabisme divergent et est amblyope par
défaut d'usage). 11 existe un staphylome postérieur. Le père du
sujat est également atteint de nystagmus et fait l'objet de l'obser-
vation IV. Il existe un frère dont les yeux ne bougent pas.
Le sujet n'a jamais été malade. 11 a été réformé pour varices
des membres inférieurs. Il ne présente pas de troubles de la sen-
sibilité. Les réflexes patellaires sont normaux. Il ne présente pas
de troubles nerveux ni de signes d'une affection des centres ner-
veux.
Il offre une asymétrie faciale intéressante : la face est déjetée à
gauche et rejetée en arrière de ce côté. Le nez est incliné à gauche.
112 PATHOLOGIE NERVEUSE..
La dentition est assez bonne, mais la langue est tirée à gauche
sans qu'il manque de dents de ce côté. Il n'y a pas d'atrophie, pas
de modifications du thorax, aucun signe de troubles du côté du
système nerveux.
Observation IV. App... Jean, soixante-quatre ans. Père du précé-
dent. Nystagmus mixte, horizontal et rotatoire. Vision bonne :
emmétropie. Hien d'anormal dans les milieux et le fond de l'oeil.
Oscillalions de la tête nettement pendulaires à amplitudes très
courtes semblant comme le nystagmus exister constamment. Les
réflexes patellaires sont normaux.
Observation V. Renseignements fournis par le père de deux enfants.
Le père, M. M..., âgé de trente-deux ans, n'a jamais été malade;
il aurait toussé vers l'âge de dix a douze ans. Au régiment, a eu
des rhumatismes généralisés sans complication cardiaque. Marié
à vingt-six ans avec MI ? M..., âgée de trente et un ans, bien por-
tante, pas de nystagmus. Un frère de la mère, âgé de trente-
trois ans, a du strabisme et du nystagmus (Obs. Vil). Deux autres
frères vivants ne présentent rien de semblable. Elle a deux soeurs
également bien constituées, mais un cousin germain des deux
enfants aurait quelque chose dans le regard (Obs. IX). Le grand
père maternel est mort il y a vingt ans environ. La grand'mère
maternelle, âgée de soixante-onze ans est bien portante.
' Du côté latewzel Un frère du père est bien portant et a des
enfants qui sont normaux. Une soeur est également bien portante.
Le fils aîné, Jean-Marie M..., a eu cinq ans au mois de mai 1901.
Il est le premier enfant. La grossesse a été normale, l'accouche-
ment a été facile. Il a été élevé au sein par la mère pendant cinq
à six mois, puis au petit pot pendant dix-huit mois. A marché à
douze mois, a parlé à peu près bien à dix-huit mois, va à l'école
depuis deux ans déjà. Ne sait pas.lii-e encore. Il est gai et joue
bien. Cet enfant a eu, en 1900, des fièvres intermittentes, accom-
pagnées de tremblements généralisés qui ont cédé facilement à la
quinine. L'enfant est bien conformé, a une bonne dentition. Les
organes n'ont pu être examinés, l'enfant ayant refusé de se laisser
déshabiller. Il présente un ganglion rétro-cervical à gauche. Les
réflexes patellaires sont normaux. Il ne parait pas exister de
troubles de sensibilité.
D'après le père, le tremblement des yeux aurait toujours existé.
Il en serait de même chez le frère cadet.
Examen des yeux. - Nystagmus horizontal. Mouvements pen-
dulaires de la tête à amplitude assez grande. Ces mouvements
semblent être compensateurs de ceux des globes oculaires. Il n'y a
pas de strabisme. Emmétropie. Pas d'anomalies ni de lésions des
yeux. '
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 113
Observation VI. Yves ilL ? qztalre ans. Est venu au monde
facilement. Elevé au sein peu de temps, puis au petit pot. N'a
jamais été malade. A marché à douze mois environ. A parlé à
peu près à la même époque. Un troisième enfant est mort à l'âge
de vingt jours. Le père ne sait pas s'il tremblait des yeux. Chez
Yves M... le nystagmus a toujours existé.
Etat actuel. C'est un enfant à gros ventre, à jambes arquées
en dehors. Il ne tremble pas des mains. La langue est bonne, l'ap-
pétit excellent, les digestions faciles. Les dents petites et noin-s
au niveau des incisives supérieures sont écartées les unes des
autres. L'enfant ne présente aucun signe anormal au coeur ni aux
poumons. Il n'a pas de polymicro adénopathie. La sensibilité est
normale. Les réflexes patellaires sont normaux.
' Examen des yeux. Le nystagmus et le tremblement de la tête
présentent les mêmes caractères que chez le frère aîné. Pas d'amé-
tropie ni d'anomalies à signaler.
Observation VII. François Le Br..., trente-trois ans, oncle mater-
nel des deux enfants précédents. A été réformé du service militaire
pour ses yeux. N'a jamais été malade. C'est un alcoolique ren-
forcé. ,
Sujet suffisamment.vigoureux, à dentition bonne, mais les dents
sont très mal entretenues. La langue est bonne, l'appétit est bon,
les digestions sont faciles. Le sujet ne présente pas de modifica-
tions de la voix, il n'a pas de rire ni de pleurs spasmodiques. Il
n'a pas de troubles de la sensibilité. Il n'y a pas de tremblement
intentionnel des membres supérieurs, et d'une façon générale ne
tremble pas.
On constate une légère mais très nette exagération des réflexes
des membres inférieurs (réflexes patellaires) avec une ébauche de
trépidation épileptoïde. Les réflexes des membres supérieurs sont
également plus marqués qu'à l'état normal. Il n'a pas de tremble-
ment fibrillaire des muscles.
Examen des yeux. Nystagmus horizontal (qui a toujours existé)
plus irrégulier et moins évident que chez les enfants NI... Stra-
bisme alternant convergent. Fond d'oeil normal. Bonne vision de
chaque oeil : emmétropie. Pas de tremblement de la tête. Réflexes
oculaires normaux. Milieux oculaires normaux.
Observation VIII. Un frère du précédent est mort, il y a vingt-
cinq ans, du croup, à l'âge de cinq ans. Il aurait eu, dès son jeune
âge, du tremblement des yeux qui a toujours existé. Ce renseigne-
ment est donné par les soeurs actuellement vivantes.
Observation IX. C... Louis François, âgé de dix ans, cousin ger-
main par la mère des deux enfants qui font le sujet des observa-
ARCHIVES, 2 série, t. XIV. 8
114 PATHOLOGIE NERVEUSE
tions V et VI. Il n'a jamais eu que des maladies insignifiantes. Il
a eu deux frères et deux soeurs bien portants dont les yeux ne
tremblent pas.
Les parents sont bien portants et n'ont pas dé tare nerveuse.
L'enfant vit à la campagne, à Pedan-Trahon (Kersaint-Plabennec)
où nous l'avons examiné. Indépendamment des parents précédents,
nous avons retrouvé, vivant dans le même milieu, une tante, Marie
Yv. Le Br..., soeur des sujets des observations VII et VIII, qui ne
présente pas de nystagmus.
Examen des yeux. Strabisme alternant convergent intermit-
tent. Secousses 12ystagmiqites très rares n'existant que dans les posi-
tions extrêmes du regard. Les pupilles réagissent bien à la lumière
et à l'accommodation. Kératoscopie. Vue normale. Hm très légère.
Fond d'oeil normal. Rien dans les milieux de l'oeil. Tremblement
de la tête peu accentué, mais nettement pendulaire.
Nous n'avons pu savoir des parents si le nystagmus a existé dès
la naissance. Les renseignements, qui nous ont permis de retrou-
ver ce malade, nous ont été fournis par les parents des sujets des
observations V et VI qui vivent loin de cet enfant et qui ont remar-
qué l'étrangeté de son regard par analogie avec ce qu'ils avaient
observé chez leurs enfants. Du reste, le nystagmus est à peine
esquissé dans le cas présent ; mais le tableau est le même que
chez les enfants M... et de plus il y a du strabisme comme chez
l'oncle Le Br...
L'audition est normale. Il n'y a rien dans les grands appareils :
le coeur fonctionne bien, la langue est bonne, la dentition est
excellente, le tube digestif fonctionne bien. On entend quelques
râles de bronchite dans la poitrine de l'enfant qui vient d'être
souffrant.
Il n'y a pas d'asymétrie faciale, le thorax est bien conformé. On
ne constate de troubles trophiques nulle part. Les organes géni-
taux sont bien développés. Il n'y a pas de troubles de la sensibilité
à la piqûre et de la sensibilité thermique. On ne constate pas de
tremblement des membres, pas de troubles vaso-moteurs.
Réflexes patellaires. Le réflexe palellaire gauche est plus mar-
qué qu'à droite : ce signe est surtout sensible quand on percute
les réflexes, l'enfant étant assis sur le bord d'une table. Avec de
la persistance, on arrive à déterminer quelques secousses cloniques
au niveau du pied gauche, caractérisées par deux ou trois mouve-
ments de trépidation épileptoïde très nette.
Signes cérébraux. L'enfant s'est bien élevé, est venu au monde
facilement, a fait ses premières deuts à sept ou huit mois. Il n'a
parlé franchement qu'à l'âge de trois ans et on a remarqué chez
lui une certaine paresse de cette fonction. Il sait lire et écrire, son
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 115
intelligence est ouverte et sa figure expressive avec un peu d'étran-
geté déterminée par son strabisme.
Il a uriné au lit très tard et maintenant encore il lui arrive par-
fois d'avoir des mictions nocturnes *.
Nous nous trouvons donc en présence d'une série de
malades' chez lesquels le tremblement bien loin d'exister à
l'état isolé, occupe seulement la première place d'un syn-
drome morbide plus ou moins complexe. Il ne nous semble
pas que jusqu'à présent on ait envisagé cette affection sous
ce point de vue ; du moins nous ne connaissons dans la
littérature médicale aucun travail inspiré dans ce sens. Nous
avons montré au sujet de notre observation de tremblement
infantile quelle importance offrait l'étude des ascendants et
des collatéraux au point de vue des tares nerveuses qui ont
frappé certains d'entre eux.' Cette réflexion qui s'applique à
toutes les variétés de nystagmus que nous avons passées en
revue présente son maximum d'intérêt dans les formes
familiales. La loi de l'hérédité similaire que l'on peut ins-
crire en tête de toutes les affections familiales du système
nerveux se retrouve ici fidèlement observée 3 : il semble que
ces sortes de sujets aient leurs lésions calquées les unes sur
les autres (obs. 1 et 2, 3 et 4, et 6). Parfois cependant
d'autres symptômes se surajoutent et viennent compliquer
le tableau morbide : par exemple l'asymétrie faciale si inté-
ressante du sujet de l'observation 3, ou bien l'exagération des
réflexes avec tremblement épileptoïde du sujet de l'observa-
tion 7. Nous ne saurions donc nous associer à l'opinion de
M. Achard qui, dans son très important article sur le « Trem-
blement' » se borne à signaler « à propos du nystagmus,
1 Nous sommes heureux de remercier M. le Dr Normand (de Kerhuon)
qui nous a signalé les cas intéiessants qui précèdent.
2 Indépendamment des cas précédents, nous étudions en ce moment
l'histoire d'une famille dans laquelle 9 personnes sont frappés de
Nystagmus Essentiel congénital : le père, la mère, 1 fille, 4 garçons ;
l'un d'emre eux a eu un fils maintenant mort dont les yeux tremblaient.;
la fille a 3 enfants dont l'aînée tremble des yeux depuis la naissance.
3 Voir à ce sujet le Préambule de la thèse de Londe, lléuédo-aldxie
cérébelleuse, Paris, 1895.
1 Traité de médecine et de Thérapeutique, de Brouardel et Gilbert,
t. VIII, 1901, p. 598, en noie..
116 PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'il existe parfois à titre de symptôme isolé, à l'état congé-
nital, et que ce nystagmus congénital peut être héréditaire. »
Sans doute il peut en être ainsi, mais si l'on se reporte à nos
observations, on verra que le plus souvent se surajoutent à
ce signe primordial des manifestations nerveuses de même
nature, d'origine nettement centrale (inégalité pupillaire,
asymétrie faciale, exagération des réflexes). De sorte que
l'on pourrait, en se basant sur la complexité du syndrome,
établir une série de types morbides plus ou moins complexes
et suivant une sorte de progression ascendante en raison de
leur complexité même :
1er type. Nystagmus essentiel, manifestation isolée.
2e type. Nystagmus essentiel avec symptômes nerveux
variables surajoutés : asymétrie faciale, inégalité pupillaire.
3e type. Nystagmus essentiel avec symptômes nerveux
spéciaux : exagération des réflexes, trépidation épileptoïde.
4e type. Manifestation familiale de ce même symptôme
(tremblement) isolé ou associé à plus ou moins d'autres
signes nerveux surajoutés. 1
Une pareille classification n'a évidemment d'autre mérite
que sa simplicité. On ne saurait en effet regarder ces types
comme les représentants d'une lésion centrale progressive-
ment croissante d'après la variété considérée. D'ailleurs nous
'n'avons entrepris ce travail qu'à un point de vue purement
clinique et les hypothèses que nous allons maintenant faire
au point de vue de la pathogénie probable de ces tremble-
ment résulteront des connaissances acquises par nos devan-
ciers. Elles auront pour but de tenter de rattacher ces mani-
festations aux divers groupes des maladies familiales
actuellement admises dans la science.
Dans l'article « Nystagmus » publié dans le Dictionnaire
de Jaccoud, M. Abadie signale l'important travail du Dl Ga-
taud' déjà ancien dont nous extrayons cette donnée : le
symptôme a pu se rencontrer dans nombre d'affections céré-
brales sans que la lésion paraisse avoir de territoire spécial;
.pourtant dans aucun cas les parties antérieures du cerveau
n'ont été lésées, plusieurs fois la substance grise des circon-
volutions a été atteinte dans le lobe occipital, d'autres fois
c'était le corps strié, la couche optique, enfin le cervelet et
' Etude sur le Nystagmus, Paris, 1869,
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 117 î
la protubérance. M. Abadie insiste ajuste titre sur l'absence
de précision de la localisation topographique de la lésion
trouvée à l'autopsie. Toutefois les altérations semblent siéger
de préférence dans le lobe occipital. Il rapproche de ce fait
les observations publiées dans la thèse du professeur Lan-
douzy, où, dans certaines affections cérébrales accompagnées
de troubles de la motilité des muscles de l'oeil, la lésion
siégeait plusieurs fois au niveau du pli courbe. Il ajoute
encore que le nystagmus existe quelquefois dans les affec-
tions qui intéressent la partie supérieure de l'axe spinal et
plus spécialement au niveau de la jonction du bulbe rachi-
dien à la protubérance annulaire. Ce nystagmus peut être
reproduit expérimentalement quand on vient à léser, comme
ont fait Gadaud et Vulpian, le plancher du 4" ventricule et
même les corps restiformes. « L'apparition du nystagmus à
la suite de lésions de cette région n'a rien qui doive nous
étonner si l'on songe que c'est là précisément que se trou-
vent les noyaux d'origine du moteur oculaire commun et du
moteur oculaire externe qui, soit directement, soit par voi-
sinage peuvent être intéressés. Dans le nystagmus d'origine
cérébrale, c'est probablement le centre excito-moteur de
l'écorce d'où part la volition qui est atteint ; dans le nystag-
mus médullaire, c'est le noyau où se rend l'excitation venue
de la périphérie et d'où part l'excitation nerveuse qui se
rend au muscle. » (Abadie L. C. p. 223-224).
Plus récemment M. Uhthoffl dans un important mémoire
distingue du nystagnus vrai accentué et très apparent, qui
dépend d'une lésion bulbaire ou cérébral, les secousses
nystagmiformes qui se produisent seulement dans les posi-
tions forcées des yeux, et qui proviendraient d'une parésie
disséminée des nerfs moteurs du globe oculaire.
M. Achard 2 analyse les hypothèses proposées pour expli-
quer le tremblement, dont on a placé la cause dans les
centres nerveux, les conducteurs, les muscles.
a. « Les centres nerveux pourraient provoquer le tremble-
ment soit par défaut d'impulsion, soit par excès : ce phéno-
mène semble pouvoir être lié tantôt à un état de dépression
' Cité par Mosny. Manuel de médecine, Debove-Achard, t. III, art.
Sclérose en plaques, p. 613. 1
2 Loc. cil., p. 600 :
118 PATHOLOGIE NERVEUSE...* ' .
tantôt à un état d'excitation des centres nerveux. La pre-
mière interprétation conviendrait au tremblement qui accom-
pagne la fatigue, l'anémie, la cachexie. L'excitation exagérée
des centres ferait que les cellules se déchargeraient en
plusieurs temps ; la conductibilité des prolongements cellu-
laires ne serait plus suffisante pour laisser passer assez vite,
tout le courant venu de la cellule surchargée. C'est dans les
cas de cet ordre que les phénomènes spasmodiques (contrac-
ture, exagération des réflexes) s'observeraient. »
b. La conduction défectueuse serait la cause du tremble-
ment dans la sclérose en plaques par exemple : dans cette
affection les cylindraxes sont conservés, leur gaine 'de
myéline est en voie de destruction. Charcot a comparé cet
état à celui des fils électriques mal isolés et a cherché à
expliquer le tremblement par le mauvais état des conduc-
teurs qui ne laissent passer le courant que par saccades.
- c. Enfin on a cherché à expliquer le tremblement soit par
des altérations des fibres musculaires, soit par des troubles
nutritifs des muscles résultant de lésions vasculaires et de
modifications du sang (Spring, Blocq, Lemke).
Il est certain, dit M. Achard, que l'hypothèse d'un trouble
primitivement musculaire ne saurait être admise dans la plu-
part des cas. Le rôle du système nerveux central a été
démontré expérimentalement. Vulpian a établi que dans le
tremblement provoqué par la nicotine chez la grenouille,
l'action du bulbe intervient, car le tremblement-persiste
lorsqu'on enlève les autres parties de l'encéphale tandis
qu'il cesse si l'on sépare la moelle du bulbe. Le tremblement
intentionnel a été reproduit par Pasternotsky au moyen de
lésions des cordons antérieurs de la moelle et de la partie
antérieure des cordons latéraux. « Chez l'homme, ajoute
M. Achard, l'association du tremblement à divers mouve-
ments anormaux comme la chorée, l'athétose, dans cer-
taines lésions de l'encéphale tend aussi à démontrerle rôle
des centres nerveux. »
En possession de ces connaissances, pouvons-nous tenter
de rattacher les nystagmus congénitaux elles tremblements
infantiles à une altération définie du système nerveux central
Sans vouloir empiéter sur le domaine de l'anatomie patho-
logique, nous serions tentés de les considérer comme liées-
à des causes multiples : malformation des cellules motrices
TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMES CONGÉNITAUX 119
de l'écorce grise, altérations cellulaires fines des noyaux
d'origine des nerfs moteurs de l'oeil, défaut de conductibilité
du cylindraxe peut être placé sous la dépendance de leur
enveloppe myélinique. Peut être même dans certains cas
serait-on en droit d'invoquer des lésions plus grossières : des
foyers multiples d'hémorragies ponctiformes survenant au
moment de la naissance chez des sujets prédisposés et ana-
logues à celles qui accompagnent certaines grandes infec-
tions sanguines : l'anémie pernicieuse protopathique, par
exemple. On sait depuis Kôlliker que les divers faisceaux
blancs de la moelle ne sont pas tous engainés de myéline
péricylindraxile à la naissance et que ce n'est que plus tard
- qu'ils arrivent à leur état de développement parfait. Si sous
l'influence de causes ancestrales ou contingentes, ce déve-
loppement reste incomplet, s'il y a une déviation dans l'achè-
vement définitif' de la fibre nerveuse, cette modification
associée à une malformation possible des cellules corticales
ou nucléaires donnerait lieu au tremblement infantile ou
oculaire et pourrait s'accompagner d'autres symptômes in-
solites révélateurs de la malformation : inégalité pupillaire,
asymétrie faciale, exagération des réflexes. Toutefois on ne
saurait rattacher ce vice de fonctionnement du système ner-
veux à une lésion systématisée.
Néanmoins et pour spécieuse qu'elle puisse paraître, cette
conception nous permet d'envisager les tremblements que
nous avons passés en revue, à un point de vue plus général.
Ils nous semblent en effet présenter les premiers chaînons de
cette nombreuses série de maladies congénitales dont ,1e
cadre nosologique s'enrichit tous les jours. A un premier
stade, l'atteinte légère du système nerveux s'accompagnerait
de lésion diffuses et rudimentaires de nature indéterminée,
entraînant la production de tremblements divers : nystag-
mus simple ou tremblement infantile du type de l'observa-
tion de MM. Raymond et Cestan. A un degré plus avancé
répondant peut être à des lésions plus disséminées et en
certains points plus profondes se rattacherait les Nystagmus
avec malformation diverses : inégalité pupillaire, asymétrie
faciale, mouvements incoordonnés des membres. Plus élevés
dans la série morbide nous paraissent être les nystagmus
avec symptômes surajoutés spéciaux en particulier l'exagé-
ration des réflexes pouvant déjà traduire une tendance à la
120 PATHOLOGIE NERVEUSE.
systématisation des lésions. Enfin nous trouvons un chaînon .
intermédiaire très important dans les nystagmus et les trem-
blement infantiles familiaux qui rattacheraient en affections
congénitales à certaines des maladies familiales systéma-
tisées. Par quelques-uns de leurs caractères, ils relient à la-
sclérose en plaques familiale dont l'existence est aujour-
d'hui admise sans conteste, et enfin à 1'lié2-édo-alaxie cé2-é- "
belleuse qui représenterait le terme le plus élevé et le plus
complet de cette série morbide. w
En résumé et bien qu'il manque à notre hypothèse la con-
firmation anatomique qui seule serait juge de la valeur des
' arguments que nous proposons, nous avons cru devoir les
faire connaître. De pareilles lésions sont heureusement
longtemps compatibles avec la vie, et ce n'est que chez des
sujets hospitalisés que l'on pourra quelque jour se rendre
compte de l'état des centres nerveux au cours d'une affection
somme toute aussi légère que celle que nous venons d'étudier.
On ne peut attendre que du temps et de nouvelles observa-
tions suivies d'autopsies la preuve.de la justesse de notre
hypothèse. Toutefois on peut se demander si de pareils sujets
persisteront indéfiniment dans le type morbide qu'ils ont
présenté jusqu'alors et s'il ne viendra pas s'ajouter à un mo-
ment donné de leur existence des symptômes nouveaux
d'une affection nerveuse nettement caractérisée comme la
maladie de Friedreich pour les formes isolées, comme l'hé-
rédo-ataxie cérébelleuse pour les variétés familiales. Le fait
est possible, bien qu'aucun des adultes que nous avons
observés n'ait présenté jusqu'à présent une pareille Révolution
à moins qu'on ne considère comme une ébauche de ces grandes
affections les symptômes surajoutés. Il est probable aussi que
l'on pourra trouver dans la même famille des types différents
ressortissant les uns à la névrose trémulante, les autres aux-
formes plus complexes des maladies héréditaires. Il est de
- fait qu'à mesure que les affections .nerveuses sont mieux
connues, 'des faits jusqu'alors mal classés, prennent rang
/ dans les grandes catégories bien déterminées au point de vue
anatomique et séméiologique. En outre, il est rare qu'une
affection en somme légère préoccupe les personnes atteintes
et certains de nos sujets sont venus consulter pour une
cause étrangère à leur nystagmus surtout lorsqu'il était peu
prononcé et qu'il n'entravait pas la vision. La classification
1
NOTE SUR UN CAS DE DÉLIRE ÉPILEPTIQUE. 121
que nous proposons n'est probablement que provisoire ; le
rang que nous avons assigné aux Nystagmus et aux Tremble-
ments essentiels dans le cadre des maladies nerveuses sera
sans doute l'objet de remaniements successifs, mais nous
aurons atteint notre but si nous avons réussi à mettre en
relief certains de leurs caractères qui nous avaient frappés
et surtout si de nouvelles recherches viennent apporter la
lumière sur ces parties encore obscures de la science médi-
cale.
1 RECUEIL DE .FAITS.
Note sur un cas de délire épileptique;
Par le D' A. PETIT.
On sait depuis les travaux de Magnan et de son élève
Respault que le délire épileptique est le produit de deux fac-
teurs : 1° l'état cérébral ; 2° l'ictus épileptique. Ce dernier
peut déterminer depuis l'acte le plus inoffensif jusqu'au
crime le plus horrible : sous son influence, tel malade s'obs-
tine à boire dans un verre vide, tel autre vole à l'étalage,
celui-ci se suicide, celui-là tue un passant inoffensif qu'il
rencontre sur son chemin. Ce sont là des actes qui ont été
enregistrés avec soin depuis longtemps par les auteurs. Mais
pourquoi l'ictus épileptique provoque-t-il tantôt un acte
insignifiant, tantôt un acte dangereux ? C'est qu'il n'y a pas `
à considérer chez un malade que son épilepsie; si la névrose
entre pour une grande part dans la production du délire
épileptique, elle ne le constitue pas tout entier. « Il y a un
autre élément qui entre en ligne de compte : c'est la person-
nalité mentale de l'individu faite de l'ensemble de ses dispo-
sitions morales, de ses habitudes, de ses acquisitions intel-
lectuelles et autres, saines et morbides ». C'est ce que
Respault a appelé « l'état cérébral », état indépendant de
l'épilepsie, antérieur au paroxysme ; en sorte que l'ictus
122 RECUEIL DE FAITS.
n'est d'après cette théorie qu'un choc accidentel, une sorte
de traumatisme qui déterminera telle manifestation délirante
selon la nature du terrain mental qu'il viendra frapper.
C'est, comme le montre l'observation suivante, l'ictus qui
provoque l'acte inconscient épileptique, mais c'est l'état
cérébral antérieur de l'individu qui en fait les frais et en
règle la nature. "
J. Ch..., quarante ans, sommelier, est le troisième enfant d'une
nombreuse famille. Trois de ses frères sont .morts en bas âge ;
deux soeurs sont bien portantes; le père est mort à l'étranger
d'accidents paludéens ; sa mère est morte des suites d'une affection
cardiaque à cinquante-deux ans; elle était sujette à des tics de la face.
Le malade est un homme d'une intelligence moyenne, ayant
reçu une bonne instruction primaire. Pendant l'enfance on note :
urination au lit jusqu'à l'âge' de onze ans, mais sans accidents
convulsifs constatés ; pendant l'adolescence, un développement
tardif au point de vue physique coïncidant avec des aecès de
lièvre contractés pendant un séjour prolongé en Turquie. J. Ch...
n'a pas fait de service militaire, ayant été réformé pour atrophie
du médius de la main gauche. Cest à l'âge de vingt-trois ans que
notre sujet semble avoir été pris de ses premières manifestations
comitiales : il habitait alors avec sa soeur, et celle-ci, surprise une
nuit de l'entendre gémir dans la chambre à côté de la sienne,
accourut et le trouva dans son lit une écume sanglante aux lèvres,
hébété, ayant complètement perdu le souvenir de ce qui venait de
se passer. L'année suivante, étant à table, il aurait pâli tout d'un
coup, serait devenu inconscient et transporté sur son lit, il aurait
eu une « violente attaque de nerfs ».
Le 16 mai 1895, à la suite d'un délire qui aurait éclaté subite-
ment deux jours auparavant, J. Ch... entre à l'infirmerie spéciale
du dépôt, où le D1' Garnier constate qu'il est atteint de : « délire
maniaque avec inconscience absolue; répétition automatique du
même geste et du même mot (il frappe dans ses mains et pro-
nonce le mot m...); morsure profonde de la langue ; insomnie
complète ». Le' malade est ensuite interné à Sainte-Anne, d'où il
est transféré à l'asile de Ville-Evrard. Deux mois après, J. Ch...
est remis en.liberté et considéré comme guéri de son accès. Il
reprend son. métier de sommelier qu'il exerce jusqu'en octobre
1901. Il est à peine besoin d'ajouter que de par sa profession, cet
homme était sujet à des habitudes alcooliques (excès de bière).
En août 1901, sous l'influence de sa névrose et de l'alcoolisation,
J. Ch... devient triste, mélancolique, sujet à une insomnie fré-
quente, à de violents maux de tête, à des troubles digestifs de
toutes sortes. Inquiet de sa santé, il redoute pour lui la venue de
NOTE SUR UN CAS DE DÉLIRE ÉPILEPTIQUE. 1'23
nouveaux accidents cérébraux capables de l'obliger à un nouvel
internement ; cette crainte l'obsède et augmente son état de tris-
tesse. Le 14 octobre 1901, il est pris d'un violent accès convulsif,
avec perte complète de connaissance. Des voisins viennent à son
aide et le trouvent, à la suite de l'attaque, en proie à un délire '
maniaque très violent. D'après les renseignements, il paraissait
alors avoir des hallucinations effrayantes, tenait des propos inco-
hérents, au milieu desquels il demandait à être interné et parlait t
de l'infirmerie du Dépôt. Laissé seul, il se rend comme poussé en
apparence par une impulsion irrésistible au commissariat de
police, où il dit être malade et demande à être dirigé sur l'infir-
merie-du Dépôt, où le Dr Legras constate qu'il est atteint de « dé-
pression mélancolique paraissant consécutive à une attaque comi-"
tiale avec inconscience, inertie, mutisme, refus d'alimentation z
On note également sur le certificat des habitudes alcooliques.
C'est dans cet état que J. Ch... est transféré à l'Admission (ser-
vice du Dr Magnan), où nous avons eu l'occasion de l'examiner.
C'est un garçon bien constitué au point de vue physique. Les
organes sont sains ; l'urine est normale; pas de signes d'hystérie ;
une morsure profonde de la langue; un peu de tremblement des
mains ; le malade avoue du reste quelques excès de boisson.
J. Ch... est lucide au moment où nous l'interrogeons pour la pre-
mière fois; il raconte volontiers son histoire, disant que depuis
trois ans il a pendant la nuit de petites attaques : il se lève fré-
quemment le matin avec la tête lourde, la langue douloureuse,
l'oreiller taché de sang, le lit mouillé, et il a travaillé dans ces
conditions jusqu'au 12 octobre 1901. Depuis quelques jours cepen-
dant, inquiet de son état, il parlait de se faire soigner. Mais il ne
se souvient plus de sa visite au commissariat et de son entrée à
l'infirmerie du Dépôt. Il ne reprend connaissance que le matin du
14 octobre, et parait tout surpris de se trouver à l'asile, ne sachant
pas comment il y est venu. Le malade reste dans cet état pendant
tout son séjour dans le service, ne conservant aucun souvenir des
circonstances qui ont précédé son internement. Il est transféré le
4 novembre 1901 à l'asile de Ville-Evrard.
Nous avons là assez de documents pour affirmer que
J. Ch... est un épileptique, dont l'état comitial a été provo-
qué par l'influence réciproque de l'alcoolisation et de la pré-
disposition héréditaire. Ce qu'il y a de particulier dans son
histoire, c'est ce fait qu'il ait causé lui-même son interne-
ment au cours d'une crise convulsive, internement effectué
dans des conditions assez compliquées, puisque le malade a
dû se rendre lui-même au commissariat de police de son
quartier et paraître là assez souffrant pour être transféré
124 RECUEIL DE FAITS.
d'office à l'infirmerie du Dépôt. Or, tous ces faits sont englo-
bés dans l'amnésie que présente le sujet. Nous l'avons
maintes fois interrogé sur'ces événements, et l'absence de
souvenir est restée totale et continue en ce qui le concerne.
Cette amnésie est le meilleur argument que l'on puisse invo-
quer en faveur du caractère comitial qu'il convient d'attri-
buer à l'accès délirant, hallucinatoire et convulsif qui a pré-
cédé, accompagné et suivi l'internement.
Ceci étant admis, comment expliquer qu'au cours de l'ac-
cès comitial, le sujet ait accompli un acte revêtant toutes
les apparences d'un acte volontaire. logique et conforme à
son intérêt personnel ? C'est ici que l'hypothèse émise par
Respault a lieu d'intervenir. En dehors de sa manifestation
épileptique, ce malade avait un « état cérébral » qui le fai-
sait se préoccuper et à juste titre de sa santé, et comme con-
séquence l'excitait à recourir aux soins médicaux qu'il avait
déjà reçus auparavant. L'ictus épileptique a provoqué l'ac-
complissement d'un acte logique eu égard à la situation du
sujet, acte logique dont l'aboutissant a été l'internement, et
cela à la faveur d'un délire automatique, non créé de toutes
pièces, mais puisant tous ses éléments dans une impression
ancienne. C'est par un mécanisme psychologique analogue
qu'un certain nombre d'épileptiques se livrent à des tenta-
tives d'homicide ou de suicide en apparence inexplicables,
mais qui puisent leur origine dans un état cérébral patholo-
gique, au lieu que dans l'observation actuelle, l'état mental
subconscient n'a jamais fait naître que des préoccupations
intellectuelles légitimes et pour ainsi dire normales.
Congrès annuel DLS médecins aliénistes
Paris, le 3 juillet 1902.
Le Président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes,
à MM. les préfets.
Je vous ai déjà signalé l'intérêt qu'ont les asiles d'aliénés, qu'ils
soient publics ou privés, à faire acte d'adhésion aux congrès
annuels des médecins aliénistes. Je vous informe que le prochain
congrès' se tiendra à Grenoble du 1 ? au 8 août. Vous voudrez
bien rappeler aux asiles et maisons de santé existant dans votre
département, mes recommandations antérieures. La dépense
résultant de l'adhésion est très faible et l'avantage est grand pour
les établissements de posséder dans la bibliothèque et de pouvoir
consulter incessamment les volumes où les travaux des congrès
sont reproduits. Pour le Président du Conseil, ministre de l'Inté-
rieur et des Cultes, le Secrétaire général, Ed. Combes.
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
Par LE Dr ROUBY
MON BUT. Ce travail n'est pas seulement une étude sur
un point d'aliénation mentale; sous sa forme scientifique, il
éclaire un chapitre important de l'histoire ecclésiastique. De
même que l'hystérie avait joué un très grand rôle pendant le
Moyen-Age avec les sorciers et les possédés du démon, de
même l'hystérie, .pendant la Renaissance et les siècles sui-
vants, continua de régner-en maîtresse dans la vie'religieuse
de l'Europe. Les saints et les saintes, les bienheureux et
les bienheureuses, presque tous les canonisés d'alors furent,
on peut le dire, des hystériques méconnus.
Ce sont les découvertes des symptômes de cette maladie,
découvertes qui datent d'un demi-siècle à peine, qui per-
mettent aujourd'hui de déchiffrer beaucoup de points
obscurs de l'histoire religieuse. Vous connaissez ces grilles
et ces clefs qui, placées sur des dépêches chiffrées, permet-
tent de les lire et de les comprendre ? De même, en super-
posant les symptômes hystériques sur les faits miraculeux,
on en reconnaît l'identité parfaite.
La connaissance exacte des symptômes de l'hystérie doit
donc amener la revision de l'histoire des Religions, et c'est
par là que ce travail peut avoir une importance particu-
lière.
Pasteur, parla découverte des microbes et des ferments, a
fait une révolution telle, que les livres de médecine écrits
avant lui ne peuvent plus servir à l'instruction des nouvelles
126 L'HYSTLRIE DE SAINTE THLRÈSE
couches de savants; les volumes coûteux achetés par le père
ne sont plus utilisés par le fils, étudiant à son tour ; les
nouveaux livres ont relégué, au fond des armoires, des mil-
liers de volumes devenus inutiles. Brusquement un fait nou-
veau s'est produit, et devant ce fait, il a fallu nous incliner :
la vérité fait toujours loi.
Or, un fait nouveau s'est produit aussi en aliénation : la
découverte de l'hystérie; devant ce fait d'une importance
immense doivent s'incliner tous les hommes ayant assez de
science pour savoir, ayant assez d'intelligence pour com-
prendre, ayant assez de raison pour discerner le vrai du faux,
fussent-ils, ces hommes, élevés dans les principes les plus
étroits de la doctrine des Églises. La vérité doit faire loi,
pour eux comme pour nous.
Aujourd'hui tenant haut et ferme le flambeau que d'au-
tres avant moi ont allumé, je vais essayer de montrer, à
l'aide de cette lumière savante, que des faits réputés mira-
culeux ne sont autre chose que des faits maladifs, et que la
canonisation de sainte Thérèse ne fut autre chose que la
canonisation de l'Hystérie.
La VIE DE sainte Thérèse. Parmi les plus célèbres
illuminées à qui l'hystérie méconnue, donna, sous sa lueur
factice, un grand éclat religieux, il faut citer en première
ligne sainte Thérèse : c'est elle la plus illustre, la plus com-
plète, la plus favorisée en apparitions et en miracles ! c'est
elle, pour ainsi dire, le modèle qu'ont plus tard imité les
soeur Clément, les sainte Catherine, les Marie Alacoque et
toute une procession de saints et de saintes qui sortiraient,
si on voulait les évoquer, des gros volumes des Bollandistes.
C'est peut-être aussi, au point de vue de l'hystérie, celle
qui présente la forme la plus classique, la plus clinique
pour parler en médecin, celle dont les accidents nerveux se
succèdent dans l'ordre le plus régulier. On croirait, en lisant
son autobiographie, avoir sous les yeux l'observation d'une
de ces malades qui peuplent nos asiles d'aliénés, à cette
différence que ce que nous appelons symptômes plus ou
L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 127
moins graves de la maladie, elle le nomme états plus ou
moins grands de la grâce ou Communion plus ou moins
complète avec Jésus-Christ. Disons de plus que ses écrits,
même à travers la traduction, forcent parfois notre admi-
ration parla beauté du style, par la splendeur des images-
et par la profondeur des concepts. Avec sainte Thérèse nous
n'avons plus affaire à une hystérique de bas étage, aux con-
ceptions imaginatives grossières, nous avons affaire à une
très grande dame, à éducation soignée, à instruction étendue,
sachant exprimer en un style admirable ses impressions
maladives.
Née en 1515, à Avila, en Vieille- Cas tille, de parents de
haute noblesse, Thérèse de Cépèda fut élevée dans les prin-
cipes d'une ardente piété ; elle perdit sa mère lorsqu'elle
était enfant.
« Ma mère, écrit-elle, était très vertueuse ; elle avait une
grande modestie, et quoiqu'elle fût très belle, jamais on ne
la vit se prévaloir de sa beauté ; elle fut longtemps sujette à
de grandes, infirmités qui la firent beaucoup souffrir; elle
mourut à trente-trois ans. »
Notons cet état maladif et cette mort prématurée : si
Thérèse est faible et si l'hystérie se développe très vite chez
elle, c'est que le terrain est préparé d'avance et qu'elle hérite
de cette mère une constitution délicate et peu résistante au
mal.
Son enfance romanesque. Dès le plus jeune âge,
Thérèse manifesta un esprit romanesque ; avec cet ascen-
dant bizarre qu'ont les petites filles nerveuses sur les petits
garçons, à l'âge de huit ans, elle décida un de ses compa-
gnons à partir avec elle du côté de l'Andalousie et de l'Afri-
que pour subir, le martyre chez les Maures. Reconduits à la
maison par un oncle qui les rencontra en chemin, ils réso-
lurent de se faire ermites, et pour cela construisirent au
fond du jardin paternel une grotte en pierres ; là ils com-
mencèrent' une vie de prières et de privations.; il fallut
128 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
quelques punitions pour leur enlever ce goût prématuré des
macérations et les ramener aux jeux de l'enfance.. '
Son entrée au couvent. A l'âge de douze ans, Thé-
rèse n'ayant plus sa mère pour la surveiller, se mit à fré-
quenter des jeunes gens ; elle se plaisait tellement en leur
compagnie que son père, le comte de Cépèda, se vit obligé
de la mettre au couvent de l'Incarnation d'Avila; mais dans
ce monastère on était très mondain et le parloir était le salon
du monde élégant; là, les seigneurs galants et pieux de la
ville, ceux de Vieille-Castille et autres provinces d'Espagne,
venaient charmer l'esprit et amollir le coeur des religieuses
affamées de savoir et de tendresse. Sainte Thérèse y prenait
un plaisir extrême ; elle éprouvait une jouissance singulière
à côtoyer cet abîme où chaque jour elle se voyait prête à
tomber; la seule crainte de Dieu, nous dit-elle, la retint et
l'empêcha de commettre le péché mortel. Un jour, sous
l'influence d'une hallucination, elle rompit brusquement avec
ses amitiés mondaines et Dieu seul resta l'objet de son
amour. Nous dirons bientôt les ardeurs mystiques, les illu-
sions sacrées, les hallucinations divines qui lui firent tenir
Jésus pour son seul amant.
SES DIRECTEURS. - De même que nos névrosés modernes
changent souvent de médecins, cherchant partout remède
à leurs maux imaginaires, ainsi Thérèse changea souvent
de directeur spirituel : « Je n'avais pas trouvé encore de
confesseur qui me comprît dit-elle, je fus même vingt ans
à en chercher un inutilement ».
Comment un confesseur aurait-il pu savoir ce que seul
pouvait démêler un médecin ; son corps était malade, son
âme ne l'était pas. Elle conserva pourtant, non comme
confesseur mais comme directeur, François de Salcedo avec
qui elle fut toujours liée d'une sainte amitié ; le portrait
qu'elle en fait dans ses Mémoires montre combien elle avait
de goût pour lui. François de Salcedo fut très utile à soeur
Thérèse dans ses fondations et l'accompagna dans la plupart.
L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 129 0,
Elle ne l'appelle que le saint gentilhomme; comme, tout
marié qu'il était, il avait suivi pendant vingt ans les écoles
de théologie des Dominicains, il était le conseiller intime de
soeur Thérèse à qui il faisait des visites régulières. Ordonne
prêtre après la mort de sa femme, il entra comme chapelain
au couvent de Saint-Joseph d'Avila dont Thérèse était la
supérieure.
Elle eut aussi longtemps comme confesseur et direc-
teur le père Pradanos de la Compagnie de Jésus. En 1557
le célèbre jésuite François de Borgia, à son retour du cou-
vent de Saint-Just dans l'Estramadure, où il avait visité le
vieil empereur Charles-Quint, s'arrêta au couvent d'Avila.
Si Thérèse n'eut avec lui que deux entretiens sur les grâces
ordinaires dont Dieu la favorisait, elle continua de lui
écrire de longues et fréquentes lettres, qui, très goûtées,
furent imprimées plus tard. Mais dans l'état de trouble et
'd'angoisse morale où la maladie la plongeait, Thérèse ne
trouvait pas toujours le calme et la guérison qu'elle cher-
chait, malgré les consultations des plus célèbres directeurs-
de conscience de l'Espagne.
LES années DE maladie. Pendant vingt-cinq années,
soeur Thérèse fut en proie au démon -de l'hystérie : pour
raconter les événements de cette période, il faut décrire les
symptômes de son mal ; ce sont les paroles mystiques
entendues, ce sont les spectacles extraordinaires vus,
ce sont les sensations amoureuses éprouvées, qui forment
la trame de cette existence tout à la fois religieuse et
rrialadive; elle nous en fera le récit plus tard, lorsque, la
période active de l'affection ayant disparu, laissera l'esprit
en repos et permettra d'autres préoccupations que celles de
son mal.
Quelquefois Thérèse comprendra le non réel de ses
visions et de ses voix; parfois elle .les attribuera au malin
esprit ; quelquefois elle se demandera si sa raison n'est pas
égarée. « Prenez pour vous seul les choses où vous verrez.
que je sors des limites de la raison », dit-elle à son confes-
Archives, 2a série, t. XIV. 9
130 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE'
seur, « car je ne crois pas que ce soit moi qui parle depuis
ce matin ».
Cela dura jusqu'au retour d'âge, époque où le calme re-
naît peu à peu, calme relatif, si l'on veut, car de sourdes
hallucinations et quelques symptômes nerveux persistent
encore ; mais enfin c'est le repos ; elle y arrive comme
dans un oasis, bien qu'elle entende encore au loin les
grands vents du désert siffler à travers les dunes désolées,
bien qu'elle sente parfois les tourbillons de sable, que le
simoun apporte jusque dans sa retraite. Alors seulement elle
commence son oeuvre, c'est-à-dire la rénovation de l'ordre
des carmélites hommes et femmes, dont elle passe pour
la fondatrice ; alors seulement elle écrit ses ouvrages de
sainteté qui lui ont mérité le surnom de Docteur en théo-
logie ; alors seulement elle commence de mémoire, sur la
demande de ses directeurs, son autobiographie qui nous la
peint si bien et qui montre avec tant de précision pour les
chrétiens tous les degrés de sa sainteté et pour les médecins
toutes les étapes de sa maladie.
SES CRUVRES LITTÉRAIRES. Les ouvrages de sainte Thé-
rèse sont au nombre de cinq :
1° Une relation de sa vie où nous avons puisé pour la
confection de ce travail; 1562 (Relation de K vida) ;
2° le chemin de la Perfection (el Camino de la Perfectione)
livre de morale chrétienne écrit pour l'enseignement de ses
religieuses ; -
30 Le livre des fondations, qui est l'histoire des monas-
tères fondés ou réformés par elle (El Libno de los fiindaciones y
los moradas) ; .
40 Le château intérieur (El Castillo intérior), ouvrage
mystique où la sainte amenant, une âme aux portes d'un
château fort, la conduit d'enceintes en enceintes jusqu'au
septième séjour, palais de Jésus-Christ;
3° Enfin les Pensées d'amour de Dieu (los Conceptos de
Amor de Dios), espèce de glose sur le livre des cantiques de
Salomon. ,
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 131 I
A ces écrits dont les quatre premiers parurent de son
vivant, il faut ajouter ses lettres (Las Cartas) qui furent re-
cueillies après sa mort; la plupart contiennent des leçons
évangéliques ou des discussions doctrinales formant ainsi
autant de petits traités de théologie. Thérèse fit aussi
quelques poésies ; son sonnet 1 au Christ crucifié est resté
célèbre en Espagne; mal traduit en vers français par Sainte-
Beuve, Firmin-Didot et d'autres poètes, il ne peut être bien
goûté que dans le texte espagnol.
Elle y exprime admirablement son immense ardeur pour
Dieu, son amour plus fort que le ciel et l'enfer, amour qui
la laisse indifférente à toutes choses, amour sans lequel
elle ne peut vivre.
Ce qui gâte pour nous ses écrits, c'est qu'ils sont trop
remplis par des opinions théologiques et par des considé-
rations dogmatiques qui en rendent parfois la lecture
pénible; c'est alors trop le docteur en théologie et pas assez
la femme de lettres qui tient la plume.
Au xme siècle déjà, il y avait une foule d'impitoyables
ergoteurs qui faisaient asseoir le syllogisme dans les chaires
des écoles et, quoique femme et nonne, Thérèse fut de son
1 Voici ce sonnet :
No me mueve, mi Dios, para quererte
El cielo que me tienes prometido
Ni me mueve el infierno tan temido
Para dejar par eso de ofenderte
Tu me mueves, mi Dios, mueveme el verte
Clavado en esa crux y escarnecido
Mueve verte cuerpo tam herido
Mueve las angustias de tu muerte ! .
Mueve en fin de tel manera
Que aunque no hubiera cielo, yo te amara
Y aunque no hubiera infierno, te tenieria
No me tienes que dar, por que te quiera
Porque, si cuanto espero, no esperara
Lo mismo que te quiero, te quisiera
132 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THRKSE
temps et se posa parfois en savante, mais dans l'aridité de
ses livres se rencontrent toujours d'ingénieuses comparai-
sons et sur leur didactisme ennuyeux s'étalent des formes
agréables.
SES LIVRES preuves DE sa MALADIE. -C'est pourtant dans
ces livres que nous avons trouvé et puisé les preuves d'hys-
térie dont ils - fourmillent et nous font regarder Thérèse
comme atteinte de mal hystérique. Bien que dans ses nar-
rations, elle ne nous donne pas toujours la description com-
plète des symptômes qu'un aliéniste aurait pu saisir, bien
qu'elle néglige souvent de nous-en décrire quelques-uns
pour laisser la place aux faits d'ordre psychique, notre dia-
gnostic sera suffisamment éclairé par ses récits ; de plus, en
lisant entre les lignes, chose facile avec elle, nous pourrons
trouver le supplément d'informations que nous cherchons.
SES SENTIMENTS. Comme femme, elle eut de grandes
passions : son coeur aimant alla de bonne heure vers les
hommes et elle y revenait sans cesse, lorsque ses voeux
monastiques finirent par tourner son amour tendre et ardent
vers Jésus qu'elle adora et dont elle prit désormais le nom
« Thérèse de Jésus » sous prétexte qu'elle était son épouse
spirituelle ; elle continua pourtant à conserver des pensées
affectueuses pour toutes les créatures humaines, plaignant
les pécheurs et parfois même le diable après l'avoir maudit;
elle eut à l'égard de ce dernier un mot touchant : « Le
malheureux ne sait pas aimer ! »
. LA VIEILLESSE. Puis la vieillesse vient, amenant l'apai-
sement de la maladie ; dans le prologue du Château inté-
rieur, une de ses oeuvres, Thérèse décrit ainsi son état phy-
sique et moral tel qu'il était le jour de la Trinité de l'année
1577, dans le monastère de Tolède dont elle était la supé-
rieure : elle avait alors cinquante-deux ans; elle éprouvait,
dit-elle, une grande difficulté d'écrire, et il lui semblait que
le Seigneur ne lui donnerait ni l'esprit ni la volonté pour
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE 133
mener à bien cet ouvrage. Si pourtant le livre était profi-
table à quelques âmes il fallait en rapporter la gloire à Dieu
seul; comme les oiseaux, à qui on apprend à parler et qui
ne savent que ce qu'on leur enseigne ou ce qu'ils entendent,
ainsi sainte Thérèse répète ce que le Seigneur veut bien
lui dicter. Comme santé physique, elle éprouvait un tel
bruit dans la tête et une telle faiblesse dans le corps qu'à
peine pouvait-elle écrire pour des affaires pressées ; elle lut-
tait péniblement contre des maladies incessantes, et elle
était sans force pour vaquer à ses occupations variées. Ne
croirait-on pas entendre ces nerveuses qui semblent accablées
et prêtes à mourir, et qui se réveillent sans cesse pour accom-
plir de dures besognes que leur état languissant ne semble
pas devoir permettre ? il suffit qu'une nécessité matérielle,
qu'un plaisir désiré leur donne le coup de fouet de l'émotion
pour que leurs muscle; deviennent d'acier et accomplissent
des choses surprenantes; on trouvera souvent chez les hys-
tériques ces états de langueur et de fausse faiblesse accompa-
gnés de douleurs aussi nombreuses qu'il y a de rameaux de
nerfs dans le corps humain; toujours prêts à mourir, ils
vivent de longues années.
C'est ainsi que se passera la fin de la vie de sainte Thérèse,
mêlant sa faiblesse à son activité, sa santé vraie à ses mala-
dies imaginaires, entreprenant la réforme de nombreux
couvents, et menant à bien toutes choses; croyant défaillir
à chaque instant en étant toujours debout. Sainte Thé-
rèse, à la fin de sa vie, vint habiter un couvent qu'elle
avait fondé, celui d'Alba de Tormès, près Salamanque.
Peut-être avait-elle choisi cette dernière résidence pour vivre
auprès du terrible duc d'Albe, don Fernando de Toledo,
qui, pendant les huit années de sa disgrâce, avait dû se reti-
rer dans son palais ducal, dont les hautes tours crénelées
dominent encore le couvent. C'est là que sainte Thérèse
mourut en 1582 à l'âge de 67 ans ; c'est là que se trouve
son tombeau élevé au siècle dernier et peu remarquable au
point de vue de l'art.
134 l'hystérie DE SAINTE THÉRÈSE
L'hystérie. Nous connaissons maintenant le sujet,
c'est-à-dire l'état physique et moral de Thérèse ; voyons ce
que l'hystérie va produire dans ce. corps débile et dans cette
intelligence supérieure.
Causes DE la maladie. Je lis quelque part, dans sa
vie, que Thérèse fut atteinte dans sa jeunesse d'une fièvre
double quarte dont elle put difficilement se débarrasser; les
accès très violents étaient précédés de frissons et accompagnés
de grandes douleurs généralisées; c'est à ces fièvres qu'elle
attribuait ses défaillances; il est possible que cette fièvre
soit la cause intoxicante de la maladie dans ce corps débi-
lité au dernier point. En effet, dès son enfance, son goût
exagéré pour le jeûne et les macérations, plus tard les mau-
vaises conditions hygiéniques du couvent, enfin l'hérédité
maternelle dont nous avons déjà parlé au début, avaient pro-
duit chez elle une faiblesse de constitution. qui devait être
grande, lorsqu'éclata la crise première, début de la maladie.
DE la PÉRIODE aiguë. L'hystérie, avant de devenir
chronique, est le plus souvent précédée d'une période dite
aiguë, qu'on pourrait plus exactement désigner sous le nom
de période du lit, car, pour des raisons variées, les unes
vraies, les autres fausses, les sujets alors prétendent être
incapables soit de marcher, soit même de se tenir debout; z
ils subissent dans cette position couchée divers symptômes
d'hystérie, mais surtout des attaques convulsives et des para-
lysies diverses; cela dure plus ou moins longtemps, parfois
des semaines, parfois des mois, parfois des années; l'amai-
grissement devient tel qu'ils n'ont plus que la peau sur
les os. Or malgré tout, il faut qu'on le sache bien, un tel
malade peut toujours être guéri en quelques jours, en quel-
ques heures, en quelques minutes.
Formation DES miracles hystériques. Il est très
important d'en parler, car c'est cet état dont il s'agit
dans la plupart des grands miracles de Lourdes, de Paray-
le-Monial et de la Salette : A certains moments, le mal
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 135
paraît si grand, la mort paraît si imminente que si la cure
dite miraculeuse a lieu, elle fait grand bruit et emporte la
conviction des témoins, même de ceux qui n'ayant pas la foi
commencent à croire. Des médecins alors donnent, avec la
plus entière bonne foi d'une part, mais aussi avec la plus
grande légèreté, de l'autre, des certificats et des attestations,
qu'il n'eussent pas signés, s'ils eussent été plus instruits
des choses de l'hystérie.
Le plus souvent la maladie est moins grave : ce ne sont
alors que des symptômes simples, comme par exemple, une
anorexie, une contracture, ou bien une paralysie qui sont
présentés à la Vierge miraculeuse par le pèlerin hystérique
réclamant un miracle. Mais dans tous les cas graves ou non,
c'est toujours la même cause, l'hystérie, et c'est toujours le
même mécanisme, la suggestion religieuse, qui sont en jeu;
c'est, toujours la névrose guérie par une émotion forte.
Lorsque cette émotion est religieuse, la guérison s'appelle
miracle.
PÉRIODE aiguë DE sainte thérèse. Thérèse eut
cette période de maladie : elle garda le lit durant trois
années. L'affection, qui avait été 'précédée soit à la maison
paternelle, soit au couvent, de fréquentes défaillances ou
syncopes, se montre sous forme de : -. .
io Boule hystérique : Thérèse nous dit, à ce sujet, que
quelque chose lui montait des parties basses jusqu'au cou,
produisant l'étranglement malgré qu'elle essayât, avec ses
doigts crispés, de l'arracher; qu'elle ne pouvait pas alors
avaler une goutte d'eau, ni même respirer.
2° L'angine de poitrine, se traduisant par une douleur
atroce, angoissante, située dans la région précordiale : « Mon
mal de coeur était si cruel, nous dit-elle, qu'il semblait
qu'on' me déchirât avec des dents aiguës; on me croyait
attaquée de rage. »
30 L'anorexie hystérique, pendant laquelle les malades,
généralement des jeunes filles, arrivent à un état de mai-
greur extraordinaire et ne sont plus que des squelettes
Ij6 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
vivants : « Comme je ne pouvais rien prendre de solide à
cause de mon extrême dégoût pour toute sorte de nourri-
ture, j'avais si, peu de force et mon corps était dans un
état tel que mes nerfs commencèrent à se retirer avec des
douleurs insupportables qui me tenaient depuis les pieds
jusqu'à la tête, et bientôt je fus en état de mort î.
4a Des contractures dont elle vient de nous parler ; elle
nous dira ailleurs : « Tous mes nerfs s'étant retirés, mon
corps était comme un peloton, je ne pouvais en remuer
aucune partie non plus que si j'étais morte ».
5° Des paralysies hystériques A un moment, Thérèse a
tout le corps paralysé : « Il n'y avait qu'un seul doigt de la
main droite que je puisse faire agir. Je ne pouvais m'aidçr
à rien qu'avec le secours des autres, encore on ne savait pas
où me prendre ».
6° Des anesthésies et des hypereslhesies. Des anesthésies,
elle en avait certainement, mais elle ne pouvait s'en ren-
dre compte elle-même; des hyperesthésies, au contraire,
elle en parlera fort souvent : « Mon corps était si doulou-
reux que je ne me laissais qu'avec peine toucher; j'éprouvais
des douleurs excessives qui me tenaient des pieds jusqu'à
la tête ». : 1° Les crises convulsives, durant lesquelles, nous dit-elle,
elle se déchirait la langue : parfois les attaques étaient si
fortes qu'elles semblaient épileptiques.
8° Le sommeil hypnotique : Enfin sainte Thérèse eut aussi
pendant cette période, un sommeil hypnotique de quelques
jours dont nous parlerons longuement tout à l'heure.
Tels sont les principaux symptômes d'hystérie dont Thé-
rèse fut le jouet pendant trois années consécutives et qui
lui firent garder le lit pendant cette longue période de
temps.
Un jour pourtant, pendant cette période de lit, Thérèse
se trouva guérie subitement durant quelques heures : elle
avait été transportée à Bécèdes, une campagne de son père,
pour changer de climat; mais le mal ne faisait qu'empirer;
Thérèse avait un grand désir de quitter Bécèdes où elle
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 137
s'ennuyait, pour rentrer dans la ville. Le dimanche des
Rameaux (IS36) elle se déclara guérie, se leva subitement et
revint au couvent de l'Incarnation sans souffrir du voyage.
Ces guérisons subites chez des hystériques, obtenues sous
l'influence d'une secousse morale quelconque, ont fait croire
souvent à des miracles qui n'existaient pas. Le lendemain
Thérèse se remit au lit, devenue de nouveau complètement
incapable de se lever. « Je restai dans cet état jusqu'au
dimanche des Rameaux de l'année suivante : j'étais dans une
extrême faiblesse, je n'avais plus que la peau sur les os;
quand j'allai mieux, je commençai à marcher à quatre pattes,
mais je restai longtemps impotente, et ce ne fut qu'après
trois années de maladie, que je fus à peu près guérie ».
Sommeil hypnotique DE Thérèse. C'est pendant cette
période de lit qu'elle eut dans la maison de son père, à Avila,
une crise de sommeil hypnotique; voici comment elle
raconte le fait : « Je ne pouvais ni jour ni nuit prendre de
repos, et outre cela j'étais en proie à une profonde tristesse,
avec des douleurs excessives qui me tenaient depuis les pieds
jusqu'à la tête ». Comme, à un moment où elle se croyait
plus malade, son père, pour lui enlever l'inquiétude de la
mort, s'opposa à la confession et à la communion, malgré le
grand désir qu'elle en avait, cette contrariété amena subi-
tement un sommeil simulant la mort : « La même nuit je
tombais dans un évanouissement qui me tint privée de sen-
timents pendant près de quatre jours : on m'administra le
sacrement d'extrême-onction ; on croyait à toute heure, ou
plutôt à chaque instant, que j'allais mourir, et on ne faisait
plus rien que de réciter auprès de moi le Symbole des
apôtres, comme si je l'eusse entendu. Quelquefois on me
tenait pour morte, et lorsque je revins à moi, je trouvai sur
mes paupières un peu de cire d'une bougie qu'on avait
apportée pour mieux juger mon état ». Enfin, ne trouvant
plus aucun signe de vie dans Thérèse, on fut si persuadé de
son décès, qu'au couvent de l'Incarnation on ouvrit une fosse
pour l'enterrer; des religieuses vinrent à la maison d'Al-
138 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
phonse de Cépèda, son père, pour assister au convoi de sa
fille, et dans un autre couvent on dit pour elle la messe
des morts. -
Observations -de sommeil hystérique. Cet état de
mort apparente chez des personnes hystériques n'est pas rare,
et il m'a été donné plusieurs fois d'en être témoin ; mais de'
plus, j'ai constaté qu'un certain degré de mensonge et de
fourberie accompagnait souvent. cet état. Je vais citer trois
cas de ce sommeil : - 1
Le premier cas est relatif à une femme de cinquante-cinq
ans, chez laquelle les sommeils hystériques après les crises
étaient fréquents. Comme je connaissais son état depuis de
longues années, et comme trop souvent je m'étais dérangé
pour elle sans grande nécessité, je faisais très rares mes
visites depuis quelques mois; l'hystérie lui fit entreprendre
un matin, de s'endormir et de simuler la mort, peut-être
pour faire courir après moi ; ce jour-là étant une fête de
famille, elle pensait la déranger et l'assombrir par mon
départ. A mon arrivée toute la famille pleurait autour du
lit, le corps était insensible et sans mouvement, la respira-
tion lente, le pouls filiforme, le coeur battait à peine ; elle
était, semblait-il, prête à rendre le dernier soupir. Comme
j'avais placé une trousse de chirurgie sur le lit et que je la
dépliais en silence en laissant tomber de ma bouche le mot
« Opération », je vis une des paupières de la malade se sou-
lever et laisser couler, à travers la ligne entr'ouverte ;des
cils, l'éclair d'un regard curieux. Mon diagnostic était fait ;
je déclarai que la malade n'était pas morte, et qu'elle
serait guérie dans la nuit, si on lui tenait sur la face un linge
mouillé d'eau froide. Je sus qu'elle s'était réveillée au cou-
cher du soleil.
La seconde observation est à peu. près semblable, avec
une cause différente. Il s'agissait d'une jeune femme de la
campagne, sujette à des attaques convulsives d'hystérie et
qui, un jour, à la suite d'une discussion violente avec son
L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 139
mari, tomba dans un sommeil invincible pendant quatre
jours; la syncope fut telle à certain moment qu'on crût voir
une morte véritable; je ne venais pas assez vite pounempê-
cher la malade de passer de vie à trépas; sauf les batte-
ments faibles et lents du coeur qui persistaient, la malade
paraissait en effet à l'article de la mort ; après avoir mis à
la porte tous ceux qui pleuraient trop fort, mon doigt sur la
bouche commanda un silence absolu ; je ne tardai pas à
voir les paupières de la malade s'entrouvrir à peine pour
laisser passer le regard curieux que je connais; j'ordonnai
les compresses d'eau froide sur la figure et je sortis en
disant très haut qu'elle allait se réveiller. A cent mètres de
la maison on courut après moi pour me dire que la malade
avait repris connaissance et jeté à terre les compresses désa-
gréables.
La troisième observation est la plus intéressante. Il s'agit
d'un soldat arabe profondément hystérique : un modèle
classique de l'affection avec tous ses symptômes se succé-
dant comme dans les descriptions d'un livre de médecine :
il fut pris pendant six semaines d'un sommeil simulant la
mort, avec un réveil de deux jours dans l'intervalle; l'état
était tel que plusieurs fois les infirmiers vinrent me dire qu'il
était décédé; il fallait un examen médical pour se rendre
compte de la persistance de la vie ; certainement on aurait
pu l'enterrer vivant; je fus obligé, à un moment donné, de
le nourrir avec la sonde, pour qu'il ne mourût pas de faim,
or l'opération se faisait sans aucune résistance du malade
plongé dans l'inertie la plus complète. Il prenait et gardait
comme un mannequin les positions étranges et bizarres
qu'on lui donnait ; sous la douche il ne tressaillait même
pas. »
Comme je le faisais conduire à l'hydrothérapie chaque
jour (on l'y portait comme un cadavre et on le reportait de
même), comme d'autre part, la chaleur de l'été étant très
forte, on se contentait de lui jeter sur le corps une couver-
ture arabe à -raies alternativement rouges et blanches, un
14O L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
jour le gardien vint me dire que le réveil avait eu lieu,
les raies de la couverture n'étant plus placées dans le sens
habituel; mais à ma visite il paraissait toujours comme un
cadavre et nous ne pûmes obtenir aucune manifestation de
vie. -
A la visite du lendemain, au lieu de sortir je me tins
immobile dans un coin de la chambre, après avoir fait un
changement de meubles avec des allées et venues pour
éveiller sa curiosité; alors je vis le malade soulever légère-
ment ses paupières et jeter un regard circulaire autour de
l'appartement, puis, m'apercevant, fermer de nouveau les
yeux et rentrer dans l'immobilité accoutumée; je lui dis que
je savais maintenant qu'il simulait la mort, que c'était une
fourberie de sa part, que je venais de le voir ouvrir les yeux
et me regarder; il fut insensible à mes objurgations et à mes
moqueries ; mais le lendemain après la douche, comme je
dis au gardien de le frotter fort avec la brosse en crin pour
le réveiller, à la première friction, soit qu'il y ait eu sug-
gestion, soit pour tout autres causes, il se leva'en criant
et ne retomba plus dans le sommeil. Comme on le voit,
malgré leur état de demi-conscience, et bien qu'ils puissent
supporter un jeûne prolongé, la mort par inanition peut se
produire, sans que ces malades veuillent rien faire pour
l'empêcher. Il faut lutter contre cette éventualité en les
nourrissant artificiellement, l'hystérie les aide à supporter
cette désagréable opération.
Notons ce fait très remarquable, la persistance de l'atten-
tion et de la curiosité, indiquant la continuation de la vie
intellectuelle.
On y voit aussi, à un degré difficile à évaluer, la four-
berie et le mensonge si fréquents dans les manifestations
hystériques. Si Thérèse entra dans cet état de sommeil' et
laissa croire à sa mort, sans avoir peut-être conscience du
mal qu'elle faisait, ce fut pour tirer une espèce de ven-
geance de son père qui lui avait refusé la confession
et la communion lorsqu'elle les demandait. C'est ainsi
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141
qu'agissent les hystériques : on ne veut pas croire, s'était
elle dit, que je sois en danger de mort, je vais le prouver.
Faits DIVERS DE sommeil hystérique. On lit sou-
vent dans les journaux des faits divers relatif;, à des som-
meils prolongés de même nature; ainsi, à la date du 6 novem-
bre 1901, est relatée la nouvelle suivante : A Périgueux,
une jeune fille de dix-huit ans est endormie depuis huit
jours ; tous les moyens employés pour la réveiller sont res-
tés sans succès. Il paraît que depuis quelques années, à
diverses reprises, cette personne s'est alitée sous l'action d'un
sommeil invincible, qui, jusqu'à présent, n'avait pas dépassé
une durée de cinq jours. » Chaque année on peut relever
en France cinq ou six faits divers semblables ; ce sont tou-
jours des sommeils hypnotiques : nous retrouverons le même
sommeil au moins une fois dans la vie de chaque grand
hystérique.
En tout cas, il sera toujours pour nous un symptôme de
la névrose.
(A suivre).
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
X. Les données anatomiques et expérimentales sur la structure
des hallucinations ; par Vasciiide et VuRpAs. (Journal de Yeii ? o-
logie, 4902, n° 5.)
Ce travail contient un exposé des observations et des recherches
de laboratoire les plus typiques concernant la genèse et le méca-
nisme des hallucinations.
Il semble résulter de ces observations que des modifications
apportées dans les conditions normales de perception sensorielle
peuvent être la cause des hallucinations. Il parait bien établi d'au-
tre part que des lésions organiques survenues soit dans le trajet
sensoriel, soit dans les centres nerveux peuvent être à leur tour la
cause prochaine des hallucinations constatées.
142 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
Enfin, certaines expériences et observations semblent plaider
en faveur du rôle de l'imagination. dans la production des hallu-
cinations. Mais l'examen attentif des faits et l'observation journa-
lière des sujets ont conduit les auteurs à admettre que dans chaque
hallucination il y a toujours un élément commun et généralement
décelable qui entre en jeu sous l'influence, soit de la même cause,
soit d'une lésion organique ou d'une idéation quelconque. G.D.
XI. Le réflexe du fascia lata; par J. Crocq. (Journ. de Neurologie,
1902,.n° 2.)
L'auteur relate dans cette note trois cas de paraplégie : dans
l'un l'excitation du pied provoquait comme réaction unique une
contraction réflexe du tenseur du fascia lata ; dans l'autre le réflexe
coexistait avec celui de Babinski ; enfin chez le troisième malade
la conservation du réflexe du fascia lata coïncidait avec l'abolition
du rotulien, l'exagération de l'achilléen et l'affaiblissement du
plantaire.
De ces faits M. Crocq tire la conclusion que le réflexe du fascia
lata constitue le premier stade de la rétraction de la jambe : il fait
partie du groupe des réflexes défensifs rapides dont les centres
sont intra-médullaires, et par conséquent il doit se rencontrer dans
tous les cas de lésion transversale complète de la moelle, alors
que les réflexes tendineux et cutanés sont abolis. G. D.
XII. Sur un cas de cancer vertébral; par Al. le professeur Raymond.
(Journ. de Neurologie, 1902, n° 3.)
La malade dont l'observatiou sert de base à ce travail présentait
une paralysie motrice des membres inférieurs et de la partie infé-
rieure du tronc, doublée d'une anesthésie dissociée dans les par-
ties correspondantes et accompagnée d'une abolition du réflexe
achilléen et des réflexes cutanés abdominaux en même temps que
d'une exagération des réflexes rotuliens.
Cette malade ayant subi un an auparavant l'extirpation du sein
droit cancéreux, on est en droit de penser que des foyers cancé-
reux secondaires ont fait effraction dans ses vertèbres et déterminé
une compression de la moelle surtout des cordons antéro-latéraux
et de la substance grise centrale.
Suivent un certain nombre de considérations sur les consé-
quences histologiques de cette compression : ischémie et stase
veineuse, oedème, ramollissement consécutif, myélite interstitielle
secondaire avec terminaison par sclérose, dégénérations secon-
daires, etc.
Ce travail se termine par l'exposé des symptômes qui traduisent
le mode de répercussion d'une lésion cancéreuse des vertèbres sur
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143
le contenu du canal rachidien et par quelques réflexions sur le
diagnostic, le pronostic et le traitement de ces lésions. G. Derny.
XIII. Anesthésie des nerfs sensitifs et moteurs ; par J. JoTEYKo
et M. STI·.1 ? NOUSIi.I. (jours. de Neurologie, 1902, n° 4.)
Après avoir constaté que l'anesthésie générale ne modifie pas
d'une façon appréciable l'excitabilité des nerfs, les auteurs ont
étudié expérimentalement l'action locale des anesthésiques (chlo-
roforme, éther, alcool) sur les nerfs sensitifs et moteurs.
Lorsqu'un nerf est placé dans une atmosphère de vapeurs anes-
thésiques l'excitation de la partie supérieure de ce nerf cesse d'être
efficace avant l'excitation de sa partie inférieure. Plus un point du
nerf est éloigné du muscle et plus vite disparait son excitabilité.
L'ordre inverse est suivi pour le rétablissement des fonctions : c'est
la partie inférieure du nerf, voisine du muscle, qui récupère la
premièae son excitabilité.
Lorsque, au contraire l'action de l'anesthésique au lieu de porter
sur la totalité du nerf est circonscrite à un point de son trajet, on
constate que l'excitabilité des fibres sensitives disparait avant celle
des fibres motrices et que le réveil de celles-ci a lieu avant celui des
fibres sensitives. D'une façon générale, la fibre sensitive est plus
sensible la fibre motrice plus résistante à l'action des anesthésiques.
En outre l'action de l'agent anesthésique reste localisée à la por-
tion du nerf anesthésie ; il n'y a pas, à proprement parler, de pro-
pagation centrifuge ou centripète.
En ce qui concerne les différences d'action des divers agents anes-
thésiques, les auteurs ont constaté que l'éther agit plus rapidement
que le chloroforme ; que la phase d'excitation est bien plus accen-
tuée avec l'éther qu'avec le chloroforme, etc.
En somme l'action des anesthésiques sur les troncs nerveux se-
rait comparable à celle des mêmes agents sur le système nerveux
central (anesthésie chirurgicale). Il est certain que le chloroforme
est un poison plus violent que l'éther pour le système nerveux
aussi bien central que périphérique, et cela probablement parce
qu'il est moins volatil. G. Deny.
XIV. A propos du signe de Ch.-Bell dans la paralysie faciale péri-
phérique ; par le D1' BOUCH.1UD (de Lille.) (Journal de 1'eurolo-
gie 1901, n°24.)
Chez la patiente atteinte de paralysie faciale périphérique dont
l'histoire est rapportée dans cette note, les mouvements du globe
oculaire, lorsqu'on lui disait de fermer l'oeil du côté malade, étaient
tout différents de ceux qui caractérisent les signes de Ch. Bell : le
globe oculaire au lieu .de se diriger en haut et en dehors se
déviait en bas.
144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
La même déviation du globe oculaire a été observée par l'au-
teur chez un homme atteint de tabes. Ce phénomène n'est donc
pas spécial à la paralysie faciale périphérique, mais son interpré-
tation reste encore très obscure. G. D.
XV. Contribution à l'étude du réflexe cutané du pied; par F. Sano.
, ~ (Journal de Neurologie , 1901, n°21.)
Chez un malade atteint d'hémiplégie gauche, l'auteur a vu
l'excitation de la plante du pied parésié déterminer "extension des
orteils du pied droit normal. Chez un autre hémiplégique la même
excitation portée sur le pied normal a déterminé la flexion des
orteils du pied paralysé. Pour expliquer ces faits M. Sano sup-
pose que l'excitation de la peau sur un point donné se transmet à
la fois aux deux hémisphères et que les muscles mis en activité par
l'hémisphère situé du même côté que la région excitée sur les
antagonistes des muscles mis en activité par l'hémisphère du côté
correspondant. G. DENY.
XVI. Tumeur cérébelleuse et épilepsie; par L. Marchand. (Journal
de Neurologie, 1901, 11" 21.)
Communiqué au congrès de Limoges.
XVII. Un cas de tremblement fonctionnel de la main droite; par le
Dr HLDE1'üEIiGl3 (de Lille.) (Journal de Neurologie, 1901, nu 22.)
Localisé dans la main droite, ce tremblement ne survient qu'à
l'occasion de l'acte d'écrire et au moment où la main munie d'un
crayon ou d'un porte-plume s'efforce d'écrire sur un plan fixe.
Aucun tremblement au repos ni quand le patient trace des carac-
tères d'écritures dans le vide; il ne tremble pas davantage quand
il écrit avec un morceau de craie. Ce tremblement n'est nullement
influencé par des causes psychiques, il augmente au contraire par
l'ischémie expérimentale des muscles de l'avant-bras et diminue
par l'électrisation des muscles radiaux. Se fondant sur ces différents
caractères l'auteur admet que le trouble moteur de son malade
doit être attribué à une lésion fonctionnelle irritative du système
téléneuronal autrement dit du système spino neuro-musculaire,
susceptible d'être sérieusement amendée par l'électricité, le mas-
sage, les vibrations mécaniques, les frictions stimulantes, le repos
prolongé, etc.
XVIII. Analyse des mouvements et de la sensibilité dans l'anes-
thésie par l'éther; par JorEyKo et Stefanowska. (Journal de
Neurologie, 1902,' no G.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145
Les auteurs ont constaté, en plaçant des souris et des grenouilles
dans une atmosphère chargée de vapeurs d'étlier, que le mouve-
ment spontané (fonction psychomotrice) peut exister en l'absence
de toute perception sensitive (fonction psycho-sensitive). Eu d'autres
termes, il existe une graduation dans l'envahissement des hémi-
sphères cérébraux par les vapeurs anesthésiques ; la sensibilité
disparaît avant la motilité, le réveil de la motilité précède celui de
la sensibilité.
On sait d'autre part que chez les parturientes, en graduant con-
venablement l'administration de l'anesthésique, on arrive à pro-
duire une analgésie complète sans porter atteinte aux mouvements
volontaires. La disparition de la sensibilité à la douleur précède
donc, chez l'homme comme chez les animaux, l'abolition du mou-
vement volontaire.
Ces observations conduisent à rattacher la suppression de la
douleur à une action des anesthésiques sur les centres supérieurs
et non à une paralysie des centres médullaires. G. D.
XIX. Réflexe plantaire cortical et réflexe plantaire médullaire ;
par J. Crocq. (Journal de Neurologie, 1902, n° 6.)
L'auteur conclut de ses recherches qu'il existe deux variétés dis-
tinctes de réflexes plantaires, ayant chacune leur signification pro-
pre, tant au point de vue physiologique qu'au point de vue ana-
tomo-pathologique :
111 Le réflexe plantaire cortical ou réflexe plantaire normal de
attouchement très léger ; `
20 Le réflexe plantaire médullaire qui comprend :
a) Le réflexe du fascia lata ou réflexe plantaire normal de Bris-
su2cd, provoqué par une excitation un peu plus énergique et qui
n'est que le premier stade du mouvement de défense ;
b) Le réflexe dé fensif complet, provoqué par une excitation encore
plus énergique et constitué par la contraction du couturier, des
adducteurs, du jambier antérieur, de l'extenseur des orteils et en
particulier du gros orteil (faux réflexe pathologique de Babinski),
avec flexion de la cuisse sur le bassin, de la jambe sur la cuisse,
etc. G. DENY.
XX. La contraction paradoxale de Westphall et le réflexe plan-
taire combiné ou paradoxo-normal ; par HELDEt3Encu. (Journal
de Neurologie, 1902, n° 6.)
Quand on fléchit vivement le pied avec la main, il arrive parfois
que le muscle tibial antérieur entrant brusquement en contrac-
tion, maintient le pied en flexion pendant quelques minutes ; c'est
Archives, surie, t. XIV. 10
'[46 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ce phénomène connu sous le nom de contraction paradoxale de
Westphall, que l'auteur a vu survenir chez une jeune fille hys-
térique à la suite d'une excitation partie de la plante du pied.
Chez le même sujet, l'auteur a également constaté, en même
temps que le redressement du pied, la flexion des orteils ; c'est à
ce phénomène qu'il donne le nom de réflexe plantaire combiné ou
paradoxo-normal, parce qu'il y a à la fois mise en jeu de deux
muscles antagonistes : le tibial antérieur et les fléchisseurs des
orteils. G. D.
XXI. Identité probable du réflexe antagoniste de Schoefer et du
phénomène de Babinski ; par les D1' DE Bucuet Dr, llooa. (Journal
de Neurologie, 1900, n° 5).
Chez une femme parésiée des quatre membres et des sphinc-
ters l'examen du réflexe plantaire montrait des deux côtés le phé-
nomène des orteils de Babinski d'une manière très nette. On cons-
tatait également l'existence du réflexe antagoniste sur lequel
Schoefer a récemment attiré l'attention (flexion dorsale des orteils
par pincement latéral du tendon d'Acliille).- En outre l'irritation
d'un point quelconque des téguments de la jambe donnait lieu à
la flexion dorsale des orteils.
Ce fait vient donc à l'appui de l'opinion de Babinski qui soutient
que le réflexe de Schoefer n'est pas un réflexe tendineux, mais un
simple réflexe cutané que l'on peut obtenir en irritant la peau
d'un point quelconque du membre inférieur. G. U.
XXII. Sur les troubles mentaux qui sont sous la dépendance de la
toxémie; par SirDvcE DucrwoRTa. ( L7ee .Toacravl o/' llelctcal Science,
Avril 1901).
L'auteur passe en revue les divers modes d'intoxication qui
peuvent agir sur les centres nerveux (toxines des maladies infec-
tieuses, de la goutte, de l'influenza, poisons divers entrés dans nos
habitudes, alcool, morphine, éther, chloral. cocaïne, etc.) et il
conclut que les divers agents toxiques qui pénétrent dans la circu-
lation exercent, comme on pouvait le prévoir, leur action spéci-
fique sur les divers tissus de l'organisme et manifestent des affini-
tés électives pour des systèmes déterminés de neurones. Dans les
maladies cérébrales d'ailleurs comme dans les autres états mor-
bides, on se trouve souvent en présence d'infections multiples.
Quiconque veut aujourd'hui étudier l'anatomie pathologique du
cerveau doit compter avec ces divers états, et le clinicien doit
s'attacher, dans la mesure où cela est possible, à discerner leurs
rapports avec les diverses formes de troubles mentaux.
R. de hIUSGRAV1 CLAY.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147
Un cas de gliome du cerveau; par W.-J.-A. Erskïne. (The
Journal of Mental Science, juillet 1901).
Observation : Femme de vingt-cinq ans, déraisonnable,
bruyante, violente, attaques fréquentes pendant et après lesquelles
elle est dangereuse pour elle-même et pour les autres. Trois
enfants bien portants. Pas de fausse couche. Bien réglée. Pas
d'antécédents héréditaires de tuberculose, d'alcoolisme ou de folie.
A onze ans, chute de trois mètres sur la tète, commotion céré-
brale. Les attaques ont commencé après la naissance de son
second enfant, il y a sept ans, elles ont été d'abord légères.
11 y a trois ans, après avoir appris subitement la mort de son
mari, elles sont devenues plus graves et sa raison a commencé à
se troubler.
Trois ans après son admission elle se plaint un matin, de
malaise et de céphalalgie ; on la fait recoucher et peu d'heures
après, elle tombe en état d'inconscience, puis de coma et meurt.
A l'autopsie, on trouve les sinus de la dure-mère et les veines
de la pie-mère et de l'arachnoïde gorgés de sang noir fluide. La
moitié ou les deux tiers inférieurs du lobe frontal droit et presque
toute la moitié antérieure du lobe temporo-sphénoïdal droit sont
occupés par une tumeur gélatineuse qui s'étend à la surface infé-
rieure du lobe frontal droit, où les sillons sont oblitérés, et à la
surface opposée de la scissure de Sylvius droite. Les ganglions
centraux droits étaient aussi envahis par la tumeur qui avait ainsi
une surlace libre dans le ventricule latéral droit et le troisième
ventricule. Les autres organes étaient sains, mais congestionnés.
Une coupe de la tumeur, près de son centre, montre qu'elle est
formée d'une masse serrée de fibrilles fines entrelacées, au milieu
desquelles se trouvent des cellules nombreuses, des éléments ner-
veux altérés et des vaisseaux malades. Les cellules sont de deux
variétés : les unes sont de forme irrégulière, à noyau relativement
volumineux; leur protoplasma se colore assez bien, et leur réseau
nucléaire est bien accusé. Ce sont les cellules gliomateuses. Les
autres, moins nombreuses, sont arrondies, leur noyau est plus
petit des trois quarts que le noyau des précédentes, et se colore
mal et peu distinctement.
Le protoplasma se colore à peine ; elles paraissent représenter
les cellules de la névroglie envahie par les cellules gliomateuses.
Les éléments nerveux présentent un aspect qui varie suivant la
date à laquelle ils ont été atteints.
L'état des vaisseaux atteste aussi des processus de date diffé-
rente : les uns sont chargés de cellules granuleuses ; les autres
sont entourés d'une mosaïque de cellules de la névroglie qui ne
tardent pas à envahir leurs parois et à les rendre fibreuses. A une
période encore plus avancée, les vaisseaux n'ont plus de lumière,
148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ils sont remplacés par un simple filament hyalin. Quelquefois
enfin, les parois artérielles sont calcifiées.
Il résulte de ces constatations que les cellules gliomateuses ne
se rencontrent pas in s;<M, mais qu'elles envahissent les autres
tissus. R. DE NIUSGR.1VE-CLAY.
XXIV. Un cas de fracture spontanée : par Herbert SIIICER. (Tlte
' Journal of Mental Science, octobre 1901.)
Il s'agit d'une fracture du fémur, survenue au cours d'une atta-
que, chez une femme de trente-trois ans, atteinte de manie chro-
nique : la gravité de la lésion paraît ici en désaccord avec la vio-
lence du traumatisme, presque nulle dans le cas actuel, puisque
la malade était au lit, au moment de la fracture : mais il n'y a
plus lieu de s'étonner lorsque l'auteur nous apprend que cette
malade était cancéreuse. R. de AIUSGRAVE-CL.11-.
XXV. Des interférences de la sensibilité; par A. Adamkikwicz.
(Nezii-olog. Ceniralblatt, XIX, 1900.)
Il existe deux espèces de troubles de la sensibilité : des (roubles
objectifs et des troubles subjectifs. Les premiers sont en rapport
avec les objets ; ils tiennent à un état pathologique des nerfs cen-
tripètes chargés de conduire les excitations émanées des objets, ou
à un état pathologique des centres de ces nerfs. Les seconds, indé-
pendants des objets, sont produits par l'état maladif du sujet; ils
naissent dans les affections des centres nerveux, surtout des cornes
postérieures de la substance grise, et sont tantôt associés aux trou-
bles objectifs (tabes parenchymateux), tantôt seuls (tabès intersti-
tiel). En ce dernier cas, les malades sentent parfaitement les objets,
mais ils sont atteints de paresthésie. Celle-ci provient de l'irrita-
tion morbide et spontanée des derniers postes de l'appareil con-
ducteur de la sensation, placés dans la moelle.
L'irritation varie d'intensité, et cesse aussi tout à fait par
moments. Cesse-t-elle, les sensations des objets sont normalement
perçues; existe-t-elle, elle entrave la sensibilité objective. De sorte
que, la fonction de la sensibilité objective a beau être intacte, elle
est altérée par la paresthésie et dans les proportions de l'intensité
de l'anomalie de la sensibilité subjective. Tel est le résultat phy-
siologique de deux ondes sensibles qui sont lancées sur les mêmes
.voies, mais sont provoquées en des points différents (périphérie et
cornes, postérieures grises), par des causes distinctes (excitants
périphériques normaux, altérations morbides de la substance'grise),
et tendent l'une vers l'autre. Ce sont de véritables interférences de
la sensibilité. < ' P. Keraval.
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149
XXVI. La conductibilité des os du crâne à l'égard des sons dans les
affections du cerveau et de ses membranes ; par F. WANNER et
Il. GuDMN. (ÀrCZII010g. CentrcalGf., XIX, 1900.)
Application de la méthode d'examen de l'ouïe de Bezold (série
continue de divers diapasons et flûtes formant la gamme), à la.
recherche des affections du cerveau et des méninges. On constate,
par exemple, une abréviation de la transmission du son par les os
du crâne dans la paralysie infantile cérébrale, la syphilis céré-
brale, l'alcoolisme chronique avancé, l'épilepsie, ainsi que dans
certains cas de névrose traumatique où l'on soupçonnerait volon-
tiers une lésion, sans oser l'affirmer, en l'absence de signes objec-
tifs. Les auteurs donnent le détail des opérations chez 17 malades.
Si, dans l'espèce, la transmission par les os est très raccourcie,
alors qu'il n'existe pas de signes d'une affection de l'oreille interne
et que l'acuité auditive est normale, on est autorisé à admettre une
altération organique à l'intérieur du crâne ou sur ses téguments.
En plaçant les diapasons sonores à divers endroits du crâne et en
déterminant les points à partir desquels décroît l'abréviation delà
transmission osseuse, on peut en quelque sorte localiser la surface
des altérations.
Quelles sont les altérations qui produisent ce raccourcissement t
de la transmission osseuse indépendant des affections de l'oreille
interne ? Avant tout les adhérences et épaississements des méninges
et les tumeurs. Il est à penser que, par suite de ces altérations
intracrâniennes, l'écoulement des ondes sonores est plus rapide, ce
qui diminue la durée de la perception. Si l'on applique un diapa-
son en marche non directement sur le crâne, mais en interpo-
sant de une à trois parois crâniennes naturalisées, la durée de la
transmission du son n'est guère ou point modifiée. Elle est au con-
traire abrégée de huit à dix secondes, dès que l'on garnit l'intérieur
de la calotte de ouate, de gaze ou de toute autre substance soudée
à l'os sur une surface grande comme la moitié de la paume de la
main à l'aide de caoutchouc; ce résultat est encore obtenu si, sur
le vivant, on place une couche semblable entre le diapason et la
peau. Alignez 6 personnes dont les têtes sont appliquées les unes
contre les autres, posez le diapason en marche sur le pariétal de la
première, vous trouverez la transmission du son abrégée de deux
secondes sur ce crâne; l'abréviation augmentera progressivement
sur les crânes suivants, le son ne se transmettra pas à«Lravers plus
de G têtes. L'âge produit une petite abréviation de la transmission
osseuse, à raison de la plus grande sécheresse des parties molles
du crâne et de l'os. Un diapason vibre moitié moins longtemps sur
un support neuf de caoutchouc dur que sur un support ramolli
par l'usage. P. KER1V.1L.. ,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
I. Contribution à l'étude de la maladie de Korsakoff. Un cas de
psychose polynévritique post-typhoïdique ; par le De Souxns-
NOFF. (Journal de Neurologie, 1902, n° 7.)
Après avoir relaté un cas de psychose avec polynévrite observée -
chez un homme de trente-quatre ans, convalescent de fièvre
typhoïde, l'auteur fait remarquer que malgré la diversité des
causes qui peuvent la provoquer, la maladie de Korsakoff n'en
constitue pas moins une véritable entité morbide. Les agents infec-
tieux ou toxiques que l'on rencontre à l'origine de cette maladie.
ne la provoquent pas directement, mais par l'intermédiaire des
glandes à sécrétion interne. Quelle que soit la cause de l'affaiblis-
sement ou de l'abolition des fonctions de ces organes, on voit
alors apparaître l'autointoxication et une altération de tout le sys-
tème nerveux périphérique et central; tantôt c'est le système péri-
phérique qui souflre le plus, tantôt c'est le système central. C'est
pourquoi on observe des cas de polynévrite, où les troubles psy-
chiques sont peu marqués et au contraire des cas de psychoses
polynévritiques où les phénomènes de polynévrite sont réduits au
minimum. G. D.
Il. La situation sociale de l'uraniste; par J. Crocq. (Journal de
Neurologie, 1901, n° 20.)
Dans cette note qui est une réponse au rapport présenté au der-
nier congrès d'anthropologie criminelle par M. Alébrino, l'auteur
définit l'uranisme, le penchant sexuel d'une personne pour une per-
sonne du même sexe et il montre que ce penchant ne s'observe que
chez les sujets anormaux, dégénérés, ce dont il est facile de se con-
vaincre en étudiant leurs antécédents héréditaires et personnels.
Très souvent leurs fonctions génitales sont anormales, l'organisme
est provoqué par l'attouchement, la vue, l'odeur même de ceux
qu'ils aiment. L'homoseoualité est donc incontestablement une
anomolie, un fait contre nature qui doit être l'objet de notre
réprobation. G. D.
III. Remarques sur la catatonie ; par le Dr P. 111nom.
(Journ. de Neurologie, 1902. n°4.)
D'après les idées généralement reçues en France, le terme de
catatonie ne s'appliquerait qu'à la conservation des attitudes pas-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 151
sives, à la lle.,ribilitas cerece des Allemands ; tel n'est par l'avis de
l'auteur qui fait rentrer dans la catatonie toutes les manifestations
psychomotrices : mouvements impulsifs, tics, grimaces, bizarre-
ries de manières, particularités du langage, négativisme, stéréo-
typie des actes, etc., etc.
Les symptômes catatoniques ainsi entendus, se rencontrent sur-
tout, mais non exclusivement, dans les formes hallucinatoires de
la démence précoce, chez les hystériques, les épileptiques, les para-
lytiques généraux et surtout chez les idiots.
Ce qui caractérise les troubles du système musculaire dits cata-
tomques si fréquents dans la démence précoce et dans l'idiotie c'est
leur absence de signification, et de relation soit entre eux, soit
avec une idée directrice quelconque. Ces troubles sont donc dans
les deux cas le produit ou l'expression de l'automatisme cérébral
pur et on doit les rencontrer dans tous les états passagers ou défi-
nitifs où l'intelligence est obnubilée, ou la conscience est annihilée,
en un mot, dans tous les cas de stupeur cérébrale. C'est pour ce
motif qu'ils sont d'autant plus rares que le sujet possède davantage
la libre possession de lui-même ; qu'ils sont d'autant plus fréquents
que l'inertie cérébrale est plus grande.
Cette manière de comprendre la catatonie rend compte des con-
ditions apparemment si diverses de son apparition; elle permet
d'expliquer la variabilité si grande de ses manifestations suivant
les sujets; elle rend compte aussi ses modifications qui se présen-
tent chez un seul et même individu : automatisme des centres mo-
teurs qui produit des actes plus ou moins complexes (impulsions,
crises) et dans un ordre opposé de faits : état cataleptique. néga-
tivisme, oppositions diverses. , G. DENY.
IV. Deux cas d'idiotie syphilitique par L. HARRis Liston; (Tite
Journul of Mental Science, octobre 1901).
Obs. 1. Femme de vingt-sept ans; comme signes de syphilis
congénitale, on trouve le crâne volumineux, le front carré, les proé-
minences frontales très saillantes, bosses sur les pariétaux, cica-
trices linéaires irradiées aux angles de la bouche, incisives petites
et dentelées; il y a deux ans kératite interstitielle à un oeil.
gagnant l'autre au bout de quinze jours. Parmi les autres stig-
mates de dégénérescence on note un palais étroit et à voûte
surélevée, un iris vert brun, l'autre bleu ; l'épaississement des
paupières, la rareté et la brièveté des cheveux, la petitesse des
seins, l'irrégularité et la faible abondance des règles. Au point
de vue mental, dès l'âge de deux ans on la trouve en retard, elle ne
peut apprendre ni à lire ni à écrire, mais elle sait compter. Elle
s'occupe un peu du ménage, mais elle est paresseuse et somno-
lente. A la puberté (dix-sept ans) on l'envoie au Workhouse où elle
).52 REVUE DE PATHOLOGIE MUNTALE ?
resta jusqu'à vingt et un ans. Comme elle y devient gênante pour
les autres pensionnaires, comme elle a des accès de colère sans
raison, on l'envoie t l'asile, où elle se montre constamment
-indolente et stupide, travaillant et parlant peu. A de longs
intervalles, elle a des accès de colère. Depuis six mois seule-
ment on constate quelques indices de coquetterie.
Obs. Il. Femme de trente-huit ans, bosses frontales saillan-
tes, bosses à la partie postérieure des pariétaux, petites cicatrices
pointillées autour de la bouche, et cicatrices linéaires irradiées
vers les commissures labiales : n'a plus qu'une seule dent. Palais
étroit à voûte surélevée, tête ronde aplatie à la partie posté-
rieure, cheveux rares et sans force. Pubis glabre. Seins très
petits. Menstruation régulière, mais faible. Tibias épaissis,
noduleux avec nombreuses cicatrices pigmentées sur leurs
crêtes. Signes de nanisme. Au point de vue mental, n'a pu
apprendre ni à lire ni à écrire, a mis longtemps à apprendre à
parler. Actuellement elle est simple, tacile, aisément satisfaite :
il faut l'aider se laver' et à s'habiller. Bon caractère, bonne
conduite. Se plaint souvent de toux ou de petites misères parce
qu'elle a compris que c'était le moyen d'avoir des pastilles on
du vin : elle s'occupe un peu du ménage, mais dans tout ce
qu'elle fait elle a besoin d'aide. Pas de désirs actifs, pas de
sensations sensuelles, pas d'ambition.
L'auteur fait suivre ces observations de quelques remarques
intéressantes que nous résumons : Il n'est pas commun de
rencontrer chez les idiots des exemples de syphilis congénitale :
on trouve, à la vérité, souvent dans 1'liéré(lo-sypliiiis, de légères
défectuosités mentales mais beaucoup de sujets porteurs de cette
maladie ont une vigueur mentale intacte. Dans certaines autres
maladies du cerveau, s'accompagnant d'altérations incontesta-
bles des tissus, dans la paralysie générale, par exemple, les
stigmates ou les commémoratifs syphilitiques sont extrême-
ment fréquents. Si l'on tient compte - de ces deux faits
1° que l'idiotie est rare dans les cas de syphilis congénitale,
2* que la paralysie générale est ordinairement une consé-
quence de la syphilis acquise, on est amené à -se demander
pourquoi les malades de la première catégorie présentent si
rarement, et ceux de la seconde si fréquemment de la dégéné-
rescence cérébrale. Est-ce le résultat du traitement anti-syphi-
litique, souvent longtemps continué chez les enfants atteints de
syphilis héréditaire : la mère, en ellet, demande promptement
conseil pour son enfant et lui administre les préparations mer-
curielles prescrites; tandis- que souvent l'adulte, honteux de
son mal, ne réclame pas les conseils d'un médecin et subit dans
toute son intensité l'influence du virus. La dégénérescence
^ .^$4Wr»ï'ÀJ^BATH0L0GIE MENTALE. 153
paralytique ne I se manifeste ordinairement que des années
après l'infection : mais si celle-ci a été grave, avec symptômes
secondaires très accusés, la paralysie générale peut apparaître
dans les deux ans, comme l'auteur vient de le constater chez
un de ses malades , dans un cas de ce genre, l'interrogatoire du
malade montre que le traitement spécifique a été ou totalement
négligé, ou imparfaitement appliqué. R. de Musgrave CL4Y.
V. Folie chez les jumeaux : deux jumelles atteintes de mélan-
colie aiguë ; par Arthur W. Wilcox. (The Journal of Mental
Science, avril 1901.)
Après un court historique du sujet l'auteur publie l'intéressante
observation de ses deux malades, dont l'âge (quarante-sept ans)
était notablement plus élevé que dans les cas précédemment publiés.
Ces deux malades entrèrent à l'asile le même jour. M. Wilcox
pense qu'il s'agit bien ici de folie gémellaire et non de folie à deux,
et il appuie cette opinion sur trois raisons : simultanéité du début;
20 parallélisme des conceptions délirantes et des autres troubles
psychopathiques ; 3° spontanéité du délire chez chacune des deux
malades. L'accès de mélancolie aiguë est survenu chez les deux
soeurs on peut dire au même moment ; toutes deux avaient les
mêmes délusions dominantes et avaient essayé de se suicider : leur
langage, leurs actions, leurs habitudes étaient presque identiques.
Les crises délirantes paraissent avoir été spontanées chez toutes
deux et s'être rattachées au chagrin que leur a donné la mort de
leur père. Toutes deux sont demeurées dans le même état depuis
leur entrée à l'asile et paraissent marcher vers la mélancolie chro-
nique. li. DE Musgrave-Clay.
VI. La décroissance de la paralysie générale des aliénés en
Angleterre et dans le Pays de Galles; par lt.-S. S'rEw,l1'r. (Tite
Journal of Mental Science, janvier 1901.)
A l'aide de chiffres et de tableaux, qui paraissent judicieuse-
ment établis et puisés a bonne source, l'auteur montre que la
paralysie générale a commencé à décroître en Angleterre en 1893
(ce qui indique une plus grande force de résistance et un accrois-
sement de vitalité des individus), et il constate que cette décrois-
sance est spéciale à l'Angleterre, car on ne la rencontre ni dans
les pays continentaux, ni même en Ecosse et en Irlande.
R. de lIUc.GR.IVE-CL41'.
VU. Trois cas de mélancolie avec symptômes d'un intérêt clinique
peu ordinaire ; par 13.-R. LE>;Pl : n. (Tlte Journal of Mental Science,
octobre 1901.)
loi REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Ces trois malades, dont l'observation est relatée avec soin, pré-
sentaient de la glycosurie non diabétique : leurs délusions étaient
toutes de nature dépressive et révélaient des troubles de l'inner-
vation splanchnique. Chez deux d'entre eux, la disparition du
sucre a marqué le début d'un commencement de guérison, et chez
le troisième,. le début d'une amélioration physique et mentale.
L'auteur n'affirme pas que la codéine administrée à ces malades
ait été la cause unique de l'amélioration, mais il est certain
qu'elle a paru nettement utile chez deux d'entre eux et que la
disparition du sucre a suivi de près son emploi. Ces cas sont sur-
tout instructifs en ce qu'ils montrent combien il est important,
pour la bonne direction du traitement, de reconnaître les anoma-
lies d'excrétion chez les aliénés. R. de Musgrave CLAY.
VIII. Le Juif aliéné, lettre ouverte au D1' C.-F. Beadles, par le
professeur M. Benedikt. (The Journal of Mental Science, juillet
1901.)
M. Benedikt a lu avec d'autant plus d'intérêt le travail de
M. Beagles, qu'il se préoccupe depuis longtemps de l'étude des
maladies nerveuses chez les juifs. C'est un fait incontestable que
les différentes formes de dégénérescence nerveuse (paralysie
générale, ataxie, etc.), ainsi que le défaut de puissance sexuelle
sont extrêmement fréquents dans la race juive. Dans un travail
précédent, l'auteur estime avoir trouvé une formule appropriée,
aux recherches étiologiques, en disant que les fonctions de tout
organe ou organisme, qu'il soit sain ou malade, dépendent de
deux facteurs : en premier lieu figurent les qualités et les prédis-
positions innées de l'organe ou de l'organisme ; en second lieu
viennent les résultats de l'évolution, qui dépendent de circons-
tances et d'influences diverses, mais particulièrement des qualités
innées, sur lesquelles l'évolution n'a pas d'influence, et qui cons-
tituent ce que dans le langage populaire on appelle une seconde
nature.
Sous l'influence d'une excitation, il se produit une réaction
qui est proportionnée à l'état congénital et évolutionnaire de l'or-
ganisme. En sorte que si l'on construit une formule d'après ces
principes, en désignant par N la prédisposition congénitale, par
N' la « seconde nature », par E les autres facteurs de l'évolution,
par 0 l'excitation accidentelle, et par 1, le résultat de la réaction,
on a :
N' -t E -+- 0)
formule valable pour les fonctions psychologiques.
En pathologie, les facteurs N, N' et E constituent ce que l'on
appelait autrefois la prédisposition..
REVUE LE PATHOLOGIE MENTALE. · 155
Maintenant, la folie. chez les juifs, se rapporte-t-elle à la race ' ?
et. actuellement, la race juive est-elle pure'' ' ?
Les recherches de Luschau sur les crânes de l'Asie Mineure ont
montré que déjà, dans les temps anciens, les juifs ne constituaient
pas une race pure, et cela est encore plus évident à l'heure
actuelle : on peut distinguer chez eux au moins trois races origi-
nelles : la race sémitique, la race arménienne et la race teuto-
nique ; cette dernière est la moins importante dans le mélange
ethnologique, mais elle est nettement discernable sur le vivant
par la courbe caractéristique de l'occipital. L'auteur entre ici dans
des considérations intéressantes sur les deux premières races
mentionnées, leur rôle dans l'histoire, leur dispersion dans le
monde, puis il arrive à l'étude des qualités caractéristiques du
peuple juif, et il commence par les qualités nerveuses et men-
tales. Dans l'ancien temps, quinze siècles avant Jésus-Christ, nul
peuple ne fut plus apte que le peuple juif à recevoir des idées
abstraites sur la Cosmogonie et à concevoir les problèmes fonda-
mentaux de la métaphysique. C'est ce que Moïse avait compri-
quand il leur révéla les vérités et les mystères qui, furent l'apa-
nage du sacerdoce. La seconde qualité psychique nécessaire pour
porter un pareil fardeau était une prédisposition morale à sacri-
lier les intérêts politiques, sociaux et économiques à des idées et à
des convictions profondes.
Les sémites assurément dominaient parmi ces confidents de
Moïse ; mais les races qui se mêlèrent à eux par la suite furent
vite imbues des mêmes idées et sentiments, et acquirent les
caractères des conquérants juifs de la Palestine; c'est ainsi
que la « nature » des juifs sémites devint bientôt la « seconde
nature » des autres, et après de longues années de la même vie
politique, ! religieuse, sociale et économique, leur « première
nature ». C'est de la même manière que ceux qui émigrèrent a
Paris où à Vienne devinrent avec le temps de vrais Parisiens et de
vrais Viennois.
Ces qualités caractéristiques prédominantes marquent le peuple
juif de l'estampille névropathique. Peu à peu, ils perdirent le con-
tact avec la nature, qui, au temps de leurs occupations agricoles,
servait de correctif : peu a peu aussi leurs plaisirs sociaux, déjà
restreints par les prescriptions religieuses, le furent davantage
encore par l'exclusion dont ils étaient frappés : l'expansion de
leurs passions et de leurs émotions étant trop réduite, leur santé
en souffrit et ils devinrent de plus en plus névropathes. L'intérêt
se limitant à la famille, les sentiments familiaux devinrent plus
intenses que chez les autres peuples, ce qui aboutit souvent à de
véritables excès vénériens matrimoniaux, dont les femmes surtout
eurent à souffrir; et aujourd'hui encore, il n'est pas rare, chez les
juifs orthodoxes, de voir des femmes qui, depuis la puberté jus-
156 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
qu'à la ménopause, sont condamnées à une série ininterrompue de
grossesses, d'accouchements et d'allaitements. 1
Comment s'étonner alors que 1'l ? lstei-ia gravis soit si commune
.parmi les femmes juives. Les cas graves d'aphonie hystérique,
sous forme endémique, sont fréquents chez, les juifs des deux
sexes, et l'aphonie hystérique est presque caractéristique d'une
origine juive : les autres formes convulsives et psychopathiques
sont d'ailleurs extrêmement communes chez les hommes comme
chez les femmes.
Bien que les qualités inhérentes aux juifs aient plusieurs siècles
de durée, ils ont une grande aptitude à l'adaptation physique et.
mentale, et si l'on peut se servir de cette expression, ils sont
extrêmement plastiques. , '
Ils ne sont pas d'ailleurs une nation, au vrai sens du mot, car
la condition néceseaire pour constituer une nation est l'unité de
langue, et si l'hébreu n'est pas absolument mort, du moins, n'est-il
pas un langage populaire. Il n'existe d'ailleurs entre les juifs de
différentes origines qu'un lien superficiel fondé sur d'anciennes
traditions et parfois sur la misère des persécutions. Parvenus a
cette conclusion que les juifs constituent un peuple très intellec-
tuel et très névropathe, il nous reste à rechercher l'influence du
facteur 0, c'est-à-dire les causes capables de déterminer des états
neuro-pathologiques et particulièrement la folie et la paralysie
générale.
On admet aujourd'hui que l'alcoolismeet la syphilis sont les
deux principaux facteurs de la paralysie générale ; l'auteur a tou-
jours combattu cette opinion : il divise ses malades juifs en deux
classes, dans la première desquelles la syphilis et l'alcoolisme
sont rares (ces deux tares sont plus rares encore chez les juifs
orthodoxes), et il constate que les névroses de dégénérescence et
la paralysie générale sont communes dans les deux classes, ce qui
condamne au point de vue étiologique les facteurs incriminés. La
théorie de l'auteur à cet égard se résume en cet axiome : Tabicus
et paralyticus non fil, set< ? 2oiscitiii. Quelles sont donc les causes
déterminantes de la paralysie générale chez les juifs ? La première
cause se trouve dans les mauvais traitements et les cruautés
qu'ils ont eu à subir, même dans ces dernières années ; on se
demandera pourquoi .cette maladie n'est pas devenue plus fré-
quente et héréditaire aux époques éloignées où les juifs étaient
persécutés et exilés plus cruellement qu'aujourd'hui; c'est que la
plupart du temps ils succombaient aux mauvais traitements ou
aux privations.
Mais il y a d'autres raisons à cette augmentation de la folie : ils
sont devenus ambitieux à mesure que la liberté les a fait bénéfi-
cier d'un meilleur accueil; toutes les carrières se sont ouvertes
devant eux, mais, malgré tout, pour y entrer, pour y rester, pour
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 157 i
s'y distinguer, la lutte est plus âpre pour eux que pour les autres,
et d'autant plus dangereuse pour leur système nerveux qu'ils y
apportent la ténacité héréditaire des jours de misère.
. Les femmes ont subi des influences d'ordre différent, mais
analogues, eu égard à leur sexe, et sont devenues bizarres et sou-
vent perverses. '
De ces diverses circonstances est résulté le récent accroisse-
ment de la paralysie générale chez les juifs. Les statistiques
doivent être considérées comme trompeuses à cet égard, parce
que les Juifs dissimulent souvent les cas d'aliénation mentale, soit
à cause de leur antipathie pour les asiles, soit pour des raisons
d'ordre social (mariage). Mais les observations personnelles des
-médecins révèlent plus nettement que les documents officiels
l'accroissement du nombre des cas de folie chez les juifs.
' R. de Musgravc-Clay.
IX. Un arbre généalogique démonstratif de la folie et du sui-
cide ; par J.-M.-S. Wood et A.-ri. Urquiiart. (1'lve Journal o/'
Mental Science, octobre 1901.)
Il faudrait pour donner une idée exacte de ce travail reproduire
l'arbre généalogique qui l'accompagne et en fournit les éléments.
On peut noter toutefois qu'il est particulièrement intéressant au
point de vue de la persistance dans une même famille de formes
semblables d'aliénation mentale. R. M.-G.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. Deux cas de myélite conjugale ; par le Ruz' Glorilux. (Journ. de
Neurologie, 1902, n° 2.)
Dans' l'un des cas relatés dans cette note le mari et la femme
étaient atteints de tabès dorsalis ; dans l'autre le mari était tabé-
tique et la femme présentait tous les signes d'une myélite de' la
région lombaire. Chez aucun de ces quatre malades on n'a pu
relever aucun antécédent syphilitique.
Ces observations semblent donc établir que dans un certain
nombre.de cas tout au moins l'existence de myélites conjugales
peut être le fait d'une simple coïncidence, i G. D. ·
158 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
II. Les paralysies post-anesthésiques; par le D1' de Bucii.
(Journ. de Neurologie, ]903, n° 2.)
Les trois cas de paralysie post-anesthésiques rapportés dans
cette note concernent des femmes ne présentant aucun signe d'hys-
térie et qui avaient subi une intervention sur les organes génitaux
internes : l'une a été paralysée du bras droit, l'autre du bras gau-
che, la troisième a été atteinte d'hémiplégie droite, avec aphasie,
etc. Ces paralysies ont été observées dans les vingt-quatre heures
qui ont suivi l'opération et n'ont pas duré plus de quelques jours.
L'anesthésie a été obtenue dans tous les cas au moyen du chloro-
forme et c'est à l'action toxique de cet agent sur les centres ner-
veux, qu'il faudrait, d'après M. de Buck. rattacher ces accidents
paralytiques : il s'agirait en un mot de paralysies toxiques et non
hystériques comme l'admettent quelques auteurs.
En faveur de cette origine on peut du reste invoquer la présence
chez la malade qui a été atteinte d'hémiplégie du phénomène de
Babinskietduclonusdupied. G. D. z
111. Scoliose neuropathique; par le De BucK. (Journal de Neuro-
, logie, 1901, ;il' 23.)
Il s'agit d'un cas de scoliose neuropathique vraie d'origine trau-
matique. La malade n'était pas atteinte à proprement parler de
sciatique, mais elle présentait des douleurs le long du membre in-
férieur droit et les muscles de la masse sacro-lombaire du même
côté étaient le siège d'une atrophie manifeste. En outre, il existait
une scoliose croisée par rapport au membre douloureux. Ce l'ait
plaide donc en faveur de l'existence d'une scoliose par altération
de l'érecteur du tronc. D'autre part de nombreux travaux ont
prouvé l'existence d'une scoliose purement hystérique. L'auteur
estime donc qu'il y a lieu d'admettre une scoliose neuropathique
indépendante de la sciatique. Cette'scoliose peut avoir une patho-
génie variée. Elle peut être purement instinctive (théorie de la
décharge) ou hystérique. Dans d'autres cas, elleseraréflexe et quel-
quefois même névritique organique. 11 en est donc de la scoliose
comme de la coxalgie, du torticolis, de l'hémiplégie, etc. Enfin au
point de vue pathogénique, il faut encore distinguer une scoliose
paralytique et une scoliose par contracture. G. D. ,
IV. Un cas de névrite radiculaire double du plexus brachial avec
paralysie unilatérale complète de la troisième paire simulant
une pachyméningite cervicale hypertrophique; parle Dr IIEL-
DENBERG (de Gand.) (Journal de Neurologie, 1901, n°23.)
Il s'agit d'un homme de trente-six ans dont l'affection débuta
par des douleurs au niveau de l'épaule et du membre supérieur
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 159
droits, douleurs qui furent bientôt suivies d'une paralysie radiculaii e
du type Erb, avec atrophie des muscles de la ceinture scapulaire.
Quelque temps après le mal subit une nouvelle recrudescence et
d'unilatéral qu'il était devint bilatéral ; de plus il survint deux
faits nouveaux : une paralysie graduelle et totale du nerf de la
troisième paire et une véritablecontracture des muscles de la nuque
et de ceux des membres supérieurs innervés par le radial. Cette
dernière particularité pouvait faire songer à une pachyméningite
cervicale hypertrophique, mais, d'une part cette contracture n'a été
que passagère, et de l'autre, s'il s'était agi d'une pachyméningite
cervicale hypertrophique, la paralysie n'aurait pas suivid'aussi près
les douleurs spontanées, et enfin cette paralysie n'aurait pas affecté
le type d'Erb; elle aurait vraisemblablement empiété sur les mus-
cles de l'avant-bras et de la main, dans le domaine des nerfs
médian et cubitaux.
Quant à l'envahissement des filets nerveux de l'oculo-moteur
commun, l'auteur l'attribue à ce fait que le malade exerçant la
profession d'homme de lettres, l'appareil musculaire innervé par
ce nerf réalisait chez lui un locus minoris résislentiz. G. D.
V. Contribution à l'étude clinique des aphasies, par A. VA ?
GEHUCUTEX. (Journal de Neurologie, 1900, n° 3.)
Ce travail est basé sur trois observations . la ire est un cas d'a-
phasie motrice avec agraphie sans hémiplégie ; la 2e un cas d'a-
phasie motrice et sensorielle, également sans hémiplégie ; et la 30
un cas d'aphasie motrice corticale qui est venue compliquer une
hémiplégie droite existant depuis quatre mois et qui a entraîné de
l'agraphie pour la main gauche. G. DwY.
VI. Observation d'un cas de sclérodermie dactylique ; par le D de
Maerk. (Journal de Neurologie, 1900, n° 2.)
Vil. Un cas de spina bifida avec agenésie radiculaire et cordonale :
par F. Saxo. (Journal de Neurologie, 1900, n° 2.)
11 s'agit d'un homme de quarante-six ans, qui porte depuis sa
naissance à la région lombaire une tumeur sous-cutanée de con-
sistance graisseuse. A ce niveau la sensibilité cutanée est abolie
dans tous ses modes dans une vaste étendue formant comme une
selle sur la région lombaire et sur les cuisses. Cette anesthésie .
occupe les territoires des première, deuxième et troisième racines
postérieures lombaires. Il existait en même temps une légère
contracture avec une exagération des réflexes tendineux au niveau
des membres inférieurs. " G. D.
160 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
VIII. Paralysie labio-glosso-laryngée (Atrophie chronique des
noyaux moteurs de la protubérance et du bulbe) ; par F. Sano.
(Journal de Neurologie, 1900, n° 5.
Histoire clinique d'une femme qui fut atteinte successivement à
l'âge de soixante-deux ans d'une paralysie des lèvres, de la lan-
gue et des cordes vocales, avec conservation des mouvements des
yeux, des membres et du tronc. L'auteur base son diagnostic sur
la marche lente et progressive de la maladie, sur la symétrie par-
faite des altérations fonctionnelles des noyaux bulbaires et pro-
tubérantiels, et enfin sur l'existence de tremblements fibrillaires
et la diminution de l'excitabilité électrique dans les muscles para-
lysés. - G. D.
(X. Syndrome d'Erb; par le D1' de Bucx. (Journal de Neurologie,
1900, n° 4.)
Le malade qui a servi de point de départ à ce travail présentait
les symptômes suivants : 1° une parésie portant sur le domaine de
presque tous les nerfs depuis la troisième paire corticale jusqu'à
la moelle ianée ; 2° une sensation générale de fatigue exagérée par
les mouvements et le travail intellectuel ; 3° une exhaustibilité des
fonctions psychiques ; 4° une atrophie avec diminution de la con-
tractilité faradique localisée aux muscles de l'épaule et du bras.
Pas de troubles marqués de la sensibilité, pas d'altération des
sphincters.
' En attendant que l'anatomie pathologique nous éclaire sur la
nature de cette affectiod, l'auteur propose de la désigner sous le
nom d'llpolainésle casthélziyue bul6o-spizccle. Quoique d'ordre fonc-
tionnel et partant curable, cette affection peut entraîner la mort
par paralysie respiratoire.
Le traitement consiste dans le repos, une hygiène parfaite et
des névrosthéniques physiques et pharmaco-dynamiques employés
avec prudence et circonspection. G. D.
X. Dissociation hystérique du sens de la température avec inver-
sion de la sensibilité au froid ; par G.-W. Mac CASKEY. Tite nez
I'orlc Médical Journal, 14 décembre 1901.)
On sait que la sensation est constituée par une série très com-
plexe de fonctions, dont chacune se manifeste dans de très petites
zones contiguës de la peau, desservies par des nerfs spéciaux, les-
quels traversent probablement le cerveau en suivant des trajets
indépendants.
Cette dernière hypothèse parait nécessaire notamment pour
expliquer les phénomènes cliniques de la syringomyélie. Il existe
au moins quatre sortes de zones sensorielles, celles du toucher,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 161
celles de la douleur, et celles de la chaleur et du froid. L'absence
de ces deux dernières fonctions constitue la tliermo-anesthésie.
Dans le cas rapporté par l'auteur, les zones intéressées étaient
celles qui concernent la réception des sensations de douleur et de
froid, la première était altérée, et la seconde « renversée » et d'une
acuité morbide.
11 s'agit d'un homme de quarante-deux ans, qui se plaignait de
faiblesse des membres inférieurs, de douleur lombaire, de perte.
d'appétit et de sommeil. La puissance génitale était complètement
abolie, et la miction parfois difficile au début. Il avait perdu beau-
coup de son poids : les urines étaient normales. Le signe de Rom-
berg était légèrement accusé, le réflexe du genou un peu exagéré.
Les pupilles étaient symétriques et sensibles à la lumière et à
l'acconimodation. La faiblesse des membres inférieurs n'était pas
.excessive. ,
Les muscles de ces membres, bien qu'un peu flasques, répon-
daient normalement à l'excitation électrique. Il n'y avait nulle
part de renversement de la formule galvanique.
La sensation tactile et la perception de la chaleur étaient nor-
males sur toute la suriace du, corps. La sensibilité à la douleur
faisait défaut sur la surface totale des extrémités inférieures. Mais
ce qui est surtout remarquable c'est le résultat de l'exploration de
la sensibilité thermique. La sensation de la chaleur était absolu-
ment normale et ses divers degrés étaient appréciés correctement
et sans hésitation. Mais l'application du froid sur la peau était
invariablement prise pour une sensation de chaleur, et les degrés
de froid étaient sentis comme des degrés de chaleur.
Le froid n'était perçu comme du froid qu'à la face et au cou. Le
caractère et la distribution de cette anomalie sensorielle devaient
nécessairement faire penser à l'hystérie, malgré que rien dans
l'histoire du malade ne plaidât dans ce sens. En cherchant d'au-
tres stigmates, on trouva d'abord une anesthésie presque complète
de la conjonctive. L'examen des champs visuels montra une dimi-
nution irrégulière et une inversion partielle du champ de la vision
colorée (ici se placent des figures explicatives) : les divers champs
ne furent délimités qu'à l'aide de quatre points, deux verticaux et
deux latéraux,-ce qui suffit pour l'exploration neurologique. Le
champ du vert n'a pas été exploré, le malade étant daltoniste à
l'égard de cette couleur. '
Le diagnostic d'hystérie fut porté nettement.
Un examen ultérieur montra que les altérations de la sensibilité
s'étaient notablement amendées.
Ces anomalies de la sensibilité et de la vision ne pouvaient
dépendre que de l'hystérie ; on a néanmoins exigé que le malade
revint se soumettre plus tard à de nouveaux examens, parce que
même en présence de phénomènes nettement hystériques, on ne
Archives, 2* série, t. XIV. il
162 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
doit jamais oublier qu'ils peuvent coexister avec une lésion orga-
nique, et l'auteur cite un cas, très probant, où des phénomènes
indubitablement hystériques ont accompagné, et masqué pendant
un certain temps, une tumeur cérébrale. Le premier diagnostic
d'hystérie avait été l'expression de la vérité, mais non de toute la
vérité.
Le principal intérêt de ce cas est dans la nature même de l'alté-
ration de la sensibilité au froid. L'analgésie thermique n'est peut-
être pas très rare dans l'hystérie, mais elle est presque toujours
associée à l'analgésie, ce qui était le cas chez le malade dont il
s'agit ici pour les extrémités inférieures, mais non pour le tronc
et les extrémités supérieures.
L'auteur ne se souvient pas qu'il ait été publié des cas de cette
dissociation de la sensibilité au froid dans l'hystérie ; mais on l'a
observée dans certaines maladies organiques des centres nerveux.
et Déjérine et Thuitant notamment ont observé cette dissociation
dans la syringomyélie : chez leur malade toutefois il y avait perte
complète de la sensibilité sur une surface très étendue. En fait,
dans le cas qui vient d'être rapporté par l'auteur, la thermo-anes-
thésie au sens propre du mot n'existait pas. Il s'agissait plutôt
d'une hyperesthésie à l'égard des sensations causées par le froid,
lesquelles étaient perçues sous la forme de sensations de chaleur.
Toutefois à cette anomalie sensorielle se joignaient des phéno-
mènes de nature franchement anesthésique. '
* li. DE Musgrave-Clay.
XI. Contribution à la pathogénie de l'épilepsie ; par Z. Byciiowsry.
(VeM ! -o.C'eK't(/6 ? XIX, 1900.)
Il s'agit d'un homme vigoureux de vingt-huit ans, indemne de
toute tare héréditaire ou personnelle qui, depuis plusieurs années
passe six à huit heures par jour dans une atmosphère imprégnée
de vapeurs de tabac. Il traite à chaud des feuilles de tabac brutes
par des procédés chimiques afin d'obtenir un produit de prix
modique, inoffensifet aromatique. Pour que personne ne lui vole
son secret, il opère dans un-local clos, dénué de ventilation. Cela
lui rapporte annuellement 15 000 marks. Mais il y a gagné une
conjonctivite et les autres accidents du zzicoliczisme. Depuis deux
ans il éprouve des attaques d'épilepsie de plus en plus fréquentes
et violentes, ce qui est conforme aux expériences de Schtscherbak
Vi-atsclt., 1887). II cesse de s'exposer aux vapeurs toxiques, et
l'épilepsie disparaît sans autre traitement ; il y a dix-huit mois
de cela. Les autres phéneaïïènes du nicotinisme chronique, tels
que vertiges, dyspnée, constipation, ont aussi presque disparu.
P. KERAV.1L.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 163
XII. Contribution à la connaissance de l'hémiatrophie faciale pro-
gressive ; par A. 11OFrMANN. (Neunolog. Centralbl., XIX, 1900.)
Deux observations. La première, chez un jeune garçon de dix
ans, est une hémiatrophie consécutive à un traumatisme; blessure
au-dessous du rebord de l'orbite par suite d'une chute. Dans la
seconde, il s'agit d'une femme de quarante-deux ans, qui d'abord
pendant seize années, a été affligée d'une névralgie du trijumeau
à gauche ; elle entraîna l'atrophie de la moitié correspondante de
la face; c'est en un cas semblable que Mendel a montré une dégé-
nérescence du trijumeau. Moebius regarde cette maladie comme
une atrophie primitive de la peau, causée par des processus
toxiques. C'est impossible à admettre chez notre jeune garçon, car
sa blessure guérit rapidement et parfaitement. L'origine nerveuse
est évidente dans la seconde observation. Notons les résultats favo-
rables de l'électricité galvanique chez le jeune homme; il en est
d'ailleurs ainsi parfois dans la sclérodermie en plaques, qui pré-
sente quelque ressemblance avec cette affection. NI. Hoffmann avait
proposé à la malade, qui souffrait terriblement, l'extirpation du
ganglion de Gasser; elle refusa, il ne l'a plus revue (photogra-
pies). " P. Keraval.
XIII. Contribution clinique et expérimentale à la question de la
sécrétion des larmes; par G. KOESTEUT. (Neurolog. Ceatralbl.,111,
1900.)
Est-ce le facial et non le trijumeau qui préside à la sécrétion
des larmes ? Voici ce que dit la clinique. Dans la paralysie faciale,
on observe, du même côté, soit, le plus rarement, une exagération
de la sécrétion des larmes, soit, surtout, une diminution et même
une suspension de cette sécrétion. Celle-ci généralement s'accom-
pagne de diminution de l'excitabilité électrique du tronc du facial,
ou de réaction dégénérative typique, tandis que l'hypersécrétion,
coïncide avec l'hyperexcitabilité électrique du tronc du nerf. Au
moment de la guérison, on voit rétrocéder successivement les
troubles de l'ouïe et de la sueur, du goût, de la salive, de la sécré-
tion lacrymale. Finalement, l'excitabilité, électrique revient à la
normale, mais après la réinstallation de l'incitabilité volontaire.
Dans la paralysie faciale rhumatismale, il ne survient de trouble
lacrymal que lorsque la paralysie siège dans le voisinage du gan-
glion géniculé (trouble simultané des larmes et du goût). Dans la
paralysie faciale d'origine basale, on observe également le trouble
de la sécrétion lacrymale, mais naturellement sans trouble conco-
mitant du goût. D'autres observations cliniques permettent de for-
muler que les fibres lacrymales arrivent du bulbe dans le tronc du
facial de concert avec les fibres sécrétoires de la salive. An niveau
164 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
du ganglion géniculé, elles se détachent en avant, et s'en vont
par le grand nerf pétreux superficiel vers le ganglion sphéno-pala-
tin. Le trijumeau ne joue, par rapport à la sécrétion lacrymale
chez l'homme, qu'un rôle réflexe; il est la branche conductrice
centripète de l'arc réflexe, tandis que le facial représente la branche
centrifuge sécrétoire dans un nerf moteur. Le larmoiement unila-
téral de l'oeil dans la névralgie unilatérale de la 5° paire, plaide en
faveur de cette opinion. Le facial est donc, chez l'homme, le nerf
des larmes. -
Voici, par contre, de nouvelles expériences qui prouvent que,
chez le chien, le chat, le macaque, le facial K'oe rien à voir avec la
sécrétion des larmes. On n'obtient pas de sécrétion lacrymale de
l'excitation de la corde du tympan avant son entrée dans la scis-
sure de Glaser. ni de celle du bout périphérique ou central du
facial dans le trou stylomastoïdien. L'élongation de ce dernier ne
détermine pas de sécrétion lacrymale unilatérale. L'excitation du
facial à la base du crâne après sa sortie du cerveau, ne produit
qu'une salivation profuse. On a beau exciter isolément corde du
tympan ou facial, on ne voit point les larmes couler ni déborder
dans l'angle interne de l'oeil. La destruction, chez tous ces ani-
maux, du facial jusqu'au ganglion géniculé, n'entraîne pas la dégé-
nérescence du grand nerf pétreux superficiel ou du nerf lacrymal.
Quel est donc, chez ces animaux, le nerf des larmes ? Il est pro-
bable, notamment chez le chat, que le sympathique exerce une
influence sur la sécrétion lacrymale. L'excitation du bout périphé-
rique du nerf lacrymal provoque aussi la formation des larmes
dans l'oeil du même côté. L'excitation des racines du trijumeau,
après section préalable à la base du crâne, est demeurée négative,
à cause de l'épuisement des animaux par de longues vivisections ;
impossible de spécifier si l'excitation du nerf lacrymal tenait à
celle des fibres du trijumeau, ou du sympathique mélangées.
P. KERAYAL.
XIV. Les paralysies laryngées et leur importance en médecine
générale; par \V.-J. GLEI'RSMANN. (1'lce Alezv-Yoi-h Aledical Jo211-jitil,
14 décembre 1901.
Bonne revue des notions que nous possédons actuellement sur
les paralysies laryngées et sur l'utilité qu'il y a pour le laryngolo-
giste à connaître exactement la physiologie du système nerveux.
R. M. C.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 28 avril. Présidence DE M. Motet.
Sur les éléments de nos images mentales.
M. J. PHILIPPE présente à la Société les résultats d'un certain
nombre d'observations sur les images mentales visuelles, étudiées
au point de vue des éléments qui les composent et de manière à
préciser certaines données, pour l'examen clinique des aphasies
d'évocation et de la confusion mentale.
Quand une image est assez nette pour être décrite, on distingue
deux principaux genres d'éléments : les uns forment le corps de
l'image, les autres .en sont en quelque sorte le vêtement, les
dehors.
Ces derniers ne proviennent pas de la perception originelle qui
a donné naissance à l'image ; ils ont été rajoutés à celle-ci après
coup, à mesure que nous nous en servions pour diverses opéra-
tions mentales. Ce sont donc des éléments étrangers ou extérieurs :
ils comprennent (en venant du dehors) d'abord des éléments que
l'on peut appeler logiques, parce qu'on ne se les représente pas,
tout en sachant très bien qu'ils appartiennent à l'image puis
des éléments que l'on se représente bien dans l'image, mais que
l'on sait empruntés à d'autres images et rapportés à celle-ci pour
la compléter enfin des vides, des espaces blancs où l'on ne voit
rien, tout en sachant qu'il y avait quelque chose à cette place
dans la perception primitive.
Ces éléments étrangers font cependant partie de l'image, puis-
qu'ils se présentent toujours lorsque nous l'évoquons en essayant
de la visualiser : mais ce ne sont pas eux qui reflètent les percep-
tions originelles d'où procède l'image.
Les éléments propres de l'image comprennent d'abord une sil-
houette générale, qui offre l'ensemble, les grandes lignes et par-
fois la teinte même de l'image que l'on essaie de visualer : le plus
souvent nous nous contentons de cette silhouette quand nous
évoquons une image pour une opération mentale : cela permet à
la fois d'aller plus vite et. d'employer encore des images déjà
réduites à cette simple silhouette. Quand on veut préciser
166 SOCIÉTÉS SAVANTES.
davantage, on trouve des éléments encore vagues, mais cependant
plus particuliers et plus nets : par exemple, dans une page d'im-
pression, des lettres dont on distingue bien la forme et le caractère;
mais sans pouvoir les lire. Enfin l'élément vital de l'image; ce
sont les restes directs des perceptions primitives, ceux qui sont en
quelque sorte l'écho de la sensation originelle : 'par exemple, les
mots que l'on peut lire à leur place, sans le secours du contexte,
dans une page évoquée ; les détails que l'on peut dessiner direc-
tement, tant on les visualise nettement. ,
Ces divers éléments sont d'ailleurs éparpillés : on trouve un
détail visualisé à côté d'un élément logique, etc., et tout cet en-
semble offre assez l'aspect d'une mosaïque brisée, dont les mor-
ceaux sont parfois mal rejoints., On voit par là qu'il s'est fait tout L
un travail, transformant profondément 1 image primitive : on a
rajouté, retranché, changé, et c'est' maintenant un tout .dispa-
rate. Ce qui. explique que l'image puisse disparaître par frag-
ments, subsister incomplète, et cette constatation peut éclairer
certains points de l'histoire des aphasies, et surtout des aphasies
d'évocation.
M. Sollier ne voit pas très bien la différence qui peut exister
entre l'image mentale et le souvenir dont cette image est'au
moins la base. . ' '
M. J. Philippe. L'image mentale et le souvenir'se différencient
surtout par la différence de netteté qui existe entre l'image et le
souvenir. L'une est très floue (l'image), tandis que l'autre (le sou-
venir) est très précis.
M. Vallon demande si les observations de M. Philippe ont été
toutes prises sur le même sujet.
M. Philippe. J'ai étudié sept sujets appartenant tous à un milieu
assez élevé (étudiants,' artistes, médecins).
M. Vallon voudrait savoir si l'intensité de la mémoire à une
influence sur l'intervention plus ou moins rapide des éléments
logiques.
Ai. J. Philippe a surtout observé des sujets visuels chez qui les
éléments logiques interviennent très activement ; mais les indivi-
dus peuvent se modifier et devenir des auditifs ou des parleurs. Il
n'y a donc pas de rapport fixe entre le degré de la mémoire et la
rapidité de l'intervention des éléments logiques.
M. Ballet désirerait avoir un exemple concret de ce que
M. Philippe appelle les éléments logiques. q
M. J. Philippe. J'ai demandé à un étudiant de me décrire une
page du dictionnaire de physiologie de Ilieliet, qu'il a eu entre les
mains et parcouru. Il me répondit : Je ne me 7cippelle pas la, dispo-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 167
sition de la page, mais je sais qu'en haut de la page le mot dic-
tionnaire est imprimé en gros caractères, que la page est diviséeen
colonnes avec d'autres mots en gros caractères au début des
articles. Ceux-ci doivent être courts. Je ne sais pas s'ils sont signés
du nom de leur auteur. Enfin le sujet conclut : Ce n'est pas ma
- mémoire qui me sert pour cette description mais le raisonnement.
. M. Ballet. Je considère le souvenir comme uniquement consti-
'tué d'une série de représentations mentales. Même dans l'expé-
rience qui vient d'être décrite, je ne vois que des représentations
mentales. En effet, votre observateur s'atralyse mal quand il vous
dit : « Je ne vois pas. mais je sais ». N'est-ce pas, en effet, grâce à
l'intervention d'un élément visuel qu'il fait transporter en haut
de la page le mot dictionnaire qu'il a vu ailleurs et au commence-
ment de l'article le/ titre de cet article qu'il a vu dans tous les
dictionnaires.- Dans tous les phénomènes de représentation men-
tale, il y a une ou deux images particulièrement marquées autour
desquelles viennent se grouper d'autres éléments de représentation
plutôt sensorielles quementales. '
M. J. Philippe admet que, dans les éléments logiques, il y a bien
une partie représentative mais il ne lui attribue qu'un relief secon-
Jaire. Le rôle le plus important est joué par le raisonnement
par ce qu'il a désigné du nom d'éléments logiques.
M. h'IsR\ : 11;D-LEROY. Une image visuelle n'est jamais purement
visuelle ; il y entre toujours quelques éléments logiques qui ne sont
que des images sensorielles floues. 1
M. SOLLIER. Dans l'exemple de l'évocation d'une page de diction-
naire, il y a deux choses : d'abord l'aspect général de tous impri-
més et ensuite de la page particulièrement désignée. Dans la re-
présentation générale, c'est l'élément logique qui domine. Dans la
représentation mentale de la page de dictionnaire, c'est le réveil
d'une image visuelle particulière.
Paralysie générale ci forme sensorielle.
1t. P. Sérieux communique en son nom et au nom de M. MiGNOT
l'observation d'un paralytique général de quarante et un ans,
ancien syphilitique chez lequel les idées délirantes sont provoquées
et entretenues par des hallucinations de l'ouïe, de la sensibilité
générale, de l'odorat et du goût. Les hallucinations de l'ouïe sont
d'une permanence et d'une intensité comparables à ce que l'on
' voit dans les délires systématisés ordinaires. Il ne s'agit pas là de
pseudo-hallucinations, le malade fait continuellement allusion,
dans ses discours et dans ses lettres, aux voix qu'il entend; il suf-
fit de l'examiner quelques instants, à son insu, pour constater les
réactions extérieures habituelles des hallucinés.
168 SOCIÉTÉS SAVANTES.
En novembre 1900 et en mars 1901, à la suite de crises épilepti-
formes, X... présente d'abord de la surdité corticale, puis de la
surdité verbale pure; on constate néanmoins à plusieurs reprises
l'existence des hallucinations de l'ouïe. Les troubles aphasiques
durent une huitaine de jours, puis le délire hallucinatoire reprend
son activité. ` '
En avril et en octobre 1901, consécutivement à des accès convul-
sifs, on observe encore des phénomènes de déficit réalisant alors le
type de l'aphasie sensorielle .- surdité verbale, paraphasie, cécité
verbale, paragraphie. Comme les premières fois, les troubles apha-
siques durent une semaine, et à la suite le délire et les hallucina-
tions reprennent leur cours.
En juillet 1901, la démence fait de rapides progrès ; l'agitation
devient extrême et le malade, après des crises convulsives subsin-
trantes, s'alite, devient galeux, a des,escha ? -es et meurt (décem-
bre 1901).
Autopsie : hémisphère gauche, 526 grammes; hémisphère droit,
551 grammes. Lésions de mériiigo-encéphcilite diffuse, mais les lobes
frontaux sont relativement épargnés, tandis que les lobes tempo-
raux présentent le maximum des altérations; à gauche, au niveau
de la première temporale et de la circonvolution supra-marginale
(centre de l'audition), la décortication détermine la séparation
complète de l'écorce et de la substance blanche (Baillarger, Rey,
Tuczek).
L'examen microscopique fait par M. Rabaud, confirme le dia-
gnostic de paralysie générale.
L'existence d'une lésion bien localisée au centre de l'audition
chez un malade ayant présenté de la surdité verbale (phénomènes
de déficit) et des hallucinations (phénomènes d'excitation) explique
d'une façon tangible des troubles qui sont habituellement mis sur
le compte de l'hérédité ou de la dégénérescence, facteurs étiolo-
giques beaucoup plus lointains et beaucoup moins précis. L'alter-
nance des phénomènes de déficit et d'excitation du centre auditif,
n'a pas lieu d'étonner davantage que les convulsions qui se sont
succédé au niveau du même membre.
Les faits analogues à l'observation ci-dessus, paraissent à tort
exceptionnels; ils seront plus fréquemment observés quand l'at-
tention aura été attirée sur eux. On est autorisé à'décrire à part
une variété sensorielle de la paralysie générale, comprenant les cas
caractérisés par la prédominance des troubles sensoriels et des
troubles de la sphère du langage (symptômes d'excitation ou de
paralysie) tels que : aphasie motrice, hallucinations motrices ver-
bales, hallucinations de l'ouïe, surdité corticale, surdité verbale
pure, aphasie sensorielle, hallucinations de la vue, hémianop-
sie, etc. Cette variété symptomatique tient à la prédominance des
lésions au niveau de certains territoires corticaux et plus particu-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 169
lièrement des centres de la région postérieure. Les lésions, elles-
mêmes, affectent alors des caractères spéciaux : foyers parfois net-
tement circonscrits avec séparation complète de l'écorce et de la
substance blanche.
La connaissance de cette variété clinique et anatomo-patholo-
gique de la paralysie générale est intéressante au point de vue du
diagnostic. En effet l'existence d'un délire à base d'hallucinations
et la constatation de symptômes habituellement dus à des lésions
en foyer, ne doivent pas faire écarter, comme on l'a dit, le dia-
gnostic de méningo-encéphalite diffuse, mais doivent faire pensera à
cette forme sensorielle de la paralysie générale liée à des foyers
circonscrits de méningo-encéphalite d'intensité exceptionnelle.
111. Vallon demande quelle a été la durée de la phase hallucina-
toire.
M. Sérieux. Dix-huit mois ou deux ans. M. B.
Séance solennelle du cinquantenaire (26 mars) .
PRÉSIDENCE DE M. MATET. 1 .
- Le 26 mars 1902, la Société médico-psychologique se réunissait
pour fêter le cinquantième anniversaire de sa fondation. La plu-
part des membres assistaient à la séance ainsi que de nombreux
associés ou délégués étrangers.
Le Président, M. MOTET, prononce un éloquent discours d'une
grande élévation de vues dans lequel il fait revivre les grandes
figures qui ont contribué à la fondation de la Société médico-
psychologique.
L'orateur s'est attaché surtout à montrer les origines de la
Société, et comment, sous l'influence de Cerise, de Longet et de
Baillarger, un organe destiné à centraliser les recherches d'alié-
nation mentale fut fondé et comment bientôt Baillarger, aidé sur-
tout par Renaudin et Aubanel arriva à constituer la Société médico.
psychologique. Il adresse un hommage aux premiers médecins
qui en firent partie, parmi lesquels plus d'un laissa un nom qui
n'est pas oublié et qui ne le sera jamais. En quelques mots pleins
d'émotion, l'orateur parle de Lui. J. Falret qui s'éteignait pen-
dant la célébration du cinquantenaire. Il faisait partie de la
Société depuis 1854.
Citons la péroraison de son discours : « Une société comme la
nôtre, toujours prête à traiter les questions les plus élevées de la
psychopathologie, de la neuropathologie, de la médecine légale,
de l'administration des asiles, de l'assistance des aliénés, sollicitant
170 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et préparant par son incessante initiative, le progrès, dans toutes
les branches que comporte son vaste programme, peut avoir foi en
elle-même. Elle a eu un passé qu'elle peut évoquer avec fierté;
son avenir ne me parait pas moins assuré, si j'en juge par le
mérite de ceux qui viennent à elle, qui lui apportent l'énergique
vitalité de la jeunesse et la ferme volonté de maintenir nos vieilles
et chères traditions d'honneur, de probité scientifique, de confra-
ternelle solidarité. »
De nombreux applaudissements soulignent l'éloquente pérorai-
son de 11. Motet. ,
XI. Séglas, au nom de 1111. Arnaud, Joffroy, Garnier, J. Voisin,
donne lecture du rapport de la Commission du prix Aubanel. Le
prix est décerné ex-sequo à MM. Bernard-Leroy et Castin. Un
première mention avec 400 fr. est accordée à âl. Coliolan. Une
autre mention avec 200 fr. ezt attribuée à M. Marchand. Le sujet
que les candidats auront à traiter en 1904 est le suivant : Valeur
diagnostique des symptômes oculaires, aux différentes périodes de
la Paralysie générale; valeur appuyée surtout sur des observations
personnelles.
Il LE Secrétaire général. Ritti, dans une étude des plus docu-
mentés, retrace l'histoire des travaux de la Société médico-psycho-
logique (1852-1902), depuis sa fondation qui remonte à 1852.
Nous allons essayer de résumer cet important discours, véritable
monument historique de la Société. Ce fut Baillarâer qui, le premier,
eut l'idée de fonder une association de médecins aliénistes. Avec le
concours de Renaudin et d'Aubanel, une première tentative fut faite
en 184 i, mais elle ne l'ut pas couronnée de succès. Quelques années
plus tard, le projet fut repris, et le 2foi avril 1852 la Société médico-
psychologique tint sa première séance. Parmi les adhérents de la
première heure, on relève les noms de : Ferrus, qui fut nommé
président, Baillarger,, Cerise, Brierre de Boismont, Gerdy, Decham-
bre, Calmeil, Uelasiauve, Moreau (de Tours). Trélat, Félix Voisin,
Parchappe, Lallemand, Paul Janet. Le programme était très
vaste. Il comprenait, à côté de l'étude de la pathologie mentale et
de la neuropathologie, celle de l'anatomie et de la physiologie du
système nerveux et de l'anatomie pathologique. Parmi les objets
de ces recherches on note encore : « l'hygiène morale, l'éducation
ou la prophylaxie de l'aliénation mentale et des névroses, l'hygiène
pénitentiaire, des études historiques sur les maladies de la sensi-
bilité et de l'intelligence, l'administration, la médecine légale, la
jurisprudence et la statistique ».- '
Enfin, une place fut faite à des questions d'ordre général, telles
que la philosophie, l'ethnologie, la psychologie, l'histoire « ce mot
devant s'entendre des grandes épidémies morales, des influences
de certaines époques, des biographies de plusieurs personnages ».
SOCIÉTÉS SAVANTES. 'I 11 1
Une section du programme avait pour objet a l'étude de la science
des rapports du physique et du moral ».
Dans une revue générale des plus complètes, M. Ritti rend
compte des principaux débats qui occupèrent les séances de la
Société.
- La question delà monomanie, soulevée par Delasiauve, donna
lieu à une discussion qui fournit un exemple frappant de l'influence
du procédé exclusivement psychologique sur l'étude des aliénations
mentales, méthode dont la stérilité se faisait déjà sentir. La théorie
de la monomanie en tant qu'entité morbide reçut dès ce moment
des coups mortels de la part de Fabret et de Alo,el. ·
Un débat sur les hallucinations permit à Baillarger de dévelop-
per des idées lumineuses devenues depuis classiques etàParchappe
de poser la question sur le terrain anatomopathologique. L'étude
des « folies sympathiques », -si en honneur autrefois, celle de la
. catalepsie et du somnambulisme donnèrent lieu à des discussions
intéressantes. La paralysie générale occupa la Société dès 188.
Neuf séances furent consacrées, à cette époque, à élucider cette
question. Parchappe dit nettement que la paralysie générale
« forme une espèce distincte du genre folie ». Dès lors la lutte
allait s'engager entre les partisans de cette opinion et ceux qui
'partageaient les idées de Baillarger sur la dualité de cette aflec-
tion. Des recherches anatomo-pathologiques lurent communi-
quées par plusieurs auteurs, entre autres par Bonnet etPoincaré,
'Foville, J. Falret. Les rapports avec la syphilis furent discutées
plusieurs reprises, mais « la contradiction ne lit que confirmer
chacun dans son opinion ».
L'épilepsie ne donna lieu à aucune grande discussion, saut
cependant l'épilepsie larvée, « cette création du génie de More ! ».
La question de l'existence ou de la non-existence de la folie
raisonnante, en tant que type morbide défini a dû aux communi-
cations de J. Fabret et de Haitlarger de s'être précisée.
Le problème de l'influence de l'hérédité sur les maladies mentales
et nerveuses fut abordé des 1867. mais il s'agit là d'une enquête
qui reste toujours ouverte et qu'il nous appartiendrait de repren-
dre et de compléter.
La symptomatologie de l'état mental des aliénés avec conscience
de leur état, l'étude des signes physiques de la folie raisonnante,
celle de certains symptômes tels que : l'agoraphobie, la claustro-
phobie, les perversions sexuelles, ces différents éléments ont per-
mis d'aborder la question des fous héréditaires. '
Au cours d'une discussion qui occupa plusieurs séances,
111. Magnan exposa ces notions devenues classiques sur les stig-
mates psychiques de la dégénérescence qui rendirent son nom
illustre dans le monde entier.
Les idées délirantes de persécution donnèrent lieu à des commu-
172 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nications telles que celles de Faville sur les aliénés migrateurs, de
M. Motet sur les violences commises par les persécutés en liberté,
de Lasègue qui vint défendre l'oeuvre qu'il avait créée quelque
trente ans avant. Mais c'est la discussion célèbre sur le délire
chronique de Magnan qui porta le plus de lumière dans cette ques-
tion éminemment complexe. Le litige qui suivit l'exposé de la
question fait par M. Garnier, porta surtout sur les deux derniers
stades de la maladie isolée par XI. Magnan : celui où commencent
à apparaître les idées de grandeur et celui de démence terminale.'
Signalons l'intervention de 1M. Magnan, Garnier. J. Falret, Bail,
Briand, Cotard, Christian, Ballet. , ' .
Les questions touchant la classification ont dès longtemps
sollicité la sagacité des aliénistes. -
En 1860, une discussion eut lieu à propos de la classification de
Morel, dans laquelle Il J. Falret prit une part prépondérante
s'attachant à démontrer l'importance « des méthodes naturelles,
c'est-à-dire des modes de classement reposant sur un ensemble
de caractères subordonnés et coordonnés et se succédant dans
un ordre déterminé, et non des systèmes artificiels qui rappro-'
chent les faits à l'aide d'un seul ou d'un,petit nombre de carac-
tères. » ' . ?
En 1888, lorsqu'il s'est agi de donner l'opinion de la Société sur
les bases d'une classification des maladies mentales, un débat
s'engagea, et dès le commencement il était facile de prévoir qu'il
ne pouvait aboutir : les tenants d'une classification étiologique se'.
trouvèrent aux prises avec les partisans d'une classification ana-
tomo-pathologique, et ni les uns ni les autres ne voulurent s'en-
tendre avec les défenseurs d'un classement purement empirique.
La question, on le sait resta ouverte.
La psychialrie est une branche de la médecine. Aussi les ques-
tions de thérapeutique ont-elles de tout temps sollicité l'attention
des membres de la Société. L'emploi du bromure de potassium
dans le traitement de l'épilepsie ; les bains prolongés ; l'opium eti>
ses alcaloïdes dans la thérapeutique des états mélancoliques ; les
médicaments hypnotiques, voilà quelques-uns des principaux
sujets de discussion. La question du no-restraint; soulevée en
Angleterre par Conolly, donna lieu à un échange d'opinions contra-
dictoires. Bouchereau et 1V1. Magnan et leuis étèves représentaient
d'abord à eux seuls la minorité, mais on sait combien l'expérience
leur donna finalement raison. La Société s'occupa aussi des sorties
provisoires des aliénés, de la colonisation, de la création d'asiles
pour aliénés criminels, de la séquestration des alcooliques, de
l'assistance des épileptiques.
Les problèmes les plus délicats de la médecine légale furent
traités par la Société. Citons les questions suivantes : la respon-
sabilité partielle des aliénés, la responsabilité de l'homme ivre,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 173
la question de l'interdiction des aliénés, la discussion sur les alié-
nés criminels, et le mariage ou le divorce des aliènes.
La Société médico-psychologique s'occupa toujours avec sollici-
tude des intérêts professionnels. Sous son patronage se fonda
l'Association mutuelle des médecins aliénistes de France.
Inutile de rappeler le soin qu'elle apporte à la distribution de
ses prix, à sa participation aux congrès et cette sorte de piété
filiale et de solidarité professionnelle dont elle fait preuve quand
il s'agit d'honorer ses morts.
Nous ne saurions mieux faire que de terminer en citant ces
mots de XI. Ritti : « Nous avons reçu des générations qui nous ont
précédés dans cette Société, non seulement la vie, mais tout un
riche héritage de traditions et de labeur. Le flambeau de la science,
pris des mains de nos maîtres et qui nous a éclairés, il est de
notre devoir de l'entretenir pieusement, pour le transmettre, brû-
lant d'un éclat plus vif, à ceux qui nous suivront. Ainsi seulement
nous aurons vraiment mérité de nos prédécesseurs, et nous nous
montrerons dignes d'être, à notre tour, honorés par nos succes-
seurs. »
Il est inutile d'ajouter que ce retour sur le passé de la Société
que l'éloquent secrétaire général faisait effectuer à ses collègues a
été fréquemment interrompu par de chaleureux applaudissements.
.Le soir, un banquet réunissait, chez Marguery, la plupart des
membres de la Société auxquels s'étaient joints les lauréats du
prix Aubanel. Il B.
Séance du 30 juin 1902. Présidence de M. MoTET.
LE Président annonce, en termes émus, la perte faite par la
Société, en la personne d'un de ses plus anciens membres et de
son ancien président, le Doutes Falret, qui succombait le lendemain
du jour où la Société célébrait le cinquantenaire de sa fondation.
Le Président donne ensuite lecture du discours prononcé sur la
tombe au nom de la Société médico-psychotogique et de la Société
de médecine légale qu'il a associées dans son suprême hommage
à Jules Falret.
La séance est ensuite levée en signe de deuil.
Délire et insuffisance hépatique.
MM. VIGOUROUX et JUQUELIER, f1 propos de quelques malades chez
lesquels ils ont constaté la coïncidence d'insuffisance hépatique
passagère et de troubles mentaux également passagers, éta-
blissent une relation de cause à effet entre les deux manifestations
morbides. Après un rapide historique où sont mentionnés en par-
174 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ticuliee les travaux de 111. Klippel, du Pl Joffroy, de 11. L. Levi, de
MM. Ballet et Matrice Faure, MM. Vigouroux et Juquelier rap-'
pellent les signes habituels (cliniques et urinaires) de la petite
insuffisance hépatique (subictère, anorexie, constipation, fétidité'
des selles, diminution d'urée, urobilinurie, glycosurie alimen-
taire, etc). -
Ils ont retrouvé la plupart de ces signes chez des sujets présen-
tant des troubles psychiques, intermittents ou passagers," et n'ac-
cusant de lésion hépatique que par cette altération fonctionnelle
de la cellule. Cette altération prévue par M. Klippet dans les cas
aigus que cet auteur rapporte put être vérifiée par lui à l'autopsie.
Les auteurs, à cause même du genre de malades auxquels ils se
sont adressés, n'ont pu faire de constatations anatomiques, mais
ils ont vu l'insuffisance hépatique évoluer parallèlement avec les
troubles psychiques; ils ont vu en particulier disparaître la glyco-
surie alimentaire, qui leur servait de pierre de touche quand dis-
paraissaient les troubles mentaux (confusion mentale, délire oni-.
rique. hallucinations provoquant le délire, excitation, etc.)
Si cette auto-intoxication hépatique frappe des cerveaux prédis-
posés (dégénérescence, alcoolisme), il n'est pas pourtant sans inté-
rêt de la diagnostiquer, puisque sa connaissance permet :
10 D'instituer une thérapeutique immédiate plus rationnelle;
2° D'indiquer au malade un régime hygiénique destiné à éviter
le retour des crises d'insuffisance.
Le malade guéri devra non seulement éviter le surmenage céré-
bral en tant que dégénéré, mais il devra encore surveiller son
régime alimentaire en tant qu'hépatique latent.
Les observations rapportées sont réparties en trois groupes :
1° Celles où l'auto-intoxication d'origine hépatique a frappé un
sujet anciennement alcoolique, bien qu'abstinent depuis quelque
temps ;
2° Celles où des accès intermittents de confusion mentale avec
délire hallucinatoire ou agitation ont évolué parallèlement avec
des accès également intermittents d'insuffisance hépatique;
3° Celles où des signes d'insuffisance hépatique s'observent chez
des délirants actuellement en évolution, et où cette insuffisance
hépatique a servi de guide au point de vue thérapeutique.
L'état mental de ces malades présente une grande diversité.
Mais, d'une façon générale, les auteurs retrouvent chez eux les
caractères des délires toxiques et infectieux (confusion mentale,
cauchemars, hallucinations, perte de conscience, agitation motrice
et automatique).
Signes physiques de démence précoce.
M. IASSELO4, au nom de M. Sérieux et au sien, fait une commu-
nication sur les signes physiques de la démence précoce. D'après -
SOCIÉTÉS SAVANTES. 175
de nombreuses observations, les auteurs notent la fréquence de
troubles pupillaires variés, de troubles des réflexes et de la sensi-
bilité cutanée. Ils notent par ordre de fréquence : troubles de l'ac-
commodation, du réflexe lumineux, dilatation pupillaire, déforma-
tion pupillaire, inégalité pupillaire. Les réflexes tendineux sont
exagérés dans le tiers des cas. La sensibilité est diminuée dans
plus de la moitié des cas, ainsi que le réflexe plantaire; le réflexe
crémastérien, le réflexe abdominal sont très souvent abolis,
MM. Sérieux et Masseion ont noté aussi parfois du dermographisme.
M. Séglas ne croit pas que les signes physiques de la démence
précoce aient une constance aussi grande que àlàl. Sérienx et àlds-
selon l'affirment. Les troubles de la sensibilité cutanée sont peut-
être plus apparents que réels et dus surtout au ralentissement des
fonctions psychiques de ces malades. Les réflexes tendineux lui
paraissent bien, par contre, en général exagérés, surtout chez les
catatoniques. Pour les signes pupillaires, il faut craindre des
erreurs possibles d'interprétation chez ces malades difficiles à
examiner; il admet cependant la fréquence de la dilatation pupil-
laire ; les signes pupillaires sont d'ailleurs variables et probable-
ment transitoires. M. Séglas met en garde contre les erreurs pos-
sibles dues à la coexistence d'une maladie du système nerveux. Il
cite un fait où un myosis d'origine syphilitique apparut au cours
d'une démence précoce. : 11. DENY rapporte un cas analogue à cette dernière observation.
M. ÏRÉNEL pen-e que les signes pupillaires sont peut-être moins
importants que ne l'admettent les auteurs. Il a constaté la dilata-
tion pupillaire, mais celle-ci n'est peut-être qu'une sorte d'attitude
de pour ainsi dire, les malades laissant errer leur regard
vaguement fixé dans le lointain. Cela paraît surtout net chez les
catatoniques. Il semblerait d'ailleurs que cette dernière forme
parait plus rare en France qu'en Allemagne. Marcel Briand.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 2 juillet 1902. Présidence DE M. GOMDAULT.
Trophonévrose Jaén21nt·ohllicue totale et familiale.
MM. RAYMOND et SIC.1RD présentent deux malades, le frère et la
soeur atteints d'atrophie distribuée selon la forme de l'hémiplégie
c'est-à-dire atteignant tous les muscles d'un même côté y compris
la face. L'hémiatrophie est donc totale. Le processus a eu une
marche lente à début insensible. Chez l'un des malades il a mis
176 Û SOCIÉTÉS SAVANTES.
quatorze ans à évoluer avant d'arriver à l'hémiatrophie totale et a
commencé parle membre inférieur gauche, s'étendant ensuite au
membre supérieur, au tronc et à la face. Il y a donc là un type
nouveau d'atrophie à forme hémiplégique, et une notion nouvelle
familiale. -
Hemt/type ? '<)'op/tt'6 congénitale.
M. Gilbert Ballet présente un malade atteint d'hémihypertro-
phie congénitale du côté gauche du corps. La face est plutôt moins
développée à gauche qu'à droite, par contre le membre supérieur
gauche est plus long que le droit, la mamelle gauche notablement
plus développée que celle du côté opposé, mais c'est surtout au
membre inférieur qu'on constate cette hypertrophie, la cuisse et
la jambe gauches sont plus longues que celle de droite, ce qui occa-
sionne une attitude vicieuse quand le malade est debout (inclinai-
son du bassin à droite, scoliose compensatrice à gauche). La cir-
conférence de la cuisse et de la jambe dépasse aussi celle des
segments correspondants du côté opposé.
Au niveau du membre inférieur gauche, on constate un déve-
loppement énorme des veines, avec ulcères variculeux et troubles
trophiques secondaires, de plus, sur la moitié gauche du thorax*
existe une tache noeviforme très étendue.
Le malade est un bégayeur et il a de l'incontinence nocturne
d'urines. '
Il existe dans la science un certain nombre de cas analogues
(Trélat et lfonod, Finlayson, S. Adams, etc.,) de cette hémihyper-
trophie du corps avec développement anormal (Cirsoïde) des veines
et des capillaires. Il s'agit là d'une malformation congénitale.
Thorax en entonnoir.
MM. Klippel et LEPAS montrent deux malades atteints de la mal-
formation dite thorax en entonnoir. L'un des malades présente de
l'atrophie des pectoraux et de la cyanose des mains, ni l'un ni
l'autre ne portent des signes de rachitisme.
OEeH : e hystérique.
M. DurouR présente une jeune fille atteinte d'un oedème doulou-
reux du bras gauche à disposition segmentaire couvert d'une
éruption médicamenteuse. Cet oedème a fait croire à une phlébite
alors qu'il s'agit seulement d'une manifestation hystérique.
Tachicardie et tremblement.
M. Vaquez présente un homme atteint d'accès de tachycardie
avec angoisse, suffocation et augmentation de volume du coeur à
la suite d'efforts. L'accès terminé tous les signes d'insuffisance tri"
SOCIÉTÉS SAVANTES. 177
cuspidienne disparaissent et tout rentre dans l'ordre. Il ne persiste'
qu'un léger tremblement. Le sujet a fait des excès alcooliques.-
S'agit-il d'un cas de Basedow fruste ou d'une névrite pneumogas-
trique alcoolique isolée ? '
M. Déjerine a vu plusieurs cas de névrite alcoolique du pneumo-
gastrique mais toujours chez des malades paralysés des quatre
membres et jamais isolées.
Suit une discussion sur l'influence réciproque du tremblement
et de la tachycardie à laquelle prennent part Mil. Babinski, Ballet
Marie, Raymond et Joffroy, d'après laquelle l'un de ces phénomè-
nes n'est nullement proportionnel à l'autre et le rapport de cause
à effet n'est ni constant ni absolu. '-
Paralysie radiculaire traurualique du plexus brachial avec al2-opiies
osseuses et troubles de la pression artérielle dans le membre para-
lysé. ,
MM. GUILL11V et CROUPON présentent un malade de soixante-dix
ans atteint d'une paralysie radiculaire du plexus brachial survenue
à l'âge de quatorze mois par une traction sur le bras. La paralysie
radiculaire a été primitivement totale et s'est localisée dans la
suite sur le groupe radiculaire supérieur. On constate chez ce ma-
lade une atrophie osseuse très apparente de l'omoplate, de l'humé-
rus, d.s os de l'avant-bras et de la main, en plus de l'hémiatrophie
faciale. Aucun trouble de la sensibilité. La pression artérielle sur
le membre paralysé est inférieure de 3 centimètres de mercure à
la pression artérielle sur le membre sain.
Les auteurs insistent sur l'absence des troubles de la sensibilité
dans cette paralysie radiculaire, qui s'explique par l'adultération
moins facile des racines postérieures dans les tractions sur le
plexus.
L'hypotension artérielle du côté paralysé trouve son explication
dans un trouble de l'innervation sympathique vasculaire.
Quant à l'atrophie osseuse, rarement signalée dans les paralvsies
radiculaires, elle est sous la dépendance ou bien des filets nourri-
ciers des os, dans leur trajet radiculaire, ou bien à une adultéra-
tion de la moelle elle-même. L'expérimentation d'ailleurs prouve
que les tractions sur le plexus amènent des lé-ions radiculaires et
médulaires. L'on s'explique ainsi les analogies cliniques qui exis-
tent entre la paralysie infantile et les paralysies radiculaires, la
topographie des troubles moteurs dans la paralysie infantile affec-
tant d'ailleurs une topographie radiculaire.
Hypertrophie du faisceau pyramidal.
M. et 11 ? DÉaemE montrent les préparations d'un cas d'agénésie'
absolue et complète d'une pyramide avec hypertrophie énorme de
Archives, 2e série, t. XIV. 12
17$SO.CIÉTÀS savantes :
la pyramide du côté opposé ! Hypertrophie numérique vraie par
accroissement du nombre des fibres dont le volume reste normal.
Le membre inférieur innervé par la pyramide agénésique était à
peine diminué de volume et remplissait toutes ses fonctions, le
faisceau homolatéral de ce côté étant intact et volumineux. De tels
cas sont rares chez l'homme et ne peuvent exister que quand la
lésion s'est produite à un âge où la suppléance est encore pos-
sible. nionatrow en a vu un cas chez le chien.
Vu. Raymond admet dans certains ^cas la possibilité delà sup-
pléance chez l'adulte et en rappelle un exemple.
Action des sérums toxiques sur l'écorce cérébrale du cobaye.
XL Dopter. Des travaux antérieurs ont montré à M. Dopter que
l'injection de sérums toxiques au niveau des nerfs périphériques
du cobaye donnait lieu à des altérations de la fibre nerveuse.
Restait à se demander comment se comportait le corps cellu-
laire du neurone ayant subi la même action que son prolonge-
ment cylindraxile. Pour observer le fait, des injections de
2 à 4 gouttes de sérums toxiques divers (diabétiques, addisoniens,
urémiques, cancéreux, etc.,) ont été pratiquées après trépanation
crânienne, dans la cavité arachnoïdienne du cobaye.
Des témoins ont reçu dans des conditions identiques une même
quantité d'eau physiologique, de sérum normal sans que des
lésions se manifestent. Au contraire, les injections des sérums
toxiques ont été suivies d'altérations variables en intensité suivant
les cas. Les dernières ont porté sur l'écorce cérébrale et atteint
surtout les grandes cellules pyramidales et les petites cellules
névrogliques.
Les préparations colorées par la méthode de Nissl montrent les
aspects suivants. Au début, le corps cellulaire se gonfle, devienf
hydropique, puis c'est la chromatolyse qui commence. Elle peut
être totale d'emblée le plus souvent elle est partielle et débute
alors par les régions paranucléaire, périphérique ou avoisinant le
cylindraxe ; ayant commencé par être partielle, cette dissolution
des éléments chromatophiles peut arriver à être totale et donner
lieu à de l'achromatose. Des vacuoles sont parfois perceptibles.,
Les prolongements cellulaires gonflés, irréguliers, sont parfois,
chromophiles, le cylindraxe ne peut plus être perceptible. ;
Le noyau présente le plus souvent le phénomène connu sous le,
nom d'homogénéisation, la membrane nucléaire peut cesser d'être
régulièrement circulaire, et même parfois d'être visible; le noyau
est rarement excentrique.
Le nucléole peut se déplacer et quitter le centre du noyau, dans
les cas les plus graves, il se résout en granulations.
Les petites cellules de la névroglie se multiplient, deviennent
SOCIÉTÉS SAVANTES. - 179
abondantes et pénètrent souvent dans les cellules pyramidales où
un halo clair les sépare de la masse protoplasmique. Toutes ces
lésions sont obtenues indifféremment avec tel ou tel sérum; il
n'existe pas de spécificité bien définie. Ces altérations, si mar-
quées qu'elles soient, ne semblent pas de nature pour la plupait t
d'entre elles à être irrémédiables; et. de fait, les cerveaux d'ani-
maux ayant été sacrifiés plus ou moins longtemps après l'injec-
tion, montrent successivement des cellules en voie de régénération
ou en restauration complètes. Quelques cellules seulement grave-
ment atteintes sont vouées à une destruction certaine. Ces expé-
riences et les altérations qu'elles provoquent semblent de nature à
éclairer la pathogénie non seulement des paralysies centrales sur-
venant aux cours des états logiques, mais aussi de leur caractère
habituellement transitoire. L'encéphalite aiguë non suppurée est
justiciable d'une même interprétation.
Syndrome du cône terminal.
Mil. Raymond et CEST.1N présentent l'examen histologique d'un
homme ayant présenté le-syndrome du cône terminal. Cet homme
était tombé en 189 d'une hauteur de 10 mètres et avait été atteint
de troubles sphinctériens, de troubles de l'éjaculation, d'anesthé-
sie des muqueuses uréthrale et rectale, d'anesthésie cutanée de la
région périneo-anale. 11 est mort en 1900 sans que son état se soit
modifié. A l'autopsie les auteurs ont trouvé un foyer de sclérose
névroglique avant détruit les cinquième et quatrième segments
sacrés. Ils insistent sur le mécanisme particulier de ces myélites
traumatiques du cône terminal : dans le cas actuel, absence
d'hématomyélie ou d'allusion directe de la moelle par une fracture
de la colonne vertébrale, mais bien myélite par contre-coup et
élongation des racines sacrées inférieures dans la flexion forcée du
tronc comme le leur a montré l'expérimentation. Enfin, par l'ana-
lyse des lésions histologiques, ils estiment que dans leur cas la
gliose pot-traumatique ne peut être assimilée à la gliose syrin-
gomyélique.
syndrome occipital double.
Il DIDE rapporte le cas d'un malade ayant présenté de l'amnésie
continue avec cécité verbale pure, cécité générale avec conserva-
tion de la vision centrale. Perte du sens stéréognostique, du sens
de l'orientation et du sens topographique. Les diverses sensibilités
étaient altérées à droite. Il existait un ramollissement des deux
lobes occipitaux siégeant à la partie postérieure du lobule lingual
jusqu'à la scissure calcarine.. -
180 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Reproduction expérimentale de la méningite et de la paraplégie
pottiques, au moyen de poisons tuberculeux.
Il P,-AR11AND DEULLE présente des coupes de méningites spi-
nales, provoquées chez les chiens, par l'introduction épidurale ou
sous-arachnoïdieune, des poisons à action locale du bacille tuber-
culeux (poison caséifiant : éthéro-bacilline et poison sclérosant :
chloroformo-bacilline d'Auclair).
L'aspect des lésions est particulièrement intéressant, à cause de
l'épaisseur considérable de la gaine de tissu pathologique qui
entoure la moelle^ quant à l'évolution clinique, elle est caractéri-
sée par l'apparition, trois semaines après l'inoculation, de para-
lysie avec troubles sphinctériens et amyotrophie, qui reproduisent
trait pour trait la paraplégie du mal de Polt ou de la pachymé-
ningite tuberculeuse primitive.
Il Lionne rapporte un cas de paralysie générale à marche rapide
avec crises d'angoisse.
M. Leredde revient sur sa communication antérieure, tabes et
syphilis, insistant sur l'utilité du traitement intensif maximum
appliqué avec énergie dès le début au moyen du calomel, à haute
dose, souvent répétée. '
'.41. 1)IJERINE. On voit un si grand nombre de cas de tabes restés
sans aucune progression à la période de début sans traitement,
qu'on peut hésiter à déterminer quelle est l'influence vraiment
heureuse du traitement lui-même.
Il MARIE, rangé à la même opinion, a longtemps appliqué ce
que propose M. Leredde et a vu souvent ce mode d'action amener
une cachexie rapide chez des tabétiques et des paralytiques géné-
raux. La chose n'est donc pas nouvelle et l'enthousiasme de
M. Leredde lui semble un peu excessif.
La prochaine séance est fixée au 6 novembre. F. BoissirR
DOUZIÈME CONGRÈS DES MEDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES
Section DE Grenoble. Secrétaire général : Dr J. Bonnet, médecin
en chef de l'asile de Saint-Robert (Isère). (Voir le programme dans
le dernier numéro.)
Nous prions instamment tous les auteurs de communica-
tions à ce Congrès de bien vouloir nous en envoyer le plus
tôt possible un résumé. .
NÉCROLOGIE.
La mort vient de nous enlever récemment un aliéniste des plus
éminents, un de nos maîtres les plus respectés et les plus aimés,
M. Jules Falret, décédé à Vanves, le 28 mai dernier, après quelques
jours de maladie.
Né à Vanves, le 18 avril 1824, dans la Maison de santé fondée
par son père et par Félix Voisin, Jules Falret, sous la ferme direc-
tion de son père, dont l'exemple lui était un simulant et un guide,
fit de fortes études classiques ; il s'adonna aussi, ce qui était^alors
une exception, aux langues étrangères. Son esprit, fin et pénétrant,
s'adaptait merveilleusement aux recherches de psychologie mor-
LE Dr Jules FALRET
182 NÉCROLOGIE
bide, vers lesquelles l'inclinaient les influences du milieu où il
grandissait, ses rapports incessants avec les malades et avec les
aliénistes de tous les pays qui se rencontraient dans cette maison
si hospitalière. Aussi, devenu interne des hôpitaux en 1847, à
l'âge de vingt-trois ans, se spécialisa-t-il de bonne heure. Il fut
reçu docteur, en 183, avec une thèse Sur la folie paralytique et les
diverses paralysies générales. Très mûri, d'un sens clinique très
sûr, d'une observation très approfondie, ce premier travail est
une oeuvre vraiment remarquable ; il a fixé nos idées sur la
marche de la paralysie générale, sur ses variétés habituelles, sur
les caractères des idées délirantes, « multiples, mobiles, non moti-
vées et contradictoires entre elles », il reste, aujourd'hui encore,
un des meilleurs travaux sur cette affection dont la bibliographie
est si vaste.
Jules Falret développa et compléta ses idées sur la paralysie
générale dans plusieurs études ultérieures, données soit aux
Archives générales de médecine (185 et 1858), soit à la Société
9 ? iédico-psycho log iq ite (1858), soit au premier Congrès international
de médecine mentale (1878) .
Nommé médecin de Bicêtre en 186î, puis de la Salpêtrière, en
1883, les obligations de son service devinrent un excitant pourson
activité scientifique. Il disposait d'un double champ d'observations,
la Maison de santé de Vanves et l'hôpital ; il sut mettre à profit
l'un et l'autre, et il publia de nombreux mémoires qui touchent à
toutes les branches de la pathologie cérébrale. Dans tous ces
travaux, Jules Falret a semé des idées nouvelles, qui sont aujour-
d'hui du domaine commun. Nous ne pouvons qu'indiquer som-
mairement les études sur la Catalepsie (185î), sur la Séméioloqie
des affections cérébrales (1860), sur les Principes à suivre dans la c/tts-
sification des maladies mentales (1800), sur l'Et(it iiei2l(tl des épilepti-
qites (1860). Dans ce beau mémoire, Jules Falret étudie avec un soin
tout particulier un problème de la plus haute importance : « Les
accès de délire se produisant chez des individus dont l'épilepsie est
méconnue ou n'existe réellement pas au moment où l'on observe ces
malades » ; pour ces cas, Jules Falret a créé l'expression de petit
mal intellectuel des épilepliques, restée dans le langage médical.
Un peu plus tard; il publiait un travail critique sur les Théories
physiologiques de l'épilepsie (1862). Puis, viennent les recherches
sur les Troubles du langage et de la mémoire des mois dans les tiffec-
tions cérébrales (1864), sur la Folie raisonnante ou folie morale (1866).
'sur la Consanguinité, l'Amnésie, l'Aphasie (1866), sur l'Emploi du
.bromure de potassium à hautes doses chez les épileptiques (1871), sur
la Folie ci deux ou folie communiquée (1877), en collaboration avec
.Lasègue, sur la Folie circulaire (1878-1879), son Rapport au Congrès
de 1889, dont il était le président, Sur les obsessions intellectuelles,
- émotives et instinctives, etc.. , ·
LE DOCTEUR JULES FALRET 183
Entre temps, les questions relatives à l'Assistance et à 'la'
Médecine légale des aliénés attiraient l'attention de Jules Falret. Il
publiait une série de mémoires sur la Colonie d'aliénés de Gheel
(1862), sur les asiles d'aliénés de la Hollande (1862), sur les divers
mode-, de l'assistance publique applicables aux aliénés (1864), sur tés
législations étrangères sur les aliénés et les réformes proposées à la
loi de 1838 ()869), sur les aliénés dangereux (1868), le asiles spé-
citiux pour les aliénés dits criminels (1868), la responsabilité légale
des aliénés (1876), etc.
La plupart de ces travaux ont été réunis en deux volumes, sous
le titre de : Etudes cliniques sur les maladies mentales et nerveuses,
et les Aliénés et les asiles d'aliénés (Paris, l3aillière, 1890). '
' Malgré leur importance et leur nombre, ces divers travaux ne
représentent qu'une partie de l'oeuvre de Jules Falret. Pourappré
cier cette oeuvre à sa valeur réelle, il faut raupeler les cours libres
professés à l'hospice de Bicêtre (1867), à l'Ecole pratique (1876-
1877) et à la Salpêtrière (1884-1885). Il faut rappeler aussi les
nombreux discours qu'il prononça à la Société médico-psycholo-
gique. 11 en faisait partie depuis 1854. et il en a été l'un des
membres les plus actifs et les plus écoutés. Son talent de parole,
très remarquable, était fait de facilité, d'abondance et de clarté.
Il excellait à élever, à généraliser les questions,.à trouver les for-'
mules précises qui mettent l'idée en relief et la gravent dans les
esprits. Dans les discussions, où il était un redoutable contradic-
teur, il savait avoir raison avec discrétion, et il y apportait une
telle urbanité qu'il n'a jamais blessé un adversaire.
Après la mort de son père (1870) et de F. Voisin (1872), un sur-'
croit d'occupations vint s'ajouter aux recherches scientifiques de
M. Jules Falret et à son service hospitalier : il dut assumer en'
entier la charge de la Maison de santé de Vanves, à la direction
de laquelle il participait depuis plusieurs années déjà. Ses nou-
veaux devoirs, si absorbants, ne ralentirent pas son activité, et,
jusqu'aux dernières années de sa vie, il continua à travailler et à
produire. Ses confrères lui prouvèrent la haute estime en laquelle
ils tenaient sa personne et ses travaux en l'élevant, à deux reprises
à la présidence de la Société médico-psychologique, et en le
choisissant encore comme président du Congrès international de
médecine mentale (1889) et comme président de la Société'de
médecine légale de France (1893-1894).
' Mais Jules Falret n'était pas seulement un savant aliéniste et un
observateur pénétrant. Il était encore, et au plus haut degré, un'
philanthrope, un homme de bien. Son père avait fondé l'oeuvre
profondément humanitaire du patronage pour les aliénés indigents ;'
Jules Falret consacra à cette oeuvre le meilleur de son temps, une
sollicitude infatigable. Comme président du Comité administra-'
tif, il eu fut pendant trente années la cheville ouvrière, et il' a
184 ' BIBLIOGRAPHIE.
contribué plus que personne à la prospérité de ce patronage qui,
avec de faibles ressources, fait encore tant de bien. Son exquise
bonté, sa générosité toujours active sont bien connues de tousceux
qui l'ont approché, comme de cette population de Vanves qui lui
avait officiellement décerné le beau titre de bienfaiteur des pauvres.
De même -qu'il imposait le respect par sa valeur scientifique,
Jules Falret attirait la sympathie et l'affection par sa constante
bienveillance, par son absolue droiture, par l'aménité de son
abord. 11 a honoré sa profession, il laisse une trace ineffaçable
dans l'histoire de la médecine mentale au xixe siècle, et tous ceux
qui l'ont connu garderont de lui le souvenir d'un ^esprit très dis-
tingué et d'un homme qui fut très bon. F. L. ARNAUD.
BIBLIOGRAPHIE.-
IV. Le début de la spermatogénèse dans l'espèce /tMm< ! HM ? 4pp/t-
cations médico-légales; par le De M. LFPnI\CE., (Tle. de Paris,
60 pages et planches. Steinheil, édit.)
A quel âge commence et jusqu'à quel âge se poursuit l'élabora-
tion des spermatozoïdes dans le testicule ? .
La seconde partie de ce problème a tout particulièrement été
étudiée, et cela peut-être en raison des applications médico-légales
plus fréquentes dans lesquelles elle peut trouver son emploi.
- Dans une série de 25 observations personnelles, l'auteur apporte
une contribution intéressante à l'étude du début de la spermatogé-
nèse. La puberté n'est pas fonction de l'âge du sujet mais d'un cer-
tain degré de développement physique. Elle se caractérise par une
série de phénomènes connus dont un seul est capital : c'est la pré-
sence des spermatozoïdes. Les autres phénomènes sont accessoires
et contingents... 1
Il est impossible de formuler sur l'apparition de la puberté une.
loi mathématique, mais de l'examen des faits cités il semble qu'un
garçon bien portant voit la puberté apparaître de treize ans et
demi à quatorze ans et demi.
Pour décider de la puberté d'un sujet, le médecin légiste n'aura
qu'une ressource : faire un examen soigneux de taches de spermes,
s'il peut s'en procurer. Trouve-t-il des spermatozoïdes ? la ques-
tion est jugée; mais dans le cas contraire, il sera de son devoir de-
rester dans les plus grandes réserves. E. Blin. '
BIBLIOGRAPHIE. 185
V. Essai l'usile de Pau du traitement des aliénés par le repos au
lit, par M. Clausalles. Th. F. Toulouse.
L'auteur conclut à l'application curative de la méthode à toutes
les psychoses aiguës et aux crises symptomatiques des vésanies
chroniques.
Il préconise l'abandon systématique des moyens mécaniques de
contention. Il conclut de 27 observations à l'acquisition facile de
l'habitude du lit, facilitée par la persuasion, les récompenses et
menaces verbales. Parallèlement s'appliquent la suralimentation
l'hydrothérapie et les hypnotiques.
D'une manière générale les avantages sont dus à une surveil-
lance incessante qui facilite l'application des soins hygiéniques,
prévient les tendances agressives et le suicide, empêche la destruc-
tion et l'auto-mutilation, règle l'alimentation, supprime ou dimi-
nue le gâtisme et permet de découvrir les plus légères complica-
tions morbides. Inconvénients : onanisme et contrainte manuelle
des gardes en certains cas d'indocilité. 1
L'auteur examine aussi les effets de la méthode sur les diverses
fonctions ainsi que sur l'aménagement intérieur des établissements
et la composition du personnel. A. Marie.
VI. Analomie clinique des centres nerveux ; par le professeur Gras-
SET. (Vol. in-16 carré de 100 pages avec figures. J.-B. Baillière et
fils. Collection des Actualités médicales.)
L'anatomie anatomique est utile au clinicien ; c'est le fondement.
Mais l'anatomie physiologique lui est encore plus nécessaire. Le
symptôme est une fonction pathologiquement déviée; donc, il faut
se baser sur le groupement fonctionnel ou physiologique des
organes pour faire oeuvre utile en médecine pratique. L'anatomie
clinique, avec sa méthode propre, tout en se rapprochant beaucoup
de l'anatomie physiologique, la dépasse aussi et a son autonomie.
On ne pouvait trouver voix plus autorisée que celle de l'auteur
pour présenter, sous forme claire et précise, le résumé de nos
connaissances anatomo-cliniques actuelles sur les centres nerveux,
pour déterminer ce prélude et cette base indispensable de la
pathologie nerveuse.
Après avoir fait le tableau de l'anatomie clinique générale des
centres nerveux telle qu'elle se présente à l'heure actuelle avec le
neurone, les connexions des neurones entre eux, le groupement
des neurones en systèmes, etc., l'auteur arrive à l'anatomie cli-
nique spéciale des centres nerveux et décrit successivement l'ap-
pareil nerveux central : Ie De la motilité et de la sensibilité géné-
rale. Ce dernier comprend :
a) Les voies motrices cérébro-médullaires, voies principales
186 BIBLIOGRAPHIE
cortico-spinales et voies indirectes on cortico-ponto-cérébello-spi-,
nates ; 6) Les voies sensitives médutto-cérébrates, voies princi-
pales médullo=corticales et voies sensitives indirectes ; c) Les
voies et neurones d'association ; d) Les centres spéciaux qui se
trouvent successivement dans les neurones inférieurs (ganglions
et cornes antérieures de la substance grise), dans les premiers,
neurones de relais (substance grise bulbo-médullaire), dans les
deuxièmes neurones de relais (cervelet, mésocéphale, ganglions de
la base du cervea.u) et dans les neurones supérieures (écorce céré-
brale).
2° De la vision. Celui-ci comprend : (t) Les voies sensorielles op-
tiques ; -b) Les voies sensitives générales; -c) Les voies motrices,
englobant trois grands groupes de nerfs : les nerfs directeurs du'
regard (sensoriomoteurs et sensitivomoteurs), les nerfs protec-
teurs de l'aeil et les nerfs de l'accommodation.
3° De l'ouïe. Comme à l'appareil visuel, il faut décrire à l'appa-
reil auditif des voies sensorielles, des voies sensitives générales
et des voies motrices. 4° Du goût et de l'odorat. 3° Du langage.
Après un préambule physiologique, sont indiqués les centres supé-
rieurs (mental et automatiques spéciaux). les voies efférentes et
les voies afférentes. 6° De la circulation, de la respiration et de la
digestion.
Des tableaux résument les voies sensitives et motrices des cinq-
grands appareils sensoriomoteurs, les voies efférentes et afférentes
de l'appareil nerveux central du langage, etc. M. B.
VII. Des maladies mentales, introduction à l'étude de la folie, par
I. HIAC 1'liEltso.,q, Londres, i)lac Mittan.
Cet ouvrage est une suite de leçons professées au cours libre de
l'Université d'Edimbourg. Une première partie traite de l'hérédité
morbide de l'évolution générale de la folie et de ses causes. Une
deuxième partie traite de la physiopathologie au point de vue
évolutif et dégénératif et au point de vue de dissociation cérébrale
accidentelles et acquises. La partie clinique de l'étude, de beaucoup'
la plus importante, échappe à une brève analyse, nous nous con-
tenterons d'en donner une idée par la division du sujet. < 1
1° Folies idiopathiques (manie mélancolique, folie intermit-
tente et délires systématisés progressifs); 2° confusions men-
tales et délires toxiques d'origine externe ou interne (la paralysie
générale et le myxoedème sont compris dans les auto-intoxications
microbiennes et autres) ; 3° folie des dégénérés (types Magnan) ;
4° folie en rapport avec les névroses ; 5° délires secondaires aux
lésions organiques cérébrales (tumeurs, traumatisme, coup de
chaleurs sénilité ; 6° considérations médico-légales. - '
; 1 .. ' 1 .. , A. MARIE ? ,,
varia : 18 ? 1
VIII. Guide pratique d'électrolhérapie gynécologique, par le Dr
AL13ERT-WFIL, licencié ès-sciences, ancien interne de Saint-
Lazare, préparateur adjoint à la faculté de médecine, médecin
électricien, avec préface de M. le P1' GAMEL, membre de l'aca-
démie de médecine. J.-B. Baillière, éditeur.
Ce guide se divise en deux parties. La première partie est à peu
près exclusivement physique. L'auteur rappelle que les modalités
électriques utilisées en thérapeutique sont le courant continu, les
courants faradiques, les courants galvado-faradiques, les cou-
rants alternatifs sinusoïdaux, les courants ondulatoires, les
courants de haute fréquence, les courants statiques et les courants
statiques induits, qu'il fut le premier à employer eu Gynécologie.
Il décrit minutieusement la nature de ces courants et surtout la
manière de les obtenir en ne laissant dans l'ombre aucun point de
technique; si bien que, suivant l'expression du professeur Gariel,
toute personne qui aura compris les éléments scientifiques exposés
dans cette première partie et qui se les sera assimilés, sera en
état de faire utilement de l'électrothérapie pratique. -
Dans la deuxième partie, l'auteur passe en revue les diverses
affections gynécologiques : pour les unes, il reconnaît qu'un trai-
tement électrique est véritablement le traitement de choix, il dis-
cute quel doit être ce traitement et il l'expose dans tous ses dé-
tails ; pour d'autres affections, il croit que les modalités électri-
ques peuvent être essayées après l'échec de médications plus sim-
ples ; pour d'autres, il croit que ce serait une erreur de les em-
ployer. Les procédés électriques ne constituent pas une panacée ;
mais ils peuvent réussir en nombre de cas et constituent la oeil-
leure arme de la gynécologie conservatrice.
Il convient d'ajouter que des schémas fort bien faits, font com-
prendre, pour chaque modalité électrique, la position des appareils,
la position.des malades et la manière de les relier les uns aux
autres. En résumé, c'est un livre clair et complet appelé à rendre
les plus grands services au gynécologue et à l'électricien. '
VARIA.
Les alcooliques.
Fureur alcoolique.-Le cercle militaire de Rennes vient, d'être le
théâtre d'un drame de l'ivresse. Le service du café et des salons est
fait par trois soldats dont deux appartiennent au 41 de ligne et le
troisième au 7e d'artillerie. Hier soir, à propos d'une course à faire;
188 VARIA.
une discussion éclata entre le soldat Le Bechec, du 41e, et son cama-
rade du 7e d'artillerie. L'autre soldat, du 41°, Boufol, donna rai-
son à l'artilleur et adressa quelques paroles de blâme à Le Bechec
en termes très vifs. Le Bechec, qui avait fait, paraît-il, de longues
stations dans un cabaret situé dans les environs du cercle, était
dans un état d'ivresse assez accentué. Il entra subitement dans une
colère des plus violentes. L'artilleur, effrayé, s'enfuit ; Boufol et
Le Bêchée restèrent seuls face à face. C'est alors que ce dernier se
précipita sur son camarade, la baïonnette à la main, et l'en frappa.
Heureusement, Boufol put parer en partie le coup qui était porté
en pleine poitrine et ne fut atteint qu'au poignet. A ses cris. les
officiers présents an cercle accoururent et arrachèrent le malheu-
reux Boufol à la rage de son camarade. Le Bechec était pris d'une
crise de fureur alcooliqee; ce n'est qu'à grand'peine que la police,
appelée, est parvenue à le conduire à la prison militaire de la
caserne Saint-Georges. Le Bechec était considéré comme un bon
soldat. Ce sont toujours des soldats d'élite qui sont choisis pour le
service du cercle. (Le Temps, du 25 juin 1992.)
- Le nommé Launay, 40 ans, demeurant à Lannion (Côtes-du-
Nord), ivrogne et paresseux, dans un accès d'alcoolisme, a étranglé
son bébé de treize mois et essayé de tuer sa fillette de cinq ans qui a
pu lui échapper en se cachant dans un coin. (Bonhomme Normand
du 20 au 20 juin 1902.)
. Fureur alcoolique. Un crime causé par la folie alcoolique a été
commis à Cautaron, petit village près de Nice, sur la rive droite du
Paillon. Un nommé Dalbera, libéré récemment du service militaire,
s'adonnait à l'alcool et, devenu violent, battait souvent ses frères.
Il se disputait surtout avec sa marâtre, car il était l'aîné de la
famille et fils d'un premier lit. Hier, armé d'un gros couteau, il
saisit la marâtre à l'improviste pendant qu'elle lavait du linge,
penchée sur le ruisseau, et essaya de lui couper le cou. L'arrivée
de plusieurs personnes permit d'arracher la malheureuse à
l'étreinte de son meurtrier, mais sa blessure est grave. Ualbera,
ligotté, a été conduit à l'hospice des aliénés de Saint-Pons.
(Le Temps, 10 février 1902.)
Mère 'alcoolique et meurtrière. Une journalière de Pont-
Audemer, nommée Albertitie Aiiy, âgée de trente-neuf ans, était
allée samedi laver du linge à Saint-Paul-sur-Risle. Elle était
accompagnée de sa fille, âgée de onze ans, et de son fils, un bébé
de deux ans, nommé Edgard.
Ne la voyant pas revenir, la personne qui i'occupait envoya à la
buanderie une jeune fille qui y découvrit le cadavre du petit
Edgard dissimulé dans une auge. Quelques heures après, la gen-
darmerie, prévenue, trouvait la femme Any dans les bois et la
. VARIA. 189
mettait en état d'arrestation après lui avoir fait avouer qu'elle
avait tué elle-même son enfant. Ce crime doit être attribué à
l'alcoolisme. (Le Temps, 18 mars 1902.)
A Ilenin-Liétard (Nord), Jean Legrand, quarante ans, alcoolique,
rentrant ivre, a tiré deux coups de revolver sur sa femme dont
l'état est désespéré. (Bonhomme Normand, du 3 au 9 janvier 4902.)
Eugène Provost, trente-quatre ans, ivrogne invétéré, demeu-
rant à Sainte-Terre (Gironde), se prenait de querelle avec sa vieille
mère, âgée de soixante-quinze ans. Soudain, Provost. fou de
colère et d'alcool, saisit un fusil et tua la pauvre femme. Il se sui-
cida ensuite. (Bonhomme Normand, du 3 au 9 janvier 1902.).
A Saint-Etienne, on a arrêté une mère indigne, Julienne Martin,
femme Fournier, demeurant au Marais, qui martyrisait son enfant
âgé de dix ans. La mère est une alcoolique invétérée qui privait son
enfant et la rouait de coups. Il a été établi que le petit Pierre était
resté cinq jours sans manger ! (Indicateur de Cognac, 9 mars 1902.)
,' LE sang humain contre l'épilepsie (VIII, 648).
Relativement à la phrase de FRANCK : « Sur le traitement de
l'épilepsie par le sang d'un supplicié », que cite àt. le D BnËMONT
dans le numéro de la Chronique du 15 octobre, je trouve, dans le
tome second d'un ouvrage publié en 1691, à Lyon, chez Hilaire
Baristel, avec privilège du roi, sous ce titre un peu long : Le 17-é-
sor de la pratique de la médecine oit le Dictionnaire médical conte-
nant l'histoire de toutes les maladies et leurs icmèdes choisis dans les
observations, conseils et ordonnances des,plits habiles médecins, le
tout recueilli par 11. Thomas l3rcrnet, Ecossais, médecin ordinaire
du roi de la Grande-Bretagne, traduit du latin en françois par
Al. iV. P. D. M. ( ? ), la phrase suivante à la subsection VIII, pour
l'épilepsie : -.
« Plusieurs recommandent comme un remède excellent le sang
d'un homme sain et décollé, pris intérieurement, et en notre païs
on regarde comme un secret contre l'épilepsie le sang même de
celui qui en est attaqué. Ou lui tire un peu de sang du bras pendant
le paroxysme qu'on lui donne à boire dans un oeuf à la coque. Et
cette expérience a délivré plusieurs épileptiques tant à la ville
qu'aux champs, et les a préservées de l'épilepsie pour toujours ))
t. 11, p. 749. - ' . ' ,
La phrase de Franck fait boire à un épileptique le sang d'un'
supplicié, versé par le bourreau. Ne vous semble-t-elle pas la para-
phrase du texte de Burnet, le participe décollé impliquant l'inter-
vention du bourreau, au moins comme sacrificateur versant réel-
lement le sang, qu'il n'administrait probablement pas lui-même à
l'épileptique ? (Lu Chronique médicale du 1 ? mai 1902.) " *
Dr DAuviN (Saint-Nazaire).
190 ' VARIA.
LES Aliénés EN liberté
Désiré Boucherie, 43 ans, a assassiné son frère, 47 ans, cultiva-
teur à Quesnal-sur-Deule (Nord). De crime avait pour mobile des
questions d'intérêt. L'assassin est un faible d'esprit atteint de la
folie de la persécution. (L'Indicateur de Cognac, 2G juin 1902.)
Folie de vieillard. Un ancien pêcheur de Grandchamp, près
d'Isigny, âgé de 74 ans, a été vu par plusieurs femmes se livrant à
des actes honteux sur des chèvres et-des brebis. Ce vieillard a,
dit-on, l'esprit un peu affaibli, à la suite de malheurs intimes.
(Bonhomme Normand du 20 au 26 juin 1902.)
Pauvre vieillard. Le sieur Eugène Goubert, habitant rue
Brûlée, à Honneur, ayant la tête un peu dérangée, chercha à attenter
à ses jours en se portant plusieurs coups de couteau à la gorge. Il
fut arrêté dans sa tentative de suicide par une personne qui arriva
chez lui. Goubert ne tardera pas à se remettre de ses blessures,
qui sont superficielles. (Bonhomme Normand, du 13 au 16 juin 1902.)
- Les époux Coudlac, fermiers à Devèze (HauLes-Pyrénes), ont
avec eux une soeur de la femme, M ? Sabathie, aujourd'hui âgée
de quarante ans. 11 y a une dizaine d'années, elle devint folle.
Depuis ce temps, ils la tenaient enfermée et couchée dans un lit
entourée d'une grosse chaîne à hoeufs. Le maire et le curé connais-
saient ce fait et ne disaient rien. (Bonhomme Normand, du 13 au
19 juin 1902.)
Horrible accès de folie. Une veuve Labouglie, domiciliée à
Courcelles-sur-Seine (Eure), a tenté de noyer dans la Seine son fils,
âgé de dix ans, et, comme le pauvre petit s'était cramponné à une
branche d'arbre, elle le frappa avec une baguette ramassée à terre
et se pencha au bord du fleuve pour lui plonger la tète sous l'eau.
L'enfant réussit heureusement à se sauver; quant à la mère elle a
pris la fuite et on ne sait ce qu'elle est devenue. Cette femme doit
avoir agi dans un moment d'aliénation ; elle a un dérangement cé-
rébral par suite de la vive émotion que lui a causée la mort de son
mari, tué accidentellement il y a quatre ans. (Le Malin, 12 juin
1902.)
Le département de l'Eure possède un vaste asile. Mais, au
lieu d'hospitaliser tous ses malades aliénés, il réserve une
centaine de lits au moins aux malades de la Seine, dont il
tire bénéfice, tandis que s'il hospitalisait ses malades, il fau-
drait payer. Le Conseil général, l'administration départe-
mentale et les communes sont donc coupables.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Mouvement de juin. 11. le Dr Bonne,
médecin-adjoint à l'asile d'Auxerre, (Yonne) nommé à l'asile de
Braqueville (Haute-Garonne), poste créé. AI. le D1' HONFIX
de la Brousse (concours de 1896), nommé médecin-adjoint du
quartier des aliénés de l'hospice de Nantes (poste créé).
111. PicHoN, conseiller de préfecture de la Seine est nommé
directeur de l'asile des aliénés de Vaucluse (Seine-et-Oise), en
remplacement de M. Baudart admis à faire valoir ses droits à la
retraite. M. ME)LLET (Léo), ancien député, nommé directeur de
l'asile d'aliénés d'Aix (Bouches-du-Rhone), poste créé. 11. Ra
niart, médecin-adjoint à Armentières, promu à la Ire classe du
cadre. M. le Dr ROUSSET, médecin en chef à l'asile de Riom,
promu à la 2e classe du cadre.
LE tueur DE femmes. Les médecins aliénistes de Lyon chargés
de l'examen mental, le tueur de femmes de Nice, se sont réunis
hier pour discuter les bases de leur rapport. Leurs conclusions ne
sont pas identiques. Les docteurs Boyer et Rebatel concluent à la
responsabilité, car ils estiment que les crimes ne présentent rien
de passionnel et n'ont eu, au contraire, pour mobile que le voi,
banal. Quant à il. Lacassagne, après avoir, au début, admis l'ir-
responsabilité, il conclut maintenant à la responsabilité limitée.
(Le Temps, 30 mai 1902.) .
L'interdiction de Mlle Blanche llfovwcs. - On écrit de Poitiers,
au Temps (1 ? mars) : D'un jugement rendu par défaut par le tri-
bunal civil de première instance de Poitiers, il résulte que
XI110 Blanche Monnier, propriétaire, demeurant à Poitiers, rue de
la visitation, 2, et actuellement résidant à l'Hôtel-Dieu de ladite
ville a été déclarée en état d'interdiction.
Dans un asile d'aliénés. M"10 Wodicka était venue, accom-
pagnée de son enfant, à l'asile de Sternberg, pour y voir son mari
atteint de maladie mentale. Pendant qu'elle était au parloir, un
pensionnaire de la maison, l'instituteur Risanck, s'élança sur la
visiteuse et l'étrangla avant que l'on eût pu dégager la pauvre
femme. (Le Progrès de l'Eure, 10 juin 1902.)
LE vampire DE Muv. Un dépêche de Draguignan du il juillet
annonce qu'Ardisson, le vampire du Muy, évadé de l'asile de
Pierrefeu, a été arrêté hier soir, au lliuy, par la gendarmerie. La
population voulait faire un mauvais -parti à Ardisson.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Archives DE psychologie DE LI SLIISSE romande, publiées par Th.
Flournoy et lIl. Ciayarèlu. I,e 3° fascicule (tome 1) renferme : La
psychologie du peuple anglais el Vélhiologie politique, par E. Murisier ;
La loi de corrélation psychophysiologiqtie, par E. Abramowski ;
L'obsession de la rougeur, par Ed. Clal)arè(Je ; Nouvelle classification
des associations d'idées. Genève, Ch. Eggimaim et C10, éditeurs. Paris :
Félix Alcaii.
Revue philosophique (juin 1902). Sommaire : Ctt. DUNAN. La per-
ception des corps (2° et dernier article). Tu. RIBOT : L'imagination
créatricealTective.-DC1VULL. La notion de philosophie scolastique.
Analyses et comptes rendus. Revue des périodiques étrangers. Li-
vres nouveaux. - Abonnement du 9° janvier : Un an, Paris. 30 francs; -,
départements et étranger, 33 francs. La livraison : 3 francs. Félix
Alcan, éditeur, 108, boulevard Samt-Germatn, Paris (6°).
Vires (J.). - Maladies nerveuses. Dt ? o<<c. Traitement. In-8° de
614 pages. llontpellier. Goulet et fils, édit. Paris, Masson et Cie.
Heiberg (Kopenlidgen,). Diesyslematik der Intoxications psychosei ? .
In-8° de G pages. Extrait du Ceczlralblalt fiii- Nerveczlzezllcuzzcle and pys-
chialrie. Leipzig. 1902.
IASSELON (R.).Pc/tooy/e des déments précoces. 111-8- (le 266 pages.
Boyer edit.
Gl-illain (G.).-La forme spasmodique de la syringomyélie, la névrite
ascendante elle traumatisme tlaiis 1't ? Iiologie de la syringomyélie. ln-8"
de 186 pages. Stleinlell, édU . ·
MATros de (J.). -Os Alienados nos tribunues. In-8 de 288 pages. Lisbon,
1902. Tavares Cardoso et Irmao, édit.
Kou.ARrrz Jexô. Der myaslhenisclie. Symplomen conzple.x . In-8 de
26 pages, avec 17 figures. Extrait Deul.sclzes Archiv, sur Iflinisclze 3ledi-
ci Il. .
A'OMsrapeOHS nos lecteurs que l'abonnement collec-
tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
( est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour
l'Étranger. ,
1 1 1
Le rédacteur-gérant : Bouiineville.
Evreux, Cil. flkmessv, imp. - 7-1902.
Vol. fiv. Septembre 1902. , 1 N 81.
* ?
7 z
ARCHIVES DE NEUROLO^È
le,
X
- CLINIQUE MENTALE.
La paralysie générale d'après les données de la
clinique psychiatrique de l'Université de Moscou ;
PAR les docteurs
Serge S0UKUA3 OFF,
Privat-doccnt de la faculté de médecine, médecin de la clinique psychiatrique
1 de Moscou.
Et Pierre G1NNOUCIIIINE. '
Le nombre des malades qui ont visité la salle de consul-
tation de la clinique psychiatrique de Moscou, depuis sa fon-
dation, c'est-à-dire depuis le mois [de novembre de 1887
jusqu'au 1 ? janvier de l'année 1901, a été de 3.916 personnes
dont 2.493 hommes et 1.423 femmes.
De tous ces malades il y en avait 682 qui souffraient de
paralysie générale, 590 hommes et 92 femmes. Si nous pre-
nons les chiffres des dernières douze années et si nous les
partageons en trois périodes chacune de quatre années, nous
recevrons les données suivantes :
Tableau I
- 194 CLINIQUE mentale.
Ces données ont été examinées par nous : 1° concernant le
rapport du nombre de paralytiques généraux au nombre de
tous les malades psychiques qui ont été à la consultation,
et 2° concernant le rapport du nombre des paralytiques
hommes au nombre des paralytiques femmes. 1
Si nous faisons les chiffres absolus, que nous venons de
citer, relatifs, nous aurons les résultats suivants :
' paralysie générale. ' 195
du nombre des hommes paralytiques au nombre des femmes
paralytiques ; nous nous permettons, pourtant, de supposer
que le rapport de ce genre ne peut avoir de signification que
lorsqu'il est comparé avec le rapport du nombre de tous les
.malades psychiques hommes au nombre de toutes les
malades psychiques femmes. Chez nous, pour chaque para-
lytique femme il revient 6,41 paralytiques hommes, c'est-à-
dire que le nombre des hommes aliénés est plus que six fois
plus grand, que celui des paralytiques femmes, et que pour
chaque femme aliénée il revient 1,75 d'hommes aliénés,
c'est-à-dire que la quantité des hommes aliénés est presque
deux fois plus grande que celle des femmes aliénées.
De cette comparaison il s'ensuit que si la quantité de tous
les malades psychiques des deux sexes était égale, le
nombre des paralytiques hommes serait plus que trois fois
plus grand que celui des paralytiques femmes.
En partageant ces mêmes données par périodes de quatre
années nous aurons les résultats suivants :
Tableau III
196 ' CLINIQUE mentale..
du nombre des femmes paralytiques les dernières quatre
années. -
Concernant la division des malades, atteints de paralysie
générale en groupes d'après l'âge, nous nous sommes dirigés
par les considérations suivantes : vu le nombre médiocre
des malades 'en question avant l'âge de vingt ans, nous
les avons inclus dans un groupe à part, de même que
les malades de ce genre, chez lesquels la paralysie générale
a manifesté après soixante ans, ont été aussi placés dans un
groupe particulier. Tous les autres malades ont été répartis
encore en huit groupes, ayant chacun une période de, cinq
années.
De 67.3 paralytiques (hommes et femmes ensemble) :
paralysie générale. 197
grand nombre de malades revient au second de ces groupes
et chez les femmes au premier.
De plus, on voit encore que le nombre de femmes paraly-
tiques dans l'âge le plus jeune et le plus vieux est plus grand
que celui des hommes à l'âge correspondant.
Vu la rareté comparative des cas de paralysie générale
dans l'âge très jeune, nous allons citer in extenso trois cas
de paralysie générale juvénile.
Observation I. Malade B..., jeune fille de seize ans, paysanne,
s'adressa à la salle de consultation de la clinique psychiatrique
de : llloscou le 10 mars 1899. Son père s'adonnait aux boissons
fortes et avait supporté le delirium trenzens. Son grand-père mater-
nel buvait aussi et a eu dans la vieillesse une maladie mentale.
La syphilis héréditaire est probable. La malade vint au monde à
terme, commença à marcher tôt. Lorsqu'elle était dans sa troisième
année, elle eut un accès avec perte de conscience, convulsions et
écume aux lèvres; ensuite, elle n'eut plus d'accès semblable, elle
supporta la rougeole. C'était une fillette vive qui ne présentait rien
d'extraordinaire; elle apprenait bien. Deux ans de cela elle a fini
son cours à l'école diocésaine. En automne de l'année 1897, elle
entra au service d'un magasin, où elle resta jusqu'au printemps de
l'année 1898. Au mois de mai de 1898 la malade commença à ma-
nifester des bizarreries et devint entêtée, irascible, se querellait
avec sa mère, souvent était de mauvaise humeur, pleurait beaucoup,
était triste, voulait se jeter dans la rivière, dormait peu. L'été la
malade ne faisait presque rien, rarement prenait son ouvrage,
embrouillait son tricot et sa broderie ; sa mauvaise humeur conti-
nuait. En automne l'état psychique de la malade resta le même.
En hiver il empira; la malade commença souvent à pleurer en pre-
nant sa tête dans les mains ; tantôt elle devenait gaie, riait àchaque
propos, tantôt se mettait à pleurer; elle grondait sa mère et la
battait. La malade manifestait souvent le désir de s'évader de la
maison. La mère remarquait que les facultés intellectuelles de sa
fille s'affaiblissaient visiblement.
Etat présent. La face a l'aspect d'un masque. La malade mar-
che assez mal; ses mouvements sont atactiques ; tremblement de
la langue, des mains et des muscles faciaux, lorsqu'elle parle. Les
réflexes rotuliens sont très affaiblis ; les pupilles sont étroites; la
pupille droite est plus large que la gauche, réagit mal à la lumière.
L'écriture est troublée. Le discours paralytique. La malade parle
peu et fait l'impression d'être démente.
Observation II. Malade Y..., fille de vingt ans, paysanne,
s'adressa dans la salle de consultation de la clinique psychiatrique
198 CLINIQUE-MENTALE.
le 24 janvier de 1900. Son père boit très fort, l'oncle paternel
aussi.
. La malade ne boit pas. Le père avait des plaies (syphilitiques ? )
aux jambes. La malade avait la réputation d'une fille d'esprit jus-
qu'au début de sa maladie. En été de 1899 la malade faisait encore
bien tous les ouvrages de la maison et les ouvrages champêtres ; ses
parents ne remarquaient rien d'extraordinaire dans son maintien.
Deux mois et demi de cela la malade devint oublieuse, distraite; il
lui était difficile de marcher, elle commença à parler mal, se plai-
gnait d'un mal de tête et d'un tremblement des mains. La malade
parlait peu et si on ne lui donnait pas à manger, elle ne le deman-
dait pas elle-même ; elle ne pouvait plus s'occuper d'affaires. Si elle
se mettait à faire quelque chose, ses mains tremblaient, et elle ne
pouvait combiner ce qu'elle doit faire. Elle-même elle ne demande
aucun ouvrage.. ·
Etat présent. Sa face a un aspect d'un masque, elle marche
mal, en chancelant ; ses mouvements sont maladroits, la langue et
les mains tremblent. La force musculaire des mains est affaiblie.-
Les réflexes patellaires exagérés, les pupilles réagissent à la lumière.
'La parole est paralytique.
La malade combine mal, ne sait pas, quand elle est arrivée de la
campagne, remarque elle-même qu'elle a une mauvaise mémoire,
peut définir le jour, mais ne connaît pas le quantième.
. La malade peut seulement répondre aux questions, mais ne peut
pas elle-même entretenir une conversation bien suivie. Point d'hal-
lucinations. Démence profonde.
Observation III. Le malade N..., de dix-neuf ans, paysan,
commis dans une boutique de viande, s'adressa dans la salle de
consultation de la clinique psychiatrique de Moscou, le 10 mars
1892. Son père buvait peu, sa mère était aliénée. Lui-même
buvait aussi peu. Jusqu'à la dernière semaine on le regardait
comme bien portant. Une semaine de cela après un vol d'argent de
la boutique par quelqu'un, il s'imagina qu'on le soupçonnait de ce
vol et depuis lors devint agité, s'enfuyait de la chambre, ne dor-
mait pas la nuit.
Etat présent. Des tiraillements fibrillaires dans les muscles
faciaux et dans la langue. Tremblement des membres supérieurs.
Ataxie des membres inférieurs. Les réflexes rotuliens sont abolis.
La pupille gauche est plus grande que la droite.
Les pupilles ne réagissent pas à la lumière. La parole est para-
lytique. Démence profonde.
Les 572 hommes paralytiques et les 91 femmes paralytiques
d'après les histoires de maladie, où a été inscrite leur position
de famille, peuvent être répartis ainsi :
PARALYSIE GÉNÉRALE. '199
200 . CLINIQUE MENTALE.
sion qui répond aux opinions des autres auteurs, c'est que
l'occupation par les travaux champêtres, à condition de la
vie à la campagne, ne prédispose pas à la paralysie géné-
rale.
En examinant la signification de l'hérédité dans la para-
lysie générale d'après nos données, nous eûmes les résultats
suivants :
Tableau V
- PARALYSIE GÉNÉRALE. 201
ment.de la paralysie générale, comme moment étiologique,
doit être envisagé, comme tout aussi grave, que dans d'au-
tres maladies mentales.
Passons à présent à l'examen de la fréquence de la syphilis
dans l'anamnèse de 'la paralysie générale. 520 hommes et
67 femmes ont été répartis de la manière suivante :
202 CLINIQUE MENTALE.
La période la plus longue (dans un cas) était de trente-trois ans
et la plus courte de trois ans (trois cas).
Ainsi donc, dans 90 p. 100 de paralysie générale chez les
hommes, les périodes entre l'infection par la syphilis et
l'apparition de la maladie mentale en question passent de
six à vingt ans.
Concernant l'alcoolisme dans l'anamnèse des paralytiques
en nous basant sur nos données, nous avons pu obtenir ce
qui suit :
PARALYSIE GÉNÉRALE. 203
Chez les paralytiques femmes, on obtient des données con-
cernant ce sujet un peu autres ; de 75 cas :
204 CLINIQUE MENTALE.
vait constater alors, entre autres, l'abolition des réflexes rotuliens,
le tremblement de la langue et des mains, l'affaiblissement de la
force musculaire, des pupilles étroites avec réaction faible et un
léger trouble de la parole.
Voulant définir, en nous basant sur nos'données, les mo-
difications qui se sont manifestées dans l'évolution externe
de la paralysie générale nous avons déterminé pour chaque
dernière période de quatre ans la quantité des malades
atteints de paralysie générale, en forme démente et de para-
lysie générale en forme maniaque.
Le rapport'du nombre de formes démentes au nombre des
formes maniaques, chez les hommes était :
PARALYSIE GÉNÉRALE. 205
ment et nous avons constaté que chez les paralytiques
hommes (528 cas)
206 CLINIQUE MENTALE. 1
s'étaient adressés dans la salle de consultation, avaient les
pupilles égales et que deux tiers de ces malades présentaient
une inégalité des pupilles. 1
Concernant la mobilité des pupilles, on nota :
CLINIQUE NERVEUSE.
Dépression kératique et états encéphalopathiques
graves ;
Par le D, B. PAILHAS. d'Albi.
I. Il est une altération du globe oculaire sur laquelle je
désire appeler l'attention, parce qu'elle m'a paru nettement
établie, très spéciale quant à sa nature, ses origines, ses
indications symptomatiques et pronostiques, en un mot,
intéressante et aussi moins rare que ne le laisserait supposer
le silence des auteurs à son endroit. Il s'agit d'une dépression
de la 'cornée survenant à l'occasion de perturbations graves
de l'encéphale nées de causes diverses, traumatiques ou
autres.
C'est en juin 1896 que je fus conduit à m'arrêter au
phénomène en question, et cela dans les circonstances
suivantes : ;
OBSERVATION I. L'ouvrier charpentier Louis G..., tombait vers cinq
heures et demie du soir, du haut d'une toiture, et dans cette
chute de 7 ou 8 mètres, se fracassait la tête sur le rebord d'un
vase à fleurs placé sur le sol. Appelé immédiatement auprès de la
victime, et sur les lieux mêmes de l'accident, je constatai tout
d'abord une hémorragie légère du conduit auditif et une plaie des
téguments de la répion pariéto-occipitale gauche avec enfonce-
ment des parois crâniennes correspondantes. Le sang provenant
des blessures ne dépassait pas 50 grammes. La perte du sentiment
et des mouvements était totale; seules, quelques contractions fibril-
laires agitaient, de temps à autre, les muscles du côté droit de la
face. Les yeux étaient immobiles et légèrement entr'ouverts. En
poursuivant l'examen des pupilles, également surdilatées à droite
et à gauche, je ne tardai pas à remarquer'une déformation insolite
des deux cornées. Cette déformation, qu'on ne pouvait rattacher à
aucune action traumatique directe et que n'accompagnaient point
d'autres lésions oculaires ou périoculaires, consistait en une
dépression transversale, mesurant, 5 millimètres de long sur
2 millimètres de large, fusiforme, légèrement plissée dans le sens
308 CLINIQUE NERVEUSE.
de la longueur et située à l'union des deux tiers supérieurs et du
tiers inférieur du disque cornéen (fig. 9, 10, 11, 12).
Au cours de cette constatation poursuivie durant trois quarts
d'heure, c'est-à-dire jusqu'au moment du transport du blessé en
son domicile, le pouls avait conservé une fréquence variant entre
'70 et 80°; tout en étant faible et inégal. La respiration se montrait
rare, irrégulière, suspirieuse. Le décès survenait environ deux
heures après l'accident.
Observation II. Joseph V..., âgé de deux ans et demi, enfant
délicat, issu de père alcoolique, de mère névropathe.
Le 9 février 1900, au cours d'une épidémie d'influenza, fut pris
d'une toux quinteuse, accompagnée de vomissements. Le lende-
main et les jours suivants, les vomissements redoublaient et parfois
survenaient sans toux. Par instants il appelait sa mère en criant :
« maman ».
Fig. 9 à 12.
DÉPRESSION KÈRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 309
Le 16 février, apparition de convulsions épilepliformes intéres-
sant le côté droit et plusieurs fois renouvelées. Le 17 février, roi-
deur de la nuque, inertie des membres, pâleur du visage, légère
rotation de la tète à gauche. Le soir du 18, nouvelles secousses
épileptiformes généralisées à tout le corps, mais prédominance à
gauche. Myosis à l'oeil gauche, mydnase à droite. Dépression
punctiforme de l'union des deux tiers supérieurs et du tiers infé-
rieur des deux cornées, sur le méridien central ; persistance de
cette altération jusqu'à la mort qui survint dans la soirée du 19,
au milieu d'accidents congestifs pulmonaires (fig. 13 et 17).
Observation III. Blanche C..., âgée de dix-huit ans, admise le
10 mars 1900 à l'asile d'Albi. Prédisposée à la vésanie par une
hérédité manifeste ; a toujours été capricieuse, excentrique,
bizarre. Le début de la psychose, qui remontait à quelques mois
avant l'internement, s'était caractérisé par un état de surexcita-
Archives, 2' série, t. XIV. 14
1% ig. 13 à 16.
210 0 CLINIQUE NERVEUSE.
tion générale avec loquacité, déclamations, rires, irritabilité et
colères, bris d'objets, paroles grossières, tutoiement adressé à
tout venant, hallucinations et fugues nocturnes (voyait le diable,
etc.) .
Le certificat de quinzaine porte : » Psychose maniaque où pré-
dominent l'instabilité mentale, la mobilité des émotions, des pen-
sées et des actes, une difficulté très notable d'appliquer son
attention à des opérations intellectuelles simples, à des travaux
manuels ordinaires, à élaborer des conceptions et des réponses
coordonnées et raisonnables. On la voit tantôt gaie, riante, expan-
sive, marchant à pas précipités dans une direction toujours la
même, jouant à la poupée, appelant sa mère, parlant seule, et
tantôt triste, concentrée, apparemment pensive, affaissée sur elle-
même ou étendue par tene. Désordonnée dans sa mise, indiffé-
rente à toute préoccupation de bienséance, elle crache sur les
tables, brise les assiettes, soufflette ses compagnes, tourne brus-
quement le dos à ses interlocuteurs, les tutoie ou leur répond par
des éclats de rire inconvenants. Accuse des hallucinations audi-
tives sous la forme de voix agréables ou déplaisantes. Amnésie. »
Cette excitation maniaque a persisté jusqu'en août 1900 pour
faire place à une phase de dépression au cours de laquelle se suc-
cédèrent les attitudes stupides, les réactions impulsives soudaines,
l'agitation nocturne, certaines manifestations délirantes momen-
tanément interrompues par l'éveil d'une relative conscience :
tantôt se croit morte et se laisse aller à terre de toute sa hauteur
ainsi qu'une masse, tantôt refuse la nourriture, rejette toute sa
salive, déclare vouloir se suicider, sournoisement cherche à
mordre, etc.
Toutefois, du 25 décembre 1900 au 13 janvier 1901, il s'est pro-
- duit une amélioration subite durant laquelle la malade s'exprime
correctement, se reconnait trop peu guérie pour retourner auprès
des siens, explique son mutisme ordinaire en disant qu'elle n'osait
point parler, essaie quelques travaux d'aiguille. Mais le 13 janvier
elle rechute brusquement, et, après quelques jours d'excitation,
devient plus que jamais inerte, gâteuse, baveuse, stupide.
Tel est son état, quand, le 23 juillet 1901, je constate aux deux
yeux, sur la line médiane et verticale et à l'union des deux tiers
supérieur et inférieur des deux cornées, une légère dépression,
d'aspect punctiforme, sans traces d'autres lésions (ftg. 15 et 16).
Le 25 juillet, la dépression a disparu sur l'oeil gauche (fig. 9 et 10).
Le 29 juillet, il n'existe de dépression ni sur l'oeil gauche ni sur
l'oeil droit, mais ce dernier présente sur le tiers inférieur de la
cornée un léger piqueté, dépourvu de toute inflammation appré--
ciable (fig. 18 et 19).
Le 22 août, je retrouve, après une absence de trois semaines, la
cornée droite présentant encore des altérations semblables à celles
DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 211
constatées le 29 juillet. Le 28 août, les deux cornées ont repris
leur aspect du 23 juillet, avec la 'dépression punctiforme et symé-
trique. Le' 4 septembre, toute altération de la cornée avait dis-
paru.
D'autre part, la malade se montrait, à partir de cette époque,
moins profondément et moins uniformément stupide, en même
temps qu'on observait une recrudescence marquée de l'agitation
nocturne, plus d'impulsivité, plus de variété et d'extériorisation
dans les manifestations de la vésanie. Néanmoins, aujourd'hui
encore, la dépression domine, caractérisée par l'inertie diurne, le
gâtisme, la nymphomanie, un mutisme parfois interrompu par
,des éclats de rire,des pleurs ou de rares paroles empreintes de son
délire mobile (elle est morte, martyre, ne veut pas faire pénitence
plus longtemps dans cette maison, refuse la nourriture, veut se
suicider, etc.), par une certaine malfaisance impulsive et féline à
1% 17. 17 20.
212 CLINIQUE NERVEUSE.
l'égard de ses gardiennes, par une expression successivement hé-
bétée, bestiale, puérilement malicieuse, par son incapacité de ras-
sembler quelques idées raisonnables, sauf à de certains moments
où une émotion un peu vive (celle résultant de la visite de sa
mère) a paru stimuler favorablement son activité cérébrale. ,-
Observation IV. Antoine P... âgé de trente-quatre ans, céli-
bataire. Entré à l'asile d'Albi le 18 juillet 1901.
Antécédents héréditaires inconnus : aurait été victime en 1899,
d'un traumatisme cérébral grave (chute de sur une charrette)
ayant exigé un long séjour à l'hôpital de Béziers et après lequel
persistèrent des troubles mentaux. Dans ces derniers temps seule-
ment ces troubles auraient dégénéré en accès de fureur et tels
qu'il menaçait de mort et parfois aussi du couteau, ses proches et
ceux qui étaient chargés de sa garde. Son certificat d'admission à
l'asile du Bon-Sauveur d'Albi, porte : « Délire confus caractérisé
Fig. 21 à 24.
DÉPRESSION KÉRATIQUE HT ÉTATS ENCÉPHALOPATIUQUES. 213
par une sorte de rêvasserie agitée, au cours de laquelle le malade
paraît en proie à des hallucinations pénibles. Son langage, ses
actes sont incohérents et son inconscience semble à peu près totale.
Vainement on s'attache à obtenir de lui une réponse raisonnable.
Il se dit à Paris, à Cayenne, au contrôle; il prononce le mot :
« assassin » ; se défend de n'avoir rien fait de mal. Son regard
est terne, effaré, distrait de ce qui l'entoure. Il parle seul ; fait
demandes et réponses ; semble écouter des voix, ramasse des
pierres, s'étend sur le sol à plat ventre. Ses yeux sont légèrement
injectés, les conjonctives hypoesthésiées, tandis que les deux cor-
nées présentent des dépressions très apparentes de leur face anté-
rieure. L'état général est mauvais.
A la date du 18 juillet, les dépressions ainsi observées se loca-
lisent de la façon suivante : 1" Deux de forme lenticulaire, sont à
la périphérie de la cornée droite, l'une en dehors, l'autre en dedans.
1 ir. 25 à 28.
214 CLINIQUE NERVEUSE.
2° Une troisième, de forme ovalaire, occupe la partie inférieure et
médiane de la cornée gauche (fig. 21 et 22).
Le 19 juillet, la dépression de l'oeil gauche a totalement rétro-
cédé, tandis que, à droite, les deux dépressions situées sur les
confins de la cornée sont moins nettes et ont fait place à un dé-
poli, légèrement laiteux, de la cornée en ces mêmes points. Le
malade, d'autre part, se montre moins agité, quoique toujours
bien confus et inconscient. Son visage est émacié, son regard égaré,
ses yeux caves.
Le 20 juillet. Yeux de plus en plus caves ; même état de la cor-
née. Etat général progressivement mauvais. Langue sèche ; 90 pul-
sations ; réflexes rotuliens normaux ; alitement (fig. 23 et 24).
Le 22 juillet. Sur l'oeil droit seulement et sur le limbe de la cor-
née, en dedans, dépression agrandie.
Le 24 juillet. La dépression de I'oeil droit tout en continuant de
s'étendre empiète sur la sclérotique (rig. 25).
Le 27 juillet. Sur l'oeil droit même dépression en dedans, sur
l'oeil gauche dépression en dedans et dépression en dehors, à la
limite de la cornée (fig. 2G et 27).
Le 29 juillet. Dépressions moins apparentes à droite ; la dépres-
sion de l'oeil gauche a pris un aspect légèrement laiteux, sans
traces d'ulcérations.
Le 21 août. Tandis que toutes les dépressions constatées les 27
et 29 juillet ont disparu, il en est survenu une autre en dehors de
l'oeil gauche, moins étendue que les précédentes (fig. 28).
Le malade'se meut avec moins de difficulté, mais sa mentalité
reste bien confuse : son attitude est celle d'une démence très*
avancée. Le 27 août, disparition complète de la dépression gauche,
mais apparition sur un point symétrique de l'oeil droit, d'une nou-
velle dépression empiétant sur la sclérotique ( ? 29).
Le 30 août. Il n'existe de dépression que sur l'oeil droit en
dedans de la cornée (fig. 30 et 31).
Le 4 septembre. Absence complète de lésions oculaires.
Le malade est toujours l'objet de soins d'infirmerie, bien que
son état général paraisse meilleur ; sa physionomie devient plus
normale; ses yeux sont moins excavés.
Le 12 septembre. Eveil lent de la conscience ; il commence à se
rendre compte de l'endroit où il se trouve, des gens avec qui il
est ; mais il se montre timide, craintif, réservé, puéril dans ses
manières. Il aime à s'isoler, dissimulant son visage avec ses mains
ou bien s'éloignant de ceux qui l'abordent ou l'appellent. Pour la
dernière fois, je constate ce jour-là, en dedans de la cornée de l'oeil
droit, une dépression d'aspect laiteux (rig. 32 et 33).
Le certificat trimestriel du 18 octobre est ainsi conçu : « Démence
ou, tout au moins, très notable affaiblissement des facultés men-
tales ayant succédé à un délire lypémaniaque confus. Actuelle-
DÉPRESSION YÉRATIQUE ET ÉTATS ENCEP11ALOPATHIQUES. 215
ment le malade, tout en ayant recouvré une certaine conscience
de lui-même et des ambiances, se montre puéril dans ses paroles,
dans ses actes, ses attitudes, en même temps qu'indifférent à l'en-
droit des siens. Il se montre aussi timide, enfantin, gauche, mé-
fiant à l'égard de son entourage, n'osant ou ne voulant pas répon-
dre aux questions posées qu'il semble prendre pour de mauvaises
plaisanteries, se détournant de ceux qui passent, se cachant le
visage avec ses mains. Cette affection ayant débuté après un trau-
matisme cérébral grave, il est fort à craindre que ce qui se pré-
sente aujourd'hui chez ce malade, sous des apparences de démence,
ne se maintienne à titre de réalité ».
Depuis lors l'état du malade n'a guère subi de modification et
son délire parait toujours orienté dans le sens de la persécution.
Il ne cesse pas de se tenir à l'écart de tout le monde, paraissant
soucieux, puérilement effarouché par la présence des gens qui
F ? 29&32.
216 CLINIQUE NERVEUSE. - -- "
passent, préoccupé de les éviter, s'en allant lorsqu'on l'appelle,
répondant évasivement à ceux qui l'accostent et l'interpellent, leur
échappant, s'il le peut, tout en marmottant quelques mots ou bien
en souriant à la façon de quelqu'un qui croit déjouer ainsi les
agissements d'un mauvais plaisant, plus rarement articulant des
plaintes à l'égard de ceux qui l'interrogent avec insistance et qui,
médecins ou autres, lui mettent le diable dans la tête, devinent
sa pensée, et, conséquemment, ne devraient pas, le sachant par
avance, lui demander ce dont il souffre et ce qu'il pense. L'ex-
pression habituelle de sa physionomie, sa démarche, sa mimique,
la forme de son langage, tout l'ensemble de ses allures revêtent
quelque chose de niais, d'enfantin, de gauche.
', .Observation V. Louis R..., âgé de quatre-vingt-deux ans,
admis à l'asile le 25 octobre 1901 pour une démence sénile accom-
.pagnée d'agitation, d'un délire continuel, incohérent, insaisis-
sable, de refus de nourriture.
Le 25 octobre, confusion extrême, inconscience totale, bredouil-
lage incohérent, agitation, doit être nécessairement alité, tant sa
faiblesse est grande. - Le 28 octobre, même état psychique avec
affaiblissement croissant des forces physiques; le malade peut à
peine balbutier des mots inintelligibles; difficilement il avale un
peu d'alimentation liquide. Le 29 dans la- nuit, a pu se lever
momentanément, sous l'action de son délire, ne sachant où il se
dirigeait. Le 30, expression d'inconscience et de confusion
extrêmes, carphologie. Le 31, rejet de toute nourriture, respi-
ration bruyante, état comateux. A la visite du matin, je constate
sur l'oeil droit une dépression de la cornée située à l'union des
deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de celle-ci. Cette dépres-
sion transversale, assez semblable à celle de la première observa-
1 ir. 33 et 31.
DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 217
tion, ne s'accompagne d'aucune inflammation apparente des tissus
de la cornée ou des autres membranes de l'oeil. Décès survenu
le 31 novembre 1901, à 4 heures du soir, par marasme aigu (fig. 34).
Dans ce cas suivi de mort, il devenait intéressant de recueillir
la cornée ainsi déformée, et de rechercher quels pouvaient être la
nature et le degré de cette altération.
L'examen macroscopique ne déclarait rien d'anormal; l'examen
histologique, auquel j'avais aussi songé, ne put être fait, pour des
raisons d'inexpérience de ma part en matière de conservation
d'une telle pièce anatomique très spécialement accessible à la pu-
tréfaction. Je n'en remercierai pas moins ici MM. les professeurs
Régis et Félix Lagrange, de Bordeaux, pour le concours anatoirti6--
pathologique que m'assuraient, en cette circonstance, leur gracieuse
bienveillance et leur savoir. 'i ?
De ces cinq observations, je rapprocherai certaine^
remarques faites par Brière de Boismont sur l'oeil et parti-
culièrement sur la cornée de certains aliénés atteints du
délire aigu. Ces constatations, non renouvelées depuis, et
même passées sous silence dans les plus récentes monogra-
phies du délire aigu, m'ont semblé assimilables à celles qu'à
présentées, en particulier, le sujet de notre quatrième obser-
vation,-malade chez lequel la symptomatologie du délire
aigu est venue, en même temps que la dépression cornéenne,
compliquer momentanément l'évolution d'une psychose
grave, d'origine traumatique. Voici ce qu'écrit, en effet,
Brière de Boismont dans son travail sur le Délire aigu
observé dans les établissements d'aliénés {Mémoires de
l'Académie de médecine, t. XI, p. 552).
« Etat des yeux. Les yeux révèlent la gravité du mal, et leur
aspect suffit seul pour annoncer une affection cérébrale. Leur
expression est généralement sinistre, et ce caractère est quelque-
fois si prononcé chez certains malades qu'on dirait qu'ils ont fait
un mauvais coup. Dans d'autres cas, ils prennent un air de ma
lice. Tantôt les yeux sont fixes, tantôt ils sont très mobiles, agités
de mouvements convulsifs ; ils se portent avec une telle rapidité de
gauche à droite, de haut en bas, dans toutes les directions, qu'on
ne peut les regarder sans fatigue. Dans quelques circonstances,
ils sont injectés, sanguinolents, brillants, font saillie hors de l'or-
bite. Chez une femme, ils étaient alternativement ternes et bril-
lants. Beaucoup de ces malades ont les yeux effarés, hagards, me-
naçants. La pupille est très fréquemment dilatée ; lorsque la
maladie est avancée, la dilatation diminue et l'oeil reprend sa
218 CLINIQUE NERVEUSE/*
dimension habituelle ; la contraction peut se montrer dès le début
de l'affection. La dilatation et la contraction de la pupille sont
moins constantes que l'étrangeté du regard. Enfin, il arrive quel-
quefois que les yeux, pendant le cours du délire, ne sont ni dilatés
ni resserrés. -.Lorsque le délire a duré quelque temps, les yeux
perdent de leur éclat, de leur vivacité; ils deviennent ternes, s'en-
foncent dans l'orbite, et, quelques jours avant la mort, on voit
apparaître ci Leur centre une petite tache, un petit nuage, qui répond
soziveizt et une dépression. A cette époque, l'oeil est le siège d'une
sécrétion muqueuse puriforme qui, d'abord légère et limitée à ses
angles, ne tarde pas à augmenter; les paupières sont fortement
collées, et il faut les lotionner fréquemment avec de la guimauve
pour que le malade puisse les écarter. Ce signe est presque tou-
jours fâcheux, car la plupart de ceux chez lesquels nous l'avons
observé ont succombé. »
IL Si les observations ci-dessus relatées sont peu nom-
breuses, elles ont toutefois le mérite de présenter la lésion
dont il s'agit, dans des conditions relativement variées, tout
en n'invoquant qu'une seule et même pathogénie.
Quelle peut donc être la genèse de la pression kératique ? ` ?
Evidemment les centres nerveux encéphaliques sont seuls en
cause : la promptitude des effets, leur mobilité, leur bilaté-
ralité et symétrie fréquente, l'absence ordinaire de manifes-
tations inflammatoires, enfin leur relation constante avec
des accidents cérébraux de nature profonde et grave, indi-
quent que là se trouve le point de départ de ces altérations.
Ici comme dans l'ophtalmie décrite sous la désignation de
neuro-paralytique, le trijumeau semble devoir être le vecteur
des incitations dystrophiques ou déformantes, mais on ne
saurait, ce semble, accorder ici au ganglion de Gasser le
rôle essentiel et primitif qui lui a été dévolu dans le déve-
loppement de la kératite neuro-paralytique.
A l'encontre de ce qui se passe dans cette dernière affec-
tion où la lésion de l'organe comporte rapidement un carac-
tère de haute gravité, dans la dépression cornéenne, tout se
borne à des manifestations superficielles de l'organe, sans
inllammation, sans altération anatomo-pathologique appré-
ciables ; à tel point que, venant d'observer le sujet de l'ob-
servation I, l'idée m'était venue que la dépression et les
rides d'une cornée ainsi partiellement déformée pouvaient
n'être attribuables qu'à une résorption extrêmement rapide
des milieux liquides de l'oeil. Mais cette interprétation.ne
DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATIUQUES. 'i'19
pouvait tenir devant le fait que la dépression affectait une
disposition exactement délimitée, qu'elle siégeait à la partie
déclive de la cornée, ce qui ne saurait cadrer avec un all'ais-
sement du globe oculaire en un point où la pesanteur tendrait,
au contraire, à accentuer la pression de l'humeur aqueuse.
D'autre part, les dépressions punctiformes constatées dans
les observations II et III ne supportent point une telle
explication.
Préférablement je verrai dans la dépression kératique
comme la plus apparente manifestation des relations psycho-
organiques qui, à l'état normal comme à l'état morbide,
mettent en communication l'activité mentale avec le regard,
donnant à celui-ci son expression qui si bien décèle les états
d'âme et souvent s'accompagne, dans les cas extrêmes, d'une
modification ostensible de l'organe visuel, brillant dans l'ex-
citation, terne dans la dépression. Il va de soi que c'est aux
plus forts degrés de la dépression psychique que correspon-
drait,la déformation kératique, soit qu'elle trouve sa cause
dans un traumatisme crânien, ou bien encore dans le marasme
dénouant une affection encéphalique, les états stupides, le
délire aigu.
Même, avec cette interprétation pathogénique, le trijumeau
reste l'agent canalisateur des stimulations cérébrales sus-
ceptibles d'influencer le tissu cornéen, non par des troubles
trophiques dérivant d'une action propre au ganglion de
Gasser, mais par des perturbations fonctionnelles émanant
d'une sollicitation morbide des centres d'origine des nerfs
trijumeaux, centres dont la contiguïté et les connexions réci-
proques allant de l'un à l'autre hémisphère semblent fournir
la meilleure interprétation de la bilatéralité des altérations
kératiques, surtout quand celles-ci suivent immédiatement
un traumatisme, ainsi que dans l'observation I.
III. En résumé, nous conclurons :
1° Il existe une altération oculaire caractérisée par la
simple dépression d'un point plus ou moins limité de la
cornée, sans lésions anatomiques appréciables, quoique en
relation avec des troubles encéphaliques, toujours graves.
2° Cette dépression kératique est essentiellement instable,
mobile, survenant, disparaissant, se déplaçant rapidement sur
différents points de la cornée. Bien qu'elle ait pu se pro-
220 RECUEIL DE FAITS.
duire, dans un cas, moins d'une heure après un violent trau-
matisme crânien, elle ne survient habituellement qu'à la
période des grandes dépressions des psychoses, du délire
aigu, des encéphalites. -
3° Il y a lieu de distinguer cette altération organique de la
cornée, essentiellement superficielle, de la kératite neuro-
paralytique, laquelle, caractérisée par des lésions dystro-
phiques profondes (abcès indolents, kératomalaxie, xérosis),
paraît plus directement en rapport avec les centres trophiques
que constituerait le ganglion de Gasser.
4° Dans tous les cas, il paraît résulter des observations qui
précèdent, que, quels qu'en soient le mode et l'intensité, cer-
taines lésions des centres nerveux encéphaliques exercent sur
la cornée une influence morbide indiscutable.
5° Il semble que le pronostic des affections auxquelles se
rapporte la dépression kératique doive en être considéra-
blement aggravé, soit au point de vue du danger de mort
dans les états d'encéphalite, de délire aigu ou de traumatisme
crânien, soit au point de vue de l'incurabilité et de la
démence dans les états psychopathiques dépressifs.
RECUEIL DE FAITS.
Une observation de sein hystérique.
raa l.us nocrruos
'1.11,1,0\, ALOMBEBT,
5lédecin-clcf u l'asilc,de liron. Médecin adjoinl à l'asile dc 13ron.
Sous le nom de sein hystérique on a décrit les affections
les plus disparates n'ayant de commun que le terrain ner-
veux spécial sur lequel elles se développaient. C'est ainsi
qu'on a englobé, sous cette dénomination, la mastodynie, le
gonflement du sein avec ou sans tumeur, avec ulcération, la
galactorrhée, les ecchymoses et les hémorrhagies du sein
qui se montrent chez les personnes hystériques.
UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 221 1
Willis (1678) cite, le premier, le cas d'une jeune fille qui
présentait de la douleur et du gonflement d"un sein coïncidant
avec des accidents hystériques. Les observations de Carré
de Montgeron (1747), de IIoffmann (1748), de Pomme (1807),
pour citer les plus anciennes, celles plus récentes de Cooper
et de Féré montrent bien la réalité du gonflement hystérique
du sein mais en font ressortir en même temps la rareté 1.
C'est pourquoi, ayant eu l'occasion d'observer dans notre
service un de ces cas intéressants, nous croyons utile de le
publier.
Jeune fille âgée de dix-huit ans et demi, domestique.
Antécédents héréditaires. Père vivant, âgé de cinquante-six ans,
un peu'buveur, mais jouissant d'une assez bonne santé et n'ayant
jamais rien présenté d'anormal ; mère morte à l'âge de quarante-
neuf ans, d'affection indéterminée, était mal portante et est restée
malade les sept dernières années. Trois frères vivants et âgés de
vingt-trois, vingt-six et vingt-huit ans, bien portants et sans tares
nerveuses ; deux soeurs également vivantes (dix et trente-deux ans)
et en bonne santé aussi ; sept frères ou soeurs morts en bas âge
d'affections indéterminées. Aucun des enfants, morts ou encore
vivants, n'aurait eu de convulsions. D'après les renseignements qui
nous sont fournis, il n'y aurait jamais eu de manifestations ner-
veuses ni vésaniques chez les collatéraux. 1
Antécédents personnels et historique de la maladie. Les antécé-
dents personnels de notre malade n'offrent rien de particulier. On
ne note ni convulsions dans l'enfance, ni maladie infectieuse grave.
Au contraire, a toujours joui d'une excellente santé ; caractère
plutôt calme et indolent.
Réglée tardivement, à l'âge de dix-sept ans et assez régulière-
ment durant la première année. A noter seulement quelques per-
tes blanches au début de l'établissement de la menstruation, pertes
blanches qui ont d'ailleurs disparu au bout de quelques mois. Les
menstrues ne présentaient rien d'anormal : perte sanguine ordi-
naire, sans grosses coliques; pas de troubles nerveux concomitants.
Depuis quatre ou cinq mois environ (la malade ne peut préciser)
les menstrues se sont « dérangées », elles sont devenues plus abon-
dantes, plus douloureuses, et surtout très irrégulières, soit dans
leur apparition, soit dans leur durée. Elles reviennent quelquefois
tous les qninze jours pour persister pendant quatre ou cinq jours
et même davantage. Souvent aussi la période menstruelle est inter-
' Voir pour un historique complet de la question les deux thèses '
suivantes : Conard (Du sein hystérique, Paris 1876) ; Michard (Le sein
hystérique, Lyon 1902).
222 1- RECUEIL DE FAITS.
rompue dans son cours, la malade perd pendant deux jours, puis
l'écoulement se suspend pour réapparaitre deux ou trois jours
après. Depuis cette époque aussi, la malade éprouve une lassitude
inaccoutumée, perd un peu l'appétit, souffre souvent des reins et
ressent, tout particulièrement au moment des règles, « quelque
chose qui.lui remonte de l'estomac et parfois du ventre, jusqu'au
gosier et qui l'étouffé ». A part cette sensation de boule hystéri-
que, aucun autre phénomène insolite, nerveux et mental.
Les dernières règles remontent au 12 janvier 1902 et se sont ter-
minées le 16 ; elles ont été très douloureuses et assez abondantes.
La malade dit n'avoir jamais remarqué, au moment des époques,
ni picotement du mamelon ni gonflement du sein, ni avoir ressenti
aucune douleur au niveau des glandes mammaires.
20 janvier. Les règles ont cessé le 16 de ce mois; la malade
va bien, son appétit est normal, elle a accompli son travail jour-
nalier comme d'habitude et personne n'a rien remarqué de changé
dans ses allures. Interrogée quelque temps après, dit elle-même
qu'elle ne s'est aperçue, ce jour-là, d'aucun phénomène particulier
du côté des seins.
S'est couchée à huit heures et demie, aussitôt son travail ter-1
miné, a causé raisonnablement avec les jeunes filles couchant
' dans la même chambre; n'a pas pu s'endormir, est devenue
loquace, s'est énervée, excitée progressivement, puis peu à peu
est tombée dans un état d'agitation marquée. Justement inquiètes,
ses compagnes avertissent la surveillante en chef qui, elle-même,
nous fait appeler. Nous nous trouvons en présence d'un véritable
, accès maniaque avec paroles et cris incohérents, désordre com-
plet des actes. La malade est maintenue avec peine dans son lit
par trois personnes ; elle cherche a s'échapper, fait parfois l'arc
de cercle, raidit d'une façon intermittente ses membres supérieurs
et inférieurs, tourne violemment la tête, veut se relever, puis se
rejette brusquement sur son lit, etc. Ne reconnaît pas les per-
sonnes qui l'entourent et ne répond à aucune des questions qu'on
lui adresse; ne parait pas avoir de délire ni d'hallucinations;
excitation motrice simple avec abolition ou diminution de la cons-
cience ; état convulsivant.
La compression prolongée des ovaires ne produit aucun résul-
tat. On prescrit, à onze heures du soir, 2 grammes de bromure
de potassium ; l'agitation persiste avec la même intensité jusqu'à
une heure du matin pour s'atténuer ensuite peu à peu.
v Les seins commencent à grossir pendant l'accès d'agitation ; à
une heure du matin, l'infirmière qui la surveillait a constaté la
grosseur anormale du sein gauche. Bientôt le droit grossit à son
tour ; les deux seins, une heure après, étaient au moins trois fois
plus volumineux qu'à l'état habituel et la malade paraissait éprou-
ver une douleur assez vive de ce côté. ·
UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 223 3
21 janvier. A partir de une heure du matin, la malade s'est cal-
mée peu à peu et depuis trois heures a été relativement tranquille.
Cependant, ce matin encore, est bien énervée, par moments s'étire
dans son lit, rit et pleure sans motif; est encore un peu obnubilée
et se plaint de douleurs musculaires généralisées résultant de son
accès de la veille. A neuf heures du matin, les seins ont déjà
commencé à diminuer de volume; ils sont encore énormes et nous
regrettons de n'avoir pris ni photographies ni mensurations. Ils
sont le siège d'un gonflement -uniforme, sans rougeur ni relief
plus marqué des veines, mais ils sont un peu sensibles au tou-
cher, surtout le gauche à sa partie inférieure et externe. Les ma-
melons, loin d'être hypertrophiés, paraissent, au contraire, rétrac-
tés, enfoncés dans la masse glandulaire; ils ne sont le siège d'au-
cun écoulement et d'aucune sensation pénible. A la palpation, on
ne trouve aucun point d'induration; les seins sont uniformément
tendus, élastiques. Pas d'irradiations douloureuses.
Pendant la journée, oscillations dans la diminution des seins,
plusieurs phases d'augmentation notable. La malade urine peu ;
appétit presque nul (quelques tasses de lait ou de limonade).
Maux de reins, coliques. Le soir, retour des époques. Pas de tem-
pérature, ni hier, ni aujourd'hui.
23 janvier. Ce matin, diminution assez notable du volume des
deux seins et surtout du sein droit. Les époques continuent, tou-
tefois la perte sanguine est minime. L'état mental est à peu près
normal, à part un certain état de torpeur ou de fatigue cérébrale
avec accès d'irritabilité. Toujours manque d'appétit et pas de
fièvre. Dans la journée, même situation; s'alimente à peine, se
montre un peu excitable, change souvent de place dans son lit.
Est allée du ventre; rien dans les urines. A toujours ses époques.
23, 24 et 25 janvier. Même situation. Continuation des époques.
Le sein gauche est toujours un peu plus gros que le droit. Même
Pig. 3.
234 ' RECUEIL DE FAITS.
état général; s'alimente cependant mieux. 2G janvier. Les épo-
ques ont cessé depuis hier au soir.
37 janvier. Légère réapparition de l'écoulement cataménial. Le
sein gauche reste toujours un peu volumineux; le sein droit a
repris peu à peu son volume normal. -28 janvier. Cessation défi-
nitive des règles, persistance du gonflement du sein gauche, qui
est toujours douloureux spontanément, et surtout a la pression, à
sa partie inférieure et externe.
29, 30 et 31 janvier. Aucune modification à noter du côté du
sein gauche. Hypothermie par suite d'alimentation insuffisante.
Du le, février au 10, même situation. La figure 27 montre que la
température est restée normale en janvier et qu'il y a une légère
hypothermie dans les premiers jours de février.
11 février. La malade attend ses époques. Gonflement des deux
seins aujourd'hui, avec douleurs assez vives; ventre ballonné;
région épigastrique distendue, douloureuse à la pression.'
12 février. Diminution de volume des deux seins (le gauche res-
tant toujours un peu plus gros) ; persistance des élancements dou-
loureux ; inappétence ; douleurs de reins ; abattement général.
13 février. Les régies ne se sont pas encore montrées; la malade
se plaint de coliques légères dans le bas-ventre; pas de tempéra-
ture.
14 février. Pas encore d'époques ; persistance des coliques. Ce
soir les deux seins sont très gonflés et douloureux à la pression,
surtout à leur partie inféro-externe. Depuis quelques jours, sensa-
tion fréquente de la houle hystérique et aujourd'hui plus que
d'habitude.
Le soir, nervosisme marqué avec plaintes et tendance à l'agita-
tion ; douleurs variées, sans localisation précise ; se plaint cepen-
dant plutôt du ventre qui est ballonné et des seins qui sont le
siège d'élancements douloureux. A bien déjeuné ; est allée du
ventre; avait uriné hier soir, urine abondamment à trois heures
du soir aujourd'hui; l'analyse ne révèle rien d'anormal. On pres-
crit : application de quatre sangsues aux cuisses, trois capsules
d'apiol de 0 gr. 23 centigr., 3 grammes de bromure de potassium
et des pédiluves à la moutarde.
Les règles apparaissent vers les huit heures du soir, la malade
perd très peu ; les deux seins restent gonflés, mais l'accès d'agita-
tion que nous avions en perspective demeure à l'état d'ébauche.
15 février. Persistance du gonflement douloureux des deux seins,
du ventre et de la région épigastrique. Etat mental bon. Arrêt des
époques dans l'après-midi ; les époques n'ont pas duré même
vingt-quatre heures et la malade a très peu perdu; boule hysté-
rique par intermittences. 1C février. Les seins reviennent à
leur volume normal ; la malade est fatiguée, brisée, sans appétit.
17, 18 et 19 février. Amélioration progressive. Seins normaux.
UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 225 5
Appélit meilleur. Du 20 au 28 février, même état. Du
28 février au 4 mars, l'amélioration s'accentue de plus en plus.
4 mars. Apparition des règles sans phénomènes morbides. Les
seins ne sont le siège d'aucun gonflement; état mental satisfai-
sant ; appétit bon. Les règles coulent pendant trois jours avec
abondance sans sensation insolite, sans boule hystérique. Les
règles, fin mars et courant avril, ont été régulières; rien du côté
des seins.
Examen physique de la malade. Notre malade est grande, bien
constituée, présentant un certain embonpoint et ayant toujours
eu un excelleut appétit jusqu'au moment où ses règles sont deve-
nues irrégulières. On ne trouve rien d'anormal du côté des diffé-
rents organes, coeur, poumons, foie, tube djgestif...
Sensibilité très diminuée à 'gauche; la malade perçoit à peine
des piqûres légères et réagit mal aux piqûres profondes; hypoes-
thésie de la cornée gauche et du pharynx. Sensibilité exagérée des
deux ovaires. Douleurs erratiques fréquentes le long de la colonne
vertébrale ; quelques céphalalgies. Pas de zones hystérogènes.
Les sens spéciaux paraissent normaux (odorat, ouïe, olfaction,
gustation) ; peut-être un léger rétrécissement du champ visuel à
gauche, difficile à bien apprécier.
Depuis longtemps, et tout particulièrement au moment des épo-
ques, sensation de la boule hystérique ; l'accès d'agitation a été
précédé de cette sensation : « C'est une chose, dit la malade, qui
me remonte du ventre jusqu'au gosier et qui m'étouffe ». La mo-
tilité n'offre rien de bien particulier à noter, si ce n'est une exagé-
ration manifeste des réflexes rotuliens.
Quant aux troubles menstruels, ils peuvent reconnaître comme
cause un changement absolument complet dans le genre de vie,
moral et alimentaire. Notre malade est une fille de la campagne,
venue comme infirmière à l'asile où, dès le début, elle est affectée
à un services d'agitées : les premiers temps ont été excessivement
pénibles pour elle, constamment ellrayée qu'elle était par les cris
des malades en cellule, par les querelles journalières entre agitées.
C'est d'ailleurs depuis son entrée à l'asile que les époques sont
devenues irrégulières et plus douloureuses.
Notre observation peut ainsi se résumer : jeune fille pré-
sentant quelques stigmates d'hystérie mais n'ayant jamais
eu jusqu'alors de manifestations convulsivantes ou mentales;
troubles de la fonction cataméniale provoquant un accès
d'agitation et du gonflement très marqué des deux seins. Ce
gonflement persiste pendant quelque temps avec des alter-
natives de diminution et d'augmentation, mais son maximum
coïncide toujours avec les époques ou les quelques jours qui
Archives, 2e série, t. XIV. 15
226 6 RECUEIL DE FAITS.
précèdent. Il disparaît lorsque les menstrues deviennent plus
régulières et plus abondantes.
Un certain nombre d'auteurs qui ont écrit sur le sein hys-
térique ont rapporté ces phénomènes de gonflement à des
troubles de la menstruation qui est irrégulière et dou-
loureuse.
La physiologie peut permettre d'adopter cette manière de
voir, si l'on considère les relations étroites qui unissent les
mamelles à l'appareil utéro-ovarien. Aux différentes époques
de la vie génitale de la femme cette corrélation s'affirme : le
moment de la puberté est le signal du développement mam-
maire ; pendant la gestation il se fait au niveau des seins un
travail qui est le corollaire et le complément du travail uté-
rin ; à la ménopause, enfin, lorsque toute vie génitale
s'éteint, les seins s'atrophient.
Durant le temps de l'activité génitale, il se produit, pour
ainsi dire, des oscillations dans cette activité même, oscilla-
tions dont les maxima correspondent aux périodes mens-
truelles et, souvent, il se produit aussi une répercussion
normale, physiologique, du côté des seins. « Chez un grand
nombre de femmes, dit Lannelongue 1, les seins se gonflent
quelques jours avant le début de chaque époque menstruelle,
le mamelon devient le siège d'un prurit incommode, et le
plus souvent laisse suinter quelques gouttes de liquide un
peu jaunâtre». De son côté, Tripier2 constate les mêmes
phénomènes dans son article sur la physiologie de la
mamelle : « Chez presque toutes les femmes, dit-il, les
mamelles sont le siège de sensations particulières à l'ap-
proche des règles. Il en est dont les seins augmentent mani-
festement de volume à cette époque ». Depaul et Guéniot
partagent aussi la même opinion : « Enfin, pendant la mens-
truation, les seins ordinairement se- gonflent, acquièrent
plus de sensibilité et de tension ; la femme éprouve dans son
intérieur, particulièrement dans la région du mamelon, des
picotements plus ou moins considérables. »
' Lannelongue. Article Mamelles. In Dict. de médecine et de chirurgie
pratiques, p. 522.
q Trépier. Article Mamelles (physiologie). In Diction encyclop. des
sciences médicales, p. 379.
' Depaul et Guénot. Article Menstruation. In diction, encycl. des
sciences médicales, p. 682.
L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 227
Ainsi le gonflement du sein se produisant au moment de la
menstruation est pour ainsi dire physiologique, lorsqu'il est a
peine marqué et qu'il disparaît avec la cessation des époques.
Il devient pathologique et décèle d'ordinaire un fonds hysté-
rique lorsqu'il acquiert des proportions inusitées, lorsqu'il
persiste même en dehors des époques.
Notre observation nous semble parler dans ce sens.
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
Par le Dr ROUBY1 '
r
(Suite)
'HALLUCINATIONS hystériques. - Maintenant, avec soeur
Thérèse, entrons dans la période des hallucinations, celles
habituelles aux hystériques, les auditives, les visuelles, les
génitales ; les hallucinations éprouvées nous donneront une
preuve nouvelle de sa maladie.
Hallucinations psychiques. Mais avant de raconter les hal-
lucinations véritables, nous devons donner quelques expli-
cations sur les hallucinations incomplètes que la sainte
éprouva, et sur ce qu'elle voulait dire par ces mots : « Voir
avec les yeux de l'âme ».
« Comme j'étais un jour avec une personne d'un rang
distingué, dont j'avais fait depuis peu la connaissance, le
Seigneur se présenta à moi d'un air courroucé; je ne l'aper-
çus que des yeux de l'âme, mais je le vis plus clairement
que je ne l'aurais fait des yeux du corps. »
Ce n'est pas, on le voit, une hallucination complète
* Voir n° So, août 1902, p. 124.
228 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
qu'éprouve Thérèse; elle a bien soin de distinguer les yeux
de l'âme de ceux du corps.
Que veut dire Thérèse et quelle explication donner de ce
fait ? La première explication, c'est qu'au début, les hallu-
cinations étant très faibles, les malades se rendent compte
de la non-réalité de leur sensation ; ils comprennent qu'ils ont
entendu, qu'ils ont senti quelque chose d'irréel ; mais comme
pourtant ils ont eu dans le cerveau une sensation, ils cher-
chent une expression pour dire ce qu'ils ont éprouvé et
Thérèse appelle cela voir avec les yeux de l'âme ; entendre
avec les oreilles de l'âme ; nous pouvons ajouter sentir avec
le tact de l'âme.
Peut-être pourrait-on donner une explication scienti-
fique du fait.
Rappelons-nous le mécanisme d'une sensation, de la vision
par exemple ; trois faits se produisent : i° impression sur la
rétine ; 2° transmission par le nerf optique ; 30 perception
par l'encéphale. On dit parfois qu'un fou est un homme
ayant la tête à l'envers; on pourrait dire avec plus de rai-
son qu'un fou est un homme ayant les sensations à l'envers.
Je m'explique :
Je suis, sain d'esprit, placé devant un tableau noir sur
lequel un arbre est dessiné; je le vois : il) l'image de
cet arbre se fait sur ma rétine ; 2° elle est transmise par le.
nerf optique à mon cerveau ; 30 mon cerveau la perçoit.
Conséquence : Je vois un arbre dessiné sur le tableau.
Au contraire, je suis aliéné; sur le tableau noir, aucun
dessin ; tout à coup dans mon cerveau, par le fait de la
maladie, 3° se forme l'image d'un diable ; 20 cette image
part du cerveau et suit le nerf optique ; 1° elle s'étale sur
la rétine et je vois sur le tableau l'image non réelle du
diable; je suis halluciné. Dans ce cas, la vision a marché
à l'envers de ce qu'elle fait normalement ; le troisième
temps s'est produit avant le deuxième et le deuxième avant
le premier.
Or pour expliqu : r le mot de Thérèse, voir avec les yeux
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 229
de l'âme, disons que la vision formée dans le cerveau,
l'image du diable, n'a pas continué sa marche à l'extérieur
en traversant le nerf optique, en s'étalant sur la rétine et
enfin en se projetant dans l'espace; non, cette image est
restée dans les couches du cerveau où elle a pris naissance et
le troisième temps seul s'est produit; pour Thérèse c'est
voir avec les yeux de l'âme ; elle aurait pu aussi se servir
de l'expression voir avec les-yeux du cerveau.
De même qu'il y a des hallucinations de la vue incom-
plètes que les yeux de l'âme perçoivent, de même il y a des
hallucinations incomplètes de l'ouïe, que les oreilles de l'âme'
perçoivent; le mécanisme de leur production est le même,
le son remplaçant l'image, le nerf auditif, le nerf optique,
les couches auditives, les couches optiques.
Ce sont ces hallucinations que Baillarger décrit sous le
nom à' hallucinations psychiques et le Dr Séglas sous le nom de
psycho-motrices ; l'élément sensoriel, disent-ils, semble avoir
disparu : ces malades entendent non la voix, mais la pensée;
ils entendent des paroles dépourvues de son ; il y a conver-
sation d'âme à âme sans le secours de la parole ; nous décri-
rons tout à l'heure des hallucinations de cette nature enten-
dues par Thérèse avec les oreilles de l'âme.
Enfin, nous avons également, fait plus rare, l'hallucina-
tion incomplète du sens du tact, expliquée de la même
façon : aussi conservons-nous pour ces sortes d'hallucina-
' lions la désignation de Baillarger, hallucinations psychiques,
qui s'appliquent à toutes les hallucinations incomplètes.
Cette désignation est meilleure que celle du Dur Séglas qui
ne peut s'appliquer qu'au sens de l'ouïe, sans tenir compte
du sens de la vue ni des autres sens. Ce serait mieux encore
de les désigner sous le nom d'hallucinations cérébrales, qui
.désignerait nettement leur nature.
Les hallucinations psychiques visuelles de sainte Thérèse.
Voici quelques exemples d'hallucinations avec les yeux de
l'âme racontées par sainte Thérèse : « Lorsque j'aperçus le
Seigneur avec les yeux de l'âme me regardant d'un air
2j0 , L'HYSTÉRIE DE SAINTE THLRÈSE
courroucé, l'impression en fut si vive qu'il me semble après
vingt-six ans l'éprouver encore. Le Démon me persuadait
que c'était un jeu d'imagination ou un artifice du malin
esprit, mais qu'on ne pouvait voir qu'avec les yeux du
corps ». - -
Parmi les mêmes hallucinations psychiques de la vue, il
faut encore citer une vision de Jésus-Christ couvert de plaies
et une autre concernant le livre des Confessions de saint
Augustin : « Il me fut alors très préjudiciable de ne pas sa-
voir qu'on pouvait voir quelque chose autrement que par
les yeux du corps ».
Les psychiques auditives. Voici : « Un jour que j'étais
restée longtemps en oraison, je fus surprise d'un ravisse-
ment si subit qu'il m'ôta presque la connaissance et j'en-
tendis ces paroles : « Je ne veux plus que tu aies de con-
te versation avec les hommes, tu n'en auras plus qu'avec les
« anges ». Ces paroles sont fort distinctes ; on ne les entend pas
des oreilles du corps, mais on les distingue plus clairement
que si elles lui venaient par l'entremise des sens ; quand
l'âme né voudrait pas les entendre, elle ne pourrait s'y
soustraire ; dans la société, quand on ne veut pas entendre
ce qui s'y dit, on se bouche les oreilles ou on s'applique
fortement à autre chose; mais pour ces sortes de paroles
intérieures, bon gré mal gré, Dieu, en vertu de son pou-
voir suprême, se fait écouter. J'en ai une grande expérience,
ayant été près de deux ans. à faire mes efforts pour ne pas
les entendre, dans la crainte d'y être trompée. Il se passera
quelquefois plusieurs jours, sans qu'on les entende, quelque
désir qu'on en ait, et d'autres fois sans le vouloir, il faut,
malgré soi, les écouter. Si on voulait mentir à ce sujet on
dirait qu'on les entend avec les oreilles du corps; comme
je croyais qu'on ne pouvait pas entendre autrement, j'ai
éprouvé un grand chagrin de ce qui m'arrivait ». -
Ailleurs, elle raconte que fort souvent, dans cet espace
de deux ans, elle entendit avec les oreilles de l'âme ou elle
vit avec les yeux de l'âme. Cela la mettait dans un grand état
L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 2 j I
de perplexité : « Notre Seigneur, au milieu même des entre-
tiens que j'avais avec les autres, me mettait en recueille-
ment, et sans que je pusse m'en défendre, il me disait tout
ce qu'il voulait et il fallait malgré moi que je J'écou-
tasse ».
Dans un autre passage, Thérèse, parlant encore de ses
auditions intérieures, raconte qu'elle était toujours dans la
crainte, au sujet des paroles que le Seigneur lui faisait en-
tendre très fréquemment et presque continuellement. En
parlant des diverses oraisons de la sainte nous aurons à citer
d'autres hallucinations de même nature.
Hallucinations psychiques du tact. A côté des halluci-
nations psychiques de l'ouïe et de la vue, je dois citer une
hallucination psychique du sens du tact, hallucination de
la sensibilité générale, que je crois très rare ; comme elle
est très bien décrite par Thérèse, et très importante pour
nos études d'aliénation, nous la citerons tout entière : « Un
jour de la fête du glorieux saint Pierre, lorsque j'étais en
oraison, je vis ou plutôt je sentis, car je ne vis rien en effet
ni des yeux de l'âme ni autrement, je sentis, dis-je, que
Notre-Seigneur était près de moi et je connus que c'était
la même personne qui me parlait ordinairement ; comme
j'ignorais qu'il peut y avoir de pareilles visions, j'en fus au
commencement fort effrayée et je répandis beaucoup de
larmes; il me semblait que Notre-Seigneur marchait toujours
à mes côtés. Cependant, comme il n'y avait aucune image,
je ne pouvais distinguer sous quelle forme il était ; mais
pour être toujours à mon côté droit, je sentais évidemment
qu'il y était et qu'il était témoin de tout ce que je faisais ; de
manière que toutes les fois que je me recueillais un peu ou
que je n'étais pas tout à fait distraite, je ne pouvais ignorer
qu'il fût près de moi ».
Ailleurs, Thérèse raconte qu'elle eut d'autres fois la
même sensation de présence à côté d'elle, soit d'anges,
soit de démons, sans les voir, sans les entendre et sans
les sentir. J'étais comme une personne aveugle ou plon-
2'2 L HYSTERIE DE SAINTE THERESE
gée dans une très grande obscurité qui ne peut voir un z
homme placé auprès d'elle, avec cette différence que la per-'
sonne en acquiert la certitude par le témoignage des sens,
soit en la touchant, soit en l'entendant parler ou se remuer,
tandis que dans cette sensation, il n'y a point d'obscurité
semblable'et Notre-Seigneur se montre présent à l'âme par
une connaissance plus claire que le soleil ». Il peut donc,
comme on le voit, y avoir des hallucinations psychiques du
sens de la sensibilité générale, analogues à celles de la vision,
analogues à celles de l'audition, c'est-à-dire des hallucina-
tions qui se passent entièrement dans l'encéphale, sans être
projetées au dehors.
Hallucinations complètes. Après les hallucinations
incomplètes dites psychiques, nous arrivons aux hallucina-
. tions complètes des divers sens éprouvées par sainte Thé-
rèse ; citons-en quelques-unes : 1
Auditives. « Un jour que j'étais plus affligée que de
coutume parce qu'on me contrariait sur la communion et
sur mon goût de solitude, j'entrai dans un'oratoire ; j'y
fus pendant cinq heures toute saisie et agitée par la frayeur
d'être le jouet du démon, lorsque, tout à coup, j'entendis
ces paroles : « N'ayez pas peur, ma lille, c'est moi, je ne
vous abandonnerai pas. »
« Jusqu'à ce moment je n'avais pas encore entendu avec
les oreilles du corps. » -
Dans un autre chapitre, sainte Thérèse raconte que chaque
jour Dieu lui parlait, tantôt avec amour, tantôt avec colère.
Comme un jour ses confesseurs lui défendaient de faire ses
oraisons, nous dirons plus loin ce qu'elles étaient, cette
défense déplut au Sauveur, car il ordonna de répondre
qu'elle tenait de la tyrannie et il fournit lui-même de
vive voix des raisons pour combattre leur sentiment.
Lorsqu'elle eut des visions du démon, elle entendait
parler autour d'elle comme s'il y avait des gens qui complo-
tassent ensemble pour lui faire du mal. D'autres hallucina-
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 2 j j
tiens de l'ouïe, combinées avec des hallucinations de la vue
et du toucher, seront racontées plus loin.
LES visuelles. La première hallucination de la vue de
sainte Thérèse est célèbre, c'est l'hallucination des mains ;
voici son récit : « Etant un jour en oraison, il plut à Notre-
Seigneur de me montrer seulement ses mains; elles étaient
d'une beauté si vive et si éclatante, qu'elles surpassaient
toute expression. Quelques jours après il me fit voir sa
divine face, et cette vue me laissa tout absorbée en lui. Je
ne pouvais comprendre pourquoi cet aimable Sauveur ne se '
découvrait à moi que peu à peu, puisqu'il devait bientôt se
montrer tout à fait; j'ai compris depuis, qu'il avait égard à
ma faiblessse.
« Un autre jour qui était celui de Saint-Paul, comme j'étais
à la messe, la Très Sainte Humanité du Sauveur se fit voir
à moi tout entière, telle qu'on la dépeint après sa résur-
rection, dans une splendeur et une majesté incomparables.
« En effet, j'aurais inutilement pendant plusieurs années
travaillé mon imagination pour me représenter une chose
si belle et si charmante, que je n'aurais jamais pu en venir
à bout, tant sa blancheur et son éclat surpassaient tout ce '
qu'on peut imaginer; ce que je voyais paraissait bien
encore tenir de l'image, néanmoins je connaissais que ce
n'en était pas une, mais Jésus lui-même, comme on dis-
tingue une personne vivante de son portrait. » 1
Hallucinations de superposition. Nous devons citer
aussi une curieuse hallucination de la vue, hallucination de
superposition ; elle consiste avoir un objet réel sous un
aspect non réel : « Un jour que je tenais à la main la croix
démon rosaire, 'Notre-Seigneur la prit dans la sienne et
quand il me la rendit, elle était composée de quatre grandes
pierres précieuses, qui étaient hors de comparaison, parce qu'il
n'y en a pas à faire quand il s'agit de choses surnaturelles ;
les diamants ne pouvant paraître que pierres fausses auprès
des pierres incomparables qui formaient cette croix ; les
2')4 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
cinq plaies de Notre-Seigneur y paraissaient admirablement
gravées. Ce divin Sauveur, en me donnant cette croix, me
dit qu'à l'avenir je la verrais toujours de la sorte, et depuis
cela m'est toujours arrivé. Je n'y discernais en aucune ma-
nière le bois, mais seulement les pierres, et cette faveur
n'était que pour moi ».
L'explication est celle-ci : durant l'hallucination, Jésus lui
suggère que dorénavant, chaque fois qu'elle regarderait la
croix, elle la verrait composée de diamants ; facile à la sug-
gestion, de par son état hystérique, sainte Thérèse voit la
croix telle qu'on veut qu'elle soit vue.
Hallucinations DOUBLES DE la vue ET DE l'ouïe.
Voici une hallucination double de la vue et de l'ouïe :
tt Notre-Seigneur pendant tout ce temps, me faisait entendre
par sa bouche adorable des paroles de tendresse et me dé-
couvrait sa beauté ineffable ; mais quelque désir que j'en
eusse, je ne pus jamais distinguer la couleur ni la grandeur
de ses yeux. Dès que je voulais le faire, la vision disparais-
sait ou bien son regard si puissant me faisait tomber en état
de ravissement. Ce divin Sauveur se montrait presque tou-
jours à moi sans vêtements, tel qu'il était après sa résurrec-
tion ; lorsque j'étais dans l'affliction il m'ouvrait ses plaies;
parfois il se faisait voir dans l'Agonie du Jardin des Oliviers,
ou bien portant sa croix, ou bien crucifié sur le Calvaire ;
rarement il avait la couronne d'épines ».
Comme on le voit, malgré toute la puissance de son
imagination, Thérèse aperçoit Jésus-Christ tel qu'on le dé-
peint habituellement; cela doit sembler bizarre, qu'un Dieu.
pour se manifester, n'ait pas choisi d'autre forme que celle
antérieurement conçue par des peintres et des sculpteurs
ou imaginée par des écrivains.
Période démoniaque. -Maintenant Thérèse est en proie
aux hallucinations ayant pour base le démon ; cette forme
que prend son délire lui est suggérée par les personnes qui
l'entourent : tout le monde, les confesseurs, les directeurs,
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 2js 5
les soeurs du couvent, les amis du dehors ne cessent de lui
crier aux oreilles qu'elle est le jouet du diable, qu'il prend
la forme du Sauveur pour agir en elle, tant et si bien qu'elle
subit une véritable suggestion ; on tourne son imagination
du côté de Satan, il va paraître. '
« Cinq ou six grands serviteurs de Dieu, écrit-elle,
s'étaient assemblés à mon sujet; je sus démon confesseur
qu'ils s'accordaient à dire que ce que j'éprouvais venait du
Démon et que je ferais bien de me distraire de toutes ces
pensées obsédantes : les uns traitaient de rêveries mes pa-
roles, les autres assuraient que j'étais dans l'illusion; plu-
sieurs avertissaient mon confesseur d'être sur ses gardes
par rapport à moi; il paraissait être de leur sentiment, quoi-
qu'il cherchât toujours à me consoler, mais beaucoup de
personnes lui assuraient que je n'étais pas dans le bon
chemin. »
HEGA. « Un de mes directeurs commença à me dire
qu'il était clair que le démon était l'auteur de ces visions,
il m'ordonna que toutes les fois que l'esprit des ténèbres
m'en procurerait, puisque je ne pouvais l'en empêcher, je
fisse contre lui un signe de mépris. » Or le remède que ce
confesseur conseillait contre les démons était véritablement
étrange pour une nonne. Arnaud d'Audilly et Chanut ont
mal traduit le mot castillan Higa : suivant le dictionnaire
de l'Académie espagnole il signifie l'action de moquerie par
laquelle on montre à quelqu'un le poing fermé et le pouce
placé entre l'index et le doigt du milieu ; c'est ce qu'on
exprime en français par la locution : faire la figue. De nos
jours, les prêtres hésiteraient probablement à employer de
tels moyens, mais au xvie siècle, ils n'éprouvaient pas ces
scrupules de fausse pudibonderie ; ils croyaient au diable et
pensaient, avec la figue, le vexer prodigieusement.
Hallucination DE L'ENFER. Voici son hallucination de
l'enfer : « Étant un jour en oraison, il me sembla que je
me trouvais, sans savoir comment, toute vivante en enfer.
2q6 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
Cela se passa en très peu de temps ; mais quand je vivrais
jusqu'à une extrême vieillesse, il me serait impossible d'en
perdre le souvenir. L'entrée m'en parut comme une petite
ruelle longue et étroite ou comme un four bas. Le fond
me sembla' une eau bourbeuse fort sale, d'une odeur em-
pestée et pleine de toutes sortes de bêtes venimeuses. Au
bout, il y avait un trou dans le mur, comme une armoire,
où je me vis mettre fort à l'étroit. Je sentis dans l'âme un
feu que je ne puis rendre ni même concevoir et dans tout
mon corps, des douleurs insupportables. J'éprouvai une
agonie d'âme en pensant que ces tourments devaient durer
toute l'éternité. Dans ce lieu effroyable, il n'y a pas de con-
solation à attendre, ni d'espace pour s'asseoir ou se coucher
de manière qu'on étouffe de tous côtés ; il n'y a pas de
lumière : tout est ténèbres, et ténèbres très obscures. On
ne laisse pas de voir, malgré cela, tout ce qui peut faire
peine aux yeux. Cette vue de l'Enfer m'a fait prendre un
vif intérêt à tant d'âmes qui se perdent, surtout parmi les
hérétiques ; je donnerais volontiers ma vie pour en sauver
une seule ! Combien ne doit-on pas être sensible aux dou-
leurs si grandes de l'enfer auxquelles tant de personnes
s'exposent ! » '
Cette description de l'enfer qui consiste à être enfermé
dans une armoire obscure creusée dans un mur est loin
de la description poétique de l'Enfer de Milton ou de
la grandeur épique de l'Enfer du Dante; l'imagination de
sainte Thérèse ne s'est pas mise en campagne pour nous
offrir le sombre tableau d'un enfer espagnol. Mais la sainte,
disons-le, mieux que le Dante, a su montrer sa bonté de
coeur, en offrant sa vie pour sauver une âme damnée ; c'est
une douceur dans le tableau.
Hallucinations démoniaques. Bien des fois encore,
Thérèse, dans cette période de deux années, aura des hallu-
cinations démoniaques;. il serait même plus véridique de
dire que le diable est toujours autour d'elle, lui parlant, se
montrant, se tenant à ses côtés : « En effet, dit-elle, il
, L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 237
m'est arrivé plusieurs fois de voir les démons à mon côté
gauche très distinctement; mais lorsque je voyais Notre-
Seigneur avec eux, ce m'était un extrême supplice de me
servir à son égard de la higa, ce signe de moquerie, 'et l'on
m'aurait plutôt mise en pièces que de me persuader que le
démon prenait le corps de Jésus ».
Le démon lui apparaissait quelquefois sous des formes
horribles; il lui parlait d'un ton menaçant, avec des gestes
et des grimaces épouvantables; plus souvent encore elle le
sentait à ses côtés, comme autrefois, dans les visions psy-
chiques, mais avec les yeux du corps.
Il agitait son corps sans qu'elle fût maîtresse d'en arrêter
les mouvements ; quelquefois alors, elle se donnait malgré elle
de grands coups à la tête, aux bras et par tout le corps. Ceux
qui étaient dans le voisinage entendaient le bruit des coups-
et croyaient que le démon frappait Thérèse; elle ne sor-
tait de ces crises que toute brisée, comme si on l'eût frap-
pée avec un bâton. Elle, ouït un soir que les démons allaient
l'étrangler, et lorsqu'elle les eut chassés avec de l'eau bénite,
elle en vit une foule qui s'enfuyaient en se précipitant les
uns sur les autres.
L'hallucination du mauvais prêtre. « M'approchant
un jour delà Table de communion, je vis deux démons qui
entouraient avec leurs cornes la gorge du prêtre célébrant
la messe; Notre-Seigneur était dans ses mains avec un
grand éclat de majesté.
« Ces démons, ô mon Dieu, avaient l'air épouvanté de
votre présence, et il semblait qu'ils eussent pris la fuite, si
vous le leur eussiez permis. Notre-Seigneur me dit alors de
prier pour ce prêtre, et de comprendre la force de la con-
sécration qui avait lieu, même entre les mains d'un ennemi
de Dieu. » Le tableau de ce prêtre tenant l'hostie avec le
cou engoncé dans les cornes de deux diables, loin de me
toucher, me paraît une hallucination quelque peu extrava-
gante, quoi qu'en dise Thérèse.
« Étant un jour dans la chambre d'un homme décédé
238 cS . L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE
après une mauvaise vie, je vis plusieurs démons le prendre
dans leurs griffes, se l'arracher les uns les autres et le mal-
traiter. »
Hallucinations célestes. Après les hallucinations
diaboliques, en voici de moins terrifiantes : un jour qu'elle
priait pour un, de ses confesseurs décédé, elle le vit sortir
de terre à côté d'elle, du côté droit, et monter au ciel avec
une grande joie. Elle vit de même, pendant qu'on chantait
l'office des morts pour deux religieuses décédées, leurs
âmes s'envoler au ciel. « Je vis aussi, pendant le grand
recueillement d'une messe, un Père de notre ordre, mort
dans une autre ville, monter au ciel, sans passer par le pur-
gatoire. Je sus' depuis qu'il était mort à la même heure où
j'avais eu cette connaissance. »
J'ouvre une parenthèse pour livrer, sans y croire, cet
exemple de télépathie aux" personnes qui s'en occupent ;
c'est quatre siècles plus tôt, le fait de Swedenborg voyant,
d'une ville d'Allemagne, un immense incendie allumé dans
un quartier de Stockholm.
La guérison d'un aveugle. Décrivons encore quel-
ques autres hallucinations célèbres : « Un jour où je priais
pour un aveugle demandant sa guérison, Notre-Seigneur
m'apparut : il me montra la plaie de sa main gauche, d'où
il tirait avec sa main droite un grand clou fort enfoncé qui
sortait avec beaucoup de chairs saignantes; cela me causait
une grande peine. « Il avait déjà souffert tout cela pour
« moi, me fut-il dit, c'était donc peu de faire quelque
« chose pour cet aveugle. » Comme je redoublais mes
prières au Seigneur attaché à la colonne, j'entendis une voix
extrêmement douce, comme sortant d'un instrument de
musique.
« Au bout d'un mois que je priais toujours Dieu pour le
même sujet, je vis un diable qui déchirait avec dépit des
papiers qu'il tenait à la main. » Comme on le voit, bien que
Dieu et Diable s'en fussent mêlés, cette cure se fit long-
L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 219 9
temps attendre : Thérèse vivait dans les temps reculés,
bien antérieurs au chemin de fer et à l'électricité ; aujour-
d'hui, c'est à la vapeur que se font les guérisons et le mira-
cle est compris dans le billet circulaire des pèlerins pour
Lourdes.
Autres hallucinations. Sainte Thérèse eut encore une
hallucination qui fut cause de la construction du plus grand
couvent du Carmel, celui de Saint-Joseph d'Avila; comme
pour cette affaire elle était très perplexe, il arriva qu'un
jour Notre-Seigneur lui ordonna de vive voix d'entreprendre
en toute hâte l'édification de ce monastère ; c'est ainsi que
l'hystérie peut faire sinon de grandes choses, du moins de
grands bâtiments; on l'a bien vu, dans ces derniers temps,
par la construction de la basilique de Montmartre, due à
l'hystérie de Marie Alacoque.
On connaît la faculté qu'ont certains aliénés hystériques
de pouvoir produire à volonté des hallucinations de l'ouïe;
j'en ai cité un cas au Congrès de Nancy analogue à celui de
M"e Couësdon. Or sainte Thérèse avait de telles hallucina-
tions ; dans ses Avis, elle raconte que, voulant donner un
règlement, elle entra dans un profond recueillement :
de sa part aux carmes déchaussés qu'ils s'efforçassent d'obser-
ver trois choses et que leur ordre irait, grâce à cela, toujours
s'accroissant. La première chose... etc.... Cela m'arriva en
l'année 15 79 et attendu que c'est la vérité même, je l'atteste
par ma signature ».
Les exemples précédents sont assez nombreux et assez
nets pour prouver les hallucinations de la vue et de l'ouïe
de sainte Thérèse; nous allons parler maintenant des hal-
lucinations de la sensibilité générale et des organes géni-
taux en particulier.
Hallucinations du tact. Certains aliénés, surtout
des hystériques, ont des troubles du tact qui, au lieu d'être
localisés aux extrémités des nerfs de la peau et des mu-
queuses, se produisent dans les masses musculaires et dans
24O L HYSTERIE DE SAINTE THÉRÈSE
les autres tissus intérieurs : ce sont des troubles de la sensi-
bilité générale, anesthésies ou hyperesthésies profondes qui
sont le point de départ d'idées fausses et d'actes dérai- >
sonnables : -ces aliénés ont la sensation, par exemple, que
leurs corps sont devenus lourds comme ceux des élé-
phants ou des hippopotames; ils ne peuvent plus, croient-
ils, remuer leur masse. D'autres au contraire, ce sera le cas
de sainte Thérèse, se figurent être sans pesanteur ; ils
croient en marchant ne plus toucher terre : comme Camille,
reine des Volsques, non seulement ils ne font pas courber
sous leurs pas les épis des moissons, mais encore ils pré-
tendent s'élever et voler comme des anges ; alors, sous
l'influence de cette sensation, se produisent de nombreuses
aventures et parfois des accidents fort graves : un mystique
se lance par la fenêtre dans la direction du ciel ; à sa
grande stupéfaction, il est ramassé avec des fractures variées ;
un autre grimpe sur un arbre et se précipite dans l'espace,
très étonné, avec un corps léger comme une plume, de se
retrouver à terre en très piteux état.
Sainte Thérèse eut une hallucination de cette nature, qui
fut regardée, dans son temps, comme un miracle : très bien
décrite dans ses mémoires, elle est fort intéressante pour des
médecins et des philosophes. « Il faut ici du courage, écrit-
elle, car on est enlevé malgré soi, avec une telle violence
que souvent je voulais tenir ferme et j'employais toutes mes
forces, surtout quand cela me prenait en public. Quelque-
fois j'y réussissais un peu, mais avec un grand effort de tête,
comme une personne qui combattrait un géant, et j'en res-
tais tout abattue. »
D'autres fois je n'y pouvais rien, le corps entier était en-
levé de manière à ne plus toucher terre : cela m'est arrivé
une fois, entre autres, que nous étions à genoux, prêts Il
communier. D'autres fois, lorsque je m'en apercevais,
particulièrement un jour où des dames de la première
qualité entendaient le sermon, je m'étendis à terre pourqu'on
ne s'aperçût pas de ce que j'éprouvais. Lorsque je voulais -
résister, je sentais sous mes pieds une force si grande me
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241 1
soulever, que je ne sais à quoi la comparer ; ma frayeur
était excessive; eh ! qui n'en aurait pas eu devoir ainsi son
'corps enlevé de terre, car, quoique Dieu soit de la partie et
que ce soit lui qui l'entraîne, on s'aperçoit cependant de ce
qui se passe et la frayeur va jusqu'à faire dresser les che-
veux sur la tête. »
' (A suivre.)
SOCIÉTÉS SAVANTES.
XIIe CONGRÈS
DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES DE FRANCE
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
Tenu à Grenoble du 1 ? au 7 août 1902
Le Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de
France et des pays de langue française s'est brillamment
ouvert à Grenoble le vendredi matin'1 ? août, à l'Hôtel de
Ville, sous la présidence de M. GovTARD, adjoint au maire de
Grenoble.
M. Gontard était entouré de M. le Dr Régis, de Bordeaux,
président du Congrès ; M. le D'' Gilbert Ballet, professeur
agrégé de la Faculté de Paris ; M. Mottet, conseiller de pré-
fecture, représentant M. le Préfet; M. Boirac, recteur d'Aca-
démie ; M. le Dr Bonnet, médecin en chef de l'asile Saint-
Robert, secrétaire général du Congrès ; M. le docteur Bordier,
directeur de l'Ecole de Médecine. Dans l'assistance, de nom-
breux professeurs et médecins étrangers, tels que MM. Jof-
froy, Brissaud, Bourneville, Deny, Séglas, Legrain, À. Marie,
Boissier, Chervin, de Paris ; Pierret, Carrier, de Lyon; Kera-
val (d'Armentières), Gilbert Petit (du Mans), Girauder Hamel
(de Rouen), Ladame, de Genève; Fontanille, avocat général
à Grenoble ; Sixto-Arman, d'Oviedo (Espagne) ; Obregia, de
Bucharest ; Mendessholn, professeur de physiologie, à Saint-
Pétersbourg ; Crocq, de Bruxelles ; etc.
Rappelons que le Comité d'organisation était ainsi com-
Archives, 2° série, t. XIV. - t6
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
posé : Présidents d'honneur : M. Boncourt, préfet de l'Isère ;
M. S. Say, maire de Grenoble; M. le docteur Bordier, direc-
teur de l'Ecole de Médecine ; M. le docteur Dufour, ancien
député ; M. Boirac, recteur de l'Académie. Présidents
d'honneur étrangers : MM. les professeurs Arman, Ladame,
Obrégia, Mendessholn. - Présidents effectifs : MM. Régis,
Ballet, Carrier, Pitres, Grasset, Brissaud. - Vice-présidents :
MM. les D's Deny, de la Salpêtrière, et Marie, de Ville,juif.
Discours DE M. GONTARD
M. Gontard, en l'absence de M. le Maire de Grenoble, a
prononcé le discours d'ouverture suivant :
Messieurs,
, Absent de Grenoble, M. le maire n'a pu se rendre à la séance
d'ouverture de votre congrès, il m'a chargé d'être son interprète
et celui de toute la municipalité pour vous souhaiter la bienvenue
parmi nous. Je m'acquitte volontiers de cette mission et je vous
remercie cordialement, Messieurs, d'avoir choisi Grenoble pour
tenir vos assises.
Vous trouverez ici un milieu favorable à vos travaux. Notre
ville, qui s'honore d'avoir en tous temps aimé les sciences, les
lettres et les arts, a donné à la science médicale des noms illustres.
Permettez-moi de citer Villars, Laugier, Billerey et ce jeune doc-
teur, mort victime de son dévouement et dont on rappelait récem-
ment le souvenir glorieux à l'occasion du centenaire de l'Internat,
je veux parler d'André Mazet. -
J'ai parcouru l'ordre du jour de votre congrès. Les questions que
vous allez traiter échappent pour la plupart à ma compétence,
mais j'en aperçois la portée bienfaisante. Vous voulez conserver et
préserver en chacun de nous cette source de lumière, ce foyer d'in-
telligence qui nous rend accessibles à toutes les beautés du monde
matériel et moral. i
A notre époque de vie intense et de surmenage, les maladies
mentales font des progrès inquiétants. Si de vos études, si de
l'échange de vues auquel vous allez vous livrer, il pouvait sortir,
comme j'en ai l'absolue confiance, un résultat ou une indica-
tion capables d'enrayer ce fléau, vous auriez, Messieurs, bien mérité
de l'humanité.
Vous allez consacrer quelques joursàl'examen de cet intéressant
problème, puis vous vous reposerez en parcourant les sites pitto-
resques dont notre région abonde. Puissiez-vous être charmés par
notre hospitalité et par notre pays et éprouver le désir de revenir
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
bientôt parmi nous. Nous serons toujours heureux de vous revoir
(Applaudissements) .
, DISCOURS DE M. LE D REGIS
M. le Dr Régis a pris ensuite la parole en ces termes :
Le jour où, après des maîtres éminents tels que mon prédéces-
seur immédiat, M. Ballet, j'ai été choisi par mes collègues pour
présider la session actuelle de leur congrès, j'ai reçu d'eux le plus
grand honneur de ma vie professionnelle. Je tiens avant toute
chose à les remercier du fond du coeur.
Ce devoir accompli, j'ai l'agréable mission d'exprimer la sincère
reconnaissance des membres du Congrès vis-à-vis de tous ceux qui
nous ont préparé l'aimable et généreux accueil qui nous est fait.
Je remercie tout d'abord M. le maire de Grenoble et son conseil
municipal qui, dès le premier instant et sur l'initiative heureuse de
notre collègue de Villejuif, le docteur Marie, nous ont spontané-
ment offert l'hospitalité et qui, aujourd'hui, dépassant nos espé-
rances et leurs promesses, nous reçoivent si bien et avec de si
cordiales paroles de bienvenue.
Je remercie le Conseil général de I«Isère, ainsi que la commission
de surveillance et la direction de l'Asile de Saint-Robert qui, en
décidant de nous faire les honneurs de cet établissement et de nous
y recevoir, suivant l'usage de nos congrès, ont bien voulu se souve-
nir que nous nous rattachions par des liens étroits à l'Administra-
tion et aux grands services hospitaliers des départements.
Merci au docteur Bordier, l'éminent anthropologiste et socio-
logue, le directeur de l'Ecole de Médecine de Grenoble, devenue
entre ses mains presque une Faculté, pour son empressement à
mettre à la disposition du Congrès, en vue de ses séances, l'élégant
palais de l'enseignement médical de la cité.
Merci à nos excellents confrères du corps médical grenoblois, si
distingué et si réputé. '
Merci enfin à tous qui, par leur présence à cette solennité, nous
donnent aujourd'hui un si précieux témoignage de sympathie, en
particulier à M. le recteur Boirac qui figure ici à double titre :
comme chef de la vieille et illustre Université de Grenoble, comme
l'un des plus distingués représentants de cette école de psycholo-
gie scientifique dont le principe est que la physiologie et la patho-
logie de l'esprit doivent s'appuyer l'une sur l'autre et s'éclairer
réciproquement.
Ainsi reçus, avec, en plus, les belles excursions qui nous
attendent, si parfaitement organisées par notre dévoué secrétaire
général, le docteur Bonnet, de Saint-Robert, nous sommes assurés,
au point de vue matériel, du succès de notre réunion qui, pour la
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
première fois, a atteint et même dépassé le chiffre imposant de
200 adhésions.
Mais l'agrément n'est pour nous que l'accessoire, si tentante que
soit cette courte halte d'un jour au milieu de vos splendides mon-
tagnes, après une année de rude labeur. Poursuivant lentement
notre tâche sociale, nous sommes ici, avant tout, pour étudier en
commun quelques-uns des maux qui frappent l'homme dans son
système nerveux, et chercher les meilleurs moyens de l'en préser-
ver ou de l'en défendre.
Puisse le Congrès des Aliénistes et Neurologistes de Grenoble ne
pas demeurer stérile et réaliser, à cet égard, quelque progrès et
quelque bien.
Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici en entier le
discours fréquemment applaudi de M. le Dr Régis.
Séance du 1er août [soir). '
Après avoir visité l'Hôtel de Ville, le Musée, la Biblio-
thèque, les Congressistes se sont réunis à l'Ecole de Médecine
où les a reçus M. le Dr Bordier, directeur de l'Ecole de Méde-
cine de Grenoble, qui a prononcé le discours suivant :
, DISCOURS de M. LE D1' Bordier
Messieurs,
Je suis heureux de saluer, au nom de l'Ecole de Médecine et de
Pharmacie (j'ajoute au nom du corps médical de Grenoble), dans
la personne de leur distingué Président, M. le professeur Régis, les
membres du XIIO Congrès des médecins aliénistes et neurologistes,
qui ont choisi notre ville pour y tenir, cette année, leurs assises
annuelles. Je me sens fort honoré d'avoir à accueillir, dans cette
Ecole, les confrères, les collègues et les maîtres éminents, qui vont
jeter sur nous, pendant quelques jours, l'éclat de leurs noms et de
leurs travaux.
Vous serez, Messieurs, conduits dans notre pays par votre secré-
taire général, mon ami le Dr Bonnet, dont vous avez déjà pu appré-
cier l'activité et dont vous goûterez le dévouement et l'originalité
d'esprit, lorsque vous aurez parcouru, avec lui, l'asile de Saint-
Robert, dont il est le distingué médecin en chef. Il a su, en artiste
qu'il est, marier, dans l'emploi de votre temps, les riants paysages
avec l'autorité de vos discussions. Il a su mettre, autant que pos-
sible, de la variété dans vos occupations, car il sait que ce que vous
aimez, avec raison, à rencontrer en parcourant les diverses régions
de la France, c'est la diversité dans le type, dans le costume, dans
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
le langage, dans le milieu tout entier, en un mot, le pittoresque et
la couleur locale ; malheureusement vous avez dû constater plus
d'une fois qu'il était temps de se hâter pour jouir de la couleur
locale ; elle disparait chaque jour davantage sous l'action d'une
centralisation excessive, qui tend à tout uniformiser. Vous trouvez
déjà partout le même littel, le même banquet, le même menu ; je
voudrais bien pouvoir ajouter que vous trouvez aussi le même dis-
cours, car vous en entendez partout d'excellents, mais je crains que
ce soit ici précisément que la diversité commence !
Partout, sauf sur ce dernier point, vous désirez du change-
ment. Il est cependant une chose que vous voulez conserver
immuable; vous avez, en conséquence, la précaution de la main-
tenir partout autour de vous, comme une atmosphère indispen-
sable, qui se déplace avec vous et au centre de laquelle vous vivez,
circulez et vous vous sentez vivifiés. Cette atmosphère, ce milieu
nécessaire, c'est la mentalité médicale.
Quel que soit, en effet, notre pays d'origine, quel que soit notre
caractère, quelles que soient nos moeurs, nos habitudes person-
nelles, nous avons une certaine mentalité commune à nous tous,
qui résulte de la nature de nos études et delà direction habituelle
de notre esprit. Le médecin est habitué à considérer la genèse et
l'évolution des formes et des phénomènes, à reconnaître partout
l'action des forces naturelles, soit au moment où elles donnent
naissance aux organismes, soit, plus tard, lorsqu'elles les sollicitent
à chaque instant, en les transformant ; il est accoutumé à compter
avec les lois de l'hérédité, comme avec les variabilités individuelles;
aussi contemple-t-il les hommes et les choses d'un oeil équitable et
tolérant. Il est convaincu, par l'expérience, que tout dans la nature
est relatif et contingent; et comme il a renoncé à la recherche chi-
mérique de l'absolu des mathématiciens, il tient compte de toutes
les ambiances, sachant bien que tout phénomène est toujours à la
fois un effet et une cause.
Vacciné par ses études contre le subjectivisme de la pensée, il
ramène tout à l'étude objective de la nature, parce qu'il sait que
ses réalités tangibles et palpables sont les sources intarissables de
tout art, comme de toute science et de toute philosophie. J'ajoute
que, nulle part, plus que dans une assemblée d'aliénistes et de
neurologistes, on ne rencontre cette mentalité à un degré plus
élevé.
L'appellation de neurologistes n'est-elle pas, à elle seule, tout un
programme, ne marque-t-elle pas, à elle seule, un progrès ? Le
psychiatre d'autrefois confinait volontiers à l'exorciseur, à moins
que ce ne fut au sorcier. Tous les trois se croyaient, plus ou moins,
les artisans du surnaturel, les manieurs de l'immatériel. Depuis le
sorcier médecin qui, chez les primitifs, trépanait le crâne d'un
épileptique, d'un hémiplégique ou d'un halluciné, jusqu'à l'inqui-
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
siteur et au psychiatre lui-même, tous croyaient, plus ou moins,
avoir à lutter contre un esprit dont les exploits fantaisistes ne
prenaient fin qu'après son expulsion.
Pour la provoquer, la main s'arma d'abord d'un silex taillé, du
feu plus tard, plus tard encore elle se borna a être imposée douce-
ment, lentement sur le front du possédé, en même temps que des
paroles magiques complétaient son action. Il ne s'agissait point
encore de malades ; il n'était question que de coupables. Seul Jean
de Wier nous apparaît, au xvie siècle, à la lueur des bûchers allu-
més par ses contemporains, tendant aux démoniaques, au risque
de se perdre lui-même, une main médicale, c'est-à-dire secourable.
Mais son geste est isolé et il nous faut attendre le grand Pinel pour
voir commencer l'évolution qui doit transformer la prison en un
asile hospitalier.
Vous-mêmes, Messieurs, malgré vos efforts, n'êtes pas encore
arrivés à tracer la démarcation exacte entre le coupable et le
malade, parce que la justice vous demande souvent des réponses
trop précises sur ce qu'elle nomme encore, d'une manière trop
absolue, la responsabilité et le libre arbitre. Néanmoins tous,
aujourd'hui, vous considérez les troubles de la moelle et ceux du
cerveau, du même point de vue que ceux du eoeM ? ', du rein ou du
foie : là ou vos prédécesseurs presque immédiats rêvaient encore
esprit, démon, perturbation de la force nerveuse, vous prononcez les
mots de sclérose, de thrombose, bien souvent l'azloizloxicalioz.
Vous ramenez les troubles de la pensée, aussi bien que ceux de la
sensibilité ou de la motilité, comme un effet à une cause, à des
processus nutritifs ou à des intoxications chimiques.
Mais voici qu'un phénomène inattendu s'est produit : il est arrivé
ceci, qu'alors que vous borniez votre ambition à reconnaître les
malades et'à les guérir, la pathologie vous a, comme malgré vous,
fait entrer dans le domaine de la physiologie. Vous cherchiez a
démêler l'écheveau des troubles mentaux, et ce sont les lois physio-
logiques de la pensée la plus précise que vous êtes en train de
découvrir !
La psychologie est devenue, grâce à vous, un chapitre de la phy-
siologie et vous apportez dans son étude votre méthode habituelle
d'induction, qui rassemble les faits, les observations, pour en faire
plus tard une vaste synthèse.
Aussi par cela seul que vous aviez fait de la psychologie une
science biologique, vous avez commencé à apporter de l'ordre dans
le chaos de l'ancienne métaphysique. Aussi bien n'est-ce pas la
première fois que le médecin devient, par la force des choses,
physiologiste. Déjà l'observation des troubles moteurs de la mala-
die d'Addison a mis sur la voie de la fonction des capsules surré-
nales; c'est le myxoedème et le crétinisme goitreux qui ont donné
l'idée des fonctions du corps thyroïde; n'est-ce pas la lésion de la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247
troisième circonvolution frontale qui a fait de Broca un initiateur
dans la découverte des localisations cérébrales - ?
Du jour où la psychologie est devenue biologique, elle est devenue
expérimentale. Le temps n'est plus, en effet, où ceux qu'attiraient
les problèmes qui vous occupent, n'avaient d'autre procédé que de
se prendre le front dans les deux mains, et, les yeux fermés, de
pratiquer l'introspection de leur pensée. Ils n'oubliaient qu'une
chose, c'est que leur situation était un peu celle d'un homme qui
tenterait de s'enlever lui-même, en prenant son propre corps
entre ses bras contractés dans un effort impuissant.
Aujourd'hui, vous recueillez les documents les plus simples, les
plus dédaignés jadis : les premiers dessins d'un enfant, ses pre-
miers mots, ses gestes, ses jeux, tout vous apporte un renseigne-
ment. Par le calcul mental, par la chronométrie mécanique, vous
mesurez la vitesse des sensations et des perceptions ; tous les sens
sont interrogés. La pensée est mesurée, analysée dans sa genèse
et dans sa structure. Signe des temps : on voit des Facultés des
Lettres elles-mêmes laisser, pour un moment, les longues disser-
tations sur les facultés de l'àme et établir, chez elles, des labora-
toires, avec le concours des mécaniciens, des physiciens et des
chimistes.
Une fois lancé dans cette voie, on s'est souvenu des services que
la connaissance de la physiologie animale avait déjà rendus à la
physiologie de l'homme, et nous voyons maintenant le Muséum
d'histoire naturelle de Paris'donner asile à un laboratoire de psy-
chologie zoologique. Vocable assurément nouveau, mais établisse-
ment peut-être rêvé par Descartes qui y serait sans doute venu,
comme il l'écrivait à P. Marsenne : « anatomiser les têtes de divers
« animaux pour expliquer en quoi consistent l'imagination et la
« mémoire ».
Sur son frontispice, on pourrait graver cette phrase de Mon-
taigne, que je prends plaisir à citer devant quelques-uns de ses
compatriotes, qui m'entendent :
« La présomption est notre maladie naturelle et originelle....
« c'est par vanité que l'homme s'attribue des conditions divines,
« qu'il se trie soi-même et sépare de la presse des autres créatures,
« taille les parts aux animaux ses confrères et compagnons
« comment
« connait-il les bransles internes et secrets des animaux ? par
« quelle comparaison d'eux à nous conclut-il à la bêtise qu'il leur
« attribue ? quand je me joue à ma chatte, qui sait si elle passe
« son temps de moi, plus que je ne fais d'elle ? »
Pour la philosophie scientifique, l'antique est aujourd'hui
encadrée dans l'ensemble des forces de la nature; elle ne diffère
en apparence des autres forces que par la disposition des éléments
anatomiques, qui l'en détachent un moment, en la spécialisant.
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La force psychique est susceptible, comme toutes les forces, d'être
mise en équation avec la chaleur, la lumière, le mouvement, l'élec-
tricité. Elle est justiciable des instruments de recherche de la phy-
sico-chimie et c'est attirés par cette idée que, du monde entier des
savants viennent à Paris s'inscrire pour faire des expériences psy-
chologiques à Y Institut psychologique international.
Où vous arrêterez-vous, Messieurs ? A mesure qu'on étudie les
forces biologiques, on voit s'étendre l'aire des forces naturelles.
Derrière celles que nous croyons connaître, il en apparaît de nou-
velles, soupçonnées déjà par l'empirisme séculaire, célébrées dans
les légendes, exploitées par quelques audacieux, rejetées jusqu'ici
comme n'appartenant pas à la science orthodoxe, admises enfin
aux honneurs de l'expérimentation, grâce à l'initiative courageuse
de quelques esprits supérieurs exempts de préjugés, même scien-
tifiques.
C'est bien à vous, Messieurs, que revient, en grande partie, le
mérite d'avoir fait rentrer ce qu'on croyait l'exception dans la
règle, le prétendu surnaturel dans la nature et d'avoir fait péné-
trer les clartés de la science dans ce qu'on nommait, hier encore,
le domaine de l'occulte. ,
MONSIEUR LE Recteur,
Vons avez bien voulu honorer de votre présence une réunion de
médecins, dont un grand nombre, il est vrai, sont l'honneur des
Universités auxquelles ils appartiennent. Si vous avez été conduit
ici par votre sympathie pour l'Ecole de Médecine de l'Université de
Grenoble, sympathie dont nous sommes très reconnaissants,
n'avez-vous pas été attiré en outre, peut-être inconsciemment, par
cette mentalité médicale dont je parlais tout à l'heure et que vous
saviez trouver ici ?
Si vous n'avez pas de diplôme professionnel, vous avez du moins
étudié la médecine; vous l'avez fait en naturaliste et en philoso-
phe, c'est-à-dire dans les deux dispositions d'esprit les plus néces-
saires au médecin. Vous appartenez d'ailleurs à cette Ecole de psy-
chologie expérimentale qui caractérise notre époque : aussi les
membres de ce Congrès saluent-ils en vous, mieux qu'un confrère,
un coreligionnaire, car vous avez, comme eux, le culte de la
Science libératrice. L'Université de Grenoble, qui est heureuse de
vous avoir à sa tête, n'a-t-elle pas précisément pour devise :
, Veritas liberabit.
' Messieurs,
Je ne veux pas retarder plus longtemps vos travaux. Vous allez
tenir dans cette Ecole la plupart de vos séances. Vous êtes ici
SOCIÉTÉS SAVANTES. , 249
chez vous ! La maison n'est pas grande, mais elle vous appar-
tient ! Je voudrais maintenant que, par un de ces prodiges auxquels
la science nous habitue aujourd'hui, ces murs puissent conserver
l'empreinte de vos paroles; je voudrais que tous ceux qui, en
dehors de la science, s'intéressent, par profession, à la chose pu-
blique, à l'administration d'un pays, à l'art de gouverner les hom-
mes, puissent prendre ici des leçons.
A l'heure où toutes les sciences se préoccupent de leur utilité
sociale, la médecine, dont cela a toujours été la destination,
la médecine mentale, plus que toute autre, a le droit d'être
écoutée. Les questions de l'alcoolisme, de l'hérédité, de l'édu-
cation, de la responsabilité, celles même des conditions du tra-
vail, qui les connaît mieux que vous et peut, mieux que vous,
éclairer les pouvoirs publics sur les questions d'hygiène et de pro-
phylaxie sociale ?
C'est bien à la médecine, en particulier à la médecine mentale,
à la neurologie et à la psychologie expérimentale, que peut s'ap-
pliquer ce jugement de Leibnitz, par lequel je veux terminer :
« Le rôle des sciences est de bâtir des systèmes d'une connais-
« sance solide, fondés sur des démonstrations et des expériences
« et propres à avancer le bonheur de l'humanité. »
Après ce discours très applaudi, le Congrès a commencé
ses travaux par l'exposé et la discussion du rapport de
M. Lalanne sur les « états anxieux dans les maladies men-
tales » :
DES ÉTATS ANXIEUX DANS LES MALADIES MENTALES
M. Gaston Lalanne, médecin-directeur de la maison de santé de
Castel d'Andorte, docteur es sciences, rapporteur.
Au cours de ces dernières années, il s'est dessiné un mouvement
très net qui tend à unir la psychologie à la clinique. La question
des états anxieux dans les maladies mentales vient donc bien à
son heure, car l'anxiété ou l'angoisse, qui en est le caractère domi-
nant, est à la fois du domaine du psychologue et du clinicien.
L'anxiété comme manifestation pathologique est sans objet, le
malade l'éprouve sans savoir pourquoi, il est. anxieux malgré lui.
Les états anxieux furent longtemps confondus dans les maladies
de l'émotivité et du sens émotif dont on ne tarda pas à séparer la
mélancolie anxieuse, puis on finit par reconnaître qu'à la base
des états émotifs on rencontre presque toujours l'anxiété ou l'an-
goisse, mais c'est surtout dans ces dernières années, qu'en étudiant
certains états qui tiennent à la fois delà névrose et de la psychose
on est arrivé à isoler l'anxiété du groupe général des émotions et
230 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.
à lui assigner son véritable rôle dans la constitution des états
anxieux.
La question des états anxieux dans les maladies mentales se
réduit donc en quelque sorte à la séméiologie de l'anxiété.
Pour le clinicien, l'anxiété se présente sous forme de malaises
dus à un très grand nombre de troubles qui atteignent l'organisme
tout entier et intéressent toutes les fonctions. Parmi ces désordres,
les uns sont physiques, les autres affectifs et intellectuels.
Parmi les troubles physiques, nous signalerons ceux de la sensi-
bilité générale et spéciale, les anesthésies, les hyperesthésies des
organes des sens, les phénomènes de rétractation de la peau, -la
sensation de froid aux cheveux, d'horripilation, l'asthénie motrice,
le tremblement musculaire, l'incoordination des' mouvements
volontaires, les troubles de l'élocution, le vertige de locomotion.
Les troubles circulatoires sont au premier rang des symptômes de
l'anxiété; il y a des spasmes du coeur dont le sujet a conscience,
donnant la sensation d'un malaise grave, allant jusqu'au sentiment
de fin prochaine. Le pouls présente une accélération considérable,
puis un ralentissement persistant pendant assez longtemps. Beau-
coup des phénomènes de l'anxiété sont sous la dépendance du
système vaso-moteur, tels que la pâleur et la rougeur de la face,
le relroidissement des extrémités. L'hyperesthésie auditive pour-
rait être en rapport avec un phénomène vaso-moteur cérébral.
Les troubles respiratoires sont dus à la contraction des muscles
respiratoires, le rythme est modifié, l'inspiration est saccadée, *.
entrecoupée de soupirs. Quelquefois il y a suspension de la respi-
ration en expiration. Les troubles digestifs sont principalement
caractérisés par l'attaque de diarrhée. Les troubles secrétoires sont
de la polyurie, de la séborrhée ; d'autres fois la salive est tarie et
la bouche est sèche. Il y a quelquefois de véritables attaques sudo-
rales localisées aux mains et à la face.
Parmi les phénomènes intellectuels et affectifs, nous trouvons
l'attente anxieuse, les phobies, les obsessions, la diminution de
l'intelligence, le défaut d'attention, la perte de la mémoire, le
défaut de jugement, la confusion, la faiblesse mentale. Il y a
tantôt arrêt subit des représentations, tantôt au contraire, rapidité
anormale d'évocation des images. En somme, il n'est guère une
portion du territoire organique ou intellectuel qui ne soit frap-
pée dans l'anxiété; et comme la personnalité humaine n'est qu'un
complexus qui en dernière analyse peut se ramener aux trois con-
ditions : organiques, effectives, intellectuelles, nous pouvons con-
clure que le trait caractéristique de l'anxiété est une altération de
la personnalité.
Nous arrivons maintenant à la constitution des états anxieux.
Le terme de passage entre les névroses et les psychoses à base
d'anxiété nous est fourni parla névrose d'angoisse, dont on a voulu
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S1
faire un type morbide distinct de la neurasthénie et auquel on a
reconnu un certain nombre de symptômes cliniques. Au point de
vue étiologique, la névrose d'angoisse reconnaitrait toujours pour
cause un besoin sexuel insatisfait. La majorité des opinions est qu'il
n'y aurait pas une névrose d'angoisse constituant une entité mor-
bide distincte, mais un syndrome d'angoisse qui s'associe à diverses
maladies, en particulier à la neurasthénie et à la mélancolie, de
façon à lui donner le caractère de névrose ou de psychose d'angoisse.
Le terme de transition entre la mélancolie simple, sans délire, et
la mélancolie anxieuse, nous est fourni par la mélancolie avec
angoisse précordiale (Krafft-Ebing), c'est-à-dire par des crises d'an-
goisse paroxystique survenant principalement le matin, au cours
d'une mélancolie sine delirio. La mélancolie anxieuse est par excel-
lence la psychose d'angoisse. Le syndrome anxiété donne à la
mélancolie délirante un aspect particulier par suite des altérations
de la personnalité qui en sont la conséquence. Aussi a-t-on pu dis-
tinguer une forme aiguë et 'une forme chronique, cette dernière à
la suite des travaux remarquables de Cotard et de Seglas. La
mélancolie anxieuse chronique présente une évolution systémati-
que, qui rappelle l'évolution du délire des persécutions de Lasègue.
On y remarque les phases suivantes : 1° une phase de mélancolie
primitive; 20 une période de doute (Vallon) décrite par Lasègue
sous le nom de mélancolie perplexe (Ritti) ; 3° un délire mélanco-
lique avec idées de négation, de damnation, de possession, tra-
duisant toute une altération de la personnalité; 4° une phase de
mégalomanie qui se déduit logiquement des idées de négation,
véritable mégalomélancolie, selon l'expression de M. Régis, et à
laquelle Cotard a donné le nom de délire d'énormité. Bien que le
délire des négations comporte un pronostic grave, la maladie n'est
cependant pas incurable.
Psychoses d'obsession progressive. A la suite du rapport de
Falret au Congrès de 1889, il a été admis que les obsessions ne se
transformaient pas en folie. Depuis cette époque, Pitres et
Régis, en France, Wille, Mercklin, Sommer, en Allemagne, ont
démontré que la folie pouvait être le résultat de la transformation
progressive de l'obsession. Les formes psychopathiques sont la
mélancolie anxieuse et la paranoïa rudimentaire ou délire systé-
matisé raisonnant. 1
A côté des états que nous venons d'examiner et qui, à cause du
rôle prédominant de l'angoisse, méritaient le nom de psychopa-
thies anxieuses, il en est d'autres dans lesquels l'anxiété intervient
à titre de symptôme important. Ces états sont beaucoup plus fré-
quents qu'on ne le pense, et on peut admettre que toute psychose
débute par de l'anxiété. Les formes mentales dans lesquelles l'an-
goisse se montre le plus souvent, sont : dans la folie des dégéné-
rés, dans les obsessions et les impulsions et dans la manie, la
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
mélancolie, la folie à double forme, chez les persécutés mélanco-
liques, dans les psychoses d'intoxication, les troubles mentaux
névropathiques, la paralysie générale.
Etiologie : Fréquence. Généralement très répandue, principale-
ment chez les dégénérés. Causes prédisposantes Sexe féminin.
Age : Parait'avoir une certaine influence sous laquelle se mani-
feste l'anxiété, on la rencontre en effet sous forme de peurs mor-
bides dans l'enfance et l'adolescence, de névrose d'angoisse à l'âge
moyen de la vie, de psychose d'angoisse à l'âge mûr. 7/e') ? <e :
Joue un rôle de tout premier ordre. Pathogénie : Le rôle parti-
culièrement important du système grand sympathique dans les
manifestations de l'anxiété nous fait supposer que, par suite des
lois de l'atavisme, l'état affectif qui fut pendant de longues pério-
des de temps l'unique mode de notre individualité reparaît chez
les prédisposés avec la tendance innée à l'émotivité, source de
l'anxiété et de l'angoisse. Le diagnostic ne comporte aucune diffi-
culté. Pronostic : Généralement gravé par suite de tendance à ia
chronicité et des altérations de la personnalité.
TRAITEMENT.- (t) Préventif. Hydrothérapie froide, pour combattre
les causes déprimantes,' physiques et morales. Lutte des anciens,
pour favoriser le réflexe musculaire; moyen intellectuel qui con-
siste à nous habituer à considérer les objets qui nous effraient.
b) Traitement pharmaceutique. Nitrite d'amyle, trinitrine, opiacés,
laudanum, morphine, codéine, bromure de potassium, chloral,
alitement.
M. Brissaud rappelle qu'en 1890, il a émis les mêmes idées que
M. Lalanne sur l'anxiété. Lorsque l'angoisse a disparu et que
l'anxiété seule persiste, on se trouve en présence d'un simple phé-
nomène cérébral.
M. Dupré trouve que le rapporteur n'a pas insisté sur la patho-
génie bulbaire des phénomènes anxieux.
M. Doutrebente. Dans l'exposé de son rapport et à propos du
traitement, M. Lalanne a parlé de l'hydrothérapie froide chez les
anxieux; je ne puis pas partager sa manière de voir et estime que,
si les douches froides peuvent produire un.certain état d'angoisse
chez l'homme sain, il est certain qu'on ne doit pas, même en vertu
du vieil adage : « similia similibus curantur », y avoir recours
pour les anxieux, qui n'y consentiraient pas volontiers d'ailleurs.
En pareille circonstance, je me suis bien trouvé de l'emploi du drap
mouillé à la condition toutefois de le faire après une torsion éner-
gique dudit drap, devenu alors en état de pratiquer un premier
emmaillotement complété par un deuxième, lui-même avec une
couverture de laine.
Au sujet de ce rapport, M. Roubinovitcii, empêché, dépose une
note intitulée : Contribution clinique à l'étude des auto-intoxications
dans les états anxieux.
sociétés savantes. ' 253
Au sujet de la même question, M. Samuel GARDER envoie une
note intitulée : La médecine légale des états anxieux.
RÉCEPTION A L'HÔTEL DE VILLE
Le soir, à 8 heures et demie, une réception a eu lieu dans
les salons de l'hôtel de ville par la municipalité grenobloise.
MM. Duclot et Gontard, adjoints, Porte et Cadot, conseil-
lers municipaux, Villaret, secrétaire général, faisaient les
honneurs de la soirée. De nombreuses dames, aux élégantes
toilettes, avaient accompagné leurs maris.
Au cours de la réception, M. Gontard a souhaité la bien-
venue aux congressistes, espérant qu'ils emporteront de
Grenoble l'agréable souvenir d'une ville très hospitalière. Il
a levé son verre aux savants dont l'unique ambition est de
réduire la somme des maux qui affligent l'humanité; il boit
au succès de leurs recherches et a un mot aimable pour
les dignes compagnes de ces philanthropes.
M. Régis, président du Congrès, remercie la ville de Gre-
noble et la municipalité du bienveillant accueil fait aux con-
gressistes. En un langage élégant et fleuri il fait part des
sentiments d'admiration que lui inspire la cité grenobloise,
« véritable bijou au milieu du vert écrin des montagnes ».
Il se déclare émerveillé des squares, des places, des ave-
nues, des monuments, de la propreté de ses voies, et il ne
peut se défendre d'une certaine émotion au souvenir des
grands hommes dont Grenoble est l'heureuse patrie.
« Bayard, Condillac, Beyle-Stendhal, que nous pouvons
revendiquer comme l'un des nôtres, car c'était un profond
psychologue, sont des illustrations dont une cité a le droit
d'être Hère. Permettez, dit en terminant le Président du
Congrès, au petit-fils de Pinel, de saluer les petits-fils des
héros grenoblois qui les premiers poussèrent le cri de
« liberté ». Je bois à la ville de Grenoble et à sa croissante
prospérité. »
Ce toast salué de nombreux applaudissements marque la
fin de la réception.
Séance du 2 août (matin). -
M. le Dr Régis, de Bordeaux, préside, assisté de MM. Bourneville,
Deny et A. Marie.
.'254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
DES TICS EN GÉNÉRAL
M. E. NOGUES (de Toulouse), rapporteur.
I. Historique. Les anciens n'ont pas décrit le symptôme mus-
culaire que nous désignons aujourd'hui sous le nom de tic; néan-
moins, la bibliographie de cette question est des plus riches; nous
retiendrons surtout la magistrale description de Trousseau, les
travaux de Charcot et de ses élèves, de Gilles de la Tourette, de
Brissaud, de Magnan, de Pitres et Grasset, de Gilbert Ballet, de
Meige et Feindel, dont le récent traité synthétise en une « langue
claire, précise et élégante », le résultat de leurs longues et patientes
observations.
II. Délimitation du tic. La question du tic paraissant enve-
loppée d'obscurité, il est nécessaire d'apporter au début de cette
étude quelques précisions : Une réaction motrice à laquelle l'écorce
cérébrale ne prend pas et n'a jamais pris part n'est pas un tic ; si
cette réaction motrice est la conséquence de l'irritation patholo-
gique d'un point quelconque de l'axe bulbo-spinal, c'est un spasme;
une réaction motrice à laquelle l'écorce cérébrale prend ou a pris
part n'est pas un spasme, si ce phénomène moteur où se recon-
naît la participation de l'écorce cérébrale prend ou a pris part
n'est pas un spasme ; si ce phénomène moteur où se reconnaît
la participation de l'écorce cérébrale présente certains caractères
pathologiques distinctifs. c'est un tic. Nous ne considérons pas
comme des tics, mais bien comme des spasmes, les mouvements
anormaux dont l'origine organique a été démontrée par l'autop-
sie, pas plus que les manifestations cloniques survenant à la suite
des névralgies; le nom de tic douloureux de la face donné à la
névralgie du trijumeau a contribué à produire la confusion. On
distraira également du tic certains gestes d'habitude variables à
l'infini. Les phénomènes mentaux du tic, méconnus d'abord, bien
étudiés depuis par Magnan et ses élèves, ont encore augmenté la
confusion; l'importance des troubles mentaux est très grande
mais les troubles moteurs ne sauraient être négligés. Le tic pure-
ment mental (tic psycho-mental de Cr'uchet) ne saurait être admis;
le rapporteur refuse de faire rentrer les tics dans le chapitre des
myoclonies.
III. Caractères généraux des tics. En comparant les diverses
définitions données du tic, l'on voit que, pour la majorité des
auteurs, le tic est un mouvement involontaire que néanmoins la
volonté peut modifier, double fait en apparence contradictoire,
vérifié cependant par la clinique; les tiqueurs réprimeraient en-
tièrement leurs mouvements intempestifs s'ils étaient capables de
vouloir, mais ce sont des abouliques. Le tic est une maladie de
l'habitude dont la répétition se fait hors de propos et avec excès,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S5
survenant souvent lorsque le corps et l'esprit sont inoccupés, le
geste d'habitude apparaissant au coutraire lorsque l'attention est
concentrée. Les tics sont donc volontaires habituels, nous ajoute-
rons alternativement conscients et inconscients , coordonnés, systéma-
tiques, mais ils ne sont pas que cela ; c'est un des grands mérites du
travail de MM. Meige et* Feindel d'avoir mis ces caractères nou-
veaux en lumière. Les tics sont des perturbations motrices d'actes
fonctionnels, mais le rapporteur ne croit pas devoir comprendre
dans les tics, la crampe des écrivains, des pianistes, des danseurs,
etc..., se produisant à l'occasion de l'acte fonctionnel dont ils sont
l'anomalie; le geste d'occupation seul fait naître ceux-ci. Au con-
traire, une escarbille entre dans l'oeil, la paupière cligne, c'est un
spasme ; ce clignement persiste sans cause et sans but, ce trouble
de la fonction de nictitation est un tic. Le tic est donc soit un
trouble d'une fonction normale, soit d'une fonction anormale,
fonction parasite. On retrouve dans cette perturbation fonction-
nelle tous les caractères de la fonction, la répétition de l'acte, le
besoin prémonitoire, la satisfaction consécutive; comme dans l'im-
pulsion et l'obsession, le besoin prend un caractère impérieux. La
division des tics en cloniques et toniques est admise par le rappor-
teur : les premiers, personne ne les conteste aujourd'hui : quant
aux seconds, ils s'imposent également depuis la description du
torticolis mental par Brissaud et les observations relatées par
Régis et l'auteur concernant les tics d'attitude ou gestes de défense
comme en ont les obsédés.
IV..Symp<OHM<o/o ? edes'< ? 'M.Les diverses parties du corps
peuvent être le siège de tics; c'est dire que leur variété est infinie
et qu'il est impossible de les signaler tous; tics de la tête, du cou,
des membres supérieurs et inférieurs, du tronc; d'autres sont des
perturbations des fonctions organiques (tics de déglutition, de
digestion, de respiration) avec toutes leurs variantes. Les tics de
la parole se manifestent dans la forme la plus grave, la maladie
de Gilles de la Tourette. par l'écholalie et la coprolalie.
V. Etat mental des liqueurs. - A. Il ne suffit pas pour devenir
tiqueur de répéter plusieurs fois et même sans raison un mouve-
ment, si brusque soit-il. « N'est pas tiqueur qui veut. » Les
tiqueurs sont des désiquilibrés psychiques, comme ils sont des
déséquilibrés moteurs, mais ne sont point dépourvus d'intelligence;
la plupart ont même un « esprit vif, alerte, primesautier ». Les
tiqueurs présentent, d'après MM. Meige et Feindel, l'état mental de
l'infantilisme; le rapporteur n'adopte pas cette idée, l'état mental
du tiqueur ne rappelle celui de l'enfant que par certains côtés; c'est z
en réalité l'état mental du déséquilibré simple; la tendance con-
traire, opposée, est une sorte de loi chez beaucoup de déséquili-
brés obsédés (Pitres et Régis); parler d'infantilisme c'est « favori-
ser une erreur et créer une confusion ». Le tiqueur est, nous
256 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'avons dit, aboulique, il est impatient, sujet aux phobies, et par-
fois aux philies (zoophilie).
B. Tics et obsessions. -ci) Le tic et l'obsession ont de nombreu-
ses analogies psychiques, en particulier l'émotivité et l'irrésistibi-
lité ; dans le tic comme dans l'obsession, il y a tendance au
dédoublement de la personnalité, b) Il y a non seulement analogie,
il y a souvent association, soit dans la même famille, soit chez le
même individu. Ici le tic et l'obsession prennent tantôt une exis-
tence propre, indépendante, survenant alors à des moments diffé-
rents ou coexistants, tantôt affectant entre eux des relations. Ces
relations peuvent être envisagées à deux points de vue.
Il, L'obsession donne naissance au tic; le sujet est atteint de la
peur de tiqueur, de l'obsession phobique d'un lie existant souvent
avec d'autres tendances bizarres, impulsives, dangereuses. Le
moyen de défense, procédé libérateur, occupe une place importante
dans le tableau de l'obsession et du tic; de même que l'obsédé a
ses trucs pour se défendre contre ses obsessions, le tiqueur a les
siens; le geste efficace du torticolis mental n'est qu'un moyen de
défense contre le tic, pouvant devenir un nouveau tic, un véritable
paratic. Le tic est aussi un moyen de défense non plus contre un
autre tic, mais contre l'obsession (Pitres et Régis); tics, moyen de
défense spéciale.
2° Le tic donne naissance ci l'obsession. Cas fréquent, tic obsédant,
entretenu, aggravé par l'idée obsédante qui est le plus sûr agent
d'entretien du tic. Telles sont les formes d'association du tic et de
l'obsession, comme le disent Pitres et Régis. Charcot a justement
dénommé l'obsession un tic de la pensée; ne pourrait-on dénommer
le tic une obsession du mouvement ? Le rapporteur estime que l'ana-
logie est surtout vraie entre le tic et l'obsession impulsive, aussi
pose-t-il la question : « Le tic ne serait-il pas une forme d'impul-
sion ? » Opinion très défendable, qui est peut-être bien celle de
MM. Pitres et Régis. ·
VI..P/t</s ! o)9'epa//t0t'çMe et pathogénie. Exposer toutes les
théories pathogéniques émises à propos des tics serait trop long,
même dans un rapport in extenso, mieux vaut renvoyer au cha-
pitre du Traité des tics de MM. Meige et Feindel, intitulé « Tic et
polygone» où les auteurs cherchent à mettre d'accord les opinions
de MM. Brissaud et Grasset, en apparence contradictoires; la dis-
cussion porte sur le terme « origine ». M. Brissaud considère l'ori-
gine du tic dans le temps, M. Grasset dans l'espace.
VII. Etiologie. Il est des causes générales et des causes spé-
ciales, celles-ci variant avec la forme du tic, il est aussi des asso-
ciations et des rapports des tics avec les névroses et les psychoses;
retenons surtout que le tic n'est pas un phénomène hystérique ou
neurasthénique, mais qu'il peut coexister avec la grande névrose
et la maladie de Béard.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
.VIII. Diagnostic. La' principale difficulté diagnostique est de
distinguer le tic du spasme; celui-ci caractérisé par des mouve-
menrs brusques, comparables à des excitations électriques, non
influencés par la volonté, la distraction; quelquefois douloureux,
à réflectivité parfois modifiée, siégeant dans un territoire nerveux
anatomiquement défini; les mouvements du tic sont coordonnés,
systématiques, reproduisant un acte fonctionnel, modifiés par
l'attention, la distraction, liés' comme l'obsession à un besoin
impérieux, angoissant. Le diagnostic du tic et du spasme facial
est aussi très difficile, il en est de même du torticolis-tic et du
torticolis-spasme. Nous n'insisterons pas sur le diagnostic des
tics et des chorées, nous rappellerons que les tics ne sauraient
davantage prendre place dans le chapitre des myoclonies ; dans
certaines formes associées de pj ! ra ? H)/oc<OKM et de tics, le dia-
gnostic peut offrir quelques difficultés; il en sera parfois de
même des mouvements athétosiques; nous avons déjà indiqué
que les crampes professionnelles ne sauraient êtres assimilées aux
tics.
1X. Bvoluliorz des tics. Pronostic. L'évolution du tic n'est pas
régulière, elle varie avec chaque cas; on peut dire que les chances
de guérison sont en rapport avec l'âge du malade et l'ancienneté
du tic.
X. Traitement. Le tic est souvent curable si on applique des
procédés thérapeutiques inconnus jusque dans ces dernières années.
Les tics étant constitués par deux ordres de phénomènes, les uns
moteurs, les autres mentaux, il était légitime qu'on pensât à leur
appliquer un double traitement, l'un s'adressant aux phénomènes
moteurs, qu'on pourrait appeler objectif, l'autre ayant pour but de
modifier l'état mental (traitement subjectif).
1° Le traitement objectif ou musculaire comporte plusieurs ordres
de médications : ec). Traitement médicamenteux, basé sur l'emploi
des calmants du système nerveux; b), hygiène, régime, hydrothé-
rapie, électrothérapie, massage.
2° Tr'aitementrééducaleur.-a).Alét7codedeBnissaud,uleigeetT'ein-
del. Se compose de deux parties inséparables : on apprend d'abord
au malade à garderl'immobilité, on lui fait exécuter ensuite desmou-
vements commandés; le traitement doit être poursuivi après même
la cessation du tic; b). Méthode de Dubois (de Saujon). Consiste à
habituer le malade à rester immobile dans une position favorable
au repos ; la suggestion verbale, non hypnotique, arriverait d'a-
bord à persuader au malade l'image du calme possible, qui se réa-
liserait ensuite dans l'inconscience; c). Méthode de Pitres. Basée
sur l'emploi de l'atmothérapie appliquée avec succès aux bègues,
agit non seulement sur les tics respiratoires mais aussi sur les
autres tics; d) MM. Meige et Feindel insistent dans leur dernier
travail sur l'utilité des mouvements en miroir pour corriger cer-
ÂRCuivEs, 2° série, t. XIV. 17
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tains tics; les malades retirent de l'emploi de cette méthode de
très sérieux avantages.
3° Traitement psychique. a) Suggestion hypnotique. Ne doit
pas être employée bien qu'elle ait donné des résultats favorables
chez quelques tiqueurs hystériques; a le tort de diminuer la
volonté, d'où danger, le tiqueur étant le plus souvent un abouli-
que. La suggestion à l'état de veille est au contraire très recom-
mandable. b) L'isolement est souvent nécessaire pour soumettre le
malade à cette discipline physique et psychique sans laquelle tout
traitement reste infructueux, c) Psychothérapie . C'est le mode par
lequel la guérison définitive couronnera les efforts du médecin.
M. Meige (de Paris). Je n'ai jamais songé, comme me le fait
dire à tort M. Noguès à propos de l'infantilisme psychique des
tiqueurs, à ajouter une nouvelle anomalie mentale à la liste déjà
si longue de celles qu'on relève chez ces sujets. J'ai seulement pro-
posé une qualification qui est peut-être en même temps une expli-
cation.
J'ai soutenu avec M. Feindel que le trouble mental prédominant
est une imperfection de la volonté. La débilité, la versatilité de la
volonté sont les caractéristiques de l'état mental du tiqueur. Cette
manière d'être témoigne de l'insuffisance et de l'irrégularité des
interventions corticales. Comme elle appartient normalement à
l'enfant, sa persistance, malgré les progrès de l'âge, est l'indice
d'un arrêt partiel du développement psychique; aussi l'état mental
du tiqueur peut-il être qualifié d'infantile. Le mot « partiel » a ici
son importance : il met en garde contre la tendance qu'on pourrait
avoir à considérer l'arrêt de développement psychique comme
complet, total; les tiqueurs n'ont rien de commun avec les crétins
myxoedémateux, ces infantiles par excellence. 1
Tout le monde est d'accord pour reconnaître le déséquilibre
mental des tiqueurs. Nous y avons longuement insisté, avant même
de parler d'infantilisme psychique.
Lorsqu'un tiqueur se montre exagérément léger, versatile, inat-
tentif, s'il a les impatiences, les rires et les pleurs fugaces d'un
enfant, et surtout s'il a toujours été ainsi, il est légitime de penser
que chez cet adulte le développement psychique a subi un arrêt
partiel, que son état mental a conservé une partie des attributs
qui appartiennent à celui de l'enfant.
La constatation de l'état mental infantile des tiqueurs nous a
paru utile à signaler; elle est de nature à confirmer ce fait insuf-
fisamment reconnu, à savoir que la plupart des tics sont non pas
des accidents commandés par des lésions acquises du système ner-
veux, mais bien qu'ils dépendent d'arrêts ou de retards dans le
développement des centres ou des voies d'association corticale.
M. Grasset (de Montpellier). Je n'étudierai qu'un point de la
question des tics, à savoir leur pathogénie : de tous les travaux
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
contemporains, et spécialement de ceux de 1111. Brissaud, Meige
et Feindel, il résulte que, au moins le plus souvent, le tic est d'ori-
gine corticale. Je suis tout à fait d'accord avec M. Brissaud sur
l'origine corticale des tics ; je crois seulemement qu'il faut faire
une distinction, dans les centres corticaux psychiques, entre les
centres psychiques supérieurs et les centres psychiques infé-
rieurs; à ceux-ci, que j'appelle polygonaux, revient le psychisme
inférieur ou automatique, l'automatisme supérieur ou psycholo-
gique de M. Janet ; tandis qu'à ceux-là (que pour la facilité de l'ex-
position j'appelle 0) revient le psychisme supérieur, conscient,
volontaire, libre et responsable. A ce propos, je demande à éta-
blir une distinction, que je crois justifiée, entre les mots psychique
et mental.
Est psychique tout acte cortical où il y a de la pensée, de l'intel-
lectualité, du psychisme à un degré quelconque; d'où psychisme
supérieur et inférieur. Toute l'écorce est psychique (polygone et 0).
Au contraire, me rappelant les mots « maladies mentales, aliéna-
tion mentale », j'appelle mental le phénomène et par suite le trouble
qui a pour siège les centres psychiques supérieurs 0.
De là. ces propositions, un peu elliptiques, mais cliniquement
vraies : tout ce qui est psychique n'est pas nécessairement mental ;
une maladie psychique n'est pas nécessairement une maladie men-
tale : si elle reste polygonale, elle n'est pas mentale. Ainsi, par
exemple, l'hystérique est toujours un psychique ; je ne crois pas
qu'il soit toujours un mental. Dans l'hystérie, il y a toujours des
troubles du psychisme inférieur, polygonal ; s'il y a en même temps
des troubles de 0 (ce qui arrive souvent), c'est une complication ;
l'hystérique est devenu aliéné. Voilà l'idée qui m'a fait donner un
sens différent au mot psychique et au mot mental ; on comprendra,
je l'espère, après ces explications, pourquoi j'ai soutenu l'existence
du tic polygonal.
Si j'admets que tout tiqueur est un psychique, je ne pense pas
(et M. Brissaud non plus, je crois) qu'on puisse soutenir que tout
tiqueur soit un aliéné, c'est-à-dire un mental au sens que je viens
de préciser.
Donc un liqueur qui est un psychique et qui n'est pas un mental
est un polygonal. Sans doute le mouvement du tiqueur a été volon-
taire avant d'être automatique ; c'est avec son centre 0 que, pen-
dant qu'il était colporteur, mon malade donnait un coup d'épaule
pour soulever sa balle : mais à ce moment il n'était pas tiqueur.
Le mouvement n'est devenu tic que quand il a constitué une habi-
tude morbide, c'est-à-dire quand il a cessé d'être volontaire pour
devenir automatique, involontaire, polygonal.
Ainsi, le tic polygonal existe et il est polygonal depuis qu'il est
tic. Je crois dès lors qu'il y a lieu de maintenir la distinction que
j'ai proposée en 1897 entre les tics avec participation de 0 (quand il y
260 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·
a vraiment état mental, aliénation) et les tics polygonaux (quand
il y a état psychique, mais pas état mental).
M. Cruciiet (de Bordeaux) part de cette idée, admise absolument
par tous les auteurs, que les tics sont systématisés, c'est-à-dire des
mouvements'où il est toujours possible de reconnaître une systé-
matisation fonctionnelle, des mouvements reproduisant, par con-
séquent, un acte physiologique déterminé.
Il pense que cet élément moteur est le seul indispensable pour
qu'il y ait véritablement tic, l'élément psychique ou mental étant
essentiellement contingent.
Il dit que le tic, ainsi compris, peut-être d'origine aussi bien
matérielle que fonctionnelle ; et que si un spasme, au sens que lui
donne M. Brissaud, est systématisé, ce n'est plus un spasme, mais
un vrai tic, au sens propre du mot.
Il admet ensuite qu'un tic est toujours clonique ; et que, par con-
séquent, la forme tonique du tic n'existe pas ; en particulier, le tor-
ticolis mental d'ordre tonique doit être éliminé, le torticolis clo-
nique ou tic rotatoire étant seul un véritable tic. « Si nous supposons,
dit-il, un malade ayant une attitude en torticolis (tonique), disons-
nous qu'il a un tic ? Point du tout. Nous disons : il a un torticolis.
et nous nous demanderons si ce torticolis est musculaire ou non
musculaire (cicatriciel, névritique, osseux, etc.) ou mental
enfin. Et si nous pensons qu'il est mental, nous chercherons a savoir,
en dernière analyse, s'il est d'origine hystérique, neurasthénique,
si on doit le classer au nombre des signes de l'angoissé, de l'abou-
lique, de l'obsédé, etc... Agissons-nous autrement en présence
d'une hémiplégie ? Ne se demande-t-on pas toujours, d'abord, si
elle est d'origine matérielle ou fonctionnelle, pour en rechercher
ensuite la variété spéciale ? »
L'auteur termine en proposant les conclusions suivantes : 11, le tic
est une variété dans le genre convulsion ; 2° il est essentiellement
clonique et caractérisé par un mouvement ou un groupe de 7 ? ioz&Le-
ments reproduisant un acte physiologique déterminé.
On peut le classer dans le groupe des convulsions cloniques sys-
lématisées, en opposition avec les convulsions cloniques asystéma-
tisées, dans lesquelles on rencontre la chorée, l'athétose, le trem-
blement, la myoclonie ; 3° il est d'ordre matériel ou fonctionnel ;
4° le torticolis intermittent ou spasmodique ne devrait plus s'appeler
dorénavant que lie rotatoire ; 5° le seul nom de torticolis mental
devrait être réservé à toutes les altitudes en torticolis d'ordre men-
ental ; 6" le torticolis mental et, d'une manière générale, toutes les
formes toniques ou simples, attitudes d'ordre mental, doivent être
nettement différenciées du tic avec lequel toutefois elles peuvent
coexister.
M. DOUTRE13EriTE. M. Noguès, d'après MM. Soury et Legrain,
SOCIÉTÉS savantes. 261
estime que les tics ne sont que des manifestations symptomatiques
de la folie héréditaire (More)) et de la dégénérescence mentale
(Magnan). Ce sont deux choses différentes et qui ne doivent pas
être confondues.
Morel avait observé le tic indolent chez des nerveux, candidats à
l'aliénation mentale, sans y arriver, et aussi chez des gens nulle-
ment prédisposés à devenir aliénés. Dans la période prodromique
de la folie, surviennent des tics douloureux passagers, si la maladie
évolue et remplacés par d'autres symptômes plus accentués.
Dans la période d'état, chez un fou hypochondriaque ayant des
crises obsédantes de la mort, Morel raconte que ce malade avait un
tic libérateur des plus étranges : « il tenait son pénis à la main et
se découvrait même devant sa femme et sa fille ». On rencontre
enfin chez les idiots et les maniaques chroniques une foule de tics
grimaciers ou autres, tel que le tic de l'ours, etc. Nous venons
d'observer tout dernièrement, chez un dégénéré, un tic de l'épaule
droite, contracté par l'habitude de faire entendre des craquements
de l'articulation scapulo-humérale à ses camarades d'atelier.
M. OBREGiA (de Bucharest) communique les observations de trois
malades qui sont devenus paralytiques généraux après avoir pré-
senté des tics caractérisés : un avait un tic de la langue qui venait
se coller contre les dents de façon à empêcher tout acte de phona-
tion ; un autre, un tic de la tête et du cou qui se renversaient brus-
quement en arrière ; le troisième enfin, un mouvement de grattage
des narines qui, à force d'être répété, avait entraîné la perforation
de celles-ci.
M. Joffroy (de Paris). La théorie pathogénique des tics, que
vient de nous exposer M. Grasset, me semble bien difficile à
admettre. La première difficulté qui surgit lorsqu'on veut passer à
l'explication des faits, est celle de savoir si ce sont les mêmes élé-
ments nerveux ou des éléments différents qui président aux actes
du psychisme supérieur et à ceux du psychisme inférieur. La pre-
mière hypothèse ne me paraît pas admissible. Supposons par
exemple un tic de clignotement survenu à la suite de la pénétration
d'un corps étranger dans I'oeil. 11 est bien évident que lorsque le
sujet victime de cet accident a porté pour la première fois la main
à l'oeil offensé pour en chasser le corps étranger, il a accompli un
acte volontaire, raisonné, conscient, étroitement subordonné à
l'activité psychique supérieure. Ce n'est qu'en se répétant, même
après la disparition du corps étranger et de la sensation qu'avait
provoquée celui-ci, que ce mouvement est devenu un tic, c'est-à-
dire un acte involontaire, inconscient, lié à l'activité du psychisme
inférieur; mais le mouvement en lui-même n'a pas changé. On ne
peut donc admettre qu'il soit commandé par deux ordres différents
de neurones. Il me semble au contraire évident que ce sont les
mêmes éléments anatomiques qui président à l'activité volontaire
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et à l'activité involontaire, et que ce qui diffère de l'une à l'autre,
c'est l'excitation, qui est forte dans le premier cas et faible dans
le second. Le propre de l'habitude ne consiste-t-il pas, en effet, à
rendre les neurones aptes à réagir à des excitations de plus en plus
faibles, si faibles même, à un moment donné, qu'elles restent
presque complètement ignorées du sujet ? De là son étonnement de
voir le mouvement continuer à se produire.
A côté de cette question de pathogénie, il en est une autre qui
me semble avoir été un peu négligée par M. Noguès, aussi bien que
par MM. Meige et Feindel : je veux parler des relations si étroites
qui unissent, au point de vue du développement des tics, les
centres moteurs aux centres sensitifs et sensoriels.
il n'est cependant personne qui n'ait connu au moins un tiqueur
qui, pour arrêter son tic, se pince fortement, jusqu'à en éprouver
une vive douleur, dans la région du corps qui en est le siège.
N'est-ce pas là une preuve que la sensibilité peut intervenir direc-
tement pour refréner un tic ? Mais, à côté des cas où la sensibilité
joue ainsi le rôle d'agent inhibiteur du tic, il en est d'autres beau-
coup plus communs où c'est elle, au contraire, qui, sous la forme
d'actes de siège et d'intensité différents, préside à leur développe-
ment. Bien plus, il existe des sujets chez lesquels les troubles qui
donnent naissance aux tics ne sont plus d'ordre sensitif, mais sen-
soriel ; c'est ce qu'on observe en particulier chez beaucoup d'aliénés ,
notamment chez les persécutés : une de mes malades, hallucinée
de l'odorat, exécutait continuellement un mouvement de sputation
associé à une grimace de la face ; c'était là, au début, un mouve-
ment de défense, raisonné, conscient; à la longue il est devenu
automatique et persiste encore actuellement, bien que les halluci-
nations aient depuis longtemps disparu. Je pourrais multiplier
facilement de tels exemples : on peut donc rencontrer les halluci-
nations à l'origine de beaucoup de tics, au même titre que les
autres désordres de la sensibilité.
Sur quelques détails relatifs et l'cliologie et à la
symptomatologie des lies.
M. Pitres (Bordeaux). - Je ne partage pas tout à fait les idées
doctrinales développées par M. Noguès dans l'excellent rapport
que nous avons tous entre les mains et par MM. Meige et Feindel
dans le savant ouvrage qu'ils viennent de publier. Je crois, notam-
ment, qu'il eût été préférable de ne pas détourner le mot lie du
sens étroit qu'il a dans le langage vulgaire. Le tic étaitjusqu'à pré-
sent un symptôme caractérisé par la répétition intempestive et
inutile de secousses brusques, rapides, involontaires, siégeant dans
un muscle isolé ou dans un groupe de muscles habituellement
associés pour l'exécution d'une grimace, d'un geste ou d'un acte
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
volontaire quelconque. En cherchant àidentifieravec ce symptôme
d'autres phénomènes spasmodiques qui n'ontavec lui que de loin-
taines analogies, tels que les tics dits toniques et les tics mentaux,
je crains qu'on ne prépare aux pathologistes de l'avenir d'inextri-
cables confusions. Mais ce sont là des questions de mots ou de
théories sur lesquelles on pourrait discuter indéfiniment. Plutôt
que de m'y arrêter, je préfère mettre en relief quelques détails et
faits relatifs à l'étiologie et à la symptomatologie des tics vul-
gaires.
I. Les grandes lignes de l'étiologie des tics ont été magistrale-
ment tracées par M. Noguès dans son rapport, et par MM. Meige et
Feindel. J'y ajouterai quelques documents statistiques provenant
du dépouillement de 70 observations de tiqueurs vulgaires que j'ai
recueillies dans ces dernières années.
Age. Ainsi que le disent MM. Meige et Feindel, « les tics appa-
raissent à tout âge excepté chez les très jeunes enfants ». Cette
proposition est rigoureusement exacte. Il y a des tics de l'adulte
et du vieillard comme il y a des tics de l'enfance et de l'adoles-
cence. Mais ceux-ci sont plus fréquents que les premiers, ainsi que
le démontrent les chiffres suivants indiquant l'âge auquel ont
apparu les premiers tics chez nos 70 malades :
264 -il SOCIÉTÉS SAVANTES..
La première, 7 cas qu'il faut éliminer de la statistique pour cause
d'insuffisance de renseignements ;
La deuxième, 16 cas, dans lesquels une enquête sérieuse n'a
révélé chez les ascendants directs ou collatéraux des'malades au-
cune tare névropathique ; '
La troisième, 21 cas, où les ascendants directs ou au moins l'un
de ces ascendants'étaient, atteints de neurasthénie (six fois), d'hys-
térie (quatre fois), d'émotivité pathologique (dix fois) d'obsession
psychique ou d'aliénation mentale (trois fois).
La quatrième, il cas, où il a été possible de retrouver, parmi
les ascendants des malades, des exemples non douteux de tics
ainsi répartis :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265
l'autre. Les'tiqueurs ont tous de bons et de mauvais moments, de
bons et de mauvais jours.
Le chaud et le froid, les maladies intercurrentes, les états émo-
tifs actuels, ont une influence non douteuse sur la fréquence et la
violence des manifestations convulsives des tics. Il serait très dési-
rable qu'on étudiât avec soin la nature des conditions susceptibles
d'atténuer ou d'exagérer momentanément les secousses muscu-
laires qui constituent le tic. J'en indiquerai brièvement quelques-
unes qui ont particulièrement frappé mon attention.
a. Beaucoup de tiqueurs éprouvent une véritable gêne à se sentir
observés et l'agacement qui en résulte est traduit tantôt par une
exagération, tantôt par une suspension à peu près complète des '
tics. Les exemples de ces deux modes de réaction sont connus. Il
arrive souvent que des enfants liqueurs, conduits chez le médecin,
restent, tant qu'ils se sentent observés par l'homme de l'art, com-
plètement immobiles. Ils prennent à la vérité leur revanche aussi-
tôt qu'ils ont franchi les portes du cabinet, mais jusque-là ils ne
bronchent pas, si bien qu'il est très difficile de se rendre compte
delà gravité de leur mal. Et, chose curieuse ! ces mêmes sujets
dont les' tics sont inhibés par la seule présence du médecin voient
souvent leurs grimaces s'exagérer d'une façon excessive, quand,
dans un lieu public, ils s'aperçoivent qu'ils sont l'objet de l'atten-
tion ou des railleries des personnes étrangères qui les entourent.
b. La fixation de l'attention atténue fréquemment la violence
des tics. Certains tiqueurs cessent absolument de tiquer en lisant,
en écrivant, en jouant du piano, en faisant de l'escrime, etc., etc.
c. Il n'est pas rare de rencontrer des tiqueurs qui n'ont de mou-
vements convulsifs que dans la position verticale. Il suffit qu'ils
s'étendent sur un lit ou sur un fauteuil suffisamment incliné pour
que tous leurs tics disparaissent à l'instant.
Mais ce sont surtout les variations du rythme respiratoire qui
agissent efficacement sur la production des tics. Beaucoup de
tiqueurs n'ont aucune secousse convulsive pendant qu'ils chantent,
qu'ils déclament ou qu'ils comptent tu haute voix. Ils n'en ont pas
davantage quand on les prie de respirer lentement et profondé-
ment. C'est cette action frénatrice des modifications du rythme
respiratoire que m'a conduit à appliquer au traitement des tics
les méthodes de gymnastique respiratoire qui sont depuis long-
temps employées avec succès a la cure du bégaiement et qui
m'ont permis de guérir déjà un bon nombre de malades dont les
tics avaient résisté au l'emploi d'une foule d'autres moyens théra-
peutiques.
III. Qu'il me soit permis, avant de terminer, d'exprimer le
regret que ni M. Noguès, ni MM. Meige et Feindel ne se soient
occupés dans leurs travaux respectifs des tics chez les animaux,
notamment de ceux qu'on observe chez le cheval et chez le chien.
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Le tic du cheval est un tic aérophagique, grave parce* qu'il dimi-
nue, parle météorisme abdominal dont il est la cause, l'aptitude
de l'animal et l'activité musculaire; il est très intéressant parce
qu'il est contagieux par imitation. Le tic du chien est d'une tout
autre nature. Il est constitué par des secousses brusques, généra-
lement unilatérales, siégeant entre les muscles du visage et le
peaucier du cou.-Son histoire est importante à cause des expé-
riences physiologiques dont il a été l'objet. Ces expériences pra-
tiquées jadis par Paul Bert et répétées plus récemment par d'au-
tres observateurs ont démontré que le tic persistait malgré
l'ablation totale du cerveau. Bien qu'il n'y ait pas identité absolue
entre les centres nerveux du chien et ceux de l'homme, ces résul-
tats expérimentaux sont de nature à jeter quelques doutes sur le
bien fondé des théories qui tendraient à nous représenter le tic
de l'espèce humaine comme un phénomène morbide dépendant
toujours nécessairement d'une perturbation fonctionnelle de
l'écorce du cerveau.
M. Brissaud. Toute mauvaise habitude est, chez l'enfant, le
point de départ de nouvelles mauvaises habitudes, et quelquefois
même de troubles nerveux. Cette donnée explique comment agis-
sent les diverses méthodes de gymnastique appliquées au traite-
ment des tics. En faisant disparaître chez un individu une ou
plusieurs mauvaises habitudes, on le rapproche de plus en plus
de la normale et on lui permet de se ressaisir.
M. Pitres (Bordeaux). Je connais fort bien et j'apprécie hau-
tement le travail de mon excellent ami le professeur Brissaud sur
le tic mental. Je ne diffère d'opinion avec lui que sur le nom qu'il
convient de donner à la maladie qu'il a si heureusement et si bril-
lamment contribué à nous faire connaître. Le nom de tic mental
me parait mauvais, parce que je ne crois pas que la maladie décrite
par M. Brissaud soit un tic, et parce que je ne suis pas bien sûr
de son origine mentale.
Pour moi, le tic est un symptôme étroitement défini par ses
caractères objectifs : la brusquerie et l'irrégularité des secousses,
leur explosion involontaire et intempestive, leur limitation à un
muscle ou à un groupe musculaire déterminé. Quand je vois un
malade atteint de mouvements involontaires de rotation de la tête
et du cou, je commence par observer la nature des mouvements
qui se produisent. S'ils sont brusques, irréguliers, involontaires,
peu ou pas accessibles à l'inhibition par l'application du doigt du
malade sur le menton, je dis : voilà un tic rotatoire de la tête et
du cou. S'ils sont lents, progressifs, réguliers et si, par surcroît,
ils sont arrêtés par le procédé indiqué par Brissaud, je diagnos-
tique un spasme fonctionnel ou torticolis spasmodique intermit-
tent du type Brissaud. Si le cou est fixé dans une attitude
vicieuse par une contracture permanente du sternomastoïdien, du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 1
trapèze ou des autres muscles de la région je dis : Voilà un torti-
colis musculaire, et je m'efforce de rechercher s'il est de nature
organique ou fonctionnelle; mais quel que soit le résultat de ces
recherches, il ne me viendra jamais l'idée d'appliquer a un cas
de ce genre le nom de tic tonique parce que, pour moi, le tic est
par essence ou, pour parler plus simplement, par définition, un
phénomène clonique.
M. Parant dit qu'en lisant le rapport de M. Noguès, il a été sur-
pris de voir que l'on tendait à n'admettre qu'une seule catégorie
de tiqueurs, dont la maladie, provenant de la dégénérescence,
serait une sorte d'infantilisme et consisterait surtout et presque
uniquement en une altération de la volonté. Ce cadre lui a paru
bien étroit, c'est donc avec intérêt qu'il a entendu M. Meige, le
principale protagoniste de l'opinion dont il vient d'être parlé, dire
que ce n'était. pas là la seule catégorie de liqueurs, et qu'il y en
avait d'autres, dont l'état, encore mal connu, avait besoin d'être
étudié : c'est avec non moins d'intérêt que M. Parant a entendu
M. Pitres dire qu'il avait observé un tiqueur chez qui la maladie
avait débuté à soixante-dix ans. Dans cet ordre d'idées, M. Parant
croit devoir signaler le cas d'un malade qu'il a observé et qui, à
deux reprises différentes et à intervalle assez long, a présenté une
sorte d'accès transitoire de tic avec une symptomatologie et un
état physique bien différents de ceux dont parle le rapport de
M. bogues.
Ce malade qui n'était ni un dégénéré, ni un déséquilibré, ni un
névropathe, se vit, vers l'âge de cinquante ans, atteint d'un tic à
forme de torticolis du côté gauche. Sa tête se tournait vers l'épaule'
d'abord en contraction tonique, puis survenaient des spasmes clo-
niques qui terminaient le tic en quelques secondes, en s'accom-
pagnant de grimaces dans le côté gauche de la face. D'abord
faibles, ces tics prirent peu à peu de l'intensité. Le malade mit
toute sa volonté, tous ses efforts à les combattre et n'y réussit pas.
Il fut alors pris de dépression mélancolique et d'un profond décou-
ragement. Comme il avait précédemment eu de la fatigue, on lui
fit prendre du repos, des médicaments toniques. Au bout de deux-
mois environ, la mélancolie s'atténua, disparut sans avoir jamais
été délirante. En même temps, les tics diminuèrent d'intensité et
disparurent complètement. L'accès avait duré en tout à peu près
six mois.
Quatre ans après, le même malade fut repris de nouveau des
mêmes accidents, survenant dans le même ordre et sous les mêmes
apparences; toutefois la mélancolie s'accompagna, pendant une
quinzaine de jours, d'idées de suicide et même d'homicide qui
marquèrent le paroxysme de l'accès. Alors il y eut de nouveau
régression de tous les troubles, disparition progressive et guérison
dans un intervalle d'environ cinq mois depuis le début de l'accès.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La guérison s'accentuait à mesure que l'état physique général
s'amendait lui-mêmc. '
Que penser d'un cas de ce genre ? Evidemment, il est d'un tout
autre ordre de faits que ceux dont a parlé M. Noguès II est nulle-
ment lié à la dégénérescence originelle. La volonté n'y a point
paru altérée, au moins dans le principe. Il ressort de là qu'il y a
au moins une autre catégorie de tiqueurs que ceux dont il a été
question aujourd'hui et que la raison d'être des autres tics que
ceux dont il est question a besoin d'être étudiée.
M. Cuoce (de Bruxelles). MM. Brissaud, Meige et Feindel
reconnaissent d'une part qu'au point de vue clinique il n'y a aucune
différence entre les tics et les spasmes et, cependant, ils admettent
que ces deux variétés de mouvements ont une origine différente,
les premiers étant des phénomènes purement dynamiques, tandis
que les seconds auraient un substratum organique. Cette distinc-
tion, je l'avoue, me parait un peu arbitraire. Peu importe, en effet,
comme vient de le dire M. Crucliet, qu'une hémiplégie soit due à
une lésion organique ou fonctionnelle des centres moteurs, elle
n'en reste pas moins une hémiplégie; de même pour les tremble-
ments : ils ne changent pas de nom suivant qu'ils sont liés à une
névrose ou, au contraire, à un désordre matériel des centres ner-
veux. Il ne me semble donc pas justifié d'établir une distinction
entre les tics et les spasmes, en se fondant uniquement sur l'ori-
gine fonctionnelle des premiers et organique des seconds.
Ces réserves faites, je suis tout a fait de l'avis de M. Noguès en ce
qui concerne l'état mental des tiqueurs ; comme lui, je crois que
cet état mental se confond avec celui des dégénérés, et que c'est
à tort qu'on a voulu le rapprocher de celui des infantiles.
Enfin, le fait que, chez le chien, M. Pitres a pu déterminer la
localisation du tic dans les centres inférieurs ne prouve nullement
que cette localisaticn soit identique chez l'homme. M. Pitres sait
même mieux que personne que les fonctions dévolues aux centres
inférieurs, chez le chien, remontent vers la corticalité cérébrale à
mesure que l'on s'adresse à un animal plus élevé dans l'échelle
animale. Pour ne parler que des réflexes tendineux, mes expé-
riences prouvent que leurs centres, localisés chez le chien dans la
moelle, sont situés au contraire, chez le singe et surtout chez
l'homme, dans les régions basilaires du cerveau. Le tic, d'origine
pédonculaire chez le chien, peut donc très bien avoir son centre.
chez l'homme, dans la région cérébrale. '
M. Ballet (de Paris). Au cours de cette discussion, on a beau-
coup trop étendu le domaine des tics : à en croire quelques auteurs,
il faudrait accorder le nom de tic à tous les mouvements systéma-
tisés, coordonnés et répétés plus ou moins fréquemment sans rai-
son ; si cette manière de voir était adoptée, toutes les habitudes
vicieuses, tons les spasmes et beaucoup de mouvements exécutés
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
par les aliénés seraient rangés dans les tics. Je crois, au contraire,
qu'il y a lieu de faire des catégories distinctes de chacune de ces
espèces de mouvements. Le tic doit être considéré comme un
trouble delà représentation mentale d'un mouvement qui est repro-
duit consciemment d'abord, automatiquement ensuite, et dont la
non-exécution, par suite d'un obstacle quelconque, procure du
malaise, de l'angoisse, etc. Les véritables tics sont donc toujours
des mouvements volontaires ; les mouvements réellement involon-
taires sont des spasmes. .
Séance du 2 août (soir). Présidence de 11111. R : cls et Deny.
M. Rom3r communique une observation de tic associé à une
démence précoce. Il s'agit d'une enfant, qui paraissait normale,
fut vaccinée à quelques mois. L'éruption vaccinale ne se montra
pas, mais pendant un an l'enfant fut atteinte d'une affection cuta-
née générale, et depuis quelques années s'établit un tic de la tête,
et aujourd'hui la fillette, qui a huit ans, est une demi-idiote.
M. 11AItTr-.\13LRG. L'homme a naturellement une tendance à la
répétition des mêmes actes ; c'est l'exagération de cette tendance
qui constitue le côté infantile de l'état mental du tiqueur; mais il
y a chez lui, en plus, l'impossibilité pour la volonté de suspendre
le tic. Cette non intervention de la volonté peut tenir des causes
différentes. Il y a des malades qui sont indifférents à leur tic ; cela
leur est égal, et ils ne se donnent pas la peine d'essayer de le sup-
primer. Les personnes qui voudraient mettre fin à leur tic et qui
ne le peuvent doivent être rangées en deux catégories : celles dont
la volonté instable ne peut être fixée assez longtemps et celles
dont les efforts sont paralysés par une angoisse toujours crois-
sante et qui ne cesse que lorsque la réapparition du tic amène une
véritable décharge. Les malades de la première catégorie peuvent
être guéris par la rééducation de la volonté ; chez les anxieux non
seulement on échoue, mais plus on cherche à refréner les mouve-
ments, plus l'angoisse se développe.
M. l3olsslcu. Mon intervention dans la discussion n'a d'autre
but, à propos de l'association des obsessions avec les tics, que de
demander à nos collègues occupés de ce sujet si, dans une pro-
portion déterminée ils ont trouvé le suicide comme complication
nette du tic.
Pour moi j'ai observé depuis deux ans deux cas de tic de nicti-
tation chez deux jeunes femmes, qui ont arrêté mon attention
sur ce point. Ici l'obsession est née du tic et a engendré la ten-
dance au suicide, sans que celui-ci ait cependant pu être
accompli.
La première malade est une jeune femme de trente ans à anté-
cédents héréditaires peu chargés et dont l'état nerveux est resté
270 SOCIÉTÉS SAVANTES.
parfaitement calme jusqu'à son mariage. A la suite d'une conjonc-
tivite rapidement guérie, un tic de nictitation. s'est installé,
d'abord supporté avec indifférence.
Mais les observations insistantes de la famille devenues maladroi-
tement exagérées ont bientôt contribué à donner à la malade la
phobie de son tic. La peur du ridicule la harcèle sans cesse ; les
repas quotidiens avec ses enfants et son mari seuls deviennent eux-
mêmes impossibles; elle mange seule. Quand elle sent venir sa
nictitation elle descend de l'omnibus où elle se trouve à plusieurs
kilomètres de chez elle parla pluie, le vent, la neige et les orages,
préférant s'exposer à tout que de soutenir les regards des voyageurs
qu'elle croit fixés sur elle, elle a même quitté son train au milieu
d'un voyage à une station quelconque. Enfin n'osant plus affronter
personne, elle ne songe qu'à fuir une vie désormais insupportable;
.l'idée du suicide la poursuit, d'abord vague puis irrésistible. Elle
se procure du poison, et il fallut quand, je vis la malade, établir
une surveillance assidue.
La seconde malade, jeune femme de vingt-quatre ans ne se sou-
vient pas de ce qui a causé au début son tic de nictitation. Héré-
ditaire peu chargée, elle a vu du vaginisme s'ajouter à son tic, au
moment de son mariage, mais ce dernier fait ne l'a nullement
.préoccupée. Sa nictitation, qui remonte à deux ans, lui cause au
contraire une telle gêne qu'elle s'enfuit chez elle au milieu d'un
dîner, que toute réunion même intime lui devient impossible,
qu'elle se confine dans sa chambre et n'en sort qu'à la nuit close.
Elle entre dans le dégoût de la vie, est aux prises avec des idées
actives de suicide et est actuellement en cours de traitement. J'in-
siste sur ce point que le tic a été l'unique phénomène névropa-
thique ayant précédé les obsessions, les angoisses et les tendances
au suicide dont il a d'ailleurs été aussi la cause unique.
M. l3nl ? u. Je crains que M. Meige n'ait été plus loin qu'il ne
voulait, quand il nous a parlé de l'infantilisme des tiqueurs. Je
sais bien que sa pensée a été amendée par un correctif, lorsqu'il a
ajouté que cet infantilisme n'était nullement comparable à celui
qu'on observe dans le crétinisme. Sans nier que certains tiqueurs
sont des infantiles, je crois qu'il en existe beaucoup ne présentant
pas ce caractère. J'en veux pour preuve l'observation d'une
malade dont je vais vous résumer rapidement l'histoire et qui au
cours de sa vie a été atteinte de deux tics vrais, accompagnés d'an-
goisses caractéristiques et assez curieuses dans leur étiologie.
Cette dame, qui venait d'assister à la première représentation du
Contrôleur 'des wagons-lits, s'amusait à répéter pendant un souper
qui terminait sa soirée le fameux tic de cette femme qui semble
solliciter les passants par son clignotement d'oeil spécial et dont un
placier en vins de Bordeaux n'a fait sa maîtresse que pour cher-
cher d'abord querelle aux Messieurs qui répondent aux oeillades et
SOCIÉTÉS SAVANTES. 27)
arranger ensuite l'affaire en leur vendant très cher de très mauvais
crus. Vous connaissez tous le thème de cette désopilante farce.
A force de répéter le geste, -I-0 X... en fut la victime et, en quel-
ques heures, le tic s'imposa à elle. Le lendemain et jours suivants,
il prenait un caractère tellement pénible qu'elle dut consulter un
médecin et ne put se débarrasser que fort difficilement et après
plusieurs mois de son clignement d'oeil. Je dois ajouter ici que
Mm0 X... était la petite-fille d'un grand-père qui présenta du
mérycisme dans les dernières années de sa vie; vers l'àge de
soixante ans, il aurait pris l'habitude de ruminer ; après ses repas,
il régurgitait quelques bols alimentaires qu'il mâchonnait et rava-
lait ensuite. Je n'ai pas d'autres renseignements héréditaires.
Ma malade était mariée à un homme désoeuvré, qu'elle accom-
pagnait un peu partout. Dans une de ses pérégrinations, elle entra
fortuitement dans un établissement où s'exhibait un artiste d'un
genre puéril et doué de la propriété de produire à volonté certains
bruits qui l'avaient fait qualifier du nom imagé de pélomane. La
première audition ne provoqua que le dégoût de Mmo X...
Arriva bientôt ce qui arrive aux personnes fréquentant les courses
de taureaux; elle voulut revoir son ténor, celui-ci ne tarda pas à
remarquer son enthousiaste auditrice, laquelle, ne trouvant plus
de femme de son monde à entraîner dans son escapade, avait fini
par se faire accompagner par sa femme de chambre. Il se mit bien
vite à la disposition de la dilettante, pour lui fournir tous les ren-
seignements demandés sur le mécanisme de son art en joignant
l'exemple aux principes.
Un matin, pendant qu'elle s'énervait vainement à imiter son
professeur d'après les procédés qui lui avaient été indiqués et que
1 ! I ? X... se livrait mystérieusement sur son lit à sa gymnaa-
tique nouvelle, le silence du lieu fut troublé par un bruit à peu
près semblable à celui qui motivait ses efforts. Ce n'était malheu-
reusement qu'une simple éructation vaginale. Néanmoins, ma
malade fut agréablement surprise d'abord et ensuite très satisfaite
du résultat obtenu. Si le succès recherché ne couronnait pas son
entreprise, elle avait du moins créé une voie nouvelle : le pétomane
n'en aurait pu faire autant. Bientôt, elle arriva avec un peu d'étude,
à provoquer à volonté l'éructation et donna-un soir une première
audition à son mari.
M. X..., peu épris d'art nouveau, morigéna sa femme qui après
une crise de larmes promit de ne plus recommencer. -
Promettre et tenir sont deux : en effet, à partir de ce moment
l'éructation devint un véritable tic que la malade reproduisait
constamment, malgré tout ce que le mari tenta pour guérir sa
femme. L'obsession était telle que la malheureuse dame était obli-
gée à ses jours de réception de quitter son salon pour satisfaire
son tic. A certains moments, quand pour une cause ou pour une
272 SOCIÉTÉS SAVANTES.
autre, elle ne pouvait se livrer à la gymnastique compliquée et
nécessaire à l'éructation, sa physionomie exprimait une telle
angoisse que plusieurs fois on put la croire sérieusement indis-
posée pour lui offrir des soins. J'en arriverai un jour, me dit-elle,
si je ne guéris pas à ne pouvoir me retenir devant le Pape. L'ob-
session prit même un caractère si pénible que ma malade entre-
voyait le suicide-comme le seul remède à son mal.
Les tics ne sont pas seulement tributaires de la fibre musculaire
striée : ils peuvent s'accompagner de contraction de la fibre mus-
culaire lisse. J'en pourrais citer comme preuve un malade qui con-
tractait convulsivement son périnée jusqu'à ce qu'il ait provoqué la
miction. Quand la vessie contenait de l'urine, le tic n'avait rien de
très pénible pour le patient. -11 n'en était plus de même quand il
persistait après l'émission des dernières gouttes. Le tic fonctionnait
alors sans discontinuer, jusqu'au moment où s'écoulaient quelques
gouttes d'urine nouvellement sécrétée. Cette observation pourrait
encore fournir la preuve que tic et spasme sont deux phénomènes
différents : en effet, M. Z... avait parfois un spasme des mêmes
muscles et bien que celui-ci fût parfois localement douloureux,
mon malade le préférait beaucoup à son tic volontaire, à cause de
l'obsession pénible dont ce dernier s'accompagnait parfois quand
la miction ne pouvait pas s'eflectuer faute d'urine.
C'est, je crois, le caractère angoissant du tic qui rend cette habi-
tude si peu justiciable delà suggestion. Les obsédés sont peu sug-
gestibles. Il est donc très difficile d'hypnotiser certains liqueurs,
et cependant quand on les met, par des manoeuvres hynoptiques
dans cet état de bon vouloir de toute personne se prêtant volon-
tairement à une expérimentation qu'elle veut voir réussir, on cons-
tate souvent que le tic cesse momentanément. M. Pitres vient de
nous donner l'explication de cet arrêt. On fait de la pneumothéra-
pie sans le savoir. Les spasmes, au contraire, sont souvent justi-
ciables de la suggestion. J'ai eu l'occasion d'observer avec mon ami
le Dr Picqué une jeune femme près de laquelle il avait été appelé
pour pratiquer une opération en vue de la débarrasser d'un vagi-
nisme qui rendait tout rapport sexuel impossible. En quelques
minutes, la malade fut endormie. Nous lui suggérons qu'elle allait
être opérée, qu'elle était guérie, etc. Le soir même, elle recevait
avec plaisir la visite de son mari.
Je suis entièrement de l'avis de M. Meige quand il nous dit que
les tics d'aliénés doivent être étudiés à part. Je partage d'autant
mieux l'opinion de ce délicat observateur que ce qu'on prend chez
eux pour un tic n'est le plus souvent qu'un mouvement en rapport
avec une hallucination, une interprétation délicate, ou bien destiné
à conjurer un maléfice, ou encore un geste stéréotype, un mouve-
ment automatique et inconscient, etc. Je crois que le tic du
malade de M. Obreja n'appartient pas à l'une de ces catégories. J'ai
' SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
souvent observé des paralytiques généraux qui, ayant une simple
écorchure du nez ou une obsession quelconque à l'égard de cet
organe, se le grattent jusqu'à produire de profondes érosions et
des pertes de substance très étendues. Une habitude assez curieuse
est celle d'un aliéné qui présentait le phénomène de la mouche
volante et qui, bien que convaincu qu'il s'agissait d'une simple
illusion, ne pouvait retenir un geste de défense comme pour faire
détourner une mouche menaçant son front.
M. Pierret (de Lyon). Parmi les problèmes très complexes
que suscite la question des tics, il en est un, celui de l'état mental
dss tiqueurs, à propos duquel je désire présenter quelques courtes
considérations, parce que la solution que lui ont donnée MM. Meige
et Feindel et M. Noguès est en opposition avec les résultats de mes
observations.
D'après ces trois auteurs, les tics ne seraient qu'une des mul-
tiples manifestations de la dégénérescence mentale. C'est en vérité
se payer de mots. Je me suis déjà expliqué à différentes reprises
sur le rôle tout à fait exagéré, selon moi, qu'on a prétendu faire
jouer à la dégénérescence dans le développement des psychopa-
thies et à plus forte raison dans'celui des états convulsifs auxquels
il convient. de rattacher les tics. J'ai exposé, dans un travail publié
en 1896 par la Semaine Médicale, la pathogénie de ces états con-
vulsifs ; je n'y reviendrai donc pas, et je me bornerai à dire que
les tics, comme vient de le faire remarquer M. Joffroy, ne sont au
fond que l'expression mimique d'un trouble psychosensoriel. La
mimiqne est le type le plus parfait des réflexes corticaux résultant
des émotions. ,
Chez l'être sain d'esprit, maître de lui, les gestes, les actes
mimiques sont le plus souvent limités par le sentiment de ce qu'on
appelle les convenances ; mais chez les aliénés les choses se passent
différemment : tout entiers à leurs idées délirantes, ils se livrent à
une mimique effrénée qui, par la monotonie de ses retours, ferait
penser à des actes automatiques sous-corticaux, si cette gesticula-
tion outrée ne restait en parfaite concordance avec le caractère
propre du trouble mental. Tant que cette concordance existe, on ne
peut pas dire qu'il y ait tic. 11 n'est légitime d'employer ce mot
qu'au moment précis où la conscience du malade périclite défini-
tivement par altération des neurones. Cette diminution de la cons-
cience, dérivant d'un processus démentiel, me parait nécessaire
pour réaliser définitivement, pour stéréotype]', comme on l'a dit
justement, certaines expressions mimiques des actes délirants.
L'abolition de la conscience se voit aussi dans les syndromes
convulsifs et particulièrement dans l'épilepsie ; le mécanisme en est
toutefois différent : c'est de l'inhibition. Certains tics psychiques.
véritables équivalents de convulsions musculaires, des lubies tou-
jours les mêmes, des mots singuliers répétés hors de propos avec
Archives, 2* série, t. XIV. 13
274 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'acharnement propre aux convulsivants, ne sont en réalité que des
modalités de l'épilepsie larvée. Ces considérations font bien com-
prendre pourquoi, par une sorte d'instinct, derrière un grand
nombre de tics psychiques, de répétitions mimiques monotones,
nous devinons un je ne sais quoi de spasmodique ; à vrai dire,
quand nous employons ces mots de spasme ou de convulsion,
nous savons bien ce que nous désignons, mais nous n'en connais-
sons guère le mécanisme : j'ai cependant montré que, dans beau-
coup de cas, ces phénomènes convulsifs, spasmodiques, psychiques,
etc., étaient dus à des rappels, d'oiigiiie toxique ou infectieuse,
d'anciennes lésions cérébrales.
Par opposition à ces deux cas et pour montrer combien ce même
accident, qui cause de graves complications, peut aussi rester
inoffensif, je citerai le cas d'un jeune homme très mondain, dégé-
néré, instable et mysogyne qui, très préoccupé de sa tenue ,en
public, affrontait néanmoins les bals et les dîners les plus nom-
breux et y étalait une gymnastique de clignotement effrénée sans
en éprouver le moindre malaise.
M. Bérillox. Les malades qui demandent le secours de
l'hypnotisme ont essayé tous les autres traitements et c'est devant
l'impuissance de ces médications qu'ils viennent à nous, et le suc-
cès leur donne souvent raison. Mais hypnotiser ces personnes
n'est pas toujours chose facile; il faut de l'entrainement person-
nel et beaucoup de patience. Il y a des malades chez lesquels je
n'ai pu obtenir le sommeil qu'à la septième ou huitième séance.
Je suis convaincu que les insuccès sont dus au manque d'entraine-
ment ou de patience des opérateurs. - ,
M. Bouhneville rapporte une observation type de maladie des lies
que nous publierons prochainement. Elle vient à l'appui des idées
de M. Pitres, notamment en ce qui concerne la suspension de la
coprolalie, en présence du médecin ; de la suspension du tic pen-
dant le chant. M. Bourneville rappelle aussi les bons effets de la
gymnastique respiratoire sur les tics, sur le déceloppvmcnt de la
parole et la correction des défauts de prononciation.
La correction des tics ; le contrôle du miroir.
M. Henry Meige (de Paris). La majorité des tiqueurs sont
capables d'exécuter convenablement un mouvement bien défini
dans leur esprit et commandé par un ordre précis, comme : met-
tez le bout de votre index sur le bout de votre nez. Mais lorsqu'on
leur dit de prendre telle ou telle attitude du corps ou des membres,
dans un grand nombre de cas, on remarque qu'ils n'ont pas une
notion exacte de leurs attitudes. Alors qu'ils croient se bien tenir,
si l'on vient à placer devant eux un miroir, ils sont tout surpris
SOCIÉTÉS SAVANTES. , 275
de l'incorrection de leur position. Cependant leurs actes moteurs
volontaires sont corrects, et ils ne semblent avoir aucun trouble
des sensibilités cutanée, musculaire, articulaire, osseuse. Mais ils
n'ont pas une notion exacte de leurs attitudes segmentaires, ce
qui tient, sans doute, à l'imperfection de l'appareil cortical chargé
de recevoir et de coordonner les impressions venues de la périphé-
rie. Ce fait clinique comporte un enseignement pratique : dans le
traitement des tics, qu'il s'agisse de faire observer l'immobilité
absolue, de faire exécuter des mouvements méthodiques ou des
exercices respiratoires, en règle générale le sujet sera placé devant
un miroir. Il faut qu'il puisse contrôler parle secours de la vue les
incorrections de ses attitudes et de ses gestes. De la sorte, il fait
beaucoup plus aisément les corrections nécessaires et prend peu à
peu l'habituée de viser la « suppression des actes automatiques
inutiles », ce qui est, comme l'a dit M. Brissaud, la meilleure dis-
cipline motrice qu'on puisse appliquer aux tiqueurs.
Il faut aussi analyser leurs tics devant eux, et leur apprendre à
- reproduire volontairement et très lentement les mouvements élé-
mentaires dont ils se composent. Le jour où un tiqueur est capa-
pable d'imiter à volonté son tic, il est aussi capable de l'enrayer
volontairement. L'emploi du miroir parait à tous égards recom-
mandable. Les tiqueurs exerçant un contrôle insuffisant sur leurs
actes moteurs, on ne saurait assez multiplier les moyens de per-
fectionner leur éducation en vue d'améliorer ce contrôle. Bien les
instruire dans cette voie c'est bien les soigner : Il faut, par tous les
moyens possibles, apprendre aux liqueurs à se guérir.
Démence épileptique précoce.
M. J. Voisin lit trois observations nouvelles de démence épilep-
tique, paralytique, spasmodique, infantile. Parmi ces observations
deux sont relatives à des enfants de dix à douze ans, la troisième
est celle d'une adolescente de dix-neuf ans. Il fait le diagnostic
différentiel avec la démence précoce simple, la paralysie générale
progressive et les idiots épileptiques. Ces observations viennent
s'ajouter à celles que M. Voisin a déjà rapportées dans son livre
sur l'épilepsie et au Congrès de 191)0.
Fixation du prochain Congres.
A la fin de la séance, M. Ballet, chargé d'étudier la proposition
d'un secrétariat général permanent des Congrès fait son rapport.
111. BouaIaEVrr.r. fait remarquer qu'il y aurait peut-être lieu, pour
la bonne organisation des Congrès et surtout pour la publication
des comptes rendus, d'avoir un secrétaire général permanent et
un secrétaire général annuel. Celui-ci, serait chargé de tout ce qui
276 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
concerne l'organisation du Congrès dans la ville où il se réunit,
tâche déjà lourde et toujours délicate et que, seul, par ses rela-
tions, il peut bien remplir. Il serait facile de préciser les attribu-
tions de l'un et de l'autre.
Le maintien du statu quo est voté. -
La ville de Bruxelles est choisie pour siège du prochain Congrès,
dont le bureau sera ainsi composé : Président, M. FBANCOTTE, de
Liège; vice-présidents, MM. Morel et LENTZ; secrétaire général,
M. Crocq.
Les rapports suivants devront y être présentés : 1° Traitement de
l'agitation et de l'insomnie dans les maladies mentales. Rapporteur : "
M. Trenel ; 2° Histologie de la paralysie générale. Rapporteur :
M. Ir.irrrr,; 3° Question d'administration des asiles et d'assistance
à déterminer par le comité belge. Rapporteur : M. Claus.
. Le Banquet.
Le Banquet officiel du Congrès a eu lieu le samedi soir à l'hôtel
Primat-Thibaud et a réuni plus de 100 congressistes.
Des toasts nombreux ont été prononcés par M. le préfet de
l'Isère, M. le président Régis, M. Crocq, de Bruxelles, M. Bonnet,
secrétaire général ; M. Marie, vice-président, MM. Doutrebente et
Obrégia.Le banquet a été suivi d'un concert improvisé où les
congressistes ont eu le plaisir d'entendre de nombreux artistes
distingués. 1-0 Bonnet, femme du sympathique secrétaire du
Congrès, a été particulièrement applaudie dans « Lohengrin », la
romance de « Nadir », de Bizet, et de vieilles chansons dauphi-
noises.
Excursion à la Mure et à Uriage. ·
Le dimanche 3 août, a eu lieu une très belle excursion à La Mure
avec, retour par Uriage, où les 80 Congressistes, que conduisait
M. Marie, vice-président, ont reçu le meilleur accueil à l'Etablisse-
ment thermal et au Casino. Personnellement, nous remercions
M. le Dr DRON, M. le De Chatin et M. le Directeur du Casino de
l'obligeance qu'ils ont mise à nous faire visiter l'étublissement
thermal, fort bien installé, le casino, le théâtre et le parc. Nos lec-
teurs peuvent envoyer à Uriage leurs clients en toute sécurité. Ils
y trouveront des installations balnéaires et hydrolhérapiques con-
l'ortables, des distractions variées et des excursions admirables.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 277
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 15 avril 1902.
M. Bérillon. Note sur un tic de l'épilation généralisé.
M. liEIGNIER (de Surgères). L'hypnotisme et la liberté.
'Séance du 20 mai 1902.
M. de Coynard. Une' sorcière au YV77/" siècle : Marie-Anne de la
Ville (1680-172a). M. Henry Leuesle. Les Saint-Suaires.
M. Paul FAREZ. Interprétation de quelques rêves soi-disant
prophétiques.
Séance annuelle du 17 juin 1902.
, Présidence de M. Jules Voisin
Action vasomolrice de la suggestion : guérison des verrues.
11. 11,EBERLIN (de Hambourg) rapporte plusieurs cas de verrues
guéries par des procédés populaires, superstitieux ou empiriques,
tels que attouchements, prières, etc.
M. Paul FArtEZ. Ces diverses recettes n'ont aucune efficacité en
elles-mêmes ; elles agissent par suggestion indirecte, à la faveur
de la confiance que le porteur de verrue accorde aux dits remèdes.
La preuve en est que, sans aucun attouchement, la suggestion
hypnotique fait disparaître les verrues. Témoin le cas dont je vous
soumets les épreuves photographiques : celles-ci suivent pas à pas
le processus suivant lequel la verrue arrive à disparition complète.
Quatre séances de suggestion hypnotique ont eu raison d'une
verrue qui datait de deux ans.
M. Bérillon. Une femme de Lausanne a guéri un nombre consi-
dérable de verrues, en les touchant avec la chemise d'une femme
qui venait d'avoir ses règles. Bonjour (de Lausanne) les guérit
couramment par un attouchement quelconque après avoir bandé
les yeux du sujet. Gibert (du Havre) les guérissait par intimidation.
Moi-même par l'hypnotisme j'ai obtenu une dissociation curieuse :
chez un individu porteur de verrues aux deux mains, j'ai par
suggestion supprimé les verrues de la main gauche, tandis que
les verrues de la main droite sont restées intactes.
M. Macets (d'Athènes). En Grèce, on obtient de semblables
278 SOCIÉTÉS SAVANTES.'
guérisons en récitant des prières consacrées; mais il est indispen-
sable que cela se passe le soir de la pleine lune.
M. LEL'IVA7. Les empiriques de nos campagnes guérissent les
verrues non seulement chez les humains, mais aussi chez les ani-
maux par des prières spéciales, des attouchements, des piqûres
avec des épines spéciales. -
M. Paul Magnin. Les verrues qui guérissent le plus aisément par
la suggestion sont celles qui saignent très facilement, c'est-à-dire
les plus vasculaires. Si l'on se rappelle que la suggestion produit
tous les degrés de la rubéfaction jusque et y compris la vésication,
on comprendra qu'elle réalise des actions vasomotrices suffisantes
pour provoquer la disparition des verrues. ·
Appareil vibrateur destiné à favoriser l'hypnose.
M. Bérillon. Avant de faire des suggestions (idéoplastie), il faut
réaliser l'hypotaxie, c'est-à-dire rendre le sujet apte à recevoir
la suggestion. L'appareil très simple que je vous présente facilite
l'hypnotisation en désarmant le sujet et en brisant ses résistances.
En outre, il met en branle le casque vibrant de Charcot et certains
autres trembleurs qui se montrent très efficaces dans le traitement
d'accidents neurasthéniques, de paralysies, d'anesthésies, etc.
M. Paul Il y a plus de vingt ans, j'ai démontré qu'on
pouvait obtenir des effets esthésiogènes avec toutes les excitations
, périphériques à la condition qu'elles fussent intermittentes et pro-
longées. Mes conclusions reposent sur trois ou quatre cents obser-
vations ou expériences poursuivies pendant plusieurs années.
L'appareil de M. Bérillon offre un dispositif très pratique pour
faire disparaître des anesthésies et les troubles nerveux qu'elles
conditionnent.
Ilypcracuilé sensorielle et analgésie chez les nègres soudanais.
. lli. Damuglou (de Constantinople) rapporte les curieuses obser-
vations qu'il a faites pendant son séjour au Soudan égyptien. Les
nègres de ce pays devinent la présence d'un puits situé à deux ou
trois heures de marche ; même à cette distance ; ils sentent l'odeur
des troupeaux qui avoisinent le puits. En considérant l'empreinte
des pieds nus sur le sable, ils savent dire s'il s'agit d'une per-
sonne jeune ou vieille, qui porte ou ne porte pas de fardeau, d'un
homme ou d'une femme, vierge, mariée, avec ou sans enfants.
Les voleurs sont amputés de l'avant-bras ou de la jambe en pleine
place publique en présence d'un grand concours de peuple; ils
subissent ces mutilations avec une impassibilité complète qui est
l'effet d'une autosuggestion volontaire comme cela se passait pour
les stoïciens et les martyrs chrétiens.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 579
Un cas d'hystéro-épilcpsie datant de trois ans, guéri en une
seule séance.
M. Le Menant des CiiEsNAis. A la suite d'un violent chagrin, une
jeune fille de dix-huit ans est prise de crises convulsives avec perte
de connaissance; elles viennent surtout le soir quand il y a eu des
contrariétés dans la journée ; elles augmentent vite de fréquence et
finissent par se montrer tous les jours. Elles ont complètement
disparu après une seule séance de suggestion hypnotique.
Pseudo-coxalgie suggérée par le milieu familial.
M. Paul FANEZ. Un enfant de quatre ans va faire une longue
promenade avec son père ; il retient un peu fatigué, en traînant
la jambe gauche. Son père et sa- mère, affolés, se lamentent,
craignant qu'il s'agisse d'une coxalgie. La nuit se passe. Le lende-
main, l'enfant est incapable de faire aucun mouvement dans son
lit ; le moindre attouchement lui fait pousser des cris perçants.
Intoxiqué, pour ainsi dire, par la croyance qu'il a une coxalgie, il
en réalise inconsciemment la symptomatologie en l'exagérant, du
moins en ce qui concerne la sensibilité et la motricité. Il me suffit
de distraire l'enfant, de capter son attention, de lui raconter une
histoire amusante ; pendant ce temps, j'arrive à palper tout son
membre inférieur gauche sans qu'il s'en aperçoive, puis à provo-
quer toutes sortes de mouvements de flexion, d'extension, d'abduc-
tion, et d'adduction sans provoquer la moindre douleur. Je le fais
lever, je l'habille et il m'accompagne parla main jusqu'à laporte de
l'appartement, puis se met à jouer avec ses frères et soeurs. Cet
enfanta une suggestionnabilité exagérée : ses parents lui deman-
dent-ils s'il n'éprouve pas une douleur à tel endroit déterminé,
aussitôt il l'éprouve réellement. Plusieurs fois il a donné à sa
famille de sérieuses inquiétudes. Quand j'arrive, il me suffit de
palper et de masser légèrement la région soi-disant malade, en
affirmant que la douleur a disparu et celle-ci, en effet, est suppri-
mée. La suggestion est une arme à deux tranchants. Les parents
exercent souvent, au point de vue suggestif, une influence néfaste
sur leurs enfants ; ils manquent de calme et d'empire sur eux-
mêmes. D'une manière générale et surtout en pathologie nerveuse,
il est souvent indispensable de soigner d'abord la névropathie du
milieu familial, en particulier celle du père et de la mère ; à cette
condition seulement, l'enfant peut être amélioré ou guéri.
Recherches sur la tension artérielle chez, les hypnotisées.
M. Bérillon présente des tracés sphygmographiques desquels il
résulte que l'hypnotisme peut réaliser d'un bras à l'autre le trans-
280 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.
fert de l'hypo ou de l'hypertension artérielle d'une manière générale,
la tension artérielle varie, suivant qu'on la mesure avant, pendant
ou après le sommeil hypnotique. Cette modification de la tension
artérielle est un signe objectif indéniable de la réalité de l'hyp-
notisme.
Un cas de paraplégie guéri par la suggeslion.
M. Stembo (de Milan) rapporte un cas de paraplégie traité d'abord
par l'électricité, la gymnastique, les bains hylro-électriques ; on
n'avait obtenu qu'une amélioration. La guérison ne survint que
lorsqu'on eut recours à la suggestion hypnotique.
Considérations sur l'hystérie.
M. Paul Joire (de Lille). Les recherches microscopiques n'ont
appris rien de précis sur l'hystérie. En supposant que les prolon-
gements appendiculaires des neurones soient modifiés dans un
certain sens, faut-il y voir la cause ou seulement la conséquence
de l'hystérie ? A côté de l'anatomie pathologique qui cherche a
déceler la lésion organique, il y a la physiologie et la psychologie
pathologiques qui nous révèlent des troubles dynamiques du sys-
tème nerveux. L'hystérie se traduit par une modification de l'équi-
libre. normal telle que l'activité ou le potentiel du système nerveux
se trouve diminué sur certains points et augmenté sur d'autres au
détriment des premiers, sans qu'il y ait en réalité augmentation ni
diminution absolue dans le total de l'activité nerveuse disponible.
Le traitement de l'hystérie a pour but de rétablir l'équilibre détruit.
La cause des phénomènes hystériques.
M. Delius (de Ilanovre). Ce sont des influences psychiques qui,
le plus souvent, font apparaître les symptômes somatiques de l'hys-
térie. Les émotions, la peur, la foi, la crainte, les rêves, provoquent
des dissociations : certains centres sont frappés d'inhibition, d'autres
de dynamogénie. La suggestion répare tous ces désordres, témoin
les cas suivants dont l'observation est rapportée par l'auteur :
toux nerveuse, aphonie hystérique, astasie, abasie, ptosis, spasmes
musculaires, parésie, paralysie, diarrhée nerveuse, pollakiurie.
Les troubles somatiques et psychiques de l'hystérie.
M. Tesdorpf (de Munich). On a tort de considérer à part les
troubles somatiques et les troubles psychiques de l'hystérie et de
considérer cette dernière tantôt comme une maladie nerveuse,
tantôt comme une maladie mentale. C'est une maladie psychique,
ainsi que le montrent l'analyse clinique et l'expérimentation pyscho-
logique. La médecine psychologique française en particulier, sous
l'impulsion de Charcot, a contribué à montrer qu'il s'agit surtout
varia. 281 1
de troubles d'association. La psychologie a rendu à la médecine le
double service de pénétrer la nature intime de l'hystérie et de
donner un traitement des troubles même somatiques pour lesquels
se manifeste cette dernière. Le médecin de maladies nerveuses ne
peut plus se dispenser d'être psychologue.
Communications diverses.
M. Jules Voisin. Incontinence d'urine et hystérie.
M. Paul Contractures et hyperexcitabilité neuromuscu-
laire chez les hystériques hypnotisables.
M. AR.1GON. Une théorie pathogénique du doute.
M. Félix IFG : 1GL'r. Les caractères chez les monstres doubles.
M. Bellemanière. Diverses formes de l'attention chez l'enfant.
M. Lepinay. L'hypnotisme chez le cheval.
M. Caustier. Sur la méthode en psychologie zoologique.
VARIA.
Congrès international DE l'assistance DES aliénés ET spécialement
de leur assistance familiale.
(.4nvers, I-i seplenzbre 190 ).
Au dernier Congrès International de l'Assistance familiale, tenu
à Paris en octobre icJ0l, la section psychiatrique dut constater que
le travail considérable qu'elle venait d'entamer ne pouvait être
mené à bonne fin que par la constitution indépendante d'une nou-
velle session, où les problèmes pourraient être soumis à un examen
plus approfondi. Cette nouvellle session aura lieu du premier au
sept septembre prochain, à Anvers. Elle sera consacrée à l'étude
de l'assistance des aliénés et spécialement de leur assistance familiale.
L'asile fermé est actuellement le principal mode d'assistance des
aliénés. Le nombre de ceux-ci est trop élevé pour qu'on puisse
songer à les placer tous autrement. Du reste, beaucoup d'entre eux
ont besoin d'un traitement régulier et d'une surveillance suivie,
1 Sous la présidence d'honneur de 11. Van den Ileuvel, ministre de
la Justice, et la vice-présidence d'honneur de MM. J. Lejeune, ministre
d'État, ancien ministre de la Justice, Comte de Mérode-Westertoo, séna-
teur, ancien ministre des Affaires Étrangères, V. Begerem, membre de
la Chambre des Représentants, ancien ministre de la Justice, Petit de
Thozée, gouverneur de la province de Liège. Frédégand Gogels, gouver-
neur de la province d'Anvers, Jan van Rijswijck, bourgmestre de la ville
d'Anvers.
82 VARIA.
que l'asile fermé est seul capable de leur fournir. Aussi ces refuges
ne se comptent-ils plus; on en construit de nouveaux tous les jours.
L'on agrandit ceux qui existent; on les modifie dans leur forme
extérieure : on construit des quartiers indépendants, des cottages,
des fermes-asiles, des colonies de travail. Le régime intérieur a été
adouci : on donne aux malades des occupations, des distractions,
des fêtes, un plus grand degré de liberté, des sorties à litre d'essai ;
pour quelques-uns mêmes les portes restent ouvertes. Ce sont là
les signes d'une louable tendance à se rapprocher de la vie sociale.
Gheel, où des centaines de malades jouissent depuis des siècles
de la liberté et de la vie de famille, Gheel fut considéré longtemps
comme une simple curiosité, un singulier village.
L'exemple de l'Ecosse, qui applique depuis de longues années
l'assistance familiale à de nombreux malades, ne trouva pas d'imi-
tateurs. Une croisade passionnée, dont le docteur Baron Mundy
fut le Pierre l'Ermite, ne réussit pas à fixer d'une manière durable
l'attention des médecins et des administrateurs, et l'internement
des aliénés resta la règle générale.
Le flot de la folie montant toujours, on se trouva, en face de
l'encombrement général, avec tous ses inconvénients. 11 fallut s'im-
poser de nouveaux efforts. Les dépenses augmentaient, menaçant
l'équilibre des budgets.
On finit par se dire qu'il y a des malades qui ne sont pas dan-
gereux, qui n'ont besoin ni d'un traitement, ni de soins spéciaux,
et qui ne demandent qu'a vivre dans la société. Depuis vingt ans,
des essais d'application du patronage familial se font un peu partout.
La Belgique a reproduit à Lierneux le modèle de la colonie de
Clicel ; la Russie est depuis longtemps ralliée au système ; la France
a fondé les colonies de Dun-sur-Auron et d'Ainay-le-Chateau; la
Prusse construit des Asiles spéciaux auxquels elle annexe des
colonies; des pays limitrophes se préparent à l'imiter ; l'Autriche
a mis pratiquement ce système à l'étude; la Ilollamle entre, timi-
dement encore, dans la voie, et l'Amérique du Nord continue des
expériences qui sefont dans les conditions les plus désavantageuses.
Le patronage familial des aliénés fait donc sa trouée ; il prend
la place à laquelle il adroit comme mode particulier d'assistance.
C'est bien le moment de provoquer une réunion de tous ceux qui
s'intéressent à la question.
On pourrait croire que le sujet est trop restreint pour fournir delà
matière aux discussions d'un congrès spécial; mais ses limites sont
plus étendues qu'on pourrait se l'imaginer. Quelle est la valeur de
* l'assistance familiale au point de vue scientifique, humanitaire,
financier ? Quels sont les malades appelés à en bénéficier ? Comment
doit-on s'y prendre pour fonder, pour organiser administrative-
ment, scientifiquement de nouvelles colonies ? Où trouver, comment
former les populations qui se chargeront de soigner les aliénés ?
VARIA. 283
L'assistance familiale embrasse aussi les malades qui sont soi-
gnés dans leurs propres familles avec ou sans surveillance des
autorités. Car, s'il y a certainement des aliénés qu'on enferme sans
nécessité, il y en a dont l'internement est désirable. Ce côté de la
question intéresse non seulement les familles elles-mêmes, mais
aussi les législateurs et les autorités judiciaires ; c'est le cas, par
exemple, pour la Belgique, où les juges de paix ont à visiter les
aliénés séquestrés à domicile dans leurs cantons. `
Il est impossible d'examiner le régime des colonies sans toucher
directement au régime des asiles fermés. C'est pour cette raison
que la commission organisatrice s'est cru autorisée à étendre le
programme du congrès. Tout en portant spécialement son atten-
tion sur l'assistance familiale, elle n'a voulu exclure aucune des
questions qui peuvent intéresser l'assistance des aliénés en gé-
néral.
L'utilité de notre congrès ressort donc du son actualité, ainsi que
du nombre et de l'importance des questions que soulève l'étude du
patronnage familial ; aussi espérons-nous que les médecins en géné-
ral, les hommes de loi, les philanthropes, assisteront en grand
nombre à ces assises consacrées à l'étude des intérêts les plus éle-
vés de la science et de l'humanité. 11 ne s'agit pas d'établir la supé-
riorité de tel ou tel système, mais de prendre partout ce qu'il y a
de bon et d'en faire profiter les aliénés. -
Le comité d'organisation.
Les Aliénés EN liberté. -
Tué par un /OK dans un train. Un crime a été commis dans
le train express de Paris à Lille, parti hier soir de Paris,à huit
heures. Plusieurs voyageurs avaient pris place dans un wagon de
20 classe à couloir. Parmi ces voyageurs se trouvaient un M. Four-
nier, avoué à Bétliune, accompagné de sa femme, et un individu
paraissant ne pas jouir de ses facultés intellectuelles.
. Les deux hommes se trouvaient dans le couloir du wagon, lors-
que, à un moment donné, aux environs d'Albert, M. Fournier
voulut aller rejoindre des amis dans un compartiment. Le fou
l'empêcha de passer. M. Fournier insista. Alors le fou sortit un
revolver de sa poche et tira à bout portant sur son interlocuteur
qui, atteint à la tête, tomba foudroyé. Les autres voyageurs se pré-
cipitèrent et désarmèrent le meurtrier. (Le Temps, 2î niai,1902.)
Un /'ou à l'Elysée. Hier soir, à six heures, au moment où le
président de la République allait rentrer à l'Elysée, un individu
qui venait de franchir la grille du palais présidentiel fut arrêté par
les gardiens : : -Je veux, leur dit-il, présenter un placet àDI. Loubet.
Conduit au commissariat de police de la rue d'Astorg, cet indi-
284 ' VARIA. ,
vidu, qui paraissait très exalté, a déclaré se nommer Léonard
Blanc, âgé de quarante-deux ans, demeurant 4, impasse Maubert.
Ancien employé révoqué de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerra-
née, il voulait, disait-il, obtenir justice du chef de l'Etat. M. Be-
louino, commissaire de police, a fait conduire Blanc à l'infirmerie
spéciale du Dépôt. (Le Temps, du zig mai 1902.) ·
Rue de Rome, la dame Neukery, quarante ans, atteinte de
folie, a tout brisé dans sa chambre et après avoir mis le feu s'est
pendue. On a éteint rapidement l'incendie, mais la pauvre folle est
morte. (Le Bonhomme Normand du 27 septembre au 3 octobre 1901).
Une séquestration. On mande de Tarbes : le parquet de Ba-
gnères-de-Bigorre vient de se transporter à Devèze, près Castelnau-
Magnoac, où depuis dix ans une pauvre folle, Armandine Sabathie,
âgée de quarante ans, vit dans son ht enchaînée. Elle déclare
avoir été ainsi torturée par sa soeur et son beau-frère. Une fois elle
avait voulu vainement briser son attache, une grosse chaine à boeufs
solidement fixée à un poteau près du lit ; depuis elle souffrait sans
se plaindre. D'après l'examen médical, cette malheureuse séques-
trée serait une hystérique inoffensive. (Le Temps, 9 juin 1902.)
Empoisonnements multiples par une aliénée. On mande de
Narbonne, qu'une femme rrauconal, de Montredon, qui avait
perdu la raison à la suite d'un accident dans lequel un de ses
enfants, âgé de quatre ans, avait été écrasé par une charrette, a
versé du poison dans la soupe que devait consommer la famille.
Elle est morte ainsi qu'une de ses fillettes; son mari et un autre
enfant sont dans un état désespéré; on conserve quelque espoir de
sauver une cinquième victime. (Le Temps du 5 mars 1902.
Comzeville-szz·-Ilisle. Incendie. Lundi, vers deux heures
du matin, le feu s'est déclaré dans une chaumière située au
hameau du Bocage, commune de Corneville-sur-Itisle, et apparte-
nant à 11m veuve Postel. Cette chaumière était habitée par une
pauvre fille, Séraphine Renard, âgée de cinquante-cinq ans, con-
nue dans le pays sous le surnom de La Fouette, parce qu'elle avait
depuis longtemps perdu la raison et était atteinte d'une folie douce
et inoffensive. Cette infortunée recevait des secours de la commune
qui assurait son logement; mais elle vivait surtout de la charité
des voisins. Elle avait l'habitude de passer une partie des nuits
dehors, errant dans les champs et ramassant quelques provisions
ou du bois. Par pitié, on fermait les yeux sur ces maraudages
insignifiants.
On suppose qu'au retour d'une de ces tournées nocturnes, la
pauvre lille aura allumé du feu pour se réchauffer et se sécher.
Du bois, entassé dans le grenier, se sera enflammé par suite d'une
fissure de la cheminée, et la chaumière, en quelques instants, a
VARIA. 285 5
été complètement embrasée. La fille Renard n'a pas reparu ; on
craint qu'elle n'ait été surprise et que son cadavre ne soit enseveli
sous les décombre. (Progrès de l'Eiii,e, 7 mars 1902).
Ce fait s'ajoute à ceux que nous avons publiés pour mon-
trer les dangers de laisser sans surveillance les aliénés même
inoffensifs. Cette malheureuse, isolée, aurait dû être placée
à l'asile d'Évreux, où l'on trouve des places pour les aliénés
de la Seine et non pour les aliénés du département même.
Le nommé Jean Minodier, tanneur à Annonay, route de Levert,
a été pris le 19 février d'un accès de folie furieuse et s'est jeté sur sa
femme, qui se trouvait près du berceau de leur jeune enfant, âgé
de trois mois. Après avoir assommé la malheureuse d'un coup de
massue, Minodier s'est porté à la gorge plusieurs coups de rasoir,
puis s'est jeté par une fenêtre du deuxième étage dans la rue.
Minodier donnait depuis quelque temps des signes de dérangements
cérébraux et avait dû cesser tout travail. Sa femme, âgée de trente-
six ans, était depuis quelques jours en traitement à l'hôpital à la
suite de ses couches.
Hier soir Minodier, alla chercher sa femme à l'hôpital et ils ren-
trèrent ensemble à leur domicile. Vers six heures, les voisins
entendirent des coups sourds qui provenaient du logement des
époux Minotier. En même temps, l'ainé des enfants sortait, en
disant : Je crois que papa vient de tuer maman.
On alla chercher la police. Dans la cuisine une large trace de sang
allait jusqu'à la porte de la chambre à coucher. Sur la table, une
bouteille de vin et des verres témoignaient que les époux Minodier
avaient dû boire ensemble.
Dans la chambre à coucher, la femme Minodier était étendue
sur le lit, le crâne fracassé en plusieurs endroits ; elle avait été frap-
pée avec un marteau qu'on a rétrouvé-au milieu de la chambre.
Sur le parquet, Minodier gisait dans une mare de sang, ayant une
large blessure au cou, faite avec un rasoir. Quand la police entra,
le meurtrier se releva et, ouvrant la fenêtre, se précipita du deu-
xième étage dans la rue. Un fil téléphonique amortit sa chute et
Minodier ne se fit que des blessures légères en tombant sur le sol,
Les deux blessés ont été transportés à l'hôpital, où la femme Mi-"
nodier est morte ce matin. (Le Temps du 21 février 1902.)
, Drames DE l'alcoolisme.
Jean Talbot, cinquante-sept ans, garde particulier à Yseure
(Allier), a tiré, étant ivre, un coup de fusil sur sa femme qu'il a
atteinte grièvement, puis il a voulu tuer, d'un coup de couteau, sa
fillette de onze ans que des voisins ont sauvée. (Bonhomme Normand
du 12 au 18 juillet.)
286 VARIA.
Une brûle. Il y a quelques jours le nomme Louis Trémois,
vingt-huit ans, cultivateur à Manneviile-la-Raoult, près Honfleur,
se trouvait, étant ivre, chez la dame Maillard, cultivatrice au même
lieu. A la suite d'une discussion, Trémois sortit dans la cour, sai-
sit un âne qui s'y trouvait et lui enfonça les doigts dans les orbites
avec une telle, force que le malheureux animal est aujourd'hui
aveugle. Plainte a été portée (Bonhomme normand, du 8 et 14 août).
Nous avons observé un idiot qui plaçant ses doigts en fourche,
les enfonça dans lès orbites d'un infirmier qui perdit l'un des
yeux. Il appelait cela faire la fourche.
A Cannes, un Italien, Voila Dalmasso, se trouvant en état
d'ivresse, a allumé une cartouche de dynamite dans la cour de la
maison Giraud, habitée par 100 personnes. L'explosion a brisé
toutes les vitres de la maison, causant un vif émoi. Une deuxième
cartouche plus forte, et qui était déjà allumée, put être éteinte.
Dalmasso, qui a pris la fuite, est recherché. (Indicateur de Cognac,
du 23 mars 1902.
LE jubilé DE KitAFFT-EliING A Vienne.
Mardi dernier, 11 mars, on a fêté à Vienne le trentième anniver-
saire de professorat du célèbre psychiatre Krafft-Ebing qui le
même jour a quitté la carrière professorale. Son ouvrage la Psy-
chopathie sexuelle est classique; il se traduit dans toutes les langues,
il en est à sa onzième édition allemande. Krafft-Ebing s'est en
effet surtout adonné à l'étude des perversions sexuelles d'origine
psychiques, il a jeté dans ce domaine autrefois obscur une vive
lumière. Et là comme partout, la science a fait oeuvre de bonté : -.
elle a brisé les chaînes dont on accablait les fous; elle a délivré de-
l'opprobre les criminels irresponsables; elle a fait justice des châ-
timents infligés autrefois aux syphilitiques ; elle lève, grâce à
Kren't-Ebing, l'opprobre qui pèse sur les pervertis sexuels, montrant
en eux des malades. Moins de châtiments, plus de traitement
et plus de pitié, telle est l'oeuvre bienfaisante de la science médi-
cale partout où elle passe.
Krafft-Ebing est un clinicien et un orateur remarquables : son '
habileté à interroger les aliénés, la facilité avec laquelle, par la
seule persuasion, il provoque les confidences de ceux qui jusqu'alors
ont résisté à tous les interrogatoires, sont extraordinaires. Il a
formé nombre d'élèves éminents. Ceux qui l'ont entendu gardent
de son enseignement un souvenir inoubliable. (Journal d'accouche-
ments, de Liège, 30 mars 1902.)
, LES aliénés dans les familles.
Sous ce titre : Dix-sept aiis clans une cage, le Réveil du Dauphine
publie le fait suivant d'après une dépêche de Stockolm du 2 août :
FAITS DIVERS. 287
En Suède, où le nombre des maisons de santé est très restreint,
on a l'habitude de placer des aliénés en pension chez des familles
qui habitent la campagne. Cet usage a bien des inconvénients.
A Ualsland, les autorités ont, par hasard, découvert une pay-
sanne aliénée qui, depuis dix-sept ans, était enfermée dans une
vaste cage faite de palissades en bois. On ne lui permettait même
pas d'en sortir pour une courte promenade. La pauvre malade est
mariée, appartient à une famille qui vit dans l'aisance et qui
l'avait placée en pension chez ces tortionnaires. La justice ouvert
une enquête. - '
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Nominations et le D'BEtr ? r,
directeur médecin à Breuty (Charente) promu à la classe excep-
tionnelle du cadre à dater du ler octobre 1902. M. le De Mignot,
chef de clinique de pathologie mentale et des maladies de l'encé-
phale à la Faculté de médecine de Paris est nommé médecin-adjoint
à l'asile d'aliénés d'Auxerre en remplacement de M. le D'' Bonne,
nommé à t3raqueville (Haute-Garonne), poste créé.M. le DrToY,
médecin-adjoint à l'asile de Braqneville (Ilaute-Garonne), est promu
à la classe exceptionnelle du cadre. M. le Dr Ameline, médecin-
adjoint (concours de Paris) nommé médecin-adjoint) à la colonie
familiale de Dun-sur-Auron (Cher) poste créé. Arrêté du 23 août
1902. 1° M. le Dr Ameline, médecin-adjoint à la colonie familiale
de Uun-sur-Auron (Cher) est nommé à la 2° classe du cadre.
2° M. le D JAcQuiN, médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de
Bordeaux, est promu à la ire classe du cadre à partir du le, no-
vembre 1902.
Asile D ? 1,FNÇOK. Avis. Une place d'interne sera
vacante le 1er septembre 1902, à l'Asile public d'aliénés d'Alençon.
Maximum de scolarité : 12 inscriptions de doctorat. Avantages :
800 francs, logement, nourriture, chauffage, éclairage, blanchis-
sage. Adresser les demandes au Dr Anglade, directeur, médecin en
chef.
Un sorcier maltrahé. Le nommé Bertrand, cantonnier à
Beauvais (Tarn), passait pour sorcieret jeteur de sort. L'autre soir,
comme il était à sa fenêtre, un coup de fusil chargé de plomb fut
tiré sur lui et il fut atteint dans le flanc gauche. Son état est
grave. On a arrêté un nommé Lauzéral, qui avait reproché plu-
sieurs fois à Bertrand de lui avoir jeté un sort. (Le Bonhomme
Normand du 17 juillet 1902),
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Armand. Nécessité de créer des hôpitaux d'aliénés curables et de
délirants. In-8" de 66 pages. 1' : IlefrancUe. 1902.
CL.1D0. Diagnostic gynécologique, oganes génitaux cl mamelles.
In-18" de 823 pages avec 109 figures. Prix : G francs.
CUYER (Ed.). La mimique. In-180 de 36G pages avec Ta figures.
Prix : 1 francs. Doin, édit. -
Dé.ierine (J.). dzzcclomie des centres nerveux, t. II. Grand in-S de
730 pages. Prix : 32 francs. J. Rueff, édit.
Dieiil. Zum sluclizrnc-cler merkfaViigheit. In 8° de 40 pages. Prix :
1 fr.2ô. Berlin 1902. Karger édit. -
M : 1SS0\'ITG. tM hinclesaller. In-8 de 32 pages, Prix :
1 franc. Berlin, 1902, Karger édit.
L.111SL.1US V. Varady. Unlersuchungen M&cr den oculopupillaren
sensiblezz Reflex. h]-8 de 12 pages. Extrait du Wiener laliztisctrect TI'oc-
/teMc/<n77. Wien, 1902. ,
Malapert (P.). Le caaclère. In-18" de 300 pages. Prix : 4 francs.
Doin, édit. , -
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Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evreux, Cil. Hébissby, imp. - 9-1902.
Vol. XIV. `Octobre 1902. - No 82.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Infirmerie spéciale. Service DE M. Paul GAUNIER
Contribution à l'étude de la folie communiquée
- et simultanée ;
Par \I11. GULIItD et de CLÉR : 11L3AULT,
Internes du service.
I. La question de la folie à deux ou folie communiquée fut
étudiée pour la première fois par Legrand du Saulle, dans
son traité du Délire des persécutions1, sous ce titre : « Idées
de persécution .communiquées ou délire à deux et à trois
personnes. »
« Dans tous les cas de véritable délire communiqué, dit
Legrand du Saulle, et alors que les deux malades sont en
traitement, le médecin peut remarquer que l'un domine
l'autre, que celui-ci n'est que l'écho de celui-là, que le pre-
mier est intelligent, et que le second est moins bien doué.
L'un est le persécuté actif, l'autre le persécuté passif. Isolez-
les, traitez-les, faites qu'ils ne se voient ni se s'écrivent, le
premier fera tous les jours un pas vers l'incurabilité, le
second marchera résolument vers la guérison. »
Quelques années plus tard, MM. Falret et Lasègue consa-
crèrent un mémoire à l'étude de la folie communiquée 2.
Voici leurs conclusions :
10 Dans les conditions ordinaires, la contagion de la folie n'a
pas lieu d'un aliéné à un individu sain d'esprit, de même que la
' Legrand du Saulle. Du délire des persécutions, ch. vi, 1871.
s Lesègue et Falret. La folie à deux ou folie communiquée (Archives
générales de médecine, septembre 1877).
Archives, 2- série, t. XIV. 19
290 CLINIQUE. MENTALE.
contagion des idées délirantes est très rare d'un aliéné à un autre
aliéné.
2° La contagion delà folie n'est possible que dans des conditions
exceptionnelles que nous.venons d'étudier sous le nom de folie à
deux.
3° Ces conditions spéciales peuvent être résumés ainsi : a. Dans
la folie à deux, l'un des deux individus est l'élément actif; plus
intelligent que l'autre,' il crée le délire et l'impose progressivement
au second qui constitue l'élément passif. Celui-ci résiste d'abord,
puis subit peu à peu la pression de son congénère tout en réagis-
sant à son tour sur lui, dans une certaine mesure, pour rectifier,
amender et coordonner le délire, qui leur devient alors commun
et qu'ils répètent à tout venant, dans les mêmes termes et d'une
façon presque identique. -
6. Pour que ce travail intellectuel puisse s'accomplir parallèle-
ment dans deux esprits différents, il faut que ces deux individus
vivent pendant longtemps, absolument d'une vie commune, dans
le'même milieu, partageant le même mode d'existence, les mêmes
senliments, les mêmes intérêts, les mêmes craintes et les mêmes
espérances, et en dehors de toute autre influence extérieure.
c. La troisième condition pour que la contagion du délire soit
possible c'est que ce délire ait un caractère de vraisemblance;
qu'il se maintienne dans les limites du possible; qu'il repose sur
des faits survenus dans le passé, ou sur des craintes et des espé-
rances conçues pour l'avenir. Cette condition de vraisemblance
seule le rend communicable d'un individu à un autre et permet à
la conviction de l'un 'de s'implanter dans l'esprit de l'autre.
4° La folie à deux se produit toujours dans les conditions ci-
dessus indiquées. Toutes les observations présentent des carac-
tères très analogues, sinon presque identiques, chez l'homme et
chez la femme, comme chez l'enfant, l'adulte et le vieillard.
50 Cette variété de la folie est plus fréquente chez la femme,
mais on l'observe aussi chez l'homme.
6° On pourrait faire intervenir dans sa production l'hérédité,
comme cause prédisposante, lorsqu'il s'agit de deux personnes
appartenant à la même famille ; mais cette cause ne peut plus être
invoquée dans les cas -où il n'existe aucun lien de parenté, par
exemple lorsque la maladie se produit entre le mari et la femme.
7° L'indication thérapeutique principale consiste à séparer l'un
de l'autre les deux malades. Il arrive alors que l'un des deux peut
guérir, surtout le second, quand il est privé du point d'appui de
celui qui lui a communiqué le délire.
8° Dans la plupart des cas, le second malade est moins forte-
ment atteint que le premier. Il peut même quelquefois être consi-
déré comme ayant subi une simple pression passagère.et comme
n'étant pas aliéné, dans le sens social et légal du'mot. Il n'a pas
ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUEE ET SIMULTANÉE 291
alors besoin d'être séquestré, tandis que l'on fait enfermer son
congénère. 1
9° Dans quelques cas rares, la pression morale exercée par un
aliéné sur un autre individu plus faible que lui peut s'étendre à
une troisième personne ou même, dans une mesure plus faible, à
quelques personnages de l'entourage. Mais il suffît alors presque
toujours de soustraire l'aliéné actif à ce milieu qu'il a influencé à
divers degrés pour que l'entourage abandonne peu à peu les idées
fausses qui lui avaient été communiqués.
Tout en adoptant les conclusions de Lasègue et Falret,
Baillarger fit remarquer qu'il y avait lieu de distinguer les
cas de véritable folie communiquée « de ceux beaucoup plus
fréquents où des gens faibles d'esprit, et vivant avec un
aliéné, finissent par se laisser persuader et croire à la réa-
lité de ses hallucinations ou de ses conceptions maladives,
sans toutefois devenir aliénés eux-mêmes, c'est-à-dire sans
présenter aucun symptôme de délire et sans commettre
aucun acte imputable à l'aliénation 1 ».
Etendant l'idée de Baillarger, M. Régis constitue un
groupe à part de tous ces cas dans lesquels, dit-il, « un
aliéné fait partager ses conceptions délirantes à une ou
plusieurs personnes de son entourage, sans que celles-ci
puissent être considérées comme réellement atteintes de
folie. »
Il y a communication des idées délirantes d'un sujet à
l'autre. Il faut pour cela : a. Qu'un individu jouisse norma-
lement sur un autre individu d'une autorité intellectuelle et
morale incontestable. Aussi le sujet passif est-il le plus sou-
vent un enfant, un faible d'esprit, un domestique ou un
vieillard, une personne naïve ou crédule; b. Que ces deux
individus vivent en contact plus ou moins prolongé : celle
condition n'est point indispensable, pas plus que l'hérédité,
chez l'un ou l'autre sujet ; c. Que l'organe actif devenu
aliéné communique une partie de son délire à l'organe pas-
sif. Ce délire, pour être transmis, doit avoir un caractère de
vraisemblance qui s'impose. Mais entre ces deux sujets
existe toujours une ligne de démarcation infranchissable.
L'un est fou, au sens social et légal du mot, l'autre ne l'est
13,tillaiger. Société médico-psychologique, 30 juin et 28 juillet 1873
et Recherches sur les maladies mentales, t. I, p. 557. Quelques exemples
de folie communiquée, 1890.
292 CLINIQUE MENTALE. ,
pas. Enfin l'organe passif ne tarde pas à se débarrasser de
ses idées fausses dès qu'il se trouve soustrait à l'influence
de celui qui les lui avait communiquées. Telle est la folie
communiquée. Dans un second groupe, M. Régis range les
cas où il y a non pas communication mais simultanéité du
délire chez les deux sujets, sans que l'un soit actif, l'autre
passif. Ces cas se résument ainsi : ,
a) Deux individus sont héréditaires, c'est-à-dire prédisposés à
la folie; b) Ils vivent en contact intime et perpétuel; c) Des
influences occasionnelles surviennent qui, agissant à la fois, au
même moment et de la même façon sur ces deux individus, les
rendent fous simultanément ; d) Ils sont ordinairement atteints
au même degré. Ils ont exactement le même délire, les mêmes
hallucinations, le même langage pathologique; e) La sépara-
tion n'a généralement aucune influence heureuse sur leur état
mental.
Telle est la folie simultanée 1. La distinction faite par
M. Régis est très importante, mais quand on lit attentive-
ment les observations publiées, on s'aperçoit que les unes
se rapportent entièrement à l'un ou à l'autre des deux
groupes établis, tandis que les autres s'écartent plus ou
moins du type décrit, par un certain nombre de variantes
qui en font des cas intermédiaires, des cas de transition.
Quand, par exemple, il s'agit bien réellement d'un délire
communiqué, le sujet passif peut ne pas rester un simple
crédule, mais devenir un aliéné : il peut ne pas guérir,
même séparé de son compagnon ; les idées délirantes qu'il
accepte avec leurs réactions morbides, qu'il fait siennes et
qu'il défend avec conviction, ne changent pas de nature par
ce seul fait qu'il ne les a pas puisées dans son propre fonds.
Enlevons l'agent provocateur (l'élément actif), le délire
reste, et peut-on dire que ce n'est pas un délire parce qu'il
"a été communiqué ? La vraisemblance du délire, condition
importante pour sa transmission, ne prouve point que ce
délire n'ait des racines profondes, d'autant plus profondes
mêmes qu'il est plus vraisemblable.
Le véritable critérium est dans l'évolution du délire, et-
dans la constitution névropathique 2, dans la prédisposition,
' Régis, thèse, Paris, 1880.
larancloii de llontyel. Des conditions de la contagion mentale mor-
bide (Ann. nécl.-psycJe., 1894, p. zig et 487).
ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 293
héréditaire ou acquise, du sujet passif qui sera tantôt un
simple crédule bientôt guéri, tantôt un aliéné incurable,
suivant sa résistance cérébrale et l'ascendant de son parte-
naire.
Baillarger avait bien vu ces cas quand il dit 1 : « Je crois
utile de faire remarquer les liens très étroits qui unissent
souvent ces deux ordres de faits. Le malade commence par
faire accepter ses conceptions délirantes comme vraies par
le parent avec lequel il vit en étroite communauté d'idées et
de sentiments ; jusque-là il n'y a qu'un fait de crédulité,
mais les conséquences de l'idée fausse ne tardent pas à se
produire. »
Cette distinction apparaît aussi dans les conclusions de
Lasègue et Falret que nous avons reproduites. M. Régis lui-
même la reconnaît : « Est-ce à dire qu'il (le sujet passif) ne
puisse pas devenir aliéné et que cette espèce de baptême
pathologique qu'il a reçu lui confère une immunité défini-
tive à l'égard de la folie ? Ce serait une erreur de le penser.
Bien au contraire, cette fréquentation d'un aliéné au contact
duquel il a laissé une partie de sa raison lui crée certaine-
ment une prédisposition fâcheuse pour l'avenir 2. » Mais,
dans tous ces cas, il s'agit ds folie communiquée.
Dans le second groupe, celui de la folie simultanée, alors
que le délire est éclos en même temps chez des individus
héréditaires et placés dans le même milieu, soumis aux
mêmes causes, il est impossible de trouver un sujet actif
jouissant d'une supériorité intellectuelle et morale, primiti-
vement délirant, qui transmet son délire dans les conditions
que nous avons étudiées plus haut. L'erreur des aliénistes
qui ont confondu ces cas avec la folie communiquée a été de
vouloir découvrir, malgré tout, un promoteur du délire et
de voir un rapport de succession là où il n'y a que simulta-
néité dans l'ordre chronologique : aussi a-t-on vu des malades
considérés tour à tour comme sujets actifs ou sujets passifs,
suivant le médecin qui les examine. Ceci admis, il n'en est
pas moins vrai qu'une analyse attentive permet souvent de
découvrir des différences entre les sujets, dont l'un, plus
' intelligent, sans être toutefois l'agent provocateur, dirige en
' Baillarger, loc. cil.
Régis, thèse, p. 22.
294 CLINIQUE MENTALE..
quelque sorte et soutientle délire, jouant, dans l'association,
le rôle de conducteur. C'est ce qu'a très bien exprimé
M. Régis : « Il est rare que les deux sujets soient également
héréditaires, également prédisposés, et c'est là peut-être ce
qui explique que, dans certains cas, le délire, étant malgré
tout le même ? et étant survenu simultanément, l'un des
malades réagisse plus activement que l'autre,, sous l'in-
fluence des conceptions délirantes communes. » Mais, et
c'est là le point essentiel, il s'agit toujours de folie simulta-
née.
Ces considérations vont s'éclairer à la lecture des deux
observations que nous publions ici et dont l'une concerne
un délire simultané chez les trois soeurs, ayant entraîné les
réactions les plus bizarres, l'autre un délire communiqué
par la mère à son fils.
Observation I. Folie simultanée chez trois sccuns avec prédomi-
nance de l'une d'elles dans ta conduite du délire. Idées de persé-
cution. biterprétations délirantes, Existence vagabonde dans les
hôtels et dans les fiacres.
En février 1rJ02, les trois soeur,111... Jeanne, AnnetLe et Clotilde,
(59, 56 et 48 ans) étaient conduites à un commissariat, à la suite
d'une altercation avec un cocher de fiacre qu'elles se trouvaient,
sur le moment, ne pouvoir payer. N'ayant pu justifier d'un domi-
cile actuel, elles furent envoyées au dépôt sous l'inculpation de
vagabondage; elles eurent à passer devant un magistrat au sujet
de leur dette envers le cocher, et au moment où elles pensaient
redevenir libres, elles étaient amenées toutes les trois à l'Infirme-
rie spéciale du dépôt, pour avoir déclaré devant le juge qu'elles
jouissaient d'un certain revenu, et que néammoins depuis plusieurs
mois, elles vivaient complètement errantes parce qu'il leur plaisait
de faire ainsi.
D'ailleurs, la négligence excessive de leur mise mettait la mé-
fiance en éveil. Elles étaient vêtues de robes sordides, jadis noires,
mais où les places propres faisaient taches, baillant aux coutures,
déchirées par places, rajustées avec des épingles, et fermant au
moyen d'épingles anglaises qui occupaient la place des boutons.
L'une portait un chapeau de feutre gris, d'une forme ultra sim-
ple, mais d'un diamètre excessif; les deux autres de petits cha-
peaux de crêpe, déformés, aplatis, pénétrés dépoussière et tenant
mal sur des cheveux en désordre. Leurs figures avaient une expres-
sion harassée et inquiète comme si elles venaient de faire des
lieues pour échapper à un grand danger. Rangées côte à côte,
elles formaient un trio étrange.
ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE^ ET SIMULTANÉE 295'
Interrogées, elles devenaient sympathiques par la tournure polie
de leurs réponses, par une certaine conscience de leur ridicule, et
par la franchise de leurs explications sur tous les sujets, sauf sur
un seul. Sur ce sujet même (leurs tourments communs), elles sem-
blaient se taire par dignité autant que par méfiance. La véracité
de leurs dires se faisait sensible dans la promptitude de leurs ?
réponses et dans leur concordance parfaite : elles ne semblaient'
craindre ni de se couper, ni de se contredire entre elles. Enfin,
elles affirmaient, avec un entêtement puéril, la pureté parfaite de
leurs moeurs, laquelle n'était pas en question. « Nous avons tou-
jours vécu sous la sauvegarde de nos parents : nous avons vécu
sous l'aile de notre mère. Depuis que notre mère est morte, nous
sommes toujours sorties ensemble..., nous avons toujours habile
seules..., nous pouvons passer partout la tête haute..., nous n'avons
rien à nous reprocher, et d'ailleurs on ne nous reproche rien, du
moins sous ce rapport. »
Quant au fait de leurs arrestation, elles déclarent : « Ce cocher
aurait été payé et d'ailleurs nous l'avions pris à crédit, attendu
qu'il nous connaissait. Nous n'avons pas de domicile, c'est vrai,
mais nous recevons 500 francs par mois, on ne peut* donc nous
traiter de vagabondes. Nous n'avons pas de propriétaires, mais
nous faisons gagner les cochers, c'est notre argent que nous dé-
pensons, et nous ne faisons de tort à personne. D'ailleurs le juge
nous a bien dit que notre affaire était terminée. On n'a donc plus
le droit de nous garder. Nous sommes ici par guet-apens. »
La note singulière reparaissait dans l'explosion simultanée de
certaines réponses, faites du même ton, avec une conviction égale,
identiques toujours par le fond et quelquefois même parla forme.
C'était soit l'énoncé d'un fait qu'elles se rappelaient toutes trois
ensemble, soit une exclamation jaillie d'une sensibilité commune,
celles-ci par exemple : « Nous le jurons ! Vous en avez notre
parole ! ... Nous n'avons questionné personne, nous n'avons rien
dit à personne... Vous êtes les premiers à le savoir... C'est là le
mot ! ... Vous l'avez bien dit. »
- D'autres fois, ces mêmes phrases se suivent l'une appelant l'autre
qui la complète ; l'idée, comme un thème musical, passe d'un
instrument à un autre et se parachève dans un chorus.
Ces pensées, ces formules semblables étaient à- elles seules un
indice d'une longue idéation commune, et sans doute d'un délire
commun. C'était le cas; mais comme leur délire faisait suite à des
pensées justes qu'elles devaient à leur situation, nous devons pour
le bien faire comprendre, raconter tout d'abord leur vie bizarre.
Leur père parait avoir été d'un caractère au moins original.
Riche et possesseur d'une usine prospère, il abandonne sa ville et
change de profession : fabricant de soieries en province, il devient
296 , CLINIQUE MENTALE. '
marchand de confections à Paris zig). Là encore son instabilité
se manifeste par des cessations et reprises de commerce, par des
déménagements nombreux, et par un séjour de cinq ans, avec
tentative de commerce, dans une ville de province ou rien ne l'at-
tirait. Par suite de ces fantaisies, et aussi grâce à des pertes au
jeu, sa fortune alla décroissant, ses loyers devinrent de plus en
plus modestes, et il aurait laissé en mourant une famille complè-
tement ruinée, n'eut été la dot de la mère qu'il n'avait pas pu
entamer (1890).
La mère semble avoir eu plus de stabilité. Toutefois son pre-
mier acte, à la mort du mari, était de liquider son commerce pour
en expérimenter un nouveau, alors que ses rentes, huit ou dix
mille francs, lui permettaient de vivre désormais avec ses filles
sans inquiélude.
Mais si sa direction, en matière pécunière, était sujette à criti-
ques, du moins sa présence au point de vue moral, était d'un prix
inestimable. D'abord, par sa gestion des fonds, elle les dispensait
des soucis qu'elles auraient eu en se ruinant elles-mêmes; puis,
elle leur créait un emploi du temps et leur épargnait les angoisses
de l'initiative.
De la résultait une sorte de comfort moral dont nulle ne voulut
se séparer, ni en consentant au mariage, ni en entrant comme
employée dans une maison de commerce, ce qu'une d'elles pour-
tant avait déjà fait lorsque leur père vivait encore.
La mort de lenr mère (1895) en les abandonnant à elles-mêmes,
les laissa non seulement désarmées, mais encore et surtout
effrayées de leur isolement. Elles sentent que les agents d'affaires
spéculent sur leur inexpérience, elles se méfient de leurs auxi-
liaires et la moindre signature adonner les affole. En même temps
voisins et concierge commencent à exister pour elles, et devien-
nent comme un aéropage. Peut-être des maladresses, peut-être
une avarice intempestive ou bien une réserve soudaine après des
essais de relations, leur aliénèrent soudain ce menu entourage.
A ce moment, pour la première fois, elles perçoivent nettement
les railleries que leur valent leur tournure de vieilles filles. En
même temps, par découragement, elles soignent de moins en
moins leur mise. L'absence de toute personne âgée qui soit
garant de leur bonne conduite et de toute volonté d'homme prêle
à les défendre leur valent la sensation de n'être pas comme les
autres femmes.
Dans leurs inquiétudes et leurs doutes, plus d'opinion prépon-
dérante ; les hésitations s'éternisent, les appréhensions se multi-
plient, tous les doutes sont tranchés dans nu sens pessimiste. Leur
égalité apparente permet une discussion sans fin d'où ne peuvent
résulter que des alarmes et qui devient promptement délirante.
La part qui revient à chacune d'elles dans la production du
ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANEE 297
délire semble avoir été en rapport avec sa force intellectuelle et
avec son caractère propre.
Anretie il[.... cinquante-six ans. Annette, la deuxième par rang
d'âge, est manifestement la plus intelligente et aussi la plus volon-
taire. Elle se vante d'une mémoire hors ligne.
« Je sais, dit-elle, quel jour nous sommes entrées dans tel hôtel,
et quel jour nous en sommes sorties. » Elle a tenu le journal de
leur vie tant qu'elle eut une table où écrire. « Jadis je tenais un
agenda. J'étais peut-être aussi la plus perspicace. » Ses soeurs la
tiennent en haute estime, se laissent réprimander par elle et lui
passent souvent la parole. '
Elle a été, des trois, la seule indépendante. Pendant le séjour de
cinq années que ses parents ont fait en province, elle a travaillé à
Paris dans une maison de commerce. Sa soeur ainée, restée à
Paris avec elle gardait leur logement et faisait le ménage. Lors-
qu'elles restèrent seules toutes les trois c'est elle qui prit la direc-
tion de leur commerce : des deux autres, l'une faisait les courses,
l'aînée prêtait seulement son nom à l'entreprise et là encore faisait
le ménage. Lors de leurs grandes tribulations c'est elle, comme
nous le verrons, qui pousse aux actes, c'est elle qui choisit les
logements, c'est elle qui choisit les hôtels. Elle a mal choisi, il est
vrai, mais elle regrette et ne se repent pas. Elle reconnaît et elle
accepte son entière responsabilité : « J'aimai choisi; j'cai cru bien
faire. »
Elle exerce au Dépôt la même autorité. Elle défend à ses soeurs
d'écrire, de manger et de se laisser emmener à l'atelier de photo-
graphie. Séparée de ses compagnes, elle refuse d'écrire, même
quand on veut lui persuader que les autres, sur ce point, ont cédé.
Pour le fait d'écrire, elle demeure intraitable. Sur le reste, elle
cède et.fait savoir à ses soeurs qu'elles doivent, sur-le-champ,
l'imiter. La capitulation, surtout quant aux portraits, doit être con-
sidérée de sa part, comme un exemple de décision.
Lors des interrogatoires, elle se montre la plus renfermée, la
plus défiante. Elle ne parle qu'entraînée par les propos de ses
soeurs : elle ne veut pas convenir que leur père était riche. Elle
cherche à restreindre la portée de leurs dires ; elle critique leurs
idées, leurs termes.
Sa méfiance ne s'endort pas un instant. « Nous parlons, il y a
peut-être un appareil ici. Vous nous demandez d'écrire,-ce n'est pas
l'affaire d'un jour : vous voulez donc nous tenir longtemps ? » Elle
guette les mots à double entente, prête aux phrases un sens
qu'elles n'ont pas et immédiatement leur riposte. HUe ne cache
d'ailleurs pas ses rancunes : elle interdit à ses soeurs de répondre,
désormais, à tel ou tel. ,
Son attitude même est typique ; assise, elle se plie sur elle-même,
298 CLINIQUE MENTALE.
non pas se reposant, mais tout le corps visiblement tendu. La tête
baissée, cachant sous ses sourcils un regard qui ne cesse pas un
instant de nous suivre, elle ressemble à une bête traquée. En même
temps elle écoute ses soeurs, regrettant de ne pouvoir modérer leur
expansion elle ne parle que pour rectifier, pour compléter, pour
confirmer, et sur tous les points de l'auditoire.elle surveille l'effet
des paroles. '
De son aveu et de l'aveu de ses soeurs, c'est elle qui a provoqué
et qui a conduit le délire. D'ailleurs, Anuette nous dit elle-même :
« J'ai toujours été la plus perspicace. » C'est elle qui propose et.
prépare les actes, c'est elle, aux jours de leur déroule, qui choisit
les refuges successifs, logements, hôtels et le reste, et même ce
refuge définitif - mais qu'elle propose en vain -, le suicide !
Dans les voitures, la nuit, elle veille, tandis que la plus jeune
s'endort de bon cceur et que l'aînée somnole par lassitude. Au
Dépôt, elle est la première à suspecter toutes les personnes qu'elles.
considèrent ensuite comme des ennemies : le juge, l'aumônier, un
interne, et enfin la femme qui les fouille conformément au
règlement.
Tandis que la plus jeune soeur apporte au commun délire le
secours intermittent de son imagination et tandis que leur soeur
aînée accepte toute pensée conçue par elles deux, Annette repré-
sente dans l'association la permanence de la méfiance et la conti-
nuité dans l'action..
Clotilde 31..., quarante-huit ans. Clotilde, de dix ans la plus
jeune, et qui paraît avoir été, au temps jadis, la plus gracieuse, fut
élevée en enfant gâtée. Ses parents l'emmenèrent avec eux, lors de
leur séjour en province et sa plus grande occupation a toujours été
la lecture. De là une imagination vive et une élocution aisée. C'est
elle qui, cherchant dans les livres une diversion à leurs tourments,
y trouve une explication fantastique. Animée de sentiments
sociables, lors de leur essai commercial elle se charge des allées et.
venues, des visites et des pourparlers. C'est elle qui tient le plus à
la vie et qui repousse toute idée de suicide. C'est elle dont la toi-
lette est le moins ridicule : après dix-huit mois de désarroi elle a
conservé sa ceinture, un chapeau de forme reconnaissable et même
un ornement d'argent. Elle ne s'occupe pas du ménage; elle gour-
mande sa soeur la plus vieille ; toutefois, dans les cas importants,
elle se montre, même envers celle-ci, soit obéissante; soit respec-
tueuse. Ainsi, elle cède à son aînée l'honneur de signer et. d'écrire,
celui de veiller leur soeur malade. Au Dépôt, elle dit : « J'écrirai si
Annetle écrit » ; et lorsqu'on montait en voiture, elle cédait à ses
deux aînées les deux places les plus confortables.
Par exemple, une fois enti aînée, elle ne leur laisse pas la parole.
Dans son zèle, elle gronde ,sa soeur Jeanne de ne pas dire toute la
ETUDE DE LA. FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 299
vérité. « Tu ne t'appelles pas Jeanne, mais Jeanne-Louise. Dis-le ;
à quoi bon t'en cacher ! » -
Son apport dans le délire commun semble avoir consisté en des
éclairs d'imagination et une aptitude émotive, intermittente comme
ses trouvailles. C'est elle qui découvre le secret des castors dont
nous parlerons tout à l'heure : elle imagine peut-être certains
moyens de défense, mais qui, certainement, sans Annette, n'auraient
pas été appliqués. La nuit, elle fait monter ses soeurs dans les voi-
tures, mais aussitôt montées elle dort. Par contre, sa nature émo-
tive, en recevant les idées d'Annette, les lui restitue, plus
intenses.
Jeanne il/..., cinquante-neuf ans. Nous parlons, en dernier lieu,
de l'aînée, parce qu'elle est la plus effacée. Sa seule note person-
nelle consiste dans un parti pris de dignité. C'est elle qui met le
plus d'insistance à affirmer leur honnêteté. Elle sait la valeur de
son droit d'aînesse, elle a pris les baux en son nom, elle accepte
d'écrire parce qu'elle est l'aînée, enfin dans la notion de son rôle,
elle peut puiser, comme on le verra, une énergie momentanée. Mais,
en temps ordinaire, c'est une volonté molle, que ne soutient d'ail-
leurs nul jugement. On ne cite aucune idée venue d'elle. Devant
nous, elle demeure silencieuse par inactivité d'esprit. Son attitude
est affaissée ; sa tête, ses paupières, sa bouche tombent : toute sa
face est vide de pensées. Par moment, elle regarde ses soeurs comme
attendant d'elles un signal. Son refus de parler ne procède d'aucun
calcul ; elle préfère seulement ne pas se souvenir. Isolée, elle parle
la première; seule des trois, elle accepte d'écrire et quand elle
apprend qu'on l'a jouée, elle reste sans rancune, hésitante entre
ses soeurs qui la gourmandent et l'interne qui la félicite. Ses soeurs
la regardent presque comme une mimes habens. Elles lui faisaient
faire le ménage; elles ne l'ont pas laissée se mêler de leur com-
merce. Elles ont voulu seulement qu'en qualité d'aînée, elle eût Pair
de les diriger. Elles nous disent carrément devant elle : « Vous avez
abusé de sa faiblesse. Vous saviez à qui vous parliez ».
C'est, au total, une personne neutre, toujours prête à croire et à
suivre : mais aussi aucune conviction ne pénètre en elle profon-
dément.
Voici, dans sa forme dialoguée, le compte rendu de leur
interrogatoire :
« La foule parisienne nous insulte. C'est effrayant d'être dehors.
On sait sur nous des choses que nous ne connaissons pas. Tout
vient de la maison de la rue Caulaincourt et de la maison delarue
Letort.
A la mort de notre pauvre mère nous nous sommes réfugiées
dans une affection mutuelle. Nous avons continué d'habiter l'ap-
300 CLINIQUE MENTALE.
partement où elle est morte, en reprenant le bail à notre nom.
L'aînée a signé, comme de juste. Nous ignorions alors le genre de
la maison. En louant, nous avons cru bien faire.
« Comment nous serions-nous méfiées ? Nous avons toujours vécu
sous la sauvegarde de notre mère ; nous n'avions ni parents, ni
relations à Paris et nous ne nous sommes jamais quittées. i
« Nous avons fait, c'est vrai, une mauvaise entreprise. Nous
avons perdu 30.000 francs dans un petit commerce de lingerie.
Mais nous travaillious honnêtement : nous étions dévouées les unes
pour les autres, l'argent risqué nous appartenait et nous avions
bien le droit de le perdre.
« D. « Votre père avait eu, à un moment, une grosse for-
tune ? » ·
Clotilde et Jeanne. « Oui, monsieur, une très grosse for-
'tune. »
Annette. « Non, moyenne. »
D. « Il était cependant fabricant ? »
Annette. « Il y a des fabricants à tous les prix.
D. « Quel était le genre de la rue Caulaincourt ?
D. « Nous l'ignorions, avant la mort de notre mère. Nous
avions contre nous, le propriétaire, le concierge et le reste. Le
propriétaire s'est servi du nom de Clotilde sur des actes, nous ne
savons pas lesquels. Il a fait, croyons-nous, un bail au nom de
Clotilde. Finalement il nous a expulsées : c'est de là que sont
venus tous nos malheurs. Le propriétaire, rue Letort, nous a
expulsées également au bout de neuf mois.
D. « Pourquoi expulsées ? ` ? -
R. « Demandez-le lui..
Annette. « J'ignorais le genre de la maison. C'est moi qui ai
choisi notre logement. Je me suis trompée : Je croyais bien faire.
Un jour, la concierge, rue Letort, a voulu nous obliger à recevoir
un monsieur qui venait soi-disant pour affaires. Elle nous a dit
aussi « Quand on est ce que vous êtes, on tâche de n'être pas mal-
« honnêtes. »
Clotilde. « Alors, je me suis creusé la tête pour savoir ce que
.nous pouvions être. Nous nous le sommes expliqué plus tard. On
nous faisait allusion à des choses que nous ne savions pas.
D. « Laquelle d'entre vous, la première, s'est aperçue de ces
allusions ?
R. «Aucune. Nous pensons toutes les trois les mêmes choses.
Nous pensons toutes trois en même temps.
« D'abord, depuis le siège de Paris, nous ne nous sommes jamais
séparées.
D. « Etiez-vous toujours parfaitement unies ? 2
R. « Au début, pas si unies que cela. Mais, depuis qu'on nous
rend malheureuses, nous nous entendons parfaitement.
ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE KT SIMULTANÉE 301
D. « « Vous vous êtes alarmées toutes les trois en même
temps ? -
R. « En même temps.
Clotilde. « Peut-être est-ce moi qui ai dit la première : «Tout
le monde nous en veut. » -
D. Tout le monde ? ... ce n'était pas au début. Laquelle, s'est
méfiée la première d'une personne en particulier ?
Clotilde et Jeanne {ensemble.). C'est Annette. ! Cela doit être
Annelle !
Annette. Je suis peut être la plus perspicace.
D. Comment vous êtes-vous expliquées cette hostilité géné-
rale ?
Il. - Tout le monde pourra vous le dire, sauf nous. Tout le
monde sait notre histoire, sauf nous. Le peu que nous en savons,
nous l'avons appris par intuition. Ce sont les Mémoires de
M. Gorozz qui nous ont révélé ce que nous sommes. C'est là que
Clotilde a lu que nous étions des « Castors »,
D. Qu'appelez-vous des « Castors » ? ?
R. (Chorus). Oh ! monsieur, si vous pouviez nous le dire, vous
nous rendriez bien service...
Clotilde. Pour M. Goron, les « Castors » sont des hommes
vivant dans des trous, sous le mur des fortifications. Du moins
c'est ce que j'ai cru comprendre. Il y aussi les demi-castors. J'ai lu
dans le dictionnaire : « Castor, mammifère amphibie ».
Annette. Tais-toi ! ... « Castor » c'est un emblème !
D.Emblème de quoi ? .
R. (Chorus). Nous ne savons pas ! Nous ne l'avons demandé à
personne. Peut-être avions-nous tort : nous avons cru bien
faire.
Clotilde. Vous êtes les premiers à le savoir !
Chorus. Cela, nous le jurons; vous en avez notre parole (sic).
Vous êtes les premiers à qui nous en ayons dit si long. Si vous
pouvez nous éclairer, vous nous ferez bien plaisir.
On nous traite en parias, parce que nous sommes des « Castors».
Une ligue s'est formée contre nous sans que nous sachions
par qui ni comment. C'est injuste, nous sommes venues sur terre
comme tout le monde, nous sommes légitimes.. Ce n'est pas notre
faute si nous sommes des castors. Notre père a eu le grand tort
de ne pas nous en avertir. Sur son lit de mort, nous avons vu
qu'il voulait nous dire quelque chose, mais il n'en a pas eu la
force. La concierge rue Letort le savait aussi.
Mais, voilà ! ... toujours des allusions : jamais une explication
franche...
D. Monsieur, votre père était-il aussi un « Castor » !
R. Nous ne le savons pas. Lui-même ne l'a peut-être pas très
bien su. Mais nous avons eu parla suite les preuves d'un complot
302 CLINIQUE MENTALE.
contre lui. Nous avons eu des présomptions en fouillant ensemble
ses papiers. D'abord, par les factures; on y voyait son nom écrit
de trois façons différentes. On changeait aussi ses prénoms.
Pourquoi ? ... Dans quel but ? ... Il devait le savoir...
D. A quel moment avez-vous eu les preuves d'une ligue contre
votre père ?
R. - Avant les Castors, tout au commencement. C'était encore
rue Caulaincourt, par conséquent en 1900. Nous lisions ses papiers
ensemble, dans la cuisine.
D. Pourquoi dans la cuisine ?
R. - Il y avait le gaz. Les lampes n'étaient pas toujours
prêtes.
D. Eles-vous sûres que ces fautes d'orthographe, dans votre
nom, avaient eu un but frauduleux.
R. Nous en sommes convaincues. Mais on n'a jamais la
preuve de rien dans la vie. Nous pouvons seulement supposer. Ce
qui est sûr, c'est que nous sommes des parias. Nous sommes
déplacées dans notre siècle. Nous sommes malheureuses de nais-
sance et destinées à être malheureuses toujours, lorsque nous
avons su que nous étions des Castors, nous aurions dû nous sui-
cider.
D. Aviez-vous fait une tentative ?
Annette. Non, je l'avais proposé. C'est Clotilde qui n'a pas
voulu. ' (A Suivre.)
Dans notre prochain numéro, nous raconterons l'histoire
de nos trois malades dans les hôtels et nous terminerons par
quelques remarques. '
Assistance DES idiots.
Un imbécile cettre. Dans le courant de la semaine der-
nière, une dizaine d'incendies ont successivement éclaté dans dif-
férentes communes du canton de Grisolles (Tarn-et-Garonne).
L'enquête à laquelle s'est livré le parquet de Castelsarrasin a
établi que ces sinistres étaient dus à la malveillance et qu'ils
étaient l'oeuvre d'un jeune homme de dix-sept ans, J.-M. Pages,
vivant dans sa famille. L'auteur de ces incendies est un irrespon-
sable qui n'avait jamais paru dangereux. Il assistait à tous les
désastres que sa main préparait, prêtait même secours aux vic-
times, mais profitait de ce que les habitants étaient occupés à
éteindre le feu pour aller allumer un autre incendie plus loin. Il
a créé ainsi jusqu'à cinq sinistres dans une même nuit. (Le Temps
1r août.)
RECUEIL DE FAITS.
Sur un cas de paralysie générale et d'alcoolisme;
Par MM. TRUELLE et PETIT
G..., charretier, trente-neuf ans, entré le 0 juin 1899 dans le
service de M. Magnan (Admission Asile clinique) aété arrêté sur la
voie publique en plein délire alcoolique cherchant ses chevaux et
sa voiture. Le certificat établi à l'entrée par M. Magnan porte
« alcoolisme chronique avec accès subaigu. Hallucinations mul-
tiples professionnelles. Insomnie. Tremblement des mains. Etour-
dissements, crampes dans les membres ». Voici les renseignements
fournis par une amie qui connaît le malade depuis douze ans.
Le père, alcoolique, est mort il y a trente-cinq ans d'un acci-
dent de voiture. La mèrex âgée de soixante-trois ans est bien por-
tante. Sur deux frères, l'un bien portant habite l'Amérique, l'autre
a disparu. Le malade n'a jamais eu d'enfants.
Né à terme, G... n'aurait jamais fait de maladie. Pas de syphilis
connue. Il vient à Paris à dix-sept ans comme garçon marchand
de vins; six mois après il commence le métier de camionneur.
Depuis six ans au moins, G... se grisait fréquemment, une fois
par semaine, buvant presque exclusivement du vin en grande
quantité. En 1893 il eut un accident de voiture (jambe broyée),
pour lequel il resta quatre-vingt-quinze jours à l'hôpital. Pas de
délire signalé à cette occasion.
Depuis le mois d'avril de l'année 1899, son amie constate' que
G... n'est plus le même ; il dort mal, il a la nuit des hallucinations
de la vue. Parfois il divague, disant un jour qu'il est riche, faisant
toutes sortes de projets grandioses. le lendemain affirmant qu'il
n'a pas le sou. Elle ne peut nous renseigner d'une façon positive
sur l'état de la mémoire ni sur le niveau mental exact. Jusqu'en
mai, on n'a pas remarqué de perte de connaissance, ni de troubles
moteurs. Le 22 mai, G... est ramené à la maison par un camarade
qui s'est aperçu qu'il tremblait sur sa voiture. il est valide, mais
secoué de tremblements, couvert de sueur et délirant; il a de l'ex-
citation intellectuelle, quelques idées ambitieuses « il va acheter à
sa femme des « chevaux et une voiture pour se promener. » En
même temps, la parole est embarrassée, « il avale sa langue ».'Cet
état persistant, G... entre le 26 mai à l'hôpital Saint-Antoine, où il
304 RECUEIL DE FAITS.
reste dix jours. Rentré chez lui, il divague toujours et se livre à
quelques extravagances d'apparence démentielle, comme de rap-
porter pour les faire cuire des têtes de harengs qu'il a trouvées
dans le ruisseau. C'est vingt-quatre heures après que le malade fut
arrêté dans la rue et conduit dans le service de M. Magnan.
Malgré son délire hallucinatoire, G... répond d'une façon suffi-
samment précise aux questions posées avec quelque insistance; il
ne cache pas ses habitudes alcooliques, avoue 4 litres de vin par
jour au moins, du vin blanc le matin, mais il ne prend pas d'alcool
« parce que, dit-il, on est trop vite saoul ; avec du vin au moins,
on peut boire davantage. » Il n'a pas pris deux absinthes dans sa
vie ; il ignore avoir eu des étourdissements ou des vertiges et n'ac-
cuse que des hallucinations nocturnes de la vue; il rêve à ses che-
vaux, à son métier, à ses clients. Quelques idées confuses de per-
sécution, une tendance aux idées de satisfaction il croit que c'est
son patron qui se venge de lui en le mettant ici, ou bien le cais-
sier, ou encore ses camarades, jaloux de lui voir les chevaux les
plus beaux elles plus gras.
Relativement à son arrestation, il raconte qu'il a été pris, rue
de Charenton, réclamant ses chevaux, ayant oublié qu'ils étaient
à l'écurie de la gare de Reuilly. En réalité ce jour-là son patron
n'ayant pas voulu qu'il travaille, G... est allé trouver les agents de
police pour réclamer de l'argent à son maître.
Outre les symptômes signalés dans le certificat, notons encore
une légère inégalité pupillaire, en faveur de la droite. Mais on
n'attache que peu d'importance à ce phénomène, le malade arfir-
mant qu'il a eu il y a dix ans une affection oculaire de ce côté. On
ne remarque pas à ce moment d'accrocs de la parole. Pas de stig-
mates apparents de syphilis.
Le 9 juin, G... est transféré à l'asile de Ville-Evrard dans le ser-
vice de M. le Ur Legrain qui a bien voulu nous communiquer les
renseignements suivants :
« G... est encore sous l'empire de son délire alcoolique; il a par
intermittences des exacerbations de délire avec rêvasseries profes-
sionnelles, de l'insomnie. 11 est loquace, ses propos sont souvent
'incohérents et dénotent un faible niveau mental. Tremblement des
mains et de la langue, inégalité pupillaire. Il raconte avec assez
de précision son arrestation, émettant toujous l'hypothèse d'une
vengeance possible de son patron; mais il se rend mal compte de
sa situation, se croyant en convalescence à Vincennes, disant qu'il
va aller à la mairie pour se marier avec la fiancée qui vit avec lui
depuis six ans ». *
Loin de s'améliorer dans les jours qui suivent l'entré^' l'état
mental semble plutôt s'aggraver : l'agitation et l'incohérence per-
sistent, il y a des secousses convulsives de la face et de la langue,
du tremblement. Le 12, G... a gâté au lit; le 14 on note de l'em-
SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 305
barras de la parole, la langue est sale, toujours très tremblante,
ses pupilles'inégales, dilatées, ne réagissant ni à l'accommodation,
ni à la lumière. L'acuité visuelle est normale. Le 11), l'agitation
est très grande dans la nuit; le malade a de nouveau 'gâté au lit.
Le 17 juin, à il heures du matin, G... assis dans la cour est pris
brusquement d'une attaque épileptiforme : perte de connaissance,
chute parterre, écume aux lèvres, respiration stertoreuse. Il urine
sous lui. Deuxième attaque à 4 heures. Pas de paralysie consécu-
tive. Mais jusqu'au milieu de juillet, l'excitation persiste : G... est
toujours bavard et incohérent, faisant toutes sortes de projets bi-
zarres ; il ne se rend pas compte de sa situation; les nuits sont
fréquemment agitées. Il y a toujours du tremblement, léger, mais
généralisé, les pupilles restent inégales, la droite plus grande, avec
paralysie de l'accommodation. Puis l'état s'améliore; l'agitation
décroil, mais le malade reste peu cohérent, naïf, enfantin, confiant.
En août, on l'occupe au travail des écuries et on esf assez cornent
de lui. Mais au commencement d'octobre il redevient incohérent,
confondant les objets entre eux; ne peut continuer son travail.
Le 4, nouvelle attaque épileptiforme, toujours sans paralysie con-
sécutive ; pendant quelques jours, G... accuse une tendance mélan-
colique, il se lamente, réclame le médecin pour le rassurer sur le
sort de sa femme qu'il croit dans la misère. Nouvelle amélioration
de l'état mental. Le 20 octobre G ? part en congé de huit jours, et
tout s'étant bien passé, il sort définitivement.
Le 29 janvier 1900, le malade entre de nouveau à Sainte-Anne
dans le service de M. Magnan. Après sa sortie de Ville-Evrard, au
mois de novembre, il avait repris son métier de charretier, mais
ses facultés intellectuelles étaient affaiblies, sa mémoire mauvaise;
il perdait différents objets (fouet, mouchoir, etc.), oubliait de don-
ner à manger à ses chevaux, répondant quand ou lui en faisait,
l'observation « qu'ils avaient déjà mangé l'avant-veille et que cela
suffisait. » En décembre, ces symptômes démentiels s'accusent da-
vantage ; il s'y joint des idées de richesse, G..., d'ailleurs, avait
continué à boire comme par le passé. En même temps il souffre
de céphalée, de crampes dans les jambes, de tremblements,
d'étourdissements sans perte de connaissance; la parole est fré-
quemment embarrassée surtout le soir.
Au l01' janvier, il devient, tout à fait incapable de travailler, per-
dant complètement la mémoire, mettant plus de deux heures à
faire sa toilette; il a des insomnies continuelles, des hallucinations
nocturnes de la vue en rapport avec sa profession. C'est alors qu'il
entre pour la deuxième fois dans le service de l'admission. Outre
les phénomènes ci-dessus ^indiqués, on constate la persistance de
l'inégalité pupillaire (pupille droite plus grande).
Après six jours d'un calme relatif, G... s'excite au point qu'on
doit le faire passer dans le dortoir où sont soignés par la méthode
ARCHIVES, 2a série, t. XIV. 20
306 RECUEIL DE FAITS.
de l'alitement les malades agités. Il est extrêmement turbulent,
cherche souvent à se lever de son lit sans but précis; il se'
recouche d'ailleurs volontiers à la première injonction, mais pour
essayer de se lever l'instant d'après. Bavardages incohérents avec
prédominance d'idées de satisfaction et de richesses ; instabilité
mentale, grande difficulté de fixer son attention. La parole est très
embarrassée avec des accrocs, un bredouillement qui le rend sou-
vent inintelligible. L'écriture est informe; prié d'écrire son nom, le
malade trace une série de signes incompréhensibles dont la première
lettre le G est seule reconnaissable. -Le 14 février, au matin, G...
est trouvé dans un état marqué d'obtusion : il reste étendu sur le dos,
indifférent à ce qui se passe autour de lui, la face couverte de
sueur, les pupilles toujours inégales et dilatées, la langue sabur-
rale. Température 37",9. Dans l'après-midi, l'agitation reparait.
Les jours suivants la température oscille autour de 38° : quelques
râles de bronchite et des signes de congestion pulmonaire. Le
18, la température monte à 39°,5 le matin pour redescendre le soir
à 37°,5; nouvel état semi-comateux faisant supposer un ictus passé
inaperçu. Jusqu'au 23 février, l'état général est assez inquiétant :
des alternatives d'affaissement et d'excitation motrice incohé-
rente avec sueurs profuses qui font craindre l'invasion du délire
aigu. Couché sur le dos, les yeux habituellement lermés, G... ne
cesse de s'agiter sur place, remuant sans interruption la tête de
gauche à droite, se tournant et retournant dans son lit, mala-
xant ses couvertures d'un geste quasi-automatique; à la suite de
ces frottements continuels, le crâne a été dénudé par places : la
face vultueuse est presque, continuellement couverte de sueur. La
langue reste sale malgré des purgatifs répétés (calomel) ; néan-
moins le malade s'alimente bien ; grande instabilité mentale, au
milieu de laquelle il est possible de percevoir les éléments d'un
délire hallucinatoire professionnel (voitures, chevaux).
A partir du 24 février, la température revient à la normale, la
peau est plus fraîche, la langue se nettoie. D'une façon générale
G... est plus calme, il y a des moments où la lucidité revient et où
le malade est capable de répondre correctement aux questions
posées. -Mais toujours par bouffées, reviennent à intervalles irré-
guliers les mêmes hallucinations professionnelles, avec sueurs
abondantes et agitation sur place. G... roule en tous sens ses cou-
vertures, mais sans quitter le lit maintenant; il interpelle ses
chevaux qui s'emportent et culbutent, cherche son couteau pour
couper ses traits, etc.. Tout cela se passe au lit, étendu sur le
dos, les yeux fermés, avec toujours le même mouvement latéral
de la tête qui lui use les cheveux. Ces hallucinations sur-
viennent aussi bien le jour que la nuit, et vont persister avec la
même irrégularité pendant tout le temps de son séjour à l'asile.
Çà et là quelques bouffées ambitieuses, mais sans suite notam-
SUR UN CAS DE PARALYSIE GENERALE ET D'ALCOOLISME 307
ment à la suite des ictus : il a acheté 10000 hospices; celui-ci est
à lui.
Au milieu d'avril apparaît un trouble marqué de l'équilibre.
Debout, G... se tient assez droit, mais les jambes écartées, le tronc
penché en avant, avec des oscillations d'avant en arrière. En
marche, il titube et festonne comme un homme ivre; il est parfois
obligé de s'appuyer au lit pour ne pas tomber, surtout dans les
changements brusques de direction. Ces troubles de l'équilibre
s'exagèrent quand le malade ferme les yeux, la sensibilité est
obtuse aux membres inférieurs, les réflexes patellaires paraissent
normaux. G... n'accuse aucun phénomène douloureux. Pas de
troubles urinaires. Il est imparfaitement conscient de ces accidents
qu'il met sur le compte du parquet glissant. Pourtant l'état géné-
ral s'améliore ; le malade engraisse. (Le poids était à l'entrée de
68 kg. 800; il est tombé le 19 mars à 61 kg. 300 pour remonter
ensuite d'une façon à peu près continue et atteindre en mars 1901
76 kg. 500).
Au commencement de juillet, la démarche est plus ferme, plus
droite, pourtant G... talonne encore un peu, il va les jambes
écartées et oscille dans les changements brusques de direction. -
Pour la première fois depuis sa seconde entrée, apparaissent le
25 juillet des secousses dans la jambe et le bras droil, sans perte
de connaissance; la température, 38°,4 4 le soir, monte le 26 à 39°,4 4
pour retomber le 27 à la normale et s'y maintenir. L'état mental
est le même : période de lucidité avec phases de délire hallucina-
toire. Aux hallucinations visuelles (chevaux, bêtes de toutes sortes)
s'ajoutent des hallucinations de l'ouïe : il répond à des personnes
imaginaires qui lui causent au travers du plafond ; et ces troubles
de l'ouïe eux-mêmes sont professionnels : ses interlocuteurs
parlent attelage, organisent le déchargement d'une voiture.
Le soir du 7 août la température monte de nouveau à 39° pour
retomber le lendemain à 3î°,3. Le matin du 8, G... a deux vomis-
sements bilieux; il est très obtus, se tient difficilement debout et
marche péniblement ; mais pas de contracture ni de paralysie
dans aucun membre. Le lendemain, cette aggravation passagère a
disparu.
En dehors de ses bouffées hallucinatoires, G... est calme, d'appa-
rence lucide au premier abord, il se conduit correctement, recon-
naît les personnes qui le soignent et sait différencier leurs attri-
buts ; il parle avec justesse de son ancienne profession, de sa vie
antérieure. Mais quand on pousse un peu la conversation, on
s'aperçoit bien vite que le niveau mental s'est affaibli : sans parler
de ses tendances ambitieuses qui lui font dire par exemple que
l'asile lui appartient, sa logique est très défectueuse : il est à Sainte-
Anne, dont il est le propriétaire, mais il n'en peut sortir parce qu'il
est interné ! Un autre jour il affirme qu'il est ici depuis dix ans.
308 RECUEIL DE FAITS. ' ' -
Le 20 décembre, nouvelle attaque épileptiforme avec perte de
connaissance : le bras gauche en extension forcée, le bras droit
secoué de convulsions, la tète et les yeux tournés à droite. Obtu-
sion intellectuelle consécutive. Une autre attaque 1e22,;loujours avec
secousses du côté droit. Aucun troublemoteurne persisteàla suite.
Le 31 janvier-attaque épileptiforme localisée au bras gauche.
Cette fois l'obtusion dure plus longtemps (deux jours), la tempé-
rature atteint 38°. Le 4 février, G... a un ictus sans secousses con-
vulsives des membres, avec seulement des grincements de dents :
la tête est tournée à gauche, le bras gauche soulevé retombe
inerte ; sensibilité à la douleur, réflexes patellaires et cutanés
amoindris de ce côté. Le 5, un autre ictus moins intense. Cette
fois il persiste pendant une semaine environ de la faiblesse mus-
culaire du côté gauche, avec diminution des réflexes tendineux.
Les pupilles sont toujours inégales et immobiles. La parole est
très embarrassée, bredouillante. Le 2 mars une autre attaque qui
dure trois minutes, avec perte incomplète de connaissance, loca-
lisée au bras droit; aphasie pendant une heure. Depuis son attaque
du 4 février, G... grince fréquemment des dents. Le délire ambi-
tieux s'accentue et devient de plus en plus absurde. Il veut faire
téléphoner en Russie pour rappeler ses chevaux ; ils ont plus de
vingt millions à lui, il est banquier, patron de la Tour Eiflel ;
l'Espagne, les Etat-Unis lui appartiennent. L'intelligence a baissé;
G... sait que nous sommes au mois de mars, mais se croit en
z ; tout en reconnaissant qu'il est à l'hôpital, il ne se croit pas
malade. Son humeur est en général bienveillante ; il est très
insouciant de sa situation.
Physiquement, le poids, comme nous le disions plus haut, a
augmenté (( î6 kg. 500 au lieu de 68 kg. 800 à son entrée) ; les
fonctions végétatives s'accomplissent bien. A noter pourtant de la
polyurie : 2 à 3 litres par vingt-quatre heures; densité 1.010, urée
par vingt-quatre heures 35 gr. 08, phosphate en vingt-quatre heu-
res 4 gr. 51, quelques traces de pigments biliaires, pas d'albu-
mine ni de sucre. Il persiste un léger embarras de la parole, mais
non constant, apparaissant surtout aux mots d'épreuve ; il y a un
peu de tremblement des doigts et du tremblement fibrillaire de la
langue; les pupilles restent inégales et ne réagissent pas à la
lumière, la droite plus grande, pas de faiblesse musculaire appré-
ciable ; seulement le réflexe rotulien est diminué à droite.
C'est dans cet état que le 25 mars, le malade est transféré à
l'asile de Ville-Evrard, dans le service de M. le Dr Legrain, à l'obli-
geance de qui nous devons encore ce qui va suivre ainsi que les
résultats de l'autopsie.
« G... continue à délirer par intervalles avec toujours le même
« caractère d'hallucinations professionnelles, puis le 8 mai, on
« constate au lever qu'il marche difficilement en traînant la jambe
SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 309
« droite. Depuis trois ou quatre jours, il grinçait continuelle-
« ment des dents et se montrait plus agité et plus incohérent. La
« main droite est également plus faible. Embarras très prononcé
« de la parole avec aphasie motrice. État subdélirant d'apparence
« quasi-automatique avec tendances réactionnelles violentes. Pouls
« lent (60 par minute). Le surlendemain, atténuation du délire,
« avec persistance de l'aphasie, intoxication par le mot (le méde-
« cin s'appelle Mondé) une clef, une montre, c'est un (mondé), çà
« sert à (monder). » Il parait ne plus y avoir de difficulté dans la
prononciation. Ces troubles du langage persistent quelques jours
en s'atténuant. Le 20 mai, nouvelles attaques épileptiformes. Le
8 juillet, ictus léger avec tremblement généralisé; de nouveau,
l'aphasie s'accuse, il a des grincements de dents continuels, du
bredouillement, de l'agitation incohérente, des mouvements d'ap-
parence automatique. Le 9 juillet, nouvelles secousses épilepti-
lormes à droite avec participation de la face; le 10, l'état subdéli-
rant persiste avec inconscience absolue ; température 38;°2; les
attaques reviennent de plus en plus rapprochées et se généralisent. t.
Le 11, saignée de 500 grammes; les attaques se localisent de nou-
veau du côté droit et sont moins intenses. Mais les jours suivants,
la température monte et atteint le 15 juillet 39,06. L'état général
s'aggrave ; le malade ne reconnaît plus les objets, agitation auto-
matique, langue sèche, fuligineuse, extrémités froides, gâtisme,
température 39°. Le 16, le malade succombe. ,
Autopsie faite par M. le Dr LEGR.\I\,.Vlngt-s1X heures après la
mort. Crâne très épaissi dans sa totalité (1 centimètre à la
région frontale, 5 au. 8 millimètres aux fosses temporales) non
transparent. Dure-mère non adhérente au crâne, nombreux exsu-
dats gélatineux, comblant les sillons, surtout à gauche. Ni pus, ni
fausses membranes, quelques plaques laiteuses au niveau de
Rolando à gauche. Vaisseaux piémériens gorgés de sang, avec
quelques points de suffusions sanguines. Pie-mère fortement adhé-
rente sur l'hémisphère gauche au niveau de F3 et du pied de la
frontale ascendante, adhérences profondes qui arrachent la
substance grise sous-jacente. De ce centre la lésion va en rayon-
nant pour ainsi dire dans tous les sens et s'atténue progressive-
ment jusqu'à disparaître au delà de la pariétale ascendante; les
adhérences remontent en avant sur les parties antérieures de FI et
F', s'étendant sur presque toute la face interne de cet hémisphère
gauche. Mêmes adhérences sur l'hémisphère droit, mais plus
généralisées ici, ne laissant guère indemne que la partie posté-
rieure du lobe occipital. Hydropisie ventriculaire, état chagriné
de l'épendyme, surtout dans le quatrième ventricule et le ventri-
cule latéral gauche.
Pas de lésions circonscrites. Pas d'athérome artérielle.
310 ' RECUEIL DE FAITS.
Poumons, rien de spécial. Coeur, mou, teinte feuille morte, sans
lésions valvulaires. Aorte souple. Reins : l'un parait graisseux,
l'autre granuleux (L'examen histologique n'a pu être pratiqué),
Foie volumineux et gras. Rate normale.
M. le docteur A. Vigouiioux, médecin en chef de l'asile de Vau-
cluse, a bien voulu faire l'examen hislologiqice. En voici les résul-
tats :
« Coloration à l'éosine-liématoxyline. Les méninges sont
épaissies par places, plus dans la région frontale que dans le
lobule paracentral ; partout elles sont infiltrées de petites cel-
lules rondes. Les vaisseaux dans les méninges sont remplis de
sang et leurs parois sont infiltrées. Dans la substance cérébrale,
diapédèse abondante, infiltration du tissu par les petites cellules
rondes. >
Les parois des vaisseaux, mais surtout les gaines vasculaires sont
pleines de petites cellules. Prolifération de la névroglie, surtout au
niveau de la périphérie. Les cellules nerveuses paraissent dimi-
nuées en nombre. Le protoplasma des grandes cellules pyrami-
dales prend mal l'éosine; le corps cellulaire est peu coloré, les
prolongements ne le sont pas du tout ; quelques-unes sont
déformées, d'autres n'ont plus de noyau, d'autres enfin sont
envahies par une ou deux cellules rondes qui semblent avoir péné-
tré dans leur protoplasma (dégénérescence graisseuse). » Et
M. Vigoureux, bien .qu'ignorant tout de l'observation clinique,
conclut fort justement : « C'est une forme non aiguë de méningo-
encéphalite. »
. Cette observation nous a paru intéressante à plusieurs
points de vue. Une première chose attira l'attention chez ce
malade : la persistance du délire hallucinatoire, tel qu'il
existe en pleine crise d'alcoolisme aigu, et ce, plusieurs
mois après que G... fut soumis au régime abstinent le plus
absolu. Dès la première entrée, M. Legrain signalait une
durée inaccoutumée du délire toxique. Mais cette particularité
fut bien plus frappante lors du deuxième internement. Cette
fois, pendant près d'un an, le malade fut sujet à des bouffées
d'hallucinations visuelles, professionnelles, avec agitation,
sueurs profuses, rappelant exactement ies accès de l'alcoo-
lisme aigu. C'est là un fait qui a été signalé par M. Magn'an
dans ses' travaux sur l'alcoolisme, mais il est bien rare qu'il'
se reproduise avec une telle persistance et une telle netteté.
Quant à sa cause, nous sommes malheureusement réduits à
des hypothèses : Influence de la lésion cérébrale due à l'al-
coolisme chronique, troubles circulatoires de l'encéphalo-
SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 311
méningite que l'autopsie a mise en évidence, auto-intoxica-
tion, enfin prédisposition. Nous noterons qu'aucune
modification de la température ne coïncidait avec ces bouffées
hallucinatoires. Dans l'observation journalière, nous rele-
vons : par exemple le 29 avril et le 6 juin des poussées très
intenses de délire hallucinatoire. Or voici les températures
rectales correspondantes.
312 RECUEILS DE FAITS. '
cette affection; 3° Produire une paralysie générale qui ne
diffère de la paralysie générale vraie que par des points de
détail : coexistence de phénomènes sensitivo-sensoriels
(crampes, fourmillements, dysesthésies, hallucinations) et de
lésions anatamo-pathologiques (stéatose et sclérose). Ces
nuances mises à part, il est impossible d'établir un diagnos-
tic étiologique différentiel et en particulier on ne peut pas
dire en l'absence de renseignements sur les antécédents si
l'on a affaire à un alcoolique devenu paralytique général ou
à un paralytique qui s'est alcoolisé pendant longtemps.
Or, le cas de notre malade semble bien rentrer dans cette
troisième catégorie. On peut toujours dire il est vrai que la
syphilis a échappé à l'examen clinique ou que G... était un
syphilitique héréditaire, mais alors nous tombons dans l'ar-
gumentation.
La clinique montre ceci : un homme jusque là bien portant
fait depuis six ans au moins des excès de boissons considé-
rables. La santé s'altère ; dès le mois d'avril 1899, on cons-
tate des insomnies, des hallucinations de la vue pendant la
nuit, un certain affaiblissement intellectuel et par moments
des poussées de mégalomanie. Il est interné le 6 juin et l'on
trouve en outre de l'inégalité pupillaire et par moments de
l'embarras de la parole ; puis bientôt apparaissent des
attaques épileptiformes non suivies de paralysie. Après cinq
mois de séjour à l'asile survient une rémission, et G... peut
reprendre son travail, mais il reste avec une intelligence
amoindrie. Il recommence ses excès de boissons et le
29 janvier 1900, un accès de délire alcoolique motive un
nouvel internement. Cette fois l'appréciation du degré de
démence est très difficile en raison des poussées hallucina-
toires fréquentes, et des ictus nombreux qui sont suivis d'un
certain degré d'hébétude. Néanmoins, loin de s'améliorer
les signes démentiels et moteurs s'aggravent et l'autopsie ne
laisse plus aucun doute.
Quant à savoir si l'on a eu affaire à ce que M. Klippel
nomme une paralysie générale inflammatoire primitive, ou
bien une paralysie générale associée à d'autres lésions d'en-
céphalite due à l'alcoolisme, ou bien à une paralysie générale
dégénérative ou pseudo-paralysie générale due également
à l'alcoolisme, il devient difficile de nous prononcer. L'exa-
men histologique n'ayant pas pu être fait complètement.
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 3 I j 5
Mais d'après les résultats obtenus, nous pensons avoir
affaire à un cas de paralysie générale alcoolique. Et c'est
sans doute à cette influence de l'alcoolisme que l'on doit la
prédominance et l'irrégularité de certains troubles et de
certaines lésions : crampes, étourdissements, ictus plus fré-
quents, alternances d'embarras prononcé et de liberté rela-
tive de la parole, délire hallucinatoire, dégénérescence
graisseuse de cellules de l'écorce. Il y aurait bien encore une
objection : Le fait que le début de la démence paralytique
parait avoir coïncidé avec les premiers symptômes de l'al-
coolisme ou tout au moins les avoir suivis de très près. Mais
nous ne croyons pas que ce soit là un obstacle suffisant pour
nier l'origine alcoolique de cette paralysie générale.
L'HYSTERIE DE SAINTE THERESE
Par LE Dr ROUBY `
(Suite) -
Hallucinations génitales. Pour les hallucinations
génitales, Thérèse sent ce que leur description brutale
aurait de peu divin, aussi n'en parle-t-elle que d'une façon
voilée; c'est une orgueilleuse, du reste : ne nous dit-elle
pas, quelque part, dans ses mémoires, qu'elle serait plus hon-
teuse d'être née de basse extraction que d'avoir commis un
seul péché mortel ? Sa bonne éducation aussi l'empêche de
narrer en détail ses faiblesses corporelles ; mais malgré les
fleurs dont elle entoure la description des jouissances que
Jésus lui fait éprouver, on y démêle facilement toute la
part que sa féminité y a prise.
«Il me prenait, écrit-elle, des saillies si violentes qu'il me
semblait qu'on m'arrachât l'âme; mais ces grands trans-
' Voir 11» So, août 1902, p. 124, 110 Si, septembre 1902, p. 227.
314 L'HYSTERIE DE SAINTE THERESE
ports d'amour ne sont pas de ces mouvements de dévotion
qui prennent assez souvent aux âmes pieuses, non, teiii-
pércenaent peiet se mêler à ces mouvements, et il est craindre que
les sens n'y aient une trop grande part. »
Ailleurs : «-A la vérité quand cet époux 'très riche veut
enrichir et caresser les âmes davantage, il les unit tellement
à lui, que, pareilles à des personnes que l'excès du plaisir et
de la joie font défaillir, elles croient être suspendues à ces
divins bras, collées à ce divin côté, appliquées à ces divines
mamelles et ne savent plus que jouir. » Ainsi parle sainte
Thérèse, dans son livre des Conceplions de l'amour de Dieu.
Elle ajoute : « Comme un jour, je me demandais pourquoi,
Dieu étant juste, privait de ses caresses tant de religieuses
qui valaient mieux que moi, il me répondit : « Contentez-
« vous de mon service et ne vous occupez pas des autres ».
« Je sortais de ces transports, la tête si épuisée et l'esprit
si peu capable d'attention qu'il ne m'aurait pas été possible,
le lendemain ou les jours suivants, d'aller à l'oraison. La
peine qu'on souffre est si agréable qu'il n'y a pas de plaisir
dans la vie qui en approche. La violence de ce transport est
si grande' qu'elle empêche de prier et de faire autre chose.
On est comme une personne à qui on aurait rompu les bras
et les jambes. Si on est debout, on se laisse aller soi-même
comme un corps privé de sentiment; à peine peut-on respi-
rer ; on laisse seulement échapper quelques soupirs, qui
bien qu'ils paraissent faibles et languissants, ne laissent pas
au fond d'être très vifs. » .
. Hallucination DE l'ange. « Quelquefois lorsque j'étais
dans cet état, il plut à Notre-Seigneur de me favoriser de
la vue d'un ange qui se tenait près de moi, à mon côté
gauche, sous une forme corporelle. Il n'était pas de haute
taille, mais petit et d'une beauté admirable. Il tenait à la
main un large dard qui me semblait d'or et avait à la pointe
un peu de feu. Quelquefois je sentais comme s'il me l'eût
enfoncé dans le coeur et qu'il m'eût percée jusqu'au fond
des entrailles. Il me semblait qu'en le retirant il me les
l'hystérie de sainte Thérèse 315
arrachait et les enlevait avec lui, me laissant toute-embri-
sée de l'amour de Dieu. Alors, la douleur que l'on res-
sent est si violente qu'on se laisse aller à de petites plaintes,
et la douceur qui l'accompagne est si grande que pour se la
procurer il ne faut rien moins que Dieu même. Dans le
temps que durait cet état, j'étais comme hors de moi et
j'aurais voulu ne rien voir ni parler à personne; c'était un
bonheur et une gloire, au-dessus de toute la gloire que les
créatures n'auraient pu jamais me procurer. Maintenant, aux
premières approches que j'en ressens, Notre-Seigneur enlève mon
âme en extase et la douleur n'a plus lieu; tout est jouissance. »
Quoique venant d'un ange, tout ceci me semble fort
suspect; ce dard à la pointe enflammée, que va-t-il faire
dans les entrailles, n'y apportant que du plaisir ? Il nous
semble que cet ange est bien indiscret : il aurait pu se con-
tenter d'une causerie amicale et céleste sur le bonheur des
élus, plutôt que de se livrer à une si bizarre occupation
dont son dard ne pouvait guère revenir que dans un état
extraordinaire ! 1
Pour mieux montrer combien ces hallucinations étaient
véritablement matérielles, Thérèse raconte, autre part, que
l'âme a besoin, par moments, de motifs d'amour plus tran-
quilles, et qu'il ne faut pas toujours aimer Dieu à coups de
poing. Ailleurs elle ne craint pas de plaider une cause éton-
nante dans la bouche d'une sainte : elle s'élève contre cer-
tains livres de prières, qui prétendent éloigner toute image
corporelle et détourner l'esprit de tout être créé; elle
combat les théologiens qui prétendent que l'humanité de
Jésus ne fait pas avancer dans le chemin de la piété ; elle
plaide' très vivement le contraire et veut que le corps
tendrement aimé, ne soit pas un obstacle à la prière;
comme elle croit vraie son hallucination génitale, elle la
défend avec ardeur, et ne veut pas être privée du plaisir
qu'elle y éprouve.
La Transverbération. Après la mort de sainte Thé-
rèse, la Transverbératioll. de son coeur, c'est-à-dire la plaie '
3 1 6 l'hystérie DE SAINTE THÉRÈSE
faite par le dard de l'ange devint un motif tout à la fois s
de vénération et de discussion religieuse : au couvent de
l'Incarnation d'Albe, où l'on conserve ce coeur si précieux,
on montrait la cicatrice et on voulait instituer, pour en
célébrer le miracle, une fête spéciale, la fête de la Trans-
verbération. Si elle eût pu le faire, sainte Thérèse, avec sa
finesse d'esprit, aurait souri de cet excès de zèle; elle aurait
refusé pour son organe cet honneur extravagant sans
attendre le veto de la cour romaine, qui se contenta de
placer la sainte parmi les vierges et martyrs.
Résultats. Telles sont les hallucinations qui firent tant
de bruit à l'époque de la Renaissance et pendant les siècles
suivants ; racontées par elle, elles ne peuvent être mises
en doute ; comme ce sont elles qui nous ont servi pour éta-
blir la base sérieuse de cette observation médicale, on doit
en conclure que sainte Thérèse n'était pas une sainte prophé-
tesse, comme on le croyait et comme on le croit encore,
mais une hallucinée comme on en voit beaucoup dans les
asiles d'aliénés.
Les Oraisons DE sainte Thérèse. Ce qui nous reste
à dire est plus curieux encore : je veux parler des Oraisons
de la sainte; dans le livre de sa vie, Thérèse donne à ses
soeurs des modèles de prières, et, pour ce faire, elle établit
cinq classes d'oraisons :
il, L'oraison mentale; -
2° L'oraison de quiétude ;
3° L'oraison d'union;
4" L'oraison d'extase ;
5° L'oraison de ravissement.
Or, il se trouve que les trois dernières oraisons ne sont
plus des modèles ordinaires de prières, mais la description
de trois états hystériques, éprouvés et regardés par elle
comme choses pieuses et divines ; états hystériques si bien
décrits que les médecins de l'époque, ignorants de cette
affection, auraient pu trouver des documents complets pour
l'étude de cette maladie, et qu'aujourd'hui même, pour
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THEKÈSE 317
décrire d'une façon parfaite certaines crises, un aliéniste
n'aurait qu'à copier les oraisons de la fondatrice du Carmel.
Il arrive, par le fait de cette confusion, que Thérèse, au
lieu de prémunir les soeurs de son ordre contre le danger de
pareilles prières, les leur donne comme exemple salutaire à
suivre ; pour elle, arriver aux trois dernières oraisons, c'est
atteindre la perfection religieuse ; en sorte que dans les cou-
vents qui suivent sa règle, plus on est en état d'hystérie,
plus on est en état de sainteté.
Dans les deux premières oraisons, il n'y a pas encore
maladie, il y a seulement entraînement à la maladie ; pour
me servir d'une comparaison de la soeur, on prépare le jar-
din où pousseront les symptômes nerveux. Laissons décote
ces deux premières oraisons, et arrivons aux trois der-
nières.
30 L'oraison D'UNION. - « L'oraison d'union est un som-
meil de la mémoire, de l'entendement et de la volonté qui
ne se perdent pas tout à fait ; dans cette espèce d'agonie on
goûte des désirs inexprimables qui ne sont autre chose
qu'une jouissance de Dieu. L'âme en cet état ne sait si elle
parle ou si elle se tait ; si elle rit ou si elle pleure ! C'est
une glorieuse extravagance, une céleste folie où l'on
découvre la vraie sagesse, c'est-à-dire une délicieuse jouis-
sance.
« On ne peut s'en sortir que par une distraction violente,
peut-être même ne peut-on pas tout à fait en venir à bout;
on sort de la limite de la raison ; la joie est si grande qu'il
semble quelquefois que l'âme est prête à sortir du corps.
Ces grands transports d'amour durant lesquels Notre-Sei-
gneur s'unit à moi, ne sont pas des actes de dévotion seu-
lement, et les sens participent à cette union. Alors Notre-Sei-
gneur remplit les fonctions de jardinier sans laisser à faire
aucun ouvrage, voulant seulement que le vrai jardinier se
récrée à sentir le parfum des fleurs. »
Si nous savons lire entre les lignes, sainte Thérèse a eu
raison d'appeler ainsi l'oraison d'union : il n'est pas diffi-
lis l'hystérie DE sainte Thérèse
cile de démêler, au milieu de ces phrases mystiques, les hal-
lucinations du sens génital que d'autres malades vulgaires
nous racontent avec plus de brutalité : c'est dans cette orai-
son d'union et dans la suivante qu'il faut placer les halluci-
nations racontées plus haut : Thérèse décrit admirablement,
pour les avoir éprouvées,- les sensations perçues dans ce
demi-sommeil 'toutes les facultés de l'âme sont anéanties
avec conservation d'une demi-conscience et le souvenir très
vif, au réveil, des sensations éprouvées.
Comme elle le dit, l'intelligence, la volonté, la mémoire
ne sont pas perdues, mais sont dans un état de paralysie
ou de demi-sommeil dont on ne peut se réveiller que par
une secousse à laquelle parfois on résiste, tellement est pro-
fonde la jouissance éprouvée.
Ne croyez pas que les mystiques seuls peuvent se donner
ou subir cet état, phase de maladie ou oraison d'union,
non, d'autres peuvent l'éprouver sans que la religion s'y
trouve mêlée.
Une dame mariée, présentant des symptômes non dou-
teux d'hystérie, entrait, de sa propre volonté, dans cette
période de jouissance extatique ; elle se retirait dans sa
chambre loin du bruit; et là assise dans un fauteuil, la tête
renversée sur le dossier du siège, le regard perdu au plafond
elle croisait la jambe droite sur la gauche et d'un mouve-
ment lent et rythmique, elle frottait avec le talon du pied
droit l'extrémité de la jambe gauche ; peu à peu elle entrait
dans un demi-sommeil hypnotique, pendant lequel elle
éprouvait la jouissance infinie d'une union imaginaire :
.C'était, nous disait-elle, la sensation de béatitude que doit
éprouver un fumeur d'opium ; si on entrait dans sa chambre,
on pouvait circuler et faire du bruit sans la réveiller, mais
elle avait conscience qu'on était là; au bout d'un quart
d'heure environ, tout était fini. Chez cette personne, cet
état n'était ni précédé, ni accompagné, ni suivi d'une
crise convulsive quelconque. Quelquefois, mais très rare-
ment, étant en compagnie, elle s'est endormie du même
sommeil, sans y prendre garde; on attribuait la chose à une
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE 319
syncope, mais, d'après'son mari, c'était le même état hysté-
rique.
40 L'oraison d'extase. - Nous arrivons avec sainte
Thérèse à l'oraison d'extase : c'est, suivant le point de vue,
un degré de plus d'hypnose ou un degré de plus de piété.
« Dans l'oraison d'extase on n'a plus de sensations dis-
tinctes ; on jouit simplement, sans connaître de quoi on
jouit, on sent qu'on jouit d'un bien où sont renfermés tous
les biens, mais on ne comprend pas quel est ce bien. Les
facultés et les sens sont si occupés de cette joie, qu'ils ne
sont plus libres pour faire attention à rien, ni à l'intérieur
ni à l'extérieur. Le corps et l'âme sont dans une impuis-
sance totale pour s'expliquer sur leur jouissance ; dans cet
état toute application étrangère serait un embarras et un
tourment. L'âme se sent en un instant tomber dans une
espèce de défaillance et de pâmoison universelles avec une
douceur et un contentement inexprimables ; les forces s'en
vont : on peut à grande peine remuer les mains ; les yeux se
ferment malgré soi, ou s'ils restent, ouverts, on ne peut s'en
servir. Si l'oreille entend, ce sont des bruits confus et non
des mots ou des phrases ; il en est de même des autres sens
qui ne sont propres qu'à empêcher l'âme de jouir à son aise
de la plénitude de son bonheur ; en même temps on jouit
matériellement d'une satisfaction très grande et très sen-
sible.
« Au début la chose passait si vite qu'on ne s'apercevait
pas à l'extérieur .de cette privation de sentiments ; plus
tard il n'en fut pas ainsi, mais la durée de la suspension des
puissances de l'âme ne dépasse jamais une demi-heure.
« Voyons maintenant ce que sent l'âme dans cet état ;
c'est à celui qui le sent à le dire : l'âme reste toute atten-
drie ; il semble qu'elle voudrait se distiller en larmes, non
de douleurs, mais de joie, et elle s'en trouve baignée sans
s'être aperçue comme elle les a versées. Elle est remplie de
joie, de voir l'ardeur de son feu apaisée par une manière
d'eau si merveilleuse qui loin de l'éteindre, l'augmente
320 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE
davantage : on prendrait ceci pour de l'arabe, et cependant
cela se passe ainsi.
« Il m'est arrivé quelquefois, au sortir de cette oraison, de
ne savoir si c'était un songe ou une vérité, mais me voyant
trempée de mes larmes, qui coulaient sans peine et d'une
force et d'une vitesse qu'il semblait que ce fût une nuée
céleste qui se déchargeait pour arroser mon jardin intérieur,
je voyais que ce n'était pas un songe. »
Que lisons-nous dans nos livres classiques sur l'extase ?
C'est un état symptomatique de l'hystérie qui présente les
caractères suivants : perte presque complète de la perception
du monde extérieur; les sensations.de la vue, de l'ouïe, du
toucher sont, sinon complètement abolies, du moins consi-
dérablement diminuées; la figure illuminée d'un rayon de
bonheur indicible, la tête renversée en arrière, le cou tendu,
les membres immobiles. dans une position une fois prise;
les sensations les plus vives et les plus douces se reflètent sur
la figure et parfois dans des attitudes passionnelles : les hal-
lucinations sont concentrées sur un seul objet, avec une
jouissance qui absorbe toute l'intelligence et toutes les
affections.
L'accès dure de dix minutes à une demi-heure, jamais
plus; il cesse brusquement ou peu à peu, mais le sujet con-
serve la mémoire des visions, auditions et sensations diverses
perçues pendant l'accès, il se termine généralement par une
crise de larmes et par une émission d'urine.
On voit combien Thérèse a bien étudié son cas : elle nous
fait une description aussi précise que l'écrivain moderne des
symptômes de l'extase : même perte de sensibilité, même
perte des forces, même abolition des sens, mêmes jouis-
sances hallucinatoires, enfin, même manière de se réveiller
au milieu des larmes.
On comprend quels sentiments de pudeur ont empêché
la sainte de parler de l'émission involontaire d'urine, qui
accompagne la pluie de larmes. Cependant, dans un autre
passage de ses mémoires elle raconte qu'en reprenant ses
sens, elle trouvait ses vêtements mal en point.
, L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 321
50 Oraison DE ravissement. Pour l'oraison de ravisse-
ment qui correspond à la grande névrose, celle avec convul-
sions, avec attitudes passionnelles, avec hallucinations de
toutes sortes, sainte Thérèse nous la décrit comme le sum-
mum de la dévotion.
Si nous étudions scientifiquement ou plutôt médicale-
ment cette dernière oraison, nous constatons divers faits qui
éclairent singulièrement le diagnostic de la maladie : au
sujet de la crise convulsive, que lisons-nous dans nos livres
classiques ? Le plus souvent le sujet éprouve d'abord une
vague aura, la boule hystérique, puis les yeux se ferment, la
parole s'arrête, le corps s'immobilise et tombe lentement.
L'attaque a lieu : le malade se convulsé comme dans l'épi-
. lepsie, mais la perte de connaissance n'est pas brusquement
complète ; durant l'attaque on observe des mouvements
désordonnés de tout le corps, parmi lesquels le spasme
cynique, la folie libidineuse des anciens ; parfois l'attaque
se passe en silence ; d'autres fois elle est accompagnée de
petits cris ou de sanglots bruyants ; la malade suffoquée
porte les mains à son cou et à sa poitrine pour arracher le
poids constricteur. Enfin, obnubilation plus ou moins com-
plète delà conscience, hallucinations, illusions, perversions
des sens, tels sont les troubles variés de cette période.
Après la crise révulsive, il y a paifois la période des
contorsions toujours bizarres et effrayantes, avec délire con-
comitant ; les yeux sont convulsés sous la paupière supé-
rieure ; les oreilles n'entendent pas et la peau anesthésiée
n'éprouve plus de sensations de douleur ou de chaleur.
Le thermomètre invariable se maintient à 370, 3 8° au plus,
malgré l'intensité des attaques. Enfin l'hystéro-épileptique
conserve tel quel l'ensemble de ses facultés, sans diminution
ou altération, alors que l'épileptique voit chaque jour son
intelligence décliner et marcher à la démence.
Que nous dit sainte Thérèse dans son oraison de ravisse-
ment et dans la description de ses hallucinations ?
Elle a l'aura, ce coup de sifflet indicateur de la crise, sous
la forme d'un sentiment de refroidissement ; puis elle a la
Archives, 2° série, t. XIV. 21
322 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE
douleur violente au côté et la constriction de la gorge ; la i
chaleur n'augmente pas, nous dit-elle ; elle éprouve la
perte de connaissance, l'anéantissement des forces; elle
tombe et se convulse dans un accès hystéro-épileptique,
puisque sa langue est déchirée et ses mains contracturées
assez longtemps ; elle a le délire transitoire sous forme
d'hallucinations diverses ; elle a les gémissements et les
'petits cris ; elle a les sentiments de tristesse et d'angoisse;
peut-être aussi a-t-elle les attitudes passionnelles si nous
traduisons bien sa phrase. « Ici le corps est moins maître
de lui. » Pendant la longue durée de cet état nerveux,
les périodes d'extase et d'union viennent remplir l'in-
tervalle des crises et apporter pendant quelques heures un
peu de soulagement à la pauvre convulsée. Enfin, lorsque la
malade se réveille, la période est finie, elle est brisée comme
de coups reçus, mais elle reprend alors, avec toute son
intelligence reconquise, son train de vie ordinaire. La
période de ravissement de sainte Thérèse s'appelle d'un
autre nom en aliénation mentale, c'est le mal hystéro-épi-
leptique.
LE château intérieur. Dans un dernier livre, le C : ld-
leau intérieur, sainte Thérèse a reproduit sous une autre
forme le même ordre d'idées ; ce château fort se compose
de plusieurs enceintes où l'âme pénètre peu à peu : la pre-
mière enceinte correspond à l'oraison mentale ; la dernière,
ou bastion principal, à l'oraison de ravissement ; faire une
comparaison entre les états d'hystérie et ces diverses enceintes
serait, avec des changements de nom, répéter le travail que
nous venons de faire pour les oraisons ; nous n'en parlons
donc que pour mémoire.
BONNE roi DE sainte Thérèse. La description de ces
oraisons et l'histoire de son château intérieur nous prou-
vent la bonne foi de sainte Thérèse ; elle ne se rendait nul-
lement compte du mal dont elle était la proie et regardait
comme vraies ses hallucinations de divers sens. Lorsque la
grande crise s'emparait d'elle, comme la pythie sur le tré-
L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 323
pied de Delphes, elle croyait que Dieu prenait possession de
sa personne.
CREDO quia ABSURDUM. En terminant ce travail, nous
rappellerons un mot de sainte Thérèse qu'elle eut cons-
tamment dans la bouche pendant le cours de son existence :
« Plus les choses sont au-dessus de la raison, plus je les
crois ». Cela veut dire que les manifestations de sa maladie
et ses hallucinations en particulier, bien qu'en dehors de la
raison, doivent être acceptées comme articles de foi non
seulement par elle, mais encore par tous ceux qui suivent
son enseignement. Aussi pensait-elle faire acte méritoire,
en excitant les fidèles par ses sermons et par ses livres à
mettre en pratique les cinq oraisons, et à pénétrer avec elle
dans le château fort hanté par sa folie. Mais en donnant
comme aliment religieux, aux peuples avides de l'entendre,
les produits de ses hallucinations et en entraînant pendant
plusieurs siècles les foules croyantes dans la fausse direction
d'un mysticisme maladif, Thérèse fit un mal considérable
à l'humanité ; car il ne faut pas se le dissimuler, elle eut
une autorité sérieuse sur le monde entier ; l'Espagne sur-
tout eut à souffrir de son fait : dans ce beau pays qui avait
été, sous les Arabes, le centre de la civilisation, cette hys-
térique fut regardée tout à la fois comme grande sainte et
comme grand docteur ; elle fut, comme influence, supé-
rieure à tous : elle fut écoutée par les évêques et par les
prêtres, par la Cour et les grands seigneurs, par les gens
éclairés et par le peuple ignorant, enfin par le long cor-
tège de moines qui se prolonge de siècle en siècle dans
l'histoire. Sa cellule fut l'antre de la Sibylle d'où sortaient
sans cesse les mots fatidiques, et parmi ceux-ci, celui
qui pour elle les résumait tous : « Plus les choses sont
au-dessus de la raison, plus nous les croyons ». Ces mots,
négation de toute science, ennemis de tout progrès, furent
les mots d'ordre qui présidèrent à l'enseignement dans tous
les ordres religieux et dans toutes les universités catho-
liques ; ils y président encore. Ils furent, sans aucun doute,
324 L'HYSTERIE DE SAINTE THÉRÈSE
une des plus grandes causes de l'amoindrissement de ce
peuple espagnol qui, avec tant de qualités morales, aurait dû
avoir d'autres destinées.
Conclusions. Pour sainte Thérèse, si l'hystérie est une
excuse et si on. doit lui pardonner, comme on pardonne à
ceux qui ne savent ce qu'ils font, il n'en est pas moins vrai
ou'il reste un devoir à remplir, celui de faire connaître la
vérité aux gens croyants, susceptibles aujourd'hui encore,
d'être séduits et trompés par ses écrits.
Si sainte Thérèse, ne cessons de le dire, fut une sainte,
ce fut une sainte hystérique.
Au xxe siècle la formule de saint Augustin et de sainte
Thérèse : Credo quia absurdum doit être effacée de tous les
catéchismes et de tous les manuels d'instruction ; au xxe
siècle il faut croire seulement ce que la science et la raison
nous enseignent ; la raison et la science doivent prendre la
place de toutes les folies religieuses. '
Le 15 décembre 10 j.
Vallée des Consuls (Alger).
NOTA. - Il y a des sources aux eaux claires, abondantes
et intarissables où s'alimentent de nombreux ruisseaux ; le
livre du Dr Pitres (de Bordeaux), sur l'hystérie, est la source
féconde qui a coulé dans le filet d'eau qu'est cet opuscule.
D. R.
Aliénés EN Hi ! ERTË
Les drames de la folie. - Un drame attribué à la folie s'est
déroulé hier soir à sept heures, à Arc-sur-Tille, à 12 kilomètres
de Dijon : une mère de famille du nom de Régnier, dont le mai
est employé aux tramways départementaux, s'est noyée dans la
- Tille avec trois de ses enfants, un de cinq mois, les autres de
quatre et deux ans. Elle s'était attaché les deux derniers à la
ceinture. Régnier, en rentrant chez lui, surpris de ne trouver que
ses trois enfants aînés, se mita la recherche de sa femme, dont le
cadavre et ceux de ses plus jeunes enfants ne lardèrent pas à être
retirés de la rivière.'
SOCIÉTÉS SAVANTES.
111° CONGRÈS
DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES DE FRANCE
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
Tenu et Grenoble du 1 ? au 7 août 1902
(suite) ' .
Séance du 4 Août 1902.
Visite de l'Asile de Saint-Robert.
Le lundi 4 août, sur l'invitation du bureau du Conseil général
de l'Isère, le Congrès s'est rendu à l'Asile de Saint-Robert. M.Gex,
directeur, et M. Bonnet, médecin en chef, ont servi de guides aux
visiteurs.
L'asile de Saint-Robert est situé dans la riche vallée du Graisi-
vaudan, à 6 kilométrer de Grenoble. L'origine d'une partie de ses
bâtiments remonte à une date fort ancienne. Ce l'ut vers la fin du
xf siècle que deux princes de la famille des Dauphins fondèrent
un monastère à Saint-Robert et y appelèrent des moines de l'ordre
de Saint-Benoit. En 1691, Louis XIV fit élever, dans l'enclos de ce
monastère, un vaste bâtiment destiné à servir d'hôpital et où de-
vaient être soignés les soldats de l'armée d'Italie. Après la paix de
Ryswick, ce bâtiment fut abandonné aux religieux. Pendant la
Révolution, il fut vendu avec le monastère et le clos comme pro-
priété nationale, Le département en devint propriétaire en 1812.
Successivement, dépôt de mendicité, maison de correction, maison
de refuge pour les aliénés en état de fureur, les filles-mères parvenues
au terme de leur grossesse, les indigents des deux sexes atteints de
maladies vénériennes et cutanées reconnues susceptibles de guérison,
et école d'accouchement, l'établissement de Saint-Robert ne se mo-
difia que lorsque la loi du 30 juin 1838 prescrivit un nouveau
régime pour les aliénés. Le Conseil général décida, en 1845, que le
dépôt de Saint-Robert serait affecté exclusivement au traitement
desaliénés et approuva, en 1851, les plans et devis du nouvel asile,
oeuvre de Al. le Dr Evrat, directeur. Il divisa l'asile en trois parties :
celle de droite réservée au service des femmes; celle de gauche
au service des hommes ; les services généraux au centre.
Les pavillons séparés les uns des autres, forment. pour ainsi dire,
1 Voir le dernier numéro, p. 211 à 276.
32G SOCIÉTÉS SAVANTES.
de petits asiles, de qui facilite la distinction et le classement mé-
thodique des différentes catégories et formes d'aliénation mentale,
l'éloignement de celles dsnt le voisinage pourrait être nuisible à
l'un ou à l'autre. Barreaux aux fenêtres, hautes murailles autour
des préaux, tout ce qui rappelle la séquestration a été supprimé.
La vue a été rendue aussi riante et étendue que possible. Des mas-
sifs d'arbres et de fleurs, la vue du magnifique panorama de nos
montagnes, tout concourt à donner aux malades l'illusion de la
liberté. Chaque pavillon a deux expositions et de nombreuses
ouvertures pour donnera profusion de l'air et de la lumière. La
propreté fait l'admiration de tous les visiteurs.
L'asile comprend seize pavillons pour les indigents, un pension-
nat pour les hommes, un autre pour les femmes et une colonie
agricole de quarante hectares. Deux nouveaux quartiers d'agités
sont en voie de construction .
Il est à regretter qu'on les ait disposés de telle façon qu'ils cau-
sent un préjudice sérieux aux malades du pensionnat (F.). De
même aussi pour le pensionnat des hommes, il esta regretterque
le rideau d'arbres que nous avons vu autrefois et qui dissimulait
la vue du cimetière ait été abattu par le directeur administratif,
ce qui fait que aujourd'hui les pensionnaires voient le cimetière,
les enterrements, etc. C'est là une « distraction » qui ne peut que
nuire aux malades, -
Au pensionnat des hommes, au second étage, il y a un dortoir
de 7 lits pour les aliénés de l'asile qui viennent faire les grosses
besognes. Les chambres des infirmiers sont défectueuses, étroites,
prennent l'air seulement sur le corridor et sur la chambre des
pensionnaires.
Le quartier des agités de l'asile est bien compris. Nous y revien-
drons. Le service balitéo liydrothérapiquc, auquel est annexée
l'étuve, est l'un des mieux organisés que nous ayons vus dans nos
visites : au centre est l'installation hydrothérapique, d'un côté
bains des hommes, de l'autre bains des femmes. - Dans le vesti-
bule de tous les quartiers, lavabos communs. Baquets dans les
dortoirs la nuit; cette pratique déplorable, qui existe encore dans
trop d'asiles, devrait disparaître. Eclairage électrique.
La population de l'asile était de 1,040 au 1°"janvier4901, de 1,012
au 31 décembre dont 41 de la Seine (t fr. 50 par jour). Au cours
de l'année, il a été admis 19 cas de folie alcoolique (14 hommes,
5 femmes), et 2 cas de crélinisme ou mieux de dégénérescence phy-
sique, rappelant d'assez loin le véritable crétinisme. Le nombre
des goitreux va progressivement en diminuant. -Au 30 avril 1902,
- ' Nous empruntons une partie de ces renseignements à une petite
notice (avec plan) délivrée aux congressistes, intitulée : Souvenir de la
visite de l'établissement .
SOCIETES SAVANTES. 32 t
il y avait 218 travailleurs et'364 travailleuses. Prix de journée des
aliénés de l'Isère 1 l'r.
Les pavillons portent des noms laïques sauf quatre : Pinel, Co-
nolly, Parchappe, Saint-Vincent, Fodéré, Saint-Ferréot, Calmeil,
Gasparni, Baillarger, pour la division des hommes; Esquirol,
Ferron, Sainte-ChantaI, Saint-Côme, Falpet, Evrat, Daquin, Char-
meil, pour la division des femmes.
Le pensionnat donne une recette de 101,770 fr., la Seine.
i 1,974 fr. Total général des recettes = 742,084 fr, Les dépenses
= 677,198, dans lesquelles figure l'annuité de 26.000 fr., répon-
dant à un emprunt contracté en 1882. Les rendements de l'exploi-
tation agricole ont été de 90,423 fr. en 1901 (voir p. 393).
Toujours à l'avant-garde du progrès, le Conseil général a fait
construire, depuis longtemps, un asile pour les vieillards. L'année
dernière, il a voté la création d'un asile pour les incurables qui ne
peuvent être secourus à domicile et qui ne peuvent être admis à
l'hôpital, parce qu'ils sont incurables, à l'asile des vieillards parce
qu'ils n'ont pas cinquante ans ou sont impotents et gâteux, à l'asile
d'aliénés, parce qu'ils ne sont pas fous. Les bâtiments nécessaires
à ce nouveau service seront construits sur le terrain de la
ferme.
A midi, un banquet éteit offert aux visiteurs dans les superbes
allées de marronniers du parc de l'asile. au dessert, M. le Préfet de
l'Isère prend le premier la parole. Il excuse M. l'inspecteur-général
Ogier, qui n'a pu répondre à l'invitation qui lui avait été
adressée.
M. Antonin Dnbost, président du conseil général et délégué du
ministre de 1 Intérieur souhaite la bienvenue aux congressistes et
les remercie d'avoir honoré Grenoble et l'asile départemental de
leur visite. Il énumère les sacrifices que s'impose le Conseil
général pour assurer le fonctionnement des services administra-
tifs, et des services médicaux de l'asile et annonce la prochaine
ouverture des nouveaux pavillons, ce qui permettra, d'une part, de
recevoir un plus grand nombre de malades, d'autre part de dé-
gager les locaux actuellement encombrés.
« Nous sommes convaincus, messieurs, dit-il, que votre voyage
dans ce pays se traduira par de nouvelles améliorations dont
bénéficiera l'assistance publique. ),
Il termine son allocution en portant un toast aux congressistes,
à M. Régis, président et aux dames du Congrès.
M. Régis, remercie M. le préfet et le conseil général de leur
bienveillant accueil. Il a trouvé dans l'asile une direction et une
administration parfaites et il est heureux de rendre hommage au
dévouement autant qu'à la compétence de MM. Gex et Bonnet. Ce
dernier, ajoute-t-il, s'est inspiré du souvenir de M. le Dr Evrat,
dont il applique la méthode. Il est heureux de retrouver ici son
328 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ancien maître, 11, le D'' Afottet. II lève son verre à 111. le préfet, à
M. Dubost, à M. Bonnet, à 111. Gex, à M. le D1' Mottet. '
ill. Gex dit que c'est un honneur et une fête pour l'asile de rece-
voir d'aussi éminents visiteurs : il remercie les invités et les dames
dont la présence double le charme de cette fête. Les félicitations
qui lui ont été adressées, il les reporte sur ses collaborateurs dont
le zèle ne se dément pas un instant et qui contribuent'à lui rendre
sa tâche facile. Il a un mot aimable pour la presse locale et pour
tous ceux qui ont donné à l'établissement de Saint-Robert le pré-
cieux témoignage de leurs sympathies.
Au nom de la Société médico-psychologique de Paris M. Mottet,
dont la verte vieillesse a affronté les fatigues d'un long et pénible
voyage, est heuieux de retrouver quelques-uns de ses plus labo-
rieux élèves. Il lève son verre au progrès de la science médicale et
au développement de l'assistance.
M. Dupré porte ensuite, en vers, le toast suivant :
Vous m'avez demandé des vers
Comme si j'étais un poète.
Depuis, j'ai la tète à l'envers.
Le coeur triste et l'àme inquiète.
Vous m'avez dit : « Je suis jaloux,
Que m'importent tous ces éloges ? -
Cfhtuats, je les donnerais tous
l'our un sourire de Limoges ! 1 »
- Ilé,71s. s'il faut (tue nos repas .
Soient couronnés par un poème,
Aujourd'hui, ne l'oubliez pas,
Le vrai poète, c'est vous-même !
Giitce à vous, échanson divin,
1`ous avons eu mieux qu'un poète :
Le poème de votre vin
, S'ebt répandu sur notre tète ! -
A travers les ors transparents
la les rubis de vos bouteilles,
. 1)s omrmmes délirants,
Nous avons connu les merveilles ! '
- Le vin qu'on doit boire à genoux,
Vous le savez mieux que personne.
IV ? vuqnait-il pas devant nous
L'àme exquise du vieil Ausone !
A un ban solennel t
r1 l'amlhitryon ae la fête ! .
],es 1)(,tit-fils du gi-aiid Pitiet
Saluent leur président poète ?
SOCIÉTÉS SAVANTES. 329
M. Bonnet, secrétaire général du Congrès, remercie les savants
du monde médical d'avoir répondu à sou appel ; il exprime toute
sa gratitude au Conseil généial et à son éminent président, M. Du-
bost, et porte un toast en l'honneur de M. Vallon, son ancien
maître. M. Giraud rappelle qu'au congrès qui se tinta Lyon, il
y a onze ans, les congressistes avaient l'ait une première visite à
l'asile de Saint-Robert. Il est heureux de constater les améliora-
tions apportées pendant cette période et les progrès réalisés.
Enfin la série des Loats est close par M. Vallon, qui porte la santé
de l'un de ses plus brillants élèves, M. le D1' Bonnet.
Inutile de dire que ces divers toasts ont été vivement applaudis et
que celui de M. Dupré a eu les honneurs du ban. Après le banquet,
les congressistes se sont réunis dans une des salles de l'asile pour
la continuation de leurs travaux.
Séance du 4 août 1902, (soir).
Traumatisme et folie.
MM. Marie et Picqué. liéstenté : Dans les psychoses et comme
pour les névroses, il est fréquent d'entendre invoquer par les
malades ou leur famille, l'influence des traumatismes généraux ou
locaux. L'examen des aliénés montre d'autre part souvent qu'ils
portent, en effet, des traces de traumatismes variés. Ces trauma-
tismes peuvent être divisés en deux grandes classes, traumatismes
consécutifs à la folie, traumatismes antérieurs.
Les premiers peuvent être accidentels ou directement en rapport
avec la folie précédente. Ils peuvent dans un cas comme dans
l'autre être sans influence ou réagir à leur tour sur la psychose
antérieurement existante. Parfois ils l'aggravent en y surajoutant
des complications variées : parfois ils peuvent faire disparaître
certains phénomènes pathologiques agissant comme une interven-
tion opératoire voulue.
Les traumatismes antérieurs ou psychoses peuvent être sans
action sur elles ou au contraire préparer le terrain en créant un
locus minoris 7esisteiisix.
Enfin il est des cas où le traumatisme antérieur semble en rap-
port étroit avec la psychose consécutive et dans un rapport de
cause à effet. Les observations publiées ne sont pas démonstra-
tives ; de nouvelles études sont à faire dans cette voie. Les trau-
matismes antérieurs aux troubles mentaux et nerveux peuvent
appeler l'intervention chirurgicale. Celle-ci peut être faite avant
l'apparition des troubles mentaux et nerveux pour remédier aux
conséquences ordinaires du traumatisme.
330 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Dans le cas d'intervention précoce, la psychose post-opératoire
peut être liée à l'opération seule et à ses suites ou bien encore au
traumatisme mental, ou à l'un ou l'autre. Elle peut rester aussi sans
rapport autre que de coïncidence. Une première intervention opé-
ratoire peul, sans compliquer l'état mental ou nerveux, rester sans
action curative : il ne s'ensuit pas qu'une intervention nouvelle
ultérieure ne reste pas indiquée.
Les applications futures de la chirurgie aux psychoses tireraient
profit de l'étude des suites lointaines qu'on en peut observer dans
les services d'asile comme des recherches fort minutieuses qu'on
y peut faire.
Dans t'étiologie de toutes ces catégories de psychoses, l'élément
traumatique peut intervenir parfois d'une façon prépondérante;
cet élément étiologique, souvent méconnu, mérite cependant une
place à part. L'observation individuelle plus minutieuse des
malades des asiles doit conduire à l'utilisation plus fréquente des
ressources de la thérapeutique chirurgicale dans le traitement des
psychoses tant aiguës que chroniques. Ce rapport des psychoses
avec le traumatisme doit de même conduire le chirurgien, dans
les premières périodes du traumatisme à ne négliger aucune indi-
cation opératoire.
M. A. Marie montre une série de moulages de calottes crâniennes
trépanées.
Suites éloignées du traitement chirurgical de l'idiotie
et de l'épilepsie.
M. BouRKEViLLE (de Paris) appelle l'attention sur les résultats
éloignés du traitement chirurgical de l'idiotie et de l'epilepsie et
relate un certain nombre d'observations qui prouvent que dans
l'épilepsie dite essentielle, après une diminution passagère des accès
à la suite delà trépanation, ceux-ci réapparaissent plus nombreux
qu'auparavant et s'accompagnent rapidement d'une profonde
déchéance des facultés. Les résultats, dans l'épilepsie partielle ou
jacksomenne, ne sont pas plus satisfaisants lossclti'on suit les ma-
lades prétendus guéris pendant quelques années. Seule, épilepsie
d'origine traumatique parait rester tributaire delà chirurgie, mais
encore faut-il que l'intervention soit précoce et que plusieurs
années ne se soient pas écoulées depuis l'apparition des premiers
accès.
Quant à l'icliolie, on sait que son traitement chirurgical reposait
sur une hypothèse erronée, celle de la synostose prématurée des
os du crâne ; aussi est-il aujourd'hui à peu près complètement
abandonné.
M. Onnecrn. J'ai eu de mon côté l'occasion de suivre pendant
plusieurs années cinq épdeptiques qui avaient subi une double ré-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 33)
section du sympathique cervical. Chez tous ces malades, les accès
comitiaux disparurent pendant quelque temps à la suite de l'opé-
ration, mais pour réapparaître ensuite tout aussi intenses et tout
aussi fréquents. Je fus obligé d'avoir recours au bromure de potas-
sium aux doses de 6 à 12 et 14 grammes par jour. Grâce à ce trai-
tement intensif, 2 de ces malades peuvent être considérés comme
guéris, car, bien qu'ayant cessé de prendre du bromure depuis un
an, ils n'ont pas eu de nouvel accès; 2 sont encore actuellement en
' traitement; le cinquième a succombé en état de mal.
De l'utilité de la ponction lombaire pour le diagnostic
de la paralysie générale.
MM. A. Joffroy et E. Mercier. Dans un grand nombre de cas'
- le diagnostic de la paralysie générale, impossible par les anciens
moyens d'investigation, peut être fait grâce à la ponction lombaire,
car dans les conditions où se pose habituellement ce problèiiiecli-
nique, la constatation de nombreux éléments blancs dans le liquide
céphalo-rachidien permet d'affirmer la paralysie générale, tandis
que leur absence permet de rejeter ce diagnostic.
A l'appui de cette affirmation, les auteurs de la communication
'apportent leur statistique personnelle et des exemples empruntés
aux leçons cliniques faites à l'asile Sainte-Anne pendant l'année
scolaire 1901-1902. leçons qui doivent former la base d'un tiavail
plus développé sur les applications de la ponction lombaire en
psychiatrie.
La statistique comprend 120 ponctions lombaires faites chez
91 malades différents, la plupart avec numération des éléments
blancs. Il a été fait 70 ponctions chez 48 paralytiques généraux.
Le nombre des éléments était généralement compris entre 10 et
100 par millimètre cube. Dans 4 ponctions faites sur 3 paraly-
tiques, on a trouvé un nombre d'éléments comparable à celui
'qu'on trouve chez les sujets sains. Mais les auteurs montrent qne
ces trois malades n'étaient pas dans les conditions d'évolution que
rencontre le clinicien dans le cas où le diagnostic est difficile. Ils
pensent qu'au début de la paralysie générale l'augmentation du
nombre des éléments est un symptôme constant.
Ils ont trouvé encore un nombre élevé d'éléments dans 4 cas de
tabès avec troubles mentaux, et dans un cas d'excitation maniaque
associé à une méningo-myélite syphilitique dont les symptômes
disparurent en même temps que l'excitation sous l'influence du
traitement spécifique.
Chez 18 vésaniques appartenant aux diverses variétés de psy-
choses, chez 1 épileptique, dans 1 cas de crises épileptiformes liées
à l'albuminurie, 2 cas de ramollissement cérébral et 1 cas d'hydro-
céphalie, le nombre des éléments n'était pas augmenté. Il n'était
332 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pas augmenté non plus chez 11 alcooliques auxquels furent faites
17 ponctions, et qui comprenaient 8 cas d'alcoolisme subaigu, d'al-
coolisme chronique et 2 de psychose polynévritique de Korsakofr.
La ponction lombaire permet de distinguer la paralysie géné-
rale des diverses formes de l'alcoolisme, et surtout de ces accès
d'alcoolisme subaigu qui éclatent dans le cours de l'alcoolisme
chronique. A diverses reprises, les auteurs se sont trouvés en face
de malades présentant, avec un délire plus on moins analogue au
délire alcoolique, de la confusion, de l'amnésie, des troubles de la
parole et parfois de l'inégalité pupillaire. Suivant que la ponction
faite à l'entrée dans le service leur révélait un nombre anormal
d'éléments blancs ou une quantité normale, ils faisaient, dans des
cas par ailleurs tout à fait semblables, tantôt le diagnostic de para-
lysie générale, tantôt celui d'alcoolisme, et l'évolution ultérieure
de la maladie leur a toujours donné raison. Or, avant l'emploi de
la ponction lombaire, le diagnostic immédiat était impossible dans
ces cas.
La ponction lombaire permet aussi de distinguer la paralysie
générale, au début, d'une psychose, et en particulier d'un accès
curable de manie ou de mélancolie, alors que le diagnostic sans
aide'serait tout à fait impossible.
Les auteurs citent l'exemple de deux hommes arrivés à l'âge
moyen de la vie, qui tous deux furent atteints d'un accès d'excita-
tion maniaque sous l'influence duquel ils commirent des incorrec-
tions très comparables. A l'examen, tous deux présentaient de
l'excitation sans affaiblissement intellectuel, sans troubles de la
mémoire. La parole élait normale, comme l'écriture; chez tous
deux il y avait une légère inégalité pupillaire, avec un réflexe
lumineux normal.
Il eut été impossible de différencier ces deux malades sans la
ponction lombaire, qui révéla un nombre anormal d'éléments chez
l'un, un nombre normal chez l'autre. Le premier était un paraly-
tique général; le second, au contraire, devait être regardé comme
curable.
La présence des éléments blancs chez un aphasique permet d'at-
tribuer l'aphasie à la paralysie générale dans certains cas où sans
la ponction lombaire, le diagnostic avec le ramollissement cérébral
serait très difficile.
Mais il y a des cas très rares où la ponction lombaire ne peut
servir au diagnostic de la paralysie générale. Ce sont ceux où il
existe une autre affection capable d'expliquer la présence des élé-
ments blancs. Par exemple, lorsqu'un tabétique présente des
troubles mentaux, on doit se demander s'il s'agit de troubles pas-
sagers, ou si l'on doit incriminer des lésions cérébrales de para-
lysie générale. Ici la ponction lombaire est impuissante, puisque le
tabès suffit à expliquer la présence des éléments blancs.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 333
En somme, d'après cette communication, la présence de nom-
breux éléments blancs dans le liquide céphalo-rachidien est le plus
constant et le plus précoce des signes physiques de la paralysie
générale, et sa découverte a fait faire un progrès considérable à
la question si importante du diagnostic de cette affection.
Discussion : M. Joffroy. Je désire attirer l'attention sur les
4 ponctions négatives faites chez des paralytiques généraux. Elles
ont porlé sur 3 malades. L'un de ces malades est entré à la cli-
nique il y a sept ans avec tous les signes de la paralysie générale,
puis après une période d'amélioration son état est resté station-
naire. Deux ponctions faites à six mois de distance dans le cours
de la septième année de la maladie n'ont pas révélé d'éléments.
11 ne faudrait pas en conclure que dans ces paralysies générales
prolongées, l'absence des éléments soit constante, car chez un
autre malade dont l'état reste stationnaire depuis treize ans, une
première ponclion fut négative, mais une deuxième, faite six mois
après, révéla de nombreux éléments. D'ailleurs la quatrième ponc-
tion négative montre qu'on peut rencontrer cette absence des élé-
ments dans des cas récents à évolution rapide. Ainsi pas plus
qu'aucun autre symptôme de la paralysie générale, la présence
des éléments n'a une valeur absolue.
M. Arnaud a vu un sujet atteint de crampes des écrivains qui
eut ensuite de l'embarras de parole. Ce fait lui semble venir à
l'appui des idées émises par M. Paillas sur la corrélation des
centres de l'écriture et de la parole.
M. DOUTI11.BIdN1'I : . Je demande à M. Joffroy de nous dire s'il
pourrait nous fournir des renseignements sur les antécédents vésa-
niques héréditaires des deux paralytiques dont la maladie dure
depuis cinq et onze ans.
M. Joffroy. L'un de mes malades avait des antécédents héré-
ditaires manifestes, il était fils d'un déséquilibré.
M. Doutrebente. Je remercie M. Jolfroy de ce renseignement.
qui me confirme dans l'opinion émise par moi il y a trente-deux
ans dans ma thèse, quand j'ai dit, le premier en date, que la forme
chronique et rémittente de la paralysie générale se rencontrant
chez les héréditaires vésaniques.
AI11. lllraE et Duflot. 11 y a bientôt deux ans que Widal.
Sicard, llavaud, ont fait connaître et rendu praticable à tous la
ponction lombaire. Depuis, celte époque, tout a été dit sur la
nature de cette opération, les méthodes d'examen du liquide, les
renseignements cliniques qu'une ponction peut donner en neuro-
logie et en psychiatrie. On a tenté la ponction lombaire dans toutes
les maladies susceptibles d'irriter les méninges et par suite de
faire apparaître des éléments figurés dans le liquide céphalo-rachi-
dien. La présence ou l'absence. de ces éléments dûment constatées
334 SOCIÉTÉS SAVANTES.
permettent donc, dans un cas donné, d'éliminer un certain nombre
d'hypothèses et de restreindre, par conséquent, le champ du dia-
gnostic.
A côté de ce simple examen, se bornant à constater la présence
ou l'absence d'éléments figurés, il nous a semblé que d'utiles ren-
seignements pourraient peut-être résulter de l'examen systéma-
tique et répété du liquide céphalo-rachidien chez certains malades.
Aussi, avons-nous fait un choix de paralyticlues généraux que
nous soumettons périodiquement à la ponction. Nous nous sommes
demandé, en effet, si le nombre des lymphocytes progressait en
raison directe de la maladie 1 ; s'il y avait variation dans la for-
mule cytologique dans les phases si diverses de la paralysie géné-
rale, ou encore au moment des ictus, fréquents chez le. paraly-
tique ? Peut-étreaussi, puisque le traitement spécifique parait devoir
rentrer en faveur, aurait-on pu trouver là un certain contrôle des
effets produits par ce traitement dans certains cas de paralysie
générale.
Nos observations sont encore trop peu nombreuses, et surtout sui-
vies pendant un laps de temps trop court, pour que nous puissions
répondre catégoriquement à ces multiples questions (nous nous
proposons du reste de les publier avec les développements qu'elles
comportent). Toutefois, il y a un fait qui nous parait bien certain,
c'est que le nombre des lymphocytes dans la paralysie'générale ne
semble pas progresser en raison des symptômes cliniques tant
physiques que psychiques. Nous avons ponctionné des malades
tout au début de leur maladie, dont le diagnostic même était
encore très hésitant. Dans certains cas, nous avons trouvé une
très grande abondance de lymphocytes, tandis que chez d'autres
paralytiques malades depuis longtemps, déprimés et cachectiques,
le nombre des lymphocytes était sensiblement inférieur à celui
trouvé chez les malades précédents.
Nous nous proposions de remettre à l'épreuve le traitement spé-
cifique avec le contrôle du cytodiagnostic, mais il semble bien,
d'après les observations précédentes, qu'il ne puisse donner de ren-
seignements sur le bon ou sur le mauvais résultat de la médication.
Quant aux variations de la formule leucocytaire avec les diverses
phases cliniques ou les ictus de la paralysie générale, nos obser-
vations, trop peu nombreuses encore, ne nous permettent de tirer
encore aucune conclusion définitive si ce n'est que l'abondance des
leucocytes dans le liquide céphalo-rachidien recueilli par la ponc-
tion chez les P. G. semble plus fréquente au début de l'affection et
dans les phases de poussées aiguës.
1 II ne s'agit évidemment pas d'une énumération exacte, démontrée
presque chimérique, mais d'une évaluation approximative, suffisamment
exacte toutefois pour le but recherché.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 335
L'anxiété impulsive au point de vue médico-légal.
M. Garnier (de Paris). -L'anxiété est assez fréquemment géné-
ratrice du crime, et ce qui constitue l'intérêt du fait, c'est que
l'acte criminel issu de l'anxiété morbide est en bien des cas accom-
pli en dehors de l'influence de conceptions délirantes. Sous l'em-
pire d'une souffrance morale indiquée, mais non accompagnée de
délire, une explosion subite a heu, sorte de convulsion mentale
qui se traduit par une fureur destructive.
Après cet éclair de violence, cette décharge motrice, il y a comme
une détente qui n'est pas sans analogie avec ce que l'on observe
chez les obsédés impulsifs post acluii2. On se trouve alors en pré-
sence d'une personne inquiète et surtout étonnée, qui manifeste la
première sa stupéfaction d'avoir commis un tel acte de violence et
qui, tout en ayant conscience de l'acte accompli, ce qui la diffé-
rencie du comitial, ne s'y reconnaît pas elle-même, ce qui la dis-
tingue-du délirant persécuté qui, lui, prétend sa conduite justi-
fiée.
Le magistrat interroge et constate une lucidité à peu près entière,
et si les .circonstances sont telles qu'une apparence de mobiles
puisse être trouvée, la situation devient très délicate pour l'expert.
11 importe donc que le médecin sache que dans la mélancolie sans
délire, alors que la maladie est beaucoup plus morale qu'intellec-
tuelle, il existe un vertige mental particulier dans lequel des actes
homicides ou suicides peuvent être exécutés avec tous les carac-
tères des actes réflexes. 1
M. P. HARTENBERG (de Paris). La névrose d'angoisse, décrite
par Freud (de Vienne), est caractérisée par les symptômes sui-
vants :
a) Surexcitation nerveuse générale ; b) Etat d'angoisse rhro-
nique ou « attente anxieuse » ; c) Accès d'angoisse aiguë ptii-0-
mystique, avec dyspnée, palpitations, sueurs profuses, etc. ;
d) Equivalents de la crise d'angoisse et crises rudimenlaires, tels
que : troubles cardiaques, troubles respiratoires, troubles diges-
tifs, vertiges, paresthésies, phénomènes musculaires, phénomènes
sécrétoires, phénomènes congestifs, troubles urinaires, variations
de la nutrition générale, etc. e) Phobies et obsessions. De tous
ces symptômes, le plus constant et le plus significatif est l'angoisse.
Les désordres fonctionnels sont plus ou moins variables, s'asso-
cient diversement entre eux et peuvent se remplacer les uns les
autres. Les phobies se développent à la faveur de l'angoisse, et
leur objet, qui n'est que la forme intellectuelle dans laquelle l'an-
goisse se justifie, dépend du hasard des circonstances.
Je puis citer trois observations de malades atteints de cette forme
de névropathie, et chez lesquels on ne trouve aucun des stigmates
336 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de l'hystérie ni de la neurasthénie. En revanche, on constate les
grands symptômes cliniques qui caractérisent la névrose d'angoisse :
attente anxieuse, crises d'angoisse aiguë, équivalents de crises,
phobies et obsessions. En conséquence, je crois légitime de classer
ces malades sous le diagnostic de névrose d'angoisse.
Note sur l'évolution des obsessions et leur passage au délire.
M. Séglas expose le résultat de ses observations personnelles
sur cette question qu'il a déjà abordée depuis 1889, dans diffé-
rentes occasions. Contrairement à l'opinion généralement admise
en France, il est toujours d'avis que l'obsession vraie est suscep-
tible, à l'occasion, d'évoluer, de se transformer, d'aboutir au
délire proprement dit.
11 convient tout d'abord d'éliminer les observations d'idées obsé-
dantes, ou mieux fixes, prépondérantes et celles dans lesquelles
il n'y a entre l'obsession et les symptômes délirants qu'un simple
rapport de coexistence.
Les formes psychopathiques auxquelles peut aboutir l'obsession
sont la mélancolie, la confusion mentale et le délire onirique,
les délires systématisés. Le passage à la mélancolie peut se faire
d'une façon indirecte ou directe par accentuation progressive des
symptômes de l'obsession. Lorsqu'il s'agit d'accès aigus, ils revè-
tent en général la forme anxieuse : les idées morbides ne sont que
la transformation délirante des anciennes idées obsédantes, comme
cela s'observe aussi d'ailleurs dans les cas tendant plutôt à la
chronicité, dans lesquels on voit l'auto-accusation délirante succé-
der au simple scrupule conscient et obsédant.
Les états de confusion mentale peuvent être plus ou moins accen-
tués : ils représentent comme l'exagération de l'état d'aboulie.
d'impuissance intellectuelle habituelle aux obsédés. Parfois, ils
peuvent aller jusqu'à la stupeur complète.
Les délires oniriques représentent l'exagération de l'autre face
de l'état mental des obsédés constituée par l'automatisme de
l'idéation, le mentisme. Non seulement ces délires ont les carac-
tères du rêve, mais ils peuvent eux-mêmes avoir leur origine dans
un rêve et se présenter comme des rêves prolongés. Ils s'accom-
pagnent toujours d'un certain degré de confusion mentale
L'obsession une fois acceptée par le sujet peut devenir l'origine
d'interprétations variables et passer au délire systématisé. Le
thème délirant est très variable ; les idées de persécution sont les
plus fréquentes, expliquant en général une idée de contrainte qui
peut aller jusqu'au délire de possession avec dédoublement de la
personnalité.
A côté de ces cas, il en est d'autres moins caractérisés, consti-
tuant des faits de transition. Les obsessions qui paraissent le plus
SOCIÉTÉS SAVANTES. 337
susceptibles de subir ces transformations sont les obsessions dites
intellectuelles et en particulier celles que l'on réunit sous le nom
de maladies du doute. La maladie du doute elle-même mériterait
peut-être déjà une place à part dans le cadre des obsessions. D'ail-
leurs, les éléments de pronostic ne doivent pas être tirés de la
forme de l'obsession, mais du complexus symptomatique et de
l'état mental sous-jacent dans chaque cas particulier : troubles
de la synthèse mentale, plus ou moins complexes dans le domaine
de la perception,de la mémoire, paramnésies, contraste psychique,
illusions, pseudo-halluciuatious, hallucinations sensorielles et mo-
trices diverses ; fréquence des paroxysmes obsédants, intensité
et durée des troubles émotionnels.
En terminant, M. Séglas indique le mécanisme qui préside à la
transformation de l'obsession vers les différentes formes délirantes
et dont l'origine dernière doit être recherchée suivant lui dans
cette dissociation de la conscience personnelle, qui existe toujours
en germe chez les obsédés, dans son obnubilation passagère et
son asservissement plus ou moins durable. -
Désencombrement d'un asile d'aliénés français.
M. Doutuebente. Depuis vingt-deux ans, j'ai cherché à désen- z
combrer l'asile de Blois par l'élimination progressive des aliénés
de la Seine et par la construction des nouveaux bâtiments, dans
lesquels nous installions, non pas des malades nouveaux, mais des
malades extraits des services encombrés 1. Nous avons aussi cons-
truit deux infirmeries, au rez-de-chaussée, en rendant impossible
la construction d'un étage au-dessus. Nous construisons, en ce
moment, un quartier, dit de traitement, en plein champ, pour les
aigus et incurables. L'asile de Blois, qui avait à notre arrivée
565 malades, n'en contient plus aujourd'hui que 324, soit 239
en moins; il est donc passé maintenant dans la catégorie des
petits asiles, résultat que, systématiquement, nous voulions
obtenir.
M. Bourneville. On ne peut que féliciter M. Doutrebente de
la tâche qu'il a entreprise et menée à bien. Elle est conforme aux
véritables intérêts des malades. Les'asiles encombrés sont malsains,
et loin de favoriser la guérison ou l'amélioration des malades, il
1 n'est là une recommandation que nous avons faite maintes fois à nos
confrères afin qu'ils s'opposent à la construction de greniers pouvant
donner l'idée d'en faire des dortoirs, soit pour les malades tranquilles,
soit pour le personnel. On trouvera des renseignements à cet égard
dans les procès-verbaux de la Commission de surveillance des asiles de
la Seine.
Archives, 2c série, t. NIV. - 21
338 SOCIÉTÉS SAVANTES.
aggrave leur état mental et les rend plus aptes à contracter des
maladies intercurrentes, d'où une morbidité et une mortalité plus
grandes.
L'une des causes de l'encombrement provient de ce que la plu-
part des asiles reçoivent des malades de plusieurs départements.
Il faut donc-que tous les départements aient leur asile spécial
pour désencombrer les asiles actuels. Chaque asile public doit
d'abord faire face aux besoins des malades de son départe-
ment, les y recevoir facilement au début de l'aliénation. C'est ce
qu'exigent la sécurité publique, l'intérêt des malades qui, traités
vite et bien, ont plus de chances de guérisou, l'intérêt des finances
départementales et municipales parce qu'il y aura moins d'incu-
rables.
Les constructions nouvelles doivent être faites pour assister les
malades, en plus grand nombre, grâce à l'alcoolisme, et non en
vue de recevoir un plus grand nombre d'aliénés de la Seine, d'en
tirer bénéfice puisque le prix de journée payé par ce département
est notablement supérieur à celui qui est payé par le département.
Ici, à Saint-Robert les premiers paient 1 fr. 50, les seconds 1 fr.
Les constructions que font trop d'asiles pour héberger les malades
de la Seine ont pour conséquence de rendre très défectueux les
asiles dont les services généraux deviennent insuffisants. C'est là
une spéculation que ne devrait pas tolérer l'administration supé-
rieure. Elle devrait intervenir pour que tous les départements pos-
sèdent les asiles dont ils ont besoin. Les transferts des malades de
la Seine, de Hegord à Saint-Lizier, de Nancy à Pau, constituent une
mesure barbare, et pour les malades et pour les familles. A tous
les médecins qui sont ici de faire comprend; à leurs préfets, à
leurs commissions de surveillance, à leurs conseils généraux, qu'il
est de leur devoir d'imiter ce qu'a réalisé M. Doutrebente, à Blois,
de rendre leurs asiles normaux.
Les aliénés convalescents; par le Dr Larrivé (de Meyzieux).
Au cours de sa dernière session, le conseil supérieur de l'Assis-
tance publique s'est occupé de la question du retour des aliénés
guéris à la vie libre, 11 a adopté le texte du contre-projet de
M. l.efèvre dont voici les termes. ,
« Dans les établissements destinés au traitement des aliénés, il
doit être créé des quartiers de convalescents où les malades joui-
ront d'un régime spécial et d'une liberté spéciale réglés par le mé-
decin. Les aliénés convalescents pourront bénéficier de sorties
d'essai. »
Depuis longtemps nous avons reconnu l'utilité de cette mesure
d'adoucissement au régime des aliénés améliorés. Les résultats
obtenus sont des plus satisfaisants. C'est pourquoi notre établisse-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 339
ment médical de Meyzieux (Isère) comporte non seulement un
asile privé (maison légale) où 50 malades sont internés, mais sur-
tout des sections distinctes pour convalescents des deux sexes;
Cela nous permet de faire patienter malades et parents en donnant
plus de liberté et de bien-être aux unes, et plus de satisfaction aux
autres, sans que le traitement et l'isolement soient supprimés d'un
seul coup.
A sa sortie de l'asile, le malade est hésitant, craintif; il a peur
de rencontrer les personnes qui ont assisté aux premières mani-
festations de son affection mentale ; le moindre bruit l'émotionne,
un rien le contraire. Au contact des gens sensés, jouissant da
faveur spéciale et d'une liberté relatve mais suffisante, plus entouré
parce qu'il est devenu lui-même plus raisonnable et plus confiant,
ce même malade convalescent reprend la gaieté, revient à ses occu-
pations favorites, et se trouve dans les conditions indispensables
pour reprendre sans crainte sa place dans la société.
C'est à ce titre que nous jugeons de toute utilité la création de
sections pour aliénés convalescents, sauvegardant en même temps, z
en cas de rechute, notre responsabilité de médecin par une sortie
d'essai d'un mois environ avant de donner satisfaction complète
au malade et à sa famille.
M. Doutrebente (de Blois). Les sorties d'essai sont pratiquées
en réalité depuis longtemps, soit que l'on rende à leur famille des
améliorés avant guérison complète, soit que l'on fasse sortir des
mélancoliques qui ne tirent aucun profit du séjour à l'asile, ainsi
que le faisait déjà Esquirol. Il est désirable qu'il soit spécifié dans
la loi que les directeurs d'asile seront toujours irresponsables des
accidents causés par les aliénés mis en liberté avant guérison, mais
il faut peu compter sur ce résultat tant que le pouvoir judiciaire
n'interviendra pas aussi bien que dans le placement que dans la
sortie des aliénés. 1
M. Bourxeville. La formule du Conseil supérieur est défec-
tueuse. Au lieu de « sorties d'essais » c'est e congés d'essai » qu'il
eut fallu dire. En outre, des congés d'une, deux, trois et quatre
semaines, même renouvelables, sont accordés, dès maintenant,
à certains malades tranquilles, d'où avantage pour les finances de
l'asile. Dans notre service d'enfants de Bicêtre (et nous agissions de
même quand nous avions les adultes), il a été accordé en 1901 :
340 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Nous procédons ainsi depuis 1880. Avant, lorsque nous avons
remplacé M. Delasiauve à la Salpêtrière nous avons accordé dès
permissions de sortie aux épileptiques aliénés et aux idiots.
Assistance et éducation des enfants anormaux, par le Dr Lariuvé.
Une question non moins intéressante et qui se rattache à celle
de l'hospitalisation des aliénés, c'est l'Assistance et l'éducation des
enfants anormaux. A part l'oeuvre du Dr Bourneville à laquelle il a
attaché son nom de philanthrope et de savant, rien n'a été fait ou
à peu près. Et cependant, les résultats obtenus sont là, plus encore
que partout ailleurs, pour décider l'Administration à créer des
Asiles-écoles iiiie)-dép21,leiîtentaux.
C'est pour combler cette lacune dans la région lyonnaise que
nous avons créé dans notre Etablissement une annexe médico-pé-
dagogique pour les anormaux peu fortunés.
Une seule considération aurait pu nous faire reculer : la ques-
tion financière. Nous n'avons pas hésité, car nous avons pensé que
là où les pouvoirs publics, tenus en lisière par les exigences bud-
gétaires, reculaient, il pouvait être permis à des particuliers n'en-
gageant que leurs propres intérêts, de donner l'exemple et d'aller
de l'avant.
Le succès a couronné nos efforts. L'Administration, timidement
il est vrai, nous a accordé son appui. Nous ne pouvions avoir l'am-
bition d'être soutenus davantage avant d'avoir fait nos preuves.
Deux conseils généraux, un conseil municipal nous ont envoyé des
enfants, leurs pupilles; plusieurs familles nous ont-honoré de la
même marque de confiance. Tous n'ont eu qu'à se louer des bien-
faits de l'éducation donnée à ces déshérités. C'est pour vulgariser
l'assistance des anormaux que nous demandons aux membres du
Congrès d'émettre, avec l'autorité qui leur appartient, le voeu sui-
vant :
« Que les pouvoirs publics, Parlement, conseils généraux, con-
seils municipaux votent les crédits utiles pour la création d'asiles-
écoles interdépartementaux;
« Que l'Assistance et l'Education soient rendues obligatoires pour
les anormaux; '
« Que, transitoirement, l'Etat, les départements et les communes
inscrivent à leur budget les sommes nécessaires pour placer les
anormaux peu fortunés dans les asiles-écoles privés, actuellement
existants.
M. BOURNEVILLE. Nous devons de suite remercier M. le D1' Lar-
rivé de son appréciation bienveillante de la réforme que nous avons
entreprise. Sa communication, ainsi que celle de M. le D1' Courjon
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 341
(de Meyzieux) au Congrès de 1901 de V Association française pour
l'avancement des sciences, apportent un appui important à la créa-
tion, pour les enfants idiots et épileptiques, d'asiles-écoles inter-
départementaux ou mieux départementaux, car il n'y a pas de
département qui n'ait malheureusement au moins 3 ou 400 enfants
idiots de toute catégorie et épileptiques. Les efforts tentés par le
D1' Courjon et par lui méritent d'être encouragés. Aussi deman-
dons-nous au nos collègues du Congrès de bien vouloir adopter les
voeux qu'il leur soumet, conformes d'ailleurs, à l'un des articles
du projet de loi portant revision de la loi du 30 juin 18381, con-
formes à ceux qu'ont voté sur nos Rapports le Congrès interna-
tio7z(il d'assistance publique de 1889, le Congrès national de Lyon
en 1894, etc., etc.
M. Larrivé insiste sur la possibilité d'améliorer, de guérir même
un grand nombre d'enfants idiots, imbéciles, arriérés, instables,
pervers. Les heureux résultats qu'il a enregistrés confirment les
nôtres et, à, l'appui, nous allons faire passer sous vos yeux, un
certain nombre de photographies, prises de deux en deux ans,
d'enfants idiots complets qui ont subi une transformation remar-
quable. Voici sur chacun d'eux des renseignements sommaires.
Geoy... (Fernand), huit ans. - Atteint d'imbécillité avec colères
fréquentes et manie de ronger les vêtements. Etait à son entrée
dans l'impossibilité de lire ; il ne savait pas non plus écrire et
avait peu de notions sur les choses usuelles. Son état s'est bien
amélioré, les colères sont moins fréquentes et la manie de ronger
a disparu. De notables progrès sont à signaler à la classe et,
aujourd'hui, il lit couramment en se rendant bien compte de ce
qu'il lit ; il écrit lisiblement, fait la dictée avec les grands, et com-
mence à faire des problèmes sur l'addition et la soustraction. Il
reproduit aussi quelques traits de dessin et y apporte un certain
goût. En résumé l'enfant se rapproche de plus en plus de l'état
normal (4 photographies = 1897-1900).
Gtidef... (Adélaïde), huit ans. Cet enfant, à l'entrée, était gâteux,
ne marchait pas ; ne prononçait aucun mot. Aujourd'hui, le
gâtisme a totalement disparu. L'enfant marche seul. Enfin il pro-
nonce tous les mots usuels et fait de petites phrases (4 photogra-
phies = 1896-1900). ,
La ? ! ! )'... (Gaston), quatorze ans et demi, atteint d'idiotie pro-
fonde avec gâtisme, avait de l'écholalie, prononçait mal quelques
mots : du panput pour pain, à barre pour à boire, minmin pour
maman. Aucune notion ; ne savait pas s'habiller, se déshabiller, se
nettoyer, ne connaissait pas les parties de son corps, il montrait
son nez pour sa tête, son pied pour sa main, etc.
' Rapport à la Chambre des députés en 1889.
342. SOCIÉTÉS SAVANTES.
..Actuellement, il est propre, s'habille, se déshabille, se nettoie
seul, mange proprement, se sert de la cuiller et de la fourchette,
débarrasse le couvert au réfectoire et commence à laver la vais-
selle. Répond bien aux questions qui lui sont posées et commence
à tenir conversation (3 photographies = 1896-1900).
Popcl... (André), sept ans et demi. Idiotie profonde. A l'entrée
ne comprenait rien, ne marchait pas, avait même de la peine à se
tenir dans le chariot ; était grand gâteux. Aujourd'hui il est pro-
pre, mange seul et dit papa, maman. Il marche seul depuis 1899.
Son attention était très difficile à fixer; maintenant si on l'ap-
pelle, il vient; si on le gronde, il s'en va en pleurant (5 photogra-
pliies =.1897-1901). , ,
' Prov... (Edmond), neuf ans. Est entré dans le service atteint
d'idiotie complète avec gâtisme ; marche et parole nulles. Aujour-
d'hui, il parle, marche, s'habille et se déshabille seul ; il se rend
utile aux travaux du ménage. Il écrit assez lisiblement, mais est
lent à la lecture (5 photographies = 1894-1901).
Ces photographies vous monlrent que nous avons choisi, pour
noire démonstration, les enfants les plus malades. Si de tels enfant-,
comme vous pouvez le constater vous-mêmes sont améliorables, à
plus forte raison le sont les enfants imbéciles ou simplement
ariérés.
La loi sur l'obligation de l'instruction primaire, commande au
Gouvernement, aux départements, aux communes, d'organiser
des asiles-écoles, des classes spéciales suivant les cas, pour tous les
anormaux et en particulier pour ceux qui nous occupent, les plus
nombreux et souvent aussi les plus dangereux,
L'assistance, l'application du Traitement médico-pédagogique1
doit être faite dès que l'on a remarqué les premiers signes de
l'idiotie, au plus tard, à deux nzzs. Plus on temporise, plus le mal
s'aggrave, plus la tâche du médecin et du pédagogue est duré.
Nous rappellerons à ce propos ce que nous avons dit maintes fois
Beaucoup de médecins, peu au courant des maladies nerveuses
chroniques des enfants, sont fort embarrassés en face de tels cas :
ne vous tourmentez pas, disent-ils aux parents. A sept ans, il v
aura un changement : oui, mais en pire. L'amélioration ne venant
point, les parents inquiets retournent auprès du médecin qui, de
plus en plus embarrassé, fait espérer une amélioration à douze
' « M. Bourneville, dit M. Courjon (loc. cil.), a repris, perfectionné et
mis en pratique la méthode de Seguin; il a trouvé, pour caractériser les
soins à donner aux idiots, l'expression de traitement médico-pédago-
gique. » Il en est de même de la dénomination Institut médico-pédago-
gique. ..
SOCIÉTÉS SAVANTES. 313
ans. Nul résultat alors, ou plutôt aggravation. La puberté arrive,
des impulsions, des habitudes mauvaises compliquent l'état pri-
mitif. Ces retards ont diminué les 'chances d'amélioration et de
guérison. '
Nous nous bornerons à ces renseignements et à ces conseils pra- ' ·
tiques, espérant que joints à ceux que nous avons donnés précé-
demment, ils contribueront à dissiper des préjugés fâcheux et à
inspirer une confiance motivée à tous les médecins.
Bacillus fluorescens pulridus et diarrhée verte chez les aliénés.
MM. E. Boum et M. DmE (de Rennes) ont recueilli dans le service
de M. Chardon 3 cas de diarrhée verte chez des aliénés, s'ac-
compagnant de phénomènes généraux graves et dont deux se sont
terminés par la mort ; dans ces 3 cas, ils trouvèrent un bacille
chromogène facile à cultiver, donnant sur beaucoup de milieux
nutritifs, mais notamment sur le sérum d'ascite, un pigment vett t
fluorescent. Ce bacille, identique chez les trois malades doit être
confondu avec le Bacillus fluorescens putridus découvert et décrit
par Fiugge dans les eaux corrompues, et dans les matières en
voie de putréfaction ; les faits cliniques et les recherches anatomo-
pathologiques faites dans deux cas autorisent à affirmer que le
Bacillus fluorescens putridus a joué un rôle important dans la
genèse de ces diarrhées vertes, et dans les troubles dont elles se
sont accompagnées. -
Ces observations mettent donc en lumière un fait nouveau :
c'est qu'un bacille chromogène, regardé jusqu'ici comme absolu-
ment inoffensif pour l'homme et pour les animaux, le Bacillus
putridus, peut en certaines circonstances devenir pathogène et
prendre une part importante dans l'étiologie des diarrhées
vertes.
L'action de ce bacille peut s'expliquer par cette particularité que
les malades étaient des épileptiques ou des aliénés atteints de
lésions ou de troubles graves du système nerveux central ; or,
l'influence du système nerveux sur l'état général de l'organisme
ne saurait être contesté, et-ses lésions placent ainsi les malades
dans un état d'infériorité vitale et de moindre résistance mani-
festes.
L'expérimentation chez le cobaye a permis d'appuyer solide-
ment cette manière de voir, car chez cet animal, dont l'immunité
naturelle pour le Bacillus fluorescens putridus est très forte, les
auteurs ont pu avec ce microbe déterminer une infection mortelle,
en ayant soin, avant l'inoculation, de diminuer la résistance de
l'animal par une injection de teinture d'opium qui paralyse
momentanément l'action phagocytaire des cellules blanches.
344 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Les alcooliques récidivistes.
11\i. LrcaaIN i;r GUIanD. - Les récidivistes se recrutent dans
deux catégories d'alcooliques : 1° les alcooliques simples, buveurs
d'habitude, souvent sans tare héréditaire ni passé pathologique,
qui font un accès de délire sous l'influence d'une cause occasion-
nelle et qui récidivent parce qu'on n'a pu les garder assez long-
temps à l'asile pour modifier leur état mental de buveurs, pour
leur faire perdre l'habitude de boire clu'ont créée en eux de lon-
gues années d'intempérance, et parce qu'ils retrouvent à leur sortie
les mêmes causes provocatrices qui ont développé leurs habitudes
et qui agissent de nouveau dans les mêmes conditions; 2° les psy-
chopathes avec appoint alcoolique qui délirent sous l'influence
d'une dose souvent minime d'alcool et qui présentent une ten-
dance constante à la récidive en vertu de leurs défectuositée men-
tales. Les causes des récidives sont les mêmes que pour les
malades de la première catégorie, mais ces psychopathes sont en
général des récidivistes précoces et presque toujours dangereux.
Les alcooliques récidivistes atteignent la proportion de 25 p. 100
dans le service d'alcoolique de Ville-Evrard, sur une population de
300 malades. Coûteux pour la collectivité, ils sont encore un
danger pour la sécurité publique, car ils récidivent souvent aussi-
devant les tribunaux.
Pour lutter contre le récidivisme, il faut : 1° traiter de bonne
heure les buveurs, alors qu'il est temps encore de les guérir en
modifiant leur mentalité, en relevant leur volonté ; c'est une oeuvre
morale et sociale ; 2° préparer une loi permettant d'interner à
temps, dans certaines conditions, le buveur d'habitude, l'ivrogne
considéré comme un être dangereux et comme un malade (traite-
ment forcé des ivrognes) ; 3° modifier la loi sur l'ivresse publique
afin de pouvoir interner à temps les délinquants récidivistes, et de
substituer ainsi un traitement forcé à des pénalités intempestives ;
4° séquestrer et traiter de même les. délinquants alcooliques
récidivistes à leur première récidive ; 5° développer les sociétés
de tempérance, les patronages pour buveurs, oeuvre impor-
tante pour continuer et parfaire la guérison commencée à
l'asile.
Sur le traitement des buveurs par la suggestion hypnotique..
Sous ce titre M. Bérillox fait une communication dont nous
n'avons pas eu le résumé.
M. - Les alcooliques peuvent bénéficier de la suggestion
hypnotique, a dit M. Bérillon. Je vais plus loin, et je dis que cette
SOCIÉTÉS SAVANTES. 345
efficacité de la suggestion hypnotique peut s'étendre à tous les
troubles psychiques d'origine toxique, non seulement à ceux qui
relèvent d'une exo-intoxication, comme l'alcoolisme et le morplii-
nisme, mais encore à ceux qui proviennent d'une auto-intoxication
ou d'une infection. Il y a une raison à cela, ainsi que je l'ai démon-
tré. C'est que les troubles psychiques des intoxications sont iden-
tiques aux troubles psychiques de l'hystérie et constituent de
véritables états seconds ou de somnambulisme.
On a pu m'objecter, en présence de cette identité, qu'il s'agis-
sait là d'accidents hystériques. Mais il n'en est rien, car les
malades n'avaient jamais présenté aucun stigmate d'hystérie et,
chose curieuse, n'étaient hypnotisables que durant le temps de
leur psychose toxique.
L'hypnotisme peut donc être utilisé, je le répète, non seulement
contre les troubles psychiques de l'alcoolisme, mais aussi contre
ceux de toutes les intoxications, quelles qu'elles soient. Il va sans
dire que la prudence et la réserve les plus grandes doivent prési-
der, comme toujours, à l'emploi de ce moyen thérapeutique.
. Séance du 5 Août (matin).
PI;I.sDEcE Dia AIIf. 1Gs ET niamE.
Cette séance a eu lieu dans l'amphithéâtre de l'Ecole de méde-
cine, mise gracieusement par son directeur, M. le professeur Bor-
dicr, a la disposition dn Congrès.
les auto-accusateurs au point DE vue médico-légal.
Rapport présenté par le D1' Dupas.
Voici les conclusions qui terminent ce très intéressant
rapport.
L'histoire des auto-accusateurs est actuellement assez riche en
documents, d'ordre clinique et médico-légal, pour se prêter à une
étude d'ensemble, d'un haut intérêt théorique et pratique pour le
psychologue, le médecin et le magistrat.
Cette étude d'ensemble a été exposée en deux parties : la pre-
mière, d'ordre clinique, est consacrée à la définition de l'idée et du
délire d'auto-accusation ; à la conception et au classement nosolo-
gique du syndrome ; à l'énumération successive des divers états
pathologiques au cours desquels il apparaît; à l'analyse des cir-
constances étiologiques, du mécanisme pathogénique, des allures
cliniques et évolutives qui, dans chacun de ces états morbides,
346. SOCIÉTÉS ..SAVANTES. -
caractérisent l'idée d'auto-accusation. La seconde partie, d'ordre
médico-légal, consacrée à l'exposition des conséquences pratiques,
dans les domaines judiciaire et administratif, de l'idée d'auto-ac-
cusation, comprend l'étude de la situation de l'auto-accusateur
vis-à-vis de la valeur probante de l'aveu dans les législations fran-
çaise et étrangère, et des conséquences des autodénouciations
postérieures aux arrêts judicaires. Ce chapitre se termine par
l'exposé de la conduite de l'expert vis-à-vis de l'autoaccusaleur,
et l'énoncé des conclusions statistiques médico-légales qui se
dégagent de l'étude comparée des observations d'auto-accusa-
teurs.
La partie étiologique et clinique, qui constitue l'indispensable
introduction à l'histoire médico-légale du sujet, comprend l'étude
analytique et descriptive, fondée sur l'étude des observations, des
grands types d'aulo-accusateurs, successivement considérés, selon
leur, origine éliologique, dans les états mélancoliques, dans la
dégénérescence mentale, dans les psychoses toxiques, dans les état-
démentiels et dans les états névropsychopathiques.
Au début de cette étude s'impose une définition claire et précise
du terme auto-accusateur. Dans le langage de la psychiatrie clini-
que, le terme auto-accusateur s'applique non seulement au sujet
qui avoue avoir commis un crime déterminé, dont il relate, avec
des détails circonstanciés, le lieu, l'heure et l'exécution, mais encore
au malade qui porte sur lui-même un jugement défavorable, qui
se déprécie, parle de sa déchéance physique et morale et exprime
des idées générales d'incapacité, d'indignité, de culpabilité et de
remords. Dans le langage de la psychiatrie médico-légale, le terme
« auto-accusateur » a une signification beaucoup plus étroite : il
s'applique seulement au sujet qui, délirant ou lucide, sincère ou
menteur, halluciné ou raisonnant, mu par un sentiment patholo-
gique ou par un mobile intéressé, s'accuse dans un acte, provoqué
ou spontané, direct au indirect, verbal ou écrit, d'aulodéuoncialion
vis à-vis des autorités admiuislralices ou judiciaires. Cette dis-
tinction entre les deux acceptions, médicale et juridique, du vocable
auto-accusation, sur laquelle ajudicieusement insisté Régis, établit
nettementles rapports réciproques des deux domaines, clinique et
médico-légal, de l'auto-accusation. L'histoire psycliopathologiquc
de l'auto-accusation, comprend en effet toutes les modalilés du
délire de culpabilité des mélancoliques, toutes les variétés des idées
- délirantes, obsédantes ou simplement vaniteuses impulsives, d'au-
to-accusation des dégénérés, tous les romans hallucinatoires et
oniriques de criminalité imaginaire des alcooliques et des hystéri-
ques, toutes les conceptions épisodiques de même nature des dé-
ments ; tandis que l'histoire médico légale des auto-accusateurs
étudie, parmi tous ces différents types, ceux qui franchissant les
limites du délire platonique de culpabilité, ou même n'ayant
SOCIÉTÉS SAVANTES. 347
jamais été délirants, passent à l'acte de l'aulodénonciation, en se
déclarant les auteurs de délits ou de crimes dont ils doivent rendre
compte à la justice. En médecine légale, auto-accusation est donc
synonyme d'autodénonciu lion.
L'auto-accusation chez les mélancoliques procède, direclement,
des malaises cénesthésiques, de l'inhibition psychique et de la dou-
leur morale qui constituent le substratum pathogénique du délire
mélancolique. Ce délire, qui affecte d'abord la forme d'idées de
culpabilité générale, diffuse, peut, en vertu du processus automa-
tique, d'inférence logique et de déduction raisonnante, évoluer
vers un délire de culpabilité précise, qui s'affirme nettement devant
la conscience, dans la représentation claire d'une faute déterminée.
Les éléments qui déterminent ainsi avec précisionle crime commis
sont empruntés soit à l'interprétation morbide de coïncidences
extérieures, soit au souvenir et au grossissement hypertrophique
de menues peccadilles passées, soit a la culture d'une idée fixe
postonirique, soit à l'attribution personnelle, directe ou indirecte,
de malheurs, de catastrophes ou de crimes, dont le mélancolique
assume la responsabilité, lorsque, par un mécanisme variable, a
pris corps dans l'espace et dans le temps, et s'est précisée dans son
objet, l'idée d'une culpabilité déterminée,le mélancolique de coit-
pnble devient auto-accusateur. La plupart des mélancoliques auto-
accusateurs, ne dépassant pas ce stade d'évolution délirante, res-
tent ainsi platoniques dans leurs idées d'auto-accusation. Quelques-
uns d'entre eux vont plus loin et de l'idée passent à l'acte. D'auto-
accusateurs platoniques ils cl(vie2z7ze72t a2ctodétonciute2e's et entrent
ainsi, par nne intervention active auprès des autorités, de plain
pied dans le domaine médico-légal du délire mélancolique d'auto-
accusation. Cette évolution logique du mélancolique, de la culpa-
bilité diffuse à la culpabilité précise ou auto-accusation, et de
l'idée platonique d'auto-accusation à l'acte de l'autodénonciation,
rappelle de loin l'évolution médico-légale du persécuté, qui passe
ainsi de l'inquiétude vague à la persécution précise, et de l'idée
inoffensive de persécution passive à l'acte justicier de la défense
ou de la vengeance. Dans les deux cas, le passage de l'aliéné du
domaine clinique au domaine médico-légal du délire, est marqué
par l'acte social, qui apparaît comme le produit logique de la
croyance du malade.
Cette évolution du délire mélancolique d'auto-accusation vers sa
phase médico-légale, peut se résumer par les termes de la filiation
chronologique suivante :
1 État alcoolique ; 2° délire de culpabilité diffuse ; 3° auto-accu-
sation précise, mais passive et platonique ; 4° autodénonciation
active.
- Presque tous les mélancoliques réalisent le deuxième état ; beau-
coup atteignent le troisième ; une infime minorité seulement arri-
348 SOCIÉTÉS SAVANTES.
vent jusqu'au quatrième terme. Ceux-Ici, seulement sont les auto-ac-
cusateurs médico-légaux. Presque tous ces malades sont des femmes
et la plupart s'accusent de crimes, surtout d'infanticides.
L'auto-accusation, chez les dégénérés, est extrêmement fréquente.
Je l'étudié successivement dans la débilité et la déséquitibration
mentales, au cours des obsessions, enfin dans les différentes variétés
de paranoïas dégénératives. J'envisage ensuite les associations des
autres facteurs étiologiques avec la dégénérescence mentale, dans
la pathogénie de l'idée d'auto-accusation.
Les dégénérés inférieurs, débiles et déséquilibrés, constituent,
dans la foule hétérogène des auto-accusateurs, une catégorie bien
spéciale, riche en types divers et très curieux. Chacun d'eux, dans
le roman criminel dont il s'improvise le héros, joue le rôle d'un
personnage parfois troublant pour le magistrat instructeur, sou-
vent énigmatique pour le psychologue,, toujours intéressant pour
le médecin.
A l'inverse des auto-accusateurs mélancoliques, qui sont délirants
sincères, anxieux et repentants, les auto-accusateurs dégénérés sont
presque toujours lucides, conscients, menteurs, indifférents ou glo-
rieux. A l'inverse des mélancoliques qui ont tous, dans l'unifor-'
mité de leur délire, un air de famille, les dégénérés sont tous dif-
férents les uns des autres et offrent, dans leur auto-intoxication, la
physionomie clinique la plus variable et la plus individuelle ;
l'histoire de chacun d'eux est un roman toujours nouveau.
Parmi ces dégénérés auto-accusateurs, on peut distinguer plusieurs
lypes :
Les débiles intellectuels simples, se dénonçant sous la seule inci-
tation d'une suggestion impulsive, à la suite d'une lecture, d'une
conversation, d'un rêve : c'est l'auto-accusation par réflexe psychi-
que élémentaire, sans racines ni relations associatives dans la men-
talité, sans préparation comme sans portée.
Les débiles intellectuels vaniteux, se dénonçant par besoin de
mensonge et surtout par appétit de gloriole, par vanité, par désir
de se mettre en scène, de faire parler d'eux. Chez ces malades, le
roman de l'auto-accusation est un peu plus solide et plus vraisem-
blable que chez les débiles précédents. '
Les débiles moraux, égoïstes, mystificateurs et pervertis instinc-
tifs, mettent au service de leurs mauvais appétits l'acte prémédité
de l'autodénonciatiou mensongère et consciente : c'est ici un calcul
intéressé, joint à l'appétit du mensonge-et a l'imbécillité morale,
qui échafaude un roman criminel imaginaire, dont l'auto-accusateur r
veut paraître le héros intéressant, pour en devenir indirectement
le bénéficiaire intéressé.
Les obsédés peuvent présenter des idées obsédantes d'auto-accu-
sation, consécutives elles-mêmes à des obsessions-impulsions cri-
minelles. Le malade, douleur et anxieux, se demande s'il a réelle-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 349 )
ment commis le crime dont il a cultivé l'idée, et arrive à se croire
réellement coupable.
Les dégénérés paranoïaques qui formulent des idées d'auto-accu-
sation sont les auto-accusateurs systématiques primitifs (Séglas) et
les persécutés auto-accusateurs, étudiés surtoutpar Ballet, Séglas,
Lalanne, chez qui s'associent les deux délires de persécution et
d'auto-accusation : en pareil ca, les états de mélancolie, d'hypo-
chondrie et d'obsession orientent et compliquent le processus psy-
chopathidue en cause. Ces auto-accusateurs délirants peuvent inté-
resser le médecin légiste par leurs tentatives de suicide, et leurs
tendances aux automutilations et à la poursuite obstinée de
l'intervention chirurgicale. En dehors de ces épisodes, ces dégé-
nérés délirants auto-accusateurs n'ont pas d'intérêt médico-légal.
Chez tous les dégénérés auto-accusateurs, particulièrement chez -
certains persécutés auto-accusateurs alcooliques (Houbinowitch) et
surlout chez les débiles et les déséquilibrés, les associations mor-
bides les plus diverses (alcoolisme, hystérie, épilepsie, infections,
surmenage, etc.) peuvent intervenir dans les moments étiologiques
comme dans les modalités cliniques de l'auto-accusation. Le fac-
teur étiologique le plus fréquemment surajouté est l'alcoolisme.
L'appoint toxique pousse alors le débile à l'acte de l'autodénoncia-
tion, en excitant l'automatisme psychologique, en affaiblissant le
pouvoir-d'inhibition et en intervenant aussi, par l'intermédiaire
du délire onirique, dans un procès morbide dont on entrevoit la
complexité étiologique.
L'auto-accusation chez les alcooliques présente à cause de sa
fréquence, de son mécanisme pathogénique et de son évolution cli-
nique, le plus grand intérêt. On l'observe toujours chez des hommes
adultes, intoxiqués d'assez longue date, sous l'influence d'un excès
massif de boissons ou d'un surmenage récent, d'une infection ou
d'une intoxication, éléments épisodiques surajoutés à l'alcoolisme
chronique.
L'auto-accusation représente une des formes délirantes de l'ivresse
psychique, qu'on observe parmi les prédisposés, chez les individus
imaginatifs (P. Garnier).
D'origine hallucinatoire, de nature onirique, le délire évolue au-
tour d'une idée fixe qui survit au rêve morbide (Régis) et qui évolue
pendant quelques heures ou quelques jours, sur un fond d'amnésie.
d'obnubilation et de confusion mentales, en imposant au "malade
la conviction qu'il vient de commettre un crime sanglant, sauvage,
dont les éléments (victime, cadre de l'action, etc.) sont empruntés
à sa vie ordinaire (meurtre d'une parente), à ses lectures (crime
de l'actualité), à ses préoccupations (assassinat politique). Le
drame onirique, saisissant de vie hallucinatoire et souvent de tra-
gique horreur, détermine chez le malade les réactions les plus inté-
ressantes dans leur sincérité et leur mimique.
380 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La survie de l'idée fixe de culpabilité est presque toujours éphé-
mère, et le délire d'auto-accusation d'origine toxique s'efface en
quelques jours, à travers des phases oscillantes et irrégulières de
conviction délirante et de lucidité consciente, au terme desquelles
le malade se ressaisisit complètement.
L'auto-accusation des psychoses toxiques s'observe également
chez les typhiques; dans les états d'inanition et dans certaines crises
oniriques d'étiologie imprécise , mais certainement de nature
toxique.
L'intérêt médico-légal de l'auto-accusation d'origine toxique se
tire de la fréquence de ces situations pathologiques, où se pose le
problème de la mesure à prendre vis-à-vis de l'autoaccusateur.
Celui-ci, délirant transitoire, ne doit presque jamais êlre interné à
l'asile : une courte période de mise en observation suffira le plus
souvent pour juger cette crise psychopathique temporaire et
curable, permettre la mise en liberté de l'auto-accusateur et épar-
gner au malade les fâcheuses conséquences de l'internement.
L'auto-accusation chez les hystériques, extrêmement rare, rela-
tivement à l'hétéro-accusation, s'associe parfois à celle-ci dans un
complexus d'autohétéro-accusation, visant des fautes d'ordre sexuel
(attentats, adultères, etc.). Elle s'observe chez les femmes et peut
entraîner de lâcheuses conséquences.
A propos de l'autoaccusation chez les hystériques, on doit, dans
une histoire médico-légale des autoaccusateurs, accorder une
mention rétrospective aux crimes imaginaires d'avortement, de
viol, d'empoisonnement, de sodomie, d'inceste, d'adultère, etc.,
avoués spontanément et souvent sans l'intervention de la torture,
parles sorcières et leurs complices, devant les tribunaux des grands
procès de sorcellerie des xv°, xvie et xvn° siècles. Ces malheu-
reuses et irresponsables victimes d'une époque ignorante et d'une
procédure barbare, atteintes d'hystérie, de débilité mentale et des
diverses formes démonopathiques du délire de possession, repré-
sentent une innombrable théorie d'autoaccusateurs, dont l'histoire
médico-légale n'est qu'un long et instructif martyrologe.
L'autoaccusateur chez lesépileptiques peut dériver des tentatives
d'explication faites par le malade, au sortir de son accès, pour jus-
tifier le crime qu'il vient de commettre dans l'inconscience de son
délire. L'autoaccusation épisodique chez certains déments n'a pas
d'histoire médico-légale. -
La situation créée vis-à-vis de lui-même et des autorités par
l'autoaccusateur, au moment et par le fait de son aveu, varie beau-
coup suivant le contenu de l'autoaccusation. A ce propos, la divi-
sion très claire et très simple, proposée par Régis, des différentes
situations médico-légales créées par les autoaccusateurs est un
modèle de sériation pratique des faits, classés d'après leur impor-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 351
tance judiciaire. Cette classification, qui embrasse sous ses quatre
chefs toutes les éventualités possibles de l'autoaccusation, comprend
les cas où un individu s'accuse : 1° d'un crime inexistant; 2° d'un
crime réel, mais mimputahte l'au toaccu saleur; 3° d'un crime
réel et imputable à l'autoaccusateur ; 4° d'un crime réellement
commis par lui, mais grossi et aggravé par la déposition ou avoué
sans sollicitation extérieure, sous des influences pathologiques,
généralement d'ordre impulsif, parfois sous l'influence du remords.
Toute autoaccusation pose un double problème, l'un judiciaire,
au magistrat instructeur, l'autre médical, à l'expert. Le premier
problème, démonstration de la réalité ou de l'imputabilité du crime,
se pose presque toujours avant le second : démonstration de l'état
d'aliénation ou de non-aliénation de l'autoaccusateur.
Les conditions dans lesquelles se pose le problème judiciaire
dépendent en partie du mode de l'autodénonciation, verbale ou
écrite, adressée aux commissaires de police, aux gendarmes, au
Parquet, etc. Ces conditions imposent souvent aux magistrats ins-
tructeurs l'hypothèse de la folie chez l'autoaccusateur. Celui-ci,
élargi ou dirigé sur l'Infirmerie spéciale du Dépôt à Paris, est sou-
mis, dans ce dernier cas, à l'examen d'un aliéniste, devant lequel
alors se pose le problème médical de l'autoaccusation.
Dans d'autres cas, une enquête est ouverte et, avant l'interven-
tiou de l'expert, une instruction est commencée.
Cette enquête aboutit, suivant la conviction du juge d'instruction,
à un non-lieu ou à une ordonnance de renvoi devant le tribunal
compétent. L'expertise médico-légale peut ainsi intervenir aux
trois phases de la procédure criminelle : celle de l'action de la
police judiciaire, celle de l'enquête du juge d'instruction et, enfin,
celle des opérations du tribunal. En l'absence de l'expertise médico-
légale, le problème de l'auto-accusation reste dans le domaine
judiciaire et peut comporter alors, suivant les différentes .législa-
tions, des solutions juridiques intéressantes à considérer.
L'étendue de cette question comprend l'examen de la valeur pro-
bante et de l'évolution juridique et historique de l'aveu (système
des preuves légales, des preuves morales d'intime conviction) ;
l'examen des conséquences des auto-accusations postérieures aux
arrêts judiciaires ; l'interprétation de la loi du 9 juin 1895, relative
à l'introduction du fait nouveau, en matière de révision ; la notion
de l'impossibilité de cette revision contre l'individu acquitté, au
cas où celui-ci viendrait, auto-accusateur rétrospectif, se déclarer
coupable du crime dont il a été Innocenté.
L'étude comparée des législations étrangères montre d'intéres-
santes différences entre le Droit pénal et la procédure criminelle de
certains pays (Angleterre, Allemagne, Espagne, etc.) et la loi fran-
çaise, relativement à la valeur probante de l'aveu. - - -
La'question de la pénalité que peut encourir, du fait de sa fausse
352 SOCIÉTÉS SAVANTES.
déclaration aux autoiités, l'auto-accusateur, mérite d'être discutée.
La nécessité de l'expertise médico-légale, en présence d'un sujet
qui se dénonce, ressort de la nature très souvent pathologique de
l'auto-accusation, même lucide et véridique.
Le problème qui se pose à l'expert est celui du diagnostic de
l'état mental de l'autoaccusateur, lequel se déduit, non pas des
données de'1'enquéte administrative et judiciaire, mais de l'examen
complet de l'autoaccusateur et de l'auto-accusation : celle-ci étu-
diée dans son contenu, son éclosion étiologique, son mécanisme
pathogénique, son aspect clinique, son allure évolutive, ses conco-
mitants psychiques et somatiques, etc. C'est à l'aide de tous ces
éléments que l'expert déterminera le type pathologique de l'auto-
accusateur. La réalité même des crimes révélés par l'auto-accusa-
teur ne va pas contre la possibilité de la nature morbide de l'auto-
accusation (Régis). 1
De l'étude critique et comparée des observations sur lesquelles
repose ce rapport, ressortent quelques conclusions statistiques inté-
ressantes. Les auto-accusateurs se recrutent, par ordre de fré-
quence, d'abord chez les alcooliques, ensuite chez les dégénérés;
bien au-dessous de ces deux catégories psychiatriques, figurent les
états mélancoliques, l'hystérie et, enfin, les états démentiels. L'as-
sociation de ces différents processus concourt souvent à l'étiologif
de l'autoaccusation. -
Environ les deux tiers des auloaccusations portent sur des crimes
inexistants, dont une courte enquête préliminaire démontre la
nature imaginaire. Le dernier tiers se partage entre des crimes
réels, mais le plus souvent impossibles à imputera leurs prétendus
auteurs. Une dernière catégorie de faits, sur laquelle a insisté
Régis, vise les crimes réellement commis et avoués par les cou-
pables, sous des influences ou dans des dépositions d'ordre patho-
logique. - -
L'étude des faits d'autoaccusation démontre que ceux-ci ont pu
et peuvent encore entraîner de regrettables conséquences pratiques
et judiciaires (condamnations injustes, longues préventions pen-
dant de laborieuses enquêtes,'actions en justice inutiles, etc.). Dans
des cas exceptionnels : une autoaccusation légitime, commise sous
l'influence du remords (obs. LV), peut provoquer, par la revision
du procès, la réparation d'une erreur judiciaire. Si rares que
soient, en fait, ces fâcheuses exceptions, elles suffisent à justifier,
aux yeux du médecin et du magistrat, l'étude clinique et médico-
légale des autoaccusateurs.
Discussion.
M. Motet. Ce rapport est excellent à tous les égards, et
cependant la question était très difficile à mettre au point. 11 y a
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 353
une catégorie de faits, heureusement très peu nombreux, qui sont
particulièrement délicats. Nous avons vu, avec M. Vallon, un ouvrier
qui, sans avoir fait de l'auto-dénonciation à proprement parler,
était cependant accusé d'un crime, en raison des propos qu'il avait
tenus. Un de ses camarades avait disparu et il avait dit : on le
retrouvera dans la Seine. La chose se vérifia. Arrêté à la suite de
cette découverte, il ne se défendit pas, compromit au contraire son
beau-frère, et passa aux assises. Là, il s'écria : « C'est tout de
même embêtant d'être accusé d'une affaire qu'on n'a pas faite. »
Cette négation surprit au point que l'affaire fut renvoyée à une
autre session, et c'est alors que nous eûmes à examiner l'individu.
C'était non un débile, au sens propre du mot, mais il avait l'intel-
ligence débile : il y avait, en outre, un peu d'alcoolisme, en somme
une responsabilité atténuée. Notre rapport, conçu dans ce sens,
valut à cet individu une atténuation dans sa condamnation ; mais,
à l'heure actuelle, je me demande toujours s'il n'y aurait pas eu
peut-être, chez lui, de l'auto-accusation !
M. Régis. Les obsédés peuvent être divisés, au point de vue -
de l'auto-accusation, en deux catégories : les uns, dont l'obsession
se produit pendant la nuit, revivent leur rêve dans la journée et
finissent par croire à leur propre culpabilité et à faire de l'auto-
accusation ; les autres sont en proie, dans la journée, à une obses-
sion vague, sans caractères bien définis; ils doutent d'eux-mêmes,
se demandent s'ils sont coupables; mais ils ne franchissent pas
cette étape et ne-deviennent pas auto-accusateurs.
En dehors des individus atteints d'impulsions inconscientes, ceux
qui éprouvent des impulsions conscientes peuvent devenir auto-
accusateurs, pour éviter l'impulsion qu'ils sentent venir. C'est ainsi
qu'un incendiaire s'est dénoncé, parce qu'il allait recommencer
ses méfaits, si on ne le mettait pas en prison.
Il faut tenir compte, aussi, de certaines imaginations qui, à
l'état de veille, construisent certains romans dont ils sont les héros,
et qui, quand ils se ressaisissent, les laissent dansuu état de doute.
Les persécutés mélancoliques deviennent facilement auto-accusa-
teurs ; en tout cas, ils se défendent mal et laisseraient volontiers
croire à leur culpabilité quand ils sont accusés.
Il est d'une importance extrême, pour les magistrats, de bien
connaître ce délire d'auto-accusation. Ils doivent, en présence d'un
cas d'auto-dénonciation, songer à la folie et soumettre l'individu à
un examen médico-légal ; sans cela, ils perdent le temps pendant
lequel ils auraient pu mettre la main sur le vrai coupable.
M. Giraud. J'ai observé une malade qui s'accusait d'avoir
avorté à la suite de manoeuvres pratiquées par une sage-femme
dont elle donnait le nom. J'ai gardé à ce sujet le silence le plus
absolu, et il me semble que ce doit être en pareil cas la conduite
du médecin.
Archives, 2' série, t. XIV. 23
3 5 li . SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. LEGnAiN (de Ville-Evrard). M. Dupré a bien mis en relief
.l'extrême importance de l'alcoolisme dans l'étiologie de l'auto-
accusation. En voici un exemple : un homme, buveur d'habitude,
qui n'était, du reste, nullement coupable comme l'enquête l'a
prouvé, vint un jour s'accuser d'avoir allumé deux incendies : or,
ces incendies avaient lieu au moment même où le malade se dénon-
çait, et c'était leur spectacle qui l'avait suggestionné et qui avait
ébranlé son cerveau imprégné d'alcool au point de le décider à se
livrer à la justice.
Voici maintenant un fait qui montre le rôle du subconscient
dans le mécanisme de l'auto-accusation : '
. Il s'agit d'un débile mélancolique qui, au cours d'un premier
accès de délire avec phénomènes aigus et confusion mentale,
s'accuse d'avoir violé une petite fille, tandis qu'il n'avait fait que se
livrer à quelques attouchements. Il guérit, proteste alors de son
-innocence. Plus tard, dans un autre accès de délire, la même auto-
accusation réapparaît ; de nouveau le malade guérit et se déclare
innocent. Il est probable que d'autres accès surgiront semblables
aux deux premiers et que la même auto-accusation réapparaîtra
chaque fois (délire à éclipse). L'intérêt de cette observation réside
.dans ce fait, d'abord que l'auto-accusation repose sur une faute
réelle, mais singulièrement grossie; ensuite que cet homme con-
serve indéfiniment la subconscience de son acte, et enfin que, dans
l'intervalle des accès où l'acte reprend sa place dans le champ d'une
conscience maladivement éveillée, le sujet perd le souvenir de
l'acte.
M. Bey. J'ai reçu dans mon service un individu qui s'était
faussement accusé d'avoir assassiné son camarade. A l'asile il
accusait ses voisins de toutes sortes de choses. C'est ainsi qu'il pré-
tendit que l'un d'eux voulait m'assassiner et il me remit un énorme
couteau qu'il prétendait avoir été apporté par la famille de cet
individu. La chose était inexacte, mais il nous fut impossible de
savoir où il s'était procuré le couteau. Il s'est évadé, a été repris,
.et d'hétéro-accusateur est redevenu auto-dénonciateur.
M. Vallon (de Paris). - Comme exemple de ces auto-dénoncia-
tions réalisées par certains débiles, plus ou moins alcooliques,
auprès des commissaires de police, 'je puis citer le cas d'un indi-
vidu qui, sans que le mobile de son acte ait jamais été bien éclairci,
vint un jour s'accuser d'un attentat anarchiste (fabrication d'ex-
plosifs, complot contre le chef de l'Etat, etc.) complètement ima-
ginaire.
Je rapprocherai de ce fait, à la vérité un peu banal, un cas d'aulo-
héléro-accusation assez intéressant : il s'agit d'un homme qui
déclara tout récemment à la justice qu'une vieille femme, d'ailleurs
mendiante de son métier, étant morte dans la maison qu'il habi-
tait, le concierge l'avait dépouillée de tout l'argent qu'elle possédait
SOCIÉTÉS SAVANTES. 353
et que lui-même avait reçu 100 francs pour se taire et garder le
vol secret. Ce récit ayant éveillé des doutes sur l'état mental de
cet individu, ou le soumit à une expertise médico-légale qui est
encore actuellement en cours; mais, d'ores et déjà, l'enquête judi-
ciaire a démontré que les faits racontés par l'inculpé étaient vrais.
Cette observation prouve que, quelle que soit leur invraisemblance,
les récits que font à la police ou aux magistrats certains débiles
ou déséquilibrés ne doivent pas être rejetés de piano, et qu'une
enquête sérieuse s'impose toujours à leur égard, en même temps
qu'un examen médico-légal du dénonciateur.
M. Gilbert Ballet signale les auto-accusations récidivantes que
l'on observe chez les dégénérés ; elles portent sur des objets mul- z
tiples.
M. Oi3REGii. Bien que l'auto-accusation soit rare chez les
mélancoliques, ainsi qu'a eu soin de le faire remarquer M. Dupré,
j'ai eu l'occasion d'observer un fait appartenant à cette catégorie :
il s'agit d'un homme, un peu débile congénitalement, qui, au cours
d'un accès de mélancolie délirante, mit le feu à une maison dans
le but probable de se donner la mort ; il avait allumé cet incendie
sans prendre aucune précaution pour éviter qu'on ne l'en accusât,
et lui-même, du reste, n'hésita pas à se dénoncer à la justice ;
l'examen médical auquel le malade fut soumis démontra qu'il avait
agi sous l'empire d'idées de culpabilité, afin d'expier les crimes
dont il se croyait l'auteur.
J'ai observé également un cas d'auto-dénonciation chez un indi-
vidu condamné à cinq ans de réclusion, qui, pour éviter d'accom-
plir sa peine, ne trouva rien de mieux que de se dire atteint d'épi-
lepsie exclusivement nocturne et de s'accuser d'être l'auteur de tous
les méfaits qui s'accomplissaient dans la prison. Je fus commis
pour examiner ce malade et je ne tardai pas à acquérir la convic-
tion que j'étais en présence d'un simulateur. Pour le démontrer,
je m'appuyai surtout sur l'étude de la toxicité urinaire qui, pen-
dant les deux mois où j'ai pris soin de la relever, s'est montrée
constante, et toujours exempte des oscillations aujourd'hui bien
connues qui se produisent avant et après les paroxysmes ; je
remarquai, en outre, que tous les prétendus accès de cet individu
se terminaient invariablement par une émission d'urine, ce qui
constitue au moins une anomalie. Enfin, en le traitant, à son insu
bien entendu, par le bromure de potassium à hautes doses, il n'a
jamais accusé la moindre diminution dans le nombre des crises :
celles-ci se reproduisaient régulièrement deux fois par nuit. Pour
ces différentes raisons, je crus pouvoir conclure à la simulation.
Plus tard, j'ai appris que le prisonnier n'avait joué cette comédie
que sur les conseils de son avocat. '
M. Vallon. A mon avis, la recherche de la toxicité urinaire
chez les épileptiques n'a pas fourni jusqu'ici des résultats assez nets
356 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pour qu'on soit en droit de les faire figurer comme éléments de
preuve dans les conclusions d'une expertise médico-légale.
L'étal du fond de l'ceil chez les paralytiques généraux et ses lésions
initiales.
1111. Ianv.vr, et G. IiAVIInT. Les publications sur l'état du
fond de l'oeil chez les paralytiques généraux nous ay ant paru man-
quer de précision, nous avons essayé de déterminer ce que l'on
était en mesure d'établir par l'ophthalmoscope chez les malades
de ce genre de l'asile.
Les recherches bibliographiques nous ayant convaincu que jus-
qu'à ce jour il n'avait été produit aucune image des lésions de la
papille en rapport probable avec les modifications plus ou moins
nettes de celle-ci, nous nous sommes en même temps tenus prêts
à tout événement capable de l'avoriser nos recherches microscopi-
ques. Effectivement, le plus récent travail sur le sujet est celui de
liezuilcow. Il est intitulé : « Des modifications du champ visuel
chez les paralytiques généraux; (Oboznéazié psichialrii, V. 1900.)
On en trouvera l'analyse dans les Archives de Neurologie, t. XIII,
2° série, 11" 78, juin 1902, p. 494. Après avoir exalté les avantages
du campimètre, l'auteur russe décrit les altérations qu'il pense
devoir exister et il fait appel à l'anatomie microscopique de l'ave-
nir. Nous avions, à l'époque où nous avons commencé l'examen de
la papille et du fond de quatre-vingt-deux paralytiques géné-
raux francs. Cinquante et un seulement étaient dans un état
mental compatible avec ce genre d'examen. Nous les avons tous
passés en revue avec le plus grand soin, de concert avec M. Caudron,
interne du service, qui en a fait l'objet de sa thèse inaugurale à la
Faculté de Lille, le 19 juillet dernier, Rappelons qu'il s'agit exclu-
sivement d'hommes.
Tous ont largement absorbé les éléments nocifs auxquels on
attribue généralement la genèse de la paralysie générale. Syphilis,
alcoolisme, surmenage physique, dégénérescence. Ce sont des
vaincus de la vie dans toute la force du terme.
De l'examen ophtalmoscopique, il ressort ce qui suit :
Quarante-deux paralytiques, sur les cinquante et un, présentaient
des lésions du fond de l'oeit ; il n'y avait guère que ceux qui étaient
en rémission qui n'en présentaient pas.
Chez sept malades, dont la paralysie générale avait déjà atteint
une période avancée, on trouvait cinq atrophies papillaires
blanches, une seule fois de l'atrophie grise, une sclérochoroïdite
postérieure bilatérale sans myopie.
On rencontrait encore un état de la papille pâle, comme lavée,
chez treize paralytiques.
On observait, également, un aspect flou d'un segment de la pa-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 357
pille, soit externe, soit interne, soit supérieur, soit inférieur, avec
bords indécis. Chez vingt-deux malades, ces deux aspects sont des
' états préliminaires de l'atrophie papillaire.
Chez les neuf paralytiques en rémission ou atteints d'une forme
lente, à longue évolution, il a été impossible de trouver aucune
lésion ophthalmoscopique. -
Deux autopsies arrivées à point nous ont permis de corroborer
l'examen ophthalmoscopique. Nous y avons trouvé, à des degrés
différents, des altérations diffuses, non systématiques, intéressant :
le la réline; 2° la papille : 3° le nerf optique. Ces nécropsies ont
été pratiquées quinze jours après l'examen des yeux.
1° La rétine présentait des altérations de la couche des cellules
nerveuses, caractérisées par une série de modifications : gonfle-
ment nucléaire, désintégration protoplasmique, etc., entraînant
la destruction d'un certain nombre de ces éléments, altérations
tout à fait semblables à celles qui frappent les cellules nerveuses
de l'écorce : -.
2° La papille, dont les fibres nerveuses étaient atrophiées dans
un cas, était en outre envahie plus ou moins par des éléments
proliférés des tissus conjonctif et névroglique, infiltration allant
du degré le plus faible jusqu'à la sclérose. L'artère et la veine cen-
trale présentaient, elles aussi, un épaississement variable de leur
tunique externe.
3° Le nerf optique enfin était le siège d'une prolifération plus
ou moins grande du tissu interstitiel : augmentation considérable
du nombre de ces cellules névrogliques, épaississement des travées
conjonctives et prolifération des cellules conjonctives de sa gaine
piale.
Si l'on rapproche les résultats de l'examen histologique des don-
nées fournies par l'examen ophthalmoscopique, on trouve qu'à
des lésions prononcées, cliniquement constatées, correspondaient
des altérations avancées des éléments anatomiques, et qu'à des
lésions à peine perceptibles à l'ophtalmoscope correspondaient des
altérations moins avancées, mais déjà notables de ces mêmes élé-
ments. On a affaire, dans les cas les moins avancés, dans ceux où
la papille est flou, ou comme lavée, à une papillite et à une névro-
rétinite qui présente les mêmes caractères que la méningo-périen-
céphalite chronique diffuse, c'est-à-dire, en résumé, l'infiltration
des éléments nobles de la papille et du nerf optique par du tissu
conjonctif et névroglique proliféré. (Ce mémoire paraîtra in
exlenso avec les figures.)
Les lésions histologiques de l'écorce dans les atrophies du cervelet.
111111. LANNOIS et Paviot (de Lyon) rapportent 3 6bserv. d'atrophie
du cervelet. Dans la 1 ? il s'agissait d'un enfant qui avait présenté
358 SOCIÉTÉS SAVANTES.
le syndrome cérébelleux très accusé et à l'autopsie duquel on trouva
une lepto-méningile généralisée avec un pseudo-kyste sous-céré-
belleux et une atrophie qui semblait limitée à la face inférieure du
cervelet, mais en réalité était diffuse. La seconde est une hémi-
atrophie du cervelet apparemment primitive, et la troisième enfin
une hémiatrophie croisée consécutive à une sclérose cérébrale
infantile.
Dans ces trois cas, la lésion a été trouvée identique. Sur une
dentelure dont un des côtés a encore l'aspect sain, les cellules de
Purkinje disparaissent brusquement en même temps que la couche
des grains se raréfie, s'amincit peu à peu et disparait à son tour
en même temps que la couche moléculaire diminue considérable-
ment de.volume; la disparition des cellules de Purkinje paraît'
être le phénomène primordial.
Le fait important est qu'au moment où les cellules de Purkinje
et les grains disparaissent, on voit s'isoler une couche de cellules
ovales, pâles, à noyau formé de chromatine peu dense il
1-2 nucléoles fortement colorés. Les noyaux, beaucoup plus volu-
mineux que les grains, forment une couche continue, assez dense
à son centre, qui contourne les dentelures cérébelleuses comme un
feston ininterrompu.
Cette couche, nouvellement apparue, est constituée par les
grandes cellules étoilées de la couche des grains, cellules de rela-
tion ou du type II de Golgi/et est mise en évidence par la dispa-
rition de la couche des grains.
Il n'y a pas de différence histologique, que le cervelet paraisse
atrophié primitivement ou secondairement. Le syndrome clinique
cérébelleux en rapport avec cette atrophie ne doit donc pas-tou-
jours être considéré comme étant le représentant d'une lésion pri-
mitive du cervelet.
Contribution à l'élude des localisations cancéreuses sur le système
. ' nerveux périphérique.
MM. J. Obertiiur et A. Mousseaux. I. Au cours de l'évolu-
tion des tumeurs épithéliales, et en particulier des carcinomes, le
système nerveux périphérique est fréquemment atteint ; il présen-
tera tantôt des névrites et des polynévrites toxiques ou auto-
toxiques, tantôt des lésions dues à la compression et à l'en-
vahissement. -
II. Les nerfs sont ordinairement très résistants à l'envahisse-
ment cancéreux. Cependant, selon leur texture, ils réagissent diffé-
remment au contact du néoplasme : - .
a) Les troncs volumineux, pourvus d'une gaine résistante, sont
surtout refoulés et comprimés ; ils peuvent ordinairement être
séparés de la tumeur et ne sont pas pénétrés par elle : leur tissu
SOCIÉTÉS SAVANTES. 3û9
conjonctif s'hyperplasie a.'la périphérie comme dans l'intérieur dis
fascicules, repousse et enserre les tubes nerveux ; la myéline se
fragmente et devient granuleuse, poussiéreuse ; les cylindraxes se
tuméfient, deviennent vacuolaires, moniliformes et disparaissent :
le processus dégénératif, d'abord limité à la myéline et à la région
périaxile, ne tarde pas à atteindre le cylindraxe lui-même. Cepen-
dant, un certain nombre de filets nerveux sont généralement res-
pectés. Finalement les petites branches de ces troncs nerveux peu-
vent être réduites à des tractus fibreux méconnaissables.
b) Les nerfs de texture plus délicate (nerfs crâniens et racines
rachidiennes) se laissent envahir plus facilement par les éléments
cancéreux, de même type que ceux de la tumeur primitive. Ces
éléments s'infiltrent et prolifèrent dans les espaces conjonctifs du
tissu interfasciculaire, de la gaine lamelleuse, et du tissu intrafas-
ciculaire, ou, d'autres fois, y sont apportés' par les capillaires san-
guins ; les tubes nerveux sont refoulés ou comprimés, la myéline
fragmentée, le cylindraxe altéré ou détruit; mais, en outre, les
gaines de Schwann sont souvent pénétrées, probablement au voisi-
nage des étranglements annulaires : les cellules s'y groupent en
collerette autour du cylindraxe qui est hypertrophié, oedémateux,
vacuolaire, déformé, et se laisse même parfois pénétrer ; ou bien,
elles remplissent complètement cette gaine, et il n'y a plus vestige
du cylindraxe.
La dégénérescence waltérienne est de règle au-dessous du point
envahi. Au-dessus, on note de la dégénérescence rétrograde, et la
réaction à distance des cellules d'origine.
Enfin les éléments cancéreux peuvent fuser à une grande dis-
tance dans l'intérieur du nerf, comme dans une gaine lympha-
tique, et parfois créer plus loin un nouveau foyer métastatique.
c) Les petits filets nerveux, n'opposant en général aucune résis-
tance, sont ordinairement sectionnés à leur point de pénétration
dans la tumeur.
d) Dans les ganglions nerveux, les amas épithéliaux envahissent
le stroma conjonctif du ganglion, se groupent dans les fentes con-
jonctives, et presque toujours arrivent à tapisser l'endothélium des
capsules des cellules ganglionnaires. Celles-ci peuvent rési-ler fort
longtemps, bien qu'entourées de tous côtés par les éléments néo-
plasiques ; on y remarque seulement un certain degré de chroma-
tolyse et d'atrophie. C'est seulement à un degré plus avancé
qu'elles disparaissent, soit par atrophie, soit par complet envahis-
sement. Malgré un envahissement considérable du ganglion, ur.
certain nombre de tubes nerveux y conservent leur myéline.
III. Le cancer rachidien semble ne pas débuter toujours par
le corps des vertèbres.
Dans certains cas, l'invasion peut se faire au niveau des trous de
360 SOCIÉTÉS SAVANTES.
conjugaison par l'intermédiaire des plexus veineux rachidiens et
surtout du système lymphatique ; dans ces cas, il y a toujours au
niveau de la région rachidienne envahie, soit un cancer viscéral
primitif, soit des masses ganglionnaires prévertébrales, accompa-
gnés de lymphangites ou de phlébites cancéreuses. Les racines
rachidiennes et les ganglions nerveux intervertébraux sont alors
les premiers atteints, et pénétrés par les éléments cancéreux, la
dure-mère se laisse facilement traverser, et la pachyméningite
interne, l'examen du liquide céphalo-rachidien permettrait-il d'y
déceler les éléments cancéreux.
La pénétration du cancer par les trous de conjugaison explique
plus facilement que l'affaissement tardif des vertèbres la précocité
de certains phénomènes cliniques, en particulier l'intensité des
douleurs qui précèdent souvent pendant longtemps l'apparition
des autres symptômes ; l'envahissement des racines postérieures
par les éléments cancéreux est un facteur important de cette si
grande intensité. Cette localisation primitive explique aussi le
début par des syndromes radiculaires.
En résumé, dans les métastases cancéreuses vertébro-spinales,
à côté de la forme primitivement osseuse classique, il faut faire
place à une forme radiculo-méningèe.
IV. Les altérations intéressant un groupement radiculaire
(plexus brachial, plexus lombo-sacré) se traduisent par les diffé-
rents syndromes résultant des altérations de ces plexus. Ces syn-
dromes ne sont nettement décrits que pour le plexus brachial. Ils
se rencontrent d'ailleurs rarement à l'état de pureté ; presque tou-
jours ils sont incomplets ou surtout diversement associés par suite
de la diffusion des lésions. De plus, les troubles moteurs sont en
général moins marqués que les troubles sensitifs par suite de la
résistance des troncs nerveux et de la persistance d'un certain
nombre de cylindraxes. Les névrites isolées des nerfs rachidiens
sont rares. -
Enfin, on peut observer, au cours de la carcinose miliaire aiguë,
l'altération destructive d'zezz grand nombre de terminaisons ner-
veuses à leur pénétration dans les nodules cancéreux; il en résulte
un syndrome polynévritique très douloureux, bien distinct anato-
miquement et cliniquement des polynévrites cancéreuses d'ordre
toxique. '
V. Les nerfs crâniens peuvent être atteints dans l'intérieur du
crâne ou au dehors. A la partie antérieure de la base du crâne, les
lésions cancéreuses sont le plus souvent primitives (sinus maxil-
laire, sinus sphénoïdal, corps pituitaire) ; elles atteignent l'appa-
reil de la vision en simulant une tumeur cérébrale ou orbitaire.
Les véritables métastases cancéreuses siègent .,u niveau du rocher
et dans son voisinage immédiat, sans doute à cause des nombreux
SOCIÉTÉS SAVANTES. 361
orifices vasculaires et sans doute ainsi apportées par les gaines
lymphatiques périvasculaires ; elles englobent un plus ou moins
grand nombre de nerfs donnant ainsi naissance à des tableaux
cliniques très variables. Le début de ces névrites est le plus sou-
vent (ipoplectifoi-me. -
En dehors du crâne, les nerfs peuvent être atteints par les néo-
plasmes des régions et des organes qu'ils traversent ou auxquels
ils se distribuent. Le pneumogastrique et le récurrent sont parti-
culièrement exposés, en raison de leur long trajet intrathoracique
et de leurs connexions avec des organes souvent cancéreux.
VI. - Quant aux altérations du système sympathique, elles sont
encore peu connues. "
Contribution à l'étude du gliome des centres nerveux.
M. J. Obertiiur. Nous avons pu examiner au laboratoire de la
Clinique Charcot sept cas de gliome des centres nerveux. Trois
d'entre eux avaient envahi la substance blanche centrale d'un des
hémisphères. Deux avaient également détruit la substance grise
des circonvolutions, un autre avait envahi et complètement détruit
un hémisphère cérébelleux, un autre enfin poussait ses prolonge-
ments de la protubérance vers le bulbe et faisait une irruption
sous les méninges. La plupart des malades porteurs de ces
tumeurs ont d'ailleurs pu être suivis un temps plus ou moins long
dans le service.
De cette étude faite, comparativement d'ailleurs, avec des cas de
glioses développées autour d'autres productions telles que tuber-
cules, avec des cas d'encéphalites scléreuses, avec des cas de sclé-
roses tubéreuses hypertrophiques obligeamment mises à ma dis-
position par M. Philippe, cas qui avaient fait l'objet d'une étude
spéciale avec le Dr Hudovernig, nous avons pu en faisant appel
aux techniques variées, principalement aux colorations électives
de la névroglie, tirer quelques conclusions en vue d'éclairer l'his-
toire anatomique de cette variété de tumeurs.
Les techniques ordinaires ont été employées, hématoxyline, car-
min en masse (Weigert-Pal, Nissl), mais, en outre, nous avons eu
tout spécialement recours à la méthode élective de Weigert, modi-
fiée si heureusement par Anglade, qui nous a donné des résultats
bien plus intéressants sur des frottis ou sur des dissociations pra-
tiquées à l'état frais que sur des coupes.
Le carmin en masse avec la même méthode des dissociations
nous a donné également de très bons résultats.
Au point de vue macroscopique, les gliomes ont un aspect tout
à fait particulier qui permet de les distinguer déjà à première vue
de toutes les autres tumeurs. Ils sont toujours franchement
translucides, sauf dans leurs portions dégénérées, leur coloration
362 SOCIÉTÉS SAVANTES.
est n'sée ou gris jaunâtre, leur consistance souvent très diffluente.
voire même gélatineuse, jamais ils ne sont encéphaloïdes. Un
grand nombre de fins vaisseaux les parcourent donnant lieu quel-
quefois à des suffusions hémorrhagiques. centrales. La tumeur,
bien qu'elle ne soit jamais énucléable, possède quelquefois des
limites constituées par une pseudo-paroi de névroglie plus dense.
Au dehors de celte paroi, la gliose infiltrée est semblable à celle qui
entoure tous les corps étrangers du cerveau et nullement d'aspect
néoplasique. D'ailleurs, la substance nerveuse avoisinante est plu-
tôt lentement refoulée que détruite, ce qui est bien d'accord avec
la tolérance relative que l'on observe quelquefois avec de volumi-
neuses tumeurs. Dans un cas, par exemple, évoluant depuis
trois années, où le néoplasme avait atteint le volume d'un poing
d'adulte, les seuls symptômes avaient consisté en céphalées
avec névrite optique et amaurose ne permettant aucune localisa-
tion.
Il est vrai que dans trois autres cas la tumeur avait une marche
bien plus envahissante et destructive. '
Les éléments essentiels sont toujours des cellules à petits noyaux
ovalaires ou arrondis, entourés d'un protoplasma variable en
étendue selon le type de la tumeur, mais émettant toujours un
chevelu de fibres extrêmement fines qui circonscrivent de petites
alvéoles remplies de sérosité, véritable tissu spongieux. Dans les
cas habituels, il n'y a pas d'éléments nerveux au sein de la masse
et les corps granuleux peu abondants ne se trouvent que dans les
zones périphériques. S'il s'agit de cas très envahissants, le tableau
est tout différent.. -
- Les vaisseaux sont souvent formés d'une seule couche d'appa-
rence endothéliale, sertis de quelques fibres fines, ayant toutes
les réactions histochimiques de la névroglie; d'autres fois, ils sont
plus épais, plus abondants, leurs parois formées de plusieurs
couches de cellules arrondies qui peuvent subir des dégénéres-
cences hyalines rappelant ce qui se passe au sein des formations
vasculaires des sarcomes. En outre de cette .dégénérescence
vitreuse, la substance fondamentale des gliomes subit des modifi-
cations granulo-graisseuses et quelquefois aussi une véritable
caséification. Jamais il ne nous a été donné de constater de proli-
férations conjonctives au sein de ces néoplasmes.
Tout ce que nous avons vu, d'ailleurs, concorde à nous faire
adopter la manière de voir des auteurs allemands (l3riens, Strobe,
Gowers), fermement soutenue en France par Klippel. Comme eux,
nous estimons que le terme de glio-sareome doit être rejeté. Nous
avons étudié dans une autre communication avec MM. Philippe et
Cestan, une forme peu connue de sarcome, le sarcome solitaire
envahissant des centres nerveux qui semble réunir la plus grande
partie des cas ainsi faussement interprétés.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 363
Si l'alliance des deux tissus mésodermique et ectodermique
semble être dans ces formations néoplasiques exceptionnelle, il `
n'en est pas moins vrai que comme toutes les tumeurs le gliome
peut parfois envahir des tissus étrangers et se substituer à eux,
comme nous l'avons vu dans un de nos cas ou une véritable glio-
. matose méningée a été observée.
Une question enfin a sollicité notre attention, à savoir la parti-
cipation à de telles tumeurs des éléments nobles par excellence du z
système nerveux, c'est-à-dire les cellules nerveuses. Maintes fois,
nous avons rencontré de ces grands éléments arrondis à noyaux
clairs, à prolongements souvent énormes, réunis en véritables
foyers dans la paroi de nos gliomes et principalement au voisinage
des vaisseaux. Ce sont eux presque toujours, et les figures, de
même que les descriptions publiées, ne permettent aucun doute à
cet égard, que les auteurs ont décrits comme neurogliomes gan-
glionnaires (Klebs), comme gliomes neuroformalifs (Renaut).
Non seulement une étude attentive nous a permis d'affirmer
qu'il n'existait aucune parenté d'origine entre ces cellules et les
cellules nerveuses, mais encore qu'elles n'étaient nullement carac-
téristiques des néoplasmes. On les rencontre surtout dans la paroi
et même à une certaine distance du gliome, on les rencontre éga-
lement au voisinage des sarcomes. Bien plus, nous les avons
observés en grand nombre au voisinage de métastases carcino-
mateuses de l'écorce, dans un cas fort intéressant mis à notre
disposition par M. P. Marie ; pareillement, nous les avons vus au
voisinage de tubercules. Riche et de Gothard en on décrit de fort
riches formations au pourtour d'un kyste hydatique du cerveau.
Ces éléments sont loin d'être exceptionnels dans les scléroses céré-
brales atrophiques, et même dans certaines formes de paralysie
générale. Enfin dans les scléroses tubéreuses hypertrophiques, si
bien étudiées par Bourneville et Brissaud. et qu'avec ces auteurs
nous considérons comme des lésions d'inflammations chroniques,
ces productions cellulaires constituent des foyers considérables.
Sous certaines influences, nous les voyons subir des dégénéres-
cences caractérisées par la perte de leurs prolongements, la vacuo-
lisation de leur protoplasma et sa transformation granulo-grais-
seuse ; nous avons pu en suivre toutes les étapes; la dernière est
la forme arrondie qui les fait se confondre avec les corps granu-
leux dont ils semblent, à un moment donné de leur évolution, for-
mer une variété particulière.
En somme, ce sont de pures modifications névrogliques liées à
des processus d'inflammation chronique banale.
' Il ne faudrait pas par un véritable abus de langage donner
l'appellation de gliome à toute prolifération névroglique, la plupart
des auteurs partagent à cet égard notre avis en ce qui concerne la
production glieuse de la syringomyélie.
364 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Les formations glieuses, même très prolifératives, observées
autour des tubercules pouvant donner lieu à de véritables encé-
phalites glieuses comme dans un cas étudié par- nous et dans un
cas très analogue de Kazowsky, ne méritent pas le nom de gliomes.
De même les transformations scléreuses des circonvolutions post-
inflammatoires ou post-traumatiques, où, malgré la disparition
des éléments'nobles, persistent la forme et la charpente antérieure
de la région, doivent être considérées comme liées à des phéno-
mènes encéphalitiques un peu particuliers, il est vrai, mais non
comme des néoplasmes.
Sarcomes et sarcomatoses du système nerveux.
Classification. Etude clinique ET AN : 1TOIO-P : TIIOLOG1QUES
COUPES ET dessins HISTOLOGIQUES
MM. PIIILIPPE, CESTAN et 013ERTIIIJR. Nous avons pu recueillir
dans le service de notre maître, le professeur Raymond, quinze
observations avec autopsies, se rapportant à la plupart desvariétés
de sarcomes. L'étude détaillée de ces cas et leur comparaison avec
les autres observations publiées en assez grand nombre ces der-
nières années, principalement dans la littérature allemande, nous
autorisent à admettre l'existence de plusieurs formes analomo-cli-
niques parmi les sarcomes primitifs du système nerveux. Suivant
l'exemple donné par Westphal, Schlesinger, Bruns, etc., nous
croyons pouvoir proposer, à la place de la classification purement
histologique adoptée par les auteurs français. une classification
qui a l'avantage d'être basée à la fois sur les caractères cliniques
et sur les lésions anatomiques de ces tumeurs. Cette classification
distingue : 1° les sarcomes solitaires (sarcomes solitaires des mé-
ninges ; sarcomes solitaires des centres nerveux);. 2° les sarcomes
multiples, pour lesquels nous préférons la dénomination de sarco-
matoses, afin de bien spécifier qu'il s'agit de tumeurs dont la puis-
sance de généralisation est très grande au point d'envahir, dans-
certains cas, la totalité du système nerveux central et périphérique
à la façon d'une véritable maladie néoplasique. Dans ce groupe,
très important en pathologie'nerveuse, les deux formes qui mé-
ritent d'être individualisées sont : d'une part, la méningite snrco-
mateuse, d'autre part, la neurofibrosarcomalose.
1. Sarcomes solitaires. A. Sarcomes solitaires des méninges
Les sarcomes solitaires des méninges sont les plus fréquents et
les mieux connus. Tumeurs localisées, à structure fibre-plastique,
à évolution lente, elles se développent au niveau des méninges
cérébrales ou médullaires. Leurs processus dégénératifs sont très
variés (dégénérescence muqueuse, myxomateuse, kystique; né-
crose plus rarement; formations angiomateuses). Insistons sur.
- SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 365
une dégénérescence spéciale, développée aux dépens de tous les
éléments de la tumeur, principalement dans le voisinage des vais-
seaux et aux centres des tourbillons fibro-plastiques : dégénéres-
cence caractérisée par l'homogénéisation des tissus avec réaction
colorante élective en présence des couleurs acides, l'éosine en par-
ticulier (dégénérescence acidophile). Cette dégénérescence aboutit
fréquemment, dans ses portions centrales, à la formation de con-
crétions dont les aspects etles réactions colorantes nous paraissent
devoir être identifiés avec ceux des grains psammomateux (Vir-
chow), ou angiolitliiques (Cornil et Rauvier).
Quant à l'action exercée par les sarcomes solitaires des mé-
ninges sur le tissu nerveux, la lésion la plus fréquente, bien con-
nue, relève de la compression Unie produite par le néoplasme sui-
vant un mécanisme facile à concevoir. Mais nous tenons à insister
sur l'extrême lenteur avec laquelle cette lésion parait évoluer dans
la plupart des cas. En effet, quand on examine les coupes de la
moelle ou des circonvolutions cérébrales immédiatement adjacentes
à la tumeur, on voit les tubes nerveux tassés, étirés, se démyélini-
ser par petits îlots, mais conserver longtemps leurs cyhndraxes.
Cette persistance des cylindraxes, qui contraste avec la démyélini-
sation rapide des tubes nerveux, est intéressante à souligner, puis-
qu'elle permet de concevoir avec quelle rapidité se ferait la restau-
ration des tubes nerveux, si l'agent compressif pouvait être enlevé
par le fait d'une intervention chirurgicale assez précoce. Mais les
sarcomes solitaires des méninges peuvent exercer sur le tissu ner-
veux voisin une autre action que celle de la compression lente.
Ainsi, dans l'un de nos cas, avec tumeur fibro-plastique dévelop-
pée à la hauteur du renflement cervical, la moelle présentait, au-
dessus et au-dessous des lésions habituelles de la compression
lente, un volume tellement exagéré qu'elle paraissait avoir doublé
ses dimensions dans tous les sens. A ce niveau, le microscope
montra une végétation considérable de la névroglie avec état vési-
culeux des gaines de myéline, gonflement des cylindraxes, dilata-
tion des gaines périvasculaires. Or, comme dans ce cas la masse
sarcomateuse avait gagné les trous de conjugaison, amenant ainsi
une certaine gêne dans la circulation médullaire, les lésions pré-
cédentes doivent être attribuées, au moins pour une part, à la
stase sanguine; mais il est bien probable que les poisons produits
dans la tumeur assez végétante ont également pu jouer un certain
rôle, suivant le mécanisme pathogénique récemment soutenu par
MM. Dupré et Devaux à propos d'un cas d'endothéliome des mé-
ninges cérébrales.
Un dernier point à souligner, et que Bruns a bien mis en lumière,
c'est l'inaptitude du sarcome solitaire des méninges à envahir le
tissu nerveux voisin, quelle que soit sa durée. Ainsi, il pourra
subir la transformation calcaire, même osseuse, mais il continuera
366 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
à évoluer sur place, se contentant de comprimer le segment de
moelle adjacent ou la circonvolution cérébrale avoisinante, mais
sans les envahir à proprement parler. Cette tendance à la fibrose
et à l'enkystement que présente le sarcome solitaire des méninges
explique bien sa physionomie clinique, faite avant tout des symp-
tômes de la- compression lente sur lesquels nous n'avons pas à
insister; elle justifie pleinement l'intervention chirurgicale qui, en
cas de diagnostic précoce, peut amener une guérison complète et
définitive.
B. Sarcomes solitaires des centres nerveux. Cette forme est
rare. Nous avons pu en observer 4 cas ; trois s'étaient développés
en pleine masse blanche des hémisphères cérébraux ; le quatrième
avait détruit le centre ovale du cervelet. Macroscopiquement,
tumeurs sans limites nettes, de coloration gris-rosé, de consistance
mollasse ; elles rappellent les néoplasmes dits encéphaloïdes. Notre
sarcome du cervelet était formé par des amas de petites cellules
rondes bien tassées, sans réticulum. Les trois autres, qui présen-
taient une structure à peu près identique, étaient caractérisés avant
tout par des végétations cellulaires très intenses et polymorphes
(cellules rondes ; cellules fusiformes ; principalement, grandes
lames protoplasmiques multinucléées, sorte de myéloplaxes). Cli-
niquement, dans nos observations, ces sarcomes solitaires des
centres nerveux avaient débuté, au moins apparemment, d'une
façon brusque (ictus apoplectique, crises d'épilepsie jalisonuienne ;
hémiplégie flasque persistante). Leur ' évolution symptomatique
générale rappela plutôt celle d'une encéphalite diffuse ou d'un
vaste foyer de ramollissement. En résumé, ces tumeurs constituent,
anatomiquement et cliniquement, des sarcomes envahissants, sar-
comes malins des centres nerveux. -
Certains auteurs, s'appuyant sur les figures cellulaires de ces
tumeurs, dont quelques-unes rappellent l'aspect étoile des cellules
névrogliques enflammées, ont dénommé le sarcome solitaire du
cerveau un glio-sarcome. Dans nos cas, nous n'avons pu découvrir
aucun fait histologique qui parût justifier cette dénomination ; en
effet, par toutes les méthodes de coloration employées, y compris
la glio-méthode de Weigert, nous avons toujours rencontré un
tissu uniquement sarcomateux, sans mélange d'éléments névro-
gliques, fibres ou cellules. Nous pensons donc avec Klippel que le
glio-sarcome des auteurs n'est en réalité qu'un sarcome très végé-
tant, dont les formations cellulaires, excessivement variées, peu-
vent simuler plus ou moins certaines proliférations névrogliques
de nature gliomateuse ; et nous ne croyons guère à une association
des deux tumeurs, au moins si l'on s'en rapporte aux observations
peu nombreuses qui ont été publiées.
.Ainsi, il convient d'opposer la structure histologique et l'évolu-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 367
tion du sarcome solitaire des méninges à celles du sarcome soli-
taire des centres nerveux. Pour le premier : structure essentielle-
ment fibro-plastique ; évolution lente ; destruction modérée et
toute locale du tissu nerveux ; tumeur non envahissante, avec
tendance marquée à l'enkystement, peut-être même à la curabilité
spontanée par suite des progrès de la dégénérescence acidophile
avec transformation calcaire. Pour le second : structure embryon-
naire, tissu très.végétant, avec cellules polymorphes et myéloplaxes,
évolution rapide, tumeur vite envahissante, toujours extensive
jusqu'à amener la destruction de la presque totalité d'un hémis-
phère cérébral ou du cervelet, comme dans nos cas.
II. Sarcomes MULTIPLES ou SAHCOHATOSES. A. Méningite sarco-
7zzttte2cse. --Nous avons pu observer un cas de sarcomes multiples,
dans lequel l'évolution symptomatique, assez longue, avait été
celle d'une méningite basilaire (troubles cérébelleux; paralysie
faciale périphérique ; ophtalmoplégies, troubles vaso-moteurs du
côté de la face, kératite neuro-paralytique, etc.) L'autopsie
montra, à côté d'un sarcome assez volumineux de la région du
cervelet, des plaques de méningite néoplasique, qui recouvraient tout
le lobe temporal et le lobule orbitaire à droite. Histologiquement,
c'était du sarcome fibro-plastique partout ; la méningite s'était
propagée à l'écorce des circonvolutions temporales, en poussant
une série de prolongements qui avaient bouleversé l'architecture
normale de la substance grise. -
Ce cas, rapproché des quelques observations empruntées à la
littérature (Westphal, Schlésinger, Schroder, Bruns, P. Lereboullet,
Nonne Schlagenhauser) permet de décrire en clinique et en anato-
mie pathologique, une véritable méningite sarcomateuse, tantôt
localisée, tantôt généralisée et étendue à toute la hauteur des
méninges cérébro-spinales. Ainsi le diagnostic se pose, suivant les
cas, avec les méningites basilaires, la méningite tuberculeuse en
particulier, et avec toutes les méningites cérébro-spinales. Il con-
vient de signaler toute l'utilité du cytodiagnostic, comme le
démontre l'observation, avec autopsie, publiée par P. Lereboullet.
B. tl'curo fibro-sa7'comatose. 11 existe dans la littérature plu-
sieurs observations avec autopsies, qui montrent des tumeurs 7nul-
tiples envahissant tout le système nerveux central sous la forme de
noyaux isolés, plus ou moins volumineux (méninges cérébrales et
médullaires ; racines rachidiennes, en particulier celles de la queue
de cheval, nerfs crâniens, moelle, écorce). Ces observations ont été
interprétées de façons très différentes.
Pour notre part, nous avons eu à examiner deux cas de ces
tumeurs multiples du système nerveux central, et toujours, dans
tous les noyaux, nous avons pu constater une structure nettement
sarcomateuse. En rapprochant nos constatations des descriptions
368 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cliniques et histologiques retrouvées dans la littérature, nous nous
croyons autorisés à réunir toutes ces observations, les deux nôtres
et celles déjà publiées, pour en faire un type à part de sarcomatose,
type qui.nous parait être suffisamment individualisé au point de
vue symptomatique et anatomo-pathologique. En outre, comme
dans nos deux cas, nous avons retrouvé sur le système nerveux
périphérique (plexus brachial, nerfs cubital, médian, etc.) des
noyaux également sarcomateux, quoique de structure un peu
spéciale, nous avons affaire, en réalité, à une sarcomatose de tout
le système nerveux central ou périphérique. Enfin, comme nous le
verrons plus loin, il existe quelques points de contact entre la
maladie de Rechlinghausen ou neuro-fibromatose et ces sarcomes
multiples. L'ensemble de ces faits justifie, croyons-nous, la dénomi-
nation de « neurofibrosarcomalose multiple » que nous proposons
pour cette affection néoplasique, parce que le terme nous paraît
bien mettre en lumière et l'existence des noyaux sarcomateux dans
tout le système nerveux, central ou périphérique, et leur évolution
fibreuse, et leurs relations avec la maladie de lleclilingliausen.
Histologiquement, il existe le plus habituellement une tumeur
principale développée surtout dans les régions de la base du cer-
veau (méninges, près du cervelet et de la protubérance ; nerfs crâ-
niens, nerfs auditifs en particulier); elle reproduit la structure du
sarcome solitaire des méninges. Les autres tumeurs sont plus
petites ; aisément psammomateuses sur les méninges, plutôt
embryonnaires dans la moelle dont les éléments nerveux paraissent
plus refoulés que détruits, ces tumeurs sont à évolution franche-
ment fibreuse sur les racines rachidiennes qui se montrent défor-
mées et moniliformes. Quant aux noyaux des nerfs périphériques,
dans nos deux cas, ils étaient constitués par des éléments fibro-
plastiques emboîtés les uns dans les autres à la façon des écailles
d'un bulbe d'oignon. L'histogenèse de ces sarcomes multiples est
intéressante à étudier, parce que la petitesse de chaque noyau per-
met aisément de suivre toutes les phases de son développement.
Or, en examinant à ce point de vue spécial les noyaux de la moelle,
des méninges, des racines rachidiennes et des nerfs périphériques,
nous avons pu aisément constater que le développement du tissu
néoplasique avait eu lieu en réalité aux dépens de tous les éléments
mésodermiques (périnèvre, endonèvre, gaine de Henle, gaine de
Schwann, tissu conjonctif ordinaire, gaine périvasculaire ou péri-
thélium, endothélium vasculaire). Si l'on s'appuie sur ces faits, il
paraîtra bien difficile de séparer radicalement les endothéliomes
et les sarcomes; dans la plupart des cas, l'endolhélioma, au lieu
d'exister à l'état de néoplasme pur, fait partie d'une tumeur dont
les caractères généraux sont évidemment ceux du sarcome. La
même opinion est soutenue par Brault à propos des sarcomes des
viscères et organes périphériques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 369 9
Cliniquement, les symptômes de la neurofibrosarcomatose sont
ceux d'une tumeur à foyers multiples et a localisation prédomi-
nante au niveau de la base de l'encéphale (syndrome cérébelleux ;
troubles auditifs précoces et rapidement progressifs jusqu'à la sur-
dité), ophtalmoplégies et paralysie faciale souvent unilatérales ;
symptômes habituels de la compression cérébrale. 11 est à remar-
quer que les noyaux de la moelle, des racines et des nerfs périphé-
riques ne donnent pas lieu à une symptomatologie bien apparente ;
mais dans les observations ultérieures, il sera tout indiqué de
rechercher plus attentivement les troubles moteurs, sensitifs et
trophiques qui vraisemblablement doivent survenir à la suite de
ces noyaux sarcomateux. Pour terminer, nous voulons appeler l'at-
tention de la maladie de Reclitingliauseti ou neurofibromatose mul-
tiple avec la neuro-fibro-sarcomatose. Dans ces deux affections, le
système nerveux périphérique est envahi par des noyaux néopla-
siques. Dansies deux affections, le système nerveux central peut
être atteint, alors que le fait est, depuis longtemps, indiscutable
pour la neuro-libro-sarcomatose, certaines observations récentes
avec autopsies et deux cas cliniques que nous avons pu recueillir
dans le service du professeur Raymond, tendent à démontrer que
la maladie de Reclclingliausen, elle aussi, est capable d'envahir les
centres nerveux. Histologiquement, la structure et l'histogenèse des
noyaux néoplasiques dans les deux affections sont à rapprocher
sur bien des points; dans la fibromatose multiple, ces noyaux
rappellent plutôt du tissu conjonctif adulte, tandis que dans la
neuro-fibro-sarcomatose, ils correspondent avant tout aux phases
cellulaires de ce même lissu conjonctif; dans les deux cas, ce sont
des néoplasmes mésodermiques. Les observations ultérieures
démontreront jusqu'où va le bien fondé de cette hypothèse.
Observations de deux frères atteints de paralysie générale appartenant
ci une famille de dégénérés.
MM. À. Joffroy et Et. L. lA13 ? UD. Les deux frères dont il s'agit
présentaient l'un et l'autre les signes très nets de paralysie géné-
rale, embarras de la parole, inégalité pupillaire, signe d'Argyll,
perte de la mémoire, idées délirantes diverses (de grandeur, de
négation, etc.).
Comme antécédents personnels, on retrouve chez l'un l'alcoolisme
et la syphilis ; chez l'autre, le paludisme et un surmenage physique
véritablement excessif. Les antécédents héréditaires sont extrême-
ment chargés. Le grand-père maternel, alcoolique, est mort aliéné.
Sa fille, mère des deux malades, était épileptique depuis son
enfance. Elle est morte complètement démente à l'âge de quarante-
huit ans, hémiplégique et aphasique depuis six années. Elle a eu
13 enfants, tous, sauf un peut-être, plus ou moins nerveux et
Archives, 2* série, t. XIV. * 21
370 SOCIÉTÉS SAVANTES.
impressionnables, et dont plusieurs à la première occasion, sont
tombés dans l'aliénation mentale. Nous apportons l'observation de
deux d'entre eux. -
L'autopsie des deux frères confirme le diagnostic clinique : ,
épaississement des méninges, adhérences à la substance grise,
dilatation des ventricules. Au point de vue micioscopique, dispa-
rition presque complète des fibres tangentielles, dilatation des
vaisseaux avec infiltration leucocytaire. On observe en certains
points la confusion des parois vasculaires et du. tissu nerveux.
Méninges épaissies et infiltrées ; augmentation considérable d'une
névroglie.
Par la méthode de Nissl, on relève l'existence de lésions inté-
ressant un certain nombre d'éléments isolés dans les couches des
grandes et pelites cellules, excentricité des noyaux, zone de dégé-
nérescence pigmen taire.
Ces diverses lésions sont particulièrement accusées sous le lobe
frontal. On les observe également dans le lobe temporal. Peu accu-
sées dans le lobe pariétal, elles le sont moins encore dans le lobe
occipital. D'une façon générale, les lésions sont comparables chez
les deux frères avec une simple atténuation chez Gustave D...
L'intérêt de ces observations réside dans ce fait que deux frères
portant la charge d'une lourde hérédité, soumis a des influences
dissemblables, sont morts de la même maladie ; que dans la même
famille, se trouvent des manifestations mentales très diverses.
L'auteur responsable du mauvais état cérébral de la famille
entière parait être le grand-père maternel, alcoolique et mort
aliéné. Son influence s'est fait sentir immédiatement sur sa fille,
et médiatement sur la majorité de ses petits-enfants.
M. Doutrebente (de Blois). Je demande à M. Joffroy. de nous
dire s'il pourrait nous fournir des renseignements sur les antécé-
dents vésaniques héréditaires des deux paralytiques dont la mala-
die dure depuis cinq à onze ans.
M. JorraoY. L'un de mes malades avait des antécédents héré-
ditaires manifestes, il était fils d'un déséquilibré.
M. Doutrehente. Je remercie .11. Joffroy de ce renseignement,
qui,me confirme dans l'opinion, émise par moi il y a trente-deux
ans -dans ma thèse, quand j'ai dit, le premier en date, que la
forme chronique et rémittente de la paralysie générale se rencon-
trait chez les héréditaires vésaniques.
M. de Penm (de Bordeaux). Des signes somatiques peu accu-
sés, un délire faiblement expansif, l'évolution plus longue de la
maladie, donnent un aspect spécial à la paralysie générale surve-
nant chez les dégénérés.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 371 L
Sur V innervation des vaisseaux de la pie-mère elde l'écorce cérébrale.
013REGL.%. Lorsqu'on détache la pie-mère de la surface du
cerveau, on ne trouve ni cellules ni plexus nerveux dans les parois
des artérioles ou des veinules arrachées. Si, au contraire, on laisse
la pie-mère en place, on constate, par les procédés de Golgi,.
Ramon y Cajal, etc., etc., que les cellules de Ramon, situées dans
la couche moléculaire, immédiatement sous la pie-mère, donnent
de très nombreux filets qui forment un riche plexus, et que des
prolongements axiles de ces cellules vont se ramifiant et se diri-
geant, en fin de compte, exclusivement-vers la pie-mère et les
vaisseaux corticaux qui en émergent. Cette disposition se retrouve
sur des cerveaux d'animaux de différents âges, et on ne peut s'as-
surer, en même temps, qu'il existe des rapports de contiguïté
entre les prolongements axiles ascendants des cellules sous-jacentes
(surtout des cellules de Martinotti), des cellules pyramidales et
d'autres cylindres terminaux.
Les préparations que voici montrent que les branches terminales
des cylindres-axes des cellules polyaxoniques de Ramon vont vers
les vaisseaux (artérioles et veinules). Il ne faut pas perdre de vue
que des polyaxoues (fusiformes et triangulaires) présentent cette
particularité unique, qui les distingue des autres nenrones cérébro-
spinaux, de posséder deux, trois et même plusieurs cylindres-axes.
Sur de nombreuses préparations, nous avons rencontré une dispo-
sition analogue, polyaxonique, au niveau des neurones péri-vascu-
laires qui servent de vasomoteurs dans la plupart des tissus. Tous
ces faits nous conduisent à admettre que les cellules polyaxoniques.,
de Ramon, situées dans la couche la plus superficielle de l'écorce
cérébrale, sont préposées à l'innervation des vaisseaux corticaux,
et que les plexus d'entrelacement de leurs prolongements sont à
comparer, comme rôle, aux plexus vasculaires. Il y a encore un
fait qui plaide en faveur de cette opinion, c'est l'existence, établie
par M. Pierrel, des voies de communication entre les cellules de
lamoelle et les nerfs vasomoteurs du tronc. 11 restait à trouver les
voies de communication entre les neurones cortico-cérébraux et
les vaisseaux de différents territoires de la corticalité, car, lorsque
nous voulons exécuter un travail pénible avec le membre supérieur
droit, par exemple, il est de toute nécessité que les neurones de
représentation motrice du centre cortical du membre donnent une
incitation qui se transmet aux vasomoteurs de ce territoire, pour
en amener la vasodilatation et l'irrigation plus active (Scbili). Or,
c'est précisément ce mécanisme qui est éclairci par les relations
signalées plus haut entre les cellules polyaxoniques de Ramon
et les vaisseaux de la corticalité cérébrale.
372 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 5 août (soir). -
Présidence de 1. IiGIS, DENY ET A. Marie r
Après la séance du matin, les congressistes se sont rendus par
le tramway électrique au Pont-de-Clairs, où a eu lieu un déjeuner
collectif.
« La lenteur du service, dit le Petit Dauphinois, y était palliée
par l'agrément du paysage et des accortes servantes très embar-
rassées par un service inusité.
« Les toasts s'y sont multipliés comme les jours précédents. Ceux
du président Régis, du secrétaire général, de AI. le professeur Jof-
froy qui a rappelé l'oeuvre de l'Université de Grenoble dont le cours
des vacances peuvent servir de modèle aux cours semblables que
Paris organise.
« M. le Recteur a répondu et le docteur Bonnet, médecin en chef
de l'asile de Saint-Robert, a bu à la santé des dames qui accompa-
gnent les congressistes. Ils les remercie de leur apporter ce que ne
sauraient leur donner ni la splendeur des Alpes Dauphinoises, ni
la sauvage beauté de cette nature tourmentée et grandiose qui se
présente à leurs regards, c'est-à-dire le charme, la souplesse élé-
gante, la fantaisie, la joie. Il les remercie d'apporter aux congres-
sistes une atmosphère vivifiante de Beau et de Bien, créée par
elles, un peu de cet idéal, de cette joie sereine, de cette harmonie
supérieure qui double le charme de vivre et qui fait oublier aux
médecins d'asiles le caractère souvent pénible de leurs fonctions.
Il termine par un toast très applaudi à Mm0 Régis, la collabora-
trice infatigable du président du Congrès. »
Après le déjeuner le Congrès est entré en séance.
Le mécanisme des réflexes et du tonus musculaire, par Chocq (de C
Bruxelles.) -
D'après la théorie que j'ai développée au Congrès de Limoges,
chez l'homme, le tonus musculaire est exclusivement cortical, tandis
que les réflexes se font par les trois étages : médullaire pour les
réflexes rapides de défense, lombaire pour les réflexes tendineux,
cortical pour les réflexes cutanés.
M. le professeur Grasset, confondant absolument les manifesta-
tions du tonus et des réflexes, admet que toutes peuvent se faire
indistinctement par les trois étages cérébro-spinaux. Cette manière
de voir, soutenable pour les réflexes, à condition que l'on diffé-
rencie les trois espèces de réflexes cités plus haut, est, à mon
avis, erronée en ce qui concerne le tonus. Les faits sur lesquels
s'appuie M. Grasset sont peu convaincants, tandis que ceux qui
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 373
militent en faveur de la théorie corticale sont irréfutables et nom-
breux.
M. Mendeissohn invoque la loi de diffusion des réflexes pour sou-
tenir que ceux-ci peuvent se produire indifféremment par tous les
étages cérébro-spinaux. Je réponds à cela qu'il est une loi plus
importante encore qui domine toute la physiologie nerveuse com-
posée : c'est qu'à mesure que l'on s'élève dans l'échelle animale,
les fonctions nerveuses remontent graduellement vers l'encéphale
et se localisent davantage. La loi de diffusion des réflexes con-
cerne les animaux inférieurs, l'expérimentation prouve qu'elle
n'est pas exacte chez le singe, la clinique démontre qu'elle est
absolument fausse chez l'homme.
M. Brissaud objecte que des lésions destructives de la totalité
des fibres pyramidales, dans la capsule interne, peuvent produire
des hémiplégies spasmodiques. Le mot de spasmodique ne peut
évidemment ici indiquer que l'hypeitoitie, car tous nous sommes
d'accord pour admettre l'hypei,pflectivité tendineuse dans les
lésions de la capsule interne. Je réclame la preuve du fait que la
section de toutes les fibres corlico-spinates peut provoquer l'hyper-
tonie : les recherches nécroscopiques sont insuffisantes à nous
renseigner à ce sujet, nos procédés actuels ne suffisant pas à
déterminer si toutes les fibres sont sectionnées, pas même lors-
qu'il y a dégénérescence secondaire des faisceaux pyramidaux,
- qui peuvent contenir un certain nombre de cylindraxes intacts.
' M. Brissaud conteste le fait qu'une section médullaire complète
abolit définitivement chez l'homme le tonus et les réflexes (sauf
les défensifs) dans le tronçon inférieur. Je pense que tout dépend
de la nature de la lésion : si celle-ci est brusque, il y a flaccidité
complète et définitive ; si elle est lente, il peut y avoir spasmodi-
cité. Pour établir ce fait, M. Brissaud rapporte le cas de 111, Z...,
chez laquelle une section complète de la moelle cervico-dorsale,
par coup de revolver, abolit pendant de longues semaines, et jus-
qu'à la mort, le tonus et les réflexes. Il donne ensuite l'observa-
tion d'un malade atteint d'une paraplégie spasmodique, et chez
lequel il diagnostiqua une lésion équivalant ci une section Or, chez
ce patient, la sensibilité au contact persista jusqu'à la mort. A
l'examen microscopique on trouva une compression médullaire
avec sclérose intense du ruban étroit qui représentait la moelle et
dans lequel on apercevait cependant encore quelques fibres ner-
veuses. Ni cliniquement ni anatomiquement la section n'était com-
plète.
MM. Raymond et Cestan, dans une étude très importante,
publient 2 cas de compression médullaire avec paraplégie spasmo-.
dique et anesthésie complète. Cliniquement, ces cas répondent à
une section complète de la moelle; anatomiquement, on constate
.la persistance d'un certain nombre de cylindraxes. La section était
,37 SOCIÉTÉS savantes.
donc incomplète. M. Lannois rapporte une observation analogue
à celle de M. Brissaud ; il s'agit d'une paraplégie spasmodique
qu'il considère comme due à une section médullaire, alors que la
sensibilité au contact a persisté jusqu'à la mort. La lésion élait
donc incomplète. '
M. de Buck s'appuie sur les arguments invoqués par MM. Bris-
saud, Raymond et Cestan.pour admettre que les réflexes par-
courent la voie extra-pyramidale ou rubro-spinale. J'ai répondu
à ces objections; j'ajouterai que la très intéressante observation
de MM. Raymond et Cestan, parue dans le dernier numéro .des
Archives de Neurologie, prouve nettement que la destruction des
noyaux rouges n'abolit pas les réflexes tendineux.
'SI. van Gehuchieti me reproche d'avoir cherché à prouver expé-
rimeiitalemenl l'importance de la circulation aortiquesurlanulii-
tien de la moelle lombaire. D'après lui, ce fait est depuis longtemps
établi. Pour motiver mes recherches, je n'ai qu'à faire remarquer
.qu'actuellement encore, et malgré mes expériences, MM. Jendras-
sick, Brissaud et llendelssobn pensent que cette circulation se fait
en grande partie, par les artères spinales antérieures.
Mon savant compatriote m'objecte encore que la seule voixana-
tomique descendante reliant les ganglions lombaires au la moelle
- est, dans l'état actuel de nos connaissances, la voie rubro-spinale.
Il me reproche de supposer une voie reliant les corps opto-striés
aux cornes médullaires, alors que la voie. rubro-spinale est con-
nue. Je commencerai par dire que l'observation si démonstrative
de MM. Raymond et Cestan prouve que la voie rubro-spinale n'est
pas celle des réflexes et que, par conséquent, j'ai bien fait de ne
pas adopter la théorie de van Gehuclilen, qui se trouve aujour-
d'hui renversée. J'ajouterai que nos connaissances anatomiques
.concernant les voies centrifuges des corps opto-striés sont presque
nulles, et dans tous les cas très confuses. Il suffit pour s'en rendre
compte, de parcourir le remarquable ouvrage de Dejerine. Dans
ces conditions, m'inspirant des données concernant la physiologie
comparée du système nerveux dans l'échelle animale, données qui,
de l'avis des plus savants physiologistes, accordent aux corps
opto-striés un rôle important dans les fonctions motrices, je ne
crois pas faire une encur analomique en supposant l'existence de
fibres descendantes reliant des corps opto-striés aux cornes anté-
- rieures de la moelle.
La paralysie générale au début devant les magistrats.
.M. Maxwell, avocat général à la cour de Bordeaux/ où il a- pro-
noncé, à propos du fratricide un discours qui a eu un -grand
retentissement, a fait, au Congrès des aliénistes de langue fran-
,çaise, une communication que l'on pourrait appeler sensationnelle.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 375
Après avoir rappelé combien est délicate la tâche du médecin-expert,
les déboires qui l'attendent souvent aussi bien de la part du minis-
tère public que de la défense, M. Maxwell s'est exprimé dans les
termes suivants, que nous avons tenu à reproduire textuellement.
Il y a des cas où je voudrais que le médecin fut toujours con-
sulte. Ils concernent une catégorie de malades qui sont ordinaire-
ment plus dangereux pour eux-mêmes et pour leurs proches que
pour la sécurité générale. Ils ne sont pas habituellement des impul-
sifs, capables de commettre de graves attentats contre les personnes.
Les meurtres sont rares chez eux; mais les outrages publics à la
pudeur, les faux, les abus de confiance, les vols et toute une série
d'infractions moins graves, leur sont coutumières. Je veux parler
des paralytiques généraux au début de leur maladie.
Il arrive souvent aux juridictions répressives d'avoir à juger des
hommes de vingt-cinq à cinquante ans qui ont eu, jusqu'au délit
poursuivi, une excellente conduite. Brusquement un de ces
hommes commet quelque acte immoral punissable, quelques lar-
cins stupides, quelques faux grossiers; il comparait devant le juge
d'instruction d'abord, devant les juges ensuite. Les' preuves de sa
culpabilité ne sont même pas dissimulées; il ne témoigne qu'un
repentir insuffisant; il fait même quelquefois une détestable im-
pression par l'attitude indifférente qu'il conserve. Il s'intéresse
plus aux menus incidents de l'audience qu'a sa situation propre,
il parait être un spectateur plutôt qu'un acteur du drame judiciaire
qui se passe.
Si elle est trop marquée, cette indifférence peut frapper l'esprit
des magistrats, car ils ont trop d'expérience pour ne pas avoir
alors quelques soupçons d'un trouble mental; mais souvent ces
troubles ne sont qu'ébauchés. 11 faudrait l'oeil d'un aliéniste pour
les apercevoir; le magistral, dont ce n'est pas l'affaire n'y saurait
rien découvrir, il est tenté, au contraire.' de voir du cynisme dans
l'indifférence du coupable. Ses soupçons seront d'autant moins
éveillés que souvent l'escroquerie, le vol. l'abus de confiance ou le
faux, paraîtront déterminés parles besoins d'argent du coupable
dont les affaires seront embarrassées ou dont les dépenses auront
été exagérées; le mobile de l'infraction sera manifeste. Le prévenu
sera condamné et l'on enverra dans une prison un individu qu'on
aurait dû mettre dans un asile.
Je souhaiterais donc que juristes et médecins légistes s'enten-
dissent pour insister sur la nécessité d'une observation médicale
sérieuse, de tous les prévenus qui comparaissent pour la première
fois devant la justice après une longue vie d'honnêteté antérieure.
Je suis persuadé que l'expérience personnelle des médecins légistes
est conforme à la mienne : dans la catégorie des condamnés dont
je m'occupe, il y a une très forte proportion de paralytiques géné-
raux. ,
37G SOCIÉTÉS SAVANTES.
Je reconnais cependant qu'il est difficile de déterminer, des
juges à consentir aux dépenses d'un examen médical, toujours
long, toutes les fois qu'ils se trouveront en présence d'un prévenu
de vingt-cinq à cinquante ans sans antécédents judiciaires. Il faut
donc leur donner des indications sommaires permettant de décou-
vrir, dans les circonstances de l'infraction et dans l'interrogatoire
du prévenu; les signes d'un trouble mental possible. Il me semble
que le Congrès ferait une oeuvre utile et pratique s'il pouvait don-
ner la sanction de son autorité à l'établissement dérègles simples,
élémentaires, que chaque juge d'instruction devrait connaître.
Peut-on établir ces règles ? Il me semble que oui. Je crois, en
effet, que le juge devrait soumettre le prévenu à un examen mé-
dical, toutes les fois qu'il se trouverait en présence d'un individu
de l'âge indiqué s'étant toujours bien conduit antérieurement et
qu'il constaterait, en outre :
1° Que le prévenu a tardivement manifesté des idées d'ambition
ou de fortune, des goûts de dépenses ou de spéculation ;
2° Qu'il a commis l'infraction maladroitement, sans dissimuler,
par exemple, les objets volés, sans prendre les précautions dont
un délinquant a, d'ordinaire, le soin de s'entourer pour cacher sa
faute.
2° Qu'il témoigne une indifférence inexplicable chez un délin- -
quant poursuivi pour la première fois.
4° Qu'il marque des troubles quelconques de la mémoire. J'in-
sisterais volontiers sur cette dernière circonstance. Je pense que
nous avons dans l'état de la mémoire un réactif d'une très grande
sensibilité, réactif qu'un juge d'instruction peut commodément
employer. Ce magistrat devra donc se rendre un compte sommaire
de la nature des souvenirs du prévenu,. et rechercher si celui-ci a :
1° de l'amnésie ou de la dysmnésie des faits récents contrastant
avec un souvenir bien complet des faits passés depuis longtemps;
fréquemment le malade, même à la période paralytique, ne pourra
pas indiquer le quantième du mois et le jour de'la semaine, il ne
saura pas ce qu'il a mangé à son déjeuner du matin et à son diner
de la veille. Il aura oublié les courses faites, les affaires traitées
dans les dernières journées.
2° Si, en écrivant, il oublie des lettres ou des syllabes, ou fait des
fautes d'orthographes qui ne lui étaient pas coutumières ;
3° S'il fait des erreurs de calcul grossières : par exemple dans
la table de multiplication. Il conviendrait que le juge ne se conten-
tât pas d'une simple question, mais demandât au prévenu une
série de calculs simples, comme de réciter la table de Pythagore;
la fatigue mentale se manifeste chez le malade au bout de quel-
ques instants, et les erreurs apparaissent aussitôt ;
4° Enfin, si sa conception des idées abstraites est intacte. Je
reconnais que sur ce point l'examen est toujours difficile et rare-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 377
ment possible, à moins qu'on ait affaire à un prévenu ayant reçu
une certaine instruction et auquel on pourra demander quelques
notions générales.
Il est bien entendu que je me borne là à exprimer un voeu ; si le
Congrès s'y associe; il resterait à confier à des hommes plus com-
pétents que moi le soin de formuler avec plus d'exactitude et de
précision que je n'ai pu le faire, les trois ou quatre règles simples,
élémentaires, faciles à expliquer, à l'aide desquelles le juge d'ins-
truction pourrait rapidement jauger l'état menlal du prévenu. Il
est évident que ces règles ne peuvent être qu'indicatrices, elles .
auraient cependant l'avantage de permettre aux magistrats de se
rendre approximativement compte de la nécessité d'une expertise.
L'avocat, d'ailleurs, devrait connaître ces règles élémentaires, il
pourrait provoquer l'expertise si le juge d'instruction ne l'ordonnait
pas d'office. Je demande donc aux membres du Congrès de com-
mencer ce petit livre élémentaire dont je parle, et que tout magistrat,
tout juge d'instruction surtout, devrait connaître aussi bien que son
Code civil. Combien d'erreurs judiciaires seraient ainsi évitées et
combien de paralytiques généraux, irresponsables, échapperaient à
des condamnations imméritées. Mais, pour être utile, ce petit livre
devrait-exprimer l'opinion générale des principaux aliénistes.
Le massage chez les tabétiques. par Maurice FAUHK et Couhtexsoux.
La massothérapie est souvent employée et mal comprise dans
le traitement du tabès. A titre de stimulant delà circulation et de
l'innervation, un massage modéré et méthodique peut sans doute
aider'au maintien. de la nutrition générale et par conséquent
empêcher ou atténuer l'amaigrissement ou J'atrophie musculaire
chez les tabétiques comme chez d'autres malades, mais cela à la
condition qne ce massage tiendra compte des réactions propres
au tabétique, lequel ne saurait être massé comme un homme bien
portant. Le pétrissage, le tapotement vigoureux ou même simple-
ment les séances trop longues ou le massage trop étendu augmen-
tent la fatigue habituelle du malade, son impotence musculaire et
son incoordination.
Certaines manoeuvres doivent être absolument proscrites chez
le tabétique ; tels sont : les mouvements passifs exécutés avec plus
ou moins de force et qui exagèrent les saccades et la brusquerie
habituelles aux gestes des ataxiques, les exercices d'assouplis-
sement qui ne fout qu'augmenter la laxité ligamenteuse et muscu-
laire, qui est précisément un des stigmates les plus gênants de
l'ataxie, enfin tous les exercices de force au cours desquels le
tabétique. dont la sensibilité profonde est troublée ou abolie, con-
tusionne ses nerfs, arrache ses ligaments et déchire ses muscles,
sans même s'en apercevoir. '
' 378 . SOCIÉTÉS SAVANTES.
C'est à ce titre de stimulant de la sensibilité cutanée (en fric-
tions, effleurages, percussion légère), à titre de stimulant de la
sensibilité profonde et surtout de la nutrition musculaire (pres-
sions douces, mobilisation prudente) que ce massage sera utile aux
tabétiques. il leur servira aussi contre les paralysies, les atrophies,
les fractures et les entorses qui surviennent quelquefois au cours
du tabes et qu'il faut soigner par les procédés usuels.
Enfin, il ne faut point confondre le massage avec la mécanothé-
rapie et la rééducation, qui en sont des méthodes bien différentes
dans leurs principes et leur application. Le massage n'a point à
connaître de machines et d'appareils destinés à produire des mou-
vements passifs, lesquels sont du ressort de la mécanothérapie, et
n'ont d'ailleurs que peu d'emplois chez le tabétique, et peuvent
être dangereux. Il n'a pas à connaître davantage des mouvements
volontaires qui, employés sans méthode, ne donnent que des
résultats insignifiants et qui, lorsqu'ils sont méthodiques et coor-
donnés, sont du ressort de la rééducation. Cette technique vise
d'ailleurs la cure de l'incoordination, de l'impotence motrice, du
relâchement musculaire, sur lesquels le massage n'a aucune prise
et qu'il ne doit point chercher à atteindre, car il ne peut que les
augmenter s'il est mal compris ou mal pratiqué.
La pathogénie de l'épilepsie, par Maurice Fa un g.
> Les origines du tabès.
M. Maurice Faucre. Il n'est pas contestable qu'à l'origine de
. la grande majorité des cas de tabes on relève la syphilis ; mais il
n'est pas contestable, non plus, que les cas où il est impossible
d'admettre la syphilis sans baser le diagnostic sur une pétition de
principe ne sont pas exceptionnels. 1
11 est des cas de tabès qui semblent n'être que l'expression
locale d'une dégénérescence générale sénile (polysclérose) et où
l'action d'une cause unique et spécifique se confond dans l'ensemble
des actions causales de la sénilité. Il est aussi des cas où d'autres
infections que la syphilis semblent avoir agi et avoir, à elles seules,
engendré le syndrome tabétique : ainsi la tuberculose, la malaria,
l'alcoolisme, etc.
Enfin, des infections, si fréquentes chez les tabétiques, qu'on
peut les admettre comme de règle, semblent jouer aussi un rôle
pathogénique actif, même chez les tabétiques spécifiques, et peut-
être surtout chez eux, car souvent chaque accident tabétique a
- accompagné ou suivi l'apparition d'une de ces infections, alors
que pendant la période où la syphilis était seule, aucun accident
tabétique n'était apparu. Ce sont surtout la grippe ou l'inlluenza,
les infections rhumatismales, la blennorragie. Il semble que la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 379
syphilis crée, dans ces cas, un lieu de moindre résistance où l'iu-
fection secondaire s'installe, évolue et forme la lésion tabétique.
Les origines infectieuses ou toxiques du tabes nous semblent donc
trop complexes pour que sa pathogénie puisse être résolue à l'aide
d'une seule notion : la notion de spécificité syphilitique.
Quant à la question du terrain elle nous parait aussi d'une
importance capitale, et quand on observe un grand nombre de
tabétiques rassemblés, on ne peut qu'être frappé de l'analogie de
leur caractère, de leur ? moeurs et de leur constitution physique et
mentale. 11 nous semble que l'intérêt prochain de cette question
est d'arriver à établir la proportionnalité de chacune des'variétés
pathogéniques du tabes et de ces différences, afin de leur appli-
quer des traitements variés et convenables, pour chaque groupe de
cas, au lieu de merculariser systématiquement et intensivement
tous les tabétiques, ou de n'en mercurialiser aucun, suivant que
l'une ou l'autre idée théorique nous guide, ou que l'une ou l'autre
influence nous a entraînés.
Extension durable ou prolongée du gros orteil associé au signe
de Babinski.
M. Pailiias (d'Albi). -J'ai eu l'occasion en ces derniers temps,
d'observer quatre cas d'extension persistante du gros orteil dans
lesquels se manifestait aussi, de la façon la plus nette, la réaction
réflexe qui caractérise le signe de Babin : ki. -
L'intérêt de ces observations m'a paru résider : : 1° dans la cor-
rélation existant entre le signe de Babinski et cette extension
durable ou prolongée du gros orteil qui semble n'être qu'une am-
plitication ou une exagération, en durée surtout, de ce même signe
2° dans le fait que l'extension du gros orteil est, dans les états
cérébraux, un accident de contracture susceptible de se montrer
associé à d'aulres phénomènes du même ordre, mais pouvant aussi
se montrer à l'état isolé et de façon à indiquer la tendance aux
contractures;- 3° dans cet autre fait que l'extension durable du
gros orteil semble établir, par assimilation, la véritable significa-
tion du signe de Babinski, en le représentant comme un indice
d'hypertouus musculaire dépendant, soit d'une altération du sys-
tème pyramidal, soit, ainsi que chez le jeune enfant, d'une dispo-
sition fonctionnelle toute physiologique et explicable par la rela-
tive prépondérance des centres spino-basilaires, à cet âge;
4° dans cette constatation que, dans les lésions organiques du sys-
tème pyramidal, le réflexe de Babinski tout comme l'extension
persistante du gros orteil, ne se produisent pas en raison directe
de l'intensité des altérations cliniquement observées, puisque dans
deux cas d'hémiplégie complète, nous avons vu ces signes s'ac-
cuser bien plus du côté non paralysé.
380 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Sur une corrélation entre un certain écartement involontaire du
petit doigt de la main et des troubles du langage articulé
M. Pailiias (d'Albi). Ce syndrome-a été noté dans diverses
affections de l'axe cérébrospinal : paralysie générale, démences
alcoolique et sénile, aphémie congénitale. L'auteur estime que cette
corrélation de troubles fonctionnels ne peut qu'être rapportée à
une connexité de lésions des centres qui président aux langages
articulé et graphique. M. Arnaud a vu un sujet atteint de crampes
des écrivains qui eut ensuite de l'embarras de parole. Ce fait lui
semble venir à l'appui des idées émises par M. Pailhas sur la cor-
rélation des centres de l'écriture et de la parole.
Cure de désintoxication.
M. Bonnet. La maladie de la fonction précède celle de l'or-
gane ; d'où la nécessité d'agir vite et de débarrasser l'organisme
des substances qui l'intoxiquent. Ce ne sont ni les calmants, ni
les antispasmodiques, qu'il faut prescrire ; ce sont des trompe-
- l'oeil qui ne font qu'augmenter l'intoxication. Ce qu'il faut, c'est cet
ensemble de mesures que je groupe sous le nom de cure de désin-
toxication, et que je pratique systématiquement chez tous mes
malades. ]'Ille est constituée par le régime lacté, auquel j'associe la
lactose et quelquefois la théobromine ou la diurétine, par l'alite-
ment, les purgatifs et même les injections de sérum. Depuis que
j'ai adopté cette pratique, la durée du traitement a notablement
diminué.
M. OBREJA. Je félicite M. Bonnet et approuve sa méthode,
car le coefficient uro-toxique est d'une grande importance dans
l'aliénation mentale.
De la responsabilité des demi-fous devant les tribunaux et de la
responsabilité des tribunaux devant la société, par E. Verrier.
Eludes sur les miracles de la S(ileile.
M. BoLTi3y (d'Alger) signale la possibilité de l'existence de troubles
mentaux chez plusieurs personnages ayant joué un rôle dans l'his-
toire de la Salette. Etude critique documentée, très intéressante.
Les ongles chez les aliénés.
M. Pierhet (de Lyon) fait sur ce sujet une communication très
intéressante que nous reproduirons. ,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 381
Etats neurasthéniques et neurasthénie.
M. le Dr Maurice Ducosté (Bordeaux). M. Ducosté fait une
classification des états névrosiques actuellement rassemblés sous
l'étiquette de neurasthénie. Les « états neurasthéniques » et la
« neurasthénie constitutionnelle » méritent absolument d'être con-
servés comme individualités cliniques. Mais il faut bien s'entendre
sur la signification des états neurasthéniques. Ce ne sont que des
symptômes d'une affection somatique, symptômes derrière lesquels
il faut chercher la base organique, la paralysie générale particu-
lièrement (Voisin, Ballet, Fournier, Levillain, Magnan et Sérieux,
Régis) dont la phase prodromique neurasthéniforme est extrême-
ment importante à connaître pour établir un pronostic ferme. Ces
états neurasthéniques et mieux neurasthéniformes peuvent appa-
raître au début, au cours, ou à la fin (psychoses asthnéiques de
la convalescence de Kroepelin) des affections les plus diverses, et en
dehors de leur importance pratique, ils en ont une doclrinale, en
ce sens « qu'ils ne sont que des symptômes et ne peuvent aucune-
ment plaider en faveur de l'entité « neurasthénie ». La neurasthénie
dite constitutionnelle a des caractères bien connus sur lesquels il
est inutile d'insister. C'est un type clinique très net. A côté des
états neurasthéniformes et de la neurasthénie constitutionnelle,
il y a, pour M. Maurice Ducosté, un type spécial de neurasthénie
« qui, aussi bien par son étiologie que par ses symptômes et son
évolution, nécessite d'être décrit avec soin ».
E6 ? e : Pas d'hérédité, choc émotionnel, nécessaire et suffi-
sant.
Symptomatologie : Stigmates physiques et mentaux vulgaires de
la neurasthénie vraie, frustes parfois, et diversement associés les
uns aux autres, et en plus (ce qui est.essentiel) interprétation pes-
simiste des symptômes neurasthéniques, interprétation qui touche
à tous les faits de la vie du sujet et qui a pour origine et base
intellectuelle l'idée qui s'est associée à l'émotion causale. La gué-
rison est de règle, les stigmates neurasthéniques disparaissent
d'abord, l'état mental avec sa systématisation pessimiste ne cédant
qu'en dernier lieu. Une observation détaillée et très nette à l'ap-
pui. Plusieurs autres, « dont les grandes lignes ont la même rec-
titude ».
La palhogénie ne peut encore être que soupçonnée. Peut-être les
théories de Lauge, de Mosso, de Sergi, de Rihot, les expériences
de G. Dumas et de ses collaborateurs donneront la clef de ces phé-
nomènes psychiques intéressants.
En somme, pour M. Ducosté, il y a : 1° des états neurasthéni-
que ? , symptômes d'affections diverses; 20 la neurasthénie consti-
tutionuelle, apanage des dégénérés, des héréditaires et 30 une neu-
382 -) S.oClE1'ÉS SAVANTES..
rasthénie, sans hérédité névrosique ou vésanique, qui emprunte
à la neurasthénie classique ses stigmates physiques, mais qui s'en
distingue par un état mental spécial. C'est ce que l'auteur appelle
la neurasthénie à interprétation pessimiste. Le diagnostic n'est délicat
qu'avec la période d'incubation du délire clinique à évolution sys-
tématique, tel que l'ont décrite Magnan et Legrain.
Sclérose en plaques infantile à forme hémiplégique d'origine
/te<'6o-)/pAt'/<<Me probable .
M. Georges Carrier (de Lyon). Il s'agit d'une malade dont
l'affection a évolué de l'âge de sept à dix-sept ans. Dans les anté-
cédants héréditaires, on releva un père syphilitique et alcoolique.
une mère nerveuse arthritique, un grand-père maternel cérébral.
Ses frères et soeurs étaient tous morts en bas-âge, entre un et
deux ans. Rien de particulier dans ses antécédents personnels.
Elle a été à l'école où elle a appris à lire et à écrire.
Le début de l'affection se fit à sept ans par une monoplégie bra-
chiale droite qui survint brusquement et qui rétrocéda. A l'âge de
onze ans, apparurent des crises épileptiformes à la suite desquelles
survint progressivement, en l'espace d'un an, une hémiplégie droite
avec aphasie et contractures, accompagnée d'obtusion intellectuelle
avec gâtisme et coprophagie. Jusqu'à sa mort, qui survint cinq ans
après, ces symptômes restèrent permanents, sauf l'obtusion intel-
lectuelle et le gàlisme,`qui disparurent.
Les symptômes qu'elle présentait alors étaient caractérisés par
une hémiplégie droite avec contractions; paralysie faciale très
peu accentuée, secousses convulsives dans la langue au début des
mouvements, paralysie légère du voile du palais; diminution de
l'acuité visuelle à droite et turgescence des vaisseaux papillaires ; -,
dents mauvaises avec sillon d'llutcliiuson. Intelligence débile.
Aphasie motrice permanente. Déformation du thorax et de la
colonne vertébrale déviés à droite. Réflexes exagérés aux deux-
membres supérieurs et inférieurs. Trépidation épileptoïde des deux
côtés. Léger tremblement intentionnel du bras gauche. Pas de
troubles de la sensibilité. Crises épileptiformes à caractère jack-
sonien survenant irrégulièrement et commençant par le pied
droit.
A l'autopsie et l'exunzezz histologique, on releva des plaques de
sclérose disséminées dans tout l'axe cérébro-spinal, mais surtout
caractésistiques au niveau de la moelle, où elles occupaient
des localisations diverses suivant les différents étages médul-
laires. 1
Les cellules du; cortex présentaient les différents degrés de
l'atrophie; celles de la moelle étaient intactes, sauf une légère
diminution de volume. Les lésions des vaisseaux étaient caracté-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 383
risés par un épaississement très accentué de leurs parois ; rien du
côté de l'adventice, qui était très mince. Prolifération névroglique
très marquée dans la substance blanche cérébrale et médullaire.
Cette observation présente plusieurs particularités intéressantes :
1° rage de la malade dont les troubles ont débuté à sept ans; 2° le
début mono, puis hémiplégique ; 3° le tableau clinique caractérisé
par la prédominance exclusive et permanente des phénomènes
hémiplégiques et de l'aphasie avec spasmodicité et crises épilep-
tiformes jaclcsonieunes; 4° l'évolution de l'état mental, qui a été
caractérisé par l'état transitoire de l'oblusion intellectuelle, du
gâtisme et de la coprophagie ; 5° la vérification nécropsique et Iiis-
tologique qui seule permit le diagnostic exact et qui révéla un pro-
cessus de dégénérescence sans systématisation aucune, ayant
débuté par les fibres à myéline, et des lésions vasculaires chroni-
ques qui indiquent l'importance pathogénique des vaisseaux dans
la sclérose multiloculaire; 61 l'importance étiologique de l'hérédo-
syphilis dans le développement de la sclérose en plaques chez les
jeunes enfants.
De la sortie refusée des aliénés, par Biaute.
Traitement de la paralysie générale.
M. Devay (de Lyon) a soumis au traitement spécifique mixte
intensif, depuis 1896, 90 cas de paralysie générale. 11 expose les
résultats de cette méthode thérapeutique systématique dans 21 cas-
qui ont subi une modification, une amélioration ou une rémission.
Eu se basant sur ces résultats, il arrive à formuler son opinion
sur la théorie de la nature parasyphilitique de la paralysie géné-
rale, aussi bien que du tabes, théorie qui a été préjudiciable au
traitement de ces affections. Toute paralysie générale doit être
soumise à un traitement intensif mixte, calomel 0,10 centigrammes
par injection intra-musculaire chaque semaine, et iodure de potas-
sium à dose progressivement croissante jusqu'à 14, 16 et même
20 grammes par jour.
M. A. Marie préconise l'emploi du sérum ioduré dans la paraly-
sie générale ; il ne détermine pas les congestions, ni les accidents
comateux dont on l'accuse.
Fausse grossesse dans la paralysie générale.
M. Dupré. On sait que chez les paralytiques généraux
(hommes ou femmes) les délires de grossesse ne sont pas rares; on
sait également que chez les hystériques les cas de fausse grossesse
sont très fréquents, mais nous ne connaissons pas de fausse gros-
sesse chez des paralytiques générales non hystériques. J'en ai
384 SOCIÉTÉS SAVANTES.
observé, avec M. Hagniez, un exemple, concernant une femme de
trente ans qui s'est présenté à nous avec les signes, somatiques et
psychiques, de la paralysie générale, auxquels s'étaient ajoutés,
sous l'influence d'un surmenage récent, les symptômes d'un état
temporaire de confusion mentale, d'hébétude et d'obtusion intel-
lectuelle : De plus, la malade présentait l'apparence extérieure la
plus complète d'une grossesse avancée (volume et forme de l'ab-
domen, démarche); les règles étaient abolies depuis six mois;
aussi la conviction d'une grossesse de cet âge était-elle absolue
chez cette femme et dans son entourage : on avait préparé la
layette, etc.
A l'examen direct, on constata une vacuité absolue de l'utérus,
qui était gros comme une noix ; les organes génitaux et périgéni-
taux étaient normaux. La patiente, informée de cet état de choses,
sourit avec incrudulité et continua, les semaines suivantes, à se
croire enceinte. Au terme approximatif de la prétendue grossesse,
les règles réapparurent, mais les symptômes extérieurs de gros-
sesse persistèrent encore quelque temps.
Ce fait représente donc une combinaison intéressante de fausse
grossesse somatique et de délire démentiel de grossesse au cours
de la paralysie générale.
Paralysie générale précoce chez un débile /tc;'eo-syp/<i7<<t ? (e.
MM. Erxest Dupré et Pagniez (de Paris). J'ai observé, avec
M. Pagniez, une hérédo-syphilitique de vingt-trois ans qui a suc-
combé, au bout de trois années, à une paralysie générale à forme
démentielle simple, non délirante. L'autopsie a confirmé le dia-
gnostic, et l'examen histologique a montré les lésions cérébrales. '
hépatiques, rénales de la maladie. L'anamnèse a permis d'établir,
en outre, que la patiente était une débile et que l'hérédo-syphilis
provenait de la mère, qui, étant nourrice, avait eu un chancre du
mamelon. Ce cas est analogue à ceux qui Ont été déjà publiés par
différents auteurs, notamment par MM. Toulouse et Marchand, cas.'
qui établissent, d'une part, le rôle de l'hérédo-syphilis dansl'étio-
logie de la paralysie générale, et, d'autre part, la fréquence de
cette affection chez les débiles.
Etude histologique de l'écorce cérébrale dans 18 cas de mé21cgile.
MM. MAURICE F,%URE et L.11GNEL-L.1V.1ST1NE ont recherché dans le
laboratoire de 111. , Ballet les'altérations corticales de 13 cas de
méningite tuberculeuse, 2 à pneumocoques, 1 à entérocoques et'
1 à bacille d'Eberth. Ces lésions, ni constantes, ni régulières,
siègent en général au voisinage des foyers méningés et sont d'au-
tant plus accentuées que l'évolution a été plus longue.
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 385
A. Lésions interstitielles. L'écorce, abaissée ou refoulée, à
vaisseaux très dilatés, est infiltrée de cellules rondes qui pénètrent
à une plus ou moins grande distance des vaisseaux.
B. Lésions cellulaires. Les cellules nerveuses, devenues globu-
leuses, ont leurs grains chromophiles diminués de volume et
comme effrités. Le noyau est un peu coloré, les prolongements
pâles, les bords échancrés (neuronophagie). Ces lésions étaient
très accentuées dans 4 cas, légères dans 8, à peu près nulles dans 6.
Dans ces derniers cas, la méningite n'avait été que l'épilogue
rapide d'une tuberculose pulmonaire chronique à la 3° période.
Au contraire, dans les 4 cas où les lésions furent très accentuées,
il y avait eu méningite tuberculeuse à évolution clinique classique.
L'activité locale de la circulation cutanée de la main dans l'hénai-
plégie organique et le syndrome de Raynaud, par LAicaEL-LAVas-
tine (de Paris).
Avec M. Ilallion, nous avons montré que le temps que met à
disparaître la tache blanche produite sur la peau par une compres-
sion légère varie avec l'activité de la circulation locale. Par exem-
ple, l'effacement de la tache produite par la compression du pouce
pendant trois secondes sur la peau de la face dorsale du premier
espace interosseux de la main est beaucoup plus rapide quand la
main est rougie par immersion dans l'eau chaude que lorsqu'elle
l'est par immersion dans l'eau froide. En même temps que
nous étudiions la tache blanche au laboratoire du professeur
François Franck au Collège de France, nous notions à l'hôpital,
dans les services de MM. les professeurs Raymond et André Petit,
des variations chez les malades. A titre d'exemples, nous rappor-
tons aujourd'hui quelques résultats observés dans l'hémiplégie
organique et le syndrome de Raynaud. ·
Chez 10 hémiplégiques d'origine organique nous avons compara-
tivement examiné des deux côtés la tache blanche, le pouls capil-
laire et la tension artérielle.
Les résultats diffèrent selon l'âge de l'hémiplégie. Au lendemain
de l'ictus on trouve du côté malade une tache plus courte et un pouls
capillaire plus ample que du côté sain. Inversement chez les hémi-
plégiques spasmodiques observés de six mois à douze ans après
l'ictus, on trouve du côté paralysé la tache blanche plus longue,
la tension artérielle plus basse, le pouls capillaire à oscillations
plus petites ou nulles. Enfin, il est dans l'hémiplégie organique
unepéi,iode intermédiaire très courte où l'on trouve des deux côtés
les mêmes résultats. C'est ce que nous avons constaté chez une
femme de quarante-cinq ans, atteinte depuis deux mois d'hémi-
plégie gauche avec exagération des réflexes d'origine syphilitique.
Cette asymétrie dans la durée de la tache blanche observée dans
Archives, 2' série, t. XIV. 25
i 386 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'hémiplégie organique, nous ne l'avons pas retrouvée dans cas
1 d'hémiplégie hystérique.
La tache blanche, d'une longueur souvent considérable dans le
.syH)'om<'<;/e7{a ! /)tf<Md au stade de cyanose, est modifiée d'une
façon caractéristique par un bain à 4.50. Alors qu'elle devient immé-
'diate au niveau des parties saines, elle diminue à peine au niveau
des doigts malades. C'est donc là un procédé facile pour délimiter
exactement les parties saines des parties malades. Dans les mêmes
conditions le pouls capillaire n'apparait dans l'eau chaude qu'au
niveau des parties saines. -
, En résumé : 1° la tache blanche, indice de la circulafion locale,'
, permet de distinguer la rougeur par paralysie vaso-motrice de la
rougeur par vaso-dilatation active ;
2° Elle subit des modifications de même sens que celles du pouls
capillaire dans l'hémiplégie organique ou le syndrome de Ray-
naud : plus courte que du côté sain au lendemain de l'ictus, elle
devient plus longue quand l'hémiplégie date de quelque temps
après être passée par un stade intermédiaire où elle était égale des
- deux côtés.
Les obsessions et la psychaslénie, par P. Janet.
Le délire des négations de Cola2-(l it'esi-il syi ? cll,olîie ?
' 31. Castix (de Montdevergues), dans une communication, tend à
.démontrer que le délire des négations de Cotard n'est pas seule-
ment un synchronie, mais une affection mentale distincte avec une
- étiblo-ie. une symptomatologie, une évolution, un pronostic et
même une anatomie, pathologique tout à fait spéciales. Cette
affection serait secondaire à des accès successifs de mélancolies
- simple et anxieuse, ou bien à l'hypochondrie systématique, telle
que l'a décrite NI. Sé-las.
Dans le chapitre des symptômes l'auteur établit une filiation des
idées de négation et de leurs « idées corollaires », et insiste tout
particulièrement sur les signes physiques, sur l'anxiété, l'insom-
nie, la constipation et les phénomènes d'opposition. L'attitude et
l'expression d'horreur de ces malades seraient tout à fait caracté-
risliques, ·
Le pronostic est très sombre, comme il découle d'un tableau où
l'auteur a recueilli les terminaisons relatées dans 32 cas dont
8 personnels ; 12 fois cette affection se termina par la mort six
mois au plus après l'internement du malade (7 fois par cachexie et
5 fois par maladies intercurrentes).
Après avoir établi les difficultés du diagnostic, M. Castin discute
la question au point de vue nosologique.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 387
Sur le symptôme calolonique.
M. Cuoco (de Bruxelles). - La catotonie, dont l'autonomie- est,
depuis longtemps, contestée en France, est encore considérée, en
Allemagne et en Belgique, comme une entité morbide bien définie.
Des discussions intermidables surgissent constamment a1 ce sujet,
la cause en est dans le fait que les auteurs adoptent des définitions
différentes. Les définitions modernes prouvent combien les parti-
sans, convaincus de l'autonomie de la catotonie, ont restreint le
cadre de leur entité morbide dont il ne reste finalement que les
phénomènes moteurs. Ces phénomènes constituent, non pas une
maladie, pas même un syndrome,; mais seulement un symptôme
susceptible de se montrer au cours d'affections mentales diverses.
Voici les photographies d'un cas typique de catotonie chez une
hystérique ; l'examen de l'urine a démontré une perturbation pro-
fonde de la nutrition générale caractérisée parla diminution de la
quantité des urines ! hyperclilorurie considérable, hypophosphatu-
rie et diminution de la quantité d'urée.
La question est de savoir si la catotonie est, selon l'opinion de
Régis, due aux troubles nutritifs ou si les troubles nutritifs sont
la conséquence de la vapeur. La catotonie s'accompagne d'hypo-
thermie, de cyanose des extrémités, d'abaissement des fonctions
circulatoire et respiratoire ; ces troubles généraux et trophiques
sont plutôt la conséquence que la cause de la catotonie ; peut-ëtte
en est-il de 'même des troubles urinaires. Discussion :
MM. Dupré et Régis.
De la paralysie générale chez les dégénérés.
M. de PEHHY (Bordeaux). J'apporte au Congrès quelques
observations qui viennent corroborer l'aspect spécial que l'on a
attribué à la paralysie générale chez les dégénérés. Les antécé-
dents psychopathiques antérieurs sont fréquents. Les signes
somatiques sont moins accusés au début. Le délire cxpansif est
plus pâle parce qu'il évolue sur un terrain congénitablement sté-
iiie. L'évolution de la maladie semble plus longue que chez les
hommes normaux et n'en a pas les caractères.
M. Dupré communique une observation qui confirme la marche
rapide attribuée généralement à la paralysie générale chez les
débiles. Il rapporte aussi le cas d'une femme qui, au cours d'une
paraylisie générale, cultiva dans son délire une fausse grossesse,
au point d'en imposer à tout son entourage; elle en présentait,
du reste, tous les signes extérieurs : gonflement des seins, aug-
mentation de volume du ventre...
388 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
Des agents physiques et mécaniques dans le traitement
des hémiplégies organiques .
M. E. Deschamps (de Rennes). Cette thérapeutique est ration-
nelle ; en obéissant à des conditions faciles à déterminer, on peut
toujours intervenir sans s'exposer à aggraver l'état du patient. Le
danger d'augmenter les contractures règle V électrothérapie de l'hé-
miplégie. En localisant l'excitation galvanique ou faradique, on
peut faire réapparaître les contractions musculaires normales et
voir diminuer la contracture; la diffusion du courant aux antago-
nistes plus excitables ne pourrait qu'augmenter la contracture. La
gymnastique sous la forme de mouvements actifs on passifs rend
des services, à la condition qu'on développe simultanément les
deux systèmes de muscles antagonistes et qu'on ne dépasse jamais
le moment du système le moins favorisé. Les mouvements faits avec
effort doivent être soigneusement évités.
Dît processus histologique de l'atrophie musculaire.
M. G. Durante. L'auteur élimine les atrophies dégénératives, ,
qui sont des dégénérescences toxiques analogues à celles des
autres organes, pour n'étudier que l'atrophie simple telle qu'elle
s'observedans les affections des nerfs, des centres et dans la myo-
pathie progressive. ,
- Dans la fibre musculaire, il faut distinguer la fibrille striée ou
myoplasma, portion différenciée et fonctionnelle, et le proto-
plasma non différencié, ou sarcoplasma, régissant la nutrition, la
défense et la dégénération de l'élément.
., Comme dans toute cellule, dans la fibre striée considérée à l'élat
normal et à l'élat pathologique, il y a inversion dans l'importance
réciproque de la portion différenciée et de la portion non différen-
ciée. Le sarcoplasma, très réduit à l'état normal, réagit sous l'in-
fluence du moindre état pathologique et prolifère.
Le processus conduisant à l'atrophie simple peut être divisé en
trois périodes :
1° Le début, caractérisé par ce que G. Durante a appelé la
régression plasiîzodiale, est constitué par l'hyperplasie locale ou
diffuse du sarcoplasma avec prolifération des noyaux. Localisée,
elle forme des taches claires ou grenues, des amas protoplas-
miques, des bourgeons superficiels chargés de noyaux qui peuvent
s'isoler dans le tissu conjonctif voisin. Généralisée, elle rend les
fibres volumineuses et leur donne un aspect trouble, finement
grenu, qui n'est pas de la dégénérescence, mais ce que l'auteur
distingue sous le nom de tuméfaction trouble. Telle est la cause de
la formation des fibres hypertrophiées qui marquent la première
phase inconstante de l'atrophie.
SOCIÉTÉS savantes. 389
Au niveau des amas de sarcoplasma, ou au milieu de fibres
hypertrophiées, se produisent des fentes qui entraînent des divi-
sions longitudinales simples ou multiples. Sur les coupes trans-
versales, les petits îlots défibres grêles en jeu de patience paraissent
le résultat de la division répétée d'une seule grosse fibre.
Cette division longitudinale peut donner naissance à des fibres
très grêles, mais ne saurait, à elle seule, entraîner l'atrophie du
muscle, puisque la diminution de volume des éléments est pro-
portionnelle à leur augmentation de nombre.
2° Soit à la surface des fibres encore bien striées, soit dans
l'iutérieur de fibres en tuméfaction trouble, le protoplasma jusque-
là, à l'état de plasmode indivis, s'individualiseen cellules distinctes
qui tombent dans le tissu interstitiel ou restent dans la gaine.
C'est la régression cellulaire véritable retour à l'état embryon-
naire. Les fibres les plus grêles, produites par voie de division,
s'étranglent entre les noyaux ou se séparent de même en une
chaîne de cellules fusiformes.
3° Métamorphoses. La biologie cellulaire nous enseigne que le
milieu crée la fonction ; que le milieu et la fonction déterminent la
morphologie cellulaire. La fibre striée est revenue à l'état plus
indifférent de cellules musculaires embryonnaires. Ces cellules,
disséminées dans le tissu conjonctif, sont plus capables de s'adap-
ter aux conditions nouvelles qui leur sont imposées. Elles se
transforment peu à peu et prennent l'apparence d'éléments con-
jonctifs ou se chargent d'une gouttelette de graisse et se métamor-
phosent en pseudo-cellules adipeuses. La métamorphose conjonc-
tive explique l'augmentation apparente du tissu interstitiel et de
ses noyaux indépendamment de toute sclérose; la métamorphose
adipeuse fait comprendre l'origine de l'infiltration graisseuse, tou-
jours plus ou moins marquée dans les amytrophies. C'est par ces
métamorphoses que disparaissent ou du moins cessent d'être
reconnaissables les éléments musculaires dans les amyotrophies.
L'atrophie musculaire est donc l'aboutissant non pas d'une
résorption moléculaire, mais d'un processus complexe qui débute
par une véritable anarchie inlra-cellulaine : par suite d'un trouble
dans l'harmonie qui doit régner entre les différentes parties cons-
tituant les fibres striées, le sarcoplasma s'hyperplasie, prend le
dessus et se transforme en cellules musculaires distinctes ayant
des caractères embryonnaires. Secondairement ces cellules se mé-
tamorphosent et perdent leurs caractères propres pour prendre
l'aspect conjonctif ou adipeux. -
Les dégénérescences diverses que l'on rencontre dans quelques
fibres relèvent de complications secondaires. Elles sont la signa-
ture d'accidents toxiques (maladies infectieuses, cachexie, troubles
digestifs, intoxications diverses) qui viennent se surajouter au pro-
cessus amyotrophique. Toutes les amyotrophies relèvent Iiisiolo-
3110 SOCIÉTÉS SAVANTES.,
giquemeni de ce même processus, et ne diffèrent que parla distri-
bution des lésions et par la rapidité de leur évolution.
De lu mort subite parruplure du cceur chez les déments.
M. Piciiexot (de Montdevergues) présente quatre observations
personnelles de rupture du coeur chez les déments avec épreuves
photographiques qui sont passées sous les yeux des membres du
Congrès.
Dans sa communication, il rappelle que les travaux dans les-
quels on s'est occupé de l'étiologie et de la pathogénie des rup-
tures du coeur, établissent comme facteurs principaux de cette
affection la dégénérescence graisseuse du myocarde et les' altéra-
tions des coronaires, mais sans s'arrêter sur les causes détermi-
nantes de cette dégénérescence au point de vue mental. Aussi lui
a-t-il paru intéressant de relater l'une d'elles, la démence.
- A l'autopsie, outre une rupture du coeur p'us ou moins étendue,
il a constaté des lésions des valvules, de l'aorte et de certaines
artères cérébrales, une surcharge graisseuse'très accentuée du coeur
avec dégénérescence du myocarde et d'autres organes importants,
tels que le foie, les reins. Dans les deux derniers cas, il y avait des
lésions des coronaires, athérome dans l'un, infarctus dans l'autre.
La mort subite était survenue au cours d'actes simples, mais
ayant pu néanmoins augmenter légèrement la tension intracar-
diaque. Les facteurs émotifs sans avoir joué ici un rôle immédiat
dans la genèse de la dégénérescence et de la rupture du coeur, lui
semblent cependant avoir eu une influence médiate en ce sens
qu'ils ont agi surtout en provoquant l'usure, l'affaiblissement des
facultés intellectuelles, en un mot la démence, reconnue générale-
ment comme favorisant les diverses dégénérescences des organes.
M. Pichenot conclut que c'est à l'état démentiel plus ou moins
précoce de ses malades que doit être rattachée la dégénérescence
graisseuse des myocardes et le mauvais état des coronaires. Trois
d'entre eux avaient moins de soixante ans et l'autre, moins de
soixante-dix ans.
Sans pouvoir généraliser, en raison du nombre trop restreint de
ses observations, il est porté à croire que la précocité dans l'appa-
rition de la rupture du coeur est la règle chez les aliénés et que
cette cause de décès doit être relativement fréquente chez les dé-
ments des asiles qui meurent brusquement mais dont l'autopsie
est souvent négligée comme ne devant présenter aucun intérêt.
Un de ses malades;étant épileptique, il rappelle en terminant que
l'épilepsie en dehors de toute démence, suffit ainsi que l'admet
Gélineau, pour favoriser la dégénérescence des organes, mais que
les crises épileptiques peuvent aussi, ;à elle seules, provoquer la
rupture du coeur suivant l'opinion de Short Lunier et Feré.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 391.. u
Sur le signe pupillaire cl'lrgyll-Ro6erssou. , ,
11111. CI : ST1N et DUPUT-DUTEIfP3. Depuis trois ans, les auteurs '
ont recherché la réaction de la pupille à la lumière chez tous les '
malades ayant fréquenté la clinique Charcot. Ils conseillent l'ins-
tillation de cocaïne pour l'examen des pupilles étroites. Ils n'ont
jamais pu trouver un réflexe paradoxal de la pupille. Dans le tabes,
lorsque le signe Cl'1L·gyll était unilatéral, toujours ils ont trouvé
la règle de Babinski, à savoir pour l'coit malade, disparition du
réflexe pupillaire lumineux direct et consensuel, pour ]'oeil sain,
conservation de ces deux réflexes. Mais ils ont particulièrement'
envisagé les rapports du signe d'Argyll et de la syphilis. Ils n'ont
jamais trouvé le signe au cours de la sclérose en plaques (35 cas),
de la polynévrite (30 cas), de l'atrophie musculaire Charcot-Marie
(6 cas), de la syringomyélie (8 cas), de la maladie de Friedreich
(to cas), de diverses vésanies autres que la paralysie générale. Au
contraire, ils ont pu le constater soit en l'état isolé (5 cas), soit en
association avec d'autres affections : l'hémiplégie cérébrale (6 cas),
la méninge-myélite (4 cas), etc. Mais ces derniers malades, qui
n'étaient cliniquement ni des tabétiques ni des paralytiques géné-
raux, étaient tous syphilitiques. '
Peut-être existe-t-il des cas de névrite interstitielle hypertro-
phique et de syringomyélie avec signe d'Argyll et sans syphilis.
Mais dans la pratique, la présence du signe d'Argyll doit faire
soupçonner la syphilis, selon la règle posée par M. Babinski. De
l'avis des auteurs cependant, jusqu'à la démonstration évidente
par l'anatomie pathologique, il faudrait plutôt admettre que le
signe d'Arcyll dénonce un tabes ou une paralysie générale initiaux
évoluant, soit à l'état isolé, soit en association avec d'autres mala-
dies nerveuses syphilitiques.
Le mariage entre géants.
M. Henri 1)11,.IGE (Paris). - Sans doute, il est des géants qui ne
deviennent jamais acromégaliques, et desacromégaliques qui n'ont
jamais été de haute stature. Mais les faits sont nombreux où l'on
voit le géant devenir acromégalique. Le gigantisme et l'acromé-
galie ne sont que deux étapes successives du même trouble de
développement; 1' gigantisme se manifeste pendant la période
de la croissance, et l'acromégalie quand cette période est termi-
née.
Si l'on se rappelle, en outre, que la grande majorité des géants
présentent des troubles trophiques, qu'ils ont des accidents circu-
latoires, des imperfections physiques de toutes sortes, et fréquem-
ment des désordres nerveux et mentaux, on conviendra que les .
tentatives comme s'en est produit une récemment, ayant pour but
392 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de favoriser les mariages entre géants, ne sauraient trop être
déconseillées. Leurs conséquences iraient certainement à rencontre
du but proposé, car elles tendraient à perpétuer des monstruosités
accompagnées d'infirmités peu enviables. -
- Deux cas 6)6[)'t<mOcyOHMSHHf ? M.
M. Hartenberg (de Paris). Les deux observations rapportées
viennent à l'appui de la doctrine qui considère le paramyoclonus
multiplex comme une manifestation purement hystérique. La
marche de la maladie, le tempérament des malades, la guérison
brusque produite par un choc émotionnel inhibiloire, semblent
bien montrer qu'il s'agissait, dans ces cas, de ce trouble fonctionnel
de l'écorce auquel on attribue actuellement l'hystérie. Toutefois,
l'auteur ne rejette pas la possibilité d'autres formes de paramyo-
clonus produites par des lésions organiques du cerveau.
Les leucomdines de la substance nerveuse.
M. LAB1TLTT. Vous entendiez, ces jours derniers, M. le pro-
fesseur Brissaud vous dire : « Nous ne savons rien, nous ne con-
naissons rien au fond, nous n'établissons que les rapports, la rela-
tivité des choses. »
Pour établir ces rapports, les moyens d'observation employés
par les diverses sciences sont différents, mais nous ne pourrons
considérer un rapport entre deux faits comme parfaitement établi
que lorsque les diverses sciences dont relève ce rapport donne des
résultats concordants. Si, par exemple, je venais vous affirmer que
les lécithines, qui entrent dans la substance nerveuse, contiennent,
à l'état physiologique normal, un composé toxique qui n'est pas
un déchet de.désassimilation, vous me répondriez par ce principe
de Cl. Bernard. « Aucun composé toxique ne peut, à l'état nor-
mal, faire partie de l'organisme »; et cette réponse serait une
vérité évidente par elle-même.
Si, persistant, je vous disais que j'ai isolé chimiquement ce
composé toxique, si je vous le présentais même, vous me répon-
driez : « Je ne doute pas que ce composé ait été extrait de la subs-
tance nerveuse, mais si nos procédés chimiques avaient conservé
des propriétés au produit primitif de l'organisme, votre composé
ne serait pas un toxique de la substance nerveuse, il en serait plu-
tôt un aliment. »
Messieurs, lachimie biologique vous présente, comme existant dans
les lécithines du cerveau, deux bases en combinaison avec l'acide
phosphoglycérique. Ces deux bases sont : 1-1 la choline hydrate de
triméthyloxéthylène ammonium et 2° la névrine hydrate de tri-
méthylvinylammonium. La chimie biologique ajoute : « Ces deux
SOCIÉTÉS SAVANTES. 393
bases sont toxiques, la seconde vingt fois plus que la première. »
Vous vous demandez, Messieurs, comment un tel conflit a pu se
créer entre la chimie et la physiologie. C'est tout simplement
parce que l'extraction et l'étude de ces corps remontant à une cin-
quantaine d'années, les chimistes de cette époque n'avaient aucun
souci d'exécuter leurs opérations dans les conditions biologiques
de l'organisme. Dans le cas actuel, pour extraire les bases choline
et névrine, ils traitaient les lécithines du cerveau en présence de
la baryte à 100° pendant dix heures^ Après une telle coction en
milieu alcalin, il semble imprudent d'affirmer que ces composés
existent bien dans les lécithines et ne se sont pas formés pendant
la coction. La première vérification qui s'impose est précisément
de rechercher si les composés obtenus sont toxiques ou non.
S'ils ne sont pas toxiques, s'ils peuvent de nouveau, sans appor-
ter de trouble, faire partie d'un organisme similaire de celui qui
les a fournis, on pourra admettre leur existence à l'état normal;
mais s'ils sont toxiques il faudra les rejeter en tant qu'éléments
normaux de cet organisme.
J'ai pu, Messieurs, faire la preuve chimique delà fabrication de
la choline et de la névrine par la coction ; car si l'on opère à froid,
en ajoutant un peu d'hydrate de baryte à la solution alcoolique
éthérée des lécithines on isole une base bien différente de ces der-
nières. Ainsi, la choline donne un chloroplatinate en aiguilles cris-
tallisées du système clinorhombique (Friedel). La base isolée à
froid donne un chloroplatinate en sphérules de coloration jaune et
de forme identique aux lécithines elles-mêmes.
Le seul fait de se maintenir dans des températures biologiques a
changé le résultat. La choline n'existe plus qu'à l'état de traces
dans les extractions à froid et ne peut plus nous apparaître que
comme un déchet de désassimilation. Dans la préparation par la
baryte à chaud elle se forme seule et cela aux dépens de la base à
chloroplatinate sphérulaire.
Ne connaissant maintenant plus rien, pour]ainsi dire, sur lesleu-
comaïnes de la substance nerveuse, comment procéder pour éta-
blir quelques connaissances à ce sujet ? Si nous isolons quelque
base du cerveau, même par des méthodes chimiques correctes,
nous n'aurons aucune notion sur sa constitution chimique, le
second terme du rapport, le point de comparaison va manquer.
Nous en arrivons nécessairement à créer ces points de compa-
raison, à fabriquer de toutes pièces, par synthèse chimique, en
dehors de toute action cellulaire, des composés dont nous connaî-
trons d'avance la constitution, dont nous pourrons étudier les pro-
priétés chimiques et physiques. Ces points de comparaison étant
établis, nous rechercherons si la substance nerveuse contient de
tels composés.
Pourquoi cet effort ? Parce que, si le but est atteint, nous aurons
394 SOCIÉTÉS SAVANTES.
des composés qui, au lieu d'être des poisons du système nerveux
en seront un aliment, et nous permettront de lutter contre son
usure d'en tenter la régénération par ses éléments les plus impor-
tants qui sont : les composés azotés.
Vous savez, messieurs, avec quelle facilité les alcaloïdes se fixent
sur la substance nerveuse en donnant des effets physiologiques
remarquables.; les composés dont nous poursuivons la réalisation
étant de même-nature chimique, nous pouvons légitimement es-
compter qu'ils se fixeront avec la même facilité sur le tissu nerveux.
La création des points de comparaison, des composés chimiques
synthétiques est-elle absolument abandonnée. notre arbitraire ?
Eu aucune façon; nous avons un renseignement comme point de
départ : le cerveau est un organe où la glycérine abonde, le cer-
veau est un terrain glycérique. Il sera donc naturel de constituer
par synllièec des composés glycériques azotés fonction basique,
mais dans toutes les opérations il faudra s'astreindre v se tenir
dans les limites des températures physiologiques. Aucun coips ne
sera chauffé au-dessus de 38° et les synthèses seront faites à l'étuve
à cette température.
Si des distillations sont nécessaires, on les fera dans le vide
fallût-il atteindre le vide des lampes à incandescence et des tubes
de'Crookes. Si nous découvrons ensuite de tels composés dans l'or-
ganisme, nous pourrons dire qu'il suffit, pour les obtenir, de
maintenir leurs éléments à une température fixe pendant un
temps souvent assez long. Ils nous apparaîtront dès lors comme
le résultat d'actions chimiques lentes et nullement comme le pro-
duit de l'activité cellulaire.
Nous nous expliquerons ainsi qu'après la digestion, les éléments
cellulaires n'aient à accomplir qu'un faible travail pour reconstituer
des albumines aux dépens des peptones. Nous pourrons ainsi com-
prendre que le protoplasma ait existé avant son mouvement, son
existence dérivant du seul jeu des actions chimiques dans des con-
ditions déterminées et devenant fatale, une fois les conditions
posées.
Dix composés glycériques azotés ayant été constitués par syn-
thèse, quatre de ces bases se sont rencontrées ayant leurs similaires
dans le cerveau. 4° base synthétique. Elle présente toutes les
réactions que Friedel attribue à la choline. Son chloroplatinate
cristallise aussi dans le système clinorhombique avec un angle de
base un peu différent de celui de la choline. 2e base synthétique.
Elle donne un chloroplatinate. en sphérules identiques à celui
que l'on obtient en traitant à froid les lécithines en salution alcoo-
loéthérée. 3° et 4° bases synthétiques. - 1 l'état de chlorures,
elles se présentent sous la forme de pulpes qui sont insolubles
dans l'eau, dans l'alcool, dans l'éther, insolubles dans l'acide chlo-
rhydrique et la potasse étendus. 1
bibliographie. 395
Fixant le chlorure de platine, le chlorure d'or, le bleu de mé-
thylène, se teignant en bleu par l'éosine liématoxylique, en rose
par le carmin, prenant le Golgi, elles présentent toutes les réactions
chimiques et histochimiques des nucléines cérébrales. L'étude physio-
logique de ces composés n'est pas encore faite, elle seule peut nous
fixer sur la valeur thérapeutique de ces substances synthétiques.
En vous faisant, messieurs, cette communication, j'ai obéi à un
mobile égoïste : celui de prendre date pour les faits nouveaux que
je présente.
Excursion A la Grande Chartreuse
. Le mardi 6, un grand nombre de congressistes se sont rendus s
à la Grande Chartreuse.
Ainsi que nos lecteurs ont pu le constater par ce compte rendu
que nous avons essayé de faire aussi complet que possible, de nom-
breuses et très intéressantes communications, en plus de la dis-
cussion très complexe des Rapports, ont occupé de longues et
laborieuses séances. En terminant, nous remercions personnelle-
ment tous nos confrères de Grenoble de leur cordial accueil et nos
collègues du Congrès de leur collaboration. B.
BIBLIOGRAPHIE.
Rapport médical, pour 1901, sur l'asile public de Saint-Robert,
' parle D1' J. Bonnet, médecin en chef.
- Nous avons déjà utilisé quelques parties dece rapport ? En 1901,
il a été traité à l'asile 1.266 malades. Les sorties par guérison
ont été de 40, par amélioration de 60, par évasion 2. Décès 123,
dont 8 par tuberculose, 5 par fièvre typhoïde et 22 paralytiques
généraux. L'asile fournit en moyenne, par an l ou 16 corps non-
réclamés à l'école de médecine de Grenoble, parmi lesquels en
moyenne , un de la Seine.
L'asile compte 29 aliénés dits criminels (20 hommes et 9 femmes),
qui sont considérés comme dangereux, sauf quelques-uns employés
à de menus travaux et étroitement surveillés. Le nombre des
malades traités, qui a été de 1.046 en 1889, était de 1.266 en 1901.
Il y a donc une progression constante. Nous relevons dans les
considérations générales les passages suivants :
« Tel infortuné naîtra faible d'esprit, imbécile ou idiot, comme
1 Voir p. 326. ' '
396 bibliographie. ,
d'autres naissent infirmes, sourds-muets ou atteints de paralysies
partielles (pieds-bots, etc.). Ce n'est point, on le comprend, un
simple traitement médical qu'il faudrait instituer en faveur de ces
derniers, mais bien un traitement pédagogique , une éducation
spéciale. « On voit donc la nécessité qu'il y a de détruire cette
vieille conception de l'asile-caserne, à transformer de plus en plus
nos asiles, renfermeries d'aliénés, en maisons de traitement, en
hôpitaux, en instruments de 'guérison. Or, guérir des aliénés doit
être le vrai but de l'asile, le meilleur moyen de ne pas grever outre
mesure le budget départemental, c'est la meilleure voie des écono-
mies. Cette tendance heureuse, mieux connue dans le public,
jointe à la sollicitude de l'administration et aux améliorations
réalisées en faveur des aliénés, fera peu à peu disparaître les
hésitations, les répugnances qui retardent trop souvent le place-
ment des malades, au grand détriment de leur curabilité. »
Il est inutile de dire que nous approuvons complètement ce que
dit M. Bonnet sur la nécessité des asiles-écoles pour les idiots. La
critique des asiles-casernes est bien moins fondée. Pourquoi
sont-ils des « renfermeries » et non des hôpitaux ? Parce qu'on les
encombre, parce qu'on transforme de bons asiles comme Saint-
Robert, à population limitée, engrandsétablissements, à touségards
moins favorables aux guérisons. Mieux vaudrait créer un second
asile dans une autre partie de l'Isère que d'agrandir indéfiniment
Saint-Robert. L'asile de Blois n'est pas une renfermerie.
« La méthode récente du traitement parle séjour au lit, de l'ali-
tement, méthode surtout adoptée à l'étranger, continue à nous
rendre de précieux services, surtout dans les états mélancoliques
survenant chez les malades épuisés ou surmenés. Mais nous n'ap-
pliquons pas ce traitement d'une façon systématique; il nous
parait discutable dans les cas d'excitation maniaque. Les malades
ainsi traités réclament une surveillance toute spéciale. Malheu-
reusement, l'insuffisance numérique du personnel ne nous permet
pas d'employer ce mode de traitement aussi fréquemment que nous
le désirerions. »
L'insuffisance du personnel est, en effet, un obstacle à l'appli-
cation régulière de l'alitement dans beaucoup d'asiles.
« Un certain nombre de malades, écrit encore M. Bonnet, nous
ont été amenés des hôpitaux dans un état physique à peu près
désespéré. Il serait préférable d'éviter ces internements dans
l'intérêt du malade et de sa famille. En conservant ces malheureux
quelques jours de plus à l'hôpital, on éviterait leur décès dans un
asile d'aliénés. o - '
Cette remarque est très juste; une pratique aussi défectueuse, et
peu humaine, existe, hélas ! ailleurs qu'à Saint-Robert. B.
VARIA.
Hypersécrétion des larmes chez LES mystiques.
Michelet raconte que personne plus que Saint-Dominique, n'eût
le don des larmes qui s'allie si souvent au fanatisme. Lorsqu'on
recueillit les témoignages pour sa canonisation, un moine déposa
qu'il l'avait souvent vu, pendant la messe, baigné de termes qui lui
coulaient en si grande abondance sur le visage, qu'une goutte
d'eau n'attendait pas l'autre.
Le même auteur, parlant du roi Saint Louis donne, d'après le
Confesseur, les renseignements suivants : « Li Lenoicz roi désirroit
merveilleusement grâce de larmes, et se compleignoit à son con-
fesseur de ce que lermes li défailloient, et li disoit débonnèrement,
humblement et priveement, que quant l'en disoit en la létanie ces
mots : Biau sire Dieu, nous te prions que tu nous doignes fon-
taines de lermes, li sainz rois disoit dévotement : 0 sire Diex, je
n'ose requerre fontaines de lermes ainçois me suffisissent petistes
gouttes de lermes à arouser la sécherèce démon cuer... Et aucune
foiz reconnut-il à son confesseur priveement, que aucune fois il
donna à notre sires lermes en orerzon : lesqueles, quand il les sen-
toit courre par sa face souef (doucement) et entrer dans sa bouche,
eles li sembloient si savoureuses et très douces, non pas seulement
au cuer, mes à la bouche 2. » (Voir aussi p. 320 de ce numéro.)
Cette hypersécrétion s'observe chez ce genre de malades, à peu
près pour toutes les glandes. A rapprocher de la sialorrhée.
LES aliénés EN liberté
1-e Pingard, femme d'un employé de la Compagnie du chemin
de fer d'Orléans, était venue passer quelques jours chez son père,
M. Champommier, à Montluçon (Allier). Pendant la nuit, prise de
folie furieuse, elle lui a coupé les oreilles avec un rasoir et a cher-
ché à lui couper le cou. Il put se sauver. (Bonhomme normand,
14 août).
- Le' sieur Auguste James, quarante-deux ans, cultivateur à
'Burcy, canton de Vassy, s'est pendu dans sa grange. Ce malheu-
reux homme, père de cinq enfants, était depuis près d'un mois en
proie à des troubles cérébraux. C'est dans un moment de crise qu'il
s'est suicidé. (Le Bonhomme normand, 8-14 août 1902).
4 Michelet, Ilisioire de France, p. ni,-édit. Marpon. - 2 Ibi(l., p. 181.
398 VARIA.
Le nommé Abel Ollivier, coiffeur, à. Bruay (Pas-de-Calais),
pris de folie, s'est jeté dans la rue sur une femme Laure Cam-
pagne et l'a tuée en lui coupant la gorge d'un coup de rasoir. 11
s'est suicidé ensuite en se tranchant le cou. (Le Bonhomme Nor-
mand du 11 au 17 juillet 1902.)
Le sieur Ferdinand Boucherie, quarante-cinq ans, rentier à
Quesnoy (Nord), a été tué à coups de couteau par son frère Désiré
Boucherie, atteint de folie. (Le Bonhomme Normand du 27 juin au
3 juillet 1902.)
La femme Jeanne Dhont, trente-quatre ans, dont le mari est
ouvrier briquetier à Lille, était atteinte de maladie noire. L'autre
jour, elle sortit avec ses quatre enfants et en jeta trois dans la
rivière. L'aînée, une fillette de neuf ans, put s'enfuir. Alors la mère
se noya à son tour. (Bonhomme Normand, du 12 au 18 juillet).
' Une fortune qui flambe. Il y a quelques mois, M. Jean Herry,
Agé de vingt-quatre ans, demeurant à Saiut-Mandé, fils de culti-
vateurs, héritait d'une somme d'environ 100 000 francs que lui
léguait un parent éloigné. Surpris d'une telle fortune, M. Herry
qui était d'une nature impressionnable, eut la tête tournée et ses
facultés mentales s'altérèrent. Il avait toujours peur qu'on lui
volât son trésor, et il'gardait sur lui, en titres au porteur et en
billets de banque, la majeure partie de sa fortune.
La nuit dernière, il se rendit dans une maison que ses parents
possèdent à Saint-Mandé. Là, il fit un tas de ses billets et de ses
titres et y mit le feu. Puis, s'asseyant en face de sa fortune qui
flambait, il se tira une balle de revolver dans la tête. Il se blessa
'peu grièvement, put sortir au matin et tint aux voisins des piopos
si incohérents qu'on le conduisit au commissariat.
Le commissaire de police a fait examiner le malheureux et, sui-
vant les conclusions des médecins, l'a fait interner, 7j 000 francs
de titres ont été brûlés entièrement ; les numéros n'en étaient pas
conservés. (Le Temps du 18 avril 1902.)
Une femme d'Ecquetot (Eure), âgée de cinquante-cinq ans; la
' veuve Citéron, journalière, ayant déjà donné des signes d'aliénation
'mentale, est disparue de son domicile depuis le 22 juillet. La gen-
darmerie, prévenue se livre à des recherches. (Progrès de l'Eure,
8 août). Comme cette femme avait déjà donné des signes de
. folie, elle aurait dû être hospitalisée à l'asile d'Evreux, mais c'était
une indigente, il aurait fallu payer pour elle.
Une jeune femme habitant Bissy (Savoie), avait depuis quel-
ques jours l'idée fixe de tuer sa mère. Pour échapper à cette obses-
' sion, elle tenta de se noyer dans l'Albanne, à Chambéry. Elle en
- fut retirée.- Elle essaya alors de s'étrangler avec son mouchoir.' On
FAITS DIVERS. , 399
la transporta à l'hôpital, où sa mère vint la chercher. Arrivée chez
elle, elle se donna deux coups de couteau. Elle a succombé. '
· UN fou. danger eux.
M. Martin, secrétaire de M. Deslandes, commissaire de police
du quartier, de Charonne, trouvait assis, hier soir, à neuf
heures, dans son bureau, un individu qui se leva à sa vue. Je suis
fou, monsieur déclara l'homme, et j'ai envie.de tuer quelqu'un, de
boire son sang. Tenez, d'ailleurs, voici un tranchet qui m'a déjà
servi à assassiner un gendarme dont le corps a été retrouvé, il y a
quelque temps, à Fontenay-sous-Bois. Et maintenant je vais vous
tuer. En proférant cette menace, le fou bondit sur le secrétaire,
qui aurait certainement été mis à mal, si deux'agents n'étaient
intervenus. L'étrange individu, qui a réellement blessé à coups de
tranchet un gendarme, a été désarmé et envoyé à l'infirmerie
spéciale du Dépôt. (Le Soleil du 21 février 1902).
FAITS DIVERS.
. DE L ATTITUDE DU CIIUOIFIMIENT.
Dans un article de la Petite Gironde du 9 septembre 1902,
Gaston Deschamps parlant des contrebandiers cite l'anecdote
'suivante : .
Oui, monsieur, et pas méchants ! Une fois, le contrebandier
Gambocha. renommé an pays basque, fut poursuivi par un cara-
binera qui lui lâcha un coup de fusil dans le dos. heureusement L
sans l'atteindre. Cambocha, dont les jarrets sont d'acier, saute sur
son ennemi, le terrasse, et se contente, pour toute représailles, de
le crucifier, avec des cordes/sans lui faire de mal, sur une croix de
pierre, au bord du chemin.. ;
- Admirable ! ' ' ' -
Cette vengeance n'est point banale et la cause du crucifiement
n'est pas d'origine mystique comme chez Saint-Louis, par exemple :
« Dans sa dernière nuit, il voulut être tiré de son lit et,étendu sur
la cendre. Il y mourut, tenant toujours les bras en croix. (Miche)et,
Ilist .ae France, t. 111, p. 171, édition Margron.) -
MEURTRIER DE U.1TORZC AXS
Sous ce titre la Petite Gironde, du 18 septembre raconte que dans
la nuit de jeudi à vendredi la nommée Uarie-Louise Bernard, vingt
400 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. "
ans, née à Saint-IIilairs-de-Biez, en service chez M. Foucher, quin-
caillier, aux Sables-d'Olonne, a été victime d'un lâche attentat
commis sur elle par le nommé Aimé Birotteau, quatorze ans et
demi, apprenti, chez M. Foucher. La victime a reçu plusieurs
coups de couteau qui l'ont blessée grièvement. Néanmoins, ses
jours ne sont pas en danger. Birotteau est en fuite et n'a pas été
retrouvé.
UN INCENDIAIRE DE DIX ANS.
La gendarmerie de Vitteaux vient d'arrêter un gamin de dix ans,
Alexandre Eorey, enfant des hotpices de Dijon, domestique à Mas-
singy, qui, par vengeance, avait mis le feu dans les herbages de
M. Grandchamp, cultivateur à Massingy. Malgré les secours, une
bergerie, une grange et une maison ont été la proie des flammes.
(Petit Dauphinois, août.) -
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Colucci. Metodi ecriterû per la educabilita dei démenti. Estr. dagli.
Annali di Neurologict. Napoli 1902.
COLUCCI. Per la semeiolka délia forza muscolare dal punto di vista
clinico e psico-nsiotogico. Extr. dagli. Alti delta R. Accademia Medico-
Chirurgica di Napoli 1902.
COLUCCI. L'Allenamento ergografuco nei normale e negli epilettici.
Indagini di psicornetria. Estratto dagli Alti delta R. Accademia Medico-
Chirurgica di Napoli 1901.
KRONTIIAL (Paul). - Von der nervenzelle und der zelle im allgemeinen.
In-8° de 274 pages. Prix : 20 francs. Iéna, 1902. Fischer édit.
Pitres (A.) et Régis (E.). Les obsessions et les impulsions. In-18° de
450 pages. Prix : 4 fr. Doin, édit.
Le 2° Congrès de l'hypnotisme expérimental et théapeutique.
In-8° de 320 pages avec figures. Prix : 10 francs. Comptes rendus publiés
par MM. les Dr' Bérillon et Paul Farez. Vigot, Édit.
Sicard~ (J.-A.). Le liquide céphalo-racltidiezz. Ponction lombaire
et cavité sous aracltnoïdienne. Petit in-8°, avec 13 figures (Encyclopédie
scientifique des Aide-Mémoire). Prix : 2 fr. 50. Masson et C1», édit.
Le rédacteur-gérant : Bouhneville.
Evreux, Ch. HÉRISSBV, imp. - 10-1902.
Vol. XIV. Novembre 1902. N° 83.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Contribution à l'étude de la pathogénie des idées
délirantes fondamentales, des idées directrices, et
des obsessions; de leurs rapports dans les délires
' vésaniques ;
Par ALFx. AtIS S
Médecin de l'Asile de Maréville
Chargé de Cours il la Faculté de Médecine de Nancy.
L'observation sur laquelle repose cette note fait ressortir
d'une façon particulièrement remarquable, à mon avis, à côté
du rôle prépondérant de l'hérédité, de la constitution ner-
veuse originelle, du tempérament fou (Maudsley) d'une mé-
lancolique dans la genèse de l'idée de culpabilité, l'influence
de l'obsession dans le délire vésanique. Elle montre aussi
clairement que possible, selon moi, que l'idée de culpabilité
naît surtout par suite de la tendance en quelque sorte innée
de la mélancolique à l'auto-accusation et comment l'obses-
sion intervient pour produire l'affirmation formelle, la fixa-
tion de l'idée de culpabilité.
Au point de vue de l'intelligence de la part qui revient à
chaque élément dans la pathogénie de l'idée de culpabilité
et des idées fondamentales dans les délires vésaniques avec
obsessions, cette observation me parait tout à fait démons-
trative :
Commémoratifs : J... R..., trente-sept ans, mariée. Quatre gros-
sesses. Dernier enfant âgé de huit ans. Caractère émotif, très im-
pressionnable ; intelligence bornée cependant. Aucun renseigne-
ment sérieux sur antécédents familiaux, mais hérédité attestée
par la symptomatologie. Ménage pauvre ; misère. Pas d'al-
coolisme.
Archives, 2' série, t. XIV.. 2U
402 CLINIQUE MENTALE.
Début de délire en janvier 1902. : J... R... est devenue maussade,
donne fréquemment des signes d'impatience, de nervosité, ne dort
plus, est anxieuse ; on lui prescrit des hypnotiques, elle ne tarde
pas à se figurer que son pharmacien lui vend du poison, que ses
voisins la calomnient, qu'ils se montrent tous malveillants. Puisque
tout le monde s'est tourné contre elle qui n'a rien à se reprocher,
appartiendrait-elle donc, dit-elle, à une famille sur laquelle pèse
quelque malédiction ? Son niveau intellectuel n'est pas très élevé,
elle n'est pas éloignée de croire à la sorcellerie.
Le 23 mars, la malade est en proie à une vive agitation sous
l'influence de craintes extrêmes d'assassinat, de tortures, elle se
lamente bruyamment, désespérément, refuse toute nourriture,
manifeste plus de craintes encore pour ses enfants que pour elle-
même, et finit par attirer ceux-ci du côté de la rivière voisine
pour les noyer avec elle. Ces circonstances déterminent le place-
ment à Maréville. ' ,
Etat au moment de l'entrée (fin mars) : J... R... est émaciée, sa
constitution semble délabrée, elle est en proie à une excitation
vive, se tord les bras, s'arrache les cheveux, se déchire les mains,
crie, se désole, s'effraye de tout ce qui se dit, de tout ce qui se
passe autour d'elle, se croit regardée de travers par tout le monde.
se figure que toutes ses compagnes tiennent des propos malveil-
lants à son égard (mais elle ne les entend pas) ; on doit l'accuser,
accuser les siens, mais elle ne trouve cependant rien à se repro-
cher ; elle refuse les aliments ; très peu de sommeil.
En niai : l'excitation est un peu tombée, mais la malade, inter-
prétant à sa façon les propos tenus autour d'elle, les regards et les
gestes de ses compagnes (dont elle ne distingue pas les discours),
croit toujours qu'on l'accuse ou plutôt que l'on doit l'accuser de
meurtres, de vols, de crimes divers ; elle passe ses journées à cher-
cher, en se lamentant, ce que l'on peut, ce que l'on doit dire d'elle,
et s'écrie, à chaque instant : « Mais mon Dieu ! mon Dieu ! je ne
me rappelle pas avoir jamais rien fait de mal, je n'ai jamais tué,
ni volé, ni assassiné, comme on le croit, ni mes enfants non plus,
. les pauvres petits, n'ont jamais commis le moindre crime, n'ont
jamais rien fait de mal à leur âge qu'auraient-ils pu faire de mal ? ' ?
Pourquoi est-on contre nous comme çà ? » Malgré ces protesta-
tions d'innocence, elle ne peut pas se soustraire au besoin de chercher
ci plaider coupable, la conviction de, son innocence ne lui enlève pas
le besoin de se reconnaître coupable; elle arrive à penser que c'est
peut-être pendant son sommeil qu'elle commet les actes dont elle
est convaincue qu'on l'accuse, bien qu'elle n'entende pas prononcer
les accusations. Elle fait alors tout son possible pour ne pas s'en-
dormir. nous supplie, en pleurant, de ne pas lui prescrire d'hyp-
notiques, de la laisser sans sommeil pour lui permettre de ne rien
PATHOGÉNIE DES IDÉES DÉLIRANTES. 403
faire qui puisse la compromettre ou porter préjudice à sa famille
et surtout à ses enfants. Lorsque nous lui demandons de s'occuper
un peu, elle s'écrie, désespérée, qu'elle le voudrait bien mais qu'elle
ne le peut plus parce qu'elle n'a plus de volonté, parce qu'une
intervention néfaste, une sorte de malédiction doit peser sur elle.
Quelques semaines se passent ainsi dans le doute, pendant
lesquelles, désormais persuadée qu'elle doit être coupable, elle
cherche à trouver comment elle peut faire le mal. Ses recherches,
toujours dans le même cercle, ont un caractère nettement obsessif,
elles sont accompagnées de préoccupations entrecoupées de véri-
tables accès de désespoir qui ne laissent aucun doute à cet
égard. 1
Enfin, au commencement de juin, la malade vient un jour à moi
et s'écrie, en pleurant : « Oh ! maintenant, j'ai tout compris, je
m'explique tout : c'est pendant mon sommeil que je commets des
fautes ; je ne veux plus dormir ! » Puis elle pousse un véritable
soupir de soulagement ; cette certitude semble l'avoir délivrée d'un
poids douloureux. (Elle ne tient pas sa solution d'une hallucination,
j'insiste à dessein sur ce point.) -
A partir de ce moment elle n'a plus de ces crises de désespoir
auxquelles elle était en proie à chaque instant, elle reste déprimée,
se figure que toutes ses compagnes, que toutes les personnes qui
l'entourent l'accusent en même temps que les siens d'avoir commis
les crimes les plus abominables, elle affirme l'innocence de ses
enfants et déclare que si elle est elle-même coupable, comme elle
le croit maintenant, c'est pendant son sommeil qu'elle accomplit
des actions mauvaises ; elle déplore, mais sans se désoler comme
autrefois, de ne pouvoir pas vivre sans dormir. Elle traduit ses
craintes avec plus de calme ; son délire reste, en somme, assez
borné, mais son niveau intellectuel n'est pas non plus très élevé.
Il est bien évident que les idées de culpabilité ne sont pas
simplement la conséquence des idées de persécution; nous
trouvons, en effet, dans l'accentuation progressive des pre-
mières des caractères qui accusent surtout l'influence origi-
nelle, la tare originelle de la malade : ce n'est pas seulement
parce que persécutée qu'elle arrive à se demander si ses per-
sécutions ne sont pas justifiées, mais c'est surtout en raison
de son caractère mélancolique, de son humilité en quelque
sorte originelle ; c'est un besoin pour ainsi dire inné, une
véritable obsession qui la pousse à plaider coupable, puisque
nous la voyons, par exemple en mai, tout en exprimant la
conviction qu'elle est innocente, tout en protestant obstiné-
ment de son innocence, chercher toujours à se démontrer
4<)4 CLINIQUE MENTALE.
coupable. Pourquoi, si le rôle de la tare originelle n'était pas
le principal, si l'idée de culpabilité n'existait pas préalable-
ment pour ainsi dire à l'état latent chez elle, ne serait-elle
pas amenée, comme le paranoïaque primitif, à protester uni-
quement, au contraire, contre les persécutions auxquelles
elle est en butte et à tenter de les démontrer fausses au lieu
de tendre, tout en protestant, à établir qu'elle les mérite.
Il ne saurait être question ici d'idées de culpabilité décou-
lant d'hallucinations de l'ouïe (origine que leur attribuent
encore maints aliénistes), car notre malade n'entend pas pro-
férer les accusations, ne distingue pas d'accusations, malgré
toute l'attention qu'elle prête aux discours de ses compagnes,
mais elle dit interpréter simplement ces discours d'après les
gestes ou les attitudes des personnes qui l'entourent : « Je
ne les entends pas le dire, répond-elle lorsque nous l'inter-
rogeons à cet égard, mais je vois bien qu'elles le disent ».
Le raisonnement déductif n'a donc qu'une part insignifiante
dans la germination de l'idée de culpabilité, il n'influe que
sur la forme que revêtira l'idée de culpabilité, le délire de
culpabilité. Comme l'a déjà dit M. Séglas, sans avoir été bien
entendu, « les déductions de l'aliéné ne sont pas la résul-
tante d'un raisonnement aussi nettement conscient qu'on
pourrait l'imaginer. Les troubles qui existent dans l'exercice
volontaire de l'intelligence, dans la formation des idées,
s'accompagnent d'un autre côté, et comme conséquence
nécessaire, d'un certain degré d'automatisme psychologique,
origine première des idées délirantes' 1 ». C'est en vertu de
son organisation originelle, de sa tare, que notre malade,
pendant des semaines et des semaines, est obsédée par le
besoin d'arriver à une idée déterminée de culpabilité, d'ar-
rêter une idée de culpabilité. Comme elle doit ainsi fatale-
ment aboutir à une forme d'idée de culpabilité, le rôle du
raisonnement déductif est donc secondaire."
. L'anxiété extrême, l'agitation à caractère de désespoir
(raptus mélancolique) qui domine à chaque instant tant que
la malade est aiguillonnée par le doute, par le besoin de don-
ner une forme déterminée à l'idée de culpabilité qui germe
en elle, le soulagement qu'elle manifeste lorsqu'elle croit
avoir trouvé, l'accalmie relative qui persiste ensuite : voilà
' 1 S11Gus. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 4S95, p. 301.
.. i - , PATHOGÉNIE DES IDÉES DÉLIRANTES. 405
tous les grands traits d'une obsession, c'est-à-dire d'un phé-
nomène accusant incontestablement une influence originelle.
C'est de l'idée de culpabilité à l'état latent que procède
l'obsession, besoin impulsif de développer cette idée, de lui
donner une forme ; cette obsession, ainsi causée par l'idée
latente de culpabilité, amène à son tour l'évolution ou plutôt
la fixation de la forme de l'idée de culpabilité, et, son rôle
accompli, nous la voyons s'effacer. Comment l'obsession
conduit-elle à la fixation de la forme de l'idée de culpabi-
lité ? La continuité et la durée de l'obsession finissent par
produire une fatigue cérébrale qui a pour résultante un affai-
blissement relatif de l'intelligence, une augmentation de la
crédivité, par conséquent, et qui fait que la malade accepte
enfin pour vérité la supposition obsédante : ainsi J... R... se
dit d'abord que c'est peut-être pendant son sommeil qu'elle
commet les actes dont on doit l'accuser, elle se le répète sans
cesse et la conviction se substitue peu à peu au doute, à
mesure que son intelligence fléchit par suite de la fatigue qui
résulte de la continuité de l'obsession.
C'est évidemment la tare originelle qui donne l'orientation
du délire, l'obsession, conséquence elle-même de cette tare
et de l'idée préexistant à l'état latent, joue le rôle d'auxi-
liaire dans l'affirmation du délire, le raisonnement déductif
ayant une influence plutôt secondaire, pour caractériser, par
exemple, la note individuelle du délire, le brio du délire,
suivant l'instruction, l'éducation, le fond intellectuel du ma-
lade. L'influence du milieu n'est, elle aussi, qu'accessoire
dans l 'orientation générale du' délire, dans la détermination
de ses caractères types ; s'il en fallait une nouvelle preuve,
notre malade nous la donnerait encore : je la vois un jour de
juillet plus déprimée que de coutume, refusant les aliments ;
je l'interroge et je ne suis pas peu surpris, étant donnés son
âge et le peu de durée de la maladie, de la trouver sous l'in-
fluence d'idées de négation que l'on ne rencontre générale-
ment pas dans les conditions qu'elle présente : elle ne mange
plus, dit-elle, parce qu'elle n'a plus d'estomac, plus de poi-
trine, etc. Je me demande si ces idées de négation ne seraient
pas simplement communiquées par une voisine de dortoir,
vieille mélancolique à délire de négation souvent exprimé à
haute voix ; je sépare les deux malades, les idées de négation
de la plus jeune disparaissent, elle accepte plus volontiers
406 CLINIQUE MENTALE.
les aliments. Bien qu'accessoire, l'influence du milieu mérite
cependant une certaine attention, puisqu'elle pourrait avoir
des conséquences fâcheuses, comme le montre encore ce fait
(refus des aliments), après bien d'autres évidemment.
C'est, à mon avis, en s'attachant à distinguer surtout net-
tement les idées délirantes qui procèdent essentiellement de
la tare originelle que l'on parviendra à établir enfin une clas-
sification rationnelle des vésanies proprement dites, des
folies ne se rattachant à aucune affection physique et à déter-
miner enfin l'évolution de chacune. Ce n'est pas en attri-
buant, comme on le fait encore aujourd'hui, telle idée déli-
rante à telle autre ou à telle hallucination qui l'ont précédée,
en se laissant gagner par le mirage séduisant d'un enchaî-
nement plus apparent que réel que l'on approchera enfin de
la vérité. D'après ce que nous venons de voir chez J... 11...,
on ne peut pas conclure, de ce que les idées de persécution
apparaissent primitivement plus bruyantes et plus mani-
festes, que ce sont elles qui causent l'idée de culpabilité,
mais, à mon sens, elles contribuent à en faciliter l'éclosion
et l'évolution, l'idée de culpabilité préexistant, à l'état latent,
et constituant ainsi un des éléments fondamentaux du carac-
tère mélancolique antérieur à l'aliénation mentale. De sorte
que, même dans la mélancolie dite à délire de persécution,
l'idée de culpabilité serait encore, malgré les apparences,
une idée fondamentale.
Le caractère nettement obsessif des phénomènes qui pré-
sident à l'évolution de l'idée de culpabilité, l'intensité, le
relief des idées de persécution et la facilité avec laquelle
notre malade adopte les idées délirantes d'une de ses com-
pagnes m'amèneraient aussi, à.l'encontre de la plupart des
ouvrages classiques, à considérer la mélancolie dite à délire
de persécution comme une variété de la dégénérescence.
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le Dr DIDE,
médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de Rennes, est promu à
la lre classe du cadre ; M. le Der I'AP1LLOU, médecin-adjoint à
l'asile d'aliénés de Brou (Rhône), est élevé à la classe exception-
nelle du cadre à partir du 111" juin 490 ; -AI. PICHENQT, médecin
en chef à Montdevergues, est promu à la classe exceptionnelle à
partir du 1er octobre 1902; M. le Dr BLCUE, médecin-adjoint à
Lafond (Charente-Inférieure) est promu à la 4 classe du cadre.
CLINIQUE MENTALE
Infirmerie spéciale. Service DE M. PAUL GARNIER
Contribution à l'étude de la folie communiquée
et simultanée ;
Par GUI-RD et DE CLÉRA1BAULT,
Internes du service.
Nous allons maintenant raconter l'histoire de nos malades
dans les hôtels :
A. Existence nomade dans les hôtels. D, Où êtes-vous allées, en
quittant la rue Letort ? * ?
Il. - Nous avons quitté la rue Letort le 28 janvier 1900, après
avoir vendu nos meubles pour payer le terme, et nous sommes
allées à l'hôtel lorsqu'on nous eut envoyé de province notre men-
sualité de 00 francs.
Dans le premier hôtel, nous sommes restées cinq semaines; après
quoi nous avons changé tous les quinze jours, tous les huit jours,
ou tout de suite, suivant notre degré de confiance.
Nous prenions d'ordinaire une chambre à la quinzaine, nous
couchions toutes trois dans le même lit. Nous avions peur, livrées
ainsi à des garçons d'hôtel.
Dans plusieurs de nos chambres, les cheminées ont refusé de fonc-
tionner : une fois nous avons reconnu à l'eau un goût de poison.
C'est la race Letort qui nous suivait : triste clientèle ! Nous n'avons
jamais eu de tranquillité qu'en voiture.
D. Quelles sont les personnes qui, dans la rue, vous invecti-
vent ?
R. C'est tout le monde. Tout le monde sait notre histoire. On
nous envoie des allusions, sans nous donner jamais d'explications :
on fait exprès de ne pas préciser.
D. Par exemple, quand vous approchez, quelqu'un murmure :
« Tiens, les voilà ! »
R. (Chorus). - Oh ! les voilà ! Ce sont elles ! Vous l'avez bien
trouvé. « Les voilà ! » C'est le mot de la foule parisienne.
D. Vous appelle-t-on aussi « Castors ` ? »
408 CLINIQUE mentale.
R.- C'est ce qu'on nous reproche d'être, des « Castors ! » On
crie aussi, les « Moines, les Condamnées à mort, l'armée du Salut, les
trumeaux, les vieux tableaux, les trois donneuses, les trois clocheuses
les trois macchabées, ci la Morgue ! » Et les coups de sifflet ! Oui, ça
trotte ! Noussommes les victimes de la catwocltericparisienz2c.
Les photographes courent devant nous ; des femmes nous sui-
vent jusque dans les chalets publics : nous excitons la curiosité
générale : nous sommes les victimes de la foule. « Les 'Voilà ! » » C'cst
tout ce qu'on noies reproche.
D. Vous fait-on des reproches touchant votre conduite ?
R. Jamais ! nous pouvons passer partout la tête haute.
Depuis la mort de notre mère, nous avons vécu d'affection mu-
tuelle et d'habitudes mutuelles (sic).
D. - Mutuelles ? des habitudes ?
Annette (à sa soeur). Tu as là une mauvaise expression. Nous
avons trois lits et nous ne couchons jamais ensemble. Quelle abo-
mination ! On profite de notre situation !
D. Pourquoi n'avez-vous pas été vivre en province ?
R. Nous ne pouvions pas. Nous sommes des parisiennes. Nous
n'avons pas quitté Paris depuis l'année du siège.
D. Vous auriez été plus tranquille dans la banlieue ?
R. Jamais nous ne sommes sorties des fortifications
B. Existence nomade dans les fiacres. D. Depuis quinze mois,
vous n'avez plus de domicile ?
R. Au commencement, nous alternions la vie d'hôtel et les
voitures. Pour ne pas rentrer à l'hôtel et pour ne pas dormir sur
un banc, nous passions la nuit dans un fiacre. Maintenant nous
avons renoncé aux hôtels. Depuis trois mois nous habitons dans les
fiacres. ll'ousaaonscmc bien faire, en nous logeant ainsi. Nous vou-
lions ne nous compromettre avec personne, je ne sais si nous
avons réussi. Un fiacre n'étant pas un domicile, on ne pouvait se
servir de notre nom (sic). '
Dans les voitures, nous étions chez nous et la foule nous laissait
un peu tranquilles.
Le matin, nous faisions notre toilette dans les chalets publics :
nous mangions du pain sec, nous buvions aux fontaines, nous
tâchions de passer les journées dans les musées et les églises :
mais, même dans les bureaux d'omnibus, on ne nous supportait
pas longtemps. Quelquefois nous marchions douze ou quinze heures
par jour, en attendant le moment du fiacre. Le jour de l'An, à cause
de la pluie, nous sommes restées debout sous les portes
cochères.
A minuit seulement, par économie, nous prenions une voiture,
que nous quittions le lendemain à 8 heures. Les ainées, comme de
juste, prenaient les places de coin. Clotilde s'installait au milieu :
folie communiquée ET simultanée 409
car avec ses grandes jambes, elle eut été gênante surle strapontin-
Parfois, pour quelques heures. on lui cédait un coin. D'ailleurs,
les coins aussi ont leurs inconvénients ; si vous nous voyez ces torti-
colis, c'est pour avoir pris la forme des coins (sic). Nous donnions
l'ordre au cocher de ne pas sortir des fortifications, de ne pas
arrêter devant les marchands de vin etde marcher au pas : moyen-
nant quoi, il pouvait nous mener n'importe où. Clotilde s'endor-
mait sitôt installée. Jamais nous n'avons été plus tranquilles.
Jamais nous n'avons mieux dormi, jamais nous ne nous sommes
mieux portées. On nous surnommait les Dormeuses ! /
Les cochers nous connaissaient bien. Quelques-uns nous offraient
souvent de venir nous reprendre le lendemain, à la même heure,
à la même place. D'autres nous ont-proposé de nous faire crédit.
D'autres nous faisaient des prix plus élevés : on voulait composer
avec nous. Mais nous nous sommes toujours méfiées.
D. -Ils n'ont jamais tenté, la nuit, de vous conduire dans des
lieux déserts, en dehors des murs ?
R. Jamais. Quelqu'une veillait toujours. Dès qu'un cocher
semblait suspect, on lui réglait son heure et le quittait. Nous avons
perdu ainsi bien des heures. Mais nous avons eu bien souvent à
nous disputer pour les pourboires. C'est vrai que sept ou huit
heures de suite, droit sur un siège, c'est fatiguant. Mais aussi on
verse cinq sous de supplément par heure, quand on n'arrête pas ?
D. Vous n'avez pas eu d'accident ?
R. Si, un cocher nous a versés, par malveillance, rue Saint-
Antoine. Le fiacre s'est couché sur le flanc. Clotilde est sortie par
la fenêtre, la première, et les autres ensuite. Là, on nous a appe-
lées trumeaux, mais nous échappions, sans blessures ! ...
D. Combien dépensiez-vous par nuit' ?
R. Tantôt seize francs, tantôt cinquante. Nous perdions beau-
coup, par crainte des disputes.' Nous avons dépensé, en quelques
mois, douze mille francs. Mais on ne peut rien nous reprocher,
nous n'avons cause de tort à personne, au contraire, nous faisions
gagner les cochers. Nous dépensions vingt francs par jour pour ne
pas être des vagabondes. Nous sommes tout au plus des no-
mades.
D. A quel propos, votre dernière dispute ?
R. Il y a trois jours, n'ayant pas d'argent, nous avons pris, à
crédit, pour une nuit, un cocher qui nous connaissait. Nous lui
avons promis de le payer dès que nous aurions touché notre mois.
C'était à lui de ne pas accepter. Nous aurions fait des lieues pour
lui remettre son argent. Nous ayant aperçues ce matin, il s'est mis
à nous injurier, et à nous suivre dans les petites rues, en traînant
un rassemblement. Nous avons prié un agent de vouloir bien dis-
perser la foule. Il nous a conduites au commissariat pour avoir été
injuriées.
410 CLINIQUE mentale.
Durant leur séjour au Dépôt les trois soeurs formulent, à divers
moments des interprétations délirantes : d'abord, au sujet du juge
d'instruction ; ensuite au sujet de l'aumônier. Ce dernier leur ayan 1,
adressé quelques questions jugées, par elles, offensantes, devient
un persécuteur déguisé. « Pourquoi nous a-t-on engagées si forte-
ment à aller le voir ? Pourquoi est-il venu nous trouver dans notre
chambre, au lieu de se tenir dans la chapelle ? Pourquoi nous
parler de notre commerce et ne pas dire un mot de religion ? Il a
l'air trop jeune pour un aumônier. Il n'a pas vingt-deux ans. C'est
un faux aumônier. »
En entrant à l'infirmerie spéciale, elles voient tout de suite une
persécutrice dans la femme de service qui les fouille, et s'inquiètent
de ce qu'on ne leur permet pas de signer toutes les trois l'inven-
taire. En entrant dans le quartier des femmes, elles entendent
toutes trois en même temps les exclamations habituelles : Les voilà
ce sont les moines ! voilà les dormeuses, voilà les clocheuses, et enfin
les voilà sous clefs ! /
Par manière de protestion,elles refusent de boire et de manger :
puis Annette ayant dit : « Nous ne sommes pas les plus fortes »,
elles demandent elles-mêmes leur repas. C'est à ce propos que la
religieuse de service auprès d'elle fait cette remarque : « Annette
est leur soeur supérieure ».
Leur demande-t-on d'écrire un résumé de leur vie, Jeanne et
Clotilde consentent mais Annette les dissuade « parce que ce n'est
pas l'affaire d'un jour etqu'on les retiendra trop longtemps.
A la même demande, qu'on renouvelle plus tard, après les avoir
séparées, Jeanne répond, ainsi que Clotilde : « J'écrirai si Annette
écrit; » Annette oppose un refus formel. Elle craint que ses auto-
graphes ne puissent servir contre elle. Comme on lui représente
qu'une protestation pourrait activer sa sortie, elle répond : « Je
n'écrirai pas, quand même vous me garderiez quinze jours.
Puisque vous m'enfermez sans motifs, il est inutile que je m'adresse
à votre justice ».
Clotilde également persiste dans son refus. Quant à Jeanne,
comme nous l'assurons que ses deux soeurs sont en train d'écrire,
elle consent à rédiger quinze lignes sous la forme d'une protesta-
tion. Dans la cellule voisine, Annette ayant compris qu'on l'influence
crie « Jeanne n'écris pas, je n'écris rien. » Mais Jeanne occupée,
n'entend pas et on ferme promptement les guichets.
Quand Annette et Clotilde la revoient, elles lui adressent des
reproches mêlés d'un certain mépris et lui interdisent désormais
d'adresser la parole à l'interne, « il ce bourreau qui pratique la
fortune morale ». Elle ne cherche pas à se défendre, d'ailleurs,
mais à la promesse de sortir la première, elle répond avec décision.
« L'une ne sortira pas sans l'autre ».
Comme on les prie de se laisser conduire il l'atelier de photo-
, 1 FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 411
graphie elles répondent : « Nous ne voulons pas; nous l'avons,
notre photographie. Nous l'avons commandée chez un grand pho-
tographe, mais nous ne sommes jamais allées la chercher. (Chorus).
Si, si, c'était en groupe, en groupe ! D'ailleurs nous sommes sales,
laides et vieilles. Nous ne voulons pas de publicité. Nous n'en n'avons
déjà eu que trop. Nous ne sommes que des femmes pot-au-feu et
nous voulons rentrer dans l'ombre. » Toutefois comme on vient
es chercher, Annette répond : « Vous êtes les maîtres. » Et quand
elles sont devant l'appareil, elle engage ses soeurs à se bien
tenir.
Revues à l'Asile clinique, dans le service de M. le D1' Magnan,
huit jours après, elles sont encore sous l'impression de leurs per-
sécutions passées sur lesquelles elles donnent volontiers quelques
détails complémentaires.
Annette proteste contre leur internement. Nous n'avons pu savoir
rien de précis quant à leurs hallucinations.
Trois semaines plus tard, Jeanne et Clotilde, revues seules, ont
paru en voie de guérison. « Si nous entendions quelque chose, ce
seraient des hallucinations, car ici on nous laisse tranquilles. Les
gens sont ici très convenables et nous ne demandons qu'à rester
ici jusqu'à la fin de nos jours ou presque. »
Comme nous répondons que la pièce où nous sommes n'est pas
très éloignée de la rue, elles nous assurent qu'elles ne le croient
pas et qu'on y est, en tout cas, parfaitement à l'abri. En outre, on
nous apprend que l'aînée aurait dit récemment au chef : « Peut-
être bien nous sommes-nous exagéré les choses ».
Un événement très important avait eu lieu dans l'intervalle.
L'une des trois, Annette, était morte. Il est permis de penser que
l'extraordinaire régime auquel la vie errante les avait soumises,
et les émotions de leur perpétuelle fuite, qu'elle avait ressenties le
plus vivement, avaient usé sa résistance : .toutefois, telle était sa
vigueur morale, qu'en pleine infection bacillaire et moins de trois
semaines avant la fin, elle donnait, par toutes ses allures, l'im-
pression de la santé physique.
Nous devons ajouter, il est vrai, que la forme de bacillose à
laquelle elle a sucombé n'était pas la forme consomptive (pneu-
monie caséuse). ' ,
Au début de la période aiguë, ses deux soeurs la soignaient
alternativement : pendant les deux derniers jours, la soeur aînée
usa de son autorité pour éloigner la plus jeune, la jugeant sans
doute trop émotive et elle la fit rappeler seulement lorsque
l'agonie approcha.
Lorsque nous revîmes Jeanne et Clotilde, elles ne mêlèrent à
l'expression de leur chagrin aucunes réminiscences de leur vie
délirante : elles oublièrent même la rancune qu'elles avaient eue
contre l'un de nous quand nous voulûment les questionner sur
412 1) CLINIQUE MENTALE.
divers points de leur aventure, leur attitude se modifia suivant les
principes de chacune. La plus jeune, quoique iL regret, nous donna
des explications. Mais l'aînée rentra dans sa dignité, nous trou-
vant très indélicats de lui imposer un travail d'esprit dans un mo-
ment de douleur morale (sic). Elle a fait en outre valoir que les
incidents en question sont trop ridicules pour que nous ayions
le droit de lui en parler devant témoins (elle appelle témoins des
enfants destinés à partir sous peu et la sous-surveillante du ser-
vice). Enfin une méfiance, à peine maladive, lui inspire ce dernier
prétexte « qu'on peut nous écouter dans la pièce voisine. »
Il est possible qu'à l'accalmie constatée lors de nos
visites fasse suite une reprise du délire. Dans ce cas, la
rémission serait due à la maladie de l'une d'entre elles, au
deuil, au besoin de sympathies, à une reconnaissance très
vive pour les bontés de diverses personnes non encore
prises en suspicion : autant de dérivatifs psychiques. Mais
nous croyons plutôt que le délire a été attaqué dans ses
sources, d'abord par le changement de milieu, ensuite par
l'isolement partiel des trois unités délirantes, tel qu'il a été
institué. -
Observation II. Folie communiquée par la mère à son fils. Psy-
chose d'ancienne date chez la mère. Transmission au fils du délire
maternel. Eclosion chez le fils d'une deuxième psychose, indépen-
dante de la première.
Le 25 mars 1902, était conduite il l'infirmerie spéciale du dépôt,
Mm0 Eulalie-lIol'tense J..., âgée de soixante-deux ans. D'une phy-
sionomie intelligente et vive, aimable et loquace, elle s'étonne de
ce que nous ne la connaissons pas, « elle, dont on parle tant,
qu'on persécute tant, elle, l'auteur d'un livre célèbre, les Planètes
Rocheuses. »
Son élocution abondante, la multitude de ses idées, de ses rai-
sonnements, de ses preuves indiquaient un délire d'ancienne date.
Elle l'exposait devant nous sans réticence et avec une absolue con-
viction. Délire ancien, puisque nous le verrons remonter à 1893,
mais bien plus ancienne apparaît l'aptitude délirante, la constitu-
tion paranoïaque, comme en témoigne l'histoire de sa vie.
« Ma mère, nous dit-elle, morte de la poitrine à vingt-deux ans,
était une femme remarquable. Elle écrivait des vers qui, malheu-
reusement, n'ont jamais été publiés, et bien que simple paysanne,
elle était d'une érudition universelle.
» Mon père, ouvrier ajusteur à l'arsenal maritime de Cher-
bourg, était un savant, un inventeur qui découvrit des procédés
FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 413
nouveaux pour la construetion des navires ; mais on les lui vola et
il ne put jamais en tirer prolit. Ma soeur, morte aussi de la poi-
trine, était une femme de salon d'un très grand esprit. »
Elevée dans un tel milieu, Eulalie-IIortense ne pouvait être
qu'une enfant précoce, mais sa précocité fut effective, car elle était
surtout forte en style et ne sut jamais « apprendre à faire une
règle » (sic).
Grande liseuse, elle aimait-surtout l'histoire, l'histoire grecque
et latine, l'histoire de France. De bonne heure, la philosophie l'at-
tira. Elle écrivit des pensées, des théories sur le monde et sur la
vie ; mais elle brûlait ses écrits, au sur et à mesure, n'osant pas
les lire à autrui, par crainte de n'être pas comprise, et elle com-
posa la valeur de plusieurs volumes qu'elle fit ainsi disparaître.
A vingt ans, elle épousa un mécanicien, et, bientôt veuve, elle
se remaria à vingt-six ans, avec M. J..., garde forestier. Elle
adorait celui-ci, et en attendant son mariage, elle donna libre
cours à son ardeur épistolaire en envoyant chaque jour plusieurs
lettres à M. J..., qui déclarait : « C'est étonnant. on croirait lire un
écrivain ! »
Ce fut une période de bonheur parfait, puis vint la guerre, le
siège, et M. J..., sorti un jour de Paris pour porter des dépêches,
disparut : fusillé par l'ennemi ou noyé dans la Seine, on ne le sut
jamais. Mu J... resta veuve, et gratifiée d'un bureau de tabac et
d'une petite pension, elle vécut à Paris où elle éleva ses trois fils.
Deux moururent encore jeunes. Le chagrin qu'elle en éprouva,
le mystère qui entourait la mort de son mari, événement qui
l'avait beaucoup frappée, ravivèrent ses préoccupations philoso-
phiques et sociales. Elle écrivit alors les Drames de ma vie, récit
de ses peines et de ses tourments, mais qu'elle ne publia pas et qui
ont resté chez elle en manuscrit; puis, en 1893, les Planètes Ro-
cheuses, son oeUV1'e capitale, glorieuse, et la cause de tous -ses
malheurs.
Déjà enviée et suspectée « comme titulaire d'un bureau de
tabac et pensionnée du gouvernement, » dès qu'apparut ce livre
« qui souleva l'enthousiasme du monde entier, » une formidable
coalition se forma dans le but de lui arracher son oeuvre. L'édi-
teur vendit.son livre aux puissances étrangères, le gouvernement
en trafiqua, et malgré tous les efforts de leur auteur, les Planètes
Rocheuses furent attribuées à d'autres écrivains qu'elles enri-
chirent ; elles révolutionnèrent le monde à la gloire de ces impos-
teurs. Elle en a trouvé des passages dans quantité de livres !
« Flammarion l'a plagiée » ; elle reconnaît bien ses idées et son
style.
Dès lors, les persécutions ne cessèrent pas. Depuis 1893, elle
eut à se défendre contre une foule d'ennemis qui, par tous les
moyens possibles, continuaient leur oeuvre de destruction, car il
lfl4 CLINIQUE MENTALE. -
ne s'agissait de rien moins que de les faire disparaître, elle et son
fils et suivant son expression, « de les détruire aux Archives » :
Plus d'état civil, plus de nom, plus d'existence légale, tel était
leur but et ils ne craignaient pas, pour y arriver, d'employer les
procédés les plus extraordinaires. Toutes les affaires sensation-
nelles qui se succèdent en France et à l'étranger la concernent.
L'affaire Dreyfus, les procès de Cornulier et Monnier, la Haute-
Cour, Fachoda, le voyage du tzar en France, etc., etc., ne sont
que des prétextes, des mises en scènes, des conventions qui
cachent sa véritable histoire et dont elle est, au fond, l'héroïne,
sous ces noms d'emprunt qu'elle n'a pas de peine à démasquer.
Il est assez difficile de la suivre dans le dédale de ses explica-
tions ; mais l'idée générale qui s'en dégage, c'est que dans toutes ces
affaires, c'est elle qu'on voulait condamner, qu'on voulait atteindre,
toujours pour la détruire aux Archives, ainsi que son fils. Dans
l'affaire Dreyfus, par exemple, ils ont été condamnés, puis réha-
bilités : le colonel Henry n'était qu'un faux colonel qui a voulu se
substituer à M. J..., véritable héros, lui. Elle est allée à Rennes
où elle fut interrogée par le commissaire de police qui lui déclara
« que c'était bien son procès, en effet, que l'on jugeait. »
Condamnés dans l'affaire Monnier, ils ont été acquittés dans l'af-
faire Cornulier. Le tzar est venu en France pour les défendre; les
Boers ce sont eux, la mère et le fils, qui luttent pour vivre encore,
pour avoir un nom et une patrie.
A côté de ces idées de persécution, mais écloses en même temps
qu'elles, sont apparues des idées de grandeur. Elle est le parallèle
du Christ, le Prophète; on lui doit six millions. Elle est la repré-
sentante du peuple et ses oeuvres valent toutes les mines d'or du
Transvaal.
Elle parait avoir eu un peu d'hallucinations et celles-ci auraient
surgi surtout au moment des paroxysmes délirants. Dans la maison
où elle habite depuis plusieurs années, elle a entendu quelquefois
les voisins dire : « La voilà ! celle qui a volé ! » Un certain G...,
magistrat révoqué, et qui était son voisin, l'insultait et disait :
« C'est celle-là .qui a volé son livre. » Elle a entendu aussi : « Elle
est le parallèle du Christ ! le prophète ! Nous n'avons jamais vu
de femme comme Mmo J... » 1
Elle dit avoir eu des apparitions. Les Planètes Rocheuses ont été
écrites à la suite d'une vision, dans laquelle elle aperçut les pla-
nètes couvertes de rochers au milieu des nuages qui s'écartaient :
sur ces planètes des hommes passaient, nus et montés sur des
chevaux qui se cabraient. Des femmes chantent. C'est le bonheur.
A côté de cette planète, planète première, il y a les planètes secon-
daires où l'homme est moins heureux, et la Terre enfin qui est
l'enfer à cause de tous les maux que nous souffrons. Telle est l'idée
des Planètes Rocheuses « livre métaphysique et philosophique. »
FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 415
Elle avoue avoir eu ainsi deux visions, la première en 1885, la
deuxième avant d'écrire les Planètes. Peut-être s'agit-il là de véri-
tables troubles sensoriels, peut-être de simples rêves, embellis par
son imagination, comme tentraient il le faire croire le vague et la
complexité des images.
Actuellement, après tant de luttes et de misères, l'heure du
triomphe va-t-elle sonner ? Elle n'en n'est pas sûre, elle attend et
voici ce qu'elle demande : « Qu'on lui rende son mari dont la
mort mystérieuse et suspecte n'est rien moins que certaine, son
nom,... une patrie,... puisqu'elle est rayée des archives, l'indem-
nité qui lui revient de droit sur ses deux ouvrages, une réhabili-
tation d'honneur, ses oeuvres ! ... » -
Des revendications si nombreuses et si importantes ne l'ont
pourtant pas conduite à des réactions dangereuses.
Malgré la longue durée de son délire, elle n'a jamais désigné
nominativement ses persécuteurs. G... est le seul qu'elle ait
nommé, elle ne comprend pas qu'on lui ait fait tant de mal, elle
qui souhaite le bonheur universel et l'union sur la terie.
Elle nous avoue qu'elle a songé une fois à acheter un revolver,
mais pour effrayer, simplement, et ce ne fut qu'une pensée fugi-
tive. -
En revanche, elle a envoyé de nombreuses pétitions au Parle-
ment, aux présidents de la Chambre et du Sénat, au président de
la République; elle a envoyé les Planètes rocheuses à tous les sou-
verains d'Europe. A plusieurs reprises, elle a fait coller sur les
monuments publics de Paris de grandes affiches rouges où elle
exposait ses malheurs et ses protestations. Les passants s'arrê-
taient, étonnés, et lisaient ces incohérences, les uns souriants, les
autres sérieux, quelques-uns peut-être convaincus.
Elle collait aussi ses affiches sur les murs de sa maison. Elle
vivait très retirée, misérablement, avec son fils, car les affiches
coûtaient cher et le bureau de tabac avec la petite pension ne
rapportaient guère plus de 1500 francs.
En présence d'un tel complexus symptomatique nous pouvons,
croyons-nous, porter le diagnostic de psychose à base d'interpré-
tation délirante chez une personne prédisposée par son hérédité
et sa constitution psychique : l'incohérence des troubles délirants,
la coexistence des idées de persécution et de grandeur, l'absence
d'évolution, enfin l'hérédité éliminent la psychose systématique
progressive. Mais l'intérêt de cette observation réside moins dans
sa symptomatologie que dans le fait de la transmission de ce
délire de la mère à son fils qui fut amené en même temps qu'elle
à l'infirmerie spéciale.
Agé de trente-sept ans, tête blonde d'artiste aux longs cheveux,
paraissant bien constitué physiquement, mais le regard atone,
l'air triste et fatigué, J... fils se présente dans l'attitude d'un mé-
416 CLINIQUE MENTALE.
lancolique. Il paraît profondément débile et ne répond que lente-
ment, avec effort aux questions qu'on lui pose. Il partage les
convictions de sa mère et son délire est celui de NI-0 J..., stéréo-
typé. Il le débite comme une leçon apprise par coeur, et se con-
tente de répondre, sur un ton monotone, quand nous lui exposons
les idées de sa mère : « Très bien, c'est cela, très bien. »
L'affaire Dreyfus, c'est son affaire. Il a été jugé sous le nom de
Monnier, de Cornulier. On a voulu remplacer son père par le
colonel Henry; son père et lui ont été détruits aux archives, les
Planètes rocheuses ont été vendues des millous, etc., etc.
Il est d'accord sur tous les points avec sa mère qu'il n'a jamais
quittée. 11 était son seul confident et le délire de la mère, inces-
samment répété, s'est imprimé facilement dans ce cerveau sans
défense qui ne lui opposait jamais l'effort personnel d'un raison-
nement.
Tout au plus J... protestait-il quand l'idée délirante le choquait
trop brusquement par son invraisemblance et son énormité. Un
jour, lisant un journal, il parlait de la guerre du Transvaal, sa
mère s'écria : « Comment, tu lis le journal et tu ne vois pas que
c'est nous les Boërs. Ils veulent un nom et une patrie. La guerre
du Transvaal, c'est notre guerre. Nous défendons notre indépen-
dance. On veut nous anéantir. » « Cela n'est pas possible, »
répondit-il. - « Mon pauvre enfant, tu n'es pas inspiré; tu ne
comprends rien. » Et le fils de concéder à sa mère qu'elle avait
raison.
En nous racontant cette scène, M1110 J... ajoutait : « Le pauvre
garçon, il n'est pas intelligent, il n'est pas inspiré; je suis obligée
de tout lui expliquer. De lui-même, il ne comprend pas. »
Elle a donc pu communiquer sans peine à son fils tout son
délire : ici, l'élément actif, la mère, n'a rencontré aucune résis-
tance et non seulement le contenu du délire, mais son expression
verbale se sont transmis intégralement à l'élément passif, le fils.
Mais à côté de cette psychose communiquée, J... a présenté des
idées de persécution, qui, ne rentrant pas dans la folie maternelle,
ont été considérées par M ? J... comme le trouble d'nn cerveau
malade, à tel point qu'elle a demandé des soins « pour son pauvre
fils, qui perdait la tête. » « Il a des idées noires, dit-elle, il ne sait
plus ce qu'il fait et il a grand besoin d'être soigné. »
Depuis quelque temps, en effet, J... était tombé dans un état
mélancolique qui semble avoir été la conséquence de privations et
de déboires.
Artiste peintre, il ne pouvait vendre aucun tableau ; aussi
était-il découragé et se plaignait-il à sa mère que tout le monde
lui en voulait : on refusait partout ses oeuvres; on disait du mal
de lui pour l'empêcher de gagner sa vie et il fit une tentative de
suicide qui nécessita son envoi a l'infirmerie spéciale. Sa mère y
FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE lui. 17
fut conduite en même temps que lui, car ils s'étaient barricadés
dans leur chambre où le fils avait mis le feu et on dut employer la
force pour les emmener. '
En résumé : délire communiqué par la mère à son fils,
avec cette particularité que celui du fils fut la reproduction
complète et absolument passive de celui de la mère, puis
délire propre du fils, divergent, évoluant pour son propre
compte, sur un terrain tout préparé.
III. Dans la première observation, le délire est survenu
simultanément chez trois soeurs, sous l'influence des mêmes
causes ; mais la part de chacune d'elles dans l'association
n'est pas égale. La cadette est manifestement la plus active,
la plus soupçonneuse. Son esprit est toujours tendu et
méfiant et il est visible qu'elle conduit le délire; les deux
autres jouent un rôle plus effacé.
Dans la deuxième observation, le délire est communiqué
par une mère à son fils, être débile et subjugué; celui-ci est
bien réellement aliéné et nous n'oserions déclarer qu'il gué-
rira, la gravité du pronostic étant tirée du terrain sur lequel
s'est développée la psychose.
On voit que les idées de persécution jouent le principal
rôle dans ces deux délires : c'est en effet la règle. L'idée de
persécution se développe facilement au milieu des condi-
tions déprimantes de toutes sortes et surtout de la misère
« et la folie à deux est surtout le lot des malheureux; on
comprend, sans qu'il soit nécessaire d'y insister, que deux
infortunés, ruinés par des privations, seront, eux aussi, dans
les mêmes conditions exceptionnellement favorables pour
échafauder en commun un délire de persécution, ou pour
considérer comme vrai un délire de ce genre, enfanté isolé-
ment par l'un d'eux'. » » ,
Nous pouvons donc conclure que la division en folie com-
muniquée et folie simultanée est légitime et répond à la
réalité des faits. Utile pour le groupement nosographique,
elle présente encore cet avantage très appréciable en psy-
chiatrie, d'une terminologie précise. Si elle ne s'accommode
pas toujours à la diversité de la clinique, c'est qu'ici comme
partout ailleurs, il y a des cas intermédiaires.
N'oublions pas d'ailleurs selon la juste remarque de
1 Morandon de montre], loc. cit.
AnctuvEs, 2° série, t. XIV. 27
418 RECUEIL DE FAITS.
Lasègue et Falret, « qu'il s'agit là d'une des formes de
l'aliénation, intermédiaires entre la raison et la folie et qui
exemptes de troubles physiques caractérisés ne se prêtent
qu'à une analyse psychologique. Les observations emprun-
tent à la nature de'la maladie un aspect tout particulier et
ressemblent plus à des études de moeurs qu'à des observa-
tions médicales. »
RECUEIL DE FAITS.
Contribution à l'étude de l'idiotie morale et en par-
ticulier du mensonge comme symptôme de cette
forme mentale ;
Par BOURNEVILLE et J. BROYER
Voici une nouvelle observation relative au mensonge chez
les enfants atteints d'idiotie morale qui complète, à divers
égards, celle que nous avons publiée dans les Archives de
. Neurologie ('190, n° 76, p. 287).
Observation II. Idiotie morale. ARI1 : RATfON intellectuelle.
SOMMAIRE. Père, rhumatisant, déséquilibré. Grand' père
paternel, rhumatisant, alcoolique, rp<7ep<M ? mort interné en
démence.- Mère, rhumatisante, affection cardiaque, goitre exoph-
talmique probable ; caractère irascible, menteuse. - Deux tantes
maternelles atteintes de goitre exophtalmique ( ? ). - Pas de con-
sanguinité. Inégalité d'âge de 6 ans (père plus âgé).
Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de notable.
Retard de la dentition, de la marche et de la parole. Gâtisme
. jusqu'à G ans. futées fréquents. Caractère sournois.
Menteuse « depuis qu'elle a commencé à parler. » Kleptomanie.
- Paresse. Fugues. Accusation de viol contre son père.
Description de la malade et l'entrée. Détails sur les attouche-
ments paternels (' ? ). Versatilité du caractère. - Evolution de la
puberté. -- Réglée A cens. Amélioration progressive. - Pla-
cement comme domestique.
Tar. (A.), née le 7 octobre 1882, est entré à la Fondation Vallée,
le 17 août 1896.
Père, cinquante-six ans, cordonnier. Pas de convulsions de l'en-
IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 419
fance. Fièvre scarlatineà quatre ans; fièvre muqueuse à douze ans;
bronchite capillaire à quarante-cinq ans ; très rhumatisant, dou-
leurs continuelles dans les bras, dans les jambes, aux articulations,
gonflements fréquents et douloureux l'empêchant de se servir des
mains ; herpès à quarante-six ans ; quelque temps après chute
brusque des poils de la moustache, qui repoussèrent plus tard ; ;
pas de maladie nerveuse, ne boit pas, ne fume pas ; migraines, il
y a une dizaine d'années, disparues depuis ; à la suite de contra-
riétés ces migraines duraient cinq à six jours et étaient accompa-
gnées de vertiges et de « mouches volantes ». Depuis quelques
années, sa vue a baissé. Veuf à cinquante-trois ans ; ne s'est pas
remarié ; a vécu par périodes avec une ancienne malade de la
Salpêtrière, « alcoolique et noceuse ». Vit actuellement avec une
autre femme. Grand-père paternel, mort en 1869 ; rhumatisant ;
avait des picotements et des tremblements continuels ; buvait beau-
coup, surtout de l'absinthe et de l'alcool ; avait de continuelles
pertes de mémoire, des « accès » durant lesquels il semblait perdre
l'intelligence et qui duraient quelques heures. Epilepsie acquise.
Il est entré à l'Asile clinique, d'où il a été dirigé sur Bicétre :
y est resté cinq mois, puis a été transféré à Pont-1'Abbé-Picau-
ille où il est mort en démence 1. - Arrière-grand-père paternel,
mort en Savoie, à soixante-dix ans. - Arrière grand' mère pater-
nielle, aucun renseignement.
Mère moite à l'âge de quarante-sept ans; rhumatisme chronique;
avait les doigts volumineux ; bossue, une épaule plus haute que
l'autre ; avait des vertiges : pendant quelque temps elle perdait la
respiration et s'évanouissait. Affection cardiaque. Goitre exophtal-
mique probable ; caractère irascible, emportée « menteuse à l'excès».
Grands parents maternels, pas de renseignements. Grand-oncle
maternel bien portant ; deux tantes maternelles ayant présenté,
semble-t-il, un goitre exophtalmique (1) ; un oncle et une tante
maternels morts en bas âge, on ne sait de quoi. Ni aliénés, ni
épileptiques, ni difformes, ni suicidés, ni prostituées dans le reste
de la famille maternelle.
Pas de consanguinité (père savoyard, mère luxembourgeoise).
Inégalité d'âge de six ans (père plus âgé).
Deux enfants : 1° Notre malade. 2° Garçon, mort à vingt mois :
alhrepsie, rachitisme (ne pouvait se tenir sur son séant), bronchite
finale.
Notre malade. Conception : préoccupations d'argent et fré-
quentes querelles entre les époux. Grossesse : bonne, pas la
moindre indisposition, ni syncopes, ni malaises d'aucune sorte.
' M. le Dr Viel nous a écrit que Tar... (Louis) (Hait arrivé avec le cer-
tificat a Epilepsie » et qu'il a succombé à une congestion cérébrale.
420 RECUEIL DE FAITS.
Accouchement : à terme, facilement; présentation du sommet;
quantité d'eau normale. ,
A la naissance rien de particulier : pas d'asphyxie, l'enfant a crié
aussitôt ; était mince et petite. Elevée au biberon (lait de vache),
sevrée à dix-huit mois ; brûlures de la face à quatorze mois, qui
- ont laissé des cicatrices; plus tard, à l'école, ses camarades se mo-
quaient d'elle, ce qui l'irritait. Ire dentition en retard.
Parole à vingt mois ; marche à vingt-un mois. Gâtisme jusqu'à
six ans ; aurait été propre du jour où son père, pour la corriger,
lui aurait mis le nez dans ses excréments.
A quatre ans, elle a successivement la variole, la rougeole et la
scarlatine, mais sans aucune complication. Le père aurait cepen-
dant remarqué que l'enfant marchait ensuite « courbée en dehors,
et le pied légèrement dévié D. Cet affaissement et cette déviation
se manifestent encore par périodes. Chutes nombreuses. Gourmes
fréquentes : les plaies de sa tête étaient longues à guérir ; enge-
lures depuis son plus jeune âge ; l'enfant a été souvent battue,
mais les sévices n'ont jamais eu de conséquences visibles ; ne
pleurait même pas ; du reste n'a jamais pleuré avant l'âge de
treize ans ; à cet àge-là, accès de cris, pour attirer l'attention sur
elle. A mangé de façon dégoûtante jusqu'à l'âge de douze ans,
elle mâchait sans avaler, rumination (` ? ). Dès sa première
enfance, aucun jouet ne l'intéressait, elle passait des journées à
enrouler autour de ses doigts des bouts de fil, des morceaux
d'étoffe qu'elle déchiquetait, des morceaux de papier qu'elle « cou-
passait ». A toujours eu un caractère doux, mais fourbe et
sournois, menteuse, du reste a menti du jour où elle a parlé. A
été en classe de quatre à treize ans : ses maîtresses la trouvaient
intelligente, mais paresseuse et incapable de bonne volonté. A la
mort de sa mère (1893) ses défauts et ses vices, mensonges, vols,
se sont accentués d'une manière prodigieuse, surtout depuis qu'elle
a fréquenté les ateliers. Elle commettait de petits larcins, et pour
se disculper disait que c'était parce qu'elle manquait du nécessaire
chez elle. Un jour, elle vole à sa tante un porte-monnaie contenant
20 francs, en dépense 2, et raconte à son père que son cousin, sa
cousine, sa tante lui ont donné, l'un 10 francs, l'au ! re 5 francs,
l'autre 3 francs. Une autre fois, on l'envoie à la poste avec
six lettres non affranchies et 2 francs ; elle garde l'argent et fait
partir les lettres; comme les destinataires se plaignent dans la
suite, elle affirme qu'elle les a affranchies, puis avoue qu'une de
ses amies, en la bousculant, lui a fait perdre l'argent. Peu à peu
elle ne veut plus travailler ; elle se fait renvoyer de partout il
cause de sa paresse et de ses mauvais propos ; fait des contes in-
sensés pour expliquer ses erreurs de comptes d'argent ; un jour,
craignant u'être corrigée par son père, elle ne rentre pas, disant
partout qu'on l'avait mise à la porte ; elle est arrêtée pour vaga-
IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 421 t
bondage et dit au commissaire qu'on la battait chez elle. Elle ment
sans cesse, dit à son père qu'elle va travailler et n'y va pas.%Chez
elle, elle brise tout, pour se venger, nous dit le père, dès repro-
ches et des corrections qu'elle encourait. Elle perd l'argent qu'on
lui confie, parle mal de son père à tout le monde et finit par le
dénoncer au commissaire de police comme ayant avec elle, depuis
trois ans, des rapports sexuels. Comme elle se contredit dans ses
réponses, le commissaire se méfie, fait appeler le père et le met en
demeure de faire visiter sa fille par le docteur D. ; l'examen médi-
cal constate que l'enfant est intacte.
A la suite de ces faits, Albertineest placée à l'Asile clinique, d'où
elle est envoyée à la Fondation Vallée, le 18 août 189G.
ETIT actuel pris A l'entrée. Air de santé, expression intelli-
gente. Cheveux châtain clair. Pas de ganglions. Crâne de volume
moyen, symétrique, ni bosses, ni fontanelles ; front assez élevé.
Forme du visage ovale. Cicatrice de brûlure très étendue
existant à la partie supérieure du front et s'étendant de chaque
côté des joues, jusque sur le menton et le cou. Arcades sourci-
lières peu marquées. Les paupières s'ouvrent et se ferment
bien. Fentes palpébrales allongées dans le sens transversal ;
sourcils peu abondants. Cils de coloration plus foncée que les che-
veux. Orbites peu excavés. Yeux mobiles, ni exophtalmie,
ni strabisme, ni paralysie ; iris bleu ; pupilles réagissant bien ;
l'acuité visuelle est bien développée, pas de rétrécissement du
champ visuel. z Nez, un peu aplati, surtout à la partie inférieure,
lobule assez gros, pas de déviation. L'odorat est bon. Les
pommettes sont peu saillantes, régulières. La bouche est de
l'orme transversale ; la lèvre inférieure volumineuse et épaisse ;
dentition normale. La voûte du palais est bien constituée. -
La langue est large, sans tremblemeut de la pointe. Les amyg-
dales sont peu volumineuses. Le goût est normal. - Le men-
ton est allongé, assez bien fait. Les oreilles sont décollées, le
lobule est peu développé.
Cou : Circonférence : 26 centimètres.- Corps thyroïde appréciable.
Membres supérieurs bien conformés ; sensibilité bien conservée.
Membres inférieurs également bien conformés ; réflexes patel-
laires normaux.
Thorax, pas de déformation. Percussion et auscultation, rien
d'anormal. Abdomen régulier ; région anale naturelle.
Puberté : quelques poils au niveau du pubis ; grandes lèvres
peu développées ; clitoris, peu visible ; petites lèvres triangu-
laires ; hymen intact, triangulaire ; fourchette normale.
Traitement : douches et bains ; sirop de fer ; huile de foie de
morue ; gymnastique ; travaux scolaires ; travaux manuels ; trai-
tement moral. -
422 RECUEIL DE FAITS.
Des observations prises au jour le jour, nous relevons les détails
suivants : Albertine n'a pas le regard franc, elle baisse toujours la
tète quand on lui parle ; très peu expansive ; est loin d'être
timide ; parait ( ? ) avoir un bon caractère, aime à rendre service ;
courageuse.; réservée dans ses propos ; s'entend bien avec ses
compagnes ; mais peu affective ; ne témoigne pas sa sympathie ;
parle de son père qu'elle semble aimer ; elle raisonne assez bien,
se rend compte de tout, très avancée pour son âge.
Il a été difficile au début du traitement d'obtenir d'elle une con-
fidence quelconque ; peu à peu, elle se laisse aller et raconte avec
des détails, qui font supposer une réelle expérience, que son père
avait des rapports avec elle depuis plus de trois ans. « Lorsque ma
mère allait livrer son travail, papa se nettoyait devant moi, puis
levait sa chemise et il me prenait la main pour me faire tenir sa
verge toute raidie et bien dure. Il me mettait sur son lit, en
m'appelant sa petite chérie. Il me l'enfonçait jusqu'à ce que cela
me fasse mal ; il l'avait énorme, alors il se tenait à une certaine
distance et se contentait de me frotter et de me chatouiller avec ».
Après, avait lieu le nettoyage, pendant lequel le père faisait des
menaces si elle s'avisait jamais de raconter ce qui se passait.
Albertine aurait été poussée à se plaindre au commissaire par
des voisines, qui remarquant qu'elle avait les yeux cernés lui
auraient demandé si elle ne « s'amusait pas toute seule ». « On dit
que je mens, c'était forcé, bien sûr on croira papa, qui voulez-vous
qui sache lequel des deux ment, il n'y avait pas de témoins ! »
D'après le père, ces femmes qui l'auraient ainsi poussée à faire ces
racontars au commissaire, avaient eu des discussions avec lui au
sujet d'un pot de fleurs tombé d'une fenêtre qui avait failli
l'atteindre. La plainte avait une apparence de fondement sur ce
fait qu'un soir d'hiver en rentrant tard, il avait fait coucher la
petite avec lui, un quart d'heure, pour la réchauffer. De plus
Albeitine aurait travaillé dans un atelier où une apprentie avait
la réputation découcher avec son père. "-
En janvier 1897, le caractère d'Albertine après avoir été jusque-
là docile et sociable, se modifie ; elle s'emporte souvent, elle bat
ses camarades, en sournoise, guettant toujours pour voir si on
l'aperçoit. En dehors de cela, va bien, travaille en classe, au repas-
sage et au ménage. Puberté : aisselles glabres, seins dessinés.
diamètre transversal 11, diamètre vertical 7, des deux côtés
aréoles accusés ; quelques poils au pénil, grandes lèvres peu déve-
loppées, petites lèvres triangulaires, n'occupant que la moitié
supérieure de la vulve, clitoris peu développé, méat urinaire diffi-
cile à apercevoir, fourchette saillante, hymen triangulaire, région
anale normale. Apparition physiologique des règles en février.
1898. Janvier. Se montre très indisciplinée et aussi très gros-
sière. Puberté : les seins se développent, diamètre transversal.
IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 423
13 des deux côtés, diamètre vertical 9 à droite, 8 à gauche. Règles
en avril, juin et juillet.
, Juillet. Amélioration légère. Est peu communicative avec le
personnel, mais bavarde sans cesse avec ses camarades, sans se
disputer comme autrefois. A soin de plusieurs fillettes, plus jeunes
qu'elle.- Puberté : quelques poils rares sous les aisselles ; hymen
triangulaire à orifice frangé. Les règles se produisent tous les
mois à partir de juillet 1898.
1899. Janvier. L'amélioration se confirme en classe et aux
travaux manuels. Fait de la dentelle au lieu de jouer. Parait
devenir plus sérieuse. Toujours peu communicative. Puberté :
seins : diamètre transversal 16, vertical 12 des deux côtés.
Juillet. En classe travaille avec goût ; fait bien la gymnas-
tique. Est susceptible, la moindre observation la fait rougir et la
met de mauvaise humeur. Puberté : seins : 18 sur 11 des deux
côtés.
1900. Janvier. Moins susceptible, accepte bien les observa-
tions. Puberté : seins bien développés, 22 sur 20 des deux côtés.
Juillet. Passe avec succès l'examen du certificat d'études.
Amélioration générale. Puberté : poils abondants sur le pénil ;
hymen annulaire admettant l'extrémité de l'index.
1901. Janvier. - L'amélioration persiste. A la fin de l'année
Albertine, dont nous aurions voulu faire une infirmière ', est pla-
cée comme bonne chez 141 ? B., où elle est encore actuellement.
Puberté : poils abondants sur les grandes lèvres.
Elle a toujours persisté dans ses accusations, elle nous a dit une
seule fois que si elle avait été chez le commissaire, c'était parce
que « des voisines lui avaient monté la tête », sans vouloir déclarer
formellement qu'elle n'avait pas dit la vérité.
Réflexions. I. Albertine est sous le coup d'une hérédité
assez chargée : père à migraines violentes, accompagnées de
vertiges ; gl'Ctnd'pè1'e paternel alcoolique, épileptique,
dément, mort interné; mère atteinte de troubles car-
diaques et de goitre exophtalmique probable.
II. Nous avons à faire à un cas d'idiotie morale caractérisée
par la perversion de l'instinct de véracité, et de l'instinct de
propriété (mensonges et vols).
' ce sujet, il nous revient à la mémoire le cas d'un garçon que sa
mère, sous le coup d'un sentiment maternel au moins exagéré, prenait
avec elle dans son lit, serrait contre sa poitrine, les jambes enlacées ;
lui permettant même des caresses dangereuses. Cet enfant, qui était éga-
lement un idiot moral, est devenu un onaniste effréné. Cette intimité
dura jusqu'au moment où le jeune malade nous fut confié ; il avait alors
seize ans. Il devenait par trop dangereux, mais 11 qui la faute ?
424 recueil DE faits.
III. Il est à croire que s'il n'y a pas eu de mensonge
absolu, imaginé de toute pièce, au sujet du viol dont elle a
porté plainte, il y a eu, pour ainsi dire, interprétation cons-
ciemment fausse de faits peu répréhensibles en eux-mêmes,
et exagérations voulues dans le but de porter tort à son
père. Le père avoue qu'il'eut, une nuit d'hiver, l'imprudence
de la coucher un quart d'heure avec lui pour la réchauffer.
Peut-être y a-t-il eu d'autres imprudences, peut-être le père
n'a pas eu devant sa fille, soit dans sa toilette, soit dans ses
rapports avec sa maîtresse, la retenue et la pudeur qu'il
aurait dû avoir'. Nous pouvons même aller jusqu'à supposer
qu'il y a eu attouchements réciproques, ce qui expliquerait
les détails donnés sur la grosseur de la verge en érection,
mais il n'a pas pu y avoir rapports complets, pendant trois
ans, comme Albertine se plaît à le dire, puisque la visite
faite par le D1' D..., le D'' Chaslin et nous-même, a constaté
l'intégrité de l'hymen.
IV. La genèse de ce mensonge monstrueux peut s'expli-
quer d'abord par l'imprudence du père, qui, comme cela se
passe si souvent dans les ménages ne possédant qu'une seule
chambre, ne se gêne pas assez devant sa fille; ensuite parce
que l'enfant voit ou apprend dans les ateliers, où elle entend
dire, entre autres choses, qu'une apprentie « couche » avec
son père; enfin par l'intervention de ces voisines, qui, ins-
pirées par la haine qu'elles ont vouée au père, ont pu, volon-
tairement ou non, suggérer l'idée de l'accusation.
V. Ne devons-nous pas faire constater une fois de plus, le
danger qu'il y a d'accepter trop à la lettre un témoignage
d'enfant ? Car enfin que serait-il arrivé si Albertine, dans une
de ses fugues, ou simplement dans ses fréquentations d'ate-
lier avait eu, comme cela arrive trop souvent, des rapports
complets avec un autre homme ? On aurait certainement cru
sur parole la malheureuse.
VI. Quoiqu'il en soit, sous l'influence du traitement
médico-pédagogique, T... s'est notablement améliorée. Elle
1 La maîtresse, alcrs, Alice M.... devenue femme G..., était une hys-
térique que nous avons observée naguère à la Salpêtriere dans le service
de M. Charcot et dont nous avions soigné la soeur Dina M... dans le
service de M. Delasiauve, Leur mère, alcoolique, est morte de tubercu-
lose. Alice était devenue elle-même alcoolique et vivait de la prostitution.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 425
avait manifesté le désir de devenir infirmière 1. Nos tenta-
tives, dans ce but, ayant échoué, nous avons pu, par l'inter-
médiaire de la surveillante, la placer comme domestique
dans une famille de la commune où elle s'est parfaitement
conduite jusqu'ici.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XV. De la paralysie bilatérale du nerf facial (diplégie faciale) ;
par A.-M. Liewkowsky (Obozrénié psiâttat1'ii, V, 1900).
Deux observations accompagnées de figures témoignent d'une
paralysie totale du facial des deux côtés, consécutive à une névrite
infectieuse exclusivement localisée à ce nerf. A la lumière des
documents bibliographiques l'auteur en étudie le diagnostic diffé-
rentiel, la localisation, l'étiologie. Il arrive à établir que la fièvre
typhoïde récurrente fut pour le premier malade l'origine de l'af-
fection, conformément aux opinions de Gowers, Grasset et Hauzier
Menke, Bernhardt, La malaria était la cause de la diplégie faciale
du second malade, suivant les données de Gowers et de Kliatsch-
kine. . P. KERAVAL.
1
XVI. Deux formes rares du tic facial; par W.-M. Bechterew
(Obo : ;1'énié psir : 1dal1'ii, V, 1900).
Il s'agit d'un tic moqueur et d'un tic renifleur. Dans le tic 1/11),
queur tous les muscles de la physionomie qui agissent simultané-
ment pour donner à la face l'expression du sourire ou du rire se
contractent malgré les malades. Les deux observations de l'auteur
concernent un tic bilatéral de ce genre chez des gens intelligents :
ils n'en avaient pas conscience, car la mimique en question n'était
ni accompagnée, ni précédée de l'état d'esprit en relation avec le
rire réel. Exagéré par les émotions et toutes les circonstances qui
excitent les systèmes nerveux, ce tic diminue quand on distrait
l'attention du patient. Celui-ci finit en effet par s'apercevoir qu'il
' Nous avons eu l'occasion de faire suivre les cours de l'écoled'inlir-
merie de Bicêtre, à des jeunes filles améliorées, afin de les mettre en
situation de gagner leur vie à leur sortie de la Fondation. On a voulu
tenter le même essai avec le nouveau directeur de l'Assistance publique,
M. Napias, qui, sans doute. mal renseigné, a refusé. Il était pourtant
tout naturel que le chef de l'administration contribuât à l'oeuvre de
patronage sollicité par le médecin.
42G 6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
apparaît juste au moment où il a le plus besoin de son sérieux
dans les entretiens graves, et il en est péniblement affecté.'
Causes inconnues. Constatation de tares héréditaires. Le tic de
reniflement est constitué par une aspiration nasale bruyante sem-
blable à celle. que font les priseurs ou ceux qui, au lieu de se mou-
cher, vident ainsi leurs fosses nasales des mucosités qui les,encom-
brent. Deux observations. Dans la première, le tic est unilatéral ;
il s'agit d'un homme très intelligent, occupant une situation sociale
élevée. De temps à autre, la joue droite est vivement tirée en
arrière et en haut et s'en vient boucher l'oeil droit ; à ce moment
les lèvres sont, surtout la lèvre supérieure, serrées, puis allongées
et même vivement déplacées sur la droite. Il en résulte que la
narine droite est bouchée tandis que la narine gauche est plus ou-
verte que normalement. Simultanément, violent mouvement d'ins-
piration, ou plutôt de reniflement d'air par la narine droite : la
colonne d'air aspirée ainsi agite le voile du palais et produit le
bruit connu. Ce tic. plus fréquent quand le sujet est ému, est extrê-
mement pénible parce qu'il se manifeste au cours d'entretiens
sérieux, dans le monde, et est fort remarqué. Causes : hérédité
nerveuse, coryza chronique. La seconde observation a trait à une
jeune idiote de dix ans, issue d'une famille de névropathes,
indemne de paralysie ou de symptô nés de lésions en foyer. A la
suite de l'administration de Kl, elle ne cesse de faire un mouve-
ment caractérisé par l'allongement avec élévation des lèvres, sur-
tout de la lèvre supérieure, qui bouchent légèrement les narines ; les
deux joues sont aussi un peu entraînées en arrière, le nez est
froncé : tout cela s'accompagne d'un reniflement très accentué. Au
moment où on l'examine, il n'existe plus désigne de coryza aigu.
Le tic dura trois mois environ et ne cessa que-par l'administration
de UrOI11'll'CS : il récidiva bien ultérieurement, mais ce ne fut que
pour peu de temps. , P. KERIVAL.
XVII. Névrose dans la région du plexus cervical et brachial consé-
cutive à une dent malade ; par Fr. Hesse. (Nelcrolog. Cenll'llllil.,
XIX, 1900.)
Une demoiselle de vingt ans, d'excellente constitution, jusque-là
très bien portante, raconte qu'il y a huit mois, sa première molaire
inférieure droite a mordu sur un grain de plomb ; sans être extrê-
mement douloureuse, elle la taquine. Dans les premiers instants
qui ont suivi l'incident, le maxillaire inférieur ne lui a pas fait
mal, mais quelque temps après, des douleurs se sont installées
dans les deux mâchoires ; elles ont progressé au point de lui enle-
ver tout sommeil. Endolorissement égal des deux maxillaires du
côté droit, s'étendant en avant jusqu'à la ligne médiane, et en
arrière à l'occiput; de là, la douleur, très violente, gagne l'épaule
droite, la poitrine et le bras. En outre, accès névralgiques de fré-
HEVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 427 7
quence, durée, intensité variables (demi-heure à quatre heures),
ayant pour causes occasionnelles des émotions morales, des bois-
sons chaudes ou froides, la marche, une secousse matérielle. Il y
a six mois, il s'est produit une paralysie du bras droit qui en a
presque absolument supprimé l'usage. Il s'agit simplement d'une
dent cariée, on l'enlève et l'on trouve la pulpe gangrenée, une
légère périostite des racines. Isu trois semaines, tous les accidents
disparaissent, sauf de temps à autre quelque sensibilité des parties
affectées. P. Keraval.
XVIII. Un cas d'herpès zoster, suivi d'atrophie musculaire; par
\\'ilUelul Mlacus. (Norsk 111gaziii foi, Lxvitleis Kobeii, iio 5, 1902.)
Une quinzaine environ après l'apparition d'un herpès zoster
limité au bord ulnaire de l'avant-bras droit, l'atrophie se déclara
dans les muscles suivants : infraspinosus, deltoïdeus, triceps, supi-
wator longlls, flexcurs des doigts, palmaire du pouce et de l'ar-
ticulaire. Les muscles atrophiés fournissaient la réaction de la
dégénérescence. Après quelques mois de traitement, l'atrophie
disparut, sauf dans les petits muscles de la main.
L'auteur admet, que le même virus qui avait produit l'herpès
zoster, s'est localisé dans le premier ganglion dorso-spinal et ainsi
affecté la substance grise de la moelle, comme dans une poliomyé-
lite bénigne.
XIX. Contribution à l'étude de la paralysie isolée du muscle grand
dentelé; par A. Souques et J. Castaigne. (Nouv. Icolaogr. de la
Sulpéfière, n° 3, 1899.)
Cette affection tellement rare que, en 18415, Lewinski n'en tenait
pour inattaquable qu'un seul cas et que tout récemment Barriero
n'en retenait définitivement que seize cas dans l'histoire de la mé-
decine, a été obseivée dans un nouveau cas remarquable par son
étiologie (fièvre typhoïde) et par la netteté de sa symptomatologie
dont les auteurs donnent une description complète. H. C.
XX. Etude sur les troubles objectifs des sensibilités superficielles
dans le tabès; par A. Biche et de Gothard. (Nouv. lconorr. de
la Salpélrière, nos 4 et 5, 1899.)
L'étude des troubles sensitifs dans le tabes est toujours difficile,
en raison de l'extrême variabilité qu'ils présentent, mais celle dif-
ficulté est grande surtout pour les troubles objectifs et il en résulte
que, si l'on sait que dans le tabes les anesthésies, analgésies, ralen-
tissements de perceptions, etc., sont très fréquents, on ignore les
rapports qu'ils affectent avec les périodes d'évolution de la mala-
die, leur mode de distribution, leurs lieux d'élection, comme on
ignore également les analogies qui peuvent exister entre ces trou-
bles sensitifs érotiques et ceux qui dépendent de lésions nerveuses
l¡i8 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
périphériques ou centrales. Les auteurs ont cherché à élucider ces
divers points dans une série d'observations détaillées et accompa-
gnées de schémas très judicieux. Leurs investigations, qui ont porté
sur toutes les variétés d'anesthésie,d'hypo et d'hyperesthésie super,
ticielles, les ont conduits aux conclusions'suivantes : A. les troubles
objectifs de la sensibilité se traduisent chez les tabétiques par des
anesthésies, des hyperesthésies portant l'empreinte d'un triple ca-
ractère : polymorphisme, dissociation, tendance et la disposition seg-
mmtai1'e; B. si leur valeur diagnostique est d'importance secondaire
elle n'est cependant pas négligeable et leur constatation sera utile
dans bien des cas; C. la disposition de ces troubles montre qu'ils
sont sous la dépendance, sinon exclusive, du moins prépondérante
de lésions intra-spinales du tabes. R. C.
XXI. Note sur deux tics du pied; par RAYMOND et Jai\Er. (Nouv.
- lconogr. de la Salpêtrière, n° 5, 1899.)
Deux cas de tic par automatisme psychologique, remarquables
par leur localisation peu fréquente et guéris par la gymnastique
méthodique de l'attention. ' 0 IL C.
XXII. Sur les atrophies musculaires progressives d'origine myélopa-
thique ; par G. ET1E¡O;NE. (Nouv. lcoaogr. de la Salpêtrière, n° 5,
1899).
Le tableau classique de cette affection (maladie de Duchenne-
Aran) est caractérisé par : a. son début habituel par l'extrémité
des membres supérieurs (petits muscles de la main droite) ;
b. l'existence de contractions fibrillaires ; c. la réaction de dégéné-
rescence ; d. l'absence d'hérédité; c. le début au delà de l'adoles-
cence ; f. l'évolution chronique en quatre ou cinq ans. L'auteur
rapporte une série de six observations cliniques dont plusieurs
avec autopsie et examen anatomo-pathologique dans lesquelles il
a noté comme anomalies : a. la rapidité de l'évolution ; b. la pré-
cocité du début; c. les modes du début; d. l'adjonction d'arthro-
pallies ; e. la présence d'hérédité. Et cependant, malgré ces va-
riantes, ces observations conservent « un air de famille qui, mieux
« que toute autre base, constitue un groupe clinique bien défini »
et qui, quel que soit l'apport ajouté par la syringomyélie ou d'autres
lésions médullaires, renferme l'ensemble décrit par Duchenne et
Aran et rattaché à la lésion bien connue des grosses cellules des
cornes antérieures. « Il existe donc, conclut l'auteur, une série
morbide constituée par l'atrophie musculaire myélopathique pro-
gressive, la paralysie labio-glosso-laryngée progressive, l'ophtal-
moplégie nucléaire progressive, trois termes caractérisés anatomo-
pathologiquement par la même lésion du même appareil nerveux
pris en des étages différents pouvant se succéder par extension ou
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 42'J 9
pouvant exister isolément ; ce sont trois localisations d'un même
processus, mais, au point de vue général, ils constituent une seule
maladie. »
XXIII. Amyotrophie double du type scapulo-huméral consécutive à
un traumatisme unilatéral extra-articulaire; par G. GCILLAI : 'i.'
(Noua. lconor. de la Salpêtrière, n° 5, 1899.)
Si les cas d'amyotrophie succédant à une lésion articulaire, à
une arthropathie infectieuse ou à un traumatisme articulaire sont
relativement fréquents, ceux qui surviennent à la suite d'un trau-
matisme extra-articulaire, peuvent être considérés comme très
rares. Dans l'observation que rapporte l'auteur, il parait bien qne
l'atrophie musculaire double scapulo-humérale ne reconnaît pas
d'autre cause qu'une contusion du bras droit. Action réflexe inté-
ressante par elle-même et surtout par le phénomène de symétrie
qui l'accompagne. it. C.
\yin. Acromégalie et dégénérescence mentale; par F. Farnarier.
(Nous. lconogr. de la Salpêliière, n° 5, 1899.)
Une observation personnelle suivie d'une revue des cas analogues
signalés par d'autres auteurs, desquelles il ressort que : les mala-
dies nerveuses et mentales sont fréquentes dans les familles d'a-
cromégaliques, les malades eux-mêmes présentent souvent des
manifestations de l'état de dégénérescence allant de l'affaiblisse-
ment intellectuel jusqu'à la démence complète, de la dépression
mélancolique jusqu'aux idées systématisées de persécution, depuis
des stigmates physiques bénins jusqu'à la microcéphalie avec idio-
tie, qu'on rencontre des associations acro hystériques et acro-épi-
leptiques et quelquefois le diabète. ' R. C.
XXV. Un cas d'hémianopsie hystérique transitoire ; par M. P. Janet
(Presse médicale, 25 octobre 1899).
M. Janet rapporte l'observation très intéressante d'une hysté-
rique, âgée de quarante-deux ans, qui a présenté depuis l'âge de
seize ans presque tous les accidents de la névrose et à qui il a été
appelé à donner ses soins à l'occasion de troubles nerveux parti-
culièrement pénibles (douleurs, troubles de la motilité et de la
sensibilité localisés surtout au côté gauche) survenus à la suite
d'émotions. Cette malade était atteinte d'amaurose de l'oeil
gauche ; cet accident remontait à plus de dix ans; il s'était mani-
festé à la suite d'une attaque avortée provoquée par une émotion;
la malade l'avait constaté par hasard en se mettant un bandeau
sur l'oeil droit ; elle le croyait irréparable, un oculiste lui ayant
affirmé que le nerf optique était atrophié. L'auteur n'eut pas de
peine à se rendre compte de la nature hystérique de ce phéno-
mène ; en effet, d'une part, l'examen du fond de l'oeil permettait
430 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
de mettre en doute l'atrophie du nerf optique, et, d'autre part, le
réflexe lumineux était conservé et il était possible de répéter sur
la malade diverses expériences faites sur l'amaurose unilatérale
des hystériques ; c'est ainsi que, les deux yeux étant ouverts, et
la malade prétendant ne rien voir de l'oeil droit, si on appuyait
avec l'ongle au-dessous de l'oeil droit de manière à déplacer l'axe
visuel de cet organe, elle voyait deux objets au lieu d'un. Depuis
l'apparition de cet accident, la perte de la vision s'était étendue à
l'oeil droit, à deux reprises, à la suite d'émotions, et la malade
était restée complètement aveugle, pendant douze jours, une fois,
pendant sept jours, l'autre fois. Lors de l'examen fait par M. Janet,
l'oeil droit était absolument normal.
L'auteur a mis en oeuvre, contre cette amaurose, divers procé-
dés de psychothérapie, renforcés par des manoeuvres telles que
des attouchements et un massage léger des paupières. Le retour
de la sensibilité a été annoncé par de vives souffrances. A la suite
de la première séance d'exercices thérapeutiques, la malade put
distinguer le jour et l'obscurité ; à la troisième séance, la vue fut
plus nette et permit de reconnaître les objets. Mais, en même
temps, se produisit une Iléiiiiaiiopzie homonyme du côté gauche ;
celle-ci ne dura pas longtemps ; trois jours après, l'amaurose avait
reparu. Lors des séances ultérieures, l'hémianopsie se reproduisit,
mais la vision s'étendit du côté gauche progressivement; seule-
ment, la portion du champ visuel située à gauche de la ligne mé-
diane, resta extrêmement obscure ; la vision y était très affaiblie.
Si on excitait trop vivement la vision de l'oeil droit, son champ
visuel s'élargissait, mais celui de l'oeil gauche diminuait. L'auteur
a pu ainsi constater toutes sortes de formes curieuses du champ
visuel qui se modifiait à mesure que la vision faisait des progrès,
jusqu'àce que les deux champs visuels aient pu être rétablis d'une
manière à peu près complète. Malheureusement, ce rétablissement
de la vision supprimée depuis plus de dix ans reste extrêmement
fragile et il suffit de la plus légère émotion pour faire retomber la
malade dans son état antérieur.
Cette substitution de l'hémianopsie gauche à l'amaurose unila-
térale de l'oeil gauche, constitue un fait d'équivalence hystérique;
les choses se sont passées, en effet, comme si la sensibilité restait
au total la même et se répartissait différemment. Ce phénomène
indique une disposition il la division des champs visuels, à la
vision hémiopique, qui'se manifeste dès qu'on change l'équilibre
des champs de la vision. Mais M. Janet n'est pas en mesure de dire
si, dans tous les cas d'amaurose hystérique, le retour de la vision
comprend, comme dans le fait qu'il a observé, une période d'hé-
mianopsie. Il ne 'croit même pas pouvoir alfirmer d'une façon
absolue, que chez sa malade l'hémianopsie ne s'est pas produite
par suggestion. A. Fenayrou.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 431 1
XX VI. Le diagnostic différentiel de la maladie des tics et de la
chorée de Sydenham ; par M. C. Onuo (Presse ? «e[<«.<t/(;, 30 sep-
tembre 1899).
L'exaspération habituelle de la maladie des tics à l'àge de prédi-
lection de la chorée fait que ces deux affections sont assez fré-
quemment confondues ; il existe cependant une série de signes qui i
permettent de les distinguer : l'auteur les expose en détail dans : on travail et les résume dans le tableau suivant :
1t3' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
muns, dont le diagnostic est facile il est des faits complexes dans
lesquels le diagnostic reste hésitant, car ils empruntent leurs
caractères à la fois à la chorée et à la maladie des tics : ce sont ces
faits que M. Biissaud a groupés récemment en leur donnant le
nom de chorée variable des dégénérés. A. FENAYROU.
XXVII. L'hémichorée arythmique hystérique; par ml. G. CARRIÈRE
et Hurcma (Presse médicale, 4 octobre 1899).
On n'a publié jusqu'ici qu'un petit nombre d'observations d'hé-
michorée arythmique hystérique. Les auteurs en rapportent un
cas qu'ils ont observé et qui a guéri grâce à un traitement dont la
suggestion constituait l'élément principal. Ils estiment que l'exis-
tence de cette affection ne saurait être mise en doute ; d'après
eux, il est vraisemblable que, si on examinait attentivement tous
les cas de chorée, le nombre des observations d'hémichorée
arylilmique hystérique augmenterait rapidement, car, sans être
absolu, on peut affirmer que la chorée a des liens très étroits avec
l'hystérie dans un grand nombre de cas. A. Fenayrou.
XXVIII. Troubles nerveux secondaires portant sur les fonctions de
la nutrition ; par M. le professeur Hayeu (Revue médicale,
20 août 1899). -
Il n'est pas rare d'observer des malades présentant des troubles
nerveux secondaires à des âastropatbies ; ces troubles occupent
parfois dans le tableau clinique une place si prépondérante, que,
contrairement à ce qui existe en réalité, ils sont considérés comme
primitifs et que le diagnostic porté est celui de neurasthénie. Ces
désordres nerveux ont leur origine, soit dans les centres supé-
rieurs, soit dans ceux de la vie végétative. Ceux qui relèvent des
centres de la vie végétative constituent, dans certains cas, un en-
semble symptomatique, désigné par M Hayem sous le nom de
tropho-asthénie et comprenant les éléments suivants : amaigrisse-
ment, malgré la conservation de l'appétit ; modifications dans la
constitution des urines, telles que azoturie, phosphaturie, ou
diminution des éliminations effectuées par cette voie ; troubles de
la calorification (sensibilité insolite au froid ; refroidissement et
cyanose des extrémités ; abaissement notable de la température
centrale qui est en même temps inversée, le degré thermique s'éle-
vant pendant la nuit et s'abaissant pendant le jour; différence de
température matinale et vespérale plus forte que de coutume et
pouvant atteindre 1 degré) ; troubles circulatoires (pouls faible,
dépressible, tantôt ralenti, tantôt accéléré ; tachycardie de posi-
tion, le moindre mouvement produisant une accélération de 20 à
30 pulsations par minute), respiration faible, dyspnée facile,
parésie du tube digestif (dilatation gastrique par atonie ; constipa-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 433
tion). En somme, cet état est caractérisé par une sorte d'affaiblis-
sement général de la vie végétative. Souvent il s'accompagne de
fatigue générale, d'asthénie des muscles du squelette, d'inaptitude
au travail, ou- encore il se combine à des troubles nerveux prove-
nant des centres supérieurs (douleurs névralgiformes diverses,
insomnies, idées hypochondriaques). Cette tropho-asthénie se ren-
contre surtout, mais non d'une façon exclusive, chez des jeunes'
gens des deux sexes, de race dégénérée, ayant subi une mauvaise
hygiène générale au moment d'une croissance rapide. Elle com-
porte un pronostic assez sérieux à cause surtout de sa longue
durée ; elle peut cependant guérir. Le traitement consiste dans le
repos au lit, jusqu'à ce que la température redevienne normale, la
réglementation de l'alimentation et une cure gastrique, si elle est
nécessaire, la faradisation généralisée, des douches écossaises,
puis froides, et, plus tard, un séjour prolongé au grand air et des
exercices progressifs. A. Fenayrou.
XXIX. La méningite cérébro-spinale épidémique ; par P. M. Sikora
(Presse médicale, 23 août 1899).
De cette étude nous ne retiendrons que les points suivants :
L'auteur admet avec M. Netter que la contagion de la méningite
cérébro-spinale épidémique est rare, en tant que contagion
directe ; l'affection se transmet surtout par les locaux et les objets
ayant servi aux malades ; le microbe pathogène étant inclus dans
les cavités crâniennes et rachidiennes, on comprend qu'il ne puisse
pas se propager facilement. La nature du germe pathogène de
cette affection n'a pas encore été établie avec certitude ; parmi
les divers microbes auxquels on a attribué cette maladie, il faut t
mentionner spécialement, en outre, du pneumocoque,' le ménin-
gocoque de Weichselbaum, que M. Netter, après l'avoir regardé
comme une transformation du pneumocoque, tend- actuellement
à considérer comme une espèce microbienne distincte. M. Sikora
recommande la ponction lombaire comme le meilleur moyen de
diagnostic de celte affection ; grâce à cette opération, inoffensive
si elle est pratiquée prudemment, il est possible de faire des ense-
mensements avec le pus et, ensuite, d'étudier et d'inoculer les
microbes qui se sont développés. A. Fenayrou.
XXX. Lésion traumatique des nerfs de la queue de cheval et du
cône terminal; par le Dr Souques. (Revue neurologique, dé-
cembre 1899.)
Il s'agit, dans l'intéressante observation communiquée par l'au-
teur à la Société de Neurologie, d'une fracture indirecte de la
première vertèbre lombaire avec luxation probable, causée par
une chute sur les pieds ou sur le siège. '
Archives, 2e série, t. XIV. 28
434 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Cette fracture a amené une compression du cône terminal et
des racines du plexus sacré, soit par un fragment osseux, soit par
une hémorragie immédiate. Seules la 5° paire lombaire et les
li racines sacrées sont intéressées, et la lésion porte plus sur les
racines postérieures que sur les antérieures. E. B.
XXXI. Note pour servir à l'étude des analgésies tabétiques. Insen-
sibilité des globes oculaires à la pression; par MM. A DA DIE et
Rocher. (Revue neurologique, décembre 1899.)
Les analgésies viscérales forment un chapitre des plus intéres-
sants de la pathologie du tabes.
Des ces analgésies viscérales les auteurs rapprochent un symp-
tôme qu'ils ont observé, à maintes reprises, chez plusieurs tabé-
tiques, l'insensibilité complète des globes oculaires à la pression.
Chez 25 tabétiques, la sensibilité oculaire a été trouvée normale
12 fois, perturbée 13 fois ; il y avait analgésie dans 8 cas.
La grande fréquence des analgésies viscérales dans le tabes fait
que l'analgésie oculaire se montre rarement seule, 2 fois sur 2 : j,
dans les observations des auteurs. -
S'il est vraisemblable que l'analgésie oculaire puisse se rencon-
trer dans d'autres affections que le tabès, elle n'en vient pas
moins se joindre aux autres symptômes oculaires pour préciser la
séméiologie de l'organe de la vision dans le tabès. E. B.
XXXII. Note sur l'hystérie droite et sur l'hystérie gauche ; par le
P RAYMOND et le 1)' Janet. (Revue neurologique, décembre
1899.)
Briquet disait que les hystériques gauches étaient beaucoup
plus nombreux que les droits et que l'on rencontrait trois anes-
thésies du côté gauche pour une du côté droit.
La statistique des auteurs, portant sur 388 observations, montre
que les hystéries droites sont plus nombreuses qu'on ne le pensait
et que tout au plus on pourrait dire : trois anesthésies à gauche
et deux à droite. '
De plus, cette statistique montre une prédominance énorme des
troubles de la parole chez les hystériques atteints d'accidents du
côté droit, ainsi que cela est connu pour les aphasies organiques.
Enfin, tandis que tous les autres symptômes sont à peu près au
même nombre dans l'hystérie gauche et dans l'hystérie droite, il
est surprenant de voir que les troubles respiratoires, la polypnée,
le hoquet, la toux, le lire, etc., qui constituent des accidents
fort fréquents et fort curieux de l'hystérie, se présentent avec une
prédominance marquée dans le groupe des hystéries droites.
Si ce résultat se confirmait, on pourrait peut-être remarquer
qu'il s'explique par un certain rapport entre les fonctions de la
respiration et les fonctions du langage. E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE' 435
XXXIII. Les troubles de la sensibilité dans le tabes ; par les
Drs Frenkel et Foersler. (Revue neurologique, novembre 1899.)
Résumé et conclusions du travail publié par les auteurs dans les
Archives de psychiatrie et neurologie de Westphal.
1° Des troubles de la sensibilité sont un symptôme constant
dans le tabes. 2° Ils comprennent la sensibilité cutanée et la
sensibilité profonde articulaire et musculaire. 3° Parmi les
troubles de la sensibilité cutanée, ceux du toucher sont constants.
4° Les troubles de la sensibilité se trouvent d'une façon cons-
tante au tronc et peuvent être considérés comme un signe initial
du tabes. 5° Des troubles de la sensibilité aux membres supé-
rieurs sont la règle dans le cours du tabes ordinaire. G° Aux
membres inférieurs, les troubles de la sensibilité cutanée sont
exceptionnels dans la période préataxique ; ils sont la règle dans
l'état ataxique. 7° Il résulte des observations des auteurs une
loi générale qui ne subit que de rares exceptions, à savoir que les
différentes régions de la peau atteinte des troubles de la sensibilité
chez le même malade sont séparées par des régions normales.
Cela prouve que le processus morbide dans le tabes est disconti-
"nuel et multiloculaire. E. B.
XXXIV. Contribution à l'étude des paraplégies obstétricales ; par
MM. G. Ballet et Bernard. (Revue neurologique, novembre
1899.)
Les auteurs estiment qu'il faut reconnaître quatre catégories de
paraplégies consécutives à l'accouchement (abstraction faite des
impotences fonctionnelles dues à des disjonctions symphysaires,
et que par opposition aux paraplégies vraies, on a parfois nom-
mées pseudo-paraplégies) :
1° Des paraplégies symptomatiques d'une polynévrite infectieuse
ou toxique, survenant chez des femmes atteintes d'infection puer
pérale ou albuminuriques. 2° Des paraplégies nettement trau-
matiques, dues à la compression nerveuse seule, et dont l'obser-
vation citée est une démonstration. 3° Des paraplégies
occasionnées par le traumatisme, mais déterminées par une
infection ou une intoxication concomitante. 4° Des paraplégies
hystériques. ' E. B.
XXXV. De l'asynergie cérébelleuse ; par le Dr Babinski. (Revue neu-
1'alogique, novembre 1899.)
L'auteur, dans un mémoire du plus haut intérêt clinique, décrit
pour la première fois une forme de troubles de motihté dont la
cause anatomique est une lésion cérébelleuse, et qui dépend d'une
perturbation de la faculté d'association des mouvements, la sy-
nergie musculaire : en raison de son origine, il désigne cette
43C REVUE DE pathologie NERVEUSE.
perturbation sous la' dénomination d'asynergie cérébelleuse.
L'attitude du premier malade observé, quand il cherche à mar-
cher, a un aspect tout à fait spécial : la partie supérieure du corps
ne suit pas le mouvement du membre inférieur et reste en arrière.
. M. Babinski pense que ce phénomène est pathognomonique d'une
perturbation dans les fonctions cérébelleuses, et c'est en se fondai) t
sur ce caractère qu'il a pu porter pendant la vie le diagnostic,
confirmé par la nécropsie, d'affection cérébelleuse chez le malade
qui fait le sujet de l'observation II.
Pour bien comprendre la signification de ce phénomène, il faut
se rappeler que l'acte complexe de la marche se compose de deux
ordres principaux de mouvements donnant lieu, l'un au soulève-
ment du pied au-dessus du col et à sa translation, l'autre à la
translation du reste du corps. L'exécution, normale de la marche
implique l'intégrité des muscles qui opèrent ces mouvements et la
synergie entre ces deux ordres de mouvements.
En résumé, d'une part, les lésions cérébelleuses sont capables
de provoquer, dans le domaine de la motilité, entre les symp-
tômes depuis longtemps bien décrits, d'autres phénomènes clini-
ques qui peuvent contribuer à établir le diagnostic, et, d'autre
part, les troubles de motilité engendrés par une altération du
cervelet dépendent, au moins en partie, de l'asynergie musculaire.
E. B.
XXXVI. Un cas de syringomyélie. Main de prédicateur. Troubles
oculaires. Anesthésie segmentaire ; par le Du' BOUCIIAUD. (Revue
neurologique, novembre 1899.)
Observation de syringomyélie avec paralysie et atrophie des
muscles de la main gauche, paralysie du muscle orbito-palpébrat'
gauche, exagération des réflexes tendineux, diminution de la
sensibilité aux bras et avant-bras, plus prononcée au bord interne-
qu'au bord externe; enfin, abolition de la sensibilité à l'extrémité z
des doigts et au bord interne de la main.
L'auteur, dans une intéressante discussion, montre qu'une alté-
ration de la corne antérieure gauche de la moelle, à la partie
inférieure de la région cervicale, où prennent naissance les fibres
de la première racine dorsale et de la huitième racine cervicale,
rend compte de la paralysie et de l'atrophie des muscles de la
main et des fléchisseurs de la main et des doigts. Le syndrome
oculo-palpébral peut être occasionné par la même lésion, puisque
le grand sympathique, qui se-rend à la région de l'oeil, a son
origine en ce point où est le siège du centre cilio-spinal. L'exagé-
ration des réflexes tendineux dans les membres inférieurs, se
comprend si on admet que la lésion de la substance grise s'est
étendue au cordon latéral.
La diminution ou l'abolition de tous les modes de la sensibilité,
revue DE pathologie nerveuse. 437 Î
au lieu de la dissociation syringomyélique, indiquent que les
cordons postérieurs ont été envahis. Enfin, la diminution de la
sensibilité au bras et à l'avant-bras, plus prononcée au bord
interne qu'au côté externe du membre, fait supposer que la lésion
s'est propagée aux racines du plexus brachial et plus aux infé-
rieures qu'aux supérieures.
Quant à l'abolition de la sensibilité à l'extrémité des doigts et
dans la moitié interne de la main, la théorie du métamérisme de
M. Brissaud parait seule capable de faire comprendre cette locali-
sation singulière, E. B.
XXXVII. Syphilis cérébrale sept mois après l'accident primitif.
Oblitération de la sylvienne gauche, mort en trois jours. Consi-
dérations sur l'évolution clinique des lésions cérébrales préco-
ces de nature artérielle au cours de la syphilis et sur le temps
nécessaire à la production d'un ramollissement ; par le Dr CHAR-
vET. (Revue neurologique, décembre 1899.)
Il s'agit d'une femme de vingt-deux ans, ayant présenté son
accident' primitif en août 1896, et qui, après des accidents secon-
daires multiples et prolongés, fut atteinte le 5 février 1897 d'un
ictus incomplet avec gêne de la parole, se transformant le lende-
main en hémiplégie droite complète avec aphasie : mort au bout
de trois jours dans le coma avec fièvre.
A l'autopsie, rien du côté des os du crâne et des méninges, léger
épaississement des vaisseaux de l'hexagone. Noyau dur siégeant
au point d'origine de la cérébrale antérieure et de la sylvienne
gauche, ayant déterminé l'oblitération de cette dernière.
Infiltration de cellules rondes et fusiformes, surtout sous la pie-
mère et autour des vaisseaux de celle-ci; début de réaction d'en-
céphalite, surtout autour des artérioles et des capillaires de la
substance cérébrale, mais aucune des altérations décrites comme
caractéristiques du ramollissement, et surtout, pas de corpuscules
de Glüge, pas de début de transformation graisseuse au sein des
grandes cellules pyramidales.
Cette observation met en relief deux faits intéressants :
1° Au point de vue clinique, l'apparition en pleine période
secondaire d'une petite'gomme artérielle ayant entraîné l'oblitéra-
tion de la sylvienne et ayant déterminé sans prodromes un coma
' brusque avec hémiplégie droite, aphasie, phénomènes de décubi-
tus acutus et mort rapide.
2° Au point de vue anatomo-pathologique, l'existence d'une
méningo-encéphalite en évolution et l'absence de ramollissement
constatable à l'oeil nu ou au microscope, au niveau des régions
irriguées par la sylvienne oblitérée, la mort étant survenue cepen-
dant trois jours après le début des accidents, fait qui vient con-
A 4
438 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1
tredire les résultats des expériences antérieures sur le temps
nécessaire à la production d'un ramollissement. E. B.
XXXVIII. Un cas de paralysie faciale d'origine périphérique com-
binée avec une paralysie du nerf oculo-moteur. externe du même
côté; par Lad. IIASEOVER. (Revue neurologique, octobre 1899.)
Il s'agit d'une femme de trente ans, bien portante qui, trois
semaines après avoir accouché, ressentit tout à coup des douleurs
vives dans l'oeil droit et observa le lendemain que sa bouche était
oblique et sa face tuméfiée ; il y avait en outre de la diplopie.
Pas d'autre lésion. On se trouve en présence d'une paralysie faciale
périphérique, due sans doute à un processus névritique en rapport
avec la puerpéralité. E. B.
XXXIX. Note sur un cas de plaie de la région parotidienne avec
troubles dans le territoire de la branche externe du spinal :
parle Dr Batigne. (Revue neurologique, octobre 1899.)
Il s'agit d'un homme de vingt-neuf ans qui reçut un coup de
couteau en arrière de la branche montante droite de la mâchoire,
à égale distance du lobule de l'oreille et de l'angle du maxillaire.
La glande parotide fut légèrement intéressée ainsi que la bran-
che auriculaire du plexus cervical ; mais le fait le plus intéressant
consiste dans les troubles moteurs, rarement signalés en pareil
cas et occupant le domaine de distribution de la branche externe
du spinal. E. B.
XL. Contribution à l'étude de l'état et du développement des cel-
lules nerveuses de l'écorce cérébrale chez quelques vertébrés
nouveau-nés ; par le D1' Serge SOCKUANOFF. (Revue neurologique,
septembre 1899.)
Les cellules nerveuses de l'écorce cérébrale de différents verté-
brés nouveau-nés présentent beaucoup de variétés.
D'un côté, les cellules corticales chez certains mammifères nou-
veau-nés (chaton, petit lapin) sont peu développées en général et
se trouvent en grande partie en état embryonnaire ; d'un autre
côté, la structure de l'écorce cérébrale du cobaye nouveau-né
diffère très peu de celle d'un cobaye adulte normal.
Quant à la structure de l'écorce cérébrale des oiseaux nouveau-
nés, il est à remarquer qu'ici aussi il existe un phénomène ana-
logue, à savoir : les cellules corticales chez les choucas nouveau-
nés se caractérisent par un état embryonnaire très marqué ; mais
la structure de l'écorce cérébrale d'un poulet, qui vient de sortir
de l'oeuf, diffère très peu de la structure d'une poule adulte.
E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439
XLI. Syndrome de Brown-Séquard avec début d'amyotrophie
Aran-Ducheune et troubles pupillaires au cours d'une méningo-
myélite syphilitique ; par le Dr SCIIERB. (Revue neurologique,
septembre 1899.)
Il s'agit d'un malade de trente-huit ans, syphilitique, présen-
tant à droite de la thermo-analgésie, à gauche de la parésie spas-
modique, puis du myosis gauche et une atrophie, sans caractères
radiculaires bien nets, portant sur tous les muscles intrinsèques
de la main gauche et le plus grand nom-bre de ceux de l'avant-bras.
L'auteur, dans une discussion intéressante et documentée dé-
montre que cet ensemble de symptômes peut être imputé à une
lésion unique siégeant dans la partie antéro-latérale gauche du
segment cervical inférieur de la moelle, enserrant ou détruisant
la première racine dorsale gauche, interrompant le faisceau de
Cowers, comprimant en arrière le faisceau pyramidal croisé et en
dedans les groupes des cellules ganglionnaires les plus externes
de la corne antérieure. E. B.
XLII. Un cas de tubercule de la protubérance ; par C. Levaditi.
(Revue neurologique, août 1999.)
L'observation rapportée par M. Levaditi rentre dans cette caté-
gorie de faits où un syndrome défini, en d'autres termes un grou-
pement de symptômes plus ou moins systématisés, sont réalisés
par une lésion minime, n'ayant en apparence aucune relation de
cause à effet avec les troubles observés.
11 s'agit, en effet, d'un tuberculeux de trente-huit ans ayant suc-
combé quatre jours après l'apparition d'une hémiplégie droile
totale avec contracture, exagération des réflexes.
L'autopsie montra l'existence d'un tubercule de la grosseur d'un
pois. Cette tumeur, médiane, visible sur une coupe frontale inté-
ressant la partie postérieure des tubercules quadrijumeaux posté-
rieurs, occupe le territoire de la calotte et est limitée; en avant,
par les fibres les plus dorsales du pont de varole ; en arière, par
la formation réticulaire qui la sépare du faisceau longitudinal pos-
térieur ; sur les côtés, le néoplasme touche les faisceaux les plus
médians du ruban de Reil et les fibres croisées du pédoncule céré-
belleux supérieur.
L'attention est attirée par la discordance entre les symptômes
observés et les lésions trouvées. En effet, pas une seule fibre du
faisceau pyramidal gauche n'a été interrompue, pas une seule ne
montre le moindre signe de dégénérescence secondaire. Pour ex-
pliquer la genèse de l'hémiplégie, l'auteur pense que tout a été
sous la dépendance de la compression et en particulier des trou-
bles d'irrigation que la tumeur a engendrés dans le territoire du
faisceau pyramidal, au niveau du pont. - E. B.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Sur l'emploi de l'extrait de capsules surrénales dans le traite-
ment des maladies mentales; par W.-R. Dawsuy. (The Journal
of Mental Science, octobre 1901.)
Les conclusions de ce travail sont les suivantes :
1° La principale action physiologique des extraits de glandes
surrénales consiste en une augmentation de la pression artérielle,
mais ils peuvent aussi produire une action tonique sur le coeur, et
sur les muscles en général, et peut-être, une certaine diminution
du métabolisme ; -
2° En raison du caractère passager des effets produits par les
injection intraveineuses de l'extrait de capsules surrénales, cet
extrait doit être administré par la bouche si l'on veut obtenir une
action un peu durable.
Il est à noter que l'auteur n'a jamais constaté que la digestion
ait été troublée par des doses modérées ;
3° A la fois pour des raisons a priori et par suite des résultats
expérimentaux obtenus, cet extrait parait indiqué dans les états
d'excitation et d'exaltation, dans lesquels ou constate ordinaire-
, ment un abaissement de la pression sanguine ;
4° Dans la plupart des cas il sera probablement nécessaire de
l'administrer pendant un certain temps si l'on veut obteuir des
effets bien nets, tout au moins lorsque l'excitation est violente;
5° Bien que l'état de la pression sanguine fournisse, en règle
générale, une indication commode de l'emploi de ce médicament,
une pression sanguine forte ne le contre-indique pas absolument,
si l'on a des raisons de penser qu'elle n'est pas associée à l'état
mental, car une pression anormalement élevée peut être encore
inférieure à la moyenne chez un sujet donné ;
0° L'extrait surrénal ne parait devoir rendre aucun service dans
les cas de mélancolie, ni partout où il existe une stupeur accen-
tuée ;
7° Il parait donc probable en somme que la forme de folie dans
laquelle ce traitement sera le plus utile est la manie aiguë d'ori- '
gine suffisamment récente et sans complication de stupeur. -
Toutefois, jusqu'à ce que ces conclusions aient été confir-
mées par l'observation ultérieure, elles ne doivent être considé-
rées que comme une tentative destinée à ouvrir la voie à d'autres
observateurs. IL DE MUSGRAVE-CLAY. '
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 441
II. Le séjour au lit des aliénés, son emploi et son rôle
thérapeutique ; par W.-P. Ossirow(06o;»,CT ! é psiclaiutoü, V, 1900).
Revue générale détaillée de la question et 18 nouvelles observa-
tions personnelles. '
Conclusions. 1° L'alitement des aliénés n'est pas nouveau, ce
qui est nouveau, c'est son application systématique à une impor-
tante catégorie d'aliénés; 2° la majorité des documents biblipgra-
phiques sur la question, qui dans ces derniers temps ont foisonné,
témoignent plutôt de l'impression générale de l'observateur que de
l'étude systématique de l'influence que l'alitement exerce sur
chaque malade et sur chaque forme de maladies mentales ; 3° c'est
cette étude qui importe ; 4° les considérations administratives doi-
vent être reléguées au second plan, l'utilité de l'alitement pour le
malade doit primer; an y joindre des mesures coercitives c'est en
faire du restreint qui doit être exclu de la pratique ; 6° il faut
condamner aussi tous procédés trop énergiques, dangereux et sou-
vent cruels, tels que le drap mouillé, les narcotiques violents, etc.,
appliqués au malade pour le maintenir au lit; 7° les indications et
contre-indications de l'alitement, n'ayant pas été élaborées assez
exactement, sont fréquemment empreintes du caractère de vagues
généralités ; 8° et cependant rien de plus important que de les
préciser, car il est démontré que l'alitement a des effets variables : -.
aux uns il est profitable, aux autres il est indifférent, à d'autres
enfin il est nuisible ; 9° on doit se guider, en outre des indications
somatiques, sur : l'excitation du malade, sa dépression, et leurs
degrés; ces indications sont les plus importantes mais elles ne sont
pas absolues; 10° la tendance à des actes agressifs, la malpropreté,
l'insomnie et le refus de nourriture, sont des indications de second
ordre et souvent purement relatives ; 11° l'alitement en un très
grand nombre de cas n'améliore pas le sommeil des malades,
parce que fréquemment il fait dormir le jour au détriment du som-
meil de la nuit et de sa profondeur; 12° il s'en faut de beaucoup
qu'il exclue l'administration des soporifiques; 13° il constipe sou-
vent ; Ho souvent il fait diminuer le malade de poids; lo° il
n'exerce pas d'influence essentielle sur l'appétit; 16° il rend plus
difficile la lutte contre l'onanisme : d'après quelques auteurs il
favoriserait même l'onanisme ; 17° la plupart des malades s'y sou-
mettent sans contrainte, quelques-uns fort volontiers : parmi ceux
qui y sont soumis, les uns manifestent longtemps leur déplaisir, les
autres témoignent de leur antagonisme à ce régime ; il en est que
'on ne réussit pas du tout à faire coucher; 18° quand le malade
s'y soumet aisément et volontiers, fort souvent cela coïncide avec
une influence favorable de l'alitement sur l'état mental et physique;
19° tout ce qui vient d'être dit doit être pris en considération pour
déterminer le profit, et, par suite, l'utilité de l'alitement pour le
442 - REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. -
malade ; 20° les malades qui y sont soumis, même malgré eux, s'y
habituent tellementque, revenus au régime ordinaire, ils cherchent
les occasions de se coucher un peu pendant le jour ; quelques-uns
pendant les premiers temps, demandent à se recoucher ; 21° il ne
convient pas de soumettre trop longtemps les aliénés à l'alitement,
il importe de le supprimer dès qu'on en entrevoit lapossibilité mé-
dicale ; 22° l'alitement permet de soigner plus facilement les gâteux,
de surveiller plus aisément les malades ; 23° il n'exclut pas l'isole-
ment ; 24° c'est un agent thérapeutique auxiliaire pour une cer-
taine catégorie d'aliénés; 23" l'alitement en des chambres séparées,
dont on maintient les portes ouvertes, est, dans bien des cas, pré-
férable à l'alitement en des salles communes : souvent tel malade
qui refuse de se coucher dans la salle commune se couchera volon-
tiers dans la chambre à part; celle-ci est indispensable aux ma-
lades à qui ne convient pas le séjour en la salle commune, pour
une cause quelconque, aux malades irritables, défavorablement
impressionnés par la promiscuité, convalescents, etc., ainsi qu'à
ceux dont la présence agit défavorablement sur les autres; 26° l'ali-
tement doit être adapté à chaque malade individuellement ; 27° le
séjour au lit ne sera pas continu ; il sera assaisonné de promenades,
de quelques occupations et distractions; 28° il serait. encore pré-
maturé de dire que l'alitement accélère et influence favorablement
l'évolution et l'issue des psychoses; 29° il faut aliter séparément
tranquilles, agités, malades atteints d'affections somatiques et gâ-
teux ; 30° tous les établissements d'aliénés peuvent introduire
l'alitement, sans modifier la disposition essentielle de leur archi-
tecture ; 31° ceux qui sont à l'étude et dans lesquels on projette
d'appliquer l'alitement, ne devront pas être privés de cellules.
P. KERAVAL.
11f. Traitement de l'épilepsie par la sympathectomie,par JAnoULAY y
et LANNOIS. (Revue de Médecine 1899.)
Le traitement de l'épilepsie par la sympathectomie avait déjà
été tenté par Alexander, Baracz, Ilaumel, Jacks, Jaboulay, Jou-
neiro. Les résultats avaient donné des améliorations, mais sou-
vent aussi des états stationnaires et des aggravations. Dernière-
ment MM. Jaboulay et Lannois ont pensé devoir les rechercher
et ont appliqué cette méthode sur 16 sujets. Un cas de guérison
fut particulièrement net chez un sujet de dix-huit ans atteint
depuis longtemps de crises d'épilepsie, mais présentant en même
temps des signes manifestes d'hystérie. D'autres améliorations
notables furent obtenues chez des malades, mais ces malades
étaient à la fois hystériques et épileptiques et ici les résultats
favorables donnés par la sympathectomie perdent beaucoup de
leur valeur. Il faut ici tenir compte du choc opératoire et se deman-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. -3
der si l'amélioration n'est pas plutôt due à des phénomènes d'auto-
suggestion. ,
D'ailleurs, chez les épileptiques francs, les résultats obtenus ont t
été très peu favorables. De leurs recherches, les auteurs croient
devoir conclure qu'il faut renoncer à espérer une amélioration
sérieuse de l'épilepsie par l'ablation du sympathique. M. IL
IV. Le traitement de la tuberculose dans les asiles; par Lionel
A. WEATUËRLY. (The Journal of Mental Science, janvier 1901.)
Ce travail est lui-même une analyse de celui de l'auteur, qui
prend pour point de départ de son étude la déclaration de Sir
James Crichton Browne, que « la phtisie fait dans les asiles plus
de ravages qu'elle n'en devrait faire »,et qui ajoute que « dans une
proportion considérable de cas, c'est dans l'asile même qu'elle est
engendrée et propagée ». Pour remédier à ce fâcheux état de
choses, l'auteur indique et propose une série de mesures à la fois
minutieuses et judicieuses, qui n'ont d'ailleurs rien de nouveau
que leur application si elle venait à se réaliser. -
- ' R. de IUSGRAVE.CLH.
V. Traitement moderne de la folie ; par Seymour TUKE. (Brit. med.
· Joum., octobre 1901.)
L'auteur résume un certain nombre de desiderata qui, en Grande-
Bretagne comme ailleurs, sont réclamés par ceux qui ne considè-
rent pas la législation actuelle comme satisfaisante. Citons l'inter-
vention d'assesseurs médicaux en justice pour l'examen des incul-
pés, le sursis à l'internement déclaré et la mise en observation
manicomiale pour un semestre en cas douteux. L'étude plus géné-
rale de la psychiatrie par les médecins; la prophylaxie sociale de
la folie à substituer à son assistance, et en attendant les soins
rapides aux aliénés aussi près que possible du début du mal.
VI. Le traitement du goitre exophtalmique, par le D1' Libotte.
(Journal de Neurologie, 1899, n° 25.)
Partant de cette idée que tous les symptômes du goitre exophtal-
mique sont dus à une sécrétion exagérée de la glande thyroïde,
M. Libotte conseille de combattre cette affection par l'application
des courants continus à hautes intensités. L'électrode positive doit
être placée sur la nuque, la négative sur le goitre : on portera
progressivement l'intensité du courant à 30 et 35 milli-ampères.
Le traitement dure de deux à trois mois avec des séances quoti-
diennes. En faisant rétrocéder le goitre, l'électricité déterminerait
une hyposécrétion de la glande qui aurait pour conséquence la
disparition de tous les accidents.
444 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
Vit. L'usage et l'abus des voyages dans le traitement des troubles
mentaux; par G. H. S1YAGE. (The Journal of Mental Science,
Avril 1901.) - -
L'auteur estime que l'on abuse des voyages dans le traitement
des aliénés, et il est surtout frappé de voir que ce mode de traite-
ment n'est pas appliqué spécialement à telle ou telle forme
d'aliénation mentale, mais indistinctement à toutes. Il y a plu-
sieurs raisons pour faire voyager les aliénés; la première, peut-
être c'est qu'on est débarrassé d'eux pour un certain temps; la
seconde, c'est qu'on évite ainsi le certificat d'aliénation mentale et
l'internement; la troisième, la seule sérieuse au point de vue mé-
dical, c'est que les voyages constituent un traitement précis de
certains états morbides précis : l'auteur laisse de côté les malades
dont l'état somatique rend un voyage utile pour ne s'occuper que
- de ceux à qui le voyage est conseillé comme traitement d'un état
mental, et il est d'avis que le groupe formé par ces derniers ma-
lades est ou devrait être très peu nombreux. Le voyage maritime
qui, par sa durée et la diversité des milieux où il évolue, est ici
manifestement le voyage idéal, aura l'avantage de renouveler
l'ambiance et de libérer totalement le malade des soucis de famille
et des préoccupations d'affaires : ce sera parfait s'il s'agit d'un
neurasthénique, s'il faut remonter un système nerveux épuisé;
mais il y a. une différence entre l'épuisement nerveux et la perver-
sion mentale. Tous ceux qui ont expérimenté le traitement clas-
sique de Weir Mitchell savent que, la frontière de la folie une fois
franchie, ce traitement n'a plus d'avantages et ne donne plus que
des mécomptes.
Il convient aussi de considérer les causes du trouble mental ; et
si le voyage peut être utile, par exemple, à un mélancolique devenu
tel par chagrin d'amour, croit-on qu'il le sera également dans un
cas de profonde mélancolie religieuse avec terreur de damnation
éternelle. -
Enfin, pour être plus précis, l'auteur proleste contre la pratique
très répandue de faire voyager les mélancoliques pour deux rai-
sons, dont la première pourrait suffire : 1° parce qu'ils ne retirent
du voyage aucun résultat favorable; 2° parce que les dangers
auxquels ils sont exposés sont augmentés : n'y aurait-il que les
risques et les facilités de suicide dans un voyage maritime, ce serait
presque assez pour la faire exclure. Risque de suicide à part, d'ail-
leurs, le chemin de fer et le séjour dans les grandes villes étran-
gères ne valent guère mieux : il faut plaindre les malheureux
mélancoliques qu'on traîne malgré eux des promenades publiques
au théâtre ou au concert. Encore une fois le mélancolique, outre
qu'il est presque toujours somatiquement malade, a surtout besoin
de tranquillité.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 4 Ik 5
Dans quelques cas d'affaiblissement de la volonté, de folie du
doute, ou encore chez les personnes qui, après avoir eu l'habitude
de beaucoup voyager, présentent une simple faiblesse mentale ou un
peu de dépression, les voyages pourront être utiles; ils le seront
aussi dans la convalescence ou après la guérison des troubles men-
taux. Mais ici encore il faut être prudent, et se souvenir que les
suicides sont aussi fréquents dans la convalescence de la folie que
pendant la période d'aliénation. Il est à peine nécessaire de dire
que les agités et les maniaques ne doivent pas voyager, mais il
faudrait pratiquer la même abstention à l'égard des nombreux
malades auxquels on applique l'étiquette hystérique. Les ma-
lades auxquels les voyages sont le plus nuisibles sont assurément-
les paralytiques généraux. M. Savage pense qu'il ne faut jamais
les faire voyager; et pour conclure, l'auteur déclare que, à son avis,
on fait voyager beaucoup d'aliénés qui feraient incomparablement
mieux de rester chez eux. R. de Musgrave CLAY.
Vltl. Note sur l'action excitante de l'antipyrine ; par FÉRÉ. (Journal
de Neurologie 1901, n° 22.)
Neuf séries de quatre ergogrammes séparés par une minute de
repos, dont on trouvera la relation clans cette note, ont démentie
à l'auteur que l'antipyrine possède une action excitante mais.que
comme tous les excitants, cette substance précipite l'accumulation
de la fatigue, c'est-à-dire qu'elle aboutit, à la diminution de l'exci-
tabilité, d'autant plus vite qu'on l'emploie à plus haute dose. C'est
avec les hautes doses d'antipyrine que l'on arrive à calmer l'agi-
tation choréique et quelquefois les décharges épileptiques.
IX. Le traitement des aliénés par le repos au lit; par le Dr\VlzEL.
(Annules 711édicr¡.ps ! }hcologiques, avril 1901.)
La sphère des indications pour la méthode du traitement par le
repos au lit est très vaste. Il faut appliquer l'alitement dans tous
les cas oùil s'agit, soit d'épargner les forces physiques du malade,
soit d'épargner ses forces psychiques, soit pour le surveiller stric-
tement, soit enfin pour diminuer son excitation.
En appliquant la méthode « du traitement par le repos au lit »,
les uns s'efforcent de traiter les malades les plus variés, sans égard
à leur état psychique, dans les salles communes; les autres
séparent les malades tranquilles des malades excités, et pour cha-
cune de ces deux catégories de malades créent des salles dis-
tinctes de surveillance.
Quant aux malades furieux, qui ne se calment pas dans la salle
de surveillance, malgré l'alitement, malgré les médicaments cal-
mants, malgré les enveloppements et les bains, tous les aliénistes,
qui font usage de la méthode du traitement par le repos.au lit,
446 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
1
sont d'accord que de pareils malades doivent être placés dans les
chambres particulières, et toute la différence entre les opinions
des divers auteurs consiste en ce que, tandis que les uns ont de
la répugnance à recourir à ce moyen, le considérant toujours
comme une cruauté (ainsi que Neisser), les autres, bien que rare-
ment, l'appliquent cependant assez volontiers, ne voyant rien'
d'inhumain à placer le malade dans une chambre particulière, du
moment qu'on prend en considération le principe de surveillance
et d'alitement.
A priori, il semble impossible qu'on puisse garder au lit et
accoutumer à être tranquillement couchés les malades excités,
surtout les malades dits furieux. '
Mais l'expérience apprend que les malades, même les plus exci-
tés, se calment au lit.
L'influence sédative du lit dépend de plusieurs conditions.
Avant tout, l'alitement diminue la quantité d'excitants extérieurs,
et par conséquent il procure au cerveau du repos. On peut
admettre aussi que l'aliéné étant enclin à l'imitation, le calme des
uns peut lui-même se communiquer aux autres. En outre, malgré
toute l'excitation du malade, au fond de sa conscience repose tou-
jours le sentiment d'une maladie grave, le sentiment d'impuissance
et du besoin du salut; par conséquent il accepte avec gratitude
l'occasion qni se présente pour recouvrer le calme. Enfin, l'alite-
ment régularise la circulation, ce qui peut de même produire un
effet favorable sur l'état mental du malade.
L'auteur applique la méthode de l'alitement depuis six mois et,
grâce à elle, a obtenu des résultats admirables. A partir du moment
de son application et de l'abolition des moyens coercitifs (camisole,
cellule), l'aspect du service s'est entièrement modifié : les cris, le
vacarne, ont fait place au calme relatif. Grâce à cette méthode,
l'asile perd la physionomie d'une maison de fous et devient sem-
blable à tout autre hôpital.
M. Wizel estime non fondés les reproches faits par quelques
médecins russes au traitement par le repos au lit, à savoir que les
malades traités au lit perdent de leur poids, qu'ils souffrent de la
constipation, qu'ils se livrent à la masturbation et s'habituent tel-
lement à rester couchés qu'il est fort difficile de les ramener à
l'ancien régime; après l'expérience qu'il en a faite, l'auteur est
devenu le plus ardent partisan de la méthode du traitement par le
repos au lit. E. BtJN.
X. Quelques points du traitement des aliénés chroniques ; par
Francis 0. Simpsons. (l'he American Jouioanl of hasanity, 1901,
p. 601-614.) -
On a fait davantage, dit l'auteur, pour les cas de folie aiguë que
pour les malades chroniques. Il envisage alors successivement :
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 447
les mesures hygiéniques (bâtiments, personnel, utilisation des
malades, système d'éclairage, de ventilation, etc.), le traitement
diététique (le régime des tuberculeux, le régime végétarien des
épileptiques, l'usage de l'alcool et du lait) et enfin le traitement
médical (en particulier dans les cas de turbulence et d'insomnie).
Sa conclusion est qu'en somme ce qui 'manque pour réaliser les
améliorations demandées pour chacun de ces points, c'est avant
tout un nombre suffisant de gardiens. Simon.
XI. Sur les lésions cellulaires corticales observées dans six cas de
troubles mentaux infectieux; par le Dr ! II. IeonE. (Revue Neuro-
logique, décembre 1899.)
L'auteur communique les résultats de l'étude de deux nouveaux
cas de troubles mentaux, d'origine toxi-infectieuse, à forme de
confusion mentale, accompagnés de lésions cellulaires corticales.
Comme dans deux cas'publiés précédemment, les caractères prin-
cipaux des lésions cellulaires corticales sont : gonflement de la cel-
lule qui prend une forme globuleuse et arrondie ; disparition des
grains chromophiles; éclaircissement du centre de la cellule;
migration périphérique du noyau. Cette altération est absolument
généralisée dans un cas où, d'ailleurs. les signes cliniques furent
très accusés; elle est plus discrète dans le second cas où les signes
cliniques furent moins accusés. Les observations faites d'autre part
par l'auteur dans le délire au cours des maladies aiguës, tendent
à faire considérer ces lésions cellulaires comme en relation avec
l'empoisonnement d'un organisme fébricitant, infecté, intoxiqué,
et présentant, pour ces raisons, les accidents cliniques qui consti-
tuent le tableau du délire des maladies aiguës et la confusion
mentale.
Considérant que les grandes cellules pyramidales sont suscep-
tibles, comme les cellules spinales, de dégénérer, de s'atrophier et
de disparaître à la suite de la section ou de la lésion de leur pro-
longement périphérique; qu'il est possible, et même vraisem-
blable, que cette atrophie s'accompagne des mêmes aspects mor-
phologiques dans les cellules cérébrales et dans les cellules
- spinales, il y a lieu de présumer l'origine secondaire des lésions
cellulaires cérébrales observées. E. B.
XII. Tic de déglutition chez un hystérique.-Traitement et guéri-
son. - Considérations; par le Dr P. liA[tl'EN13EIIG. (Revue de psy-
chologie clinique et thérapeutique, juin 1899.)
L'auteur a été appelé à donner ses soins à un hystérique, atteint,
entre autres accidents, d'un tic de déglutition se produisant dans
les conditions suivantes : le malade ressentait constamment dans
le pharynx une impression de gêne et d'obstruction; en même
1 ? 8 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
temps, il éprouvait un impérieux besoin d'avaler, auquel il obéis-
sait fréquemment par la déglutition d'une faible quantité de salive ;
le mouvement se répétait environ toutes les cinq minutes : le sujet
ne pouvait l'empêcher qu'avec peine pendant quelques minutes,
au bout desquelles le spasme se reproduisait avec plus de fré-
quence et d'intensité. M. Hartenberg usa d'abord sans succès de
l'électrisation à dose suggestive ; il recourut ensuite au procédé
suivant : lorsque le besoin d'avaler se faisait sentir, le malade
devait ouvrir rapidement la bouche et faire une large inspiration;
par cette simple manoeuvre, lui affirmait M. Hartenberg, l'envie-
d'avaler se passerait de suite. Ce conseil était basé sur ce fait phy-
siologique que le mouvement de déglutition n'est possible que la
bouche fermée, et que l'inspiration pulmonaire le contrarie. Un
premier essai fait sous la surveillance et la direction de l'auteur
fut pleinement couronné de succès ; le malade se rendit compte
qu'il avait en son pouvoir le moyen de se guérir; soutenu par cette
confiance et par la constatation des résultats déjà obtenus, il con-
tinua ses exercices thérapeutiques ; en quelques jours, la guérison
était complète ; elle persistait six mois plus tard.
L'auteur fait observer que, dans ce cas, l'amélioration rapide
ohtenue parait devoir être attribuée plutôt à la modification de
l'état mental du sujet, de son état affectif fondamental, qu'à la
production d'une action antagoniste ou mieux contrariante, créée
par des exercices méthodiques et volontaires. Le premier résultat
obtenu par le procédé thérapeutique employé a été le relèvement
de la confiance chancelante du malade, à la suite de la réussite de
ses premiers essais. L'état affectif du sujet marqué d'abord par la
tristesse, la dépression, est passé ensuite à la joie, à l'espérance et
la guérison est survenue à la faveur de ces émotions stliéniclues.
« C'est à la modification de l'état mental, écrit M. Hartenberg, que
nous devons attribuer les succès rapides obtenus chez les hysté-
riques, mais cette modification est indirecte; elle se fait par l'in-
termédiaire du procédé utilisé par l'opérateur; ce procédé, c'est le
clou auquel s'accroche l'espoir du malade ; c'est la fissure par
laquelle la conscience s'infiltre à nouveau dans son coeur. Et si
l'on songe combien sont impressionnables et versatiles les cer-
veaux des hystériques, on comprendra toute la sollicitude que
méritent ces petites manoeuvres préparatoires qui paraissent indif-
férentes et sont, en réalité, capitales pour le succès définitif de la
cure. A. Fenayrou.
Asile d'aliénés de 11' : 1YARItE, près Evrcux. Le Conseil municipal,
par 15 voix contre 3, a voté le refus de l'autorisation aux soeurs
de l'asile d'aliénés.
NÉCROLOGIE.
Le 4 septembre 1902 s'éteignait il Paris, à l'âge de quatre-vingts
ans, après une longue et douloureuse maladie, entouré de l'affec-
tion des siens et de la vénération de tous, le Dl' Henri Dagonet,
médecin honoraire de l'Asile clinique, professeur agrégé de
l'ancienne faculté de médecine de Strasbourg. Il était un des repré-
sentants les plus distingués de la psychiatrie française.'
IL Dagonet, né le 3 février 1823 à Châlons-sur-Marne, avait été
reçu docteur en médecine de la Faculté de Paris, le 11 mai 1849,
après de solides études médicales, terminées par la soutenance
Archives, 2' série, t. XIV. 29
Le Dr H. DAGONET
Médecin honoraire de l'Asile clinique (Ste-Anne.)
450 NÉCROLOGIE.
d'une thèse très remarquée ayant pour titre : Des considérations
médico-légales sur l'aliénation mentale. Cette thèse révélait chez le
jeune docteur une vocation bien arrêtée pour les études de psychià-
trie. Fils de Grégoire Dagonet, créateur de l'Asile'de Châlons-sur-
Marne, qui a laissé un nom justement estimé de médecin remar-
quableet d'administrateur hors ligne, IL Dagonet avait été orienté
de bonne heure vers la psychiatrie. Déjà, en 1848, il avait rempli
les fonctions d'interne à l'asile'd'aliénés de Fains (Meuse). C'est là
qu'il eut la bonne fortune d'avoir pour maitre Reuaudin, qui avait
fait de la science médico-administrative son étude de prédilection
et à qui les aliénés doivent bien des mesures généreuses et tuté-
laires. C'est sous sa savante direction que le jeune disciple, qui
avait appris de son père il aimer les aliénés et qui avait trouvé en
lui un premier éducateur, affirme avec autorité qu'un médecin
aliéniste ne saurait se confiner étroitement dans des étude spé-
culatives s'il veut réellement être à la hauteur de sa mission.'
L'enseignement de Renaudin, de qui il resta l'ami, devait d'ail-
leurs exercer sur la carrière de IL Dagonet la plus heureuse
influence, car les travaux et les luttes administratives qu'il entre-
prit parfois, montrent à quel point il se préoccupait non seulement
du sort moral, mais aussi du sort matériel des aliénés. C'est lui qui
plus tard, en 1863, s'occupa le premier du couchage des gâteux et
imagina une toile imperméable vulcanisée dont l'usage se répandit
rapidement. Un mois après sa thèse, le 20 juin 1849, il était nommé
interne à Maréville (Meurthe). Le 5 juillet 1850 ses travaux scienti-
fiques et la connaissance approfondie qu'il possédait de la langue
allemande le désignèrent, malgré son jeune âge. pour le poste de
médecin en chef de l'asile d'aliénés de Stephansfeld, rendu vacant
par la démission de Roederer. Il n'avait alors qu'un an de doctorat.
Depuis cette époque, H. Dagonet travailla sans relâche, comme le
prouvent ses nombreuses publications. Le 15 novembre 1853, il
prenait part au concours d'agrégation en médecine ouvert devant
la Faculté de Strasbourg. Ses protecteurs redoutaient pour lui un
insuccès, ainsi qu'en témoigne la correspondance privée trouvée
après sa mort. Ses concurrents étaient en effet redoutables. Il fut
néanmoins nommé dans la section de médecine à la suite d'un
brillant concours et après avoir soutenu une thèse sur La respira-
lion et l' hématose dans les maladies. Il entra en fonctions par arrêté
du 15 janvier 1854. Ce fut à ce concours que Koeberlé et Hergott
furent nommés dans la section de chirurgie et Léon Coze dans la
section des sciences accessoires.
En 1858, il la suite d'un rapport élogieux de Legrand du Saulle,
il fut nommé membre correspondant de la Société médico-psycho-
logique de Paris, qu'il devait présider plus tard, en 1885. Dès 1849,
25 juillet, il avaitété nommé membre de la Société de médecine du
département de la Moselle, et le 14 mars 1851 il entrait comme
H. DAGONET. 451
, .
membre correspondant à la Société de médecine de Strasbourg.
Les membres de la Société académique de ChàIons, des Sociétés de
médecine de Nancy et de Metz, de Goettingen, etc., le reçurent
également dans leurs rangs.
Le rôle que Dagonet joua à la Faculté de Strasbourg fut consi-
dérable. Il inspira de nombreuses thèses sur l'aliénation mentale,
mais il eut surtout le mérite de' fonder à Strasbourg le premier
enseignement officiel de psychiatrie. Ses cours furent également
suivis par les élèves de l'Ecole de santé militaire et tous les mé-
decins de l'armée qui ont passé par Strasbourg se rappellent cet
enseignement clair, précis, méthodique, dépouillé de lotit caractère
doctrinal, professé à l'amphithéâtre de la Faculté et au lit du ma-
, lade, si utile aux médecins de l'armée, qui ont à juger il chaque
instant l'état mental de jeunes soldats traduits devant les tribu-
naux militaires. Comme l'a dit le Dl' Picqué, dans l'allocution pro-
noncée à Verdun, il est regrettable que l'Université de Paris ne se
soit pas appliquée à continuer après la guerre de concert avec le
ministre de la guerre, l'oeuvre du Dr Dagonet. D'ailleurs les mem-
bres du Congrès de Marseille, il y a trois ans, ont manifesté le
regret qu'il n'y ait pas dans l'armée d'aliénistes militaires. Nous
devons rappeler que Dagonet a eu des imitateurs en Russie, etque
dans ce pays il existe depuis quelques années un asile d'aliénés
militaires où les médecins de l'armée russe viennent se perfec-
tionner dans cette branche importante de nos connaissances.
Dagonet a eu le bonheur dans sa carrière d'avoir des relations
scientifiques de premier ordre : Ferrns, Reiiaudin, Morel, Lasègue,
Janet, ont été ses conseillers et ses amis, et sa correspondance
privée contient de nombreuses lettres où l'on voit toute l'affection
et toute l'estime que ces savants avaient pour lui. Mittermaïer,
l'un des jurisconsultes les plus remarquables de l'Allemagne mo-
derne, professeur il la Faculté de droit de Heidelberg depuis 1821,
était en relations scientifiques suivies avec lui. Ce représentant du
parti libéral en Allemagne, qui après Sadowa s'était séparé avec
éclat du parti prussien, était bien fait pour s'entendre avec Dago-
net dont la situation à Strasbourg, aux portes de l'Allemagne, avait t
développé les sentiments patriotiques en même temps qu'elle lui
rendait naturelles et faciles les relations scientifiques avec les pro-
fesseurs les plus estimés des pays de langue allemande. Mittermaïer
s'occupa avec passion de toutes les questions médico-légales concer-
nant les aliénés, il s'inspira de la grande pratique et de l'expérience
consommée de Dagonet, auprès de qui il revenait chaque année.
Dans les nombreuses publications qu'il a faites sur ce sujet, le nom
de Dagonet est cité à chaque ligne. Schiile, le savant médecin de
l'asile d'Illenau, dans le Grand-Duché de Bade, lui demanda en 1894,
une préface à son Traité d'aliénation mentale, qui venait d'être
traduit en français par les soins du D1' Jules Dagonet, son fils,
452 - - NÉCROLOGIE.
aujourd'hui médecin en chef de l'Asile clinique, et du Dr Du-
hamel ; et l'on peut voir dans la préface du médecin allemand
la haute estime dans laquelle il tenait notre compatriote.
En 1862, il publia en même temps que Marcé, un Traité des ma-
ladies mentales ; bien que cet ouvrage n'ait pu être traduit, il a
pourtant, à l'époque où la science française projetait sur le monde
entier un glorieux rayonnement, servi de bréviaire à tous ceux
qui à l'étranger parlaient notre langue. Son premier commenta-
teur, le De Rousseau, a dit de ce livre : « Cet ouvrage constitue le
premier inventaire de la science psychiatrique, dont il constate les
richesses en même temps qu'il en signale les imperfections. »
L'histoire du crétinisme et de ses rapports avec le goitre avait été
confiée à la plume savante de Koeberlé. Le chapitre relatif à l'ad-
ministration des asiles a été écrit par le D1' Renaudin, le maître de
IL Dagonet. Cet ouvrage, de 816 pages, a eu 3 éditions, la 2° en
1870, la 3° en 1894, et bien que son fils et son ancien interne Du-
hamel, se soient imposé la pieuse mission de la mettre au courant
des idées actuelles, l'auteur a voulu écrire de sa main, déjvtrem-
blante, tout le chapitre relatif à la médecine légale de l'aliéné,
dans laquelle il avait acquis en Alsace par ses fonctions d'expert
une expérience consommée.
En 1807, le 4 février, IL Dagonet, après être resté dix-sept ans à
Stéphansl'eld, était nommé médecin en chef de l'asile Sainte Anne
à Paris, asile récemment ouvert. Il avait eu il cette époque de
nombreux et d'éminents compétiteurs mais il avait dû surtout sa
nomination à sa situation universitaire, qui avait déterminé le
baron IIaussmann, préfet de la Seine, à le choisir entre tous. La
situation de l'asile Sainte-Anne au début mérite d'être rappelée
ici : L'asile comprenait deux services, qui furent donnés au
Dr Lucas, de Paris, et au Dr Dagonet, de Stéphansfeld. Tous deux
avaient la situation de médecin en chef de classe exceptionnelle.
Un bureau central d'examen des aliénés du département, annexé
il l'asile, avait à sa tête le Dr Girard (de Cailleux), inspecteur
général du service des aliénés, chargé en outre de remplir tempo-
rairement les fonctions de Directeur. Enfin, un pharmacien en chef
Les deux médecins en chef avaient chacun un interne en médecine
et un interne en pharmacie. Le D1' Girard (de Cailleux) avait sous
ses ordres deux médecins-internes, les DI, Magnan et Bouchereau.
A cette époque, les médecins-internes n'avaient aucun pouvoir,
M. Girard (de Cailleux) signait tous les certificats (immédiats ou de
quinzaine) et statuait même sur les propositions de répartition,
faites par les médecins-internes, dont le rôle se bornait à examiner
les malades et à les proposer à la répartition. Cette situation ne
tarda pas, heureusement, à changer. En 1870, après la retraite de
Girard (de Cailleux), les deux médecins-internes devenaient méde-
cins-répartiteurs, et médecins en chef en 1879.
- H. DAGONE'r. ' " 453
En 1877, des conférences cliniques de pathologie mentale furent
organisées à l'Asile par les soins des médecins. Des raisons que
nous n'avons pas à rappeler ici les firent rapidement interrompre.
Henri Dagonet se confina dès lors, à Sainte-Anne dans son rôle
exclusif de médecin d'asile ; se rappelant les traditions de son père
Grégoire Dagonet et de son maître Renaudin, il se dévoua avec
passion aux aliénés. Il eut parfois des luttes vives à soutenir, luttes
dans lesquelles il triompha toujours, tant étaient grands son désin-
téressement et son dévouement aux;malades. Il empêcha, de concert
avec les Dr" Loiseau et Lucas, malgré M. Husson, directeur de
l'Assistance, publique, le rattachement des asiles à l'assistance
mesure qu'il considérait comme préjudiciable aux aliénés.
Pendant la guerre de 1870, et malgré la Commune, il resta
en fonctions à l'Asile et transforma son service en ambulance.
Il eut le grand honneur, comme président de la Société médico-
psychologique de remettre le monument de Ph. Pinel à la Ville de
Paris, en 1885. Le 13 juillet 1882, il recevait le ruban rouge; le
17 mai 1888, atteint par la limite d'âge, il quittait définitivement
ses fonctions pour devenir médecin honoraire.
Son oeuvre fut considérable. Nous avons déjà parlé de son traité
classique La Gazette médicale de Strasbourg , les Annales médico-psy-
chologiques, de 1848 à 1893, contiennent un grand nombre de ses
articles. Nous devons surtout rappeler ici les Rapports médicaux sur
l'asile de Stepleazsfelcl publiés dans la Gazette médicale de Stras-
bourg de 1851 à 1860. Ce sont des modèles dans lesquels l'auteur
montre à la fois ses connaissances approfondies en médecine men-
tale et ses qualités d'administrateur. Leur ensemble forme un véri-
table traité de médecine et de science médico-administrative, tou-
jours utile à consulter. Il avait publié en 1855 une Etude statis-
tique remarquable sur l'aliénation mentale clans le département du
Bas-Rhin. Le D1' Erlenmeyer, un des fondateurs du Correspondenz-
Blatt flin Psychiatrie appréciait cette étude dans les termes sui-
vants : « C'est avec joie que nous l'avons reçue de l'auteur, dont
les rapports sur l'asile de Stéphansfeld sont toujours lus par nous
avec le plus grand intérêt, parce qu'ils abondent en observations
exactes et qu'ils témoignent d'un jugement sain et élevé. Elle est
le résultat d'un immense labeur et de soins infinis. Puisse notre
patrie allemande suivre l'exemple qui nous est donné par cette
statistique du Bas-Rhin, la première qui ait été faite, et combler la
lacune qui existe actuellement en nous faisant connaître le nom-
bre des aliénés dans les différents pays allemands. » Erlenmeyer
publiait en 1863 un ouvrage sur les établissements publics et pri-
vés d'aliénés dans tous les pays d'Europe. C'est à II. Dagonet qu'il
s'adressa pour réviser le chapitre concernant la France.
Enfin, nous signalerons les études publiées par IL Dagonet sur
les Réformes à introduire dans la loi 1838. Cette loi, qui donnait
4S4 NÉCROLOGIE.
satisfaction aux intérêts de l'époque, n'était pas sans inquiéter bien
des esprits. Mû par les sentiments les plus libéraux, il a su formuler
avec talent, en termes précis, et avec l'autorité que lui donnait une
longue expérience, une série de voeux destinés àassurer la garantie
des intérêts sociaux tout en prévenant le danger des séquestrations
arbitraires, problème qui passionne encore et à juste titre tous les
esprits de notre époque. D'autres, plus compétents, diront le rôle
important qu'il a joué dans les débats passionnés qu'a soulevés
l'application de cette loi. Qu'il nous suffise de rappeler ici que
IL Dagonet demandait des garanties plus larges pour la liberté
individuelle, une intervention plus active de la justice afin d'éviter
les séquestrations arbitraires, et aussi la création d'une Commis-
sion supérieure des aliénés, composée d'administrateurs et de mé-
decins. Cette commission devait donner son avis sur toutes les
affaires que lui soumettrait le Gouvernement, statuer sur les récla-
mations des intéressés, et en même temps se tenir au courant des
améliorations apportées au régime des aliénés chez les diver ses
nations. Il demandait en somme un rouage intermédiaire entre
l'asile et l'autorité qui régit l'asile et dont il peut être nécessaire
de réprimer les abus.
On peut dire, en résumé, que H. Dagonet ne s'est désintéressé,
au cours de sa longue et laborieuse carrière, d'aucune des questions
de la psychiatrie et que son nom unanimement respecté àl'étranger
restera dans le souvenir de tous les psychiatres français. '
II. Dagonet ayant voulu reposer en terre lorraine, les obsèques
ont eu lieu à Verdun le mardi 9 septembre. La levée du corps avait
eu lieu la veille à l'Asile clinique : tout le personnel et les nom-
breux amis du défunt étaient présents. Parmi les couronnes on
remarquait celle de l'Asile clinique et celle de l'asile de Sté-
phansfeld, envoyée par le directeur, le Dr Vorster. Deux discours
ont été prononcés au départ, par le D1' Magnan, au nom des méde-
cins de l'asile, et par le Dr Christian, de Charenton, au nom de la
Société médico-psychologique.
A Verdun, deux discours ont été également prononcés, l'un par
le Dr Dubuisson, le successeur du D1' Dagonet à l'Asile clinique (lu
parle D Quesneville), l'autre par le Dt L. Picqué, chirurgien en
chef des asiles, au nom des amis de la famille.
Une foule nombreuse, parmi laquelle on voyait beaucoup d'offi-
ciers de la garnison, avait tenu à honneur de conduire à sa dernière
demeure ce savant patriote qui a voulu reposer près de la frontière,
pour montrer sans doute que sa dernière pensée avait été pour la
France, dont il avait toujours pleuré les désastres.
BIBLIOGRAPHIE.
Lu liquide céphalo-l'achidien; par J.-A. Sicann, chef de
clinique des maladies nerveuses à la Salpêtrière; I vol. del'Ency-
clopédie Léauté, chez Masson, 1902.
Cet ouvrage parait avec une préface du po Brissaud. qui, par cer-
tains côtés, l'a aussiinspiré. Il a toutes les qualités d'un livre viable :
clarté d'exposition, précision du détail ; et surtout il vient à son
heure/La préface en est, en quelque sorte, le premier chapitre.
Dans cette étude embryologique le Pr Brissaud établit l'unité d'ori-
gine et de fonctions des cavités nerveuses ; ses conclusions confir-
ment l'expérimentation et la clinique.
M. J.-A. Sicard divisé son livre en quatre chapitres. Le premier,
que tout étudiant doit lire, a trait à la technique de la ponction
lombaire. Il y a là un exposé fort clair de la rachiponction : pré-
paration du malade, points de repère, instrumentation, acte opé-
ratoire, incidents, suites de l'intervention ; tous points qui ont trait
à la pratique journalière des maladies nerveuses.
Une deuxième partie précise les indications thérapeutiques de la
ponction lombaire. M. J.-A. Sicard les divise rationnellement en
deux groupes : l'un agissant par soustraction du liquide céphalo-
rachidien ; l'autre par injection sous-arachnoïdienne de substances
diverses. Les périodiques de ces dernières années sont pleins de
faits qui proclament les résultats favorables de la soustraction de
liquide céphalo-rachidien dans l'hydrocéphalie, la chlorose, l'uré-
mie, la méningite non tuberculeuse; par contre on sait l'insuccès
de la méthode dans le tabes, la paralysie générale, certains néo-
plasmes cérébraux. Tous ces résultats sont consignés dans cette
partie du livre. De même la méthode des injections liquides ou
gazeuses, avec ses indications et ses résultats est brièvement expo-
sée. Enfin M. J.-A. Sicard a écrit quelques pages sur deux ques-
tions il lui familières : la sérothérapie tétanique sous-arachnoï-
dienne et la rachicocaïnisation. La troisième partie résume
l'histologie de la cavité sous-arachnoïdienne. A noter un intéressant
exposé de la circulation lymphatique dans le névraxe.
C'est au quatrième chapitre que l'auteur a donné les plus larges
développements. Après avoir étudié le liquide céphalo-rachidien
avec ses caractères physico-chimiques, M. J.-A. Sicard en rappelle
la mécanique circulatoire, le rôle de dissémination, les processus
de sécrétion et de résorption. Puis du liquide normal il passe à
l'étude du liquide pathologique et dans des pages d'un grand inté-
456 BIBLIOGRAPHIE.
rêt, il en expose les caractères bactériologiques (dans les ménin-
gites surtout) et les caractères cytologiques.
La cytologie du liquide céphalo-rachidien est, vraisemblable-
ment, appelée à un grand avenir. Déjà elle a éclairé d'un jour nou-
veau les processus méningés les plus divers, et l'auteur après un
court résumé de la technique histologique et un exposé critique de
la méthode, en analyse les résultats dans nombre d'affections
(méningites aiguës, paralysie générale, tabès, syringomyélie.
méninge-myélite syphilitique et tuberculeuse, tumeurs du
nevraxe, hémiplégie, poliomyélites, polynévrites, épilepsie, neu-
rasthénie, etc...).
M. J.-A. Sicard conclut à l'importance, pour le médecin, de
l'étude de la cavité sous-arachnoïdienne et du liquide céphalo-
rachidien. Déjà le diagnostic y puise de précieux renseignements ;
et sans doute la thérapeutique de l'avenir trouvera dans la voie
arachnoïdiennc, de puissants moyens d'action sur certains troubles
du névraxe. -
En somme, petit livre dont la lecture s'impose au clinicien et à
l'étudiant. Le premier y trouvera le reflet des travaux du Pr Bris-
saud, du D1' Widal et de l'auteur; l'enseignement du Pr Raymond.
Le second, sous une forme concise, lira avec fruit un chapitre
nouveau dont s'est enrichie la clinique dans le diagnostic des mala-
dies nerveuses. L.-E. MOREI,.
IX. Rapport médical et compte moral et administratif de l'asile de
Blois pour 1901; par le Dr Doutrebente. médecin-directeur.
Population de l'année, 568; existants fin 1901, 435 ; admis-
sions, 106, dont 97 pour le département; 13p. 100 d'alcooliques;
sorties, 87; décédés, 56.
Le service médical comprend un médecin en chef, un médecin
adjoint et un interne. A eux trois, ils ont à prendre les observa-
tions de deux malades nouveaux, en moyenne, par semaine. Il
s'agit là d'un asile normal.
Le nombre desépileptiques, dits non.aliénés, estde 31'(16 hommes
et 15 femmes). Relevons cette opinion que nous avons toujours sou-
tenue avec bien d'autres : « Il est de toute importance, en méde-
cine mentale, de pouvoir traiter les aliénés au début de la maladie :
le meilleur traitement, c'est l'isolement de la famille et des habi-
tudes antérieures, isolement qui doit être pratiqué aussi rapide-
ment que possible dans un établissement spécial ».
La proportion des guérisons est de 39,21 p. 100. De 1891 à 1900,
sur une population moyenne de 479 malades, les décès ont été en
moyenne de 54. « Nous sommes heureux de constater, dit M. Dou-
trebende, à l'époque où l'on s'occupe tant des moyens de combattre
l'extension de la tuberculose que sur 56 décès (en 1901), il n'y a
' BIBLIOGRAPHIE. 457
que deux cas de tuberculose, soit une proportion de 3,37 p. 100.
Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, un seul cas de tuberculose
chez les femmes et du côté des hommes il n'y a qu'un seul cas avéré
et deux cas douteux ».
L'asile contient encore 25 aliénés au compte du département de
.la Seine (il y en avait 48 précédemment). Il n'en prend plus, ce
qui a permis de supprimer l'encombrement et d'assister, comme
on le doit, les malades du département.
Il n'y a pas d'aliénés condamnés. Pour les hommes et les femmes,
le service de nuit est assuré par un veilleur et une. veilleuse, con-
trôlés automatiquement par les postes du système Collin-Wagnert.
Ce personnel nous semble insuffisant pour assurer la sécurité des
malades. Il y a un aumônier (1,600 fr.), les frais de culte figurent
pour 786. Il y a là une économie à réaliser, ainsi que cela a lieu
dans certains asiles dont nous parlerons.
Un point intéressant à relever concerne la boulangerie. Voici ce
qu'écrit M. Doutrebente : « Il a été fabriqué 148.496 kilogr. de pain,
pendant l'année 1901, et dépensé 36,244 fr. 51 pour cette fabrica-
tion, d'où le prix du kilogr de pain pour l'année 1901 ressort
à 0 fr. 24408. La moyenne du prix du pain vendu par les boulan-
gers de la ville de Blois a été de 1 fr. 50, les 5 kilogr., soit 0 fr. 30 le
kilogr. Notre prix de revient étant de 0 fr. 24408, c'est un bénéfice
de 0 fr. 05592 par kilogr. que l'asile a réalisé en fabriquant son
pain, soit, pour 148.496 kilogr. un bénéfice net de 8 303 fr. 79. »
Nous signalons ces résultats àl'attention de l'Administration pré-
fectorale de la Seine et du Conseil général, qui ont une tendance à
créer une boulangerie à l'asile de Vaucluse où le pain, fourni par
l'adjudication serait, d'après des renseignements qui nous ont été
donnés, de médiocre qualité. Le prix moyen de revient de lajour-
née, en 1901, a été de 2 fr. 5442. Relevons en terminant ce fait
que le médecin-directeur utilise ses malades le plus possible dans
l'intérêt de leur traitement et dans celui de l'asile et qu'il par-
vient, par sa bonne administration, à assurer un parfait entretien
de son établissement, et, en outre, chaque année à faire des cons-
tructions nouvelles. M. Doutrebente montre par ses communica-
tions scientifiques au Congrès des aliénistes et neurologistes et par
sa gestion, qu'on peut être à la fois un bon médecin et un bon
administrateur.
Pour compléter cette rapide analyse, nous croyons utile de repro-
duire textuellement les renseignements que, sur notre demande,
M. Doutrebente a bien voulu nous adresser. Il dit :
« Toutes les constructions neuves ont été faites à nos frais et
avec nos propres ressources et àl'aide d'emprunts départementaux
que nous amortissons et dont nous faisons le service des inté-
rêts. L'asile de Blois a coûté' au département depuis 1840,
300 000 fr. seulement. Depuis, l'asile s'est construit, agrandi, réparé
458 BIBLIOGRAPHIE.
et amélioré sans aide ; il a acheté et payé son pensionnat' et l'a
agrandi, ; je n'ai fait d'ailleurs que suivre les errements de mes
prédécesseurs et j'ai fini de payer les gros emprunts faits quelque
temps avant mon arrivée, soit 300 000 fr. en deux emprunts.
« Depuis mon arrivée, nous avons terminé le pensionnat, refait
la ferme et construit deux pavillons d'isolement. A l'asile nous
avons installé une buanderie modèle, un laboratoire et une salle
d'autopsie, 8 chambres d'isolement ; 60 .lits nouveaux pour 2 ser-
vices d'hommes et 2 grandes infirmeries pour hommes et femmes
avec 9 chambres d'isolement...
« En principe, toutes les autopsies sont faites ici, il moins d'op-
position formelle des familles, ce qui est fort rare d'ailleurs, l'in-
terne lient un cahier spécial où il consigne le résultat. En 1901,
ce service a été fort bien fait par M. Vernet, qui a fait une belle
thèse sur notre hospice d'épileptiques simples.
« Un service d'idiots des deux sexes a été installé pour 30 idiots
dans les anciennes infirmeries (provisoires) ; ils seront placés près
l'hospice d'épileptiques dans quelques années et remplacés par un
service de vieillards.
X. Rapport médical sur l'asile d'aliénés de Saint-Yon (Seinc-In(é-
rieure) pour 1901, par M. le or Giraud, médecin-directeur, et
MM. Trenel et HAMEL, médecins-adjoints.
Af. le Dr Giraud fai' collaborer ses médecins-adjoints à la rédac-
tion de son rapport. On ne peut que l'en féliciter. Cela démontre
que médecin en chef et médecins-adjoints peuvent travailler uti-
lement ensemble.
La population de l'asile était de 1.2cl malades au 4 ? jan-
vier 1901 et de 1.259 à la fin de l'année. Admissions, 221 (dont
6 femmes alcooliques) ; sorties, 123 ; décédées, 104. « Nous avons,
disent les auteurs, comme les années précédentes, suivi, pour éta-
blir le relevé des admissions, la classification du Congrès interna-
tional de 1889, en'ajoutant toutefois un type ne rentrant dans
aucune autre catégorie : la confusion mentale». Cette classification
devrait être adoptée, jusqu'à nouvel ordre, par tous nos collègues
des asiles. Elle faciliterait les comparaisons.
« La caisse de secours fondée pour venir en aide aux aliénés
nécessiteux sortant de l'asile, a continué de fonctionner régulière-
ment. En 1901, 37 aliénées sortantes ont été assistées. Six ont reçu
simultanément un secours en argent et un secours en nature. Vingt-
six ont été assistées par un secours en argent. Cinq ont reçu sim-
plement un secours en nature. La somme distribuée en argent a
été de 705 francs, et 152 objets de vêture ont été donnés. Tous ces
secours sont indépendants du pécule de sortie. L'actif de la caisse
de secours commune aux deux asiles de Quatre-Mares et de Saint-
BIBLIOGRAPHIE. 4S9
Yon était, au 31 décembre 1901, constituée de la manière sui-
vante :
460 VARIA. ,
D'autres fois, sur les instances des parents eux-mêmes, nous accor-
dons des congés provisoires à titre d'essai. Si l'amélioration se
maintient et que la famille veuille conserver le malade on régula-
rise la situation en le faisant sortir définitivement, sinon il est
réintégré -sans qu'il soit nécessaire de renouveler les formalités
légales.de l'admission. »
Caisse de secours. En 1901,29 aliénés ont été assistés. 3 ont'
reçu simultanément un secours en argent et un secours en nature.
1 a reçu simplement un secours en nature, 36 objets de vêture ont
été distribués. 25 ont été assistés par un secours en argent et ont
reçu une somme totale de 50 francs, indépendamment de leur
pécule de sortie. L'actif de la caisse de secours commune aux
deux asiles de Seine-Inférieure (Sainte-Yon et Quatre-Mares) était
au 31 décembre 1901, de 15012 fr. 08, ainsi que nous l'avons dit
dans l'aualyse du rapport de M. Giraud.
Le vestiaire affecté aux secours en nature pour les hommes com-
prenait, à la même date, 574 objets de vêture.
Cette organisation devrait ètre imitée dans tous les asiles. Mal-
heureusement, il.n'existe que peu d'asiles où le patronage existe
soit sous cette forme, soit sous une autre. B.
VARIA.
Congrès international d'assistance aux aliénés
(Session d'Anvers) (Voir p. 281).
En clôturant la discussion générale, le Congrès a pris des
résolutions importantes : il a reconnu à l'unanimité l'utilité de
l'extension du patronage familial des aliénés à côté des asiles. Sur
l'initiative des délégués français, il a reconnu la nécessité de faci-
liter l'entrée des aliénés dans les hôpitaux dès les premiers symp-
tômes du mal, le traitement immédiat étant la plus grande chance
de guérison dans la folie.
Le Congrès constate, ensuite, qu'il importe que le personnel
attaché aux asiles reçoive une instruction théorique et pratique.
Cette instruction doit être confiée au corps médical de l'asile. La
direction d'un asile doit être dévolue à un médecin ; et tout asile
devrait posséder un médecin par 100 malades. Ce médecin aura
son logement dans les locaux hospitaliers. La clientèle privée doit
être interdite au directeur de l'asile, et celui-ci doit être pourvu
d'un laboratoire.
Les délégués ont été unanimes à reconnaître : 1° La nécessité de
diminuer le surmenage du personnel dans les asiles; 2° De
VARIA. 461
créer dans les colonies familiales un asile-école pour les enfants
idiots et imbéciles; 3° D'augmenter le nombre des médecins
dans les asiles, et d'organiser dans ceux-ci un service chirurgical.
Enfin, le Congrès a voté les conclusions suivantes, qui résument
l'ensemble de ses travaux :
1° Pour une partie assez considérable d'aliénés, qui ont besoin
d'assistance et qui peuvent être soumis à ce traitement, la colonie
familiale représente la forme d'assistance la plus naturelle, la
plus libre, la meilleure et la moins coûteuse, et constitue, en
outre, pour un grand nombre de malades, un facteur de thérapeu-
tique important ; ,
2° L'assistance familiale peut être ajoutée à toute institution qui
est dirigée par un psychiatre et installée, suivant les exigences du
temps, spécialement lorsque les infirmiers jouissent, pour eux-
mêmes et pour leur famille, de conditions favorables d'habitation :
ce qui est, du reste, indispensable pour obtenir de bons infirmiers;
3° Mais, dans la plupart des grands instituts, l'assistance fami-
liale ne pourra prendre qu'une extension restreinte. La générali-
sation de cette assistance ne peut être obtenue que par la fonda-
tion, dans des contrées convenables, d'établissements centraux,
reproduisant en petit les institutions spéciales connues, et servant
. de points d'origine pour la fondation de colonies familiales ;
4° Les colonies lamiliales n'annihilent pas nécessairement les
établissements existants, ne constituent nullement le séjour le
plus convenable pour toute espèce d'aliénés ; mais elles peuvent
ariêter d'une façon pratique, active et peu coûteuse, l'accroisse-
ment de ces établissements.
Le Congrès a décidé de se réunir, en 1904, à Edimbourg : en 1905,
en Italie ; en 1900, en Hollande (Revue médicale du 8 octobre 1902).
Asiles d'aliénés : distractions aux malades
On sait, dit le Journal du 15 février, quelles profondes modifica-
tions a subi, depuis quelques années, le mode de traitement des
aliénés. Presque partout, les concerts, les auditions musicales, les
représentations théâtrales, ont remplacé la douche et la camisole
de force. M. le Dr Belletand, directeur de l'hôpital départemental
des maladies mentales de Pierrefeu (Var), a, dès longtemps, traité
de la sorte ses pensionnaires. Voici qu'il organise une bataille
de fleurs avec kermesse. C'est la première rois qu'une fête de ce
genre est donnée dans un asile d'aliénés.
Contrairement à l'assertion du Journal, ce n'est pas la
première fois qu'on organise des distractions pour les alié-
nés. On pourrait citer un grand nombre d'asiles français où
cette pratique existe. Tout le monde connaît le bal de la mi-
carême à la Salpêtrière. Nous avons eu l'occasion, l'an der-
462 ' VARIA.
nier, de décrire la matinée dramatique suivie de bal, organisée
annuellement pas les médecins de l'asile de Villejuif et plus
particulièrement par notre collaborateur M. Briand. Tous les
ans, dans notre Compte-rendu de Bicêtre, nous énumérons
les fêtes données aux enfants de notre service (matinées dra-
matiques, concerts, bals, déguisements du Mardis-Gras et du
jour de la Mi-Carême. Citons aussi le concert dit des frères
Lionnet...
Les aliénés en liberté
Lugubre individu. Nous lisons dans la Gazelle des Bains de
mer de Royan du 14 septembre : '
« Le paisible quartier de Saint-Pierre a été mis en émoi dans la
matinée du 10 par les exploits, d'une nature toute particulière,
accomplis par un ouvrier cordonnier nommé Ragé de vingt et
un ans. Ce triste individu, privé depuis sa naissance de l'usage de
la parole et aussi, nous aimons à le croire, du sens olfactif, a eu
le goût singulier de choisir pour observatoire une fosse d'aisances,
récemment construite dans un jardin contigu au sien. De grand
matin, il décloua une planche du siège, et les pieds dans un sac,
la tête protégée par une casserole, il plongea dans l'inconnu.
« Les habitants de la maison vaquèrent comme de coutume à
leurs occupations. Bientôt une dame très honorable, qui demeure
dans la maison avec sa mère et sa soeur, s'approcha de ce siège
derrière lequel elle était loin de supposer qu'il se passait quelque
chose. Mais elle avait à peine eu le temps de s'asseoir qu'elle se
recula en poussant un cri d'épouvante. Elle avait senti l'empreinte
horrible de deux mains qui la saisissaient au passage. A moitié
folle de peur, elle s'évanouit. Parents et amis, accourus à ses cris,
et ne voyant personne dans le petit local n'étaient pas loin de
croire à une hallucination de sa part, lorsqu'ils eurent l'idée de
soulever les planches, et le muet lubrique apparut, émergeant du
clair-obscur Rembranesque de la fosse.
« On le fit remonter plus vite qu'il n'était descendu, et on allait
sans doute lui administrer une correction bien sentie, lorsque les
gendarmes que l'on était allé chercher arrivèrent sur les lieux.
C'est à la justice maintenant qu'il appartiendra de donner son mot
dans l'affaire ».
Ce malheureux, assurément inconscient, avait déjà eu maille à
partir avec la police pour divers méfaits, des rixes, des vols de
planches, d'outils, sans utilité pour lui. Il avait été arrêté et le
tribunal de Marennes l'avait relâché. Maintes fois aussi il avait
cherché à voir à travers des planches mal jointes, des femmes dans
les cabinets d'aisances. Si on l'avait envoyé, après sa première
FAITS DIVERS. , 463 '11)
arrestation, à l'asile d'aliénés de Lafond, on aurait évité, ce dernier
acte de folie.
J'ai des chats dans les jambes ! ... - Les passants se retournaient,
hier après-midi, vers quatre heures, sur un individu aux allures
bizarres qui descendait en courant le boulevard Saint-Michel.
De temps à autre, il s'arrêtait. pour secouer les jambes de son
pantalon, et poussait des cris aigus.
Arrivé sur le quai de Montebello, il s'arrêta, monta sur le para-
pet du Petit-Pont, entre deux étalages de bouquinistes, et s'adres-
sant à la foule amusée : Ma femme m'a mis des chats dans les
jambes, je vais les noyer... Et il se précipita dans la Seine.
Des agents, aidés de mariniers, parvinrent, non sans difficulté, à
repêcher le pauvre fou.
Conduit au commissariat de police du quartier Saint-Victor, il
s'y trouva si bien qu'il dit au commissaire : .
Je ne sais comment vous prouver ma reconnaissance... Je
vous ferai empailler.
Bientôt il devint furieux. Il fallut lui passer la camisole de force.
On a trouvé sur lui un livret de mécanicien de la Compagnie des
tramways nogentais, au nom de Victor Garcias, trente-sept ans.
né à Paris. Il a été dirigé sur l'infirmerie du Dépôt (Le Matin,
19 septembre 1902).
FAITS DIVERS.
Asiles des aliénés DE la SEIKE. Concours pour la nomination
aux places d'interne titulaire en médecine dans les asiles publics
d'aliénés du département de la Seine, Asile clinique, asiles de Vau-
cluse, 171lle-Ev ? ,(ii-tl, Villejuif et Maison- Blanche, et l'Infirmerie
spéciale des aliénés ci la Préfecture de police. Le lundi 1 CI' décem-
bre 1902, à midi précis, il sera ouvert, à la Préfecture de la Seine,
à Paris, un concours pour la nomination aux places d'Interne titu-
laire en Médecine dans lesdits établissements. Les candidats qui
désirent prendre part à ce concours devront se faire inscrire à la
Préfecture de la Seine,- Service des Aliénés, annexe de l'Hôtel de
Ville, 2, rue Lobau, tous les jours, dimanches et fêtes exceptés, de
dix heures Li midi et de deux heures à cinq heures, du lundi 3 au
samedi 15 novembre 1902 inclusivement. (Voir pour les conditions à
remplir le Numéro des Etudiants du Progrès Médical.)
LE crime d'une folle. Une petite infirme étranglée par une folle.
Tentative de suicide de la meurtrière. - À quatre heures, ce matin,,
l'hôpital de Loches était mis en émoi par des cris désespérés de :
« Au secours ! » poussés par une voix de femme. Ils partaient de la
4G4 FAITS DIVERS.
direction du bassin de l'hospice. La supérieure et le jardinier accou-
rurent et virent une femme se débattant dans l'eau. Ils la retirèrent
et la transportèrent dans son lit. C'était la veuve Buffeteau. âgée de
soixante-treize ans, hospitalisée depuis 1895. Interrogée par la
supérieure, elle répondit : « Je voulais mourir. Vous m'avez em-
pêchée de faire mon bonheur comme j'ai fait le sien. » En disant
ces^paroles elle désignait le lit voisin du sien, celui d'une petite
infirme, Marguerite Lutier, âgée de douze ans.
La supérieure se pencha sur le lit de l'enfant. Elle put constater
que celle-ci était morte. Elle portait au cou des traces violacées
de strangulation. « C'est moi qui l'ai étranglée, dit la veuve Buf-
feteau, je l'ai étranglée avec un foulard, à minuit. Elle n'a
presque pas crié, la mignonne ! Puis je suis allée me noyer. Je
savais qu'on voulait me séparer d'elle. Je l'aimais trop pour la
quitter. J'aimais mieux que nous en finissions toutes deux avec la
vie. Hier, j'ai cru que c'était fini, qu'on allait me l'enlever. Alors
j'ai décidé de la tuer et de me tuer. »
En 1890, un an après l'entrée à l'hôpital de la veuve Buffeteau,
était amenée la petite Lutier L'enfant était complètement
infirme. Elle n'avait pas même l'usage de la parole. La vieille
femme la prit en affection. Elle ne la quittait pas, la soignait
comme une mère. Depuis quelques jours, la veuve Buffeteau
éprouvait de terribles douleurs de tête et parfois déraisonnait.
Elle disait qu'on voulait lui « enlever sa petite ». Vainement, on
tentait de la rassurer. Le maire de Loches et le commissaire de
police se sont immédiatement rendus sur les lieux, en attendant
la venue du parquet, prévenu. (Radical, 24 juin 1902.)
Si un tel accident survenait dans un hôpital laïque, la
bonne presse en tirerait un argument contre la laïcisation.
Un double enseignement est à tirer de ce tragique événe-
ment : l°La nécessité d'envoyer d'urgence à l'asile d'aliénés
les démentes de ce genre; 2° la nécessité de créer des asiles
spéciaux pour les idiotes.
Une grève D'AVEUGLES.-Londres, 7 octobre.-Une grève curieuse
a été déclarée hier à l'Institut des aveugles de Iunderland. Les infir-
mes hospitalisés sont astreints à quelques travaux manuels dont la
vente leur assure un petit revenu de 14 ou 15 shillings par semaine.
La semaine dernière l'administration dut, pour faire face à cer-
taines dépenses, diminuer ce salaire de 4 shillings, d'où- méconten-
tement et grève. Et les aveugles ont décidé d'adresser à tous les
Instituts d'aveugles du Royaume-Uni une pétition les engageant à
déclarer la grève générale. (Le Journal du 8 octobre 1902.)
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Evreux, Cil. Hémsssx, imp. - 10-1902.
Vol. XIV. Décembre 1902. N" 84.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE. \
CLINIQUE MEI\ITALE. 1
Des obsessions en pathologie mentale
Par le D, ALEX. ATII1NAS10,
Ancien chef de clinique mentale, médecin adjoint à l'hospice des aliénés de Bucarest.
« L'obsession et l'impulsion morbide sont de
véritables stigmates psychiques de dégénéres-
cence. »
Magnan.
Une impression plus ou moins vive qui a intéressé nos sens
et notre esprit, ne reste pas toujours latente, son souvenir
surgit spontanément dans notre l'or intérieur ; ainsi que sou-
vent au milieu même de nos occupations journalières, sinon
dans l'état d'oisiveté, tranquillité ou même rêverie, elle s'ob-
jective, nous apparaît, nous causant du plaisir ou du déplai-
sir selon sa nature. '
Il n'est personne qui n'ait éprouvé ce phénomène bizarre
de l'apparition d'une phrase, d'un passage d'une oeuvre litté-
raire, d'un air d'opéra, de chanson, de l'impression visuelle
qu'un site agréable nous a laissée, le souvenir lointain d'un
paysage vu encore clans l'enfance, l'odeur agréable d'une
fleur, l'odeur nauséabonde et infecte d'un cadavre, d'une
pourriture pathologique, d'un endroit infect (chose se pro-
duisant fréquemment après les autopsies) ; de même le goût
agréable d'un mets exquis, le goût amer ou désagréable d'un
médicament, toutes ces impressions sensorielles accompa-
gnées souvent de leur appoint psychique qui nous sont four-
nies automatiquement par la mémoire reviennent avec une
ténacité qu'on a grand peine de rompre; on assiste à ces
t Mémoire présenté à l'Académie de médecine, mention honorable au
Prix CI Vl'leux.
Archives, 2° série, t. XIV. 30
. 466 ? CLINIQUE MENTALE.
représentations qui nous captivent et nous fixent au point de
nous distraire et nous forcent, comme vaincus, à les accepter
un moment. '
Puis, par un effort de volonté, on peut se reprendre; le sou-
venir obsédant est éloigné, l'activité intellectuelle normale se
rétablit, c'est un épisode sans importance qui reste vite
oublié. Cet oubli pourtant ne se'produit pas toujours faci-
lement, preuve le sentiment connu sous le nom d'amour, qui
a son origine aussi dans une idée, image, impression obsé-
dante. L'impression agréable qu'une personne nous a laissé,
surgit fréquemment au milieu de nos occupations même les
plus sérieuses et captivantes et c'est souvent à grand'peine
que nous arrivons à nous en défaire.
Une forte émotion, un événement inattendu, une peur qui a
ébranlé notre moral, se reproduit comme un écho dans notre
monde psychique, la peur, la tristesse, le chagrin, reviennent
à la moindre occasion, événements qui rappellent les circon-
stances du premier choc moral. Ces circonstances sont suffi-
santes à reproduire une impression semblable à la première,
bien' entendu à un -degré atténué et souvent seulement
,ébauché.
Souvent il n'y a que la crainte, l'appréhension de la répé-
tition de l'événement pénible qui nous est arrivé, constituant
. alors une obsession.
, L'obsession au point de vue pa/A<oMe. 'Tout autre
est l'obsession pathologique. La mémoire n'en fait plus seule
les frais ; elle suppose une série d'anomalies préexistantes,
elle est un phénomène bien autrement compliqué que la
reproduction monotone, mais transitoire dont nous parlions
tout d'abord.
D'après Magnan : « L'obsession est un mode d'activité céré-
brale dans lequel un mot, une pensée, une image s'impose
à l'esprit, en dehors de la volonté, mais sans malaise à l'état
normal, avec au contraire une angoisse douloureuse qui la
' rend irrésistible à l'état pathologique. »
cc Pour que cette idée angoissante puisse surgir spontané-
ment et dominer toutes les autres occupations intellectuelles,
il faut préalablement une déséquilibration mentale et contrai-
remuent à ce qui a été avancé à diverses reprises, les seuls
dégénérés héréditaires sont aptes à réaliser ces phénomènes
pathologiques, si bien que l'obsession et l'impulsion'morbide
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 467 7
sont de véritables stigmates psychiques de dégénérescence.
On les observe chez les individus souvent doués d'une intel-
ligence brillante, d'aptitudes spéciales souvent remarquables,
qui sont'de la part de leur entourage l'objet d'une bienveil-
lante indulgence dont on cache même quelquefois les côtés
faibles; on les juge seulement sous leurs dehors trompeurs,
' on excuse facilement leurs bizarreries de caractère, on les
appelle des ce originaux » jusqu'au jour où un fait étrange,
une impulsion qu'on doit croire soudaine vient brutalement
révéler le désarroi de leur intelligence.
Que s'est-il donc passé ? Depuis longtemps, des inquiétudes
vagues, des craintes que rien ne justifiait, des précautions
puériles constituaient chez un individu prédisposé, un état
psychique anormal. Il avait conscience de cet état, et un effort
de sa volonté pouvait encore le soustraire à une maladie qui
n'arrivait pas jusqu'à l'angoisse.
Le jour où les centres cérébraux supérieurs ont perdu leur
contrôle et leur influence modératrice sur les centres psycho-
moteurs, le jour où l'état morbide s'est insidieusement installé,
où l'obsession s'est .définitivement imposée, une affection
mentale s'est désormais constituée. »
Historique. Décrite sous différents noms comme : délire
émotif, par Morel, qui le premier en 1866 en donna une
remarquable étude, désignée avant par Pinel sous le nom de
manie sans délire, de monomanie par Esquirol, Marc et
Georget, décrite après Morel et comprise par divers auteurs
sous les idées fixes (Buccola), idées incoercibles de Tambu-
rini, idées impéralives par Hack Tuke, ces trois derniers
auteurs considérant l'obsession comme un trouble- propre-
ment intellectuel.
Meynert la comprend sous le nom de délire avorté, Morselli
sous celui de paranoïa 1'udimentah'e qui peut rester à l'état
italique : paranoia rudimentaria ideativa, ou prendre un
caractère moteur : paronoia rudimentaria impulsiva. Quand
à l'émotivité c'est. uni élément plus, ou-moins- fréquent et
important. -
Onze ans après Morel ( 11.i), Westphal nous donne une
analyse fine de ce phénomène.sous le nom d'idées obsédantes.
Pour lui c'est une idée, bien que l'intelligence reste intacte,
sans qu'il existe un état émotif ou passionnel, idée qui appa-
rait à la conscience, s'y. impose contre la volonté, ne se lais-
, \
468 CLINIQUE MENTALE.
sant pas chasser, empêche et traverse le jeu normal des idées
et est toujours reconnue par le malade comme anormale et
, étrangère à son moi. ,
Différence fondamentale avec la conception de Morel. Pour
ce dernier l'obsession étant toujours un trouble essentielle-
ment émotif, tellement émotif qu'il localise le point de départ,
non dans le cerveau, mais dans le système nerveux ganglion-
naire viscéral, source supposée des émotions.
Pour Westphal au contraire c'est .l'élément intellectuel
idéatif qui csl le symptôme principal, l'élément émotif, est ou
absent ou, s'il existe, il est secondaire et provoqué par l'idée
obsédante, dont il représente une simple réaction.
C'est l'opinion la plus répandue aujourd'hui; ainsi en Alle-
magne, Krafft-Ebing regarde l'émotion comme la consé-
quence de l'idée dominante. « La réaction de la représenta-
tion obsédante sur la vie émotive du malade, dit-il, est
particulièrement importante. L'obsession provoque une
angoisse réactive violente allant jusqu'aux explosions de
désespoirs et aux crises nerveuses. »
En France. Magnan dit : Il ne faut pas oublier que l'exa-
gération des phénomènes normaux de l'émotivité s'accom-
pagnent toujours de manifestations vasomotrices : rougeur
et pâleur de la face, palpitations, etc.
Ces phénomènes survenant aussi au cours des symptômes
morbides ne sont que des états réaclionnels dont l'intensité
est précisément due à l'excès d'émotivité, à l'émotivité patho-
logique des sujets. Si le sympathique intervient il le fait
secondairement et non primitivement. 11 obéit à la situation
mentale au lieu de la commander.
Bien des circonstances démontrent 'que le syndrome est
avant tout un état cérébral.
L'ouuluatonomie, la folie du doute, le délire du toucher,
l'écholalie, sont sans aucun doute des troubles du fonction-
nement de l'écorce.
Enfin, les phénomènes émotionnels ont une intensité très
variable, ils sont'souvent réduits à peu de chose et dans cer-
tains cas même, ils disparaissent en laissant le syndrome
suivre son cours, pour ne réapparaître qu'au moment du
paroxysme.
En Angleterre, Mikle constate que, selon les cas, il y a dans
les obsessions prédominance du trouble de la pensée, de la
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 4G9
volonté ou de la sensibilité, d'où l'habitude prise de la dési-
gner par un groupe de trois phénomènes, le doute, la crainte
et l'acte.
- Mais en réalité, c'est l'idée qui prévaut toujours : « L'idée
impérative est le grand facteur, les troubles émotifs pouvant
être considérés comme secondaires et dus au conflit entre
l'idée et la volonté. »
D'autres auteurs qui considèrent l'émotion comme jouant
le rôle prépondérant dans l'obsession sont assez nombreux,
ainsi : Berger en 1878 regardait l'obsession comme une né-
vrose émotionnelle. Pour Friedreich l'émotion est, en règle
générale, le fait primitif, et c'est surtout l'angoisse qui joue
le rôle principal, représentant un symptôme de l'état neuras-
thénique qui est à l'origine de toute obsession. C'est aussi
l'opinion de Hans Kaan, de Schuele, de Wille ; en France,
de Cb. Féré, Séglas et Gilbert Ballet.
Pour Dallemagne l'émotion qui est primitive, en se réper-
cutant'vers l'écorce, y réveille des idées appropriées et l'idée
à peine née, retourne à la base raviver les sentiments d'où
elle est sortie. Donc dépendance de l'idée vis-à-vis du sen-
timent et subordination fonctionnelle de l'écorce à l'activité
du restant du système nerveux.
Signalons encore dans le même sens l'opinion de Freud et
Teckel' qui considèrent l'obsession comme une névrose, d'an-
goisse. Pour Régis l'émotion est la « conscience des varia-
tions neuro-vasculaires (Lange) et l'élément primitif et fonda-
mental de l'obsession. » ,
De même que pour l'impulsion, l'émotion est un élément
constant et indispensable de l'obsession. Que l'obsession soit
impulsive ou idéative, comme l'obsession du doute ou l'ob-
session homicide si nous y supprimons par la pensée l'an-
goisse, l'anxiété qui s'y trouve, l'obsession n'existe plus ; par
contre si nous y enlevons l'idée fixe ou la tendance impulsive,
y laissant seulement l'anxiété, l'angoisse, l'obsession reste
dans son fondement, dans son essence.
Tels sont ces états d'anxiété diffuse.
Il y a encore des obsédés, et ils sont nombreux, chez les-
quels l'objet de l'obsession est multiplié ou se modifie s'il est
unique. Les uns, par exemple, ont commencé par la phobie
de la rage ; plus tard, ils ont la phobie de la malpropreté,
puis celle des pièces de monnaie, etc.
4770' CLINIQUE MENTALE.
D'autres ont à la fois, en même temps plusieurs obsessions.
Or -ce qui varie chez eux, soit 'successivement, soit silI1ulLa-,
nément, c'est le phénomène intellectuel ; ce qui est inva-
riable, immuable et constant, c'est le phénomène émotif,
c'est l'anxiété. Séglas fait en outre remarquer que bon
nombre de cas d'obsession débutent par une phase d'angoisse
pure, et Dallemagne, qu'elle finit souvent par une phase
d'angoisse analogue, après la disparition de l'idée fixe.
Enfin, si l'émotion n'était qu'une réaction de l'idée fixe,
son intensité devrait nécessairement être en raison directe
de l'intensité de cette dernière. On observe pourtant le con-,t
traire; en général les symptômes émotionnels s'atténuent
dans l'obsession au sur et à mesure qu'elle tend à s'intellec-
tualiser.
Classification. L'émotion a servi à M. Régis de base pour
une classification des obsessions.
Il admet trois classes :
1° L'état obsédant à anxiété diffuse ou panophobique ;
2° L'état obsédant à anxiété systématisée ou monopho-
bique ;
3° L'état obsédant à idée anxieuse ou monoïdéique.
On distinguait autrefois et notamment Freud les deux pre-
mières classes sous le nom de phobies et la dernière sous le
nom d'obsessions vraies. Pour la première classe (anxiété
diffuse) il s'agit de déterminer d'abord quand l'émotion cesse
d'être physiologique pour, devenir pathologique, problème
difficile à résoudre.
Pour Féré, l'émotion est considérée comme morbide :
quand. ses accompagnements physiologiques se présentent t
avec une intensité extraordinaire ; 2° quand elle se produit ! ,
sans cause déterminante suffisante et 3° quand elle se pro-
longe outre mesure, en résumé quand ses réactions sont mal
adaptées à l'intérêt de l'individu ou de l'espèce.
Pour Hichet, l'émotion est morbide si elle est en dispropor-
tion (apparente) avec sa.cause , si elle est chronique, si ses
concomitants physiques ont une intensité extraordinaire.
L'état d'anxiété diffuse ou panophobique est un état per-
manent de lension émotive qui éclate par paroxysmes, à
propos de. tout et de rien, comme une décharge de. fluide
émotionnel, accumulé en excès dans l'organisme.
Une idée, une émotion, une sensation quelconques suffisent,
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 471 1
le moment venu pour provoquer la décharge, qui peut même
se produire dans le sommeil, sous la forme de chocs anxieux
(décharges émotionnelles de Weir Mitchell), de réveils brus-
ques, avec angoisse respiratoire (réveils angoissants de Mac
Ferlane).
La peur d'avoir peur (phobophobie) est un symptôme de
la neurasthénie, un malade, qui peut d'ailleurs n'avoir
jamais été exposé à la peur, vit dans l'appréhension perma-
nente de cette émotion et de ces effets physiques possibles.
Il en arrive à être incapable de sortir de sa chambre sans
être accompagné, obsédé qu'il est par l'hypothèse d'un acci-
dent quelconque, le malade arrive à ne plus bouger parce
que tout ce qui l'entoure l'eflraye.
On distingue dans l'état panophobique, l'attente anxieuse
et l'attaque anxieuse, cette dernière précédée parfois d'une
aura, partant du centre épigastrique, de la profondeur des
entrailles et s'irradiant dans tout le système cérébro-spinal
(Morel). L'attaque est constituée par une angoisse avec pho-
bie (sensation d'abolition de la vie, d'évanouissement, de
folie imminente, d'accident inévitable, etc.) et accompagnée
des- symptômes physiques du côté de la respiration, de la cir-
culalioinderinervation vasomotrice, de l'activité glandulaire.
Ces derniers symptômes d'après Freud, peuvent s'associer'
variablement avec prédominance des uns sur les autres dans
l'attaque qui se traduit surtout alors par une crampe cardia-
que, de la dyspnée, des sueurs profuses, de la boulimie, etc.
Prend admet alors des attaques rudimentaires d'angoisse qui
peuvent affecter :
1° Le type respiratoire ; 2° Le type' cardiaque ; 3° Le type
à sueurs ; 4° Le type à tremblements ; 56 Le type à boulimie;
6° Le. type à diarrhée et polyurie ; 7° L'attaque vaso-mo-
trice ; 8° Le type parcsthésique ; 9° L'attaque de, frayeurs
nocturnes ; 10° L'attaque du vertige.
A l'état d'angoisse vient se greffer une idée fixe ou phobi-
que comme une sorte d'objectivation plus ou moins durable
de-celte1 angoisse qui constitue le fond de la maladie. C'est le
mécanisme de l'obsession.
L'anxiété latente diffuse non encore formulée ou' seule-
ment momentanément au hasard des circonstances, qui, à
un degré' plus élevé dans^ l'échelle .morbide,, forme l'état
obsédant avec anxiété systématisée ou monophobique;
472 CLINIQUE MENTALE.
. 11lonophobies ou phobies proprement dites. Ces der-
nières se présentent sous la forme d'une répulsion ou peur
anxieuse originelle, chronique, portant spécialement sur un
objet déterminé (phobie du velours et des fruits, du sang, des
armes tranchantes, du feu, de l'eau, des hauteurs, de l'orage,
d'un animal. On les a signalés chez un certain nombre de
personnages célèbres.
Survenant même avec une organisation par d'autres côtés
supérieure, elle n'en ont pas moins une signification patho-
logique, comme de véritables déviations ou anomalies de la
sphère émotive, absolument comparables aux stigmates de la
déséquilibration mentale. Cette peur spéciale isolée n'est sou-
vent qu'une manifestation d'un état constitutionnel dé neu-
ropathie.
Les caractères principaux de la phobie systématisée (mo-
nophobie) sont les suivants :
1° Elle s'allie à une hérédité chargée souvent similaire, à
un tempérament neuropatlique, hytérique ou hystéro-neu-
rasthénique et peut, dans le milieu de la famille ou de l'inti-
mité se présenter sous forme de phobie à deux ;
2° Son début peut être très précoce, avoir lieu dans l'en-
fance ou à la puberté, phobie constitutionnelle ou plus tard à
tare nerveuse moins chargée à l'occasion d'un choc émotion-
nel, phobie accidentelle au h·a2cnaaliqzce ;
3° Elle peut, mais cela n'a guère lieu que lorsqu'elle cons-
titue un stigmate indélébile de déséquilibration émotion-
nelle, demeurer unique et persister indéfiniment sous la
même forme avec des alternatives de paroxysmes et d'accal-
mie : . -
4° Le plus souvent, plusieurs phobies systématisées se suc-
cèdent dans la vie du sujet, au hasard d'événements même
sans importance, ou bien il existe une phobie primitive et
permanente, prédominante au milieu d'un certain nombre
d'autres phobies accessoires. -
La plupart des e1'eutophobes appartiennent aussi, à la caté-
gorie des sujets atteints de phobie systématisée, constitution-
nelle unique et héréditaire (Régis).
Les phobies systématisées ont comme caractère fréquent
de reproduire avec intensité pendant les paroxysmes angois-
sants la sensation première, reproduction qui se reconstitue
intégralement soit il l'état de veille, soit dans le sommeil,
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 473
constituant alors d'après Féré une véritable hallucination du
sentiment. L'extériorisation renforce l'émotion, provoquant
des phénomènes physiques aussi intense que s'il y avait excita-
tion réelle du dehors; comme dans l'hallucination sensorielle.
Cette résurrection émotive s'accompagne même de véritables
hallucinations des sens. Exemple les acarophobes, qui en
arrivent à éprouver de réelles démangeaisons spécifiques.
La phobie systématisée peut se manifester exclusivement
par des attaques angoissantes, avec tranquillité complète
d'esprit dans l'intervalle (type intermittent ou type rémit-
tent), ce dernier plus fréquent ou en dehors des attaques,
la crainte subsiste sous forme de pensée plus au moins obsé-
dante.
Les phobies ou états obsédants avec anxiété systématisée,
les phobies trauma tiqués relevant de l'hystérie et les pho-
bies proprement dites, ces dernières comprenant : a) Iesplao-
bies communes ou peurs exagérées et b) les phobies d'occa-
sion (Freud).
M. Régis les divise en : 1° Phobies des lieux, éléments et
maladies (agoraphobie, claustrophobie, astrophobie, bacillo-
phobie) ; 2° Phobies des, êtres vivants (zoophobies, anthropo-
phobie, gynéphobie).
- 11. Marrel dans une thèse récente fait une classification
d'après le trouble mental et distingue aussi trois classes :
'10 Phobies relatives à un trouble sensoriel ; 2° Phobies rela-
tives à un trouble de la perception ou de l'imagination ;
3" Phobies relatives à un trouble dans les idées ou les senti-
ments.
2° Y a-t-il une différence entre les phobies et les obsessions
proprement dites. Les premières seraient dues à la prédomi-
nance de l'état émotif, anxieux (névrose anxieuse), les der-
nières dues à la prédominance de l'idée, l'état émotif restant 't
toujours le même, la nouvelle idée se mésallie à l'état émo-
tif, ce qui nous rend compte du caractère d'absurdité propre
aux obsessions.
Malgré ces différences, il y avait fréquemment combinai-
son de phobie et d'obsession propre. -
Au début, il y avait phobie, développée comme symptôme
de la névrose anxieuse. L'idée qui constitue la phobie peut
être substituée par une autre idée ou plutôt par le procédé
protecteur qui semblait soulager la peur. L'obsession n'est
lis 7 1 CLINIQUE MENTALE.
souvent que la forme aggravée ou intellectualisée de'la pho-
bie. Lorsque la phobie, au lieu de se manifester par des
crises d'angoisse intermittentes, avec calme complet dans
l'intervalle, préoccupe plus ou moins dans l'interparoxysme,
l'esprit du sujet, alors par une pente toute naturelle, la mo-
nophobie tend peu à peu vers le monoidéisme, et dans la
pratique on a le plus souvent affaire non à des phobies sys ?
témalisées pures, mais à des cas intermédiaires ou de transi-
tion entre la phobie et l'obsession.
L'obsession proprement dite. --L'obsession n'est souvent
qu'une phobie ayant perdu son caractère de simple trouble
émotif pour prendre par le fait même de son évolution celui
de trouble, à la fois émotif et intellectuel ainsi M. Régis nous
décrit l'éreutophobe : un jeune prédisposé à rougir dans une
circonstance plus particulièrement pénible. Il eu son choc
moral, son traumatisme. A,partir de. ce moment, dans des
circonstances déterminées, notamment ia même circonstance,
devant les mêmes individus, le même phénomène de rougeur
émotive se produit de plus en plus pénible au sur et a mesure
qu'il devient plus redouté. Ce n'est encore là que la phobie
systématisée,' à manifestations purement intermittentes.
Mais peu à peu la préoccupation de cette infirmité envahit
l'esprit du sujet, le domine, l'inquiète si bien qu'au seul sou-
venir d'une crise de rougeur, il en arrive à rougir. Dès lors,
il y pense toujours, il y pense'sans cesse; une idée fixe s'est
greffée sur le phénomène émotionnel, la phobie est dcvenue
obsession.
Quand l'obsession survient d'emblée, sans avoir passé au
préalable par une' phase exclusivement phobique, les'sym p-
tômes caractéristiques de l'angoisse-se retrouvent toujours à
un-degré quelconque. '
Mais en général autant l'obsession tend à s'intellectualiser,
autant son substratum émotif s'atténue.-Il est'd'usage de'sé-
parer, dans l'obsession, l'idée fixe simple et l'idée impulsive ;
bien qu'au fond de toute idée il y ait un élément moteur, et
quelles idées obsédantes soient de véritables impulsions
intellectuelles (Ball), Nous aurons donc des obsessions idéa-
tives ou théoriques et des obsessions impulsives ou actives.
L'idée fixe. physiologique, est. la forme quasitétanique de
l'attention (Ribot). Elle peut absorber et dominer l'esprit à
l'exclusion de toute, autre manifestationaiutellectuclle sans. »
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 475
être pathologique. L'idée fixe physiologique est voulue, même
cherchée parfois, en tout cas acceptée et non douloureuse.
D'après Séglas, l'attention est voulue à l'état physiologique,
tandis que chez l'obsédé, elle est spontanée, automatique,
et s'impose à la conscience qu'elle envahit par une sorte
d'effraction de la volonté.
L'idée d'obsession a comme caractère principal d'être invo-
lontaire et en désaccord avec le cours régulier des pensées.
L'individu qui poursuit un mot, un nom, un refrain, présente
un-rudiment d'obsession, parce que le souvenir qui s'impose
à lui est involontaire, automatique et tend à dissocier son
activité psychique normale en se substituant à elle. Mais ce
n'est- qu'un rudiment d'obsession parce qu'il lui suffit d'un
effort de volonté plus ou moins intense pour chasser cet hôte
importun. C'est une idée parasite, automatique, discordante,
irrésistible. Kopper la considère comme paraissant née hors
de' notre cerveau; Séglas comme un état particulier de la
désagrégation psychologique, une sorte de dédoublement de
la conscience. Dans le fonctionnement normal de notre intel-
ligence constitué par la succession harmonieuse de plusieurs
idées, l'émotivité pathologique cherche à jeter une note dis-
cordante, étrangère, intruse, toujours la même qui sollicite
notre 'attention. Cette idée discordante s'impose et domine
les autres ; d'où cette tendance à la dissociation ou dédou-
blement psychique constatée par fous dans l'obsession : ce
dédoublement s'accentue dans certaines formes chroniques
et incurables de l'obsession où l'idée fixe s'ancre, dans le cer-
veau. Il est même des cas où le dédoublement.étant en quel-
que sorte complet, l'obsession a créé chez le sujet une seconde
vie à part automatique, à côté de la vie intellectuelle propre-
ment dite.
Ainsi une malade de M. Séglas, atteinte depuis .vingt-cinq
ans d'obsession, disait : « Je me fais l'effet d'être double, je
me sens comme deux pensées se combattant ; une qui est bien
la mienne, qui cherche à raisonner, mais sans succès ; une
autre qui me serait en quelque sorte imposée et que je subis
toujours. Dans tout cela, je finis par ne-plus me reconnaître,
mes idées s'embrouillent et je ne puis plus démêler le vrai du
faux. o
Les auteurs qualifient encore l'idée obsédante d'irrésistible,
cela veut dire non seulement aune la volonté n'a aucune action
476 CLINIQUE MENTALE. -
sur elle, est impuissante à la chasser, mais qu'elle naît et
s'établit de force, sans que le sujet ait à intervenir dans sa
production. Mais ce dernier caractère n'empêche pas la lutte,
car comme le fait justement remarquer Régis, « qui dit obses-
sion ditjulte », ce qui différencie essentiellement, en effet,
au point de vue de l'idée, l'obsession, du délire, c'est que,
dans l'obsession la conscience se révolte contre l'invasion de
la puissance étrangère qui tend à l'envahir et fait appel à la
volonté pour la refouler; tandis que dans le délire, l'idée
peut être pénible, mais elle n'est pas un élément hétérogène,
s'identifie à l'esprit du malade et est acceptée avec toutes ses
déductions. Celte lutte, révolte, réaction contre l'obsession,
l'a fait considérer comme une maladie de la volonté. Et les
obsédés sont susceptibles de donner des preuves d'une énergie
peu commune pour combattre leur idée fixe et la combattent
réellement, leur'volonté n'est pas très amoindrie comme on
le croit généralement. Mais souvent les obsédés succombent
dans la lutte contre leurs idées ; alors leur attention se con-
centre davantage sur l'idée à chasser qui pénètre plus profon-
dément dans l'esprit et s'impose enfin comme disent les
malades tyranniquement à eux.
La lutte augmente les phénomènes d'émotivité pénible et
puis à l'anxiété, l'angoisse de se sentir envahi par une idée
étrangère, se joint l'anxiété, l'angoisse de ne pouvoir la chas-
ser. Il y a ainsi une double anxiété chez l'obsédé, une anxiété
primitive, origine même de l'obsession et une anxiété secon-
daire, celle qu'on appelle concomitante, résultant du conflit
douloureux de la volonté contre cette idée. Un autre carac-
tère et des plus anciennement et généralement attribué à
l'obsession c'est d'être consciente. D'après Séglas pourtant,
l'état de conscience personnelle ne serait pas. conservé, pen-
dant l'accès paroxystique, il est conservé seulement avant et
après l'accès. -
Par la présence de l'idée obsédante, constatée par un grou-
pement de certains phénomènes psychiques, une synthèse
secondaire qui, loin de s'assimiler à la synthèse principale
représentant la conscience personnelle, entre en lutte avec
elle et même avec assez d'avantages pour l'obnubiler tou-
jours, l'effacer même parfois tout à fait pendant un instant,
soit que le malade cède à son idée, soit que celle-ci revête
une forme particulière.
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 477
Dans un certain nombre de cas, il existe donc une altération
plus ou moins grave de la conscience, depuis ceux qui ne dis-
tinguent plus s'ils ont exécuté ou non ce qu'ils redoutent
jusqu'à ceux, comme la femme citée plus haut, dont la per-
- sonnalité est perdue ou dédoublée.
Comme autre exemple, Séglas cite un agoraphobe, qui
s'exprime ainsi : « Au bout de quelques pas, il me semble que
je me dédouble. Je perds la conscience (sic) de mon corps
qui est comme en avant de moi. Je marche, j'ai bien conscience
que je dois marcher, mais je n'ai pas conscience de ma propre
identité, que c'est bien moi qui marche. Je fais des efforts
pour me prouver que c'est bien moi et souvent il me faut
interpeller un passant, entrer dans un magasin pour parler,
demander quelque chose, afin de me donner une nouvelle
preuve que je suis réellement bien moi. »
Un enfant de douze ans, atteint d'obsession à forme cons-
titutionnelle, notamment d'obsession du doute et du toucher,
qui parfois en se promenant restait en arrière de son précep-
teur, celui-ci le rappelait vers lui. L'enfant accourait aussi-
tôt ; et après l'avoir rejoint, tout à coup il s'écriait' qu'on
l'avait abandonné, laissé en arrière, qu'il fallait retourner le
chercher, qu'il était perdu. Il fallait longtemps au précepteur
stupéfait pour le rassurer, lui persuader qu'il n'en était rien
et que cet abandon n'avait jamais eu lieu. Une autre fois,
voyant passer une voiture cellulaire, il aperçut le garde
municipal à la lucarne. La voiture passée, le voilà pris sou-
dain d'une grande peur, craignant d'avoir été emmené par le
garde qui l'aurait regardé en passant.
Un dernier malade enfin, lorsqu'il va dans une direction
déterminée, s'aperçoit au bout d'un assez long chemin « qu'il
a marché automatiquement sans avoir pu saisir la transition
de la marche voulue à la marche automatique ». Le voilà
alors pris d'angoisse ; « je me dis tout à coup, raconte-t-il :
Mais est-ce que c'est bien moi qui suis ici ? Est-ce bien
moi qui marche ? Et alors je fais des efforts inouïs d'appli-
quer ma conscience à celle inconscience (hic) pour me
rendre bien compte que je fais les mouvements de la
marche. Si bien qu'à un moment, pendant cette sorte de
- crise, avant la certitude absolue, je suis conscient d'un côté
que je suis inconscient de Vautre. D'où M. Séglas conclut
que la conservation de la conscience est toute relative, et
478 CLINIQUE MENTALE.
qu'il y a un commencement de désagrégation, de dissociation
du moi.
Mais il faut observer que les faits cités par Séglas prêtent à
controverse. On peut les considérer comme .des faits appar-
tenant à l'automatisme psychique, du moins autant qu'à
l'obsession. Ces faits ont été bien étudiés par P. Janet dans
les états de dualité hystérique ou encore dus à ces rêves dans
lesquels le dormeur se scindant en deux, se voit rêver.
D'ailleurs il faut s'entendre sur le sens du mot conscience.
Si au point de vue psychologique MM. Séglas et P. Janet
entendent la notion de l'unité de l'être, ils ont raison, mais
tout autre est la notion de la conscience -au point de vue cli-
nique, qui désigne la perception exacte des phénomènes
psychiques éprouvés, il est évident alors que sauf de très
rares exceptions, la conscience est conservée dans l'obsession.
Les faits connus dans lesquels les malades s'observent et s'étu-
dient en pleine crise, ne peuvent laisser aucun doule à cet
égard et nous savons qu'ils sont d'accord pour accuser cette
sensation de dédoublement de deux forces contraires agissant
sur eux. La constatation de ce dédoublement, l'analyse si
correcte et fine du phénomène, c'est bien un attribut de la
conscience.
La nature des idées d'obsessions est éminemment variable.
Sur un'nombre de deux cent cinquante cas bien nets d'obses-
sion, M. Régis a trouvé surtout : l'obsession de la folie, de la
gale, de laj-yphilis, du cancer, de l'attaque d'apoplexie, de
la mort subite, du ramollissement, de la paralysie générale,
d'un corps étranger dans l'oreille, des microbes, du contact
des médecins, d'une maladie du coeur, de la blennorragie, de
la rage, du vertige, de l'aphasie, de l'amnésie verbale', de
l'alaxie, de l'évanouissement, de la grossesse, des enfants
monstres, etc. ; l'obsession des objets pointus, du suicide, de
l'homicide, du vol, de boire ou d'être soupçonné de boire, de
dire ou d'écrire des choses compromettantes, d'avaler des
épingles ou d'en laisser tomber dans les aliments des autres,
de semer des morceaux de verre cassé, de tromper son mari,
de se livrer ou de s'être livrée à d'autres, de la sexualité sous
toutes ses formes, de la contamination par les excréments,
les poussières, les saletés des animaux, en particulier des
araignées, des mouches, des chiens, des serpents ; l'obsession
de rougir, de rester seul, de.la. foule, du- vent, des orages,
DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. Il.-19
d'un cataclysme, du pétrole, de l'huile, du sang, etc. ; l'ob-
session religieuse et scrupuleuse avec ses infinies variétés
(idée -anxieuse de ne pas toucher une personne ou une chose
ayant été en contact avec l'hostie sainte, en particulier les
prêtres et tous ceux qui communient, de peur d'une souillure
morale, et l'obligation de se laver constamment les mains,
comme dans l'obsession de la contamination physique); l'ob-
session du doute, de l'indécision, du point d'interrogation
perpétuel relatif à toutes choses ; l'obsession jalouse, l'obses-
sion amoureuse, etc., etc.
Donc on peut dire qu'il existe autant de variétés d'obses-
sions'qu'il peut naître de pensées dans le cerveau humain.
De toutes les. variétés celles qui ont trait à la santé et à
l'existence de l'individu paraissent les plus fréquentes ; vien-
nent ensuite celles relatives à la peur de mal faire à tous les
points de vue, moral, religieux, social, etc. ; celles relatives
à la peur d'un événement, d'un objet, d'un animal ; enfin
l'obsession du doute et d'un sentiment quelconque.
L'origine de toutes ces idées d'obsession est une impres-
sion, un choc émotionnel primitif qui a plus ou moins
fortement ébranlé le moral du malade. Freud l'attribuait
toujours à une origine sexuelle, opinion combattue par
M. Régis.
Les idées obsédantes ne sont pas généralement des idées
absurdes, impossibles ; parfois même elles sont vraisembla-
bles et n'ont de morbide que leur grossissement, leur domi-
nation, leur persistance. Elles peuvent présenter, cependant,
un caractère particulier, auquel certains auteurs ont donné
le nom de contraste. C'est lorsqu'elles se trouvent en contra-
diction complète avec les tendances du sujet.
Le plus souvent, il s'agit d'obsessions de forme religieuse.
Les malades veulent prier, faire une oraison : il leur vient
un blasphème, une impiété, un sacrilège, une injure grossière
à la pensée ou à la bouche.
-D'autres fois, les sujets sont poussés à se contredire, à dire
juste le contraire de ce qu'ils pensent on de ce qu'ils vou-
draient. Un rudiment de cette particularité se remarque, en
dehors de toute obsession proprement dite, chez les neuras-
théniques qui se plaignent de ne plus trouver leurs mots, de
dire dans la conversation le mot opposé à celui qu'ils veulent
et qui y voient avec appréhension l'indice d'un affaiblissement
480 CLINIQUE MENTALE.
mental. L'idée obsédante peut se modifier et se transformer
par une série d'évolutions successives.
Ainsi que nous l'avons vu, la phobie systématisée est rare-
ment unique; le plus souvent, plusieurs idées obsédantes
coexistent soit similaires, soit dissemblables, l'une d'elles
étant plus ou moins prédominante.
Les éléments morbides des obsessions peuvent se grouper
en proportions et dans des conditions variables suivant les
cas, de façon à donner au syndrome obsession une physio-
nomie différente.
MM. Régis et Pitres, dans leur rapport au Congrès de Mors-
cou sur la séméiologie des obsessions, donnent comme carac-
tères généraux 'des obsessions : de se produire le malin, dès
le réveil, et ce passage- de la vie onirique, 'accompagné le
plus souvent de l'oubli momentané de leur torture morale, à
la vie réelle qui la fait réapparaître instantanément, est chez
beaucoup, comme chez nombre de neurasthéniques, le plus
mauvais moment de la journée. D'autres au contraire sont
pris tous les soirs, à la tombée de la nuit, de paroxysmes
angoissants.
Le sommeil est plus ou moins bon. Tantôt, l'obsession n'a
aucune i épercussion sur lui; d'autres fuis elle a également
lieu dans le soit qu'elle en tire son origine, soit qu'elle
s'alimente, se renforce simplement en lui. Cette action du
rêve sur l'obsession et l'idée fixe s'exerce surtout chez les
hystériques, sans qu'ils en aieut conscience, à l'état de veille.
L'obsession se manifeste habituellement sous forme p01'O-
xystique et est rarement tout à fait continue.
En tout cas, dans l'intervalle des crises et même durant les
crises, lorsqu'elles ne sont pas trop intenses, les sujets peu-
vent continuer de se livrer aux travaux de leur profession.
D'habitude, ils cachent leur étal d'âme et se concentrent en
eux-mêmes, évitant d'en parler jusqu'à leurs plus proches.
Ce n'est que lorsqu'ils sont à bout de lutter ou trop tourmen-
tés qu'ils vont s'ouvrir au médecin, puisant dans cette confes-
sion, comme les neurasthéniques, un soulagement momentané.
M. Régis classe les obsessions en constitutionnelles et
accidentelles. Les premières à hérédité chargée sont pré-
coces, l'élément intellectuel y prédomine, elles ont une allure
rémittente ou continue, sont chroniques, l'idée obsédante
est multiple et peut se modifier. ,
ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR. 481 1
Une hérédité moins chargée, surtout au point de vue vésa-
nique, un début plus tardif, la prépondérance de la cause occa-
sionnelle, la production d'une phase de phobie, la persistance,
à un degré marqué, des phénomènes émotionnels, l'allure
toujours paroxystique, enfin sa curabilité sont des caractères
qui appartiennent plutôt à l'obsession accidentelle.
(A suivre).
RECUEIL DE FAITS.
Aliéné automutilateur.
Par le D' G. POIRSON
Ancien interne de l'asile d'aliénés de Maréville.
L'observation que nous publions nous a paru intéressante
à plusieurs points de vue : l'état mental du malade dont il
s'agit, d'une part, et, d'autre part, les incidents pathologi-
ques qui sont survenus au cours de la maladie, pendant la
présence du sujet à l'asile public d'aliénés de Maréville.
Nous réservons l'étude de l'état mental pour la fin :
Observation. Phlegmon du thorax, corps étrangers dans le phleg- ? non. - Phlegmon ante et rétro-sternal. Pneumonie centrale
, gauche. Autopsie. Péricardite fibriazo-purulente. Epingle
implantée dans le foie. Etat mental.
I. Antécédents. Etat physique. T... est âgé de trente-
huit ans lors de son entrée à l'asile. Il est né dans un village de
Meurthe-et-Moselle. Muni d'une instruction primaire rudimentaire,
il exerce les professions de verrier ou de journalier. Marié, père
de trois enfants.
Les recherches sur ses antécédents héréditaires ou personnels
nous apprennent fort peu de choses. Nous savons seulement qu'il
a eu deux fluxions de poitrine.
C'est un homme de tempérament mixte, primitivement bien
constitué, mais débilité actuellement, à la physionomie inintelli-
gente et quelque peu bestiale, sans signes de dégénérescence net-
tement accusés.
Archives, 20 série, t. XIV. 31
482 RECUEIL DE' FAITS.
Une particularité de l'état physique très importante à signaler,
comme nous le verrons plus tard, est un amoindrissement consi-
dérable de la sensibilité, sans zones délimitées.
II. Incidents pathologiques survenus pendant le séjour de T... ci
Maréville. z Le 16 décembre, six semaines après son entrée
il l'asile, on fait, en examinant le malade, qui ne s'était nullement
plaint, la découverte d'un phlegmon du tissu cellulaire au-devant
du grand pectoral gauche.
Ce phlegmon, dont le diamètre et la saillie sont représentés par
une moitié de mandarine, est percé en son centre d'une petite
ouverture par où s'écoule un pus horriblement fétide et de cou-
leur noirâtre. Un débridement et un nettoyage en font sortir, avec
une grande quantité de pus, une allumette, la mine d'un crayon
de la longueur de cinq à six centimètres, et un fragment de bois
de crayon.
Malgré les soins habituels, le phlegmon se propagea en tous
sens : peu vers le haut; jusqu'au rebord des fausses-côtes vers le
bas; à droite, jusqu'au bord droit du sternum ; à gauche, jusqu'à
la ligne axillaire postérieure. C'etait un phlegmon diffus de tout le
côté gauche de la face antérieure du thorax, avec vastes décolle-
ments.
Il en résulta un grand affaiblissement général du malade, à tel
point que le pronostic, à la fin de décembre, était fort incertain. Le
traitement consista en alitement, incisions multiples, drainages,
lavages, pansements antiseptiques. '
Le 30 décembre, l'écoulement purulent, très abondant jusque-là,
diminua. un peu, et, dans le courant de janvier, le recollement et
la cicatrisation s'effectuèrent dans la partie supérieure du phleg-
. mon, En bas, persistait un suintement de pus et de sérosité. L'état
général était devenu. satisfaisant à cette époque. -
g 2. Le mois suivant, tout semble bien fini à la partie supé-
rieure du thorax, quand une tuméfaction se forme au niveau du
'fiers supérieur du sternum, tuméfaction dure, sans fluctuation.
Après incision, il s'en écoule cependant une petite quantité de pus
et de sérosité; cet écoulement persiste et devient même plus abon-
dant au bout de quelques jours.
A ce moment, se produit ce fait intéressant : il chaque inspira-
tion ; l'air extérieur entre par la plaie, et, à l'expiration, ressort
mélangé au pus et à la sérosité, sous formes de bulles qui éclatent
à l'orifice cutané. L'auscultation, pratiquée soit en avant, soit en
arrière du thorax, fait entendre à chaque mouvement respiratoire
un souffle correspondant à l'entrée et il la sortie de l'air, et des
gargouillements représentaut la formation et l'éclatement des
bulles séro-purulentes. ·
ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 483
A' la palpation, on sent le corps sternal mobilisable, la poignée
restant fixe. La percussion dénote une zone de matité environnant
la plaie, peu étendue à droite, et plus à gauche, de cinq centi-
mètres environ de largeur totale en tous sens. '
Un stylet introduit avec précaution par l'orifice, s'enfonça entre
la peau et le sternum, à des profondeurs correspondant à peu près
aux dimensions de la zone de matité. Le sternum est dénudé de
son périoste dans cette étendue. 1
Poussé plus profondément, le stylet passe entre le corps et la
poignée de l'os, qui sont séparés complètement l'un de l'autre,
puis, étant incliné, glisse en dessous 'd'eux, du côté gauche assez
profondément (trois centimètres environ), et très peu du coté droit.
Ces symptômes montrent l'existence d'un phlegmon en bouton
de manchettes, formé de deux poches situées l'une en avant, l'autre
en arrière du. sternum, et réunies par un trajet passant entre le
corps et la poignée de l'os.
L'écoulement de ce phlegmon continua, de moins en moins
abondant, pendant le mois de mars. En même temps, il devenait
moins purulent, si bien qu'en avril persista seulement un suinte-
ment séreux qui finit lui-même par tarir.
L'état général, fortement débilité par toutes- ces suppurations,
se remonta sensiblement ; il ne redevint toutefois jamais bien
satisfaisant, l'agitation continuelle du malade contribuant beau-
coup à l'épuiser. 1
Rien d'intéressant au point de vue physique ne vint marquer la
fin de l'année ni le commencement de la suivante, si ce n'est qu'au
mois d'août, à la suite d'un traumatisme,.la fistule sternalese rou-
vrit et suppura pendant quelques jours, pour se fermer ensuite
définitivement..
5 3. -Le 6 avril (un an après la guérison du phlegmon décrit
précédemment), -T ? présente le soir une température de 39°2.
L'examen physique ne décèle à ce moment aucun symptôme objec-
tif intéressant. -
Les signes suhjectifs sont nuls, ce qui est compréhensible, étant
donné l'amoindrissement considérable de la sensibilité du sujet.
Le troisième et surtout le quatrième jour, l'auscultation révèle
un souffle tubaire à timbre étouffé, du côté gauche. La percussion
des poumons, par contre, ne donne rien. La percussion de la
région précordiale est négative. A l'auscultation, on ne perçoit
qu'un assourdissement des bruits du coeur, qui devieut;progressi-
vement' croissant, à mesure que la maladie évolue; en même
temps, le rythme en devient irrégulier. Le pouls, normal au début,
s'affaiblit par la suite, pour devenir flliforme, presque impercep-
tible les deux derniers jours.
La température de 39°2 le soir du 6 avril, passe à 39°3 le 7 ^au
484 RECUEIL DE FAITS.
matin et à 40° le soir. Mais le 8, elle commence à descendre de 1°
environ par jour, jusqu'au 14, où elle est de 35°2 le soir. Le 15,
elle se relève à 36°4, pour revenir à 35°8 le matin du 16.
L'état général, déjà peu satisfaisant au début de la maladie,
empire rapidement : Le 14, adynamie, refroidissement. Le 16,
coma, puis mort.
Ni les symptômes observés, ni la température ne permettaient
de conclure à une pneumonie. L'autopsie montra que c'en était
pourtant une et donna les raisons de l'anomalie des signes objec-
tifs et des degrés thermiques.
§4. AUTOPSIE. ? A l'examen extérieur du corps, on voit sur le
thorax les cicatrices des phlegmons successifs que nous avons
décrits. Il était intéressant de rechercher ce qu'étaient devenus le
trajet fistuleux faisant communiquer les deux poches du phleg-
mon anté et rétrosternal et aussi la poche située derrière le
sternum.
La cicatrisation, nous le constatâmes, s'était faite normale-
ment, ne laissant comme traces que très peu de tissu fibreux. Les
deux portions de l'os étaient de nouveau soudées, le corps n'était
plus mobilisable. Voyons maintenant les organes de la cavité tho-
racique :
Les plèvres. Les feuillets pariétaux et viscéraux sont unis par
des fausses membranes récentes, assez serrées à gauche, plus
lâches à droite, se laissant partout décoller. La cavité pleurale ne
contient pas de liquide.
Poumons. A droite, un peu d'emphysème au sommet et de
congestion à la base. Le poumon gauche est d'aspect rougeâtre
dans toute son étendue. Emphysème au sommet. Tout le reste, à
la coupe, apparaît congestionné. Enfin, on trouve deux foyers
d'hépatisation rouge, un dans chaque lobe, entourés de tissu non
hépatisé, sauf au niveau de la scissure interlobaire, où ils sont en
contact par l'intermédiaire des deux feuillets pleuraux. Ceux-ci ne
présentent pas de lésions différentes de celles de la plèvre gauche
en général; ils sont recouverts et unis par des fausses-membranes
peu résistantes. '
De ce qui précède, s'impose le diagnostic de pneumonie
centrale des deux lobes du poumon gauche.
Péricarde. Nous fimes, en l'examinant, une découverte d'au-
topsie, celle d'une péricardite. Il en est souvent ainsi d'ailleurs.
Cela a été constaté à plusieurs reprises '. '
1 Cette péricardite est souvent une découverte d'autopsie, Netter, .
Traité de Médecine, Cliarcot-Bouchar(l, t. IV, p. 906.
1 '. ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR . 485
Comme nous le verrons plus loin, cette péricardite nous
explique le caractère anormal apparent de la température
pendant la pneumonie. Les deux feuillets de la séreuse
étaient recouverts, dans toute leur étendue, d'une épaisse
Fig. 36.
4t\6 - RECUEIL DE FAITS.
couche de fausses membranes villeuses. La cavité pcricar-
dique contenait un liquide abondant (un litre environ) jaune
sale, purulent. C'est à cette masse énorme de liquide que
doit être probablement attribuée la mort.
On peut se demander pourquoi un épanchement aussi
considérable ne fut pas soupçonné en percutant la région
précordiale. C'est que la zone de matité ne se différenciait
pas sensiblement de la normale, pour la raison suivante :
Les poumons droit et gauche étaient maintenus en place par
les adhérences pleurales et les languettes antérieures ne se
laissaient pas refouler par le liquide péricardique.
C(L'2Gl'. Le coeur était petit, pâle à la coupe; les parois muscu-
laires très atrophiées et flasques. Pas de lésions valvulaires.
Nous avons dit que la péricardite nous expliqua le carac-
tère anormal apparent de la température pendant la pneu-
monie.
On a remarqué en effet que, quand une péricardite sur-
vient au cours d'une maladie primitive, il arrive parfois que
la température s'abaisse; ce fait s'observe surtout chez les
vieillards et les individus débilités 1. Or c'est bien là le cas
de notre malade, et on comprend pourquoi la température a
commencé à baisser dès le troisième jour.
Ainsi, dans cette pneumonie, les symptômes subjectifs,
frissons, point de côté, expectoration, ont manqué par suite
de la très faible sensibilité du sujet.
Les signes donnés par la percussion furent négatifs et les
signes stéthoscopiques peu nets, à cause de la localisation
du mal au centre du poumon. Quant à la température, nous
venons de voir à quoi tenait sa courbe anormale en appa-
rence.
§ 8. Il nous reste, pour terminer l'autposie, à parler des
organes abdominaux.
Le tube digestif, la rate, les reins, etc., ne présentaient rien de
particulier', et arrivons au foie, à l'examen duquel nous Ames une
nouvelle découverte intéressante. De volume normal, l'aspect et la
couleur jaune étaient ceux d'une dégénérescence infectieuse et
cachectique. Le lobe gauche portait à sa face supérieure une
épingle implantée dans le tissu hépatique et dirigée de haut en
j V. op. cit. V, Maladies du Coeur, par , : \1.. A ! 1Jré Petit.
,
ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 487
bas et d'avant en arrière. Cette épingle, sans tête, mesure 25 mil-
limètres. Elle était enfoncée de 15 millimètres. Les 10 millimètres
restant au dehors, pressés par le diaphragme à la surface du
foie, y avaient déterminé une petite gouttière. Cependant, qnand
le foie fut retiré de la cavité abdominale, la partie extérieure de
l'épingle ne resta pas couchée dans la gouttière, mais s'en écarta
d'un millimètre à peu près. La portion cachée de l'épingle s'en-
fonçait très obliquement dans le tissu hépatique, la pointe étant
dirigée sensiblement vers la colonne vertébrale.
11 fallut employer une certaine force pour retirer ce corps
étranger. était contenu dans un trajet fistuleux cicatrisé ci
priori, formé de tissu fibreux, d'un aspect blanchâtre. Autour du
point d'implantation, se voyait une aire, de diamètre très réduit,
sur laquelle l'aspect du péritoine hépatique était dépoli, laiteux,
traces d'une inflammation très restreinte. D'ailleurs, à aucun
moment de la vie de T..., on n'avait observé de symptômes de
péritonite. t
Nous ne trouvâmes point sur le diaphragme de cicatrice déce-
lant le passage de l'épingle; et, cependant, il est probable qu'elle
avait-traversé ce muscle avant de s'implanter dans le foie, étant
donnée sa directien dans ce dernier.
Quels furent le point de pénétration de l'épingle dans le
corps de T..., et le chemin qu'elle suivit pour arriver où nous
l'avons trouvée ? Cela est difficile à établir de façon certaine'.
On peut supposer que le malade s'introduisit ce corps étran-
ger avec ceux-que nous avons retirés de son phlegmon du
tissu cellulaire au devant du grand pectoral gauche (§ 1). En
admettant ce point d'entrée, comment l'épingle descendit-
elle ensuite jusqu'au diaphragme ? Glissa-t-elle en avant des
côtes, ou bien en arrière ? C'est ce que nous ne pouvons
décider.
III. Etat mental. § 1. Les renseignements très brefs donnés
par le médecin de son pays, signalent T... comme maniaque,
jaloux, violent, depuis quelque temps. A la maison de secours de
Nancy, où il a passé plusieurs jours avant son internement, il eut
des accès d'agitation violente « qui le rendaient dangereux pour
lui-même et pour son entourage ». .
A son entrée à Maréville, T... parait triste, son attitude est
déprimée. Il est calme au début, cependant ne tarde pas il
s'exciter et à s'agiter. Il répond assez volontiers aux questions
. ' L'orientation de l'épingle ne permet pas d'admettre qu'elle ait été
avalée..
488 RECUEIL DE FAITS.
qu'on lui pose. Son intelligence est peu développée, son carac-
tère fort amis. C'est ainsi que, très émotif, il se met tout à coup à
pleurer en demandant à retourner auprès de ses enfants; mais il
s'apaise facilement et se met à rire si on lui adresse quelque com-
pliment sur lui-même, car il est très content et a haute idée de
soi : il n'y à pas d'ouvriers qui gagnent plus, il est bon gars, etc.
Au bout de quelques jours, durant lesquels il s'était tenu dans
une réserve presque complète au sujet des événements qui tra-
versèrent son existence avant sa mise en observation, T... se
décide enfin à parler et raconte les faits suivants, qui montrent
bien les troubles profonds survenus dans son intelligence déjà
anormale et débile originairement.
T... se croyait en butte aux persécutions d'une vieille femme
habitant la même maison que lui. Dans cette maison, se trou-
vaient encore d'autres personnes, chez lesquelles un coeur de
boeuf était suspendu au plafond, ce qui l'intriguait beaucoup.
Il alla trouver « une dormeuse » et lui demanda conseil.
Celle-ci lui apprit que le coeur était destiné à le faire mourir,
mais que s'il parvenait à couper la ficelle qui le retient, tout
danger serait écarté.
Malgré l'opposition du propriétaire du coeur, T... peut accom-
plir la recommandation de la dormeuse. Mais tout n'est pas fini.
11 se sent travaillé intérieurement, une force le pousse à sortir de
chez lui et à battre la campagne. 11 est à ce moment fortement
halluciné et ne cesse d'entendre des voix qui sont, explique-t-il,
celles de démons familiers et bienveillants.
Pour se délivrer des démons malveillants qui le travaillent inté-
rieurement, il entre dans une église et prend de l'eau bénite. Une
voix lui dit : « Vous êtes délivré, vous êtes délivré... » Néan-
moins, il entre encore dans diverses maisons et demande de l'eau
bénite. Il finit par en obtenir et accomplit ce qu'une voix lui com-
mande, c'est-à-dire qu'il brûle un mouchoir que sa femme lui a
mis dans la poche, et l'arrose d'eau bénite.
Dans ces pérégrinations, il rencontre un M.-D..., qui est le bon
Dieu et qui le délivre, et aussi un homme à cheval; cet homme
est sa femme, qui a le pouvoir de se métamorphoser.
Par la suite de son séjour à l'asile, les hallucinations demeurent
aussi intenses. Il voit et entend une vierge blanche; c'est elle qui
le retient enfermé à Maréville; par moments, il lui répond et l'in-
jurie grossièrement. T... n'est d'ailleurs pas seulement exubérant
en paroles, mais aussi en actions; il se livre à toutes sortes d'extra-
vagances, entre autres avale des cailloux pour faire sa digestion.
D'après ce qui précède, le diagnostic de notre malade est :
Dégénérescence et débilité mentales originaires, avec idées délirantes
polymorphes (culpabilité, persécution, mysticisme, satisfaction
personnelle exagérée), hallucinations de la vue et de l'vouiez
ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 489
§ 2. Il a été dit au commencement de cette observation,
que : r... s'était introduit sous la peau, au-devant du grand
pectoral gauche, plusieurs corps étrangers, allumette, mine
de crayon, fragment de bois, sans compter l'épingle. Sous
quelle inspiration agit-il, et quel était son but ?
Malgré notre insistance à le lui demander, nous ne pûmes
obtenir de réponses satisfaisantes. Ce qui est évident tout
d'abord, c'est que, l'état de sensibilité très amoindrie qui
était le sien, fut la cause occasionnelle de l'automutilation
qu'il accomplit.
Quant à en déterminer la cause efficiente, nous ne pouvons
. que faire des suppositions à ce sujet. Il faudrait d'abord
savoir si T... s'est introduit les corps étrangers dans le phleg-
mon déjà existant, ou s'il a pratiqué à la peau saine, par le
moyen de l'épingle, une boutonnière au travers de laquelle
il a ensuite glissé les autres objets, et a ainsi déterminé le
phlegmon.
Dans le premier cas, il se pourrait que son but eut été de
se guérir par ce moyen bizarre ; mais ceci semble peu pro-
bable. Les automutilateurs obéissent le plus souvent à des
idées délirantes ; les uns veulent se punir des crimes qu'ils
croient avoir commis ; d'autres pensent se soustraire aux
persécutions. Dans certains cas, les automutilations peuvent
être encore simplement le résultat, les manifestations du
désespoir du malade qui s'arrache les cheveux, et qui, grâce
à l'anesthésie, peut se livrer sur lui-même à d'autres mutila-
tions'. Souvent aussi, il est impossible de comprendre quelle
relation lie l'idée délirante à la mutilation. Aussi, dans une
observation de Krafft-Ebing, un malade qui a vu la sainte
Vierge se mord le genou à l'endroit où elle s'est assise, pour
qu'elle réapparaisse. Nous avons vu à Maréville un malade
se dévorer complètement les lèvres, et dire qu'il faisait cela,
parce qu'il était emmené dans le soleil et les astres.
On voit qu'il est difficile de déterminer exactement la cause
d'une automutilation, mais qu'elle doit être recherchée dans
une idée délirante (mystique, de persécution, de culpabi-
lité...)
Chez notre malade, en raison de son délire essentiellement
polymorphe, et en l'absence de toute indication, la cause
' V. von Israfft-Ebing, Traité de Psychiatrie, p. 360.
490 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
occasionnelle seule nous est connue, c'est l'amoindrissement
de la sensibilité. 1
En cet état, T... a peut-être obéi à une voix ? Peut-être
a-t-il voulu se délivrer des mauvais génies qui étaient en
lui ? Peut-être a-t-il voulu .se punir de fautes dont il se
croyait coupable ? Voilà, quant à la cause efficiente de sa
mutilation, ce que nous pouvons supposer. -
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XXVII. Des inégalités pupillaires produites par l'action différente
de l'éclairage direct et de l'éclairage indirect; par A. Pieu.
(7Veu ? -o. Cenlralbl., XIX, 1900.)
Dans la réaction des pupilles, il faut tenir grand compte de la
situation de la source de lumière. Ainsi, avant tout, chez le neu-,
rasthénique et l'épileptique, puis dans les cas de psychoses fonc-
tionnelles, notamment à la suite d'accidents, il n'est pas du tout
rare d'observer une inégalité pupillaire défavorable à l'oeil placé le
plus près de la fenêlre. C'est que le sujet est éclairé latéralement.
Le place-t-on de façon que l'autre pupille qui vient d'apparaître la
plus large soit la plus rapprochée de la fenêtre, c'est elle mainte-
nant qui semble plus étroite que'la première, actuellement la plus
éloignée de la baie. Cette inégalité pupillaire se produit alternati-
vement à volonté ; il suffit que l'éclairage porte uniformément sur
les deux yeux en même temps pour'qu'elle disparaisse à son tour.
Il s'agit d'individus à pupilles très mobiles, réagissant énormément
sous de très faibles différences de lumière, qui présentent une sorte
d'hyperesthésie de l'appareil - centripète ; peut-être aussi y a-t-il
simultanément exagération de fonction de l'appareil centrifuge
(Bach, Elschnig, Pick). P. hLUavat.
XXVIII. De la valeur du réflexe scapulo-huméral; par W. de BËCHTE-
kew. (0&o : r : <t; ]7sir;hillll'ii, V, 1900; Neurolog. Ceiiti ? XIX, 1900.)
Même article en russe et en allemand. C'est une réponse il
M. Haenel (Netcrolo. Cczhul6l., 1900). A la suite de la discussion,
l'auteur établit que la recherche de ce réflexe peut être utile, non
seulement pour le diagnostic différentiel entre l'atrophie scapulo-
humérale d'origine cérébrale et l'atrophie scapulo-humérale .d'ori-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 491
gine spinale ou névritique, quand naturellement. ce diagnostic se
heurte à quelques difficultés, mais parfois aussi pour distinguer
l'atrophie musculaire juvénile au début d'autres processus atro-
phiques ayant une autre origine dans la région scapulo-humérale.
Au surplus, celui qui veut établir un diagnostic exact, doit exami-
ner complètement l'organisme par tous les bouts, et ne laisser de
côté aucun phénomène, quelle qu'en soit la constance, d'autant que
rien n'est absolu en ce monde; les réflexes même aussi importants
que le réflexe patellaire et achilléen, ne sauraient, on le sait
depuis longtemps, être regardés comme absolument constants.
0 , P. K 1 R L.
XXIX. Nouvelles communications sur les essais d'excitation élec-
trique de la moelle des décapités; par A. Hoche. (Yeurolog. Cen-
tmlbl., XIX, 1900 1.) -
Il s'agit de deux guillotinés qui constituent les observations 111
et IV de la collection de M. Hoche. Les voici :
Observation III. Homme de vingt-cinq ans. Chute du couteau
à 7 h. 5 minutes. Début des expériences à 7 h. 7 minutes. On se
propose d'employer le courant faradique aussi faible que possible;
excitation bipolaire à l'aide de fines aiguilles distantes de 1 milli-
mètre, montées sur le même manche. La colonne vertébrale a été
tranchée entre les troisième et quatrième cervicales. La moelle est
raide, lisse, brillante, libre dans le canal vertébral. Le contact
successif de la région droite et gauche des cordons antéro-laléraux
engendre, par le courant minimum, un mouvement de l'extrémité
supérieure homonyme, limité aux deltoïde, biceps, long supina-
teur, ainsi qu'aux muscles de l'épaule. Ce mouvement s'accentue à
mesure que l'on se rapproche des racines antérieures, il atteint
son maximum quand on excite directement les racines anté-
.rieures, entre la moelle et la dure-mère. Le faisceau pyramidal,
dans le cordon latéral, n'offre rien de spécial. Augmente-t-on la
force du courant appliqué aux régions indiquées, on provoque,
même par l'excitation unilatérale, un mouvement bilatéral symé-
trique, qui se propage ensuite en bas aux muscles du thorax, de
l'abdomen, voire de la cuisse. A 7 h. 15 minutes, en dépit de la
force du courant, les contractions deviennent vermiculaires, mais
un courant qui, appliqué à la surface de section, n'engendre que
des contractions lentes et faibles provoque des contractions éner-
giques et courtes si l'on enfonce l'électrode à 1 centimètre ou un
demi-centimètre. Douze minutes après la décapitation, l'excitabi-
lité de la surface de la moelle a beaucoup diminué.
1 Voir sur ce sujet : Loye, La mort par la décapitation. Librairie du
Progrès Méd. -
492 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Observation IV. Homme de cinquante-trois ans. Chute du
couteau à 7 h. 15 minutes. Décollation à la'hauteur de l'extrémité
inférieure de la troisième cervicale. A 7 h. 18 minutes, un courant
minimum sur la région des cordons antél'o-[rÛé1'aux fait contracter
les muscles de l'épaule et du bras du même côté, et l'effet est d'au-
tant plus grand que les pôles sont rapprochés du pourtour anté-
rieur de la moelle et ne quittent pas la zone des racines antérieures ;
il est moindre quand on excite les parties postérieures du cordon
latéral. Le territoire du faisceau pyramidal ne présente aucune
particularité. Un courant de force identique appliqué sur n'importe
quel cordon postérieur et sur n'importe quel faisceau de ce cordon,
engendre un mouvement bilatéral symétrique des deux bras ; les
bras s'élèvent, les avant-bras se fléchissent et les deux mains vien-
nent se croiser sur la ligne médiane au niveau du sternum. Le
contact de la racine postérieure gauche, entre la pie-mère et la dure-
mère, avec un courant faible, fait contracter les muscles de l'épaule
et du bras à gauche; si le courant est fort, les deux bras entrent
en mouvement, mais surtout à gauche. Résultat semblable, mula-
tis mutandis, pour la racine postérieure droite. Qu'on procède à
droite ou à gauche, les muscles du bras se contractent mieux et en
plus grand nombre si l'on excite simultanément un plus grand
nombre de faisceaux radiculaires postérieurs, en enfonçant les
aiguilles profondément dans le canal vertébral parallèlement à
l'axe longitudinal de la moelle. Les courants forts suppriment
toute différenciation ; ils engendrent des actions symétriques,
excitent les muscles du thorax, de l'abdomen, le diaphragme, le
psoas-iliaque. A 7 h. 30 minutes, c'est-à-dire quinze minutes après
la chute de la tête, l'excitabilité de la surface de section baisse
rapidement ; néanmoins, en piquant des plans plus profonds, on
arrive encore à renforcer l'action du courant passagèrement.
Conclusions. 1° La moelle de-l'homme, après la décapitation,
demeure excitable au courant faradique secondaire, appliqué sur
la surface de section, pendant environ un quart d'heure ; 2° les
courants faibles, excitent les parties latérales et antérieures de
cette surface, déterminent des contractions musculaires dans les
régions homolatérales dont les fibres correspondantes naissent à
peu près au niveau du lieu d'excitation ; renforce-t-on l'excitation,
on agit d'abord sur l'autre extrémité symétrique, puis, sur les
groupes musculaires placés sur des plans plus profonds; 3° l'exci-
tation des cordons postérieurs par un courant faible engendre un
effet symétrique au niveau du plan d'excitation. En variant les
épreuves, par l'excitation des racines antérieures et des racines
postérieures, par la graduation de la quantité de l'excitation, on
voit que les mouvements sont dus à l'excitation des fibres radicu-
laires motrices et à l'intervention réflexe des libres radiculaires
sensitives, soit isolément, soit en combinaison ; 4° les fibres du
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 493
faisceau pyramidal ne possèdent pas d'excitabilité individuelle;
5° les prolongements intra-spinaux des racines perdent leur excita-
bilité à l'égard du courant' faradique plus tôt que leurs trajets
extra-spinaux ; G° la décollation a lieu entre la 2° et la 5° cervicale ;
ceci permettra à l'avenir, au moyen de longues aiguilles, d'exciter
isolément les racines antérieures qui commandent aux nerfs des
membres supérieurs aux diverses hauteurs de la moelle cervicale ;
7° si l'on commence les opérations deux à trois minuutes après la
mort, on a dix à douze minutes à sa disposition; le trajet extra-
spinal des racines est du reste encore plus longtemps excitable, ce
qui fournit un champ d'investigations plus large. P. Keraval.
XXX. La destruction du faisceau pyramidal à l'entrecroisement ;
par M. ROTIDIANN. (NcU1'olog. Cenll'albl., XIX, 1900.)
Voici un procédé nouveau pour interrompre complètement la
transmission du cerveau à la moelle par le faisceau pyramidal.
L'entrecroisement des pyramides git, chez le chien, au-dessous
de la membrane obturatrice antérieure dans l'espace qui sépare
l'occipital de l'atlas. C'est à la moitié supérieure de l'hiatus osseux
en question que les deux artères vertébrales s'unissent à la basi-
laire. De là jusqu'au bord supérieur de l'atlas, entre les deux
branches spinales des vertébrales, qui ne se réunissent qu'un peu
plus bas à la spinale antérieure, se trouve un petit espace permet-
tant l'introduction d'une aiguille au milieu, sans avoir à craindre
d'hémorragie notable. La dure-mère, très épaisse en ce point, est
tout à fait dépourvue de vaisseaux sur la ligne médiane.
En conséquence, incision de la partie antérieure du cou, à droite
du larynx, mise à nu de la membrane obturatrice antérieure
qu'on fend largement, division de la dure-mère sur la ligne
médiane de l'occipital à l'atlas, introduction d'une aiguille poin-
tue exactement sur la ligne médiane dans le tiers inférieur de la
fente longitudinale, c'est-à-dire un peu au-dessus du bord de
l'atlas, jusque dans le bulbe où on la promène de haut en bas et
inversement juste au milieu autant que l'hiatus osseux le permet,
de façon à bien séparer les tissus. Tels sont les temps de l'opéra-
tion bien supportée par le chien, à part quelque ralentissement de
la respiration, qui se dissipe promptement. Jusqu'ici, 8 animaux
ont survécu plusieurs semaines; quand on les a tués, on a cons-
taté une destruction totale de l'entrecroisement des pyramides
avec lésion des faisceaux constitutifs des cordons antérieurs. Inté-
grité de la marche et de l'excitabilité électrique de la région cor-
ticale correspondant aux membres. Un autre mémoire sera con-
sacré aux résultats physiologiques et anatomo-physiologiques de
ce procédé. , P. KERAVAL.
494 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Des fibres des cordons postérieurs qui vont au cervelet, et
de leur importance physiologique ,et pathologique; par Scnrs-
CBRRI3AK, : YCll1'úlog. Cenlz·al6l., XIX, 1900.) -
Il est admis que les longues fibres ascendantes des cordons pos-
térieurs de la moelle semblent les prolongements des fibres des
racines sensitives postérieures, et paraissent servir à conduire les
sensations'de position, de mouvements, en un mot la sensibilité
des parties profondes des membres improprement désignée sous
le nom de sens musculaire ; leur atteinte entraîne aussi l'incoordi-
nation des mouvements. Mais il est, d'autre part, établi qu'une
partie considérable des faisceaux de Goll et de Burdach, après
avoil été interrompue par les cellules des noyaux correspondants ?
se porte au cervelet, sans prendre aucune part à la formation de
la couche intermédiaire des olives, ni du ruban de Reil principal,
c'est-à-dire des voies sensitives qui conduisent les excitations à
l'écorce du cerveau et produisent les sensations; une certaine par-
tie· des cordons postérieurs se rend au corps restiforme et au cer-
velet immédiatement sans être interrompue par des cellules. Donc
toutes les fibres ascendantes longues des cordons postérieurs ne
sont pas sensitives, ne sont pas destinées à expédier les sensations
de mouvements et de position. Une partie de ces fibres, tout en
restant centripète, n'a rien de commun avec la sensation propre
ment dite, elle sert de voie de transmission centripète du cervelet.
Dans les longues fibres ascendantes des cordons postérieurs de
la- moelle, il existe au» moins deux systèmes. Un système, le plus
étendu, qui sert de voie centripète du cervelet, celui-ci ne pouvant
régulariser qne les mouvements dont il est informé ; la destruction
de ce système détermine 1·tnxie. Un système conducteur de la sen-
sibilité des parties profondes, dont la lésion entraine une diminu-
tion ou la perte de cette sensibilité. Ces deux systèmes émanent
-des fibres des racines postérieures. -
La voie cérébelleuse des cordons postérieurs est construite sur
le plan de la voie cérébelleuse directe des cordons latéraux. Dans
celle-ci les fibres des racines postérieures sont interrompues par
les cellules des colonnes de Clarke, comme elles le sont par'les
cellules des noyaux des cordons de Goll et de Burdach dans la pre-
mière. Ces deux voies sont immédiatement formées des fibres des
racines postérieures qui débouchent dans la moelle. Il est à croire
'que les impressions cutanées périphériques sont transmises au
cervelet et aux centres cérébraux coordinateurs par la voie céré-
'belleuse directe des cordons latéraux et par une partie des fibres
du trousseau de Gowers et Bechterew. Les excitations centripètes
de la peau sont tout aussi indispensables à l'action régulatrice, coor-
dinatrice du cervelet, de là le voisinage des voies de transmission
eu question. Les racines postérieures qui débouchent dans la
- REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 495
moelle, conduisent en somme les excitations centripètes qui vien-
nent de la peau et des parties profondes, et sont destinées, d'une
part, aux appareils psychiques (excitations sensitives), d'autre
part, aux appareils de coordination vulgaire (principalement au
cervelet). ,
Le tabès commence par une lésion de la zone d'entrée des racines
postérieures et des cordons postérieurs : c'est une dégénérescence
du premier neurone centripète. La lésion des racines est segmen-
taire.
Mais dans chacun des segments de la moelle, toutes les fibres
radiculaires ne sont pas toujours simultanément affectées au début.
C'est pourquoi le tableau, clinique varie, les conducteurs sensitifs
de la peau, ceux des parties profondes, ceux qui vont de la peau
et des parties profondes au cervelet, pouvant être atteints ensemble
ou isolément. Aussi trouve-t-on à la période de début, soit un
trouble de la sensibilité cutanée sans autres modifications, soit la
perte de la sensibilité profonde sans modification de la sensibilité
cutanée, soit simplement de l'ataxie seule sans troubles de la sen-
sibilité, soit enfin, ce qui est le plus habituel, une perturbation de
toutes ces fonctions. Souvent au début, il n'y a qu'altération des
conducteurs sensibles (période préataxique), mais généralementla
marche ultérieure du tabès s'accuse par l'atteinte des voies sensi-
tives et cérébelleuses à la fois, par l'association des troubles delà
sensibilité à l'ataxie, déterminée par la dégénérescence de toutes
les fibres longues ascendantes des cordons postérieurs La partici-
pation du système cérébelleux au processus tabétique s'explique
par la dégénérescence continuelle des fibres des colonnes de
Clarke, en rapport intime avec le cervelet. La forme ataxique delà
névrite et la sensumobilité d'Exiier proviennent de l'existence dans
les nerfs sensibles périphériques de fibres centripètes allant au cer-
velet.
La maladie de Friedreich n'est pas une affection combinée des
cordons postérieurs et des cordons latéraux. C'est une affection
systématique des faisceaux centripètes et centrifuges du cervelet,
entée sur un arrêt de développement congénital de la moelle, des
corps optostriés, et du cervelet. On y trouve la dégénérescence du
faisceau cérébelleux des cordons postérieurs, chargé d'expédier les
excitations venues des parties profondes, celle des cordons latéraux
du cervelet et d'une portion du faisceau de Gowers et Bechterew
qui transmet au cervelet les excitations de la peau. Par là se pro-
duit l'ataxie dénuée de troubles de la sensibilité. La dégénéres-
cence du système cérébelleux centripète s'étend aux voies corres-
pondantes du tronc des hémisphères, d'où, par exemple la dysar-
thrie cérébelleuse, à' toutes les fibres qui conduisent au cervelet
les excitations centripètes, d'où, la titubation, le vertige, l'asthénie
Très souvent les voies cérébelleuses centrifuges de la moelle sont
496 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
- aussi piises : exagération de l'ataxie, tremblements intentionnels,
mouTements choréiformes. Alors le cervelet est atrophié dans sa
totalité, ses faisceaux centrifuges sont lésés sous la forme de dégé-
nérescence disséminée dans la région du reliquat des cordons
antérolatéraux et du faisceau intermédiaire du cordon latéral des
pyramides.
La maladie de Friedreich compliquée est une affection systéma-
.tique combinée. Aux précédentes lésions s'ajoute : la dégénéres-
cence des voies sensitives des cordons postérieurs ou celle des py-
ramides dans les cordons antérieurs et latéraux, ou encore une
affection diffuse de la moelle et du tronc du cerveau. Ces compli-
cations pathologiques expliquent les symptômes supplémentaires
correspondants.
L'hé1'édo-ataxie cérébelleuse, que nous ne pouvons encore sur le
vivant distinguer de la maladie de Friedreich, est une modalité
cérébelleuse dans laquelle nous trouvons une lésion systématique
des centres coordinateurs du cervelet, sans altérations de voies
centripètes de la moelle. -
L'ataxie donc, qu'il s'agisse de la maladie de Friedreich ou du
tabès est cérébelleuse. Elle tient à une lésion des faisceaux des cor-
dons postérieurs et latéraux dans le cervelet. Les phénomènes ce-
rébelleux ne sont si faiblement développés dans le tabès que
parce que toutes les voies du cervelet n'y sont pas atteintes, elles le
sont systématiquement dans la maladie de Friedreich. Il existe
- parfois dans le tabès des accidents cérébelleux accusés ; alors la
dégénérescence des fibres radiculaires gagne, par les colonnes de
Clarke, les cordons latéraux cérébelleux; en outre, il existe assez
fréquemment une dégénérescence disséminée dans la région du
reliquat des cordons antérolatéraux. La constante et précoce parti-
cipation au processus des fibres radiculaires qui se dirigent vers
les colonnes de Clarke, parle du reste nettement en faveut de l'exis-
tence d'une affection cérébelleuse dans tout tabès.
P. 1CL a Avnt.
XXXII. Quelques anomalies du sillon de Rolando ;
par A.-111. ANTONOWSKY (06ozrénié psychiatrie, V, 1900),
Sept observations avec figures. Conclusions. 1° Il existe des
anomalies du sillon de Rolando constituées par la bifurcation de
la partie supérieure de celui-ci ; 2° les branches de ces bifurcations
- comprennent des portions plus ou moins étendues du cerveau,
- entre 3 cm3 75 et 7 cm3 5; 3° le sillon de Rolando peut se réunir à
la partie ascendante du sillon interpariétal (sulcus postcentral
d'Ecker) ; 4° il peut se réunir, par un rameau distinct, à la scissure
frontale supérieurs (sulcus praecentralis superior de Schwalbe).
P. KERAVAL.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 4H7
XXXIII. De l'épuisement des réflexes tendineux et de sa valeur
diagnostique dans les maladies nerveuses; par W.-M. Becutehew
(06ozrcsnié psichiatrü, V, 1900).
Dans les myélites de la région dorsale inférieure et du renfle-
ment lombaire, au moment où le processus morbide présente une
certaine amélioration, on constate que le réflexe patellaire ne se
produit qu'aux premiers coups de marteau frappés sur le tendou,
il s'affaiblit vite à chaque nouveau heurt et finit par disparaître
totalement. Laisse-t-on reposer le malade, on peut à nouveau le
provoquer, dans sa première vigueur, mais une nouvelle investi-
gation- répétée se traduit par un nouvel affaiblissement plus ou'
- moins rapide et finalement par la disparition absolue temporaire
du réflexe. Ce phénomène est l'indice du rétablissement, en ce cas,
des réflexes tendineux depuis longtemps disparus, et subsiste
jusqu'à ce que ceux-ci soient parfaitement revenus à la normale.
Il s'observe également à la pliase de développement de la névrite
multiple, ainsi qu'aux stades initiaux du tabes dorsal avant la
complète disparition de ces réflexes, mais alors, en môme temps
que se développe l'état morbide, il s'accentue de plus en plus
jusqu'à l'instant ou les réflexes disparaissent tout à fait.
Quelle est donc la valeur de l'épuisement temporaire des ré- -,
flexes tendineux aux percussions répétées ? Il s'agit simplement de
savoir s'il diminue ou augmente chez un malade donné dans le
cours du temps. S'il diminue, c'est que la lésion génératrice s'amé-
liore ; s'il augmente, c'est que celle-ci empire. Cet épuisement a
aussi sa valeur diagnostique propre, surtout quand il est associé
à d'autres manifestations morbides. Ainsi, dans les périodes ini-
tiales du tabes dorsal, s'il est escorté des douleurs fulgurantes, de.
la lenteur de réaction des pupilles à la lumière, etc., il peut contri-
buer à l'établissement plus exact du diagnostic. P. KI RA VAL.
XXXIV. De l'automatisme postparoxystique passager, remplaçant
le sommeil postépileptique, ou équivalent psychique du som-
meil postépileptique : par 1. HERMANN (Obozrénié psichiatrii, V.
1900).
L'auteur décrit un désordre psychique passager survenant chez
l'épileptique immédiatement après l'attaque, à la place du som-
meil qui, le plus souvent, termine la crise convulsive. Au lieu de
dormir, le malade tombe dans une sorte d'automatisme, de dix à
trente minutes, pendant lequel, inconscient, ne comprenant pas
les questions qu'on lui pose, n'y répondant pas, ou disant n'im-
porte quoi mal à propos, ne reconnaissant pas les siens, il accom-
. plit des actes immotivés, idiots. La forme en varie suivant les
malades, mais reste fixe chez le même patient. Cet automatisme
Archives, 21 série, t. Y1\'. 1 32
498 REVUE D'ANATOMIE ET.DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
se termine brusquement en laissant après lui une complète amné-
sie de ce qui a eu lieu pendant sa durée. Il est des malades chez qui
il se manifeste presque à chaque ictus ; il en est chez qui il alterne
avec le sommeil postépileptique. L'automatisme une fois passé, les
malades, d'ordinaire, continuent leurs occupations interrompues,
mais, parfois, ils se couchent et s'endorment. Cinq observations à
l'appui. Le désordre mental en question est apparu, soit après les
grandes, soit après les petites attarlues, mais le plus souvent à la
suite des attaques longues et intenses. Il. ne faut pas le confondre
avec l'obnubilation mentale longue des épileptiques, qui précède,
suit ou remplace les attaques, se rattache surtout à l'état de mal,
et se termine, non soudain, mais graduellement, en passant, par
une phase de demi-conscience : cet état-là n'est pas l'équivalent
psychique du sommeil post(pileptiqne; car, au cours de sa durée,
les malades dorment après les attaques, et le sommeil ne ramène
pas la lucidité, contrairement à ce qui doit avoir lieu.
L'automatisme passager postparoxystique tient à une confusion
mentale générale, avec hallucinations et illusions sensorielles en
masse, surdité mentale et cécité mentale qui dessinent toujours le
même tableau morbide chez le même patient, mais produisent des
modalités variées. Le passage de cet état méntal inconscient à
l'état mental ordinaire s'accomplit néanmoins tout à coup. De la
conduite la plus illogique, la plus inconséquente, l'épileptique
passe, sans transition, aux réponses correctes, à la lucidité, et
quand son intelligence est encore bonne, il s'étonne fort de ce
qu'il a fait pendant son automatisme. L'importance médico-légale
de cet état saute aux yeux. Le malade peut commettre, sans le
savoir, des crimes, et son désordre mental, par suite de sa courte
durée, peut passer inaperçu de ceux qui l'entourent. Une erreur
'judiciaire est principalement possible lorsqu'il s'agit d'un individu
n'ayant que de petites attaques larvées, dont l'intelligence a peu
souffert, qui commis un crime ayant tout l'air d'être prémédité
et machiné. P. Keraval.
XXXV. La localisation cérébrale de la mélancolie ; par Bernard
IIOLLANDER. (Tite Journal of Mental Seicnce, juillet 1901.)
Travail étendu, très intéressant, très documenté, qui conduit son
auteur aux conclusions suivantes :
I. -'l'outes les preuves accumulées dans ce mémoire tendent à
une conclusion unique, l'existence de certaines relations entre la
région centrale du lobe pariétal et les états de mélancolie.
1° Cela est démontré par plus de cinquante cas de lésions trau-
maliques de la tubérosité pariétale ou de son voisinage, ayant été
assez graves pour atteindre le cerveau ou ses membranes, et par
le fait que, dans la moitié de ces cas, la guérison a succédé à fin-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 499
tervention chirurgicale ; 2° cela est démontré par les symptômes
mentaux qui accompagnent les tumeurs qui prennent naissance
dans cette région et y demeurent limitées ; 3° également par les
effets des maladies inflammatoires limitées à cette région ; 4° cela
est démontré par les hémorragies idiopathiques qui se produisent
quelquefois sous la protubérance pariétale (y donnant ultérieure-
ment lieu à des fausses membranes ou à des kystes) à la suite
d'une frayeur brusque, d'un choc mental, ou de tout autre trouble
émotif de nature déprimante, ou enfin dans les maladies mentales
qui s'annoncent par une crise de mélancolie; 5° il est démontré
que l'atrophie symétrique que l'on observe fréquemment dans les
protubérances pariétales est due à un trouble trophique qui accom-
pagne l'état de mélancolie du malade ; 6° les maladies du crâne
qui intéressent cette région du cerveau, les anomalies congénitales
de développement de cette même région peuvent aussi donner
naissance à la mélancolie.
IL L'auteur avance qup, à l'origine de la mélancolie simple,
on trouve un état pathologique de l'émotion de la-peur. Cette
émotion, bien que se généralisant, doit nécessairement avoir son
point de départ dans une portion limitée du cerveau, laquelle,
lorsque la peur se manifeste d'une façon pathologique, comme
dans les divers degrés de la mélancolie, doit nécessairement nous
révéler une lésion : on a fourni dans ce travail des preuves expé-
rimentales et anatomiques qui indiquent :
1° Que l'expression physique dé la peur et les états qui s'y rat-
tachent peuvent être produits chez les animaux par l'excitation de
la région pariétale centrale ;
2° Que cette région est en relation étroite avec le système ner-
veux sympathique et le système vaso-moteur, qui tous deux sont
atteints dans la mélancolie ;
3e Que dans les lésions de cette région, l'augmentation de la
pression sanguine, les altérations de la sensibilité, les troubles de
la vision et la cécité corticale peuvent accompagner l'état mélan-
colique. R. de IUSGIi : IVE-CL.aY.
XXXVI. Considérations sur le siège topographique des désordres
psychiques ; par le Dr hmcuuorr (Revue de psychologie clinique et
thérapeutique, mai et juin 1899).
La détermination exacte du siège anatomique des désordres
psychiques offre le plus grand intérêt. Il ne saurait être question
ici de localisation, ce terme étant compris dans le sens de lésion
en foyer. En effet, dans une maladie mentale, le cerveau doit être
considéré' comme malade dans sa totalité ; l'unité fonctionnelle de
tout le système cérébro-spinal ressort nettement de l'étude des
phénomènes dont il est le siège : les rapports les plus étroits
500 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
unissent les diverses fonctions psychiques. Mais on est en droit de
rechercher dans quelles parties du cerveau les plus importants
symptômes d'un type morbide ont leur origine. Jusqu'ici, par
suite de l'incertitude de notre connaissance de la répartition des
diverses fonctions sur la surface du cerveau, ces recherches n'ont
guère abouti qu'à des résultats incomplets ou hypothétiques. C'est
à un exposé et une discussion sommaires, impossibles à analyser,
de quelques-uns de ces résultats, qu'est consacré le travail de
M. Kirchlioff. - A. Fenayrou.
XXXVII. Etudes sur l'évolution et l'involution de la cellule ner-
veuse ; parle Pr Marinesco. (Revue neurolojiquc, octobre 1899.)
L'auteur, dans un mémoire du plus haut intérêt résume la suite
de ses recherches sur la cellule nerveuse. Les deux premiers élé-
ments qui apparaissent dans toute cellule nerveuse depuis ses
premières origines sont : 1° la charpente librillaire, et 2" une ma-
tière semi-tluide qui remplit les mailles de cette charpente, à
mesure que la cellule nerveuse s'accroît, il apparaît un troisième
élément : l'élément chromatopliile dont on peut suivre le dévelop-
pement grâce aux investigations histologiques. Tout d'abord, il
apparaît, à la périphérie, des granulations colorables, de forme et
de grandeur différentes. Ces granulations se réunissent entre elles,
obéissant à des lois pliysicoeliimique, pour former à la (in des
corps de formes géométriques, les éléments chromatopliiles, à
mesure que la cellule radiculaire se développe, la substance chro-
matique apparaît aussi dans les régions profondes de la cellule,
si bien que chez l'enfant nouveau-né cette cellule présente une
grande ressemblance, à part le volume, avec celles de l'adulte.
alors que dans les cellules radiculaires et dans les cellules géantes
pyramidales, le corps cellulaire augmente d'une manière considé-
rable, que la substance chromatique s'organise et e dépose de la
surface cellulaire vers la profondeur en' envahissant toute la cel-
lule nerveuse, il n'en est pas de même pour les cellules des colon-
nes de Clarlce, certaines cellules des cordons de la moelle épinière,
les cellules du sympathique, certaines cellules des ganglions spi-
naux et certaines cellules cérébrales; dans ces dernières la subs-
tance chromatique se dépose seulement à-la périphérie de la cel-
lule, la différenciation des éléments chromatopliiles se fait plus
lentement et les parties centrales ne possèdent pas, même après
la naissance et à l'état adulte, des éléments chromatopliiles bien
développés dans la région périnucléaire.
Malgré la fixité de la cellule nerveuse, la persistance remarqua-
ble de sa structure anatomique, elle est néanmoins soumise à la
fatale loi de l'involution. A mesure que la cellule avance en Age,
le volume des éléments chromatopliiles, surtout dans la partie
REVUE D'ANATOMIE El' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 501
centrale, diminue, et on constate assez souvent qu'à leur place. il
existe dans la région périnucléaire de fines granulations poussié-
reuses peu co : orables. Consécutivement à cette réduction de vo-
lume des éléments chromatopliiles et leur transformation en fine
poussière, il se produit, dans les cellules atteintes, une réduction
du nombre des éléments clii omatiques ; leur forme change égale-
ment et devient arrondie. Cette description se rapporte aussi bien
aux cellules radiculaires qu'aux grandes cellules pyramidales.
Une caractéristique de la sénescence de la cellule nerveuse, c'est
la présence, dans son cyoplasma, de granules et granulations d'in-
volution qui portent le terme générique de pigment, expression
défectueuse qui en préjuge la nature.
Au point de vue de leur réaction chimique, on peut diviser ces
granulations en trois catégories : 1° les granules non colorables
par les différents réacliïs, tels que les granules noirs des cellules
des ganglions spinaux ; 2° les granulations erytlirophiles ; 3° les
granulations cyanopliles. M. Marinesco estime que les conditions
matérielles qui produisent les différentes manifestations de l'invo-
lution résident dans la substance amorphe fondamentale, à la-
quelle il a donné le nom de troplioplasma. Il est possible qu'à
partir d'une certaine époque de l'évolution, cette matière fonda-
mentale amorphe ne puisse plus réunir avec la même facilité les
granulations élémentaires d'évolution, lesquelles, par leur arran-
gement, constituent les éléments chromatopliiles. Alors ces pro-
duits de désintégration subissent un processus de régression en
vertu duquel ils se transforment en granules et granulations d'iu-
volution qui constituent le soi-disant pigment.
- Un des arguments qu'on peut invoquer en faveur de la nature
involutive du pigment, c'est que toute altération prolongée dans
la nutrition de la cellule nerveuse s'accompagne de formations de
pigment. E. B.
XXXVIII. La circulation de la lymphe dans la moelle épinière ; par
M. GUILLAIN. (Reu2ce neurologique, décembre 1899.)
Les conclusions de ce travail sont les suivantes : i° La circula-
tion des liquides nourriciers, la circulation de la lymphe suit dans
la moelle épinière une voie ascendante. 2q La circulation de la
lymphe dans le cordon postérieur est indépendante de la circula-
tion de la lymphe dans la circulation autéro-laterale. 3° le canal
de l'épendyme remplit les fonctions d'un canal lymphatique.
4° Les espaces lymphatiques de la moelle sont déterminés surtout
par la disposition de la névroglie. E. B.
S02 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XXXIX. Note sur le mode d'oblitération partielle du canal épendy-
maire embryonnaire chez les mammifères ; par C. Bonne. (Revue
neurologique, septembre 1899.)
Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :
1° Le canal de l'épendyme se ferme en arrière par invagination
de sa paroi postérieure qui, d'abord allongée suivant un plan
transversal, bombe de plus en plus dans sa cavité.
2° Il y a donc une véritable solution de continuité de la barrière
épithéliale. '
3° A cette invagination se rattachent intimement :
A. La présence, en un point qui. sera plus tard l'extrémité, des
cornes postérieures, des cellules qui formeront par leur dévelop-
pement ultérieur la substance gélatineuse de tiolaitdo, comme
celles qui entourent le canal central persistant forment la substance
gélatineuse périépendymaire.
B. La formation du septum postérieur;
C. La présence des cellules névrogliques immigrées dans la par-
tie la plus postérieure de la moelle,' de chaque côté du septum. -
4° Outre cette invagination, et par un processus connexe mais
indépendant, les parois latérales de l'épendune se rapprochent
l'une de l'autre et peuvent ainsi emprisonner un segment plus ou
moins étendu du coin invaginé et des cellules cornées du septum
postérieur.
5" Le sinus rhomboïdal des oiseaux et probablement aussi le
sinus terminal ou les dilatations préterminales du canal épendy-
maire des mammifères dépendent d'un processus différent dans
les détails, mais essentiellement comparable à celui de la forma-
tion du reste du canal. E. B.
XL. Sur le réflexe plantaire contra-latérale ; par les Drs Fartron et
. Goldstein. (Journ. de Neurologie, 1902, n° 8).
Sous le nom de réflexes plantaire contra-latéral, on désigne- le
mouvement des orteils qui se produit à la suite de l'excitation de
la face plantaire du pied de l'autre côté.
Il existe deux types du réflexe, plantaire contra-latéral : le type
en flexion et le type en extension. Le premier se produit, en
général, quand le réflexe se fait de la même manière des deux côtés;
au contraire quand du côté correspondant à l'imitation le réflexe
se fait en extension, le réflexe contra-latéral se fait aussi en exten-
sion. Les auteurs ne sont pas en mesure de dire s'il existe ou non
des cas où le icftexe contra-latéral se produit avec des caractères
opposés à celui du côté de l'excitation.
Ce réflexe ne se rencontre pas à l'état normal chez l'homme
adulte; il parait, au contraire, exister chez le nouveau-né. On le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. S03
trouve assez fréquemment, dans les cas de paraplégie et surtout
d'hémiplégie organique. Il parait indiquer une altération de la
voie pyramidale et acquérir ainsi une valeur aussi grande pour le
diagnostic que le signe de Babinski.
Pourquoi ce réflexe se produit-t-il dans certains cas d'hémiplégie
et de paraplégie tandis qu'il manque dans d'autres, cela est diffi-
cile à dire. Peut-être est-ce une question de siège, d'étendue ou
d'intensité des altérations" ? G. U.
XLI. Contributions expérimentales à la' psycho-physiologie des
- hallucinations; par : 1111. V.scmn et luiii-As. (Journ. de Vreuro-
logie, 1902, n° 9).
A la suite d'une série de recherches et d'expériences très ingé-
nieuses dont on trouvera la relation dans ce travail, les auteurs se
croient autorisés à affirmer que toutes les hallucinations quelleque
soit leur origine relèvent d'un même mécanisme psycho-physio-
logique dont le résultat linal est l'affaiblissement et la disparition
du pouvoir de contrôle du sens intéressé. Ce contrôle conti-
nuel et permanent s'accomplit normalement par toutes les
impressions de quelque nature qu'elles soient, alimentant sans
discontinuité la conscience du sujet, et lui permettant de juger et
de vérifier constamment ses impressions et ses sensations mentales
les unes parles autres. Deux vérifications constantes, le plus souvent
automatiques, sont le bon éduillbre ? ans un système logique et
bien coordonné de données exerçant, constamment des actions
mutuelles et réciproques les unes sur les autres. L'absence de ce
contrôle sensoriel, jointe à l'état de distraction favorise l'appari-
tion des hallucinations. G. 1).
XLII. L'évolution du sens des couleurs, par F.-W. I : DaocH-GnEw
(The Journal of Jlvaalul Science. Octobre 1901).
Tous les faits sont d'accord pour démontrer que le sqns de la
lumière s'est développé avant le sens des couleurs : on a voulu
voir dans la cécité des couleurs une « myopie chronique » mais
cela n'est vrai que si la perception lumineuse est elle-même défec-
tueuse. Quand la lumière frappe l'aeil, elle met en jeu une impul-
sion nerveuse qui se transmet au cerveau : dans l'impulsion elle-
même nous trouvons l'origine physiologique de la lumière, etdans
la qualité de cette impulsion, l'origine physiologique de la couleur.
Ce que l'auteur entend soutenir, c'est que ces deux facteurs sont
perçus par des groupes parfaitement distincts des cellules céré-
brales, et que les groupes affectés à la perception colorée se déve-
loppent beaucoup plus tardivement que ceux qui transmettent la
simple sensation lumineuse. Toutes les preuves que l'on peut
réunir montrent que, primitivement, tous les objets étaient vus
504 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
comme sur une photographie, avec des degrés différents de blar.c
et de noir. Dans l'évolution du sens des couleurs, les ondes qui
physiquement, sont les plus différentes, c'est-à-dire le rouge et le
violet, ont été les premières à être différenciées, tout le reste du
spectre demeurant gris. La vision d'Homère parait avoir eu ce
caractère qui représente le degré immédiatement voisin de la
cécité absolue des couleurs. L'auteur a pu observer un cas où le
malade présentait de la cécité des couleurs monoculaires, et pour
lequel le spectre solaire était presque entièrement gris. sauf une
teinte rouge à l'une de ses extrémités, violette à l'autre : ce malade
voyait beaucoup mieux de l'oeil aveugle aux couleurs que de'
l'autre.
A mesure que le sens des couleurs se développe, l'écartement
des rayons lumineux nécessaire u la perception différentielle
devient moindre, et la bande neutre se rétrécit jusqu'à ce que les
deux couleurs se rencontrent au milieu du spectre. Alors, à ce
point central se développe une couleur nouvelle, le vert : puis
apparaît une quatrième couleur, le jaune, à moitié chemin entre
le rouge et le vert : ensuite viennent le bleu et l'orange. Cllezquel-
ques sujets l'évolution va plus loin et ils perçoivent dans le spectre
une septième couleur.
Ces faits démontrent que la cécité psycho-physique des couleurs
est le reliquat d'un état antérieur de développement du centre de
perception des couleurs. - H. de Musgravk-Clay.
XLI11. Quelques remarques sur nos méthodes actuelles d'investiga-
tion appliquées à la pathologie des maladies mentales, avec
quelques suggestions en vue de recherches originales; par
Richard L. LEarEn. ('t'/t6./bK)'nM<o ? e ? ! Scunee, janvier 1901.)
Les méthodes les plus couramment employées sont la méthode
de lVissl, la méthode de Golgi avec ses modifications, la méthode
de Weigert et la méthode « fraîche » de Kevan Lewis. Dans des
recherches d'un certain ordre, il est nécessaire d'associer ou de
combiner plusieurs de ces méthodes, auxquelles il faut ajouter
dans certains cas celles de Marchi et de 1\'eigerl-Pal. L'auteur
entre dans quelques détails sur les applications de ces diverses
méthodes aux recherches d'anatomie pathologique du système
nerveux. U. M.-C.
XL1V. Un cas d'anévrisme sacciforme double intracrânien ; par
B. Henry Sii.%w. (The Journal of Mental Science, juillet 1901.)
Observation : Femme de cinquante an, de santé générale assez
bonne, aliénée depuis deux ans ; délire de persécution avec liallti-
cinations de l'ouïe, surtout la nuit. Ophthalmoplégie droite presque
complète, avec ptosis, strabisme externe et fixité de la pupille,
REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 505
celle-ci non constante. Pas de névrite optique. Ces symptômes
paraissent s'être manifestés soudainement, il y a quelques années,
après une violente céphalalgie à droite. Attaque d'apoplexie avec
convulsions très accusées à gauche. Mort. A l'autopsie, on trouve,
en ouvrant la dure-mère-mère. qui est normale, sous l'arachnoïde,
un épanchement de sang abondant, qui se répartit par plaques
sur les régions frontale, occipitale et cérébelleuse, et sous la forme
de blocs dans la zone périphérique du protoplasma cellulaire. La
substance chromopltile dissoute persiste jusqu'au moment de la
naissance, mais elle fait complètement défaut dans les cellules
adultes.
Les résultats de ces recherches prouvent, contrairement à l'opi-
nion de Solovizoff, que le développement de la cellule nerveuse
radiculaire est indépendant de sa connexion certicale, puisqu'il est
complètement achevé au moment où cette connexion s'établit. Ils
démontrent, en outre, comme l'ont déjà avancé plusieurs auteurs,
que la substance cromophyle n'est qu'une matière de réserve des-
tinée à subvenir à la nutrition de la cellule nerveuse.
Enfin, la constatation par M. von Biervliet pendant le cours du
développement de l'embryon d'un état de chromolyse physiolo-
gique analogue à la chromolyse expérimentale, vient à l'appui de
la manière de voir de M. van Gehuchten. qui considère le phéno-
mène de chromolyse en lui-même comme une réaction utile du
neurone, réaction qui survient chaque fois que ce neurone se
trouve lésé dans son intégrité anatomique et qui lui permet de
résister plus avantageusement à la lésion subie. G. D.
XLV. Tumeur du thalamus optique ; par 1111CIIeL-CL.i;FE. (l3rit.
met/. Journal, 9 novembre 1901.)
Une observation avec nécropsie (2 figures).
L\-1. Localisations motrices du cortex cérébral ; par C. S.
Sciierrington et GRiiN13AU.NI(Bi'it. mecd.Jourrzttl,Sdécembre1rJ01.) .)
Les auteurs reprenant les recherches de Terrier, Bewor et Hms-
ley, ont étudié spécialement les singes anthropoïdes, chimpanzé-,
gorilles et orangs. La méthode expérimentale et l'anatomie cli-
nique se contrôlent ainsi de plus près grâce à l'application des
recherches physiologiques à des animaux aussi proches que pos-
sible de la conformation cérébrale humaine.
XLVII. Théories sur l'hérédité ; par Arcudall REtD. (81-it. Med.
Journ. décembre 1901.)
Variations vraies on apparentes par alternances, caractères
transmis ou acquis. Théories de Darvin, de Weisman et d'Adami,
50G REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
sont sommairement passées en revue ainsi que l'évolution pro-
gressive et la dégénération régressive.
XLVIII. De l'asymétrie de la mimique faciale d'origine otique en
pathologie nerveuse; par Lannois et Pautet. (Revue de méde-
cine, 190 ? ) -
Signalant la fréquence des troubles de la mimique faciale chez
les nerveux, les auteurs appellent en même temps l'attention sur
certains troubles de la mimique dans les altérations qui atteignent
le facial, notamment dans son trajet auditif. M. Il.
XLIX. La sensibilité à l'aimant, avec tableaux et 32 figures ;
par Cli. MUE. (Revue de médecine, 1902.)
Expériences que l'auteur a faites sur lui-même, à l'ergographe
de Mono pour établir la résistance comparative à la fatigue avant
et après l'application de l'aimant. ' AI. II.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
X. Introduction à l'étude psychologique des enfants arriérés ;
par 1'illiam 13. Noyés. (I'he New Yorlc Médical Journal. 22 juin
1901.)
Pour étudier convenablement les enfants arriérés ou présentant
une défectuosité mentale, il faut se placer au triple point de vue
du psychologue, de l'éducateur et du médecin : l'étude de l'enfant
normal ou anormal appartient également à ces trois professsions.
Dans le passé les systèmes d'éducation n'ont pas tenu suffisam-
ment compte des enfants à intelligence défectueuse ou simplement
faible. 11 n'y a pas bien longtemps non plus d'ailleurs que les
médecins se sont rendu compté de la valeur de la psychologie
appliquée à leur profession, et en particulier de la valeur théra-
peutique de la suggestion.
L'auteur rappelle la classification de Binet relative à la sugges-
Libilité des enfants dans les écoles : cet auteur les divise en quatre
catégories : 1° enfants plus ou moins automatiques, obéisssant
passivement 'au maître ; 2° enfants sensibles, dont on obtient
l'obéissance en faisant appel à leur nature impressionnable, et à
leurs affections; 3° enfants t esprit actif et brillant, ayant une
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 507
personnalité nette, plutôt rebelles à la suggestion, à moins qu'on
ne leur montre un obstacle à surmonter, faisant surtout bien ce
qu'on leur a dit qu'il ? ne pourraient pas faire ; 4° enfants obstinés
rebelles à toute suggestion, ou incapables de lui obéir ; cette der-
nière catégorie comprend les indisciplinés, les rebelles et beau-
coup de névropathes et de dégénérés; on y rencontre aussi des
enfants moralement pervers qui peuvent devenir intéressants au
point de vue de la criminologie : elle renferme les enfants arriérés,
les faibles d'esprit et ceux dont la mentalité d'une manière ou
d'une autre est défectueuse.
Pour étudier utilement cette dernière catégorie, il faut posséder
quelque chose de plus et de mieux qu'une simple classification
des différents types qui la composent.
En effet, cette classe comporte des enfants névropathes, qui, au
premier abord, paraissent lui appartenir soit par leurs actes, soit
par leur état mental, et qui sont tout simplement des épileptiques,
des hystériques ou des choréiques : améliorez leur santé physi-
que et vous les verrez se transformer, et même devenir quelque-
fois intellectuellement supérieurs à leurs camarades; ils pourraient
constituer une cinquième catégorie.
11 est curieux de voir combien les livres consacrés aux maladies
mentales accordent peu d'attention aux états psychologiques inter-
médiaires entre l'état normal et des états désespérés et désespé-
rants comme l'idiotie et l'imbécillité. Ces états intermédiaires
existent pourtant ; on en trouve des exemples dans les familles,
dans les écoles où ces enfants sont qualifiés d'arriérés ou d'inin-
telligents, alors que parfois une seule de leurs facultés mentales
est défectueuse. - "
Dans des cas de ce genre, il faut cesser de considérer les mots
« enfant arriéré ou à intelligence défectueuse » comme constituant
un diagnostic suffisant, et il faut étudier séparément chacune des
facultés mentales, comme pour faire un diagnostic ordinaire, on
examine séparément chacun des organes et chacune des fonctions.
On se trouvera quelquefois ainsi engagé dans une direction qu'on
ne prévoyait pas. Il faut aussi'se défier de deux termes généraux
très usités, à savoir : dégénérescence et hérédité. Le mot dégéné-
rescence est fort souvent appliqué très mal à propos, et rien n'est
plus aveugle que les soi-disant lois de l'hérédité. 11 convient
d'examiner d'abord les facultés mentales de l'enfant, en se déga-
geant temporairement de toute préoccupation d'hérédité. L'auteur.
rapporte ici assez longuement l'observation d'un malade qui pré-
sentait en apparence un cas type ordinaire de faiblesse mentale,
et qui est surtout destinée à montrer la différence entre un dia-
gnostic médical et un diagnostic psychologique.
Les anciens traités de psychologie ne manquaient pas de donner
des facultés mentales des divisions et des subdivisions nettement
508 8 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tranchées, que la science moderne a cessé d'admettre à cause de
la solidarité manifeste des facultés mentales. Mais dans l'état
pathologique ou nettement anormal la dissociation même de cette
faculté rend cette ancienne méthode de division non seulement
admissible, mais nécessaire. '
Dans l'étude des enfants de mentalité défectueuse, on doit dis-
tinguer : 1° ceux chez lesquels la faculté de perception est absente ;
cette classe comprend tous ceux qui présentent une absence con-
génitale d'un ou plusieurs sens spéciaux, les aveugles, les sourds,
les muets qui ne peuvent acquérir de développement mental que
par une éducation vicariante de leurs autres facultés : là aussi, à
la limite extrême, se rangent les idiots qui ne sont idiots que par
suite de l'absence de certains sens spéciaux ; 2° les enfants qui,
possédant tous les sens spéciaux et étant doués du pouvoir de
perception, manquent absolument de cette puissance d'attention
sans laquelle l'instruction la plus soigneuse et la suggestion la
plus répétée restent dépourvues de tout effet utile. Au degré le
plus avancé, lorsque l'attention ne peut être réveillée par aucune
stimulation extérieure ou intérieure, on a l'idiotie complète avec
ses types divers.
Les enfants chez qui le pouvoir d'attention fait absolument défaut
ne paraissent susceptible^ d'aucun progrès dans aucune de leurs
autres facultés. Mais pour peu que, à l'aide d'un stimulant quel-
conque on puisse éveiller, même à un très faible degré, l'attention,
on pourra obtenir des résultats nettement progressifs. Il semble
qu'un pouvoir très faible d'attention soit susceptible d'être accru
dans, une mesure presque indéfinie par un éducateur intelligent : -.
et c'est d'ailleurs sur ce principe que reposent la plupart des mé-
thodes d'éducation des enfants arriérés ou idiots. Le plus souvent
malheureusement, à une méthode défectueuse d'utilisation de son
esprit, vient s'ajouter chez l'enfant une faiblesse mentale qui l'em-
pèche de diriger son attention pendant un laps de temps de quel-
que durée : d'où une fâcheuse complication du problème. Beau-
coup de ces enfants sont, à la lettre, « nés fatigués » et leur
fatigue cérébrale, comme d'ailleurs leur fatigue physique se ma-
nifeste, au moindre effort, avec une désespérante promptitude.
L'attentiwn est, de sa nature, une fonction motrice; elle est
associée a une ferme d'activité musculaire bien définie (acti-
vité pour certains muscles, inhibition pour. d'autres). Aussi
n'est-il pas rare, quand la faculté d'attention est sérieusement
défectueuse, de rencontrer simultanénément d'autres troubles
moteurs. Tous les degrés de l'inattention, d'ailleurs, peuvent
être observés, et en fait, il n'y a guère d'enfant normal qui ne
soit pas souvent inattentif. Seulement par de faciles artifices ?
le maître ramène à lui l'attention de l'enfant normal, tandis
qu'il en est tout autrement à l'état pathologique.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 509
3° La troisième classe est caractérisée, non plus par l'absence
des sens spéciaux ou de la faculté d'attention, mais par l'absence
ou l'état maladif de la volonté.
Les maladies de la volonté peuvent se classer comme il suit :
a) Diminution de la volonté par un défaut d'impulsion qui peut
aller de la simple lenteur paresseuse à l'aboulie complète;
b) diminution ou abotition de la volonté par une crainte mor-
bide on une idée fixe; c) la volonté peut être entravée par une
impulsion excessive dont le début peut être instantané ou pro-
gressif. Exemple : les accès de fureur des enfants, communs
surtout chez ceux qui ont des tendances épileptiques; (1) la
volonté peut étreenfravée par l'insuffisance de la faculté d'attention,
congénitale ou acquise; la forme acquise s'observe dans certaines
psychoses ou névroses, etnotamment dans la chorée; on la ren-
contre aussi dans les cas de surmenage ; e) la volonté peut être
diminuée et pratiquement anéantie par les caprices de l'hystérie,
qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte; f) enfin, la volonté peut
être restreinte ou anéantie par l'hypnotisme.
Si l'attention et la volonté sont, d'une certaine manière, asso-
ciées aux fonctions motrices, les facultés plus élevées de l'esprit
ou facultés de connaissance semblent plutôt liées aux fonctions
sensorielles. Un enfant peut avoir une perception, une attention
et une volonté normales, et ne posséder qu'une faculté de raison-
nement défectueuse.
Tous ceux qui se sont occupés de l'éducation des faibles d'esprit
reconnaîtront que beaucoup d'enfants à demi-idiots ou imbéciles,
alors même qu'ils ont reçu une éducation spéciale de premier ordre,
continuent à manquer de jugement et de bon sens..Mais si l'on
considère leur point de départ, la situation à laquelle ils sont
parvenus est néanmoins fort élevée.
11 y a encore des cas où l'enfant possédant toutes les facultés
dont il a été question plus haut, manque de mémoire.
Enfin, la dernière catégorie, et non la moins importante, com-
prend les sujets moralement défectueux : mais ils sont héréditaire-
ment mauvais, généralement incurables et du ressort de la crimi-
nologie, plutôt que de la médecine ou de la pédagogie.
En terminant, l'auteur va au-devant d'une objection : on lui
reprochera d'avoir décrit des types bien définis avec altération
exclusive d'une seule des facultés, alors que, le plus souvent, les
faibles d'esprit sont atteints dans toutes leurs facultés : l'auteur
reconnaît qu'il en est ordinairement ainsi. Enfin il y a un dernier
groupe qui se caractérise par de la stupidité mentale, ce mot
étant pris ici pour désigner une insuffisance mentale portant
uniformément sur toutes les facultés en même temps. Les
enfants de cette catégorie, tout en possédant leurs sens au com-
plet, ne perçoivent pas; sous sa forme la plus légère, cet état
510 REVUE DE PATHOLOGIE. MENTALE.
caractérise la stupidité ; sous sa forme extrême il constitue la
démence. 13. nE \fuscn.wE CLnr.
XI. L'état présent de la science mentale (le premier d'une série
de mémoires qui traiteront de la localisation des fonctions
mentales, par Bernard 13oLr ? nuFn. (tif Juurzul o/'3lezlccl Sciezce,
avril 1901). ).
Très intéressant mémoire, mais son étendue ne nous permet
d'en donner que les conclusions : ,
- Io Les dimensions de l'ensemble du cerveau ne constituent pas
une mesure de la puissance intellectuelle seulement, mais aussi
de la force de l'intelligence, des sentiments et des penchants pris
dans leur ensemble ; 2° les régions sensorielles ne sont pas les ré-
gions de la perception intellectuelle et de la réflexion, et les lobes
occipitaux n'ont rien à voir avec les processus intellectuels supé-
rieurs ; 3° les centres moteurs et sensoriels seuls ne suffiraient pas
à expliquer la diversité du caractère de l'homme, ni la variété de
ses troubles mentaux; ils sont le substratumdes centres mentaux,
et par suite, ils sont des centres psycho-moteurs et psycho senso-
riels ; 4° les lobes frontaux seuls donnent des indications relatives
à l'intelligence du sujet, et leur masse doit être appréciée par tous
les procédés de mensuration ordinairement employés pour estimer
le volume d'un corps ; la tête peut être petite' chez une personne
de grande intelligence pourvu que les lobes frontaux soient relati-
vemeut les plus saillants ; 5" la mémoire n'est pas une faculté
unique ; il y a des centres dans le cerveau ponr les différentes mé-
moires (nombres, temps, localités, airs musicaux, etc), en dehors
de la mémoire des' mots dont la localisation est déjà précisée.;
6° il doit exister dansl'écorce des centres spéciauxpourles émotions
et les penchantsfondamentaux, et ces centres doivent êtredistincts
descentresdeprocessuspurementinteffectuefs ; 7° les facultés intel-
lectuelles contrôlent et relèvent les sentiments et les penchants, et
parla, les lobes aniétieurs sont pour le reste du cerveau des cen-
tres d'inhibition. R. DEMUSCRAVE-CLAY.
XII. Folie consécutive à l'influenza à l'asile de Cumberland et
Westmoreland, avec une statistique de soixante-huit cas ; par
George-A. Rorie (1'lac Joumzul of Mental Science, Avril 1901).
Les conclusions générales de l'auteur peuvent se résumer
ainsi :
La folie consécutive à l'influenza peut survenir à n'importe
quel moment après la maladie; elle se manifeste ordinairement
chez des sujets présentant les causes ordinaires de prédisposition.
Aucune époque de la vie ne parait en favoriser particulièrement
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. âii
le développement. La forme d'aliénation mentale le plus souvent
observée est la mélancolie sous toutes ses formes, souvent avec
tendance au suicide ; on constate aussi l'apparition de la manie,
mais moins souvent, et l'on peut voir survenir la paralysie géné-
raie : un trait commun à noter dans les cas de mélancolie et de
manie, c'est la confusion mentale et la stupidité qui font penser à
un état d'auto-intoxication. Le pronostic est favorable dans les
cas de manie aiguë et de mélancolie ; il l'est moins dans les autres
formes de manie et surtout dan= la manie avec délusions.
Aucun des cas observés ne présente le type de la manie déli-
rante aiguë décrite comme apparaissant en même temps que
l'influenza.
Quant au mode d'action, il est probable qu'il faut invoquer l'in-
fluence d'une toxine sur le système nerveux, chez un sujet déjà
très déprimé par les'au très conséquences du l'influenza. Chez les
malades déjà aliénés, l'influenza est demeutée à peu 'près sans
influence sur la maladie mentale.
Dans trois cas seulement on a noté une aggravation.
R. DE jMfJaGRAVË CL\Y.
XIII. Troubles mentaux dans le cours des affections cardiaques,
par A. ZEDERUAUM. (The t1'eea 7o)'/L médical Journal, 27 juillet
1901.)
Après avoir relaté ou rappelé quelques faits cliniques, l'auteur
fait remarquer que l'accord n'est pas fait pat mi les cliniciens sur
les relations de cause à effet qui peuvent exister entre les lésions
cardiaques et les troubles mentaux. Les autopsies n'ont pas sensi-
blement éclairé la question. On peut avancer toutefois que le
caractère des troubles mentaux peut, dans une assez large mesure,
dépendre de la lésion cardiaque : il est clair par exemple que dans
'l'insuffisance mitrale, on rencontrera de préférence l'engorge-
ment veineux ou l'hyperémie passive, que dans le rétrécissement
aortique, où les troubles mentaux seront plutôt ceux qui relèvent
de l'anémie cérébrale. Les observations cliniques paraissent con-
lirmer ces vues a priori. Dans t'insutILance mitrale, la forme de
psychose que l'on rencontre le plus souvent est la dépression
mentale, aboutissant progressivement à la mélancolie simple ou
agitée. Mais, dans l'ensemble, les psychoses sont plus fréquentes
dans les cas de lésion aortique; elles participent alors de la manie
et ressemblent au délire de la pneumonie des alcooliques. Toute-
fois, il ne faut pas s'attendre à trouver entre la nature de la lésion
cardiaque et la forme du délire une relation qui soit invariable.
Après avoir rappelé l'opinion de divers auteurs, M. Zederbaum
remarque que la plupart d'entre eux montrent une prudente
réserve dans l'appréciation des rapports entre les lésions du coeur
512 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
et la folie. Toutefois la manie et la mélancolie paraissent les deux
formes les plus communément en' rappot avec les affections
cardiaques, et il est remarquable que ces deux types de folie soient
aussi les types les plus ordinaires de la folie dite puerpérale. Les
causes de la folie puarpérale demeurent encore obtures et con-
troversées : l'auteur parait incliner à la rattacher à l'hypertrophie
cardiaque de la grossesse et à ses conséquences circulatoires. On
peut d'ailleurs, sous l'influence de cette hypertrophie passagère,
voir éclater des lésions cardiaques jnsqucs-la latentes et d'origine
rhumatismale ou autre. Il est vraisemblable que, si on prenait
soin de les rechercher, on rencontrerait plus souvent des troubles
cardiaques dans les cas de folie puerpérale.
1. DE IUf,AAVE-CL : 1Y.
XIV. Paralysie générale et syphilis : revue critique ; par W.-H.-B.
STODD : 1RT. (The Journal of Mental Science, juillet 4901.)
Les conclusions de cet intéressant et consciencieux travail sont
les suivantes : -
Il est remarquable dans l'histoire delà médecine que la syphilis
du foie, la syphilis du cerveau, la syphilis de la peau, ont toutes
traversé une période pendant laquelle leur nature syphilitique est
restée douteuse. ·
Cette période a été courte parce que l'on s'est vite aperçu que
ces maladies diverses étaient justiciables du mercure et de l'iodure
de potassium : mais quelle que soit l'importance de la syphilis
comme facteur étiologique de la paralysie générale, le mercure est
ici sans effet. Mais les renseignements que résume le présent tra-
vail contribuent d'une façon très forte à établir l'étiologie syphili-
tique de cette maladie. On a montré que la syphilis se rencontre
plus fréquemment que toute autre cause, dans les statistiques
écologiques de la paralysie générale ; on a montré aussi que les
chiffres fournis par ces statistiques demeurent bien au-dessous de
la vérité.
Tels qu'ils sont ces chiffres sont encore d'une élévation surpre-
nante, surtout si l'on tient compte îles cas très nombreux de
syphilis occulte ou ignorée et de la diliculté d'obtenir des rensei-
gnements précis. Mais ce n'est pas tout ; en dehors de ces preuves
directes on rencontre un faisceau de preuves morales (âge, sexe,
hérédité, profession, rang, race, etc.), qui feraient déclarer la
syphilis coupable devant n'importe quel tribunal.
Dans l'ensemble, les preuves expérimentales de Kraft-Ebing plai-
dent dans le même sens. ZD
Contre l'opinion qui fait de la paralysie générale une affection
para-syphililique, il n'y a qu'un seul argument de valeur, c'est sa
rareté dans les races non civilisées où la syphilis est florissante. Il
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 513
nous incombe donc de rechercher et de découvrir quel est celui
des éléments de la civilisation qui aide la syphilis à engendrer la
paralysie générale, et en d'autres termes, de quelle façon la syphilis
est influencée par la civilisation. En premier lieu, la syphilis est
moins grave chez les peuples civilisés que chez les autres, peut-être
parce qu'elle existe chez eux depuis plus longtemps. L'expérience
a montré à l'auteur que les paralytiques généraux n'avaient jamais
eu de syphilis grave. La conclusion logique qui résulté de ces don-
nées c'est que la syphilis ne donne la paralysie. générale qu'à la
condition d'être bénigne, reductio ad absiti-diti ? i. En second lieu, la
syphilis demeuré sans traitement dans les pays civilisés : les Maho-
métans par exemple quand ils ont la syphilis disent « Kismet » et
c'est tout. Mais chez les peuples civilisés, on sature le malade
de mercure quelquefois pendant deux ans.
On ne s'est jamais demandé jusqu'ici si ce n'est pas le mercure
qui détermine la paralysie générale. Marshatko a étudié avec
beaucoup de soin la question de savoir si la syphilis tertiaire est
ou n'est pas causée par le mercure, et il a déclaré le médicament
innocent; une étude analogue reste à faire sur les rapports du
mercure et de la paralysie générale. -
Déjà en 18G1 Kussmaul déclarait que malgré toutes ses recher-
ches il n'avait jamais rencontré un seul ouvrier maniant le mer-
cure qui ait contracté la syphilis pendant qu'il était en état de
mcrcurialisme. Cette observation suggère la pensée qu'une enquête
analogue sur la question de la paralysie générale pourrait être
faite chez les industriels dont les employés manient le mercure.
· On a supposé que l'immunité des Mahométans à l'égard de la
paralysie générale était due à la simplicité de leur manière de
vivre et à la modération avec laquelle ils font usage de la viande.
Cette assertion est difficile à admettre ; car les classes pauvres de
l'Angleterre, et surtout celles de l'Italie, où la paralysie générale
abonde, ne peuvent véritablement pas être accusées de faire des
excès de viande. On a même démontré, que, en Angleterre au
moins, c'est dans les classes les plus pauvres que se rencontre le
plus fréquemment la paralysie générale.
On peut conclure de toutes ces données que la syphilis est un
antécédent tellement ordinaire de la paralysie générale, que les
cas non-syphilitiques, s'il en existe, peuvent jusqu'à présent être
considérés comme une quantité négligeable.
Tout au moins peut on affirmer pratiquement que quiconque n'a
pas eu la syphilis ne court guère de risque de devenir paralytique
général. Mais la question de savoir si la paralysie générale est due
à la syphilis per se ou la mercurisation consécutive du malade
dans les pays civilisés, attend encore sa réponse.
Ce travail se termine par une bibliographie étendue du sujet.
R. DE Musgrave-Clay.
Archives, 2e série, t. XIV. 3S
5'14 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XV. Études cliniques sur le rêve pathologique ; par le professeur
Pick (de Prague), traduction de James lIIDDLEUss. (The Journal
ol mental Science, juillet 1901.)
Travail renfermant plusieurs observations dont l'auteur tire les
conclusions suivantes : . -
« La rêverie est particulièrement fréquente dans l'hystérie, mais
on la rencontre quelquefois aussi dans la neurasthénie, comme l'a
montré Feré. Dans la très grande majorité des cas, elle paraît être
le développement d'un état analogue ayant débuté dans l'enfance,
et elle est souvent en rapport, comme Havelock Elles l'a démontré
le premier avec l'état qu'il a désigné sous le nom d'auto-érotisme.
En ce qui touche le contrôle de la conscience sur l'ambiance, on
observe les transitions les plus variées depuis le jeu actif de l'ima-
gination jusqu'aux états de rêve délirant de l'hystérie. Il y a aussi
d'autres cas, dits cas de pseudologia plcantastica, dont l'origine
doit être cherchée, au moins en partie dans la rêverie vraie. »
R. de MUSGRAVE-CLAY. `
XVI. Le prurit et la trichotillomanie chez les paralytiques géné-
raux ; par Ch. Feré. (Noitv. Iconogr. de la Salpélrière, n° 4,
1899.) ,
Soit à l'état aigu, soit à l'état chronique, les troubles trophiques
de la peau se manifestent chez les paralytiques généraux sous
leurs formes les plus variées (érythème, purpura, zona, ichthyose,
eschare), mais en dehors de ces manifestations grossières, il en
existe d'autres moins graves, mais cependant intéressantes à titre
d'indication, tel le prurit, signalé par Sarbo au début de la para-
lysie générale, que l'auteur a recherché dans cette affection, et
qu'il a rencontré trois fois sur vingt-six cas observés. Malgré la
difficulté de reconnaître ce prurit chez les paralytiques, en raison
de leur état mental et l'obscurité qui entoure la pathogénie de ce
trouble trophique, il y a lieu de supposer qu'il n'est pas étranger
à cette manifestation vésanique bizarre assez fréquente qui se tra-
duit par une auto-épilation obstinée et que Hallopeau a décrite
sous le nom de trichotillomanie. R. C.
XVII. Spiritisme et folie; par les Drus Maeie et Vigouroux (Revue de
psychologie clinique et thérapeutique, juillet-août 1899).
Les auteurs font ressortir dans ce travail l'identité de certains
phénomènes qui s'observent chez les spirites et chez des malades
atteints de névroses ou psychoses diverses. Les phénomènes d'au-
tomatisme graphique, verbal ou ambulatoire, par exemple, qui
se produisent chez les spirites, ne diffèrent pas de ceux que
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 515
peuvent présenter certains aliénés ou névropathes; chez les uns
comme chez les autres, ils sont susceptibles d'exister isolément ou
bien ils peuvent alterner avec des crises nerveuses spasmodiques,
être remplacés par elles ou les remplacer. Cette identité est telle
que les auteurs spirites ont dû la reconnaître ; mais ceux-ci, se
iefusant à accepter les hypothèses médicales et à considérer les
médiums comme atteints de névroses ou de psychoses, ont été
amenés à voir chez les aliénés qui offrent l'automatisme psy-
chique, une intervention médiumnique méconnue des malades
comme des médecins ; ils sont aussi revenus sans s'en douter à
l'ancienne théorie de la possession.
MM. Marie et Vigoureux signalent la fréquence de la folie chez
les médecins; ils rapportent deux intéressantes observations de
psychoses secondaires à des -phénomènes automatiques incons-
cients chez des spirites et les font suivre des considérations sui-
vantes que nous croyons devoir reproduire textuellement : « Ainsi
donc, le spiritisme, en tant que dissociation progressive de la
synthèse mentale, fournit à la folie son tribut de systèmes déli-
rants secondaires à des troubles psycho-moteurs. La médiumnité
n'étant qu'un entraînement à l'automatisme inconscient, ne cons-
titue pas encore, à proprement parler, une psychose, mais elle
repose sur un état mental fétichique qui mène fatalement certains
prédisposés à une dissociation mentale telle que les déclenche-
ments automatiques deviennent spontanés, s'imposent en dehors
dé la volonté du malade et même contre elle. C'est l'obsession
tyrannique, angoissante à un premier degré. Puis, de cet état, la
conscience disparaît à son tour, le malade délire, restant en tête
à tête avec l'esprit imposé et persécuteur-né de son automatisme
inconscient.
« Correspondants aux différents stades intermédiaires, on
observe des prédisposés à automatisme psychique développé par
les pratiques du spiritisme.
« Des spirites simples de ce genre, ayant ultérieurement souf-
fert de troubles somatiques ou dysesthésiques, ou de troubles
pathologiques, tels que hémiparésie, hémianesthésie par foyers
cérébraux, peuvent étendre à ces troubles l'hypothèse qu'ils invo-
quaient pour les phénomènes d'automatisme spirite. Dans ce der-
nier cas, il n'y a pas délire. L'hypothèse spirite, bien qu'en contra-
diction avec l'hypothèse scientifique, n'est pas plus pathologique
ici que lorsqu'elle s'applique aux automatismes ordinaires typiques
des médiums; au lieu d'interpréter une suspension d'amoeboïsme,
un- spasme ou une inhibition, elle cherche à expliquer les effets
cliniques d'une obturation vasculaire ou d'une déchirure, soitcap-
sulairb, soit corticale, voire même tubulaire. Il y a alors erreur,
suivant nous, mais non psychose. A. ICN.1YROU.
516 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XVML Auto-intoxication et délire ; par M. J. Séglas (Presse Médi-
cale, 31 décembre 1.S98).
M. Séglas a résumé en ces termes dans ce travail son opinion sur
l'influence exercée par l'auto-intoxication sur la genèse et la forme
des troubles-psychiques : « Dans certaines circonstances, on peut
admettre l'auto-intoxication au nombre des données étiologiques,
mais en ne lui assignant que la valeur d'une cause occasionnelle
banale. Elle ne crée pas les accidents délirants ; elle n'est à leur
égard qu'un simple agent provocateur et ils gardent la physionomie
qu'ils eussent pu revêtir en toute autre occasion. Quelquefois,
cependant, son rôle peut être plus actif en pareil cas. Si elle ne
crée pas à elle seule les desordres psychiques et ne détermine pas
leur forme essentielle, elle intervient cependant pour en modifier
quelque peu la marche et le tableau clinique habituels. Dans un
autre groupe de faits, l'auto-intoxication joue, au contraire, un
rôle prépondérant. C'est elle qui, non seulement provoque, mais
encore crée les accidents délirants qu'elle tient sous sa dépendance,
à qui elle imprime un aspect clinique tout à fait spécial ; car, sui-
vant la remarque importante, souvent faite par les observateurs, il
rappelle celui des délires exo-toxiques. Ces délires auto-toxiques,
plus généralement étudiés et relativement faciles aujourdhui à
reconnaître lorsqu'ils se développent chez des individus en période
de santé mentale, peuvent se montrer aussi sous le même aspect,
du fait d'une auto-intoxication intercurrente, au cours d'un état
d'aliénation mentale préexistant, à titre d'épisode transitoire, de
complication. Le tableau clinique de l'affection se trouve ainsi
brusquement modifié dans ses phases successives et peut donner
lieu parfois à des hésitations de diagnostic difficiles à trancher, si
l'on n'est pas sur ses gardes. »
L'auteur rapporte l'observation d'un malade chez qui ont évolué
parallèlement une auto-intoxication d'origine gastro-intestinale et
des troubles mentaux caractérisés par un état de mélancolie
anxieuse d'abord, de confusion mentale ensuite. Malgré l'existence
d'une prédisposition héréditaire, il ne croit pas devoir faire inter-
venir la dégénérescence pour expliquer le développement de ces
désordres psychiques. Mélancolie et confusion mentale relèvent,
à son avis, de l'auto-intoxication. L'évolution des troubles céré-
braux a paru subordonnée à celle de l'auto-intoxication : le pas-
sage delà mélancolie à la confusion mentale s'est produit à l'oc-
casion d'une augmentation d'intensité de l'auto-intoxication ;
lorsque celle-ci a été en décroissance, la physionomie clinique
des manifestations délirantes s'est modifiée à son tour et la con-
fusion mentale a cédé la place à la mélancolie ; enfin, tandis que
les fonctions gastro-intestinales sont redevenues normales, les
désordres intellectuels ont disparu. A. Fenayrou.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 517
XIX. Sur les névrites périphériques des aliénés ; par le Dr Anglade
(Annales médico-psychologiques, octobre 1899.)
Les aliénés se présentent souvent avec des symptômes de poly-
névrite et ces mêmes aliénés présentent effectivement des lésions
de polynévrite avec retentissement sur la moelle : l'auteur en
rapporte trois observations probantes.
La lésion du nerf est-elle primitive ou secondaire à une lésion
centrale ? La moelle est incontestablement lésée : on ne peut dire
s'il en est de même pour le cerveau.
Il était, en tout cas, intéressant de constater la lésion des nerfs
périphériques d'une catégorie d'aliénés qui ne sont pas sous le
coup d'une intoxication banale comme l'alcoolisme. le saturnisme
ou la tuberculose.
Peut-être, du reste, ne sont-ils que des auto-intoxiqués qui
délirent, parce qu'ils sont un terrain favorables à l'éclosion de
conceptions délirantes nées d'une sensation réelle ? E. B.
XX. De l'épilepsie consciente et mnésique ; par le D'' .Minier.
- (rinnales médico-psclcologi2ces, février 1900.)
Analyse complète de l'intéressante thèse du Dr Ducosté sur :
t'Epilepsie consciente et mnésique et, en particulier, d'un de sols
équivalents psychiques, le suicide impulsif conscient. E. B.
XXI. Essai sur la pathogénie du délire de la paralysie générale ;
par le 1),, LALANDE. (Annales 12étliCO-,PS ! ICI1010gi(IIICS, février
1900.)
Le délire de la paralysie générale, quelle que soit sa forme,
possède sept caractères constants : tout d'abord, la multiplicité,
la mobilité, l'absence de motifs et la contradiction des idées déli-
rantes, signalées par AI. Falret ; d'autre part, la tendance à l'in-
fini, la perte des notions élémentaires de l'espace et de la durée,
et enfin l'auto-psychisme.
Quelle est la cause psychologique de ce délire ?
De son étude l'auteur fait ressortir les deux conclusions sui-
vantes *.
1° Le phénomène de l'hallucinalion excepté, le délire de la
paralysie générale est expliqué par la perte graduelle de la faculté
de comparer les données de l'expérience entre elles. Il semble
donc que l'on doive rapporter à cette cause la pathogénie du
délire.
3" Si cette première conclusion est vraie, il est probable que la
faculté de comparer est localisée dans la couche moléculaire de
l'écorce cérébrale et qu'elle est effectuée par les petites cellules
qui occupent cette région. E. B.
518 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
\I1. De la démence précoce des jeunes gens. Contribution à
l'étude de l'hébéphrénie ; par le D'' Christian. (Annales médico-
psychologiques, janvier à octobre 1899. -
Chez les jeunes gens de quinze à vingt-cinq ans, survient fré-
quemment une, affection mentale qui se termine rapidement par
la démence.
A cette affection s'applique, mais dans une certaine mesure
seulement, la description que Kahibaum puis Ileclcer ont donnée
de l'hébéphrénie : en effet, les débuts à forme maniaque ou
mélancolique ne sont pas les plus fréquents, si bien qu'avec Stery
et Fink on peut considérer le début de la maladie comme vérita-
blement proléiforme.
En outre Kahibaum et Ilecker ont négligé de signaler l'un des
caractères les plus constants et les plus importants de la maladie,
à savoir les impulsions soudaines, symptôme qui domine la scène
et persiste même dans la période de démence terminale.
En résumé : apparition constante à âge de la puberté ; mani-
festations délirantes variables au début impulsions soudaines
constantes ; terminaison rapide par une démence plus ou moins
complète.
Telles sont les manifestations constantes et caractéristiques de
la maladie dont l'auteur donne la monographie, dans une longue
étude aussi documentée qu'intéressante, accompagnée de nom-
breuses observations personnelles.
A cette espèce morbide distincte, faut-il conserver le nom d'hé-
béphrénie ? Pour éviter toute confusion, 11. Christian préfère s'en
tenir à l'expression : démence juvénile ou démence précoce des jeunes
yens. , ! l'convient d'ajouter qu'il s'agit, non pas d'un simple arrêt de
développement, mais bel et bien d'une régression, d'une destruc-
tion plus ou moins complète des facultés.
La démence juvénile ne répond pas à un type unique, inva-
riable : elle offre l'image de toutes les nuances qui vont de l'imbé-
cile, du faible d'esprit, à l'idiot complet.
Trois périodes sont à considérer dans son histoire : la période
d'incubation, la période délirante, et la période terminale de
démence.
L'enfance des malades prédisposés à la démence précoce n'a
présenté le plus souvent aucune particularité digne de remarque.
Dans le plus grand nombre des cas, après une première période
de fatigue, d'énervement, de neurasthénie, le délire éclate varia-
ble, mobile, fugace ; il peut y avoir des idées de persécution, des
idées de grandeur, du délire mystique, il n'y a pas de délire
systématisé. Toutes les manifestations délirantes, flottantes,
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 519
incertaines, portent déjà l'empreinte de l'affaiblissement intellec-
tuel qu'elles masquent pour un temps.
Quelquefois c'est par une phobie, d'autres fois par la confusion :
mentale que se manifeste le début, mais, en tout cas, il est uni
symptôme qui ne manque jamais, c'est la tendance impulsive,'
l'impulsion soudaine.
La démence précoce peut revêtir deux formes, grave et légère,
et la forme grave comprend elle-même deux variétés : la forme
simple, dans laquelle les muscles ne sont pas atteints, et la forme
catatonique, dans laquelle le système musculaire est profondément
troublé dans son fonctionnement.
Quelle que soit la forme du délire, il se produit, au bout d'un
certain temps, une amélioration trompeuse, puis de nouvelles
bouffées délirantes surviennent, qui, chaque fois, laissent l'intelli-
gence plus affaiblie; la santé physique- peut, d'ailleurs, rester
excellente.
Au point de vue étiologique, on est obligé d'admettre un grand
nombre de causes différentes dont l'action même ne s'explique pas
sans cette autre inconnue, qui est la prédisposition.
Quand la maladie est à la période d'état, le seul élément de
diagnostic certain réside dans les antécédents : l'idiot et l'imbé-
cile ont toujours été dans le même état depuis leur naissance; au
contraire, le dément précoce a commencé par jouir de l'intelli-
gence.
La difficulté réelle, c'est de se prononcer au début même de
l'affection : il faut alors se rappeler que les jeunes gens voués à la
démence précoce sont parmi ceux qui, dans leurs premières
années, n'ont jamais présenté un signe quelconque de trouble
moral ou d'anomalie intellectuelle.
L'auteur estime que la plupart des cas de paralysies générales
juvéniles décrits au cours de ces dernières années se rapportent
en réalité à la démence précoce.
La marche de la démence précoce est rapide en ce sens que
l'affaiblissement intellecluel arrive vite à son point culminant, et,
dès lors, il reste indéfiniment stationnaire. ? La terminaison est celle qu'amène une complication quelconque.
E. Blin.
XXIII. Prostitution et dégénérescence ; par le Dr E. LAURENT.
(Annales médico-psychologiques, novembre 1899.)
Certes, les causes de la prostitution son ! multiples : la mauvaise
éducation, la contagion de l'exemple, l'entraînement, le manque
de travail, la paresse, le besoin de luxe, etc.
Pourtant il existe des femmes - et l'intéressant travail de l'au-
teurlen cite de nombreux exemples qui vont à la prostitution
520 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
instinctivement, fatalement, comme les fous moraux vont au mal
et au vice. Aussi bien la prostitution n'est peut-être qu'un dériva-
tif de la criminalité, et certaines prostituées ne sont sans doute
que des malheureuses atteintes de moral insanity, des folles et des
dégénérées. E. B.
XXIV. Sur un cas de catatonie, par M. le Dr CUYLIT7 (Bulletin de la
Soc. de méd. ment, de Belgique, mars 1902).
Observation d'un malade de vingt-six ans qui, après trois col-
locations pour des accès de mélancolie avec stupeur, survenus à
la suite de violentes émotions, a été interné une quatrième fois
pour des accidents semblables accompagnés de rigidité généralisée
des muscles, de négativisme, de suggestibilité, etc.; de temps en
temps ce malade redevient lucide pendant quelques heures, écrit
des lettres raisonnables, se conduit correctement pour retomber
ensuite dans l'immobilité et le mutisme. D'après l'auteur, ces
accidents ne sont pas d'origine hystérique, les stigmates de cette
névrose faisant défaut chez le malade. Celui-ci ne saurait davan-
tage être considéré comme un dément précoce puisqu'il y a des
moments où son intelligence est entière. Le tableau clinique se
rapproche de celui des psychores par auto-intoxication du sys-
tème nerveux, mais en l'absence de données permettant de démon-
trer le bien fondé de cette hypothèse, l'auteur se borne à affimer
qu'il existe une maladie, à tort ou à raison, désignée sous le nom
de catatonie, maladie qui a une symptomatologieetune évolution
déterminées et que c'est de cette affection qu'il s'agit chez son
malade. G. D.
XXV. Évolution comparée des troubles de la sensibilité aux trois
périodes de la paralysie générale ; par le De MARANDON de MO.4-
TYEL (Bitll. de la. Soc. de méd. ment, de Belgique, septem-
bre 1901).
De l'étude des sensibilités tactile, douloureuse et génitale
étudiées simultanément, à toutes les phases de la paralysie géné-
rale chez 14 malades, l'auteur tire un certain nombre de conclu-
sions que nous résumons ainsi :
Il est tout à fait exceptionnel de trouver les trois sensibilités nor-
males au même moment, tandis qu'on les trouve anormales toutes
les trois à la fois dans 1/10° de cas environ, mais le fait le plus
fréquent est l'anormalité simultanée des sensibilités douloureuse
et génitale (la sensibilité tactile restant indemne), plus fréquente
que l'anormalité de la sensibilité génitale seule. Jamais la sensibi-
lité tactile seule n'est anormale.
L'altération qui persiste d'un bout à l'autre de la maladie est
toujours un affaiblissement ou une abolition : celui-là plus fré-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 521 1
quent pour le tact et la douleur, celle-ci pour la sensibilité géni-
tale. -
XXVI. Un enfant d'idiote ; par le Dr LEx (Biill. (le la Soc. ment.
de Belgique, décembre 1901).
Il s'agit d'un enfant de dix ans, issu d'une mère idiote violée
dans un cabinet d'aisances par un individu resté inconnu qui lui
barbouilla ensuite la vulve avec de la graisse à voitures. Placé à
l'école d'enseignement spécial, cet enfant qui jusque-là n'avait rien
appris et n'était bon à rien, s'est très amélioré au point de vue
intellectuel et moral. Les moyens employés ont été, outre la disci-
pline générale de l'école, la gymnastique rythmée au son de la
musique, l'enseignement attrayant et intuitif, etc. L'auteur fait
suivre cette observation des réflexions suivantes : -
Au point de vue social : il est immoral et dangereux pour la
société de laisser, surtout dans les classes pauvres, les filles idiotes
vivre dans leur famille en butte aux attentats d'individus sans
scrupule. Il est certain que si la fécondité des idiotes n'était pas,
sinon nulle, du moins très diminuée, le nombre de ces malheu-
reuses devenant enceinte, serait encore plus considérable.
Au joint de vue clinique : il est intéressant de voir que des indi-
vidus aussi tarés peuvent donner naissance à un produit qu'on
eut pu supposer beaucoup plus mauvais. Notons aussi que le pre-
mier diagnostic qu'on pose sur l'état mental d'un enfant est sou-
vent trompeur et que ce n'est qu'après toute une période d'obser-
vations et après tentative d'éducation qu'on peut établir un dia-
gnostic définitif. Le diagnostic et le pronostic du médecin en cette
matière ont en général une tendance trop pessimiste.
Au point de vue éducatif : le traitement médico-pédagogique
intégral a fait ses preuves dans l'éducation des dégénérés. La
gymnastique rythmée au son de la musique est un moyen puis-
sant d'éveiller et de fixer l'attention. Tout cela est appliqué à
Bicetre. Lorsque le pouvoir'd'attention s'accroit, la sociabilité de
l'individu augmente corrélativement. G. D.
XXVII. Un cas de polynévrite avec psychose; par J. CMCQ. (Jouru.
de Neurologie, 1902, n" 10).
Il s'agit d'une femme de soixante-sept ans qui fut prise de
violentes douleurs dans les membres supérieurs, puis dans les
membres inférieurs. Ces douleurs furent suivies quelque temps
après d'une atrophie avec parésie des quatre membres, exagéra-
tion des'réflexes rotuliens, abolition des réflexes plantaire et
achilléen, etc. En même temps on constata des troubles de la
mémoire portant à la fois sur les faits récents et les faits anciens
et, des fausses réminiscences et un certain degré de désorientation.
522 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Ces différents accidents ne peuventêtre attribués, d'après l'auteur,
qu'à la maladie de Kirsakow et en raison de l'âge avancé de la
malade on est en droit de craindre que ni la psychose ni la poly-
névrite ne disparaissent complètement. G. D.
XXVIII. Un cas de personnalité multiple; par A. Gilbert (de Port-
land) (Médical Record, 9 août 1902).
VI observations d'épilepsie psychique ayant occasionné des per-
sonnalités successives avec automatisme ambulatoire et psychisme
partiel sous trois formes distinctes et réciproquement amnési-
ques.
XXIX. Note sur deux cas de folie consécutive à la chorée : par
Rotusay G. SrEWART (The Journal of Mental Science. Juillet 1901).
L'un de ces cas s'est terminé par la guérison, et l'autre par une
amélioration. Les cas de folie choréique paraissent avoir quelques
symptômes communs : le changement de caractère et la tendance
au soupçon à l'égard dfs personnes de l'entourage, en même
temps que de la diminution de la mémoire et de la faculté d'at-
tention.
Arudt dit que la chorée ne peut exister sans une altération plus
ou moins accusée des facultés intellectuelles, altération souvent
assez légère pour échapper à l'observation et se traduisant surtout
par l'incohérence des idées et l'inattention à l'égard des choses
ambiantes. Le siège de ces troubles se trouve probablement dans
l'écorce, mais ici les faits ne sont pas assez uniformes pour être
probants. On a tenté d'expliquer la chorée par des embolies fines,
et Letschenow avance que la lésion se trouve dans les couches
optiques. Clouston a publié deux cas de folie choréique étroite-
ment associée au rhumatisme, mais sans souffle cardiaque, et il
admet l'hypothèse étiologique d'une altération du sang. Leube
admet cette altération chimique et l'influence du sang ainsi modi-
fié sur certaines parties du système nerveux. La lésion anato-
mique la plus fréquemment rencontrée à l'autopsie est l'endocar-
dite avec petites végétations sur une ou plusieurs valvules. mais
on a publié des faits qui paraissent démontrer que l'endocardite
est souvent consécutive à la chorée.
Dans les deux cas rapportés par l'auteur il y avait eu plusieurs
attaques de chorée, ce .qui peut, suivant lui, faire penser à une
altération de la composition du sang. R. nr.111USGUAV-CLaY.
XXX. Phtisie et folie : étude principalement basée sur les statis-
tiques de mortalité comparée pour l'Irlande ; par Thomas
Drapes (Tite Journal of Mental Science. Octobre 1')01).
C'est une question très importante que celle de savoir s'il y a un
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE; 823
lien entre la phtisie et la folie, ou en d'autres termes, si c'est parce
qu'ils sont aliénés que les aliénés sont particulièrement exposés à
la tuberculose. C'est au moyen des statistiques que l'auteur se
propose de l'étudier, sans méconnaître tout ce que les inexacti-
tudes de chiffres, ou la forme même donnée aux statistiques
peuvent introduire dans cette méthode de causes d'erreur.
L Irlande parait être un terrain particulièrement favorable à la
tuberculose : si l'on prend l'année 1899, la dernière dont les statis-
tiques soient publiées, on note les chiffres suivants, pour un mil-
lion d'habitants : en Angleterre 1336 décès par phtisie pulmonaire,-
et en Irlande 2092, tandis que le taux de la mortalité générale est
sensiblement égal dans les deux pays (18,3 p. 1000 en Angleterre,
et 17,6 en Irlande). Si l'on étend maintenant ces recherches aux
asiles, on trouve une mortalité de 98,7 dans les asiles d'Angle-
terre et de 72,1 dans les asiles d'Irlaude; et si l'on compare ces
chiffres avec les proportions correspondantes pour la population
générale (18,3 pour l'Angleterre et 17, pour l'Irlande), on cons-
tate que, chez les aliénés, la mortalité est, en Angleterre et dans
le pays de Galles cinq fois et demi, en Irlande plus de quatre fois
égale-àla mortalité de la population générale.
En ce qui touche la phtisie dans les asiles voici les résultats :
pour 10 000 personnes on trouve dans les asiles d'Angleterre
141,41 décès par phtisie au lieu de 13,30 dans la population géné-
rale, et dans les asiles d'Irlande 20r,G9 décès au lieu de 20,92
dans la population générale. En chiffres ronds, la mortalité par
phtisie dans les asiles d'Angleterre et d'Irlande est environ dix fois
supérieure à la mortalité de même origine en dehors des asiles. Il
ne faudrait pas conclure pourtant de ces chiffres que la mortalité
par phtisie chez les aliénés est dix fois supérieure à celle des per-
sonnes saines d'esprit : il est évident en effet que la « population »
des asiles diffère de la « population » en général, en ce que cette
dernière comprend tous les vivants de tout âge, tandis que la
population des asiles ne renferme que des sujets pris à peu près
exclusivement dans certaines limites d'âge. Exception faite pour
les idiots, on ne trouve guère dans les asiles de sujets âgés de
moins de quinze ans, et les individus au-dessous de quinze ans
forment à peu près un tiers du total général de la population : en
rectifiant les chiffres d'après ces données la mortalité phtisique
des asiles n'est plus dans le rapport de 10 à 1 vis-à-vis de la popu-
lation générale, mais dans le rapport de 7,5 à i environ.
Ou a voulu- donner une grande importance à ce fait que sur les
certificats de décès des asiles, la phtisie n'est pas toujours donnée
comme cause de mort, le malade succombant à une maladie inter-
currente et la phtisie n'étant constatée qu'à l'autopsie : l'argument
aurait sa valeur, si les choses ne se passaient absolument de la
même manière en dehors des asiles.
52 4- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
On a dit aussi que pour parvenir à une appréciation exacte, il
faudrait prendre pour base de la comparaison « le rapport dans
chaque cas particulier des décès annuels par phtisie avec la
moyenne des populations considérées ». Cette manière de voir de
M. Crookshauh est trop dogmatique et ne saurait être acceptée :
la population générale se compose de sujets en majorité bien por-
tants, celle des asiles se compose de sujets affaiblis : la comparai-
son est illégitime. Il est beaucoup plus logique de considérer le
pourcentage du décès par une maladie donnée dans ses rapports
avec la mortalité par toutes cause*; c'est ce qu'a fait le D1' Grims-
haw, et c'est en étudiant ces recherches judicieusement conduites
que l'auteur a commencé à mettre en doute la légitimité de l'opi-
nion qui fait de la folie une prédisposition à la phtisie. En étu-
diant la fréquence de la tuberculose en Irlande, AI. Grimshaw dit
qu'elle est de toutes les maladies qui régnent en Irlande la plus
destructive, et que les ravages dépassent la somme de ceux que
causent les autres maladies infectieuses réunies. 11 reste donc à
rechercher si réellement ces ravages sont encore plus considé-
rables dans les asiles.
Ici se placent des chiffres et des tableaux, documents intéres-
sants, mais naturellement impossibles à analyser, sauf pour en
faire ressortir quelques points saillants : ils démontrent clairement
au moins deux choses : d'abord que la mortalité relative par phti-
sie chez les adultes jeunes, à la période que l'on pourrait appeler
période d'élection de la phtisie, est à peu près égale à l'asile ou
hors de l'asile ; et ensuite que la mortalité par phtisie chez les
malades âgés est plus considérable à l'asile que hors l'asile. Les
statistiques ne donnent malheureusement pas la durée du séjour
à l'asile au moment de la mort; mais on peut légitimement
admettre que les malades qui meurent après quarante-cinq ans
ont pour la plupart fait à l'asile un séjour d'une certaine durée;
et on est amené à reconnaître que l'élévatioîi du taux de la morta-
lité par phtisie dans les asiles n'est nullement due à une prétendue
influence prédisposante de la folie, mais aux conditions de la vie
dans les asiles; ce qui revient à dire que la « phtisie des aliénés »
n'existe pas, mais qu'il existe une « phtisie des asiles ». Et l'on
trouvera une preuve de plus de l'exactitude de cette manière de
voir, c'est l'extrême variabilité de la mortalité des asiles comparés
entre eux, la différence pouvant atteindre la proportion de t à 4
(14,4 à 60 p. 100).
Si, comme les arguments qui viennent d'être exposés et
d'autres encore que l'on pourrait invoquer le démontrent, la
phtisie est généralement acquise à l'asile, il n'y a plus à désespé-
rer de voir diminuer les ravages de cette maladie. L'hygiène et la
prophylaxie suffiront à cette lâche; et l'auteur, en terminant,
indique quelques-unes des conditions les plus fâcheuses parmi
RLVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. S35 5
celles et elles sont nombreuses et d'ordre divers qui favo-
risent dans les asiles la contagion de la tuberculose.
R. de IlUSGItrIVI : -CL : 1Y.
XXXI. Friedrich Nietzche : Étude de pathologie mentale, par
liam W. Ireland (7'/te Journal Of3lel2l(tl Science, janvier 1901). -
Friedrieli Nietzche descendait d'une famille noble polonaise que
les persécutions religieuses avaient forcé de chercher un refuge en
Allemagne : son père était ministre luthérien et sa mère la fille d'un
ministre. Il naquit le 13 octobre 1844 à Rücl : en. dans la Saxe prus-
sienne. Son père souffrit pendant onze mois d'une affection cérébrale
et mourut quand il avait cinq ans. Olla Hausson nous apprend que
depuis plusieurs générations, dans la famille de sa mère comme dans
celle de son père il y avait une prédisposition à la folie. L'enfant ne
parla qu'à deux ans et demi et montra de bonne heure un goût
marqué pour la solitude : il était pieux et studieux, il fit ses
études aux Universités de Bonn et de Leipzig où il montra de
l'aversion pour la boisson et le tabac dont ses camarades abusaient.
Il avait vingt-quatre ans lorsqu'il fut nommé professeur de philo-
logie à l'Université de Bâle, ce qui lui fit délivrer par l'Université
de Leipzig le grade de docteur en philosophie sans examen ni
thèse. Il aimait beaucoup la musique et passait ses moments de
loisir dans la maison de Richard Wagner, à Lucerne. Il aimait
aussi beaucoup la poésie, et faisait des vers assez obscurs, et où il
y avait, dit M. Ireland, a plus de fumée que de flamme ». Il fit la
campagne de 1870 dans le corps des ambulanciers, et contracta en
France la diphtérie et le choléra nostras, regagna à grand peine
Erlangen, où il arriva épuisé, et sa santé ne se rétablit jamais com-
plètement. (Une blessure qu'il s'était l'aile en sautant sur un che-
val difficile l'avait rendu impropre au service militaire actif). A
dater de ce moment il commença à souffrir tous les quinze ou
vingt jours, de migraine, de céphalalgie violente avec nausées et
rétrécissement du champ visuel, le tout souvent accompagné
d'anxiété mentale. Il était atteint de myopie héréditaire. Sa soeur
nous le représente comme peu démonstratif, mais sensible et plein
de compassion, et de manières douces. En 1876 il obtint un congé
d'un an pour rétablir sa santé et passa l'hiver à Sorrente ; mais sa
maladie le suivait partout, et en 1879 il dut renoncer à sa chaire
et reçut une pension de 3 000 francs. Son ami Burckhardt, profes-
seur d'histoire de l'art, déclare que Baie n'a jamais possédé un
pareil professeur, et il parait avoir eu une grande influence sur
les jeunes étudiants. Il vécut alors une vie vagabonde en Suisse et
en Italie, surtout dans l'Engadine et à Gènes. Sa vue devint si
mauvaise qu'il dut renoncer à la lecture; mais son état s'améliora
et il conçut le plan d'étudier les sciences naturelles.
526 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Quand il ne pouvait plus lire, il écrivit, et la suite de ses
volumes est le compte rendu chronologique de ses diverses
croyances et de ses divers étals mentaux. Sa tournure d'esprit,
maintenant qu'il n'y avait plus à s'occuper du côté matériel de la
vie, le portrait vers la philosophie. « Dans ses goûts et dans ses
« processus mentaux, dit M. Ireland, dans sa nature tout entière
« il y avait quelque chose d'excentrique et de perverti ; ses idées
« ne semblaient pas s'associer à la façon de celles des autres
« hommes. » Il rejeta complètement la foi religieuse qu'il tenait
de sa mère. Pendant quelques années il eut une vénération pour
deux maîtres de la philosophie et de l'art, Schopenhauer et
Wagner. Mais il y avait dans son esprit une agitation et une puis-
sance de désintégration qui ne .tardaient pas à lui faire rejeter
toute autorité comme toute croyance. Son caractère devint belli-
queux et bien que personne n'ait été plus que lui partisan de la
tolérance, il ne supportait pas la contradiction sans mauvaise
humeur.
M. Ireland rappelle ici le succès actuel, qu'il ne-paraît pas s'ex-
pliquer d'ailleurs, des oeuvres de Nietzche ; il pense toutefois qu'il
faut attribuer ce succès, auprès de certaines gens, à la façon mé-
prisante dont il a dénoncé les faiblesses de notre époque ; et comme
contre-partie il signale les jugements sévères portés sur lui par
Max Nordau. M. Ireland reconnaît toutefois que, si paradoxaux
qu'on puisse trouver les écrits de Nietzche, il y a quelque exagéra-
tion à les décrire comme les écarts d'un esprit égaré, et que même
on y peut voir luire de temps en temps une idée originale et vraie
exprimée dans une langue amusante et pittoresque. Mais ce qu'il
se propose surtout, c'est de considérer le philosophe allemand
comme un cas de pathologie mentale. Son premier ouvrage sur
l'origine de la tragédie passa inaperçu et ne fut loué que par
Wagner et sa femme ; puis il publia une véhémente attaque contre
David Strauss, ennemi comme lui-même du christianisme, mais
dont il ne pouvait accepter l'optimisme, et plus tard trois essais
sur l'usage et les inconvénients de l'histoire, sur Schopenhauer,
considéré comme éducateur, et sur Richard Wagner à l3ayreutt.
Dans son ingénieuse étude sur Nietzche, Nordau soutient, ce
que AI. Ireland ne peut admettre, que la véritable source de la
doctrine de Nietzche est dans son sadisme « et qu'il était atteint
d'érotomanie, c'est-à-dire d'une forme voilée de psychopathie
sexuelle (folie amoureuse chaste). L'étude des oeuvres de Nietzche
ne donne aucun appui à cette opinion, mais fournirait plutôt des
arguments pour la combattre : son amativité parait avoir été très
faible, et ses sentiments à l'égard des femmes ne paraissent pas
aller au delà des satisfactions de l'amitié et de la conversation ; et
sa soeur nous apprend que plusieurs médecins avaient attribué ses
maux de tête- sa chasteté. Il ne voulait-ni du mariage, ni des
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 527 i
relations sexuelles en dehors du mariage. Quand il parle des
femmes, d'ailleurs, il ne sort guère des lieux communs. Nordau dit
bien d'ailleurs que le sadisme de Nietzche était purement intel-
lectuel et se satisfaisait par des débauches d'idées ; mais Nietzche
n'est jamais obscène.
Il semble, dit 1Z. Ireland, que Nordau ait voulu à toute force
étiqueter et classer un homme qui est tout justement un cas par-
ticulier.
Nietzche critique le caractère superficiel et trop spécialisé de
l'éducation moderne, et particulièrement l'importance attachée
aux études historiques, qu'il considère comme au moins inutiles et
nuisant à la plasticité de l'intelligence.
Dans ses premiers essais, on voit apparaître deux conceptions
qui joueront un grand rôle dans les spéculations ultérieures, le
culte du génie et la théorie de la décadence. Bientôt, il publie son
livre : Humain, trop humain (1877), qu'il écrit à Sorrente en
compagnie de Wagner, et où il se montre nettement antichré-
tien; il admet, que le christianisme a purifie le monde romain cor-
rompu, mais il déclare qu'il a eu l'effet d'un poison sur les races
germaniques. Il y formule cette maxime que la meilleure manière
de commencer la journée est d'examiner de quelle façon on
pourra être agréable à une personne « au moins », et il ajoute
que, c si celle préoccupation prenait la place des exercices
religieux ordinaires, 1 humanité ne pourrait que gagner au
change. »
On a vu que Nietzche souffrait de migraines sévères : il n'y a là
ordinairement qu'une maladie fonctionnelle, sans grande tendance
à se transformer en affection plus, grave : elle s'accompagne sou-
vent, et c'était le cas chez Nietzche, d'une grande dépression men-
tale, et peut-être quelquefois, mais rarement, le prélude de la
folie. Un mot qui revient souvent, dans ses écrits, c'est le mot dé-
goût (Ehel), et il parait avoir considéré toutes choses avec une
perpétuelle nausée, comme un homme qui a le mal de mer consi-
dère les aliments. Il jugeait niais de s'indigner contre la méchan-
ceté, les hommes n'étant que les instruments de la fatalité, mais
le dégoût chez lui remplaçait l'indignation. On peut ajouter qu'il
avait l'odorat d'une acuité morbide. ,
En 1882, ses souffrances ayant diminué, il en vint à admettre
que le monde pouvait se justifier comme phénomène esthétique, et
-que la vie valait la peine d'être vécue. A la même époque, il se
.sépara de Wagner. Malheureusement, il perdait la faculté de con-
centrer et de soutenir sa pensée, et ses livres prirent la forme
-d'aphorismes courts, de phrases où l'on découvre « des associa-
tions d'idées et de mots qui ne sont réglées ni par le bon sens ni
par le jugement. » A Gênes, pendant les premières années de sa
vie errante, dans l'intervalle de ses souffrances, il écrit Aurore;
528 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
puis, en 1883 et 188;r, il publie l'oeuvre que ses admirateurs consi-
dèrent comme son oeuvre maîtresse : Ainsi parlait Larathustra,
dans laquelle, comme dans tous ses derniers ouvrages, on trouve
à toutes les pages « un manque de mesure et un manque de goût ».
D'ailleurs, si « Nietzche avait quelques idées directrices, on ne
peut pas-dire qu'il ait eu un système de morale établi sur des
inductions ou des déductions. » A ce qu'il croyait être la vérité,
il avait montré un dévouement très ferme : « Pour avoir le droit
de la proclamer, il avait abandonné la foi de ses pères, la croyance
en Dieu, l'espoir d'une vie future, la sympathie de beaucoup de
ses amis, et la morale ordinaire du monde. A la fin, il en arriva à
se demander si la vérité elle-même avait une valeur » et si soute-
nir que la fausseté d'une opinion n'est pas une objection contre
cette opinion. Il avait un mépris qu'il professait avec ostentation
pour la démocratie, le socialisme, le bonheur du plus grand nom-
bre. Il proclamait que le peuple devait être maintenu en esclavage
et ne considérait d'ailleurs l'humanité que comme une période pu-
rement transitoire dans le mouvement ascensionnel de l'évolution.
Lichtenberger nous apprend qu'il se considérait lui-même comme
étant à la fois le continuateur et le destructeur de l'oeuvre de
Jésus. « Comme on l'a vu, dit Je. Ireland, Nietzche passa de la
santé mentale à la folie par des périodes de transition D, et ce
passage fut long.
Dans des lettres à sa soeur et à son beau-frère, il se montre
soupçonneux et il raconte qu'il prend des narcotiques, mais ne
peut pas dormir : en effet, il abusait du chloral. 11. Ireland soup-
çonne que son insomnie était due à une dégénérescence artérielle
des vaisseaux cérébraux. Il se plaignait de la conspiration du
silence qui s'était faite autour de ses oeuvres, et AI. Ireland re-
marque que c'est là une idée délirante commune chez les au-
teurs.
Le début apparent de la première crise de folie de Nietzche fut
caractérisé par une chute à la porte de sa maison, avec impossi-
bilité de se relever : il resta deux jours sans mouvement et sans
parole. Quand il revint à lui, il se parla à lui-même à haute voix,
chanta bruyamment. Il couvrit plusieurs feuilles de papier d'écrits
délirants où il mêlait les personnages de la mythologie grecque,
ceux de l'Evangile et ceux de l'époque actuelle; il accusait ses
meilleurs amis de lui nuire, assurait que Dieu, mis en pièces par
ses ennemis, errait sur les bords du Pô, et signait ses lettres Dio-
nysos : une de celles-ci étant parvenue à Bâle au professeur Over-
beek, il vint à Turin, où se passaient ces événements, et emmena
Nietzche à Bâte et de là dans la maison de santé du Dr Beriswan-
ger, à Iéna. On désigna sa maladie sous le nom de cl paralysie à
forme atypique ». Pendant que M. Ireland achevait ce travail,
Nietzche succombait (2 août 1000), à une hémorrhagie cérébrale.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 529
Les admirateurs de Nietzche font remarquer que son caractère
personnel est une partie importante de sa philosophie; « mais
ses écrits ne rendent d'autre service que celui d'indiquer son
aberration mentale : comme contribution à la psychologie, ils sont
dépourvus de toute valeur. » . tD
Un de ses biographes, AI"10 Andréas, nous apprend, ce à quoi
ses écrits ne nous préparaient guère, qne Nietzche se distin-
guait par une grande politesse et une douceur presque féminine :
suivant son expression, il portait un masque et un manteau
pour cacher sa vie intérieure, qu'il ne révélait presque jamais.
Il aimait la solitude, et. il a écrit dans Reee Ilotiio : « Souffrir de
. la solitude est une infériorité ; je n'ai jamais souffert que de la
foule. »
« Le malheureux Nietzche, dit L Freland, était né avec une
tendance héréditaire à un fonctionnement mental anormal ; dans
sa première enfance, il était arriéré; dans son enfance, il a été
timide et solitaire; dans sa jeunesse, il ne prenait aucun plaisir
aux sports et aux amusements îles jeunes gens, mais il apprenait
vite, avait des aptitudes littéraires et aimait à s'écarter des sen-
tiers battus... Les rapports de ses -souffrances nerveuses avec son
trouble mental ne sont pas clairs, mais il n'est pas douteux que
ces souffrances ont exaspéré sou intelligence et augmenté son
mécontentement de la vie. Peu d'hommes, et seulement les meil-
leurs, sont rendus meilleurs par la maladie... « Son état était celui
qu'on décrit sous le nom de folie du doute. » Le pouvoir de rai-
sonner correctement, dit encore M. Freiand, s'affaiblit chez lui, et
ce qu'il y a de particulier dans son cas, c'est qu'il parait avoir
gardé longtemps le pouvoir de se contrôler lui-même, de iiiaiiiète
a ne pas violer les règles ordinaires de conduite dans ses rapports
avec les autres hommes, alors qu'il donnait satisfaction à ses ten-
dances extravagantes en écrivant des livres provocateurs à l'égard
des croyances les plus chères à ceux au milieu desquels il vivait.
Pour employer sa propre expression, il « philosophait à coups de
marteau. » Et M. Freland, en terminant, se demande comment
les livres de Nietzche peuvent être lus, et surtout loués.
11. de MUSGHAVK CLAY.
M. Ireland a déjà publié d'intéressantes et sagaces mono-
graphies psychologiques dont il a été rendu longuement
compte à cette place. Nous avons tenu à faire une part égale
à sa psychologie de Nietzche : mais il est impossible de ne
pas remarquer que si son jugement sur le philosophe alle-
mand est motivé, son argumentation l'est moins. Nietzche
avait de l'hérédité névropathique et il est mort en état-d'alié-
nation mentale, mais de sa folie avant les accidents termi-
Ancmvrs, 20 série, t. XIV. 34 '
530 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
naux, M. Ireland ne nous en donne aucune preuve, ou plutôt
il n'en donne qu'une, sa philosophie qui est anti-chrétienne,
changeante et, au point de vue des lieux communs de la
morale, révolutionnaire. Cela n'est pas suffisant, et les asser-
tions de M. Ireland sont quelque peu troublantes, et même
désobligeantes, pour la mentalité de ceux qui trouvent en
Nietzche un des plus rigoureux penseurs de l'Allemagne
moderne et ont lu et admiré ses oeuvres sans s'apercevoir
qu'il était fou.
R. DE MUSGRAVE CLAT.
XXXII. Lanévrose d'angoisse ; par IIAIITEMBLERG. (Reçue de médecine,
août 1901.)
Après avoir exposé les principaux symptômes de la névrose d'an-
goisse dans des articles déjà signalés, l'auteur établit des conclu-
sions sur la nature de la maladie décrite par Freud :
Doit-on, comme le veut ce dernier, séparer nettement la névrose
d'angoisse du domaine de la neurasthénie ? La névrose d'angoisse
se rattache à la neurasthénie; elle a les mêmes origines qu'elle,
mais elle dépendrait plutôt d'un épuisement du sympathique, tandis
que la neurasthénie semble plutôt due à un épuisement du sys-
tème cerébrospinal. Freud prétend que la névrose d'angoisse serait
exclusivement due à l'excitation sexuelle non satisfaite (coït incom-
plet, excitations funestes, etc.). Les causes sont affectives, mais tout
surmenage^ épuisement ou traumatisme est également capable de
la produire.
La névrose d'angoisse est souvent associée à la neurasthénie,
mais il parait utile de séparer de cette dernière, dont le terme est
trop vaste, un syndrome morbide qui repose sur une maladie
primitive de l'émotivité et dont le mécanisme pathogénique apporte
une démonstration en faveur de la doctrine de la priorité de la
vie affective dans la constitution'des phobies et des obsessions.
M. 1.11lGL.
De L'épilepsie; par W. 13RAD13ENT. (Brit. med. Journal,
4janvier 1902.)
Revue négative en ce qui concerne l'étiologie, la nature et la
cure de la névrose. Ses symptômes, ses causes, ses variétés, son
pronostic et sa thérapeutique sont esquissés ; l'auteur termine en
développant ce point de vue que la médication bromurée, en jugu-
lant les crises, n'est qu'un palliatif des symptômes, mais pas un
traitement satisfaisant quant à la névrose elle-même qu'il consi-
dère comme d'origine viscérale (autointoxicatiou).
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 531
XXXIV. Troubles moteurs chez les paralytiques généraux ; par
- MARANDOK de l10,NTYEL (Revue de médecine, 1899).
Les troubles moteurs ont été observés chez 108 sujets paraly-
tiques aux deux premières périodes de la maladie. De ces divers
cas, l'auteur pense devoir dégager les conclusions suivantes :
d'abord des troubles moteurs excessifs peuvent se montrer de pré-
férence à la première période et réciproquement, les troubles
légers à la seconde. L'intégrité du sphincter n'a pas de rapport
direct avec les troubles moteurs. En somme on ne peut savoir par
la seule inspection de la motricité si le paralytique est à la pre-
mière ou à la seconde période de la maladie. A la seconde période,
la fréquence des troubles est d'autant plus grande que le degré
d'altération est plus élevé, le fait inverse n'a pas été observé pour
la première période. A cette première période, les rémissions dans
les troubes moteurs ont été bien moins accusées qu'à la seconde.
Les troubles moteurs ont été trouvés beaucoup plus accusés aux
deux périodes dans la paralysie générale précoce et de l'âge
moyen que dans la tardive. Enfin, parmi les éléments étiologiques
accentuant les troubles, moteut-s, l'alcool semble jouer le principal
rôle-à la première période, puis la syphilis et le traumatisme.
AI. IIAMEL
XXXV. Contribution à l'étude des paralysies psychiques ; par
llAL'sEn et Lostat JACOB. (Reçue de médecine, nov. 1901.)
Quatre observations dont trois se rapportent à des sujets non
hystériques, et ayant présenté une paralysie de cause vraisembla-
blement psychique. Ce qu'il y a de particulier à noter, c'est que
ces paralysies affectaient, soit exclusivement, soit de préférence,
un groupe musculaire dévolu à une fonction. Elles ont cédé facile-
ment à un traitement psychothérapique. Comme les sujets
n'étaient pas hystériques, il est peut-être préférable de les ranger
simplement parmi les paralysies psychiques, afin de ne pas trop
étendre le cadre de l'hystérie. M. H.
XXXVI. Le vertige psychique ; par VAscniDE et VURPAS. (Revue
de médecine, mai 1903.)
Il s'agit ici du trouble angoissant qu'éprouvent les sujets prédis-
posés qui se trouvent élevés à une certaine hauteur. Il se produit
non un vertige proprement dit, mais une sorte de suggestion, le
sujet finissant par éprouver la sensation réelle de chute dans
l'espace et commençant à esquisser les mouvements; l'idée de
chute exerçant un rôle inhibiteur et envahissant complètement le
champ de la conscience. Ce vertige rentre dans la catégorie des.
états émotifs et des obsessions propres aux dégénérés. M. H.
532 SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXXVH. Les hallucinations unilatérales, leur fréquence relative,
leurs associations, leur pathologie; par Alex. 11013LeRTSON. (The
Journal of Mental Science. Avril 1901.)
L'auteur a pu rassembler 15 cas bien nets d'hallucinations uni-
latérales. Il s'agissait dans tous ces cas d'hallucinations de l'ouïe,
et elles se sont manifestées douze fois du côté gauche. Il n'a
jamais rencontré d'hallucinations unilatérales de la vue, non plus
que du goût et de l'odorat, bien qu'il soit à sa connaissance que
des faits de ce dernier genre ont été observés. Dans un certain
nombre de cas, on a noté la prédominance bien marquée des hal-
lucinations d'un. côté; mais il ne s'agissait plus d'hallucinations
vraiment unilatérales. Ce mémoire se termine par des considéra-
tions intéressantes sur les rapports généraux des hallucinations
unilatérales et sur leur pathologie. R. de Musgrave-Clay.
XXXVIII. L'action toxique dans la genèse de la paralysie générale;
par F. Robertson. (Brit. cnecl. Journul, 26 octobre 1901.)
L'auteur développe d'après des recherches histologiques per-
sonnelles, cette vue que la paralysie générale est une réaction de
tous les tissus imprégnés de toxines ; il établit un parallèle entre
les fines lésions de capillaires des divers tissus hépatique, cérébral,
stomacal, etc., comparés à l'état normal de ces mêmes tissus
(8 figures). A. M.
XXXIX. Le substratum physique de la mélancolie; par J. Turner.
(Brit. med. Journ., octobre 1901.)
12 figures, montrant des altérations de cellules nerveuses à di-
vers degrés ; l'auteur développe la théorie d'une imprégnation
toxique préalable, constante dans toute folie héréditaire ou non.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 6 novembre 1902. Présidence de M. Gombault.
Gigantisme cl infantilisme .
MM. LAu.Nois et Roy présentent un malade qui a déjà été l'objet
de diverses publications. C'est un homme âgé de trente ans et qui
mesure actuellement 2 m. 15. Il est né en 1870 et n'a jamais cessé
de grandir. A vingt et un ans, il mesurait 1 m. 8G, à vingt-quatre
SOCIÉTÉS SAVANTES. 533
ans, 1 m. 94, à vingt-sept ans, 1 m. 99. Il présente en outre tous
les signes de l'infantilisme. L'unique testicule qui occupe son scro-
tum est atrophié, la .prostate est minuscule, la verge très petite,
il n'y a de poils ni aux aisselles ni à la face, un duvet insignifiant
revêt le pubis. Un génu valgum gauche empêche depuis quelque
temps le sujet d'exercer sa profession de phénomène forain. Les
radiographies montrent la persistance complète des cartilages de
conjugaison. Il n'est pas acromégalique ; mais on peut pronosti-
quer qu'il le -deviendra quand ses épiphyses se seront soudées,
selon l'évolution observée sur d'autres géants (Brissaud et Meige).
Cette persistance de cartilages chez un géant de trente ans montre
l'erreur possible des auteurs qui ont cru pouvoir, d'après cette
persistance, établir l'âge (dix-huit ans) d'un géant dont ils n'avaient
pas connu l'histoire. Il est probable que le sujet possède une
glande pituitaire hypertrophiée. Ce cas pourra servir à étayerune
étude poursuivie en ce moment par M. Launois sur les rapports
existant entre l'état de la glande pituitaire et l'état d'atrophie ou
l'absence des testicules (animaux châtrés et non châtrés), et sur
l'allongement des membres dans ce dernier cas.
Tremblement et tachycardie .
GIL13ERT Ballet et L. DLLHERM. M. Gilbert Ballet, à l'une
des dernières séances de la Société, a émis l'opinion acceptée par
certains (P. Marie), repoussée par quelques autres (Babinski), que
le tremblement qu'on observe dans la maladie de Basedow est
fonction de la tachycardie et non de la maladie elle-même, qu'on
peut le rencontrer chez les tachycardiques les plus divers, que,
par suite, il n'a pas de signification diagnostique et ne peut être
invoqué en faveur de la nature basedowienne de l'accélération des
battements du coeur.
MM. Gilbert Ballet et L. Delherm présentent un malade qui
démontre précisément le bien fondé de cette manière de voir.
C'est un homme de quarante-cinq ans, affecté d'un tremblement
très net, généralisé, à oscillations petites et fréquentes, comme on
le voit, dans le goitre exophtalmique. Il existe simultanément une
tachycardie des plus accusées (140 à 150 pulsations à la minute);
or, on peut affirmer que cette tachycardie n'a rien à faire avec la
maladie de Basedow ; il n'y a trace ni d'exophtalmie, ni de tumé-
faction du corps thyroïde. D'autre part, il y a dans la poitrine des
lésions qui suflisent à expliquer l'accélération des battements du
coeur par le mécanisme probable de la compression ou de la
névrite du pneumogastrique; l'auscultation, la radiographie et
l'examen bactériologique des crachats démontrent, en effet, qu'il
existe chez le malade de l'induration tuberculeuse avec ramollisse-
ment partiel du poumon gauche.
534 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Il ne semble pas douteux que la tachycardie dépende de ces
altérations.
Ce cas démontre donc, comme l'avait avancé antérieurement
M. Gilbert Ballet, que le tremblement est sous la dépendance de
la tachycardie et qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il s'y associe,
que celle-ci soit la manifestation de la maladie de Basedow,
M. Marie n'admet pas que le tremblement et la tachycardie soient
sous la dépendance l'un de l'autre, ce sont deux effets d'un même
état du système nerveux central. '
Un cas de paralysie radiculaire supérieure bilatérale du plexus bra-
chial, ci symptomalologie surtout sensitive, par côtes cervicales sup-
plémculuires :
MINI. J. Déjiîrine et P. Armand- Delille présentent une femme chez
laquelle apparurent, à l'âge de. trente-trois ans, des douleurs du
membre supérieur gauche, avec parésie et anesthésie en bande
dans le territoire des cinquième et sixième cervicales ; tandis qu'à
droite, il y avait seulement hypo-esthésie dans la même zone.
La radiographie montra la présence, de chaque côté, d'une côte
cervicale supplémentaire, plus développée à gauche.
L'extrémité de la côte gauche fut enlevée chirurgicalement et
l'opération amena la disparition des troubles subjectifs et objectifs
de la sensibilité. -
11 -est difficile d'expliquer l'apparition des symptômes seulement
à l'âge de trente-trois ans, à moins qu'il ne s'agisse d'une poussée
ostéogénique tardive.
M. BRISSAUD, à propos de la malade présentée par M. Déjerine,
ne s'étonne pas que les symptômes radiculaires aient été tardifs et
se soient localisés sur les côtes supplémentaires, les processus
morbides se développant plus fréquemment là où il y a des ano-
malies. S'il n'y a pas eu ostéite, mais seulement ostéogénie ce cas
pouvait se rapprocher des poussées de croissance tardives des dents
de sagesse. -
Un cas de MM à topographie radiculaire rigoureuse des trois p ? 'e-
Ntteres lombaires, avec troubles de la sensibildé dans le même le ? .-
l'il01)'e. -
MM. P. AR1L1NU-D13L1LLG et Jean Camus présentent une malade
atteinte de zona. La disposition de l'éruption se superpose exac-
tement au schéma donné par Rocher pour le territoire des trois
premières racines lombaires. Fait également intéressant, il y a
anesthésie sous tous les modes de la sensibilité (tactile, sensitive
et thermique) dans le même territoire, même dans les parties de
peau saine entre les éléments éruptifs.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 535
Préseaztuliorz d'zsze pièce cle claolescéacome d21 ceruelet.
AIAI. P. Armand-Delille et Jean Camus présentent un volumineux
cliolestéalonie, caractéristique macroscopiquement et microscopi-
quement, qui occupait le lobe droit du cervelet et avait refoulé la
partie droite de la protubérance.
Sclérose en plaques familiale. '
nI. HmssAUD présente un malade de cinquante-trois ans atteint
de tous les signes objectifs de la sclérose en plaques et sujet en
outre, actuellement, à des crises d'asthme qui se sont substituées
à des crises d'angine de poitrine. Il a observé les mêmes faits chez
le frère du patient. D'après les autopsies de cas pareils, il ne s'agi-
rait pas de scléroses en plaques en pareille occurrence, mais de
scléroses bilatérales de la moelle dans lesquelles ni la protubé-
rance, ni le cervelet, ni les hémisphères ne sont atteints.
AI. B%BiNsxi estime qu'en pareil cas les fibres cérébelleuses doi-
vent être intéressées.
M. Bienvenu rapporte une observation de chorée chronique.
Méningite tuberculeuse du bulbe avec rémission de deux ans
simulant la guérison.
111. Cruchet (de Bordeaux) rapporte l'observation d'un jeune
garçon de dix ans qui, après avoir présenté, durant un mois et
demi, tous les signes d'une méningite tuberculeuse classique, parut
complètement guéri pendant deux ans.
Il lit alors une rechute qui, au bout de six semaines, fut encore
suivie d'un retour à l'état normal ; la guérison paraissait donc de
nouveau obtenue, lorsque l'enfant mourut subitement par asphyxie
d'origine bulbaire, avec des signes absolument analogues à ceux
que provoquent les physiologistes daus l'expérience de 1,'Ioui,ens.
L'autopsie démontra une dissémination considérable de nodules
tuberculeux à la périphérie du bulbe, distribués particulièrement
le long des artères vertébrales, du tronc basilaire et des cérébrales
postérieures, ces dernières étant presque complètement oblitérées
au niveau de leur origine.
M.IIUET présente une enfant atteinte de mal de Pott lombaire s iiiiii-
lai2l une myopathie. Le diagnostic de myopathie ayant cependant
paru douteux, la radiographie permit d'établir celui de mal de Pott.
Paralysie pseudo-bulbaire chez un jeune homme de vingl-huil ans,
apparaissant à la suite de deux ictus surventes dans la même
journée. Signe des orteils.
M. Dufour. La paralysie pseudo-bulbaire est, le plus géné-
ralement, le résultat d'une lésion bilatérale des hémisphères. Dans
536 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la grande majorité des cas, les ictus apoplectiques ou les foyers
de ramollissement, à la suite desquels s'installe le syndrome
pseudo-bulbaire, sont séparés par un intervalle de quelques jours,
de plusieurs semaines, de mois ou d'années. Chez le malade que
je'présente, la maladie a été en quelque sorte schématisée. Un
premier ictus, avec hémiplégie droite, survenue à sept heures du
matin, est suivi, à neuf heures et demie, d'une guérison en appa-
rence complète, sauf l'existence d'uie légère faiblesse du côté
droit, du signe des orteils de Babinski, mais avec disparition de
lady>arlhrie et de la dysphonie. Un deuxième ictus, à trois heures
de l'après-midi, amène une hémiplégie gauche avec dysarthrie,
dysphonie, troubles de la déglutition, rire spasmodique, qui ont
rétrocédé incomplètement dans la suite, laissant les signes très
nets de la paralysie pseudo-bulbaire. -
Le signe des orteils de Babiiiski,qtii a accompagnéchaque ictus,
n'a pas tardé à disparaitre, faisant place à la trépidation spinale.
Je me demande si le signe de Babinski, qui n'existe pas de l'avis
de son auteur dans tons les cas où le faisceau pyramidal est lésé,
qui, d'autre part, ne semble pas, dans mon cas, avoir de rapport
direct avec le clonus du pied, n'indique pas plutôt une perturba-
tion dans la fonction pyramydale qui consiste à transmettre les
ordres moteurs aux muscles du membre inférieur, tandis que le
clonus du pied indiquerait une perturbation de cette autre fonc-
tion du faisceau pyramidal, qui consiste à maintenir un certain
degré de tonicité musculaire.
En un mot, l'hypothèse serait la suivante : le signe des outils
est liée à des phénomènes de paialysiepeu ou très marquée ; le
clonus du pied répond à l'excitation de la voie motrice.
M. BAR)NSKt insiste sur le point que le signe qui porte son nom
caractérise la lésion pyramidale mais n'en indique ni la hauteur,
ni l'intensité.
Méningite cérébro-spinale ci forme de syndrome de Liltle
' et de pseudo-bulbaire.
MM. HUET et SICARD rapportent l'observation d'un jeune enfant
de six ans, atteint, au cours d'une méningite cérébro-spinale con-
sécutive à un abcès de l'oreille, de syndromes nerveux intéressants :
tétraplégie spasmodique coïncidant avec des troubles paralytiques
des appareils de mastication, de déglutition, de phonation.
Le syndrome de Little trouve sa raison d'être évidente dans la
méningo-encéphalite corticale localisée symétriquement et bilaté-
ralement au niveau des centres moteurs ; la pathogénie du syn-
drome de Duchemin reconnaît vraisemblablement une origine
également corticale. Il s'agit donc de troubles pseudo-bulbaires
acquis chez un enfant, et l'on connaît la rareté de telles observa-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 537
lions. 11 ne semble pas que l'on puisse invoquer une localisation
bulbaire directe du névritique en raison de l'absence d'atrophie
musculaire et de troubles des réactions électriques.
Atrophie musculaire et poliomyélite.
1111. . Raymond et Cl. Philippe apportent un nouveau document
pour l'histoire anatomo-clinique de l'atrophie musculaire progres-
sive spinale, due à une poliomyélite chronique strictement loca-
lisée aux grandes cellules des cornes antérieures de la substance
grise de la moelle épinière. C'est la ptemière observation avec
autopsie dans laquelle le début ait eu lieu par les extrémités des
membres inférieurs (pieds et jambes) avec une semblable localisa-
tion anatomique. L'affection avait commencé à faire de cinquante-
deux ans par l'atrophie graduelle des muscles antéro-externes de
la jambe, la faiblesse motrice marcha toujours parallèlement à
l'amaigrissement sans jamais s'accompagner de troubles sensitifs
ni d'aucun phénomène spasmodique. L'autopsie a montré, dans
toute l'étendue de la moelle épinière, avec prédominance pour la
région lombo-sacrée, une atrophie considérable, en nombre et en
volume, au niveau des grandes cellules de la substance grise, avec
lésions secondaires des racines antérieures, des nerfs périphériques
et des muscles.
Sur le rôle du cervelet dans lns actes Colitio ? 721els nécessitant une
succession rapide de mouvements.
J. Babinski. Je désire attirer l'attention de la Société sur un
trouble de motilité qui n'a pas été décrit jusqu'à présent et qui
consiste en ce que le sujet qui en est atteint, tout en pouvant exé-
cuter avec la même rapidité qu'un individu normal des mouve-
élémenfaires, tels que, par exemple, le mouvement de pronation
ou le mouvement de supination de la main, est incapable d'ac-
complir un acte volitionnel nécessitant une succession rapide
de mouvements. Il ne sera pas en mesure, pour reprendre l'exemple
précédent, de faire avec rapidité des mouvements successifs de
pronation et de supination.
Voici plusieurs malades chez lesquels il existe incontestablement
une lésion de l'appareil cérébelleux et qui présentent très nette-
ment ce phénomène.
Ce trouble est donc la conséquence d'une lésion cérébelleuse.' Il
fait défaut dans les affections des autres parties du système ner-
veux ; les tabétiques, en particulier, ne le présentent pas; c'est
donc là un signe qui peut contribuer à distinguer de l'ataxie tabé-
tique ce désordre que l'on a désigné à tort, pour ne pas l'avoir
suffisamment analysé, sous le nom d'ataxies cérébelleuses et que
j'ai proposé déjà autrefois d'appeler asynergie.
538 SOCIÉTÉS SAVANTES.
11 résulte de mes observations cliniques qu'il existe une fonction
spéciale appartenant à l'appareil cérébelleux, qui a pour objet
dans les actes volitionnels d'arrêter brusquement les impulsions
motrices et d'en imprimer de nouvelles aussitôt après; ce n'est en
effet qu'à ces conditions que les mouvements peuvent se succéder
avec rapidité. La titubation cérébelleuse, les troubles de l'écri-
ture, etc., sont dus (li partie à la perturbation de cette fonction
que l'on peut dénommer cliudococinésio, néologisme tiré de deux
mots grecs, dont l'un veut dire successif, l'autre mouvement.
F. Gotssma.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE' J
Séance du mardi 21 octobre 1902. - Présidence de M. Jules Voisin.
Névralgie ancienne du nerf radial guérie par l'hypnotisme.
M. David (de Narbonne) rapporte le cas d'un jeune homme traité
depuis deux ans, tantôt pour rhumatisme, tantôt pour une myélite
et qui avait scrupuleusement suivi, pendant tout ce temps, sans
aucun résultat, les traitements hydra-minéraux et médicamenteux
les plus variés. Une seule séance de suggestion hypnotique a suffi
ponr le débarrasser d'une névralgie de l'avant-bras qu'accompa-
gnait une impotence fonctionnelle presque complète.
Explication scientifique des phénomènes de l'hypnotisme.
M. FIIAICKFN (de la Haye) expose et discute la conception
de l'hypnotisme d'après 111011, Lelrman, Durand de Gros, Preyer,
Wundt, Goltz, Verworne, Lloyd Tuckey, Brown-Séquard, Ileideii-
hain, Fore), Tooth, Pierre Janet, Bernheim, De)boeut'. Il insiste sur
les souvenirs latents qui subsistent après le réveil et sur les opéra-
tions psychologiques qui s'accomplissent dans la subconscience.
Les modalités de la suggestibilité.
M. 1)RILLON présente un malade, jadis agoraphobe, actuellement
Itypersuggestihje, que l'on peut mettre très facilement dans un état
cataieploïde avec contractures. Il démontre à nouveau sur ce
malade le phénomène de I'Iivpei-exciLabilité musculaire.
M. l'aul Magnin. On a voulu rapporter à la seule suggestion
tous ces phénomènes de catalepsie de contracture. De ce que la
suggestion peut les produire, il n'en résulte pas qu'ils ne peuvent
pas apparaître spontanément. En l'ail, on les observe dans des
circonstances où aucune espèce de suggestion ne saurait être invo-
quée.
BIBLIOGRAPHIE. 539
M. Jules Voisin. Je pacage tout à fait l'opinion de M. llaguin.
Dans le cas actuel, il s'agit de catalepsie avec contractures dif-
fuses. Quand on ouvre l'un des yeux, le bras au côté correspondant
cesse d'être contracture.
Suggestion musicale et psychothérapie.
M. Henry Lemesle apprécie les essais de musicothérapie de
M. Pelrucci à l'asile d'aliénés de Saint-James-sur-Loire. Il discute
la valeur de la suggestion rythmique et de la suggestion tonale; il
expose comment il convient de les varier et de les combiner dans
les divers états mentaux, en particulier dans la mélancolie et la
manie.
BIBLIOGRAPHIE.
XII. Rapport médical, compte moral et administratif de l'asile de la
Charité potiî- l'exercice 1901, par 111. le Dr Faucher,
médecin-directeur.
Eu 1901, il y a eu 145 admissions, dont 23 d'aliénés du départe-
ment de la Seine. Les sorties ont été de 261, dont 32 par guéri-
son, 17 par amélioration. 2 évasions se sont produites en 1901,
une en 1900 1. Il est survenu 81 décès, soit 8,98 p. 100, dont 9 de
tuberculose. La population était de 757 le IIP janvier 1901 et de
760 à la fin de l'année. Dans les cinq dernières années, l'augmen-
tation a été de 222 malade", y compris ceux de la Seine
« Nous avons eu 4 épilepliques simples (au heu de 10 en 1900
et en 1899), au nombre des nouveaux admis; quoique ces malades
ne soient pas aliénés à proprement parler, ils sont néanmoins,
comme nous le faisions observer dans notre rapport de l'an der-
nier, très souvent affaiblis intellectuellement, irritables et même
sujets à des accès d'agitation.. Nous avons dû précisément sollici-
ter, pour une femme, son placement d'office comme aliénée véri-
table, car elle était au moment de ses crises hystéro-épdeptiques,
et quelquefois même dans l'intervalle, véritablement dangereuse. »
C'est absolument l'opinion que nous soutenons depuis long-
temps ; tous les épileptiques,. à un moment, sont des aliénés, tous
peuvent d'un instant à l'autre, devenir dangereux.
' 11 y a chaque année dans tous les asiles quelques évasions. Nous en
trouvons 2 en 1901, à Quatremares. 1 à Blois, etc. Elles ne sont pas rares
dans les asiles de la Seine, notamment à Yitte-Evrard, à la colonie de
Vaucluse, dans notre service de B : cètre (10 en 1901).
540 BIBLIOGRAPHIE.
Les nouveaux pensionnats ont été inaugurés en 1899. Nous avons
pu constater dans la visite de l'asile que nous avons faite le
H août les nombreuses fautes commises par l'architecte, qui ne
parait pas se douter des exigences particulières des asiles. Nous y
reviendrons probablement.
Signalons les tableaux, en outre des tableaux ordinaires, sur
l'état civil, les professions (on devrait mentionner les professions
insalubres), l'hérédité, sur l'alcoolisme, etc. Ce dernier tableau qui
va de 189 à 1901 montre que la proportion des alcooliques qui
était de 5,38 en 1895 s'est élevée à 2711 en 1901. « 11 nous ievèle,
dit M. Faucher, l'influence de l'alcoolisme dans l'éclosion de la
folie et nous donne une idée du développement de l'alcoolisme lui-
même dans le département; car la progression est manifeste d'une
année à l'autre, au moins pour le sexe masculin. La proportion
des buveurs par rapport au nombre total des admis (déduction
faite des transférés et des épilepliques simples), 40,29 p. 100,'est
sensiblement la même que l'an dernier. Au contraire pour les ma-
lades du sexe féminin il y a une légère diminution. »
Avec la grande majorité des médecins, M. Faucher recommande
le placement précoce : « Dans 24 cas, la maladie remontait à au
moins six mois; c'est une condition favorable pour la guérison.
Dans 23 cas la maladie mentale avait déjà plus de deux ans de
durée au moment de l'admission ; aussi peut-on prévoir que le
plus grand nombre des aliénés de cette catégorie seront à peu
près certainement incurables. Enfin, dans 11 cas, la maladie datait
déjà de six mois à deux ans L'internement précoce n'est sans
doute pas une garantie de curabilité, mais c'est une chance de
plus donnée à nos malheureux malades, trop souvent voués d'em-
lilée à la chronicité par la nature même de leur affection. »
Il n'y a eu, en 1901, qu'un convoi d'aliénés de la Seine (18 H.). « Il
ne comprenait que 4 paralytiques généraux et 2 idiots, encore les
4 paralytiques n'étaient-ils pas tous galeux. Au point de vue de
l'état général, les transférés de cette année sont donc dans de
meilleures conditions que ceux qui nous avaient été envoyés lors
des précédents convois. Il était bon de le signaler. » Il est donné
à l'asile des congés d'essai d'une durée d'un à deux mois.
Quelques notes à relever dans le chapitre des décès : « 71 décès
en 1900, 81 en 1901. Le pourcentage (902 malades) est de 10,76 et
de 7,09 pour les femmes. La différence de la mortalité entre 1900 et
1901. tient aux décès par paralysie générale, part entièrement
nombreux en 1901, à la suite du transfert de 54 hommes prove-
nant des asiles de la Seine et qui eut lieu à la fin de 1900...
Chaque année, nous avons à déplorer le décès de malades admis
depuis quelques jours à peine et qui nous sont amenés dans un
état de cachexie très prononcée. En 1901, nons avons perdu ainsi
10 malades (7 hommes et 3 femmes) qui étaient entrés depuis
BIBLIOGRAPHIE. 541
moins d'un mois... En 1901, ce sont, comme en 1900, les paraly-
tiques généraux (23), qui ont fourni le plus grand nombre des dé-
cès. En 1898, la paralysie générale ne venait qu'en quatrième
rang; mais depuis l'arrivée des aliénés de la Seine, son impor-
tance va croissant au point de vue de la mortalité de l'asile... »
D'où il suit que les transferts des malades de la Seine perturbent
les asiles de provi.ice, en les encombrant, en augmentant la mor-
talité, en diminuant la proportion vraie des guérisons, en un mot
en font des asiles unoam.aui.
Parmi les maladies incidentes, nous voyons 5 cas de tuberculose
pulmonaire.
Parlant de la lutte contre l'alcoolisme dans le chapitre du trai-
tement, .M. Faucher s'exprime ainsi : « Nous avons déjà parlé, dans
nos rapports précédents, de la lutte entreprise de tous côtés contre
l'alcoolisme. Les moyens actuellement les plus recommandés sont :
la sup ))'e6'si'j)t du lei bouilleurs de cru, l'élévation des
droits sur l'alcool, la limitation du nombre des débits, la fixation
des heures d'ouverture de ces débits, l'interdiction de la vente de
spiritueux dans les casernes, édifice.^ publics, ateliers de chemins
de fer, etc,; l'internement des buveurs d'habitude, même ne pré-
sentant pas de troubles mentaux, l'assimilation de l'ivrognerie a
l'inconduite, pouvant entraîner par suite le divorce, l'incapacité
civile et la déchéance paternelle; l'enseignement anli-alcoolique,
déjà largement pratiqué dans les écoles, casernes, etc. Puis la for-
mation de sociétés de tempérance, de ligues scolaires anti-alcoo-
liques, etc. Il est évident que tous ces moyens sont de valeur iné-
gale et d'application parfois difficile; nous préferons pour notre
part, ceux qui s'adressent à la raison et au jugement du buveur, ou
de celui qui pourra le devenir, mais ces moyens doivent être em-
ployés de.bonne'heure dès l'école ou la caserne, avant que l'habi-
tude ne soit invétérée et n'ait dégénéré en passion. »
L'application rigoureuse de la loi sur ['ivresse (contre l'ivrogne
et le marchand), des lois et règlements sur les falsifications alimen-
taires contribueraient à diminuer l'ivrogneiie el à taire disparaître
un grand nombre de cabarets, foyers d'abrutissement, d'exploita-
tion et quelquefois de vols. 'l'elle est l'opinion que nous soute-
nons depuis bien des années.
Eu 1901, il a été administré 2 833 bains et 861 douches dans
les services des hommes; chez les femmes, il a été donné 3,048
bains et 1,008 douches. M. Faucher pense que « le traitement hydro-
thérapiquo n'a pas la valeur qu'on lui attribuait jadis. » Nous
différons sur ce point avec notre distingué collègue. L'hydrothé-
rapie, bien appliquée avec des appareils convenables, réalisant
les règles de l'hydrothérapie scientifique, constitue l'un des meil-
leurs agents thérapeutiques contre les maladies nerveuses et men-
tales. (Voir nos Comptes rendus de Bicêlre, de 1880 à 1901).
542 BIBLIOGRAPHIE.
L'asile de la Charité fabrique son pain. « Le prix du pain de deu-
xième qualité, d'après la taxe municipale de la ville de la Charité,
a été pendant l'année, en moyenne de 0,2627 le kilogramme, soit
un chiffre supérieurde 0,0474 fr. à celui de l'asile. Cette différence
multipliée par le nombre de kiiogs de pain fabriqué (203,623
donne pour l'année un bénéfice de 9 651f r. 73. Nous croyons que
l'Administration supérieure ferait bien de signaler aux préfets les
avantages de la fabrication du pain par les asiles. ' B.
XIII. De la démence précoce chez les jeunes gens ; par le Dr Ali ? Euq,
médecin à la colonie de Gheel.
Sur 384 aliénés, dont 200 hommes et 184 femmes, composant
au l01' septembre 1901 l'effectif de la section confiée aux soins du
D1' leetis, 40, dont 21 hommes et 16 femmes, étaient atteints de
démence précoce ; cette proportion élevée classe la démence pré-
coce parmi les affections fréquentes.
Sur ces 40 malades, le diagnostic de démence précoce n'avait
été posé qu'une seule fois au moment de leur entrée, ce qui
montre, d'une part, que la démence précoce est loin d'être consi-
dérée comme une entité spéciale, et d'autre part qu'au premier
stade de la maladie, les états émotionnels pathologiques et les
formes délirantes occupent le premier plan, si bien que ce n'est
que plus tard, au stade d'état, que la maladie se caractérise par
des symptômes précis.
Utilisant ces 40 observations personnelles, l'auteur fait une
élude clinique des plus intéressantes de la démence précoce, pas-
sant en revue successivement : 1° les symptômes du début, cons-
tatés par l'entourage immédiat du malade, symptômes, extrême-
ment variables; 2° les symptômes d'augment, existant au moment
du placement, manifestations hallucinatoires et délirantes, trou-
bles de l'état émotionnel (mélancolie, manie, stupeur); 3° enfin
les symptômes d'état durant la v : e entiéfe, à savoir l'affaiblisse-
ment intellectuel rapide, les symptômes psychiques et les symp-
tûmes moteurs; ces derniers constituant dans leur ensemble un
syndrome particulier appelé catatonique et pouvant se distinguer
en : u) besoin de mouvement (actes sans but, mouvements clioréi-
formes ou épileptiformes de Kdhfbaum ; b) impulsion aux mou-
vements ; c) mouvements et attitudes stéréotypés (mouvements
automatiques, verbigération, écholalie, altitudes singulières, etc.);
d) trouble de l'activité volontaire.
Sur les 40 déments précoces, dont les observations sont relatées,
aucun n'a guéri, ni ne montre une tendance à la guérison. Six
d'entre eux, sans anomalies dans l'état émotionnel, sont des cas
plutôt légers qui correspondraient ainsi au type hébéphrénique
de Ii-aepelin. Les 34 autres sont des formes graves où l'auteur dis-
VARIA. 1 543
tingue une variété torpide et une variété agitée, formes graves qui
correspondraient ainsi à la forme catatonique de Kraepeiin.
Contre Kraepehnqut maintient les deux formes morbides hébé-
phrénique et calatonique, fait intervenir un état émotionnel dans
la conception de la catatonie, M. lfeeus se range plutôt du côté
d'Aschaffenburg qui prétend qu'entre toutes ces formes, les plus
légères et les plus graves, n'existent que des degrés d'une même
maladie. 11 fusionne l'hébéphrénie et la catatonie avec la concep-
tion de démence précoce qui est une affection se développant géné-
ralement dans le jeune âge, conduisant, à travers toutes sortes de
circonstances, ou bien immédiatement, ou bien après des rémis-
sions plus ou moins sensibles, à un état caractéristique et tout à
fait spécial d'affaiblissement intellectuel définitif. E. Blin.
VARIA.
. Les aliénés EN liberté.
- La folie d'un ancien magistral. Des agents ont arrêté, la nuit
dernière, boulevard Péreire, un individu qui, en chemise et armé
d'un revolver, courait à toutes jambes. C'est un nommé Louis li...,
demeurant rue des Fermiers, t9. Il avait déchargé cinq balles de
revolver dans l'escalier de sa maison, contre des ennemis imagi-
naires et avait pris la fuite dans la rue. M. Du... est âgé de qna-
rante-deux ans et a passé une moitié de sa vie aux colonies, dans
la magistrature. C'est là qu'il a contracté les germes de sa folie
actuelle. (Le Journal, du 9 octobre 1902).
Sanglante tragédie. De Grasse, au Petit Parisien : Une san-
glante tragédie a semé hier l'épouvante dans la petite commune
de Gars, située a soixante-trois kilomètres de Grasse.
Un cordonnier de cette localité, qui comprend à peine deux
cents habitants, Baptiste Guérin, âgé de quarante-deux ans, don-
nait, depuis quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Or,
hier, dans l'après-midi, pour un motif des plus futiles, il fut pris
d'un accès de folie furieuse au cours duquel il sortit armé d'une
hache et fonça sur toutes les personnes qu'il trouva sur son passage.
C'est ainsi que cinq de ses compatriotes furent victimes de la
fureur de ce forcené. Trois d'entre eux, qui n'avaient pu parer
les terribles coups de hache que Guérin leur portait, ont été très
grièvement atteints et on craint que les malheureux ne survivent
à leurs blessures. -
On juge de la panique qui s'empara des habitants; chacun ver-
544 varia.
rouilla solidement sa porte, et, en l'espace de quelques secondes,
les rues du petit village furent complètement désertes.
Cependant, un groupe d'hommes courageux s'était formé sous
la conduite du maire, M. Delerba, qui, par précaution, s'était
armé d'un fusil. Une chasse à l'homme fut organisée et, bientôt
après, Guérin, qui brandissait toujours sa hache, était cerné par
ses compatriotes. A cette vue, le forcené leva son arme et se préci-
pita sur le groupe. Un nouveau malheur allait se produire, quand
une détonation se fit entendre, et Guérin s'abattit comme une
masse, foudroyé d'un coup de fusil que le maire venait de tirer sur
lui. C'est là un assassinat que le maire aurait pu éviter.
Cinq enfants étranglés. Drame de la folie.- Un maître d'école
hollandais. Suicide du meurtrier. G[t01r<GUK, 27 septembre.
A Veendam,' dans la province de Groningue, le maître d'école,
nommé Lemke, ayant été pris d'un accès de folie furieuse, a étranglé
cinq élèves et en a grièvement blessé sept autres. Après avoir
accompli cet horrible acte, Lemke a couru vers l'étang qui se
trouve au milieu du village et s'y est noyé. (Le Journal, du 28 sep-
tembre 1902.)
Alcoolisme DE L'ENCAKCE.
Pour la boisson. Ferdinand Ileulte, quatorze ans, est un gamin
qui a le gosier en pente. Etant en service chez le sieur Cailloué.
cultivateur à Cerqueux, le jeune Ferdinand était souvent fort émé-
ché. Son patron se demandait où il allait boire, lorsqu'il décou-
vrit le débit où il s'approvisionnait. Ferdinand Heutte attachait a
une ficelle une bouteille à eau de Cologne et l'introduisait, par la
bonde, dans un fût d'eau-de-vie que sou maître couservait pour
ses vieux jours. En raison de son jeune âge, ce petit amateur de
calvados a été acquitté et remis il sa &oeur qu'il avait, au début de
l'instruction, cependant accusée de lui avoir indiqué le truc de
tirer de l'eau-de-vie sans clef à une barrique. (Le Bonhomme Nor-
mand, 17 au 23 octobre 1902.)
Alcoolisme.
Une mère indigne. Les passants qui se trouvaient, hier, place
de la Bourse, vers huit heures du soir, étaient révoltés par un fait
dont ils étaient témoins.
Une femme d'une quarantaine d'années arpentait le trottoir,
titubante, ivre.. Elle tenait à la main un garçonnet de six ans à
peine, qui, lui aussi, était dans un état d'ivresse avancée. Et la mèic c
chantait, battait le pauvre petit, qui chantait et criait à tue-tête.
Des agents arrivèrent pour empêcher ce scandale. La mère fut
conduite au commissariat de M. Lahat, où on apprit que celle-ci,
une idée d'ivrogne lui passant par la cervelle, avait forcé le pauvre
enfant à boire deux grands verres d'absinthe !
FAITS DIVERS. 545
La garde de l'enfant va être retirée à cette mère indigne. Quant
au cafetier qui a laissé s'accomplir ce forfait, il sera poursuivi
pour infraction à la loi contre l'ivresse. (Echo de Paris, 2 août.)
Nous avons déjà cité des faits concernant des parents faisant boire
de l'absinthe à un enfant à la mamelle, du vin en abondance à un
enfant de deux ou trois ans. Il faut appliquer rigoureusement la loi
sur l'ivresse.
FAITS DIVERS.
Asile d'Aliénés. Mouvement d'octobre. M. le De Chaussinaud,
directeur-médecin à l'asile d'aliénés de Saint-Dizier(liaute-llarne),
promu à la classe exceptionnelle du cadre. M. le De Truelle,
médecin-adjoint à Ilun-sur-Aurou, promu a la 1 ? classe du cadre :
M. le û1' Brunet, médecin-adjoint à l'asile de Moulins, promu à
la ire classe du cadre. -11. le D1' Pochon, médecin-adjoint à l'asile
de Lesvellec, promu à la ire classe du cadre.
Nécrologie. 7'/m./OM)'n. of ment. Science d'octobre annonce la
mort du De G. 1111crr.i ? ancien médecin en chef deSt.-Luke's IIos-
pital. M. le D1' Je\n-Louis Rousselin est mort à Elbeuf le 19 octobre
dernier dans sa 80° année. 11' était né àFresnes-l'Archevêque(Eure),
le 24 mars 1823. Après avoir été interne à l'asile de Saint-Yon et
à la maison de Chareuton, il passa sa thèse de doctorat : Sur la
double influence des crises et du traitement dans la guérison de la
folie. Après avoir été médecin du quartier d'aliénés de Poitiers
(1851), il devint médecin de l'asile de Blois (1853), puis médecin-
adjoint de la maison de Charenton (1854). En 1866, il succéda à Par-
chappe comme inspecteur général. En 1872 il fut nommé médecin
en chef de la maison de Charenton ; en 1873 médecin en chef de
l'Asile de Saint-Yon. Il fut mis à la retraite en 1882. Quelques
années plus-tard, à la suite d'événements malheureux, il accepta
le poste de médecin de l'asile de Leymes (Lot). Il a publié un cer-
tain nombre de mémoires dans les Âîtntiles ilIédico-Psyrliologiq lies.
Préjugé ET idiotie : D'un article sur les accouchements à ifada-
gascar, nous extrayons le passage suivant : « Quand le cordon
desséché tombe, on l'enveloppe dans des herbes vertes que l'on
donne ensuite à manger au boeuf. L'intérêt de cette coutume est.
d'éloigner cette parcelle de l'enfant des esprits qui flottent dans
l'air, car s'il s'égarait, l'enfant deviendrait idiot; si, au contraire,
le boeuf le mange, l'enfant deviendra riche et possédera beaucoup
de boeufs. »
Archives, 2° série, t. XIV. 35
846 AVIS A NOS ABONNÉS.
Un assassin DE quinze ANS. Le 28 octobre, un assassinat était
découvert au Raffoux, commune de Saiiit-ri lovier (1 ndt,e-et-l,oire),
sur la personne d'une fermière nommée In,e Hérault, dont le
cadavre avait été retiré, couvert de terribles blessures, d'un puits.
Les premières recherches entreprises pour la découverte du cou-
pable étaient demeurées vaines. Mais le jeune domestique des
époux Hérault, le nommé Vanoy, âgé de quinze ans, qui, le jour
du crime, était resté seul t la ferme avec 1-0 Hérault et qui pré-
tendait n'avoir pas retrouvé sa maîtresse au logis lorsqu'il était, à
la nuit tombante, rentré du pâturage avec ses bestiaux, a fait au
parquet des réponses si bizarrement contradictoires que les soup-
çons des magistrats se sont portés sur lui. Il a prétendu avoir vu
l'assassin jeter Mm0 Hérault dans le puits, ajoutant que s'il n'a pas
parlé plus tôt c'est qu'il craignait la vengeance de ce dernier. Puis
enfin il a reconnu être lui-même l'auteur du crime et avoir caché
l'argent volé cent francs -, dans un endroit qu'il a désigné.
(Le Petit Bleu, 3 novembre 1902).
AVIS ANOS ABONNÉS.Z'ëc/tëce du I"' 1V7 ?
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont T abonnement cesse à
cette date, de noies envoyer le plus tôt possible le montant
de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en SMS du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir du
15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la BANDE de leur journal.
- Nous rappelons à nos lecteurs que V abonnement collec-
tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour
l'Étranger.
Le rédacteur-gérant : Bouhneville.
TABLE DES MATIERES
Acroniégalie et dégénérescence men-
tale, par Farnarier, 429.
Affections cardiaques. Voir troubles
mentaux.
AGENÉSIE. Voir spina bificla.
Aimant. Voir sensibilité.
Alcooliques. Les-récidivistes, par
Legrain et Guiard, 341."
Alcoolisme de l'enfance, 79. Fureur
alcoolique, 187, 188. Mère alcoo-
lique et meurtrière, 188. Drames
de 1' -, 285. Voir Paralysie.
Aliénés. Les en liberté, 74, 32t,
397, 398, 462. Asiles d' - 77.
Quartier d' de Gaillon, 77. Le
dhecteur de l'asile des de
Tournai blessé par un fou, 78.
- Voir Paralysie générale. Essai
à l'asile de Pau du traitement des
par le repos au lit, par Clau-
salles, 185. en liberté, 190.
Asile d' -. Mouvement de juin.
191. Dans un asile d' , 191.
Les en liberté, 283. Les
dans les familles, 286. Asiles
d' -. Nominations et promotions,
287. Asile d' d'Alençon. Avis,
287. Désencombiement d'un asile
d' français, par Doutrebeute,
337. Les convalescents, par
Larrivé, 338. Les ongles chez les
- , parPierret, 380.'Le séjourau
lit des , son emploi et son rôle
thérapeutique, par Ossipow, 4 tl.
Le traitement des aliénés par le
repos au lit, par Wizel, 415.
Quelques points sur le traitement
des chroniques, par Simpsons,
446. Asile d' de Navarre, 448.
Asile d' : Distractions auv ma-
lades, 461. Asiles d' de la
Seine, 463. automutilateurs,
par Poirson, 481. Voir Névrite.
Altérations pathologiques. Voir
Démence.
Amyotrophie double du type sca-
pulo-huméral consécutive à un
traumatisme unilatéral extra-arti-
culaire, har Guillain, 429.
Analgésie. Voir Hypenacuité. Note
pour servir à l'étude des table-
tiques. Insensibilité des globes
oculaires à la pression, par Aba-
die et Rocher, 434.
Anesthésie des nerfs sensitifs et
moteurs, par Joteykoet Stéfa-
nowska, 143. Analyse des mouve-
ments et de la sensibilité dans
l' par l'éther, par Joteyko et
Stéfanowska, 144. -segmentaire.
Voir Syringomyélie.
,lvÉVRISUE. Un cas d' sacci forma
double intra-crànien, par Shaw.
50 .
Antipyrine. Note sur l'action exci-
tante de l' -, par Féré, 445.
Anxiété. L' impulsive au point
de vue médico-légal, par Gar-
nier, 335.
Aphasies. Contribution à l'étude
clinique des -, par Van Gehuch-
ten, 159.
Apoplexie cérébelleuse avec aulop-
sie, par Léonard Weber, 55.
Arbre généalogique démonstratif de
la folie et du suicide, par \\-ood
et Urquhart, 157.
Argyll ROBERTSON. Sur le signe
pupillaire d' -, par Cestan et
Dupuy-Dutemps. 391.
Arme A FEU. Voir Pointe osseuse.
Assistance des idiots. Un imbécile
incendiaire, 302. - et éducation
des enfants anormaux. par Dou-
trebente, 340.
Asynergie cérébelleuse, par Ba-
binsl,i, 435.
Atrophie du cervelet, voir llislolo-
gie. Du processus liislologique
de 1' musculaire, par Durante,
388. musculaires progressives
d'origine myélopathiqm, par
Etienne, 428. musculaire et
poliomyélite, par Raymond et
Ptniippe, 537.
Auto- accusateurs. Les au point
de vue médico-légal, par Dupré,
345.
Auto-intoxication. Voir Délire.
Automatisme postparoxystique pas-
548 table des matières.
sager, remplaçant le sommeil I
postélnlepuque, ou équivalent |
psychique du sommeil postépilep-
tique, par Hermaun, 497.
B.1131N1,1, Voir 7fe'/<ee. Voir Gros
orteil.
liEI.L. A propos du signe de - dans
la paralysie faciale périphérique,
par L3ouchaucl, 143. -
Bromure de c impure. Voir EI)ilel)-
sie veilirliiieitse.
LtRow ? SEQUARD.. Syndrome de. -
avec début d'amsotropllie Aran-
Duchenne et tiouliles pupillaires
au cours d'une mc5ninâo-mvélite
syphilitique, Sclierb, 439.
. BUCILLUS l'LUO(iI : SCLNS Pu-iiiii)us et
diarrhée verte chez les aliénés, par
Bocim et Dide, 313. ,
CL ? OE EMBRYONNAIRE.
Noie sur le mode d'oblitération
. paltlelle du chez les mammi-
fères, par Bonne, 502 :
Cancer VEn7GnRLE, par Raymond.
142. Contribution à 1'(tiide des
localisations cancéreuses sur
le système nerveux périphérique,
par Oberthur et Mousseuux. 358.
Capsules surrénales. Sur l'emploi
de l'extrait de - dans le traite-
ment des maladies mentales, par i
Ddwson, 440.
Caractère. Le -, par Malapert,
543.
Catatonie. Remarques sur la -,
par llasoin, 150. Sur un cas de -,
par Cuylitz, 50.
Cellule nerveuse. Etudes sur l'évo-
lution et l'involution de la-, par Il
119arlnesco, 500.
Centres nerveux. Anatomie clinique
des -, par Grasset, 185. Contri-
bution à l'étude du gliome des-,
par OberVlur, 361.
Céphalo-rachidien. Le liquide ,
par Sicaid, 455.
Cerveau. La conductibilité -des os
du crâne à l'égard des sons dans
les airt-elions du et de ses
meinbianes, par. Vanner et Gud-
den, 1 19 :
Cervelet. Sur les actes, du - dans
les actes volitiounels nécessitant
une succession rapide fia-mou-
vements, par Jnbinski, 537.
Chorée de Svdenllatn.Voir ï,7cs..Voir
Folie.
Cinquantenaire de la Société médi-
co-psychologique. Séance solen-
icelle, 169.
Coeur. Voir Déments.
Concours pour l'emploi de médecin-
adjoint des asiles publics d'alié-
nés, 71. l.
Congrès des médecins aliénistes et
neurologistes. session de Limoges,
69 Circulaire ministérielle à
T11111. les prélet, a propos du -
ci%-- Grenoble, 1,'I. XII- - des
médecins neurologistes et alle-
nâtes de Fiance, tmm à Grenoble
du ? au 7 août 1902, 241, 32 j.
international île l'assistance des
aliénes et s, écialemrut de leur
assistance familiale, 2K1. - tinter-
national d'assistance aux aliénés,
460.
Contraction. Voir ll"eslpltal.
Cône terminal. Syndrome du -
par Raymond et Cesian, 179. Voir
Queue de cheval.
Cordons postérieurs Voir Fibres.
Cortex cérébral. Localisations mo-
tiices du, par Scherriiigton et
Giunbaum, 505.
Coranu. Voir Délire.
Couleurs. Voit Sens.
Crime. Le - d'une folle, '163.
CITUCIIIILMENT. De l'attitude du ,
399.
Dagonet.. Voir Nécrologie .
Dégénérescence corticale. La topo-
graphie de la- des paralytiques
généraux et ses relations avec les
centres d'association de Fleehsig,
par K. Scllaffer, 51 ? menlalr.
Voir Acroniégalie. Voir. Pros-
lititlien.
Déglutition. Voir Tics.
Dt Note sur un cas de épi-
tepuque par A. Petit, 121. - et
insllitisance hépatique, par \ti-
irouroux et Juquelter, 173.
Voir Obsessions. Le des néga-
' Lions de Cotard n'est-il qu'un syn-
I diome, par Castm. 386. vésa-
nique. Voir Idées délirantes ! Auto-intoxication et-par SégJas,
; 516. Essai sur la pathogénie du
1 d la paralysie générale,, par
Lalande, 517.
Démence. Altérations pathologiques
dans- la ? par J. Sltaw Hotron,
53. Signes physiques de pré-
coce, par Masselou et Sérieux,
TABLE DES MATIÈRES. 549
4 i f. - épileptique précoce, par
'J. Voisin, 275. De la mort subite
par rupture du caeur chez les ilé-
ments, par Iliclienot, 390. De la
- précooe rles jeunes gens. Con-
tiibiiiioti à l'élude de l'hébéphré-
nie. par Christian, 518. De la -
précoce chez les jeunes gens, par
- Méeus, 542. '
(le Grèzes, -10 i
Dépression KÉnATtOCE et états encri
pliii lol)at Iiitlues gi-aves,pai Pti 1 lias,
207.
Désintoxication. Cure de ? par
Bonnet, 380.
Désordres psychiques. Considéra-
tions sur 'le siège topofrraphique
des , par Kirchhotl. 499.
Eclairage. Votr Inégalités plll)il-
lttires.
Ecorce cÉnùr.RVLE. Voir Pie-mère.
Voir Histologie. Contribution à
l'étude de l'état et du développe-
ment des cellules nerveuses de
l' -' chez quelques vertébrés
- nouveaux-nés, par Sotikhanoll,
438.
Enfants retal'(]1t;tileS. Voir En-
fciiice et voir Alcoolisme. Les -
par Apert, 67. assassins, 18.
Bestialité d'un , 78. Introduc-
tion à l'étude psychologique des
- arrtérés, par Noyés, 506.
Epilepsie vertigineuse. Nouvelle
contribution à l'étutle de l' - et
à son traitement parle broiritiie
de camphre, par Bournemlle et
Ambanl, I. De la présence d'un
parasite dans le sang des épilep-
tiques, par Bra, 51. Nécessité de
l'hospitalisation des épilepliques,
75. Un cas de délire épileptique.
par Petit, 121. - Voir Tumeur I
cérébelleuse. Contribution a la
pathogénie .rie l' -. par ftyohows
Ly, 162. -. Voir Sang humain.
- . Voir Idiotie. La pathogéine de
l' -, par M. Faur ? 378. Traite-
ment de l' par la sympatliec-
tomie, par Jaboulay et Lannois
De l' -consciente et amnésique,
par Minier, 517. De l' -, par
liroadbant, 530.
En. Syndrome d' -, par de Buck,
160.
Etats anxieux. Voir Maladies ? 7 : en-
tales.
Exicitation électrique. Voir Moelle.
Faisceau pyramidal. Hypertrophie
du ; par) ? Z 177
La destruction du - à l'entre-
croisement, par Roilitninn 593,
Fascia Voir Réflexe.
Fausse - grossesse, Voir Paralysie
générale.
Fibres des cordons postérieurs qui
'vont au cervelet et de leur impot-
tance physiologique et hatlmlo-
gique, par 5clmts-Chrrbacl : . 495.
ll.rcutc. Voir Dégénérescence con-
il Cale.
Folie chez les jumeaux : deux ju-
melles atteintes de mélancolie
aiguë, par Wilcox, 153. Voir
Arbre généalogique. Voir Ma-
ladies mentales - du vieillard,
190. Contribution à l'étude de
la-commuuiqnée et simultanée,
z et tle Clérambault,
589. Traumatisme et, par Marie
et Piqué, 329. Un fou dangereux.
399. - communiquée et simulta-
née, par Guiard et Clérambault,
407, Traitement moderne de la
, par Seymour Ttilie, 443.
consécutive à l'iiifliieiiza à 1 asile
de Cumberland, par Itorie. Ô10.
Voir Spiritisme. Note sur'deux
cas de consécutive à la chorée,
jldl'UIllSaÿ, 522.
Fracture 'du crâne. Voir Pointe
osseuse. spontanée, par 11er-
but t Spicer, 118.
Géants. Le mariage entre ,
par 391. Gigantisme et
infantilisme, par Launoy et Boy,
.532.
Gliome du cerveau, z
m.
GLOBES OCULAIR-ES. Voir Analgésie,
Goitre E\Of'HT·1L111yl,'E.I,etrauement
du - par hibotte, 443.
Golgi. Méthode de par W. Foui
Robertson et.larnes Jlactlonald, 55.
Grève. Une giève d'aveugles, 46.
Gros orteil Extension durable ou
prolongé du associé au signe
de L3alïnsl : i, par Pailhas, 3j9.
Hallucinations. Les données anato-
nnqueS'et expérimentales sur la
structure des -, par Vaschide et
Vurpas, 141. Contributions expé-
rimentales à la physiologie des -,
par Vaschide et Vurlras, 503. Les
unilatérales, leur fréquence
850 TABLE DES MATIÈRES.
relative, leur association, leur pa-
thologie, par Tobertson, 532.
Hébéphrénie. Voir Démence.
Hémianopsie hystérique transitoire,
par Janet, 429.
Hémiatrophie faciale progressive.
Contribution à la connaissance de
l' , par Iloffinanii, 163.
lIÉnacnon> : z. arythmique hystérique,
par Carrière et Iluyghes, 432.
Hémihypertropiiie congénitale, par
Gilbert Ballet, 176.
Hémiplégie des vieillards, par J. Fer-
rand, 66. L'activité tocale de la
circulation cutanée de la main
dans l'- organique et le syndrome
de Raynaud, par Laignel-Lavas-
tine, 385. Des agents physiques et
mécaniques et mécaniques dans le
traitement des organiques, par
Deschamps, 388.
Hérédité. Théories sur 1' , par
Reid, 505.
Herpès ZOSTER, suivi d'atrophie mus-
culaire, par Wilhelm Magnus,
42 ?
Histologie. Les lésions histolo-
giques de l'écorce dans les atro-
phies du cervelet, par Lannois et
Paviot, 357. Etude histologique
de l'écorce cérébrale dans 18 cas
méningite par MM. Faure et de
Laignel-Lavastine, 384.
Hypéracuité sensorielle et analgésie
chez les nègres soudanais, par
Damuglon, 278.
Hypnose Appareil vibrateur destiné
à favoriser 1' par Bérillon, 278.
Recherches sur la tension arté-
rielle chez les hypnotisés, par
Bérillon, 279,
Hypnotisme. Névralgie ancienne
du nerf radial guérie par 11 -,
par David, 538. Explication scien-
tifique des phénomènes de l ?
par Francken, 538.
HYSTÉRIE de Sainte-Thérèse, par
Rouby, 124, 227,843. Dissociation
hystérique du sens de la tempé-
rature avec intervention de la
sensibilité au froid, par Mac Cas-
key. 160.-Voir Sein. Considéra-
tion su : '1 ? par Joire, 280. La
causedes phénomènes hystériques,
par Delius, 280. Les troubles
somatiques et psychiquesde l ?
par Sesdorpr, 280. Note sur Il
droite et sur Il gauche, par
Raymond et Janet. 434.
HYSTËKO-ËpiLEPSiE datant de trois
ans, guérie en une seule séance,
par Le Menant des Chesnais, 279.
IDÉES délirantes. Contribution à
l'étude de la patliogénie des
fondamentales, des idées direc-
trices et des obsessions ; de leurs
rapports dans les délires vésa-
niques, par A. Paris, 401.
Idiots. Hospitalisation des -, 74.
Un enfant d ? par Ley, 521.
Idiotie syphilitique, par Marris Lis-
ton, 151. Suites éloignées du trai-
tement chirurgical de l' -- et
de l'épilepsie, par Bourneville,
330. Contribution à l'étude de
l' morale et en particulier du
mensonge comme symptôme de
cette forme mentale, par Bourne-
ville et Boyer, 418.
Images mentales. Sur les éléments
de nos , par J. Philippe, 165.
Incendiaire. Un - de dix ans, 400.
Inégalités PUPILLAIRES produites par
l'action différente de l'éclairage
direct, et de l'éclairage indirect,
par Pick, 490..
Infantilisme. Voir Gigantisme.
Insuffisance hépatique. Voir Délire.
Juif aliéné, Le -, lettre ouverte au
1)' Beadles, par Benedik, 154.
Korsakoff (de). Contribution à
l'élude de la maladie de -. Un
cas de psychose polynévritique
post-tvphoidique, par Soukhanoff,
150.
Kyste dermoïde du cerveau, par
J. Halva, 62.
Larmes. Voir Mystiques.
LÉSIONS CELLULAIRES CORTICALES. Voir
Troubles mentaux.
LEUCOMAINES. Les de la substance
nerveuse, par Labatut, 392.
LOBE frontal. Ramollissement bila-
téral et symétrique du , accom-
pagné de névrite optique, 60. -
Main de prédicateur. Voir Syringo-
nzyélie.
Maladies mentales, introduction à
l'étude de la folie, par Mac Pher-
son, 186. Des états anxieux dans
les -, par Lalanne, 249. men-
tales. Voir Capsules surrénales.
nerveuses. Voir Réflexe. Quel-
TABLE DES MATIÈRES. 581
ques remarques sur nos méthodes
actuelles d'investigation appli-
quées à la pathologie des men-
tales. par Leeper, ;04.
Marteau automatique et gradué,
par Maurice Dupont, 65.
Massage chez les tabétiques, par
Faui@e et Courten ? oux, 377.
Mélancolie aiguë. Voir Folie. Trois
cas de avec symptômes d'un
intérêt clinique peu ordinaire, par
Leeper, 153. La localisation céré-
brale de la -, par llollatidi-r, 498.
Le substratum de la , pat Tur-
ner, 532.
Méningite. Reproduction expérimen-
tale de la - et de la paraplégie
pottique, au moyen de poisons
tuberculeux, par A. Delille, 180. ,
Voir Histologie. La - cérébro- i
spinale épidémique, pai Sikora,
433. - tuberculeuse du bulbe
avec rémission de deux ans, simu-
lant la guérison, par Crochet, 53à.
céi,ébro ? pinale à forme de
syndrome de Llttle et de pseu-
dobu'ibaire, par fluet et Picard,
536.
Mensonge. Voir Idiotie.
Meurtrier. Un de quatorze ans,
399.
Mimique faciale. De l'asymétrie de
la d'origine optique en patho-
logie nerveuse, par Lannois et
Pautet, 506.
Miracles. Etudes sur les de la
Salette. par Rouby, 380.
Moelle. Diagnostic des maladies de
la -, siège des lésions, par Gras-
set, 68. Essais d'excitation élec-
trique de la-des décapités, par
Hoche, 491. La circulation de la
épinière, par Guillain, 501.
Monstre. Un de neuf ans, 78.
Mort subite. Voir Déments.
Myélite conjugale. Deux cas de
par Glorieux, 157.
Myopathie. Faciès de Sphinx dans la
, par Gilbert Ballet et Delherm,
64.
Mystiques. Hypersécrétion des larmes
chez les , 397.
Nécrologie, 77, 180, 449.
Nègres soudanais. Voir Ilyper-
acuité,
Nerfs sensitifs et moteurs. Voir
Anesthésie. Lésion traumatique
des de la queue de cheval et du
cône terminal par Souques, 433
. radial. Voir hypnotisme.
Neurasthénie et états neurasthéni-
ques, par Ducosté, 3S1.
XËvnn'E optique; Voir Lobe frontal.
hypertrophique; Préparation
d'un cas de , par Déjerine et
Thomas, 64. Un cas de - radi-
cuiairc double du plexus brachial
avec paralysie unilatérale com-
plète de la troisième paire simu-
lant um : pachyméningue cervicale
hypeitroplique, par Heldenberg,
158. Sur les - périphériques des
aliénés par Anglade, 517.
Névrose dans la région du plexus
cervical et brachial, consécutive à
une dent malade, par liesse, 426.
d'angoisse, par Hartemberg,
530.
Noyau rouge. Sur un cas de papil-
lome épithélioïdedu noyau longe.
Contribution à l'étude des fonc-
tions du -, par Raymond et Ces-
tan. 81.
Nystagmus. Voir tremblements in-
faîzliles.
Obsessions. Note sur l'évolution
des - et leur passage au délire;
parSeg)as,336.Leset)ansy-
cltastéuie. par Janet, 386. Voir
Idées délirantes. Des - en patho-
logie mentale, par Atlianassio, 465.
'DÉ1(Ehystérique, par Dufour, 176.
OEIL. Voir paralysie générale,
Ongles. Voir aliénés.
Pachyméningite cervicale hypertro-
pliique. Voir ? zévi,ile.
Papillome ÉPITIIÉLI01DE. Voir noyau
- rouge.
Paralysie faciale périphérique. Voir
Bell, La décroissance de la
générale des aliénés en Angleterre
et dans le pays de Galles . par
Stewart, 153. Les post-anes-
thésiques, par Buck, 158. Voir
Névrite. labio-glosso-laryngée,
par Sano, 160. Les laryngées et
leur importance en médecine gé-
nérale, par Steitsmann. 1G1. -
générale à forme sensorielle, par
Sérieux, 167. - radiculaire trau-
matique du plexus brachial avec
atrophies osseuses et troubles de
la pressionartélielle danslemem-
bre paralysé, par Guillaiii et Crou-
zn, 1 î i. La - générale d'après
853 table des matières .
les données de la clinique psy-
chiatrique de l'Université demis-
cou ; par Soukhanoff et Gan -
nollcllhlne, 193. Cas de - géné-
rale et d'alcoolisme, par Truelle
et Petit, 303. De l'utilité de la
ponction lombaire pour le dia-
gnost ! cde-Ia généralR. pai
Jotfroy et Mercier, 331. L'état du
fond de l'oeil dans - générale et
ses lésions initiales, par Kei@aval
et Raviat-1, 356. Observation de
deux frères atteints de - géné-
iale, appartenant à une famille
de dégénérés, par JotFroy et lia-
baud, 309 La - générale au
début.devant les magistiats, par
Maxwell, 371. Traitement de la-
générale, par Devay, 383. Fausse
giOasesse dans la - générale,
par Uupré, 383. - générale pré-
coce étiez un débile hérédo-syphi-
liUque, par Uupré etl'agniez, 381.
De la - générale chez les dégé-
nérés, par de Perry, 387. De la -
bilatérale du nerf facial par l,iew-
kowsky, 425. Contribution à l'étu
de de la - isolée du muscle
grand dentelé, par Souques et
Castayne, 427. Un r.as de -
faciale (1-ot-i 1gilie péi ipliérique coin-
binée avec une paralysie du nerf
oculo-moteur externe du môme
côté; par Lad. Haskover, 438.
générale et syphilis : revue cri-
tique ; par Stcddart, 512 Le pru-
rit et la trichotillomanie dans la
- générale; par Féi é, 514. -;é
nérale Voir Délire. 517. Voit
Troubles de la se7asibililé.- géné-
iale. Voir Troubles moteurs.
psychique, par Hauser et Lostat
Jacob, 531. L'action toxique dans
la genèse de la générale, par
Z Un cas de
radiculaire, par Déjeune et Ar-
mand Delille, 53. pseudobul-
baire chez un jeune homme de
vingt-huit ans. Signe des orteils
par Dufour. 535.
I'dR.111'oULOVUS multiplex. Deux cas
de , par Hartenberg, 392.
l'AitAPLÉGIE politique. Vor Oléai7z-
gite. Un cas de guéii par la
suggestion. parStembo,280. Con-
tribution à l'étude des obsté-
'tncales, par Ballet et Bernard,
435.
Parasite. Voir Sang.
Pathologie mentale. Etude de .
par Ilelanrl, 525.
Personnalité multiple. Un cas de
, par Gilbert, 522.
Phtisie et folie par Drapes, 522.
z Sur l'innervation des vais-
seaux de la-et de l'écorceci;ré-
brale, par Obre,,ia, 371.
Plaie de la légion parotidienne
avec troubles dans le territoire de
la branche, externe du spinal, par
liatigne, 438
Platine. Voir' Golryi.
Plexus brachial. Voir Xévrite.
Pointe osseuse, provenant d'une
fracture du crâne par coup de
feu. par D. S. Latnll. 57.
Poliomyélite. Voir Atrophie mus-
calcuire.
Pglynévrue wcc psychose, par
Crocq.521.
Prostitution et dégénérescence, par
Laurent, 519. -
l'ti0tU13ERA\CE. Un cas de tubercule
de la piotuhéruncp, par Levadili
439.
Prurit. Voir Ilcii-cilyliq lies généraux.
PSEUDO-COxALGIE suggéré par le mi-
lieu familial, par Parez, 279.
PJYCIlOSE .poLNÉVRt'i'tQUE. Voir 1101'-
sukoff.
Psychothérapie. Voir Suggestion.
Rapport médical sur l'asile public
de Saint-Hobert, par Bonnet, 395.
et compte moral et admi-
nistratif de l'asile de Blois pour
190t; par Doutrebente, 4aU.
sur l'asile d'aliénés de Saint-Yon,
pour 1901, par Giraud, Ti-etie.1 et
llamel, 458. sur l'asile public
d'aliénés de Quatre-Mares pour
l'année 1904, par Latlemant,'1hi-
baud, 459. -, moral et admi-
nistratif de l'asile de la Charité
pour l'exercice 1901, par Faucher,
539.
ll%YNAui). Syndrome de -. Voir
hémiplégie.
HEFLEXE du fascia lata, par Crocq,
I ! i--) - cutané du pied, par Samo.
1s ! r -lllantaire cortical et 16[leu
plantaire médullaire ; par Crocq,
]45. Voir Westphall. Identité pio-
bable du antagoniste de Sutrce-
ter et du phénomène z
par.de Buclc et de Moor, 146. Le
mécanisme des . et du tonus
musculaire, par .Crocq, 372. De la
TABLE DES MATIÈRES. 5JJ là
valeur du rcnf'xescaputo-humëraL
par Bechteruw, 490. De l'épuise-
ment (les - tendineux et de sa
valeur diagnostic dans les mala-
dies nerveuses, par Bechterew,
li97. - I)Iaiitiire contra-latéral,
par C'artron, 502.
HLVE pathologique. Etudes cliniques
sur le ? par Picic, 51'r.
Rolando. Quelques anomalies du
sillon de -, par AntonuWhkv,
496.
Sainte Thérèse. Voir Hystérie.
Sang. De la présence d'un parasite
dans le des épileptiques, par
Bi-a, 51. - humain cotitie l'épi-
lepsie, 189.
Sarcome intra-musculaiie de l'épaule
droite, ayant pénétré Gar perfu-
ration dans le canal rachidien,
avec paraplégie, par Léonard We-
ber, 55 et sarcomatoses du
système nerveux, pa,4 Illiilipl)e,
Cestan et Oboi tlitir, 361.
Scuoefer. Voir Réflexe.
Science mentale. L'état présent de
la -, par llollaucler, 51u.
Sclérodermie dactylique, par de
Macre, 159.
Sclérose en plaques infantile il
forme hémiplégique d'origine lié-
rèdo-syphilitique probable, par
G. Carrier, 382. familiale, par
Brissaud, 535.
Scoliose neuropathique, par Buck,
158.
SÉCRÉTION DES LARMES. Couttibution
clinique et expérimentale )a
question de la -, par Kcester,
163.
Sein hystérique, par Viallon et
Alambert, 220.
SENS musculaire. Le -; par John
Keid, 56. L'évolution du des
couleurs; par Edridge-Green, 503.
Sensibilité osseuse décelée par le
diapason, par Eggcr, 65. Voir
Anesthésie. Des interférences de
la , par Adamkicwcz, 148. De
la- à l'aimant, par 17éi-(, 506.
SERUMS ' toxiques. Action des
sur l'écorce cérébrale du'cobaye,
par Dopter, 178.
Sons. Voir Cerveau.
SrERaLATOCEnÉSE Le début de la
dans l'espèce humaine. Applica-
tion médico-légale; par Lepnnce,
184.
Sphinx. Voir Myopathie.
Spina bifida avec agenésie riltlicu-
lalre et cordonale, par Snnot I : i9.
Spiritisme et folie, par Marie et
Vigoureux, 51 4.
Suicide d'un adolescent, 79 -. Voir
Arbre généalogique.
Suggestirilité. Les modalités de la
par Bei-illoii, 538.
'UGGE9TID\. Action vasomotrice de
la - ; guérison des par
Haeberlin, 277. - Voir Pa2-ctl)lé-
gie. musicale- et psychothéra-
pie, par Lemesle, 539.
Surdité verbale pure, par Déjerine
et Thomas, 63.
S ,IIDENII.%)1. Voir Tics.
Sympatiiectomib. Voir Epilepsie.
S1DH0\IE occipital I)OLBLE, j)iU
Dide, 179.
Syphilis cérébrale sept mois après
l'accident, par Clumrt, 437.
Voir Paralysie générale.
Syringomyélie. Main de prédicateur.
Troubles oculaire, asnesthésit's-eg-
mentaire. par Bouclland, 436.
Système nerveux. Voir Cancer.
- Voir Sai-coi2e.
Tares. Voir Massage. Etude sur les
, troubles objectils ses sensibilités
superficielles dans le-, par hiche
et de Gothars, 427. Voir Trou-
bles.
TACIIICAHDIE ET tremblement, par
Vaquez, 176. -Voir Tremblement.
Tension artérielle. Voir Hypnose.
Thorax en entonnoir, par Khppel et
Lepas, 176.
Tics. Des - en général, par No-
gués, 254. Sur quelques détails
relatifs à l'étiologie et à la symp-
tomatologie des , par Pitres,
2 2. La correction des ; le con-
tiôle du miroir, par ileige, 274.
Deux femmes rares du facial,
par von Bechterew, 425. Note sur
deux -du pied , par liaunond et
Janet, 428. Ledtagnostic difiéren-
tiel de la maladie des et de la
maladie des - et de la chorée.
de Sydenham. par Oddo, '31.
- de déglutition chez un hysté-
rique. - Traitement et guérison,.
par Hartenberg, 447. »
Toxémie. Voir Troubles mentaux.
Traumatisme. Voir Folie.
Tremblements infantiles et nystag--
mus congénitaux. Essai de classi-
554 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Ccation séméiologique , par Le-
noble et Aubineau, 101. fonc-
tionnel de la main droite, par
Heldenberg, 144. Voir Tachicar-
f ? e.ettachycardie.patBaitet
et Delherm, 533.
Trichotillomanie. - Voir Paralysie
générale . '
Trophonévrose IléMiati-OPIliClUe to-
tale et familiale, par Raymond
et Sicard, 175.
Troubles mentaux sous la 'dépen-
dance de la toxémie, par Sir Dyce
Duckworth, 146 - objectifs. Voir
Tabes.-nerveux secondaires por-
tant sur les fonctions de la nutri-
tion, par Hayem, 432. Les -
de la sensibilité dans le tabès,
par Frenkel et Foersler, 435.
Voir Syringomyélie. L'usage et
l'abus des voyages dans le traite-
ment des mentaux, par Savage,
444, Sur les lésions cellulaires
corticales observées dans 6 cas
de - mentaux infectieux, par
Faure, 447. mentaux dans le
cours des affections cardiaques,
par Zederbaum, 511. Evolution
comparée des - de la sensibilité
aux trois périodes de la paralysie
générale, par Marandon de Mon-
tyel, 520. moteurs chez les
paralytiques généraux, par Ma-
randon de Montyel, 531.
Tuberculose. Le traitement de la
dans les asiles, par Lionel et
Weatherly, 443.
Tueur DE femmes, 1 91.
TuMEuncerebpUeuse et épilepsie.
par Marchand, 141. - du thala-
mus optique, par 3lichel Claike,
505.
URAVISTE. La situation sociale de
11 - par Crocq, 150.
VALI;RIAYA1'ES. Voir Valériane.
Valériane ET des V.\LÉRI AXATES. Con-
tribution à l'étude de l'action phy-
siologique de la -, par Ch. Féré,
2-2.
Vampire DE Muv, 191.
Verrues. Voir Suggestion.
Vertige psychique, par Vaschide et
Vurpas, 531.
Voraces. Voir Troubles mentaux.
VESTPHA1.L. La contraction parado-
xale de et le réflexe plantaire
combiné ou paradoxo-normal, par
Heldenbergh, 145.
Zona. Un cas de topographique
radiculaire rigoureuse des trois
premières lombaires, avec trouble
de la sensibilité dans lemémeterri-
toire,'par Armand Delille et Camus,
534.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Abadie, 434.
Adamkiewicz, 148,
Albert-\\'ecil, 187.
Alambert, 220.
Ambard, 1.
Anglade, 517.
Antonowsl : y, : r96.
Apert, 67.
Armand-Delille, 53f.
Athanassio, 465.
Aubineau, 101.
Ballet, 6î, 176, 435,
533.
Batigne. 438.
Becliterew (von), 425,
490, 497.
Bcnedikt, 154.
Bérillon, 278, 279, 538.
Bernard, 435.
Boudin, 343.
Bonne, 502.
Bonnet, 380, 395.
Bouchaul, 1 t3, =36.
l3ournewlle, 1, 330, 418.
Boyer, 418.
Bra, 51.
Brissaud, z.
Broadbent, 530.
Bmk (de), 146, IbB, 160.
Camus, 534.
Carrier, 383.
Cal rière, 432
Caskey, 100.
Castaigne, 427.
Castiu, 330. '
Cestan, 81, 179, 364,
391.
Cliarvet, 437.
Christian, 518.
Claugalles, 185.
Clérambault, 89. ! r07.
Cout-Leiisotix, 3j7.
Crocq, lt2, 145, 150,
372, 387, 5°1.
TABLE DES MATIÈRES 858
Crouzon, 177.
Cruchet, 535.
Ctivlitz, 5-10. -
Damuglon, 278.
David, 538.
Dwvson, 40.
Dejériiie, 63, 61.
De,lérine (\l ? ), 177, 534.
Delltertn, 61, 533.
Delile, 180, 531.
Deluis, 280.
Dschamps, 388.'
Devav, 353.
Duie. 179, 343.
Dopter, 178.
Doutrebente, 337.
Drapes. 522.
Ducosté, 381.
Dtifuui,, 176, 535.
Dupont, G5.
Dupré, 383. 384.
Durante, 388.
Dupuis-Uutemps, 391.
Dyee Duchworth, 1 46.
Edrige-Green, 503.
Eg,-er, 65.
Erslone, 147.
Ettenne, 428.
Farnarier. 429.
Farez, 279.
Fariroii, 502.
Faucher, 539.
Faure, 3î7, SîS, 381,
447.
F6r<;, 22, 445, 506, 514.
Ferrand, 06.
Frenltel, 435.
Franken, 538.
Foersler, 435.
Gaiinouelikiiie, 193.
Garnier, 335.
Geimchten (van). 159.
Gilbert, 522.
Gleitsmann, 164.
Glorieux, 157.
Goldstein, 502.
Gothard (de), 427.
Grasset, 68, 185.
Grünhaum, 505.
Gudden, 149.
Guiard, 289, 400.
Guillain, 177, 429, 501.
IIaerbelin, 277,
llamel, 458.
Halva, 62.
Haskover, 438.
Hartemberg, 392.
Ilauser, 531.
Hayem, 432.
Hellenbergh. 441, J=fJ,
t58.
Hermann. 497.
liesse, 426.
Hoche, 491.
Hoffmann, 163.
Hollander, 498, ;10.
Huet, 536. z
Ireland, 525.
.Taltins6y, 537.
Jaboulay, 412.
Jacob, 531.
Janet, 428. 429. 3î.
Jofïrov. 331, 369.
Joire.'280.
Juteyho, 113, 4f.
Juquelier, 173.
Kéraval, 356.
Kirchhoti, 499.
Klippel, 176.
loestei,, 163.
Labatut, 392.
l,aignel-Lavastitie, 384,
385.
Lalande, 517. -
Lalanne, 230.
Lallemant, 459.
Lamb, 57.
Lat)nois,442,506.
Larrivé, 338, 340.
Launois, 532. -
Laurent, 519.
Leeper, 153, 50r.
Le Menant des Clies-
nais, 279. '
Legrain, 344.
Lemeste, 539.
Lenob1e,901.
Lepas, 176.
Leprince, 184.
Levaditi, 439. ,
Ley, 521. I
Libotte, 443.
Liewkowsky, 425.
Lionnet, 443.
Liston. 151.
Lostat, 531.
)Iacdonald,55.'
M aère, 159.
Magnus, 427.
llalapert. 51 : 3.
Marandou de Montyci,
520, 531.
Marchand, 144.
Marie, 329, 345, 5)4.
Marinesco, 500.
Masoin, 150.
llasselon, 974.
Maxwell. 374.
Méeus, 542.
Meige, 274. 391.
Mercier, 31l.
Michef-Clarke. 505.
Minier, 517.
Moor, 431.
lotisseaux, 358.
Noguès, 251.
Noes, SOC.
ObertIW r, 3a·8, 3G1, 3Gt.
Obregia,h71.
Ocldo, 431.
Ossipow, 44t.
Pailhas, Oi, 379, 350.
Pagiiiez, 384.
Paris, 401.
Pauttt, 506.
Perry (de), 387.
Petit, 121. 303,
Pherson, 186.
Plnlippe. IGS. 33+, 537.
Piehenot, 390.
Pieli, 490, 514.
Picqué, 329.
Pierret, 380.
Pitres, 262.
Poirson, 481.
Rabaud, 369.
Raviart, 356.
Raymond. 81, 142, 175,
179, 428, 434, 537.
Régis. 345.
Reid. 56, 505.
Riche, 427.
Robertson, 55, 532.
Rocher, 434.
Rorie, 510.
Rouby, 125, 227, 313,
380.
Rotlunann, 493.
Roy, 532.
Sano, 444, 459.
Savage, 441.
Settafrer, 57.
Scherb, 439.
556 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
SCI)erriiil-lon, 505.
Séglas, 336. 516.
Sérieux, 167, 174.
Shavw Bolton, 5+, 504.
Z
Sikora. 433.
Simpsons, 446.
Souhlauo(1; 150, 193.
438. '
Souques. 427, 433.
Spicer, 148.
Stéfanowska, 143. 144.
Stembo, 280.
Stetvart, 153, 522.
Sloddart. 512.
Tesdorpf, 2S0.
Thomas. 63, C4.
Trenel, 458.
Truelle. 303.
'l'ul.e, 43.
Tu ruer, 532.
Urquliart, 157.
Vaquez. 176.
Vaschide, 141.503, 531
Viallon,220.
Vigouroux, 173, 511. i.
Voisin, 275. -
Vurpas, llrl, 503, ; 31.
Vanner, -1t9.
Veber, 55.
Weatherlv, 443.
Witcox, 153.
Wizel, 445
\Vuod. 157.
Zacher, 60.
Zederbaum, 5J1.
Evreux, Cit. Hemsset, mp. - 11-190 ?