(1902) Archives de neurologie [2ème série, tome 14, n° 79-84] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1902) Archives de neurologie [2ème série, tome 14, n° 79-84] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

Archives

NEUROLOGIE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

MiS MALADIES NrnvrUSia ET MENTALES

. Fondue pAn J.-M. CHARCOT

PIJIIII(-.1 SOUS I.A ootFCnon urs MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

3 la [''acuité de médecine

ie l',u m.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Ste-Annc).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Farulté de médecine

de Pans.

coi 9.ADOI%ÀTH(Ilts Principaux

1t11.ABAUIE (J.), A I BARD, l3AItISICi, ItALLRT, UL1N( : IIAilU(It.), DUN,

1301SSIISIt ( ! '.), f30\( : OlJll (P.), BOYElt (J.), UH1ANI) (\1.), ItItISSAlIU (E.),

Z (I'.), BI3l : NET z (J.-r..),(;ATSAHAS. CESTAN, ( : fIAUUfiIIT,

CIIAIIO,N, ( : IIItISTIAN CLI : I3A61UAL : U, COLOLI AN. C111,1.Eltltl ? 1)[.BOVH (M.), ! )RNY, t)) : VAY, Ull( : A 61P, 1)(IVAL(IÀTilis), 1-'Al ( : Il l ? 11, G'Eü\ ItL, 1 rliE (Cil ), I ENAYI30li

1f ? Itltllslt, FIIANCOTTE, GILLES DE LA TOU11KTTK, GAItNII.lt (S.), GOMISAULT,

GRASSET, GU ! A)t)),Kl' : )tAYAL, ](OUI,il)JY, LAUA11E, LA1U(31ZY,LEG13AIN,

LI.N013L1's, LEI10Y, LYVOI'F, HABILLE, 111A1tAN110N DE MONTYEL, \1.\ItIIL (A.), ,

Z 6111tALLlls, 1111SGItA\'E-f : l.A1',PAItlS (A.), DE )'E)tKY,PET[T,P)CQL'E,

l'tI ? Itltl ? 'C, i'ITItES, 11EGIS, ItI : GNAIIIV (11.), Renier (P.), NICHER (I'.), IIOTII (v.),

SEGLAS, SÉIUEl'X, s0l.l.ll : lt, SOUIUIAXOFF, S01 QI'I : S, TAGUET,

TII1L0 (Or.), T11UI.1E (Il ), TRUELLE, l,ltItIOLA, VALLON, V1LLAHD, VOISIN (J.),

Y VON (P.).

liéclcrctetv' en chef : BOURNEVILIE E

Secrétaires île la rédaction : J.-B. CHARCOT et J. NOIR

Deuxième série, tome XIV. 1902.

Avec 36 figures dans le texte.

PARIS

13UIlL'AUX DU PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes.

. 1902

Vol. XIV.

Juillet 190E :

N° 'i9,

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

THÉRAPEUTIQUE.

Nouvelle contribution à l'étude de l'épilepsie verti-

gineuse et à son traitement par le bromure de

- camphre ;

Par BOURNEV1LLE et A\IB1RD.

Depuis bien des années le bromure camphre est employé

dans le service des enfants de Bicêtre'. Les résultats théra-

peutiques obtenus soit dans la chorée, soit contre l'insomnie,

et les cauchemars, soit surtout dans l'épilepsie ont été consi-

gnés dans des thèses inaugurales ou des notes insérées dans

les Compte rendus annuels 2. Aux faits anciens, nous allons en

ajouter quelques-uns qui nous paraissent de nature à encou-

rager les médecins praticiens à recourir à ce médicament,

' Bibliographie. Bourneville, Communications à la Société de bio-

logie, 1874 et Progr. méd., 1874, 1875, résumées dans la thèse de M. le

D, Patliault, 1875. Revues des travaux publiés sur le bromure de

camphre (Pi,og ? -. znéd., passim) ; Cornet, Traitement de l'épilepsie, 1889

(avec observations de notre service); Bourneville, Observation de chorée

guérie par le bromure de camphre, avec spécimens de l'écriture (Compte

rendu du service de Bicêtre pour 1885, p. 49); Du bromure de camphre

dans l'épilepsie (Compte rendu de 1889, p. 33). De l'emploi lhé7 ? apeit-

tique du bromure de camphre (érections douloureuses et cystalgie,

accidents dus à la dentition, spermatorrhée, insomnie, hystérie, délirium

trémens), et en particulier dans l'épilepsie vertigineuse, 5 observations

(Compte rendu de 1895, p. 218); Chorée, bromure de camphre, guérison.

En collaboration avec M. Katz. (Compte rendu de 1898, p. 3).

' Dernièrement, nous avons vu une malade de Pologne atteinte d'une

affection douloureuse de la vessie, à laquelle le professeur Lotar a donné,

avec succès, des capsules de bromure de camphre du Dr Clin.

Archives, 2'série, t. XIV. 1

2 \ THÉRAPEUTIQUE. 1

moins employé qu'il ne devrait l'être, non seulement dans

l'épilepsie, mais dans un grand nombre d'affections du sys-

tème nerveux. 1 .

Observation I. ÉPILEPSIE SYIIPTOM.TIQUr.

Sommaire. Pov, excès de boissons. Oncle paternel, excès de bois-

sons, mort de tuberculose. Renseignements insuffisants sur le reste

de la famille. Mère sujette à des céphalalgies . Un frère et une

soeur, morts de méningite. Pas de consanguinité. Inégalité d'âge

de cinq ans (père plus âgé).

Notre malade : première dent à sept mois. Propre à dix mois.

Premières convulsions à sept mois. Tics convulsifs de l'épaule du

côté droit. Convulsions fréquentes de sept mois à trois ans. Début

de l'éjrilepsie ci neuf ans. Accès et vertiges nombreux. Irritabilité,

jalousie, turbulence. Description des accès et des vertiges. Procui-

siozz. Bromure de camphre. Diminution progressive et, enfin, dispa-

2-ilioiz des vertiges. Sortie, mariage.

Du... (Rachel), née le 14 juin 1883, entrée le 27 mai 1895 à la

Fondation Vallée, en est sortie le 5 février 1901.

Antécédents héréditaires. Père* : mort à trente-huit ans d'une

hernie étranglée; pas de rhumatismes, pas de convulsions, pas de

maladies vénériennes, ni de lièvre typhoïde. Il buvait beaucoup, mais

n'était que rarement ivre. [Père : pas de renseignements. Mère :

soixante-quatorze ans, rhumatisante. Grands parents inconnus.

Une soeur et sa fille bien portantes. Un frère mort de tuberculose.]

Mère : fièvre typhoïde à douze ans, pas de troubles intellectuels

consécutifs; céphalalgies mais pas de migraines, ni de syphilis, ni

alcoolisme, vive et emportée. [Père : sobre, mort à cinquante-neuf f

ans. 31èi-e : morte à quarante-cinq ans, de cause inconnue. Grands

parents, pas de renseignements. Un frère : vingt-huit ans, sobre.

Deux soeurs : rien à signaler. Pas d'idiots, d'épileptiques, de mal-

formés dans le reste de la famille.]

Pas de consanguité. Inégalité d'âge de cinq ans. (Père plus âgé).

Dix enfants : 1° garçon, dix-neuf ans, sain; 2° fille morte en

venant au monde, à terme ; la mort a été attribuée par la mère à

une chute ; 3° garçon mort à vingt-deux ans d'une méningite qui a

duré onze mois; 4° fausse couche de trois mois, suite d'une peur;

5°`garçon, fièvre typhoïde à sept ans et demi, intelligent; 60 fille

morte à six semaines de cholérine ; 7° notre malade ; 8° garçon,

dix ans, rien à signaler; 9° fille, sept ans, otite suppurée; 10° fille

morte à deux mois et demi de méningite. r

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 3

'Notre malade. Rien de spécial à la conception 1. Grossesse abso-

lument normale, ni chutes, ni émotions, ni frayeurs, ni.éclàmpsie :

Accouchement à terme en une heure. Elle a perdu beaucoup d'eau ;

présentation du sommet. Pas d'asphyxie, pas de cordon. Nourrie

au sein par sa mère jusqu'à dix-sept mois. Prise du sein normale,

pas de cris. Première dent à sept mois. Dentition complète à dix-

huit mois. Elle a commencé à parler à huit mois, a été propre à

dix mois. Ni bave, ni succion, ni onanisme.

Premières convulsions à sept mois, avec la première dent, pen-

dant trente minutes. Aurait été toute raide, sans secousses, yeux

grands ouverts. Depuis lors, jusqu'à trois ans, au moins cent

convulsions. C'est la première qui a été la plus longue. Les pre-

mières convulsions n'ont pas modifié l'intelligence. A la suite des

premières convulsions, à sept mois, l'enfant, au dire de sa mère,

'aurait conservé un mouvement spasmodique de l'épaule droite.

De trois à neuf ans, aucun accident convulsif, ni cauchemars, ni

terreurs, ni vertiges. Le premier accès est survenu dans les

conditions suivantes : A la fête de la place d'Italie, l'enfant

demandait un sou pour monter sur les chevaux de bois. Sa

mère refuse, l'enfant persiste dans sa demande et tout d'un coup

tombe raide ; elle resta quarante-huit heures sans connaissance.

Un médecin, pendant ce temps, tenta vainement de la ranimer.

Elle se réveilla spontanément, appela sa mère et demanda à

manger. Elle fut menée à la Salpêtrière où Charcot ordonna des

douches et du bromure. Nouvel accès trois jours après, sans cri.

Elle se laissa glisser le long d'un mur, resta raide, puis elle ronfla.

iN bave, ni écume, ni évacuations : durée cinq minutes. Pas de folie

pré-ou post-épileptique. Sa mère n'aurait pas constaté de vertiges

et cependant on les a notés dés l'entrée. Pas d'atteinte de l'intel-

ligence. Aucune maladie infectieuse, ni accidents scrofuleux; plu-

sieurs bronchites légères.

Etat actuel. L'enfant parait en bonne santé, son attitude est

normale. La physionomie intelligente. Lèvres et conjonctives bien

colorées.

Tête : Cheveux châtains bien plantés. Crâne, configuration arron-

die, symétrique. Front bombé. Visage ovale, cicatrice à la partie

gauche du front, suite de chute. Arcades sourcillières normales,

symétriques. Sourcils abondants, châtain foncé, bien plantés. Pau-

pières mobiles et régulières. Yeux normaux. Nez droit. Pommettes

régulières. Voûte du palais, amygdales, langue, normales. Dents

bien plantées, saines. Menton rond. Oreilles régulières, lobule

bien détaché. Tronc bien conformé. Membres supérieurs et infé-

1 Le père, comme nous l'avons dit, commettait de fréquents ercès de

boisson, et les rapports sexuels avaient souvent lieu quand il avait bu.

4 THÉRAPEUTIQUE.

rieurs normaux, ainsi que les réflexes ; onychophagie bila-

térale. Tous les ongles sont rongés dans une longueur qui varie

de 5 à 6 millimètres. L'auscultation et la percussion ne décèlent

rien de particulier.

Puberté. -Aisselles et pénil glabres. Seins : 7 centimètres de

large sur 6 1/2 de haut. Grandes lèvres peu développées. Petites

lèvres normales. Hymen, fissure antéro-postérieure. Pas d'hémor-

rhoïdes. Anus glabre. Non réglée. Pas d'onanisme.

Caractère variable, triste si on la laisse seule, pas d'accès' de

colère. Pas de perversions des instincts. Vagues tendances au sui-

cide, aurait essayé de se jeter par la fenêtre, au dire de sa mère.-

Digestion et respiration normales. Sujette à paresser. Sensibi-

tité spéciale et générale normales. Aucun signe d'hystérie. Som-

meil bon, naturel. Sentiments affectifs excellents. Parole et voix

nettes. Propre, soigneuse de sa personne.

Température à Ventrée.

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 5

39. - R ? dont les vertiges sont très nombreux, a son premier

accès aujourd'hui, précédé d'une série de [vertiges. Pendant cinq

minutes, elle est restée debout, immobile, le regard fixe, le visage

pâle. Puis elle a dit : Oh ! que j'ai mal au coeurl J'ai mangé trop

de poires. On l'a couchée et, au bout de quelques secondes, rigi-

dité générale, secousses très fortes des quatre membres, face pâle

puis violacée, bave assez abondante, ronflement. Au bout de deux

minutes environ elle est revenue à elle : Où suis-je ? J'ai mal au

coeur ; j'ai mangé trop de poires, je n'en mangerai plus. » Ensuite

elle a vomi beaucoup. Elle s'est endormie deux heures après. La

nuit a été bonne. Cet accès, le premier, depuis l'entrée, paraît

avoir été provoqué par une indigestion.

Température dans l'accès.

6 THÉRAPEUTIQUE.

course. En reprenant connaissance, elle est toute étonnée du che-

min parcouru. z

Décembre. Le bromure de camphre, suspendu le 8 octobre et

remplacé par l'élixir polybromuré, est repris de 2 à 10 capsules et

de 10 à 2 ; élixir polybromuré de 1 à 4 grammes et de 4 à 1.

Puberté. Seins 7 centimètres sur 7 et demi à droite, 7 sur 6 et

demi à gauche. Fin duvet sur les deux tiers médians du pénil.

Quelques poils à l'extrémité supérieure des grandes lèvres, qui sont

assez développées, écartées l'une de l'autre d'un centimètre, lais-

sant passer les petites lèvres brunes. Les règles n'ont point encore

paru.. , ' . '

1896. Juin. Ptt&e ? Quelquesrares poils dans les aisselles.

Seins, 14 centimètres de haut sur 11 de large. Aréoles bien pig-

mentées. Poils assez abondants sur le pénil. Les petites lèvres,

très larges, débordent les grandes d'un centimètre. Capuchon long,

recouvrant un clitoris petit. Hymen, orifice laissant passer l'index.

Les premières règles ont apparu sans accidents particuliers. Le

traitement, outre les douches, les travaux scolaires et manuels et

la gymnastique a continué ainsi qu'il suit :

- . ÏAHLEAU A. Mesures de la lèle

/

8 THÉRAPEUTIQUE. - '<>

Le caractère s'améliore, mais Rachel reste turbulente, taquine

et semble aimer à faire de la peine aux autres enfants. Sous tous les -

autres rapports, les progrès signalés plus haut persistent. < » ~

1898. Janvier. Puberté. Seins, 16 sur 18. L'orifice de l'hy-

men paraît un peu large et permet facilement l'entrée de l'index.

Son travail, son activité et sa tenue ne laissent rien à désirer,

mais elle est souvent peu attentive, dissipe ses compagnes. Elle est

moqueuse, arrogante, voudrait dominer tout le monde et n'agit .

qu'à sa guise. Depuis quelque temps, elle se livre à Y onanisme et(

essaye de se faire toucher par les autres. Elle exige à cet égard

une surveillance toute particulière.

Novembre. Persistance de l'onanisme, cherche à entraîner ses

compagnes et à profiter du moindre relâchement de surveil-

lance.

1899. Janvier. Puberté. -l4fêmes dimensions des seins, pénil

garni de poils longs et noirs sur toute sa longueur. Poils moyen- ' 4

nement abondants sous les aisselles.

Rachel tient mieux compte des observations qui lui sont faites;

elle pourrait faire de plus grands progrès en classe si elle était

moins étourdie et moins distraite. Elle est toujours orgueilleuse,

voudrait qu'on l'admire en toutet partout, essaye en promenaded'at- ,

tirer lès regards des hommes. Elle aime les jeux bruyants, est très

adroite pour les travaux manuels, sait faire marcher la machine à

coudre. A la gymnastique, elle est d'une agilité et d'une adresse

sans pareilles.

Juillet. Puberté. Poils nombreux, mais courts sous les t

aisselles formant une bande de 8 centimètres sur 3. Seins 18 cen-

timètres sur 15. Tout le pénil est couvert de poils noirs et assez

longs. Même état de la vulve.

1900. Janvier. Puberté. Le sein droit mesure 21 centimètres "

transversalement sur 17 verticalement, le gauche 20 sur 17, aréoles

bien dessinées, mamelons bien développés. Même état du système ',

pileux. Grandes lèvres un peu plus épaisses.

Rachel travaille avec plus d'assiduité à la classe. Elle est tou-

jours un peu légère et étourdie, il faut lui faire des remontrances

qu'elle accepte beaucoup mieux qu'autrefois. Elle s'accorde bien

avec les compagnes de son âge, est serviable. C'est l'une des plus t

avancées pour le travail manuel. Cette amélioration du caractère ·

coïncide avec une diminution considérable des vertiges. '

Juin. Puberté. Pas de changement notable, sauf que les

grandes lèvres ont un peu grossi, sont plus pigmentées et pré-

sentent des poils au niveau du tiers supérieur de la face externe.

A signaler une vanité croissante, le désir d'attirer sur elle l'atten-,

tion des hommes qui viennent dans le service. Pour le reste, rien

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 9

de spécial à noter. Intelligence, attention, activité très satisfai-

santes. ,

Rachel a fait des progrès sous tous les rapports. C'est une nature

passionnée, des plus impressionnables. Il faut exercer sur elle une

surveillance constante, principalement quand des ouvriers ou des

jardiniers sont dans la maison. Elle fait tout ce qu'elle peut pour

attirer leurs regards, passe et repasse devant eux. Ses allures, ses

manières, son regard, tout est provoquant chez elle. Elle céderait

volontiers` à la moindre invitation. Pour tout ce qui concerne les

travaux de repassage et à l'aiguille elle est très adroite. Elle pique

à la machine avec beaucoup d'adresse. C'est une des meilleures

ouvrières de l'ouvroir. Elle continue à faire delà gymnastique avec

une agilité surprenante.

Septembre. Comme les vertiges ont considérablement diminué,

3, 4, 9 dans les trois derniers mois au lieu de 300 à 400 dans les

premiers mois de son séjour, nous lui accordons, sur la demande

de sa mère, un congé de deux mois.

Tableau B. Tableau du poids et de la taille.

10 THÉRAPEUTIQUE. H .

27 novembre. Sa mère nous apprend que Rachel travaille dans

une imprimerie, qu'on est content d'elle, qu'elle se conduit bien et

elle affirme qu'elle n'a eu, depuis son départ,aucun accident t nerveux.

,1901. - Le 23 janvier, nous recevons une lettre d'un M. Z.. nous

demandant un rendez-vous afin d'avoir des renseignements sur la

maladie de Rachel. Le signataire ne serait autre qu'un prétendu.

o février. Sa mère vient nous demander si R... peut se marier.

Le prétendu, âgé de vingt-quatre ans, ouvrier en vitraux, serait

fils de sourds et muets, son père à partir de quatre ans, à la suite

d'une chute, sa mère, de naissance, ce qu'on a attribué à une peur

de sa mère pendant la grossesse. Rachel continue à travailler dans

une imprimerie où l'on est satisfait d'elle. Sa mère n'a remarque

aucun vertige, ce qui est probable, car on en aurait vu à l'impri-

merie, d'autant plus qu'elle travaille partout, même aux machines.

,1902. Nous apprenons que Rachel s'est mariée en novembre

dernier. Son mari, qui est bien au point de vue physique, parait

intelligent, s'exprime avec facilité, se déclare très content de son

mariage, n'avoir à se plaindre en aucune façon de sa femme.

Celle-ci est en bonne santé, bien qu'elle ait un peu maigri et n'au-

rait eu aucun accident nerveux. La surveillante, Allie Langlet, qui

est allée aux renseignements a trouvé leur logement très soigné,

très propre. Rachel était absente.

Voir page 11 marche des accidents épileptiques.

RÉFLEXIONS. I. U hérédité est très peu chargée. Ce qui

domine, c'est Y alcoolisme du père, qui parait s'être traduit

chez ses enfants, par deux cas de méningite et l'épilepsie

de notre malade,

II. Cette affection aurait été précédée de nombreuses con-

vulsions depuis l'âge de sept mois jusqu'à trois ans. De là à

. neuf ans aucun accident convulsif. C'est à neuf ans qu'aurait

débuté l'épilepsie. Elle était surtout caractérisée par des

vertiges.

III. Sous l'influence du traitement par le bromure de

camphre, administré sous forme de capsules, les vertiges ont

diminué et finalement disparu. L'histoire de Rachel met bien

en évidence les heureuses modifications survenues dans son

caractère, au sur et à mesure de la diminution des vertiges.

A cet égard, c'est une observation typique.

IV. La description que nous avons tracée d'un accès et de

plusieurs vertiges s'ajoute à celles qui sont disséminées dans

nos Comptes-rendus et dont les auteurs des traités de

médecine pourraient assurément tirer profit.

1 Tableau C. Tableaît des accès.

12 THÉRAPEUTIQUE.

Observation II. Épilepsie idiopathique z). Bromure DE camphre.

Guérison. ' '

Sommaire . Père, aucun accident nerveux, mort de tuberculose en

décembre 1890. Renseignements à peu près nuls sur sa famille.

JHO'e, migraineuse. - Grand'mère maternelle sujette à des né-

vralgies. Rien de particulier dans le reste de la famille. SoeMr

morte probablement de tuberculose . - Pas de consanguinité.

Inégalité d'âge de huit ans. (Père plus âgé.) - 1 ?

Conception, rien d'anormal. Grossesse tourmentée par une

maladie de son mari. Accouchement un peu long. Cyanose à

la naissance. Première dent à six mois. Dentition complète à ?

Début de la parole à un an ; de la marche à quatorze mois.

- Propre de bonne heure. Intelligence développée. Certificat

d'éludés à douze ans. Ennuis et tristesse dans la douzième année.

Première crise à treize ans (février 1898). Ensuite quelques

crises espacées sur un laps de temps de deux mois (1898). Ver-

tiges très nombreux. Traitement par le bromure de camphre.

Disparition complète des crises en juin de la même année. Main-

tien de la guérison de juin 1899 à 1902. >

De Mich... (Marguerite), née le 4 avril 1885, entrée le 7 janvier

1899 à la Fondation Vallée, est sortie le 20 avril 1901.

Antécédents héréditaires. [Renseignements fournis par sa mère).

Père, quarante-cinq ans, rhumatisant ; tourneur de son métier,

mort en décembre 1899 de tuberculose. -Pas de convulsions, pas

de migraines, pas d'abusd'alcool ni de tabac. Caractère vif. Marié

à vingt-sept ans. Le père de la malade est d'origine italienne,

et on ne peut donner de renseignements sur sa famille, mais on

pense qu'il n'y a jamais eu de cas de maladie nerveuse.

Mère, trente-huit ans, migraines fréquentes dès l'âge de douze

ans. Réglée à quatorze ans.Les migraines, très fréquentes dans

les premières années, se sont un peu espacées, au point de ne repa-

raître actuellement que tous les mois. Elles consistent en une

céphalalgie, accompagnée de nausées et parfois de vomissements;

pas de brouillard, mais souvent elle voit un fil noir tendu devant

l'oeil gauche. Ni rhumatisme, ni chorée, ni fièvre typhoïde. [Père,

mort à soixante-un ans, d'un refroidissement, sobre, pas de

migraines. Mère, soixante dix-sept ans, bien portante, pas de

migraines, mais elle a « comme des névralgies ». Pas de ren-

seignements sur les grands parents. -Un frère, quarante-cinq ans,

en bonne santé ainsi que ses dix enfants qui n'ont pas eu de con-

vulsions. Une soetM-, mariée, aeu une fille, laquelle elle-même a

une enfant : ni les uns, ni les autres n'ont eu de convulsions^

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 'lez

Rien dans le reste de la famille, ni bègues, ni paralytiques, ni

malformés, ni strabiques, etc.]

Pas de consanguinité. Différence d'âge de huit ans (père plus

âgé). Aucun indice de syphilis ni chez l'un, ni chez l'autre.

Deux enfants. 1° Notre malade; 2° une fille morte à huit ans

et demi de péritonite tuberculeuse aux Enfants-malades.

Antécédents personnels. A la conception, rien de spécial si ce

n'est que le père était déjà souffrant. Grossesse dans des condi-

tions à peu près parfaites, sauf que la mère était continuellement

préoccupée par la santé de son mari. Elle ne sait pas exactement

àquelle époque elle a senti remuer l'enfant ; les mouvements étaient

modérés. Accouchement à terme, travail assez long, l'enfant est

venue toute noire, tu la naissance, néanmoins elle aurait crié de

suite. (Frictions). Accès de cris nuit et jour pendant les premières

semaines.

L'enfant a été nourrie simultanément au sein et au biberon (lait

de vache). Première dent à six mois. A quatre mois, on la met-

tait déjà sur le vase. Elle a commencé à causer à un an, à mar-

cher à quatorze mois. Pas de convulsions.

A six ans, M... fréquente l'école; elle y aurait été heureuse sauf

dans la dernière année où elle ne pouvait s'entendre avec sa mai-

tresse de classe. Elle y aurait travaillé en général avec succès et a

eu son certificat d'études à douze ans. 1

Avant la première crise (février 1898) qui a duré deux à trois

heures, la malade semble avoir eu une contracture des membres

inférieurs, elle avait les pieds tournés en dedans. Cette contracture

a été attribuée à une longue course à Paris, avec un grand refroi-

dissement ( ? ). Ala suite de quelques exercices de marche, cette con-

tracture a disparu. C'est alors qu'est apparue une sensation de boule

venant de l'estomac et s'arrêtant dans la gorge. Ces crises avec

boule revenaient tous les jours pendant une heure.

Vers le mois de mai 1898, les crises avec boule ont été remplacées

par des crises complètes. Elles étaient annoncées par une envie de

partir, d'aller chez une voisine, dans la rue. Sa mère le lui

défendant, elle tombait. Pas de cri, chute subite, rigidité générale,

poings fermés, pouces en dedans ; pas de grands mouvements, pas

d'arc de cercle, mais perte d'urine et écume abondante.

La malade revenait à elle en poussant des cris et en souffrant

du coeur. La première crise dura deux heures. Les grandes crises

se sont reproduites tous les jours jusqu'à quatre par jour.

Durant les deux semaines ayant précédé son placement à la Sal-

pêtrière (26 juillet 1898), elle aurait eu après ses crises des atta-

ques de folie. Elle mangeait de l'herbe, se roulait par terre, dans le

ruisseau, criait, refusait d'obéir aux ordres, essayait de battre sa

mère, serrait et desserrait son corset sans motifs, cassait les car-

14 liez THÉRAPEUTIQUE. i,-

reaux. Deux fois elle est montée sur le barreau de la fenêtre- du

premier étage comme si elle voulait se jeter dans la rue. Les crises

de folie duraient deux ou trois heures. Pas d'onanisme. ,

A la Salpêtriêre où elle reste jusqu'au 38 novembre, elle a eu

deux crises en juillet et 5 en août (lettre de AI. J. Voisin).

Les parents la reprennent alors chez eux. Bientôt -la malade

accuse une douleur sourde dans les jambes suivie au bout de cinq

asixjours,det)e)'<7es. '

En somme après des phénomènes prémonitoires surviennent des

accès d'épilepsie qui durent six mois. Trois mois d'accalmie. Enfin,

retour des accidents épileptiques qui motivent l'entrée dans le ser-

vice.

État actuel. - Tète petite, arrondie, cheveux châtains, pas

d'anomalie d'implantation. Front bas. Face allongée. Joues symé-

triques. Nez droit. Vue normale, pas de dyschromatopsie. Lèvres

moyennes. Langue mobile. Amygdales grosses. L'enfant respire par

la bouche sans que l'examen de la gorge explique ce fait. Maxii-

laires normaux. Dentition régulière. Oreilles. Pavillon grand,

,écarté de la tête. Physionomie douce, intelligente. Attitude bonne.

Cou. Corps thyroïde perceptible à la palpation.

Thorax symétrique et viscères normaux. Abdomen régulier.

.Foie dépassant les fausses côtes d'un doigt.

Puberté. Seins, 16 centimètres de haut sur 18 de large, symé-

triques. Aisselles glabres. Pénil à peine garni de quelques poils

Grandes lèvres épaisses. Petites lèvres normales. Clitoris bien déve-

loppé. Hymen, orifice circulaire laissant pénétrer le petit doigt.

Région anale naturelle. La malade n'est pas réglée. Pas d'ona-

nisme.

Mich... parle, comprend et répond bien, marche lentement, pa-

rait absorbée, court bien, mais est assez vite essoufflée à cause de

son embonpoint qui est assez prononcé. Appétit bon, sans trouble

de la digestion. Elle s'endort assez lentement, semble parfois en

proie à des cauchemars ; s'agite et parle quelquefois tout haut la

nuit. ,

Elle est d'une propreté irréprochable, allant même jusqu'à une

certaine coquetterie. Caractère calme, n'aime pas les jeux bruyants ;

s'emporte néanmoins assez facilement, quand on la contredit. Elle

aime bien ses compagnes et joue volontiers avec elles. Elle dit s'en-

nuyer beaucoup, parle souvent de ses parents. Elle n'a jamais

pleuré. Parfois accès de petits rires, courts et « nerveux ».

. Elle ne souffre de la tête qu'après ses vertiges, la céphalalgie

dure peu. Pas de phénomènes vasomoteurs appréciables à la

face. Le sensibilités générale et spéciale sont physiologiques. Les

seutiments affectifs sont développés.

Tics. Quand elle est inactive, elle compte successivement tous

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 15

les doigts de la main droite avec une vivacité extraordinaire et

sans s'en apercevoir. <

Très attentive, fait des réflexions sur tout ce qu'elle voit, prend

un plaisir extrême à la musique. Lit facilement, très vite, sem-

ble avoir hâte de terminer sa lecture. Elle écrit régulièrement et

rapidement. En géographie, histoire, calcul, force moyenne, elle

possède d'ailleurs son certificat d'études. Néanmoins, elle se plaint

d'un affaiblissement de la mémoire depuis qu'elle a ses vertiges. Tel

est l'état de la malade au moment et dans les premiers temps de

son entrée à la Fondation Vallée.

Température à l'entrée.

16 THÉRAPEUTIQUE. '

son caractère avant de tomber. Elle paraissait calme. Immédiate-

ment avant la chute, étant à l'école, elle dit à sa voisine : «,Je n'y

vois plus bien clair. » Aussitôt sa tête s'est rejetée en arrière, elle

est tombée sur sa voisine de droite. La figure s'est congestionnée,

les paupières ont battu vivement, ses yeux se sont- dirigés- en

haut, ses mâchoires se sont contractées. Les membres rigides ont

été pris de fortes secousses. Après cette première- période quia a

duré environ une minute, le corps est devenu flasque, la malade

a ronflé et à chaque ronflement elle envoyait un jet de bave (non

sanguinolente). Elle a uriné sous elle et s'est endormie pendant

quelques minutes. On l'a montée au dortoir pour la changer.

C'est alors seulement qu'elle est revenue tout à fait à elle. Elle

était tout étonnée d'être au dortoir : « Pourquoi m'avez-vous fait

monter ici ? » Elle ne se souvenait de rien. Température au mo-

ment du ronflement, 37°, 6 ; un quart d'heure après 31°, 8;~deux

heures après, 3 î°, 3. C'est le seul accès constaté jusqu'à la sortie.'

Dans ce cas, de même que dans le précédent, nous cons-;

tâtons une élévation de la température sous l'influence de

l'accès. Cette élévation est bien mise en relief par le tableau'

de la température durant les cinq premiers jours de l'ad=

mission. - '

Juin. Les vertiges diminuent. De Mich... a assez de goût

pour les travaux scolaires. Elle n'est maladroite ni pour la cou-

ture, ni pour le repassage, toutefois il faut la stimuler. Elle met

de la bonne volonté à la gymnastique, mais n'est pas très agile

dans ses mouvements à cause de son embonpoint. Très affectueuse

envers ses compagnes, un peu turbulente ; la moindre observation

l'ennuie et la surexcite et elle accueille les remontrances avec un

sourire moqueur. Même traitement. ' -

Puberté. Quelques poils rares sous les aisselles. Seins symé-,

triques, 18 centimètres de haut sur 20. Poils bruns, assez longs,

peu nombreux sur le pénil. Grandes lèvres épaisses. Petites le-,

vres normales. Clitoris assez développé. Même état de l'hymen et

de la région anale.

Décembre. Elle a eu trois vertiges le jour où elle a appris la'] Ï

mort de son père. ' '

1900. JetKUte ? Pu6e ? ? Même état des aisselles. Seins, 25 sur'

18 à droite, 24 sur 18 à gauche. Mamelons peu saillants. Aréoles -

bien dessinées. Poils plus abondants et plus longs sur le pénil. Pas,

d'autres changements. Les règles ont paru, pour la première fois, ,

du 12 au 19 juillet, puis du 13 au 18 août. Elles ont été suspen- z

dues en septembre et ont reparu du 8 au 14 octobre, du 2 au

9 novembre, du 2 au 8 décembre. ;, . ,

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 17

DeMich ? dont les vertiges sont devenus de plus en plus rares, s'est

améliorée sous tous les rapports. Elle travaille bien à l'école, fait

parfois la classe à des compagnes moins avancées. Elle est plus

calme, moins irritable, plus prévenante et plus serviable. Elle se

montre habile et courageuse à l'ouvoir. Elle apporte à la gymnas-

tique beaucoup de bonne volonté. Même traitement sauf que les

capsules de bromure de camphre ne seront données que de 2 à 6.

Juin. L'amélioration a continué, M... n'a eu ni accès, ni ver-

tige; depuis le 1 ? janvier.

Pouls de la taille.

18 THÉRAPEUTIQUE. 11,

fluence du traitement par le bromure de camphre, la décroisssnce

suivante : qu

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE ET BROMURE DE CAMPHRE. 19

II. L'action du bromure de camphre s'est fait sentir bien

plus rapidement que chez la malade de la première observa^

tion. La guérison s'est maintenue puisque de juillet '1900 au

commencement de 1902, il n'est survenu ni accès, ni vertiges.

Observation III. Imbécillité ET épilepsie SYMPTOMATIQUE.

Sommaire. Père, enfant naturel, aucun accident syphilitique.

Céphalalgies après la naissance du malade. Grand'mère pater-

nelle nerveuse, sujette à de violentes colères et à des crises épilep-

déserteur on ne sait pourquoi, à été condamné à la prison (belge).

Mère, -ouvrière dans une manufacture de tabac, C071villsiolis de

l'enfance, violente, a voulu tuer son mari, dont elle s'est séparée

après huit ans de mariage. Deux tantes maternelles déséquili-

brées. Une soeur et un frère morts de convulsions.

Consanguinité (cousins germains). Inégalité d'âge de quatre

ans.

Grossesse : vomissements. Rien de particulier à l'accouchement et

et la naissance. Première dent ci six mois. Début de la parole

, et de la marche à dix mois. Convulsions internes à sept mois. -

A huit ans et demi, chute dans l'eau. A neuf ans, enfermé, pen-

dant dix minutes, dans une salle de discipline pour avoir jeté des

pierres contre un factionnaire : affolement à la sortie. - Pî-eniie ? ,s

accidents épileptiques deux semaines après cette émotion. Ver-

tiges de plus en plus fréquents, jusqu'à cinquante ( ? ) par jour avant,

l'entrée. Renvoi des écoles. Placements multiples en appren-

tissage. Accès et vertiges .

1894. Elixir polybromuré (de 2 ci 4 gr.) et bromure de camphre

de 2 à 6 puis 8) ; hydrothérapie, etc. Guérison ( ? ).

Henné... (F. P.). né à Lille, le 8 septembre 1883, est entré à

Bicêtre, le 5 octobre 1893.

1893. 6 octobre. Description d'un vertige. L'enfant est de-

bout. Subitement, sans çri, la tête et le tronc sont jetés en avant

et si l'on n'était pas intervenu aussitôt, il se serait contusionné la

face sur la table. On le maintient debout en le soutenant sous les

bras, sans cela il s'affaisserait. La tête, dans l'extension, est pen-

chée sur l'épaule droite. La face et les yeux sont dirigée en haut et

à gauche. Paupières ouvertes. Bouche secouée à gauche. Quel-

ques secousses du bras correspondant. Les joues deviennent rou-

ges. Au bout d'environ deux minutes, l'enfant qui, jusque là,

était resté penché en avant, se redresse, regarde tout étonné,

pâlit, et revient à lui sans se rendre compte qu'il a été malade. 11

appelle ces vertiges des accès debout.

20 THÉRAPEUTIQUE. 0 *~

' 1895. 6 avril. Description d'un accès. H... tombe violemment

à la renverse. Corps rigide, en extension. raçe congestionnée,

plutôt violacée que rouge. Mains fermées, les pouces en dedans.

Secousses cloniques des membres. Ni stertor, ni bave, ni miction.

Au bout d'une minute il revient tout à fait à lui ? Parfois, il

tombe en avant (cicatrices du menton). '

24 juin. Aulne accès. Sans avertissement, sans cri, il tombe

en arrière. Nous le voyons alors qu'il a des mouvements cloniques

des paupières (les yeux sont portés directement en haut) et des

bras qui se rapprochent et s'éloignent successivement de la ligne

médiane et des membres inférieurs. Ni ronflement, ni bave, ni

évacuation involontaire. Durée une minute. Il se relève, ramasse et

remet sa ceinture. '

On assure qu'au réfectoire, s'il a un vertige, il continue à man-

ger comme s'il n'avait rien du tout. (C'est le cas d'un autre malade,

Siga...). 1 .

1896. Juin. Parallèlement à la diminution des vertiges, les mai-

tres constatent que la mémoire devient meilleure. - '

1897. Avril. Accès : Avant de tomber en arrière, H... tourne plu-

sieurs fois sur lui-même comme une toupie. Un peu de bave. Sou-

bresauts à la fin. T. R. 37 ? un quart d'heure après, T. R. 375,

deux heures après, 37°,4. Dans un accès de 1901, on a noté : ,T. H.

37°,5, 37°,7 et 37ü,l.

1902. Janvier. Envoyé en congé. Sa mère nous a écrtt depuis

qu'il n'avait eu ni accès, ni vertiges. - j

Marche des accidents épileptiques.

ÉPILEPSIE VERTIGINEUSE' ET BROMURE DE CAMPHRE. 21

tigineuse où l'efficacité du bromure de camphre a été remar-

quable.-Les trois qui précèdent nous semblent suffisamment

démonstratives pour ne laisser aucun doute. Elles corroborent

tout ce que nos élèves et nous avons dit dans des publications

antérieures. Ainsi que le montrent nos observations, le trai-

tement doit être longtemps prolongé, ce n'est qu'à cette

condition qu'un peut attendre un heureux résultat.

.·4H t.

Réflexions sur la puberté à propos des deux premières

i, observations, par Bourneville.

Nous avons noté tous les six mois, à peu près régulière-

ment l'évolution de la puberté chez Rachel D... de 1895

à y1901. Au début, les aisselles et le pénil étaient glabres,

les grandes et les petites lèvres peu développées. Seuls les

seins indiquaient une transformation prochaine.

' Eh 1896, le pénil se garnit de poils alors que les aisselles

n'en offrent qu'un petit nombre. Les grandes et les petites

lèvres surtout grossissent, les seins doublent presque de

volume et les règles apparaissent.

' Tandis que les poils du pénil s'étendent, s'allongent sur

tout le pénil, envahissent la face externe des grandes lèvres,

surtout en haut, ceux des aisselles n'augmentent que lente-

ment en abondance et en longueur.

Les seins qui avaient en 1895, 7 centimètres de large sur

6 cent. 5 de haut, mesuraient en 1902, 21 cent. sur 17.

Les aréoles et les mamelons s'accusent progressivement.

Les grandes lèvres deviennent peu à peu plus volumineuses

et leur face interne se pigmente.

Les règles ont toujours été régulières et se sont établies

sans douleur. ·

Parallèlement, de 1895 à 1900, la taille s'est élevée de

1 mètre 44 à 1 mètre 58 et le poids a monté de 30 kilogram-

mes à 49.

Chez la seconde malade, nous voyons une évolution à peu

près semblable : la puberté commence par le développement'

des seins, puis par l'apparition du système pileux du pénil

et enfin dans les aisselles. L'établissement des règles s'est

annoncé par une poussée du côté des seins '.

' Le lecteur trouvera de nombreuses descriptions de la puberté chez

les garçons et les filles dans nos Comptes rendus du service des enfants

de Bicêtre.1

PHYSIOLOGIE.

Contribution à l'étude de l'action physiologique de

la valériane et des valërianates ;

Par Cu. FÉRÉ, médecin de Bicêtre.

Les médicaments sont souvent soumis aux caprices de la

fortune. C'est que les maladies ne se présentent pas toujours

sous les mêmes formes; c'est que les malades ont leur indi-

vidualité : les réactions ne peuvent être que variables, tant

qu'on n'a pas affaire à un agent spécifique. Après avoir paru

efficace dans un grand nombre de circonstances, le même'

médicament peut paraître tout à fait inutile. De son inutilité,

dans un grand nombre cas, on conclut facilement à, son

inertie. ^ 1

- La valériane a été vantée comme un remède à une infi-,

nité d'états morbides; mais le grand nombre de ses échecs a

conduit au scepticisme, etonenestvenuàlaconsidérercomme

- n'agissant pas autrement que par la suggestion. 30 grammes

de poudre de valériane n'ayant fait éprouver à Trousseau

qu'un peu de céphalalgie, d'incertitude, de troubles de l'ouïe,

de la vue et de la motilité, on en conclut * que son action phy-

siologique est presque nulle.

Cependant, les expériences de Grisai' avaient montré que

l'essence de valériane diminue les réflexes, déprime en

général les fonctions du système nerveaux, produit de la

somnolence, de la paralysie. Elle peut simuler l'action con-

vulsivante de la strychnine, de la brucine et du carbonate

d'ammoniaque. Boek " à vu de plus qu'elle ralentit les mou-

r ? Villejean. Art. Valériane. Nouveau dictionnaire de médecine et

de chirurgie pratique, t. XXXVIII, 1885, p. 220.

' Grisar. Experimenlelle Beili-iige zur l'harnza7oclynazzzilc der celte

Wc/te Oele. Inaug. Diss, Bonn, 1873. i

; 3 Boek. Expérimente itber die Wirkungsweise der Radix Yaleriance.

Inaug. Diss. Gottingen, 1874.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 23

vements de la respiration et du coeur, qui, après la cessation

des mouvements respiratoires, s'arrête en diastole. Hélène

Sikorska 1 constate aussi que l'extrait de valériane, suivant

les doses, produit de la fatigue, de l'apathie, de la parésie et

de la paralysie, ou même la mort avec dyspnée et arrêt consé-

cutif du coeur.

Barrallier 2 avait d'ailleurs reconnu à l'huile essentielle,

la propriété d'amener, chez l'homme normal, la paresse intel-

lectuelle, l'assoupissement et le sommeil.

Un fait particulièrement intéressant a été observé par

A. llTayor 3, c'est l'augmentation préalable des réflexes chez la

grenouille. Ce fait indique que les phénomènes de dépres-

sion sont précédés d'une exagération de l'excitabilité.

Nous allons voir, en effet, que, comme les anesthésiques,

les narcotiques 4, et les analgésiques 1, en général, la valé-

riane a une action excitante préalable.

On peut s'en rendre compte, en étudiant son influence sur

le travail avec l'ergographe de Mosso. Comme dans les expé-

riences antérieures, on (l'auteur) travaille par séries de

4 ergogrammes; des repos de cinq minutes, séparant les

séries, et des repos d'une minute séparant les ergogrammes

de chaque série : le médius droit soulève chaque seconde

un poids de 3 kilogrammes. Rappelons qu'en général, à l'état

normal, une première série faite après repos complet donne

un travail de 22 à 23 kilogrammètres et que 9 séries

succesives donnent un travail total de 143 à 150 kilogram-

mètres, la dernière série donnant de 40 à 50 p. 100 du tra-

vail de la première 1. Une seule expérience chaque jour à la

même heure.

Hélèiie Sikorska. Étude pharmacodynamique des principales prépa-

rations de Valériane. Thèse Genève, 1899.

2 A. Barrallier. Des effets physiologiques et des effets thérapeutiques

de l'huile essentielle de valériane [Bulletin géit. de thérapeutique, 1860,

LIX, p. 211).

' Sikorska. Loc. cil., p. 5.

' Ch. Féré, Note sur l'influence de l'opium sur le travail (Cf. Soc. de

Biologie, 1901. p. 725]. Note sur l'influence du haschisch sur le <)'< : -

vail. IGicl., p. 696). -Les poisons nerveux [L'année psychologique, 1902).

' Ch. Féré. Note sur l'action excitante de Vanlipyrine [Journal de

Neurologie, 1cJ01. p. G31)..

6 Ch. Féré. L'influence de l'alcool et du tabac sur le travail (drch. de

Neurologie, 1901, 2° série, t. XII, p. 372).

24' PHI810LOGIE....

Expérience 1. Cinq minutes avant le travail, on prend une

pilule fraîche de 0 gr. 25 d'extrait de valériane 1.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 25,

. 26 PHYSIOLOGIE.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 27

28 ' PHYSIOLOGIE. '"' Il

ACTION DE LA VALERIANE ET DES V.1LRL1N1TES. 29

30 PHYSIOLOGIE. 1 1

Immédiatement après la 9° série, on prend de nouveau 0 gr. 25

d'extrait de valériane. '

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES..31.

32 PHYSIOLOGIE.

Immédiatement après la 9° série, c'est-à-dire cinq minutes avant

la 100, on a repris 1 gramme d'extrait de valériane.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 83

34 . ' PHYSIOLOGIE. . - -.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 35

36 PHYSIOLOGIE.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 37

38 PHYSIOLOGIE.

Ces expériences montrent, en somme, que l'extrait de valé-

rianne donne une excitation plus rapide, plus intense et

plus durable à mesure que la dose augmente, jusqu'à une

certaine limite. Avec les fortes doses, l'excitation très rapide,

et très forte perd ensuite de la durée, puis disparaît tout à

fait dès le début. Le travail total des neuf séries d'ergo-

grammes après avoir augmenté, diminue, les doses croissant

toujonrs : avec 25 centigrammes, on a eu un travail total de

111 kg. 054; avec 50 centigrammes, un travail total de

114 kg. 55; avec 75 centigrammes, un travail total de

197 Icg..49; avec un gramme, un travail total de 89 kg. 85;

avec 2 grammes ; un travail total de 76 kg. 14; avec 3 gram-

mes, un travail total de 56 kg. 37. On a ainsi une sorte de

mesure de l'action dépressive ou, narcotique croissante avec

la dose. Les effets différents suivant que la valériane inter-

vient, quand le sujet est reposé ou quand il est fatigué,

indique la possibilité d'effets variés suivant l'individu et sui-

vant les conditions actuelles.

La valérianate d'ammoniaque, qui, après avoir été vanté

comme une panacée, passe aussi pour inactif, donne des

résultats analogues.

Expérience VIII. -Immédiatement'avant le travail, 0 gr. 20 de

valérianate d'ammoniaque enrobé, pour éviter la saveur et

l'odeur, dans un pain azyme.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 39

40 ' PHYSIOLOGIE.'

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATHS. 41

42 PHYSIOLOGIE. ' ' '

Immédiatement avant la f 0° série, on reprend 9 gr. 10 de valé-

rianate d'ammoniaque.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 43

44 PHYSIOLOGIE.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 45

,46 PHYSIOLOGIE.

Immédiatement avant le début de la 10e série, 0 gr. 05 de valé-

rianate de soude. 1

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 47

48 PHYSIOLOGIE.

ACTION DE LA VALÉRIANE ET DES VALÉRIANATES. 42

50 PHYSIOLOGIE.

voisin de celui de la première expérience avec 25 centigram-

mes d'extrait, de valériane. Le travail total diminue aussi

quand la dose s'accroît : 115 kg. 95, dans l'expérience XII,

69 kg .03 dans l'expérience XIII. ) '

La valériane et ses composés produisent à faible dose une

excitation primitive de la motilité volontaire. Ce sont des

excitdnts'de l'écorce cérébrale 'dont la manière^ propre de

réagir est l'activité volontaire. A doses plus fortes ils pro-

duisent une dépression primitive. A toutes les' doses ils

provoquent une diminution de la résistance à la fatigue.

Ces effets inverses des agents chimiques, suivant les doses,

ont été souvent remarqués et sont intéressants à divers

points de vue 1. Quand la dépression se manifeste d'emblée,

il est vraisemblable qu'elle est encore la conséquence d'une

décharge préalable. On ne peut guère admettre que l'action

de la valériane s'exerce exclusivement sur la fonction la plus

élevée de l'activité nerveuse ; elle agit aussi, sans doute, sur

les autres. Lorsque l'activité nerveuse éprouve une décharge

généralisée sous l'influence d'une excitation forte, l'activité

volontaire, la plus fragile, est la première à céder.

Il n'est pas sans intérêt de rapprocher l'action physiolo-

gique de la valériane de l'action thérapeutique qu'on lui

reconnaît le plus communément et dont la connaissance est

le fruit de l'empirisme : action antispasmodique et calmante.

Les phénomènes qu'elle provoque reproduisent d'une maniè-

re générale les troubles qu'on la destine à combattre; une

excitation aboutissant à une dépression, on a une perver-

sion des fonctions motrices. On pourrait trouver dans ce rap-

port, la question de doses mise à part, un argument en

faveur du premier principe de l'Organon : similia siiiiilibzls

czc·aaL2c ? Nous retrouverons d'ailleurs ce rapport dans l"é-

tude d'autres antispasmodiques dont l'action n'est pas sans

analogie avec celle de la valériane et des valérianates.

1 R. Lépine. Deux phases contraires de l'action de certains znéclica-

ments [La semaine médicale, 1889, p. 437). Ch. Féré. La pathologie

des émotions, 1892, p. 225. Téralogénie expérimentale et pathologie

générale [volume jubilaire du cinquantenaire de la Société de Biologie,

1899, p. 360. Lauder Brunton, Action des médicaments, trad. fr.,

" 1901, p. 31.

REVUE'D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

iW ? ^ ? PATHOLOGIQUES.

j]J-) ? )*))"1', .. 1 4 1

'I ? De la présence d'un parasite dans le sang des épileptiques ;

L o*,41 ? - 1 p : tt-M.M.BRA. 1

0- - ! ° ' - ' ,

f, Des,prélèvements de sang par ponction des veines de l'avant-

bras, opérés dans les services de M. Magnan, à l'Asile clinique, et de

ji'tn /. Eléments parasitaires du sang comitial. Schéma.

(II. Chaussé, del.)

52 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

M. Marandon de lontyel ? L'I'asile de Ville-Evrard, sur soixante-

dix sujets atteints d'épilepsie générale, dite idiopathique, nous ont

permis de constater, à certaines périodes de l'affection, la présence

.constante d'un microorganisme. ' ? >

Dans les longs intervalles interparoxystiques, l'examen est le

plus souvent négatif, mais lorsqu'à l'approche'des attaques, pen-

dant ou immédiatement après les crises incomplètes, les absences,

les vertiges, on examine une goutte de sang frais avec un grossis-

sement d'au moins 500 diamètres, on aperçoit dans le plasma "de

petits points faiblement réfringents de 1 1-t et au-dessous, isolés ou

réunis en diplocoques, animés d'un mouvement très vif et virevol-

tant constamment sur eux-mêmes, puis, à l'état d'unités ou en

plus ou moins grand nombre, des corps offrant l'aspect de vermi-

cules, d'une longueur égale ou supérieuee au diamètre des héma-

ties et composés de six à huit grains le plus souvent. Les uns sont

formés de grains égaux, les autres présentent à leurs extrémités

ou dans leur continuité des grains plus volumineux, polymorphes,

Tig. 2. Sang d'épileptique immédiatement avant une crise convulsive.

Altérations globulaires. Parasites : cocci isolés et en diplocoques,

corps vermiculaires en chaînettes. Gross. -000 Slicropli. A. Lumière.

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. PATHOLOGIQUES 53

ovoïdes, bacillaires, etc. La forme la plus typique parait être la

chaînette terminée à chaque extrémité par un grain plus volumi-

neux [forme en boulets enchaînés). Ces corps sont animés d'ondu-

lations serpentines, culbutent sur eux-mêmes, se présentent alter-

nativement dans leur grand diamètre ou par leurs grains termi-

naux. Ils se pelotonnent si bien qu'il faut les suivre longtemps

pour être fixé sur leur forme véritable. Ils adhèrent fréquemment

aux globules rouges par une de leurs extrémités.

Il arrive/suivant les périodes et les individus, que ces uermt'CM/M

font défaut dans le sang et que seulement on rencontre les cocci isolés

ou en diplocoques, soit mobiles et libres dans le sérum, soit accolés

aux hématies ou englobés dans les phagocytes. '

Examen avec coloration. Les préparations du sang desséchées

et fixées dans le mélange alcool et étlier sont soumises a uné colo-

ration prolongée, soit dans le bleu de Kûhne, soit dans la thionine

Fitl. 3. Sang d'épileptiques pendant une crise incomplète. Altérations

globulaires. Parasites : cocci isolés et en diplocoques, corps vermi-

'... , . ; ; . 1000

culaires composes de grains égaux ou polymorphes.Gross. ?

Microph. A. Lumière.

54 REVUE D'ANATOMIE ET, DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.u51

phéniquée. Le parasite se colore assez faiblement, et rien ne vaut -31.

l'examen du sang frais ? \. , - ' '. ! << '>. j

Ensemencements et cultures. * En prélevant le sang à l'approche i)

des attaques convulsives, pendant les vertiges, les crises incom- /

plètes chez les épileptiques qui ne présentent ni morsures de la , t",

langue, ni plaies des téguments, nous sommes arrivés, en collabo ? ,

ration avec II. Chaussé, à isoler 60 fois sur 100 le microorganisme

observe dans le sang. p

Au' sortir de la veine, le sang est réparti largement dans des s

tubes de bouillon ordinaire, neutre ou alcalin. Les tubes sontpor"

tés à l'étuve à 34° et peuvent être examinés au bout de quarante-

huit heures. Le microbe pousse bien entre 34° et 37°. Aérobie; son,

développement se ralentit dans le vide. , ..., - .- T.&"n

Bouillon. Au bout de vingt-quatre heures à l'étuve, le I)ouil- i

Ion est légèrement troublé et contient de petits flocons à peiner..

visibles. La culture garde son trouble. Peu ou pas de dépôt. Réac-un

tion acide au bout d'un certain temps. 1 1 jp

Dans lacullure examinée sans coloration (l,eitz, oc. 3, obj. 1/13), gi

cocci de 0,6 la à 1 p. et diplocoques mobiles. Courtes chaînettes .

composées le plus souvent de quatre, six, huit grains égaux, ou pré-

sentant à un moindre degré, dans leur continuité ou à leurs extré- ii

mités, les grains polymorphes observés dans le sang. Les chaînettes

sont animées des ondulations qu'elles présentent dans le sang. ^

Gélatine. Par piqûre, léger trouble à peine visible le long du

trait. Rien à l'orifice. Pas de liquéfaction.-Gélose. -Semis blan-

châtre extrêmement fin, visible par transparence. Pomme de

terre. Pas de culture apparente à l'oeil nu, bien que le micros ? )'

cope montre un développement appréciable.

Le parasite possède dans les cultures les réactions colorantes v

qu'il présente dans le sang. Il se colore par les solutions'hydro-

alcooliques ou aqueuses des couleurs d'aniline basiques. Il prend

mal le Gram. Pour peu que l'action de l'alcool soit prolongée, il se

décolore pour absorber la couleur complémentaire. 1.

L'injection in tra-veineuse des cultures, répétée à diverses reprises xi

chez le lapin, reproduit dans le sang les formes parasitaires type- 1

ques du sang comitial.

Il paraît s'agir, en somme, d'un streptocoque qui, par ses carac-

tères morphologiques et biologiques, constitue une variété très,'

spéciale et que nous n'avons trouvé que chez les épileptiques,

Nous nous proposons de donner dans une Note ultérieure le

résultat des recherches expérimentales. ' ' ' `

II. Altérations pathologiques dans la démence ; par Joseph SHaw ? *'

130LTON (Tlie-Jouî-12(il oflieîital Science, Avril 1901). ` ' ' e

L'auteur conclut : 1° que l'épaisseur de la couche pyramidale i

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 55

des cellules nerveuses varie avec le degré d'amenée ou de démence

existant chez le malade ; 2° que les altérations histo-pathologiques

qui surviennent dans la folie dépendent uniquement du degré de

la démence et sont indépendantes du temps pendant lequel la

folie a existé. R. de Musgrave CLAY.

111. ' Méthode pour rendre permanentes les préparations au

sublimé de Golgi par la substitution du platine ; par \V. Ford

ROBEUTSON et Jales MACDONALD (The Journal of Mental Science,

Avril 1901). ,

Les auteurs décrivent avec soin leurs méthodes respectives,

auxquelles ils attribuent les avantages suivants : Elles rendent les

préparations permanentes sous le couvre-objet; elles peuvent être

facilement étudiées avec de forts grossissements ordinaires et avec

des objectifs à immersion huileuse ; le dépôt est noir ou presque

noir.' Par ces modifications, la méthode de Golgi devient plus utile

qu'elle n'était jusqu'à présent pour l'étude des altérations patho-

logiques des cellules corticales dans les cas d'aliénation mentale.

- ' R. de MUSGRAVE Clay.

IV. Un cas de sarcome intra-musculaire de l'épaule droite ayant

pénétré par perforation dans le canal rachidien, avec paraplégie ;

par Léonard WEBER, (77te 1'ew Yo ? ,Iz Médical Journal, Ier juin

1901.) '

Observation curieuse et intéressante, relatée dans tous ses

détails et suivie d'une autopsie partielle. R. Xi. C.

V. Un cas d'apoplexie cérébelleuse avec autopsie ; par Léonard

Weber. (1'Ize New-York Médical Journal, 15 juin 1901.)

Voici le résumé de l'observation :

Homme de vingt-neuf ans, célibataire, alité, céphalalgie conti-

nuelle, généralisée, avec vertiges, nausées et vomissements qui

augmentent dès qu'il lève la tête ou essaye de se lever : ces symp-

tômes datent de deux mois ; le malade, de constitution solide,

s'est émacié, la face est tirée, la peau moite et froide, le pouls

plein (60 à 70). Constipation; urine légèrement albumineuse. Pas

d'hérédité fâcheuse. Pas de syphilis : il menait sans effort une

vie de travail fatigante. L'apparition des symptômes a été brusque.

Il y a eu un court répit d'une quinzaine pendant lequel il a essayé

de reprendre son travail, puis une rechute. il est parfaitement

sensé, il voit, il entend, il écrit, répond intelligemment à toutes

les questions et ne présente aucun trouble de la sensibilité ni de la

motilité. Tout ici indiquait une. lésion nerveuse centrale, grave,

et probablement cérébelleuse. On penchait pour l'apoplexie qui

56 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

avait cependant contre elle la durée déjà longue de la maladie.

Terminaison par mort subite. A l'autopsie, on trouve le système

veineux tout entier littéralement gorgé de sang ; le coeur était

augmenté d'un tiers dans toutes ses dimensions : les parois des

cavités gauches avaient une épaisseur double de l'épaisseur; nor-

male, celles du coeur droit étaient également épaissies : toutes les

valvules étaient saines : l'aorte était normale. Les viscères étaient

sains, les reins seulement un peu volumineux et de couleur rouge

brun, et on trouvait vers leur surface des signes de néphrite inters-

titielle au début. Les membranes du cerveau, la substance grise

et la substance blanche, les pédoncules, la protubérance et la

moelle étaient sains. L'hémisphère cérébelleux droit était un peu

plus saillant que le gauche, et par une légère fente, située vers le

milieu, du sang avait récemment coulé vers le quatrième ventri-

cule, donnant lieu à quelques caillots frais qui comprimaient la

région. En procédant avec soin, on vit que cette fente s'ouvrait,

s'agrandissait, et l'on mit à jour une grande cavité dans la subs-

tance de l'hémisphère : elle était remplie de grands caillots mous

rouge foncé, récents, et de quelques autres plus petits et plus

anciens. L'hémisphère gauche était sain. R. DE MUSGRAVE-CLAY.

' ' R. de Musgrave-Clay.

VI. Le sens musculaire; par John RFID. (Tite Journal of'mental

Science, juillet 1901.) '

On a soutenu à propos du sens musculaire que la contraction du

muscle et la force dépensée pour déterminer cette contraction

étaient les éléments nécessaires de son existence. Il existe des sen-

sations de poids, de corps pesants pressant sur la tête, sur les

articulations, etc., qui sont toujours estimées comme des poids

plus ou moins volumineux, bien que le tissu musculaire n'existe

pas dans'les points où sont localisées ces soi-disant sensations mus-

culaires. Il y a des états pathologiques du muscle, atrophie, etc.,

mais, dans ces états, bien qu'il puisse exister de la rigidité, il

n'existe jamais de sensation de poids rapportée au muscle. La seule

sensation éprouvée est une sensation de fatigue, peut-être de dou-

leur ou d'endolorissement ; la sensation de poids est absente. Si

les muscles sont malades les sensations sont de la nature des sen-

sations organiques, et semblables à celles que l'on observe dans

les régions soumises aux centres nerveux organiques. S'il y a un

petit ulcère sous-cutané, douloureux, on peut trouver le muscle

rigide ; mais ce n'est pas la sensation de poids qui existe, c'est

celle de rigidité musculaire. Quelle que soit la cause de cette rigi-

dité, il n'y a qu'une sensation qui appartienne au muscle, c'est

celle de tension. Comment se fait-il que pour ce sens spécial il n'y

ait pas de sensation spéciale de poids ? Même chez les aliénés et

REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques'. ? -* 57

chez les sujets qui ont accompli un travail pénible, il n'est pas à-la

connaissance de l'auteur, et il n'a pas observé clu'il existe de sen-

sations subjectives rapportées spécialement au muscle. Et pourtant

les fausses sensations du toucher, de l'ouïe, etc., sont invariable-

ment rapportées aux organes qui les concernent. Les difficultés du

sujet peuvent donc se résumer ainsi : 1° les sensations de poids ne

sont pas rapportées spécialement au muscle ; 2° les muscles

malades, enflammés, etc., ne fournissent jamais d'exemples de

sens musculaire proprement dit ; 3° des muscles mis en état de

tension par un choc électrique, par des irritations cutanées, ne

donnent jamais autre chose que les sensations organiques de ten-

sion ou de fatigue ; 4° les hallucinations des aliénés rapportées aux

muscles ne fournissent pas d'exemple de ce que l'on entend par

les sensations du sens musculaire. R. de 111USGriAVe-CLl.

f

VIL' Pointe osseuse, provenant d'une fracture du crâne par coup

de feu, étant restée appuyée contre le cerveau pendant qua-

- rante-quatre ans; par D. S. Limi3. (1'Ive New-York Médical

Journal, 3 août 1901.)

Il s'agit d'un fragment de la boite crânienne, de forme irrégu-

lièrement ovale, et mesurant un pouce et demi sur cinq huitièmes

de pouce. Il a été extrait, à l'autopsie, de la scissure de Sylvius

droite, contre la première circonvolution temporale, la pariétale

ascendante et la supra-marginale : la première était un peu atro-

phiée, comme par une compression. Le fragment osseux était

enchâssé dans les vaisseaux de la pie-mère : de petits fragments

de plomb y adhéraient encore. Le coup de feu au crâne datait

de 1837 : la guérison avait été prompte et complète, sans retentis-

. sèment physique ou intellectuel. Il. de MusGHAVE.CLAY.

VIII. La Topographie de la dégénérescence corticale des paraly-

tiques généraux, et ses relations avec les centres d'association

de Flechsig; par K. Schaffer. (Neurologisches Centralblatt, XXI, ? 190).

L'auteur a étudié par la méthode des coupes en séries colorées

au moyen des procédés de Weigert et Wolters le cerveau de déments

paralytiques, c'est-à-dire de paralytiques généraux ayant présenlé

. une mégalomanie sans couleur, de la dysarthrie, de la paralysie du

facial et des pupilles. C'est ce qu'il appelle la paralysie générale

- typique. 11 donne trois observations avec figures des coupes.

Les deux premières concernent la démence paralytique sans

tabes. Le processus dégénératif est peu marqué : (t) dans les fron-

tales ascendantes et les frontales voisines; b) dans les lèvres de la

fissure calcarine; c) dans les circonvolutions de passage teiiiporo-

58 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.' ' -

pariétales profondes de Broca ou transverses temporales délleschl. ''

Il est extrêmemeut accusé : a) dans les parties antérieures et : z

basales des frontales; 6) dans tout le lobe pariétal; c) dans la parié-'

tale ascendante; d) dans les circonvolutions temporales; e)'dans ?

l'insula. Les altérations du lobe occipital tiennent le milieu' entre z

ces deux degrés.. - 1 ; -i . , e 'i ? f

La troisième observation de démence paralytique avec tabès, est r'

caractérisée par : I. une dégénérescence relativement faible : a)

de la frontale ascendante, et de la frontale la plus proche; 6) du

coin; c,) de la première temporale et du premier pli de passage tem- *

poral profond ; d) du système des fibres de la corne d'Ammon. II. '"*

une excessive dégénérescence ; a) des frontales ; b) de la pariétale Hi z

ascendante et du lobe pariétal; c) de l'iusula; d) de la circonvo- ' ·

lution du corps calleux; e) des deuxième et troisième temporales. '* !

Cette observation, tout en se confondant, quant à la topographie "

de la dégénérescence avec les cas de paralysie générale typique, '*

en présente cependant un développement plus intense.' ' v '

Conclusions. Le fait dominant en l'espèce est l'intégrité relative

des compartiments sensoriels centraux : la dégénérescence porte '

principalement sur les territoires des hémisphères que Flechsig a ''

désignés sous le nom de centres d'association. Siemerling n'a-t-il ' ''

pas dit que les fibres les plus résistantes à la lésion de la paralysie n

générale sont celles qui, chez le foetus, se myélinisentles premières :

or celles-ci correspondent presque exclusivement aux faisceaux ^

sensoriels centraux, c'est-à-dire aux compartiments 'sensoriels'

centraux. (Ueb. ar/Mc/te«6 ? t6K<Me/fe< : <H d.Gelaimzs. Neurolog. ^

Centralbl., 1898.) - 1 - , , >'

Ramon y Cajal vient, d'autre part, de découvrir dans les centres

sensoriels de l'écorce un plexus spécifique qui, composé de fibres "

centripètes, se 'termine, dans l'écorce motrice (sphère tactile du ' '

corps de Flechsig) au niveau des cellules pyramidales de' moyenne

grosseur, et, dans l'écorce visuelle, au niveau des cellules nerveuses '

étoilées (Stzadien u6. d. Hirnrinde d. Afenschelz. Bewengugsrinde, '

1900.) Ce plexus manque dans les centres d'association de I'lechsig. ' ; '

L'écorce de la pariétale ascendante ne le possède pas non plus, et *

sa fine structure se rapproche plutôt de celle de l'écorce d'associa-

tion. » *"'

Eh bien, nous voyons dans la paralysie générale. la pariétale /

ascendante tout aussi dégénérée que les localités corticales typi-'

ques de Flechsig, autant à peu près que le lobe frontal et le lobe

pariétal : cette allure contraste vivement avec l'intégrité relative

de la frontale ascendante. En un mot, les caractères d'anatomie

normale attestent, de concert avec la manière d'être pathologique, j' z

la nature associative de la pariétale ascendante. >' ' ·

La paralysie générale typique, accompagnée ou non de tabès, *' ''

se traduit par un processus dégénératif qui porte de préférence sur

REVUE D'ANATOMOE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 59

les [territoires*. de ..l'hémisphère cérébral désignés par Flechsig

comme des centres d'association.

Storch, de. son côté, dans la paralysie générale atypique, dans

celle qui se traduit moins par la démence, a peine marquée, que

par des attaques congestives, trouve une intégrité relative du lobe

frontal; la dégénérescence corticale se limite ici au territoire des

hémisphères qui a été le foyer de l'attaque congestive. (Monatsschr.

f. Psychiat. u. Neurolog, 1901.) Storch mentionne des faits où il y

avait eu monoplégie corticale, cécité corticale; surdité corticale :

les altérations histologiques portaient spécialement sur la zone

motrice, l'écorce visuelle (tissure calcarine), la première temporale.

Ce sont les cas que Storch nomme paralysies générales atypiques;

ils sont atypiques tant par leur localisation que par leur décours.

Celles de ces observations dans lesquelles le lobe frontal est affecté

se rapprochent cliniquement, proportionnellement aux altérations

de ce lobe, de la paralysie générale démentielle, typique.

La paralysie générale atypique forme, en somme, le pendant de

la paralysie générale typique. La première se traduit par un léger

affaiblissement des fonctions d'association : intégrité des centres

d'association de Fleclisig; les centres sensoriels sont lésés, ce qui

entraine des troubles correspondants. Dans la seconde, prédomine

la faiblesse des associations : il y a dégénérescence du territoire

d'association de Flechsig; les centres sensoriels sont relativement

épargnés. ' ·

Ces faitspathologiques militent en faveur de la théorie de Flechsig g

qui voit dans les territoires corticaux extrasensoriels des régions

surtout associatives.

En relevant l'atteinte prééminente de la pariétale ascendante, qui

doit être une écorce plutôt associative que sensorielle, en signalant

l'intégrité relative non pas seulement de la frontale ascendante,

mais aussi des parties contiguës des frontales, nous ne pouvons

nous empêcher de rappeler que, dans la sclérose latérale amyo-

trophique, la plupart des altérations se rencontrent dans la fron-

tale ascendante, dans la première frontale et dans la'partie contiguë

de la deuxième ; à l'endroit où celle-ci passe dans la frontale ascen-

dante la pariétale ascendante ne présente que des altérations modé-

iées.(Pi-obst. z. d. fortschr. hrlcr«>vlsmrg. ct. rnolor. Lcitungsbahnen.

Archiv ? Psych., XXX.) Charcot et Marie, Kojewnilcow et Mettent

aussi relevé que la pariétale ascendante était moins lésée que la

frontale ascendante.

La paralysie générale épargne donc exactement le territoire de

l'écorce que touche la sclérose latérale amyotrophique. Elle épar-

gne encore régulièrement la zone visuelle et la zone auditive. Tout

ceci' indique que la dégénérescence corticale de la paralysie géné-

rale est une affection élective de l'écorce du cerveau, qu'elle obéit à

des lois, que ce n'est pas une lésion diffuse au hasard. P. Keraval.

60 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

1X. Observation de ramollissement bilatéral et symétrique du

lobe frontal, accompagné de névrite optique; par ZACHER. (iyeu-

rolog. Centrulbl., XX, 1901). ' ? ' '

c Ce foyer occupe exactement et exclusivement la moitié anté-

rieure du lobe frontal; il a détruit moins l'écorce que la substance

blanche de ce lobe des deux côtés. Le reste du cerveau, y compris

la protubérance et'le bulbe, ne présente pas de grosse lésion.

Les deux moitiés antérieures des deux lobes frontaux ont donc été

réellement supprimées. Le malade ayant vécu plusieurs semaines

à la suite de son ictus, on a pu faire la part des symptômes acces-

soires, dus à Faction à distance de la lésion qui occasionne l'ictus,

et se rendre compte de ce qui appartient à la moitié antérieure

des lobes frontaux. .1 1 1

Il ne saurait être question de troubles moteurs, de troubles sen-

sitifs, de troubles de la parole. Les troubles de la parole et de la

déglutition du début tenaient aune action à distance de la lésion ;

ils ne tardèrent pas à disparaître. Les troubles des muscles des

yeux furent trop mobiles et, ultérieurement, trop faibles pour

qu'on pût les rattacher au foyer. La faiblesse marquée des muscles

du tronc et de la nuque des premières semaines disparut égale-

ment, ce qui prouve que le centre des muscles du tronc est plus

près du foyer que celui des muscles des extrémités. En réalités

2z'y a pas eu de symptômes de déficit somatiques. -

En revanche, on constata des phénomènes psychiques persistants.

Ce furent : u) un trouble de l'attention entraînant de l'amnésie;

b) l'oubli de soi-même ; c) l'inémotivité ; d) l'esprit de saillie ;

e) l'insouciance.

a) Incapable de se rien rappeler d'une heure à l'autre, le patient

percevait cependant bien ce qui se passait autour de lui, compre-

nait nettement, jugeait exactement. Il reconnaissait les personnes

à la voix (puisqu'il était aveugle), répondait judicieusement, mais

ne pouvait indiquer qui lui avait en dernier rendu visite, ce que

cette personne lui avait dit, ce qui s'était passé la veille, etc. A

côté de cela, la mémoire du passé, du déjà vécu était intacte. L'ap-

préciation du temps, de l'ordre de succession des événements, lui

manquait.

b) Il ne semblait pas touché de ce qui se passait à son sujet, de

ce qui lui arrivait ; jamais il ne parlait de ce qui pouvait lui man-

quer, de la raison pour laquelle il était placé en un autre milieu,

des allées et venues de sa femme et de ses enfants qui n'étaient

plus avec lui ; il ne s'étonnait pas de voir arriver un médecin qu'il

ne connaissait point, un oculiste qui l'examinait en détail. Il

n'était pas surpris de gâter et n'en témoignait pas de regret. Sa

cécité, la gravité de son affection, ne l'ont jamais frappé ; il n'en

disait rien, même quand on lui demandait des renseignements sur

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 61

sa vision ; jamais il n'a manifesté la moindre émotion à ce sujet.

Son état morbide n'avait, semblait-il, pas pénétré dans sa cons-

cience. Il dit un jour à un serviteur : « Allumez la lumière, il fait

tout à fait sombre », ,

c) Il percevait sans comprendre ce qu'il percevait. Comme il se

fatiguait intellectuellement assez vite, comme on ne pouvait sou-

tenir «son attention longtemps, il était impossible d'analyser la

perturbation de la personnalité. Les fonctions d'association étaient

probablement troublées; à certaines sensations et impressions

'sensorielles ne se rattachait aucune ou ne se rattachaient que

peu des idées habituelles et, par suite, ces sensations, ces percep-

tions ne faisaient plus aucune impression sur lui. Ainsi s'explique-

rait et le défaut de toute réaction émotive et l'absence d'initiative,

de vivacité d'esprit. Ce n'était pas un apathique, un indolent dans

le sens ordinaire du mot, car il répondait généralement prompte-

' ment et correctement dans un ton enjoué, avec assaisonnement de

plaisanteries. Il était encore capable de renseigner vite et juste-

" ment sur ses affaires et sa personne, de prendre des décisions cor-

respondantes judicieuses, pourvu qu'il s'agit de choses se rappor-

tant au passé. Seulement l'intelligence se fatiguait excessivement

vite, de sorte qu'au bout de peu de temps il devenait inattentif,

distrait, et souvent alors somnolait et même s'endormait profon-

dément. 1

d) Fort humoristique, il faisait volontiers des remarques ou

tenait des propos à prétention spirituelle, qui sentaient les farces

des garçons cordonniers de Berlin. Ceci contrastait avec l'état

piteux du malheureux. Il avait en réalité conservé l'habitude de

railler, comme au temps de sa splendeur physique, où il employait

"volontiers le jargon berlinois, parce qu'il ne s'apercevait pas de sa

triste position. >

''" e) Le caractère, irritable dans les premiers temps, le 'poussait

- à envoyer aisément promener les gens; il perdait vite patience.

' Plus tard, il était devenu d'une douceur, d'une insouciance remar-

quables.

L'état des yeux est tout aussi intéressant. L'étude anatomique

indique une névrite optique compliquée de nombreuses hémorra-

gies dans la papille et la rétine, et non une papille étranglée ordi-

naire, compliquée d'hémorragies. Quoi qu'il en soit, il est impos-

' sible de la rattacher aux foyers de ramollissement; il n'existe pas

-' ici de névrite optique descendante, et rien n'est en faveur d'une

infection. Rien non plus ne permet d'admettre une névrite optique

vraie. Il y avait donc en l'espèce simple coïncidence de foyers de

ramollissement frontaux et de névrite optique bilatérale compli-

quée d'hémorragies.

La cécité et l'état du fond de l'oeil qui, au début, pouvait fort

bien représenter les premiers signes de la papille étranglée, firent,

62 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de concert avec les accidents ' cérébraux, d'abord penser à' une

tumeur cérébrale. L'évolution fit abandonner ce 'diagnostic ? Plus

tard, les phénomènes cérébraux et leur marche imposèrent l'idée

du foyer de ramollissement siégeant très probablement dans le

cerveau antérieur. L'état des yeux ne s'y rattachait plus. On opina

pour l'indépendance de l'affection cérébrale et de l'affection ocu-

laire, ayant cependant pour cause commune l'athérome ou la

thrombose des vaisseaux. Les nombreuses hémorragies à disposi-

tion spéciale qui siégeaient à l'intérieur et au pourtour de la

papille proéminente firent soupçonner l'existence d'une éventualité

rare, de la thrombose bilatérale de la veine ophtalmique. L'autop-

sie montra qu'il n'en était rien, qu'il s'agissait d'une névrite

optique qui avait occasionné l'erreur de diagnostic en question

à cause des hémorragies nombreuses occupant la papille et la

rétine. ·

Cette observation doit en cette manière être rapprochée des

exemples d'affection cérébrale ou spinale compliqués de névrite

optique, dans lesquels on n'a pu constater à la genèse de la névrite

optique de cause plausible, infectieuse ou autre; on en trouve dans

la bibliographie. P. KERAVAL.

Kyste dermoïde du cerveau; par le professeur J. ÏÏALVA.

L'auteur décrit un cas de kyste dermoïde, qui siégeait dans le

lobe temporal et frontal de l'hémisphère droit chez un homme, épi-

leptique, de quarante-six annéées. Le kyste dermoïde, était rempli

de touffes de poils et de masses graisseuses. A l'examen microsco-

pique, l'auteur trouva, que les parois du kyste étaient couverts

d'épithélium pavimenteux sur une couche de tissu conjonctif sclé-

reux, qui contenait ça et là du tissu osseux, des glandes séborroï-

ques. Une trouvaille remarquable était un tissu, qui était composé

de fibrilles sclérotiques et des cellules ressemblant à des cellules

musculaires striées, comme on les trouve dans le rhabdomyoma

coi-dis. Il s'agit donc d'un reliquat du coeur.

Vu ces tissus différents il ne s'agit pas d'une inclusion seulement

de l'épiblaste, mais d'un enclavement de l'épiblaste et du méso-

blaste appartenant à un deuxième foetus. On ne peut pas caracté-

riser ce kyste comme un kyste' dermoïde simple, mais il faut le

classifier d'après le procédé de Wilms et Marchand comme une

tumeur tératoïde, c'est-à-dire comme un embryoma dermoïdal.

Le premier cas d'un kyste dermoïde du cervelet était publié par

Clairat (Gazette des hôpitaux civils et militaires, ne 42, 1838). Un

fait pour ce temps si bizarre, que la rédaction eroyait nécessaire à

ajouter sous la ligne : « Nous publions ce fait sous la garantie per-

sonnelle de l'auteur et sans oser nous prononcer en aucune ma-

nière ». D'autres cas de tératomie ou de kystes dermoïdes ducer-

t .)) ? t).)t. SOCIÉTÉS SAVANTES.. 63

veau ont été publiés par R. llaier Wood, Batliorst, Irvine, Strass-

. mann et Strecker, Tannenhain, J'rzewosky, Saxer, y non compris

les cas de kystes dermoïdes, qui se trouve dans la pie-mère céré-

brale ou dans l'hypophyse ou dans la glande pinéale. (Archives

t Bohèmes de médecine clinique, a, 1902, t.,III, fascicule 4). ? 1 1 SAVANTES

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 5 juin 1902. Présidence de M. Gombault.

Sur un cas de surdité verbale pure.

1,1\I. DÉacntNr et Thomas présentent un jeune garçon de onze ans,

atteint de troubles de l'audition depuis six mois et de troubles de

l'équilibre depuis deux mois, avec surdité verbale pure. Le père

était, alcoolique, l'enfant est intelligent mais nerveux, l'acuité

visuelle est diminuée, il y a une ébauche de signe de Romberg et

une légère altération de l'écriture. L'acuité auditive est normale,

le bruit de la montre est entendu à une distance raisonnable, la

conduction osseuse des sons est normale, l'orientation des bruits

est normale aussi, l'enfant va ouvrir quand on sonne, comprend

ce clu'il lit, comprend les jeux de physionomie, lit sur les lèvres

ce qu'on lui dit, écrit facilement, mais ne comprend pas ce qu'on

lui dit oralement. L'audition verbale seule est abolie. Il ne com-

prend plus que le mot Gustave qui est son prénom.

Les troubles de l'équilibre s'accentuent pendant le mouvement

et l'attirent en oscillations en avant et en arrière surtout en mon-

tant un escalier. Dans les yeux,'il n'existe qu'un peu de pâleur de

la pupille,. le champ visuel est normal. 11 n'y a pas lieu de voir

dans ce cas une surdité verbale fonctionnelle hystérique ni trau-

matique, bien que le sujet ait reçu près de l'oreille, y a quelque

. temps, une pomme de terre lancée avec vigueur. S'agit-il d'une

surdité verbale organique corticale, sous-corticale ou labyrin-

thique ? les symptômes ne permettent pas de préciser. Il n'y a

pas de vertige galvanique, mais les réactions vestibulaires sont

intactes, il n'y a pas de signes cérébelleux, pas de paraphasie,

'64 , SOCIÉTÉS SAVANTES.

rien qui permette un diagnostic certain. L'origine organique sem-

ble seule pouvoir être affirmée sans plus ample explication. "

M. BRISSTUD comptait justement présenter lui-même ce malade

qu'il a examiné avec M. Bonnier et M. Péchin. Ce dernier a trouvé

chez le patient une atrophie papillaire bi-latérale intense.

M. Bonnier, invité à parler, bien qu'étranger à la Société, a

trouvé chez ce malade des lésions labyrinthiques anciennes, très

accusées, et des lésions assez intenses de l'oreille moyenne avec

paracousie marquée, surtout à gauche. L'enfant est obligé, de

faire effort pour entendre et comprendre,'il saisit encore quelques

mots et lit facilement sur les lèvres. Il y a chez lui des phéno-

mènes suspensifs plutôt que des phénomènes de déchet organique.

Les lésions oculaires qu'il présente correspondent aux lésions

auriculaires anciennes qu'elles accompagnent souvent. Néanmoins

les lésions labyrinthiques ne suffisent pas pour expliquer la sur-

dité verbale pure. Il n'y a d'autre part aucun trouble du langage

intérieur. Les lésions périphériques jouent en tout cas un grand

rôle dans ce cas.

M. B 13r-,qsKi. L'examen voltaïque du vertige étant négatif, il y a

une lésion bi-auriculaire. ' " "'

Faciès de Sphinx dans la myopathie.

MM. Gilbert Ballet et Delherm montrent deux malades affectés

de myopathie chez lesquels on constate un faciès assez particulier

produit par l'élargissement de la base du cou, élargissement bi-

latéral chez le premier malade, unilatéral chez-le deuxième. Cet

élargissement dépend de la saillie du muscle trapèze, saillie qui

parait tenir elle-même à la prédominance d'action du faisceau

supérieur (claviculaire) du muscle par suite de l'atrophie des fais-

ceaux inférieurs.

Le cou ressemble à celui des statuettes égyptiennes, particuliè-

rement du Sphinx, le trapèze rappelant l'aspect des bandelettes

latérales qui, dans les statuettes en question, tombent de la coif-

fure. C'est la raison pour laquelle les auteurs proposent de désigner

ce faciès particulier de certains myopathiques sous le nom de

faciès de Sphinx. MM. Déjerine et Marie : C'est la forme classique

du cou dans les myopathies.

Préparations d'un cas de névrite hyperlrophique.

MM. DFJERINP et Thomas. Les symptômes ont été : ataxie avec

atrophie musculaire et scoliose. La moelle épinière avait conservé

son volume normal, il y avait des lésions des faisceaux de Bur-

dach dans la région dorsolombaire et du cordon de Goll dans la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 65

région cervicale. Les racines étaient molles, gélatineuses, lar-

dacées ; les nerfs périphériques étaient gros et durs. Les racines

étaient faciles à dissocier, les nerfs résistants. Dans les racines,

l'hyperplasie conjonctive n'est pas le principal phénomène, le rôle

important est dévolu à la multiplication des tubes nerveux comme

dans un véritable névrome. Dans les nerfs périphériques au con-

traire, l'hyperplasie conjonctive est énorme et les tubes, nerveux

sont très raréfiés. L'affection était familiale et, fait curieux, le

' phénomène d'Argyll-ltobertson existait chez les trois malades

atteints dans la famille, bien que pour l'un d'eux l'absence de

syphilis fût prouvée. La névrite hypertrophique serait donc la

seule affection pouvant donner le signe d'Argyll sans syphilis.

M. Meunier communique un cas d'atrophie musculaire progres-

sive, avec contractures transitoires d'un membre. 1

>1111. EGGeR et. Déjerine communiquent deux cas de paralysie

radiculaire par arrachement, compliquée d'hémalomyélie.

Sensibilité osseuse décelée par le diapason.

M. EGGER présente le diapason avec lequel il recherche la sensi-

bilité osseuse et qu'il considère comme l'irritant spécifique des os.

Les vibrations du diapason atteignent ceux-ci sans impression-

ner les parties molles interposées. Une tabétique dont la peau

est demeurée sensible ne sent pas le diapason appliqué sur le

tibia ; au contraire, une malade atteinte de paraplégie spasmo-

dique et qui a perdu toutes les autres sensibilités, a conservé sa

sensibilité osseuse au diapason (ce qui expliquerait la non-flacci-

dité de sa paralysie). Il y a donc dissociation possible des autres

sensibilités et de la sensibilité osseuse.

M. Dufour. En effet, la cocaïne qui anesthésie tous les autres

tissus, n'anesthésie pas les os.

M. Touche montre les pièces d'un cas d'hémiplégie infantile avec

athétose.

M. BRISSAUD présente un doigt à ressort très caractérisé chez un

névropathe. Les chirurgiens n'ont-ils pas tort d'avoir, après tant

d'autres choses, accaparé le doigt à ressort.

Marteau automatique et gradué.

M. Maurice Dupont présente un petit appareil qu'il a expéri-

menté dans le service de clinique de M. le professeur Joffroy pour

la recherche et la mesure des réflexes tendineux. Cet appareil, à

percussion automatique et graduée 1, se compose d'un petit mar-

' Cet appareil a été construit sur les indications de M. Dupont par la

maison Mathieu.

Archives, 2° série, t. XIV. 5

66 BIBLIOGRAPHIE.

teau-pilon actionné par un ressort dont la tension est réglée au

moyen d'une tige'd'acier graduée qui permet d'armer l'appareil.

Le déclanchement du marteau a lieu sous la pression du doigt ap-

puyé sur le déclic. Un autre ressort antagoniste du premier et plus

faible, relève le marteau aussitôt sa course effectuée, de telle sorte

que le choc instantané est à peine perceptible, et chose intéres-

sante à noter, le réflexe a lieu avec un contact d'une durée inap-

préciable. - .. , ' . -- ' - -itt. i-e ,>}

M. Dupont fait voir sur des photographies les points d'élection

à utiliser pour appliquer l'appareil afin d'obtenir des résultats

comparables et dans des positions déterminées sur le corps à nu.

En recherchant les réflexes avec la force la plus faible, on peut

établir une courbe qui a son intérêt dans des maladies à marche

lente comme le tabes.. * '

Cet appareil aura son utilité à l'hôpital et pour l'enseignement

puisqu'il permet de mettre en évidence la différence dans l'état des

réflexes sur un même malade de chaque côté du corps sans qu'on

puisse faire intervenir la différence dans le mode de percussion.

L'application de cet appareil se prête particulièrement à la re-

cherche des réflexes du masséter, du carpe, etc, plus délicats à

obtenir avec le marteau classique. * ,.

M. Pagniez montre les photographies d'un cas d'hémiplégie avec

aphasie sensorielle. - ' ' '

111. Halipré envoie une observation de syndronae d'fldaoi-.SGokes.

F. Il01SS1EE.

BIBLIOGRAPHIE

I. Essai sur l'hémiplégie des vieillards; par Jean Ferrand.

Thèse 1902. J. Rousset, éditeur.

Jean Ferrand étudie, d'après l'enseignement de Pierre

Marie, l'hémiplégie des vieillards et sa lésion anatomique : les

lacunes de désintégration cérébrale.

On appelle du nom de lacunes les pertes de substance déter-

minant une cavité plus ou moins volumineuse dans le cerveau.

Leur description anatomique et clinique, bien qu'elles'aient été

signalées cà et là antérieurement par quelques auteurs,' date de la'

communication de P. Marie au Congrès de médecine de 1900. On

les observe dans les noyaux centraux, surtout dans le noyau len-

ticulaire, et elles apparaissent nettement sur une coupe de Flechsig.

BIBLIOGRAPHIE. 67 -1

Quelquefois elles sont multiples et disséminées. Elles ont des

dimensions variant de celles d'une lentille à celles d'un haricot.

Leur cavité est remplie d'un liquide lymphatique, d'éléments ner-

- veux (fibres et cellules névrogliques), d'éléments figurés du sang;

'elle est traversée par un vaisseau qui en constitue l'axe.

"La lacune est formée par une raréfaction du tissu cérébral

autour d'une artériole, perméable, présentant quelquefois des corps

granuleux dans sa tunique moyenne. Elle semble liée à l'artério-

sclérose et différente de l'hémorragie, du ramollissement et des

encéphatites déjà décrites. Elle doit être différenciée de l'état

criblé du cerveau de Durand Fardel qui est un aspect normal dû

aux artérioles, de la porose cérébrale en fromage de gruyère

qui est due probablement à des altérations cadavériques. 1

Les lacunes produisent chez les vieillards une hémiplégie à

symptomatologie particulière. Le tableau clinique est le suivant :

ictus sans perte de connaissance; hémiplégie partielle, incom-

plète, dysarthrie ; conservation du sens stéréognostique. Tous ces

phénomènes sont transitoires et il n'en subsiste pour caractériser

le « lacunaire » que' quelques troubles : la « marche à petits pas »,

l'impossibilité de boutonner un vêtement avec la main qui a été

paralysée, l'impossibilité d'occlusion isolée de l'oeil de ce côté,

l'amnésie. Le lacunaire peut guérir définitivement ou avoir plu-

sieurs ictus qui le conduisent au gâtisme (alitement permanent,

incontinence d'urine et de matières, eschares) ; il peut succomber

à l'hémorragie cérébrale, lésion qui est peut-être née de la lacune.

Les lacunes sont fréquentes : elles expliquent 75 p. 100 des hémi-

plégies chez les vieillards, l'hémorragie se rencontrant dans 15

p. 100 des cas et le ramollissement dans 10 p. 100.

La thèse de Ferrand, par l'exposé clair et par les beaux clichés

qu'elle contient, met au point une des questions les plus impor-

tantes de l'anatomie pathologique du système nerveux.

O. CROUZON.

II. Les enfants retardataires ; par le Dr APERT. (Les actualités

médicales, vol. in-16, de 96 p., J.-B. Baillière et fils.)

Le volume de M. Apert est un essai de mise au point de cette

question si intéressante des retards de développement. Pour en

arriver à cette conclusion que la thérapeutique n'est pas impuis-

sante en face de ces manifestations, l'auteur décrit un certain

nombre de types un peu arbitraires, il faut l'avouer, ce défaut

provient de ce que l'auteur n'a pas suffisamment comparé entre

eux les sujets groupés par lui sous le nom de retardataires' ; il

1 On se demande pourquoi créer ce nouveau terme ? Le mot arriéré,

quoi qu'en dise M. Apert, n'est nullement synonyme d'idiot et la confu-

sion n'est faite que par ceux qui ne fréquentent pas les asiles spéciaux.

68 BIBLIOGRAPHIE.

eût été nécessaire pour cela d'observer un plus grand nombre de

ces malades et d'en suivre l'évolution. C'était facile, eu égard à la

fréquence de ces types dans nos asiles et en particulier à Bicêtre

où M. Bourneville consacre la matinée du samedi à montrer les

résultats qu'on peut espérer du traitement médico-pédagogique

bien conduit et longtemps. De ce fait la valeur clinique du livre

est très diminuée. Pourquoi par exemple' affirmer qu'il faut dis-

tinguer « entre les malformations acquises dues à des lésions céré-

brales survenues dans la vie foetale ou ! 'dans la première enfance,

comme cela se fait chez les idiots proprement dits et les simples

stigmates de dégénérescence que l'on observe si fréquemment chez

les arriérés... Les idiots ne présentent-ils donc pas des stigmates

de dégénérescence ? Ces déformations céphaliques, ces anomalies

si fréquemment constatées, n'ont-elles pas le droit d'être considé-

rées comme telles ? Un arriéré, même un arriéré placé au voisinage

de l'état normal, est souvent devenu ainsi parce que une lésion de

ses centres nerveux a existé un moment donné. Il a eu la chance

que cette lésion fut légère, ou peu étendue, ou évoluât heureuse-

ment. Mais chez un idiot profond, la lésion peut aussi rétrocéder,

et il n'est heureusement pas rare que des sujets qui étaient en bas-

âge dans un état de déchéance navrante présentent dix ans après

des signes d'une simple arriération. Cette distinction de M. Apert

n'est donc pas basée sur une observation personnelle et suffisante 1.

Pour ne pas insister sur ce sujet trop longuement, déclarons que

les autres chapitres de ce livre sont extrêmement étudiés et extrê-

mement documentés. L'auteur y a réuni toutes les notions rela-

tives à la question. Les causes du retard, la pathogénie de l'affec-

tion, son anatomie pathologique sont exposées avec clarté et pré-

cision. M. Apert donne un excellent conseil en demandant que les

arriérés soient mensurés; on se demande même pourquoi il n'a pas

cru devoir prendre sur les divers sujets qu'il a été à même d'exa-

miner, les mensurations qu'il recommande ?

Les conclusions sont excellentes et il faut louer l'auteur de con-

tribuer à faire connaître au corps médical qu'un traitement bien

compris redonnera dans la société humaine une place à ceux qui

l'avaient perdue par suite d'une maladie. '

III. Diagnostic des maladies de la moelle. Siège des lésions ; par le

Professeur Grasset. (Les actualités médicales, 1 vol., 96 pages,

J.-B. Baillière, éditeur.)

Etant donné un malade chez lequel on a reconnu une maladie '

de la moelle, comment peut-on cliniquement déterminer le siège

précis de l'altération médullaire ?

1 On trouvera de nombreux documents dans les 21 volumes des Comptes

rendus du service des enfants de Bicêtre.

VARIA. T' 69

C'est à cette question que l'auteur apporte une réponse avec sa

compétence ordinaire.

Dans un premier chapitre, il étudie la séméiologie des systèmes

de la moelle, c'est-à-dire les signes auxquels on reconnaît le siège

de l'altération médullaire dans tel ou tel système de cet organe.

C'est ainsi que sont successivement passés en revue :

, 1° Le 'syndrome des cordons postérieurs : troubles sensitifs et

ataxie ; 2° le syndrome des cordons antéro-latéraux : état paréto-

spasmodique, contractures et tremblement intentionnel ; 3° le syn-

drome associé des cordons postérieurs et latéraux : état ataxospa-

smodique ; 4° le syndrome des cornes antérieures : atrophie

musculaire; 5° le syndrome associé des cordons latéraux et des

cornes antérieures : atrophie musculaire spasmodique ; 6° le syn-

drome de la substance grise centro-postérieur : dissociation, dite

syringomyétique, des sensibilités (et troubles vasomoteurs) ; 70 le

syndrome associé des cornes antérieures et de la substance grise

centro-postérieure (syndrome de l'entière substance grise) ; atro-

phie musculaire, dissociation dite syringomyélique des sensibi-

lités et troubles vaso-moteurs ; 8° le syndrome d'une moitié latérale

de la moelle : hémiparaplégie croisée.

Dans un second chapitre, l'auteur fait l'étude du diagnostic de

siège des lésions, en hauteur. Après avoir établi les principes géné-

raux du diagnostic en hauteur, il examine successivement le syn-

drome radiculo-segmentaire du cône médullaire ; le syndrome

radiculo-segmentaire de la moelle sacrée : le syndrome radiculaire

de la moelle lombaire; le syndrome métamérique ou segmentaire

de la moelle lombo-sacrée ; le syndrome radiculaire de la moelle

dorsale; le syndrome métamérique ou segmentaire de la moelle

dorsale ; le syndrome radiculaire de la moelle brachiale ; le syn-

drome segmentaire ou métamérique de la moelle brachiale et enfin

le syndrome de la moelle cervicale. E. B.

VARIA.

Douzième congrès des médecins aliénistes et neurologistes

Session de Limoges .

programme

Vendredi 1er août. 9 heures, séance solennelle d'ouverture du

Congrès, à l'hôtel de ville. 10 h. 1/2, visite du musée-bliblio-

thèque. 2 heures, séance à l'Ecole de médecine ; installation du

bureau.

70 VARIA.

Discussion de la 110 question du programme : Des états anxieux'

dans les maladies mentales. Rapporteur : M. LALANNE, deiBor-1 4

deaux. 8 heures, réception à l'hôtel de ville. iv

Samedi 2. 9 heures, séance à l'Ecole de médecine. Discus-;S

cussion de la 2e question : Les tics en général. Rapporteur : '

M. Noguès, de Toulouse. 2 heures, continuation de la discus-'

sion ; communications diverses; désignation du siège du prochain z

Congrès et élection du président. Le soir, banquet du Congrès à

par souscription..), v '

Dimanche 3. Excursion à la Mure ; retour en voiture par les'' °'

lacs de Laffrey. ,t f

Lundi 4. Visite de l'asile de Saint-Robert : 8 h. 1/2, visite de

la ferme ; 10 heures, visite de l'asile ; déjeuner offert par le Conseil "'

général ; 2 heures, séance à l'asile ; communications diverses. ,

Mardi 5. 9 heures, séance à l'Ecole de médecine. Discus-

sion de la 3e question : Les auto-accusateurs au point de vue inédico-

légal. Rapporteur : AI. Ernest DupRr, de Paris. - 2 heures, com-

munications diverses. , .

Mercredi 6. Départ de Grenoble en chemin de fer pour la''

Grande-Chartreuse par Voiron et Saiut-Laurent-du-Pout; visite de'

la fabrique de liqueurs à Fourvoirie ; déjeunera Saint-Pierre-de-r

Chartreuse. 2 heures, départ pour le couvent : visite du couvent -

et séance; communications diverses. (Les dames ne sont pas ad- '

mises à l'intérieur du monastère). Excursion très facile et faculta- cl

tive à Notre-Dame-de-Casalibus et chapelle de Saint-Bruno. Retour

et coucher à Saint-Pierre-de-Chartreuse. ' ` '

Jeudi 7. Excursions au choix : 1° ascension au Grand-Som '

(2 033 mètres d'altitude). Se munir de bonnes chaussures ferrées ;

2° excursion facile au habert de Malamiffe. Vu les nombreux sous-

bois, MM. les amateurs photographes feront bien de* se munir de

plaques orthochromatiques. Déjeuner général à Saint-Pierre-de-

Chartreuse. Fin du Congrès. Retour en voiture à Grenoble par le

Sappey. (Si un certain nombre de congressistes le désirent, une '

excursion aura lieu le vendredi 8, à Bourg-d'Oisans, point de dé-'

part de nombreuses excursions dans la haute montagne.)

Observations. I. Les membres du Congrès sont priés de faire

connaître immédiatement au secrétaire général s'ils ont l'intention

de prendre part à la réception de l'hôtel de ville, à l'excursion àc,

la Mure, aux banquets du Congrès et de l'asile, à l'excursion à la Y

Chartreuse et à l'ascension du Grand-Som. ci- ' ' '

IL MM. les adhérents qui désireront profiter des réductions .'

accordées par les Compagnies de chemins de fer, sont invités à -

adresser directement, avant le 6 juillet, à M. le D'' Régis, président

du Congrès (154, rue Saint-Sernin, à Bordeaux, Gironde), l'indica- t

tion : 1° de leur nom et adresse, lisiblement écrits; 2° de leurgarete

VARIA. 71 1

le,départ et, si le voyage exige un trajet sur plusieurs réseaux, de

la'gare de départ sur chaque réseau. Chaque Compagnie délivrera

un coupon spécial pour la partie du trajet qui la concerne; 3° de

la classe en laquelle ils désirent effectuer le voyage. Le retour doit

être effectué par la même voie que'l'aller. Les dames n'ont pas

droit à la réduction. z

III. MM. les adhérents sont priés d'envoyer au secrétaire gé-

néral les titres des communications qu'ils se proposent de faire. ' '

IV. Nous prions MM. les congressistes qui ne nous ont pas

encore envoyé leurs cotisations de vouloir bien nous les adresser

au plus tôt, afin d'éviter des frais de recouvrement. ·

N. - Le secrétaire général se met à la disposition de MM. les

congressistes pour les renseignements dont ils auraient besoin.

wrMi',1 CONCOURS POUR l'emploi DE médecin adjoint

>&** ' DES ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS

.1 j- ...

Le président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes,

Sur la proposition du conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et

de l'Hygiène publiques; Vu la loi du 30 juin 1838, l'ordonnance

du 18 décembre 1839, les décrets des 0 juin 1863 et 19 octobre 1894 ;

Vu les arrêtés ministériels des 18 juillet et 24 octobre 1888 et

des 12 juin 1899 et 7 mars 1900 ; Vu l'avis du Comité des ins-

pecteurs généraux en date du 10 décembre 1901, arrête : '

Article premier. Un concours pour l'admission aux emplois

de médecin adjoint des Asiles publics d'Aliénés s'ouvrira à Paris, le

lundi 10 novembre 1902.'

Art. 2. Les candidats devront être Français et docteurs en

médecine d'une des facultés de l'Etat, avoir satisfait a la loi sur le

recrutement de l'armée et ne pas être âgés de plus de trente-deux

ans, au jour de l'ouverture du concours; ils devront justifier d'un

stage d'une année, au moins, soit comme internes dans un asile

public'ou. privé consacré au traitement de l'aliénation mentale,

soit comme chefs de clinique ou internes des hôpitaux nommés au

concours. /

Leur demande devra être adressée au ministre de l'Intérieur, qui

leur fera connaître si elle est agréée et s'ils sont admis à prendre

part au concours. Elle devra parvenir le jeudi 9 octobre 1902, au

plus tard, au ministère de l'Intérieure 1 ? bureau de la direction de

l'Assistance et de l'Hygiène publiques, 7, rue Cambacérès, qui est

exclusivement chargé de l'organisation du concours). ' '

Cette demande sera accompagnée de l'acte de naissance du pos-

tulant, de ses états de service et d'une note résumant ses titres et

travaux scientifiques, ainsi que des pièces faisant la preuve de son

stage -et de l'accomplissement de ses obligations militaires.

72 VARIA.

Art. 3. Le jury chargé de juger le résultat du concours sera

composé comme suit : 1° un inspecteur général des services admi-,

nistratifs du ministère de l'Intérieur, désigné par le ministre, pré-

sident ; 2° trois professeurs, agrégés ou chargés de cours des ma-

ladies mentales, en exercice dans des Facultés ou Écoles de médecine

de l'État ; 3° trois directeurs médecins ou médecins en chef d'asiles

publics d'aliénés ou de la maison nationale de Cbarenton ; 4° enfin,

un juré suppléant pris parmi les directeurs médecins ou médecins

en chef des mêmes établissements. Tous les jurés seront désignés,

par le ministre de l'Intérieur, sur la proposition du Comité des

inspecteurs généraux.

Les professeurs, les agrégés ou les chargés de cours seront elioi-

sis dans des Facultés ou Écoles différentes. Les directeurs médecins,

et les médecins en chef devront eux-mêmes être pris dans des éta-

blissements différents et, en outre, appartenir à des asiles situés

hors du ressort des Facultés qui auront fourni les professeurs, les

agrégés ou les chargés de cours. En cas d'absence, le président est

remplacé par un autre inspecteur général- des services, adminis-

tratifs désigné par le ministre de l'Intérieur.

S'il se produisait plusieurs absences parmi les autres membres

du jury, il serait fait appel au juré suppléant pour remplacer le

premier juré absent et les épreuves continueraient, de plein droit,

avec les membres restants.

Art. 4. Les épreuves seront toutes subies à Paris, sous le con-

trôle de l'inspecteur général, président. Les épreuves écrites sont

éliminatoires. Les épreuves sont au nombre de cinq, savoir : 1° une

question écrite portant sur l'anatomie et la physiologie du système

nerveux, pour laquelle il sera accordé trois heures aux candidats;

le maximum des points sera de 30 ; 2° une question écrite portant

zur l'organisation des asiles publics d'aliénés et sur la législation

des aliénés, pour laquelle il sera accordé deux heures; le maxi-

mum des points sera de 10; 3° une question orale portant sur la

médecine et la chirurgie en général, pour laquelle il sera accordé

vingt minutes de réflexion et quinze minutes d'exposition ; le

maximum des points sera de 20 ; 4° une épreuve clinique sur deux

malades aliénés. Il sera accordé trente minutes pour l'examen des

deux malades, quinze minutes de réflexion et trente minutes d'ex-

position. L'un des deux malades sera plus spécialement examiné

au point de vue médico-légal ; le maximum des points sera de 30.

Aucun des candidats ne pourra subir cette épreuve dans l'asile

auquel il appartient ou aura appartenu depuis moins de trois ans ; -,

5° une épreuve sur titres. Le maximum des points sera de 10 pour

cette épreuve et les points devront être donnés au début de la

séance de correction des épreuves écrites. Il sera tenu compte de >

ces points en vue de l'admissibilité des candidats aux épreuves

orales et cliniques. ,

VARIA. 73

Art. 5. = Le nombre des places mises au concours est fixé à

dix' : il ne pourra, dans aucun cas, être dépassé. Aucun délai n'est

garanti pour la nomination des candidats reçus au concours. Au

sur et à mesure des vacances d'emploi qui se produiront dans les

asiles d'aliénés,' les candidats déclarés admis seront nommés sui-

vant l'ordre de classement par mérite établi par le jury. C'est à

partir du jour de l'installation effective du médecin adjoint que

commenceront à courir ses services. Les avancements de classe

pourront être accordés par le ministre, savoir : aux directeurs mé-

decins et médecins en chef, après trois ans de stage, au minimum,

dans la classe inférieure ; aux médecins adjoints, après deux ans,

au minimum, dans la classe précédente. ,

Art. 6. Sont et demeurent abrogées les dispositions anté-

rieures' du présent arrêté, notamment celles de l'article 8 du

7 mars 1900, qui dispensait du concours le chef de clinique de

pathologie mentale et des maladies de l'encéphale à la Faculté de

médecine de l'Université de Paris. Ge dernier se trouvera désor-

mais soumis aux mêmes conditions que les autres candidats.

Art. 7. Le conseiller d'Etat, directeur de l'Assistance et de

l'Hygiène publiques est chargé de l'exécution du présent arrêté.

- Pans, le 9 mai 1902.

Waldeck-Rousseau.

Annexe de l'arrêté du 9 mai tu. En vertu du décret du 49 oc-

tobre 1894, les cadres et traitements des directeurs médecins, mé-

decins en chef et médecins adjoints des asiles publics d'aliénés ont

été établis ainsi qu'il suit :

74 y VARIA.

A ces traitements s'ajoute la jouissance des avantages en nature

déterminés par le règlement (logement, chauffage, éclairage) ! j" '*

1 1 1 . rnR^. W wfn 1

, LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ...-> ? > . ;t, ) ,,

Sous ce titre : Un foti dangereux, le Progrès de l'Eure

du 13 mai relaté - le fait suivant : ' , , , , r ? ? '13 T- ', ,

« La gendarmerie a conduit hier matin à Bernay, pour être °

interné à l'hospice, un nommé Anquetin, journalier,'âgé'de'

soixante ans, qui, atteint d'aliénation mentale depuis plusieurs

années, est devenu tout à coup dangereux. Avant-hier, il s'était

rendu chez le maire de la commune et après avoir jeté des pierres

dans la porte, l'avait menacé de son fusil. » .... ' . '.

Cet homme aurait dû être hospitalisé « depuis plusieurs

années », c'est-à-dire au début de sa maladie. On s'y, décide

parce qu'il a voulu attenter à la vie de 31. le Maire, qui au-r.

rait pu payer de sa vie son incurie, car il aurait dû, faire

interner son administré. Il est probable que s'il ne l'a pas

fait plus tôt, c'est afin d'économiser une dépense à sa con-

mune. Rappelons que la loi du 30 juin 1838 n'est pas seule-

ment une loi de police, mais aussi et surtout une. loi.de,n

bienfaisance et d'assistance. , ~,t>' '< * i

- < .,....q;

Hospitalisation des IDIOTS , . t^y

Sous ce titre : l'Immoralité et la campagne, le Bonhomme Normand "

du 8 mai relate le fait suivant : « François Lecoeur, trente-six ans,' '

journalier, à Sainte-Marguerite-de-Viette, a de singulières manières

quand il est ivre. Il ne peut rencontrer une petite fille sans se

livrer devant elle à des actes coupables. La jeune Charlotte Le- ' ·

puyader, quatorze ans, servante, revenait de la messe à Livarot,,

lorsqu'elle rencontra Lecoeur. qui se déboutonna devant elle en,

essayant de l'entraîner avec lui. La fillette se sauva et raconta les

faits à son maître qui porta plainte. L'enquête a établi que Lecoeur, .

était zrnllezi idiot. Le tribunal correctionnel de Lisieux l'a condamné ,

à deux mois de prison, avec la loi Bérenger. » , , "

Attentat à la pudeur. Ces jours-ci, deux petites filles d'Etur-

queraye revenaient de l'école de Brestot, lorsque le nommé Joseph

Langlois, âgé de trente-cinq ans et idiot, prit dans ses bras l'aînée,,

âgée de neuf ans et demi, et l'ayant emportée dans un herbage, ti

commit sur elle un attentat à la pudeur. Il paraît, de son propre;,

aveu, que c'est le troisième fait de ce genre commis par cetirres-

ponsable. Sa mère a promis de le surveiller. (Le Progrès de l'liure, n

10 juin 1902.) ' ' 1 , . .( )'" > <<(.

VARIA. 75

Outrage public à la pudeur et tentative de viol sur une idiote.

Joseph Leneveu, trente-six ans, terrassier à la construction de la

ligne du tramway de Caen à Falaise, avait entraîné une jeune fille

n'ayant pas sa raison et essayait d'abuser d'elle dans une écurie de

routaine-le-Pin, près Langannerie, lorsqu'il fut arrêté par le sieur

Leroy, cultivateur. Leneveu, qui était ivre, a été condamné par le

tribunal correctionnel de Falaise à trois mois de prison et à

16 francs d'amende pour outrage public à la pudeur (Bonhomme

Normand du 22 mai). ZD

Tous ces'cas montrent la nécessité de l'hospitalisation.

Avec le traitement médico-pédagogique, quand les idiots

sont jeunes, on peut les améliorer, même les guérir.

F" NÉCESSITÉ DE L'IIOSPIT.1LISAT10N DES ÉPILEPTIQUES

Nous avons retrouvé récemment plusieurs faits qui auraient

. du être publiés plus tôt. Ils n'en sont pas moins démonstra-

tifs, bien que n'étant pas d'actualité.

Un triste accident a mis eu émoi, le jour de Noël, les habitants

de la route d'Evreux à Louviers. La femme Filâtre, journalière,

âgée de soixante-deux ans, a été trouvée par son mari, vers sept

heures du soir, à moitié carbonisée près de son poêle renversé.

Les voisins ont aidé Filâtre à relever le cadavre de sa femme, dont

les chairs tombaient en lambeaux. Comme cette malheureuse était

sujette à des attaques d'épilepsie, on suppose qu'elle sera tombée

sur le poêle, qui, en se renversant sur elle, aura mis le feu à ses

vêtements. (Rappel de l'Eui-e, fer janvier 1895.)

La gendarmerie de Montargis, sur la demande du maire de Châ-

lette, s'est transportée au hameau du Vésine à l'effet de constater

la folie furieuse dont venait, d'être happé un nommé Terroux

(Michel), âgé de trente et un ans, ouvrier à la fabrique de Langlée,

commune de Châtelette. Le médecin, M. le docteur Vialette, appelé

immédiatement, a déclaré que Terreux était atteint de folie épi-

/epu6 et que son admission à l'hospice de Montargis était urgente.

Ce qui a été fait immédiatement. Terroux est sujet suisse, il est né

à Genève le 18 juin 1864. Il est marié et père de famille, (Le Iiépu-

blicain Orléanais, 26 juillet 189.)

Toute la maison du n° 9, rue des Savonnières, était en émoi hier

soir, entre 8 heures et demie et 9 heures, au sujet de la locataire

du premier étage, Emma M..., âgée de trente ans, qui se tordait

dans de terribles convulsions. Effrayés, les voisins crurent à un

empoisonnement, cette personne ayant tenté de se suicider il y a

quelque temps. Un courut sur la place d'Armes quérir des gar-

diens de la paix de service, qui se transportèrent dans la maison

76 VARIA.

et firent prévenir M. le docteur Guiol. Le médecin légiste constata

que Emma M..., était en proie à une violente crise épileptiques et

ordonna son envoi à l'hôpital civil. Une voiture transportait quel-

ques instants après la malade dans cet établissement. (Le Petit

Va ? ,, le, septembre 1895.)

Hier lundi, vers 7 heures du soir, un malheureux, atteint (l'épi-

lepsie, après s'être présenté chez un manufacturier du Vouldy, fut

pris subitement d'une crise épileptique et tomba sur la chaussée

boueuse en se tordant dans d'horribles souffrances.

La police, informée du fait, lui vint en aide et le transporta dans

une voiture à bras au bureau central où il reçut les soins que récla-

mait son état. Le pauvre malheureux, ayant enfin recouvert l'usage

de ses sens, fut reconduit à son domicile. (Le Petit Troyen du

14 novembre 1895.)

Un club de Genève avait organisé une course au Vergys, mon-

tagne située aux environs de Bonneviile et dont l'ascension

comporte la traversée d'une arête très dangereuse. Au dernier

moment, un jeune Allemand, nommé Kirschtinck, âgé de vingt-

six ana, ouvrier tapissier, vint demander aux excursionnistes de

se joindre à eux. Ces derniers acceptèrent, ignorant que' leur

nouveau compagnon était épileptique.

Arrivé sur la fameuse corniche, appelée Arête-Verte, tout à

coup Kirschhnek pâlit, grinça des dents et se mit à gesticuler,

en proie- une crise occasionnée sans doute par la fatigue et la

marche. Ses compagnons se précipitèrent et essayèrent de le

maintenir par la force sur l'étroit espace où il se tordait, mais

dans un spasme violent, le malheureux leur échappa des mains et

roula dans le vide. Après avoir rebondi sur une pente glacée, le

corps vint s'abattre sur un banc de rochers à une centaine de

mètres en contre-bas. On ne releva qu'un cadavre, le malheureux

avait le crâne fracassé, la colonne vertébrale et une jambe brisées

en plusieurs endroits. (Lanterne, 25 mars'1899.)

On a découvert dans le bois de Damelevières (Meurthe-et-

Moselle) un journalier de Lunéville, Charles Labarthe, cinquante-

quatre ans, gelé jusqu'à la ceinture. 11 s'étaitrendu en forèe. le 2 jan-

vier dernier lorsqu'il fut frappé d'une crise d'épilepsie. Quand il re-

couvra ses sens, Labarthe ne put reprendre le chemin de la maison ;

il avait les jambes gelées et pouvait à peine se traîner. Le malheu-

reux, depuis lors, dut se nourrir deracinespénibtement arrachées au

sol durci, et il serait infailliblement mort de faim si on ne l'avait

point découvert. Le journalier a été transporté à l'hôpital dans un

état très grave. (Bonhomme Normand n° G, 1902).

Dans un café, hier, vers onze heures trois quarts du soir, un

consommateur, M. Eugène I..., vingt et un ans, étudiant à Aix et

FAITS DIVERS. I t

de passage dans notre ville, a été pris d'une violente crise épilep-

tique. M. le De Daspres et un ou deux de ses confrères lui ont pro-

digué des soins. M. I... a été ensuite conduit en voiture à l'hôpital

civil; mais à son arrivée, une sensible amélioration s'étant pro-

duite dans son état, il est rentré à l'hôtel. (Petit Var du 21 novem-

bre 1895.) ,

Un passager, natif des environs de Montargis, était pris subite-

ment, presque en face de la maison d'école de Givraines, d'une

attaque d'épilepsie. Il tomba sur le milieu de la route. 11 fut relevé

par le garde champêtre et M. Greloux. Après lui avoir donné les

soins nécessaires et qu'il eut repris complètement connaissance, il

fut conduit chez M. Labrosse, aubergiste, où il mangea d'un assez

bon appétit, puis il se dirigea surBeaumont. (Le Républicain orléa-

nais, 23 décembre 1895.)

Les épileptiques doivent être hospitalisés, traités avec

soin, occupés à des travaux manuels (ateliers, fermes). Si les

accès deviennent très rares, ils peuvent retourner chez eux.

S'ils retombent malades, ils doivent être réhospitalisés sans

difficulté. B.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Mouvement d'avril. M. GRUIIIER, directeur

de l'asile d'aliénés de Rennes, nommé directeur de l'asile d'aliénés

de Maréville (Meurthe-et-Moselle), en remplacement de M. Bresson

non acceptant et admis à l'aire valoir ses droits à la retraite ;

M. le D1' DEZWARTE, médecin-adjoint à l'asile de Bailleul, promu à

la classe exceptionnelle du cadre; AI. CUVELIER, économe de

l'Institution nationale des sourds-muets de Paris, nommé directeur

de l'asile d'aliénés de Rennes.

Nécrologie. M. le Dr Meredith Clymer, ancien professeur des

maladies nerveuses à l'Albany Médical Collège. Nous avons le

vif regret d'apprendre la mort de M. le Dr Falret. Nous lui consa-

crerons une notice biographique dans notre prochain numéro.

Quartier d'aliénés de Gaillon. Le ministre de l'Intérieur vient

de prendre une décision d'après laquelle le quartier spécial d'alié-

nés et épileptiques de Gaillon, installé dans une des dépendances

de l'ancienne maison centrale, cessera, à dater du 4 janvier 1903,

78 , » FAITS DIVERS.

de faire partie des services de l'administration pénitentiaire ? pour

dépendre, comme établissement national de bienfaisance, des ser-

vices de l'Assistance et de l'Hygiène publiques. Ajoutons que,

depuis plusieurs mois déjà, la direction provisoire de cet établisse-

ment est confiée à M. le Dr Leroy, le distingué médecin de l'asile

de Navarre (.P)'<wes6<'B ! t ? 'e, 13 mai). . ' ? W ? u : 4W

. Le directeur DE l'asile DES aliénés DE Tournai BLESSÉ par UN FOU :

M. le Dr Lentz, directeur de l'asile des aliénés, faisait sa tournée

habituelle, quand, arrivé dans le quartier de sûreté où sont'enfer-

més les plus violents, un de ceux-ci sauta sur le médecin et avant

que les gardiens aient pu l'empêcher, lui porta dans le ventre un

coup de grosse aiguille qu'il tenait dissimulée. On maîtrisa l'aliéné.

M. Lentz, ensanglanté fut reconduit à son habitation. La blessure

n'est pas grave. (Journal d'accouchements du 15 juin 1902.) , 1 ,. j.

Enfants assassins. Un élève du gymnase de Batoum (Russie),

nommé Kavkhadze, douze ans, avait frappé récemment de deux

coups de couteau M'Ic Arnoldi, maîtresse de langue française dans

cet établissement, et l'avait grièvement blessée. La malheureuse

institutrice est morte après d'horribles souffrances. (Bonhomme

Normand, du 19 juin 1902.) - La cour d'assises d'Oran vient de

juger un jeune Arabe, âgé de treize ans, qui avait tué son père d'un

coup de fusil pour se venger d'une correction qui lui avait' été in-

fligée. Elle l'a condamné à l'internement dans une maison de cor-

rection jusqu'à sa majorité. (Indicateur de Cognac, 5 juin 1C03.)

A Berlin (Prusse), un enfant de cinq ans laissé seul avec sa petite

soeur de trois mois, l'a tuée à coups de couteau. (Le Bonhomme

Normand, 28 février 1902.)

Bestialité d'un enfant. Un gamin de treize ans, Jules Marie

dit Cabriolet, demeurant à Maisy, canton d'Isigny, a été surpris au

moment où- il commettait un acte ignoble de bestialité sur un

mouton.

Un monstre de neuf ANs. La police de Dresde poursuit depuis

quelque temps une enquête sur ce fait que,'dans l'espace d'un an,

plusieurs enfants sont tombés dans l'Elbe et s'y sont noyés. '

Elle a constaté que tous ces accidents sont dus à la malveillance

et que le coupable est un enfant de neuf ans, fils d'un balayeur de

rues, dans le faubourg de Pieschen. '

Il y a trois jours encore, il a poussé l'enfant Piestch, de la berge

dans l'Elbe. Un garçon de huit ans et une petite fille ont été ses vic-

times, il y a quinze jours. ,

Dans quatre autres cas, où des enfants avaient péri dans l'Elbe,

on a établi la présence du précoce meurtrier. Ainsi, ce garçon de

neuf ans aurait commis sept assassinats. (Archives d'anthropologie

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 79

criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique

du 15 juin 1902.)

Suicide d'un adolescent. Une couturière, 1\In Lurin, qui habite

65, rue de Clichy, avait, hier, pendant le déjeuner, fait quelques

remontrances amicales à son fils Charles, jeune homme de quinze

ans, parce qu'il négligeait un peu ses études. L'enfant ne répondit

pas et la petite scène fut presque aussitôt oubliée. A deux heures,

119° Lurin s'absenta, laissant son fils seul. Quand elle rentra, le

soir, elle le trouva asphyxié dans sa chambre : l'enfant, désolé,

s'était suicidé. A quinze ans ! (Journal du 28 décembre 1895.)

Alcoolisme de l'enfance. A Ivry, une fillette de quatre ans est

morte dans d'atroces souffrances, après avoir bu le contenu d'une

fiole de rhum laissée à sa portée. (Bonhomme Normand du 12 au

18 juillet 1900.)

DÉMONOMANE de Grèzes (Aveyron). A propos de cette malade,

rappelons à nos lecteurs la Bibliothèque diabolique du Dr Bocn-

neville, 25 fr. peur nos abonnés.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Gttnnao Bnowv Note on a mett) forzzz of oeslhesiomeler, extrait de

Journal of Physiology.

KEu.ER. Nyt 7'o.s7.-) ? for abnormvoesenel onzfaltend aaîidssvage,

Bliztde og Vanfore-Sagen 1 zVorclezz. Kobenhavn 1902.

B,131NSIU. Définition de l'hystérie. Extrait de la Société de Neuro-

logie de Paris.

Cappelletti. Die un zxuovo ignotico fei malati clizzzenllze : Clore-

tons. Extrait de la Reforma Medica. Rome, 1901.

Ladame (de Genève). - La question de l'aphasie motrice sozis-coili-

cale. Extrait de la Revue neurologique, in-8" de 6 pages.

Muggia. Sopra in caso di epilepsia z in un calienato, iii-8- de

20 pages, Ferrara, 1901.

LEROY (Raoul). Contribution à l'élude de l'alcoolisme en normal-

die, notes et documents sur le bilan de l'alcoolisme dans l'Eure au

XIX siècle. Evreux, 1901. Imprimerie Hérissey.

KouxtDjY (P.). De l'extension et de son application dans le trai-

tement des maladies nerveuses. In-S° de r4 4 pages. Prix : 1 fr. 50 aux

bureaux du Progrès Médical.

Chataloff (N.). Essai sur la classification Talltoréizi7ue des mala-

dies nerveuses. In-8° de 6 pages. Extrait de la Revue Neurologique.

Pechin et ALL\RD. - Paralysie faciale et paralysie des mouvements

80 AVIS A NOS ABONNES.

associés de la latéralité des globes oculaires du même côté. Examen

électrique. In-8° de 4 pages. Extrait de la Revue Neurologique.

Allird (F.). -Conlraclilité et sensibilité électriques pendant l'anal-

gésie chirurgicale par injections soxzs-arctc7tzzoecliezzzzesctecocaïzze.In-8°

de G pages. Extrait de la Revue Neurologique.

Paciei (F.) et Colin (11.). Les aliénés dans les prisons [aliénés i ? 2écoîi-

zzus et condamnés), l'etit in-8° de 172 pages. Prix : 2 fr. 50. Masson et Ci,

édit. i^ "" .,

z (A.1. - Traité d'hygiène, fascicule I. In-8° de 500 pages. Mas-

son et C ? édtt. '

Pi ? i (P.). L'epilessia. Eliologia. Patogenesi e cura. In-18

de 278 pages. Il

Mobin (J.). L'hystérie et les superstitions religieuses . In-16 de

21 pages. Paris, 1902.

Pearsw (M.). Les polynévrites, in-8" de 248 pages. Prix : 6 fr,

FOEKSTER. Uie z ttzzcl pathologie de;' coordination. In-8°

de 316 pages avec G3 ligures, luna. 1902. Gustav Fisclier, édit.

l'vweo Iiun. Trealmenl of acromegaly willt pituitary corpus. In-8°

de 4G pages. Extrait du Tlte Journal of llze American Médical dsso-

cialioîi.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du le'' JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

celle date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

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Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

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tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evroux, Ch. Hébi6Sey, imp. G-1902.

Vol. XIV. Août 1902. N° 80.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE ?

Sur un cas de papillome épithélioïde 'du noyau

rouge. Contribution à l'étude des fonctions du

noyau rouge ;

- PAR

i

M. le Professeur RAYMOND

et

M. Raymond CESTAN,

Ancien Chef de Clinique à la SalpéLrire.

[Clinique nerveuse de la Salpêtrière)

Des théories imaginées pour expliquer l'exagération du

tonus musculaire et l'apparition de la contracture spasmo-

dique consécutives aux lésions de la voie pyramidale, il en

est une qui attribue au noyau rouge un rôle important, rôle

producteur d'après elle de la force excitatrice du tonus que

viendrait régulariser et tempérer l'action inhibitrice du fais-

ceau pyramidal.

Or, nous rapportons ici dans ses détails une observation déjà

présentée à la Société de Neurologie du 15 mai 1902, qui z

concerne une destruction complète du noyau rouge gauche

accompagnée cependant d'exagération du tonus musculaire. >

Certes, les destructions du noyau rouge, bien que rares, ne .

sont pas exceptionnelles ; on les rencontre en effet très sou-

vent dans le syndrome de Weber classique; mais dans ce

cas, ces destructions étant associées à des altérations pro-

noncées de la voie pyramidale du pied du pédoncule, la

méthode anatomo-clinique ne peut analyser les phénomènes

et nous indiquer la fonction précise de l'une ou l'autre partie,

noyau rouge ou faisceau pyramidal.

A ce point de vue, notre cas devient des plus importants,

Archives, 2' série, t. XIV. t 6

82 CLINIQUE NERVEUSE. r

sinon même tout à fait exceptionnel, puisqu'il consiste en

un papillome primitif épithélioïde, qui a détruit le noyau

rouge mais respecté entièrement les fibres pyramidales, don-

nant' lieu ainsi à une variété un peu particulière de syn-

drome de Weber; il soulève donc deux discussions intéres-

santes, l'une d'histologie, l'autre de physiopathologie.

Observation. T..., cinquante-sept ans. Début de la maladie

en novembre 1900, par céphalées. Bientôt paralysie de toutes les

branches de la troisième paire gauche; peu après, parésie des branches

de la troisième paire droite. Pas de lésions du fond de l'ceil. Légère

faiblesse du bras et de la jambe droite. Exagération de tous les réflexes

tendineux sans trépidation spinale, sans signe de Babinski. Asynergie

cérébelleuse à droite. Troubles de la parole. Hypoesthésie du côté

droit. Néoplasme ayant détruit le noyau rouge gauche et une grande

partie du noyau rouge droit.

T..., cinquante-sept ans, charbonnier, ne présente ni antécé-

dents héréditaires ni antécédents personnels dignes d'être signa-

lés ; il a un fils bien portant. Pas de syphilis, pas d'alcoolisme. La

santé générale est bonne jusqu'au 30 novembre 1900. Ce jour-là,

le malade éprouve une céphalée intense, mais sans fièvre, sans

vomissements ; cette céphalée persiste avec la même intensité une

semaine durant, puis la paupière gauche tombe tout d'un coup et

le malade entre alors dans notre service à la Salpêtrière.

En décembre 1900, le malade est atteint d'un syndrome de Weber

un peu particulier consistant en troubles oculaires et en troubles

de la motilité (ftq. 4). ·

1° Troubles oculaires. L'oeil gauche est en ptosis paralytique

avec contraction intense du frontal pour essayer de relever la pau-

pière. L'oeil est en strabisme externe permanent. On constate une

paralysie complète de toutes les. branches de la troisième paire

gauche; la pupille est en myosis, elle a perdu ses deux réflexes

accomodateur et lumineux. La sixième paire et la quatrième paire

sont normales. Le fond de l'oeil ne présente pas traces de névrite.

Absence d'hémiopie.

L'oeil droit montre déjà une légère parésie de tous les muscles

innervés par la troisième paire droite.

.L'étude du réflexe lumineux consensuel montre que : 10 l'excita-

tion de l'oeil droit amène une contraction de la pupille droite, mais

non de la gauche ; 2° l'excitation de l'oeil gauche est sans effet sur

la pupille gauche, mais fait contracter la pupille droite.

Ces troubles ont persisté toujours avec la même intensité ; au

surplus, la parésie de la troisième paire droite s'est fortement

exagérée dans les derniers jours de la maladie mais n'a jamais été

CAS DE PAPILLOME ÉPITHPLI01DE DU NOYAU ROUGE 83

aussi complète qu'à gauche ; c'est ainsi que le ptosis et le stra-

Fig. 4. - Paralysie de la troisième paire gauche avec ptosis,

démarche cérébelleuse. Ataxie du bras droit (Photographie

instantanée pendant la marche).

84 -il - CLINIQUE NERVEUSE. 1 , 4 ,

bisme externe n'étaient absolus que dans ce dernier côté. Vers la

fin, les deux sixièmes paires ont paru parésiées ; il a donc semblé

qu'il existait à ce moment une légère paralysie des mouvements

associés de latéralité (examen de M. Sauvineau) (fig. 5 et 6).

t

2° Troubles de la motilité. Il n'existe pas à proprement parler

une paralysie motrice. La force musculaire est bien conservée à

droite et à.'gauche..Les divers mouvements segmentaires de la

main, de l'avant-bras, du bras, du pied, de la jambe sont exécutés

avec une bonne énergie. Le malade peut se lever, s'asseoir sur son

lit sans peine. Dynamomètre : 33. Les réflexes rotuliens sont

Fig. 5. Ptosis et strabisme externe paralytique de l'oeil gauche.

Ptosis léger de l'ml droit.

CAS DE PAPILLOME EPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 85

exagérés des deux côtés, mais sans trépidation spinale. Le réflexe

cutané plantaire se fait en flexion à gauche, la recherche donne des

résultats douteux à droite. Les réflexes cutanés sont nettement

diminués à droite. La sensibilité est légèrement émoussée à droite.

En résumé, il existe un très léger degré d'hémiparésie motrice

droite. Cendant le malade présente de gros troubles moteurs ainsi

faits : ' '

a) La démarche est titubante ; les jambes sont écartées, les pas

irréguliers, inégaux, le poids du corps portant surtout sur la jambe

gauche et la jambe droite étant lancée irrégulièrement dans la

Fig. 6. Paralysie du droit supérieur gauche.

86 ' ' CLINIQUE NERVEUSE.

marche; le malade talonne de cette jambe comme un tabétique.

Les oscillations sont telles pendant la marche avec des propulsions

ou des rétropulsions comme si le malade ne pouvait assurer son

centre de gravité que l'on craint, à chaque instant, une chute du

sujet.

6) La station verticale est aussi fort difficile ; elle n'est possible

que si les jambes sont bien écartées : dès que les talons sont réunis

on voit se produire de nombreuses oscillations en différents sens.

L'occlusion de l'oeil droit (l'oeil gauche est un ptosis permanent)

ne pai ait pas avoir une grosse influence sur ce trouble de l'équi-

libre.

c) Les mouvements des mains présentent une légère incoordina-

tion : la main droite plane au-dessus des objets à saisir et présente

alors des mouvements irréguliers qui rappellent ceux de la sclé-

rose en plaques.

d) Le mouvement associé de flexion de la cuisse sur le bassin

existe à droite. ,

e) Lorsqu'on dit au malade, étendu sur le sol, de soulever la

jambe droite, on voit cette jambe prise d'oscillations irrégulières;

ensuite lorsqu'on commande de la laisser retomber sur le sol, le

malade la laisse tomber brusquement. Ces phénomènes ne se pro-

duisent pas du côté gauche. '

f) 11 est impossible au malade de se relever tout seul ; il est pris

de titubation avec grands mouvements incoordonnés de la jambe

droite.

coup à celle de la sclérose en plaques.

Il n'existe ni paralysie faciale, ni paralysie du voile du palais,

ni déviation de la langue, ni troubles laryngés.

L'intelligence est intacte ; la santé générale est bonne ; l'appétit

excellent. Les mines ne renferment ni sucre, ni albumine.

Le malade est soumis sans succès à un traitement mercuriel

intensif. La maladie progresse. La parole devient de plus en plus

difficile; on voit survenir une légère parésie du facial inférieur

droit. L'asynergie cérébelleuse devient de plus en plus prononcée

et gagne même le côté gauche, à tel point que le malade reste

toute la journée immobile dans son lit, cependant on ne constate

pas, au sens strict du mot, une paralysie motrice des membres. Les

céphalées sont toujours intenses, mais sans vomissements, sans

oedème papillaire. La parésie se prononce de plus en plus du côté

de la troisième paire droite et le malade meurt le 20 mars 1901,

quatre mois environ après le début de l'affection.

Autopsie. Les organes ne présentent pas de lésion macrosco-

pique intéressante. Nous avons examiné avec soin les poumons, le

coeur, le foie, l'estomac, le pancréas, la rate, les reins, la vessie,

CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 87

l'intestin, le rectum, la prostate, les testicules, sans trouver un

foyer néoplasique primitif visible à <'tft7 nu ou sensible ci la palpalion.

Absence de tuberculose viscérale. Double broncbo-pneumonie de

la base.

'La moelle est extraite facilement ; le canal osseux, les méninges

et l'axe nerveux ne présentent rien d'anormal ; Il en est de même

du bulbe, du cervelet et du cerveau qui ont été débitées en coupes

successives après durcissement.

La seule lébion consiste en une tumeur logée dans la calotte des

pédoncules cérébraux ( ? 7). Avant tout durcissement, cette tumeur

est arrondie, polycyclique, molle, d'aspect caséeux au centre, avec

quelques dilatations vasculaires à la périphérie. Les nerfs de la

troisième paire sont grisâtres, aplatis ; ce caractère est surtout

marqué pour le nerf de, la troisième paire gauche, moins net pour '

. celui de la troisième paire droite, les autres nerfs crâniens ont

leur aspect habituel.

Après durcissement dans les réactifs habituels, cette tumeur, nous

, a paru solitaire dans un examen minutieux macroscopique de tous

les organes et de l'axe encéptialo-médullaire, elle a la forme d'une

grosse olive placée au centre de la calotte des deux pédoncules

cérébraux, en avant de l'aqueduc de Sylvius dont elle est séparée

par une distance de 3 à 4 millimètres environ. Son extrémité supé-

Fin. 7.

88 CLINIQUE NERVEUSE.

rieure n'atteint pas la couche optique, son extrémité supérieure se

trouve à la hauteur du noyau d'origine de la quatrième paire ; son

axe général est parallèle à celui du tronc cérébral et placé, dans

sa partie toute inférieure, dans le cinquième supérieur de la pro-

tubérance, dans sa presque totalité dans la calotte du pédoncule.

Son plus grand diamètre, un peu supérieur à celui d'une pièce de

cinquante centimes, est au niveau des noyaux des troisièmes paires

où sa circonférence antérieure affleure sous la pie-mère interpédon-

- culaire. au fond du sillon qui sépare les deux points de sortie des

troisièmes paires.

Sur une coupe colorée par le Weigert-Pal, passant à ce niveau

de développement maximum, on voit la tumeur dessinée par une

zone décolorée, arrondie, à bords polycycliques taillés ci pic,

comme on l'observe dans une lésion de déficit par ramollissement.

Si nous' suivons son pourtour pour étudier les parties du tronc

cérébral lésées, nous voyons sa partie antérieure affleurer sous la

pie-mère de l'espace interpédonculaire, ensuite le bord de la

tumeur se diriger vers la gauche (2 millimètres environ), intéres-

sant ainsi toute la zone de sortie de la troisième paire gauche, en

coupant le ruban de Reil médian gauche dans son tiers externe,

passer à 3 millimètres sous l'aqueduc de Sylvius et au-dessus du

noyau de la troisième paire gauche, redescendre ensuite en inté-

ressant la partie interne du noyau de la troisième paire droite,

- --suivre la direction de sortie des fibres de cette troisième paire,

sectionner dans son milieu le noyau rouge droit; enfin venir

, aboutir de nouveau au fond de l'espace interpédonculaire en res-

pectant la sortie de la troisième paire droite.

Ainsi sont englobées dans la tumeur : A, à gauche : 1° en totalité, ? le trajet de la troisième paire (noyau et fibres) ; 2° en totalité, le

noyau rouge ; 3° la moitié interne du faisceau sensitif. B, à droite :

11 la partie interne du noyau et des libres de la troisième paire ;

2° la partie interne du noyau rouge.

Sont au contraire tout à fait épargnés, les pieds des deux pédon-

cules, les rubans de Reil latéraux, les tubercules quadrijumeaux.

Nous étudierons : 1° la nature de la tumeur; 2° les effets pro-

duits par la tumeur.

' 1° Nature de la tumeur. -La tumeur estconstituéepar une masse

centrale nécrosée entourée de tubes à cellules cylindriques ame-

nant la destruction progressive du tissu' nerveux voisin.

Sur des coupes perpendiculaires à leur axe, ces tubes revêtent

deux aspects. On voit tantôt un petit tube à lumière centrale vide,

à paroi formée par de hautes cellules cylindriques, les cellules no-

plasiques, tantôt un tube plus volumineux.

Dans ce dernier cas, la paroi est formée soit par une seule couche

de cellules cylindriques, soit par plusieurs couches de cellules

CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 89

cubiques, qui se stratifient de manière à constituer un véritable

bourgeon externe d'envahissement. Mais en outre la lumière du

tube est occupée par une véritable papille. Cette papille, qu'un

léger espace sépare de la couche des cellules néoplasiques, présente

au centre un vaisseau rempli de sang avec des parois plus ou

moins nettes; autour du vaisseau se dispose une infiltration de

cellules rondes et de fibrilles donnant l'aspect d'un tissu myxoma-

teux. Les coupes parallèles à l'axe montrent une semblable dispo-

sition soit petit tube de cellules, soit gros tube avec papille cen-

trale autour d'un vaisseau sanguin. En étudiant les divers points

de la préparation on voit nettement que ces différences d'aspect,

tube vide ou tube plein, dépendent de l'orientation de la coupe,

suivant que le tube a été sectionnéplusou moins loin desondiamètre

maximum transversal ou longitudinal. Sur les coupes parallèles à

l'axe, on voit parfaitement les tractus centraux vasculo-conjonctifs

s'anastomoser, de même on peut apercevoir la couche de cellules

épithéliales, pousser des prolongements sous forme de bourgeons

externes, d'abord pleins, puis pénétrés par la papille vasculo-con-

jonctive, à la façon des doigts de la main qui pénètrent dans un

gant. Il s'agit donc d'une variété de néoplasme papillomateux et

très végétant, se présentant sous la forme de collerette de grosses

cellules entourant un tractus vasculo-conjonctifet s'agrandissant

par une série de bourgeons externes. Les cellules néoplasiques

sont cylindriques, très hautes, à extrémités limitées par un plantez

sans prolongement, touchant ainsi par simple contact le tis<ù rtêr-

veux avoisinant. Elles ont un protoplasma bien colore, sms

vacuoles, sans granulations; elles possèdent un noyau volurtr·pûx

ovalaire, riche en substance chromatine; ce noyau est placé'-t,6

jours à la même distance de la base et du sommet et comme se

cellules ont la même hauteur et le même aspect, il en résulte une

apparence d'une glande tubulaire, lorsque le centre du tube n'est

pas occupé par la papille vasculaire (fig. 8).

A certains endroits, les cellules subissent une multiplication

active, revêtent le tube, de deux ou trois couches de cellules qui

deviennent alors plus petites et cubiques, enfin on peut apercevoir

comme nous l'avons signalé plus haut des proliférations plus

accentuées encore sous la forme de petits bourgeons qui vont pé-

nétrer dans le tissu nerveux avoisinant; ce caractère est surtout

évident dans la zone périphérique d'envahissement.

L'espace intertubulaire est rempli par le tissu nerveux conznlc-

tement dégénéré sans fibres à myéline, sans éléments nerveux, sans

réaction névroglique proprement dite, mais avec une quantité

énorme de corps granuleux bien visibles par la méthode de Mar-

chi, dont on peut encore colorer les noyaux. Ainsi, nous pouvons

affirmer, après avoir employé les méthodes de Marchi, de Weigert-

Pal, du picro-cannin, de l'hémateine éosine, que ce néoplasme a

90 CLINrQUB NERVEUSE.

totalement détruit la zone indiquée ci-dessus, qu'il a complètement

respecté au contraire le tissu nerveux qui l'entoure. Il a produit

un véritable ramollissement localisé, dont on comprend d'ailleurs

fort bien la pathogénie puisque les vaisseaux nutritifs sont entourés

d'une barrière épithéliale et qu'on n'aperçoit pas des néo-vaisseaux;

à l'action nécrosante du néoplasme lui-même s'est donc adjoint un

élément mécanique qui nous explique fort bien comment a pu se

'-produire par le fait d'une tumeur une lésion de déficit bien loca-

lisée ; c'est là un fait important que nous voulons déjà souligner.

- Celte tumeur est-elle primitive ou secondaire ? L'aspect des cel-

lules néoplasiques, très élevées, cylindriques, rangées en tubes

Fig. 8.

CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 91

fait songer tout d'abord à un néoplasme secondaire à un cancer

primitif glandulaire, peut-être intestinal. C'est là une hypothèse

très acceptable. Mais il existe des raisons qui permettent de croire

à un néoplasme primitif. Le malade est mort cinq mois après le

début de la maladie; le cancer secondaire du pédoncule aurait

donc pu atteindre le volume d'une grosse olive sans qu'il nous ait

été possible de trouver le cancer primitif ? Nos recherches ont été

il est vrai faites uniquement avec la vue et le palper; il faudrait

donc admettre un foyer primitif microscopique alors que le foyer

secondaire est appréciable avec les moyens de recherche ordi-

naires.

Ii J. 9.

92 1) CLINIQUE NERVEUSE. ' ,

Au surplus, ce noyau cancéreux secondaire serait unique en tant

que généralisation; non seulement, dans l'hypothèse d'un cancer

primitif du tractus intestinal, le foie et les poumons sont normaux,

mais nous ne trouvons pas d'autres foyers secondaires dans les

autres organes de la grande circulation. Il serait bien étrange de

voir une embolie cancéreuse venir se loger dans le pédoncule, alors

que nous savons que dans le cerveau la sylvien'ne est l'artère de

choix de l'embolie.

Mais il existe d'autres arguments plus importants en faveur de

'l'origine primitive du néoplasme. La pie-mère tapissant le fond

de l'espace interpédonculaire est épaissie par une néoformation

vasculo-embryonnaire tout à fait analogue à la structure des

papilles que nous avons décrites au centre des tubes ; cette pie-

mère est recouverte sur sa face interne, pédozzculuire, d'une couche

de cellules cylindriques néoplasiques ; or ces cellules sont rangées

en une série de papilles envahissantes à pointes dirigées vers la subs-

tance nerveuse. Enfin, l'étude attentive des éléments néoplasiques

montre que le noyau très allongé est toujours placé au centre

de la cellule, qu'il est entouré d'un protoplasma bien coloré dans

toutes ses parties et que cet aspect est différent de celui de l'épi-

thélium intestinal auquel ressemble à première vue notre tumeur

(fig- 9),

Si donc on peut admettre que la pie-mère peut avoir formé une

barrière de résistance au processus d'envahissement de dedans en

dehors des cellules néoplasiques qui se seraient ainsi réfléchies sur

sa face interne, il est beaucoup plus vraisemblable de convenir

que cette pie-mère a été en réalité le point de départ du néo-

plasme, qui serait dès lors un néoplasme primitif des méninges molles

interpédonculaires.

, Mais dans quelle catégorie de tumeurs pouvons-nous placer ce

néoplasme ? Il ne s'agit pas dans l'espèce soit de sarcome soit de

gliome ; il n'existe pas au voisinage du pédoncule cérébral une

glande capable de dégénérer en un epithéliome semblable aux

nôtres, enfin la description que nous avons donnée est tout à fait

différente de celle des endothéliomes de la pie-mère, tumeurs com-

posées de cellules aplaties ou fusiformes, souvent orientées en

nodule, avec ou sans dépôts calcaires constituant la variété de

psammomes de Virchow, de sarcomes angiolithiques de Cornil.

Par son aspect épithélial, papillomateux, notre cas est tout à fait

différent des tumeurs primitives ordinaires du cerveau. Or les

auteurs français sont très sobres de détails sur ces tumeurs épilhé-

liales développées primitivement dans le système nerveux; la plu-

part les passe même sous silence. Cependant, Rindffeisch avait

étudié un cas à peu près semblable au nôtre (Traité d'histologie

pathologique, 1873, p. 693, t. II). « Le caractère principal de ces

tumeurs, disait-il, est une formation de véritables papilles sur la

CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 93

surface qui donne naissance à la néopla-ie. C'est au cervelet que

j'ai rencontré pour la première fois le papillome de la pie-mère et

des vaisseaux... La substance de la tumeur était d'un gris rou-

geâtre, translucide, tremblotante. En la dilacérant, on la réduisit

complètement en une masse énorme de papilles richement rami-

fiées, dont chacune possédait un vaisseau central, très peu de

tissu conjonctif et un double revêtement épithélial. La couche cel-

luleuse externe était formée de cellules cylindriques courtes et

épaisses. En examinant le stroma des papilles on rencontrait en

dernier lieu les vaisseaux sanguins qui passent de la pie-mère

dans le cervelet, de manière qu'il ne pouvait y avoir de doute sur

l'origine de la tumeur. » On voit ainsi combien notre description

se rapproche de celle de Rindfleisch. Dans notre cas, il est vrai,

les cellules néoplasiques, sont élevées, plus hautes, mais d'une

part Rindfleisch dit plus loin que les cellules peuvent revêtir un

aspect tout à fait cylindrique très allongé, d'autre part, l'un de

nous a déjà présenté à la Société Anatomique de 1899, un fait tout

à fait identique au cas actuel, tumeur corticale rolaudique avec

papilles vasculaires, dans lequel les cellules néoplasiques étaient

cubiques. Enfin dans son Traité d'Analomie pathologique (t. 1,

p. 431, 1898) Xiégler admet que les cellules de l'endothéliome

cérébral peuvent revêtir l'aspect cubique, cylindrique, voir même

l'aspect épithélial et il figure une coupe bien analogue aux

nôtres.

Il existe donc un groupe très exceptionnel de tumeurs primi-

tives pie-mériennes, papillome cérébral pour Rindfleisch, endothé-

liome épithélioïde pour Zié ? Iei- ; elles sont constituées essentielle-

ment par des papilles vasculaires nées de la pie-mère et revêtues

d'une ou plusieurs couches de cellules cubiques ou cylindriques.

Mais il est difficile de retrouver le point de départ du néoplasme.

S'agit-il de papillomes analogues aux végétations du plexus cho-

roïde ? Les cellules néoplasiques sont-elles d'origine épendymaire ?

Mais le plexus choroïde du ventricule latéral bien que contour-

nant le pédoncule cérébral sur sa face supérieure et externe se

trouve assez éloigné de l'espace interpédonculaire et, chez notre

malade l'examen de tous les plexus choroïdes ne nous a rien

montré d'anormal ; enfin les cellules néoplasiques nous ont paru

un peu différentes des cellules épendymaires qui sont plus petites

avec d'une part un plateau bien net d'autre part une extrémité

allongée. La question d'origine reste donc en suspens, mais du

moins nous croyons devoir admettre que notre observation est

un nouvel exemple de papillome primitif épilhéloïde de pie-

mère.

2° Effets produits par la tumeur. La tumeur a eu une action

destructive pour les parties du système nerveux envahi. Son centre

94 CLINIQUE NERVEUSE. ·

est en effet occupé par des masses en pleine nécrobiose, dont les

éléments cellulaires prennent difficilement les colorants, et la mé-

thode de Marchi y décèlent de nombreux corps granuleux typiques.

Ces masses sont le résultat de la nécrose et du tissu nerveux et

des parties centrales néoplasiques. Nous avons déjà indiqué les

limites de la tumeur et par suite les régions du pédoncule détruites,

à gauche, la totalité du noyau rouge et de la troisième paire, à

droite, la moitié interne du noyau rouge et de la troisième paire.

Nous avons indiqué aussi l'intégrité du pied des deux pédoncules

cérébraux.

Une lésion ainsi placée a détruit la troisième paire gauche qui

présente des lésions de dégénérescence (méthode de.Marchi et de

Weigert-Pal) très accusées et de divers stades suivant les fibres

observées, aspect qui correspond assez bien à la marche progressi-

vement envahissante de la tumeur. De semblables lésions existent

mais à un bien moindre degré dans la troisième paire droite. Nous

n'insistons pas : elles sont semblables aux lésions classiques de la

dégénérescence wallérienne observée après la destruction complète

de la cellule d'origine des nerfs périphériques.

Nous avons tenté ensuite par la méthode de Marchi de

rechercher l'existence d'un faisceau rubro-spinal qui établirait des

relations entre le noyau rouge et les divers étages médullaires.

Nous avons trouvé des granulations caractéristiques de dégéné-

rescence des fibres nerveuses, en petit nombre dans le pédoncule

cérébelleux supérieur droit, en petit nombre aussi de chaque côté

de la ligne médiane dans le bulbe et la protubérance dans une

région située immédiatement en avant du faisceau longitudinal pos-

térieur, en petit nombre dans les fibres du ruban de Reil et dans la

région du faisceau de la calotte ; mais la voie pyramidale médullaire

était intacte et il nous u été impossible de trouver un faisceau rubro-

spinal. Au surplus, on peut faire des réserves sur ce cas négatif,

puisqu'il concerne une tumeur à marche extensive ayant entraîné

la mort quatre mois après le début, et n'ayant pu ainsi créer une

dégénérescence immédiate et massive de faisceau comme le font

un ramollissement et une hémorragie brusques qui en une seule

fois détruisent un système de fibres. Cependant le caractère nette-

ment destructif du néoplasme est à signaler; nous pouvons dire

que tout le noyau rouge gauche a disparu dans l'intervalle de trois

mois et que dans ces circonstances la méthode de Marchi n'a pas

montré un faisceau dégénéré dans la moelle cervicale.

Le cas que nous venons de relater soulève deux problèmes

intéressants, l'un histologique, la nature du néoplasme,

l'autre anatomo-clinique, les relations entre le tableau symp-

tomatique observé et le siège de la lésion.

CAS DE PAPILLOME ËP1THÉUQIBK DU NOYAU ROUGE 95

Nous avons déjà discuté le premier; nous avons donné

plus haut les raisons qui nous font croire que cette tumeur

n'est point une localisation secondaire d'un cancer primitif

épithélial ayant passé inaperçu, mais bien un néoplasme

primitivement développé dans le pédoncule cérébral, pro-

bablement une variété d'aspect épithélial d'endothéliome ner-

veux, né aux dépens de la pie-mère pédonculaire (p. 20 et91).

Notre malade présentait des paralysies oculaires associées

à des troubles moteurs des membres et à des troubles de la

parole.

L'explication de ces paralysies oculaires est facile à don-

ner : la tumeur a détruit à gauche la totalité de la troi-

sième paire aussi bien dans son trajet à travers le noyau

rouge qu'au niveau de son noyau, à droite la partie interne

du trajet de la troisième paire. Il y a eu deux phases dans

l'histoire oculaire du malade, une phase initiale, paralysie

complète de la troisième paire gauche, une phase terminale,

double paralysie des deux troisièmes paires, complète à gau-

che, incomplète à droite, la lésion ayant alors franchi la

ligne médiane. Nous signalerons en outre l'absence de névrite

optique oedémateuse, qui nous avait empêché de porter un

diagnostic étiologique précis ; cette absence est fort bien

expliquée par le faible volume de la tumeur qui est destruc-

tive plus que proliférative, et au surplus éloignée de tout

vaisseau dont la compression aurait entraîné une hydrocé-

phalie ventriculaire et comme conséquence une névrite oedé-

mateuse.

Les troubles moteurs du bras et de la jambe du côté droit

ne consistaient ni en paralysie motrice proprement dite ni

en phénomènes tels que trépidation spinale et contracture,

signature de la dégénérescence du faisceau pyramidal. En

elfet, les méthodes de coloration de Marchi et de Weigert

nous ont montré l'intégrité du pied du pédoncule gauche et

de la voie motrice pyramidale médullaire.

Les troubles moteurs, cependant très prononcés, consis-

taient en réalité en démarche cérébelleuse, titubation, trem-

blement statique et intentionnel de la main droite, talonne-

ment et ataxie de la jambe droite pendant la marche, enfin en

asynergie dans les divers mouvements de cette jambe analogue

à-la description donnée par M. Babinski. Ces troubles mo-

96 CLINIQUE NERVEUSE. 1

teurs ont été signalés depuis longtemps dans le syndrome de

Weber; dès 1886, Richards, chez un malade ayant eu une

hémorrhagie du pédoncule, notait une titubation analogue

à celle de l'ivresse ; Nothnagel avait attiré l'attention sur eux

dans la pathologie de la région des tubercules quadrijumeaux,

Moeli et Marinesco dans les Archio. de Psychiatrie, puisd'As-

tros dans son remarquable travail de la Revue de Médecine

, de 1894 sur le syndrome de Weber, les ont à nouveau

signalés. Notre cas en est un nouvel exemple des plus nets,

puisque chez notre malade ces troubles moteurs existaient

indépendants de toute paralysie motrice des membres pro-

prement dite.

Quelle peut être la cause de ces troubles ataxiformes ? On

a pu invoquer dans certains cas l'excitation de la voie pyra-

midale du' pied du pédoncule, soit par la compression, soit

par l'irritation due aux produits toxiques néoplasiques. Mais,

dans notre cas, la voie pyramidale examinée par la méthode

de Marchi paraît intacte ; en outre, nous avons maintenant en

notre possession un réflexe, le réflexe cutané plantaire, qui

traduit d'une manière délicate les perturbations de la voie

pyramidale; or, chez notre malade, il était normal, en flexion.

Au surplus, ces troubles moteurs ne ressemblent pas aux trou-

bles moteurs post-hémiplégiques. A l'inverse de ces derniers,

ils ne sont pas constants, permanents; un peu analogues à ceux

de la sclérose en plaques, ils ne se produisent qu'à l'occa-

sion des mouvements voulus, que lorsque l'équilibre des

segments des membres se modifie par la contraction muscu-

laire ; enfin ils ne sont pas superposés à un état de spasmo-

dicité latent ou patent du bras et de la jambe ; on voit donc

qu'on ne peut confondre cet aspect clinique avec le syn-

drome de Benedikt, qui est un syndrome de Weber avec

tremblement post-hémiplégique. Ainsi les mouvements ataxi-

formes présentés par notre malade ne nous paraissent pas être

sous la dépendance d'une perturbation de la voie motrice

pyramidale ; nous devons en chercher la raison dans la des-

truction de certaines parties du pédoncule. 1

Le faisceau sensitif médian du côté droit est altéré. Cette

altération explique-t-elle le tremblement et l'ataxie des mou-

vements ? Elle a pu y contribuer dans une large part, mais

non y suffire à elle seule. Au début, en effet, il nous a été

impossible de constater chez le malade soit de l'hypoes- ,

CAS DE PAPILLOME ÉPITHÉLIOIDE DU NOYAU ROUGE 97

thésie certaine, soit de la perte du sens des attitudes, alors

que cependant les troubles ataxiformes étaient très pronon-

cés. Au surplus, en sens inverse, nous avons pu constater

plusieurs fois chez d'autres malades que des troubles sensi-

tifs profonds (perte du sens stéréognostique, perte du sens

articulaire), dus à des lésions des voies sensitives cérébrales,

ne s'accompagnaient pas forcément d'ataxie de mouvements

et de troubles d'incoordination semblables à ceux présentés

par notre malade. Si, par suite, l'existence des troubles sen-

sitifs favorise l'apparition. de l'ataxie des mouvements, du

moins la lésion d'un autre appareil est indispensable. Or chez

notre malade, dès le début, ont apparu des troubles d'in-

coordination et le noyau rouge gauche a été détruit, car sa

place est occupée par le centre du néoplasme. 1

La fonction de ce noyau rouge est encore inconnue. Nous

discuterons plus loin le rôle de centre tonique des réflexes

qu'on lui a attribué. L'anatomie nous enseigne qu'il est en-

touré par les fibres du pédoncule cérébelleux supérieur venu

de l'hémisphère cérébelleux du côté opposé. Pour certains

auteurs, il est en partie le point d'origine des fibres du pé-

doncule supérieur, pédoncule par suite à direction descen-

dante, pour d'autres il est au contiaire le point d'arrivée de

ce même pédoncule, qui aurait par suite une direction ascen-

dante. Notre cas confirme plutôt cette deuxième hypothèse,

car, avec la méthode de Marchi, nous n'avons pas. trouvé une

grosse dégénérescence dans le pédoncule cérébelleux droit,

au-dessous du noyau rouge gauche. Quoi qu'il en soit, le

noyau rouge est en connexion intime avec le pédoncule céré-

belleux supérieur ; sa destruction doit par suite entraîner

une perturbation dans la fonction du cervelet destiné, par

un mécanisme complexe, que nous ne pouvons analyser ici,

à maintenir l'équilibre et à régulariser les mouvements

volontaires. C'est donc à la lésion du noyau rouge gauche et

par suite du pédoncule cérébelleux supérieur droit que l'on

doit surtout attribuer les troubles ataxiformes et le tremble-

ment intentionnel observés dans le bras et lajambe du côté

droit, dont l'apparition a pu être facilitée par la lésion de la

voie sensitive.

Notre malade présentait aussi cette asynergie des mouve-

ments de la jambe décrite par M. Babinski. Dans les faits

signalés par cet auteur, l'asynergie, il est vrai, occupait.les

Archives, 2- série, t. XIV. 7

98 CLINIQUE NERVEUSE.

membres du côté de la lésion ; ces faits consistaient en

lésions bulbo-protubérantielles et se caractérisaient d'une

manière essentielle par une paralysie motrice vraie du bras

et de la jambe gauche du côté opposé à la lésion, et par des

paralysies des nerfs crâniens et une asynergie cérébelleuse

du côté même de la lésion. M. Babinski met l'asynergie céré-

belleuse sur le compte d'une altération du pédoncule céré-

belleux inférieur au niveau de la région bulbo-protubéran-

tielle et comme la voie cérébelleuse médullo-cérébelleuse, ou

cérébello-médullaire ne paraît pas s'entrecroiser, il est natu-

rel que les troubles d'asynergie siègent du côté de la lésion

bulbo-protubérantielle. Notre cas est un peu différent, puis-

que l'asynergie cérébelleuse atteint les membres du côté

opposé à la lésion ; la raison en est dans l'entrecroisement

des pédoncules cérébelleux supérieurs, de telle sorte qu'une

lésion du noyau rouge gauche agit en réalité sur le pédon-

cule cérébelleux droit. Aussi, tandis que l'asynergie céré-

belleuse peut modifier singulièrement le syndrome de Millard-

Gubler en déterminant des troubles moteurs des membres du

même côté que la paralysie des nerfs crâniens, c'est-à-dire du

côté de la lésion bulbo-protubérantielle, dans le cas actuel

elle modifie légèrement au contraire le syndrome de Weber

puisque, comme les troubles moteurs consécutifs à la lésion

de la voie motrice pédonculaire, elle siège du côté opposé aux

nerfs crâniens atteints, c'est-à-dire du côté opposé à la lésion.

En résumé, nous pouvons conclure de l'étude de notre malade

qu'une-lésion du noyau rouge, du pédoncule cérébelleux

supérieur au niveau du pédoncule cérébral, détermine une

ataxie cérébelleuse avec tremblement intentionnel et asyner-

gie des membres du côté opposé à la lésion pédonculaire.

Nous ne poursuivrons pas plus loin ce problème, car il rentre

dès lors dans la physiologie pathologique du cervelet.

A l'hémiataxie droite étaient associés chez notre malade

des troubles du langage. Ces troubles peuvent en effet s'ob-

server dans le syndrome de Weber et d'Astros les a très mi-

nutieusement analysés dans son article précité. Bien qu'as-

sociés à des troubles moteurs des membres du côté droit, on

les distingue facilement de l'aphasie, car on constate, non

une perte de la mémoire des mots lus ou entendus et des

images d'articulation, mais bien une dysarthrie. Tantôt cette

dysarthrie est analogue à celle des pseudo-bulbaires, asso-

CAS DE PAPILLOME ÙPITHLIOIDE DU NOYAU ROUGE 99

ciée à des parésies des lèvres et de la langue. Dans ce cas, la

pathogénie en est souvent complexe. Observés en effet sur-

tout, selon la judicieuse remarque de d'Astros, dans les

syndromes de Weber par ramollissement du pédoncule

cérébral et presque toujours du pédoncule cérébral gauche,

ils peuvent dépendre de grosses lésions pédonculaires, de

déficit, ayant atteint le faisceau géniculé du pied du pédon-

cule, d'autant plus que les artères radiculaires destinées à

la troisième paire traversent et irriguent la partie interne

du pied du pédoncule et qu'elles sont le siège maximum des

lésions dans le cas de syndrome protubérantiel par artérite

chronique; mais elles peuvent relever aussi, comme le mon-

trent les cas de d'Astros et de Souques, de petites lésions

lacunaires du cerveau ou de la protubérance; on peut même

observer un mélange d'aphasie vraie et de dysarthrie, asso-

ciation que font très bien comprendre la multiplicité et la

dissémination des artérites chroniques du cerveau.

Mais, dans des cas plus rares, la dysarthrie pédonculaire

est due à des lésions limitées de la calotte du pédoncule,

tubercule, tumeur..... Notre cas en est un exemple. La dy-

sarthrie n'est pas alors associée à des troubles parétiqùes

des organes d'émission des sons, lèvres, langue, larynx, elle

rappelle par ses caractères de lenteur, de scansion les trou-

bles dysarthriques des affections cérébelleuses tels que

sclérose en plaques, hérédo-ataxie cérébelleuse. Or, pour

Luys et Jaccoud, ces altérations seraient le résultat de trou-

bles d'incoordination de la parole, véritable glosso-ataxie

par lésions portant sur le système commissural cérébello-

bulbaire. Aussi, chez notre malade, sans nier absolument la

perturbation du faisceau géniculé gauche par le néoplasme

si voisin.de ce faisceau, puisqu'il a détruit la zone de sortie

de la troisième paire gauche, croyons-nous cependant préfé-

rable d'assimiler les troubles de la parole aux troubles

moteurs ataxiformes des membres et d'adopter pour cet

ensemble symptomatique une pathogénie univoque, la lésion

du pédoncule cérébelleux supérieur au niveau du noyau

rouge.

Un dernier point reste à analyser, l'état du tonus muscu-

laire. D'après une théorie récente, le tonus musculaire subi-

rait deux influences adverses, l'une excitatrice, l'autre

modératrice. La première aurait son centre d'origine dans

100 CLINIQUE NERVEUSE.

le mésocéphale, en particulier dans le noyau rouge et par-

viendrait à la moelle par la voie cérébelleuse descendante et

par un faisceau rubro-spinal. La deuxième aurait son centre

d'origine dans l'écorce motrice et parviendrait à la moelle

par le faisceau pyramidal. On comprend dès lors que la

lésion de la voie pyramidale doit entraîner une lape·lo21-

cité musculaire puisque l'action excitatrice n'est plus con-

trebalancée par l'action modératrice et que la lésion

des centres d'excitation du tonus musculaire, en parti-

culier du noyau rouge, doit déterminer au contraire une

/n/)0<o ? cë plus ou moins marquée. Or, notre malade

présente une destruction du noyau rouge sans altération de

la voie pyramidale, réalise en un mot parfaitement les con-

ditions de la deuxième supposition. Quel était donc l'état du

tonus musculaire chez lui ? Nous l'avons trouvé exagéré des

deux côtés avec des réflexes vifs, mais sans trépidation

spinale cependant. On ne peut dire par suite que, chez notre

malade, le noyau rouge était le centre producteur du tonus.

Au surplus, comme l'a indiqué M. Grasset, le maintien et

l'exagération du tonus musculaire sont le résultat d'un méca-

nisme très complexe auquel participe tout l'axe cérébro-

spinal ; le cas de notre malade vient démontrer à nouveau

combien est encore lointaine l'explication définitive de la

contracture spasmodique post-hémiplégique.

Nous résumerons ainsi notre observation. Un homme est

atteint d'un syndrome de Weber très particulier en ce sens

que les troubles moteurs des membres du côté droit, asso-

ciés à la paralysie de la troisième paire gauche, consistent

non en paralysie motrice vraie, mais en incoordination, en

ataxie, en asynergie, en dysarthrie ; ils s'accompagnent

d'une exagération généralisée des réflexes ; ils siègent du

côté opposé à la lésion pédonculaire. A l'autopsie nous trou-

vons exclusivement un endothéliome primitif, d'aspect épi-

thélial, né aux dépens de la pie-mère pédonculaire et ayant

détruit à gauche la totalité du noyau rouge, à droite la

moitié interne de ce même noyau, ayant au contraire res-

pecté entièrement le pied des deux pédoncules. Il semble

donc que les troubles moteurs des membres ont été déter-

minés par la lésion de la voie cérébelleuse supérieure, inter-

rompue dans le cas actuel au niveau du noyau rouge.

PATHOLOGIE NERVEUSE

Tremblements infantiles et nystagmus congénitaux.

Essai de classification séméiologique;

PAR MM.

E. 1,\OLLE,

Ancien interne des hôpitaux de Pans,

Médecin suppléant de l'Iopilal civil de Brest.

E. AUI31\EAU,

Ancien chef de etiuujue du D''dcWcckcr,

Oculiste de l'hôpital civil de Brest.

Au cours de nos consultations à l'hôpital civil de Brest,

nous avons été frappés du nombre relativement considérable

de Nystagmus dits Essentiels que nous observions au milieu

d'autres sujets présentant du tremblement des yeux sympto-

matique d'une maladie du système nerveux ou d'une alté-

ration de l'appareil de la vision. Parfois l'affection se retrou-

vait chez plusieurs membres de la même famille et tous

avaient été frappés dès la naissance : leur Nystagmus était

à la fois congénital et héréditaire. En examinant plus parti-

culièrement certains d'entre eux il nous a été possible de

retrouver d'autres signes indiquant la participation du sys-

tème nerveux à la production du phénomène. Il y avait là

autre chose qu'un symptôme isolé, un véritable syndrome

clinique plus ou moins complexe qu'il nous a paru intéres-

sant d'approfondir. L'observation d'une variété exception-

nelle du tremblement familial, le Tremblement Infantile

Congénital, nous a semblé se rattacher intimement aux faits

précédents. Nous avons donc cherché à leur assigner un

rang dans les affections du système nerveux, et nous avons

tenté, d'après leur tableau clinique, de les enchaîner aux

grandes affections mieux connues parce qu'on avait pu

déterminer leurs lésions anatomiques. Nous avons naturelle-

ment divisé ces faits d'après les symptômes surajoutés et

nous avons établi une progression allant du Tremblement ou

103 'l) PATHOLOGIE NERVEUSE.

du Nystagmus simples aux formes rendues plus complexes

par les signes nouveaux qu'ils présentaient à l'examen. Bien

que nous soyons convaincus que le tremblement de la tête

et le tremblement des globes oculaires soient des phéno-

mènes du même ordre, nous les avons schématiquement

divisés en deux catégories que nous étudions tour à tour.

Les réflexions qu'elles nous ont suggérées sont du reste les

mêmes. Nous avons été heureux, dans la courte étude biblio-

graphique que nous avons pu faire, de nous assurer qu'au

moins pour le Tremblement Infantile nous partagions les

idées d'un certain nombre d'observateurs qui se sont pré-

occupés de la même question (Démange, Thébault, Joffroy,

Bourgarel, Rubens, etc.), et nous sommes arrivés au point

de vue spécial que nous nous sommes proposé, à la conclu-

sion que MM. Achard et Soupault' formulaient pour les

tremblements héréditaire et sénile : « Toute distinction

entre le tremblement héréditaire et le tremblement sénile

nous paraît injustifiée et nous estimons qu'il y aurait tout

avantage à supprimer ces dénominations inexactes et à

réunir ces deux affections en une seule sous le nom de

tremblement essentiel ou de névrose trémulante. » Nous

faisons toutefois une réserve pour ce dernier terme : nous

pensons qu'il existe des lésions bien caractérisées suscep-

tibles de les expliquer bien que nous n'ayons pu nous assu-

rer de leur existence.

I. - Tremblement infantile congénital familial

Observation. Geon. Henriette, âgée de trois mois le 18 avril 1901.

L'enfant est née à terme, les couches ont été bonnes : l'accouche-

ment avait duré trois jours, mais les grandes douleurs n'ont duré

qu'une demi-heure. L'écoulement du liquide amniotique aurait

été médiocre.

C'est le septième enfant : le premier est un garçon de douze ans

bien portant opéré en décembre 1899 par le Dr Civel d'un abcès froids

du dos. Le deuxième est un garçon de neuf ans bien portant. Le

troisième, garçon mort à trois mois de méningite. Le quatrième,

garçon mort à treize mois avec des phénomènes méîingiliqïies con-

sécutifs à une diarrhée infantile. Celui-ci tremblait de la tête depuis

sa naissance. Il avait des attaques épilepliformes avec écume de

' Achard et Soupault. Gaz. Ieebclon., 22 avril 1897.

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 403

la bouche et yeux convulsés. Pendant ces attaques, le visage était

noir et l'enfant semblait ne pas respirer. Le début des attaques

remontait à l'âge de sept à huit mois : d'abord rares, elles ont été

en s'exagérant jusqu'à se présenter à trois reprises le même jour.

La maladie terminale n'a duré que quatre à cinq jours pendant

lesquels l'enfant criait constamment. Le cinquième est un garçon

de quatre ans bien portant. Le sixième est une petite fille de deux

ans bien portante; le septième est le sujet. 1

La mère n'a jamais été malade, n'a jamais fait de fausses cou-

ches. Le père tousse continuellement, crache parfois, sue par-

fois la nuit, a craché du sang. Il a fait une bronchite il y a cinq

ans. N'a jamais eu d'éruptions sur le corps, est maçon de son mé-

tier. Il n'y a pas de tousseurs dans la famille du père et de la

mère. Aucune autre personne ne tremble dans la famille.

La mère a remarqué que, dès /'t ! g'6 de quinze jours, l'enfant

remuait la tête dans le sens horizontal. Ces mouvements rappellent

ceux présentés par le frère aîné mort d'accidents méningitiques et

ont débuté à peu près à la même époque. Ces mouvements, d'abord

peu marqués, se sont exagérés peu à peu.

L'enfant a été élevée au sein, n'a jamais eu d'indisposition. Son

aspect est des meilleurs : les masses musculaires sont fermes. Elle

ne présente pas d'éruption sur la peau. Elle ne présente aucun stig-

mate de syphilis (oreilles, anus, lèvres, bouche etc.), pas de pla-

ques ptérygoïdiennes de Parrot. Pas de signes morbides dans les

poumons ou au coeur, pas de polymicroadenopathies. Pas de trou-

bles digestifs, les selles sont bonnes.

Les réflexes patellaires sont légèrement exagérés. Le chatouille-

ment de la plante du pied détermine un léger relèvement des

orteils

Il n'y a pas de troubles apparents de la sensibilité. L'enfant voit

bien, elle entend bien. Elle ne présente pas de modifications appré-

ciables de la voix : elle crie comme tous les enfants. La tête est

bien conformée, les oreilles sont un peu grandes, allongées, avec

ourlet aplati. La fontanelle antérieure est bien tendue, la tête est

recouverte de petits cheveux bruns.

A l'état de repos, l'enfant a la tête agitée d'un petit tremblement

à oscillation assez rapides, courtes, brèves, à direction horizontale.

Ce tremblement se manifeste dès que l'enfant regarde devant elle,

mais, dès quelle tourne la tête et que, la baissant, elle prend un

point d'appui même léger, le tremblement cesse. Lorsque l'enfant

dort, la tête appuyée, le tremblement cesse encore. Si l'enfant

tourne la tête sans prendre de point d'appui, le tremblement

cesse encore. Ce tremblement s'exagère à l'occasion de quelque

émotion : joie ou colère. Il n'y a pas de tremblement dans le sens

vertical.

Les yeux ne présentent rien de spécial. L'examen du fond d'oeil

'104 PATHOLOGIE NERVEUSE.

pratiqué par le Dr Aubineau a été trouvé normal. Il n'y a pas de

nystagmus.

Du côté des membres supérieurs, on observe des mouvements

athétosiques analogues à ceux des autres enfants. Mais il n'y a pas

de tremblement des membres.

L'enfant, à ce moment, présente un léger coryza.

Antécédents héréditaires (complément). Le grand-père maternel

est aveugle de naissance : il est âgé de soixante-six ans.

Un oncle maternel, fils du précédent, serait également aveu-

gle-zzé. Il a cinq autres frères et soeurs bien portants. ,

La grand-mère maternelle, bien portante, est morte du choléra à

l'âge de quarante ans.

Marche. L'enfant revue à plusieurs reprises a toujours présenté

le même symptôme. Elle avait été amenée par la mère, dans la

crainte d'accidents mémngitiques analogues a ceux qui avaient

emporté le frère, atteint du même tremblement.

Les tremblements essentiels analogues à celui que nous

faisons connaître sont exceptionnels. Récemment M. le pro-

fesseur Raymond et son chef de clinique M. Cestan en pré-

sentaient un cas intéressant, non familial, à la Société de

Neurologie 1. Nous renvoyons à la discussion soulevée par

cette présentation pour l'historique des faits antérieurement

connus.

John Thomson 2 a étudié sous le nom de spasme nuant

une affection qu'il considère comme une névrose fonction-

nelle affectant les jeunes enfants, et a évolution courte et

bien définie : ses symptômes principaux consistent dans des

mouvements involontaires de la tête avec nystagmus ocu-

. laire. Ce dernier peut manquer quelquefois. La relation

entre les mouvements de la tête et le nystagmus est démon-

trée par ce fait que lorsqu'on ferme les yeux, les mouve-

ments de la tête s'arrêtent, et que si on immobilise la tête,

le nystagmus s'accentue ou apparaît s'il n'existait déjà. Les

trois quarts des cas se présentent de quatre à douze mois.

La maladie est plus fréquente chez les filles et l'hérédité

' Raymond et Cestan. Soc. de Neurol. Séance du jeudi 2 mai 1901, in

Revue Neurologique n° 9, p. 178. Un cas de tremblement essentiel con-

génital (du type sénile).

' Thomson. Sur l'éliolorlie du spasme nulant avec .\'yslagnxus chez

les petits enfants. (The Scollish Médical cccul Surgical Journal 1900,

juillet, p. 7, vol. VII, n° I), analybé in Presse médicale 1901, 13 avril,

n° 30, par Tollemer.

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX '108

nerveuse semble influencer sa production. La dentition

paraît avoir un effet prédisposant ainsi que certaines mala-

dies infectieuses : rougeole, bronchite, etc. Mais l'élément

causal principal est le mauvais éclairage de la pièce où

habite l'enfant, et la maladie serait due aux efforts continus

que fait le petit être pour regarder par la fenêtre. De même

elle se rencontre de préférence dans les mois les plus

obscurs de Tannée. Le rachitisme est fréquent chez les petits

malades. Le spasme nutant a beaucoup d'analogie avec la

chorée.

Il s'agit là évidemment d'une affection tout à fait

étrangère au tremblement essentiel infantile dont la durée

paraît être indéfinie. En outre il y a dans cette dernière

affection plus qu'une manifestation isolée d'une simple

névrose fonctionnelle. En analysant les divers renseigne-

ments fournis par notre observation, nous trouvons une

importante tare nerveuse chez les ascendants maternels : le

grand-père et un oncle aveugles-nés. 11 s'agit donc ici d'une

affection à manifestations cérébrales variables apparaissant

chez quelques-uns seulement des membres d'une même

famille. Nous retrouvons là un élément commun aux diverses

maladies familiales, respectant certaines personnes, en frap-

pant d'autres eu vertu de lois obscures ou mieux parfaite-

ment inconnues. Il existe certainement une relation directe

entre l'infirmité présentée par le grand-père et l'oncle'

maternels et le tremblement essentiel congénital de deux

des descendant. Chez l'un d'eux le développement irrégu-

lier des centres nerveux se traduit d'autre part par l'exagé-

ration des réflexes patellaires ; chez le second par des crises

épileptiformes survenues de bonne heure et par un état de

faiblesse relative qui permet le facile envahissement des

méninges par une inflammation secondaire à un choléra

infantile. Chez un dernier enfin, des accidents méningi-

tiques mortels sont les seules manifestations de cet état

morbide si apparent chez quelques membres de la famille

et qui n'est peut-être que latent chez les frères et soeurs,

n'attendant pour se produire qu'une occasion qui peut

d'ailleurs ne pas se présenter.

106 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Il. Nystagmus congénitaux .

Les cas de nystagmus que nous allons maintenant passer

en revue se divisent naturellement en trois catégories : "

1. Les Nystagmus essentiels simples ;

2. Les Nystagmus essentiels avec exagération des réflexes

patellaires;

3. Les Nystagmus essentiels à caractère familial avec ou

sans exagération des réflexes patellaires.

Tous ces nystagmus ont pour caractère primordial d'être'

congénitaux. Il va sans dire que nous avons soigneusement

éliminé de cette étude les nystagmus symptomatiques d'une

affection nerveuse caractérisée et ceux qui pouvaient être la "

conséquence d'un vice de réfraction, d'une anomalie congé-

nitale ou d'une lésion de l'oeil. Nous avons noté du strabisme

dans quelques-unes des observations qui vont suivre. Malgré

la coïncidence de ce symptôme intermittent ou permanent,"

malgré que nous ayons trouvé une fois une forte myopie

monoculaire, nous avons considéré ces cas comme se ratta-

chant au .nystagmus essentiel en raison de leur caractère

familial ou des autres symptômes (exagération des réflexes,

inégalité pupillaire) qui les accompagnaient. Parmi les

mouvements de la tête que l'on rencontre très fréquemment

avec le nystagmus, les mouvements lents d'inclinaison ne

sont pas assimilables à des tremblements. Il n'en est pas de

même des mouvements que nous avons qualifiés de pendu-

laires et que nous avons trouvés dans six de nos observa-

tions : il s'agit bien là de tremblements oscillatoires pen-

dulaires absolument analogues aux mouvements nystag-

miques. ' -

A. Nystagmus essentiels simples.

Observation. 11[ell. fea ? ijze, âgée de quatorze ans. vient à la consul-

tation de l'hôpital civil le 13 juillet 1901. Elle est la seule de la

famille à présenter cette infirmité. C'est une fille de taille moyenne

qui n'offre rien de particulier dans les grands appareils; le coeur,

les poumons, le tube digestif, fonctionnent bien. Elle ne présente

pas d'atrophie musculaire, pas de déviation de la colonne verté-

brale, pas de tremblement intentionnel.

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 107

Le nystagmus pour lequel elle vient consulter existe depuis la

naissance : c'est un nystagmus à tremblement transversal (non hori-

zontal) qui s'exagère par la vision dans les positions extrêmes de

l'oeil. Le sujet incline naturellement la tête pour arriver à immobi-

liser les yeux. Il n'a pas de tremblement ni d'oscillations (mouve-

ments pendulaires) de la tête, mais des mouvements lents de la

tête qui s'exagèrent, disent les parents, sous l'influence du travail

ou d'une émotion.

Le sujet ne présente pas de modifications des réflexes patellaires.

Pas de clonus du pied. La sensibilité est conservée intégralement.

Examen des yeux. = V = 1 (H in -f- 0,50). Pas de strabisme,

fond d'oeil normal. Réactions pupillaires et réflexes normaux.

Observation II. Ben. Francisque, âgé de douze ans et demi, se

présente à la consultation de l'hôpital civil le 11 juin 1901. Le sujet

est venu à terme : il a présenté une ophtalmie purulente probable

au moment de la naissance : cette affection s'est du reste bien

terminée.

Il a eu quatre frères et soeurs. Il est le troisième et est le seul

restant. Il a eu la coqueluche à deux ans et demi : à ce moment

il a vomi du sang. A la même époque il eut une rougeole. En 1897

il fit une fluxion de poitrine à la suite de laquelle il a présenté une

sorte de paralysie des membres inférieurs (ataxie-abasie ? ) qui a

duré un mois, il a pu remarcher à la suite. L'enfant toussait et

vomissait facilement jusqu'à il y a deux ans et demi. Du reste,

maintenant encore, il tousse et vomit facilement. Jusqu'à l'âge de

trois ans il dormait mal.

De ses quatre frères et soeurs, un est mort du croup à trois ans

et demi, une soeur est morte à trois ans et demi de méningite, un

troisième est mort en naissant. Un quatrième garçon est mort à

trois mois et demi de diarrhée infantile.

Le père est mort de dysenterie chronique à l'âge de quarante-

deux ans et demi.

La mère est bien portante : elle a eu une fièvre typhoïde avant la

conception de l'enfant. Elle était à peine rétablie au moment de la

conception. Pendant la grossesse elle avait été faible et très ner-

veuse (sans attaques).

Etat actuel. Enfant d'apparence robuste, est intelligent, répond

très bien à toutes les questions qu'on lui pose. La langue est bonne,

la dentition est bonne, le tube digestif fonctionne bien. Il n'y a

rien au coeur ni aux poumons. Rien dans les urines.

Il présente un nyslagmus transversal à petites oscillations remar-

quable par sa plus grande fréquence dans tous les mouvements

commandés. Ce nystagmus s'accompagne de mouvements pendu-

laires de la tête caractérisés par de petites oscillations.

108 PATHOLOGIE NERVEUSE.'

Ce nystagmus remonte à la naissance; mais la mère raconte qu'il

se serait surtout exagéré à partir de deux ans. Instinctivement

le sujet porte la tête à droite et fixe dans la position droite extrême :

dans cette situation il parvient à immobiliser ses yeux. Mais dans

la position gauche extrême le nystagmus persiste. -

Le sujet ne présente pas d'atrophies, il est bien conformé, il n'a

pas de tremblement intentionnel des membres. Il marche facile-

ment, n'a pas de Romberg. Cependant la mère signale qu'il a

des mouvements incoordonnés, qu'il bouge constamment, la force

musculaire est conservée dans son intégrité. Au dynamomètre

M. U = 9 M. G = 11 (il s'agit d'un dynamomètre pour adultes).

Il n'y a pas de troubles de la sensibilité. Les réflexes patellaires

sont normaux. Il n'y a pas de clonus.

En examinant plus attentivement le malade on constate qu'il

existe un très léger tremblement des mains.

Les oscillations de ce tremblement se font dans le sens transver-

sal. On constate aussi un léger état de spasticité et de la trémuia-

tion des mains. '

Ecriture du sujet à la date

L'écriture du sujet est manifestement tremblée.

Examen des yeux =V - 3 - Hm + 0,50. Fond d'oeil et milieux

3

oculaires normaux. Réactions pupillaires normales. Le sujet fut

soumis au traitement par l'autipyrine, le sirop de chloral à hautes

doses, la picrotoaine à la dose de 2 milligrammes sans aucun

bénéfice.

Observation III. Glo. François, âgé de quatorze ans. Elève au lycée

de Brest.

Nystagmus horizontal. Emmétrope, vision normale. Pas d'ano-

malies dans l'oeil. Pas de mouvements de la tète. Asymétrie faciale.

Héllexes normaux.

Observation IV. Lej. Geneviève, âgée de cinq ans.

Nystagmus horizontal. Strabisme alternant convergent intermit-

tent. Hm -(- 0,'75 à la lcératoscopie. Pas de lésions du fond de

I'oeil. Inéralié pupillaire très nette (les deux pupilles réagissent ci la

lumière et ci lléflexes normaux. Père mort alcoo-

lique.

Plusieurs particularités des observations qui précèdent méritent

d'attirer l'attention : le sujet de l'observation 5 a été conçu à la

suite d'une fièvre typhoïde et alors que sa mère se trouvait dans

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 109

des conditions de nervosité et de faiblesse accentuées. On connaît

la prédilection des grandes infections et en particulier de la fièvre

typhoïde pour les centres nerveux, et l'on peut se demander si

l'infection ébertbienne, qui, longtemps encore après la disparition

des phénomènes immédiats, peut persister, dans le sang, comme

le prouve la réaction de Widal, ne saurait en pareil cas impres-

sionner d'une façon nuisible le développementdu système nerveux

du produit de la conception. Remarquons encore que, bien que le

nystagmus occupe le premier rang dans les symptômes présentés

par les précédents malades, il, est loin d'exister à l'état isolé.

Den... a de l'instabilité motrice au dire de sa mère. Il présente

nettement du tremblement des doigts, de la trémulation et de la

spasticité des mains que son écriture révèle. Glo... a de l'asymé-

trie faciale. Lej... a de l'inégalité pupillaire,. avec conservation

des réflexes iriens. En résumé, sur 4 sujets, 3 présentent déjà des

signes indéniables d'altérations du système nerveux central.

B. -11'ystugmus avec exagération des réflexes.

013-ERV,%TION' I. /)... ilittî-the, huit ans et demi, vient consulter

le 5 octobre 1901. Est la troisième de 4 enfants.

1° G..., quatorze ans, rien de particulier. 2° G..., douze ans.

Extrêmement nerveux, est venu consulter pour des douleurs

d'oreilles siégeant droite ou à gauche, ne s'accompagnant pas

de fièvre, durant des heures pour cesser subitement. Enfant à

figure pâle, présentant un dédoublement physiologique du deu-

xième bruit à la base du coeur. S'est modifiée rapidement sous

l'influence de l'hydrothérapie et d'un traitement ferrugineux (pro-

toxalate de fer). Ne présente pas de nystagmus. 3° Le sujet. 4° Une

petite fille de cinq ans. Tous ces enfants sont intelligents ; le sujet

serait le moins bien doué.

Les parents sont bien portants et ne présentent pas de tare appa-

rente. Une tante paternelle aurait une légère myopie. Le père a

une myopie forte.

La grossesse a été normale. L'accouchement s'est fait dans

d'excellentes conditions.

C'est une enfant bien constituée sans tare organique : elle ne

présente pas d'autres signes que des dents crénelées avec une den-

tition légèrement défectueuse rappelant celle des adénoïdiens. Le

sujet est d'une émotivité extrême ; elle a des phobies, en particu-

lier elle a peur des animaux sans aucune espèce de raison. Elle se

plaint aussi d'une sensation de froid qu'il est très difficile de faire

disparaître.

110 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Examen des yeux. Nystagmus mixte, horizontal et rolatoire.

Strabisme alternant divergent intermittent. Emmétrope.

V Lecture facile. Fond d'oeil et milieux oculaires normaux.

Pas de tremblement de la tête. La mère raconte que le nystagmus

aurait toujours existé. '

Les réflexes rotuliens sont notablement exagérés. Il n'existe pas de

trépidation épileptoïde du pied. 11 n'y a pas de signe de Babinski.

Les réflexes oMo'6[)tte ? ! S sont également exagérés, mais dans de

faibles proportions. Il n'existe pas de tremblement intentionnel

des membres supérieurs. Il n'y a pas de tremblement de la tête,

du corps ou des mains, il n'existe pas de troubles de la sensibilité.

D'après le dire de la mère, l'enfant aurait des mouvements

désordonnés dans les bras et dans les jambes, mais ces mouve-

ments n'ont aucun des caractères de ceux de la chorée.

Observation II. Bern... Joseph, dix-sept aîzs, vient consulter le

23 novembre 1901. Le père est mort tuberculeux. La mère, 3 soeurs

et un frère sont bien portants. Le sujet ne peut fournir de rensei-

gnements sur ses oncles et tantes qui lui sont inconnus. Mais il est

affirmatif lorsqu'il dit qu'il est le seul dans la famille dont les

yeux bougent. Lui-même n'a jamais eu d'autres maladies qu'une

bronchite, il y a un an. L'examen des appareils ne révèle qu'une

respiration soufflante au sommet droit, accompagnée d'une exa-

gération dans la tonalité du deuxième bruit pulmonaire à la base

du coeur.

Examezz des ? /eM.c. Nystagmus horizontal. Milieux et fond d'oeil

4

normaux. Emmétrope. Vue'= . Réactions pupillaires normales.

Oscillations pendulaires de la tête .

Le sujet ne présente pas de tremblement des mains. Il ne pré-

sente pas de Romberg. Les réflexes patellaires sont normaux. Mais

on constate une ébauche de clonus du pied qui ne se reproduit

pas au deuxième examen. Pas de signe de Habinski. A un nouvel

examen on constate toujours à la première épreuve une ébauche

de clonus caractérisée par 2 ou 3 ressauts. Pas de troubles de la

sensibilité. Le nystagmus remonte à la naissance. Le sujet n'a

jamais été malade.

Dans l'une des observations qui précèdent l'exagération

des réflexes rotuliens est nettement accentuée. Dans la

seconde l'ébauche de clonus que nous n'avons pu obtenir

qu'à la première épreuve nous a paru cependant indéniable.

Devons-nous donc considérer ces sujets comme atteints de

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX ']'Il

sclérose en plaque fruste ? Cette opinion est inadmissible

parce qu'en dehors de l'absence de signes plus caractérisés

de cette dernière affection, le nystagmus est apparu dès les

premiers jours de la vie, et qu'en outre il manque à cette

hypothèse une notion étiologique importante : l'absence de

toute infection profonde que l'on rencontre toujours dans

l'histoire des sujets frappés de sclérose en plaques. Nous

pensons donc qu'ici encore une anomalie dans le développe-

ment du système nerveux central a entraîné l'apparition des

signes morbides.

C. Nystagmus essentiels familiaux.

Observation I. Liv..., vingt-trois ans. Séminariste. Nystagmus

horizontal. Rien d'anormal dans les milieux oculaires. Aucune

lésion du fond d'oeil. Pas de strabisme. Ilm z- 0,75 V = -^-. Lec-

ture facile. Ni mouvements ni tremblements de la tête. Réflexes

normaux (patellaires).

Observation II. Liu..., vingt ans (frère du précédent). Nystag-

mus présentant les mêmes caractères que chez le frère. Pas de

mouvements ni de tremblements de la tête. Bonne vision. Le jeune

homme est entré au service comme engagé volontaire. Les réflexes

patellaires n'ont pas été examinés.

Observation III. Appr... François, trente-sept ans. Se présente à

la consultation de l'hôpital le 24 septembre 1901.

Examen des yeux. Nystagmus mixte (horizontal et rotatoire).

Ce nystagmus existe depuis la naissance. 11 s'accompagne d'oscil-

lations de la tête nettement pendulaires à amplitude très courte,

semblant comme le nystagmus exister constamment.

. 0. G. Em... V= 1 0. D. Myopie de 9 D. sans lésions choroï-

diennes (cet oeil a du strabisme divergent et est amblyope par

défaut d'usage). 11 existe un staphylome postérieur. Le père du

sujat est également atteint de nystagmus et fait l'objet de l'obser-

vation IV. Il existe un frère dont les yeux ne bougent pas.

Le sujet n'a jamais été malade. 11 a été réformé pour varices

des membres inférieurs. Il ne présente pas de troubles de la sen-

sibilité. Les réflexes patellaires sont normaux. Il ne présente pas

de troubles nerveux ni de signes d'une affection des centres ner-

veux.

Il offre une asymétrie faciale intéressante : la face est déjetée à

gauche et rejetée en arrière de ce côté. Le nez est incliné à gauche.

112 PATHOLOGIE NERVEUSE..

La dentition est assez bonne, mais la langue est tirée à gauche

sans qu'il manque de dents de ce côté. Il n'y a pas d'atrophie, pas

de modifications du thorax, aucun signe de troubles du côté du

système nerveux.

Observation IV. App... Jean, soixante-quatre ans. Père du précé-

dent. Nystagmus mixte, horizontal et rotatoire. Vision bonne :

emmétropie. Hien d'anormal dans les milieux et le fond de l'oeil.

Oscillalions de la tête nettement pendulaires à amplitudes très

courtes semblant comme le nystagmus exister constamment. Les

réflexes patellaires sont normaux.

Observation V. Renseignements fournis par le père de deux enfants.

Le père, M. M..., âgé de trente-deux ans, n'a jamais été malade;

il aurait toussé vers l'âge de dix a douze ans. Au régiment, a eu

des rhumatismes généralisés sans complication cardiaque. Marié

à vingt-six ans avec MI ? M..., âgée de trente et un ans, bien por-

tante, pas de nystagmus. Un frère de la mère, âgé de trente-

trois ans, a du strabisme et du nystagmus (Obs. Vil). Deux autres

frères vivants ne présentent rien de semblable. Elle a deux soeurs

également bien constituées, mais un cousin germain des deux

enfants aurait quelque chose dans le regard (Obs. IX). Le grand

père maternel est mort il y a vingt ans environ. La grand'mère

maternelle, âgée de soixante-onze ans est bien portante.

' Du côté latewzel Un frère du père est bien portant et a des

enfants qui sont normaux. Une soeur est également bien portante.

Le fils aîné, Jean-Marie M..., a eu cinq ans au mois de mai 1901.

Il est le premier enfant. La grossesse a été normale, l'accouche-

ment a été facile. Il a été élevé au sein par la mère pendant cinq

à six mois, puis au petit pot pendant dix-huit mois. A marché à

douze mois, a parlé à peu près bien à dix-huit mois, va à l'école

depuis deux ans déjà. Ne sait pas.lii-e encore. Il est gai et joue

bien. Cet enfant a eu, en 1900, des fièvres intermittentes, accom-

pagnées de tremblements généralisés qui ont cédé facilement à la

quinine. L'enfant est bien conformé, a une bonne dentition. Les

organes n'ont pu être examinés, l'enfant ayant refusé de se laisser

déshabiller. Il présente un ganglion rétro-cervical à gauche. Les

réflexes patellaires sont normaux. Il ne parait pas exister de

troubles de sensibilité.

D'après le père, le tremblement des yeux aurait toujours existé.

Il en serait de même chez le frère cadet.

Examen des yeux. - Nystagmus horizontal. Mouvements pen-

dulaires de la tête à amplitude assez grande. Ces mouvements

semblent être compensateurs de ceux des globes oculaires. Il n'y a

pas de strabisme. Emmétropie. Pas d'anomalies ni de lésions des

yeux. '

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 113

Observation VI. Yves ilL ? qztalre ans. Est venu au monde

facilement. Elevé au sein peu de temps, puis au petit pot. N'a

jamais été malade. A marché à douze mois environ. A parlé à

peu près à la même époque. Un troisième enfant est mort à l'âge

de vingt jours. Le père ne sait pas s'il tremblait des yeux. Chez

Yves M... le nystagmus a toujours existé.

Etat actuel. C'est un enfant à gros ventre, à jambes arquées

en dehors. Il ne tremble pas des mains. La langue est bonne, l'ap-

pétit excellent, les digestions faciles. Les dents petites et noin-s

au niveau des incisives supérieures sont écartées les unes des

autres. L'enfant ne présente aucun signe anormal au coeur ni aux

poumons. Il n'a pas de polymicro adénopathie. La sensibilité est

normale. Les réflexes patellaires sont normaux.

' Examen des yeux. Le nystagmus et le tremblement de la tête

présentent les mêmes caractères que chez le frère aîné. Pas d'amé-

tropie ni d'anomalies à signaler.

Observation VII. François Le Br..., trente-trois ans, oncle mater-

nel des deux enfants précédents. A été réformé du service militaire

pour ses yeux. N'a jamais été malade. C'est un alcoolique ren-

forcé. ,

Sujet suffisamment.vigoureux, à dentition bonne, mais les dents

sont très mal entretenues. La langue est bonne, l'appétit est bon,

les digestions sont faciles. Le sujet ne présente pas de modifica-

tions de la voix, il n'a pas de rire ni de pleurs spasmodiques. Il

n'a pas de troubles de la sensibilité. Il n'y a pas de tremblement

intentionnel des membres supérieurs, et d'une façon générale ne

tremble pas.

On constate une légère mais très nette exagération des réflexes

des membres inférieurs (réflexes patellaires) avec une ébauche de

trépidation épileptoïde. Les réflexes des membres supérieurs sont

également plus marqués qu'à l'état normal. Il n'a pas de tremble-

ment fibrillaire des muscles.

Examen des yeux. Nystagmus horizontal (qui a toujours existé)

plus irrégulier et moins évident que chez les enfants NI... Stra-

bisme alternant convergent. Fond d'oeil normal. Bonne vision de

chaque oeil : emmétropie. Pas de tremblement de la tête. Réflexes

oculaires normaux. Milieux oculaires normaux.

Observation VIII. Un frère du précédent est mort, il y a vingt-

cinq ans, du croup, à l'âge de cinq ans. Il aurait eu, dès son jeune

âge, du tremblement des yeux qui a toujours existé. Ce renseigne-

ment est donné par les soeurs actuellement vivantes.

Observation IX. C... Louis François, âgé de dix ans, cousin ger-

main par la mère des deux enfants qui font le sujet des observa-

ARCHIVES, 2 série, t. XIV. 8

114 PATHOLOGIE NERVEUSE

tions V et VI. Il n'a jamais eu que des maladies insignifiantes. Il

a eu deux frères et deux soeurs bien portants dont les yeux ne

tremblent pas.

Les parents sont bien portants et n'ont pas dé tare nerveuse.

L'enfant vit à la campagne, à Pedan-Trahon (Kersaint-Plabennec)

où nous l'avons examiné. Indépendamment des parents précédents,

nous avons retrouvé, vivant dans le même milieu, une tante, Marie

Yv. Le Br..., soeur des sujets des observations VII et VIII, qui ne

présente pas de nystagmus.

Examen des yeux. Strabisme alternant convergent intermit-

tent. Secousses 12ystagmiqites très rares n'existant que dans les posi-

tions extrêmes du regard. Les pupilles réagissent bien à la lumière

et à l'accommodation. Kératoscopie. Vue normale. Hm très légère.

Fond d'oeil normal. Rien dans les milieux de l'oeil. Tremblement

de la tête peu accentué, mais nettement pendulaire.

Nous n'avons pu savoir des parents si le nystagmus a existé dès

la naissance. Les renseignements, qui nous ont permis de retrou-

ver ce malade, nous ont été fournis par les parents des sujets des

observations V et VI qui vivent loin de cet enfant et qui ont remar-

qué l'étrangeté de son regard par analogie avec ce qu'ils avaient

observé chez leurs enfants. Du reste, le nystagmus est à peine

esquissé dans le cas présent ; mais le tableau est le même que

chez les enfants M... et de plus il y a du strabisme comme chez

l'oncle Le Br...

L'audition est normale. Il n'y a rien dans les grands appareils :

le coeur fonctionne bien, la langue est bonne, la dentition est

excellente, le tube digestif fonctionne bien. On entend quelques

râles de bronchite dans la poitrine de l'enfant qui vient d'être

souffrant.

Il n'y a pas d'asymétrie faciale, le thorax est bien conformé. On

ne constate de troubles trophiques nulle part. Les organes géni-

taux sont bien développés. Il n'y a pas de troubles de la sensibilité

à la piqûre et de la sensibilité thermique. On ne constate pas de

tremblement des membres, pas de troubles vaso-moteurs.

Réflexes patellaires. Le réflexe palellaire gauche est plus mar-

qué qu'à droite : ce signe est surtout sensible quand on percute

les réflexes, l'enfant étant assis sur le bord d'une table. Avec de

la persistance, on arrive à déterminer quelques secousses cloniques

au niveau du pied gauche, caractérisées par deux ou trois mouve-

ments de trépidation épileptoïde très nette.

Signes cérébraux. L'enfant s'est bien élevé, est venu au monde

facilement, a fait ses premières deuts à sept ou huit mois. Il n'a

parlé franchement qu'à l'âge de trois ans et on a remarqué chez

lui une certaine paresse de cette fonction. Il sait lire et écrire, son

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 115

intelligence est ouverte et sa figure expressive avec un peu d'étran-

geté déterminée par son strabisme.

Il a uriné au lit très tard et maintenant encore il lui arrive par-

fois d'avoir des mictions nocturnes *.

Nous nous trouvons donc en présence d'une série de

malades' chez lesquels le tremblement bien loin d'exister à

l'état isolé, occupe seulement la première place d'un syn-

drome morbide plus ou moins complexe. Il ne nous semble

pas que jusqu'à présent on ait envisagé cette affection sous

ce point de vue ; du moins nous ne connaissons dans la

littérature médicale aucun travail inspiré dans ce sens. Nous

avons montré au sujet de notre observation de tremblement

infantile quelle importance offrait l'étude des ascendants et

des collatéraux au point de vue des tares nerveuses qui ont

frappé certains d'entre eux.' Cette réflexion qui s'applique à

toutes les variétés de nystagmus que nous avons passées en

revue présente son maximum d'intérêt dans les formes

familiales. La loi de l'hérédité similaire que l'on peut ins-

crire en tête de toutes les affections familiales du système

nerveux se retrouve ici fidèlement observée 3 : il semble que

ces sortes de sujets aient leurs lésions calquées les unes sur

les autres (obs. 1 et 2, 3 et 4, et 6). Parfois cependant

d'autres symptômes se surajoutent et viennent compliquer

le tableau morbide : par exemple l'asymétrie faciale si inté-

ressante du sujet de l'observation 3, ou bien l'exagération des

réflexes avec tremblement épileptoïde du sujet de l'observa-

tion 7. Nous ne saurions donc nous associer à l'opinion de

M. Achard qui, dans son très important article sur le « Trem-

blement' » se borne à signaler « à propos du nystagmus,

1 Nous sommes heureux de remercier M. le Dr Normand (de Kerhuon)

qui nous a signalé les cas intéiessants qui précèdent.

2 Indépendamment des cas précédents, nous étudions en ce moment

l'histoire d'une famille dans laquelle 9 personnes sont frappés de

Nystagmus Essentiel congénital : le père, la mère, 1 fille, 4 garçons ;

l'un d'emre eux a eu un fils maintenant mort dont les yeux tremblaient.;

la fille a 3 enfants dont l'aînée tremble des yeux depuis la naissance.

3 Voir à ce sujet le Préambule de la thèse de Londe, lléuédo-aldxie

cérébelleuse, Paris, 1895.

1 Traité de médecine et de Thérapeutique, de Brouardel et Gilbert,

t. VIII, 1901, p. 598, en noie..

116 PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il existe parfois à titre de symptôme isolé, à l'état congé-

nital, et que ce nystagmus congénital peut être héréditaire. »

Sans doute il peut en être ainsi, mais si l'on se reporte à nos

observations, on verra que le plus souvent se surajoutent à

ce signe primordial des manifestations nerveuses de même

nature, d'origine nettement centrale (inégalité pupillaire,

asymétrie faciale, exagération des réflexes). De sorte que

l'on pourrait, en se basant sur la complexité du syndrome,

établir une série de types morbides plus ou moins complexes

et suivant une sorte de progression ascendante en raison de

leur complexité même :

1er type. Nystagmus essentiel, manifestation isolée.

2e type. Nystagmus essentiel avec symptômes nerveux

variables surajoutés : asymétrie faciale, inégalité pupillaire.

3e type. Nystagmus essentiel avec symptômes nerveux

spéciaux : exagération des réflexes, trépidation épileptoïde.

4e type. Manifestation familiale de ce même symptôme

(tremblement) isolé ou associé à plus ou moins d'autres

signes nerveux surajoutés. 1

Une pareille classification n'a évidemment d'autre mérite

que sa simplicité. On ne saurait en effet regarder ces types

comme les représentants d'une lésion centrale progressive-

ment croissante d'après la variété considérée. D'ailleurs nous

'n'avons entrepris ce travail qu'à un point de vue purement

clinique et les hypothèses que nous allons maintenant faire

au point de vue de la pathogénie probable de ces tremble-

ment résulteront des connaissances acquises par nos devan-

ciers. Elles auront pour but de tenter de rattacher ces mani-

festations aux divers groupes des maladies familiales

actuellement admises dans la science.

Dans l'article « Nystagmus » publié dans le Dictionnaire

de Jaccoud, M. Abadie signale l'important travail du Dl Ga-

taud' déjà ancien dont nous extrayons cette donnée : le

symptôme a pu se rencontrer dans nombre d'affections céré-

brales sans que la lésion paraisse avoir de territoire spécial;

.pourtant dans aucun cas les parties antérieures du cerveau

n'ont été lésées, plusieurs fois la substance grise des circon-

volutions a été atteinte dans le lobe occipital, d'autres fois

c'était le corps strié, la couche optique, enfin le cervelet et

' Etude sur le Nystagmus, Paris, 1869,

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMUS CONGÉNITAUX 117 î

la protubérance. M. Abadie insiste ajuste titre sur l'absence

de précision de la localisation topographique de la lésion

trouvée à l'autopsie. Toutefois les altérations semblent siéger

de préférence dans le lobe occipital. Il rapproche de ce fait

les observations publiées dans la thèse du professeur Lan-

douzy, où, dans certaines affections cérébrales accompagnées

de troubles de la motilité des muscles de l'oeil, la lésion

siégeait plusieurs fois au niveau du pli courbe. Il ajoute

encore que le nystagmus existe quelquefois dans les affec-

tions qui intéressent la partie supérieure de l'axe spinal et

plus spécialement au niveau de la jonction du bulbe rachi-

dien à la protubérance annulaire. Ce nystagmus peut être

reproduit expérimentalement quand on vient à léser, comme

ont fait Gadaud et Vulpian, le plancher du 4" ventricule et

même les corps restiformes. « L'apparition du nystagmus à

la suite de lésions de cette région n'a rien qui doive nous

étonner si l'on songe que c'est là précisément que se trou-

vent les noyaux d'origine du moteur oculaire commun et du

moteur oculaire externe qui, soit directement, soit par voi-

sinage peuvent être intéressés. Dans le nystagmus d'origine

cérébrale, c'est probablement le centre excito-moteur de

l'écorce d'où part la volition qui est atteint ; dans le nystag-

mus médullaire, c'est le noyau où se rend l'excitation venue

de la périphérie et d'où part l'excitation nerveuse qui se

rend au muscle. » (Abadie L. C. p. 223-224).

Plus récemment M. Uhthoffl dans un important mémoire

distingue du nystagnus vrai accentué et très apparent, qui

dépend d'une lésion bulbaire ou cérébral, les secousses

nystagmiformes qui se produisent seulement dans les posi-

tions forcées des yeux, et qui proviendraient d'une parésie

disséminée des nerfs moteurs du globe oculaire.

M. Achard 2 analyse les hypothèses proposées pour expli-

quer le tremblement, dont on a placé la cause dans les

centres nerveux, les conducteurs, les muscles.

a. « Les centres nerveux pourraient provoquer le tremble-

ment soit par défaut d'impulsion, soit par excès : ce phéno-

mène semble pouvoir être lié tantôt à un état de dépression

' Cité par Mosny. Manuel de médecine, Debove-Achard, t. III, art.

Sclérose en plaques, p. 613. 1

2 Loc. cil., p. 600 :

118 PATHOLOGIE NERVEUSE...* ' .

tantôt à un état d'excitation des centres nerveux. La pre-

mière interprétation conviendrait au tremblement qui accom-

pagne la fatigue, l'anémie, la cachexie. L'excitation exagérée

des centres ferait que les cellules se déchargeraient en

plusieurs temps ; la conductibilité des prolongements cellu-

laires ne serait plus suffisante pour laisser passer assez vite,

tout le courant venu de la cellule surchargée. C'est dans les

cas de cet ordre que les phénomènes spasmodiques (contrac-

ture, exagération des réflexes) s'observeraient. »

b. La conduction défectueuse serait la cause du tremble-

ment dans la sclérose en plaques par exemple : dans cette

affection les cylindraxes sont conservés, leur gaine 'de

myéline est en voie de destruction. Charcot a comparé cet

état à celui des fils électriques mal isolés et a cherché à

expliquer le tremblement par le mauvais état des conduc-

teurs qui ne laissent passer le courant que par saccades.

- c. Enfin on a cherché à expliquer le tremblement soit par

des altérations des fibres musculaires, soit par des troubles

nutritifs des muscles résultant de lésions vasculaires et de

modifications du sang (Spring, Blocq, Lemke).

Il est certain, dit M. Achard, que l'hypothèse d'un trouble

primitivement musculaire ne saurait être admise dans la plu-

part des cas. Le rôle du système nerveux central a été

démontré expérimentalement. Vulpian a établi que dans le

tremblement provoqué par la nicotine chez la grenouille,

l'action du bulbe intervient, car le tremblement-persiste

lorsqu'on enlève les autres parties de l'encéphale tandis

qu'il cesse si l'on sépare la moelle du bulbe. Le tremblement

intentionnel a été reproduit par Pasternotsky au moyen de

lésions des cordons antérieurs de la moelle et de la partie

antérieure des cordons latéraux. « Chez l'homme, ajoute

M. Achard, l'association du tremblement à divers mouve-

ments anormaux comme la chorée, l'athétose, dans cer-

taines lésions de l'encéphale tend aussi à démontrerle rôle

des centres nerveux. »

En possession de ces connaissances, pouvons-nous tenter

de rattacher les nystagmus congénitaux elles tremblements

infantiles à une altération définie du système nerveux central

Sans vouloir empiéter sur le domaine de l'anatomie patho-

logique, nous serions tentés de les considérer comme liées-

à des causes multiples : malformation des cellules motrices

TREMBLEMENTS INFANTILES ET NYSTAGMES CONGÉNITAUX 119

de l'écorce grise, altérations cellulaires fines des noyaux

d'origine des nerfs moteurs de l'oeil, défaut de conductibilité

du cylindraxe peut être placé sous la dépendance de leur

enveloppe myélinique. Peut être même dans certains cas

serait-on en droit d'invoquer des lésions plus grossières : des

foyers multiples d'hémorragies ponctiformes survenant au

moment de la naissance chez des sujets prédisposés et ana-

logues à celles qui accompagnent certaines grandes infec-

tions sanguines : l'anémie pernicieuse protopathique, par

exemple. On sait depuis Kôlliker que les divers faisceaux

blancs de la moelle ne sont pas tous engainés de myéline

péricylindraxile à la naissance et que ce n'est que plus tard

- qu'ils arrivent à leur état de développement parfait. Si sous

l'influence de causes ancestrales ou contingentes, ce déve-

loppement reste incomplet, s'il y a une déviation dans l'achè-

vement définitif' de la fibre nerveuse, cette modification

associée à une malformation possible des cellules corticales

ou nucléaires donnerait lieu au tremblement infantile ou

oculaire et pourrait s'accompagner d'autres symptômes in-

solites révélateurs de la malformation : inégalité pupillaire,

asymétrie faciale, exagération des réflexes. Toutefois on ne

saurait rattacher ce vice de fonctionnement du système ner-

veux à une lésion systématisée.

Néanmoins et pour spécieuse qu'elle puisse paraître, cette

conception nous permet d'envisager les tremblements que

nous avons passés en revue, à un point de vue plus général.

Ils nous semblent en effet présenter les premiers chaînons de

cette nombreuses série de maladies congénitales dont ,1e

cadre nosologique s'enrichit tous les jours. A un premier

stade, l'atteinte légère du système nerveux s'accompagnerait

de lésion diffuses et rudimentaires de nature indéterminée,

entraînant la production de tremblements divers : nystag-

mus simple ou tremblement infantile du type de l'observa-

tion de MM. Raymond et Cestan. A un degré plus avancé

répondant peut être à des lésions plus disséminées et en

certains points plus profondes se rattacherait les Nystagmus

avec malformation diverses : inégalité pupillaire, asymétrie

faciale, mouvements incoordonnés des membres. Plus élevés

dans la série morbide nous paraissent être les nystagmus

avec symptômes surajoutés spéciaux en particulier l'exagé-

ration des réflexes pouvant déjà traduire une tendance à la

120 PATHOLOGIE NERVEUSE.

systématisation des lésions. Enfin nous trouvons un chaînon .

intermédiaire très important dans les nystagmus et les trem-

blement infantiles familiaux qui rattacheraient en affections

congénitales à certaines des maladies familiales systéma-

tisées. Par quelques-uns de leurs caractères, ils relient à la-

sclérose en plaques familiale dont l'existence est aujour-

d'hui admise sans conteste, et enfin à 1'lié2-édo-alaxie cé2-é- "

belleuse qui représenterait le terme le plus élevé et le plus

complet de cette série morbide. w

En résumé et bien qu'il manque à notre hypothèse la con-

firmation anatomique qui seule serait juge de la valeur des

' arguments que nous proposons, nous avons cru devoir les

faire connaître. De pareilles lésions sont heureusement

longtemps compatibles avec la vie, et ce n'est que chez des

sujets hospitalisés que l'on pourra quelque jour se rendre

compte de l'état des centres nerveux au cours d'une affection

somme toute aussi légère que celle que nous venons d'étudier.

On ne peut attendre que du temps et de nouvelles observa-

tions suivies d'autopsies la preuve.de la justesse de notre

hypothèse. Toutefois on peut se demander si de pareils sujets

persisteront indéfiniment dans le type morbide qu'ils ont

présenté jusqu'alors et s'il ne viendra pas s'ajouter à un mo-

ment donné de leur existence des symptômes nouveaux

d'une affection nerveuse nettement caractérisée comme la

maladie de Friedreich pour les formes isolées, comme l'hé-

rédo-ataxie cérébelleuse pour les variétés familiales. Le fait

est possible, bien qu'aucun des adultes que nous avons

observés n'ait présenté jusqu'à présent une pareille Révolution

à moins qu'on ne considère comme une ébauche de ces grandes

affections les symptômes surajoutés. Il est probable aussi que

l'on pourra trouver dans la même famille des types différents

ressortissant les uns à la névrose trémulante, les autres aux-

formes plus complexes des maladies héréditaires. Il est de

- fait qu'à mesure que les affections .nerveuses sont mieux

connues, 'des faits jusqu'alors mal classés, prennent rang

/ dans les grandes catégories bien déterminées au point de vue

anatomique et séméiologique. En outre, il est rare qu'une

affection en somme légère préoccupe les personnes atteintes

et certains de nos sujets sont venus consulter pour une

cause étrangère à leur nystagmus surtout lorsqu'il était peu

prononcé et qu'il n'entravait pas la vision. La classification

1

NOTE SUR UN CAS DE DÉLIRE ÉPILEPTIQUE. 121

que nous proposons n'est probablement que provisoire ; le

rang que nous avons assigné aux Nystagmus et aux Tremble-

ments essentiels dans le cadre des maladies nerveuses sera

sans doute l'objet de remaniements successifs, mais nous

aurons atteint notre but si nous avons réussi à mettre en

relief certains de leurs caractères qui nous avaient frappés

et surtout si de nouvelles recherches viennent apporter la

lumière sur ces parties encore obscures de la science médi-

cale.

1 RECUEIL DE .FAITS.

Note sur un cas de délire épileptique;

Par le D' A. PETIT.

On sait depuis les travaux de Magnan et de son élève

Respault que le délire épileptique est le produit de deux fac-

teurs : 1° l'état cérébral ; 2° l'ictus épileptique. Ce dernier

peut déterminer depuis l'acte le plus inoffensif jusqu'au

crime le plus horrible : sous son influence, tel malade s'obs-

tine à boire dans un verre vide, tel autre vole à l'étalage,

celui-ci se suicide, celui-là tue un passant inoffensif qu'il

rencontre sur son chemin. Ce sont là des actes qui ont été

enregistrés avec soin depuis longtemps par les auteurs. Mais

pourquoi l'ictus épileptique provoque-t-il tantôt un acte

insignifiant, tantôt un acte dangereux ? C'est qu'il n'y a pas `

à considérer chez un malade que son épilepsie; si la névrose

entre pour une grande part dans la production du délire

épileptique, elle ne le constitue pas tout entier. « Il y a un

autre élément qui entre en ligne de compte : c'est la person-

nalité mentale de l'individu faite de l'ensemble de ses dispo-

sitions morales, de ses habitudes, de ses acquisitions intel-

lectuelles et autres, saines et morbides ». C'est ce que

Respault a appelé « l'état cérébral », état indépendant de

l'épilepsie, antérieur au paroxysme ; en sorte que l'ictus

122 RECUEIL DE FAITS.

n'est d'après cette théorie qu'un choc accidentel, une sorte

de traumatisme qui déterminera telle manifestation délirante

selon la nature du terrain mental qu'il viendra frapper.

C'est, comme le montre l'observation suivante, l'ictus qui

provoque l'acte inconscient épileptique, mais c'est l'état

cérébral antérieur de l'individu qui en fait les frais et en

règle la nature. "

J. Ch..., quarante ans, sommelier, est le troisième enfant d'une

nombreuse famille. Trois de ses frères sont .morts en bas âge ;

deux soeurs sont bien portantes; le père est mort à l'étranger

d'accidents paludéens ; sa mère est morte des suites d'une affection

cardiaque à cinquante-deux ans; elle était sujette à des tics de la face.

Le malade est un homme d'une intelligence moyenne, ayant

reçu une bonne instruction primaire. Pendant l'enfance on note :

urination au lit jusqu'à l'âge' de onze ans, mais sans accidents

convulsifs constatés ; pendant l'adolescence, un développement

tardif au point de vue physique coïncidant avec des aecès de

lièvre contractés pendant un séjour prolongé en Turquie. J. Ch...

n'a pas fait de service militaire, ayant été réformé pour atrophie

du médius de la main gauche. Cest à l'âge de vingt-trois ans que

notre sujet semble avoir été pris de ses premières manifestations

comitiales : il habitait alors avec sa soeur, et celle-ci, surprise une

nuit de l'entendre gémir dans la chambre à côté de la sienne,

accourut et le trouva dans son lit une écume sanglante aux lèvres,

hébété, ayant complètement perdu le souvenir de ce qui venait de

se passer. L'année suivante, étant à table, il aurait pâli tout d'un

coup, serait devenu inconscient et transporté sur son lit, il aurait

eu une « violente attaque de nerfs ».

Le 16 mai 1895, à la suite d'un délire qui aurait éclaté subite-

ment deux jours auparavant, J. Ch... entre à l'infirmerie spéciale

du dépôt, où le D1' Garnier constate qu'il est atteint de : « délire

maniaque avec inconscience absolue; répétition automatique du

même geste et du même mot (il frappe dans ses mains et pro-

nonce le mot m...); morsure profonde de la langue ; insomnie

complète ». Le' malade est ensuite interné à Sainte-Anne, d'où il

est transféré à l'asile de Ville-Evrard. Deux mois après, J. Ch...

est remis en.liberté et considéré comme guéri de son accès. Il

reprend son. métier de sommelier qu'il exerce jusqu'en octobre

1901. Il est à peine besoin d'ajouter que de par sa profession, cet

homme était sujet à des habitudes alcooliques (excès de bière).

En août 1901, sous l'influence de sa névrose et de l'alcoolisation,

J. Ch... devient triste, mélancolique, sujet à une insomnie fré-

quente, à de violents maux de tête, à des troubles digestifs de

toutes sortes. Inquiet de sa santé, il redoute pour lui la venue de

NOTE SUR UN CAS DE DÉLIRE ÉPILEPTIQUE. 1'23

nouveaux accidents cérébraux capables de l'obliger à un nouvel

internement ; cette crainte l'obsède et augmente son état de tris-

tesse. Le 14 octobre 1901, il est pris d'un violent accès convulsif,

avec perte complète de connaissance. Des voisins viennent à son

aide et le trouvent, à la suite de l'attaque, en proie à un délire '

maniaque très violent. D'après les renseignements, il paraissait

alors avoir des hallucinations effrayantes, tenait des propos inco-

hérents, au milieu desquels il demandait à être interné et parlait t

de l'infirmerie du Dépôt. Laissé seul, il se rend comme poussé en

apparence par une impulsion irrésistible au commissariat de

police, où il dit être malade et demande à être dirigé sur l'infir-

merie-du Dépôt, où le Dr Legras constate qu'il est atteint de « dé-

pression mélancolique paraissant consécutive à une attaque comi-"

tiale avec inconscience, inertie, mutisme, refus d'alimentation z

On note également sur le certificat des habitudes alcooliques.

C'est dans cet état que J. Ch... est transféré à l'Admission (ser-

vice du Dr Magnan), où nous avons eu l'occasion de l'examiner.

C'est un garçon bien constitué au point de vue physique. Les

organes sont sains ; l'urine est normale; pas de signes d'hystérie ;

une morsure profonde de la langue; un peu de tremblement des

mains ; le malade avoue du reste quelques excès de boisson.

J. Ch... est lucide au moment où nous l'interrogeons pour la pre-

mière fois; il raconte volontiers son histoire, disant que depuis

trois ans il a pendant la nuit de petites attaques : il se lève fré-

quemment le matin avec la tête lourde, la langue douloureuse,

l'oreiller taché de sang, le lit mouillé, et il a travaillé dans ces

conditions jusqu'au 12 octobre 1901. Depuis quelques jours cepen-

dant, inquiet de son état, il parlait de se faire soigner. Mais il ne

se souvient plus de sa visite au commissariat et de son entrée à

l'infirmerie du Dépôt. Il ne reprend connaissance que le matin du

14 octobre, et parait tout surpris de se trouver à l'asile, ne sachant

pas comment il y est venu. Le malade reste dans cet état pendant

tout son séjour dans le service, ne conservant aucun souvenir des

circonstances qui ont précédé son internement. Il est transféré le

4 novembre 1901 à l'asile de Ville-Evrard.

Nous avons là assez de documents pour affirmer que

J. Ch... est un épileptique, dont l'état comitial a été provo-

qué par l'influence réciproque de l'alcoolisation et de la pré-

disposition héréditaire. Ce qu'il y a de particulier dans son

histoire, c'est ce fait qu'il ait causé lui-même son interne-

ment au cours d'une crise convulsive, internement effectué

dans des conditions assez compliquées, puisque le malade a

dû se rendre lui-même au commissariat de police de son

quartier et paraître là assez souffrant pour être transféré

124 RECUEIL DE FAITS.

d'office à l'infirmerie du Dépôt. Or, tous ces faits sont englo-

bés dans l'amnésie que présente le sujet. Nous l'avons

maintes fois interrogé sur'ces événements, et l'absence de

souvenir est restée totale et continue en ce qui le concerne.

Cette amnésie est le meilleur argument que l'on puisse invo-

quer en faveur du caractère comitial qu'il convient d'attri-

buer à l'accès délirant, hallucinatoire et convulsif qui a pré-

cédé, accompagné et suivi l'internement.

Ceci étant admis, comment expliquer qu'au cours de l'ac-

cès comitial, le sujet ait accompli un acte revêtant toutes

les apparences d'un acte volontaire. logique et conforme à

son intérêt personnel ? C'est ici que l'hypothèse émise par

Respault a lieu d'intervenir. En dehors de sa manifestation

épileptique, ce malade avait un « état cérébral » qui le fai-

sait se préoccuper et à juste titre de sa santé, et comme con-

séquence l'excitait à recourir aux soins médicaux qu'il avait

déjà reçus auparavant. L'ictus épileptique a provoqué l'ac-

complissement d'un acte logique eu égard à la situation du

sujet, acte logique dont l'aboutissant a été l'internement, et

cela à la faveur d'un délire automatique, non créé de toutes

pièces, mais puisant tous ses éléments dans une impression

ancienne. C'est par un mécanisme psychologique analogue

qu'un certain nombre d'épileptiques se livrent à des tenta-

tives d'homicide ou de suicide en apparence inexplicables,

mais qui puisent leur origine dans un état cérébral patholo-

gique, au lieu que dans l'observation actuelle, l'état mental

subconscient n'a jamais fait naître que des préoccupations

intellectuelles légitimes et pour ainsi dire normales.

Congrès annuel DLS médecins aliénistes

Paris, le 3 juillet 1902.

Le Président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes,

à MM. les préfets.

Je vous ai déjà signalé l'intérêt qu'ont les asiles d'aliénés, qu'ils

soient publics ou privés, à faire acte d'adhésion aux congrès

annuels des médecins aliénistes. Je vous informe que le prochain

congrès' se tiendra à Grenoble du 1 ? au 8 août. Vous voudrez

bien rappeler aux asiles et maisons de santé existant dans votre

département, mes recommandations antérieures. La dépense

résultant de l'adhésion est très faible et l'avantage est grand pour

les établissements de posséder dans la bibliothèque et de pouvoir

consulter incessamment les volumes où les travaux des congrès

sont reproduits. Pour le Président du Conseil, ministre de l'Inté-

rieur et des Cultes, le Secrétaire général, Ed. Combes.

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

Par LE Dr ROUBY

MON BUT. Ce travail n'est pas seulement une étude sur

un point d'aliénation mentale; sous sa forme scientifique, il

éclaire un chapitre important de l'histoire ecclésiastique. De

même que l'hystérie avait joué un très grand rôle pendant le

Moyen-Age avec les sorciers et les possédés du démon, de

même l'hystérie, .pendant la Renaissance et les siècles sui-

vants, continua de régner-en maîtresse dans la vie'religieuse

de l'Europe. Les saints et les saintes, les bienheureux et

les bienheureuses, presque tous les canonisés d'alors furent,

on peut le dire, des hystériques méconnus.

Ce sont les découvertes des symptômes de cette maladie,

découvertes qui datent d'un demi-siècle à peine, qui per-

mettent aujourd'hui de déchiffrer beaucoup de points

obscurs de l'histoire religieuse. Vous connaissez ces grilles

et ces clefs qui, placées sur des dépêches chiffrées, permet-

tent de les lire et de les comprendre ? De même, en super-

posant les symptômes hystériques sur les faits miraculeux,

on en reconnaît l'identité parfaite.

La connaissance exacte des symptômes de l'hystérie doit

donc amener la revision de l'histoire des Religions, et c'est

par là que ce travail peut avoir une importance particu-

lière.

Pasteur, parla découverte des microbes et des ferments, a

fait une révolution telle, que les livres de médecine écrits

avant lui ne peuvent plus servir à l'instruction des nouvelles

126 L'HYSTLRIE DE SAINTE THLRÈSE

couches de savants; les volumes coûteux achetés par le père

ne sont plus utilisés par le fils, étudiant à son tour ; les

nouveaux livres ont relégué, au fond des armoires, des mil-

liers de volumes devenus inutiles. Brusquement un fait nou-

veau s'est produit, et devant ce fait, il a fallu nous incliner :

la vérité fait toujours loi.

Or, un fait nouveau s'est produit aussi en aliénation : la

découverte de l'hystérie; devant ce fait d'une importance

immense doivent s'incliner tous les hommes ayant assez de

science pour savoir, ayant assez d'intelligence pour com-

prendre, ayant assez de raison pour discerner le vrai du faux,

fussent-ils, ces hommes, élevés dans les principes les plus

étroits de la doctrine des Églises. La vérité doit faire loi,

pour eux comme pour nous.

Aujourd'hui tenant haut et ferme le flambeau que d'au-

tres avant moi ont allumé, je vais essayer de montrer, à

l'aide de cette lumière savante, que des faits réputés mira-

culeux ne sont autre chose que des faits maladifs, et que la

canonisation de sainte Thérèse ne fut autre chose que la

canonisation de l'Hystérie.

La VIE DE sainte Thérèse. Parmi les plus célèbres

illuminées à qui l'hystérie méconnue, donna, sous sa lueur

factice, un grand éclat religieux, il faut citer en première

ligne sainte Thérèse : c'est elle la plus illustre, la plus com-

plète, la plus favorisée en apparitions et en miracles ! c'est

elle, pour ainsi dire, le modèle qu'ont plus tard imité les

soeur Clément, les sainte Catherine, les Marie Alacoque et

toute une procession de saints et de saintes qui sortiraient,

si on voulait les évoquer, des gros volumes des Bollandistes.

C'est peut-être aussi, au point de vue de l'hystérie, celle

qui présente la forme la plus classique, la plus clinique

pour parler en médecin, celle dont les accidents nerveux se

succèdent dans l'ordre le plus régulier. On croirait, en lisant

son autobiographie, avoir sous les yeux l'observation d'une

de ces malades qui peuplent nos asiles d'aliénés, à cette

différence que ce que nous appelons symptômes plus ou

L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 127

moins graves de la maladie, elle le nomme états plus ou

moins grands de la grâce ou Communion plus ou moins

complète avec Jésus-Christ. Disons de plus que ses écrits,

même à travers la traduction, forcent parfois notre admi-

ration parla beauté du style, par la splendeur des images-

et par la profondeur des concepts. Avec sainte Thérèse nous

n'avons plus affaire à une hystérique de bas étage, aux con-

ceptions imaginatives grossières, nous avons affaire à une

très grande dame, à éducation soignée, à instruction étendue,

sachant exprimer en un style admirable ses impressions

maladives.

Née en 1515, à Avila, en Vieille- Cas tille, de parents de

haute noblesse, Thérèse de Cépèda fut élevée dans les prin-

cipes d'une ardente piété ; elle perdit sa mère lorsqu'elle

était enfant.

« Ma mère, écrit-elle, était très vertueuse ; elle avait une

grande modestie, et quoiqu'elle fût très belle, jamais on ne

la vit se prévaloir de sa beauté ; elle fut longtemps sujette à

de grandes, infirmités qui la firent beaucoup souffrir; elle

mourut à trente-trois ans. »

Notons cet état maladif et cette mort prématurée : si

Thérèse est faible et si l'hystérie se développe très vite chez

elle, c'est que le terrain est préparé d'avance et qu'elle hérite

de cette mère une constitution délicate et peu résistante au

mal.

Son enfance romanesque. Dès le plus jeune âge,

Thérèse manifesta un esprit romanesque ; avec cet ascen-

dant bizarre qu'ont les petites filles nerveuses sur les petits

garçons, à l'âge de huit ans, elle décida un de ses compa-

gnons à partir avec elle du côté de l'Andalousie et de l'Afri-

que pour subir, le martyre chez les Maures. Reconduits à la

maison par un oncle qui les rencontra en chemin, ils réso-

lurent de se faire ermites, et pour cela construisirent au

fond du jardin paternel une grotte en pierres ; là ils com-

mencèrent' une vie de prières et de privations.; il fallut

128 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

quelques punitions pour leur enlever ce goût prématuré des

macérations et les ramener aux jeux de l'enfance.. '

Son entrée au couvent. A l'âge de douze ans, Thé-

rèse n'ayant plus sa mère pour la surveiller, se mit à fré-

quenter des jeunes gens ; elle se plaisait tellement en leur

compagnie que son père, le comte de Cépèda, se vit obligé

de la mettre au couvent de l'Incarnation d'Avila; mais dans

ce monastère on était très mondain et le parloir était le salon

du monde élégant; là, les seigneurs galants et pieux de la

ville, ceux de Vieille-Castille et autres provinces d'Espagne,

venaient charmer l'esprit et amollir le coeur des religieuses

affamées de savoir et de tendresse. Sainte Thérèse y prenait

un plaisir extrême ; elle éprouvait une jouissance singulière

à côtoyer cet abîme où chaque jour elle se voyait prête à

tomber; la seule crainte de Dieu, nous dit-elle, la retint et

l'empêcha de commettre le péché mortel. Un jour, sous

l'influence d'une hallucination, elle rompit brusquement avec

ses amitiés mondaines et Dieu seul resta l'objet de son

amour. Nous dirons bientôt les ardeurs mystiques, les illu-

sions sacrées, les hallucinations divines qui lui firent tenir

Jésus pour son seul amant.

SES DIRECTEURS. - De même que nos névrosés modernes

changent souvent de médecins, cherchant partout remède

à leurs maux imaginaires, ainsi Thérèse changea souvent

de directeur spirituel : « Je n'avais pas trouvé encore de

confesseur qui me comprît dit-elle, je fus même vingt ans

à en chercher un inutilement ».

Comment un confesseur aurait-il pu savoir ce que seul

pouvait démêler un médecin ; son corps était malade, son

âme ne l'était pas. Elle conserva pourtant, non comme

confesseur mais comme directeur, François de Salcedo avec

qui elle fut toujours liée d'une sainte amitié ; le portrait

qu'elle en fait dans ses Mémoires montre combien elle avait

de goût pour lui. François de Salcedo fut très utile à soeur

Thérèse dans ses fondations et l'accompagna dans la plupart.

L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 129 0,

Elle ne l'appelle que le saint gentilhomme; comme, tout

marié qu'il était, il avait suivi pendant vingt ans les écoles

de théologie des Dominicains, il était le conseiller intime de

soeur Thérèse à qui il faisait des visites régulières. Ordonne

prêtre après la mort de sa femme, il entra comme chapelain

au couvent de Saint-Joseph d'Avila dont Thérèse était la

supérieure.

Elle eut aussi longtemps comme confesseur et direc-

teur le père Pradanos de la Compagnie de Jésus. En 1557

le célèbre jésuite François de Borgia, à son retour du cou-

vent de Saint-Just dans l'Estramadure, où il avait visité le

vieil empereur Charles-Quint, s'arrêta au couvent d'Avila.

Si Thérèse n'eut avec lui que deux entretiens sur les grâces

ordinaires dont Dieu la favorisait, elle continua de lui

écrire de longues et fréquentes lettres, qui, très goûtées,

furent imprimées plus tard. Mais dans l'état de trouble et

'd'angoisse morale où la maladie la plongeait, Thérèse ne

trouvait pas toujours le calme et la guérison qu'elle cher-

chait, malgré les consultations des plus célèbres directeurs-

de conscience de l'Espagne.

LES années DE maladie. Pendant vingt-cinq années,

soeur Thérèse fut en proie au démon -de l'hystérie : pour

raconter les événements de cette période, il faut décrire les

symptômes de son mal ; ce sont les paroles mystiques

entendues, ce sont les spectacles extraordinaires vus,

ce sont les sensations amoureuses éprouvées, qui forment

la trame de cette existence tout à la fois religieuse et

rrialadive; elle nous en fera le récit plus tard, lorsque, la

période active de l'affection ayant disparu, laissera l'esprit

en repos et permettra d'autres préoccupations que celles de

son mal.

Quelquefois Thérèse comprendra le non réel de ses

visions et de ses voix; parfois elle .les attribuera au malin

esprit ; quelquefois elle se demandera si sa raison n'est pas

égarée. « Prenez pour vous seul les choses où vous verrez.

que je sors des limites de la raison », dit-elle à son confes-

Archives, 2a série, t. XIV. 9

130 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE'

seur, « car je ne crois pas que ce soit moi qui parle depuis

ce matin ».

Cela dura jusqu'au retour d'âge, époque où le calme re-

naît peu à peu, calme relatif, si l'on veut, car de sourdes

hallucinations et quelques symptômes nerveux persistent

encore ; mais enfin c'est le repos ; elle y arrive comme

dans un oasis, bien qu'elle entende encore au loin les

grands vents du désert siffler à travers les dunes désolées,

bien qu'elle sente parfois les tourbillons de sable, que le

simoun apporte jusque dans sa retraite. Alors seulement elle

commence son oeuvre, c'est-à-dire la rénovation de l'ordre

des carmélites hommes et femmes, dont elle passe pour

la fondatrice ; alors seulement elle écrit ses ouvrages de

sainteté qui lui ont mérité le surnom de Docteur en théo-

logie ; alors seulement elle commence de mémoire, sur la

demande de ses directeurs, son autobiographie qui nous la

peint si bien et qui montre avec tant de précision pour les

chrétiens tous les degrés de sa sainteté et pour les médecins

toutes les étapes de sa maladie.

SES CRUVRES LITTÉRAIRES. Les ouvrages de sainte Thé-

rèse sont au nombre de cinq :

1° Une relation de sa vie où nous avons puisé pour la

confection de ce travail; 1562 (Relation de K vida) ;

2° le chemin de la Perfection (el Camino de la Perfectione)

livre de morale chrétienne écrit pour l'enseignement de ses

religieuses ; -

30 Le livre des fondations, qui est l'histoire des monas-

tères fondés ou réformés par elle (El Libno de los fiindaciones y

los moradas) ; .

40 Le château intérieur (El Castillo intérior), ouvrage

mystique où la sainte amenant, une âme aux portes d'un

château fort, la conduit d'enceintes en enceintes jusqu'au

septième séjour, palais de Jésus-Christ;

3° Enfin les Pensées d'amour de Dieu (los Conceptos de

Amor de Dios), espèce de glose sur le livre des cantiques de

Salomon. ,

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 131 I

A ces écrits dont les quatre premiers parurent de son

vivant, il faut ajouter ses lettres (Las Cartas) qui furent re-

cueillies après sa mort; la plupart contiennent des leçons

évangéliques ou des discussions doctrinales formant ainsi

autant de petits traités de théologie. Thérèse fit aussi

quelques poésies ; son sonnet 1 au Christ crucifié est resté

célèbre en Espagne; mal traduit en vers français par Sainte-

Beuve, Firmin-Didot et d'autres poètes, il ne peut être bien

goûté que dans le texte espagnol.

Elle y exprime admirablement son immense ardeur pour

Dieu, son amour plus fort que le ciel et l'enfer, amour qui

la laisse indifférente à toutes choses, amour sans lequel

elle ne peut vivre.

Ce qui gâte pour nous ses écrits, c'est qu'ils sont trop

remplis par des opinions théologiques et par des considé-

rations dogmatiques qui en rendent parfois la lecture

pénible; c'est alors trop le docteur en théologie et pas assez

la femme de lettres qui tient la plume.

Au xme siècle déjà, il y avait une foule d'impitoyables

ergoteurs qui faisaient asseoir le syllogisme dans les chaires

des écoles et, quoique femme et nonne, Thérèse fut de son

1 Voici ce sonnet :

No me mueve, mi Dios, para quererte

El cielo que me tienes prometido

Ni me mueve el infierno tan temido

Para dejar par eso de ofenderte

Tu me mueves, mi Dios, mueveme el verte

Clavado en esa crux y escarnecido

Mueve verte cuerpo tam herido

Mueve las angustias de tu muerte ! .

Mueve en fin de tel manera

Que aunque no hubiera cielo, yo te amara

Y aunque no hubiera infierno, te tenieria

No me tienes que dar, por que te quiera

Porque, si cuanto espero, no esperara

Lo mismo que te quiero, te quisiera

132 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THRKSE

temps et se posa parfois en savante, mais dans l'aridité de

ses livres se rencontrent toujours d'ingénieuses comparai-

sons et sur leur didactisme ennuyeux s'étalent des formes

agréables.

SES LIVRES preuves DE sa MALADIE. -C'est pourtant dans

ces livres que nous avons trouvé et puisé les preuves d'hys-

térie dont ils - fourmillent et nous font regarder Thérèse

comme atteinte de mal hystérique. Bien que dans ses nar-

rations, elle ne nous donne pas toujours la description com-

plète des symptômes qu'un aliéniste aurait pu saisir, bien

qu'elle néglige souvent de nous-en décrire quelques-uns

pour laisser la place aux faits d'ordre psychique, notre dia-

gnostic sera suffisamment éclairé par ses récits ; de plus, en

lisant entre les lignes, chose facile avec elle, nous pourrons

trouver le supplément d'informations que nous cherchons.

SES SENTIMENTS. Comme femme, elle eut de grandes

passions : son coeur aimant alla de bonne heure vers les

hommes et elle y revenait sans cesse, lorsque ses voeux

monastiques finirent par tourner son amour tendre et ardent

vers Jésus qu'elle adora et dont elle prit désormais le nom

« Thérèse de Jésus » sous prétexte qu'elle était son épouse

spirituelle ; elle continua pourtant à conserver des pensées

affectueuses pour toutes les créatures humaines, plaignant

les pécheurs et parfois même le diable après l'avoir maudit;

elle eut à l'égard de ce dernier un mot touchant : « Le

malheureux ne sait pas aimer ! »

. LA VIEILLESSE. Puis la vieillesse vient, amenant l'apai-

sement de la maladie ; dans le prologue du Château inté-

rieur, une de ses oeuvres, Thérèse décrit ainsi son état phy-

sique et moral tel qu'il était le jour de la Trinité de l'année

1577, dans le monastère de Tolède dont elle était la supé-

rieure : elle avait alors cinquante-deux ans; elle éprouvait,

dit-elle, une grande difficulté d'écrire, et il lui semblait que

le Seigneur ne lui donnerait ni l'esprit ni la volonté pour

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE 133

mener à bien cet ouvrage. Si pourtant le livre était profi-

table à quelques âmes il fallait en rapporter la gloire à Dieu

seul; comme les oiseaux, à qui on apprend à parler et qui

ne savent que ce qu'on leur enseigne ou ce qu'ils entendent,

ainsi sainte Thérèse répète ce que le Seigneur veut bien

lui dicter. Comme santé physique, elle éprouvait un tel

bruit dans la tête et une telle faiblesse dans le corps qu'à

peine pouvait-elle écrire pour des affaires pressées ; elle lut-

tait péniblement contre des maladies incessantes, et elle

était sans force pour vaquer à ses occupations variées. Ne

croirait-on pas entendre ces nerveuses qui semblent accablées

et prêtes à mourir, et qui se réveillent sans cesse pour accom-

plir de dures besognes que leur état languissant ne semble

pas devoir permettre ? il suffit qu'une nécessité matérielle,

qu'un plaisir désiré leur donne le coup de fouet de l'émotion

pour que leurs muscle; deviennent d'acier et accomplissent

des choses surprenantes; on trouvera souvent chez les hys-

tériques ces états de langueur et de fausse faiblesse accompa-

gnés de douleurs aussi nombreuses qu'il y a de rameaux de

nerfs dans le corps humain; toujours prêts à mourir, ils

vivent de longues années.

C'est ainsi que se passera la fin de la vie de sainte Thérèse,

mêlant sa faiblesse à son activité, sa santé vraie à ses mala-

dies imaginaires, entreprenant la réforme de nombreux

couvents, et menant à bien toutes choses; croyant défaillir

à chaque instant en étant toujours debout. Sainte Thé-

rèse, à la fin de sa vie, vint habiter un couvent qu'elle

avait fondé, celui d'Alba de Tormès, près Salamanque.

Peut-être avait-elle choisi cette dernière résidence pour vivre

auprès du terrible duc d'Albe, don Fernando de Toledo,

qui, pendant les huit années de sa disgrâce, avait dû se reti-

rer dans son palais ducal, dont les hautes tours crénelées

dominent encore le couvent. C'est là que sainte Thérèse

mourut en 1582 à l'âge de 67 ans ; c'est là que se trouve

son tombeau élevé au siècle dernier et peu remarquable au

point de vue de l'art.

134 l'hystérie DE SAINTE THÉRÈSE

L'hystérie. Nous connaissons maintenant le sujet,

c'est-à-dire l'état physique et moral de Thérèse ; voyons ce

que l'hystérie va produire dans ce. corps débile et dans cette

intelligence supérieure.

Causes DE la maladie. Je lis quelque part, dans sa

vie, que Thérèse fut atteinte dans sa jeunesse d'une fièvre

double quarte dont elle put difficilement se débarrasser; les

accès très violents étaient précédés de frissons et accompagnés

de grandes douleurs généralisées; c'est à ces fièvres qu'elle

attribuait ses défaillances; il est possible que cette fièvre

soit la cause intoxicante de la maladie dans ce corps débi-

lité au dernier point. En effet, dès son enfance, son goût

exagéré pour le jeûne et les macérations, plus tard les mau-

vaises conditions hygiéniques du couvent, enfin l'hérédité

maternelle dont nous avons déjà parlé au début, avaient pro-

duit chez elle une faiblesse de constitution. qui devait être

grande, lorsqu'éclata la crise première, début de la maladie.

DE la PÉRIODE aiguë. L'hystérie, avant de devenir

chronique, est le plus souvent précédée d'une période dite

aiguë, qu'on pourrait plus exactement désigner sous le nom

de période du lit, car, pour des raisons variées, les unes

vraies, les autres fausses, les sujets alors prétendent être

incapables soit de marcher, soit même de se tenir debout; z

ils subissent dans cette position couchée divers symptômes

d'hystérie, mais surtout des attaques convulsives et des para-

lysies diverses; cela dure plus ou moins longtemps, parfois

des semaines, parfois des mois, parfois des années; l'amai-

grissement devient tel qu'ils n'ont plus que la peau sur

les os. Or malgré tout, il faut qu'on le sache bien, un tel

malade peut toujours être guéri en quelques jours, en quel-

ques heures, en quelques minutes.

Formation DES miracles hystériques. Il est très

important d'en parler, car c'est cet état dont il s'agit

dans la plupart des grands miracles de Lourdes, de Paray-

le-Monial et de la Salette : A certains moments, le mal

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 135

paraît si grand, la mort paraît si imminente que si la cure

dite miraculeuse a lieu, elle fait grand bruit et emporte la

conviction des témoins, même de ceux qui n'ayant pas la foi

commencent à croire. Des médecins alors donnent, avec la

plus entière bonne foi d'une part, mais aussi avec la plus

grande légèreté, de l'autre, des certificats et des attestations,

qu'il n'eussent pas signés, s'ils eussent été plus instruits

des choses de l'hystérie.

Le plus souvent la maladie est moins grave : ce ne sont

alors que des symptômes simples, comme par exemple, une

anorexie, une contracture, ou bien une paralysie qui sont

présentés à la Vierge miraculeuse par le pèlerin hystérique

réclamant un miracle. Mais dans tous les cas graves ou non,

c'est toujours la même cause, l'hystérie, et c'est toujours le

même mécanisme, la suggestion religieuse, qui sont en jeu;

c'est, toujours la névrose guérie par une émotion forte.

Lorsque cette émotion est religieuse, la guérison s'appelle

miracle.

PÉRIODE aiguë DE sainte thérèse. Thérèse eut

cette période de maladie : elle garda le lit durant trois

années. L'affection, qui avait été 'précédée soit à la maison

paternelle, soit au couvent, de fréquentes défaillances ou

syncopes, se montre sous forme de : -. .

io Boule hystérique : Thérèse nous dit, à ce sujet, que

quelque chose lui montait des parties basses jusqu'au cou,

produisant l'étranglement malgré qu'elle essayât, avec ses

doigts crispés, de l'arracher; qu'elle ne pouvait pas alors

avaler une goutte d'eau, ni même respirer.

2° L'angine de poitrine, se traduisant par une douleur

atroce, angoissante, située dans la région précordiale : « Mon

mal de coeur était si cruel, nous dit-elle, qu'il semblait

qu'on' me déchirât avec des dents aiguës; on me croyait

attaquée de rage. »

30 L'anorexie hystérique, pendant laquelle les malades,

généralement des jeunes filles, arrivent à un état de mai-

greur extraordinaire et ne sont plus que des squelettes

Ij6 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

vivants : « Comme je ne pouvais rien prendre de solide à

cause de mon extrême dégoût pour toute sorte de nourri-

ture, j'avais si, peu de force et mon corps était dans un

état tel que mes nerfs commencèrent à se retirer avec des

douleurs insupportables qui me tenaient depuis les pieds

jusqu'à la tête, et bientôt je fus en état de mort î.

4a Des contractures dont elle vient de nous parler ; elle

nous dira ailleurs : « Tous mes nerfs s'étant retirés, mon

corps était comme un peloton, je ne pouvais en remuer

aucune partie non plus que si j'étais morte ».

5° Des paralysies hystériques A un moment, Thérèse a

tout le corps paralysé : « Il n'y avait qu'un seul doigt de la

main droite que je puisse faire agir. Je ne pouvais m'aidçr

à rien qu'avec le secours des autres, encore on ne savait pas

où me prendre ».

6° Des anesthésies et des hypereslhesies. Des anesthésies,

elle en avait certainement, mais elle ne pouvait s'en ren-

dre compte elle-même; des hyperesthésies, au contraire,

elle en parlera fort souvent : « Mon corps était si doulou-

reux que je ne me laissais qu'avec peine toucher; j'éprouvais

des douleurs excessives qui me tenaient des pieds jusqu'à

la tête ». : 1° Les crises convulsives, durant lesquelles, nous dit-elle,

elle se déchirait la langue : parfois les attaques étaient si

fortes qu'elles semblaient épileptiques.

8° Le sommeil hypnotique : Enfin sainte Thérèse eut aussi

pendant cette période, un sommeil hypnotique de quelques

jours dont nous parlerons longuement tout à l'heure.

Tels sont les principaux symptômes d'hystérie dont Thé-

rèse fut le jouet pendant trois années consécutives et qui

lui firent garder le lit pendant cette longue période de

temps.

Un jour pourtant, pendant cette période de lit, Thérèse

se trouva guérie subitement durant quelques heures : elle

avait été transportée à Bécèdes, une campagne de son père,

pour changer de climat; mais le mal ne faisait qu'empirer;

Thérèse avait un grand désir de quitter Bécèdes où elle

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 137

s'ennuyait, pour rentrer dans la ville. Le dimanche des

Rameaux (IS36) elle se déclara guérie, se leva subitement et

revint au couvent de l'Incarnation sans souffrir du voyage.

Ces guérisons subites chez des hystériques, obtenues sous

l'influence d'une secousse morale quelconque, ont fait croire

souvent à des miracles qui n'existaient pas. Le lendemain

Thérèse se remit au lit, devenue de nouveau complètement

incapable de se lever. « Je restai dans cet état jusqu'au

dimanche des Rameaux de l'année suivante : j'étais dans une

extrême faiblesse, je n'avais plus que la peau sur les os;

quand j'allai mieux, je commençai à marcher à quatre pattes,

mais je restai longtemps impotente, et ce ne fut qu'après

trois années de maladie, que je fus à peu près guérie ».

Sommeil hypnotique DE Thérèse. C'est pendant cette

période de lit qu'elle eut dans la maison de son père, à Avila,

une crise de sommeil hypnotique; voici comment elle

raconte le fait : « Je ne pouvais ni jour ni nuit prendre de

repos, et outre cela j'étais en proie à une profonde tristesse,

avec des douleurs excessives qui me tenaient depuis les pieds

jusqu'à la tête ». Comme, à un moment où elle se croyait

plus malade, son père, pour lui enlever l'inquiétude de la

mort, s'opposa à la confession et à la communion, malgré le

grand désir qu'elle en avait, cette contrariété amena subi-

tement un sommeil simulant la mort : « La même nuit je

tombais dans un évanouissement qui me tint privée de sen-

timents pendant près de quatre jours : on m'administra le

sacrement d'extrême-onction ; on croyait à toute heure, ou

plutôt à chaque instant, que j'allais mourir, et on ne faisait

plus rien que de réciter auprès de moi le Symbole des

apôtres, comme si je l'eusse entendu. Quelquefois on me

tenait pour morte, et lorsque je revins à moi, je trouvai sur

mes paupières un peu de cire d'une bougie qu'on avait

apportée pour mieux juger mon état ». Enfin, ne trouvant

plus aucun signe de vie dans Thérèse, on fut si persuadé de

son décès, qu'au couvent de l'Incarnation on ouvrit une fosse

pour l'enterrer; des religieuses vinrent à la maison d'Al-

138 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

phonse de Cépèda, son père, pour assister au convoi de sa

fille, et dans un autre couvent on dit pour elle la messe

des morts. -

Observations -de sommeil hystérique. Cet état de

mort apparente chez des personnes hystériques n'est pas rare,

et il m'a été donné plusieurs fois d'en être témoin ; mais de'

plus, j'ai constaté qu'un certain degré de mensonge et de

fourberie accompagnait souvent. cet état. Je vais citer trois

cas de ce sommeil : - 1

Le premier cas est relatif à une femme de cinquante-cinq

ans, chez laquelle les sommeils hystériques après les crises

étaient fréquents. Comme je connaissais son état depuis de

longues années, et comme trop souvent je m'étais dérangé

pour elle sans grande nécessité, je faisais très rares mes

visites depuis quelques mois; l'hystérie lui fit entreprendre

un matin, de s'endormir et de simuler la mort, peut-être

pour faire courir après moi ; ce jour-là étant une fête de

famille, elle pensait la déranger et l'assombrir par mon

départ. A mon arrivée toute la famille pleurait autour du

lit, le corps était insensible et sans mouvement, la respira-

tion lente, le pouls filiforme, le coeur battait à peine ; elle

était, semblait-il, prête à rendre le dernier soupir. Comme

j'avais placé une trousse de chirurgie sur le lit et que je la

dépliais en silence en laissant tomber de ma bouche le mot

« Opération », je vis une des paupières de la malade se sou-

lever et laisser couler, à travers la ligne entr'ouverte ;des

cils, l'éclair d'un regard curieux. Mon diagnostic était fait ;

je déclarai que la malade n'était pas morte, et qu'elle

serait guérie dans la nuit, si on lui tenait sur la face un linge

mouillé d'eau froide. Je sus qu'elle s'était réveillée au cou-

cher du soleil.

La seconde observation est à peu. près semblable, avec

une cause différente. Il s'agissait d'une jeune femme de la

campagne, sujette à des attaques convulsives d'hystérie et

qui, un jour, à la suite d'une discussion violente avec son

L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 139

mari, tomba dans un sommeil invincible pendant quatre

jours; la syncope fut telle à certain moment qu'on crût voir

une morte véritable; je ne venais pas assez vite pounempê-

cher la malade de passer de vie à trépas; sauf les batte-

ments faibles et lents du coeur qui persistaient, la malade

paraissait en effet à l'article de la mort ; après avoir mis à

la porte tous ceux qui pleuraient trop fort, mon doigt sur la

bouche commanda un silence absolu ; je ne tardai pas à

voir les paupières de la malade s'entrouvrir à peine pour

laisser passer le regard curieux que je connais; j'ordonnai

les compresses d'eau froide sur la figure et je sortis en

disant très haut qu'elle allait se réveiller. A cent mètres de

la maison on courut après moi pour me dire que la malade

avait repris connaissance et jeté à terre les compresses désa-

gréables.

La troisième observation est la plus intéressante. Il s'agit

d'un soldat arabe profondément hystérique : un modèle

classique de l'affection avec tous ses symptômes se succé-

dant comme dans les descriptions d'un livre de médecine :

il fut pris pendant six semaines d'un sommeil simulant la

mort, avec un réveil de deux jours dans l'intervalle; l'état

était tel que plusieurs fois les infirmiers vinrent me dire qu'il

était décédé; il fallait un examen médical pour se rendre

compte de la persistance de la vie ; certainement on aurait

pu l'enterrer vivant; je fus obligé, à un moment donné, de

le nourrir avec la sonde, pour qu'il ne mourût pas de faim,

or l'opération se faisait sans aucune résistance du malade

plongé dans l'inertie la plus complète. Il prenait et gardait

comme un mannequin les positions étranges et bizarres

qu'on lui donnait ; sous la douche il ne tressaillait même

pas. »

Comme je le faisais conduire à l'hydrothérapie chaque

jour (on l'y portait comme un cadavre et on le reportait de

même), comme d'autre part, la chaleur de l'été étant très

forte, on se contentait de lui jeter sur le corps une couver-

ture arabe à -raies alternativement rouges et blanches, un

14O L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

jour le gardien vint me dire que le réveil avait eu lieu,

les raies de la couverture n'étant plus placées dans le sens

habituel; mais à ma visite il paraissait toujours comme un

cadavre et nous ne pûmes obtenir aucune manifestation de

vie. -

A la visite du lendemain, au lieu de sortir je me tins

immobile dans un coin de la chambre, après avoir fait un

changement de meubles avec des allées et venues pour

éveiller sa curiosité; alors je vis le malade soulever légère-

ment ses paupières et jeter un regard circulaire autour de

l'appartement, puis, m'apercevant, fermer de nouveau les

yeux et rentrer dans l'immobilité accoutumée; je lui dis que

je savais maintenant qu'il simulait la mort, que c'était une

fourberie de sa part, que je venais de le voir ouvrir les yeux

et me regarder; il fut insensible à mes objurgations et à mes

moqueries ; mais le lendemain après la douche, comme je

dis au gardien de le frotter fort avec la brosse en crin pour

le réveiller, à la première friction, soit qu'il y ait eu sug-

gestion, soit pour tout autres causes, il se leva'en criant

et ne retomba plus dans le sommeil. Comme on le voit,

malgré leur état de demi-conscience, et bien qu'ils puissent

supporter un jeûne prolongé, la mort par inanition peut se

produire, sans que ces malades veuillent rien faire pour

l'empêcher. Il faut lutter contre cette éventualité en les

nourrissant artificiellement, l'hystérie les aide à supporter

cette désagréable opération.

Notons ce fait très remarquable, la persistance de l'atten-

tion et de la curiosité, indiquant la continuation de la vie

intellectuelle.

On y voit aussi, à un degré difficile à évaluer, la four-

berie et le mensonge si fréquents dans les manifestations

hystériques. Si Thérèse entra dans cet état de sommeil' et

laissa croire à sa mort, sans avoir peut-être conscience du

mal qu'elle faisait, ce fut pour tirer une espèce de ven-

geance de son père qui lui avait refusé la confession

et la communion lorsqu'elle les demandait. C'est ainsi

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 141

qu'agissent les hystériques : on ne veut pas croire, s'était

elle dit, que je sois en danger de mort, je vais le prouver.

Faits DIVERS DE sommeil hystérique. On lit sou-

vent dans les journaux des faits divers relatif;, à des som-

meils prolongés de même nature; ainsi, à la date du 6 novem-

bre 1901, est relatée la nouvelle suivante : A Périgueux,

une jeune fille de dix-huit ans est endormie depuis huit

jours ; tous les moyens employés pour la réveiller sont res-

tés sans succès. Il paraît que depuis quelques années, à

diverses reprises, cette personne s'est alitée sous l'action d'un

sommeil invincible, qui, jusqu'à présent, n'avait pas dépassé

une durée de cinq jours. » Chaque année on peut relever

en France cinq ou six faits divers semblables ; ce sont tou-

jours des sommeils hypnotiques : nous retrouverons le même

sommeil au moins une fois dans la vie de chaque grand

hystérique.

En tout cas, il sera toujours pour nous un symptôme de

la névrose.

(A suivre).

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

X. Les données anatomiques et expérimentales sur la structure

des hallucinations ; par Vasciiide et VuRpAs. (Journal de Yeii ? o-

logie, 4902, n° 5.)

Ce travail contient un exposé des observations et des recherches

de laboratoire les plus typiques concernant la genèse et le méca-

nisme des hallucinations.

Il semble résulter de ces observations que des modifications

apportées dans les conditions normales de perception sensorielle

peuvent être la cause des hallucinations. Il parait bien établi d'au-

tre part que des lésions organiques survenues soit dans le trajet

sensoriel, soit dans les centres nerveux peuvent être à leur tour la

cause prochaine des hallucinations constatées.

142 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

Enfin, certaines expériences et observations semblent plaider

en faveur du rôle de l'imagination. dans la production des hallu-

cinations. Mais l'examen attentif des faits et l'observation journa-

lière des sujets ont conduit les auteurs à admettre que dans chaque

hallucination il y a toujours un élément commun et généralement

décelable qui entre en jeu sous l'influence, soit de la même cause,

soit d'une lésion organique ou d'une idéation quelconque. G.D.

XI. Le réflexe du fascia lata; par J. Crocq. (Journ. de Neurologie,

1902,.n° 2.)

L'auteur relate dans cette note trois cas de paraplégie : dans

l'un l'excitation du pied provoquait comme réaction unique une

contraction réflexe du tenseur du fascia lata ; dans l'autre le réflexe

coexistait avec celui de Babinski ; enfin chez le troisième malade

la conservation du réflexe du fascia lata coïncidait avec l'abolition

du rotulien, l'exagération de l'achilléen et l'affaiblissement du

plantaire.

De ces faits M. Crocq tire la conclusion que le réflexe du fascia

lata constitue le premier stade de la rétraction de la jambe : il fait

partie du groupe des réflexes défensifs rapides dont les centres

sont intra-médullaires, et par conséquent il doit se rencontrer dans

tous les cas de lésion transversale complète de la moelle, alors

que les réflexes tendineux et cutanés sont abolis. G. D.

XII. Sur un cas de cancer vertébral; par Al. le professeur Raymond.

(Journ. de Neurologie, 1902, n° 3.)

La malade dont l'observatiou sert de base à ce travail présentait

une paralysie motrice des membres inférieurs et de la partie infé-

rieure du tronc, doublée d'une anesthésie dissociée dans les par-

ties correspondantes et accompagnée d'une abolition du réflexe

achilléen et des réflexes cutanés abdominaux en même temps que

d'une exagération des réflexes rotuliens.

Cette malade ayant subi un an auparavant l'extirpation du sein

droit cancéreux, on est en droit de penser que des foyers cancé-

reux secondaires ont fait effraction dans ses vertèbres et déterminé

une compression de la moelle surtout des cordons antéro-latéraux

et de la substance grise centrale.

Suivent un certain nombre de considérations sur les consé-

quences histologiques de cette compression : ischémie et stase

veineuse, oedème, ramollissement consécutif, myélite interstitielle

secondaire avec terminaison par sclérose, dégénérations secon-

daires, etc.

Ce travail se termine par l'exposé des symptômes qui traduisent

le mode de répercussion d'une lésion cancéreuse des vertèbres sur

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 143

le contenu du canal rachidien et par quelques réflexions sur le

diagnostic, le pronostic et le traitement de ces lésions. G. Derny.

XIII. Anesthésie des nerfs sensitifs et moteurs ; par J. JoTEYKo

et M. STI·.1 ? NOUSIi.I. (jours. de Neurologie, 1902, n° 4.)

Après avoir constaté que l'anesthésie générale ne modifie pas

d'une façon appréciable l'excitabilité des nerfs, les auteurs ont

étudié expérimentalement l'action locale des anesthésiques (chlo-

roforme, éther, alcool) sur les nerfs sensitifs et moteurs.

Lorsqu'un nerf est placé dans une atmosphère de vapeurs anes-

thésiques l'excitation de la partie supérieure de ce nerf cesse d'être

efficace avant l'excitation de sa partie inférieure. Plus un point du

nerf est éloigné du muscle et plus vite disparait son excitabilité.

L'ordre inverse est suivi pour le rétablissement des fonctions : c'est

la partie inférieure du nerf, voisine du muscle, qui récupère la

premièae son excitabilité.

Lorsque, au contraire l'action de l'anesthésique au lieu de porter

sur la totalité du nerf est circonscrite à un point de son trajet, on

constate que l'excitabilité des fibres sensitives disparait avant celle

des fibres motrices et que le réveil de celles-ci a lieu avant celui des

fibres sensitives. D'une façon générale, la fibre sensitive est plus

sensible la fibre motrice plus résistante à l'action des anesthésiques.

En outre l'action de l'agent anesthésique reste localisée à la por-

tion du nerf anesthésie ; il n'y a pas, à proprement parler, de pro-

pagation centrifuge ou centripète.

En ce qui concerne les différences d'action des divers agents anes-

thésiques, les auteurs ont constaté que l'éther agit plus rapidement

que le chloroforme ; que la phase d'excitation est bien plus accen-

tuée avec l'éther qu'avec le chloroforme, etc.

En somme l'action des anesthésiques sur les troncs nerveux se-

rait comparable à celle des mêmes agents sur le système nerveux

central (anesthésie chirurgicale). Il est certain que le chloroforme

est un poison plus violent que l'éther pour le système nerveux

aussi bien central que périphérique, et cela probablement parce

qu'il est moins volatil. G. Deny.

XIV. A propos du signe de Ch.-Bell dans la paralysie faciale péri-

phérique ; par le D1' BOUCH.1UD (de Lille.) (Journal de 1'eurolo-

gie 1901, n°24.)

Chez la patiente atteinte de paralysie faciale périphérique dont

l'histoire est rapportée dans cette note, les mouvements du globe

oculaire, lorsqu'on lui disait de fermer l'oeil du côté malade, étaient

tout différents de ceux qui caractérisent les signes de Ch. Bell : le

globe oculaire au lieu .de se diriger en haut et en dehors se

déviait en bas.

144 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

La même déviation du globe oculaire a été observée par l'au-

teur chez un homme atteint de tabes. Ce phénomène n'est donc

pas spécial à la paralysie faciale périphérique, mais son interpré-

tation reste encore très obscure. G. D.

XV. Contribution à l'étude du réflexe cutané du pied; par F. Sano.

, ~ (Journal de Neurologie , 1901, n°21.)

Chez un malade atteint d'hémiplégie gauche, l'auteur a vu

l'excitation de la plante du pied parésié déterminer "extension des

orteils du pied droit normal. Chez un autre hémiplégique la même

excitation portée sur le pied normal a déterminé la flexion des

orteils du pied paralysé. Pour expliquer ces faits M. Sano sup-

pose que l'excitation de la peau sur un point donné se transmet à

la fois aux deux hémisphères et que les muscles mis en activité par

l'hémisphère situé du même côté que la région excitée sur les

antagonistes des muscles mis en activité par l'hémisphère du côté

correspondant. G. DENY.

XVI. Tumeur cérébelleuse et épilepsie; par L. Marchand. (Journal

de Neurologie, 1901, 11" 21.)

Communiqué au congrès de Limoges.

XVII. Un cas de tremblement fonctionnel de la main droite; par le

Dr HLDE1'üEIiGl3 (de Lille.) (Journal de Neurologie, 1901, nu 22.)

Localisé dans la main droite, ce tremblement ne survient qu'à

l'occasion de l'acte d'écrire et au moment où la main munie d'un

crayon ou d'un porte-plume s'efforce d'écrire sur un plan fixe.

Aucun tremblement au repos ni quand le patient trace des carac-

tères d'écritures dans le vide; il ne tremble pas davantage quand

il écrit avec un morceau de craie. Ce tremblement n'est nullement

influencé par des causes psychiques, il augmente au contraire par

l'ischémie expérimentale des muscles de l'avant-bras et diminue

par l'électrisation des muscles radiaux. Se fondant sur ces différents

caractères l'auteur admet que le trouble moteur de son malade

doit être attribué à une lésion fonctionnelle irritative du système

téléneuronal autrement dit du système spino neuro-musculaire,

susceptible d'être sérieusement amendée par l'électricité, le mas-

sage, les vibrations mécaniques, les frictions stimulantes, le repos

prolongé, etc.

XVIII. Analyse des mouvements et de la sensibilité dans l'anes-

thésie par l'éther; par JorEyKo et Stefanowska. (Journal de

Neurologie, 1902,' no G.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 145

Les auteurs ont constaté, en plaçant des souris et des grenouilles

dans une atmosphère chargée de vapeurs d'étlier, que le mouve-

ment spontané (fonction psychomotrice) peut exister en l'absence

de toute perception sensitive (fonction psycho-sensitive). Eu d'autres

termes, il existe une graduation dans l'envahissement des hémi-

sphères cérébraux par les vapeurs anesthésiques ; la sensibilité

disparaît avant la motilité, le réveil de la motilité précède celui de

la sensibilité.

On sait d'autre part que chez les parturientes, en graduant con-

venablement l'administration de l'anesthésique, on arrive à pro-

duire une analgésie complète sans porter atteinte aux mouvements

volontaires. La disparition de la sensibilité à la douleur précède

donc, chez l'homme comme chez les animaux, l'abolition du mou-

vement volontaire.

Ces observations conduisent à rattacher la suppression de la

douleur à une action des anesthésiques sur les centres supérieurs

et non à une paralysie des centres médullaires. G. D.

XIX. Réflexe plantaire cortical et réflexe plantaire médullaire ;

par J. Crocq. (Journal de Neurologie, 1902, n° 6.)

L'auteur conclut de ses recherches qu'il existe deux variétés dis-

tinctes de réflexes plantaires, ayant chacune leur signification pro-

pre, tant au point de vue physiologique qu'au point de vue ana-

tomo-pathologique :

111 Le réflexe plantaire cortical ou réflexe plantaire normal de

attouchement très léger ; `

20 Le réflexe plantaire médullaire qui comprend :

a) Le réflexe du fascia lata ou réflexe plantaire normal de Bris-

su2cd, provoqué par une excitation un peu plus énergique et qui

n'est que le premier stade du mouvement de défense ;

b) Le réflexe dé fensif complet, provoqué par une excitation encore

plus énergique et constitué par la contraction du couturier, des

adducteurs, du jambier antérieur, de l'extenseur des orteils et en

particulier du gros orteil (faux réflexe pathologique de Babinski),

avec flexion de la cuisse sur le bassin, de la jambe sur la cuisse,

etc. G. DENY.

XX. La contraction paradoxale de Westphall et le réflexe plan-

taire combiné ou paradoxo-normal ; par HELDEt3Encu. (Journal

de Neurologie, 1902, n° 6.)

Quand on fléchit vivement le pied avec la main, il arrive parfois

que le muscle tibial antérieur entrant brusquement en contrac-

tion, maintient le pied en flexion pendant quelques minutes ; c'est

Archives, surie, t. XIV. 10

'[46 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ce phénomène connu sous le nom de contraction paradoxale de

Westphall, que l'auteur a vu survenir chez une jeune fille hys-

térique à la suite d'une excitation partie de la plante du pied.

Chez le même sujet, l'auteur a également constaté, en même

temps que le redressement du pied, la flexion des orteils ; c'est à

ce phénomène qu'il donne le nom de réflexe plantaire combiné ou

paradoxo-normal, parce qu'il y a à la fois mise en jeu de deux

muscles antagonistes : le tibial antérieur et les fléchisseurs des

orteils. G. D.

XXI. Identité probable du réflexe antagoniste de Schoefer et du

phénomène de Babinski ; par les D1' DE Bucuet Dr, llooa. (Journal

de Neurologie, 1900, n° 5).

Chez une femme parésiée des quatre membres et des sphinc-

ters l'examen du réflexe plantaire montrait des deux côtés le phé-

nomène des orteils de Babinski d'une manière très nette. On cons-

tatait également l'existence du réflexe antagoniste sur lequel

Schoefer a récemment attiré l'attention (flexion dorsale des orteils

par pincement latéral du tendon d'Acliille).- En outre l'irritation

d'un point quelconque des téguments de la jambe donnait lieu à

la flexion dorsale des orteils.

Ce fait vient donc à l'appui de l'opinion de Babinski qui soutient

que le réflexe de Schoefer n'est pas un réflexe tendineux, mais un

simple réflexe cutané que l'on peut obtenir en irritant la peau

d'un point quelconque du membre inférieur. G. U.

XXII. Sur les troubles mentaux qui sont sous la dépendance de la

toxémie; par SirDvcE DucrwoRTa. ( L7ee .Toacravl o/' llelctcal Science,

Avril 1901).

L'auteur passe en revue les divers modes d'intoxication qui

peuvent agir sur les centres nerveux (toxines des maladies infec-

tieuses, de la goutte, de l'influenza, poisons divers entrés dans nos

habitudes, alcool, morphine, éther, chloral. cocaïne, etc.) et il

conclut que les divers agents toxiques qui pénétrent dans la circu-

lation exercent, comme on pouvait le prévoir, leur action spéci-

fique sur les divers tissus de l'organisme et manifestent des affini-

tés électives pour des systèmes déterminés de neurones. Dans les

maladies cérébrales d'ailleurs comme dans les autres états mor-

bides, on se trouve souvent en présence d'infections multiples.

Quiconque veut aujourd'hui étudier l'anatomie pathologique du

cerveau doit compter avec ces divers états, et le clinicien doit

s'attacher, dans la mesure où cela est possible, à discerner leurs

rapports avec les diverses formes de troubles mentaux.

R. de hIUSGRAV1 CLAY.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147

Un cas de gliome du cerveau; par W.-J.-A. Erskïne. (The

Journal of Mental Science, juillet 1901).

Observation : Femme de vingt-cinq ans, déraisonnable,

bruyante, violente, attaques fréquentes pendant et après lesquelles

elle est dangereuse pour elle-même et pour les autres. Trois

enfants bien portants. Pas de fausse couche. Bien réglée. Pas

d'antécédents héréditaires de tuberculose, d'alcoolisme ou de folie.

A onze ans, chute de trois mètres sur la tète, commotion céré-

brale. Les attaques ont commencé après la naissance de son

second enfant, il y a sept ans, elles ont été d'abord légères.

11 y a trois ans, après avoir appris subitement la mort de son

mari, elles sont devenues plus graves et sa raison a commencé à

se troubler.

Trois ans après son admission elle se plaint un matin, de

malaise et de céphalalgie ; on la fait recoucher et peu d'heures

après, elle tombe en état d'inconscience, puis de coma et meurt.

A l'autopsie, on trouve les sinus de la dure-mère et les veines

de la pie-mère et de l'arachnoïde gorgés de sang noir fluide. La

moitié ou les deux tiers inférieurs du lobe frontal droit et presque

toute la moitié antérieure du lobe temporo-sphénoïdal droit sont

occupés par une tumeur gélatineuse qui s'étend à la surface infé-

rieure du lobe frontal droit, où les sillons sont oblitérés, et à la

surface opposée de la scissure de Sylvius droite. Les ganglions

centraux droits étaient aussi envahis par la tumeur qui avait ainsi

une surlace libre dans le ventricule latéral droit et le troisième

ventricule. Les autres organes étaient sains, mais congestionnés.

Une coupe de la tumeur, près de son centre, montre qu'elle est

formée d'une masse serrée de fibrilles fines entrelacées, au milieu

desquelles se trouvent des cellules nombreuses, des éléments ner-

veux altérés et des vaisseaux malades. Les cellules sont de deux

variétés : les unes sont de forme irrégulière, à noyau relativement

volumineux; leur protoplasma se colore assez bien, et leur réseau

nucléaire est bien accusé. Ce sont les cellules gliomateuses. Les

autres, moins nombreuses, sont arrondies, leur noyau est plus

petit des trois quarts que le noyau des précédentes, et se colore

mal et peu distinctement.

Le protoplasma se colore à peine ; elles paraissent représenter

les cellules de la névroglie envahie par les cellules gliomateuses.

Les éléments nerveux présentent un aspect qui varie suivant la

date à laquelle ils ont été atteints.

L'état des vaisseaux atteste aussi des processus de date diffé-

rente : les uns sont chargés de cellules granuleuses ; les autres

sont entourés d'une mosaïque de cellules de la névroglie qui ne

tardent pas à envahir leurs parois et à les rendre fibreuses. A une

période encore plus avancée, les vaisseaux n'ont plus de lumière,

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ils sont remplacés par un simple filament hyalin. Quelquefois

enfin, les parois artérielles sont calcifiées.

Il résulte de ces constatations que les cellules gliomateuses ne

se rencontrent pas in s;<M, mais qu'elles envahissent les autres

tissus. R. DE NIUSGR.1VE-CLAY.

XXIV. Un cas de fracture spontanée : par Herbert SIIICER. (Tlte

' Journal of Mental Science, octobre 1901.)

Il s'agit d'une fracture du fémur, survenue au cours d'une atta-

que, chez une femme de trente-trois ans, atteinte de manie chro-

nique : la gravité de la lésion paraît ici en désaccord avec la vio-

lence du traumatisme, presque nulle dans le cas actuel, puisque

la malade était au lit, au moment de la fracture : mais il n'y a

plus lieu de s'étonner lorsque l'auteur nous apprend que cette

malade était cancéreuse. R. de AIUSGRAVE-CL.11-.

XXV. Des interférences de la sensibilité; par A. Adamkikwicz.

(Nezii-olog. Ceniralblatt, XIX, 1900.)

Il existe deux espèces de troubles de la sensibilité : des (roubles

objectifs et des troubles subjectifs. Les premiers sont en rapport

avec les objets ; ils tiennent à un état pathologique des nerfs cen-

tripètes chargés de conduire les excitations émanées des objets, ou

à un état pathologique des centres de ces nerfs. Les seconds, indé-

pendants des objets, sont produits par l'état maladif du sujet; ils

naissent dans les affections des centres nerveux, surtout des cornes

postérieures de la substance grise, et sont tantôt associés aux trou-

bles objectifs (tabes parenchymateux), tantôt seuls (tabès intersti-

tiel). En ce dernier cas, les malades sentent parfaitement les objets,

mais ils sont atteints de paresthésie. Celle-ci provient de l'irrita-

tion morbide et spontanée des derniers postes de l'appareil con-

ducteur de la sensation, placés dans la moelle.

L'irritation varie d'intensité, et cesse aussi tout à fait par

moments. Cesse-t-elle, les sensations des objets sont normalement

perçues; existe-t-elle, elle entrave la sensibilité objective. De sorte

que, la fonction de la sensibilité objective a beau être intacte, elle

est altérée par la paresthésie et dans les proportions de l'intensité

de l'anomalie de la sensibilité subjective. Tel est le résultat phy-

siologique de deux ondes sensibles qui sont lancées sur les mêmes

.voies, mais sont provoquées en des points différents (périphérie et

cornes, postérieures grises), par des causes distinctes (excitants

périphériques normaux, altérations morbides de la substance'grise),

et tendent l'une vers l'autre. Ce sont de véritables interférences de

la sensibilité. < ' P. Keraval.

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149

XXVI. La conductibilité des os du crâne à l'égard des sons dans les

affections du cerveau et de ses membranes ; par F. WANNER et

Il. GuDMN. (ÀrCZII010g. CentrcalGf., XIX, 1900.)

Application de la méthode d'examen de l'ouïe de Bezold (série

continue de divers diapasons et flûtes formant la gamme), à la.

recherche des affections du cerveau et des méninges. On constate,

par exemple, une abréviation de la transmission du son par les os

du crâne dans la paralysie infantile cérébrale, la syphilis céré-

brale, l'alcoolisme chronique avancé, l'épilepsie, ainsi que dans

certains cas de névrose traumatique où l'on soupçonnerait volon-

tiers une lésion, sans oser l'affirmer, en l'absence de signes objec-

tifs. Les auteurs donnent le détail des opérations chez 17 malades.

Si, dans l'espèce, la transmission par les os est très raccourcie,

alors qu'il n'existe pas de signes d'une affection de l'oreille interne

et que l'acuité auditive est normale, on est autorisé à admettre une

altération organique à l'intérieur du crâne ou sur ses téguments.

En plaçant les diapasons sonores à divers endroits du crâne et en

déterminant les points à partir desquels décroît l'abréviation delà

transmission osseuse, on peut en quelque sorte localiser la surface

des altérations.

Quelles sont les altérations qui produisent ce raccourcissement t

de la transmission osseuse indépendant des affections de l'oreille

interne ? Avant tout les adhérences et épaississements des méninges

et les tumeurs. Il est à penser que, par suite de ces altérations

intracrâniennes, l'écoulement des ondes sonores est plus rapide, ce

qui diminue la durée de la perception. Si l'on applique un diapa-

son en marche non directement sur le crâne, mais en interpo-

sant de une à trois parois crâniennes naturalisées, la durée de la

transmission du son n'est guère ou point modifiée. Elle est au con-

traire abrégée de huit à dix secondes, dès que l'on garnit l'intérieur

de la calotte de ouate, de gaze ou de toute autre substance soudée

à l'os sur une surface grande comme la moitié de la paume de la

main à l'aide de caoutchouc; ce résultat est encore obtenu si, sur

le vivant, on place une couche semblable entre le diapason et la

peau. Alignez 6 personnes dont les têtes sont appliquées les unes

contre les autres, posez le diapason en marche sur le pariétal de la

première, vous trouverez la transmission du son abrégée de deux

secondes sur ce crâne; l'abréviation augmentera progressivement

sur les crânes suivants, le son ne se transmettra pas à«Lravers plus

de G têtes. L'âge produit une petite abréviation de la transmission

osseuse, à raison de la plus grande sécheresse des parties molles

du crâne et de l'os. Un diapason vibre moitié moins longtemps sur

un support neuf de caoutchouc dur que sur un support ramolli

par l'usage. P. KER1V.1L.. ,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Contribution à l'étude de la maladie de Korsakoff. Un cas de

psychose polynévritique post-typhoïdique ; par le De Souxns-

NOFF. (Journal de Neurologie, 1902, n° 7.)

Après avoir relaté un cas de psychose avec polynévrite observée -

chez un homme de trente-quatre ans, convalescent de fièvre

typhoïde, l'auteur fait remarquer que malgré la diversité des

causes qui peuvent la provoquer, la maladie de Korsakoff n'en

constitue pas moins une véritable entité morbide. Les agents infec-

tieux ou toxiques que l'on rencontre à l'origine de cette maladie.

ne la provoquent pas directement, mais par l'intermédiaire des

glandes à sécrétion interne. Quelle que soit la cause de l'affaiblis-

sement ou de l'abolition des fonctions de ces organes, on voit

alors apparaître l'autointoxication et une altération de tout le sys-

tème nerveux périphérique et central; tantôt c'est le système péri-

phérique qui souflre le plus, tantôt c'est le système central. C'est

pourquoi on observe des cas de polynévrite, où les troubles psy-

chiques sont peu marqués et au contraire des cas de psychoses

polynévritiques où les phénomènes de polynévrite sont réduits au

minimum. G. D.

Il. La situation sociale de l'uraniste; par J. Crocq. (Journal de

Neurologie, 1901, n° 20.)

Dans cette note qui est une réponse au rapport présenté au der-

nier congrès d'anthropologie criminelle par M. Alébrino, l'auteur

définit l'uranisme, le penchant sexuel d'une personne pour une per-

sonne du même sexe et il montre que ce penchant ne s'observe que

chez les sujets anormaux, dégénérés, ce dont il est facile de se con-

vaincre en étudiant leurs antécédents héréditaires et personnels.

Très souvent leurs fonctions génitales sont anormales, l'organisme

est provoqué par l'attouchement, la vue, l'odeur même de ceux

qu'ils aiment. L'homoseoualité est donc incontestablement une

anomolie, un fait contre nature qui doit être l'objet de notre

réprobation. G. D.

III. Remarques sur la catatonie ; par le Dr P. 111nom.

(Journ. de Neurologie, 1902. n°4.)

D'après les idées généralement reçues en France, le terme de

catatonie ne s'appliquerait qu'à la conservation des attitudes pas-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 151

sives, à la lle.,ribilitas cerece des Allemands ; tel n'est par l'avis de

l'auteur qui fait rentrer dans la catatonie toutes les manifestations

psychomotrices : mouvements impulsifs, tics, grimaces, bizarre-

ries de manières, particularités du langage, négativisme, stéréo-

typie des actes, etc., etc.

Les symptômes catatoniques ainsi entendus, se rencontrent sur-

tout, mais non exclusivement, dans les formes hallucinatoires de

la démence précoce, chez les hystériques, les épileptiques, les para-

lytiques généraux et surtout chez les idiots.

Ce qui caractérise les troubles du système musculaire dits cata-

tomques si fréquents dans la démence précoce et dans l'idiotie c'est

leur absence de signification, et de relation soit entre eux, soit

avec une idée directrice quelconque. Ces troubles sont donc dans

les deux cas le produit ou l'expression de l'automatisme cérébral

pur et on doit les rencontrer dans tous les états passagers ou défi-

nitifs où l'intelligence est obnubilée, ou la conscience est annihilée,

en un mot, dans tous les cas de stupeur cérébrale. C'est pour ce

motif qu'ils sont d'autant plus rares que le sujet possède davantage

la libre possession de lui-même ; qu'ils sont d'autant plus fréquents

que l'inertie cérébrale est plus grande.

Cette manière de comprendre la catatonie rend compte des con-

ditions apparemment si diverses de son apparition; elle permet

d'expliquer la variabilité si grande de ses manifestations suivant

les sujets; elle rend compte aussi ses modifications qui se présen-

tent chez un seul et même individu : automatisme des centres mo-

teurs qui produit des actes plus ou moins complexes (impulsions,

crises) et dans un ordre opposé de faits : état cataleptique. néga-

tivisme, oppositions diverses. , G. DENY.

IV. Deux cas d'idiotie syphilitique par L. HARRis Liston; (Tite

Journul of Mental Science, octobre 1901).

Obs. 1. Femme de vingt-sept ans; comme signes de syphilis

congénitale, on trouve le crâne volumineux, le front carré, les proé-

minences frontales très saillantes, bosses sur les pariétaux, cica-

trices linéaires irradiées aux angles de la bouche, incisives petites

et dentelées; il y a deux ans kératite interstitielle à un oeil.

gagnant l'autre au bout de quinze jours. Parmi les autres stig-

mates de dégénérescence on note un palais étroit et à voûte

surélevée, un iris vert brun, l'autre bleu ; l'épaississement des

paupières, la rareté et la brièveté des cheveux, la petitesse des

seins, l'irrégularité et la faible abondance des règles. Au point

de vue mental, dès l'âge de deux ans on la trouve en retard, elle ne

peut apprendre ni à lire ni à écrire, mais elle sait compter. Elle

s'occupe un peu du ménage, mais elle est paresseuse et somno-

lente. A la puberté (dix-sept ans) on l'envoie au Workhouse où elle

).52 REVUE DE PATHOLOGIE MUNTALE ?

resta jusqu'à vingt et un ans. Comme elle y devient gênante pour

les autres pensionnaires, comme elle a des accès de colère sans

raison, on l'envoie t l'asile, où elle se montre constamment

-indolente et stupide, travaillant et parlant peu. A de longs

intervalles, elle a des accès de colère. Depuis six mois seule-

ment on constate quelques indices de coquetterie.

Obs. Il. Femme de trente-huit ans, bosses frontales saillan-

tes, bosses à la partie postérieure des pariétaux, petites cicatrices

pointillées autour de la bouche, et cicatrices linéaires irradiées

vers les commissures labiales : n'a plus qu'une seule dent. Palais

étroit à voûte surélevée, tête ronde aplatie à la partie posté-

rieure, cheveux rares et sans force. Pubis glabre. Seins très

petits. Menstruation régulière, mais faible. Tibias épaissis,

noduleux avec nombreuses cicatrices pigmentées sur leurs

crêtes. Signes de nanisme. Au point de vue mental, n'a pu

apprendre ni à lire ni à écrire, a mis longtemps à apprendre à

parler. Actuellement elle est simple, tacile, aisément satisfaite :

il faut l'aider se laver' et à s'habiller. Bon caractère, bonne

conduite. Se plaint souvent de toux ou de petites misères parce

qu'elle a compris que c'était le moyen d'avoir des pastilles on

du vin : elle s'occupe un peu du ménage, mais dans tout ce

qu'elle fait elle a besoin d'aide. Pas de désirs actifs, pas de

sensations sensuelles, pas d'ambition.

L'auteur fait suivre ces observations de quelques remarques

intéressantes que nous résumons : Il n'est pas commun de

rencontrer chez les idiots des exemples de syphilis congénitale :

on trouve, à la vérité, souvent dans 1'liéré(lo-sypliiiis, de légères

défectuosités mentales mais beaucoup de sujets porteurs de cette

maladie ont une vigueur mentale intacte. Dans certaines autres

maladies du cerveau, s'accompagnant d'altérations incontesta-

bles des tissus, dans la paralysie générale, par exemple, les

stigmates ou les commémoratifs syphilitiques sont extrême-

ment fréquents. Si l'on tient compte - de ces deux faits

1° que l'idiotie est rare dans les cas de syphilis congénitale,

2* que la paralysie générale est ordinairement une consé-

quence de la syphilis acquise, on est amené à -se demander

pourquoi les malades de la première catégorie présentent si

rarement, et ceux de la seconde si fréquemment de la dégéné-

rescence cérébrale. Est-ce le résultat du traitement anti-syphi-

litique, souvent longtemps continué chez les enfants atteints de

syphilis héréditaire : la mère, en ellet, demande promptement

conseil pour son enfant et lui administre les préparations mer-

curielles prescrites; tandis- que souvent l'adulte, honteux de

son mal, ne réclame pas les conseils d'un médecin et subit dans

toute son intensité l'influence du virus. La dégénérescence

^ .^$4Wr»ï'ÀJ^BATH0L0GIE MENTALE. 153

paralytique ne I se manifeste ordinairement que des années

après l'infection : mais si celle-ci a été grave, avec symptômes

secondaires très accusés, la paralysie générale peut apparaître

dans les deux ans, comme l'auteur vient de le constater chez

un de ses malades , dans un cas de ce genre, l'interrogatoire du

malade montre que le traitement spécifique a été ou totalement

négligé, ou imparfaitement appliqué. R. de Musgrave CL4Y.

V. Folie chez les jumeaux : deux jumelles atteintes de mélan-

colie aiguë ; par Arthur W. Wilcox. (The Journal of Mental

Science, avril 1901.)

Après un court historique du sujet l'auteur publie l'intéressante

observation de ses deux malades, dont l'âge (quarante-sept ans)

était notablement plus élevé que dans les cas précédemment publiés.

Ces deux malades entrèrent à l'asile le même jour. M. Wilcox

pense qu'il s'agit bien ici de folie gémellaire et non de folie à deux,

et il appuie cette opinion sur trois raisons : simultanéité du début;

20 parallélisme des conceptions délirantes et des autres troubles

psychopathiques ; 3° spontanéité du délire chez chacune des deux

malades. L'accès de mélancolie aiguë est survenu chez les deux

soeurs on peut dire au même moment ; toutes deux avaient les

mêmes délusions dominantes et avaient essayé de se suicider : leur

langage, leurs actions, leurs habitudes étaient presque identiques.

Les crises délirantes paraissent avoir été spontanées chez toutes

deux et s'être rattachées au chagrin que leur a donné la mort de

leur père. Toutes deux sont demeurées dans le même état depuis

leur entrée à l'asile et paraissent marcher vers la mélancolie chro-

nique. li. DE Musgrave-Clay.

VI. La décroissance de la paralysie générale des aliénés en

Angleterre et dans le Pays de Galles; par lt.-S. S'rEw,l1'r. (Tite

Journal of Mental Science, janvier 1901.)

A l'aide de chiffres et de tableaux, qui paraissent judicieuse-

ment établis et puisés a bonne source, l'auteur montre que la

paralysie générale a commencé à décroître en Angleterre en 1893

(ce qui indique une plus grande force de résistance et un accrois-

sement de vitalité des individus), et il constate que cette décrois-

sance est spéciale à l'Angleterre, car on ne la rencontre ni dans

les pays continentaux, ni même en Ecosse et en Irlande.

R. de lIUc.GR.IVE-CL41'.

VU. Trois cas de mélancolie avec symptômes d'un intérêt clinique

peu ordinaire ; par 13.-R. LE>;Pl : n. (Tlte Journal of Mental Science,

octobre 1901.)

loi REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Ces trois malades, dont l'observation est relatée avec soin, pré-

sentaient de la glycosurie non diabétique : leurs délusions étaient

toutes de nature dépressive et révélaient des troubles de l'inner-

vation splanchnique. Chez deux d'entre eux, la disparition du

sucre a marqué le début d'un commencement de guérison, et chez

le troisième,. le début d'une amélioration physique et mentale.

L'auteur n'affirme pas que la codéine administrée à ces malades

ait été la cause unique de l'amélioration, mais il est certain

qu'elle a paru nettement utile chez deux d'entre eux et que la

disparition du sucre a suivi de près son emploi. Ces cas sont sur-

tout instructifs en ce qu'ils montrent combien il est important,

pour la bonne direction du traitement, de reconnaître les anoma-

lies d'excrétion chez les aliénés. R. de Musgrave CLAY.

VIII. Le Juif aliéné, lettre ouverte au D1' C.-F. Beadles, par le

professeur M. Benedikt. (The Journal of Mental Science, juillet

1901.)

M. Benedikt a lu avec d'autant plus d'intérêt le travail de

M. Beagles, qu'il se préoccupe depuis longtemps de l'étude des

maladies nerveuses chez les juifs. C'est un fait incontestable que

les différentes formes de dégénérescence nerveuse (paralysie

générale, ataxie, etc.), ainsi que le défaut de puissance sexuelle

sont extrêmement fréquents dans la race juive. Dans un travail

précédent, l'auteur estime avoir trouvé une formule appropriée,

aux recherches étiologiques, en disant que les fonctions de tout

organe ou organisme, qu'il soit sain ou malade, dépendent de

deux facteurs : en premier lieu figurent les qualités et les prédis-

positions innées de l'organe ou de l'organisme ; en second lieu

viennent les résultats de l'évolution, qui dépendent de circons-

tances et d'influences diverses, mais particulièrement des qualités

innées, sur lesquelles l'évolution n'a pas d'influence, et qui cons-

tituent ce que dans le langage populaire on appelle une seconde

nature.

Sous l'influence d'une excitation, il se produit une réaction

qui est proportionnée à l'état congénital et évolutionnaire de l'or-

ganisme. En sorte que si l'on construit une formule d'après ces

principes, en désignant par N la prédisposition congénitale, par

N' la « seconde nature », par E les autres facteurs de l'évolution,

par 0 l'excitation accidentelle, et par 1, le résultat de la réaction,

on a :

N' -t E -+- 0)

formule valable pour les fonctions psychologiques.

En pathologie, les facteurs N, N' et E constituent ce que l'on

appelait autrefois la prédisposition..

REVUE LE PATHOLOGIE MENTALE. · 155

Maintenant, la folie. chez les juifs, se rapporte-t-elle à la race ' ?

et. actuellement, la race juive est-elle pure'' ' ?

Les recherches de Luschau sur les crânes de l'Asie Mineure ont

montré que déjà, dans les temps anciens, les juifs ne constituaient

pas une race pure, et cela est encore plus évident à l'heure

actuelle : on peut distinguer chez eux au moins trois races origi-

nelles : la race sémitique, la race arménienne et la race teuto-

nique ; cette dernière est la moins importante dans le mélange

ethnologique, mais elle est nettement discernable sur le vivant

par la courbe caractéristique de l'occipital. L'auteur entre ici dans

des considérations intéressantes sur les deux premières races

mentionnées, leur rôle dans l'histoire, leur dispersion dans le

monde, puis il arrive à l'étude des qualités caractéristiques du

peuple juif, et il commence par les qualités nerveuses et men-

tales. Dans l'ancien temps, quinze siècles avant Jésus-Christ, nul

peuple ne fut plus apte que le peuple juif à recevoir des idées

abstraites sur la Cosmogonie et à concevoir les problèmes fonda-

mentaux de la métaphysique. C'est ce que Moïse avait compri-

quand il leur révéla les vérités et les mystères qui, furent l'apa-

nage du sacerdoce. La seconde qualité psychique nécessaire pour

porter un pareil fardeau était une prédisposition morale à sacri-

lier les intérêts politiques, sociaux et économiques à des idées et à

des convictions profondes.

Les sémites assurément dominaient parmi ces confidents de

Moïse ; mais les races qui se mêlèrent à eux par la suite furent

vite imbues des mêmes idées et sentiments, et acquirent les

caractères des conquérants juifs de la Palestine; c'est ainsi

que la « nature » des juifs sémites devint bientôt la « seconde

nature » des autres, et après de longues années de la même vie

politique, ! religieuse, sociale et économique, leur « première

nature ». C'est de la même manière que ceux qui émigrèrent a

Paris où à Vienne devinrent avec le temps de vrais Parisiens et de

vrais Viennois.

Ces qualités caractéristiques prédominantes marquent le peuple

juif de l'estampille névropathique. Peu à peu, ils perdirent le con-

tact avec la nature, qui, au temps de leurs occupations agricoles,

servait de correctif : peu a peu aussi leurs plaisirs sociaux, déjà

restreints par les prescriptions religieuses, le furent davantage

encore par l'exclusion dont ils étaient frappés : l'expansion de

leurs passions et de leurs émotions étant trop réduite, leur santé

en souffrit et ils devinrent de plus en plus névropathes. L'intérêt

se limitant à la famille, les sentiments familiaux devinrent plus

intenses que chez les autres peuples, ce qui aboutit souvent à de

véritables excès vénériens matrimoniaux, dont les femmes surtout

eurent à souffrir; et aujourd'hui encore, il n'est pas rare, chez les

juifs orthodoxes, de voir des femmes qui, depuis la puberté jus-

156 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

qu'à la ménopause, sont condamnées à une série ininterrompue de

grossesses, d'accouchements et d'allaitements. 1

Comment s'étonner alors que 1'l ? lstei-ia gravis soit si commune

.parmi les femmes juives. Les cas graves d'aphonie hystérique,

sous forme endémique, sont fréquents chez, les juifs des deux

sexes, et l'aphonie hystérique est presque caractéristique d'une

origine juive : les autres formes convulsives et psychopathiques

sont d'ailleurs extrêmement communes chez les hommes comme

chez les femmes.

Bien que les qualités inhérentes aux juifs aient plusieurs siècles

de durée, ils ont une grande aptitude à l'adaptation physique et.

mentale, et si l'on peut se servir de cette expression, ils sont

extrêmement plastiques. , '

Ils ne sont pas d'ailleurs une nation, au vrai sens du mot, car

la condition néceseaire pour constituer une nation est l'unité de

langue, et si l'hébreu n'est pas absolument mort, du moins, n'est-il

pas un langage populaire. Il n'existe d'ailleurs entre les juifs de

différentes origines qu'un lien superficiel fondé sur d'anciennes

traditions et parfois sur la misère des persécutions. Parvenus a

cette conclusion que les juifs constituent un peuple très intellec-

tuel et très névropathe, il nous reste à rechercher l'influence du

facteur 0, c'est-à-dire les causes capables de déterminer des états

neuro-pathologiques et particulièrement la folie et la paralysie

générale.

On admet aujourd'hui que l'alcoolismeet la syphilis sont les

deux principaux facteurs de la paralysie générale ; l'auteur a tou-

jours combattu cette opinion : il divise ses malades juifs en deux

classes, dans la première desquelles la syphilis et l'alcoolisme

sont rares (ces deux tares sont plus rares encore chez les juifs

orthodoxes), et il constate que les névroses de dégénérescence et

la paralysie générale sont communes dans les deux classes, ce qui

condamne au point de vue étiologique les facteurs incriminés. La

théorie de l'auteur à cet égard se résume en cet axiome : Tabicus

et paralyticus non fil, set< ? 2oiscitiii. Quelles sont donc les causes

déterminantes de la paralysie générale chez les juifs ? La première

cause se trouve dans les mauvais traitements et les cruautés

qu'ils ont eu à subir, même dans ces dernières années ; on se

demandera pourquoi .cette maladie n'est pas devenue plus fré-

quente et héréditaire aux époques éloignées où les juifs étaient

persécutés et exilés plus cruellement qu'aujourd'hui; c'est que la

plupart du temps ils succombaient aux mauvais traitements ou

aux privations.

Mais il y a d'autres raisons à cette augmentation de la folie : ils

sont devenus ambitieux à mesure que la liberté les a fait bénéfi-

cier d'un meilleur accueil; toutes les carrières se sont ouvertes

devant eux, mais, malgré tout, pour y entrer, pour y rester, pour

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 157 i

s'y distinguer, la lutte est plus âpre pour eux que pour les autres,

et d'autant plus dangereuse pour leur système nerveux qu'ils y

apportent la ténacité héréditaire des jours de misère.

. Les femmes ont subi des influences d'ordre différent, mais

analogues, eu égard à leur sexe, et sont devenues bizarres et sou-

vent perverses. '

De ces diverses circonstances est résulté le récent accroisse-

ment de la paralysie générale chez les juifs. Les statistiques

doivent être considérées comme trompeuses à cet égard, parce

que les Juifs dissimulent souvent les cas d'aliénation mentale, soit

à cause de leur antipathie pour les asiles, soit pour des raisons

d'ordre social (mariage). Mais les observations personnelles des

-médecins révèlent plus nettement que les documents officiels

l'accroissement du nombre des cas de folie chez les juifs.

' R. de Musgravc-Clay.

IX. Un arbre généalogique démonstratif de la folie et du sui-

cide ; par J.-M.-S. Wood et A.-ri. Urquiiart. (1'lve Journal o/'

Mental Science, octobre 1901.)

Il faudrait pour donner une idée exacte de ce travail reproduire

l'arbre généalogique qui l'accompagne et en fournit les éléments.

On peut noter toutefois qu'il est particulièrement intéressant au

point de vue de la persistance dans une même famille de formes

semblables d'aliénation mentale. R. M.-G.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Deux cas de myélite conjugale ; par le Ruz' Glorilux. (Journ. de

Neurologie, 1902, n° 2.)

Dans' l'un des cas relatés dans cette note le mari et la femme

étaient atteints de tabès dorsalis ; dans l'autre le mari était tabé-

tique et la femme présentait tous les signes d'une myélite de' la

région lombaire. Chez aucun de ces quatre malades on n'a pu

relever aucun antécédent syphilitique.

Ces observations semblent donc établir que dans un certain

nombre.de cas tout au moins l'existence de myélites conjugales

peut être le fait d'une simple coïncidence, i G. D. ·

158 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

II. Les paralysies post-anesthésiques; par le D1' de Bucii.

(Journ. de Neurologie, ]903, n° 2.)

Les trois cas de paralysie post-anesthésiques rapportés dans

cette note concernent des femmes ne présentant aucun signe d'hys-

térie et qui avaient subi une intervention sur les organes génitaux

internes : l'une a été paralysée du bras droit, l'autre du bras gau-

che, la troisième a été atteinte d'hémiplégie droite, avec aphasie,

etc. Ces paralysies ont été observées dans les vingt-quatre heures

qui ont suivi l'opération et n'ont pas duré plus de quelques jours.

L'anesthésie a été obtenue dans tous les cas au moyen du chloro-

forme et c'est à l'action toxique de cet agent sur les centres ner-

veux, qu'il faudrait, d'après M. de Buck. rattacher ces accidents

paralytiques : il s'agirait en un mot de paralysies toxiques et non

hystériques comme l'admettent quelques auteurs.

En faveur de cette origine on peut du reste invoquer la présence

chez la malade qui a été atteinte d'hémiplégie du phénomène de

Babinskietduclonusdupied. G. D. z

111. Scoliose neuropathique; par le De BucK. (Journal de Neuro-

, logie, 1901, ;il' 23.)

Il s'agit d'un cas de scoliose neuropathique vraie d'origine trau-

matique. La malade n'était pas atteinte à proprement parler de

sciatique, mais elle présentait des douleurs le long du membre in-

férieur droit et les muscles de la masse sacro-lombaire du même

côté étaient le siège d'une atrophie manifeste. En outre, il existait

une scoliose croisée par rapport au membre douloureux. Ce l'ait

plaide donc en faveur de l'existence d'une scoliose par altération

de l'érecteur du tronc. D'autre part de nombreux travaux ont

prouvé l'existence d'une scoliose purement hystérique. L'auteur

estime donc qu'il y a lieu d'admettre une scoliose neuropathique

indépendante de la sciatique. Cette'scoliose peut avoir une patho-

génie variée. Elle peut être purement instinctive (théorie de la

décharge) ou hystérique. Dans d'autres cas, elleseraréflexe et quel-

quefois même névritique organique. 11 en est donc de la scoliose

comme de la coxalgie, du torticolis, de l'hémiplégie, etc. Enfin au

point de vue pathogénique, il faut encore distinguer une scoliose

paralytique et une scoliose par contracture. G. D. ,

IV. Un cas de névrite radiculaire double du plexus brachial avec

paralysie unilatérale complète de la troisième paire simulant

une pachyméningite cervicale hypertrophique; parle Dr IIEL-

DENBERG (de Gand.) (Journal de Neurologie, 1901, n°23.)

Il s'agit d'un homme de trente-six ans dont l'affection débuta

par des douleurs au niveau de l'épaule et du membre supérieur

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 159

droits, douleurs qui furent bientôt suivies d'une paralysie radiculaii e

du type Erb, avec atrophie des muscles de la ceinture scapulaire.

Quelque temps après le mal subit une nouvelle recrudescence et

d'unilatéral qu'il était devint bilatéral ; de plus il survint deux

faits nouveaux : une paralysie graduelle et totale du nerf de la

troisième paire et une véritablecontracture des muscles de la nuque

et de ceux des membres supérieurs innervés par le radial. Cette

dernière particularité pouvait faire songer à une pachyméningite

cervicale hypertrophique, mais, d'une part cette contracture n'a été

que passagère, et de l'autre, s'il s'était agi d'une pachyméningite

cervicale hypertrophique, la paralysie n'aurait pas suivid'aussi près

les douleurs spontanées, et enfin cette paralysie n'aurait pas affecté

le type d'Erb; elle aurait vraisemblablement empiété sur les mus-

cles de l'avant-bras et de la main, dans le domaine des nerfs

médian et cubitaux.

Quant à l'envahissement des filets nerveux de l'oculo-moteur

commun, l'auteur l'attribue à ce fait que le malade exerçant la

profession d'homme de lettres, l'appareil musculaire innervé par

ce nerf réalisait chez lui un locus minoris résislentiz. G. D.

V. Contribution à l'étude clinique des aphasies, par A. VA ?

GEHUCUTEX. (Journal de Neurologie, 1900, n° 3.)

Ce travail est basé sur trois observations . la ire est un cas d'a-

phasie motrice avec agraphie sans hémiplégie ; la 2e un cas d'a-

phasie motrice et sensorielle, également sans hémiplégie ; et la 30

un cas d'aphasie motrice corticale qui est venue compliquer une

hémiplégie droite existant depuis quatre mois et qui a entraîné de

l'agraphie pour la main gauche. G. DwY.

VI. Observation d'un cas de sclérodermie dactylique ; par le D de

Maerk. (Journal de Neurologie, 1900, n° 2.)

Vil. Un cas de spina bifida avec agenésie radiculaire et cordonale :

par F. Saxo. (Journal de Neurologie, 1900, n° 2.)

11 s'agit d'un homme de quarante-six ans, qui porte depuis sa

naissance à la région lombaire une tumeur sous-cutanée de con-

sistance graisseuse. A ce niveau la sensibilité cutanée est abolie

dans tous ses modes dans une vaste étendue formant comme une

selle sur la région lombaire et sur les cuisses. Cette anesthésie .

occupe les territoires des première, deuxième et troisième racines

postérieures lombaires. Il existait en même temps une légère

contracture avec une exagération des réflexes tendineux au niveau

des membres inférieurs. " G. D.

160 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

VIII. Paralysie labio-glosso-laryngée (Atrophie chronique des

noyaux moteurs de la protubérance et du bulbe) ; par F. Sano.

(Journal de Neurologie, 1900, n° 5.

Histoire clinique d'une femme qui fut atteinte successivement à

l'âge de soixante-deux ans d'une paralysie des lèvres, de la lan-

gue et des cordes vocales, avec conservation des mouvements des

yeux, des membres et du tronc. L'auteur base son diagnostic sur

la marche lente et progressive de la maladie, sur la symétrie par-

faite des altérations fonctionnelles des noyaux bulbaires et pro-

tubérantiels, et enfin sur l'existence de tremblements fibrillaires

et la diminution de l'excitabilité électrique dans les muscles para-

lysés. - G. D.

(X. Syndrome d'Erb; par le D1' de Bucx. (Journal de Neurologie,

1900, n° 4.)

Le malade qui a servi de point de départ à ce travail présentait

les symptômes suivants : 1° une parésie portant sur le domaine de

presque tous les nerfs depuis la troisième paire corticale jusqu'à

la moelle ianée ; 2° une sensation générale de fatigue exagérée par

les mouvements et le travail intellectuel ; 3° une exhaustibilité des

fonctions psychiques ; 4° une atrophie avec diminution de la con-

tractilité faradique localisée aux muscles de l'épaule et du bras.

Pas de troubles marqués de la sensibilité, pas d'altération des

sphincters.

' En attendant que l'anatomie pathologique nous éclaire sur la

nature de cette affectiod, l'auteur propose de la désigner sous le

nom d'llpolainésle casthélziyue bul6o-spizccle. Quoique d'ordre fonc-

tionnel et partant curable, cette affection peut entraîner la mort

par paralysie respiratoire.

Le traitement consiste dans le repos, une hygiène parfaite et

des névrosthéniques physiques et pharmaco-dynamiques employés

avec prudence et circonspection. G. D.

X. Dissociation hystérique du sens de la température avec inver-

sion de la sensibilité au froid ; par G.-W. Mac CASKEY. Tite nez

I'orlc Médical Journal, 14 décembre 1901.)

On sait que la sensation est constituée par une série très com-

plexe de fonctions, dont chacune se manifeste dans de très petites

zones contiguës de la peau, desservies par des nerfs spéciaux, les-

quels traversent probablement le cerveau en suivant des trajets

indépendants.

Cette dernière hypothèse parait nécessaire notamment pour

expliquer les phénomènes cliniques de la syringomyélie. Il existe

au moins quatre sortes de zones sensorielles, celles du toucher,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 161

celles de la douleur, et celles de la chaleur et du froid. L'absence

de ces deux dernières fonctions constitue la tliermo-anesthésie.

Dans le cas rapporté par l'auteur, les zones intéressées étaient

celles qui concernent la réception des sensations de douleur et de

froid, la première était altérée, et la seconde « renversée » et d'une

acuité morbide.

11 s'agit d'un homme de quarante-deux ans, qui se plaignait de

faiblesse des membres inférieurs, de douleur lombaire, de perte.

d'appétit et de sommeil. La puissance génitale était complètement

abolie, et la miction parfois difficile au début. Il avait perdu beau-

coup de son poids : les urines étaient normales. Le signe de Rom-

berg était légèrement accusé, le réflexe du genou un peu exagéré.

Les pupilles étaient symétriques et sensibles à la lumière et à

l'acconimodation. La faiblesse des membres inférieurs n'était pas

.excessive. ,

Les muscles de ces membres, bien qu'un peu flasques, répon-

daient normalement à l'excitation électrique. Il n'y avait nulle

part de renversement de la formule galvanique.

La sensation tactile et la perception de la chaleur étaient nor-

males sur toute la suriace du, corps. La sensibilité à la douleur

faisait défaut sur la surface totale des extrémités inférieures. Mais

ce qui est surtout remarquable c'est le résultat de l'exploration de

la sensibilité thermique. La sensation de la chaleur était absolu-

ment normale et ses divers degrés étaient appréciés correctement

et sans hésitation. Mais l'application du froid sur la peau était

invariablement prise pour une sensation de chaleur, et les degrés

de froid étaient sentis comme des degrés de chaleur.

Le froid n'était perçu comme du froid qu'à la face et au cou. Le

caractère et la distribution de cette anomalie sensorielle devaient

nécessairement faire penser à l'hystérie, malgré que rien dans

l'histoire du malade ne plaidât dans ce sens. En cherchant d'au-

tres stigmates, on trouva d'abord une anesthésie presque complète

de la conjonctive. L'examen des champs visuels montra une dimi-

nution irrégulière et une inversion partielle du champ de la vision

colorée (ici se placent des figures explicatives) : les divers champs

ne furent délimités qu'à l'aide de quatre points, deux verticaux et

deux latéraux,-ce qui suffit pour l'exploration neurologique. Le

champ du vert n'a pas été exploré, le malade étant daltoniste à

l'égard de cette couleur. '

Le diagnostic d'hystérie fut porté nettement.

Un examen ultérieur montra que les altérations de la sensibilité

s'étaient notablement amendées.

Ces anomalies de la sensibilité et de la vision ne pouvaient

dépendre que de l'hystérie ; on a néanmoins exigé que le malade

revint se soumettre plus tard à de nouveaux examens, parce que

même en présence de phénomènes nettement hystériques, on ne

Archives, 2* série, t. XIV. il

162 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

doit jamais oublier qu'ils peuvent coexister avec une lésion orga-

nique, et l'auteur cite un cas, très probant, où des phénomènes

indubitablement hystériques ont accompagné, et masqué pendant

un certain temps, une tumeur cérébrale. Le premier diagnostic

d'hystérie avait été l'expression de la vérité, mais non de toute la

vérité.

Le principal intérêt de ce cas est dans la nature même de l'alté-

ration de la sensibilité au froid. L'analgésie thermique n'est peut-

être pas très rare dans l'hystérie, mais elle est presque toujours

associée à l'analgésie, ce qui était le cas chez le malade dont il

s'agit ici pour les extrémités inférieures, mais non pour le tronc

et les extrémités supérieures.

L'auteur ne se souvient pas qu'il ait été publié des cas de cette

dissociation de la sensibilité au froid dans l'hystérie ; mais on l'a

observée dans certaines maladies organiques des centres nerveux.

et Déjérine et Thuitant notamment ont observé cette dissociation

dans la syringomyélie : chez leur malade toutefois il y avait perte

complète de la sensibilité sur une surface très étendue. En fait,

dans le cas qui vient d'être rapporté par l'auteur, la thermo-anes-

thésie au sens propre du mot n'existait pas. Il s'agissait plutôt

d'une hyperesthésie à l'égard des sensations causées par le froid,

lesquelles étaient perçues sous la forme de sensations de chaleur.

Toutefois à cette anomalie sensorielle se joignaient des phéno-

mènes de nature franchement anesthésique. '

* li. DE Musgrave-Clay.

XI. Contribution à la pathogénie de l'épilepsie ; par Z. Byciiowsry.

(VeM ! -o.C'eK't(/6 ? XIX, 1900.)

Il s'agit d'un homme vigoureux de vingt-huit ans, indemne de

toute tare héréditaire ou personnelle qui, depuis plusieurs années

passe six à huit heures par jour dans une atmosphère imprégnée

de vapeurs de tabac. Il traite à chaud des feuilles de tabac brutes

par des procédés chimiques afin d'obtenir un produit de prix

modique, inoffensifet aromatique. Pour que personne ne lui vole

son secret, il opère dans un-local clos, dénué de ventilation. Cela

lui rapporte annuellement 15 000 marks. Mais il y a gagné une

conjonctivite et les autres accidents du zzicoliczisme. Depuis deux

ans il éprouve des attaques d'épilepsie de plus en plus fréquentes

et violentes, ce qui est conforme aux expériences de Schtscherbak

Vi-atsclt., 1887). II cesse de s'exposer aux vapeurs toxiques, et

l'épilepsie disparaît sans autre traitement ; il y a dix-huit mois

de cela. Les autres phéneaïïènes du nicotinisme chronique, tels

que vertiges, dyspnée, constipation, ont aussi presque disparu.

P. KERAV.1L.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 163

XII. Contribution à la connaissance de l'hémiatrophie faciale pro-

gressive ; par A. 11OFrMANN. (Neunolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Deux observations. La première, chez un jeune garçon de dix

ans, est une hémiatrophie consécutive à un traumatisme; blessure

au-dessous du rebord de l'orbite par suite d'une chute. Dans la

seconde, il s'agit d'une femme de quarante-deux ans, qui d'abord

pendant seize années, a été affligée d'une névralgie du trijumeau

à gauche ; elle entraîna l'atrophie de la moitié correspondante de

la face; c'est en un cas semblable que Mendel a montré une dégé-

nérescence du trijumeau. Moebius regarde cette maladie comme

une atrophie primitive de la peau, causée par des processus

toxiques. C'est impossible à admettre chez notre jeune garçon, car

sa blessure guérit rapidement et parfaitement. L'origine nerveuse

est évidente dans la seconde observation. Notons les résultats favo-

rables de l'électricité galvanique chez le jeune homme; il en est

d'ailleurs ainsi parfois dans la sclérodermie en plaques, qui pré-

sente quelque ressemblance avec cette affection. NI. Hoffmann avait

proposé à la malade, qui souffrait terriblement, l'extirpation du

ganglion de Gasser; elle refusa, il ne l'a plus revue (photogra-

pies). " P. Keraval.

XIII. Contribution clinique et expérimentale à la question de la

sécrétion des larmes; par G. KOESTEUT. (Neurolog. Ceatralbl.,111,

1900.)

Est-ce le facial et non le trijumeau qui préside à la sécrétion

des larmes ? Voici ce que dit la clinique. Dans la paralysie faciale,

on observe, du même côté, soit, le plus rarement, une exagération

de la sécrétion des larmes, soit, surtout, une diminution et même

une suspension de cette sécrétion. Celle-ci généralement s'accom-

pagne de diminution de l'excitabilité électrique du tronc du facial,

ou de réaction dégénérative typique, tandis que l'hypersécrétion,

coïncide avec l'hyperexcitabilité électrique du tronc du nerf. Au

moment de la guérison, on voit rétrocéder successivement les

troubles de l'ouïe et de la sueur, du goût, de la salive, de la sécré-

tion lacrymale. Finalement, l'excitabilité, électrique revient à la

normale, mais après la réinstallation de l'incitabilité volontaire.

Dans la paralysie faciale rhumatismale, il ne survient de trouble

lacrymal que lorsque la paralysie siège dans le voisinage du gan-

glion géniculé (trouble simultané des larmes et du goût). Dans la

paralysie faciale d'origine basale, on observe également le trouble

de la sécrétion lacrymale, mais naturellement sans trouble conco-

mitant du goût. D'autres observations cliniques permettent de for-

muler que les fibres lacrymales arrivent du bulbe dans le tronc du

facial de concert avec les fibres sécrétoires de la salive. An niveau

164 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

du ganglion géniculé, elles se détachent en avant, et s'en vont

par le grand nerf pétreux superficiel vers le ganglion sphéno-pala-

tin. Le trijumeau ne joue, par rapport à la sécrétion lacrymale

chez l'homme, qu'un rôle réflexe; il est la branche conductrice

centripète de l'arc réflexe, tandis que le facial représente la branche

centrifuge sécrétoire dans un nerf moteur. Le larmoiement unila-

téral de l'oeil dans la névralgie unilatérale de la 5° paire, plaide en

faveur de cette opinion. Le facial est donc, chez l'homme, le nerf

des larmes. -

Voici, par contre, de nouvelles expériences qui prouvent que,

chez le chien, le chat, le macaque, le facial K'oe rien à voir avec la

sécrétion des larmes. On n'obtient pas de sécrétion lacrymale de

l'excitation de la corde du tympan avant son entrée dans la scis-

sure de Glaser. ni de celle du bout périphérique ou central du

facial dans le trou stylomastoïdien. L'élongation de ce dernier ne

détermine pas de sécrétion lacrymale unilatérale. L'excitation du

facial à la base du crâne après sa sortie du cerveau, ne produit

qu'une salivation profuse. On a beau exciter isolément corde du

tympan ou facial, on ne voit point les larmes couler ni déborder

dans l'angle interne de l'oeil. La destruction, chez tous ces ani-

maux, du facial jusqu'au ganglion géniculé, n'entraîne pas la dégé-

nérescence du grand nerf pétreux superficiel ou du nerf lacrymal.

Quel est donc, chez ces animaux, le nerf des larmes ? Il est pro-

bable, notamment chez le chat, que le sympathique exerce une

influence sur la sécrétion lacrymale. L'excitation du bout périphé-

rique du nerf lacrymal provoque aussi la formation des larmes

dans l'oeil du même côté. L'excitation des racines du trijumeau,

après section préalable à la base du crâne, est demeurée négative,

à cause de l'épuisement des animaux par de longues vivisections ;

impossible de spécifier si l'excitation du nerf lacrymal tenait à

celle des fibres du trijumeau, ou du sympathique mélangées.

P. KERAYAL.

XIV. Les paralysies laryngées et leur importance en médecine

générale; par \V.-J. GLEI'RSMANN. (1'lce Alezv-Yoi-h Aledical Jo211-jitil,

14 décembre 1901.

Bonne revue des notions que nous possédons actuellement sur

les paralysies laryngées et sur l'utilité qu'il y a pour le laryngolo-

giste à connaître exactement la physiologie du système nerveux.

R. M. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 28 avril. Présidence DE M. Motet.

Sur les éléments de nos images mentales.

M. J. PHILIPPE présente à la Société les résultats d'un certain

nombre d'observations sur les images mentales visuelles, étudiées

au point de vue des éléments qui les composent et de manière à

préciser certaines données, pour l'examen clinique des aphasies

d'évocation et de la confusion mentale.

Quand une image est assez nette pour être décrite, on distingue

deux principaux genres d'éléments : les uns forment le corps de

l'image, les autres .en sont en quelque sorte le vêtement, les

dehors.

Ces derniers ne proviennent pas de la perception originelle qui

a donné naissance à l'image ; ils ont été rajoutés à celle-ci après

coup, à mesure que nous nous en servions pour diverses opéra-

tions mentales. Ce sont donc des éléments étrangers ou extérieurs :

ils comprennent (en venant du dehors) d'abord des éléments que

l'on peut appeler logiques, parce qu'on ne se les représente pas,

tout en sachant très bien qu'ils appartiennent à l'image puis

des éléments que l'on se représente bien dans l'image, mais que

l'on sait empruntés à d'autres images et rapportés à celle-ci pour

la compléter enfin des vides, des espaces blancs où l'on ne voit

rien, tout en sachant qu'il y avait quelque chose à cette place

dans la perception primitive.

Ces éléments étrangers font cependant partie de l'image, puis-

qu'ils se présentent toujours lorsque nous l'évoquons en essayant

de la visualiser : mais ce ne sont pas eux qui reflètent les percep-

tions originelles d'où procède l'image.

Les éléments propres de l'image comprennent d'abord une sil-

houette générale, qui offre l'ensemble, les grandes lignes et par-

fois la teinte même de l'image que l'on essaie de visualer : le plus

souvent nous nous contentons de cette silhouette quand nous

évoquons une image pour une opération mentale : cela permet à

la fois d'aller plus vite et. d'employer encore des images déjà

réduites à cette simple silhouette. Quand on veut préciser

166 SOCIÉTÉS SAVANTES.

davantage, on trouve des éléments encore vagues, mais cependant

plus particuliers et plus nets : par exemple, dans une page d'im-

pression, des lettres dont on distingue bien la forme et le caractère;

mais sans pouvoir les lire. Enfin l'élément vital de l'image; ce

sont les restes directs des perceptions primitives, ceux qui sont en

quelque sorte l'écho de la sensation originelle : 'par exemple, les

mots que l'on peut lire à leur place, sans le secours du contexte,

dans une page évoquée ; les détails que l'on peut dessiner direc-

tement, tant on les visualise nettement. ,

Ces divers éléments sont d'ailleurs éparpillés : on trouve un

détail visualisé à côté d'un élément logique, etc., et tout cet en-

semble offre assez l'aspect d'une mosaïque brisée, dont les mor-

ceaux sont parfois mal rejoints., On voit par là qu'il s'est fait tout L

un travail, transformant profondément 1 image primitive : on a

rajouté, retranché, changé, et c'est' maintenant un tout .dispa-

rate. Ce qui. explique que l'image puisse disparaître par frag-

ments, subsister incomplète, et cette constatation peut éclairer

certains points de l'histoire des aphasies, et surtout des aphasies

d'évocation.

M. Sollier ne voit pas très bien la différence qui peut exister

entre l'image mentale et le souvenir dont cette image est'au

moins la base. . ' '

M. J. Philippe. L'image mentale et le souvenir'se différencient

surtout par la différence de netteté qui existe entre l'image et le

souvenir. L'une est très floue (l'image), tandis que l'autre (le sou-

venir) est très précis.

M. Vallon demande si les observations de M. Philippe ont été

toutes prises sur le même sujet.

M. Philippe. J'ai étudié sept sujets appartenant tous à un milieu

assez élevé (étudiants,' artistes, médecins).

M. Vallon voudrait savoir si l'intensité de la mémoire à une

influence sur l'intervention plus ou moins rapide des éléments

logiques.

Ai. J. Philippe a surtout observé des sujets visuels chez qui les

éléments logiques interviennent très activement ; mais les indivi-

dus peuvent se modifier et devenir des auditifs ou des parleurs. Il

n'y a donc pas de rapport fixe entre le degré de la mémoire et la

rapidité de l'intervention des éléments logiques.

M. Ballet désirerait avoir un exemple concret de ce que

M. Philippe appelle les éléments logiques. q

M. J. Philippe. J'ai demandé à un étudiant de me décrire une

page du dictionnaire de physiologie de Ilieliet, qu'il a eu entre les

mains et parcouru. Il me répondit : Je ne me 7cippelle pas la, dispo-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 167

sition de la page, mais je sais qu'en haut de la page le mot dic-

tionnaire est imprimé en gros caractères, que la page est diviséeen

colonnes avec d'autres mots en gros caractères au début des

articles. Ceux-ci doivent être courts. Je ne sais pas s'ils sont signés

du nom de leur auteur. Enfin le sujet conclut : Ce n'est pas ma

- mémoire qui me sert pour cette description mais le raisonnement.

. M. Ballet. Je considère le souvenir comme uniquement consti-

'tué d'une série de représentations mentales. Même dans l'expé-

rience qui vient d'être décrite, je ne vois que des représentations

mentales. En effet, votre observateur s'atralyse mal quand il vous

dit : « Je ne vois pas. mais je sais ». N'est-ce pas, en effet, grâce à

l'intervention d'un élément visuel qu'il fait transporter en haut

de la page le mot dictionnaire qu'il a vu ailleurs et au commence-

ment de l'article le/ titre de cet article qu'il a vu dans tous les

dictionnaires.- Dans tous les phénomènes de représentation men-

tale, il y a une ou deux images particulièrement marquées autour

desquelles viennent se grouper d'autres éléments de représentation

plutôt sensorielles quementales. '

M. J. Philippe admet que, dans les éléments logiques, il y a bien

une partie représentative mais il ne lui attribue qu'un relief secon-

Jaire. Le rôle le plus important est joué par le raisonnement

par ce qu'il a désigné du nom d'éléments logiques.

M. h'IsR\ : 11;D-LEROY. Une image visuelle n'est jamais purement

visuelle ; il y entre toujours quelques éléments logiques qui ne sont

que des images sensorielles floues. 1

M. SOLLIER. Dans l'exemple de l'évocation d'une page de diction-

naire, il y a deux choses : d'abord l'aspect général de tous impri-

més et ensuite de la page particulièrement désignée. Dans la re-

présentation générale, c'est l'élément logique qui domine. Dans la

représentation mentale de la page de dictionnaire, c'est le réveil

d'une image visuelle particulière.

Paralysie générale ci forme sensorielle.

1t. P. Sérieux communique en son nom et au nom de M. MiGNOT

l'observation d'un paralytique général de quarante et un ans,

ancien syphilitique chez lequel les idées délirantes sont provoquées

et entretenues par des hallucinations de l'ouïe, de la sensibilité

générale, de l'odorat et du goût. Les hallucinations de l'ouïe sont

d'une permanence et d'une intensité comparables à ce que l'on

' voit dans les délires systématisés ordinaires. Il ne s'agit pas là de

pseudo-hallucinations, le malade fait continuellement allusion,

dans ses discours et dans ses lettres, aux voix qu'il entend; il suf-

fit de l'examiner quelques instants, à son insu, pour constater les

réactions extérieures habituelles des hallucinés.

168 SOCIÉTÉS SAVANTES.

En novembre 1900 et en mars 1901, à la suite de crises épilepti-

formes, X... présente d'abord de la surdité corticale, puis de la

surdité verbale pure; on constate néanmoins à plusieurs reprises

l'existence des hallucinations de l'ouïe. Les troubles aphasiques

durent une huitaine de jours, puis le délire hallucinatoire reprend

son activité. ` '

En avril et en octobre 1901, consécutivement à des accès convul-

sifs, on observe encore des phénomènes de déficit réalisant alors le

type de l'aphasie sensorielle .- surdité verbale, paraphasie, cécité

verbale, paragraphie. Comme les premières fois, les troubles apha-

siques durent une semaine, et à la suite le délire et les hallucina-

tions reprennent leur cours.

En juillet 1901, la démence fait de rapides progrès ; l'agitation

devient extrême et le malade, après des crises convulsives subsin-

trantes, s'alite, devient galeux, a des,escha ? -es et meurt (décem-

bre 1901).

Autopsie : hémisphère gauche, 526 grammes; hémisphère droit,

551 grammes. Lésions de mériiigo-encéphcilite diffuse, mais les lobes

frontaux sont relativement épargnés, tandis que les lobes tempo-

raux présentent le maximum des altérations; à gauche, au niveau

de la première temporale et de la circonvolution supra-marginale

(centre de l'audition), la décortication détermine la séparation

complète de l'écorce et de la substance blanche (Baillarger, Rey,

Tuczek).

L'examen microscopique fait par M. Rabaud, confirme le dia-

gnostic de paralysie générale.

L'existence d'une lésion bien localisée au centre de l'audition

chez un malade ayant présenté de la surdité verbale (phénomènes

de déficit) et des hallucinations (phénomènes d'excitation) explique

d'une façon tangible des troubles qui sont habituellement mis sur

le compte de l'hérédité ou de la dégénérescence, facteurs étiolo-

giques beaucoup plus lointains et beaucoup moins précis. L'alter-

nance des phénomènes de déficit et d'excitation du centre auditif,

n'a pas lieu d'étonner davantage que les convulsions qui se sont

succédé au niveau du même membre.

Les faits analogues à l'observation ci-dessus, paraissent à tort

exceptionnels; ils seront plus fréquemment observés quand l'at-

tention aura été attirée sur eux. On est autorisé à'décrire à part

une variété sensorielle de la paralysie générale, comprenant les cas

caractérisés par la prédominance des troubles sensoriels et des

troubles de la sphère du langage (symptômes d'excitation ou de

paralysie) tels que : aphasie motrice, hallucinations motrices ver-

bales, hallucinations de l'ouïe, surdité corticale, surdité verbale

pure, aphasie sensorielle, hallucinations de la vue, hémianop-

sie, etc. Cette variété symptomatique tient à la prédominance des

lésions au niveau de certains territoires corticaux et plus particu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 169

lièrement des centres de la région postérieure. Les lésions, elles-

mêmes, affectent alors des caractères spéciaux : foyers parfois net-

tement circonscrits avec séparation complète de l'écorce et de la

substance blanche.

La connaissance de cette variété clinique et anatomo-patholo-

gique de la paralysie générale est intéressante au point de vue du

diagnostic. En effet l'existence d'un délire à base d'hallucinations

et la constatation de symptômes habituellement dus à des lésions

en foyer, ne doivent pas faire écarter, comme on l'a dit, le dia-

gnostic de méningo-encéphalite diffuse, mais doivent faire pensera à

cette forme sensorielle de la paralysie générale liée à des foyers

circonscrits de méningo-encéphalite d'intensité exceptionnelle.

111. Vallon demande quelle a été la durée de la phase hallucina-

toire.

M. Sérieux. Dix-huit mois ou deux ans. M. B.

Séance solennelle du cinquantenaire (26 mars) .

PRÉSIDENCE DE M. MATET. 1 .

- Le 26 mars 1902, la Société médico-psychologique se réunissait

pour fêter le cinquantième anniversaire de sa fondation. La plu-

part des membres assistaient à la séance ainsi que de nombreux

associés ou délégués étrangers.

Le Président, M. MOTET, prononce un éloquent discours d'une

grande élévation de vues dans lequel il fait revivre les grandes

figures qui ont contribué à la fondation de la Société médico-

psychologique.

L'orateur s'est attaché surtout à montrer les origines de la

Société, et comment, sous l'influence de Cerise, de Longet et de

Baillarger, un organe destiné à centraliser les recherches d'alié-

nation mentale fut fondé et comment bientôt Baillarger, aidé sur-

tout par Renaudin et Aubanel arriva à constituer la Société médico.

psychologique. Il adresse un hommage aux premiers médecins

qui en firent partie, parmi lesquels plus d'un laissa un nom qui

n'est pas oublié et qui ne le sera jamais. En quelques mots pleins

d'émotion, l'orateur parle de Lui. J. Falret qui s'éteignait pen-

dant la célébration du cinquantenaire. Il faisait partie de la

Société depuis 1854.

Citons la péroraison de son discours : « Une société comme la

nôtre, toujours prête à traiter les questions les plus élevées de la

psychopathologie, de la neuropathologie, de la médecine légale,

de l'administration des asiles, de l'assistance des aliénés, sollicitant

170 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et préparant par son incessante initiative, le progrès, dans toutes

les branches que comporte son vaste programme, peut avoir foi en

elle-même. Elle a eu un passé qu'elle peut évoquer avec fierté;

son avenir ne me parait pas moins assuré, si j'en juge par le

mérite de ceux qui viennent à elle, qui lui apportent l'énergique

vitalité de la jeunesse et la ferme volonté de maintenir nos vieilles

et chères traditions d'honneur, de probité scientifique, de confra-

ternelle solidarité. »

De nombreux applaudissements soulignent l'éloquente pérorai-

son de 11. Motet. ,

XI. Séglas, au nom de 1111. Arnaud, Joffroy, Garnier, J. Voisin,

donne lecture du rapport de la Commission du prix Aubanel. Le

prix est décerné ex-sequo à MM. Bernard-Leroy et Castin. Un

première mention avec 400 fr. est accordée à âl. Coliolan. Une

autre mention avec 200 fr. ezt attribuée à M. Marchand. Le sujet

que les candidats auront à traiter en 1904 est le suivant : Valeur

diagnostique des symptômes oculaires, aux différentes périodes de

la Paralysie générale; valeur appuyée surtout sur des observations

personnelles.

Il LE Secrétaire général. Ritti, dans une étude des plus docu-

mentés, retrace l'histoire des travaux de la Société médico-psycho-

logique (1852-1902), depuis sa fondation qui remonte à 1852.

Nous allons essayer de résumer cet important discours, véritable

monument historique de la Société. Ce fut Baillarâer qui, le premier,

eut l'idée de fonder une association de médecins aliénistes. Avec le

concours de Renaudin et d'Aubanel, une première tentative fut faite

en 184 i, mais elle ne l'ut pas couronnée de succès. Quelques années

plus tard, le projet fut repris, et le 2foi avril 1852 la Société médico-

psychologique tint sa première séance. Parmi les adhérents de la

première heure, on relève les noms de : Ferrus, qui fut nommé

président, Baillarger,, Cerise, Brierre de Boismont, Gerdy, Decham-

bre, Calmeil, Uelasiauve, Moreau (de Tours). Trélat, Félix Voisin,

Parchappe, Lallemand, Paul Janet. Le programme était très

vaste. Il comprenait, à côté de l'étude de la pathologie mentale et

de la neuropathologie, celle de l'anatomie et de la physiologie du

système nerveux et de l'anatomie pathologique. Parmi les objets

de ces recherches on note encore : « l'hygiène morale, l'éducation

ou la prophylaxie de l'aliénation mentale et des névroses, l'hygiène

pénitentiaire, des études historiques sur les maladies de la sensi-

bilité et de l'intelligence, l'administration, la médecine légale, la

jurisprudence et la statistique ».- '

Enfin, une place fut faite à des questions d'ordre général, telles

que la philosophie, l'ethnologie, la psychologie, l'histoire « ce mot

devant s'entendre des grandes épidémies morales, des influences

de certaines époques, des biographies de plusieurs personnages ».

SOCIÉTÉS SAVANTES. 'I 11 1

Une section du programme avait pour objet a l'étude de la science

des rapports du physique et du moral ».

Dans une revue générale des plus complètes, M. Ritti rend

compte des principaux débats qui occupèrent les séances de la

Société.

- La question delà monomanie, soulevée par Delasiauve, donna

lieu à une discussion qui fournit un exemple frappant de l'influence

du procédé exclusivement psychologique sur l'étude des aliénations

mentales, méthode dont la stérilité se faisait déjà sentir. La théorie

de la monomanie en tant qu'entité morbide reçut dès ce moment

des coups mortels de la part de Fabret et de Alo,el. ·

Un débat sur les hallucinations permit à Baillarger de dévelop-

per des idées lumineuses devenues depuis classiques etàParchappe

de poser la question sur le terrain anatomopathologique. L'étude

des « folies sympathiques », -si en honneur autrefois, celle de la

. catalepsie et du somnambulisme donnèrent lieu à des discussions

intéressantes. La paralysie générale occupa la Société dès 188.

Neuf séances furent consacrées, à cette époque, à élucider cette

question. Parchappe dit nettement que la paralysie générale

« forme une espèce distincte du genre folie ». Dès lors la lutte

allait s'engager entre les partisans de cette opinion et ceux qui

'partageaient les idées de Baillarger sur la dualité de cette aflec-

tion. Des recherches anatomo-pathologiques lurent communi-

quées par plusieurs auteurs, entre autres par Bonnet etPoincaré,

'Foville, J. Falret. Les rapports avec la syphilis furent discutées

plusieurs reprises, mais « la contradiction ne lit que confirmer

chacun dans son opinion ».

L'épilepsie ne donna lieu à aucune grande discussion, saut

cependant l'épilepsie larvée, « cette création du génie de More ! ».

La question de l'existence ou de la non-existence de la folie

raisonnante, en tant que type morbide défini a dû aux communi-

cations de J. Fabret et de Haitlarger de s'être précisée.

Le problème de l'influence de l'hérédité sur les maladies mentales

et nerveuses fut abordé des 1867. mais il s'agit là d'une enquête

qui reste toujours ouverte et qu'il nous appartiendrait de repren-

dre et de compléter.

La symptomatologie de l'état mental des aliénés avec conscience

de leur état, l'étude des signes physiques de la folie raisonnante,

celle de certains symptômes tels que : l'agoraphobie, la claustro-

phobie, les perversions sexuelles, ces différents éléments ont per-

mis d'aborder la question des fous héréditaires. '

Au cours d'une discussion qui occupa plusieurs séances,

111. Magnan exposa ces notions devenues classiques sur les stig-

mates psychiques de la dégénérescence qui rendirent son nom

illustre dans le monde entier.

Les idées délirantes de persécution donnèrent lieu à des commu-

172 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nications telles que celles de Faville sur les aliénés migrateurs, de

M. Motet sur les violences commises par les persécutés en liberté,

de Lasègue qui vint défendre l'oeuvre qu'il avait créée quelque

trente ans avant. Mais c'est la discussion célèbre sur le délire

chronique de Magnan qui porta le plus de lumière dans cette ques-

tion éminemment complexe. Le litige qui suivit l'exposé de la

question fait par M. Garnier, porta surtout sur les deux derniers

stades de la maladie isolée par XI. Magnan : celui où commencent

à apparaître les idées de grandeur et celui de démence terminale.'

Signalons l'intervention de 1M. Magnan, Garnier. J. Falret, Bail,

Briand, Cotard, Christian, Ballet. , ' .

Les questions touchant la classification ont dès longtemps

sollicité la sagacité des aliénistes. -

En 1860, une discussion eut lieu à propos de la classification de

Morel, dans laquelle Il J. Falret prit une part prépondérante

s'attachant à démontrer l'importance « des méthodes naturelles,

c'est-à-dire des modes de classement reposant sur un ensemble

de caractères subordonnés et coordonnés et se succédant dans

un ordre déterminé, et non des systèmes artificiels qui rappro-'

chent les faits à l'aide d'un seul ou d'un,petit nombre de carac-

tères. » ' . ?

En 1888, lorsqu'il s'est agi de donner l'opinion de la Société sur

les bases d'une classification des maladies mentales, un débat

s'engagea, et dès le commencement il était facile de prévoir qu'il

ne pouvait aboutir : les tenants d'une classification étiologique se'.

trouvèrent aux prises avec les partisans d'une classification ana-

tomo-pathologique, et ni les uns ni les autres ne voulurent s'en-

tendre avec les défenseurs d'un classement purement empirique.

La question, on le sait resta ouverte.

La psychialrie est une branche de la médecine. Aussi les ques-

tions de thérapeutique ont-elles de tout temps sollicité l'attention

des membres de la Société. L'emploi du bromure de potassium

dans le traitement de l'épilepsie ; les bains prolongés ; l'opium eti>

ses alcaloïdes dans la thérapeutique des états mélancoliques ; les

médicaments hypnotiques, voilà quelques-uns des principaux

sujets de discussion. La question du no-restraint; soulevée en

Angleterre par Conolly, donna lieu à un échange d'opinions contra-

dictoires. Bouchereau et 1V1. Magnan et leuis étèves représentaient

d'abord à eux seuls la minorité, mais on sait combien l'expérience

leur donna finalement raison. La Société s'occupa aussi des sorties

provisoires des aliénés, de la colonisation, de la création d'asiles

pour aliénés criminels, de la séquestration des alcooliques, de

l'assistance des épileptiques.

Les problèmes les plus délicats de la médecine légale furent

traités par la Société. Citons les questions suivantes : la respon-

sabilité partielle des aliénés, la responsabilité de l'homme ivre,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 173

la question de l'interdiction des aliénés, la discussion sur les alié-

nés criminels, et le mariage ou le divorce des aliènes.

La Société médico-psychologique s'occupa toujours avec sollici-

tude des intérêts professionnels. Sous son patronage se fonda

l'Association mutuelle des médecins aliénistes de France.

Inutile de rappeler le soin qu'elle apporte à la distribution de

ses prix, à sa participation aux congrès et cette sorte de piété

filiale et de solidarité professionnelle dont elle fait preuve quand

il s'agit d'honorer ses morts.

Nous ne saurions mieux faire que de terminer en citant ces

mots de XI. Ritti : « Nous avons reçu des générations qui nous ont

précédés dans cette Société, non seulement la vie, mais tout un

riche héritage de traditions et de labeur. Le flambeau de la science,

pris des mains de nos maîtres et qui nous a éclairés, il est de

notre devoir de l'entretenir pieusement, pour le transmettre, brû-

lant d'un éclat plus vif, à ceux qui nous suivront. Ainsi seulement

nous aurons vraiment mérité de nos prédécesseurs, et nous nous

montrerons dignes d'être, à notre tour, honorés par nos succes-

seurs. »

Il est inutile d'ajouter que ce retour sur le passé de la Société

que l'éloquent secrétaire général faisait effectuer à ses collègues a

été fréquemment interrompu par de chaleureux applaudissements.

.Le soir, un banquet réunissait, chez Marguery, la plupart des

membres de la Société auxquels s'étaient joints les lauréats du

prix Aubanel. Il B.

Séance du 30 juin 1902. Présidence de M. MoTET.

LE Président annonce, en termes émus, la perte faite par la

Société, en la personne d'un de ses plus anciens membres et de

son ancien président, le Doutes Falret, qui succombait le lendemain

du jour où la Société célébrait le cinquantenaire de sa fondation.

Le Président donne ensuite lecture du discours prononcé sur la

tombe au nom de la Société médico-psychotogique et de la Société

de médecine légale qu'il a associées dans son suprême hommage

à Jules Falret.

La séance est ensuite levée en signe de deuil.

Délire et insuffisance hépatique.

MM. VIGOUROUX et JUQUELIER, f1 propos de quelques malades chez

lesquels ils ont constaté la coïncidence d'insuffisance hépatique

passagère et de troubles mentaux également passagers, éta-

blissent une relation de cause à effet entre les deux manifestations

morbides. Après un rapide historique où sont mentionnés en par-

174 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ticuliee les travaux de 111. Klippel, du Pl Joffroy, de 11. L. Levi, de

MM. Ballet et Matrice Faure, MM. Vigouroux et Juquelier rap-'

pellent les signes habituels (cliniques et urinaires) de la petite

insuffisance hépatique (subictère, anorexie, constipation, fétidité'

des selles, diminution d'urée, urobilinurie, glycosurie alimen-

taire, etc). -

Ils ont retrouvé la plupart de ces signes chez des sujets présen-

tant des troubles psychiques, intermittents ou passagers," et n'ac-

cusant de lésion hépatique que par cette altération fonctionnelle

de la cellule. Cette altération prévue par M. Klippet dans les cas

aigus que cet auteur rapporte put être vérifiée par lui à l'autopsie.

Les auteurs, à cause même du genre de malades auxquels ils se

sont adressés, n'ont pu faire de constatations anatomiques, mais

ils ont vu l'insuffisance hépatique évoluer parallèlement avec les

troubles psychiques; ils ont vu en particulier disparaître la glyco-

surie alimentaire, qui leur servait de pierre de touche quand dis-

paraissaient les troubles mentaux (confusion mentale, délire oni-.

rique. hallucinations provoquant le délire, excitation, etc.)

Si cette auto-intoxication hépatique frappe des cerveaux prédis-

posés (dégénérescence, alcoolisme), il n'est pas pourtant sans inté-

rêt de la diagnostiquer, puisque sa connaissance permet :

10 D'instituer une thérapeutique immédiate plus rationnelle;

2° D'indiquer au malade un régime hygiénique destiné à éviter

le retour des crises d'insuffisance.

Le malade guéri devra non seulement éviter le surmenage céré-

bral en tant que dégénéré, mais il devra encore surveiller son

régime alimentaire en tant qu'hépatique latent.

Les observations rapportées sont réparties en trois groupes :

1° Celles où l'auto-intoxication d'origine hépatique a frappé un

sujet anciennement alcoolique, bien qu'abstinent depuis quelque

temps ;

2° Celles où des accès intermittents de confusion mentale avec

délire hallucinatoire ou agitation ont évolué parallèlement avec

des accès également intermittents d'insuffisance hépatique;

3° Celles où des signes d'insuffisance hépatique s'observent chez

des délirants actuellement en évolution, et où cette insuffisance

hépatique a servi de guide au point de vue thérapeutique.

L'état mental de ces malades présente une grande diversité.

Mais, d'une façon générale, les auteurs retrouvent chez eux les

caractères des délires toxiques et infectieux (confusion mentale,

cauchemars, hallucinations, perte de conscience, agitation motrice

et automatique).

Signes physiques de démence précoce.

M. IASSELO4, au nom de M. Sérieux et au sien, fait une commu-

nication sur les signes physiques de la démence précoce. D'après -

SOCIÉTÉS SAVANTES. 175

de nombreuses observations, les auteurs notent la fréquence de

troubles pupillaires variés, de troubles des réflexes et de la sensi-

bilité cutanée. Ils notent par ordre de fréquence : troubles de l'ac-

commodation, du réflexe lumineux, dilatation pupillaire, déforma-

tion pupillaire, inégalité pupillaire. Les réflexes tendineux sont

exagérés dans le tiers des cas. La sensibilité est diminuée dans

plus de la moitié des cas, ainsi que le réflexe plantaire; le réflexe

crémastérien, le réflexe abdominal sont très souvent abolis,

MM. Sérieux et Masseion ont noté aussi parfois du dermographisme.

M. Séglas ne croit pas que les signes physiques de la démence

précoce aient une constance aussi grande que àlàl. Sérienx et àlds-

selon l'affirment. Les troubles de la sensibilité cutanée sont peut-

être plus apparents que réels et dus surtout au ralentissement des

fonctions psychiques de ces malades. Les réflexes tendineux lui

paraissent bien, par contre, en général exagérés, surtout chez les

catatoniques. Pour les signes pupillaires, il faut craindre des

erreurs possibles d'interprétation chez ces malades difficiles à

examiner; il admet cependant la fréquence de la dilatation pupil-

laire ; les signes pupillaires sont d'ailleurs variables et probable-

ment transitoires. M. Séglas met en garde contre les erreurs pos-

sibles dues à la coexistence d'une maladie du système nerveux. Il

cite un fait où un myosis d'origine syphilitique apparut au cours

d'une démence précoce. : 11. DENY rapporte un cas analogue à cette dernière observation.

M. ÏRÉNEL pen-e que les signes pupillaires sont peut-être moins

importants que ne l'admettent les auteurs. Il a constaté la dilata-

tion pupillaire, mais celle-ci n'est peut-être qu'une sorte d'attitude

de pour ainsi dire, les malades laissant errer leur regard

vaguement fixé dans le lointain. Cela paraît surtout net chez les

catatoniques. Il semblerait d'ailleurs que cette dernière forme

parait plus rare en France qu'en Allemagne. Marcel Briand.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 2 juillet 1902. Présidence DE M. GOMDAULT.

Trophonévrose Jaén21nt·ohllicue totale et familiale.

MM. RAYMOND et SIC.1RD présentent deux malades, le frère et la

soeur atteints d'atrophie distribuée selon la forme de l'hémiplégie

c'est-à-dire atteignant tous les muscles d'un même côté y compris

la face. L'hémiatrophie est donc totale. Le processus a eu une

marche lente à début insensible. Chez l'un des malades il a mis

176 Û SOCIÉTÉS SAVANTES.

quatorze ans à évoluer avant d'arriver à l'hémiatrophie totale et a

commencé parle membre inférieur gauche, s'étendant ensuite au

membre supérieur, au tronc et à la face. Il y a donc là un type

nouveau d'atrophie à forme hémiplégique, et une notion nouvelle

familiale. -

Hemt/type ? '<)'op/tt'6 congénitale.

M. Gilbert Ballet présente un malade atteint d'hémihypertro-

phie congénitale du côté gauche du corps. La face est plutôt moins

développée à gauche qu'à droite, par contre le membre supérieur

gauche est plus long que le droit, la mamelle gauche notablement

plus développée que celle du côté opposé, mais c'est surtout au

membre inférieur qu'on constate cette hypertrophie, la cuisse et

la jambe gauches sont plus longues que celle de droite, ce qui occa-

sionne une attitude vicieuse quand le malade est debout (inclinai-

son du bassin à droite, scoliose compensatrice à gauche). La cir-

conférence de la cuisse et de la jambe dépasse aussi celle des

segments correspondants du côté opposé.

Au niveau du membre inférieur gauche, on constate un déve-

loppement énorme des veines, avec ulcères variculeux et troubles

trophiques secondaires, de plus, sur la moitié gauche du thorax*

existe une tache noeviforme très étendue.

Le malade est un bégayeur et il a de l'incontinence nocturne

d'urines. '

Il existe dans la science un certain nombre de cas analogues

(Trélat et lfonod, Finlayson, S. Adams, etc.,) de cette hémihyper-

trophie du corps avec développement anormal (Cirsoïde) des veines

et des capillaires. Il s'agit là d'une malformation congénitale.

Thorax en entonnoir.

MM. Klippel et LEPAS montrent deux malades atteints de la mal-

formation dite thorax en entonnoir. L'un des malades présente de

l'atrophie des pectoraux et de la cyanose des mains, ni l'un ni

l'autre ne portent des signes de rachitisme.

OEeH : e hystérique.

M. DurouR présente une jeune fille atteinte d'un oedème doulou-

reux du bras gauche à disposition segmentaire couvert d'une

éruption médicamenteuse. Cet oedème a fait croire à une phlébite

alors qu'il s'agit seulement d'une manifestation hystérique.

Tachicardie et tremblement.

M. Vaquez présente un homme atteint d'accès de tachycardie

avec angoisse, suffocation et augmentation de volume du coeur à

la suite d'efforts. L'accès terminé tous les signes d'insuffisance tri"

SOCIÉTÉS SAVANTES. 177

cuspidienne disparaissent et tout rentre dans l'ordre. Il ne persiste'

qu'un léger tremblement. Le sujet a fait des excès alcooliques.-

S'agit-il d'un cas de Basedow fruste ou d'une névrite pneumogas-

trique alcoolique isolée ? '

M. Déjerine a vu plusieurs cas de névrite alcoolique du pneumo-

gastrique mais toujours chez des malades paralysés des quatre

membres et jamais isolées.

Suit une discussion sur l'influence réciproque du tremblement

et de la tachycardie à laquelle prennent part Mil. Babinski, Ballet

Marie, Raymond et Joffroy, d'après laquelle l'un de ces phénomè-

nes n'est nullement proportionnel à l'autre et le rapport de cause

à effet n'est ni constant ni absolu. '-

Paralysie radiculaire traurualique du plexus brachial avec al2-opiies

osseuses et troubles de la pression artérielle dans le membre para-

lysé. ,

MM. GUILL11V et CROUPON présentent un malade de soixante-dix

ans atteint d'une paralysie radiculaire du plexus brachial survenue

à l'âge de quatorze mois par une traction sur le bras. La paralysie

radiculaire a été primitivement totale et s'est localisée dans la

suite sur le groupe radiculaire supérieur. On constate chez ce ma-

lade une atrophie osseuse très apparente de l'omoplate, de l'humé-

rus, d.s os de l'avant-bras et de la main, en plus de l'hémiatrophie

faciale. Aucun trouble de la sensibilité. La pression artérielle sur

le membre paralysé est inférieure de 3 centimètres de mercure à

la pression artérielle sur le membre sain.

Les auteurs insistent sur l'absence des troubles de la sensibilité

dans cette paralysie radiculaire, qui s'explique par l'adultération

moins facile des racines postérieures dans les tractions sur le

plexus.

L'hypotension artérielle du côté paralysé trouve son explication

dans un trouble de l'innervation sympathique vasculaire.

Quant à l'atrophie osseuse, rarement signalée dans les paralvsies

radiculaires, elle est sous la dépendance ou bien des filets nourri-

ciers des os, dans leur trajet radiculaire, ou bien à une adultéra-

tion de la moelle elle-même. L'expérimentation d'ailleurs prouve

que les tractions sur le plexus amènent des lé-ions radiculaires et

médulaires. L'on s'explique ainsi les analogies cliniques qui exis-

tent entre la paralysie infantile et les paralysies radiculaires, la

topographie des troubles moteurs dans la paralysie infantile affec-

tant d'ailleurs une topographie radiculaire.

Hypertrophie du faisceau pyramidal.

M. et 11 ? DÉaemE montrent les préparations d'un cas d'agénésie'

absolue et complète d'une pyramide avec hypertrophie énorme de

Archives, 2e série, t. XIV. 12

17$SO.CIÉTÀS savantes :

la pyramide du côté opposé ! Hypertrophie numérique vraie par

accroissement du nombre des fibres dont le volume reste normal.

Le membre inférieur innervé par la pyramide agénésique était à

peine diminué de volume et remplissait toutes ses fonctions, le

faisceau homolatéral de ce côté étant intact et volumineux. De tels

cas sont rares chez l'homme et ne peuvent exister que quand la

lésion s'est produite à un âge où la suppléance est encore pos-

sible. nionatrow en a vu un cas chez le chien.

Vu. Raymond admet dans certains ^cas la possibilité delà sup-

pléance chez l'adulte et en rappelle un exemple.

Action des sérums toxiques sur l'écorce cérébrale du cobaye.

XL Dopter. Des travaux antérieurs ont montré à M. Dopter que

l'injection de sérums toxiques au niveau des nerfs périphériques

du cobaye donnait lieu à des altérations de la fibre nerveuse.

Restait à se demander comment se comportait le corps cellu-

laire du neurone ayant subi la même action que son prolonge-

ment cylindraxile. Pour observer le fait, des injections de

2 à 4 gouttes de sérums toxiques divers (diabétiques, addisoniens,

urémiques, cancéreux, etc.,) ont été pratiquées après trépanation

crânienne, dans la cavité arachnoïdienne du cobaye.

Des témoins ont reçu dans des conditions identiques une même

quantité d'eau physiologique, de sérum normal sans que des

lésions se manifestent. Au contraire, les injections des sérums

toxiques ont été suivies d'altérations variables en intensité suivant

les cas. Les dernières ont porté sur l'écorce cérébrale et atteint

surtout les grandes cellules pyramidales et les petites cellules

névrogliques.

Les préparations colorées par la méthode de Nissl montrent les

aspects suivants. Au début, le corps cellulaire se gonfle, devienf

hydropique, puis c'est la chromatolyse qui commence. Elle peut

être totale d'emblée le plus souvent elle est partielle et débute

alors par les régions paranucléaire, périphérique ou avoisinant le

cylindraxe ; ayant commencé par être partielle, cette dissolution

des éléments chromatophiles peut arriver à être totale et donner

lieu à de l'achromatose. Des vacuoles sont parfois perceptibles.,

Les prolongements cellulaires gonflés, irréguliers, sont parfois,

chromophiles, le cylindraxe ne peut plus être perceptible. ;

Le noyau présente le plus souvent le phénomène connu sous le,

nom d'homogénéisation, la membrane nucléaire peut cesser d'être

régulièrement circulaire, et même parfois d'être visible; le noyau

est rarement excentrique.

Le nucléole peut se déplacer et quitter le centre du noyau, dans

les cas les plus graves, il se résout en granulations.

Les petites cellules de la névroglie se multiplient, deviennent

SOCIÉTÉS SAVANTES. - 179

abondantes et pénètrent souvent dans les cellules pyramidales où

un halo clair les sépare de la masse protoplasmique. Toutes ces

lésions sont obtenues indifféremment avec tel ou tel sérum; il

n'existe pas de spécificité bien définie. Ces altérations, si mar-

quées qu'elles soient, ne semblent pas de nature pour la plupait t

d'entre elles à être irrémédiables; et. de fait, les cerveaux d'ani-

maux ayant été sacrifiés plus ou moins longtemps après l'injec-

tion, montrent successivement des cellules en voie de régénération

ou en restauration complètes. Quelques cellules seulement grave-

ment atteintes sont vouées à une destruction certaine. Ces expé-

riences et les altérations qu'elles provoquent semblent de nature à

éclairer la pathogénie non seulement des paralysies centrales sur-

venant aux cours des états logiques, mais aussi de leur caractère

habituellement transitoire. L'encéphalite aiguë non suppurée est

justiciable d'une même interprétation.

Syndrome du cône terminal.

Mil. Raymond et CEST.1N présentent l'examen histologique d'un

homme ayant présenté le-syndrome du cône terminal. Cet homme

était tombé en 189 d'une hauteur de 10 mètres et avait été atteint

de troubles sphinctériens, de troubles de l'éjaculation, d'anesthé-

sie des muqueuses uréthrale et rectale, d'anesthésie cutanée de la

région périneo-anale. 11 est mort en 1900 sans que son état se soit

modifié. A l'autopsie les auteurs ont trouvé un foyer de sclérose

névroglique avant détruit les cinquième et quatrième segments

sacrés. Ils insistent sur le mécanisme particulier de ces myélites

traumatiques du cône terminal : dans le cas actuel, absence

d'hématomyélie ou d'allusion directe de la moelle par une fracture

de la colonne vertébrale, mais bien myélite par contre-coup et

élongation des racines sacrées inférieures dans la flexion forcée du

tronc comme le leur a montré l'expérimentation. Enfin, par l'ana-

lyse des lésions histologiques, ils estiment que dans leur cas la

gliose pot-traumatique ne peut être assimilée à la gliose syrin-

gomyélique.

syndrome occipital double.

Il DIDE rapporte le cas d'un malade ayant présenté de l'amnésie

continue avec cécité verbale pure, cécité générale avec conserva-

tion de la vision centrale. Perte du sens stéréognostique, du sens

de l'orientation et du sens topographique. Les diverses sensibilités

étaient altérées à droite. Il existait un ramollissement des deux

lobes occipitaux siégeant à la partie postérieure du lobule lingual

jusqu'à la scissure calcarine.. -

180 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Reproduction expérimentale de la méningite et de la paraplégie

pottiques, au moyen de poisons tuberculeux.

Il P,-AR11AND DEULLE présente des coupes de méningites spi-

nales, provoquées chez les chiens, par l'introduction épidurale ou

sous-arachnoïdieune, des poisons à action locale du bacille tuber-

culeux (poison caséifiant : éthéro-bacilline et poison sclérosant :

chloroformo-bacilline d'Auclair).

L'aspect des lésions est particulièrement intéressant, à cause de

l'épaisseur considérable de la gaine de tissu pathologique qui

entoure la moelle^ quant à l'évolution clinique, elle est caractéri-

sée par l'apparition, trois semaines après l'inoculation, de para-

lysie avec troubles sphinctériens et amyotrophie, qui reproduisent

trait pour trait la paraplégie du mal de Polt ou de la pachymé-

ningite tuberculeuse primitive.

Il Lionne rapporte un cas de paralysie générale à marche rapide

avec crises d'angoisse.

M. Leredde revient sur sa communication antérieure, tabes et

syphilis, insistant sur l'utilité du traitement intensif maximum

appliqué avec énergie dès le début au moyen du calomel, à haute

dose, souvent répétée. '

'.41. 1)IJERINE. On voit un si grand nombre de cas de tabes restés

sans aucune progression à la période de début sans traitement,

qu'on peut hésiter à déterminer quelle est l'influence vraiment

heureuse du traitement lui-même.

Il MARIE, rangé à la même opinion, a longtemps appliqué ce

que propose M. Leredde et a vu souvent ce mode d'action amener

une cachexie rapide chez des tabétiques et des paralytiques géné-

raux. La chose n'est donc pas nouvelle et l'enthousiasme de

M. Leredde lui semble un peu excessif.

La prochaine séance est fixée au 6 novembre. F. BoissirR

DOUZIÈME CONGRÈS DES MEDECINS ALIENISTES ET NEUROLOGISTES

Section DE Grenoble. Secrétaire général : Dr J. Bonnet, médecin

en chef de l'asile de Saint-Robert (Isère). (Voir le programme dans

le dernier numéro.)

Nous prions instamment tous les auteurs de communica-

tions à ce Congrès de bien vouloir nous en envoyer le plus

tôt possible un résumé. .

NÉCROLOGIE.

La mort vient de nous enlever récemment un aliéniste des plus

éminents, un de nos maîtres les plus respectés et les plus aimés,

M. Jules Falret, décédé à Vanves, le 28 mai dernier, après quelques

jours de maladie.

Né à Vanves, le 18 avril 1824, dans la Maison de santé fondée

par son père et par Félix Voisin, Jules Falret, sous la ferme direc-

tion de son père, dont l'exemple lui était un simulant et un guide,

fit de fortes études classiques ; il s'adonna aussi, ce qui était^alors

une exception, aux langues étrangères. Son esprit, fin et pénétrant,

s'adaptait merveilleusement aux recherches de psychologie mor-

LE Dr Jules FALRET

182 NÉCROLOGIE

bide, vers lesquelles l'inclinaient les influences du milieu où il

grandissait, ses rapports incessants avec les malades et avec les

aliénistes de tous les pays qui se rencontraient dans cette maison

si hospitalière. Aussi, devenu interne des hôpitaux en 1847, à

l'âge de vingt-trois ans, se spécialisa-t-il de bonne heure. Il fut

reçu docteur, en 183, avec une thèse Sur la folie paralytique et les

diverses paralysies générales. Très mûri, d'un sens clinique très

sûr, d'une observation très approfondie, ce premier travail est

une oeuvre vraiment remarquable ; il a fixé nos idées sur la

marche de la paralysie générale, sur ses variétés habituelles, sur

les caractères des idées délirantes, « multiples, mobiles, non moti-

vées et contradictoires entre elles », il reste, aujourd'hui encore,

un des meilleurs travaux sur cette affection dont la bibliographie

est si vaste.

Jules Falret développa et compléta ses idées sur la paralysie

générale dans plusieurs études ultérieures, données soit aux

Archives générales de médecine (185 et 1858), soit à la Société

9 ? iédico-psycho log iq ite (1858), soit au premier Congrès international

de médecine mentale (1878) .

Nommé médecin de Bicêtre en 186î, puis de la Salpêtrière, en

1883, les obligations de son service devinrent un excitant pourson

activité scientifique. Il disposait d'un double champ d'observations,

la Maison de santé de Vanves et l'hôpital ; il sut mettre à profit

l'un et l'autre, et il publia de nombreux mémoires qui touchent à

toutes les branches de la pathologie cérébrale. Dans tous ces

travaux, Jules Falret a semé des idées nouvelles, qui sont aujour-

d'hui du domaine commun. Nous ne pouvons qu'indiquer som-

mairement les études sur la Catalepsie (185î), sur la Séméioloqie

des affections cérébrales (1860), sur les Principes à suivre dans la c/tts-

sification des maladies mentales (1800), sur l'Et(it iiei2l(tl des épilepti-

qites (1860). Dans ce beau mémoire, Jules Falret étudie avec un soin

tout particulier un problème de la plus haute importance : « Les

accès de délire se produisant chez des individus dont l'épilepsie est

méconnue ou n'existe réellement pas au moment où l'on observe ces

malades » ; pour ces cas, Jules Falret a créé l'expression de petit

mal intellectuel des épilepliques, restée dans le langage médical.

Un peu plus tard; il publiait un travail critique sur les Théories

physiologiques de l'épilepsie (1862). Puis, viennent les recherches

sur les Troubles du langage et de la mémoire des mois dans les tiffec-

tions cérébrales (1864), sur la Folie raisonnante ou folie morale (1866).

'sur la Consanguinité, l'Amnésie, l'Aphasie (1866), sur l'Emploi du

.bromure de potassium à hautes doses chez les épileptiques (1871), sur

la Folie ci deux ou folie communiquée (1877), en collaboration avec

.Lasègue, sur la Folie circulaire (1878-1879), son Rapport au Congrès

de 1889, dont il était le président, Sur les obsessions intellectuelles,

- émotives et instinctives, etc.. , ·

LE DOCTEUR JULES FALRET 183

Entre temps, les questions relatives à l'Assistance et à 'la'

Médecine légale des aliénés attiraient l'attention de Jules Falret. Il

publiait une série de mémoires sur la Colonie d'aliénés de Gheel

(1862), sur les asiles d'aliénés de la Hollande (1862), sur les divers

mode-, de l'assistance publique applicables aux aliénés (1864), sur tés

législations étrangères sur les aliénés et les réformes proposées à la

loi de 1838 ()869), sur les aliénés dangereux (1868), le asiles spé-

citiux pour les aliénés dits criminels (1868), la responsabilité légale

des aliénés (1876), etc.

La plupart de ces travaux ont été réunis en deux volumes, sous

le titre de : Etudes cliniques sur les maladies mentales et nerveuses,

et les Aliénés et les asiles d'aliénés (Paris, l3aillière, 1890). '

' Malgré leur importance et leur nombre, ces divers travaux ne

représentent qu'une partie de l'oeuvre de Jules Falret. Pourappré

cier cette oeuvre à sa valeur réelle, il faut raupeler les cours libres

professés à l'hospice de Bicêtre (1867), à l'Ecole pratique (1876-

1877) et à la Salpêtrière (1884-1885). Il faut rappeler aussi les

nombreux discours qu'il prononça à la Société médico-psycholo-

gique. 11 en faisait partie depuis 1854. et il en a été l'un des

membres les plus actifs et les plus écoutés. Son talent de parole,

très remarquable, était fait de facilité, d'abondance et de clarté.

Il excellait à élever, à généraliser les questions,.à trouver les for-'

mules précises qui mettent l'idée en relief et la gravent dans les

esprits. Dans les discussions, où il était un redoutable contradic-

teur, il savait avoir raison avec discrétion, et il y apportait une

telle urbanité qu'il n'a jamais blessé un adversaire.

Après la mort de son père (1870) et de F. Voisin (1872), un sur-'

croit d'occupations vint s'ajouter aux recherches scientifiques de

M. Jules Falret et à son service hospitalier : il dut assumer en'

entier la charge de la Maison de santé de Vanves, à la direction

de laquelle il participait depuis plusieurs années déjà. Ses nou-

veaux devoirs, si absorbants, ne ralentirent pas son activité, et,

jusqu'aux dernières années de sa vie, il continua à travailler et à

produire. Ses confrères lui prouvèrent la haute estime en laquelle

ils tenaient sa personne et ses travaux en l'élevant, à deux reprises

à la présidence de la Société médico-psychologique, et en le

choisissant encore comme président du Congrès international de

médecine mentale (1889) et comme président de la Société'de

médecine légale de France (1893-1894).

' Mais Jules Falret n'était pas seulement un savant aliéniste et un

observateur pénétrant. Il était encore, et au plus haut degré, un'

philanthrope, un homme de bien. Son père avait fondé l'oeuvre

profondément humanitaire du patronage pour les aliénés indigents ;'

Jules Falret consacra à cette oeuvre le meilleur de son temps, une

sollicitude infatigable. Comme président du Comité administra-'

tif, il eu fut pendant trente années la cheville ouvrière, et il' a

184 ' BIBLIOGRAPHIE.

contribué plus que personne à la prospérité de ce patronage qui,

avec de faibles ressources, fait encore tant de bien. Son exquise

bonté, sa générosité toujours active sont bien connues de tousceux

qui l'ont approché, comme de cette population de Vanves qui lui

avait officiellement décerné le beau titre de bienfaiteur des pauvres.

De même -qu'il imposait le respect par sa valeur scientifique,

Jules Falret attirait la sympathie et l'affection par sa constante

bienveillance, par son absolue droiture, par l'aménité de son

abord. 11 a honoré sa profession, il laisse une trace ineffaçable

dans l'histoire de la médecine mentale au xixe siècle, et tous ceux

qui l'ont connu garderont de lui le souvenir d'un ^esprit très dis-

tingué et d'un homme qui fut très bon. F. L. ARNAUD.

BIBLIOGRAPHIE.-

IV. Le début de la spermatogénèse dans l'espèce /tMm< ! HM ? 4pp/t-

cations médico-légales; par le De M. LFPnI\CE., (Tle. de Paris,

60 pages et planches. Steinheil, édit.)

A quel âge commence et jusqu'à quel âge se poursuit l'élabora-

tion des spermatozoïdes dans le testicule ? .

La seconde partie de ce problème a tout particulièrement été

étudiée, et cela peut-être en raison des applications médico-légales

plus fréquentes dans lesquelles elle peut trouver son emploi.

- Dans une série de 25 observations personnelles, l'auteur apporte

une contribution intéressante à l'étude du début de la spermatogé-

nèse. La puberté n'est pas fonction de l'âge du sujet mais d'un cer-

tain degré de développement physique. Elle se caractérise par une

série de phénomènes connus dont un seul est capital : c'est la pré-

sence des spermatozoïdes. Les autres phénomènes sont accessoires

et contingents... 1

Il est impossible de formuler sur l'apparition de la puberté une.

loi mathématique, mais de l'examen des faits cités il semble qu'un

garçon bien portant voit la puberté apparaître de treize ans et

demi à quatorze ans et demi.

Pour décider de la puberté d'un sujet, le médecin légiste n'aura

qu'une ressource : faire un examen soigneux de taches de spermes,

s'il peut s'en procurer. Trouve-t-il des spermatozoïdes ? la ques-

tion est jugée; mais dans le cas contraire, il sera de son devoir de-

rester dans les plus grandes réserves. E. Blin. '

BIBLIOGRAPHIE. 185

V. Essai l'usile de Pau du traitement des aliénés par le repos au

lit, par M. Clausalles. Th. F. Toulouse.

L'auteur conclut à l'application curative de la méthode à toutes

les psychoses aiguës et aux crises symptomatiques des vésanies

chroniques.

Il préconise l'abandon systématique des moyens mécaniques de

contention. Il conclut de 27 observations à l'acquisition facile de

l'habitude du lit, facilitée par la persuasion, les récompenses et

menaces verbales. Parallèlement s'appliquent la suralimentation

l'hydrothérapie et les hypnotiques.

D'une manière générale les avantages sont dus à une surveil-

lance incessante qui facilite l'application des soins hygiéniques,

prévient les tendances agressives et le suicide, empêche la destruc-

tion et l'auto-mutilation, règle l'alimentation, supprime ou dimi-

nue le gâtisme et permet de découvrir les plus légères complica-

tions morbides. Inconvénients : onanisme et contrainte manuelle

des gardes en certains cas d'indocilité. 1

L'auteur examine aussi les effets de la méthode sur les diverses

fonctions ainsi que sur l'aménagement intérieur des établissements

et la composition du personnel. A. Marie.

VI. Analomie clinique des centres nerveux ; par le professeur Gras-

SET. (Vol. in-16 carré de 100 pages avec figures. J.-B. Baillière et

fils. Collection des Actualités médicales.)

L'anatomie anatomique est utile au clinicien ; c'est le fondement.

Mais l'anatomie physiologique lui est encore plus nécessaire. Le

symptôme est une fonction pathologiquement déviée; donc, il faut

se baser sur le groupement fonctionnel ou physiologique des

organes pour faire oeuvre utile en médecine pratique. L'anatomie

clinique, avec sa méthode propre, tout en se rapprochant beaucoup

de l'anatomie physiologique, la dépasse aussi et a son autonomie.

On ne pouvait trouver voix plus autorisée que celle de l'auteur

pour présenter, sous forme claire et précise, le résumé de nos

connaissances anatomo-cliniques actuelles sur les centres nerveux,

pour déterminer ce prélude et cette base indispensable de la

pathologie nerveuse.

Après avoir fait le tableau de l'anatomie clinique générale des

centres nerveux telle qu'elle se présente à l'heure actuelle avec le

neurone, les connexions des neurones entre eux, le groupement

des neurones en systèmes, etc., l'auteur arrive à l'anatomie cli-

nique spéciale des centres nerveux et décrit successivement l'ap-

pareil nerveux central : Ie De la motilité et de la sensibilité géné-

rale. Ce dernier comprend :

a) Les voies motrices cérébro-médullaires, voies principales

186 BIBLIOGRAPHIE

cortico-spinales et voies indirectes on cortico-ponto-cérébello-spi-,

nates ; 6) Les voies sensitives médutto-cérébrates, voies princi-

pales médullo=corticales et voies sensitives indirectes ; c) Les

voies et neurones d'association ; d) Les centres spéciaux qui se

trouvent successivement dans les neurones inférieurs (ganglions

et cornes antérieures de la substance grise), dans les premiers,

neurones de relais (substance grise bulbo-médullaire), dans les

deuxièmes neurones de relais (cervelet, mésocéphale, ganglions de

la base du cervea.u) et dans les neurones supérieures (écorce céré-

brale).

2° De la vision. Celui-ci comprend : (t) Les voies sensorielles op-

tiques ; -b) Les voies sensitives générales; -c) Les voies motrices,

englobant trois grands groupes de nerfs : les nerfs directeurs du'

regard (sensoriomoteurs et sensitivomoteurs), les nerfs protec-

teurs de l'aeil et les nerfs de l'accommodation.

3° De l'ouïe. Comme à l'appareil visuel, il faut décrire à l'appa-

reil auditif des voies sensorielles, des voies sensitives générales

et des voies motrices. 4° Du goût et de l'odorat. 3° Du langage.

Après un préambule physiologique, sont indiqués les centres supé-

rieurs (mental et automatiques spéciaux). les voies efférentes et

les voies afférentes. 6° De la circulation, de la respiration et de la

digestion.

Des tableaux résument les voies sensitives et motrices des cinq-

grands appareils sensoriomoteurs, les voies efférentes et afférentes

de l'appareil nerveux central du langage, etc. M. B.

VII. Des maladies mentales, introduction à l'étude de la folie, par

I. HIAC 1'liEltso.,q, Londres, i)lac Mittan.

Cet ouvrage est une suite de leçons professées au cours libre de

l'Université d'Edimbourg. Une première partie traite de l'hérédité

morbide de l'évolution générale de la folie et de ses causes. Une

deuxième partie traite de la physiopathologie au point de vue

évolutif et dégénératif et au point de vue de dissociation cérébrale

accidentelles et acquises. La partie clinique de l'étude, de beaucoup'

la plus importante, échappe à une brève analyse, nous nous con-

tenterons d'en donner une idée par la division du sujet. < 1

1° Folies idiopathiques (manie mélancolique, folie intermit-

tente et délires systématisés progressifs); 2° confusions men-

tales et délires toxiques d'origine externe ou interne (la paralysie

générale et le myxoedème sont compris dans les auto-intoxications

microbiennes et autres) ; 3° folie des dégénérés (types Magnan) ;

4° folie en rapport avec les névroses ; 5° délires secondaires aux

lésions organiques cérébrales (tumeurs, traumatisme, coup de

chaleurs sénilité ; 6° considérations médico-légales. - '

; 1 .. ' 1 .. , A. MARIE ? ,,

varia : 18 ? 1

VIII. Guide pratique d'électrolhérapie gynécologique, par le Dr

AL13ERT-WFIL, licencié ès-sciences, ancien interne de Saint-

Lazare, préparateur adjoint à la faculté de médecine, médecin

électricien, avec préface de M. le P1' GAMEL, membre de l'aca-

démie de médecine. J.-B. Baillière, éditeur.

Ce guide se divise en deux parties. La première partie est à peu

près exclusivement physique. L'auteur rappelle que les modalités

électriques utilisées en thérapeutique sont le courant continu, les

courants faradiques, les courants galvado-faradiques, les cou-

rants alternatifs sinusoïdaux, les courants ondulatoires, les

courants de haute fréquence, les courants statiques et les courants

statiques induits, qu'il fut le premier à employer eu Gynécologie.

Il décrit minutieusement la nature de ces courants et surtout la

manière de les obtenir en ne laissant dans l'ombre aucun point de

technique; si bien que, suivant l'expression du professeur Gariel,

toute personne qui aura compris les éléments scientifiques exposés

dans cette première partie et qui se les sera assimilés, sera en

état de faire utilement de l'électrothérapie pratique. -

Dans la deuxième partie, l'auteur passe en revue les diverses

affections gynécologiques : pour les unes, il reconnaît qu'un trai-

tement électrique est véritablement le traitement de choix, il dis-

cute quel doit être ce traitement et il l'expose dans tous ses dé-

tails ; pour d'autres affections, il croit que les modalités électri-

ques peuvent être essayées après l'échec de médications plus sim-

ples ; pour d'autres, il croit que ce serait une erreur de les em-

ployer. Les procédés électriques ne constituent pas une panacée ;

mais ils peuvent réussir en nombre de cas et constituent la oeil-

leure arme de la gynécologie conservatrice.

Il convient d'ajouter que des schémas fort bien faits, font com-

prendre, pour chaque modalité électrique, la position des appareils,

la position.des malades et la manière de les relier les uns aux

autres. En résumé, c'est un livre clair et complet appelé à rendre

les plus grands services au gynécologue et à l'électricien. '

VARIA.

Les alcooliques.

Fureur alcoolique.-Le cercle militaire de Rennes vient, d'être le

théâtre d'un drame de l'ivresse. Le service du café et des salons est

fait par trois soldats dont deux appartiennent au 41 de ligne et le

troisième au 7e d'artillerie. Hier soir, à propos d'une course à faire;

188 VARIA.

une discussion éclata entre le soldat Le Bechec, du 41e, et son cama-

rade du 7e d'artillerie. L'autre soldat, du 41°, Boufol, donna rai-

son à l'artilleur et adressa quelques paroles de blâme à Le Bechec

en termes très vifs. Le Bechec, qui avait fait, paraît-il, de longues

stations dans un cabaret situé dans les environs du cercle, était

dans un état d'ivresse assez accentué. Il entra subitement dans une

colère des plus violentes. L'artilleur, effrayé, s'enfuit ; Boufol et

Le Bêchée restèrent seuls face à face. C'est alors que ce dernier se

précipita sur son camarade, la baïonnette à la main, et l'en frappa.

Heureusement, Boufol put parer en partie le coup qui était porté

en pleine poitrine et ne fut atteint qu'au poignet. A ses cris. les

officiers présents an cercle accoururent et arrachèrent le malheu-

reux Boufol à la rage de son camarade. Le Bechec était pris d'une

crise de fureur alcooliqee; ce n'est qu'à grand'peine que la police,

appelée, est parvenue à le conduire à la prison militaire de la

caserne Saint-Georges. Le Bechec était considéré comme un bon

soldat. Ce sont toujours des soldats d'élite qui sont choisis pour le

service du cercle. (Le Temps, du 25 juin 1992.)

- Le nommé Launay, 40 ans, demeurant à Lannion (Côtes-du-

Nord), ivrogne et paresseux, dans un accès d'alcoolisme, a étranglé

son bébé de treize mois et essayé de tuer sa fillette de cinq ans qui a

pu lui échapper en se cachant dans un coin. (Bonhomme Normand

du 20 au 20 juin 1902.)

. Fureur alcoolique. Un crime causé par la folie alcoolique a été

commis à Cautaron, petit village près de Nice, sur la rive droite du

Paillon. Un nommé Dalbera, libéré récemment du service militaire,

s'adonnait à l'alcool et, devenu violent, battait souvent ses frères.

Il se disputait surtout avec sa marâtre, car il était l'aîné de la

famille et fils d'un premier lit. Hier, armé d'un gros couteau, il

saisit la marâtre à l'improviste pendant qu'elle lavait du linge,

penchée sur le ruisseau, et essaya de lui couper le cou. L'arrivée

de plusieurs personnes permit d'arracher la malheureuse à

l'étreinte de son meurtrier, mais sa blessure est grave. Ualbera,

ligotté, a été conduit à l'hospice des aliénés de Saint-Pons.

(Le Temps, 10 février 1902.)

Mère 'alcoolique et meurtrière. Une journalière de Pont-

Audemer, nommée Albertitie Aiiy, âgée de trente-neuf ans, était

allée samedi laver du linge à Saint-Paul-sur-Risle. Elle était

accompagnée de sa fille, âgée de onze ans, et de son fils, un bébé

de deux ans, nommé Edgard.

Ne la voyant pas revenir, la personne qui i'occupait envoya à la

buanderie une jeune fille qui y découvrit le cadavre du petit

Edgard dissimulé dans une auge. Quelques heures après, la gen-

darmerie, prévenue, trouvait la femme Any dans les bois et la

. VARIA. 189

mettait en état d'arrestation après lui avoir fait avouer qu'elle

avait tué elle-même son enfant. Ce crime doit être attribué à

l'alcoolisme. (Le Temps, 18 mars 1902.)

A Ilenin-Liétard (Nord), Jean Legrand, quarante ans, alcoolique,

rentrant ivre, a tiré deux coups de revolver sur sa femme dont

l'état est désespéré. (Bonhomme Normand, du 3 au 9 janvier 4902.)

Eugène Provost, trente-quatre ans, ivrogne invétéré, demeu-

rant à Sainte-Terre (Gironde), se prenait de querelle avec sa vieille

mère, âgée de soixante-quinze ans. Soudain, Provost. fou de

colère et d'alcool, saisit un fusil et tua la pauvre femme. Il se sui-

cida ensuite. (Bonhomme Normand, du 3 au 9 janvier 1902.).

A Saint-Etienne, on a arrêté une mère indigne, Julienne Martin,

femme Fournier, demeurant au Marais, qui martyrisait son enfant

âgé de dix ans. La mère est une alcoolique invétérée qui privait son

enfant et la rouait de coups. Il a été établi que le petit Pierre était

resté cinq jours sans manger ! (Indicateur de Cognac, 9 mars 1902.)

,' LE sang humain contre l'épilepsie (VIII, 648).

Relativement à la phrase de FRANCK : « Sur le traitement de

l'épilepsie par le sang d'un supplicié », que cite àt. le D BnËMONT

dans le numéro de la Chronique du 15 octobre, je trouve, dans le

tome second d'un ouvrage publié en 1691, à Lyon, chez Hilaire

Baristel, avec privilège du roi, sous ce titre un peu long : Le 17-é-

sor de la pratique de la médecine oit le Dictionnaire médical conte-

nant l'histoire de toutes les maladies et leurs icmèdes choisis dans les

observations, conseils et ordonnances des,plits habiles médecins, le

tout recueilli par 11. Thomas l3rcrnet, Ecossais, médecin ordinaire

du roi de la Grande-Bretagne, traduit du latin en françois par

Al. iV. P. D. M. ( ? ), la phrase suivante à la subsection VIII, pour

l'épilepsie : -.

« Plusieurs recommandent comme un remède excellent le sang

d'un homme sain et décollé, pris intérieurement, et en notre païs

on regarde comme un secret contre l'épilepsie le sang même de

celui qui en est attaqué. Ou lui tire un peu de sang du bras pendant

le paroxysme qu'on lui donne à boire dans un oeuf à la coque. Et

cette expérience a délivré plusieurs épileptiques tant à la ville

qu'aux champs, et les a préservées de l'épilepsie pour toujours ))

t. 11, p. 749. - ' . ' ,

La phrase de Franck fait boire à un épileptique le sang d'un'

supplicié, versé par le bourreau. Ne vous semble-t-elle pas la para-

phrase du texte de Burnet, le participe décollé impliquant l'inter-

vention du bourreau, au moins comme sacrificateur versant réel-

lement le sang, qu'il n'administrait probablement pas lui-même à

l'épileptique ? (Lu Chronique médicale du 1 ? mai 1902.) " *

Dr DAuviN (Saint-Nazaire).

190 ' VARIA.

LES Aliénés EN liberté

Désiré Boucherie, 43 ans, a assassiné son frère, 47 ans, cultiva-

teur à Quesnal-sur-Deule (Nord). De crime avait pour mobile des

questions d'intérêt. L'assassin est un faible d'esprit atteint de la

folie de la persécution. (L'Indicateur de Cognac, 2G juin 1902.)

Folie de vieillard. Un ancien pêcheur de Grandchamp, près

d'Isigny, âgé de 74 ans, a été vu par plusieurs femmes se livrant à

des actes honteux sur des chèvres et-des brebis. Ce vieillard a,

dit-on, l'esprit un peu affaibli, à la suite de malheurs intimes.

(Bonhomme Normand du 20 au 26 juin 1902.)

Pauvre vieillard. Le sieur Eugène Goubert, habitant rue

Brûlée, à Honneur, ayant la tête un peu dérangée, chercha à attenter

à ses jours en se portant plusieurs coups de couteau à la gorge. Il

fut arrêté dans sa tentative de suicide par une personne qui arriva

chez lui. Goubert ne tardera pas à se remettre de ses blessures,

qui sont superficielles. (Bonhomme Normand, du 13 au 16 juin 1902.)

- Les époux Coudlac, fermiers à Devèze (HauLes-Pyrénes), ont

avec eux une soeur de la femme, M ? Sabathie, aujourd'hui âgée

de quarante ans. 11 y a une dizaine d'années, elle devint folle.

Depuis ce temps, ils la tenaient enfermée et couchée dans un lit

entourée d'une grosse chaîne à hoeufs. Le maire et le curé connais-

saient ce fait et ne disaient rien. (Bonhomme Normand, du 13 au

19 juin 1902.)

Horrible accès de folie. Une veuve Labouglie, domiciliée à

Courcelles-sur-Seine (Eure), a tenté de noyer dans la Seine son fils,

âgé de dix ans, et, comme le pauvre petit s'était cramponné à une

branche d'arbre, elle le frappa avec une baguette ramassée à terre

et se pencha au bord du fleuve pour lui plonger la tète sous l'eau.

L'enfant réussit heureusement à se sauver; quant à la mère elle a

pris la fuite et on ne sait ce qu'elle est devenue. Cette femme doit

avoir agi dans un moment d'aliénation ; elle a un dérangement cé-

rébral par suite de la vive émotion que lui a causée la mort de son

mari, tué accidentellement il y a quatre ans. (Le Malin, 12 juin

1902.)

Le département de l'Eure possède un vaste asile. Mais, au

lieu d'hospitaliser tous ses malades aliénés, il réserve une

centaine de lits au moins aux malades de la Seine, dont il

tire bénéfice, tandis que s'il hospitalisait ses malades, il fau-

drait payer. Le Conseil général, l'administration départe-

mentale et les communes sont donc coupables.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Mouvement de juin. 11. le Dr Bonne,

médecin-adjoint à l'asile d'Auxerre, (Yonne) nommé à l'asile de

Braqueville (Haute-Garonne), poste créé. AI. le D1' HONFIX

de la Brousse (concours de 1896), nommé médecin-adjoint du

quartier des aliénés de l'hospice de Nantes (poste créé).

111. PicHoN, conseiller de préfecture de la Seine est nommé

directeur de l'asile des aliénés de Vaucluse (Seine-et-Oise), en

remplacement de M. Baudart admis à faire valoir ses droits à la

retraite. M. ME)LLET (Léo), ancien député, nommé directeur de

l'asile d'aliénés d'Aix (Bouches-du-Rhone), poste créé. 11. Ra

niart, médecin-adjoint à Armentières, promu à la Ire classe du

cadre. M. le Dr ROUSSET, médecin en chef à l'asile de Riom,

promu à la 2e classe du cadre.

LE tueur DE femmes. Les médecins aliénistes de Lyon chargés

de l'examen mental, le tueur de femmes de Nice, se sont réunis

hier pour discuter les bases de leur rapport. Leurs conclusions ne

sont pas identiques. Les docteurs Boyer et Rebatel concluent à la

responsabilité, car ils estiment que les crimes ne présentent rien

de passionnel et n'ont eu, au contraire, pour mobile que le voi,

banal. Quant à il. Lacassagne, après avoir, au début, admis l'ir-

responsabilité, il conclut maintenant à la responsabilité limitée.

(Le Temps, 30 mai 1902.) .

L'interdiction de Mlle Blanche llfovwcs. - On écrit de Poitiers,

au Temps (1 ? mars) : D'un jugement rendu par défaut par le tri-

bunal civil de première instance de Poitiers, il résulte que

XI110 Blanche Monnier, propriétaire, demeurant à Poitiers, rue de

la visitation, 2, et actuellement résidant à l'Hôtel-Dieu de ladite

ville a été déclarée en état d'interdiction.

Dans un asile d'aliénés. M"10 Wodicka était venue, accom-

pagnée de son enfant, à l'asile de Sternberg, pour y voir son mari

atteint de maladie mentale. Pendant qu'elle était au parloir, un

pensionnaire de la maison, l'instituteur Risanck, s'élança sur la

visiteuse et l'étrangla avant que l'on eût pu dégager la pauvre

femme. (Le Progrès de l'Eure, 10 juin 1902.)

LE vampire DE Muv. Un dépêche de Draguignan du il juillet

annonce qu'Ardisson, le vampire du Muy, évadé de l'asile de

Pierrefeu, a été arrêté hier soir, au lliuy, par la gendarmerie. La

population voulait faire un mauvais -parti à Ardisson.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Archives DE psychologie DE LI SLIISSE romande, publiées par Th.

Flournoy et lIl. Ciayarèlu. I,e 3° fascicule (tome 1) renferme : La

psychologie du peuple anglais el Vélhiologie politique, par E. Murisier ;

La loi de corrélation psychophysiologiqtie, par E. Abramowski ;

L'obsession de la rougeur, par Ed. Clal)arè(Je ; Nouvelle classification

des associations d'idées. Genève, Ch. Eggimaim et C10, éditeurs. Paris :

Félix Alcaii.

Revue philosophique (juin 1902). Sommaire : Ctt. DUNAN. La per-

ception des corps (2° et dernier article). Tu. RIBOT : L'imagination

créatricealTective.-DC1VULL. La notion de philosophie scolastique.

Analyses et comptes rendus. Revue des périodiques étrangers. Li-

vres nouveaux. - Abonnement du 9° janvier : Un an, Paris. 30 francs; -,

départements et étranger, 33 francs. La livraison : 3 francs. Félix

Alcan, éditeur, 108, boulevard Samt-Germatn, Paris (6°).

Vires (J.). - Maladies nerveuses. Dt ? o<<c. Traitement. In-8° de

614 pages. llontpellier. Goulet et fils, édit. Paris, Masson et Cie.

Heiberg (Kopenlidgen,). Diesyslematik der Intoxications psychosei ? .

In-8° de G pages. Extrait du Ceczlralblalt fiii- Nerveczlzezllcuzzcle and pys-

chialrie. Leipzig. 1902.

IASSELON (R.).Pc/tooy/e des déments précoces. 111-8- (le 266 pages.

Boyer edit.

Gl-illain (G.).-La forme spasmodique de la syringomyélie, la névrite

ascendante elle traumatisme tlaiis 1't ? Iiologie de la syringomyélie. ln-8"

de 186 pages. Stleinlell, édU . ·

MATros de (J.). -Os Alienados nos tribunues. In-8 de 288 pages. Lisbon,

1902. Tavares Cardoso et Irmao, édit.

Kou.ARrrz Jexô. Der myaslhenisclie. Symplomen conzple.x . In-8 de

26 pages, avec 17 figures. Extrait Deul.sclzes Archiv, sur Iflinisclze 3ledi-

ci Il. .

A'OMsrapeOHS nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

( est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger. ,

1 1 1

Le rédacteur-gérant : Bouiineville.

Evreux, Cil. flkmessv, imp. - 7-1902.

Vol. fiv. Septembre 1902. , 1 N 81.

* ?

7 z

ARCHIVES DE NEUROLO^È

le,

X

- CLINIQUE MENTALE.

La paralysie générale d'après les données de la

clinique psychiatrique de l'Université de Moscou ;

PAR les docteurs

Serge S0UKUA3 OFF,

Privat-doccnt de la faculté de médecine, médecin de la clinique psychiatrique

1 de Moscou.

Et Pierre G1NNOUCIIIINE. '

Le nombre des malades qui ont visité la salle de consul-

tation de la clinique psychiatrique de Moscou, depuis sa fon-

dation, c'est-à-dire depuis le mois [de novembre de 1887

jusqu'au 1 ? janvier de l'année 1901, a été de 3.916 personnes

dont 2.493 hommes et 1.423 femmes.

De tous ces malades il y en avait 682 qui souffraient de

paralysie générale, 590 hommes et 92 femmes. Si nous pre-

nons les chiffres des dernières douze années et si nous les

partageons en trois périodes chacune de quatre années, nous

recevrons les données suivantes :

Tableau I

- 194 CLINIQUE mentale.

Ces données ont été examinées par nous : 1° concernant le

rapport du nombre de paralytiques généraux au nombre de

tous les malades psychiques qui ont été à la consultation,

et 2° concernant le rapport du nombre des paralytiques

hommes au nombre des paralytiques femmes. 1

Si nous faisons les chiffres absolus, que nous venons de

citer, relatifs, nous aurons les résultats suivants :

' paralysie générale. ' 195

du nombre des hommes paralytiques au nombre des femmes

paralytiques ; nous nous permettons, pourtant, de supposer

que le rapport de ce genre ne peut avoir de signification que

lorsqu'il est comparé avec le rapport du nombre de tous les

.malades psychiques hommes au nombre de toutes les

malades psychiques femmes. Chez nous, pour chaque para-

lytique femme il revient 6,41 paralytiques hommes, c'est-à-

dire que le nombre des hommes aliénés est plus que six fois

plus grand, que celui des paralytiques femmes, et que pour

chaque femme aliénée il revient 1,75 d'hommes aliénés,

c'est-à-dire que la quantité des hommes aliénés est presque

deux fois plus grande que celle des femmes aliénées.

De cette comparaison il s'ensuit que si la quantité de tous

les malades psychiques des deux sexes était égale, le

nombre des paralytiques hommes serait plus que trois fois

plus grand que celui des paralytiques femmes.

En partageant ces mêmes données par périodes de quatre

années nous aurons les résultats suivants :

Tableau III

196 ' CLINIQUE mentale..

du nombre des femmes paralytiques les dernières quatre

années. -

Concernant la division des malades, atteints de paralysie

générale en groupes d'après l'âge, nous nous sommes dirigés

par les considérations suivantes : vu le nombre médiocre

des malades 'en question avant l'âge de vingt ans, nous

les avons inclus dans un groupe à part, de même que

les malades de ce genre, chez lesquels la paralysie générale

a manifesté après soixante ans, ont été aussi placés dans un

groupe particulier. Tous les autres malades ont été répartis

encore en huit groupes, ayant chacun une période de, cinq

années.

De 67.3 paralytiques (hommes et femmes ensemble) :

paralysie générale. 197

grand nombre de malades revient au second de ces groupes

et chez les femmes au premier.

De plus, on voit encore que le nombre de femmes paraly-

tiques dans l'âge le plus jeune et le plus vieux est plus grand

que celui des hommes à l'âge correspondant.

Vu la rareté comparative des cas de paralysie générale

dans l'âge très jeune, nous allons citer in extenso trois cas

de paralysie générale juvénile.

Observation I. Malade B..., jeune fille de seize ans, paysanne,

s'adressa à la salle de consultation de la clinique psychiatrique

de : llloscou le 10 mars 1899. Son père s'adonnait aux boissons

fortes et avait supporté le delirium trenzens. Son grand-père mater-

nel buvait aussi et a eu dans la vieillesse une maladie mentale.

La syphilis héréditaire est probable. La malade vint au monde à

terme, commença à marcher tôt. Lorsqu'elle était dans sa troisième

année, elle eut un accès avec perte de conscience, convulsions et

écume aux lèvres; ensuite, elle n'eut plus d'accès semblable, elle

supporta la rougeole. C'était une fillette vive qui ne présentait rien

d'extraordinaire; elle apprenait bien. Deux ans de cela elle a fini

son cours à l'école diocésaine. En automne de l'année 1897, elle

entra au service d'un magasin, où elle resta jusqu'au printemps de

l'année 1898. Au mois de mai de 1898 la malade commença à ma-

nifester des bizarreries et devint entêtée, irascible, se querellait

avec sa mère, souvent était de mauvaise humeur, pleurait beaucoup,

était triste, voulait se jeter dans la rivière, dormait peu. L'été la

malade ne faisait presque rien, rarement prenait son ouvrage,

embrouillait son tricot et sa broderie ; sa mauvaise humeur conti-

nuait. En automne l'état psychique de la malade resta le même.

En hiver il empira; la malade commença souvent à pleurer en pre-

nant sa tête dans les mains ; tantôt elle devenait gaie, riait àchaque

propos, tantôt se mettait à pleurer; elle grondait sa mère et la

battait. La malade manifestait souvent le désir de s'évader de la

maison. La mère remarquait que les facultés intellectuelles de sa

fille s'affaiblissaient visiblement.

Etat présent. La face a l'aspect d'un masque. La malade mar-

che assez mal; ses mouvements sont atactiques ; tremblement de

la langue, des mains et des muscles faciaux, lorsqu'elle parle. Les

réflexes rotuliens sont très affaiblis ; les pupilles sont étroites; la

pupille droite est plus large que la gauche, réagit mal à la lumière.

L'écriture est troublée. Le discours paralytique. La malade parle

peu et fait l'impression d'être démente.

Observation II. Malade Y..., fille de vingt ans, paysanne,

s'adressa dans la salle de consultation de la clinique psychiatrique

198 CLINIQUE-MENTALE.

le 24 janvier de 1900. Son père boit très fort, l'oncle paternel

aussi.

. La malade ne boit pas. Le père avait des plaies (syphilitiques ? )

aux jambes. La malade avait la réputation d'une fille d'esprit jus-

qu'au début de sa maladie. En été de 1899 la malade faisait encore

bien tous les ouvrages de la maison et les ouvrages champêtres ; ses

parents ne remarquaient rien d'extraordinaire dans son maintien.

Deux mois et demi de cela la malade devint oublieuse, distraite; il

lui était difficile de marcher, elle commença à parler mal, se plai-

gnait d'un mal de tête et d'un tremblement des mains. La malade

parlait peu et si on ne lui donnait pas à manger, elle ne le deman-

dait pas elle-même ; elle ne pouvait plus s'occuper d'affaires. Si elle

se mettait à faire quelque chose, ses mains tremblaient, et elle ne

pouvait combiner ce qu'elle doit faire. Elle-même elle ne demande

aucun ouvrage.. ·

Etat présent. Sa face a un aspect d'un masque, elle marche

mal, en chancelant ; ses mouvements sont maladroits, la langue et

les mains tremblent. La force musculaire des mains est affaiblie.-

Les réflexes patellaires exagérés, les pupilles réagissent à la lumière.

'La parole est paralytique.

La malade combine mal, ne sait pas, quand elle est arrivée de la

campagne, remarque elle-même qu'elle a une mauvaise mémoire,

peut définir le jour, mais ne connaît pas le quantième.

. La malade peut seulement répondre aux questions, mais ne peut

pas elle-même entretenir une conversation bien suivie. Point d'hal-

lucinations. Démence profonde.

Observation III. Le malade N..., de dix-neuf ans, paysan,

commis dans une boutique de viande, s'adressa dans la salle de

consultation de la clinique psychiatrique de Moscou, le 10 mars

1892. Son père buvait peu, sa mère était aliénée. Lui-même

buvait aussi peu. Jusqu'à la dernière semaine on le regardait

comme bien portant. Une semaine de cela après un vol d'argent de

la boutique par quelqu'un, il s'imagina qu'on le soupçonnait de ce

vol et depuis lors devint agité, s'enfuyait de la chambre, ne dor-

mait pas la nuit.

Etat présent. Des tiraillements fibrillaires dans les muscles

faciaux et dans la langue. Tremblement des membres supérieurs.

Ataxie des membres inférieurs. Les réflexes rotuliens sont abolis.

La pupille gauche est plus grande que la droite.

Les pupilles ne réagissent pas à la lumière. La parole est para-

lytique. Démence profonde.

Les 572 hommes paralytiques et les 91 femmes paralytiques

d'après les histoires de maladie, où a été inscrite leur position

de famille, peuvent être répartis ainsi :

PARALYSIE GÉNÉRALE. '199

200 . CLINIQUE MENTALE.

sion qui répond aux opinions des autres auteurs, c'est que

l'occupation par les travaux champêtres, à condition de la

vie à la campagne, ne prédispose pas à la paralysie géné-

rale.

En examinant la signification de l'hérédité dans la para-

lysie générale d'après nos données, nous eûmes les résultats

suivants :

Tableau V

- PARALYSIE GÉNÉRALE. 201

ment.de la paralysie générale, comme moment étiologique,

doit être envisagé, comme tout aussi grave, que dans d'au-

tres maladies mentales.

Passons à présent à l'examen de la fréquence de la syphilis

dans l'anamnèse de 'la paralysie générale. 520 hommes et

67 femmes ont été répartis de la manière suivante :

202 CLINIQUE MENTALE.

La période la plus longue (dans un cas) était de trente-trois ans

et la plus courte de trois ans (trois cas).

Ainsi donc, dans 90 p. 100 de paralysie générale chez les

hommes, les périodes entre l'infection par la syphilis et

l'apparition de la maladie mentale en question passent de

six à vingt ans.

Concernant l'alcoolisme dans l'anamnèse des paralytiques

en nous basant sur nos données, nous avons pu obtenir ce

qui suit :

PARALYSIE GÉNÉRALE. 203

Chez les paralytiques femmes, on obtient des données con-

cernant ce sujet un peu autres ; de 75 cas :

204 CLINIQUE MENTALE.

vait constater alors, entre autres, l'abolition des réflexes rotuliens,

le tremblement de la langue et des mains, l'affaiblissement de la

force musculaire, des pupilles étroites avec réaction faible et un

léger trouble de la parole.

Voulant définir, en nous basant sur nos'données, les mo-

difications qui se sont manifestées dans l'évolution externe

de la paralysie générale nous avons déterminé pour chaque

dernière période de quatre ans la quantité des malades

atteints de paralysie générale, en forme démente et de para-

lysie générale en forme maniaque.

Le rapport'du nombre de formes démentes au nombre des

formes maniaques, chez les hommes était :

PARALYSIE GÉNÉRALE. 205

ment et nous avons constaté que chez les paralytiques

hommes (528 cas)

206 CLINIQUE MENTALE. 1

s'étaient adressés dans la salle de consultation, avaient les

pupilles égales et que deux tiers de ces malades présentaient

une inégalité des pupilles. 1

Concernant la mobilité des pupilles, on nota :

CLINIQUE NERVEUSE.

Dépression kératique et états encéphalopathiques

graves ;

Par le D, B. PAILHAS. d'Albi.

I. Il est une altération du globe oculaire sur laquelle je

désire appeler l'attention, parce qu'elle m'a paru nettement

établie, très spéciale quant à sa nature, ses origines, ses

indications symptomatiques et pronostiques, en un mot,

intéressante et aussi moins rare que ne le laisserait supposer

le silence des auteurs à son endroit. Il s'agit d'une dépression

de la 'cornée survenant à l'occasion de perturbations graves

de l'encéphale nées de causes diverses, traumatiques ou

autres.

C'est en juin 1896 que je fus conduit à m'arrêter au

phénomène en question, et cela dans les circonstances

suivantes : ;

OBSERVATION I. L'ouvrier charpentier Louis G..., tombait vers cinq

heures et demie du soir, du haut d'une toiture, et dans cette

chute de 7 ou 8 mètres, se fracassait la tête sur le rebord d'un

vase à fleurs placé sur le sol. Appelé immédiatement auprès de la

victime, et sur les lieux mêmes de l'accident, je constatai tout

d'abord une hémorragie légère du conduit auditif et une plaie des

téguments de la répion pariéto-occipitale gauche avec enfonce-

ment des parois crâniennes correspondantes. Le sang provenant

des blessures ne dépassait pas 50 grammes. La perte du sentiment

et des mouvements était totale; seules, quelques contractions fibril-

laires agitaient, de temps à autre, les muscles du côté droit de la

face. Les yeux étaient immobiles et légèrement entr'ouverts. En

poursuivant l'examen des pupilles, également surdilatées à droite

et à gauche, je ne tardai pas à remarquer'une déformation insolite

des deux cornées. Cette déformation, qu'on ne pouvait rattacher à

aucune action traumatique directe et que n'accompagnaient point

d'autres lésions oculaires ou périoculaires, consistait en une

dépression transversale, mesurant, 5 millimètres de long sur

2 millimètres de large, fusiforme, légèrement plissée dans le sens

308 CLINIQUE NERVEUSE.

de la longueur et située à l'union des deux tiers supérieurs et du

tiers inférieur du disque cornéen (fig. 9, 10, 11, 12).

Au cours de cette constatation poursuivie durant trois quarts

d'heure, c'est-à-dire jusqu'au moment du transport du blessé en

son domicile, le pouls avait conservé une fréquence variant entre

'70 et 80°; tout en étant faible et inégal. La respiration se montrait

rare, irrégulière, suspirieuse. Le décès survenait environ deux

heures après l'accident.

Observation II. Joseph V..., âgé de deux ans et demi, enfant

délicat, issu de père alcoolique, de mère névropathe.

Le 9 février 1900, au cours d'une épidémie d'influenza, fut pris

d'une toux quinteuse, accompagnée de vomissements. Le lende-

main et les jours suivants, les vomissements redoublaient et parfois

survenaient sans toux. Par instants il appelait sa mère en criant :

« maman ».

Fig. 9 à 12.

DÉPRESSION KÈRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 309

Le 16 février, apparition de convulsions épilepliformes intéres-

sant le côté droit et plusieurs fois renouvelées. Le 17 février, roi-

deur de la nuque, inertie des membres, pâleur du visage, légère

rotation de la tète à gauche. Le soir du 18, nouvelles secousses

épileptiformes généralisées à tout le corps, mais prédominance à

gauche. Myosis à l'oeil gauche, mydnase à droite. Dépression

punctiforme de l'union des deux tiers supérieurs et du tiers infé-

rieur des deux cornées, sur le méridien central ; persistance de

cette altération jusqu'à la mort qui survint dans la soirée du 19,

au milieu d'accidents congestifs pulmonaires (fig. 13 et 17).

Observation III. Blanche C..., âgée de dix-huit ans, admise le

10 mars 1900 à l'asile d'Albi. Prédisposée à la vésanie par une

hérédité manifeste ; a toujours été capricieuse, excentrique,

bizarre. Le début de la psychose, qui remontait à quelques mois

avant l'internement, s'était caractérisé par un état de surexcita-

Archives, 2' série, t. XIV. 14

1% ig. 13 à 16.

210 0 CLINIQUE NERVEUSE.

tion générale avec loquacité, déclamations, rires, irritabilité et

colères, bris d'objets, paroles grossières, tutoiement adressé à

tout venant, hallucinations et fugues nocturnes (voyait le diable,

etc.) .

Le certificat de quinzaine porte : » Psychose maniaque où pré-

dominent l'instabilité mentale, la mobilité des émotions, des pen-

sées et des actes, une difficulté très notable d'appliquer son

attention à des opérations intellectuelles simples, à des travaux

manuels ordinaires, à élaborer des conceptions et des réponses

coordonnées et raisonnables. On la voit tantôt gaie, riante, expan-

sive, marchant à pas précipités dans une direction toujours la

même, jouant à la poupée, appelant sa mère, parlant seule, et

tantôt triste, concentrée, apparemment pensive, affaissée sur elle-

même ou étendue par tene. Désordonnée dans sa mise, indiffé-

rente à toute préoccupation de bienséance, elle crache sur les

tables, brise les assiettes, soufflette ses compagnes, tourne brus-

quement le dos à ses interlocuteurs, les tutoie ou leur répond par

des éclats de rire inconvenants. Accuse des hallucinations audi-

tives sous la forme de voix agréables ou déplaisantes. Amnésie. »

Cette excitation maniaque a persisté jusqu'en août 1900 pour

faire place à une phase de dépression au cours de laquelle se suc-

cédèrent les attitudes stupides, les réactions impulsives soudaines,

l'agitation nocturne, certaines manifestations délirantes momen-

tanément interrompues par l'éveil d'une relative conscience :

tantôt se croit morte et se laisse aller à terre de toute sa hauteur

ainsi qu'une masse, tantôt refuse la nourriture, rejette toute sa

salive, déclare vouloir se suicider, sournoisement cherche à

mordre, etc.

Toutefois, du 25 décembre 1900 au 13 janvier 1901, il s'est pro-

- duit une amélioration subite durant laquelle la malade s'exprime

correctement, se reconnait trop peu guérie pour retourner auprès

des siens, explique son mutisme ordinaire en disant qu'elle n'osait

point parler, essaie quelques travaux d'aiguille. Mais le 13 janvier

elle rechute brusquement, et, après quelques jours d'excitation,

devient plus que jamais inerte, gâteuse, baveuse, stupide.

Tel est son état, quand, le 23 juillet 1901, je constate aux deux

yeux, sur la line médiane et verticale et à l'union des deux tiers

supérieur et inférieur des deux cornées, une légère dépression,

d'aspect punctiforme, sans traces d'autres lésions (ftg. 15 et 16).

Le 25 juillet, la dépression a disparu sur l'oeil gauche (fig. 9 et 10).

Le 29 juillet, il n'existe de dépression ni sur l'oeil gauche ni sur

l'oeil droit, mais ce dernier présente sur le tiers inférieur de la

cornée un léger piqueté, dépourvu de toute inflammation appré--

ciable (fig. 18 et 19).

Le 22 août, je retrouve, après une absence de trois semaines, la

cornée droite présentant encore des altérations semblables à celles

DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 211

constatées le 29 juillet. Le 28 août, les deux cornées ont repris

leur aspect du 23 juillet, avec la 'dépression punctiforme et symé-

trique. Le' 4 septembre, toute altération de la cornée avait dis-

paru.

D'autre part, la malade se montrait, à partir de cette époque,

moins profondément et moins uniformément stupide, en même

temps qu'on observait une recrudescence marquée de l'agitation

nocturne, plus d'impulsivité, plus de variété et d'extériorisation

dans les manifestations de la vésanie. Néanmoins, aujourd'hui

encore, la dépression domine, caractérisée par l'inertie diurne, le

gâtisme, la nymphomanie, un mutisme parfois interrompu par

,des éclats de rire,des pleurs ou de rares paroles empreintes de son

délire mobile (elle est morte, martyre, ne veut pas faire pénitence

plus longtemps dans cette maison, refuse la nourriture, veut se

suicider, etc.), par une certaine malfaisance impulsive et féline à

1% 17. 17 20.

212 CLINIQUE NERVEUSE.

l'égard de ses gardiennes, par une expression successivement hé-

bétée, bestiale, puérilement malicieuse, par son incapacité de ras-

sembler quelques idées raisonnables, sauf à de certains moments

où une émotion un peu vive (celle résultant de la visite de sa

mère) a paru stimuler favorablement son activité cérébrale. ,-

Observation IV. Antoine P... âgé de trente-quatre ans, céli-

bataire. Entré à l'asile d'Albi le 18 juillet 1901.

Antécédents héréditaires inconnus : aurait été victime en 1899,

d'un traumatisme cérébral grave (chute de sur une charrette)

ayant exigé un long séjour à l'hôpital de Béziers et après lequel

persistèrent des troubles mentaux. Dans ces derniers temps seule-

ment ces troubles auraient dégénéré en accès de fureur et tels

qu'il menaçait de mort et parfois aussi du couteau, ses proches et

ceux qui étaient chargés de sa garde. Son certificat d'admission à

l'asile du Bon-Sauveur d'Albi, porte : « Délire confus caractérisé

Fig. 21 à 24.

DÉPRESSION KÉRATIQUE HT ÉTATS ENCÉPHALOPATIUQUES. 213

par une sorte de rêvasserie agitée, au cours de laquelle le malade

paraît en proie à des hallucinations pénibles. Son langage, ses

actes sont incohérents et son inconscience semble à peu près totale.

Vainement on s'attache à obtenir de lui une réponse raisonnable.

Il se dit à Paris, à Cayenne, au contrôle; il prononce le mot :

« assassin » ; se défend de n'avoir rien fait de mal. Son regard

est terne, effaré, distrait de ce qui l'entoure. Il parle seul ; fait

demandes et réponses ; semble écouter des voix, ramasse des

pierres, s'étend sur le sol à plat ventre. Ses yeux sont légèrement

injectés, les conjonctives hypoesthésiées, tandis que les deux cor-

nées présentent des dépressions très apparentes de leur face anté-

rieure. L'état général est mauvais.

A la date du 18 juillet, les dépressions ainsi observées se loca-

lisent de la façon suivante : 1" Deux de forme lenticulaire, sont à

la périphérie de la cornée droite, l'une en dehors, l'autre en dedans.

1 ir. 25 à 28.

214 CLINIQUE NERVEUSE.

2° Une troisième, de forme ovalaire, occupe la partie inférieure et

médiane de la cornée gauche (fig. 21 et 22).

Le 19 juillet, la dépression de l'oeil gauche a totalement rétro-

cédé, tandis que, à droite, les deux dépressions situées sur les

confins de la cornée sont moins nettes et ont fait place à un dé-

poli, légèrement laiteux, de la cornée en ces mêmes points. Le

malade, d'autre part, se montre moins agité, quoique toujours

bien confus et inconscient. Son visage est émacié, son regard égaré,

ses yeux caves.

Le 20 juillet. Yeux de plus en plus caves ; même état de la cor-

née. Etat général progressivement mauvais. Langue sèche ; 90 pul-

sations ; réflexes rotuliens normaux ; alitement (fig. 23 et 24).

Le 22 juillet. Sur l'oeil droit seulement et sur le limbe de la cor-

née, en dedans, dépression agrandie.

Le 24 juillet. La dépression de I'oeil droit tout en continuant de

s'étendre empiète sur la sclérotique (rig. 25).

Le 27 juillet. Sur l'oeil droit même dépression en dedans, sur

l'oeil gauche dépression en dedans et dépression en dehors, à la

limite de la cornée (fig. 2G et 27).

Le 29 juillet. Dépressions moins apparentes à droite ; la dépres-

sion de l'oeil gauche a pris un aspect légèrement laiteux, sans

traces d'ulcérations.

Le 21 août. Tandis que toutes les dépressions constatées les 27

et 29 juillet ont disparu, il en est survenu une autre en dehors de

l'oeil gauche, moins étendue que les précédentes (fig. 28).

Le malade'se meut avec moins de difficulté, mais sa mentalité

reste bien confuse : son attitude est celle d'une démence très*

avancée. Le 27 août, disparition complète de la dépression gauche,

mais apparition sur un point symétrique de l'oeil droit, d'une nou-

velle dépression empiétant sur la sclérotique ( ? 29).

Le 30 août. Il n'existe de dépression que sur l'oeil droit en

dedans de la cornée (fig. 30 et 31).

Le 4 septembre. Absence complète de lésions oculaires.

Le malade est toujours l'objet de soins d'infirmerie, bien que

son état général paraisse meilleur ; sa physionomie devient plus

normale; ses yeux sont moins excavés.

Le 12 septembre. Eveil lent de la conscience ; il commence à se

rendre compte de l'endroit où il se trouve, des gens avec qui il

est ; mais il se montre timide, craintif, réservé, puéril dans ses

manières. Il aime à s'isoler, dissimulant son visage avec ses mains

ou bien s'éloignant de ceux qui l'abordent ou l'appellent. Pour la

dernière fois, je constate ce jour-là, en dedans de la cornée de l'oeil

droit, une dépression d'aspect laiteux (rig. 32 et 33).

Le certificat trimestriel du 18 octobre est ainsi conçu : « Démence

ou, tout au moins, très notable affaiblissement des facultés men-

tales ayant succédé à un délire lypémaniaque confus. Actuelle-

DÉPRESSION YÉRATIQUE ET ÉTATS ENCEP11ALOPATHIQUES. 215

ment le malade, tout en ayant recouvré une certaine conscience

de lui-même et des ambiances, se montre puéril dans ses paroles,

dans ses actes, ses attitudes, en même temps qu'indifférent à l'en-

droit des siens. Il se montre aussi timide, enfantin, gauche, mé-

fiant à l'égard de son entourage, n'osant ou ne voulant pas répon-

dre aux questions posées qu'il semble prendre pour de mauvaises

plaisanteries, se détournant de ceux qui passent, se cachant le

visage avec ses mains. Cette affection ayant débuté après un trau-

matisme cérébral grave, il est fort à craindre que ce qui se pré-

sente aujourd'hui chez ce malade, sous des apparences de démence,

ne se maintienne à titre de réalité ».

Depuis lors l'état du malade n'a guère subi de modification et

son délire parait toujours orienté dans le sens de la persécution.

Il ne cesse pas de se tenir à l'écart de tout le monde, paraissant

soucieux, puérilement effarouché par la présence des gens qui

F ? 29&32.

216 CLINIQUE NERVEUSE. - -- "

passent, préoccupé de les éviter, s'en allant lorsqu'on l'appelle,

répondant évasivement à ceux qui l'accostent et l'interpellent, leur

échappant, s'il le peut, tout en marmottant quelques mots ou bien

en souriant à la façon de quelqu'un qui croit déjouer ainsi les

agissements d'un mauvais plaisant, plus rarement articulant des

plaintes à l'égard de ceux qui l'interrogent avec insistance et qui,

médecins ou autres, lui mettent le diable dans la tête, devinent

sa pensée, et, conséquemment, ne devraient pas, le sachant par

avance, lui demander ce dont il souffre et ce qu'il pense. L'ex-

pression habituelle de sa physionomie, sa démarche, sa mimique,

la forme de son langage, tout l'ensemble de ses allures revêtent

quelque chose de niais, d'enfantin, de gauche.

', .Observation V. Louis R..., âgé de quatre-vingt-deux ans,

admis à l'asile le 25 octobre 1901 pour une démence sénile accom-

.pagnée d'agitation, d'un délire continuel, incohérent, insaisis-

sable, de refus de nourriture.

Le 25 octobre, confusion extrême, inconscience totale, bredouil-

lage incohérent, agitation, doit être nécessairement alité, tant sa

faiblesse est grande. - Le 28 octobre, même état psychique avec

affaiblissement croissant des forces physiques; le malade peut à

peine balbutier des mots inintelligibles; difficilement il avale un

peu d'alimentation liquide. Le 29 dans la- nuit, a pu se lever

momentanément, sous l'action de son délire, ne sachant où il se

dirigeait. Le 30, expression d'inconscience et de confusion

extrêmes, carphologie. Le 31, rejet de toute nourriture, respi-

ration bruyante, état comateux. A la visite du matin, je constate

sur l'oeil droit une dépression de la cornée située à l'union des

deux tiers supérieurs et du tiers inférieur de celle-ci. Cette dépres-

sion transversale, assez semblable à celle de la première observa-

1 ir. 33 et 31.

DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATHIQUES. 217

tion, ne s'accompagne d'aucune inflammation apparente des tissus

de la cornée ou des autres membranes de l'oeil. Décès survenu

le 31 novembre 1901, à 4 heures du soir, par marasme aigu (fig. 34).

Dans ce cas suivi de mort, il devenait intéressant de recueillir

la cornée ainsi déformée, et de rechercher quels pouvaient être la

nature et le degré de cette altération.

L'examen macroscopique ne déclarait rien d'anormal; l'examen

histologique, auquel j'avais aussi songé, ne put être fait, pour des

raisons d'inexpérience de ma part en matière de conservation

d'une telle pièce anatomique très spécialement accessible à la pu-

tréfaction. Je n'en remercierai pas moins ici MM. les professeurs

Régis et Félix Lagrange, de Bordeaux, pour le concours anatoirti6--

pathologique que m'assuraient, en cette circonstance, leur gracieuse

bienveillance et leur savoir. 'i ?

De ces cinq observations, je rapprocherai certaine^

remarques faites par Brière de Boismont sur l'oeil et parti-

culièrement sur la cornée de certains aliénés atteints du

délire aigu. Ces constatations, non renouvelées depuis, et

même passées sous silence dans les plus récentes monogra-

phies du délire aigu, m'ont semblé assimilables à celles qu'à

présentées, en particulier, le sujet de notre quatrième obser-

vation,-malade chez lequel la symptomatologie du délire

aigu est venue, en même temps que la dépression cornéenne,

compliquer momentanément l'évolution d'une psychose

grave, d'origine traumatique. Voici ce qu'écrit, en effet,

Brière de Boismont dans son travail sur le Délire aigu

observé dans les établissements d'aliénés {Mémoires de

l'Académie de médecine, t. XI, p. 552).

« Etat des yeux. Les yeux révèlent la gravité du mal, et leur

aspect suffit seul pour annoncer une affection cérébrale. Leur

expression est généralement sinistre, et ce caractère est quelque-

fois si prononcé chez certains malades qu'on dirait qu'ils ont fait

un mauvais coup. Dans d'autres cas, ils prennent un air de ma

lice. Tantôt les yeux sont fixes, tantôt ils sont très mobiles, agités

de mouvements convulsifs ; ils se portent avec une telle rapidité de

gauche à droite, de haut en bas, dans toutes les directions, qu'on

ne peut les regarder sans fatigue. Dans quelques circonstances,

ils sont injectés, sanguinolents, brillants, font saillie hors de l'or-

bite. Chez une femme, ils étaient alternativement ternes et bril-

lants. Beaucoup de ces malades ont les yeux effarés, hagards, me-

naçants. La pupille est très fréquemment dilatée ; lorsque la

maladie est avancée, la dilatation diminue et l'oeil reprend sa

218 CLINIQUE NERVEUSE/*

dimension habituelle ; la contraction peut se montrer dès le début

de l'affection. La dilatation et la contraction de la pupille sont

moins constantes que l'étrangeté du regard. Enfin, il arrive quel-

quefois que les yeux, pendant le cours du délire, ne sont ni dilatés

ni resserrés. -.Lorsque le délire a duré quelque temps, les yeux

perdent de leur éclat, de leur vivacité; ils deviennent ternes, s'en-

foncent dans l'orbite, et, quelques jours avant la mort, on voit

apparaître ci Leur centre une petite tache, un petit nuage, qui répond

soziveizt et une dépression. A cette époque, l'oeil est le siège d'une

sécrétion muqueuse puriforme qui, d'abord légère et limitée à ses

angles, ne tarde pas à augmenter; les paupières sont fortement

collées, et il faut les lotionner fréquemment avec de la guimauve

pour que le malade puisse les écarter. Ce signe est presque tou-

jours fâcheux, car la plupart de ceux chez lesquels nous l'avons

observé ont succombé. »

IL Si les observations ci-dessus relatées sont peu nom-

breuses, elles ont toutefois le mérite de présenter la lésion

dont il s'agit, dans des conditions relativement variées, tout

en n'invoquant qu'une seule et même pathogénie.

Quelle peut donc être la genèse de la pression kératique ? ` ?

Evidemment les centres nerveux encéphaliques sont seuls en

cause : la promptitude des effets, leur mobilité, leur bilaté-

ralité et symétrie fréquente, l'absence ordinaire de manifes-

tations inflammatoires, enfin leur relation constante avec

des accidents cérébraux de nature profonde et grave, indi-

quent que là se trouve le point de départ de ces altérations.

Ici comme dans l'ophtalmie décrite sous la désignation de

neuro-paralytique, le trijumeau semble devoir être le vecteur

des incitations dystrophiques ou déformantes, mais on ne

saurait, ce semble, accorder ici au ganglion de Gasser le

rôle essentiel et primitif qui lui a été dévolu dans le déve-

loppement de la kératite neuro-paralytique.

A l'encontre de ce qui se passe dans cette dernière affec-

tion où la lésion de l'organe comporte rapidement un carac-

tère de haute gravité, dans la dépression cornéenne, tout se

borne à des manifestations superficielles de l'organe, sans

inllammation, sans altération anatomo-pathologique appré-

ciables ; à tel point que, venant d'observer le sujet de l'ob-

servation I, l'idée m'était venue que la dépression et les

rides d'une cornée ainsi partiellement déformée pouvaient

n'être attribuables qu'à une résorption extrêmement rapide

des milieux liquides de l'oeil. Mais cette interprétation.ne

DÉPRESSION KÉRATIQUE ET ÉTATS ENCÉPHALOPATIUQUES. 'i'19

pouvait tenir devant le fait que la dépression affectait une

disposition exactement délimitée, qu'elle siégeait à la partie

déclive de la cornée, ce qui ne saurait cadrer avec un all'ais-

sement du globe oculaire en un point où la pesanteur tendrait,

au contraire, à accentuer la pression de l'humeur aqueuse.

D'autre part, les dépressions punctiformes constatées dans

les observations II et III ne supportent point une telle

explication.

Préférablement je verrai dans la dépression kératique

comme la plus apparente manifestation des relations psycho-

organiques qui, à l'état normal comme à l'état morbide,

mettent en communication l'activité mentale avec le regard,

donnant à celui-ci son expression qui si bien décèle les états

d'âme et souvent s'accompagne, dans les cas extrêmes, d'une

modification ostensible de l'organe visuel, brillant dans l'ex-

citation, terne dans la dépression. Il va de soi que c'est aux

plus forts degrés de la dépression psychique que correspon-

drait,la déformation kératique, soit qu'elle trouve sa cause

dans un traumatisme crânien, ou bien encore dans le marasme

dénouant une affection encéphalique, les états stupides, le

délire aigu.

Même, avec cette interprétation pathogénique, le trijumeau

reste l'agent canalisateur des stimulations cérébrales sus-

ceptibles d'influencer le tissu cornéen, non par des troubles

trophiques dérivant d'une action propre au ganglion de

Gasser, mais par des perturbations fonctionnelles émanant

d'une sollicitation morbide des centres d'origine des nerfs

trijumeaux, centres dont la contiguïté et les connexions réci-

proques allant de l'un à l'autre hémisphère semblent fournir

la meilleure interprétation de la bilatéralité des altérations

kératiques, surtout quand celles-ci suivent immédiatement

un traumatisme, ainsi que dans l'observation I.

III. En résumé, nous conclurons :

1° Il existe une altération oculaire caractérisée par la

simple dépression d'un point plus ou moins limité de la

cornée, sans lésions anatomiques appréciables, quoique en

relation avec des troubles encéphaliques, toujours graves.

2° Cette dépression kératique est essentiellement instable,

mobile, survenant, disparaissant, se déplaçant rapidement sur

différents points de la cornée. Bien qu'elle ait pu se pro-

220 RECUEIL DE FAITS.

duire, dans un cas, moins d'une heure après un violent trau-

matisme crânien, elle ne survient habituellement qu'à la

période des grandes dépressions des psychoses, du délire

aigu, des encéphalites. -

3° Il y a lieu de distinguer cette altération organique de la

cornée, essentiellement superficielle, de la kératite neuro-

paralytique, laquelle, caractérisée par des lésions dystro-

phiques profondes (abcès indolents, kératomalaxie, xérosis),

paraît plus directement en rapport avec les centres trophiques

que constituerait le ganglion de Gasser.

4° Dans tous les cas, il paraît résulter des observations qui

précèdent, que, quels qu'en soient le mode et l'intensité, cer-

taines lésions des centres nerveux encéphaliques exercent sur

la cornée une influence morbide indiscutable.

5° Il semble que le pronostic des affections auxquelles se

rapporte la dépression kératique doive en être considéra-

blement aggravé, soit au point de vue du danger de mort

dans les états d'encéphalite, de délire aigu ou de traumatisme

crânien, soit au point de vue de l'incurabilité et de la

démence dans les états psychopathiques dépressifs.

RECUEIL DE FAITS.

Une observation de sein hystérique.

raa l.us nocrruos

'1.11,1,0\, ALOMBEBT,

5lédecin-clcf u l'asilc,de liron. Médecin adjoinl à l'asile dc 13ron.

Sous le nom de sein hystérique on a décrit les affections

les plus disparates n'ayant de commun que le terrain ner-

veux spécial sur lequel elles se développaient. C'est ainsi

qu'on a englobé, sous cette dénomination, la mastodynie, le

gonflement du sein avec ou sans tumeur, avec ulcération, la

galactorrhée, les ecchymoses et les hémorrhagies du sein

qui se montrent chez les personnes hystériques.

UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 221 1

Willis (1678) cite, le premier, le cas d'une jeune fille qui

présentait de la douleur et du gonflement d"un sein coïncidant

avec des accidents hystériques. Les observations de Carré

de Montgeron (1747), de IIoffmann (1748), de Pomme (1807),

pour citer les plus anciennes, celles plus récentes de Cooper

et de Féré montrent bien la réalité du gonflement hystérique

du sein mais en font ressortir en même temps la rareté 1.

C'est pourquoi, ayant eu l'occasion d'observer dans notre

service un de ces cas intéressants, nous croyons utile de le

publier.

Jeune fille âgée de dix-huit ans et demi, domestique.

Antécédents héréditaires. Père vivant, âgé de cinquante-six ans,

un peu'buveur, mais jouissant d'une assez bonne santé et n'ayant

jamais rien présenté d'anormal ; mère morte à l'âge de quarante-

neuf ans, d'affection indéterminée, était mal portante et est restée

malade les sept dernières années. Trois frères vivants et âgés de

vingt-trois, vingt-six et vingt-huit ans, bien portants et sans tares

nerveuses ; deux soeurs également vivantes (dix et trente-deux ans)

et en bonne santé aussi ; sept frères ou soeurs morts en bas âge

d'affections indéterminées. Aucun des enfants, morts ou encore

vivants, n'aurait eu de convulsions. D'après les renseignements qui

nous sont fournis, il n'y aurait jamais eu de manifestations ner-

veuses ni vésaniques chez les collatéraux. 1

Antécédents personnels et historique de la maladie. Les antécé-

dents personnels de notre malade n'offrent rien de particulier. On

ne note ni convulsions dans l'enfance, ni maladie infectieuse grave.

Au contraire, a toujours joui d'une excellente santé ; caractère

plutôt calme et indolent.

Réglée tardivement, à l'âge de dix-sept ans et assez régulière-

ment durant la première année. A noter seulement quelques per-

tes blanches au début de l'établissement de la menstruation, pertes

blanches qui ont d'ailleurs disparu au bout de quelques mois. Les

menstrues ne présentaient rien d'anormal : perte sanguine ordi-

naire, sans grosses coliques; pas de troubles nerveux concomitants.

Depuis quatre ou cinq mois environ (la malade ne peut préciser)

les menstrues se sont « dérangées », elles sont devenues plus abon-

dantes, plus douloureuses, et surtout très irrégulières, soit dans

leur apparition, soit dans leur durée. Elles reviennent quelquefois

tous les qninze jours pour persister pendant quatre ou cinq jours

et même davantage. Souvent aussi la période menstruelle est inter-

' Voir pour un historique complet de la question les deux thèses '

suivantes : Conard (Du sein hystérique, Paris 1876) ; Michard (Le sein

hystérique, Lyon 1902).

222 1- RECUEIL DE FAITS.

rompue dans son cours, la malade perd pendant deux jours, puis

l'écoulement se suspend pour réapparaitre deux ou trois jours

après. Depuis cette époque aussi, la malade éprouve une lassitude

inaccoutumée, perd un peu l'appétit, souffre souvent des reins et

ressent, tout particulièrement au moment des règles, « quelque

chose qui.lui remonte de l'estomac et parfois du ventre, jusqu'au

gosier et qui l'étouffé ». A part cette sensation de boule hystéri-

que, aucun autre phénomène insolite, nerveux et mental.

Les dernières règles remontent au 12 janvier 1902 et se sont ter-

minées le 16 ; elles ont été très douloureuses et assez abondantes.

La malade dit n'avoir jamais remarqué, au moment des époques,

ni picotement du mamelon ni gonflement du sein, ni avoir ressenti

aucune douleur au niveau des glandes mammaires.

20 janvier. Les règles ont cessé le 16 de ce mois; la malade

va bien, son appétit est normal, elle a accompli son travail jour-

nalier comme d'habitude et personne n'a rien remarqué de changé

dans ses allures. Interrogée quelque temps après, dit elle-même

qu'elle ne s'est aperçue, ce jour-là, d'aucun phénomène particulier

du côté des seins.

S'est couchée à huit heures et demie, aussitôt son travail ter-1

miné, a causé raisonnablement avec les jeunes filles couchant

' dans la même chambre; n'a pas pu s'endormir, est devenue

loquace, s'est énervée, excitée progressivement, puis peu à peu

est tombée dans un état d'agitation marquée. Justement inquiètes,

ses compagnes avertissent la surveillante en chef qui, elle-même,

nous fait appeler. Nous nous trouvons en présence d'un véritable

, accès maniaque avec paroles et cris incohérents, désordre com-

plet des actes. La malade est maintenue avec peine dans son lit

par trois personnes ; elle cherche a s'échapper, fait parfois l'arc

de cercle, raidit d'une façon intermittente ses membres supérieurs

et inférieurs, tourne violemment la tête, veut se relever, puis se

rejette brusquement sur son lit, etc. Ne reconnaît pas les per-

sonnes qui l'entourent et ne répond à aucune des questions qu'on

lui adresse; ne parait pas avoir de délire ni d'hallucinations;

excitation motrice simple avec abolition ou diminution de la cons-

cience ; état convulsivant.

La compression prolongée des ovaires ne produit aucun résul-

tat. On prescrit, à onze heures du soir, 2 grammes de bromure

de potassium ; l'agitation persiste avec la même intensité jusqu'à

une heure du matin pour s'atténuer ensuite peu à peu.

v Les seins commencent à grossir pendant l'accès d'agitation ; à

une heure du matin, l'infirmière qui la surveillait a constaté la

grosseur anormale du sein gauche. Bientôt le droit grossit à son

tour ; les deux seins, une heure après, étaient au moins trois fois

plus volumineux qu'à l'état habituel et la malade paraissait éprou-

ver une douleur assez vive de ce côté. ·

UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 223 3

21 janvier. A partir de une heure du matin, la malade s'est cal-

mée peu à peu et depuis trois heures a été relativement tranquille.

Cependant, ce matin encore, est bien énervée, par moments s'étire

dans son lit, rit et pleure sans motif; est encore un peu obnubilée

et se plaint de douleurs musculaires généralisées résultant de son

accès de la veille. A neuf heures du matin, les seins ont déjà

commencé à diminuer de volume; ils sont encore énormes et nous

regrettons de n'avoir pris ni photographies ni mensurations. Ils

sont le siège d'un gonflement -uniforme, sans rougeur ni relief

plus marqué des veines, mais ils sont un peu sensibles au tou-

cher, surtout le gauche à sa partie inférieure et externe. Les ma-

melons, loin d'être hypertrophiés, paraissent, au contraire, rétrac-

tés, enfoncés dans la masse glandulaire; ils ne sont le siège d'au-

cun écoulement et d'aucune sensation pénible. A la palpation, on

ne trouve aucun point d'induration; les seins sont uniformément

tendus, élastiques. Pas d'irradiations douloureuses.

Pendant la journée, oscillations dans la diminution des seins,

plusieurs phases d'augmentation notable. La malade urine peu ;

appétit presque nul (quelques tasses de lait ou de limonade).

Maux de reins, coliques. Le soir, retour des époques. Pas de tem-

pérature, ni hier, ni aujourd'hui.

23 janvier. Ce matin, diminution assez notable du volume des

deux seins et surtout du sein droit. Les époques continuent, tou-

tefois la perte sanguine est minime. L'état mental est à peu près

normal, à part un certain état de torpeur ou de fatigue cérébrale

avec accès d'irritabilité. Toujours manque d'appétit et pas de

fièvre. Dans la journée, même situation; s'alimente à peine, se

montre un peu excitable, change souvent de place dans son lit.

Est allée du ventre; rien dans les urines. A toujours ses époques.

23, 24 et 25 janvier. Même situation. Continuation des époques.

Le sein gauche est toujours un peu plus gros que le droit. Même

Pig. 3.

234 ' RECUEIL DE FAITS.

état général; s'alimente cependant mieux. 2G janvier. Les épo-

ques ont cessé depuis hier au soir.

37 janvier. Légère réapparition de l'écoulement cataménial. Le

sein gauche reste toujours un peu volumineux; le sein droit a

repris peu à peu son volume normal. -28 janvier. Cessation défi-

nitive des règles, persistance du gonflement du sein gauche, qui

est toujours douloureux spontanément, et surtout a la pression, à

sa partie inférieure et externe.

29, 30 et 31 janvier. Aucune modification à noter du côté du

sein gauche. Hypothermie par suite d'alimentation insuffisante.

Du le, février au 10, même situation. La figure 27 montre que la

température est restée normale en janvier et qu'il y a une légère

hypothermie dans les premiers jours de février.

11 février. La malade attend ses époques. Gonflement des deux

seins aujourd'hui, avec douleurs assez vives; ventre ballonné;

région épigastrique distendue, douloureuse à la pression.'

12 février. Diminution de volume des deux seins (le gauche res-

tant toujours un peu plus gros) ; persistance des élancements dou-

loureux ; inappétence ; douleurs de reins ; abattement général.

13 février. Les régies ne se sont pas encore montrées; la malade

se plaint de coliques légères dans le bas-ventre; pas de tempéra-

ture.

14 février. Pas encore d'époques ; persistance des coliques. Ce

soir les deux seins sont très gonflés et douloureux à la pression,

surtout à leur partie inféro-externe. Depuis quelques jours, sensa-

tion fréquente de la houle hystérique et aujourd'hui plus que

d'habitude.

Le soir, nervosisme marqué avec plaintes et tendance à l'agita-

tion ; douleurs variées, sans localisation précise ; se plaint cepen-

dant plutôt du ventre qui est ballonné et des seins qui sont le

siège d'élancements douloureux. A bien déjeuné ; est allée du

ventre; avait uriné hier soir, urine abondamment à trois heures

du soir aujourd'hui; l'analyse ne révèle rien d'anormal. On pres-

crit : application de quatre sangsues aux cuisses, trois capsules

d'apiol de 0 gr. 23 centigr., 3 grammes de bromure de potassium

et des pédiluves à la moutarde.

Les règles apparaissent vers les huit heures du soir, la malade

perd très peu ; les deux seins restent gonflés, mais l'accès d'agita-

tion que nous avions en perspective demeure à l'état d'ébauche.

15 février. Persistance du gonflement douloureux des deux seins,

du ventre et de la région épigastrique. Etat mental bon. Arrêt des

époques dans l'après-midi ; les époques n'ont pas duré même

vingt-quatre heures et la malade a très peu perdu; boule hysté-

rique par intermittences. 1C février. Les seins reviennent à

leur volume normal ; la malade est fatiguée, brisée, sans appétit.

17, 18 et 19 février. Amélioration progressive. Seins normaux.

UNE OBSERVATION DE SEIN HYSTÉRIQUE 225 5

Appélit meilleur. Du 20 au 28 février, même état. Du

28 février au 4 mars, l'amélioration s'accentue de plus en plus.

4 mars. Apparition des règles sans phénomènes morbides. Les

seins ne sont le siège d'aucun gonflement; état mental satisfai-

sant ; appétit bon. Les règles coulent pendant trois jours avec

abondance sans sensation insolite, sans boule hystérique. Les

règles, fin mars et courant avril, ont été régulières; rien du côté

des seins.

Examen physique de la malade. Notre malade est grande, bien

constituée, présentant un certain embonpoint et ayant toujours

eu un excelleut appétit jusqu'au moment où ses règles sont deve-

nues irrégulières. On ne trouve rien d'anormal du côté des diffé-

rents organes, coeur, poumons, foie, tube djgestif...

Sensibilité très diminuée à 'gauche; la malade perçoit à peine

des piqûres légères et réagit mal aux piqûres profondes; hypoes-

thésie de la cornée gauche et du pharynx. Sensibilité exagérée des

deux ovaires. Douleurs erratiques fréquentes le long de la colonne

vertébrale ; quelques céphalalgies. Pas de zones hystérogènes.

Les sens spéciaux paraissent normaux (odorat, ouïe, olfaction,

gustation) ; peut-être un léger rétrécissement du champ visuel à

gauche, difficile à bien apprécier.

Depuis longtemps, et tout particulièrement au moment des épo-

ques, sensation de la boule hystérique ; l'accès d'agitation a été

précédé de cette sensation : « C'est une chose, dit la malade, qui

me remonte du ventre jusqu'au gosier et qui m'étouffe ». La mo-

tilité n'offre rien de bien particulier à noter, si ce n'est une exagé-

ration manifeste des réflexes rotuliens.

Quant aux troubles menstruels, ils peuvent reconnaître comme

cause un changement absolument complet dans le genre de vie,

moral et alimentaire. Notre malade est une fille de la campagne,

venue comme infirmière à l'asile où, dès le début, elle est affectée

à un services d'agitées : les premiers temps ont été excessivement

pénibles pour elle, constamment ellrayée qu'elle était par les cris

des malades en cellule, par les querelles journalières entre agitées.

C'est d'ailleurs depuis son entrée à l'asile que les époques sont

devenues irrégulières et plus douloureuses.

Notre observation peut ainsi se résumer : jeune fille pré-

sentant quelques stigmates d'hystérie mais n'ayant jamais

eu jusqu'alors de manifestations convulsivantes ou mentales;

troubles de la fonction cataméniale provoquant un accès

d'agitation et du gonflement très marqué des deux seins. Ce

gonflement persiste pendant quelque temps avec des alter-

natives de diminution et d'augmentation, mais son maximum

coïncide toujours avec les époques ou les quelques jours qui

Archives, 2e série, t. XIV. 15

226 6 RECUEIL DE FAITS.

précèdent. Il disparaît lorsque les menstrues deviennent plus

régulières et plus abondantes.

Un certain nombre d'auteurs qui ont écrit sur le sein hys-

térique ont rapporté ces phénomènes de gonflement à des

troubles de la menstruation qui est irrégulière et dou-

loureuse.

La physiologie peut permettre d'adopter cette manière de

voir, si l'on considère les relations étroites qui unissent les

mamelles à l'appareil utéro-ovarien. Aux différentes époques

de la vie génitale de la femme cette corrélation s'affirme : le

moment de la puberté est le signal du développement mam-

maire ; pendant la gestation il se fait au niveau des seins un

travail qui est le corollaire et le complément du travail uté-

rin ; à la ménopause, enfin, lorsque toute vie génitale

s'éteint, les seins s'atrophient.

Durant le temps de l'activité génitale, il se produit, pour

ainsi dire, des oscillations dans cette activité même, oscilla-

tions dont les maxima correspondent aux périodes mens-

truelles et, souvent, il se produit aussi une répercussion

normale, physiologique, du côté des seins. « Chez un grand

nombre de femmes, dit Lannelongue 1, les seins se gonflent

quelques jours avant le début de chaque époque menstruelle,

le mamelon devient le siège d'un prurit incommode, et le

plus souvent laisse suinter quelques gouttes de liquide un

peu jaunâtre». De son côté, Tripier2 constate les mêmes

phénomènes dans son article sur la physiologie de la

mamelle : « Chez presque toutes les femmes, dit-il, les

mamelles sont le siège de sensations particulières à l'ap-

proche des règles. Il en est dont les seins augmentent mani-

festement de volume à cette époque ». Depaul et Guéniot

partagent aussi la même opinion : « Enfin, pendant la mens-

truation, les seins ordinairement se- gonflent, acquièrent

plus de sensibilité et de tension ; la femme éprouve dans son

intérieur, particulièrement dans la région du mamelon, des

picotements plus ou moins considérables. »

' Lannelongue. Article Mamelles. In Dict. de médecine et de chirurgie

pratiques, p. 522.

q Trépier. Article Mamelles (physiologie). In Diction encyclop. des

sciences médicales, p. 379.

' Depaul et Guénot. Article Menstruation. In diction, encycl. des

sciences médicales, p. 682.

L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 227

Ainsi le gonflement du sein se produisant au moment de la

menstruation est pour ainsi dire physiologique, lorsqu'il est a

peine marqué et qu'il disparaît avec la cessation des époques.

Il devient pathologique et décèle d'ordinaire un fonds hysté-

rique lorsqu'il acquiert des proportions inusitées, lorsqu'il

persiste même en dehors des époques.

Notre observation nous semble parler dans ce sens.

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

Par le Dr ROUBY1 '

r

(Suite)

'HALLUCINATIONS hystériques. - Maintenant, avec soeur

Thérèse, entrons dans la période des hallucinations, celles

habituelles aux hystériques, les auditives, les visuelles, les

génitales ; les hallucinations éprouvées nous donneront une

preuve nouvelle de sa maladie.

Hallucinations psychiques. Mais avant de raconter les hal-

lucinations véritables, nous devons donner quelques expli-

cations sur les hallucinations incomplètes que la sainte

éprouva, et sur ce qu'elle voulait dire par ces mots : « Voir

avec les yeux de l'âme ».

« Comme j'étais un jour avec une personne d'un rang

distingué, dont j'avais fait depuis peu la connaissance, le

Seigneur se présenta à moi d'un air courroucé; je ne l'aper-

çus que des yeux de l'âme, mais je le vis plus clairement

que je ne l'aurais fait des yeux du corps. »

Ce n'est pas, on le voit, une hallucination complète

* Voir n° So, août 1902, p. 124.

228 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

qu'éprouve Thérèse; elle a bien soin de distinguer les yeux

de l'âme de ceux du corps.

Que veut dire Thérèse et quelle explication donner de ce

fait ? La première explication, c'est qu'au début, les hallu-

cinations étant très faibles, les malades se rendent compte

de la non-réalité de leur sensation ; ils comprennent qu'ils ont

entendu, qu'ils ont senti quelque chose d'irréel ; mais comme

pourtant ils ont eu dans le cerveau une sensation, ils cher-

chent une expression pour dire ce qu'ils ont éprouvé et

Thérèse appelle cela voir avec les yeux de l'âme ; entendre

avec les oreilles de l'âme ; nous pouvons ajouter sentir avec

le tact de l'âme.

Peut-être pourrait-on donner une explication scienti-

fique du fait.

Rappelons-nous le mécanisme d'une sensation, de la vision

par exemple ; trois faits se produisent : i° impression sur la

rétine ; 2° transmission par le nerf optique ; 30 perception

par l'encéphale. On dit parfois qu'un fou est un homme

ayant la tête à l'envers; on pourrait dire avec plus de rai-

son qu'un fou est un homme ayant les sensations à l'envers.

Je m'explique :

Je suis, sain d'esprit, placé devant un tableau noir sur

lequel un arbre est dessiné; je le vois : il) l'image de

cet arbre se fait sur ma rétine ; 2° elle est transmise par le.

nerf optique à mon cerveau ; 30 mon cerveau la perçoit.

Conséquence : Je vois un arbre dessiné sur le tableau.

Au contraire, je suis aliéné; sur le tableau noir, aucun

dessin ; tout à coup dans mon cerveau, par le fait de la

maladie, 3° se forme l'image d'un diable ; 20 cette image

part du cerveau et suit le nerf optique ; 1° elle s'étale sur

la rétine et je vois sur le tableau l'image non réelle du

diable; je suis halluciné. Dans ce cas, la vision a marché

à l'envers de ce qu'elle fait normalement ; le troisième

temps s'est produit avant le deuxième et le deuxième avant

le premier.

Or pour expliqu : r le mot de Thérèse, voir avec les yeux

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 229

de l'âme, disons que la vision formée dans le cerveau,

l'image du diable, n'a pas continué sa marche à l'extérieur

en traversant le nerf optique, en s'étalant sur la rétine et

enfin en se projetant dans l'espace; non, cette image est

restée dans les couches du cerveau où elle a pris naissance et

le troisième temps seul s'est produit; pour Thérèse c'est

voir avec les yeux de l'âme ; elle aurait pu aussi se servir

de l'expression voir avec les-yeux du cerveau.

De même qu'il y a des hallucinations de la vue incom-

plètes que les yeux de l'âme perçoivent, de même il y a des

hallucinations incomplètes de l'ouïe, que les oreilles de l'âme'

perçoivent; le mécanisme de leur production est le même,

le son remplaçant l'image, le nerf auditif, le nerf optique,

les couches auditives, les couches optiques.

Ce sont ces hallucinations que Baillarger décrit sous le

nom à' hallucinations psychiques et le Dr Séglas sous le nom de

psycho-motrices ; l'élément sensoriel, disent-ils, semble avoir

disparu : ces malades entendent non la voix, mais la pensée;

ils entendent des paroles dépourvues de son ; il y a conver-

sation d'âme à âme sans le secours de la parole ; nous décri-

rons tout à l'heure des hallucinations de cette nature enten-

dues par Thérèse avec les oreilles de l'âme.

Enfin, nous avons également, fait plus rare, l'hallucina-

tion incomplète du sens du tact, expliquée de la même

façon : aussi conservons-nous pour ces sortes d'hallucina-

' lions la désignation de Baillarger, hallucinations psychiques,

qui s'appliquent à toutes les hallucinations incomplètes.

Cette désignation est meilleure que celle du Dur Séglas qui

ne peut s'appliquer qu'au sens de l'ouïe, sans tenir compte

du sens de la vue ni des autres sens. Ce serait mieux encore

de les désigner sous le nom d'hallucinations cérébrales, qui

.désignerait nettement leur nature.

Les hallucinations psychiques visuelles de sainte Thérèse.

Voici quelques exemples d'hallucinations avec les yeux de

l'âme racontées par sainte Thérèse : « Lorsque j'aperçus le

Seigneur avec les yeux de l'âme me regardant d'un air

2j0 , L'HYSTÉRIE DE SAINTE THLRÈSE

courroucé, l'impression en fut si vive qu'il me semble après

vingt-six ans l'éprouver encore. Le Démon me persuadait

que c'était un jeu d'imagination ou un artifice du malin

esprit, mais qu'on ne pouvait voir qu'avec les yeux du

corps ». - -

Parmi les mêmes hallucinations psychiques de la vue, il

faut encore citer une vision de Jésus-Christ couvert de plaies

et une autre concernant le livre des Confessions de saint

Augustin : « Il me fut alors très préjudiciable de ne pas sa-

voir qu'on pouvait voir quelque chose autrement que par

les yeux du corps ».

Les psychiques auditives. Voici : « Un jour que j'étais

restée longtemps en oraison, je fus surprise d'un ravisse-

ment si subit qu'il m'ôta presque la connaissance et j'en-

tendis ces paroles : « Je ne veux plus que tu aies de con-

te versation avec les hommes, tu n'en auras plus qu'avec les

« anges ». Ces paroles sont fort distinctes ; on ne les entend pas

des oreilles du corps, mais on les distingue plus clairement

que si elles lui venaient par l'entremise des sens ; quand

l'âme né voudrait pas les entendre, elle ne pourrait s'y

soustraire ; dans la société, quand on ne veut pas entendre

ce qui s'y dit, on se bouche les oreilles ou on s'applique

fortement à autre chose; mais pour ces sortes de paroles

intérieures, bon gré mal gré, Dieu, en vertu de son pou-

voir suprême, se fait écouter. J'en ai une grande expérience,

ayant été près de deux ans. à faire mes efforts pour ne pas

les entendre, dans la crainte d'y être trompée. Il se passera

quelquefois plusieurs jours, sans qu'on les entende, quelque

désir qu'on en ait, et d'autres fois sans le vouloir, il faut,

malgré soi, les écouter. Si on voulait mentir à ce sujet on

dirait qu'on les entend avec les oreilles du corps; comme

je croyais qu'on ne pouvait pas entendre autrement, j'ai

éprouvé un grand chagrin de ce qui m'arrivait ». -

Ailleurs, elle raconte que fort souvent, dans cet espace

de deux ans, elle entendit avec les oreilles de l'âme ou elle

vit avec les yeux de l'âme. Cela la mettait dans un grand état

L HYSTERIE DE SAINTE THERESE 2 j I

de perplexité : « Notre Seigneur, au milieu même des entre-

tiens que j'avais avec les autres, me mettait en recueille-

ment, et sans que je pusse m'en défendre, il me disait tout

ce qu'il voulait et il fallait malgré moi que je J'écou-

tasse ».

Dans un autre passage, Thérèse, parlant encore de ses

auditions intérieures, raconte qu'elle était toujours dans la

crainte, au sujet des paroles que le Seigneur lui faisait en-

tendre très fréquemment et presque continuellement. En

parlant des diverses oraisons de la sainte nous aurons à citer

d'autres hallucinations de même nature.

Hallucinations psychiques du tact. A côté des halluci-

nations psychiques de l'ouïe et de la vue, je dois citer une

hallucination psychique du sens du tact, hallucination de

la sensibilité générale, que je crois très rare ; comme elle

est très bien décrite par Thérèse, et très importante pour

nos études d'aliénation, nous la citerons tout entière : « Un

jour de la fête du glorieux saint Pierre, lorsque j'étais en

oraison, je vis ou plutôt je sentis, car je ne vis rien en effet

ni des yeux de l'âme ni autrement, je sentis, dis-je, que

Notre-Seigneur était près de moi et je connus que c'était

la même personne qui me parlait ordinairement ; comme

j'ignorais qu'il peut y avoir de pareilles visions, j'en fus au

commencement fort effrayée et je répandis beaucoup de

larmes; il me semblait que Notre-Seigneur marchait toujours

à mes côtés. Cependant, comme il n'y avait aucune image,

je ne pouvais distinguer sous quelle forme il était ; mais

pour être toujours à mon côté droit, je sentais évidemment

qu'il y était et qu'il était témoin de tout ce que je faisais ; de

manière que toutes les fois que je me recueillais un peu ou

que je n'étais pas tout à fait distraite, je ne pouvais ignorer

qu'il fût près de moi ».

Ailleurs, Thérèse raconte qu'elle eut d'autres fois la

même sensation de présence à côté d'elle, soit d'anges,

soit de démons, sans les voir, sans les entendre et sans

les sentir. J'étais comme une personne aveugle ou plon-

2'2 L HYSTERIE DE SAINTE THERESE

gée dans une très grande obscurité qui ne peut voir un z

homme placé auprès d'elle, avec cette différence que la per-'

sonne en acquiert la certitude par le témoignage des sens,

soit en la touchant, soit en l'entendant parler ou se remuer,

tandis que dans cette sensation, il n'y a point d'obscurité

semblable'et Notre-Seigneur se montre présent à l'âme par

une connaissance plus claire que le soleil ». Il peut donc,

comme on le voit, y avoir des hallucinations psychiques du

sens de la sensibilité générale, analogues à celles de la vision,

analogues à celles de l'audition, c'est-à-dire des hallucina-

tions qui se passent entièrement dans l'encéphale, sans être

projetées au dehors.

Hallucinations complètes. Après les hallucinations

incomplètes dites psychiques, nous arrivons aux hallucina-

. tions complètes des divers sens éprouvées par sainte Thé-

rèse ; citons-en quelques-unes : 1

Auditives. « Un jour que j'étais plus affligée que de

coutume parce qu'on me contrariait sur la communion et

sur mon goût de solitude, j'entrai dans un'oratoire ; j'y

fus pendant cinq heures toute saisie et agitée par la frayeur

d'être le jouet du démon, lorsque, tout à coup, j'entendis

ces paroles : « N'ayez pas peur, ma lille, c'est moi, je ne

vous abandonnerai pas. »

« Jusqu'à ce moment je n'avais pas encore entendu avec

les oreilles du corps. » -

Dans un autre chapitre, sainte Thérèse raconte que chaque

jour Dieu lui parlait, tantôt avec amour, tantôt avec colère.

Comme un jour ses confesseurs lui défendaient de faire ses

oraisons, nous dirons plus loin ce qu'elles étaient, cette

défense déplut au Sauveur, car il ordonna de répondre

qu'elle tenait de la tyrannie et il fournit lui-même de

vive voix des raisons pour combattre leur sentiment.

Lorsqu'elle eut des visions du démon, elle entendait

parler autour d'elle comme s'il y avait des gens qui complo-

tassent ensemble pour lui faire du mal. D'autres hallucina-

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 2 j j

tiens de l'ouïe, combinées avec des hallucinations de la vue

et du toucher, seront racontées plus loin.

LES visuelles. La première hallucination de la vue de

sainte Thérèse est célèbre, c'est l'hallucination des mains ;

voici son récit : « Etant un jour en oraison, il plut à Notre-

Seigneur de me montrer seulement ses mains; elles étaient

d'une beauté si vive et si éclatante, qu'elles surpassaient

toute expression. Quelques jours après il me fit voir sa

divine face, et cette vue me laissa tout absorbée en lui. Je

ne pouvais comprendre pourquoi cet aimable Sauveur ne se '

découvrait à moi que peu à peu, puisqu'il devait bientôt se

montrer tout à fait; j'ai compris depuis, qu'il avait égard à

ma faiblessse.

« Un autre jour qui était celui de Saint-Paul, comme j'étais

à la messe, la Très Sainte Humanité du Sauveur se fit voir

à moi tout entière, telle qu'on la dépeint après sa résur-

rection, dans une splendeur et une majesté incomparables.

« En effet, j'aurais inutilement pendant plusieurs années

travaillé mon imagination pour me représenter une chose

si belle et si charmante, que je n'aurais jamais pu en venir

à bout, tant sa blancheur et son éclat surpassaient tout ce '

qu'on peut imaginer; ce que je voyais paraissait bien

encore tenir de l'image, néanmoins je connaissais que ce

n'en était pas une, mais Jésus lui-même, comme on dis-

tingue une personne vivante de son portrait. » 1

Hallucinations de superposition. Nous devons citer

aussi une curieuse hallucination de la vue, hallucination de

superposition ; elle consiste avoir un objet réel sous un

aspect non réel : « Un jour que je tenais à la main la croix

démon rosaire, 'Notre-Seigneur la prit dans la sienne et

quand il me la rendit, elle était composée de quatre grandes

pierres précieuses, qui étaient hors de comparaison, parce qu'il

n'y en a pas à faire quand il s'agit de choses surnaturelles ;

les diamants ne pouvant paraître que pierres fausses auprès

des pierres incomparables qui formaient cette croix ; les

2')4 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

cinq plaies de Notre-Seigneur y paraissaient admirablement

gravées. Ce divin Sauveur, en me donnant cette croix, me

dit qu'à l'avenir je la verrais toujours de la sorte, et depuis

cela m'est toujours arrivé. Je n'y discernais en aucune ma-

nière le bois, mais seulement les pierres, et cette faveur

n'était que pour moi ».

L'explication est celle-ci : durant l'hallucination, Jésus lui

suggère que dorénavant, chaque fois qu'elle regarderait la

croix, elle la verrait composée de diamants ; facile à la sug-

gestion, de par son état hystérique, sainte Thérèse voit la

croix telle qu'on veut qu'elle soit vue.

Hallucinations DOUBLES DE la vue ET DE l'ouïe.

Voici une hallucination double de la vue et de l'ouïe :

tt Notre-Seigneur pendant tout ce temps, me faisait entendre

par sa bouche adorable des paroles de tendresse et me dé-

couvrait sa beauté ineffable ; mais quelque désir que j'en

eusse, je ne pus jamais distinguer la couleur ni la grandeur

de ses yeux. Dès que je voulais le faire, la vision disparais-

sait ou bien son regard si puissant me faisait tomber en état

de ravissement. Ce divin Sauveur se montrait presque tou-

jours à moi sans vêtements, tel qu'il était après sa résurrec-

tion ; lorsque j'étais dans l'affliction il m'ouvrait ses plaies;

parfois il se faisait voir dans l'Agonie du Jardin des Oliviers,

ou bien portant sa croix, ou bien crucifié sur le Calvaire ;

rarement il avait la couronne d'épines ».

Comme on le voit, malgré toute la puissance de son

imagination, Thérèse aperçoit Jésus-Christ tel qu'on le dé-

peint habituellement; cela doit sembler bizarre, qu'un Dieu.

pour se manifester, n'ait pas choisi d'autre forme que celle

antérieurement conçue par des peintres et des sculpteurs

ou imaginée par des écrivains.

Période démoniaque. -Maintenant Thérèse est en proie

aux hallucinations ayant pour base le démon ; cette forme

que prend son délire lui est suggérée par les personnes qui

l'entourent : tout le monde, les confesseurs, les directeurs,

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 2js 5

les soeurs du couvent, les amis du dehors ne cessent de lui

crier aux oreilles qu'elle est le jouet du diable, qu'il prend

la forme du Sauveur pour agir en elle, tant et si bien qu'elle

subit une véritable suggestion ; on tourne son imagination

du côté de Satan, il va paraître. '

« Cinq ou six grands serviteurs de Dieu, écrit-elle,

s'étaient assemblés à mon sujet; je sus démon confesseur

qu'ils s'accordaient à dire que ce que j'éprouvais venait du

Démon et que je ferais bien de me distraire de toutes ces

pensées obsédantes : les uns traitaient de rêveries mes pa-

roles, les autres assuraient que j'étais dans l'illusion; plu-

sieurs avertissaient mon confesseur d'être sur ses gardes

par rapport à moi; il paraissait être de leur sentiment, quoi-

qu'il cherchât toujours à me consoler, mais beaucoup de

personnes lui assuraient que je n'étais pas dans le bon

chemin. »

HEGA. « Un de mes directeurs commença à me dire

qu'il était clair que le démon était l'auteur de ces visions,

il m'ordonna que toutes les fois que l'esprit des ténèbres

m'en procurerait, puisque je ne pouvais l'en empêcher, je

fisse contre lui un signe de mépris. » Or le remède que ce

confesseur conseillait contre les démons était véritablement

étrange pour une nonne. Arnaud d'Audilly et Chanut ont

mal traduit le mot castillan Higa : suivant le dictionnaire

de l'Académie espagnole il signifie l'action de moquerie par

laquelle on montre à quelqu'un le poing fermé et le pouce

placé entre l'index et le doigt du milieu ; c'est ce qu'on

exprime en français par la locution : faire la figue. De nos

jours, les prêtres hésiteraient probablement à employer de

tels moyens, mais au xvie siècle, ils n'éprouvaient pas ces

scrupules de fausse pudibonderie ; ils croyaient au diable et

pensaient, avec la figue, le vexer prodigieusement.

Hallucination DE L'ENFER. Voici son hallucination de

l'enfer : « Étant un jour en oraison, il me sembla que je

me trouvais, sans savoir comment, toute vivante en enfer.

2q6 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

Cela se passa en très peu de temps ; mais quand je vivrais

jusqu'à une extrême vieillesse, il me serait impossible d'en

perdre le souvenir. L'entrée m'en parut comme une petite

ruelle longue et étroite ou comme un four bas. Le fond

me sembla' une eau bourbeuse fort sale, d'une odeur em-

pestée et pleine de toutes sortes de bêtes venimeuses. Au

bout, il y avait un trou dans le mur, comme une armoire,

où je me vis mettre fort à l'étroit. Je sentis dans l'âme un

feu que je ne puis rendre ni même concevoir et dans tout

mon corps, des douleurs insupportables. J'éprouvai une

agonie d'âme en pensant que ces tourments devaient durer

toute l'éternité. Dans ce lieu effroyable, il n'y a pas de con-

solation à attendre, ni d'espace pour s'asseoir ou se coucher

de manière qu'on étouffe de tous côtés ; il n'y a pas de

lumière : tout est ténèbres, et ténèbres très obscures. On

ne laisse pas de voir, malgré cela, tout ce qui peut faire

peine aux yeux. Cette vue de l'Enfer m'a fait prendre un

vif intérêt à tant d'âmes qui se perdent, surtout parmi les

hérétiques ; je donnerais volontiers ma vie pour en sauver

une seule ! Combien ne doit-on pas être sensible aux dou-

leurs si grandes de l'enfer auxquelles tant de personnes

s'exposent ! » '

Cette description de l'enfer qui consiste à être enfermé

dans une armoire obscure creusée dans un mur est loin

de la description poétique de l'Enfer de Milton ou de

la grandeur épique de l'Enfer du Dante; l'imagination de

sainte Thérèse ne s'est pas mise en campagne pour nous

offrir le sombre tableau d'un enfer espagnol. Mais la sainte,

disons-le, mieux que le Dante, a su montrer sa bonté de

coeur, en offrant sa vie pour sauver une âme damnée ; c'est

une douceur dans le tableau.

Hallucinations démoniaques. Bien des fois encore,

Thérèse, dans cette période de deux années, aura des hallu-

cinations démoniaques;. il serait même plus véridique de

dire que le diable est toujours autour d'elle, lui parlant, se

montrant, se tenant à ses côtés : « En effet, dit-elle, il

, L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 237

m'est arrivé plusieurs fois de voir les démons à mon côté

gauche très distinctement; mais lorsque je voyais Notre-

Seigneur avec eux, ce m'était un extrême supplice de me

servir à son égard de la higa, ce signe de moquerie, 'et l'on

m'aurait plutôt mise en pièces que de me persuader que le

démon prenait le corps de Jésus ».

Le démon lui apparaissait quelquefois sous des formes

horribles; il lui parlait d'un ton menaçant, avec des gestes

et des grimaces épouvantables; plus souvent encore elle le

sentait à ses côtés, comme autrefois, dans les visions psy-

chiques, mais avec les yeux du corps.

Il agitait son corps sans qu'elle fût maîtresse d'en arrêter

les mouvements ; quelquefois alors, elle se donnait malgré elle

de grands coups à la tête, aux bras et par tout le corps. Ceux

qui étaient dans le voisinage entendaient le bruit des coups-

et croyaient que le démon frappait Thérèse; elle ne sor-

tait de ces crises que toute brisée, comme si on l'eût frap-

pée avec un bâton. Elle, ouït un soir que les démons allaient

l'étrangler, et lorsqu'elle les eut chassés avec de l'eau bénite,

elle en vit une foule qui s'enfuyaient en se précipitant les

uns sur les autres.

L'hallucination du mauvais prêtre. « M'approchant

un jour delà Table de communion, je vis deux démons qui

entouraient avec leurs cornes la gorge du prêtre célébrant

la messe; Notre-Seigneur était dans ses mains avec un

grand éclat de majesté.

« Ces démons, ô mon Dieu, avaient l'air épouvanté de

votre présence, et il semblait qu'ils eussent pris la fuite, si

vous le leur eussiez permis. Notre-Seigneur me dit alors de

prier pour ce prêtre, et de comprendre la force de la con-

sécration qui avait lieu, même entre les mains d'un ennemi

de Dieu. » Le tableau de ce prêtre tenant l'hostie avec le

cou engoncé dans les cornes de deux diables, loin de me

toucher, me paraît une hallucination quelque peu extrava-

gante, quoi qu'en dise Thérèse.

« Étant un jour dans la chambre d'un homme décédé

238 cS . L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE

après une mauvaise vie, je vis plusieurs démons le prendre

dans leurs griffes, se l'arracher les uns les autres et le mal-

traiter. »

Hallucinations célestes. Après les hallucinations

diaboliques, en voici de moins terrifiantes : un jour qu'elle

priait pour un, de ses confesseurs décédé, elle le vit sortir

de terre à côté d'elle, du côté droit, et monter au ciel avec

une grande joie. Elle vit de même, pendant qu'on chantait

l'office des morts pour deux religieuses décédées, leurs

âmes s'envoler au ciel. « Je vis aussi, pendant le grand

recueillement d'une messe, un Père de notre ordre, mort

dans une autre ville, monter au ciel, sans passer par le pur-

gatoire. Je sus' depuis qu'il était mort à la même heure où

j'avais eu cette connaissance. »

J'ouvre une parenthèse pour livrer, sans y croire, cet

exemple de télépathie aux" personnes qui s'en occupent ;

c'est quatre siècles plus tôt, le fait de Swedenborg voyant,

d'une ville d'Allemagne, un immense incendie allumé dans

un quartier de Stockholm.

La guérison d'un aveugle. Décrivons encore quel-

ques autres hallucinations célèbres : « Un jour où je priais

pour un aveugle demandant sa guérison, Notre-Seigneur

m'apparut : il me montra la plaie de sa main gauche, d'où

il tirait avec sa main droite un grand clou fort enfoncé qui

sortait avec beaucoup de chairs saignantes; cela me causait

une grande peine. « Il avait déjà souffert tout cela pour

« moi, me fut-il dit, c'était donc peu de faire quelque

« chose pour cet aveugle. » Comme je redoublais mes

prières au Seigneur attaché à la colonne, j'entendis une voix

extrêmement douce, comme sortant d'un instrument de

musique.

« Au bout d'un mois que je priais toujours Dieu pour le

même sujet, je vis un diable qui déchirait avec dépit des

papiers qu'il tenait à la main. » Comme on le voit, bien que

Dieu et Diable s'en fussent mêlés, cette cure se fit long-

L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 219 9

temps attendre : Thérèse vivait dans les temps reculés,

bien antérieurs au chemin de fer et à l'électricité ; aujour-

d'hui, c'est à la vapeur que se font les guérisons et le mira-

cle est compris dans le billet circulaire des pèlerins pour

Lourdes.

Autres hallucinations. Sainte Thérèse eut encore une

hallucination qui fut cause de la construction du plus grand

couvent du Carmel, celui de Saint-Joseph d'Avila; comme

pour cette affaire elle était très perplexe, il arriva qu'un

jour Notre-Seigneur lui ordonna de vive voix d'entreprendre

en toute hâte l'édification de ce monastère ; c'est ainsi que

l'hystérie peut faire sinon de grandes choses, du moins de

grands bâtiments; on l'a bien vu, dans ces derniers temps,

par la construction de la basilique de Montmartre, due à

l'hystérie de Marie Alacoque.

On connaît la faculté qu'ont certains aliénés hystériques

de pouvoir produire à volonté des hallucinations de l'ouïe;

j'en ai cité un cas au Congrès de Nancy analogue à celui de

M"e Couësdon. Or sainte Thérèse avait de telles hallucina-

tions ; dans ses Avis, elle raconte que, voulant donner un

règlement, elle entra dans un profond recueillement :

de sa part aux carmes déchaussés qu'ils s'efforçassent d'obser-

ver trois choses et que leur ordre irait, grâce à cela, toujours

s'accroissant. La première chose... etc.... Cela m'arriva en

l'année 15 79 et attendu que c'est la vérité même, je l'atteste

par ma signature ».

Les exemples précédents sont assez nombreux et assez

nets pour prouver les hallucinations de la vue et de l'ouïe

de sainte Thérèse; nous allons parler maintenant des hal-

lucinations de la sensibilité générale et des organes géni-

taux en particulier.

Hallucinations du tact. Certains aliénés, surtout

des hystériques, ont des troubles du tact qui, au lieu d'être

localisés aux extrémités des nerfs de la peau et des mu-

queuses, se produisent dans les masses musculaires et dans

24O L HYSTERIE DE SAINTE THÉRÈSE

les autres tissus intérieurs : ce sont des troubles de la sensi-

bilité générale, anesthésies ou hyperesthésies profondes qui

sont le point de départ d'idées fausses et d'actes dérai- >

sonnables : -ces aliénés ont la sensation, par exemple, que

leurs corps sont devenus lourds comme ceux des élé-

phants ou des hippopotames; ils ne peuvent plus, croient-

ils, remuer leur masse. D'autres au contraire, ce sera le cas

de sainte Thérèse, se figurent être sans pesanteur ; ils

croient en marchant ne plus toucher terre : comme Camille,

reine des Volsques, non seulement ils ne font pas courber

sous leurs pas les épis des moissons, mais encore ils pré-

tendent s'élever et voler comme des anges ; alors, sous

l'influence de cette sensation, se produisent de nombreuses

aventures et parfois des accidents fort graves : un mystique

se lance par la fenêtre dans la direction du ciel ; à sa

grande stupéfaction, il est ramassé avec des fractures variées ;

un autre grimpe sur un arbre et se précipite dans l'espace,

très étonné, avec un corps léger comme une plume, de se

retrouver à terre en très piteux état.

Sainte Thérèse eut une hallucination de cette nature, qui

fut regardée, dans son temps, comme un miracle : très bien

décrite dans ses mémoires, elle est fort intéressante pour des

médecins et des philosophes. « Il faut ici du courage, écrit-

elle, car on est enlevé malgré soi, avec une telle violence

que souvent je voulais tenir ferme et j'employais toutes mes

forces, surtout quand cela me prenait en public. Quelque-

fois j'y réussissais un peu, mais avec un grand effort de tête,

comme une personne qui combattrait un géant, et j'en res-

tais tout abattue. »

D'autres fois je n'y pouvais rien, le corps entier était en-

levé de manière à ne plus toucher terre : cela m'est arrivé

une fois, entre autres, que nous étions à genoux, prêts Il

communier. D'autres fois, lorsque je m'en apercevais,

particulièrement un jour où des dames de la première

qualité entendaient le sermon, je m'étendis à terre pourqu'on

ne s'aperçût pas de ce que j'éprouvais. Lorsque je voulais -

résister, je sentais sous mes pieds une force si grande me

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241 1

soulever, que je ne sais à quoi la comparer ; ma frayeur

était excessive; eh ! qui n'en aurait pas eu devoir ainsi son

'corps enlevé de terre, car, quoique Dieu soit de la partie et

que ce soit lui qui l'entraîne, on s'aperçoit cependant de ce

qui se passe et la frayeur va jusqu'à faire dresser les che-

veux sur la tête. »

' (A suivre.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

XIIe CONGRÈS

DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES DE FRANCE

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Tenu à Grenoble du 1 ? au 7 août 1902

Le Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de

France et des pays de langue française s'est brillamment

ouvert à Grenoble le vendredi matin'1 ? août, à l'Hôtel de

Ville, sous la présidence de M. GovTARD, adjoint au maire de

Grenoble.

M. Gontard était entouré de M. le Dr Régis, de Bordeaux,

président du Congrès ; M. le D'' Gilbert Ballet, professeur

agrégé de la Faculté de Paris ; M. Mottet, conseiller de pré-

fecture, représentant M. le Préfet; M. Boirac, recteur d'Aca-

démie ; M. le Dr Bonnet, médecin en chef de l'asile Saint-

Robert, secrétaire général du Congrès ; M. le docteur Bordier,

directeur de l'Ecole de Médecine. Dans l'assistance, de nom-

breux professeurs et médecins étrangers, tels que MM. Jof-

froy, Brissaud, Bourneville, Deny, Séglas, Legrain, À. Marie,

Boissier, Chervin, de Paris ; Pierret, Carrier, de Lyon; Kera-

val (d'Armentières), Gilbert Petit (du Mans), Girauder Hamel

(de Rouen), Ladame, de Genève; Fontanille, avocat général

à Grenoble ; Sixto-Arman, d'Oviedo (Espagne) ; Obregia, de

Bucharest ; Mendessholn, professeur de physiologie, à Saint-

Pétersbourg ; Crocq, de Bruxelles ; etc.

Rappelons que le Comité d'organisation était ainsi com-

Archives, 2° série, t. XIV. - t6

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

posé : Présidents d'honneur : M. Boncourt, préfet de l'Isère ;

M. S. Say, maire de Grenoble; M. le docteur Bordier, direc-

teur de l'Ecole de Médecine ; M. le docteur Dufour, ancien

député ; M. Boirac, recteur de l'Académie. Présidents

d'honneur étrangers : MM. les professeurs Arman, Ladame,

Obrégia, Mendessholn. - Présidents effectifs : MM. Régis,

Ballet, Carrier, Pitres, Grasset, Brissaud. - Vice-présidents :

MM. les D's Deny, de la Salpêtrière, et Marie, de Ville,juif.

Discours DE M. GONTARD

M. Gontard, en l'absence de M. le Maire de Grenoble, a

prononcé le discours d'ouverture suivant :

Messieurs,

, Absent de Grenoble, M. le maire n'a pu se rendre à la séance

d'ouverture de votre congrès, il m'a chargé d'être son interprète

et celui de toute la municipalité pour vous souhaiter la bienvenue

parmi nous. Je m'acquitte volontiers de cette mission et je vous

remercie cordialement, Messieurs, d'avoir choisi Grenoble pour

tenir vos assises.

Vous trouverez ici un milieu favorable à vos travaux. Notre

ville, qui s'honore d'avoir en tous temps aimé les sciences, les

lettres et les arts, a donné à la science médicale des noms illustres.

Permettez-moi de citer Villars, Laugier, Billerey et ce jeune doc-

teur, mort victime de son dévouement et dont on rappelait récem-

ment le souvenir glorieux à l'occasion du centenaire de l'Internat,

je veux parler d'André Mazet. -

J'ai parcouru l'ordre du jour de votre congrès. Les questions que

vous allez traiter échappent pour la plupart à ma compétence,

mais j'en aperçois la portée bienfaisante. Vous voulez conserver et

préserver en chacun de nous cette source de lumière, ce foyer d'in-

telligence qui nous rend accessibles à toutes les beautés du monde

matériel et moral. i

A notre époque de vie intense et de surmenage, les maladies

mentales font des progrès inquiétants. Si de vos études, si de

l'échange de vues auquel vous allez vous livrer, il pouvait sortir,

comme j'en ai l'absolue confiance, un résultat ou une indica-

tion capables d'enrayer ce fléau, vous auriez, Messieurs, bien mérité

de l'humanité.

Vous allez consacrer quelques joursàl'examen de cet intéressant

problème, puis vous vous reposerez en parcourant les sites pitto-

resques dont notre région abonde. Puissiez-vous être charmés par

notre hospitalité et par notre pays et éprouver le désir de revenir

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

bientôt parmi nous. Nous serons toujours heureux de vous revoir

(Applaudissements) .

, DISCOURS DE M. LE D REGIS

M. le Dr Régis a pris ensuite la parole en ces termes :

Le jour où, après des maîtres éminents tels que mon prédéces-

seur immédiat, M. Ballet, j'ai été choisi par mes collègues pour

présider la session actuelle de leur congrès, j'ai reçu d'eux le plus

grand honneur de ma vie professionnelle. Je tiens avant toute

chose à les remercier du fond du coeur.

Ce devoir accompli, j'ai l'agréable mission d'exprimer la sincère

reconnaissance des membres du Congrès vis-à-vis de tous ceux qui

nous ont préparé l'aimable et généreux accueil qui nous est fait.

Je remercie tout d'abord M. le maire de Grenoble et son conseil

municipal qui, dès le premier instant et sur l'initiative heureuse de

notre collègue de Villejuif, le docteur Marie, nous ont spontané-

ment offert l'hospitalité et qui, aujourd'hui, dépassant nos espé-

rances et leurs promesses, nous reçoivent si bien et avec de si

cordiales paroles de bienvenue.

Je remercie le Conseil général de I«Isère, ainsi que la commission

de surveillance et la direction de l'Asile de Saint-Robert qui, en

décidant de nous faire les honneurs de cet établissement et de nous

y recevoir, suivant l'usage de nos congrès, ont bien voulu se souve-

nir que nous nous rattachions par des liens étroits à l'Administra-

tion et aux grands services hospitaliers des départements.

Merci au docteur Bordier, l'éminent anthropologiste et socio-

logue, le directeur de l'Ecole de Médecine de Grenoble, devenue

entre ses mains presque une Faculté, pour son empressement à

mettre à la disposition du Congrès, en vue de ses séances, l'élégant

palais de l'enseignement médical de la cité.

Merci à nos excellents confrères du corps médical grenoblois, si

distingué et si réputé. '

Merci enfin à tous qui, par leur présence à cette solennité, nous

donnent aujourd'hui un si précieux témoignage de sympathie, en

particulier à M. le recteur Boirac qui figure ici à double titre :

comme chef de la vieille et illustre Université de Grenoble, comme

l'un des plus distingués représentants de cette école de psycholo-

gie scientifique dont le principe est que la physiologie et la patho-

logie de l'esprit doivent s'appuyer l'une sur l'autre et s'éclairer

réciproquement.

Ainsi reçus, avec, en plus, les belles excursions qui nous

attendent, si parfaitement organisées par notre dévoué secrétaire

général, le docteur Bonnet, de Saint-Robert, nous sommes assurés,

au point de vue matériel, du succès de notre réunion qui, pour la

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

première fois, a atteint et même dépassé le chiffre imposant de

200 adhésions.

Mais l'agrément n'est pour nous que l'accessoire, si tentante que

soit cette courte halte d'un jour au milieu de vos splendides mon-

tagnes, après une année de rude labeur. Poursuivant lentement

notre tâche sociale, nous sommes ici, avant tout, pour étudier en

commun quelques-uns des maux qui frappent l'homme dans son

système nerveux, et chercher les meilleurs moyens de l'en préser-

ver ou de l'en défendre.

Puisse le Congrès des Aliénistes et Neurologistes de Grenoble ne

pas demeurer stérile et réaliser, à cet égard, quelque progrès et

quelque bien.

Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici en entier le

discours fréquemment applaudi de M. le Dr Régis.

Séance du 1er août [soir). '

Après avoir visité l'Hôtel de Ville, le Musée, la Biblio-

thèque, les Congressistes se sont réunis à l'Ecole de Médecine

où les a reçus M. le Dr Bordier, directeur de l'Ecole de Méde-

cine de Grenoble, qui a prononcé le discours suivant :

, DISCOURS de M. LE D1' Bordier

Messieurs,

Je suis heureux de saluer, au nom de l'Ecole de Médecine et de

Pharmacie (j'ajoute au nom du corps médical de Grenoble), dans

la personne de leur distingué Président, M. le professeur Régis, les

membres du XIIO Congrès des médecins aliénistes et neurologistes,

qui ont choisi notre ville pour y tenir, cette année, leurs assises

annuelles. Je me sens fort honoré d'avoir à accueillir, dans cette

Ecole, les confrères, les collègues et les maîtres éminents, qui vont

jeter sur nous, pendant quelques jours, l'éclat de leurs noms et de

leurs travaux.

Vous serez, Messieurs, conduits dans notre pays par votre secré-

taire général, mon ami le Dr Bonnet, dont vous avez déjà pu appré-

cier l'activité et dont vous goûterez le dévouement et l'originalité

d'esprit, lorsque vous aurez parcouru, avec lui, l'asile de Saint-

Robert, dont il est le distingué médecin en chef. Il a su, en artiste

qu'il est, marier, dans l'emploi de votre temps, les riants paysages

avec l'autorité de vos discussions. Il a su mettre, autant que pos-

sible, de la variété dans vos occupations, car il sait que ce que vous

aimez, avec raison, à rencontrer en parcourant les diverses régions

de la France, c'est la diversité dans le type, dans le costume, dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

le langage, dans le milieu tout entier, en un mot, le pittoresque et

la couleur locale ; malheureusement vous avez dû constater plus

d'une fois qu'il était temps de se hâter pour jouir de la couleur

locale ; elle disparait chaque jour davantage sous l'action d'une

centralisation excessive, qui tend à tout uniformiser. Vous trouvez

déjà partout le même littel, le même banquet, le même menu ; je

voudrais bien pouvoir ajouter que vous trouvez aussi le même dis-

cours, car vous en entendez partout d'excellents, mais je crains que

ce soit ici précisément que la diversité commence !

Partout, sauf sur ce dernier point, vous désirez du change-

ment. Il est cependant une chose que vous voulez conserver

immuable; vous avez, en conséquence, la précaution de la main-

tenir partout autour de vous, comme une atmosphère indispen-

sable, qui se déplace avec vous et au centre de laquelle vous vivez,

circulez et vous vous sentez vivifiés. Cette atmosphère, ce milieu

nécessaire, c'est la mentalité médicale.

Quel que soit, en effet, notre pays d'origine, quel que soit notre

caractère, quelles que soient nos moeurs, nos habitudes person-

nelles, nous avons une certaine mentalité commune à nous tous,

qui résulte de la nature de nos études et delà direction habituelle

de notre esprit. Le médecin est habitué à considérer la genèse et

l'évolution des formes et des phénomènes, à reconnaître partout

l'action des forces naturelles, soit au moment où elles donnent

naissance aux organismes, soit, plus tard, lorsqu'elles les sollicitent

à chaque instant, en les transformant ; il est accoutumé à compter

avec les lois de l'hérédité, comme avec les variabilités individuelles;

aussi contemple-t-il les hommes et les choses d'un oeil équitable et

tolérant. Il est convaincu, par l'expérience, que tout dans la nature

est relatif et contingent; et comme il a renoncé à la recherche chi-

mérique de l'absolu des mathématiciens, il tient compte de toutes

les ambiances, sachant bien que tout phénomène est toujours à la

fois un effet et une cause.

Vacciné par ses études contre le subjectivisme de la pensée, il

ramène tout à l'étude objective de la nature, parce qu'il sait que

ses réalités tangibles et palpables sont les sources intarissables de

tout art, comme de toute science et de toute philosophie. J'ajoute

que, nulle part, plus que dans une assemblée d'aliénistes et de

neurologistes, on ne rencontre cette mentalité à un degré plus

élevé.

L'appellation de neurologistes n'est-elle pas, à elle seule, tout un

programme, ne marque-t-elle pas, à elle seule, un progrès ? Le

psychiatre d'autrefois confinait volontiers à l'exorciseur, à moins

que ce ne fut au sorcier. Tous les trois se croyaient, plus ou moins,

les artisans du surnaturel, les manieurs de l'immatériel. Depuis le

sorcier médecin qui, chez les primitifs, trépanait le crâne d'un

épileptique, d'un hémiplégique ou d'un halluciné, jusqu'à l'inqui-

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

siteur et au psychiatre lui-même, tous croyaient, plus ou moins,

avoir à lutter contre un esprit dont les exploits fantaisistes ne

prenaient fin qu'après son expulsion.

Pour la provoquer, la main s'arma d'abord d'un silex taillé, du

feu plus tard, plus tard encore elle se borna a être imposée douce-

ment, lentement sur le front du possédé, en même temps que des

paroles magiques complétaient son action. Il ne s'agissait point

encore de malades ; il n'était question que de coupables. Seul Jean

de Wier nous apparaît, au xvie siècle, à la lueur des bûchers allu-

més par ses contemporains, tendant aux démoniaques, au risque

de se perdre lui-même, une main médicale, c'est-à-dire secourable.

Mais son geste est isolé et il nous faut attendre le grand Pinel pour

voir commencer l'évolution qui doit transformer la prison en un

asile hospitalier.

Vous-mêmes, Messieurs, malgré vos efforts, n'êtes pas encore

arrivés à tracer la démarcation exacte entre le coupable et le

malade, parce que la justice vous demande souvent des réponses

trop précises sur ce qu'elle nomme encore, d'une manière trop

absolue, la responsabilité et le libre arbitre. Néanmoins tous,

aujourd'hui, vous considérez les troubles de la moelle et ceux du

cerveau, du même point de vue que ceux du eoeM ? ', du rein ou du

foie : là ou vos prédécesseurs presque immédiats rêvaient encore

esprit, démon, perturbation de la force nerveuse, vous prononcez les

mots de sclérose, de thrombose, bien souvent l'azloizloxicalioz.

Vous ramenez les troubles de la pensée, aussi bien que ceux de la

sensibilité ou de la motilité, comme un effet à une cause, à des

processus nutritifs ou à des intoxications chimiques.

Mais voici qu'un phénomène inattendu s'est produit : il est arrivé

ceci, qu'alors que vous borniez votre ambition à reconnaître les

malades et'à les guérir, la pathologie vous a, comme malgré vous,

fait entrer dans le domaine de la physiologie. Vous cherchiez a

démêler l'écheveau des troubles mentaux, et ce sont les lois physio-

logiques de la pensée la plus précise que vous êtes en train de

découvrir !

La psychologie est devenue, grâce à vous, un chapitre de la phy-

siologie et vous apportez dans son étude votre méthode habituelle

d'induction, qui rassemble les faits, les observations, pour en faire

plus tard une vaste synthèse.

Aussi par cela seul que vous aviez fait de la psychologie une

science biologique, vous avez commencé à apporter de l'ordre dans

le chaos de l'ancienne métaphysique. Aussi bien n'est-ce pas la

première fois que le médecin devient, par la force des choses,

physiologiste. Déjà l'observation des troubles moteurs de la mala-

die d'Addison a mis sur la voie de la fonction des capsules surré-

nales; c'est le myxoedème et le crétinisme goitreux qui ont donné

l'idée des fonctions du corps thyroïde; n'est-ce pas la lésion de la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247

troisième circonvolution frontale qui a fait de Broca un initiateur

dans la découverte des localisations cérébrales - ?

Du jour où la psychologie est devenue biologique, elle est devenue

expérimentale. Le temps n'est plus, en effet, où ceux qu'attiraient

les problèmes qui vous occupent, n'avaient d'autre procédé que de

se prendre le front dans les deux mains, et, les yeux fermés, de

pratiquer l'introspection de leur pensée. Ils n'oubliaient qu'une

chose, c'est que leur situation était un peu celle d'un homme qui

tenterait de s'enlever lui-même, en prenant son propre corps

entre ses bras contractés dans un effort impuissant.

Aujourd'hui, vous recueillez les documents les plus simples, les

plus dédaignés jadis : les premiers dessins d'un enfant, ses pre-

miers mots, ses gestes, ses jeux, tout vous apporte un renseigne-

ment. Par le calcul mental, par la chronométrie mécanique, vous

mesurez la vitesse des sensations et des perceptions ; tous les sens

sont interrogés. La pensée est mesurée, analysée dans sa genèse

et dans sa structure. Signe des temps : on voit des Facultés des

Lettres elles-mêmes laisser, pour un moment, les longues disser-

tations sur les facultés de l'àme et établir, chez elles, des labora-

toires, avec le concours des mécaniciens, des physiciens et des

chimistes.

Une fois lancé dans cette voie, on s'est souvenu des services que

la connaissance de la physiologie animale avait déjà rendus à la

physiologie de l'homme, et nous voyons maintenant le Muséum

d'histoire naturelle de Paris'donner asile à un laboratoire de psy-

chologie zoologique. Vocable assurément nouveau, mais établisse-

ment peut-être rêvé par Descartes qui y serait sans doute venu,

comme il l'écrivait à P. Marsenne : « anatomiser les têtes de divers

« animaux pour expliquer en quoi consistent l'imagination et la

« mémoire ».

Sur son frontispice, on pourrait graver cette phrase de Mon-

taigne, que je prends plaisir à citer devant quelques-uns de ses

compatriotes, qui m'entendent :

« La présomption est notre maladie naturelle et originelle....

« c'est par vanité que l'homme s'attribue des conditions divines,

« qu'il se trie soi-même et sépare de la presse des autres créatures,

« taille les parts aux animaux ses confrères et compagnons

« comment

« connait-il les bransles internes et secrets des animaux ? par

« quelle comparaison d'eux à nous conclut-il à la bêtise qu'il leur

« attribue ? quand je me joue à ma chatte, qui sait si elle passe

« son temps de moi, plus que je ne fais d'elle ? »

Pour la philosophie scientifique, l'antique est aujourd'hui

encadrée dans l'ensemble des forces de la nature; elle ne diffère

en apparence des autres forces que par la disposition des éléments

anatomiques, qui l'en détachent un moment, en la spécialisant.

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La force psychique est susceptible, comme toutes les forces, d'être

mise en équation avec la chaleur, la lumière, le mouvement, l'élec-

tricité. Elle est justiciable des instruments de recherche de la phy-

sico-chimie et c'est attirés par cette idée que, du monde entier des

savants viennent à Paris s'inscrire pour faire des expériences psy-

chologiques à Y Institut psychologique international.

Où vous arrêterez-vous, Messieurs ? A mesure qu'on étudie les

forces biologiques, on voit s'étendre l'aire des forces naturelles.

Derrière celles que nous croyons connaître, il en apparaît de nou-

velles, soupçonnées déjà par l'empirisme séculaire, célébrées dans

les légendes, exploitées par quelques audacieux, rejetées jusqu'ici

comme n'appartenant pas à la science orthodoxe, admises enfin

aux honneurs de l'expérimentation, grâce à l'initiative courageuse

de quelques esprits supérieurs exempts de préjugés, même scien-

tifiques.

C'est bien à vous, Messieurs, que revient, en grande partie, le

mérite d'avoir fait rentrer ce qu'on croyait l'exception dans la

règle, le prétendu surnaturel dans la nature et d'avoir fait péné-

trer les clartés de la science dans ce qu'on nommait, hier encore,

le domaine de l'occulte. ,

MONSIEUR LE Recteur,

Vons avez bien voulu honorer de votre présence une réunion de

médecins, dont un grand nombre, il est vrai, sont l'honneur des

Universités auxquelles ils appartiennent. Si vous avez été conduit

ici par votre sympathie pour l'Ecole de Médecine de l'Université de

Grenoble, sympathie dont nous sommes très reconnaissants,

n'avez-vous pas été attiré en outre, peut-être inconsciemment, par

cette mentalité médicale dont je parlais tout à l'heure et que vous

saviez trouver ici ?

Si vous n'avez pas de diplôme professionnel, vous avez du moins

étudié la médecine; vous l'avez fait en naturaliste et en philoso-

phe, c'est-à-dire dans les deux dispositions d'esprit les plus néces-

saires au médecin. Vous appartenez d'ailleurs à cette Ecole de psy-

chologie expérimentale qui caractérise notre époque : aussi les

membres de ce Congrès saluent-ils en vous, mieux qu'un confrère,

un coreligionnaire, car vous avez, comme eux, le culte de la

Science libératrice. L'Université de Grenoble, qui est heureuse de

vous avoir à sa tête, n'a-t-elle pas précisément pour devise :

, Veritas liberabit.

' Messieurs,

Je ne veux pas retarder plus longtemps vos travaux. Vous allez

tenir dans cette Ecole la plupart de vos séances. Vous êtes ici

SOCIÉTÉS SAVANTES. , 249

chez vous ! La maison n'est pas grande, mais elle vous appar-

tient ! Je voudrais maintenant que, par un de ces prodiges auxquels

la science nous habitue aujourd'hui, ces murs puissent conserver

l'empreinte de vos paroles; je voudrais que tous ceux qui, en

dehors de la science, s'intéressent, par profession, à la chose pu-

blique, à l'administration d'un pays, à l'art de gouverner les hom-

mes, puissent prendre ici des leçons.

A l'heure où toutes les sciences se préoccupent de leur utilité

sociale, la médecine, dont cela a toujours été la destination,

la médecine mentale, plus que toute autre, a le droit d'être

écoutée. Les questions de l'alcoolisme, de l'hérédité, de l'édu-

cation, de la responsabilité, celles même des conditions du tra-

vail, qui les connaît mieux que vous et peut, mieux que vous,

éclairer les pouvoirs publics sur les questions d'hygiène et de pro-

phylaxie sociale ?

C'est bien à la médecine, en particulier à la médecine mentale,

à la neurologie et à la psychologie expérimentale, que peut s'ap-

pliquer ce jugement de Leibnitz, par lequel je veux terminer :

« Le rôle des sciences est de bâtir des systèmes d'une connais-

« sance solide, fondés sur des démonstrations et des expériences

« et propres à avancer le bonheur de l'humanité. »

Après ce discours très applaudi, le Congrès a commencé

ses travaux par l'exposé et la discussion du rapport de

M. Lalanne sur les « états anxieux dans les maladies men-

tales » :

DES ÉTATS ANXIEUX DANS LES MALADIES MENTALES

M. Gaston Lalanne, médecin-directeur de la maison de santé de

Castel d'Andorte, docteur es sciences, rapporteur.

Au cours de ces dernières années, il s'est dessiné un mouvement

très net qui tend à unir la psychologie à la clinique. La question

des états anxieux dans les maladies mentales vient donc bien à

son heure, car l'anxiété ou l'angoisse, qui en est le caractère domi-

nant, est à la fois du domaine du psychologue et du clinicien.

L'anxiété comme manifestation pathologique est sans objet, le

malade l'éprouve sans savoir pourquoi, il est. anxieux malgré lui.

Les états anxieux furent longtemps confondus dans les maladies

de l'émotivité et du sens émotif dont on ne tarda pas à séparer la

mélancolie anxieuse, puis on finit par reconnaître qu'à la base

des états émotifs on rencontre presque toujours l'anxiété ou l'an-

goisse, mais c'est surtout dans ces dernières années, qu'en étudiant

certains états qui tiennent à la fois delà névrose et de la psychose

on est arrivé à isoler l'anxiété du groupe général des émotions et

230 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

à lui assigner son véritable rôle dans la constitution des états

anxieux.

La question des états anxieux dans les maladies mentales se

réduit donc en quelque sorte à la séméiologie de l'anxiété.

Pour le clinicien, l'anxiété se présente sous forme de malaises

dus à un très grand nombre de troubles qui atteignent l'organisme

tout entier et intéressent toutes les fonctions. Parmi ces désordres,

les uns sont physiques, les autres affectifs et intellectuels.

Parmi les troubles physiques, nous signalerons ceux de la sensi-

bilité générale et spéciale, les anesthésies, les hyperesthésies des

organes des sens, les phénomènes de rétractation de la peau, -la

sensation de froid aux cheveux, d'horripilation, l'asthénie motrice,

le tremblement musculaire, l'incoordination des' mouvements

volontaires, les troubles de l'élocution, le vertige de locomotion.

Les troubles circulatoires sont au premier rang des symptômes de

l'anxiété; il y a des spasmes du coeur dont le sujet a conscience,

donnant la sensation d'un malaise grave, allant jusqu'au sentiment

de fin prochaine. Le pouls présente une accélération considérable,

puis un ralentissement persistant pendant assez longtemps. Beau-

coup des phénomènes de l'anxiété sont sous la dépendance du

système vaso-moteur, tels que la pâleur et la rougeur de la face,

le relroidissement des extrémités. L'hyperesthésie auditive pour-

rait être en rapport avec un phénomène vaso-moteur cérébral.

Les troubles respiratoires sont dus à la contraction des muscles

respiratoires, le rythme est modifié, l'inspiration est saccadée, *.

entrecoupée de soupirs. Quelquefois il y a suspension de la respi-

ration en expiration. Les troubles digestifs sont principalement

caractérisés par l'attaque de diarrhée. Les troubles secrétoires sont

de la polyurie, de la séborrhée ; d'autres fois la salive est tarie et

la bouche est sèche. Il y a quelquefois de véritables attaques sudo-

rales localisées aux mains et à la face.

Parmi les phénomènes intellectuels et affectifs, nous trouvons

l'attente anxieuse, les phobies, les obsessions, la diminution de

l'intelligence, le défaut d'attention, la perte de la mémoire, le

défaut de jugement, la confusion, la faiblesse mentale. Il y a

tantôt arrêt subit des représentations, tantôt au contraire, rapidité

anormale d'évocation des images. En somme, il n'est guère une

portion du territoire organique ou intellectuel qui ne soit frap-

pée dans l'anxiété; et comme la personnalité humaine n'est qu'un

complexus qui en dernière analyse peut se ramener aux trois con-

ditions : organiques, effectives, intellectuelles, nous pouvons con-

clure que le trait caractéristique de l'anxiété est une altération de

la personnalité.

Nous arrivons maintenant à la constitution des états anxieux.

Le terme de passage entre les névroses et les psychoses à base

d'anxiété nous est fourni parla névrose d'angoisse, dont on a voulu

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S1

faire un type morbide distinct de la neurasthénie et auquel on a

reconnu un certain nombre de symptômes cliniques. Au point de

vue étiologique, la névrose d'angoisse reconnaitrait toujours pour

cause un besoin sexuel insatisfait. La majorité des opinions est qu'il

n'y aurait pas une névrose d'angoisse constituant une entité mor-

bide distincte, mais un syndrome d'angoisse qui s'associe à diverses

maladies, en particulier à la neurasthénie et à la mélancolie, de

façon à lui donner le caractère de névrose ou de psychose d'angoisse.

Le terme de transition entre la mélancolie simple, sans délire, et

la mélancolie anxieuse, nous est fourni par la mélancolie avec

angoisse précordiale (Krafft-Ebing), c'est-à-dire par des crises d'an-

goisse paroxystique survenant principalement le matin, au cours

d'une mélancolie sine delirio. La mélancolie anxieuse est par excel-

lence la psychose d'angoisse. Le syndrome anxiété donne à la

mélancolie délirante un aspect particulier par suite des altérations

de la personnalité qui en sont la conséquence. Aussi a-t-on pu dis-

tinguer une forme aiguë et 'une forme chronique, cette dernière à

la suite des travaux remarquables de Cotard et de Seglas. La

mélancolie anxieuse chronique présente une évolution systémati-

que, qui rappelle l'évolution du délire des persécutions de Lasègue.

On y remarque les phases suivantes : 1° une phase de mélancolie

primitive; 20 une période de doute (Vallon) décrite par Lasègue

sous le nom de mélancolie perplexe (Ritti) ; 3° un délire mélanco-

lique avec idées de négation, de damnation, de possession, tra-

duisant toute une altération de la personnalité; 4° une phase de

mégalomanie qui se déduit logiquement des idées de négation,

véritable mégalomélancolie, selon l'expression de M. Régis, et à

laquelle Cotard a donné le nom de délire d'énormité. Bien que le

délire des négations comporte un pronostic grave, la maladie n'est

cependant pas incurable.

Psychoses d'obsession progressive. A la suite du rapport de

Falret au Congrès de 1889, il a été admis que les obsessions ne se

transformaient pas en folie. Depuis cette époque, Pitres et

Régis, en France, Wille, Mercklin, Sommer, en Allemagne, ont

démontré que la folie pouvait être le résultat de la transformation

progressive de l'obsession. Les formes psychopathiques sont la

mélancolie anxieuse et la paranoïa rudimentaire ou délire systé-

matisé raisonnant. 1

A côté des états que nous venons d'examiner et qui, à cause du

rôle prédominant de l'angoisse, méritaient le nom de psychopa-

thies anxieuses, il en est d'autres dans lesquels l'anxiété intervient

à titre de symptôme important. Ces états sont beaucoup plus fré-

quents qu'on ne le pense, et on peut admettre que toute psychose

débute par de l'anxiété. Les formes mentales dans lesquelles l'an-

goisse se montre le plus souvent, sont : dans la folie des dégéné-

rés, dans les obsessions et les impulsions et dans la manie, la

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.

mélancolie, la folie à double forme, chez les persécutés mélanco-

liques, dans les psychoses d'intoxication, les troubles mentaux

névropathiques, la paralysie générale.

Etiologie : Fréquence. Généralement très répandue, principale-

ment chez les dégénérés. Causes prédisposantes Sexe féminin.

Age : Parait'avoir une certaine influence sous laquelle se mani-

feste l'anxiété, on la rencontre en effet sous forme de peurs mor-

bides dans l'enfance et l'adolescence, de névrose d'angoisse à l'âge

moyen de la vie, de psychose d'angoisse à l'âge mûr. 7/e') ? <e :

Joue un rôle de tout premier ordre. Pathogénie : Le rôle parti-

culièrement important du système grand sympathique dans les

manifestations de l'anxiété nous fait supposer que, par suite des

lois de l'atavisme, l'état affectif qui fut pendant de longues pério-

des de temps l'unique mode de notre individualité reparaît chez

les prédisposés avec la tendance innée à l'émotivité, source de

l'anxiété et de l'angoisse. Le diagnostic ne comporte aucune diffi-

culté. Pronostic : Généralement gravé par suite de tendance à ia

chronicité et des altérations de la personnalité.

TRAITEMENT.- (t) Préventif. Hydrothérapie froide, pour combattre

les causes déprimantes,' physiques et morales. Lutte des anciens,

pour favoriser le réflexe musculaire; moyen intellectuel qui con-

siste à nous habituer à considérer les objets qui nous effraient.

b) Traitement pharmaceutique. Nitrite d'amyle, trinitrine, opiacés,

laudanum, morphine, codéine, bromure de potassium, chloral,

alitement.

M. Brissaud rappelle qu'en 1890, il a émis les mêmes idées que

M. Lalanne sur l'anxiété. Lorsque l'angoisse a disparu et que

l'anxiété seule persiste, on se trouve en présence d'un simple phé-

nomène cérébral.

M. Dupré trouve que le rapporteur n'a pas insisté sur la patho-

génie bulbaire des phénomènes anxieux.

M. Doutrebente. Dans l'exposé de son rapport et à propos du

traitement, M. Lalanne a parlé de l'hydrothérapie froide chez les

anxieux; je ne puis pas partager sa manière de voir et estime que,

si les douches froides peuvent produire un.certain état d'angoisse

chez l'homme sain, il est certain qu'on ne doit pas, même en vertu

du vieil adage : « similia similibus curantur », y avoir recours

pour les anxieux, qui n'y consentiraient pas volontiers d'ailleurs.

En pareille circonstance, je me suis bien trouvé de l'emploi du drap

mouillé à la condition toutefois de le faire après une torsion éner-

gique dudit drap, devenu alors en état de pratiquer un premier

emmaillotement complété par un deuxième, lui-même avec une

couverture de laine.

Au sujet de ce rapport, M. Roubinovitcii, empêché, dépose une

note intitulée : Contribution clinique à l'étude des auto-intoxications

dans les états anxieux.

sociétés savantes. ' 253

Au sujet de la même question, M. Samuel GARDER envoie une

note intitulée : La médecine légale des états anxieux.

RÉCEPTION A L'HÔTEL DE VILLE

Le soir, à 8 heures et demie, une réception a eu lieu dans

les salons de l'hôtel de ville par la municipalité grenobloise.

MM. Duclot et Gontard, adjoints, Porte et Cadot, conseil-

lers municipaux, Villaret, secrétaire général, faisaient les

honneurs de la soirée. De nombreuses dames, aux élégantes

toilettes, avaient accompagné leurs maris.

Au cours de la réception, M. Gontard a souhaité la bien-

venue aux congressistes, espérant qu'ils emporteront de

Grenoble l'agréable souvenir d'une ville très hospitalière. Il

a levé son verre aux savants dont l'unique ambition est de

réduire la somme des maux qui affligent l'humanité; il boit

au succès de leurs recherches et a un mot aimable pour

les dignes compagnes de ces philanthropes.

M. Régis, président du Congrès, remercie la ville de Gre-

noble et la municipalité du bienveillant accueil fait aux con-

gressistes. En un langage élégant et fleuri il fait part des

sentiments d'admiration que lui inspire la cité grenobloise,

« véritable bijou au milieu du vert écrin des montagnes ».

Il se déclare émerveillé des squares, des places, des ave-

nues, des monuments, de la propreté de ses voies, et il ne

peut se défendre d'une certaine émotion au souvenir des

grands hommes dont Grenoble est l'heureuse patrie.

« Bayard, Condillac, Beyle-Stendhal, que nous pouvons

revendiquer comme l'un des nôtres, car c'était un profond

psychologue, sont des illustrations dont une cité a le droit

d'être Hère. Permettez, dit en terminant le Président du

Congrès, au petit-fils de Pinel, de saluer les petits-fils des

héros grenoblois qui les premiers poussèrent le cri de

« liberté ». Je bois à la ville de Grenoble et à sa croissante

prospérité. »

Ce toast salué de nombreux applaudissements marque la

fin de la réception.

Séance du 2 août (matin). -

M. le Dr Régis, de Bordeaux, préside, assisté de MM. Bourneville,

Deny et A. Marie.

.'254 SOCIÉTÉS SAVANTES.

DES TICS EN GÉNÉRAL

M. E. NOGUES (de Toulouse), rapporteur.

I. Historique. Les anciens n'ont pas décrit le symptôme mus-

culaire que nous désignons aujourd'hui sous le nom de tic; néan-

moins, la bibliographie de cette question est des plus riches; nous

retiendrons surtout la magistrale description de Trousseau, les

travaux de Charcot et de ses élèves, de Gilles de la Tourette, de

Brissaud, de Magnan, de Pitres et Grasset, de Gilbert Ballet, de

Meige et Feindel, dont le récent traité synthétise en une « langue

claire, précise et élégante », le résultat de leurs longues et patientes

observations.

II. Délimitation du tic. La question du tic paraissant enve-

loppée d'obscurité, il est nécessaire d'apporter au début de cette

étude quelques précisions : Une réaction motrice à laquelle l'écorce

cérébrale ne prend pas et n'a jamais pris part n'est pas un tic ; si

cette réaction motrice est la conséquence de l'irritation patholo-

gique d'un point quelconque de l'axe bulbo-spinal, c'est un spasme;

une réaction motrice à laquelle l'écorce cérébrale prend ou a pris

part n'est pas un spasme, si ce phénomène moteur où se recon-

naît la participation de l'écorce cérébrale prend ou a pris part

n'est pas un spasme ; si ce phénomène moteur où se reconnaît

la participation de l'écorce cérébrale présente certains caractères

pathologiques distinctifs. c'est un tic. Nous ne considérons pas

comme des tics, mais bien comme des spasmes, les mouvements

anormaux dont l'origine organique a été démontrée par l'autop-

sie, pas plus que les manifestations cloniques survenant à la suite

des névralgies; le nom de tic douloureux de la face donné à la

névralgie du trijumeau a contribué à produire la confusion. On

distraira également du tic certains gestes d'habitude variables à

l'infini. Les phénomènes mentaux du tic, méconnus d'abord, bien

étudiés depuis par Magnan et ses élèves, ont encore augmenté la

confusion; l'importance des troubles mentaux est très grande

mais les troubles moteurs ne sauraient être négligés. Le tic pure-

ment mental (tic psycho-mental de Cr'uchet) ne saurait être admis;

le rapporteur refuse de faire rentrer les tics dans le chapitre des

myoclonies.

III. Caractères généraux des tics. En comparant les diverses

définitions données du tic, l'on voit que, pour la majorité des

auteurs, le tic est un mouvement involontaire que néanmoins la

volonté peut modifier, double fait en apparence contradictoire,

vérifié cependant par la clinique; les tiqueurs réprimeraient en-

tièrement leurs mouvements intempestifs s'ils étaient capables de

vouloir, mais ce sont des abouliques. Le tic est une maladie de

l'habitude dont la répétition se fait hors de propos et avec excès,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 2S5

survenant souvent lorsque le corps et l'esprit sont inoccupés, le

geste d'habitude apparaissant au coutraire lorsque l'attention est

concentrée. Les tics sont donc volontaires habituels, nous ajoute-

rons alternativement conscients et inconscients , coordonnés, systéma-

tiques, mais ils ne sont pas que cela ; c'est un des grands mérites du

travail de MM. Meige et* Feindel d'avoir mis ces caractères nou-

veaux en lumière. Les tics sont des perturbations motrices d'actes

fonctionnels, mais le rapporteur ne croit pas devoir comprendre

dans les tics, la crampe des écrivains, des pianistes, des danseurs,

etc..., se produisant à l'occasion de l'acte fonctionnel dont ils sont

l'anomalie; le geste d'occupation seul fait naître ceux-ci. Au con-

traire, une escarbille entre dans l'oeil, la paupière cligne, c'est un

spasme ; ce clignement persiste sans cause et sans but, ce trouble

de la fonction de nictitation est un tic. Le tic est donc soit un

trouble d'une fonction normale, soit d'une fonction anormale,

fonction parasite. On retrouve dans cette perturbation fonction-

nelle tous les caractères de la fonction, la répétition de l'acte, le

besoin prémonitoire, la satisfaction consécutive; comme dans l'im-

pulsion et l'obsession, le besoin prend un caractère impérieux. La

division des tics en cloniques et toniques est admise par le rappor-

teur : les premiers, personne ne les conteste aujourd'hui : quant

aux seconds, ils s'imposent également depuis la description du

torticolis mental par Brissaud et les observations relatées par

Régis et l'auteur concernant les tics d'attitude ou gestes de défense

comme en ont les obsédés.

IV..Symp<OHM<o/o ? edes'< ? 'M.Les diverses parties du corps

peuvent être le siège de tics; c'est dire que leur variété est infinie

et qu'il est impossible de les signaler tous; tics de la tête, du cou,

des membres supérieurs et inférieurs, du tronc; d'autres sont des

perturbations des fonctions organiques (tics de déglutition, de

digestion, de respiration) avec toutes leurs variantes. Les tics de

la parole se manifestent dans la forme la plus grave, la maladie

de Gilles de la Tourette. par l'écholalie et la coprolalie.

V. Etat mental des liqueurs. - A. Il ne suffit pas pour devenir

tiqueur de répéter plusieurs fois et même sans raison un mouve-

ment, si brusque soit-il. « N'est pas tiqueur qui veut. » Les

tiqueurs sont des désiquilibrés psychiques, comme ils sont des

déséquilibrés moteurs, mais ne sont point dépourvus d'intelligence;

la plupart ont même un « esprit vif, alerte, primesautier ». Les

tiqueurs présentent, d'après MM. Meige et Feindel, l'état mental de

l'infantilisme; le rapporteur n'adopte pas cette idée, l'état mental

du tiqueur ne rappelle celui de l'enfant que par certains côtés; c'est z

en réalité l'état mental du déséquilibré simple; la tendance con-

traire, opposée, est une sorte de loi chez beaucoup de déséquili-

brés obsédés (Pitres et Régis); parler d'infantilisme c'est « favori-

ser une erreur et créer une confusion ». Le tiqueur est, nous

256 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'avons dit, aboulique, il est impatient, sujet aux phobies, et par-

fois aux philies (zoophilie).

B. Tics et obsessions. -ci) Le tic et l'obsession ont de nombreu-

ses analogies psychiques, en particulier l'émotivité et l'irrésistibi-

lité ; dans le tic comme dans l'obsession, il y a tendance au

dédoublement de la personnalité, b) Il y a non seulement analogie,

il y a souvent association, soit dans la même famille, soit chez le

même individu. Ici le tic et l'obsession prennent tantôt une exis-

tence propre, indépendante, survenant alors à des moments diffé-

rents ou coexistants, tantôt affectant entre eux des relations. Ces

relations peuvent être envisagées à deux points de vue.

Il, L'obsession donne naissance au tic; le sujet est atteint de la

peur de tiqueur, de l'obsession phobique d'un lie existant souvent

avec d'autres tendances bizarres, impulsives, dangereuses. Le

moyen de défense, procédé libérateur, occupe une place importante

dans le tableau de l'obsession et du tic; de même que l'obsédé a

ses trucs pour se défendre contre ses obsessions, le tiqueur a les

siens; le geste efficace du torticolis mental n'est qu'un moyen de

défense contre le tic, pouvant devenir un nouveau tic, un véritable

paratic. Le tic est aussi un moyen de défense non plus contre un

autre tic, mais contre l'obsession (Pitres et Régis); tics, moyen de

défense spéciale.

2° Le tic donne naissance ci l'obsession. Cas fréquent, tic obsédant,

entretenu, aggravé par l'idée obsédante qui est le plus sûr agent

d'entretien du tic. Telles sont les formes d'association du tic et de

l'obsession, comme le disent Pitres et Régis. Charcot a justement

dénommé l'obsession un tic de la pensée; ne pourrait-on dénommer

le tic une obsession du mouvement ? Le rapporteur estime que l'ana-

logie est surtout vraie entre le tic et l'obsession impulsive, aussi

pose-t-il la question : « Le tic ne serait-il pas une forme d'impul-

sion ? » Opinion très défendable, qui est peut-être bien celle de

MM. Pitres et Régis. ·

VI..P/t</s ! o)9'epa//t0t'çMe et pathogénie. Exposer toutes les

théories pathogéniques émises à propos des tics serait trop long,

même dans un rapport in extenso, mieux vaut renvoyer au cha-

pitre du Traité des tics de MM. Meige et Feindel, intitulé « Tic et

polygone» où les auteurs cherchent à mettre d'accord les opinions

de MM. Brissaud et Grasset, en apparence contradictoires; la dis-

cussion porte sur le terme « origine ». M. Brissaud considère l'ori-

gine du tic dans le temps, M. Grasset dans l'espace.

VII. Etiologie. Il est des causes générales et des causes spé-

ciales, celles-ci variant avec la forme du tic, il est aussi des asso-

ciations et des rapports des tics avec les névroses et les psychoses;

retenons surtout que le tic n'est pas un phénomène hystérique ou

neurasthénique, mais qu'il peut coexister avec la grande névrose

et la maladie de Béard.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 257

.VIII. Diagnostic. La' principale difficulté diagnostique est de

distinguer le tic du spasme; celui-ci caractérisé par des mouve-

menrs brusques, comparables à des excitations électriques, non

influencés par la volonté, la distraction; quelquefois douloureux,

à réflectivité parfois modifiée, siégeant dans un territoire nerveux

anatomiquement défini; les mouvements du tic sont coordonnés,

systématiques, reproduisant un acte fonctionnel, modifiés par

l'attention, la distraction, liés' comme l'obsession à un besoin

impérieux, angoissant. Le diagnostic du tic et du spasme facial

est aussi très difficile, il en est de même du torticolis-tic et du

torticolis-spasme. Nous n'insisterons pas sur le diagnostic des

tics et des chorées, nous rappellerons que les tics ne sauraient

davantage prendre place dans le chapitre des myoclonies ; dans

certaines formes associées de pj ! ra ? H)/oc<OKM et de tics, le dia-

gnostic peut offrir quelques difficultés; il en sera parfois de

même des mouvements athétosiques; nous avons déjà indiqué

que les crampes professionnelles ne sauraient êtres assimilées aux

tics.

1X. Bvoluliorz des tics. Pronostic. L'évolution du tic n'est pas

régulière, elle varie avec chaque cas; on peut dire que les chances

de guérison sont en rapport avec l'âge du malade et l'ancienneté

du tic.

X. Traitement. Le tic est souvent curable si on applique des

procédés thérapeutiques inconnus jusque dans ces dernières années.

Les tics étant constitués par deux ordres de phénomènes, les uns

moteurs, les autres mentaux, il était légitime qu'on pensât à leur

appliquer un double traitement, l'un s'adressant aux phénomènes

moteurs, qu'on pourrait appeler objectif, l'autre ayant pour but de

modifier l'état mental (traitement subjectif).

1° Le traitement objectif ou musculaire comporte plusieurs ordres

de médications : ec). Traitement médicamenteux, basé sur l'emploi

des calmants du système nerveux; b), hygiène, régime, hydrothé-

rapie, électrothérapie, massage.

2° Tr'aitementrééducaleur.-a).Alét7codedeBnissaud,uleigeetT'ein-

del. Se compose de deux parties inséparables : on apprend d'abord

au malade à garderl'immobilité, on lui fait exécuter ensuite desmou-

vements commandés; le traitement doit être poursuivi après même

la cessation du tic; b). Méthode de Dubois (de Saujon). Consiste à

habituer le malade à rester immobile dans une position favorable

au repos ; la suggestion verbale, non hypnotique, arriverait d'a-

bord à persuader au malade l'image du calme possible, qui se réa-

liserait ensuite dans l'inconscience; c). Méthode de Pitres. Basée

sur l'emploi de l'atmothérapie appliquée avec succès aux bègues,

agit non seulement sur les tics respiratoires mais aussi sur les

autres tics; d) MM. Meige et Feindel insistent dans leur dernier

travail sur l'utilité des mouvements en miroir pour corriger cer-

ÂRCuivEs, 2° série, t. XIV. 17

258 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tains tics; les malades retirent de l'emploi de cette méthode de

très sérieux avantages.

3° Traitement psychique. a) Suggestion hypnotique. Ne doit

pas être employée bien qu'elle ait donné des résultats favorables

chez quelques tiqueurs hystériques; a le tort de diminuer la

volonté, d'où danger, le tiqueur étant le plus souvent un abouli-

que. La suggestion à l'état de veille est au contraire très recom-

mandable. b) L'isolement est souvent nécessaire pour soumettre le

malade à cette discipline physique et psychique sans laquelle tout

traitement reste infructueux, c) Psychothérapie . C'est le mode par

lequel la guérison définitive couronnera les efforts du médecin.

M. Meige (de Paris). Je n'ai jamais songé, comme me le fait

dire à tort M. Noguès à propos de l'infantilisme psychique des

tiqueurs, à ajouter une nouvelle anomalie mentale à la liste déjà

si longue de celles qu'on relève chez ces sujets. J'ai seulement pro-

posé une qualification qui est peut-être en même temps une expli-

cation.

J'ai soutenu avec M. Feindel que le trouble mental prédominant

est une imperfection de la volonté. La débilité, la versatilité de la

volonté sont les caractéristiques de l'état mental du tiqueur. Cette

manière d'être témoigne de l'insuffisance et de l'irrégularité des

interventions corticales. Comme elle appartient normalement à

l'enfant, sa persistance, malgré les progrès de l'âge, est l'indice

d'un arrêt partiel du développement psychique; aussi l'état mental

du tiqueur peut-il être qualifié d'infantile. Le mot « partiel » a ici

son importance : il met en garde contre la tendance qu'on pourrait

avoir à considérer l'arrêt de développement psychique comme

complet, total; les tiqueurs n'ont rien de commun avec les crétins

myxoedémateux, ces infantiles par excellence. 1

Tout le monde est d'accord pour reconnaître le déséquilibre

mental des tiqueurs. Nous y avons longuement insisté, avant même

de parler d'infantilisme psychique.

Lorsqu'un tiqueur se montre exagérément léger, versatile, inat-

tentif, s'il a les impatiences, les rires et les pleurs fugaces d'un

enfant, et surtout s'il a toujours été ainsi, il est légitime de penser

que chez cet adulte le développement psychique a subi un arrêt

partiel, que son état mental a conservé une partie des attributs

qui appartiennent à celui de l'enfant.

La constatation de l'état mental infantile des tiqueurs nous a

paru utile à signaler; elle est de nature à confirmer ce fait insuf-

fisamment reconnu, à savoir que la plupart des tics sont non pas

des accidents commandés par des lésions acquises du système ner-

veux, mais bien qu'ils dépendent d'arrêts ou de retards dans le

développement des centres ou des voies d'association corticale.

M. Grasset (de Montpellier). Je n'étudierai qu'un point de la

question des tics, à savoir leur pathogénie : de tous les travaux

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

contemporains, et spécialement de ceux de 1111. Brissaud, Meige

et Feindel, il résulte que, au moins le plus souvent, le tic est d'ori-

gine corticale. Je suis tout à fait d'accord avec M. Brissaud sur

l'origine corticale des tics ; je crois seulemement qu'il faut faire

une distinction, dans les centres corticaux psychiques, entre les

centres psychiques supérieurs et les centres psychiques infé-

rieurs; à ceux-ci, que j'appelle polygonaux, revient le psychisme

inférieur ou automatique, l'automatisme supérieur ou psycholo-

gique de M. Janet ; tandis qu'à ceux-là (que pour la facilité de l'ex-

position j'appelle 0) revient le psychisme supérieur, conscient,

volontaire, libre et responsable. A ce propos, je demande à éta-

blir une distinction, que je crois justifiée, entre les mots psychique

et mental.

Est psychique tout acte cortical où il y a de la pensée, de l'intel-

lectualité, du psychisme à un degré quelconque; d'où psychisme

supérieur et inférieur. Toute l'écorce est psychique (polygone et 0).

Au contraire, me rappelant les mots « maladies mentales, aliéna-

tion mentale », j'appelle mental le phénomène et par suite le trouble

qui a pour siège les centres psychiques supérieurs 0.

De là. ces propositions, un peu elliptiques, mais cliniquement

vraies : tout ce qui est psychique n'est pas nécessairement mental ;

une maladie psychique n'est pas nécessairement une maladie men-

tale : si elle reste polygonale, elle n'est pas mentale. Ainsi, par

exemple, l'hystérique est toujours un psychique ; je ne crois pas

qu'il soit toujours un mental. Dans l'hystérie, il y a toujours des

troubles du psychisme inférieur, polygonal ; s'il y a en même temps

des troubles de 0 (ce qui arrive souvent), c'est une complication ;

l'hystérique est devenu aliéné. Voilà l'idée qui m'a fait donner un

sens différent au mot psychique et au mot mental ; on comprendra,

je l'espère, après ces explications, pourquoi j'ai soutenu l'existence

du tic polygonal.

Si j'admets que tout tiqueur est un psychique, je ne pense pas

(et M. Brissaud non plus, je crois) qu'on puisse soutenir que tout

tiqueur soit un aliéné, c'est-à-dire un mental au sens que je viens

de préciser.

Donc un liqueur qui est un psychique et qui n'est pas un mental

est un polygonal. Sans doute le mouvement du tiqueur a été volon-

taire avant d'être automatique ; c'est avec son centre 0 que, pen-

dant qu'il était colporteur, mon malade donnait un coup d'épaule

pour soulever sa balle : mais à ce moment il n'était pas tiqueur.

Le mouvement n'est devenu tic que quand il a constitué une habi-

tude morbide, c'est-à-dire quand il a cessé d'être volontaire pour

devenir automatique, involontaire, polygonal.

Ainsi, le tic polygonal existe et il est polygonal depuis qu'il est

tic. Je crois dès lors qu'il y a lieu de maintenir la distinction que

j'ai proposée en 1897 entre les tics avec participation de 0 (quand il y

260 SOCIÉTÉS SAVANTES. ·

a vraiment état mental, aliénation) et les tics polygonaux (quand

il y a état psychique, mais pas état mental).

M. Cruciiet (de Bordeaux) part de cette idée, admise absolument

par tous les auteurs, que les tics sont systématisés, c'est-à-dire des

mouvements'où il est toujours possible de reconnaître une systé-

matisation fonctionnelle, des mouvements reproduisant, par con-

séquent, un acte physiologique déterminé.

Il pense que cet élément moteur est le seul indispensable pour

qu'il y ait véritablement tic, l'élément psychique ou mental étant

essentiellement contingent.

Il dit que le tic, ainsi compris, peut-être d'origine aussi bien

matérielle que fonctionnelle ; et que si un spasme, au sens que lui

donne M. Brissaud, est systématisé, ce n'est plus un spasme, mais

un vrai tic, au sens propre du mot.

Il admet ensuite qu'un tic est toujours clonique ; et que, par con-

séquent, la forme tonique du tic n'existe pas ; en particulier, le tor-

ticolis mental d'ordre tonique doit être éliminé, le torticolis clo-

nique ou tic rotatoire étant seul un véritable tic. « Si nous supposons,

dit-il, un malade ayant une attitude en torticolis (tonique), disons-

nous qu'il a un tic ? Point du tout. Nous disons : il a un torticolis.

et nous nous demanderons si ce torticolis est musculaire ou non

musculaire (cicatriciel, névritique, osseux, etc.) ou mental

enfin. Et si nous pensons qu'il est mental, nous chercherons a savoir,

en dernière analyse, s'il est d'origine hystérique, neurasthénique,

si on doit le classer au nombre des signes de l'angoissé, de l'abou-

lique, de l'obsédé, etc... Agissons-nous autrement en présence

d'une hémiplégie ? Ne se demande-t-on pas toujours, d'abord, si

elle est d'origine matérielle ou fonctionnelle, pour en rechercher

ensuite la variété spéciale ? »

L'auteur termine en proposant les conclusions suivantes : 11, le tic

est une variété dans le genre convulsion ; 2° il est essentiellement

clonique et caractérisé par un mouvement ou un groupe de 7 ? ioz&Le-

ments reproduisant un acte physiologique déterminé.

On peut le classer dans le groupe des convulsions cloniques sys-

lématisées, en opposition avec les convulsions cloniques asystéma-

tisées, dans lesquelles on rencontre la chorée, l'athétose, le trem-

blement, la myoclonie ; 3° il est d'ordre matériel ou fonctionnel ;

4° le torticolis intermittent ou spasmodique ne devrait plus s'appeler

dorénavant que lie rotatoire ; 5° le seul nom de torticolis mental

devrait être réservé à toutes les altitudes en torticolis d'ordre men-

ental ; 6" le torticolis mental et, d'une manière générale, toutes les

formes toniques ou simples, attitudes d'ordre mental, doivent être

nettement différenciées du tic avec lequel toutefois elles peuvent

coexister.

M. DOUTRE13EriTE. M. Noguès, d'après MM. Soury et Legrain,

SOCIÉTÉS savantes. 261

estime que les tics ne sont que des manifestations symptomatiques

de la folie héréditaire (More)) et de la dégénérescence mentale

(Magnan). Ce sont deux choses différentes et qui ne doivent pas

être confondues.

Morel avait observé le tic indolent chez des nerveux, candidats à

l'aliénation mentale, sans y arriver, et aussi chez des gens nulle-

ment prédisposés à devenir aliénés. Dans la période prodromique

de la folie, surviennent des tics douloureux passagers, si la maladie

évolue et remplacés par d'autres symptômes plus accentués.

Dans la période d'état, chez un fou hypochondriaque ayant des

crises obsédantes de la mort, Morel raconte que ce malade avait un

tic libérateur des plus étranges : « il tenait son pénis à la main et

se découvrait même devant sa femme et sa fille ». On rencontre

enfin chez les idiots et les maniaques chroniques une foule de tics

grimaciers ou autres, tel que le tic de l'ours, etc. Nous venons

d'observer tout dernièrement, chez un dégénéré, un tic de l'épaule

droite, contracté par l'habitude de faire entendre des craquements

de l'articulation scapulo-humérale à ses camarades d'atelier.

M. OBREGiA (de Bucharest) communique les observations de trois

malades qui sont devenus paralytiques généraux après avoir pré-

senté des tics caractérisés : un avait un tic de la langue qui venait

se coller contre les dents de façon à empêcher tout acte de phona-

tion ; un autre, un tic de la tête et du cou qui se renversaient brus-

quement en arrière ; le troisième enfin, un mouvement de grattage

des narines qui, à force d'être répété, avait entraîné la perforation

de celles-ci.

M. Joffroy (de Paris). La théorie pathogénique des tics, que

vient de nous exposer M. Grasset, me semble bien difficile à

admettre. La première difficulté qui surgit lorsqu'on veut passer à

l'explication des faits, est celle de savoir si ce sont les mêmes élé-

ments nerveux ou des éléments différents qui président aux actes

du psychisme supérieur et à ceux du psychisme inférieur. La pre-

mière hypothèse ne me paraît pas admissible. Supposons par

exemple un tic de clignotement survenu à la suite de la pénétration

d'un corps étranger dans I'oeil. 11 est bien évident que lorsque le

sujet victime de cet accident a porté pour la première fois la main

à l'oeil offensé pour en chasser le corps étranger, il a accompli un

acte volontaire, raisonné, conscient, étroitement subordonné à

l'activité psychique supérieure. Ce n'est qu'en se répétant, même

après la disparition du corps étranger et de la sensation qu'avait

provoquée celui-ci, que ce mouvement est devenu un tic, c'est-à-

dire un acte involontaire, inconscient, lié à l'activité du psychisme

inférieur; mais le mouvement en lui-même n'a pas changé. On ne

peut donc admettre qu'il soit commandé par deux ordres différents

de neurones. Il me semble au contraire évident que ce sont les

mêmes éléments anatomiques qui président à l'activité volontaire

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

et à l'activité involontaire, et que ce qui diffère de l'une à l'autre,

c'est l'excitation, qui est forte dans le premier cas et faible dans

le second. Le propre de l'habitude ne consiste-t-il pas, en effet, à

rendre les neurones aptes à réagir à des excitations de plus en plus

faibles, si faibles même, à un moment donné, qu'elles restent

presque complètement ignorées du sujet ? De là son étonnement de

voir le mouvement continuer à se produire.

A côté de cette question de pathogénie, il en est une autre qui

me semble avoir été un peu négligée par M. Noguès, aussi bien que

par MM. Meige et Feindel : je veux parler des relations si étroites

qui unissent, au point de vue du développement des tics, les

centres moteurs aux centres sensitifs et sensoriels.

il n'est cependant personne qui n'ait connu au moins un tiqueur

qui, pour arrêter son tic, se pince fortement, jusqu'à en éprouver

une vive douleur, dans la région du corps qui en est le siège.

N'est-ce pas là une preuve que la sensibilité peut intervenir direc-

tement pour refréner un tic ? Mais, à côté des cas où la sensibilité

joue ainsi le rôle d'agent inhibiteur du tic, il en est d'autres beau-

coup plus communs où c'est elle, au contraire, qui, sous la forme

d'actes de siège et d'intensité différents, préside à leur développe-

ment. Bien plus, il existe des sujets chez lesquels les troubles qui

donnent naissance aux tics ne sont plus d'ordre sensitif, mais sen-

soriel ; c'est ce qu'on observe en particulier chez beaucoup d'aliénés ,

notamment chez les persécutés : une de mes malades, hallucinée

de l'odorat, exécutait continuellement un mouvement de sputation

associé à une grimace de la face ; c'était là, au début, un mouve-

ment de défense, raisonné, conscient; à la longue il est devenu

automatique et persiste encore actuellement, bien que les halluci-

nations aient depuis longtemps disparu. Je pourrais multiplier

facilement de tels exemples : on peut donc rencontrer les halluci-

nations à l'origine de beaucoup de tics, au même titre que les

autres désordres de la sensibilité.

Sur quelques détails relatifs et l'cliologie et à la

symptomatologie des lies.

M. Pitres (Bordeaux). - Je ne partage pas tout à fait les idées

doctrinales développées par M. Noguès dans l'excellent rapport

que nous avons tous entre les mains et par MM. Meige et Feindel

dans le savant ouvrage qu'ils viennent de publier. Je crois, notam-

ment, qu'il eût été préférable de ne pas détourner le mot lie du

sens étroit qu'il a dans le langage vulgaire. Le tic étaitjusqu'à pré-

sent un symptôme caractérisé par la répétition intempestive et

inutile de secousses brusques, rapides, involontaires, siégeant dans

un muscle isolé ou dans un groupe de muscles habituellement

associés pour l'exécution d'une grimace, d'un geste ou d'un acte

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

volontaire quelconque. En cherchant àidentifieravec ce symptôme

d'autres phénomènes spasmodiques qui n'ontavec lui que de loin-

taines analogies, tels que les tics dits toniques et les tics mentaux,

je crains qu'on ne prépare aux pathologistes de l'avenir d'inextri-

cables confusions. Mais ce sont là des questions de mots ou de

théories sur lesquelles on pourrait discuter indéfiniment. Plutôt

que de m'y arrêter, je préfère mettre en relief quelques détails et

faits relatifs à l'étiologie et à la symptomatologie des tics vul-

gaires.

I. Les grandes lignes de l'étiologie des tics ont été magistrale-

ment tracées par M. Noguès dans son rapport, et par MM. Meige et

Feindel. J'y ajouterai quelques documents statistiques provenant

du dépouillement de 70 observations de tiqueurs vulgaires que j'ai

recueillies dans ces dernières années.

Age. Ainsi que le disent MM. Meige et Feindel, « les tics appa-

raissent à tout âge excepté chez les très jeunes enfants ». Cette

proposition est rigoureusement exacte. Il y a des tics de l'adulte

et du vieillard comme il y a des tics de l'enfance et de l'adoles-

cence. Mais ceux-ci sont plus fréquents que les premiers, ainsi que

le démontrent les chiffres suivants indiquant l'âge auquel ont

apparu les premiers tics chez nos 70 malades :

264 -il SOCIÉTÉS SAVANTES..

La première, 7 cas qu'il faut éliminer de la statistique pour cause

d'insuffisance de renseignements ;

La deuxième, 16 cas, dans lesquels une enquête sérieuse n'a

révélé chez les ascendants directs ou collatéraux des'malades au-

cune tare névropathique ; '

La troisième, 21 cas, où les ascendants directs ou au moins l'un

de ces ascendants'étaient, atteints de neurasthénie (six fois), d'hys-

térie (quatre fois), d'émotivité pathologique (dix fois) d'obsession

psychique ou d'aliénation mentale (trois fois).

La quatrième, il cas, où il a été possible de retrouver, parmi

les ascendants des malades, des exemples non douteux de tics

ainsi répartis :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 265

l'autre. Les'tiqueurs ont tous de bons et de mauvais moments, de

bons et de mauvais jours.

Le chaud et le froid, les maladies intercurrentes, les états émo-

tifs actuels, ont une influence non douteuse sur la fréquence et la

violence des manifestations convulsives des tics. Il serait très dési-

rable qu'on étudiât avec soin la nature des conditions susceptibles

d'atténuer ou d'exagérer momentanément les secousses muscu-

laires qui constituent le tic. J'en indiquerai brièvement quelques-

unes qui ont particulièrement frappé mon attention.

a. Beaucoup de tiqueurs éprouvent une véritable gêne à se sentir

observés et l'agacement qui en résulte est traduit tantôt par une

exagération, tantôt par une suspension à peu près complète des '

tics. Les exemples de ces deux modes de réaction sont connus. Il

arrive souvent que des enfants liqueurs, conduits chez le médecin,

restent, tant qu'ils se sentent observés par l'homme de l'art, com-

plètement immobiles. Ils prennent à la vérité leur revanche aussi-

tôt qu'ils ont franchi les portes du cabinet, mais jusque-là ils ne

bronchent pas, si bien qu'il est très difficile de se rendre compte

delà gravité de leur mal. Et, chose curieuse ! ces mêmes sujets

dont les' tics sont inhibés par la seule présence du médecin voient

souvent leurs grimaces s'exagérer d'une façon excessive, quand,

dans un lieu public, ils s'aperçoivent qu'ils sont l'objet de l'atten-

tion ou des railleries des personnes étrangères qui les entourent.

b. La fixation de l'attention atténue fréquemment la violence

des tics. Certains tiqueurs cessent absolument de tiquer en lisant,

en écrivant, en jouant du piano, en faisant de l'escrime, etc., etc.

c. Il n'est pas rare de rencontrer des tiqueurs qui n'ont de mou-

vements convulsifs que dans la position verticale. Il suffit qu'ils

s'étendent sur un lit ou sur un fauteuil suffisamment incliné pour

que tous leurs tics disparaissent à l'instant.

Mais ce sont surtout les variations du rythme respiratoire qui

agissent efficacement sur la production des tics. Beaucoup de

tiqueurs n'ont aucune secousse convulsive pendant qu'ils chantent,

qu'ils déclament ou qu'ils comptent tu haute voix. Ils n'en ont pas

davantage quand on les prie de respirer lentement et profondé-

ment. C'est cette action frénatrice des modifications du rythme

respiratoire que m'a conduit à appliquer au traitement des tics

les méthodes de gymnastique respiratoire qui sont depuis long-

temps employées avec succès a la cure du bégaiement et qui

m'ont permis de guérir déjà un bon nombre de malades dont les

tics avaient résisté au l'emploi d'une foule d'autres moyens théra-

peutiques.

III. Qu'il me soit permis, avant de terminer, d'exprimer le

regret que ni M. Noguès, ni MM. Meige et Feindel ne se soient

occupés dans leurs travaux respectifs des tics chez les animaux,

notamment de ceux qu'on observe chez le cheval et chez le chien.

260 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Le tic du cheval est un tic aérophagique, grave parce* qu'il dimi-

nue, parle météorisme abdominal dont il est la cause, l'aptitude

de l'animal et l'activité musculaire; il est très intéressant parce

qu'il est contagieux par imitation. Le tic du chien est d'une tout

autre nature. Il est constitué par des secousses brusques, généra-

lement unilatérales, siégeant entre les muscles du visage et le

peaucier du cou.-Son histoire est importante à cause des expé-

riences physiologiques dont il a été l'objet. Ces expériences pra-

tiquées jadis par Paul Bert et répétées plus récemment par d'au-

tres observateurs ont démontré que le tic persistait malgré

l'ablation totale du cerveau. Bien qu'il n'y ait pas identité absolue

entre les centres nerveux du chien et ceux de l'homme, ces résul-

tats expérimentaux sont de nature à jeter quelques doutes sur le

bien fondé des théories qui tendraient à nous représenter le tic

de l'espèce humaine comme un phénomène morbide dépendant

toujours nécessairement d'une perturbation fonctionnelle de

l'écorce du cerveau.

M. Brissaud. Toute mauvaise habitude est, chez l'enfant, le

point de départ de nouvelles mauvaises habitudes, et quelquefois

même de troubles nerveux. Cette donnée explique comment agis-

sent les diverses méthodes de gymnastique appliquées au traite-

ment des tics. En faisant disparaître chez un individu une ou

plusieurs mauvaises habitudes, on le rapproche de plus en plus

de la normale et on lui permet de se ressaisir.

M. Pitres (Bordeaux). Je connais fort bien et j'apprécie hau-

tement le travail de mon excellent ami le professeur Brissaud sur

le tic mental. Je ne diffère d'opinion avec lui que sur le nom qu'il

convient de donner à la maladie qu'il a si heureusement et si bril-

lamment contribué à nous faire connaître. Le nom de tic mental

me parait mauvais, parce que je ne crois pas que la maladie décrite

par M. Brissaud soit un tic, et parce que je ne suis pas bien sûr

de son origine mentale.

Pour moi, le tic est un symptôme étroitement défini par ses

caractères objectifs : la brusquerie et l'irrégularité des secousses,

leur explosion involontaire et intempestive, leur limitation à un

muscle ou à un groupe musculaire déterminé. Quand je vois un

malade atteint de mouvements involontaires de rotation de la tête

et du cou, je commence par observer la nature des mouvements

qui se produisent. S'ils sont brusques, irréguliers, involontaires,

peu ou pas accessibles à l'inhibition par l'application du doigt du

malade sur le menton, je dis : voilà un tic rotatoire de la tête et

du cou. S'ils sont lents, progressifs, réguliers et si, par surcroît,

ils sont arrêtés par le procédé indiqué par Brissaud, je diagnos-

tique un spasme fonctionnel ou torticolis spasmodique intermit-

tent du type Brissaud. Si le cou est fixé dans une attitude

vicieuse par une contracture permanente du sternomastoïdien, du

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267 1

trapèze ou des autres muscles de la région je dis : Voilà un torti-

colis musculaire, et je m'efforce de rechercher s'il est de nature

organique ou fonctionnelle; mais quel que soit le résultat de ces

recherches, il ne me viendra jamais l'idée d'appliquer a un cas

de ce genre le nom de tic tonique parce que, pour moi, le tic est

par essence ou, pour parler plus simplement, par définition, un

phénomène clonique.

M. Parant dit qu'en lisant le rapport de M. Noguès, il a été sur-

pris de voir que l'on tendait à n'admettre qu'une seule catégorie

de tiqueurs, dont la maladie, provenant de la dégénérescence,

serait une sorte d'infantilisme et consisterait surtout et presque

uniquement en une altération de la volonté. Ce cadre lui a paru

bien étroit, c'est donc avec intérêt qu'il a entendu M. Meige, le

principale protagoniste de l'opinion dont il vient d'être parlé, dire

que ce n'était. pas là la seule catégorie de liqueurs, et qu'il y en

avait d'autres, dont l'état, encore mal connu, avait besoin d'être

étudié : c'est avec non moins d'intérêt que M. Parant a entendu

M. Pitres dire qu'il avait observé un tiqueur chez qui la maladie

avait débuté à soixante-dix ans. Dans cet ordre d'idées, M. Parant

croit devoir signaler le cas d'un malade qu'il a observé et qui, à

deux reprises différentes et à intervalle assez long, a présenté une

sorte d'accès transitoire de tic avec une symptomatologie et un

état physique bien différents de ceux dont parle le rapport de

M. bogues.

Ce malade qui n'était ni un dégénéré, ni un déséquilibré, ni un

névropathe, se vit, vers l'âge de cinquante ans, atteint d'un tic à

forme de torticolis du côté gauche. Sa tête se tournait vers l'épaule'

d'abord en contraction tonique, puis survenaient des spasmes clo-

niques qui terminaient le tic en quelques secondes, en s'accom-

pagnant de grimaces dans le côté gauche de la face. D'abord

faibles, ces tics prirent peu à peu de l'intensité. Le malade mit

toute sa volonté, tous ses efforts à les combattre et n'y réussit pas.

Il fut alors pris de dépression mélancolique et d'un profond décou-

ragement. Comme il avait précédemment eu de la fatigue, on lui

fit prendre du repos, des médicaments toniques. Au bout de deux-

mois environ, la mélancolie s'atténua, disparut sans avoir jamais

été délirante. En même temps, les tics diminuèrent d'intensité et

disparurent complètement. L'accès avait duré en tout à peu près

six mois.

Quatre ans après, le même malade fut repris de nouveau des

mêmes accidents, survenant dans le même ordre et sous les mêmes

apparences; toutefois la mélancolie s'accompagna, pendant une

quinzaine de jours, d'idées de suicide et même d'homicide qui

marquèrent le paroxysme de l'accès. Alors il y eut de nouveau

régression de tous les troubles, disparition progressive et guérison

dans un intervalle d'environ cinq mois depuis le début de l'accès.

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La guérison s'accentuait à mesure que l'état physique général

s'amendait lui-mêmc. '

Que penser d'un cas de ce genre ? Evidemment, il est d'un tout

autre ordre de faits que ceux dont a parlé M. Noguès II est nulle-

ment lié à la dégénérescence originelle. La volonté n'y a point

paru altérée, au moins dans le principe. Il ressort de là qu'il y a

au moins une autre catégorie de tiqueurs que ceux dont il a été

question aujourd'hui et que la raison d'être des autres tics que

ceux dont il est question a besoin d'être étudiée.

M. Cuoce (de Bruxelles). MM. Brissaud, Meige et Feindel

reconnaissent d'une part qu'au point de vue clinique il n'y a aucune

différence entre les tics et les spasmes et, cependant, ils admettent

que ces deux variétés de mouvements ont une origine différente,

les premiers étant des phénomènes purement dynamiques, tandis

que les seconds auraient un substratum organique. Cette distinc-

tion, je l'avoue, me parait un peu arbitraire. Peu importe, en effet,

comme vient de le dire M. Crucliet, qu'une hémiplégie soit due à

une lésion organique ou fonctionnelle des centres moteurs, elle

n'en reste pas moins une hémiplégie; de même pour les tremble-

ments : ils ne changent pas de nom suivant qu'ils sont liés à une

névrose ou, au contraire, à un désordre matériel des centres ner-

veux. Il ne me semble donc pas justifié d'établir une distinction

entre les tics et les spasmes, en se fondant uniquement sur l'ori-

gine fonctionnelle des premiers et organique des seconds.

Ces réserves faites, je suis tout a fait de l'avis de M. Noguès en ce

qui concerne l'état mental des tiqueurs ; comme lui, je crois que

cet état mental se confond avec celui des dégénérés, et que c'est

à tort qu'on a voulu le rapprocher de celui des infantiles.

Enfin, le fait que, chez le chien, M. Pitres a pu déterminer la

localisation du tic dans les centres inférieurs ne prouve nullement

que cette localisaticn soit identique chez l'homme. M. Pitres sait

même mieux que personne que les fonctions dévolues aux centres

inférieurs, chez le chien, remontent vers la corticalité cérébrale à

mesure que l'on s'adresse à un animal plus élevé dans l'échelle

animale. Pour ne parler que des réflexes tendineux, mes expé-

riences prouvent que leurs centres, localisés chez le chien dans la

moelle, sont situés au contraire, chez le singe et surtout chez

l'homme, dans les régions basilaires du cerveau. Le tic, d'origine

pédonculaire chez le chien, peut donc très bien avoir son centre.

chez l'homme, dans la région cérébrale. '

M. Ballet (de Paris). Au cours de cette discussion, on a beau-

coup trop étendu le domaine des tics : à en croire quelques auteurs,

il faudrait accorder le nom de tic à tous les mouvements systéma-

tisés, coordonnés et répétés plus ou moins fréquemment sans rai-

son ; si cette manière de voir était adoptée, toutes les habitudes

vicieuses, tons les spasmes et beaucoup de mouvements exécutés

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269

par les aliénés seraient rangés dans les tics. Je crois, au contraire,

qu'il y a lieu de faire des catégories distinctes de chacune de ces

espèces de mouvements. Le tic doit être considéré comme un

trouble delà représentation mentale d'un mouvement qui est repro-

duit consciemment d'abord, automatiquement ensuite, et dont la

non-exécution, par suite d'un obstacle quelconque, procure du

malaise, de l'angoisse, etc. Les véritables tics sont donc toujours

des mouvements volontaires ; les mouvements réellement involon-

taires sont des spasmes. .

Séance du 2 août (soir). Présidence de 11111. R : cls et Deny.

M. Rom3r communique une observation de tic associé à une

démence précoce. Il s'agit d'une enfant, qui paraissait normale,

fut vaccinée à quelques mois. L'éruption vaccinale ne se montra

pas, mais pendant un an l'enfant fut atteinte d'une affection cuta-

née générale, et depuis quelques années s'établit un tic de la tête,

et aujourd'hui la fillette, qui a huit ans, est une demi-idiote.

M. 11AItTr-.\13LRG. L'homme a naturellement une tendance à la

répétition des mêmes actes ; c'est l'exagération de cette tendance

qui constitue le côté infantile de l'état mental du tiqueur; mais il

y a chez lui, en plus, l'impossibilité pour la volonté de suspendre

le tic. Cette non intervention de la volonté peut tenir des causes

différentes. Il y a des malades qui sont indifférents à leur tic ; cela

leur est égal, et ils ne se donnent pas la peine d'essayer de le sup-

primer. Les personnes qui voudraient mettre fin à leur tic et qui

ne le peuvent doivent être rangées en deux catégories : celles dont

la volonté instable ne peut être fixée assez longtemps et celles

dont les efforts sont paralysés par une angoisse toujours crois-

sante et qui ne cesse que lorsque la réapparition du tic amène une

véritable décharge. Les malades de la première catégorie peuvent

être guéris par la rééducation de la volonté ; chez les anxieux non

seulement on échoue, mais plus on cherche à refréner les mouve-

ments, plus l'angoisse se développe.

M. l3olsslcu. Mon intervention dans la discussion n'a d'autre

but, à propos de l'association des obsessions avec les tics, que de

demander à nos collègues occupés de ce sujet si, dans une pro-

portion déterminée ils ont trouvé le suicide comme complication

nette du tic.

Pour moi j'ai observé depuis deux ans deux cas de tic de nicti-

tation chez deux jeunes femmes, qui ont arrêté mon attention

sur ce point. Ici l'obsession est née du tic et a engendré la ten-

dance au suicide, sans que celui-ci ait cependant pu être

accompli.

La première malade est une jeune femme de trente ans à anté-

cédents héréditaires peu chargés et dont l'état nerveux est resté

270 SOCIÉTÉS SAVANTES.

parfaitement calme jusqu'à son mariage. A la suite d'une conjonc-

tivite rapidement guérie, un tic de nictitation. s'est installé,

d'abord supporté avec indifférence.

Mais les observations insistantes de la famille devenues maladroi-

tement exagérées ont bientôt contribué à donner à la malade la

phobie de son tic. La peur du ridicule la harcèle sans cesse ; les

repas quotidiens avec ses enfants et son mari seuls deviennent eux-

mêmes impossibles; elle mange seule. Quand elle sent venir sa

nictitation elle descend de l'omnibus où elle se trouve à plusieurs

kilomètres de chez elle parla pluie, le vent, la neige et les orages,

préférant s'exposer à tout que de soutenir les regards des voyageurs

qu'elle croit fixés sur elle, elle a même quitté son train au milieu

d'un voyage à une station quelconque. Enfin n'osant plus affronter

personne, elle ne songe qu'à fuir une vie désormais insupportable;

.l'idée du suicide la poursuit, d'abord vague puis irrésistible. Elle

se procure du poison, et il fallut quand, je vis la malade, établir

une surveillance assidue.

La seconde malade, jeune femme de vingt-quatre ans ne se sou-

vient pas de ce qui a causé au début son tic de nictitation. Héré-

ditaire peu chargée, elle a vu du vaginisme s'ajouter à son tic, au

moment de son mariage, mais ce dernier fait ne l'a nullement

.préoccupée. Sa nictitation, qui remonte à deux ans, lui cause au

contraire une telle gêne qu'elle s'enfuit chez elle au milieu d'un

dîner, que toute réunion même intime lui devient impossible,

qu'elle se confine dans sa chambre et n'en sort qu'à la nuit close.

Elle entre dans le dégoût de la vie, est aux prises avec des idées

actives de suicide et est actuellement en cours de traitement. J'in-

siste sur ce point que le tic a été l'unique phénomène névropa-

thique ayant précédé les obsessions, les angoisses et les tendances

au suicide dont il a d'ailleurs été aussi la cause unique.

M. l3nl ? u. Je crains que M. Meige n'ait été plus loin qu'il ne

voulait, quand il nous a parlé de l'infantilisme des tiqueurs. Je

sais bien que sa pensée a été amendée par un correctif, lorsqu'il a

ajouté que cet infantilisme n'était nullement comparable à celui

qu'on observe dans le crétinisme. Sans nier que certains tiqueurs

sont des infantiles, je crois qu'il en existe beaucoup ne présentant

pas ce caractère. J'en veux pour preuve l'observation d'une

malade dont je vais vous résumer rapidement l'histoire et qui au

cours de sa vie a été atteinte de deux tics vrais, accompagnés d'an-

goisses caractéristiques et assez curieuses dans leur étiologie.

Cette dame, qui venait d'assister à la première représentation du

Contrôleur 'des wagons-lits, s'amusait à répéter pendant un souper

qui terminait sa soirée le fameux tic de cette femme qui semble

solliciter les passants par son clignotement d'oeil spécial et dont un

placier en vins de Bordeaux n'a fait sa maîtresse que pour cher-

cher d'abord querelle aux Messieurs qui répondent aux oeillades et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 27)

arranger ensuite l'affaire en leur vendant très cher de très mauvais

crus. Vous connaissez tous le thème de cette désopilante farce.

A force de répéter le geste, -I-0 X... en fut la victime et, en quel-

ques heures, le tic s'imposa à elle. Le lendemain et jours suivants,

il prenait un caractère tellement pénible qu'elle dut consulter un

médecin et ne put se débarrasser que fort difficilement et après

plusieurs mois de son clignement d'oeil. Je dois ajouter ici que

Mm0 X... était la petite-fille d'un grand-père qui présenta du

mérycisme dans les dernières années de sa vie; vers l'àge de

soixante ans, il aurait pris l'habitude de ruminer ; après ses repas,

il régurgitait quelques bols alimentaires qu'il mâchonnait et rava-

lait ensuite. Je n'ai pas d'autres renseignements héréditaires.

Ma malade était mariée à un homme désoeuvré, qu'elle accom-

pagnait un peu partout. Dans une de ses pérégrinations, elle entra

fortuitement dans un établissement où s'exhibait un artiste d'un

genre puéril et doué de la propriété de produire à volonté certains

bruits qui l'avaient fait qualifier du nom imagé de pélomane. La

première audition ne provoqua que le dégoût de Mmo X...

Arriva bientôt ce qui arrive aux personnes fréquentant les courses

de taureaux; elle voulut revoir son ténor, celui-ci ne tarda pas à

remarquer son enthousiaste auditrice, laquelle, ne trouvant plus

de femme de son monde à entraîner dans son escapade, avait fini

par se faire accompagner par sa femme de chambre. Il se mit bien

vite à la disposition de la dilettante, pour lui fournir tous les ren-

seignements demandés sur le mécanisme de son art en joignant

l'exemple aux principes.

Un matin, pendant qu'elle s'énervait vainement à imiter son

professeur d'après les procédés qui lui avaient été indiqués et que

1 ! I ? X... se livrait mystérieusement sur son lit à sa gymnaa-

tique nouvelle, le silence du lieu fut troublé par un bruit à peu

près semblable à celui qui motivait ses efforts. Ce n'était malheu-

reusement qu'une simple éructation vaginale. Néanmoins, ma

malade fut agréablement surprise d'abord et ensuite très satisfaite

du résultat obtenu. Si le succès recherché ne couronnait pas son

entreprise, elle avait du moins créé une voie nouvelle : le pétomane

n'en aurait pu faire autant. Bientôt, elle arriva avec un peu d'étude,

à provoquer à volonté l'éructation et donna-un soir une première

audition à son mari.

M. X..., peu épris d'art nouveau, morigéna sa femme qui après

une crise de larmes promit de ne plus recommencer. -

Promettre et tenir sont deux : en effet, à partir de ce moment

l'éructation devint un véritable tic que la malade reproduisait

constamment, malgré tout ce que le mari tenta pour guérir sa

femme. L'obsession était telle que la malheureuse dame était obli-

gée à ses jours de réception de quitter son salon pour satisfaire

son tic. A certains moments, quand pour une cause ou pour une

272 SOCIÉTÉS SAVANTES.

autre, elle ne pouvait se livrer à la gymnastique compliquée et

nécessaire à l'éructation, sa physionomie exprimait une telle

angoisse que plusieurs fois on put la croire sérieusement indis-

posée pour lui offrir des soins. J'en arriverai un jour, me dit-elle,

si je ne guéris pas à ne pouvoir me retenir devant le Pape. L'ob-

session prit même un caractère si pénible que ma malade entre-

voyait le suicide-comme le seul remède à son mal.

Les tics ne sont pas seulement tributaires de la fibre musculaire

striée : ils peuvent s'accompagner de contraction de la fibre mus-

culaire lisse. J'en pourrais citer comme preuve un malade qui con-

tractait convulsivement son périnée jusqu'à ce qu'il ait provoqué la

miction. Quand la vessie contenait de l'urine, le tic n'avait rien de

très pénible pour le patient. -11 n'en était plus de même quand il

persistait après l'émission des dernières gouttes. Le tic fonctionnait

alors sans discontinuer, jusqu'au moment où s'écoulaient quelques

gouttes d'urine nouvellement sécrétée. Cette observation pourrait

encore fournir la preuve que tic et spasme sont deux phénomènes

différents : en effet, M. Z... avait parfois un spasme des mêmes

muscles et bien que celui-ci fût parfois localement douloureux,

mon malade le préférait beaucoup à son tic volontaire, à cause de

l'obsession pénible dont ce dernier s'accompagnait parfois quand

la miction ne pouvait pas s'eflectuer faute d'urine.

C'est, je crois, le caractère angoissant du tic qui rend cette habi-

tude si peu justiciable delà suggestion. Les obsédés sont peu sug-

gestibles. Il est donc très difficile d'hypnotiser certains liqueurs,

et cependant quand on les met, par des manoeuvres hynoptiques

dans cet état de bon vouloir de toute personne se prêtant volon-

tairement à une expérimentation qu'elle veut voir réussir, on cons-

tate souvent que le tic cesse momentanément. M. Pitres vient de

nous donner l'explication de cet arrêt. On fait de la pneumothéra-

pie sans le savoir. Les spasmes, au contraire, sont souvent justi-

ciables de la suggestion. J'ai eu l'occasion d'observer avec mon ami

le Dr Picqué une jeune femme près de laquelle il avait été appelé

pour pratiquer une opération en vue de la débarrasser d'un vagi-

nisme qui rendait tout rapport sexuel impossible. En quelques

minutes, la malade fut endormie. Nous lui suggérons qu'elle allait

être opérée, qu'elle était guérie, etc. Le soir même, elle recevait

avec plaisir la visite de son mari.

Je suis entièrement de l'avis de M. Meige quand il nous dit que

les tics d'aliénés doivent être étudiés à part. Je partage d'autant

mieux l'opinion de ce délicat observateur que ce qu'on prend chez

eux pour un tic n'est le plus souvent qu'un mouvement en rapport

avec une hallucination, une interprétation délicate, ou bien destiné

à conjurer un maléfice, ou encore un geste stéréotype, un mouve-

ment automatique et inconscient, etc. Je crois que le tic du

malade de M. Obreja n'appartient pas à l'une de ces catégories. J'ai

' SOCIÉTÉS SAVANTES. 273

souvent observé des paralytiques généraux qui, ayant une simple

écorchure du nez ou une obsession quelconque à l'égard de cet

organe, se le grattent jusqu'à produire de profondes érosions et

des pertes de substance très étendues. Une habitude assez curieuse

est celle d'un aliéné qui présentait le phénomène de la mouche

volante et qui, bien que convaincu qu'il s'agissait d'une simple

illusion, ne pouvait retenir un geste de défense comme pour faire

détourner une mouche menaçant son front.

M. Pierret (de Lyon). Parmi les problèmes très complexes

que suscite la question des tics, il en est un, celui de l'état mental

dss tiqueurs, à propos duquel je désire présenter quelques courtes

considérations, parce que la solution que lui ont donnée MM. Meige

et Feindel et M. Noguès est en opposition avec les résultats de mes

observations.

D'après ces trois auteurs, les tics ne seraient qu'une des mul-

tiples manifestations de la dégénérescence mentale. C'est en vérité

se payer de mots. Je me suis déjà expliqué à différentes reprises

sur le rôle tout à fait exagéré, selon moi, qu'on a prétendu faire

jouer à la dégénérescence dans le développement des psychopa-

thies et à plus forte raison dans'celui des états convulsifs auxquels

il convient. de rattacher les tics. J'ai exposé, dans un travail publié

en 1896 par la Semaine Médicale, la pathogénie de ces états con-

vulsifs ; je n'y reviendrai donc pas, et je me bornerai à dire que

les tics, comme vient de le faire remarquer M. Joffroy, ne sont au

fond que l'expression mimique d'un trouble psychosensoriel. La

mimiqne est le type le plus parfait des réflexes corticaux résultant

des émotions. ,

Chez l'être sain d'esprit, maître de lui, les gestes, les actes

mimiques sont le plus souvent limités par le sentiment de ce qu'on

appelle les convenances ; mais chez les aliénés les choses se passent

différemment : tout entiers à leurs idées délirantes, ils se livrent à

une mimique effrénée qui, par la monotonie de ses retours, ferait

penser à des actes automatiques sous-corticaux, si cette gesticula-

tion outrée ne restait en parfaite concordance avec le caractère

propre du trouble mental. Tant que cette concordance existe, on ne

peut pas dire qu'il y ait tic. 11 n'est légitime d'employer ce mot

qu'au moment précis où la conscience du malade périclite défini-

tivement par altération des neurones. Cette diminution de la cons-

cience, dérivant d'un processus démentiel, me parait nécessaire

pour réaliser définitivement, pour stéréotype]', comme on l'a dit

justement, certaines expressions mimiques des actes délirants.

L'abolition de la conscience se voit aussi dans les syndromes

convulsifs et particulièrement dans l'épilepsie ; le mécanisme en est

toutefois différent : c'est de l'inhibition. Certains tics psychiques.

véritables équivalents de convulsions musculaires, des lubies tou-

jours les mêmes, des mots singuliers répétés hors de propos avec

Archives, 2* série, t. XIV. 13

274 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'acharnement propre aux convulsivants, ne sont en réalité que des

modalités de l'épilepsie larvée. Ces considérations font bien com-

prendre pourquoi, par une sorte d'instinct, derrière un grand

nombre de tics psychiques, de répétitions mimiques monotones,

nous devinons un je ne sais quoi de spasmodique ; à vrai dire,

quand nous employons ces mots de spasme ou de convulsion,

nous savons bien ce que nous désignons, mais nous n'en connais-

sons guère le mécanisme : j'ai cependant montré que, dans beau-

coup de cas, ces phénomènes convulsifs, spasmodiques, psychiques,

etc., étaient dus à des rappels, d'oiigiiie toxique ou infectieuse,

d'anciennes lésions cérébrales.

Par opposition à ces deux cas et pour montrer combien ce même

accident, qui cause de graves complications, peut aussi rester

inoffensif, je citerai le cas d'un jeune homme très mondain, dégé-

néré, instable et mysogyne qui, très préoccupé de sa tenue ,en

public, affrontait néanmoins les bals et les dîners les plus nom-

breux et y étalait une gymnastique de clignotement effrénée sans

en éprouver le moindre malaise.

M. Bérillox. Les malades qui demandent le secours de

l'hypnotisme ont essayé tous les autres traitements et c'est devant

l'impuissance de ces médications qu'ils viennent à nous, et le suc-

cès leur donne souvent raison. Mais hypnotiser ces personnes

n'est pas toujours chose facile; il faut de l'entrainement person-

nel et beaucoup de patience. Il y a des malades chez lesquels je

n'ai pu obtenir le sommeil qu'à la septième ou huitième séance.

Je suis convaincu que les insuccès sont dus au manque d'entraine-

ment ou de patience des opérateurs. - ,

M. Bouhneville rapporte une observation type de maladie des lies

que nous publierons prochainement. Elle vient à l'appui des idées

de M. Pitres, notamment en ce qui concerne la suspension de la

coprolalie, en présence du médecin ; de la suspension du tic pen-

dant le chant. M. Bourneville rappelle aussi les bons effets de la

gymnastique respiratoire sur les tics, sur le déceloppvmcnt de la

parole et la correction des défauts de prononciation.

La correction des tics ; le contrôle du miroir.

M. Henry Meige (de Paris). La majorité des tiqueurs sont

capables d'exécuter convenablement un mouvement bien défini

dans leur esprit et commandé par un ordre précis, comme : met-

tez le bout de votre index sur le bout de votre nez. Mais lorsqu'on

leur dit de prendre telle ou telle attitude du corps ou des membres,

dans un grand nombre de cas, on remarque qu'ils n'ont pas une

notion exacte de leurs attitudes. Alors qu'ils croient se bien tenir,

si l'on vient à placer devant eux un miroir, ils sont tout surpris

SOCIÉTÉS SAVANTES. , 275

de l'incorrection de leur position. Cependant leurs actes moteurs

volontaires sont corrects, et ils ne semblent avoir aucun trouble

des sensibilités cutanée, musculaire, articulaire, osseuse. Mais ils

n'ont pas une notion exacte de leurs attitudes segmentaires, ce

qui tient, sans doute, à l'imperfection de l'appareil cortical chargé

de recevoir et de coordonner les impressions venues de la périphé-

rie. Ce fait clinique comporte un enseignement pratique : dans le

traitement des tics, qu'il s'agisse de faire observer l'immobilité

absolue, de faire exécuter des mouvements méthodiques ou des

exercices respiratoires, en règle générale le sujet sera placé devant

un miroir. Il faut qu'il puisse contrôler parle secours de la vue les

incorrections de ses attitudes et de ses gestes. De la sorte, il fait

beaucoup plus aisément les corrections nécessaires et prend peu à

peu l'habituée de viser la « suppression des actes automatiques

inutiles », ce qui est, comme l'a dit M. Brissaud, la meilleure dis-

cipline motrice qu'on puisse appliquer aux tiqueurs.

Il faut aussi analyser leurs tics devant eux, et leur apprendre à

- reproduire volontairement et très lentement les mouvements élé-

mentaires dont ils se composent. Le jour où un tiqueur est capa-

pable d'imiter à volonté son tic, il est aussi capable de l'enrayer

volontairement. L'emploi du miroir parait à tous égards recom-

mandable. Les tiqueurs exerçant un contrôle insuffisant sur leurs

actes moteurs, on ne saurait assez multiplier les moyens de per-

fectionner leur éducation en vue d'améliorer ce contrôle. Bien les

instruire dans cette voie c'est bien les soigner : Il faut, par tous les

moyens possibles, apprendre aux liqueurs à se guérir.

Démence épileptique précoce.

M. J. Voisin lit trois observations nouvelles de démence épilep-

tique, paralytique, spasmodique, infantile. Parmi ces observations

deux sont relatives à des enfants de dix à douze ans, la troisième

est celle d'une adolescente de dix-neuf ans. Il fait le diagnostic

différentiel avec la démence précoce simple, la paralysie générale

progressive et les idiots épileptiques. Ces observations viennent

s'ajouter à celles que M. Voisin a déjà rapportées dans son livre

sur l'épilepsie et au Congrès de 191)0.

Fixation du prochain Congres.

A la fin de la séance, M. Ballet, chargé d'étudier la proposition

d'un secrétariat général permanent des Congrès fait son rapport.

111. BouaIaEVrr.r. fait remarquer qu'il y aurait peut-être lieu, pour

la bonne organisation des Congrès et surtout pour la publication

des comptes rendus, d'avoir un secrétaire général permanent et

un secrétaire général annuel. Celui-ci, serait chargé de tout ce qui

276 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

concerne l'organisation du Congrès dans la ville où il se réunit,

tâche déjà lourde et toujours délicate et que, seul, par ses rela-

tions, il peut bien remplir. Il serait facile de préciser les attribu-

tions de l'un et de l'autre.

Le maintien du statu quo est voté. -

La ville de Bruxelles est choisie pour siège du prochain Congrès,

dont le bureau sera ainsi composé : Président, M. FBANCOTTE, de

Liège; vice-présidents, MM. Morel et LENTZ; secrétaire général,

M. Crocq.

Les rapports suivants devront y être présentés : 1° Traitement de

l'agitation et de l'insomnie dans les maladies mentales. Rapporteur : "

M. Trenel ; 2° Histologie de la paralysie générale. Rapporteur :

M. Ir.irrrr,; 3° Question d'administration des asiles et d'assistance

à déterminer par le comité belge. Rapporteur : M. Claus.

. Le Banquet.

Le Banquet officiel du Congrès a eu lieu le samedi soir à l'hôtel

Primat-Thibaud et a réuni plus de 100 congressistes.

Des toasts nombreux ont été prononcés par M. le préfet de

l'Isère, M. le président Régis, M. Crocq, de Bruxelles, M. Bonnet,

secrétaire général ; M. Marie, vice-président, MM. Doutrebente et

Obrégia.Le banquet a été suivi d'un concert improvisé où les

congressistes ont eu le plaisir d'entendre de nombreux artistes

distingués. 1-0 Bonnet, femme du sympathique secrétaire du

Congrès, a été particulièrement applaudie dans « Lohengrin », la

romance de « Nadir », de Bizet, et de vieilles chansons dauphi-

noises.

Excursion à la Mure et à Uriage. ·

Le dimanche 3 août, a eu lieu une très belle excursion à La Mure

avec, retour par Uriage, où les 80 Congressistes, que conduisait

M. Marie, vice-président, ont reçu le meilleur accueil à l'Etablisse-

ment thermal et au Casino. Personnellement, nous remercions

M. le Dr DRON, M. le De Chatin et M. le Directeur du Casino de

l'obligeance qu'ils ont mise à nous faire visiter l'étublissement

thermal, fort bien installé, le casino, le théâtre et le parc. Nos lec-

teurs peuvent envoyer à Uriage leurs clients en toute sécurité. Ils

y trouveront des installations balnéaires et hydrolhérapiques con-

l'ortables, des distractions variées et des excursions admirables.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 277

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 15 avril 1902.

M. Bérillon. Note sur un tic de l'épilation généralisé.

M. liEIGNIER (de Surgères). L'hypnotisme et la liberté.

'Séance du 20 mai 1902.

M. de Coynard. Une' sorcière au YV77/" siècle : Marie-Anne de la

Ville (1680-172a). M. Henry Leuesle. Les Saint-Suaires.

M. Paul FAREZ. Interprétation de quelques rêves soi-disant

prophétiques.

Séance annuelle du 17 juin 1902.

, Présidence de M. Jules Voisin

Action vasomolrice de la suggestion : guérison des verrues.

11. 11,EBERLIN (de Hambourg) rapporte plusieurs cas de verrues

guéries par des procédés populaires, superstitieux ou empiriques,

tels que attouchements, prières, etc.

M. Paul FArtEZ. Ces diverses recettes n'ont aucune efficacité en

elles-mêmes ; elles agissent par suggestion indirecte, à la faveur

de la confiance que le porteur de verrue accorde aux dits remèdes.

La preuve en est que, sans aucun attouchement, la suggestion

hypnotique fait disparaître les verrues. Témoin le cas dont je vous

soumets les épreuves photographiques : celles-ci suivent pas à pas

le processus suivant lequel la verrue arrive à disparition complète.

Quatre séances de suggestion hypnotique ont eu raison d'une

verrue qui datait de deux ans.

M. Bérillon. Une femme de Lausanne a guéri un nombre consi-

dérable de verrues, en les touchant avec la chemise d'une femme

qui venait d'avoir ses règles. Bonjour (de Lausanne) les guérit

couramment par un attouchement quelconque après avoir bandé

les yeux du sujet. Gibert (du Havre) les guérissait par intimidation.

Moi-même par l'hypnotisme j'ai obtenu une dissociation curieuse :

chez un individu porteur de verrues aux deux mains, j'ai par

suggestion supprimé les verrues de la main gauche, tandis que

les verrues de la main droite sont restées intactes.

M. Macets (d'Athènes). En Grèce, on obtient de semblables

278 SOCIÉTÉS SAVANTES.'

guérisons en récitant des prières consacrées; mais il est indispen-

sable que cela se passe le soir de la pleine lune.

M. LEL'IVA7. Les empiriques de nos campagnes guérissent les

verrues non seulement chez les humains, mais aussi chez les ani-

maux par des prières spéciales, des attouchements, des piqûres

avec des épines spéciales. -

M. Paul Magnin. Les verrues qui guérissent le plus aisément par

la suggestion sont celles qui saignent très facilement, c'est-à-dire

les plus vasculaires. Si l'on se rappelle que la suggestion produit

tous les degrés de la rubéfaction jusque et y compris la vésication,

on comprendra qu'elle réalise des actions vasomotrices suffisantes

pour provoquer la disparition des verrues. ·

Appareil vibrateur destiné à favoriser l'hypnose.

M. Bérillon. Avant de faire des suggestions (idéoplastie), il faut

réaliser l'hypotaxie, c'est-à-dire rendre le sujet apte à recevoir

la suggestion. L'appareil très simple que je vous présente facilite

l'hypnotisation en désarmant le sujet et en brisant ses résistances.

En outre, il met en branle le casque vibrant de Charcot et certains

autres trembleurs qui se montrent très efficaces dans le traitement

d'accidents neurasthéniques, de paralysies, d'anesthésies, etc.

M. Paul Il y a plus de vingt ans, j'ai démontré qu'on

pouvait obtenir des effets esthésiogènes avec toutes les excitations

, périphériques à la condition qu'elles fussent intermittentes et pro-

longées. Mes conclusions reposent sur trois ou quatre cents obser-

vations ou expériences poursuivies pendant plusieurs années.

L'appareil de M. Bérillon offre un dispositif très pratique pour

faire disparaître des anesthésies et les troubles nerveux qu'elles

conditionnent.

Ilypcracuilé sensorielle et analgésie chez les nègres soudanais.

. lli. Damuglou (de Constantinople) rapporte les curieuses obser-

vations qu'il a faites pendant son séjour au Soudan égyptien. Les

nègres de ce pays devinent la présence d'un puits situé à deux ou

trois heures de marche ; même à cette distance ; ils sentent l'odeur

des troupeaux qui avoisinent le puits. En considérant l'empreinte

des pieds nus sur le sable, ils savent dire s'il s'agit d'une per-

sonne jeune ou vieille, qui porte ou ne porte pas de fardeau, d'un

homme ou d'une femme, vierge, mariée, avec ou sans enfants.

Les voleurs sont amputés de l'avant-bras ou de la jambe en pleine

place publique en présence d'un grand concours de peuple; ils

subissent ces mutilations avec une impassibilité complète qui est

l'effet d'une autosuggestion volontaire comme cela se passait pour

les stoïciens et les martyrs chrétiens.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 579

Un cas d'hystéro-épilcpsie datant de trois ans, guéri en une

seule séance.

M. Le Menant des CiiEsNAis. A la suite d'un violent chagrin, une

jeune fille de dix-huit ans est prise de crises convulsives avec perte

de connaissance; elles viennent surtout le soir quand il y a eu des

contrariétés dans la journée ; elles augmentent vite de fréquence et

finissent par se montrer tous les jours. Elles ont complètement

disparu après une seule séance de suggestion hypnotique.

Pseudo-coxalgie suggérée par le milieu familial.

M. Paul FANEZ. Un enfant de quatre ans va faire une longue

promenade avec son père ; il retient un peu fatigué, en traînant

la jambe gauche. Son père et sa- mère, affolés, se lamentent,

craignant qu'il s'agisse d'une coxalgie. La nuit se passe. Le lende-

main, l'enfant est incapable de faire aucun mouvement dans son

lit ; le moindre attouchement lui fait pousser des cris perçants.

Intoxiqué, pour ainsi dire, par la croyance qu'il a une coxalgie, il

en réalise inconsciemment la symptomatologie en l'exagérant, du

moins en ce qui concerne la sensibilité et la motricité. Il me suffit

de distraire l'enfant, de capter son attention, de lui raconter une

histoire amusante ; pendant ce temps, j'arrive à palper tout son

membre inférieur gauche sans qu'il s'en aperçoive, puis à provo-

quer toutes sortes de mouvements de flexion, d'extension, d'abduc-

tion, et d'adduction sans provoquer la moindre douleur. Je le fais

lever, je l'habille et il m'accompagne parla main jusqu'à laporte de

l'appartement, puis se met à jouer avec ses frères et soeurs. Cet

enfanta une suggestionnabilité exagérée : ses parents lui deman-

dent-ils s'il n'éprouve pas une douleur à tel endroit déterminé,

aussitôt il l'éprouve réellement. Plusieurs fois il a donné à sa

famille de sérieuses inquiétudes. Quand j'arrive, il me suffit de

palper et de masser légèrement la région soi-disant malade, en

affirmant que la douleur a disparu et celle-ci, en effet, est suppri-

mée. La suggestion est une arme à deux tranchants. Les parents

exercent souvent, au point de vue suggestif, une influence néfaste

sur leurs enfants ; ils manquent de calme et d'empire sur eux-

mêmes. D'une manière générale et surtout en pathologie nerveuse,

il est souvent indispensable de soigner d'abord la névropathie du

milieu familial, en particulier celle du père et de la mère ; à cette

condition seulement, l'enfant peut être amélioré ou guéri.

Recherches sur la tension artérielle chez, les hypnotisées.

M. Bérillon présente des tracés sphygmographiques desquels il

résulte que l'hypnotisme peut réaliser d'un bras à l'autre le trans-

280 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

fert de l'hypo ou de l'hypertension artérielle d'une manière générale,

la tension artérielle varie, suivant qu'on la mesure avant, pendant

ou après le sommeil hypnotique. Cette modification de la tension

artérielle est un signe objectif indéniable de la réalité de l'hyp-

notisme.

Un cas de paraplégie guéri par la suggeslion.

M. Stembo (de Milan) rapporte un cas de paraplégie traité d'abord

par l'électricité, la gymnastique, les bains hylro-électriques ; on

n'avait obtenu qu'une amélioration. La guérison ne survint que

lorsqu'on eut recours à la suggestion hypnotique.

Considérations sur l'hystérie.

M. Paul Joire (de Lille). Les recherches microscopiques n'ont

appris rien de précis sur l'hystérie. En supposant que les prolon-

gements appendiculaires des neurones soient modifiés dans un

certain sens, faut-il y voir la cause ou seulement la conséquence

de l'hystérie ? A côté de l'anatomie pathologique qui cherche a

déceler la lésion organique, il y a la physiologie et la psychologie

pathologiques qui nous révèlent des troubles dynamiques du sys-

tème nerveux. L'hystérie se traduit par une modification de l'équi-

libre. normal telle que l'activité ou le potentiel du système nerveux

se trouve diminué sur certains points et augmenté sur d'autres au

détriment des premiers, sans qu'il y ait en réalité augmentation ni

diminution absolue dans le total de l'activité nerveuse disponible.

Le traitement de l'hystérie a pour but de rétablir l'équilibre détruit.

La cause des phénomènes hystériques.

M. Delius (de Ilanovre). Ce sont des influences psychiques qui,

le plus souvent, font apparaître les symptômes somatiques de l'hys-

térie. Les émotions, la peur, la foi, la crainte, les rêves, provoquent

des dissociations : certains centres sont frappés d'inhibition, d'autres

de dynamogénie. La suggestion répare tous ces désordres, témoin

les cas suivants dont l'observation est rapportée par l'auteur :

toux nerveuse, aphonie hystérique, astasie, abasie, ptosis, spasmes

musculaires, parésie, paralysie, diarrhée nerveuse, pollakiurie.

Les troubles somatiques et psychiques de l'hystérie.

M. Tesdorpf (de Munich). On a tort de considérer à part les

troubles somatiques et les troubles psychiques de l'hystérie et de

considérer cette dernière tantôt comme une maladie nerveuse,

tantôt comme une maladie mentale. C'est une maladie psychique,

ainsi que le montrent l'analyse clinique et l'expérimentation pyscho-

logique. La médecine psychologique française en particulier, sous

l'impulsion de Charcot, a contribué à montrer qu'il s'agit surtout

varia. 281 1

de troubles d'association. La psychologie a rendu à la médecine le

double service de pénétrer la nature intime de l'hystérie et de

donner un traitement des troubles même somatiques pour lesquels

se manifeste cette dernière. Le médecin de maladies nerveuses ne

peut plus se dispenser d'être psychologue.

Communications diverses.

M. Jules Voisin. Incontinence d'urine et hystérie.

M. Paul Contractures et hyperexcitabilité neuromuscu-

laire chez les hystériques hypnotisables.

M. AR.1GON. Une théorie pathogénique du doute.

M. Félix IFG : 1GL'r. Les caractères chez les monstres doubles.

M. Bellemanière. Diverses formes de l'attention chez l'enfant.

M. Lepinay. L'hypnotisme chez le cheval.

M. Caustier. Sur la méthode en psychologie zoologique.

VARIA.

Congrès international DE l'assistance DES aliénés ET spécialement

de leur assistance familiale.

(.4nvers, I-i seplenzbre 190 ).

Au dernier Congrès International de l'Assistance familiale, tenu

à Paris en octobre icJ0l, la section psychiatrique dut constater que

le travail considérable qu'elle venait d'entamer ne pouvait être

mené à bonne fin que par la constitution indépendante d'une nou-

velle session, où les problèmes pourraient être soumis à un examen

plus approfondi. Cette nouvellle session aura lieu du premier au

sept septembre prochain, à Anvers. Elle sera consacrée à l'étude

de l'assistance des aliénés et spécialement de leur assistance familiale.

L'asile fermé est actuellement le principal mode d'assistance des

aliénés. Le nombre de ceux-ci est trop élevé pour qu'on puisse

songer à les placer tous autrement. Du reste, beaucoup d'entre eux

ont besoin d'un traitement régulier et d'une surveillance suivie,

1 Sous la présidence d'honneur de 11. Van den Ileuvel, ministre de

la Justice, et la vice-présidence d'honneur de MM. J. Lejeune, ministre

d'État, ancien ministre de la Justice, Comte de Mérode-Westertoo, séna-

teur, ancien ministre des Affaires Étrangères, V. Begerem, membre de

la Chambre des Représentants, ancien ministre de la Justice, Petit de

Thozée, gouverneur de la province de Liège. Frédégand Gogels, gouver-

neur de la province d'Anvers, Jan van Rijswijck, bourgmestre de la ville

d'Anvers.

82 VARIA.

que l'asile fermé est seul capable de leur fournir. Aussi ces refuges

ne se comptent-ils plus; on en construit de nouveaux tous les jours.

L'on agrandit ceux qui existent; on les modifie dans leur forme

extérieure : on construit des quartiers indépendants, des cottages,

des fermes-asiles, des colonies de travail. Le régime intérieur a été

adouci : on donne aux malades des occupations, des distractions,

des fêtes, un plus grand degré de liberté, des sorties à litre d'essai ;

pour quelques-uns mêmes les portes restent ouvertes. Ce sont là

les signes d'une louable tendance à se rapprocher de la vie sociale.

Gheel, où des centaines de malades jouissent depuis des siècles

de la liberté et de la vie de famille, Gheel fut considéré longtemps

comme une simple curiosité, un singulier village.

L'exemple de l'Ecosse, qui applique depuis de longues années

l'assistance familiale à de nombreux malades, ne trouva pas d'imi-

tateurs. Une croisade passionnée, dont le docteur Baron Mundy

fut le Pierre l'Ermite, ne réussit pas à fixer d'une manière durable

l'attention des médecins et des administrateurs, et l'internement

des aliénés resta la règle générale.

Le flot de la folie montant toujours, on se trouva, en face de

l'encombrement général, avec tous ses inconvénients. 11 fallut s'im-

poser de nouveaux efforts. Les dépenses augmentaient, menaçant

l'équilibre des budgets.

On finit par se dire qu'il y a des malades qui ne sont pas dan-

gereux, qui n'ont besoin ni d'un traitement, ni de soins spéciaux,

et qui ne demandent qu'a vivre dans la société. Depuis vingt ans,

des essais d'application du patronage familial se font un peu partout.

La Belgique a reproduit à Lierneux le modèle de la colonie de

Clicel ; la Russie est depuis longtemps ralliée au système ; la France

a fondé les colonies de Dun-sur-Auron et d'Ainay-le-Chateau; la

Prusse construit des Asiles spéciaux auxquels elle annexe des

colonies; des pays limitrophes se préparent à l'imiter ; l'Autriche

a mis pratiquement ce système à l'étude; la Ilollamle entre, timi-

dement encore, dans la voie, et l'Amérique du Nord continue des

expériences qui sefont dans les conditions les plus désavantageuses.

Le patronage familial des aliénés fait donc sa trouée ; il prend

la place à laquelle il adroit comme mode particulier d'assistance.

C'est bien le moment de provoquer une réunion de tous ceux qui

s'intéressent à la question.

On pourrait croire que le sujet est trop restreint pour fournir delà

matière aux discussions d'un congrès spécial; mais ses limites sont

plus étendues qu'on pourrait se l'imaginer. Quelle est la valeur de

* l'assistance familiale au point de vue scientifique, humanitaire,

financier ? Quels sont les malades appelés à en bénéficier ? Comment

doit-on s'y prendre pour fonder, pour organiser administrative-

ment, scientifiquement de nouvelles colonies ? Où trouver, comment

former les populations qui se chargeront de soigner les aliénés ?

VARIA. 283

L'assistance familiale embrasse aussi les malades qui sont soi-

gnés dans leurs propres familles avec ou sans surveillance des

autorités. Car, s'il y a certainement des aliénés qu'on enferme sans

nécessité, il y en a dont l'internement est désirable. Ce côté de la

question intéresse non seulement les familles elles-mêmes, mais

aussi les législateurs et les autorités judiciaires ; c'est le cas, par

exemple, pour la Belgique, où les juges de paix ont à visiter les

aliénés séquestrés à domicile dans leurs cantons. `

Il est impossible d'examiner le régime des colonies sans toucher

directement au régime des asiles fermés. C'est pour cette raison

que la commission organisatrice s'est cru autorisée à étendre le

programme du congrès. Tout en portant spécialement son atten-

tion sur l'assistance familiale, elle n'a voulu exclure aucune des

questions qui peuvent intéresser l'assistance des aliénés en gé-

néral.

L'utilité de notre congrès ressort donc du son actualité, ainsi que

du nombre et de l'importance des questions que soulève l'étude du

patronnage familial ; aussi espérons-nous que les médecins en géné-

ral, les hommes de loi, les philanthropes, assisteront en grand

nombre à ces assises consacrées à l'étude des intérêts les plus éle-

vés de la science et de l'humanité. 11 ne s'agit pas d'établir la supé-

riorité de tel ou tel système, mais de prendre partout ce qu'il y a

de bon et d'en faire profiter les aliénés. -

Le comité d'organisation.

Les Aliénés EN liberté. -

Tué par un /OK dans un train. Un crime a été commis dans

le train express de Paris à Lille, parti hier soir de Paris,à huit

heures. Plusieurs voyageurs avaient pris place dans un wagon de

20 classe à couloir. Parmi ces voyageurs se trouvaient un M. Four-

nier, avoué à Bétliune, accompagné de sa femme, et un individu

paraissant ne pas jouir de ses facultés intellectuelles.

. Les deux hommes se trouvaient dans le couloir du wagon, lors-

que, à un moment donné, aux environs d'Albert, M. Fournier

voulut aller rejoindre des amis dans un compartiment. Le fou

l'empêcha de passer. M. Fournier insista. Alors le fou sortit un

revolver de sa poche et tira à bout portant sur son interlocuteur

qui, atteint à la tête, tomba foudroyé. Les autres voyageurs se pré-

cipitèrent et désarmèrent le meurtrier. (Le Temps, 2î niai,1902.)

Un /'ou à l'Elysée. Hier soir, à six heures, au moment où le

président de la République allait rentrer à l'Elysée, un individu

qui venait de franchir la grille du palais présidentiel fut arrêté par

les gardiens : : -Je veux, leur dit-il, présenter un placet àDI. Loubet.

Conduit au commissariat de police de la rue d'Astorg, cet indi-

284 ' VARIA. ,

vidu, qui paraissait très exalté, a déclaré se nommer Léonard

Blanc, âgé de quarante-deux ans, demeurant 4, impasse Maubert.

Ancien employé révoqué de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerra-

née, il voulait, disait-il, obtenir justice du chef de l'Etat. M. Be-

louino, commissaire de police, a fait conduire Blanc à l'infirmerie

spéciale du Dépôt. (Le Temps, du zig mai 1902.) ·

Rue de Rome, la dame Neukery, quarante ans, atteinte de

folie, a tout brisé dans sa chambre et après avoir mis le feu s'est

pendue. On a éteint rapidement l'incendie, mais la pauvre folle est

morte. (Le Bonhomme Normand du 27 septembre au 3 octobre 1901).

Une séquestration. On mande de Tarbes : le parquet de Ba-

gnères-de-Bigorre vient de se transporter à Devèze, près Castelnau-

Magnoac, où depuis dix ans une pauvre folle, Armandine Sabathie,

âgée de quarante ans, vit dans son ht enchaînée. Elle déclare

avoir été ainsi torturée par sa soeur et son beau-frère. Une fois elle

avait voulu vainement briser son attache, une grosse chaine à boeufs

solidement fixée à un poteau près du lit ; depuis elle souffrait sans

se plaindre. D'après l'examen médical, cette malheureuse séques-

trée serait une hystérique inoffensive. (Le Temps, 9 juin 1902.)

Empoisonnements multiples par une aliénée. On mande de

Narbonne, qu'une femme rrauconal, de Montredon, qui avait

perdu la raison à la suite d'un accident dans lequel un de ses

enfants, âgé de quatre ans, avait été écrasé par une charrette, a

versé du poison dans la soupe que devait consommer la famille.

Elle est morte ainsi qu'une de ses fillettes; son mari et un autre

enfant sont dans un état désespéré; on conserve quelque espoir de

sauver une cinquième victime. (Le Temps du 5 mars 1902.

Comzeville-szz·-Ilisle. Incendie. Lundi, vers deux heures

du matin, le feu s'est déclaré dans une chaumière située au

hameau du Bocage, commune de Corneville-sur-Itisle, et apparte-

nant à 11m veuve Postel. Cette chaumière était habitée par une

pauvre fille, Séraphine Renard, âgée de cinquante-cinq ans, con-

nue dans le pays sous le surnom de La Fouette, parce qu'elle avait

depuis longtemps perdu la raison et était atteinte d'une folie douce

et inoffensive. Cette infortunée recevait des secours de la commune

qui assurait son logement; mais elle vivait surtout de la charité

des voisins. Elle avait l'habitude de passer une partie des nuits

dehors, errant dans les champs et ramassant quelques provisions

ou du bois. Par pitié, on fermait les yeux sur ces maraudages

insignifiants.

On suppose qu'au retour d'une de ces tournées nocturnes, la

pauvre lille aura allumé du feu pour se réchauffer et se sécher.

Du bois, entassé dans le grenier, se sera enflammé par suite d'une

fissure de la cheminée, et la chaumière, en quelques instants, a

VARIA. 285 5

été complètement embrasée. La fille Renard n'a pas reparu ; on

craint qu'elle n'ait été surprise et que son cadavre ne soit enseveli

sous les décombre. (Progrès de l'Eiii,e, 7 mars 1902).

Ce fait s'ajoute à ceux que nous avons publiés pour mon-

trer les dangers de laisser sans surveillance les aliénés même

inoffensifs. Cette malheureuse, isolée, aurait dû être placée

à l'asile d'Évreux, où l'on trouve des places pour les aliénés

de la Seine et non pour les aliénés du département même.

Le nommé Jean Minodier, tanneur à Annonay, route de Levert,

a été pris le 19 février d'un accès de folie furieuse et s'est jeté sur sa

femme, qui se trouvait près du berceau de leur jeune enfant, âgé

de trois mois. Après avoir assommé la malheureuse d'un coup de

massue, Minodier s'est porté à la gorge plusieurs coups de rasoir,

puis s'est jeté par une fenêtre du deuxième étage dans la rue.

Minodier donnait depuis quelque temps des signes de dérangements

cérébraux et avait dû cesser tout travail. Sa femme, âgée de trente-

six ans, était depuis quelques jours en traitement à l'hôpital à la

suite de ses couches.

Hier soir Minodier, alla chercher sa femme à l'hôpital et ils ren-

trèrent ensemble à leur domicile. Vers six heures, les voisins

entendirent des coups sourds qui provenaient du logement des

époux Minotier. En même temps, l'ainé des enfants sortait, en

disant : Je crois que papa vient de tuer maman.

On alla chercher la police. Dans la cuisine une large trace de sang

allait jusqu'à la porte de la chambre à coucher. Sur la table, une

bouteille de vin et des verres témoignaient que les époux Minodier

avaient dû boire ensemble.

Dans la chambre à coucher, la femme Minodier était étendue

sur le lit, le crâne fracassé en plusieurs endroits ; elle avait été frap-

pée avec un marteau qu'on a rétrouvé-au milieu de la chambre.

Sur le parquet, Minodier gisait dans une mare de sang, ayant une

large blessure au cou, faite avec un rasoir. Quand la police entra,

le meurtrier se releva et, ouvrant la fenêtre, se précipita du deu-

xième étage dans la rue. Un fil téléphonique amortit sa chute et

Minodier ne se fit que des blessures légères en tombant sur le sol,

Les deux blessés ont été transportés à l'hôpital, où la femme Mi-"

nodier est morte ce matin. (Le Temps du 21 février 1902.)

, Drames DE l'alcoolisme.

Jean Talbot, cinquante-sept ans, garde particulier à Yseure

(Allier), a tiré, étant ivre, un coup de fusil sur sa femme qu'il a

atteinte grièvement, puis il a voulu tuer, d'un coup de couteau, sa

fillette de onze ans que des voisins ont sauvée. (Bonhomme Normand

du 12 au 18 juillet.)

286 VARIA.

Une brûle. Il y a quelques jours le nomme Louis Trémois,

vingt-huit ans, cultivateur à Manneviile-la-Raoult, près Honfleur,

se trouvait, étant ivre, chez la dame Maillard, cultivatrice au même

lieu. A la suite d'une discussion, Trémois sortit dans la cour, sai-

sit un âne qui s'y trouvait et lui enfonça les doigts dans les orbites

avec une telle, force que le malheureux animal est aujourd'hui

aveugle. Plainte a été portée (Bonhomme normand, du 8 et 14 août).

Nous avons observé un idiot qui plaçant ses doigts en fourche,

les enfonça dans lès orbites d'un infirmier qui perdit l'un des

yeux. Il appelait cela faire la fourche.

A Cannes, un Italien, Voila Dalmasso, se trouvant en état

d'ivresse, a allumé une cartouche de dynamite dans la cour de la

maison Giraud, habitée par 100 personnes. L'explosion a brisé

toutes les vitres de la maison, causant un vif émoi. Une deuxième

cartouche plus forte, et qui était déjà allumée, put être éteinte.

Dalmasso, qui a pris la fuite, est recherché. (Indicateur de Cognac,

du 23 mars 1902.

LE jubilé DE KitAFFT-EliING A Vienne.

Mardi dernier, 11 mars, on a fêté à Vienne le trentième anniver-

saire de professorat du célèbre psychiatre Krafft-Ebing qui le

même jour a quitté la carrière professorale. Son ouvrage la Psy-

chopathie sexuelle est classique; il se traduit dans toutes les langues,

il en est à sa onzième édition allemande. Krafft-Ebing s'est en

effet surtout adonné à l'étude des perversions sexuelles d'origine

psychiques, il a jeté dans ce domaine autrefois obscur une vive

lumière. Et là comme partout, la science a fait oeuvre de bonté : -.

elle a brisé les chaînes dont on accablait les fous; elle a délivré de-

l'opprobre les criminels irresponsables; elle a fait justice des châ-

timents infligés autrefois aux syphilitiques ; elle lève, grâce à

Kren't-Ebing, l'opprobre qui pèse sur les pervertis sexuels, montrant

en eux des malades. Moins de châtiments, plus de traitement

et plus de pitié, telle est l'oeuvre bienfaisante de la science médi-

cale partout où elle passe.

Krafft-Ebing est un clinicien et un orateur remarquables : son '

habileté à interroger les aliénés, la facilité avec laquelle, par la

seule persuasion, il provoque les confidences de ceux qui jusqu'alors

ont résisté à tous les interrogatoires, sont extraordinaires. Il a

formé nombre d'élèves éminents. Ceux qui l'ont entendu gardent

de son enseignement un souvenir inoubliable. (Journal d'accouche-

ments, de Liège, 30 mars 1902.)

, LES aliénés dans les familles.

Sous ce titre : Dix-sept aiis clans une cage, le Réveil du Dauphine

publie le fait suivant d'après une dépêche de Stockolm du 2 août :

FAITS DIVERS. 287

En Suède, où le nombre des maisons de santé est très restreint,

on a l'habitude de placer des aliénés en pension chez des familles

qui habitent la campagne. Cet usage a bien des inconvénients.

A Ualsland, les autorités ont, par hasard, découvert une pay-

sanne aliénée qui, depuis dix-sept ans, était enfermée dans une

vaste cage faite de palissades en bois. On ne lui permettait même

pas d'en sortir pour une courte promenade. La pauvre malade est

mariée, appartient à une famille qui vit dans l'aisance et qui

l'avait placée en pension chez ces tortionnaires. La justice ouvert

une enquête. - '

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et le D'BEtr ? r,

directeur médecin à Breuty (Charente) promu à la classe excep-

tionnelle du cadre à dater du ler octobre 1902. M. le De Mignot,

chef de clinique de pathologie mentale et des maladies de l'encé-

phale à la Faculté de médecine de Paris est nommé médecin-adjoint

à l'asile d'aliénés d'Auxerre en remplacement de M. le D'' Bonne,

nommé à t3raqueville (Haute-Garonne), poste créé.M. le DrToY,

médecin-adjoint à l'asile de Braqneville (Ilaute-Garonne), est promu

à la classe exceptionnelle du cadre. M. le Dr Ameline, médecin-

adjoint (concours de Paris) nommé médecin-adjoint) à la colonie

familiale de Dun-sur-Auron (Cher) poste créé. Arrêté du 23 août

1902. 1° M. le Dr Ameline, médecin-adjoint à la colonie familiale

de Uun-sur-Auron (Cher) est nommé à la 2° classe du cadre.

2° M. le D JAcQuiN, médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de

Bordeaux, est promu à la ire classe du cadre à partir du le, no-

vembre 1902.

Asile D ? 1,FNÇOK. Avis. Une place d'interne sera

vacante le 1er septembre 1902, à l'Asile public d'aliénés d'Alençon.

Maximum de scolarité : 12 inscriptions de doctorat. Avantages :

800 francs, logement, nourriture, chauffage, éclairage, blanchis-

sage. Adresser les demandes au Dr Anglade, directeur, médecin en

chef.

Un sorcier maltrahé. Le nommé Bertrand, cantonnier à

Beauvais (Tarn), passait pour sorcieret jeteur de sort. L'autre soir,

comme il était à sa fenêtre, un coup de fusil chargé de plomb fut

tiré sur lui et il fut atteint dans le flanc gauche. Son état est

grave. On a arrêté un nommé Lauzéral, qui avait reproché plu-

sieurs fois à Bertrand de lui avoir jeté un sort. (Le Bonhomme

Normand du 17 juillet 1902),

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Armand. Nécessité de créer des hôpitaux d'aliénés curables et de

délirants. In-8" de 66 pages. 1' : IlefrancUe. 1902.

CL.1D0. Diagnostic gynécologique, oganes génitaux cl mamelles.

In-18" de 823 pages avec 109 figures. Prix : G francs.

CUYER (Ed.). La mimique. In-180 de 36G pages avec Ta figures.

Prix : 1 francs. Doin, édit. -

Dé.ierine (J.). dzzcclomie des centres nerveux, t. II. Grand in-S de

730 pages. Prix : 32 francs. J. Rueff, édit.

Dieiil. Zum sluclizrnc-cler merkfaViigheit. In 8° de 40 pages. Prix :

1 fr.2ô. Berlin 1902. Karger édit. -

M : 1SS0\'ITG. tM hinclesaller. In-8 de 32 pages, Prix :

1 franc. Berlin, 1902, Karger édit.

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Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreux, Cil. Hébissby, imp. - 9-1902.

Vol. XIV. `Octobre 1902. - No 82.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Infirmerie spéciale. Service DE M. Paul GAUNIER

Contribution à l'étude de la folie communiquée

- et simultanée ;

Par \I11. GULIItD et de CLÉR : 11L3AULT,

Internes du service.

I. La question de la folie à deux ou folie communiquée fut

étudiée pour la première fois par Legrand du Saulle, dans

son traité du Délire des persécutions1, sous ce titre : « Idées

de persécution .communiquées ou délire à deux et à trois

personnes. »

« Dans tous les cas de véritable délire communiqué, dit

Legrand du Saulle, et alors que les deux malades sont en

traitement, le médecin peut remarquer que l'un domine

l'autre, que celui-ci n'est que l'écho de celui-là, que le pre-

mier est intelligent, et que le second est moins bien doué.

L'un est le persécuté actif, l'autre le persécuté passif. Isolez-

les, traitez-les, faites qu'ils ne se voient ni se s'écrivent, le

premier fera tous les jours un pas vers l'incurabilité, le

second marchera résolument vers la guérison. »

Quelques années plus tard, MM. Falret et Lasègue consa-

crèrent un mémoire à l'étude de la folie communiquée 2.

Voici leurs conclusions :

10 Dans les conditions ordinaires, la contagion de la folie n'a

pas lieu d'un aliéné à un individu sain d'esprit, de même que la

' Legrand du Saulle. Du délire des persécutions, ch. vi, 1871.

s Lesègue et Falret. La folie à deux ou folie communiquée (Archives

générales de médecine, septembre 1877).

Archives, 2- série, t. XIV. 19

290 CLINIQUE. MENTALE.

contagion des idées délirantes est très rare d'un aliéné à un autre

aliéné.

2° La contagion delà folie n'est possible que dans des conditions

exceptionnelles que nous.venons d'étudier sous le nom de folie à

deux.

3° Ces conditions spéciales peuvent être résumés ainsi : a. Dans

la folie à deux, l'un des deux individus est l'élément actif; plus

intelligent que l'autre,' il crée le délire et l'impose progressivement

au second qui constitue l'élément passif. Celui-ci résiste d'abord,

puis subit peu à peu la pression de son congénère tout en réagis-

sant à son tour sur lui, dans une certaine mesure, pour rectifier,

amender et coordonner le délire, qui leur devient alors commun

et qu'ils répètent à tout venant, dans les mêmes termes et d'une

façon presque identique. -

6. Pour que ce travail intellectuel puisse s'accomplir parallèle-

ment dans deux esprits différents, il faut que ces deux individus

vivent pendant longtemps, absolument d'une vie commune, dans

le'même milieu, partageant le même mode d'existence, les mêmes

senliments, les mêmes intérêts, les mêmes craintes et les mêmes

espérances, et en dehors de toute autre influence extérieure.

c. La troisième condition pour que la contagion du délire soit

possible c'est que ce délire ait un caractère de vraisemblance;

qu'il se maintienne dans les limites du possible; qu'il repose sur

des faits survenus dans le passé, ou sur des craintes et des espé-

rances conçues pour l'avenir. Cette condition de vraisemblance

seule le rend communicable d'un individu à un autre et permet à

la conviction de l'un 'de s'implanter dans l'esprit de l'autre.

4° La folie à deux se produit toujours dans les conditions ci-

dessus indiquées. Toutes les observations présentent des carac-

tères très analogues, sinon presque identiques, chez l'homme et

chez la femme, comme chez l'enfant, l'adulte et le vieillard.

50 Cette variété de la folie est plus fréquente chez la femme,

mais on l'observe aussi chez l'homme.

6° On pourrait faire intervenir dans sa production l'hérédité,

comme cause prédisposante, lorsqu'il s'agit de deux personnes

appartenant à la même famille ; mais cette cause ne peut plus être

invoquée dans les cas -où il n'existe aucun lien de parenté, par

exemple lorsque la maladie se produit entre le mari et la femme.

7° L'indication thérapeutique principale consiste à séparer l'un

de l'autre les deux malades. Il arrive alors que l'un des deux peut

guérir, surtout le second, quand il est privé du point d'appui de

celui qui lui a communiqué le délire.

8° Dans la plupart des cas, le second malade est moins forte-

ment atteint que le premier. Il peut même quelquefois être consi-

déré comme ayant subi une simple pression passagère.et comme

n'étant pas aliéné, dans le sens social et légal du'mot. Il n'a pas

ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUEE ET SIMULTANÉE 291

alors besoin d'être séquestré, tandis que l'on fait enfermer son

congénère. 1

9° Dans quelques cas rares, la pression morale exercée par un

aliéné sur un autre individu plus faible que lui peut s'étendre à

une troisième personne ou même, dans une mesure plus faible, à

quelques personnages de l'entourage. Mais il suffît alors presque

toujours de soustraire l'aliéné actif à ce milieu qu'il a influencé à

divers degrés pour que l'entourage abandonne peu à peu les idées

fausses qui lui avaient été communiqués.

Tout en adoptant les conclusions de Lasègue et Falret,

Baillarger fit remarquer qu'il y avait lieu de distinguer les

cas de véritable folie communiquée « de ceux beaucoup plus

fréquents où des gens faibles d'esprit, et vivant avec un

aliéné, finissent par se laisser persuader et croire à la réa-

lité de ses hallucinations ou de ses conceptions maladives,

sans toutefois devenir aliénés eux-mêmes, c'est-à-dire sans

présenter aucun symptôme de délire et sans commettre

aucun acte imputable à l'aliénation 1 ».

Etendant l'idée de Baillarger, M. Régis constitue un

groupe à part de tous ces cas dans lesquels, dit-il, « un

aliéné fait partager ses conceptions délirantes à une ou

plusieurs personnes de son entourage, sans que celles-ci

puissent être considérées comme réellement atteintes de

folie. »

Il y a communication des idées délirantes d'un sujet à

l'autre. Il faut pour cela : a. Qu'un individu jouisse norma-

lement sur un autre individu d'une autorité intellectuelle et

morale incontestable. Aussi le sujet passif est-il le plus sou-

vent un enfant, un faible d'esprit, un domestique ou un

vieillard, une personne naïve ou crédule; b. Que ces deux

individus vivent en contact plus ou moins prolongé : celle

condition n'est point indispensable, pas plus que l'hérédité,

chez l'un ou l'autre sujet ; c. Que l'organe actif devenu

aliéné communique une partie de son délire à l'organe pas-

sif. Ce délire, pour être transmis, doit avoir un caractère de

vraisemblance qui s'impose. Mais entre ces deux sujets

existe toujours une ligne de démarcation infranchissable.

L'un est fou, au sens social et légal du mot, l'autre ne l'est

13,tillaiger. Société médico-psychologique, 30 juin et 28 juillet 1873

et Recherches sur les maladies mentales, t. I, p. 557. Quelques exemples

de folie communiquée, 1890.

292 CLINIQUE MENTALE. ,

pas. Enfin l'organe passif ne tarde pas à se débarrasser de

ses idées fausses dès qu'il se trouve soustrait à l'influence

de celui qui les lui avait communiquées. Telle est la folie

communiquée. Dans un second groupe, M. Régis range les

cas où il y a non pas communication mais simultanéité du

délire chez les deux sujets, sans que l'un soit actif, l'autre

passif. Ces cas se résument ainsi : ,

a) Deux individus sont héréditaires, c'est-à-dire prédisposés à

la folie; b) Ils vivent en contact intime et perpétuel; c) Des

influences occasionnelles surviennent qui, agissant à la fois, au

même moment et de la même façon sur ces deux individus, les

rendent fous simultanément ; d) Ils sont ordinairement atteints

au même degré. Ils ont exactement le même délire, les mêmes

hallucinations, le même langage pathologique; e) La sépara-

tion n'a généralement aucune influence heureuse sur leur état

mental.

Telle est la folie simultanée 1. La distinction faite par

M. Régis est très importante, mais quand on lit attentive-

ment les observations publiées, on s'aperçoit que les unes

se rapportent entièrement à l'un ou à l'autre des deux

groupes établis, tandis que les autres s'écartent plus ou

moins du type décrit, par un certain nombre de variantes

qui en font des cas intermédiaires, des cas de transition.

Quand, par exemple, il s'agit bien réellement d'un délire

communiqué, le sujet passif peut ne pas rester un simple

crédule, mais devenir un aliéné : il peut ne pas guérir,

même séparé de son compagnon ; les idées délirantes qu'il

accepte avec leurs réactions morbides, qu'il fait siennes et

qu'il défend avec conviction, ne changent pas de nature par

ce seul fait qu'il ne les a pas puisées dans son propre fonds.

Enlevons l'agent provocateur (l'élément actif), le délire

reste, et peut-on dire que ce n'est pas un délire parce qu'il

"a été communiqué ? La vraisemblance du délire, condition

importante pour sa transmission, ne prouve point que ce

délire n'ait des racines profondes, d'autant plus profondes

mêmes qu'il est plus vraisemblable.

Le véritable critérium est dans l'évolution du délire, et-

dans la constitution névropathique 2, dans la prédisposition,

' Régis, thèse, Paris, 1880.

larancloii de llontyel. Des conditions de la contagion mentale mor-

bide (Ann. nécl.-psycJe., 1894, p. zig et 487).

ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 293

héréditaire ou acquise, du sujet passif qui sera tantôt un

simple crédule bientôt guéri, tantôt un aliéné incurable,

suivant sa résistance cérébrale et l'ascendant de son parte-

naire.

Baillarger avait bien vu ces cas quand il dit 1 : « Je crois

utile de faire remarquer les liens très étroits qui unissent

souvent ces deux ordres de faits. Le malade commence par

faire accepter ses conceptions délirantes comme vraies par

le parent avec lequel il vit en étroite communauté d'idées et

de sentiments ; jusque-là il n'y a qu'un fait de crédulité,

mais les conséquences de l'idée fausse ne tardent pas à se

produire. »

Cette distinction apparaît aussi dans les conclusions de

Lasègue et Falret que nous avons reproduites. M. Régis lui-

même la reconnaît : « Est-ce à dire qu'il (le sujet passif) ne

puisse pas devenir aliéné et que cette espèce de baptême

pathologique qu'il a reçu lui confère une immunité défini-

tive à l'égard de la folie ? Ce serait une erreur de le penser.

Bien au contraire, cette fréquentation d'un aliéné au contact

duquel il a laissé une partie de sa raison lui crée certaine-

ment une prédisposition fâcheuse pour l'avenir 2. » Mais,

dans tous ces cas, il s'agit ds folie communiquée.

Dans le second groupe, celui de la folie simultanée, alors

que le délire est éclos en même temps chez des individus

héréditaires et placés dans le même milieu, soumis aux

mêmes causes, il est impossible de trouver un sujet actif

jouissant d'une supériorité intellectuelle et morale, primiti-

vement délirant, qui transmet son délire dans les conditions

que nous avons étudiées plus haut. L'erreur des aliénistes

qui ont confondu ces cas avec la folie communiquée a été de

vouloir découvrir, malgré tout, un promoteur du délire et

de voir un rapport de succession là où il n'y a que simulta-

néité dans l'ordre chronologique : aussi a-t-on vu des malades

considérés tour à tour comme sujets actifs ou sujets passifs,

suivant le médecin qui les examine. Ceci admis, il n'en est

pas moins vrai qu'une analyse attentive permet souvent de

découvrir des différences entre les sujets, dont l'un, plus

' intelligent, sans être toutefois l'agent provocateur, dirige en

' Baillarger, loc. cil.

Régis, thèse, p. 22.

294 CLINIQUE MENTALE..

quelque sorte et soutientle délire, jouant, dans l'association,

le rôle de conducteur. C'est ce qu'a très bien exprimé

M. Régis : « Il est rare que les deux sujets soient également

héréditaires, également prédisposés, et c'est là peut-être ce

qui explique que, dans certains cas, le délire, étant malgré

tout le même ? et étant survenu simultanément, l'un des

malades réagisse plus activement que l'autre,, sous l'in-

fluence des conceptions délirantes communes. » Mais, et

c'est là le point essentiel, il s'agit toujours de folie simulta-

née.

Ces considérations vont s'éclairer à la lecture des deux

observations que nous publions ici et dont l'une concerne

un délire simultané chez les trois soeurs, ayant entraîné les

réactions les plus bizarres, l'autre un délire communiqué

par la mère à son fils.

Observation I. Folie simultanée chez trois sccuns avec prédomi-

nance de l'une d'elles dans ta conduite du délire. Idées de persé-

cution. biterprétations délirantes, Existence vagabonde dans les

hôtels et dans les fiacres.

En février 1rJ02, les trois soeur,111... Jeanne, AnnetLe et Clotilde,

(59, 56 et 48 ans) étaient conduites à un commissariat, à la suite

d'une altercation avec un cocher de fiacre qu'elles se trouvaient,

sur le moment, ne pouvoir payer. N'ayant pu justifier d'un domi-

cile actuel, elles furent envoyées au dépôt sous l'inculpation de

vagabondage; elles eurent à passer devant un magistrat au sujet

de leur dette envers le cocher, et au moment où elles pensaient

redevenir libres, elles étaient amenées toutes les trois à l'Infirme-

rie spéciale du dépôt, pour avoir déclaré devant le juge qu'elles

jouissaient d'un certain revenu, et que néammoins depuis plusieurs

mois, elles vivaient complètement errantes parce qu'il leur plaisait

de faire ainsi.

D'ailleurs, la négligence excessive de leur mise mettait la mé-

fiance en éveil. Elles étaient vêtues de robes sordides, jadis noires,

mais où les places propres faisaient taches, baillant aux coutures,

déchirées par places, rajustées avec des épingles, et fermant au

moyen d'épingles anglaises qui occupaient la place des boutons.

L'une portait un chapeau de feutre gris, d'une forme ultra sim-

ple, mais d'un diamètre excessif; les deux autres de petits cha-

peaux de crêpe, déformés, aplatis, pénétrés dépoussière et tenant

mal sur des cheveux en désordre. Leurs figures avaient une expres-

sion harassée et inquiète comme si elles venaient de faire des

lieues pour échapper à un grand danger. Rangées côte à côte,

elles formaient un trio étrange.

ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE^ ET SIMULTANÉE 295'

Interrogées, elles devenaient sympathiques par la tournure polie

de leurs réponses, par une certaine conscience de leur ridicule, et

par la franchise de leurs explications sur tous les sujets, sauf sur

un seul. Sur ce sujet même (leurs tourments communs), elles sem-

blaient se taire par dignité autant que par méfiance. La véracité

de leurs dires se faisait sensible dans la promptitude de leurs ?

réponses et dans leur concordance parfaite : elles ne semblaient'

craindre ni de se couper, ni de se contredire entre elles. Enfin,

elles affirmaient, avec un entêtement puéril, la pureté parfaite de

leurs moeurs, laquelle n'était pas en question. « Nous avons tou-

jours vécu sous la sauvegarde de nos parents : nous avons vécu

sous l'aile de notre mère. Depuis que notre mère est morte, nous

sommes toujours sorties ensemble..., nous avons toujours habile

seules..., nous pouvons passer partout la tête haute..., nous n'avons

rien à nous reprocher, et d'ailleurs on ne nous reproche rien, du

moins sous ce rapport. »

Quant au fait de leurs arrestation, elles déclarent : « Ce cocher

aurait été payé et d'ailleurs nous l'avions pris à crédit, attendu

qu'il nous connaissait. Nous n'avons pas de domicile, c'est vrai,

mais nous recevons 500 francs par mois, on ne peut* donc nous

traiter de vagabondes. Nous n'avons pas de propriétaires, mais

nous faisons gagner les cochers, c'est notre argent que nous dé-

pensons, et nous ne faisons de tort à personne. D'ailleurs le juge

nous a bien dit que notre affaire était terminée. On n'a donc plus

le droit de nous garder. Nous sommes ici par guet-apens. »

La note singulière reparaissait dans l'explosion simultanée de

certaines réponses, faites du même ton, avec une conviction égale,

identiques toujours par le fond et quelquefois même parla forme.

C'était soit l'énoncé d'un fait qu'elles se rappelaient toutes trois

ensemble, soit une exclamation jaillie d'une sensibilité commune,

celles-ci par exemple : « Nous le jurons ! Vous en avez notre

parole ! ... Nous n'avons questionné personne, nous n'avons rien

dit à personne... Vous êtes les premiers à le savoir... C'est là le

mot ! ... Vous l'avez bien dit. »

- D'autres fois, ces mêmes phrases se suivent l'une appelant l'autre

qui la complète ; l'idée, comme un thème musical, passe d'un

instrument à un autre et se parachève dans un chorus.

Ces pensées, ces formules semblables étaient à- elles seules un

indice d'une longue idéation commune, et sans doute d'un délire

commun. C'était le cas; mais comme leur délire faisait suite à des

pensées justes qu'elles devaient à leur situation, nous devons pour

le bien faire comprendre, raconter tout d'abord leur vie bizarre.

Leur père parait avoir été d'un caractère au moins original.

Riche et possesseur d'une usine prospère, il abandonne sa ville et

change de profession : fabricant de soieries en province, il devient

296 , CLINIQUE MENTALE. '

marchand de confections à Paris zig). Là encore son instabilité

se manifeste par des cessations et reprises de commerce, par des

déménagements nombreux, et par un séjour de cinq ans, avec

tentative de commerce, dans une ville de province ou rien ne l'at-

tirait. Par suite de ces fantaisies, et aussi grâce à des pertes au

jeu, sa fortune alla décroissant, ses loyers devinrent de plus en

plus modestes, et il aurait laissé en mourant une famille complè-

tement ruinée, n'eut été la dot de la mère qu'il n'avait pas pu

entamer (1890).

La mère semble avoir eu plus de stabilité. Toutefois son pre-

mier acte, à la mort du mari, était de liquider son commerce pour

en expérimenter un nouveau, alors que ses rentes, huit ou dix

mille francs, lui permettaient de vivre désormais avec ses filles

sans inquiélude.

Mais si sa direction, en matière pécunière, était sujette à criti-

ques, du moins sa présence au point de vue moral, était d'un prix

inestimable. D'abord, par sa gestion des fonds, elle les dispensait

des soucis qu'elles auraient eu en se ruinant elles-mêmes; puis,

elle leur créait un emploi du temps et leur épargnait les angoisses

de l'initiative.

De la résultait une sorte de comfort moral dont nulle ne voulut

se séparer, ni en consentant au mariage, ni en entrant comme

employée dans une maison de commerce, ce qu'une d'elles pour-

tant avait déjà fait lorsque leur père vivait encore.

La mort de lenr mère (1895) en les abandonnant à elles-mêmes,

les laissa non seulement désarmées, mais encore et surtout

effrayées de leur isolement. Elles sentent que les agents d'affaires

spéculent sur leur inexpérience, elles se méfient de leurs auxi-

liaires et la moindre signature adonner les affole. En même temps

voisins et concierge commencent à exister pour elles, et devien-

nent comme un aéropage. Peut-être des maladresses, peut-être

une avarice intempestive ou bien une réserve soudaine après des

essais de relations, leur aliénèrent soudain ce menu entourage.

A ce moment, pour la première fois, elles perçoivent nettement

les railleries que leur valent leur tournure de vieilles filles. En

même temps, par découragement, elles soignent de moins en

moins leur mise. L'absence de toute personne âgée qui soit

garant de leur bonne conduite et de toute volonté d'homme prêle

à les défendre leur valent la sensation de n'être pas comme les

autres femmes.

Dans leurs inquiétudes et leurs doutes, plus d'opinion prépon-

dérante ; les hésitations s'éternisent, les appréhensions se multi-

plient, tous les doutes sont tranchés dans nu sens pessimiste. Leur

égalité apparente permet une discussion sans fin d'où ne peuvent

résulter que des alarmes et qui devient promptement délirante.

La part qui revient à chacune d'elles dans la production du

ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANEE 297

délire semble avoir été en rapport avec sa force intellectuelle et

avec son caractère propre.

Anretie il[.... cinquante-six ans. Annette, la deuxième par rang

d'âge, est manifestement la plus intelligente et aussi la plus volon-

taire. Elle se vante d'une mémoire hors ligne.

« Je sais, dit-elle, quel jour nous sommes entrées dans tel hôtel,

et quel jour nous en sommes sorties. » Elle a tenu le journal de

leur vie tant qu'elle eut une table où écrire. « Jadis je tenais un

agenda. J'étais peut-être aussi la plus perspicace. » Ses soeurs la

tiennent en haute estime, se laissent réprimander par elle et lui

passent souvent la parole. '

Elle a été, des trois, la seule indépendante. Pendant le séjour de

cinq années que ses parents ont fait en province, elle a travaillé à

Paris dans une maison de commerce. Sa soeur ainée, restée à

Paris avec elle gardait leur logement et faisait le ménage. Lors-

qu'elles restèrent seules toutes les trois c'est elle qui prit la direc-

tion de leur commerce : des deux autres, l'une faisait les courses,

l'aînée prêtait seulement son nom à l'entreprise et là encore faisait

le ménage. Lors de leurs grandes tribulations c'est elle, comme

nous le verrons, qui pousse aux actes, c'est elle qui choisit les

logements, c'est elle qui choisit les hôtels. Elle a mal choisi, il est

vrai, mais elle regrette et ne se repent pas. Elle reconnaît et elle

accepte son entière responsabilité : « J'aimai choisi; j'cai cru bien

faire. »

Elle exerce au Dépôt la même autorité. Elle défend à ses soeurs

d'écrire, de manger et de se laisser emmener à l'atelier de photo-

graphie. Séparée de ses compagnes, elle refuse d'écrire, même

quand on veut lui persuader que les autres, sur ce point, ont cédé.

Pour le fait d'écrire, elle demeure intraitable. Sur le reste, elle

cède et.fait savoir à ses soeurs qu'elles doivent, sur-le-champ,

l'imiter. La capitulation, surtout quant aux portraits, doit être con-

sidérée de sa part, comme un exemple de décision.

Lors des interrogatoires, elle se montre la plus renfermée, la

plus défiante. Elle ne parle qu'entraînée par les propos de ses

soeurs : elle ne veut pas convenir que leur père était riche. Elle

cherche à restreindre la portée de leurs dires ; elle critique leurs

idées, leurs termes.

Sa méfiance ne s'endort pas un instant. « Nous parlons, il y a

peut-être un appareil ici. Vous nous demandez d'écrire,-ce n'est pas

l'affaire d'un jour : vous voulez donc nous tenir longtemps ? » Elle

guette les mots à double entente, prête aux phrases un sens

qu'elles n'ont pas et immédiatement leur riposte. HUe ne cache

d'ailleurs pas ses rancunes : elle interdit à ses soeurs de répondre,

désormais, à tel ou tel. ,

Son attitude même est typique ; assise, elle se plie sur elle-même,

298 CLINIQUE MENTALE.

non pas se reposant, mais tout le corps visiblement tendu. La tête

baissée, cachant sous ses sourcils un regard qui ne cesse pas un

instant de nous suivre, elle ressemble à une bête traquée. En même

temps elle écoute ses soeurs, regrettant de ne pouvoir modérer leur

expansion elle ne parle que pour rectifier, pour compléter, pour

confirmer, et sur tous les points de l'auditoire.elle surveille l'effet

des paroles. '

De son aveu et de l'aveu de ses soeurs, c'est elle qui a provoqué

et qui a conduit le délire. D'ailleurs, Anuette nous dit elle-même :

« J'ai toujours été la plus perspicace. » C'est elle qui propose et.

prépare les actes, c'est elle, aux jours de leur déroule, qui choisit

les refuges successifs, logements, hôtels et le reste, et même ce

refuge définitif - mais qu'elle propose en vain -, le suicide !

Dans les voitures, la nuit, elle veille, tandis que la plus jeune

s'endort de bon cceur et que l'aînée somnole par lassitude. Au

Dépôt, elle est la première à suspecter toutes les personnes qu'elles.

considèrent ensuite comme des ennemies : le juge, l'aumônier, un

interne, et enfin la femme qui les fouille conformément au

règlement.

Tandis que la plus jeune soeur apporte au commun délire le

secours intermittent de son imagination et tandis que leur soeur

aînée accepte toute pensée conçue par elles deux, Annette repré-

sente dans l'association la permanence de la méfiance et la conti-

nuité dans l'action..

Clotilde 31..., quarante-huit ans. Clotilde, de dix ans la plus

jeune, et qui paraît avoir été, au temps jadis, la plus gracieuse, fut

élevée en enfant gâtée. Ses parents l'emmenèrent avec eux, lors de

leur séjour en province et sa plus grande occupation a toujours été

la lecture. De là une imagination vive et une élocution aisée. C'est

elle qui, cherchant dans les livres une diversion à leurs tourments,

y trouve une explication fantastique. Animée de sentiments

sociables, lors de leur essai commercial elle se charge des allées et.

venues, des visites et des pourparlers. C'est elle qui tient le plus à

la vie et qui repousse toute idée de suicide. C'est elle dont la toi-

lette est le moins ridicule : après dix-huit mois de désarroi elle a

conservé sa ceinture, un chapeau de forme reconnaissable et même

un ornement d'argent. Elle ne s'occupe pas du ménage; elle gour-

mande sa soeur la plus vieille ; toutefois, dans les cas importants,

elle se montre, même envers celle-ci, soit obéissante; soit respec-

tueuse. Ainsi, elle cède à son aînée l'honneur de signer et. d'écrire,

celui de veiller leur soeur malade. Au Dépôt, elle dit : « J'écrirai si

Annetle écrit » ; et lorsqu'on montait en voiture, elle cédait à ses

deux aînées les deux places les plus confortables.

Par exemple, une fois enti aînée, elle ne leur laisse pas la parole.

Dans son zèle, elle gronde ,sa soeur Jeanne de ne pas dire toute la

ETUDE DE LA. FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 299

vérité. « Tu ne t'appelles pas Jeanne, mais Jeanne-Louise. Dis-le ;

à quoi bon t'en cacher ! » -

Son apport dans le délire commun semble avoir consisté en des

éclairs d'imagination et une aptitude émotive, intermittente comme

ses trouvailles. C'est elle qui découvre le secret des castors dont

nous parlerons tout à l'heure : elle imagine peut-être certains

moyens de défense, mais qui, certainement, sans Annette, n'auraient

pas été appliqués. La nuit, elle fait monter ses soeurs dans les voi-

tures, mais aussitôt montées elle dort. Par contre, sa nature émo-

tive, en recevant les idées d'Annette, les lui restitue, plus

intenses.

Jeanne il/..., cinquante-neuf ans. Nous parlons, en dernier lieu,

de l'aînée, parce qu'elle est la plus effacée. Sa seule note person-

nelle consiste dans un parti pris de dignité. C'est elle qui met le

plus d'insistance à affirmer leur honnêteté. Elle sait la valeur de

son droit d'aînesse, elle a pris les baux en son nom, elle accepte

d'écrire parce qu'elle est l'aînée, enfin dans la notion de son rôle,

elle peut puiser, comme on le verra, une énergie momentanée. Mais,

en temps ordinaire, c'est une volonté molle, que ne soutient d'ail-

leurs nul jugement. On ne cite aucune idée venue d'elle. Devant

nous, elle demeure silencieuse par inactivité d'esprit. Son attitude

est affaissée ; sa tête, ses paupières, sa bouche tombent : toute sa

face est vide de pensées. Par moment, elle regarde ses soeurs comme

attendant d'elles un signal. Son refus de parler ne procède d'aucun

calcul ; elle préfère seulement ne pas se souvenir. Isolée, elle parle

la première; seule des trois, elle accepte d'écrire et quand elle

apprend qu'on l'a jouée, elle reste sans rancune, hésitante entre

ses soeurs qui la gourmandent et l'interne qui la félicite. Ses soeurs

la regardent presque comme une mimes habens. Elles lui faisaient

faire le ménage; elles ne l'ont pas laissée se mêler de leur com-

merce. Elles ont voulu seulement qu'en qualité d'aînée, elle eût Pair

de les diriger. Elles nous disent carrément devant elle : « Vous avez

abusé de sa faiblesse. Vous saviez à qui vous parliez ».

C'est, au total, une personne neutre, toujours prête à croire et à

suivre : mais aussi aucune conviction ne pénètre en elle profon-

dément.

Voici, dans sa forme dialoguée, le compte rendu de leur

interrogatoire :

« La foule parisienne nous insulte. C'est effrayant d'être dehors.

On sait sur nous des choses que nous ne connaissons pas. Tout

vient de la maison de la rue Caulaincourt et de la maison delarue

Letort.

A la mort de notre pauvre mère nous nous sommes réfugiées

dans une affection mutuelle. Nous avons continué d'habiter l'ap-

300 CLINIQUE MENTALE.

partement où elle est morte, en reprenant le bail à notre nom.

L'aînée a signé, comme de juste. Nous ignorions alors le genre de

la maison. En louant, nous avons cru bien faire.

« Comment nous serions-nous méfiées ? Nous avons toujours vécu

sous la sauvegarde de notre mère ; nous n'avions ni parents, ni

relations à Paris et nous ne nous sommes jamais quittées. i

« Nous avons fait, c'est vrai, une mauvaise entreprise. Nous

avons perdu 30.000 francs dans un petit commerce de lingerie.

Mais nous travaillious honnêtement : nous étions dévouées les unes

pour les autres, l'argent risqué nous appartenait et nous avions

bien le droit de le perdre.

« D. « Votre père avait eu, à un moment, une grosse for-

tune ? » ·

Clotilde et Jeanne. « Oui, monsieur, une très grosse for-

'tune. »

Annette. « Non, moyenne. »

D. « Il était cependant fabricant ? »

Annette. « Il y a des fabricants à tous les prix.

D. « Quel était le genre de la rue Caulaincourt ?

D. « Nous l'ignorions, avant la mort de notre mère. Nous

avions contre nous, le propriétaire, le concierge et le reste. Le

propriétaire s'est servi du nom de Clotilde sur des actes, nous ne

savons pas lesquels. Il a fait, croyons-nous, un bail au nom de

Clotilde. Finalement il nous a expulsées : c'est de là que sont

venus tous nos malheurs. Le propriétaire, rue Letort, nous a

expulsées également au bout de neuf mois.

D. « Pourquoi expulsées ? ` ? -

R. « Demandez-le lui..

Annette. « J'ignorais le genre de la maison. C'est moi qui ai

choisi notre logement. Je me suis trompée : Je croyais bien faire.

Un jour, la concierge, rue Letort, a voulu nous obliger à recevoir

un monsieur qui venait soi-disant pour affaires. Elle nous a dit

aussi « Quand on est ce que vous êtes, on tâche de n'être pas mal-

« honnêtes. »

Clotilde. « Alors, je me suis creusé la tête pour savoir ce que

.nous pouvions être. Nous nous le sommes expliqué plus tard. On

nous faisait allusion à des choses que nous ne savions pas.

D. « Laquelle d'entre vous, la première, s'est aperçue de ces

allusions ?

R. «Aucune. Nous pensons toutes les trois les mêmes choses.

Nous pensons toutes trois en même temps.

« D'abord, depuis le siège de Paris, nous ne nous sommes jamais

séparées.

D. « Etiez-vous toujours parfaitement unies ? 2

R. « Au début, pas si unies que cela. Mais, depuis qu'on nous

rend malheureuses, nous nous entendons parfaitement.

ÉTUDE DE LA FOLIE COMMUNIQUÉE KT SIMULTANÉE 301

D. « « Vous vous êtes alarmées toutes les trois en même

temps ? -

R. « En même temps.

Clotilde. « Peut-être est-ce moi qui ai dit la première : «Tout

le monde nous en veut. » -

D. Tout le monde ? ... ce n'était pas au début. Laquelle, s'est

méfiée la première d'une personne en particulier ?

Clotilde et Jeanne {ensemble.). C'est Annette. ! Cela doit être

Annelle !

Annette. Je suis peut être la plus perspicace.

D. Comment vous êtes-vous expliquées cette hostilité géné-

rale ?

Il. - Tout le monde pourra vous le dire, sauf nous. Tout le

monde sait notre histoire, sauf nous. Le peu que nous en savons,

nous l'avons appris par intuition. Ce sont les Mémoires de

M. Gorozz qui nous ont révélé ce que nous sommes. C'est là que

Clotilde a lu que nous étions des « Castors »,

D. Qu'appelez-vous des « Castors » ? ?

R. (Chorus). Oh ! monsieur, si vous pouviez nous le dire, vous

nous rendriez bien service...

Clotilde. Pour M. Goron, les « Castors » sont des hommes

vivant dans des trous, sous le mur des fortifications. Du moins

c'est ce que j'ai cru comprendre. Il y aussi les demi-castors. J'ai lu

dans le dictionnaire : « Castor, mammifère amphibie ».

Annette. Tais-toi ! ... « Castor » c'est un emblème !

D.Emblème de quoi ? .

R. (Chorus). Nous ne savons pas ! Nous ne l'avons demandé à

personne. Peut-être avions-nous tort : nous avons cru bien

faire.

Clotilde. Vous êtes les premiers à le savoir !

Chorus. Cela, nous le jurons; vous en avez notre parole (sic).

Vous êtes les premiers à qui nous en ayons dit si long. Si vous

pouvez nous éclairer, vous nous ferez bien plaisir.

On nous traite en parias, parce que nous sommes des « Castors».

Une ligue s'est formée contre nous sans que nous sachions

par qui ni comment. C'est injuste, nous sommes venues sur terre

comme tout le monde, nous sommes légitimes.. Ce n'est pas notre

faute si nous sommes des castors. Notre père a eu le grand tort

de ne pas nous en avertir. Sur son lit de mort, nous avons vu

qu'il voulait nous dire quelque chose, mais il n'en a pas eu la

force. La concierge rue Letort le savait aussi.

Mais, voilà ! ... toujours des allusions : jamais une explication

franche...

D. Monsieur, votre père était-il aussi un « Castor » !

R. Nous ne le savons pas. Lui-même ne l'a peut-être pas très

bien su. Mais nous avons eu parla suite les preuves d'un complot

302 CLINIQUE MENTALE.

contre lui. Nous avons eu des présomptions en fouillant ensemble

ses papiers. D'abord, par les factures; on y voyait son nom écrit

de trois façons différentes. On changeait aussi ses prénoms.

Pourquoi ? ... Dans quel but ? ... Il devait le savoir...

D. A quel moment avez-vous eu les preuves d'une ligue contre

votre père ?

R. - Avant les Castors, tout au commencement. C'était encore

rue Caulaincourt, par conséquent en 1900. Nous lisions ses papiers

ensemble, dans la cuisine.

D. Pourquoi dans la cuisine ?

R. - Il y avait le gaz. Les lampes n'étaient pas toujours

prêtes.

D. Eles-vous sûres que ces fautes d'orthographe, dans votre

nom, avaient eu un but frauduleux.

R. Nous en sommes convaincues. Mais on n'a jamais la

preuve de rien dans la vie. Nous pouvons seulement supposer. Ce

qui est sûr, c'est que nous sommes des parias. Nous sommes

déplacées dans notre siècle. Nous sommes malheureuses de nais-

sance et destinées à être malheureuses toujours, lorsque nous

avons su que nous étions des Castors, nous aurions dû nous sui-

cider.

D. Aviez-vous fait une tentative ?

Annette. Non, je l'avais proposé. C'est Clotilde qui n'a pas

voulu. ' (A Suivre.)

Dans notre prochain numéro, nous raconterons l'histoire

de nos trois malades dans les hôtels et nous terminerons par

quelques remarques. '

Assistance DES idiots.

Un imbécile cettre. Dans le courant de la semaine der-

nière, une dizaine d'incendies ont successivement éclaté dans dif-

férentes communes du canton de Grisolles (Tarn-et-Garonne).

L'enquête à laquelle s'est livré le parquet de Castelsarrasin a

établi que ces sinistres étaient dus à la malveillance et qu'ils

étaient l'oeuvre d'un jeune homme de dix-sept ans, J.-M. Pages,

vivant dans sa famille. L'auteur de ces incendies est un irrespon-

sable qui n'avait jamais paru dangereux. Il assistait à tous les

désastres que sa main préparait, prêtait même secours aux vic-

times, mais profitait de ce que les habitants étaient occupés à

éteindre le feu pour aller allumer un autre incendie plus loin. Il

a créé ainsi jusqu'à cinq sinistres dans une même nuit. (Le Temps

1r août.)

RECUEIL DE FAITS.

Sur un cas de paralysie générale et d'alcoolisme;

Par MM. TRUELLE et PETIT

G..., charretier, trente-neuf ans, entré le 0 juin 1899 dans le

service de M. Magnan (Admission Asile clinique) aété arrêté sur la

voie publique en plein délire alcoolique cherchant ses chevaux et

sa voiture. Le certificat établi à l'entrée par M. Magnan porte

« alcoolisme chronique avec accès subaigu. Hallucinations mul-

tiples professionnelles. Insomnie. Tremblement des mains. Etour-

dissements, crampes dans les membres ». Voici les renseignements

fournis par une amie qui connaît le malade depuis douze ans.

Le père, alcoolique, est mort il y a trente-cinq ans d'un acci-

dent de voiture. La mèrex âgée de soixante-trois ans est bien por-

tante. Sur deux frères, l'un bien portant habite l'Amérique, l'autre

a disparu. Le malade n'a jamais eu d'enfants.

Né à terme, G... n'aurait jamais fait de maladie. Pas de syphilis

connue. Il vient à Paris à dix-sept ans comme garçon marchand

de vins; six mois après il commence le métier de camionneur.

Depuis six ans au moins, G... se grisait fréquemment, une fois

par semaine, buvant presque exclusivement du vin en grande

quantité. En 1893 il eut un accident de voiture (jambe broyée),

pour lequel il resta quatre-vingt-quinze jours à l'hôpital. Pas de

délire signalé à cette occasion.

Depuis le mois d'avril de l'année 1899, son amie constate' que

G... n'est plus le même ; il dort mal, il a la nuit des hallucinations

de la vue. Parfois il divague, disant un jour qu'il est riche, faisant

toutes sortes de projets grandioses. le lendemain affirmant qu'il

n'a pas le sou. Elle ne peut nous renseigner d'une façon positive

sur l'état de la mémoire ni sur le niveau mental exact. Jusqu'en

mai, on n'a pas remarqué de perte de connaissance, ni de troubles

moteurs. Le 22 mai, G... est ramené à la maison par un camarade

qui s'est aperçu qu'il tremblait sur sa voiture. il est valide, mais

secoué de tremblements, couvert de sueur et délirant; il a de l'ex-

citation intellectuelle, quelques idées ambitieuses « il va acheter à

sa femme des « chevaux et une voiture pour se promener. » En

même temps, la parole est embarrassée, « il avale sa langue ».'Cet

état persistant, G... entre le 26 mai à l'hôpital Saint-Antoine, où il

304 RECUEIL DE FAITS.

reste dix jours. Rentré chez lui, il divague toujours et se livre à

quelques extravagances d'apparence démentielle, comme de rap-

porter pour les faire cuire des têtes de harengs qu'il a trouvées

dans le ruisseau. C'est vingt-quatre heures après que le malade fut

arrêté dans la rue et conduit dans le service de M. Magnan.

Malgré son délire hallucinatoire, G... répond d'une façon suffi-

samment précise aux questions posées avec quelque insistance; il

ne cache pas ses habitudes alcooliques, avoue 4 litres de vin par

jour au moins, du vin blanc le matin, mais il ne prend pas d'alcool

« parce que, dit-il, on est trop vite saoul ; avec du vin au moins,

on peut boire davantage. » Il n'a pas pris deux absinthes dans sa

vie ; il ignore avoir eu des étourdissements ou des vertiges et n'ac-

cuse que des hallucinations nocturnes de la vue; il rêve à ses che-

vaux, à son métier, à ses clients. Quelques idées confuses de per-

sécution, une tendance aux idées de satisfaction il croit que c'est

son patron qui se venge de lui en le mettant ici, ou bien le cais-

sier, ou encore ses camarades, jaloux de lui voir les chevaux les

plus beaux elles plus gras.

Relativement à son arrestation, il raconte qu'il a été pris, rue

de Charenton, réclamant ses chevaux, ayant oublié qu'ils étaient

à l'écurie de la gare de Reuilly. En réalité ce jour-là son patron

n'ayant pas voulu qu'il travaille, G... est allé trouver les agents de

police pour réclamer de l'argent à son maître.

Outre les symptômes signalés dans le certificat, notons encore

une légère inégalité pupillaire, en faveur de la droite. Mais on

n'attache que peu d'importance à ce phénomène, le malade arfir-

mant qu'il a eu il y a dix ans une affection oculaire de ce côté. On

ne remarque pas à ce moment d'accrocs de la parole. Pas de stig-

mates apparents de syphilis.

Le 9 juin, G... est transféré à l'asile de Ville-Evrard dans le ser-

vice de M. le Ur Legrain qui a bien voulu nous communiquer les

renseignements suivants :

« G... est encore sous l'empire de son délire alcoolique; il a par

intermittences des exacerbations de délire avec rêvasseries profes-

sionnelles, de l'insomnie. 11 est loquace, ses propos sont souvent

'incohérents et dénotent un faible niveau mental. Tremblement des

mains et de la langue, inégalité pupillaire. Il raconte avec assez

de précision son arrestation, émettant toujous l'hypothèse d'une

vengeance possible de son patron; mais il se rend mal compte de

sa situation, se croyant en convalescence à Vincennes, disant qu'il

va aller à la mairie pour se marier avec la fiancée qui vit avec lui

depuis six ans ». *

Loin de s'améliorer dans les jours qui suivent l'entré^' l'état

mental semble plutôt s'aggraver : l'agitation et l'incohérence per-

sistent, il y a des secousses convulsives de la face et de la langue,

du tremblement. Le 12, G... a gâté au lit; le 14 on note de l'em-

SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 305

barras de la parole, la langue est sale, toujours très tremblante,

ses pupilles'inégales, dilatées, ne réagissant ni à l'accommodation,

ni à la lumière. L'acuité visuelle est normale. Le 11), l'agitation

est très grande dans la nuit; le malade a de nouveau 'gâté au lit.

Le 17 juin, à il heures du matin, G... assis dans la cour est pris

brusquement d'une attaque épileptiforme : perte de connaissance,

chute parterre, écume aux lèvres, respiration stertoreuse. Il urine

sous lui. Deuxième attaque à 4 heures. Pas de paralysie consécu-

tive. Mais jusqu'au milieu de juillet, l'excitation persiste : G... est

toujours bavard et incohérent, faisant toutes sortes de projets bi-

zarres ; il ne se rend pas compte de sa situation; les nuits sont

fréquemment agitées. Il y a toujours du tremblement, léger, mais

généralisé, les pupilles restent inégales, la droite plus grande, avec

paralysie de l'accommodation. Puis l'état s'améliore; l'agitation

décroil, mais le malade reste peu cohérent, naïf, enfantin, confiant.

En août, on l'occupe au travail des écuries et on esf assez cornent

de lui. Mais au commencement d'octobre il redevient incohérent,

confondant les objets entre eux; ne peut continuer son travail.

Le 4, nouvelle attaque épileptiforme, toujours sans paralysie con-

sécutive ; pendant quelques jours, G... accuse une tendance mélan-

colique, il se lamente, réclame le médecin pour le rassurer sur le

sort de sa femme qu'il croit dans la misère. Nouvelle amélioration

de l'état mental. Le 20 octobre G ? part en congé de huit jours, et

tout s'étant bien passé, il sort définitivement.

Le 29 janvier 1900, le malade entre de nouveau à Sainte-Anne

dans le service de M. Magnan. Après sa sortie de Ville-Evrard, au

mois de novembre, il avait repris son métier de charretier, mais

ses facultés intellectuelles étaient affaiblies, sa mémoire mauvaise;

il perdait différents objets (fouet, mouchoir, etc.), oubliait de don-

ner à manger à ses chevaux, répondant quand ou lui en faisait,

l'observation « qu'ils avaient déjà mangé l'avant-veille et que cela

suffisait. » En décembre, ces symptômes démentiels s'accusent da-

vantage ; il s'y joint des idées de richesse, G..., d'ailleurs, avait

continué à boire comme par le passé. En même temps il souffre

de céphalée, de crampes dans les jambes, de tremblements,

d'étourdissements sans perte de connaissance; la parole est fré-

quemment embarrassée surtout le soir.

Au l01' janvier, il devient, tout à fait incapable de travailler, per-

dant complètement la mémoire, mettant plus de deux heures à

faire sa toilette; il a des insomnies continuelles, des hallucinations

nocturnes de la vue en rapport avec sa profession. C'est alors qu'il

entre pour la deuxième fois dans le service de l'admission. Outre

les phénomènes ci-dessus ^indiqués, on constate la persistance de

l'inégalité pupillaire (pupille droite plus grande).

Après six jours d'un calme relatif, G... s'excite au point qu'on

doit le faire passer dans le dortoir où sont soignés par la méthode

ARCHIVES, 2a série, t. XIV. 20

306 RECUEIL DE FAITS.

de l'alitement les malades agités. Il est extrêmement turbulent,

cherche souvent à se lever de son lit sans but précis; il se'

recouche d'ailleurs volontiers à la première injonction, mais pour

essayer de se lever l'instant d'après. Bavardages incohérents avec

prédominance d'idées de satisfaction et de richesses ; instabilité

mentale, grande difficulté de fixer son attention. La parole est très

embarrassée avec des accrocs, un bredouillement qui le rend sou-

vent inintelligible. L'écriture est informe; prié d'écrire son nom, le

malade trace une série de signes incompréhensibles dont la première

lettre le G est seule reconnaissable. -Le 14 février, au matin, G...

est trouvé dans un état marqué d'obtusion : il reste étendu sur le dos,

indifférent à ce qui se passe autour de lui, la face couverte de

sueur, les pupilles toujours inégales et dilatées, la langue sabur-

rale. Température 37",9. Dans l'après-midi, l'agitation reparait.

Les jours suivants la température oscille autour de 38° : quelques

râles de bronchite et des signes de congestion pulmonaire. Le

18, la température monte à 39°,5 le matin pour redescendre le soir

à 37°,5; nouvel état semi-comateux faisant supposer un ictus passé

inaperçu. Jusqu'au 23 février, l'état général est assez inquiétant :

des alternatives d'affaissement et d'excitation motrice incohé-

rente avec sueurs profuses qui font craindre l'invasion du délire

aigu. Couché sur le dos, les yeux habituellement lermés, G... ne

cesse de s'agiter sur place, remuant sans interruption la tête de

gauche à droite, se tournant et retournant dans son lit, mala-

xant ses couvertures d'un geste quasi-automatique; à la suite de

ces frottements continuels, le crâne a été dénudé par places : la

face vultueuse est presque, continuellement couverte de sueur. La

langue reste sale malgré des purgatifs répétés (calomel) ; néan-

moins le malade s'alimente bien ; grande instabilité mentale, au

milieu de laquelle il est possible de percevoir les éléments d'un

délire hallucinatoire professionnel (voitures, chevaux).

A partir du 24 février, la température revient à la normale, la

peau est plus fraîche, la langue se nettoie. D'une façon générale

G... est plus calme, il y a des moments où la lucidité revient et où

le malade est capable de répondre correctement aux questions

posées. -Mais toujours par bouffées, reviennent à intervalles irré-

guliers les mêmes hallucinations professionnelles, avec sueurs

abondantes et agitation sur place. G... roule en tous sens ses cou-

vertures, mais sans quitter le lit maintenant; il interpelle ses

chevaux qui s'emportent et culbutent, cherche son couteau pour

couper ses traits, etc.. Tout cela se passe au lit, étendu sur le

dos, les yeux fermés, avec toujours le même mouvement latéral

de la tête qui lui use les cheveux. Ces hallucinations sur-

viennent aussi bien le jour que la nuit, et vont persister avec la

même irrégularité pendant tout le temps de son séjour à l'asile.

Çà et là quelques bouffées ambitieuses, mais sans suite notam-

SUR UN CAS DE PARALYSIE GENERALE ET D'ALCOOLISME 307

ment à la suite des ictus : il a acheté 10000 hospices; celui-ci est

à lui.

Au milieu d'avril apparaît un trouble marqué de l'équilibre.

Debout, G... se tient assez droit, mais les jambes écartées, le tronc

penché en avant, avec des oscillations d'avant en arrière. En

marche, il titube et festonne comme un homme ivre; il est parfois

obligé de s'appuyer au lit pour ne pas tomber, surtout dans les

changements brusques de direction. Ces troubles de l'équilibre

s'exagèrent quand le malade ferme les yeux, la sensibilité est

obtuse aux membres inférieurs, les réflexes patellaires paraissent

normaux. G... n'accuse aucun phénomène douloureux. Pas de

troubles urinaires. Il est imparfaitement conscient de ces accidents

qu'il met sur le compte du parquet glissant. Pourtant l'état géné-

ral s'améliore ; le malade engraisse. (Le poids était à l'entrée de

68 kg. 800; il est tombé le 19 mars à 61 kg. 300 pour remonter

ensuite d'une façon à peu près continue et atteindre en mars 1901

76 kg. 500).

Au commencement de juillet, la démarche est plus ferme, plus

droite, pourtant G... talonne encore un peu, il va les jambes

écartées et oscille dans les changements brusques de direction. -

Pour la première fois depuis sa seconde entrée, apparaissent le

25 juillet des secousses dans la jambe et le bras droil, sans perte

de connaissance; la température, 38°,4 4 le soir, monte le 26 à 39°,4 4

pour retomber le 27 à la normale et s'y maintenir. L'état mental

est le même : période de lucidité avec phases de délire hallucina-

toire. Aux hallucinations visuelles (chevaux, bêtes de toutes sortes)

s'ajoutent des hallucinations de l'ouïe : il répond à des personnes

imaginaires qui lui causent au travers du plafond ; et ces troubles

de l'ouïe eux-mêmes sont professionnels : ses interlocuteurs

parlent attelage, organisent le déchargement d'une voiture.

Le soir du 7 août la température monte de nouveau à 39° pour

retomber le lendemain à 3î°,3. Le matin du 8, G... a deux vomis-

sements bilieux; il est très obtus, se tient difficilement debout et

marche péniblement ; mais pas de contracture ni de paralysie

dans aucun membre. Le lendemain, cette aggravation passagère a

disparu.

En dehors de ses bouffées hallucinatoires, G... est calme, d'appa-

rence lucide au premier abord, il se conduit correctement, recon-

naît les personnes qui le soignent et sait différencier leurs attri-

buts ; il parle avec justesse de son ancienne profession, de sa vie

antérieure. Mais quand on pousse un peu la conversation, on

s'aperçoit bien vite que le niveau mental s'est affaibli : sans parler

de ses tendances ambitieuses qui lui font dire par exemple que

l'asile lui appartient, sa logique est très défectueuse : il est à Sainte-

Anne, dont il est le propriétaire, mais il n'en peut sortir parce qu'il

est interné ! Un autre jour il affirme qu'il est ici depuis dix ans.

308 RECUEIL DE FAITS. ' ' -

Le 20 décembre, nouvelle attaque épileptiforme avec perte de

connaissance : le bras gauche en extension forcée, le bras droit

secoué de convulsions, la tète et les yeux tournés à droite. Obtu-

sion intellectuelle consécutive. Une autre attaque 1e22,;loujours avec

secousses du côté droit. Aucun troublemoteurne persisteàla suite.

Le 31 janvier-attaque épileptiforme localisée au bras gauche.

Cette fois l'obtusion dure plus longtemps (deux jours), la tempé-

rature atteint 38°. Le 4 février, G... a un ictus sans secousses con-

vulsives des membres, avec seulement des grincements de dents :

la tête est tournée à gauche, le bras gauche soulevé retombe

inerte ; sensibilité à la douleur, réflexes patellaires et cutanés

amoindris de ce côté. Le 5, un autre ictus moins intense. Cette

fois il persiste pendant une semaine environ de la faiblesse mus-

culaire du côté gauche, avec diminution des réflexes tendineux.

Les pupilles sont toujours inégales et immobiles. La parole est

très embarrassée, bredouillante. Le 2 mars une autre attaque qui

dure trois minutes, avec perte incomplète de connaissance, loca-

lisée au bras droit; aphasie pendant une heure. Depuis son attaque

du 4 février, G... grince fréquemment des dents. Le délire ambi-

tieux s'accentue et devient de plus en plus absurde. Il veut faire

téléphoner en Russie pour rappeler ses chevaux ; ils ont plus de

vingt millions à lui, il est banquier, patron de la Tour Eiflel ;

l'Espagne, les Etat-Unis lui appartiennent. L'intelligence a baissé;

G... sait que nous sommes au mois de mars, mais se croit en

z ; tout en reconnaissant qu'il est à l'hôpital, il ne se croit pas

malade. Son humeur est en général bienveillante ; il est très

insouciant de sa situation.

Physiquement, le poids, comme nous le disions plus haut, a

augmenté (( î6 kg. 500 au lieu de 68 kg. 800 à son entrée) ; les

fonctions végétatives s'accomplissent bien. A noter pourtant de la

polyurie : 2 à 3 litres par vingt-quatre heures; densité 1.010, urée

par vingt-quatre heures 35 gr. 08, phosphate en vingt-quatre heu-

res 4 gr. 51, quelques traces de pigments biliaires, pas d'albu-

mine ni de sucre. Il persiste un léger embarras de la parole, mais

non constant, apparaissant surtout aux mots d'épreuve ; il y a un

peu de tremblement des doigts et du tremblement fibrillaire de la

langue; les pupilles restent inégales et ne réagissent pas à la

lumière, la droite plus grande, pas de faiblesse musculaire appré-

ciable ; seulement le réflexe rotulien est diminué à droite.

C'est dans cet état que le 25 mars, le malade est transféré à

l'asile de Ville-Evrard, dans le service de M. le Dr Legrain, à l'obli-

geance de qui nous devons encore ce qui va suivre ainsi que les

résultats de l'autopsie.

« G... continue à délirer par intervalles avec toujours le même

« caractère d'hallucinations professionnelles, puis le 8 mai, on

« constate au lever qu'il marche difficilement en traînant la jambe

SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 309

« droite. Depuis trois ou quatre jours, il grinçait continuelle-

« ment des dents et se montrait plus agité et plus incohérent. La

« main droite est également plus faible. Embarras très prononcé

« de la parole avec aphasie motrice. État subdélirant d'apparence

« quasi-automatique avec tendances réactionnelles violentes. Pouls

« lent (60 par minute). Le surlendemain, atténuation du délire,

« avec persistance de l'aphasie, intoxication par le mot (le méde-

« cin s'appelle Mondé) une clef, une montre, c'est un (mondé), çà

« sert à (monder). » Il parait ne plus y avoir de difficulté dans la

prononciation. Ces troubles du langage persistent quelques jours

en s'atténuant. Le 20 mai, nouvelles attaques épileptiformes. Le

8 juillet, ictus léger avec tremblement généralisé; de nouveau,

l'aphasie s'accuse, il a des grincements de dents continuels, du

bredouillement, de l'agitation incohérente, des mouvements d'ap-

parence automatique. Le 9 juillet, nouvelles secousses épilepti-

lormes à droite avec participation de la face; le 10, l'état subdéli-

rant persiste avec inconscience absolue ; température 38;°2; les

attaques reviennent de plus en plus rapprochées et se généralisent. t.

Le 11, saignée de 500 grammes; les attaques se localisent de nou-

veau du côté droit et sont moins intenses. Mais les jours suivants,

la température monte et atteint le 15 juillet 39,06. L'état général

s'aggrave ; le malade ne reconnaît plus les objets, agitation auto-

matique, langue sèche, fuligineuse, extrémités froides, gâtisme,

température 39°. Le 16, le malade succombe. ,

Autopsie faite par M. le Dr LEGR.\I\,.Vlngt-s1X heures après la

mort. Crâne très épaissi dans sa totalité (1 centimètre à la

région frontale, 5 au. 8 millimètres aux fosses temporales) non

transparent. Dure-mère non adhérente au crâne, nombreux exsu-

dats gélatineux, comblant les sillons, surtout à gauche. Ni pus, ni

fausses membranes, quelques plaques laiteuses au niveau de

Rolando à gauche. Vaisseaux piémériens gorgés de sang, avec

quelques points de suffusions sanguines. Pie-mère fortement adhé-

rente sur l'hémisphère gauche au niveau de F3 et du pied de la

frontale ascendante, adhérences profondes qui arrachent la

substance grise sous-jacente. De ce centre la lésion va en rayon-

nant pour ainsi dire dans tous les sens et s'atténue progressive-

ment jusqu'à disparaître au delà de la pariétale ascendante; les

adhérences remontent en avant sur les parties antérieures de FI et

F', s'étendant sur presque toute la face interne de cet hémisphère

gauche. Mêmes adhérences sur l'hémisphère droit, mais plus

généralisées ici, ne laissant guère indemne que la partie posté-

rieure du lobe occipital. Hydropisie ventriculaire, état chagriné

de l'épendyme, surtout dans le quatrième ventricule et le ventri-

cule latéral gauche.

Pas de lésions circonscrites. Pas d'athérome artérielle.

310 ' RECUEIL DE FAITS.

Poumons, rien de spécial. Coeur, mou, teinte feuille morte, sans

lésions valvulaires. Aorte souple. Reins : l'un parait graisseux,

l'autre granuleux (L'examen histologique n'a pu être pratiqué),

Foie volumineux et gras. Rate normale.

M. le docteur A. Vigouiioux, médecin en chef de l'asile de Vau-

cluse, a bien voulu faire l'examen hislologiqice. En voici les résul-

tats :

« Coloration à l'éosine-liématoxyline. Les méninges sont

épaissies par places, plus dans la région frontale que dans le

lobule paracentral ; partout elles sont infiltrées de petites cel-

lules rondes. Les vaisseaux dans les méninges sont remplis de

sang et leurs parois sont infiltrées. Dans la substance cérébrale,

diapédèse abondante, infiltration du tissu par les petites cellules

rondes. >

Les parois des vaisseaux, mais surtout les gaines vasculaires sont

pleines de petites cellules. Prolifération de la névroglie, surtout au

niveau de la périphérie. Les cellules nerveuses paraissent dimi-

nuées en nombre. Le protoplasma des grandes cellules pyrami-

dales prend mal l'éosine; le corps cellulaire est peu coloré, les

prolongements ne le sont pas du tout ; quelques-unes sont

déformées, d'autres n'ont plus de noyau, d'autres enfin sont

envahies par une ou deux cellules rondes qui semblent avoir péné-

tré dans leur protoplasma (dégénérescence graisseuse). » Et

M. Vigoureux, bien .qu'ignorant tout de l'observation clinique,

conclut fort justement : « C'est une forme non aiguë de méningo-

encéphalite. »

. Cette observation nous a paru intéressante à plusieurs

points de vue. Une première chose attira l'attention chez ce

malade : la persistance du délire hallucinatoire, tel qu'il

existe en pleine crise d'alcoolisme aigu, et ce, plusieurs

mois après que G... fut soumis au régime abstinent le plus

absolu. Dès la première entrée, M. Legrain signalait une

durée inaccoutumée du délire toxique. Mais cette particularité

fut bien plus frappante lors du deuxième internement. Cette

fois, pendant près d'un an, le malade fut sujet à des bouffées

d'hallucinations visuelles, professionnelles, avec agitation,

sueurs profuses, rappelant exactement ies accès de l'alcoo-

lisme aigu. C'est là un fait qui a été signalé par M. Magn'an

dans ses' travaux sur l'alcoolisme, mais il est bien rare qu'il'

se reproduise avec une telle persistance et une telle netteté.

Quant à sa cause, nous sommes malheureusement réduits à

des hypothèses : Influence de la lésion cérébrale due à l'al-

coolisme chronique, troubles circulatoires de l'encéphalo-

SUR UN CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ET D'ALCOOLISME 311

méningite que l'autopsie a mise en évidence, auto-intoxica-

tion, enfin prédisposition. Nous noterons qu'aucune

modification de la température ne coïncidait avec ces bouffées

hallucinatoires. Dans l'observation journalière, nous rele-

vons : par exemple le 29 avril et le 6 juin des poussées très

intenses de délire hallucinatoire. Or voici les températures

rectales correspondantes.

312 RECUEILS DE FAITS. '

cette affection; 3° Produire une paralysie générale qui ne

diffère de la paralysie générale vraie que par des points de

détail : coexistence de phénomènes sensitivo-sensoriels

(crampes, fourmillements, dysesthésies, hallucinations) et de

lésions anatamo-pathologiques (stéatose et sclérose). Ces

nuances mises à part, il est impossible d'établir un diagnos-

tic étiologique différentiel et en particulier on ne peut pas

dire en l'absence de renseignements sur les antécédents si

l'on a affaire à un alcoolique devenu paralytique général ou

à un paralytique qui s'est alcoolisé pendant longtemps.

Or, le cas de notre malade semble bien rentrer dans cette

troisième catégorie. On peut toujours dire il est vrai que la

syphilis a échappé à l'examen clinique ou que G... était un

syphilitique héréditaire, mais alors nous tombons dans l'ar-

gumentation.

La clinique montre ceci : un homme jusque là bien portant

fait depuis six ans au moins des excès de boissons considé-

rables. La santé s'altère ; dès le mois d'avril 1899, on cons-

tate des insomnies, des hallucinations de la vue pendant la

nuit, un certain affaiblissement intellectuel et par moments

des poussées de mégalomanie. Il est interné le 6 juin et l'on

trouve en outre de l'inégalité pupillaire et par moments de

l'embarras de la parole ; puis bientôt apparaissent des

attaques épileptiformes non suivies de paralysie. Après cinq

mois de séjour à l'asile survient une rémission, et G... peut

reprendre son travail, mais il reste avec une intelligence

amoindrie. Il recommence ses excès de boissons et le

29 janvier 1900, un accès de délire alcoolique motive un

nouvel internement. Cette fois l'appréciation du degré de

démence est très difficile en raison des poussées hallucina-

toires fréquentes, et des ictus nombreux qui sont suivis d'un

certain degré d'hébétude. Néanmoins, loin de s'améliorer

les signes démentiels et moteurs s'aggravent et l'autopsie ne

laisse plus aucun doute.

Quant à savoir si l'on a eu affaire à ce que M. Klippel

nomme une paralysie générale inflammatoire primitive, ou

bien une paralysie générale associée à d'autres lésions d'en-

céphalite due à l'alcoolisme, ou bien à une paralysie générale

dégénérative ou pseudo-paralysie générale due également

à l'alcoolisme, il devient difficile de nous prononcer. L'exa-

men histologique n'ayant pas pu être fait complètement.

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 3 I j 5

Mais d'après les résultats obtenus, nous pensons avoir

affaire à un cas de paralysie générale alcoolique. Et c'est

sans doute à cette influence de l'alcoolisme que l'on doit la

prédominance et l'irrégularité de certains troubles et de

certaines lésions : crampes, étourdissements, ictus plus fré-

quents, alternances d'embarras prononcé et de liberté rela-

tive de la parole, délire hallucinatoire, dégénérescence

graisseuse de cellules de l'écorce. Il y aurait bien encore une

objection : Le fait que le début de la démence paralytique

parait avoir coïncidé avec les premiers symptômes de l'al-

coolisme ou tout au moins les avoir suivis de très près. Mais

nous ne croyons pas que ce soit là un obstacle suffisant pour

nier l'origine alcoolique de cette paralysie générale.

L'HYSTERIE DE SAINTE THERESE

Par LE Dr ROUBY `

(Suite) -

Hallucinations génitales. Pour les hallucinations

génitales, Thérèse sent ce que leur description brutale

aurait de peu divin, aussi n'en parle-t-elle que d'une façon

voilée; c'est une orgueilleuse, du reste : ne nous dit-elle

pas, quelque part, dans ses mémoires, qu'elle serait plus hon-

teuse d'être née de basse extraction que d'avoir commis un

seul péché mortel ? Sa bonne éducation aussi l'empêche de

narrer en détail ses faiblesses corporelles ; mais malgré les

fleurs dont elle entoure la description des jouissances que

Jésus lui fait éprouver, on y démêle facilement toute la

part que sa féminité y a prise.

«Il me prenait, écrit-elle, des saillies si violentes qu'il me

semblait qu'on m'arrachât l'âme; mais ces grands trans-

' Voir 11» So, août 1902, p. 124, 110 Si, septembre 1902, p. 227.

314 L'HYSTERIE DE SAINTE THERESE

ports d'amour ne sont pas de ces mouvements de dévotion

qui prennent assez souvent aux âmes pieuses, non, teiii-

pércenaent peiet se mêler à ces mouvements, et il est craindre que

les sens n'y aient une trop grande part. »

Ailleurs : «-A la vérité quand cet époux 'très riche veut

enrichir et caresser les âmes davantage, il les unit tellement

à lui, que, pareilles à des personnes que l'excès du plaisir et

de la joie font défaillir, elles croient être suspendues à ces

divins bras, collées à ce divin côté, appliquées à ces divines

mamelles et ne savent plus que jouir. » Ainsi parle sainte

Thérèse, dans son livre des Conceplions de l'amour de Dieu.

Elle ajoute : « Comme un jour, je me demandais pourquoi,

Dieu étant juste, privait de ses caresses tant de religieuses

qui valaient mieux que moi, il me répondit : « Contentez-

« vous de mon service et ne vous occupez pas des autres ».

« Je sortais de ces transports, la tête si épuisée et l'esprit

si peu capable d'attention qu'il ne m'aurait pas été possible,

le lendemain ou les jours suivants, d'aller à l'oraison. La

peine qu'on souffre est si agréable qu'il n'y a pas de plaisir

dans la vie qui en approche. La violence de ce transport est

si grande' qu'elle empêche de prier et de faire autre chose.

On est comme une personne à qui on aurait rompu les bras

et les jambes. Si on est debout, on se laisse aller soi-même

comme un corps privé de sentiment; à peine peut-on respi-

rer ; on laisse seulement échapper quelques soupirs, qui

bien qu'ils paraissent faibles et languissants, ne laissent pas

au fond d'être très vifs. » .

. Hallucination DE l'ange. « Quelquefois lorsque j'étais

dans cet état, il plut à Notre-Seigneur de me favoriser de

la vue d'un ange qui se tenait près de moi, à mon côté

gauche, sous une forme corporelle. Il n'était pas de haute

taille, mais petit et d'une beauté admirable. Il tenait à la

main un large dard qui me semblait d'or et avait à la pointe

un peu de feu. Quelquefois je sentais comme s'il me l'eût

enfoncé dans le coeur et qu'il m'eût percée jusqu'au fond

des entrailles. Il me semblait qu'en le retirant il me les

l'hystérie de sainte Thérèse 315

arrachait et les enlevait avec lui, me laissant toute-embri-

sée de l'amour de Dieu. Alors, la douleur que l'on res-

sent est si violente qu'on se laisse aller à de petites plaintes,

et la douceur qui l'accompagne est si grande que pour se la

procurer il ne faut rien moins que Dieu même. Dans le

temps que durait cet état, j'étais comme hors de moi et

j'aurais voulu ne rien voir ni parler à personne; c'était un

bonheur et une gloire, au-dessus de toute la gloire que les

créatures n'auraient pu jamais me procurer. Maintenant, aux

premières approches que j'en ressens, Notre-Seigneur enlève mon

âme en extase et la douleur n'a plus lieu; tout est jouissance. »

Quoique venant d'un ange, tout ceci me semble fort

suspect; ce dard à la pointe enflammée, que va-t-il faire

dans les entrailles, n'y apportant que du plaisir ? Il nous

semble que cet ange est bien indiscret : il aurait pu se con-

tenter d'une causerie amicale et céleste sur le bonheur des

élus, plutôt que de se livrer à une si bizarre occupation

dont son dard ne pouvait guère revenir que dans un état

extraordinaire ! 1

Pour mieux montrer combien ces hallucinations étaient

véritablement matérielles, Thérèse raconte, autre part, que

l'âme a besoin, par moments, de motifs d'amour plus tran-

quilles, et qu'il ne faut pas toujours aimer Dieu à coups de

poing. Ailleurs elle ne craint pas de plaider une cause éton-

nante dans la bouche d'une sainte : elle s'élève contre cer-

tains livres de prières, qui prétendent éloigner toute image

corporelle et détourner l'esprit de tout être créé; elle

combat les théologiens qui prétendent que l'humanité de

Jésus ne fait pas avancer dans le chemin de la piété ; elle

plaide' très vivement le contraire et veut que le corps

tendrement aimé, ne soit pas un obstacle à la prière;

comme elle croit vraie son hallucination génitale, elle la

défend avec ardeur, et ne veut pas être privée du plaisir

qu'elle y éprouve.

La Transverbération. Après la mort de sainte Thé-

rèse, la Transverbératioll. de son coeur, c'est-à-dire la plaie '

3 1 6 l'hystérie DE SAINTE THÉRÈSE

faite par le dard de l'ange devint un motif tout à la fois s

de vénération et de discussion religieuse : au couvent de

l'Incarnation d'Albe, où l'on conserve ce coeur si précieux,

on montrait la cicatrice et on voulait instituer, pour en

célébrer le miracle, une fête spéciale, la fête de la Trans-

verbération. Si elle eût pu le faire, sainte Thérèse, avec sa

finesse d'esprit, aurait souri de cet excès de zèle; elle aurait

refusé pour son organe cet honneur extravagant sans

attendre le veto de la cour romaine, qui se contenta de

placer la sainte parmi les vierges et martyrs.

Résultats. Telles sont les hallucinations qui firent tant

de bruit à l'époque de la Renaissance et pendant les siècles

suivants ; racontées par elle, elles ne peuvent être mises

en doute ; comme ce sont elles qui nous ont servi pour éta-

blir la base sérieuse de cette observation médicale, on doit

en conclure que sainte Thérèse n'était pas une sainte prophé-

tesse, comme on le croyait et comme on le croit encore,

mais une hallucinée comme on en voit beaucoup dans les

asiles d'aliénés.

Les Oraisons DE sainte Thérèse. Ce qui nous reste

à dire est plus curieux encore : je veux parler des Oraisons

de la sainte; dans le livre de sa vie, Thérèse donne à ses

soeurs des modèles de prières, et, pour ce faire, elle établit

cinq classes d'oraisons :

il, L'oraison mentale; -

2° L'oraison de quiétude ;

3° L'oraison d'union;

4" L'oraison d'extase ;

5° L'oraison de ravissement.

Or, il se trouve que les trois dernières oraisons ne sont

plus des modèles ordinaires de prières, mais la description

de trois états hystériques, éprouvés et regardés par elle

comme choses pieuses et divines ; états hystériques si bien

décrits que les médecins de l'époque, ignorants de cette

affection, auraient pu trouver des documents complets pour

l'étude de cette maladie, et qu'aujourd'hui même, pour

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THEKÈSE 317

décrire d'une façon parfaite certaines crises, un aliéniste

n'aurait qu'à copier les oraisons de la fondatrice du Carmel.

Il arrive, par le fait de cette confusion, que Thérèse, au

lieu de prémunir les soeurs de son ordre contre le danger de

pareilles prières, les leur donne comme exemple salutaire à

suivre ; pour elle, arriver aux trois dernières oraisons, c'est

atteindre la perfection religieuse ; en sorte que dans les cou-

vents qui suivent sa règle, plus on est en état d'hystérie,

plus on est en état de sainteté.

Dans les deux premières oraisons, il n'y a pas encore

maladie, il y a seulement entraînement à la maladie ; pour

me servir d'une comparaison de la soeur, on prépare le jar-

din où pousseront les symptômes nerveux. Laissons décote

ces deux premières oraisons, et arrivons aux trois der-

nières.

30 L'oraison D'UNION. - « L'oraison d'union est un som-

meil de la mémoire, de l'entendement et de la volonté qui

ne se perdent pas tout à fait ; dans cette espèce d'agonie on

goûte des désirs inexprimables qui ne sont autre chose

qu'une jouissance de Dieu. L'âme en cet état ne sait si elle

parle ou si elle se tait ; si elle rit ou si elle pleure ! C'est

une glorieuse extravagance, une céleste folie où l'on

découvre la vraie sagesse, c'est-à-dire une délicieuse jouis-

sance.

« On ne peut s'en sortir que par une distraction violente,

peut-être même ne peut-on pas tout à fait en venir à bout;

on sort de la limite de la raison ; la joie est si grande qu'il

semble quelquefois que l'âme est prête à sortir du corps.

Ces grands transports d'amour durant lesquels Notre-Sei-

gneur s'unit à moi, ne sont pas des actes de dévotion seu-

lement, et les sens participent à cette union. Alors Notre-Sei-

gneur remplit les fonctions de jardinier sans laisser à faire

aucun ouvrage, voulant seulement que le vrai jardinier se

récrée à sentir le parfum des fleurs. »

Si nous savons lire entre les lignes, sainte Thérèse a eu

raison d'appeler ainsi l'oraison d'union : il n'est pas diffi-

lis l'hystérie DE sainte Thérèse

cile de démêler, au milieu de ces phrases mystiques, les hal-

lucinations du sens génital que d'autres malades vulgaires

nous racontent avec plus de brutalité : c'est dans cette orai-

son d'union et dans la suivante qu'il faut placer les halluci-

nations racontées plus haut : Thérèse décrit admirablement,

pour les avoir éprouvées,- les sensations perçues dans ce

demi-sommeil 'toutes les facultés de l'âme sont anéanties

avec conservation d'une demi-conscience et le souvenir très

vif, au réveil, des sensations éprouvées.

Comme elle le dit, l'intelligence, la volonté, la mémoire

ne sont pas perdues, mais sont dans un état de paralysie

ou de demi-sommeil dont on ne peut se réveiller que par

une secousse à laquelle parfois on résiste, tellement est pro-

fonde la jouissance éprouvée.

Ne croyez pas que les mystiques seuls peuvent se donner

ou subir cet état, phase de maladie ou oraison d'union,

non, d'autres peuvent l'éprouver sans que la religion s'y

trouve mêlée.

Une dame mariée, présentant des symptômes non dou-

teux d'hystérie, entrait, de sa propre volonté, dans cette

période de jouissance extatique ; elle se retirait dans sa

chambre loin du bruit; et là assise dans un fauteuil, la tête

renversée sur le dossier du siège, le regard perdu au plafond

elle croisait la jambe droite sur la gauche et d'un mouve-

ment lent et rythmique, elle frottait avec le talon du pied

droit l'extrémité de la jambe gauche ; peu à peu elle entrait

dans un demi-sommeil hypnotique, pendant lequel elle

éprouvait la jouissance infinie d'une union imaginaire :

.C'était, nous disait-elle, la sensation de béatitude que doit

éprouver un fumeur d'opium ; si on entrait dans sa chambre,

on pouvait circuler et faire du bruit sans la réveiller, mais

elle avait conscience qu'on était là; au bout d'un quart

d'heure environ, tout était fini. Chez cette personne, cet

état n'était ni précédé, ni accompagné, ni suivi d'une

crise convulsive quelconque. Quelquefois, mais très rare-

ment, étant en compagnie, elle s'est endormie du même

sommeil, sans y prendre garde; on attribuait la chose à une

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE 319

syncope, mais, d'après'son mari, c'était le même état hysté-

rique.

40 L'oraison d'extase. - Nous arrivons avec sainte

Thérèse à l'oraison d'extase : c'est, suivant le point de vue,

un degré de plus d'hypnose ou un degré de plus de piété.

« Dans l'oraison d'extase on n'a plus de sensations dis-

tinctes ; on jouit simplement, sans connaître de quoi on

jouit, on sent qu'on jouit d'un bien où sont renfermés tous

les biens, mais on ne comprend pas quel est ce bien. Les

facultés et les sens sont si occupés de cette joie, qu'ils ne

sont plus libres pour faire attention à rien, ni à l'intérieur

ni à l'extérieur. Le corps et l'âme sont dans une impuis-

sance totale pour s'expliquer sur leur jouissance ; dans cet

état toute application étrangère serait un embarras et un

tourment. L'âme se sent en un instant tomber dans une

espèce de défaillance et de pâmoison universelles avec une

douceur et un contentement inexprimables ; les forces s'en

vont : on peut à grande peine remuer les mains ; les yeux se

ferment malgré soi, ou s'ils restent, ouverts, on ne peut s'en

servir. Si l'oreille entend, ce sont des bruits confus et non

des mots ou des phrases ; il en est de même des autres sens

qui ne sont propres qu'à empêcher l'âme de jouir à son aise

de la plénitude de son bonheur ; en même temps on jouit

matériellement d'une satisfaction très grande et très sen-

sible.

« Au début la chose passait si vite qu'on ne s'apercevait

pas à l'extérieur .de cette privation de sentiments ; plus

tard il n'en fut pas ainsi, mais la durée de la suspension des

puissances de l'âme ne dépasse jamais une demi-heure.

« Voyons maintenant ce que sent l'âme dans cet état ;

c'est à celui qui le sent à le dire : l'âme reste toute atten-

drie ; il semble qu'elle voudrait se distiller en larmes, non

de douleurs, mais de joie, et elle s'en trouve baignée sans

s'être aperçue comme elle les a versées. Elle est remplie de

joie, de voir l'ardeur de son feu apaisée par une manière

d'eau si merveilleuse qui loin de l'éteindre, l'augmente

320 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE

davantage : on prendrait ceci pour de l'arabe, et cependant

cela se passe ainsi.

« Il m'est arrivé quelquefois, au sortir de cette oraison, de

ne savoir si c'était un songe ou une vérité, mais me voyant

trempée de mes larmes, qui coulaient sans peine et d'une

force et d'une vitesse qu'il semblait que ce fût une nuée

céleste qui se déchargeait pour arroser mon jardin intérieur,

je voyais que ce n'était pas un songe. »

Que lisons-nous dans nos livres classiques sur l'extase ?

C'est un état symptomatique de l'hystérie qui présente les

caractères suivants : perte presque complète de la perception

du monde extérieur; les sensations.de la vue, de l'ouïe, du

toucher sont, sinon complètement abolies, du moins consi-

dérablement diminuées; la figure illuminée d'un rayon de

bonheur indicible, la tête renversée en arrière, le cou tendu,

les membres immobiles. dans une position une fois prise;

les sensations les plus vives et les plus douces se reflètent sur

la figure et parfois dans des attitudes passionnelles : les hal-

lucinations sont concentrées sur un seul objet, avec une

jouissance qui absorbe toute l'intelligence et toutes les

affections.

L'accès dure de dix minutes à une demi-heure, jamais

plus; il cesse brusquement ou peu à peu, mais le sujet con-

serve la mémoire des visions, auditions et sensations diverses

perçues pendant l'accès, il se termine généralement par une

crise de larmes et par une émission d'urine.

On voit combien Thérèse a bien étudié son cas : elle nous

fait une description aussi précise que l'écrivain moderne des

symptômes de l'extase : même perte de sensibilité, même

perte des forces, même abolition des sens, mêmes jouis-

sances hallucinatoires, enfin, même manière de se réveiller

au milieu des larmes.

On comprend quels sentiments de pudeur ont empêché

la sainte de parler de l'émission involontaire d'urine, qui

accompagne la pluie de larmes. Cependant, dans un autre

passage de ses mémoires elle raconte qu'en reprenant ses

sens, elle trouvait ses vêtements mal en point.

, L HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 321

50 Oraison DE ravissement. Pour l'oraison de ravisse-

ment qui correspond à la grande névrose, celle avec convul-

sions, avec attitudes passionnelles, avec hallucinations de

toutes sortes, sainte Thérèse nous la décrit comme le sum-

mum de la dévotion.

Si nous étudions scientifiquement ou plutôt médicale-

ment cette dernière oraison, nous constatons divers faits qui

éclairent singulièrement le diagnostic de la maladie : au

sujet de la crise convulsive, que lisons-nous dans nos livres

classiques ? Le plus souvent le sujet éprouve d'abord une

vague aura, la boule hystérique, puis les yeux se ferment, la

parole s'arrête, le corps s'immobilise et tombe lentement.

L'attaque a lieu : le malade se convulsé comme dans l'épi-

. lepsie, mais la perte de connaissance n'est pas brusquement

complète ; durant l'attaque on observe des mouvements

désordonnés de tout le corps, parmi lesquels le spasme

cynique, la folie libidineuse des anciens ; parfois l'attaque

se passe en silence ; d'autres fois elle est accompagnée de

petits cris ou de sanglots bruyants ; la malade suffoquée

porte les mains à son cou et à sa poitrine pour arracher le

poids constricteur. Enfin, obnubilation plus ou moins com-

plète delà conscience, hallucinations, illusions, perversions

des sens, tels sont les troubles variés de cette période.

Après la crise révulsive, il y a paifois la période des

contorsions toujours bizarres et effrayantes, avec délire con-

comitant ; les yeux sont convulsés sous la paupière supé-

rieure ; les oreilles n'entendent pas et la peau anesthésiée

n'éprouve plus de sensations de douleur ou de chaleur.

Le thermomètre invariable se maintient à 370, 3 8° au plus,

malgré l'intensité des attaques. Enfin l'hystéro-épileptique

conserve tel quel l'ensemble de ses facultés, sans diminution

ou altération, alors que l'épileptique voit chaque jour son

intelligence décliner et marcher à la démence.

Que nous dit sainte Thérèse dans son oraison de ravisse-

ment et dans la description de ses hallucinations ?

Elle a l'aura, ce coup de sifflet indicateur de la crise, sous

la forme d'un sentiment de refroidissement ; puis elle a la

Archives, 2° série, t. XIV. 21

322 L'HYSTÉRIE DE SAINTE THERESE

douleur violente au côté et la constriction de la gorge ; la i

chaleur n'augmente pas, nous dit-elle ; elle éprouve la

perte de connaissance, l'anéantissement des forces; elle

tombe et se convulse dans un accès hystéro-épileptique,

puisque sa langue est déchirée et ses mains contracturées

assez longtemps ; elle a le délire transitoire sous forme

d'hallucinations diverses ; elle a les gémissements et les

'petits cris ; elle a les sentiments de tristesse et d'angoisse;

peut-être aussi a-t-elle les attitudes passionnelles si nous

traduisons bien sa phrase. « Ici le corps est moins maître

de lui. » Pendant la longue durée de cet état nerveux,

les périodes d'extase et d'union viennent remplir l'in-

tervalle des crises et apporter pendant quelques heures un

peu de soulagement à la pauvre convulsée. Enfin, lorsque la

malade se réveille, la période est finie, elle est brisée comme

de coups reçus, mais elle reprend alors, avec toute son

intelligence reconquise, son train de vie ordinaire. La

période de ravissement de sainte Thérèse s'appelle d'un

autre nom en aliénation mentale, c'est le mal hystéro-épi-

leptique.

LE château intérieur. Dans un dernier livre, le C : ld-

leau intérieur, sainte Thérèse a reproduit sous une autre

forme le même ordre d'idées ; ce château fort se compose

de plusieurs enceintes où l'âme pénètre peu à peu : la pre-

mière enceinte correspond à l'oraison mentale ; la dernière,

ou bastion principal, à l'oraison de ravissement ; faire une

comparaison entre les états d'hystérie et ces diverses enceintes

serait, avec des changements de nom, répéter le travail que

nous venons de faire pour les oraisons ; nous n'en parlons

donc que pour mémoire.

BONNE roi DE sainte Thérèse. La description de ces

oraisons et l'histoire de son château intérieur nous prou-

vent la bonne foi de sainte Thérèse ; elle ne se rendait nul-

lement compte du mal dont elle était la proie et regardait

comme vraies ses hallucinations de divers sens. Lorsque la

grande crise s'emparait d'elle, comme la pythie sur le tré-

L'HYSTÉRIE DE SAINTE THÉRÈSE 323

pied de Delphes, elle croyait que Dieu prenait possession de

sa personne.

CREDO quia ABSURDUM. En terminant ce travail, nous

rappellerons un mot de sainte Thérèse qu'elle eut cons-

tamment dans la bouche pendant le cours de son existence :

« Plus les choses sont au-dessus de la raison, plus je les

crois ». Cela veut dire que les manifestations de sa maladie

et ses hallucinations en particulier, bien qu'en dehors de la

raison, doivent être acceptées comme articles de foi non

seulement par elle, mais encore par tous ceux qui suivent

son enseignement. Aussi pensait-elle faire acte méritoire,

en excitant les fidèles par ses sermons et par ses livres à

mettre en pratique les cinq oraisons, et à pénétrer avec elle

dans le château fort hanté par sa folie. Mais en donnant

comme aliment religieux, aux peuples avides de l'entendre,

les produits de ses hallucinations et en entraînant pendant

plusieurs siècles les foules croyantes dans la fausse direction

d'un mysticisme maladif, Thérèse fit un mal considérable

à l'humanité ; car il ne faut pas se le dissimuler, elle eut

une autorité sérieuse sur le monde entier ; l'Espagne sur-

tout eut à souffrir de son fait : dans ce beau pays qui avait

été, sous les Arabes, le centre de la civilisation, cette hys-

térique fut regardée tout à la fois comme grande sainte et

comme grand docteur ; elle fut, comme influence, supé-

rieure à tous : elle fut écoutée par les évêques et par les

prêtres, par la Cour et les grands seigneurs, par les gens

éclairés et par le peuple ignorant, enfin par le long cor-

tège de moines qui se prolonge de siècle en siècle dans

l'histoire. Sa cellule fut l'antre de la Sibylle d'où sortaient

sans cesse les mots fatidiques, et parmi ceux-ci, celui

qui pour elle les résumait tous : « Plus les choses sont

au-dessus de la raison, plus nous les croyons ». Ces mots,

négation de toute science, ennemis de tout progrès, furent

les mots d'ordre qui présidèrent à l'enseignement dans tous

les ordres religieux et dans toutes les universités catho-

liques ; ils y président encore. Ils furent, sans aucun doute,

324 L'HYSTERIE DE SAINTE THÉRÈSE

une des plus grandes causes de l'amoindrissement de ce

peuple espagnol qui, avec tant de qualités morales, aurait dû

avoir d'autres destinées.

Conclusions. Pour sainte Thérèse, si l'hystérie est une

excuse et si on. doit lui pardonner, comme on pardonne à

ceux qui ne savent ce qu'ils font, il n'en est pas moins vrai

ou'il reste un devoir à remplir, celui de faire connaître la

vérité aux gens croyants, susceptibles aujourd'hui encore,

d'être séduits et trompés par ses écrits.

Si sainte Thérèse, ne cessons de le dire, fut une sainte,

ce fut une sainte hystérique.

Au xxe siècle la formule de saint Augustin et de sainte

Thérèse : Credo quia absurdum doit être effacée de tous les

catéchismes et de tous les manuels d'instruction ; au xxe

siècle il faut croire seulement ce que la science et la raison

nous enseignent ; la raison et la science doivent prendre la

place de toutes les folies religieuses. '

Le 15 décembre 10 j.

Vallée des Consuls (Alger).

NOTA. - Il y a des sources aux eaux claires, abondantes

et intarissables où s'alimentent de nombreux ruisseaux ; le

livre du Dr Pitres (de Bordeaux), sur l'hystérie, est la source

féconde qui a coulé dans le filet d'eau qu'est cet opuscule.

D. R.

Aliénés EN Hi ! ERTË

Les drames de la folie. - Un drame attribué à la folie s'est

déroulé hier soir à sept heures, à Arc-sur-Tille, à 12 kilomètres

de Dijon : une mère de famille du nom de Régnier, dont le mai

est employé aux tramways départementaux, s'est noyée dans la

- Tille avec trois de ses enfants, un de cinq mois, les autres de

quatre et deux ans. Elle s'était attaché les deux derniers à la

ceinture. Régnier, en rentrant chez lui, surpris de ne trouver que

ses trois enfants aînés, se mita la recherche de sa femme, dont le

cadavre et ceux de ses plus jeunes enfants ne lardèrent pas à être

retirés de la rivière.'

SOCIÉTÉS SAVANTES.

111° CONGRÈS

DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES DE FRANCE

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE

Tenu et Grenoble du 1 ? au 7 août 1902

(suite) ' .

Séance du 4 Août 1902.

Visite de l'Asile de Saint-Robert.

Le lundi 4 août, sur l'invitation du bureau du Conseil général

de l'Isère, le Congrès s'est rendu à l'Asile de Saint-Robert. M.Gex,

directeur, et M. Bonnet, médecin en chef, ont servi de guides aux

visiteurs.

L'asile de Saint-Robert est situé dans la riche vallée du Graisi-

vaudan, à 6 kilométrer de Grenoble. L'origine d'une partie de ses

bâtiments remonte à une date fort ancienne. Ce l'ut vers la fin du

xf siècle que deux princes de la famille des Dauphins fondèrent

un monastère à Saint-Robert et y appelèrent des moines de l'ordre

de Saint-Benoit. En 1691, Louis XIV fit élever, dans l'enclos de ce

monastère, un vaste bâtiment destiné à servir d'hôpital et où de-

vaient être soignés les soldats de l'armée d'Italie. Après la paix de

Ryswick, ce bâtiment fut abandonné aux religieux. Pendant la

Révolution, il fut vendu avec le monastère et le clos comme pro-

priété nationale, Le département en devint propriétaire en 1812.

Successivement, dépôt de mendicité, maison de correction, maison

de refuge pour les aliénés en état de fureur, les filles-mères parvenues

au terme de leur grossesse, les indigents des deux sexes atteints de

maladies vénériennes et cutanées reconnues susceptibles de guérison,

et école d'accouchement, l'établissement de Saint-Robert ne se mo-

difia que lorsque la loi du 30 juin 1838 prescrivit un nouveau

régime pour les aliénés. Le Conseil général décida, en 1845, que le

dépôt de Saint-Robert serait affecté exclusivement au traitement

desaliénés et approuva, en 1851, les plans et devis du nouvel asile,

oeuvre de Al. le Dr Evrat, directeur. Il divisa l'asile en trois parties :

celle de droite réservée au service des femmes; celle de gauche

au service des hommes ; les services généraux au centre.

Les pavillons séparés les uns des autres, forment. pour ainsi dire,

1 Voir le dernier numéro, p. 211 à 276.

32G SOCIÉTÉS SAVANTES.

de petits asiles, de qui facilite la distinction et le classement mé-

thodique des différentes catégories et formes d'aliénation mentale,

l'éloignement de celles dsnt le voisinage pourrait être nuisible à

l'un ou à l'autre. Barreaux aux fenêtres, hautes murailles autour

des préaux, tout ce qui rappelle la séquestration a été supprimé.

La vue a été rendue aussi riante et étendue que possible. Des mas-

sifs d'arbres et de fleurs, la vue du magnifique panorama de nos

montagnes, tout concourt à donner aux malades l'illusion de la

liberté. Chaque pavillon a deux expositions et de nombreuses

ouvertures pour donnera profusion de l'air et de la lumière. La

propreté fait l'admiration de tous les visiteurs.

L'asile comprend seize pavillons pour les indigents, un pension-

nat pour les hommes, un autre pour les femmes et une colonie

agricole de quarante hectares. Deux nouveaux quartiers d'agités

sont en voie de construction .

Il est à regretter qu'on les ait disposés de telle façon qu'ils cau-

sent un préjudice sérieux aux malades du pensionnat (F.). De

même aussi pour le pensionnat des hommes, il esta regretterque

le rideau d'arbres que nous avons vu autrefois et qui dissimulait

la vue du cimetière ait été abattu par le directeur administratif,

ce qui fait que aujourd'hui les pensionnaires voient le cimetière,

les enterrements, etc. C'est là une « distraction » qui ne peut que

nuire aux malades, -

Au pensionnat des hommes, au second étage, il y a un dortoir

de 7 lits pour les aliénés de l'asile qui viennent faire les grosses

besognes. Les chambres des infirmiers sont défectueuses, étroites,

prennent l'air seulement sur le corridor et sur la chambre des

pensionnaires.

Le quartier des agités de l'asile est bien compris. Nous y revien-

drons. Le service balitéo liydrothérapiquc, auquel est annexée

l'étuve, est l'un des mieux organisés que nous ayons vus dans nos

visites : au centre est l'installation hydrothérapique, d'un côté

bains des hommes, de l'autre bains des femmes. - Dans le vesti-

bule de tous les quartiers, lavabos communs. Baquets dans les

dortoirs la nuit; cette pratique déplorable, qui existe encore dans

trop d'asiles, devrait disparaître. Eclairage électrique.

La population de l'asile était de 1,040 au 1°"janvier4901, de 1,012

au 31 décembre dont 41 de la Seine (t fr. 50 par jour). Au cours

de l'année, il a été admis 19 cas de folie alcoolique (14 hommes,

5 femmes), et 2 cas de crélinisme ou mieux de dégénérescence phy-

sique, rappelant d'assez loin le véritable crétinisme. Le nombre

des goitreux va progressivement en diminuant. -Au 30 avril 1902,

- ' Nous empruntons une partie de ces renseignements à une petite

notice (avec plan) délivrée aux congressistes, intitulée : Souvenir de la

visite de l'établissement .

SOCIETES SAVANTES. 32 t

il y avait 218 travailleurs et'364 travailleuses. Prix de journée des

aliénés de l'Isère 1 l'r.

Les pavillons portent des noms laïques sauf quatre : Pinel, Co-

nolly, Parchappe, Saint-Vincent, Fodéré, Saint-Ferréot, Calmeil,

Gasparni, Baillarger, pour la division des hommes; Esquirol,

Ferron, Sainte-ChantaI, Saint-Côme, Falpet, Evrat, Daquin, Char-

meil, pour la division des femmes.

Le pensionnat donne une recette de 101,770 fr., la Seine.

i 1,974 fr. Total général des recettes = 742,084 fr, Les dépenses

= 677,198, dans lesquelles figure l'annuité de 26.000 fr., répon-

dant à un emprunt contracté en 1882. Les rendements de l'exploi-

tation agricole ont été de 90,423 fr. en 1901 (voir p. 393).

Toujours à l'avant-garde du progrès, le Conseil général a fait

construire, depuis longtemps, un asile pour les vieillards. L'année

dernière, il a voté la création d'un asile pour les incurables qui ne

peuvent être secourus à domicile et qui ne peuvent être admis à

l'hôpital, parce qu'ils sont incurables, à l'asile des vieillards parce

qu'ils n'ont pas cinquante ans ou sont impotents et gâteux, à l'asile

d'aliénés, parce qu'ils ne sont pas fous. Les bâtiments nécessaires

à ce nouveau service seront construits sur le terrain de la

ferme.

A midi, un banquet éteit offert aux visiteurs dans les superbes

allées de marronniers du parc de l'asile. au dessert, M. le Préfet de

l'Isère prend le premier la parole. Il excuse M. l'inspecteur-général

Ogier, qui n'a pu répondre à l'invitation qui lui avait été

adressée.

M. Antonin Dnbost, président du conseil général et délégué du

ministre de 1 Intérieur souhaite la bienvenue aux congressistes et

les remercie d'avoir honoré Grenoble et l'asile départemental de

leur visite. Il énumère les sacrifices que s'impose le Conseil

général pour assurer le fonctionnement des services administra-

tifs, et des services médicaux de l'asile et annonce la prochaine

ouverture des nouveaux pavillons, ce qui permettra, d'une part, de

recevoir un plus grand nombre de malades, d'autre part de dé-

gager les locaux actuellement encombrés.

« Nous sommes convaincus, messieurs, dit-il, que votre voyage

dans ce pays se traduira par de nouvelles améliorations dont

bénéficiera l'assistance publique. ),

Il termine son allocution en portant un toast aux congressistes,

à M. Régis, président et aux dames du Congrès.

M. Régis, remercie M. le préfet et le conseil général de leur

bienveillant accueil. Il a trouvé dans l'asile une direction et une

administration parfaites et il est heureux de rendre hommage au

dévouement autant qu'à la compétence de MM. Gex et Bonnet. Ce

dernier, ajoute-t-il, s'est inspiré du souvenir de M. le Dr Evrat,

dont il applique la méthode. Il est heureux de retrouver ici son

328 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ancien maître, 11, le D'' Afottet. II lève son verre à 111. le préfet, à

M. Dubost, à M. Bonnet, à 111. Gex, à M. le D1' Mottet. '

ill. Gex dit que c'est un honneur et une fête pour l'asile de rece-

voir d'aussi éminents visiteurs : il remercie les invités et les dames

dont la présence double le charme de cette fête. Les félicitations

qui lui ont été adressées, il les reporte sur ses collaborateurs dont

le zèle ne se dément pas un instant et qui contribuent'à lui rendre

sa tâche facile. Il a un mot aimable pour la presse locale et pour

tous ceux qui ont donné à l'établissement de Saint-Robert le pré-

cieux témoignage de leurs sympathies.

Au nom de la Société médico-psychologique de Paris M. Mottet,

dont la verte vieillesse a affronté les fatigues d'un long et pénible

voyage, est heuieux de retrouver quelques-uns de ses plus labo-

rieux élèves. Il lève son verre au progrès de la science médicale et

au développement de l'assistance.

M. Dupré porte ensuite, en vers, le toast suivant :

Vous m'avez demandé des vers

Comme si j'étais un poète.

Depuis, j'ai la tète à l'envers.

Le coeur triste et l'àme inquiète.

Vous m'avez dit : « Je suis jaloux,

Que m'importent tous ces éloges ? -

Cfhtuats, je les donnerais tous

l'our un sourire de Limoges ! 1 »

- Ilé,71s. s'il faut (tue nos repas .

Soient couronnés par un poème,

Aujourd'hui, ne l'oubliez pas,

Le vrai poète, c'est vous-même !

Giitce à vous, échanson divin,

1`ous avons eu mieux qu'un poète :

Le poème de votre vin

, S'ebt répandu sur notre tète ! -

A travers les ors transparents

la les rubis de vos bouteilles,

. 1)s omrmmes délirants,

Nous avons connu les merveilles ! '

- Le vin qu'on doit boire à genoux,

Vous le savez mieux que personne.

IV ? vuqnait-il pas devant nous

L'àme exquise du vieil Ausone !

A un ban solennel t

r1 l'amlhitryon ae la fête ! .

],es 1)(,tit-fils du gi-aiid Pitiet

Saluent leur président poète ?

SOCIÉTÉS SAVANTES. 329

M. Bonnet, secrétaire général du Congrès, remercie les savants

du monde médical d'avoir répondu à sou appel ; il exprime toute

sa gratitude au Conseil généial et à son éminent président, M. Du-

bost, et porte un toast en l'honneur de M. Vallon, son ancien

maître. M. Giraud rappelle qu'au congrès qui se tinta Lyon, il

y a onze ans, les congressistes avaient l'ait une première visite à

l'asile de Saint-Robert. Il est heureux de constater les améliora-

tions apportées pendant cette période et les progrès réalisés.

Enfin la série des Loats est close par M. Vallon, qui porte la santé

de l'un de ses plus brillants élèves, M. le D1' Bonnet.

Inutile de dire que ces divers toasts ont été vivement applaudis et

que celui de M. Dupré a eu les honneurs du ban. Après le banquet,

les congressistes se sont réunis dans une des salles de l'asile pour

la continuation de leurs travaux.

Séance du 4 août 1902, (soir).

Traumatisme et folie.

MM. Marie et Picqué. liéstenté : Dans les psychoses et comme

pour les névroses, il est fréquent d'entendre invoquer par les

malades ou leur famille, l'influence des traumatismes généraux ou

locaux. L'examen des aliénés montre d'autre part souvent qu'ils

portent, en effet, des traces de traumatismes variés. Ces trauma-

tismes peuvent être divisés en deux grandes classes, traumatismes

consécutifs à la folie, traumatismes antérieurs.

Les premiers peuvent être accidentels ou directement en rapport

avec la folie précédente. Ils peuvent dans un cas comme dans

l'autre être sans influence ou réagir à leur tour sur la psychose

antérieurement existante. Parfois ils l'aggravent en y surajoutant

des complications variées : parfois ils peuvent faire disparaître

certains phénomènes pathologiques agissant comme une interven-

tion opératoire voulue.

Les traumatismes antérieurs ou psychoses peuvent être sans

action sur elles ou au contraire préparer le terrain en créant un

locus minoris 7esisteiisix.

Enfin il est des cas où le traumatisme antérieur semble en rap-

port étroit avec la psychose consécutive et dans un rapport de

cause à effet. Les observations publiées ne sont pas démonstra-

tives ; de nouvelles études sont à faire dans cette voie. Les trau-

matismes antérieurs aux troubles mentaux et nerveux peuvent

appeler l'intervention chirurgicale. Celle-ci peut être faite avant

l'apparition des troubles mentaux et nerveux pour remédier aux

conséquences ordinaires du traumatisme.

330 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Dans le cas d'intervention précoce, la psychose post-opératoire

peut être liée à l'opération seule et à ses suites ou bien encore au

traumatisme mental, ou à l'un ou l'autre. Elle peut rester aussi sans

rapport autre que de coïncidence. Une première intervention opé-

ratoire peul, sans compliquer l'état mental ou nerveux, rester sans

action curative : il ne s'ensuit pas qu'une intervention nouvelle

ultérieure ne reste pas indiquée.

Les applications futures de la chirurgie aux psychoses tireraient

profit de l'étude des suites lointaines qu'on en peut observer dans

les services d'asile comme des recherches fort minutieuses qu'on

y peut faire.

Dans t'étiologie de toutes ces catégories de psychoses, l'élément

traumatique peut intervenir parfois d'une façon prépondérante;

cet élément étiologique, souvent méconnu, mérite cependant une

place à part. L'observation individuelle plus minutieuse des

malades des asiles doit conduire à l'utilisation plus fréquente des

ressources de la thérapeutique chirurgicale dans le traitement des

psychoses tant aiguës que chroniques. Ce rapport des psychoses

avec le traumatisme doit de même conduire le chirurgien, dans

les premières périodes du traumatisme à ne négliger aucune indi-

cation opératoire.

M. A. Marie montre une série de moulages de calottes crâniennes

trépanées.

Suites éloignées du traitement chirurgical de l'idiotie

et de l'épilepsie.

M. BouRKEViLLE (de Paris) appelle l'attention sur les résultats

éloignés du traitement chirurgical de l'idiotie et de l'epilepsie et

relate un certain nombre d'observations qui prouvent que dans

l'épilepsie dite essentielle, après une diminution passagère des accès

à la suite delà trépanation, ceux-ci réapparaissent plus nombreux

qu'auparavant et s'accompagnent rapidement d'une profonde

déchéance des facultés. Les résultats, dans l'épilepsie partielle ou

jacksomenne, ne sont pas plus satisfaisants lossclti'on suit les ma-

lades prétendus guéris pendant quelques années. Seule, épilepsie

d'origine traumatique parait rester tributaire delà chirurgie, mais

encore faut-il que l'intervention soit précoce et que plusieurs

années ne se soient pas écoulées depuis l'apparition des premiers

accès.

Quant à l'icliolie, on sait que son traitement chirurgical reposait

sur une hypothèse erronée, celle de la synostose prématurée des

os du crâne ; aussi est-il aujourd'hui à peu près complètement

abandonné.

M. Onnecrn. J'ai eu de mon côté l'occasion de suivre pendant

plusieurs années cinq épdeptiques qui avaient subi une double ré-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 33)

section du sympathique cervical. Chez tous ces malades, les accès

comitiaux disparurent pendant quelque temps à la suite de l'opé-

ration, mais pour réapparaître ensuite tout aussi intenses et tout

aussi fréquents. Je fus obligé d'avoir recours au bromure de potas-

sium aux doses de 6 à 12 et 14 grammes par jour. Grâce à ce trai-

tement intensif, 2 de ces malades peuvent être considérés comme

guéris, car, bien qu'ayant cessé de prendre du bromure depuis un

an, ils n'ont pas eu de nouvel accès; 2 sont encore actuellement en

' traitement; le cinquième a succombé en état de mal.

De l'utilité de la ponction lombaire pour le diagnostic

de la paralysie générale.

MM. A. Joffroy et E. Mercier. Dans un grand nombre de cas'

- le diagnostic de la paralysie générale, impossible par les anciens

moyens d'investigation, peut être fait grâce à la ponction lombaire,

car dans les conditions où se pose habituellement ce problèiiiecli-

nique, la constatation de nombreux éléments blancs dans le liquide

céphalo-rachidien permet d'affirmer la paralysie générale, tandis

que leur absence permet de rejeter ce diagnostic.

A l'appui de cette affirmation, les auteurs de la communication

'apportent leur statistique personnelle et des exemples empruntés

aux leçons cliniques faites à l'asile Sainte-Anne pendant l'année

scolaire 1901-1902. leçons qui doivent former la base d'un tiavail

plus développé sur les applications de la ponction lombaire en

psychiatrie.

La statistique comprend 120 ponctions lombaires faites chez

91 malades différents, la plupart avec numération des éléments

blancs. Il a été fait 70 ponctions chez 48 paralytiques généraux.

Le nombre des éléments était généralement compris entre 10 et

100 par millimètre cube. Dans 4 ponctions faites sur 3 paraly-

tiques, on a trouvé un nombre d'éléments comparable à celui

'qu'on trouve chez les sujets sains. Mais les auteurs montrent qne

ces trois malades n'étaient pas dans les conditions d'évolution que

rencontre le clinicien dans le cas où le diagnostic est difficile. Ils

pensent qu'au début de la paralysie générale l'augmentation du

nombre des éléments est un symptôme constant.

Ils ont trouvé encore un nombre élevé d'éléments dans 4 cas de

tabès avec troubles mentaux, et dans un cas d'excitation maniaque

associé à une méningo-myélite syphilitique dont les symptômes

disparurent en même temps que l'excitation sous l'influence du

traitement spécifique.

Chez 18 vésaniques appartenant aux diverses variétés de psy-

choses, chez 1 épileptique, dans 1 cas de crises épileptiformes liées

à l'albuminurie, 2 cas de ramollissement cérébral et 1 cas d'hydro-

céphalie, le nombre des éléments n'était pas augmenté. Il n'était

332 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pas augmenté non plus chez 11 alcooliques auxquels furent faites

17 ponctions, et qui comprenaient 8 cas d'alcoolisme subaigu, d'al-

coolisme chronique et 2 de psychose polynévritique de Korsakofr.

La ponction lombaire permet de distinguer la paralysie géné-

rale des diverses formes de l'alcoolisme, et surtout de ces accès

d'alcoolisme subaigu qui éclatent dans le cours de l'alcoolisme

chronique. A diverses reprises, les auteurs se sont trouvés en face

de malades présentant, avec un délire plus on moins analogue au

délire alcoolique, de la confusion, de l'amnésie, des troubles de la

parole et parfois de l'inégalité pupillaire. Suivant que la ponction

faite à l'entrée dans le service leur révélait un nombre anormal

d'éléments blancs ou une quantité normale, ils faisaient, dans des

cas par ailleurs tout à fait semblables, tantôt le diagnostic de para-

lysie générale, tantôt celui d'alcoolisme, et l'évolution ultérieure

de la maladie leur a toujours donné raison. Or, avant l'emploi de

la ponction lombaire, le diagnostic immédiat était impossible dans

ces cas.

La ponction lombaire permet aussi de distinguer la paralysie

générale, au début, d'une psychose, et en particulier d'un accès

curable de manie ou de mélancolie, alors que le diagnostic sans

aide'serait tout à fait impossible.

Les auteurs citent l'exemple de deux hommes arrivés à l'âge

moyen de la vie, qui tous deux furent atteints d'un accès d'excita-

tion maniaque sous l'influence duquel ils commirent des incorrec-

tions très comparables. A l'examen, tous deux présentaient de

l'excitation sans affaiblissement intellectuel, sans troubles de la

mémoire. La parole élait normale, comme l'écriture; chez tous

deux il y avait une légère inégalité pupillaire, avec un réflexe

lumineux normal.

Il eut été impossible de différencier ces deux malades sans la

ponction lombaire, qui révéla un nombre anormal d'éléments chez

l'un, un nombre normal chez l'autre. Le premier était un paraly-

tique général; le second, au contraire, devait être regardé comme

curable.

La présence des éléments blancs chez un aphasique permet d'at-

tribuer l'aphasie à la paralysie générale dans certains cas où sans

la ponction lombaire, le diagnostic avec le ramollissement cérébral

serait très difficile.

Mais il y a des cas très rares où la ponction lombaire ne peut

servir au diagnostic de la paralysie générale. Ce sont ceux où il

existe une autre affection capable d'expliquer la présence des élé-

ments blancs. Par exemple, lorsqu'un tabétique présente des

troubles mentaux, on doit se demander s'il s'agit de troubles pas-

sagers, ou si l'on doit incriminer des lésions cérébrales de para-

lysie générale. Ici la ponction lombaire est impuissante, puisque le

tabès suffit à expliquer la présence des éléments blancs.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

En somme, d'après cette communication, la présence de nom-

breux éléments blancs dans le liquide céphalo-rachidien est le plus

constant et le plus précoce des signes physiques de la paralysie

générale, et sa découverte a fait faire un progrès considérable à

la question si importante du diagnostic de cette affection.

Discussion : M. Joffroy. Je désire attirer l'attention sur les

4 ponctions négatives faites chez des paralytiques généraux. Elles

ont porlé sur 3 malades. L'un de ces malades est entré à la cli-

nique il y a sept ans avec tous les signes de la paralysie générale,

puis après une période d'amélioration son état est resté station-

naire. Deux ponctions faites à six mois de distance dans le cours

de la septième année de la maladie n'ont pas révélé d'éléments.

11 ne faudrait pas en conclure que dans ces paralysies générales

prolongées, l'absence des éléments soit constante, car chez un

autre malade dont l'état reste stationnaire depuis treize ans, une

première ponclion fut négative, mais une deuxième, faite six mois

après, révéla de nombreux éléments. D'ailleurs la quatrième ponc-

tion négative montre qu'on peut rencontrer cette absence des élé-

ments dans des cas récents à évolution rapide. Ainsi pas plus

qu'aucun autre symptôme de la paralysie générale, la présence

des éléments n'a une valeur absolue.

M. Arnaud a vu un sujet atteint de crampes des écrivains qui

eut ensuite de l'embarras de parole. Ce fait lui semble venir à

l'appui des idées émises par M. Paillas sur la corrélation des

centres de l'écriture et de la parole.

M. DOUTI11.BIdN1'I : . Je demande à M. Joffroy de nous dire s'il

pourrait nous fournir des renseignements sur les antécédents vésa-

niques héréditaires des deux paralytiques dont la maladie dure

depuis cinq et onze ans.

M. Joffroy. L'un de mes malades avait des antécédents héré-

ditaires manifestes, il était fils d'un déséquilibré.

M. Doutrebente. Je remercie M. Jolfroy de ce renseignement.

qui me confirme dans l'opinion émise par moi il y a trente-deux

ans dans ma thèse, quand j'ai dit, le premier en date, que la forme

chronique et rémittente de la paralysie générale se rencontrant

chez les héréditaires vésaniques.

AI11. lllraE et Duflot. 11 y a bientôt deux ans que Widal.

Sicard, llavaud, ont fait connaître et rendu praticable à tous la

ponction lombaire. Depuis, celte époque, tout a été dit sur la

nature de cette opération, les méthodes d'examen du liquide, les

renseignements cliniques qu'une ponction peut donner en neuro-

logie et en psychiatrie. On a tenté la ponction lombaire dans toutes

les maladies susceptibles d'irriter les méninges et par suite de

faire apparaître des éléments figurés dans le liquide céphalo-rachi-

dien. La présence ou l'absence. de ces éléments dûment constatées

334 SOCIÉTÉS SAVANTES.

permettent donc, dans un cas donné, d'éliminer un certain nombre

d'hypothèses et de restreindre, par conséquent, le champ du dia-

gnostic.

A côté de ce simple examen, se bornant à constater la présence

ou l'absence d'éléments figurés, il nous a semblé que d'utiles ren-

seignements pourraient peut-être résulter de l'examen systéma-

tique et répété du liquide céphalo-rachidien chez certains malades.

Aussi, avons-nous fait un choix de paralyticlues généraux que

nous soumettons périodiquement à la ponction. Nous nous sommes

demandé, en effet, si le nombre des lymphocytes progressait en

raison directe de la maladie 1 ; s'il y avait variation dans la for-

mule cytologique dans les phases si diverses de la paralysie géné-

rale, ou encore au moment des ictus, fréquents chez le. paraly-

tique ? Peut-étreaussi, puisque le traitement spécifique parait devoir

rentrer en faveur, aurait-on pu trouver là un certain contrôle des

effets produits par ce traitement dans certains cas de paralysie

générale.

Nos observations sont encore trop peu nombreuses, et surtout sui-

vies pendant un laps de temps trop court, pour que nous puissions

répondre catégoriquement à ces multiples questions (nous nous

proposons du reste de les publier avec les développements qu'elles

comportent). Toutefois, il y a un fait qui nous parait bien certain,

c'est que le nombre des lymphocytes dans la paralysie'générale ne

semble pas progresser en raison des symptômes cliniques tant

physiques que psychiques. Nous avons ponctionné des malades

tout au début de leur maladie, dont le diagnostic même était

encore très hésitant. Dans certains cas, nous avons trouvé une

très grande abondance de lymphocytes, tandis que chez d'autres

paralytiques malades depuis longtemps, déprimés et cachectiques,

le nombre des lymphocytes était sensiblement inférieur à celui

trouvé chez les malades précédents.

Nous nous proposions de remettre à l'épreuve le traitement spé-

cifique avec le contrôle du cytodiagnostic, mais il semble bien,

d'après les observations précédentes, qu'il ne puisse donner de ren-

seignements sur le bon ou sur le mauvais résultat de la médication.

Quant aux variations de la formule leucocytaire avec les diverses

phases cliniques ou les ictus de la paralysie générale, nos obser-

vations, trop peu nombreuses encore, ne nous permettent de tirer

encore aucune conclusion définitive si ce n'est que l'abondance des

leucocytes dans le liquide céphalo-rachidien recueilli par la ponc-

tion chez les P. G. semble plus fréquente au début de l'affection et

dans les phases de poussées aiguës.

1 II ne s'agit évidemment pas d'une énumération exacte, démontrée

presque chimérique, mais d'une évaluation approximative, suffisamment

exacte toutefois pour le but recherché.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

L'anxiété impulsive au point de vue médico-légal.

M. Garnier (de Paris). -L'anxiété est assez fréquemment géné-

ratrice du crime, et ce qui constitue l'intérêt du fait, c'est que

l'acte criminel issu de l'anxiété morbide est en bien des cas accom-

pli en dehors de l'influence de conceptions délirantes. Sous l'em-

pire d'une souffrance morale indiquée, mais non accompagnée de

délire, une explosion subite a heu, sorte de convulsion mentale

qui se traduit par une fureur destructive.

Après cet éclair de violence, cette décharge motrice, il y a comme

une détente qui n'est pas sans analogie avec ce que l'on observe

chez les obsédés impulsifs post acluii2. On se trouve alors en pré-

sence d'une personne inquiète et surtout étonnée, qui manifeste la

première sa stupéfaction d'avoir commis un tel acte de violence et

qui, tout en ayant conscience de l'acte accompli, ce qui la diffé-

rencie du comitial, ne s'y reconnaît pas elle-même, ce qui la dis-

tingue-du délirant persécuté qui, lui, prétend sa conduite justi-

fiée.

Le magistrat interroge et constate une lucidité à peu près entière,

et si les .circonstances sont telles qu'une apparence de mobiles

puisse être trouvée, la situation devient très délicate pour l'expert.

11 importe donc que le médecin sache que dans la mélancolie sans

délire, alors que la maladie est beaucoup plus morale qu'intellec-

tuelle, il existe un vertige mental particulier dans lequel des actes

homicides ou suicides peuvent être exécutés avec tous les carac-

tères des actes réflexes. 1

M. P. HARTENBERG (de Paris). La névrose d'angoisse, décrite

par Freud (de Vienne), est caractérisée par les symptômes sui-

vants :

a) Surexcitation nerveuse générale ; b) Etat d'angoisse rhro-

nique ou « attente anxieuse » ; c) Accès d'angoisse aiguë ptii-0-

mystique, avec dyspnée, palpitations, sueurs profuses, etc. ;

d) Equivalents de la crise d'angoisse et crises rudimenlaires, tels

que : troubles cardiaques, troubles respiratoires, troubles diges-

tifs, vertiges, paresthésies, phénomènes musculaires, phénomènes

sécrétoires, phénomènes congestifs, troubles urinaires, variations

de la nutrition générale, etc. e) Phobies et obsessions. De tous

ces symptômes, le plus constant et le plus significatif est l'angoisse.

Les désordres fonctionnels sont plus ou moins variables, s'asso-

cient diversement entre eux et peuvent se remplacer les uns les

autres. Les phobies se développent à la faveur de l'angoisse, et

leur objet, qui n'est que la forme intellectuelle dans laquelle l'an-

goisse se justifie, dépend du hasard des circonstances.

Je puis citer trois observations de malades atteints de cette forme

de névropathie, et chez lesquels on ne trouve aucun des stigmates

336 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'hystérie ni de la neurasthénie. En revanche, on constate les

grands symptômes cliniques qui caractérisent la névrose d'angoisse :

attente anxieuse, crises d'angoisse aiguë, équivalents de crises,

phobies et obsessions. En conséquence, je crois légitime de classer

ces malades sous le diagnostic de névrose d'angoisse.

Note sur l'évolution des obsessions et leur passage au délire.

M. Séglas expose le résultat de ses observations personnelles

sur cette question qu'il a déjà abordée depuis 1889, dans diffé-

rentes occasions. Contrairement à l'opinion généralement admise

en France, il est toujours d'avis que l'obsession vraie est suscep-

tible, à l'occasion, d'évoluer, de se transformer, d'aboutir au

délire proprement dit.

11 convient tout d'abord d'éliminer les observations d'idées obsé-

dantes, ou mieux fixes, prépondérantes et celles dans lesquelles

il n'y a entre l'obsession et les symptômes délirants qu'un simple

rapport de coexistence.

Les formes psychopathiques auxquelles peut aboutir l'obsession

sont la mélancolie, la confusion mentale et le délire onirique,

les délires systématisés. Le passage à la mélancolie peut se faire

d'une façon indirecte ou directe par accentuation progressive des

symptômes de l'obsession. Lorsqu'il s'agit d'accès aigus, ils revè-

tent en général la forme anxieuse : les idées morbides ne sont que

la transformation délirante des anciennes idées obsédantes, comme

cela s'observe aussi d'ailleurs dans les cas tendant plutôt à la

chronicité, dans lesquels on voit l'auto-accusation délirante succé-

der au simple scrupule conscient et obsédant.

Les états de confusion mentale peuvent être plus ou moins accen-

tués : ils représentent comme l'exagération de l'état d'aboulie.

d'impuissance intellectuelle habituelle aux obsédés. Parfois, ils

peuvent aller jusqu'à la stupeur complète.

Les délires oniriques représentent l'exagération de l'autre face

de l'état mental des obsédés constituée par l'automatisme de

l'idéation, le mentisme. Non seulement ces délires ont les carac-

tères du rêve, mais ils peuvent eux-mêmes avoir leur origine dans

un rêve et se présenter comme des rêves prolongés. Ils s'accom-

pagnent toujours d'un certain degré de confusion mentale

L'obsession une fois acceptée par le sujet peut devenir l'origine

d'interprétations variables et passer au délire systématisé. Le

thème délirant est très variable ; les idées de persécution sont les

plus fréquentes, expliquant en général une idée de contrainte qui

peut aller jusqu'au délire de possession avec dédoublement de la

personnalité.

A côté de ces cas, il en est d'autres moins caractérisés, consti-

tuant des faits de transition. Les obsessions qui paraissent le plus

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337

susceptibles de subir ces transformations sont les obsessions dites

intellectuelles et en particulier celles que l'on réunit sous le nom

de maladies du doute. La maladie du doute elle-même mériterait

peut-être déjà une place à part dans le cadre des obsessions. D'ail-

leurs, les éléments de pronostic ne doivent pas être tirés de la

forme de l'obsession, mais du complexus symptomatique et de

l'état mental sous-jacent dans chaque cas particulier : troubles

de la synthèse mentale, plus ou moins complexes dans le domaine

de la perception,de la mémoire, paramnésies, contraste psychique,

illusions, pseudo-halluciuatious, hallucinations sensorielles et mo-

trices diverses ; fréquence des paroxysmes obsédants, intensité

et durée des troubles émotionnels.

En terminant, M. Séglas indique le mécanisme qui préside à la

transformation de l'obsession vers les différentes formes délirantes

et dont l'origine dernière doit être recherchée suivant lui dans

cette dissociation de la conscience personnelle, qui existe toujours

en germe chez les obsédés, dans son obnubilation passagère et

son asservissement plus ou moins durable. -

Désencombrement d'un asile d'aliénés français.

M. Doutuebente. Depuis vingt-deux ans, j'ai cherché à désen- z

combrer l'asile de Blois par l'élimination progressive des aliénés

de la Seine et par la construction des nouveaux bâtiments, dans

lesquels nous installions, non pas des malades nouveaux, mais des

malades extraits des services encombrés 1. Nous avons aussi cons-

truit deux infirmeries, au rez-de-chaussée, en rendant impossible

la construction d'un étage au-dessus. Nous construisons, en ce

moment, un quartier, dit de traitement, en plein champ, pour les

aigus et incurables. L'asile de Blois, qui avait à notre arrivée

565 malades, n'en contient plus aujourd'hui que 324, soit 239

en moins; il est donc passé maintenant dans la catégorie des

petits asiles, résultat que, systématiquement, nous voulions

obtenir.

M. Bourneville. On ne peut que féliciter M. Doutrebente de

la tâche qu'il a entreprise et menée à bien. Elle est conforme aux

véritables intérêts des malades. Les'asiles encombrés sont malsains,

et loin de favoriser la guérison ou l'amélioration des malades, il

1 n'est là une recommandation que nous avons faite maintes fois à nos

confrères afin qu'ils s'opposent à la construction de greniers pouvant

donner l'idée d'en faire des dortoirs, soit pour les malades tranquilles,

soit pour le personnel. On trouvera des renseignements à cet égard

dans les procès-verbaux de la Commission de surveillance des asiles de

la Seine.

Archives, 2c série, t. NIV. - 21

338 SOCIÉTÉS SAVANTES.

aggrave leur état mental et les rend plus aptes à contracter des

maladies intercurrentes, d'où une morbidité et une mortalité plus

grandes.

L'une des causes de l'encombrement provient de ce que la plu-

part des asiles reçoivent des malades de plusieurs départements.

Il faut donc-que tous les départements aient leur asile spécial

pour désencombrer les asiles actuels. Chaque asile public doit

d'abord faire face aux besoins des malades de son départe-

ment, les y recevoir facilement au début de l'aliénation. C'est ce

qu'exigent la sécurité publique, l'intérêt des malades qui, traités

vite et bien, ont plus de chances de guérisou, l'intérêt des finances

départementales et municipales parce qu'il y aura moins d'incu-

rables.

Les constructions nouvelles doivent être faites pour assister les

malades, en plus grand nombre, grâce à l'alcoolisme, et non en

vue de recevoir un plus grand nombre d'aliénés de la Seine, d'en

tirer bénéfice puisque le prix de journée payé par ce département

est notablement supérieur à celui qui est payé par le département.

Ici, à Saint-Robert les premiers paient 1 fr. 50, les seconds 1 fr.

Les constructions que font trop d'asiles pour héberger les malades

de la Seine ont pour conséquence de rendre très défectueux les

asiles dont les services généraux deviennent insuffisants. C'est là

une spéculation que ne devrait pas tolérer l'administration supé-

rieure. Elle devrait intervenir pour que tous les départements pos-

sèdent les asiles dont ils ont besoin. Les transferts des malades de

la Seine, de Hegord à Saint-Lizier, de Nancy à Pau, constituent une

mesure barbare, et pour les malades et pour les familles. A tous

les médecins qui sont ici de faire comprend; à leurs préfets, à

leurs commissions de surveillance, à leurs conseils généraux, qu'il

est de leur devoir d'imiter ce qu'a réalisé M. Doutrebente, à Blois,

de rendre leurs asiles normaux.

Les aliénés convalescents; par le Dr Larrivé (de Meyzieux).

Au cours de sa dernière session, le conseil supérieur de l'Assis-

tance publique s'est occupé de la question du retour des aliénés

guéris à la vie libre, 11 a adopté le texte du contre-projet de

M. l.efèvre dont voici les termes. ,

« Dans les établissements destinés au traitement des aliénés, il

doit être créé des quartiers de convalescents où les malades joui-

ront d'un régime spécial et d'une liberté spéciale réglés par le mé-

decin. Les aliénés convalescents pourront bénéficier de sorties

d'essai. »

Depuis longtemps nous avons reconnu l'utilité de cette mesure

d'adoucissement au régime des aliénés améliorés. Les résultats

obtenus sont des plus satisfaisants. C'est pourquoi notre établisse-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

ment médical de Meyzieux (Isère) comporte non seulement un

asile privé (maison légale) où 50 malades sont internés, mais sur-

tout des sections distinctes pour convalescents des deux sexes;

Cela nous permet de faire patienter malades et parents en donnant

plus de liberté et de bien-être aux unes, et plus de satisfaction aux

autres, sans que le traitement et l'isolement soient supprimés d'un

seul coup.

A sa sortie de l'asile, le malade est hésitant, craintif; il a peur

de rencontrer les personnes qui ont assisté aux premières mani-

festations de son affection mentale ; le moindre bruit l'émotionne,

un rien le contraire. Au contact des gens sensés, jouissant da

faveur spéciale et d'une liberté relatve mais suffisante, plus entouré

parce qu'il est devenu lui-même plus raisonnable et plus confiant,

ce même malade convalescent reprend la gaieté, revient à ses occu-

pations favorites, et se trouve dans les conditions indispensables

pour reprendre sans crainte sa place dans la société.

C'est à ce titre que nous jugeons de toute utilité la création de

sections pour aliénés convalescents, sauvegardant en même temps, z

en cas de rechute, notre responsabilité de médecin par une sortie

d'essai d'un mois environ avant de donner satisfaction complète

au malade et à sa famille.

M. Doutrebente (de Blois). Les sorties d'essai sont pratiquées

en réalité depuis longtemps, soit que l'on rende à leur famille des

améliorés avant guérison complète, soit que l'on fasse sortir des

mélancoliques qui ne tirent aucun profit du séjour à l'asile, ainsi

que le faisait déjà Esquirol. Il est désirable qu'il soit spécifié dans

la loi que les directeurs d'asile seront toujours irresponsables des

accidents causés par les aliénés mis en liberté avant guérison, mais

il faut peu compter sur ce résultat tant que le pouvoir judiciaire

n'interviendra pas aussi bien que dans le placement que dans la

sortie des aliénés. 1

M. Bourxeville. La formule du Conseil supérieur est défec-

tueuse. Au lieu de « sorties d'essais » c'est e congés d'essai » qu'il

eut fallu dire. En outre, des congés d'une, deux, trois et quatre

semaines, même renouvelables, sont accordés, dès maintenant,

à certains malades tranquilles, d'où avantage pour les finances de

l'asile. Dans notre service d'enfants de Bicêtre (et nous agissions de

même quand nous avions les adultes), il a été accordé en 1901 :

340 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Nous procédons ainsi depuis 1880. Avant, lorsque nous avons

remplacé M. Delasiauve à la Salpêtrière nous avons accordé dès

permissions de sortie aux épileptiques aliénés et aux idiots.

Assistance et éducation des enfants anormaux, par le Dr Lariuvé.

Une question non moins intéressante et qui se rattache à celle

de l'hospitalisation des aliénés, c'est l'Assistance et l'éducation des

enfants anormaux. A part l'oeuvre du Dr Bourneville à laquelle il a

attaché son nom de philanthrope et de savant, rien n'a été fait ou

à peu près. Et cependant, les résultats obtenus sont là, plus encore

que partout ailleurs, pour décider l'Administration à créer des

Asiles-écoles iiiie)-dép21,leiîtentaux.

C'est pour combler cette lacune dans la région lyonnaise que

nous avons créé dans notre Etablissement une annexe médico-pé-

dagogique pour les anormaux peu fortunés.

Une seule considération aurait pu nous faire reculer : la ques-

tion financière. Nous n'avons pas hésité, car nous avons pensé que

là où les pouvoirs publics, tenus en lisière par les exigences bud-

gétaires, reculaient, il pouvait être permis à des particuliers n'en-

gageant que leurs propres intérêts, de donner l'exemple et d'aller

de l'avant.

Le succès a couronné nos efforts. L'Administration, timidement

il est vrai, nous a accordé son appui. Nous ne pouvions avoir l'am-

bition d'être soutenus davantage avant d'avoir fait nos preuves.

Deux conseils généraux, un conseil municipal nous ont envoyé des

enfants, leurs pupilles; plusieurs familles nous ont-honoré de la

même marque de confiance. Tous n'ont eu qu'à se louer des bien-

faits de l'éducation donnée à ces déshérités. C'est pour vulgariser

l'assistance des anormaux que nous demandons aux membres du

Congrès d'émettre, avec l'autorité qui leur appartient, le voeu sui-

vant :

« Que les pouvoirs publics, Parlement, conseils généraux, con-

seils municipaux votent les crédits utiles pour la création d'asiles-

écoles interdépartementaux;

« Que l'Assistance et l'Education soient rendues obligatoires pour

les anormaux; '

« Que, transitoirement, l'Etat, les départements et les communes

inscrivent à leur budget les sommes nécessaires pour placer les

anormaux peu fortunés dans les asiles-écoles privés, actuellement

existants.

M. BOURNEVILLE. Nous devons de suite remercier M. le D1' Lar-

rivé de son appréciation bienveillante de la réforme que nous avons

entreprise. Sa communication, ainsi que celle de M. le D1' Courjon

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 341

(de Meyzieux) au Congrès de 1901 de V Association française pour

l'avancement des sciences, apportent un appui important à la créa-

tion, pour les enfants idiots et épileptiques, d'asiles-écoles inter-

départementaux ou mieux départementaux, car il n'y a pas de

département qui n'ait malheureusement au moins 3 ou 400 enfants

idiots de toute catégorie et épileptiques. Les efforts tentés par le

D1' Courjon et par lui méritent d'être encouragés. Aussi deman-

dons-nous au nos collègues du Congrès de bien vouloir adopter les

voeux qu'il leur soumet, conformes d'ailleurs, à l'un des articles

du projet de loi portant revision de la loi du 30 juin 18381, con-

formes à ceux qu'ont voté sur nos Rapports le Congrès interna-

tio7z(il d'assistance publique de 1889, le Congrès national de Lyon

en 1894, etc., etc.

M. Larrivé insiste sur la possibilité d'améliorer, de guérir même

un grand nombre d'enfants idiots, imbéciles, arriérés, instables,

pervers. Les heureux résultats qu'il a enregistrés confirment les

nôtres et, à, l'appui, nous allons faire passer sous vos yeux, un

certain nombre de photographies, prises de deux en deux ans,

d'enfants idiots complets qui ont subi une transformation remar-

quable. Voici sur chacun d'eux des renseignements sommaires.

Geoy... (Fernand), huit ans. - Atteint d'imbécillité avec colères

fréquentes et manie de ronger les vêtements. Etait à son entrée

dans l'impossibilité de lire ; il ne savait pas non plus écrire et

avait peu de notions sur les choses usuelles. Son état s'est bien

amélioré, les colères sont moins fréquentes et la manie de ronger

a disparu. De notables progrès sont à signaler à la classe et,

aujourd'hui, il lit couramment en se rendant bien compte de ce

qu'il lit ; il écrit lisiblement, fait la dictée avec les grands, et com-

mence à faire des problèmes sur l'addition et la soustraction. Il

reproduit aussi quelques traits de dessin et y apporte un certain

goût. En résumé l'enfant se rapproche de plus en plus de l'état

normal (4 photographies = 1897-1900).

Gtidef... (Adélaïde), huit ans. Cet enfant, à l'entrée, était gâteux,

ne marchait pas ; ne prononçait aucun mot. Aujourd'hui, le

gâtisme a totalement disparu. L'enfant marche seul. Enfin il pro-

nonce tous les mots usuels et fait de petites phrases (4 photogra-

phies = 1896-1900). ,

La ? ! ! )'... (Gaston), quatorze ans et demi, atteint d'idiotie pro-

fonde avec gâtisme, avait de l'écholalie, prononçait mal quelques

mots : du panput pour pain, à barre pour à boire, minmin pour

maman. Aucune notion ; ne savait pas s'habiller, se déshabiller, se

nettoyer, ne connaissait pas les parties de son corps, il montrait

son nez pour sa tête, son pied pour sa main, etc.

' Rapport à la Chambre des députés en 1889.

342. SOCIÉTÉS SAVANTES.

..Actuellement, il est propre, s'habille, se déshabille, se nettoie

seul, mange proprement, se sert de la cuiller et de la fourchette,

débarrasse le couvert au réfectoire et commence à laver la vais-

selle. Répond bien aux questions qui lui sont posées et commence

à tenir conversation (3 photographies = 1896-1900).

Popcl... (André), sept ans et demi. Idiotie profonde. A l'entrée

ne comprenait rien, ne marchait pas, avait même de la peine à se

tenir dans le chariot ; était grand gâteux. Aujourd'hui il est pro-

pre, mange seul et dit papa, maman. Il marche seul depuis 1899.

Son attention était très difficile à fixer; maintenant si on l'ap-

pelle, il vient; si on le gronde, il s'en va en pleurant (5 photogra-

pliies =.1897-1901). , ,

' Prov... (Edmond), neuf ans. Est entré dans le service atteint

d'idiotie complète avec gâtisme ; marche et parole nulles. Aujour-

d'hui, il parle, marche, s'habille et se déshabille seul ; il se rend

utile aux travaux du ménage. Il écrit assez lisiblement, mais est

lent à la lecture (5 photographies = 1894-1901).

Ces photographies vous monlrent que nous avons choisi, pour

noire démonstration, les enfants les plus malades. Si de tels enfant-,

comme vous pouvez le constater vous-mêmes sont améliorables, à

plus forte raison le sont les enfants imbéciles ou simplement

ariérés.

La loi sur l'obligation de l'instruction primaire, commande au

Gouvernement, aux départements, aux communes, d'organiser

des asiles-écoles, des classes spéciales suivant les cas, pour tous les

anormaux et en particulier pour ceux qui nous occupent, les plus

nombreux et souvent aussi les plus dangereux,

L'assistance, l'application du Traitement médico-pédagogique1

doit être faite dès que l'on a remarqué les premiers signes de

l'idiotie, au plus tard, à deux nzzs. Plus on temporise, plus le mal

s'aggrave, plus la tâche du médecin et du pédagogue est duré.

Nous rappellerons à ce propos ce que nous avons dit maintes fois

Beaucoup de médecins, peu au courant des maladies nerveuses

chroniques des enfants, sont fort embarrassés en face de tels cas :

ne vous tourmentez pas, disent-ils aux parents. A sept ans, il v

aura un changement : oui, mais en pire. L'amélioration ne venant

point, les parents inquiets retournent auprès du médecin qui, de

plus en plus embarrassé, fait espérer une amélioration à douze

' « M. Bourneville, dit M. Courjon (loc. cil.), a repris, perfectionné et

mis en pratique la méthode de Seguin; il a trouvé, pour caractériser les

soins à donner aux idiots, l'expression de traitement médico-pédago-

gique. » Il en est de même de la dénomination Institut médico-pédago-

gique. ..

SOCIÉTÉS SAVANTES. 313

ans. Nul résultat alors, ou plutôt aggravation. La puberté arrive,

des impulsions, des habitudes mauvaises compliquent l'état pri-

mitif. Ces retards ont diminué les 'chances d'amélioration et de

guérison. '

Nous nous bornerons à ces renseignements et à ces conseils pra- ' ·

tiques, espérant que joints à ceux que nous avons donnés précé-

demment, ils contribueront à dissiper des préjugés fâcheux et à

inspirer une confiance motivée à tous les médecins.

Bacillus fluorescens pulridus et diarrhée verte chez les aliénés.

MM. E. Boum et M. DmE (de Rennes) ont recueilli dans le service

de M. Chardon 3 cas de diarrhée verte chez des aliénés, s'ac-

compagnant de phénomènes généraux graves et dont deux se sont

terminés par la mort ; dans ces 3 cas, ils trouvèrent un bacille

chromogène facile à cultiver, donnant sur beaucoup de milieux

nutritifs, mais notamment sur le sérum d'ascite, un pigment vett t

fluorescent. Ce bacille, identique chez les trois malades doit être

confondu avec le Bacillus fluorescens putridus découvert et décrit

par Fiugge dans les eaux corrompues, et dans les matières en

voie de putréfaction ; les faits cliniques et les recherches anatomo-

pathologiques faites dans deux cas autorisent à affirmer que le

Bacillus fluorescens putridus a joué un rôle important dans la

genèse de ces diarrhées vertes, et dans les troubles dont elles se

sont accompagnées. -

Ces observations mettent donc en lumière un fait nouveau :

c'est qu'un bacille chromogène, regardé jusqu'ici comme absolu-

ment inoffensif pour l'homme et pour les animaux, le Bacillus

putridus, peut en certaines circonstances devenir pathogène et

prendre une part importante dans l'étiologie des diarrhées

vertes.

L'action de ce bacille peut s'expliquer par cette particularité que

les malades étaient des épileptiques ou des aliénés atteints de

lésions ou de troubles graves du système nerveux central ; or,

l'influence du système nerveux sur l'état général de l'organisme

ne saurait être contesté, et-ses lésions placent ainsi les malades

dans un état d'infériorité vitale et de moindre résistance mani-

festes.

L'expérimentation chez le cobaye a permis d'appuyer solide-

ment cette manière de voir, car chez cet animal, dont l'immunité

naturelle pour le Bacillus fluorescens putridus est très forte, les

auteurs ont pu avec ce microbe déterminer une infection mortelle,

en ayant soin, avant l'inoculation, de diminuer la résistance de

l'animal par une injection de teinture d'opium qui paralyse

momentanément l'action phagocytaire des cellules blanches.

344 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les alcooliques récidivistes.

11\i. LrcaaIN i;r GUIanD. - Les récidivistes se recrutent dans

deux catégories d'alcooliques : 1° les alcooliques simples, buveurs

d'habitude, souvent sans tare héréditaire ni passé pathologique,

qui font un accès de délire sous l'influence d'une cause occasion-

nelle et qui récidivent parce qu'on n'a pu les garder assez long-

temps à l'asile pour modifier leur état mental de buveurs, pour

leur faire perdre l'habitude de boire clu'ont créée en eux de lon-

gues années d'intempérance, et parce qu'ils retrouvent à leur sortie

les mêmes causes provocatrices qui ont développé leurs habitudes

et qui agissent de nouveau dans les mêmes conditions; 2° les psy-

chopathes avec appoint alcoolique qui délirent sous l'influence

d'une dose souvent minime d'alcool et qui présentent une ten-

dance constante à la récidive en vertu de leurs défectuositée men-

tales. Les causes des récidives sont les mêmes que pour les

malades de la première catégorie, mais ces psychopathes sont en

général des récidivistes précoces et presque toujours dangereux.

Les alcooliques récidivistes atteignent la proportion de 25 p. 100

dans le service d'alcoolique de Ville-Evrard, sur une population de

300 malades. Coûteux pour la collectivité, ils sont encore un

danger pour la sécurité publique, car ils récidivent souvent aussi-

devant les tribunaux.

Pour lutter contre le récidivisme, il faut : 1° traiter de bonne

heure les buveurs, alors qu'il est temps encore de les guérir en

modifiant leur mentalité, en relevant leur volonté ; c'est une oeuvre

morale et sociale ; 2° préparer une loi permettant d'interner à

temps, dans certaines conditions, le buveur d'habitude, l'ivrogne

considéré comme un être dangereux et comme un malade (traite-

ment forcé des ivrognes) ; 3° modifier la loi sur l'ivresse publique

afin de pouvoir interner à temps les délinquants récidivistes, et de

substituer ainsi un traitement forcé à des pénalités intempestives ;

4° séquestrer et traiter de même les. délinquants alcooliques

récidivistes à leur première récidive ; 5° développer les sociétés

de tempérance, les patronages pour buveurs, oeuvre impor-

tante pour continuer et parfaire la guérison commencée à

l'asile.

Sur le traitement des buveurs par la suggestion hypnotique..

Sous ce titre M. Bérillox fait une communication dont nous

n'avons pas eu le résumé.

M. - Les alcooliques peuvent bénéficier de la suggestion

hypnotique, a dit M. Bérillon. Je vais plus loin, et je dis que cette

SOCIÉTÉS SAVANTES. 345

efficacité de la suggestion hypnotique peut s'étendre à tous les

troubles psychiques d'origine toxique, non seulement à ceux qui

relèvent d'une exo-intoxication, comme l'alcoolisme et le morplii-

nisme, mais encore à ceux qui proviennent d'une auto-intoxication

ou d'une infection. Il y a une raison à cela, ainsi que je l'ai démon-

tré. C'est que les troubles psychiques des intoxications sont iden-

tiques aux troubles psychiques de l'hystérie et constituent de

véritables états seconds ou de somnambulisme.

On a pu m'objecter, en présence de cette identité, qu'il s'agis-

sait là d'accidents hystériques. Mais il n'en est rien, car les

malades n'avaient jamais présenté aucun stigmate d'hystérie et,

chose curieuse, n'étaient hypnotisables que durant le temps de

leur psychose toxique.

L'hypnotisme peut donc être utilisé, je le répète, non seulement

contre les troubles psychiques de l'alcoolisme, mais aussi contre

ceux de toutes les intoxications, quelles qu'elles soient. Il va sans

dire que la prudence et la réserve les plus grandes doivent prési-

der, comme toujours, à l'emploi de ce moyen thérapeutique.

. Séance du 5 Août (matin).

PI;I.sDEcE Dia AIIf. 1Gs ET niamE.

Cette séance a eu lieu dans l'amphithéâtre de l'Ecole de méde-

cine, mise gracieusement par son directeur, M. le professeur Bor-

dicr, a la disposition dn Congrès.

les auto-accusateurs au point DE vue médico-légal.

Rapport présenté par le D1' Dupas.

Voici les conclusions qui terminent ce très intéressant

rapport.

L'histoire des auto-accusateurs est actuellement assez riche en

documents, d'ordre clinique et médico-légal, pour se prêter à une

étude d'ensemble, d'un haut intérêt théorique et pratique pour le

psychologue, le médecin et le magistrat.

Cette étude d'ensemble a été exposée en deux parties : la pre-

mière, d'ordre clinique, est consacrée à la définition de l'idée et du

délire d'auto-accusation ; à la conception et au classement nosolo-

gique du syndrome ; à l'énumération successive des divers états

pathologiques au cours desquels il apparaît; à l'analyse des cir-

constances étiologiques, du mécanisme pathogénique, des allures

cliniques et évolutives qui, dans chacun de ces états morbides,

346. SOCIÉTÉS ..SAVANTES. -

caractérisent l'idée d'auto-accusation. La seconde partie, d'ordre

médico-légal, consacrée à l'exposition des conséquences pratiques,

dans les domaines judiciaire et administratif, de l'idée d'auto-ac-

cusation, comprend l'étude de la situation de l'auto-accusateur

vis-à-vis de la valeur probante de l'aveu dans les législations fran-

çaise et étrangère, et des conséquences des autodénouciations

postérieures aux arrêts judicaires. Ce chapitre se termine par

l'exposé de la conduite de l'expert vis-à-vis de l'autoaccusaleur,

et l'énoncé des conclusions statistiques médico-légales qui se

dégagent de l'étude comparée des observations d'auto-accusa-

teurs.

La partie étiologique et clinique, qui constitue l'indispensable

introduction à l'histoire médico-légale du sujet, comprend l'étude

analytique et descriptive, fondée sur l'étude des observations, des

grands types d'aulo-accusateurs, successivement considérés, selon

leur, origine éliologique, dans les états mélancoliques, dans la

dégénérescence mentale, dans les psychoses toxiques, dans les état-

démentiels et dans les états névropsychopathiques.

Au début de cette étude s'impose une définition claire et précise

du terme auto-accusateur. Dans le langage de la psychiatrie clini-

que, le terme auto-accusateur s'applique non seulement au sujet

qui avoue avoir commis un crime déterminé, dont il relate, avec

des détails circonstanciés, le lieu, l'heure et l'exécution, mais encore

au malade qui porte sur lui-même un jugement défavorable, qui

se déprécie, parle de sa déchéance physique et morale et exprime

des idées générales d'incapacité, d'indignité, de culpabilité et de

remords. Dans le langage de la psychiatrie médico-légale, le terme

« auto-accusateur » a une signification beaucoup plus étroite : il

s'applique seulement au sujet qui, délirant ou lucide, sincère ou

menteur, halluciné ou raisonnant, mu par un sentiment patholo-

gique ou par un mobile intéressé, s'accuse dans un acte, provoqué

ou spontané, direct au indirect, verbal ou écrit, d'aulodéuoncialion

vis à-vis des autorités admiuislralices ou judiciaires. Cette dis-

tinction entre les deux acceptions, médicale et juridique, du vocable

auto-accusation, sur laquelle ajudicieusement insisté Régis, établit

nettementles rapports réciproques des deux domaines, clinique et

médico-légal, de l'auto-accusation. L'histoire psycliopathologiquc

de l'auto-accusation, comprend en effet toutes les modalilés du

délire de culpabilité des mélancoliques, toutes les variétés des idées

- délirantes, obsédantes ou simplement vaniteuses impulsives, d'au-

to-accusation des dégénérés, tous les romans hallucinatoires et

oniriques de criminalité imaginaire des alcooliques et des hystéri-

ques, toutes les conceptions épisodiques de même nature des dé-

ments ; tandis que l'histoire médico légale des auto-accusateurs

étudie, parmi tous ces différents types, ceux qui franchissant les

limites du délire platonique de culpabilité, ou même n'ayant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 347

jamais été délirants, passent à l'acte de l'aulodénonciation, en se

déclarant les auteurs de délits ou de crimes dont ils doivent rendre

compte à la justice. En médecine légale, auto-accusation est donc

synonyme d'autodénonciu lion.

L'auto-accusation chez les mélancoliques procède, direclement,

des malaises cénesthésiques, de l'inhibition psychique et de la dou-

leur morale qui constituent le substratum pathogénique du délire

mélancolique. Ce délire, qui affecte d'abord la forme d'idées de

culpabilité générale, diffuse, peut, en vertu du processus automa-

tique, d'inférence logique et de déduction raisonnante, évoluer

vers un délire de culpabilité précise, qui s'affirme nettement devant

la conscience, dans la représentation claire d'une faute déterminée.

Les éléments qui déterminent ainsi avec précisionle crime commis

sont empruntés soit à l'interprétation morbide de coïncidences

extérieures, soit au souvenir et au grossissement hypertrophique

de menues peccadilles passées, soit a la culture d'une idée fixe

postonirique, soit à l'attribution personnelle, directe ou indirecte,

de malheurs, de catastrophes ou de crimes, dont le mélancolique

assume la responsabilité, lorsque, par un mécanisme variable, a

pris corps dans l'espace et dans le temps, et s'est précisée dans son

objet, l'idée d'une culpabilité déterminée,le mélancolique de coit-

pnble devient auto-accusateur. La plupart des mélancoliques auto-

accusateurs, ne dépassant pas ce stade d'évolution délirante, res-

tent ainsi platoniques dans leurs idées d'auto-accusation. Quelques-

uns d'entre eux vont plus loin et de l'idée passent à l'acte. D'auto-

accusateurs platoniques ils cl(vie2z7ze72t a2ctodétonciute2e's et entrent

ainsi, par nne intervention active auprès des autorités, de plain

pied dans le domaine médico-légal du délire mélancolique d'auto-

accusation. Cette évolution logique du mélancolique, de la culpa-

bilité diffuse à la culpabilité précise ou auto-accusation, et de

l'idée platonique d'auto-accusation à l'acte de l'autodénonciation,

rappelle de loin l'évolution médico-légale du persécuté, qui passe

ainsi de l'inquiétude vague à la persécution précise, et de l'idée

inoffensive de persécution passive à l'acte justicier de la défense

ou de la vengeance. Dans les deux cas, le passage de l'aliéné du

domaine clinique au domaine médico-légal du délire, est marqué

par l'acte social, qui apparaît comme le produit logique de la

croyance du malade.

Cette évolution du délire mélancolique d'auto-accusation vers sa

phase médico-légale, peut se résumer par les termes de la filiation

chronologique suivante :

1 État alcoolique ; 2° délire de culpabilité diffuse ; 3° auto-accu-

sation précise, mais passive et platonique ; 4° autodénonciation

active.

- Presque tous les mélancoliques réalisent le deuxième état ; beau-

coup atteignent le troisième ; une infime minorité seulement arri-

348 SOCIÉTÉS SAVANTES.

vent jusqu'au quatrième terme. Ceux-Ici, seulement sont les auto-ac-

cusateurs médico-légaux. Presque tous ces malades sont des femmes

et la plupart s'accusent de crimes, surtout d'infanticides.

L'auto-accusation, chez les dégénérés, est extrêmement fréquente.

Je l'étudié successivement dans la débilité et la déséquitibration

mentales, au cours des obsessions, enfin dans les différentes variétés

de paranoïas dégénératives. J'envisage ensuite les associations des

autres facteurs étiologiques avec la dégénérescence mentale, dans

la pathogénie de l'idée d'auto-accusation.

Les dégénérés inférieurs, débiles et déséquilibrés, constituent,

dans la foule hétérogène des auto-accusateurs, une catégorie bien

spéciale, riche en types divers et très curieux. Chacun d'eux, dans

le roman criminel dont il s'improvise le héros, joue le rôle d'un

personnage parfois troublant pour le magistrat instructeur, sou-

vent énigmatique pour le psychologue,, toujours intéressant pour

le médecin.

A l'inverse des auto-accusateurs mélancoliques, qui sont délirants

sincères, anxieux et repentants, les auto-accusateurs dégénérés sont

presque toujours lucides, conscients, menteurs, indifférents ou glo-

rieux. A l'inverse des mélancoliques qui ont tous, dans l'unifor-'

mité de leur délire, un air de famille, les dégénérés sont tous dif-

férents les uns des autres et offrent, dans leur auto-intoxication, la

physionomie clinique la plus variable et la plus individuelle ;

l'histoire de chacun d'eux est un roman toujours nouveau.

Parmi ces dégénérés auto-accusateurs, on peut distinguer plusieurs

lypes :

Les débiles intellectuels simples, se dénonçant sous la seule inci-

tation d'une suggestion impulsive, à la suite d'une lecture, d'une

conversation, d'un rêve : c'est l'auto-accusation par réflexe psychi-

que élémentaire, sans racines ni relations associatives dans la men-

talité, sans préparation comme sans portée.

Les débiles intellectuels vaniteux, se dénonçant par besoin de

mensonge et surtout par appétit de gloriole, par vanité, par désir

de se mettre en scène, de faire parler d'eux. Chez ces malades, le

roman de l'auto-accusation est un peu plus solide et plus vraisem-

blable que chez les débiles précédents. '

Les débiles moraux, égoïstes, mystificateurs et pervertis instinc-

tifs, mettent au service de leurs mauvais appétits l'acte prémédité

de l'autodénonciatiou mensongère et consciente : c'est ici un calcul

intéressé, joint à l'appétit du mensonge-et a l'imbécillité morale,

qui échafaude un roman criminel imaginaire, dont l'auto-accusateur r

veut paraître le héros intéressant, pour en devenir indirectement

le bénéficiaire intéressé.

Les obsédés peuvent présenter des idées obsédantes d'auto-accu-

sation, consécutives elles-mêmes à des obsessions-impulsions cri-

minelles. Le malade, douleur et anxieux, se demande s'il a réelle-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 349 )

ment commis le crime dont il a cultivé l'idée, et arrive à se croire

réellement coupable.

Les dégénérés paranoïaques qui formulent des idées d'auto-accu-

sation sont les auto-accusateurs systématiques primitifs (Séglas) et

les persécutés auto-accusateurs, étudiés surtoutpar Ballet, Séglas,

Lalanne, chez qui s'associent les deux délires de persécution et

d'auto-accusation : en pareil ca, les états de mélancolie, d'hypo-

chondrie et d'obsession orientent et compliquent le processus psy-

chopathidue en cause. Ces auto-accusateurs délirants peuvent inté-

resser le médecin légiste par leurs tentatives de suicide, et leurs

tendances aux automutilations et à la poursuite obstinée de

l'intervention chirurgicale. En dehors de ces épisodes, ces dégé-

nérés délirants auto-accusateurs n'ont pas d'intérêt médico-légal.

Chez tous les dégénérés auto-accusateurs, particulièrement chez -

certains persécutés auto-accusateurs alcooliques (Houbinowitch) et

surlout chez les débiles et les déséquilibrés, les associations mor-

bides les plus diverses (alcoolisme, hystérie, épilepsie, infections,

surmenage, etc.) peuvent intervenir dans les moments étiologiques

comme dans les modalités cliniques de l'auto-accusation. Le fac-

teur étiologique le plus fréquemment surajouté est l'alcoolisme.

L'appoint toxique pousse alors le débile à l'acte de l'autodénoncia-

tion, en excitant l'automatisme psychologique, en affaiblissant le

pouvoir-d'inhibition et en intervenant aussi, par l'intermédiaire

du délire onirique, dans un procès morbide dont on entrevoit la

complexité étiologique.

L'auto-accusation chez les alcooliques présente à cause de sa

fréquence, de son mécanisme pathogénique et de son évolution cli-

nique, le plus grand intérêt. On l'observe toujours chez des hommes

adultes, intoxiqués d'assez longue date, sous l'influence d'un excès

massif de boissons ou d'un surmenage récent, d'une infection ou

d'une intoxication, éléments épisodiques surajoutés à l'alcoolisme

chronique.

L'auto-accusation représente une des formes délirantes de l'ivresse

psychique, qu'on observe parmi les prédisposés, chez les individus

imaginatifs (P. Garnier).

D'origine hallucinatoire, de nature onirique, le délire évolue au-

tour d'une idée fixe qui survit au rêve morbide (Régis) et qui évolue

pendant quelques heures ou quelques jours, sur un fond d'amnésie.

d'obnubilation et de confusion mentales, en imposant au "malade

la conviction qu'il vient de commettre un crime sanglant, sauvage,

dont les éléments (victime, cadre de l'action, etc.) sont empruntés

à sa vie ordinaire (meurtre d'une parente), à ses lectures (crime

de l'actualité), à ses préoccupations (assassinat politique). Le

drame onirique, saisissant de vie hallucinatoire et souvent de tra-

gique horreur, détermine chez le malade les réactions les plus inté-

ressantes dans leur sincérité et leur mimique.

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

La survie de l'idée fixe de culpabilité est presque toujours éphé-

mère, et le délire d'auto-accusation d'origine toxique s'efface en

quelques jours, à travers des phases oscillantes et irrégulières de

conviction délirante et de lucidité consciente, au terme desquelles

le malade se ressaisisit complètement.

L'auto-accusation des psychoses toxiques s'observe également

chez les typhiques; dans les états d'inanition et dans certaines crises

oniriques d'étiologie imprécise , mais certainement de nature

toxique.

L'intérêt médico-légal de l'auto-accusation d'origine toxique se

tire de la fréquence de ces situations pathologiques, où se pose le

problème de la mesure à prendre vis-à-vis de l'autoaccusateur.

Celui-ci, délirant transitoire, ne doit presque jamais êlre interné à

l'asile : une courte période de mise en observation suffira le plus

souvent pour juger cette crise psychopathique temporaire et

curable, permettre la mise en liberté de l'auto-accusateur et épar-

gner au malade les fâcheuses conséquences de l'internement.

L'auto-accusation chez les hystériques, extrêmement rare, rela-

tivement à l'hétéro-accusation, s'associe parfois à celle-ci dans un

complexus d'autohétéro-accusation, visant des fautes d'ordre sexuel

(attentats, adultères, etc.). Elle s'observe chez les femmes et peut

entraîner de lâcheuses conséquences.

A propos de l'autoaccusation chez les hystériques, on doit, dans

une histoire médico-légale des autoaccusateurs, accorder une

mention rétrospective aux crimes imaginaires d'avortement, de

viol, d'empoisonnement, de sodomie, d'inceste, d'adultère, etc.,

avoués spontanément et souvent sans l'intervention de la torture,

parles sorcières et leurs complices, devant les tribunaux des grands

procès de sorcellerie des xv°, xvie et xvn° siècles. Ces malheu-

reuses et irresponsables victimes d'une époque ignorante et d'une

procédure barbare, atteintes d'hystérie, de débilité mentale et des

diverses formes démonopathiques du délire de possession, repré-

sentent une innombrable théorie d'autoaccusateurs, dont l'histoire

médico-légale n'est qu'un long et instructif martyrologe.

L'autoaccusateur chez lesépileptiques peut dériver des tentatives

d'explication faites par le malade, au sortir de son accès, pour jus-

tifier le crime qu'il vient de commettre dans l'inconscience de son

délire. L'autoaccusation épisodique chez certains déments n'a pas

d'histoire médico-légale. -

La situation créée vis-à-vis de lui-même et des autorités par

l'autoaccusateur, au moment et par le fait de son aveu, varie beau-

coup suivant le contenu de l'autoaccusation. A ce propos, la divi-

sion très claire et très simple, proposée par Régis, des différentes

situations médico-légales créées par les autoaccusateurs est un

modèle de sériation pratique des faits, classés d'après leur impor-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 351

tance judiciaire. Cette classification, qui embrasse sous ses quatre

chefs toutes les éventualités possibles de l'autoaccusation, comprend

les cas où un individu s'accuse : 1° d'un crime inexistant; 2° d'un

crime réel, mais mimputahte l'au toaccu saleur; 3° d'un crime

réel et imputable à l'autoaccusateur ; 4° d'un crime réellement

commis par lui, mais grossi et aggravé par la déposition ou avoué

sans sollicitation extérieure, sous des influences pathologiques,

généralement d'ordre impulsif, parfois sous l'influence du remords.

Toute autoaccusation pose un double problème, l'un judiciaire,

au magistrat instructeur, l'autre médical, à l'expert. Le premier

problème, démonstration de la réalité ou de l'imputabilité du crime,

se pose presque toujours avant le second : démonstration de l'état

d'aliénation ou de non-aliénation de l'autoaccusateur.

Les conditions dans lesquelles se pose le problème judiciaire

dépendent en partie du mode de l'autodénonciation, verbale ou

écrite, adressée aux commissaires de police, aux gendarmes, au

Parquet, etc. Ces conditions imposent souvent aux magistrats ins-

tructeurs l'hypothèse de la folie chez l'autoaccusateur. Celui-ci,

élargi ou dirigé sur l'Infirmerie spéciale du Dépôt à Paris, est sou-

mis, dans ce dernier cas, à l'examen d'un aliéniste, devant lequel

alors se pose le problème médical de l'autoaccusation.

Dans d'autres cas, une enquête est ouverte et, avant l'interven-

tiou de l'expert, une instruction est commencée.

Cette enquête aboutit, suivant la conviction du juge d'instruction,

à un non-lieu ou à une ordonnance de renvoi devant le tribunal

compétent. L'expertise médico-légale peut ainsi intervenir aux

trois phases de la procédure criminelle : celle de l'action de la

police judiciaire, celle de l'enquête du juge d'instruction et, enfin,

celle des opérations du tribunal. En l'absence de l'expertise médico-

légale, le problème de l'auto-accusation reste dans le domaine

judiciaire et peut comporter alors, suivant les différentes .législa-

tions, des solutions juridiques intéressantes à considérer.

L'étendue de cette question comprend l'examen de la valeur pro-

bante et de l'évolution juridique et historique de l'aveu (système

des preuves légales, des preuves morales d'intime conviction) ;

l'examen des conséquences des auto-accusations postérieures aux

arrêts judiciaires ; l'interprétation de la loi du 9 juin 1895, relative

à l'introduction du fait nouveau, en matière de révision ; la notion

de l'impossibilité de cette revision contre l'individu acquitté, au

cas où celui-ci viendrait, auto-accusateur rétrospectif, se déclarer

coupable du crime dont il a été Innocenté.

L'étude comparée des législations étrangères montre d'intéres-

santes différences entre le Droit pénal et la procédure criminelle de

certains pays (Angleterre, Allemagne, Espagne, etc.) et la loi fran-

çaise, relativement à la valeur probante de l'aveu. - - -

La'question de la pénalité que peut encourir, du fait de sa fausse

352 SOCIÉTÉS SAVANTES.

déclaration aux autoiités, l'auto-accusateur, mérite d'être discutée.

La nécessité de l'expertise médico-légale, en présence d'un sujet

qui se dénonce, ressort de la nature très souvent pathologique de

l'auto-accusation, même lucide et véridique.

Le problème qui se pose à l'expert est celui du diagnostic de

l'état mental de l'autoaccusateur, lequel se déduit, non pas des

données de'1'enquéte administrative et judiciaire, mais de l'examen

complet de l'autoaccusateur et de l'auto-accusation : celle-ci étu-

diée dans son contenu, son éclosion étiologique, son mécanisme

pathogénique, son aspect clinique, son allure évolutive, ses conco-

mitants psychiques et somatiques, etc. C'est à l'aide de tous ces

éléments que l'expert déterminera le type pathologique de l'auto-

accusateur. La réalité même des crimes révélés par l'auto-accusa-

teur ne va pas contre la possibilité de la nature morbide de l'auto-

accusation (Régis). 1

De l'étude critique et comparée des observations sur lesquelles

repose ce rapport, ressortent quelques conclusions statistiques inté-

ressantes. Les auto-accusateurs se recrutent, par ordre de fré-

quence, d'abord chez les alcooliques, ensuite chez les dégénérés;

bien au-dessous de ces deux catégories psychiatriques, figurent les

états mélancoliques, l'hystérie et, enfin, les états démentiels. L'as-

sociation de ces différents processus concourt souvent à l'étiologif

de l'autoaccusation. -

Environ les deux tiers des auloaccusations portent sur des crimes

inexistants, dont une courte enquête préliminaire démontre la

nature imaginaire. Le dernier tiers se partage entre des crimes

réels, mais le plus souvent impossibles à imputera leurs prétendus

auteurs. Une dernière catégorie de faits, sur laquelle a insisté

Régis, vise les crimes réellement commis et avoués par les cou-

pables, sous des influences ou dans des dépositions d'ordre patho-

logique. - -

L'étude des faits d'autoaccusation démontre que ceux-ci ont pu

et peuvent encore entraîner de regrettables conséquences pratiques

et judiciaires (condamnations injustes, longues préventions pen-

dant de laborieuses enquêtes,'actions en justice inutiles, etc.). Dans

des cas exceptionnels : une autoaccusation légitime, commise sous

l'influence du remords (obs. LV), peut provoquer, par la revision

du procès, la réparation d'une erreur judiciaire. Si rares que

soient, en fait, ces fâcheuses exceptions, elles suffisent à justifier,

aux yeux du médecin et du magistrat, l'étude clinique et médico-

légale des autoaccusateurs.

Discussion.

M. Motet. Ce rapport est excellent à tous les égards, et

cependant la question était très difficile à mettre au point. 11 y a

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

une catégorie de faits, heureusement très peu nombreux, qui sont

particulièrement délicats. Nous avons vu, avec M. Vallon, un ouvrier

qui, sans avoir fait de l'auto-dénonciation à proprement parler,

était cependant accusé d'un crime, en raison des propos qu'il avait

tenus. Un de ses camarades avait disparu et il avait dit : on le

retrouvera dans la Seine. La chose se vérifia. Arrêté à la suite de

cette découverte, il ne se défendit pas, compromit au contraire son

beau-frère, et passa aux assises. Là, il s'écria : « C'est tout de

même embêtant d'être accusé d'une affaire qu'on n'a pas faite. »

Cette négation surprit au point que l'affaire fut renvoyée à une

autre session, et c'est alors que nous eûmes à examiner l'individu.

C'était non un débile, au sens propre du mot, mais il avait l'intel-

ligence débile : il y avait, en outre, un peu d'alcoolisme, en somme

une responsabilité atténuée. Notre rapport, conçu dans ce sens,

valut à cet individu une atténuation dans sa condamnation ; mais,

à l'heure actuelle, je me demande toujours s'il n'y aurait pas eu

peut-être, chez lui, de l'auto-accusation !

M. Régis. Les obsédés peuvent être divisés, au point de vue -

de l'auto-accusation, en deux catégories : les uns, dont l'obsession

se produit pendant la nuit, revivent leur rêve dans la journée et

finissent par croire à leur propre culpabilité et à faire de l'auto-

accusation ; les autres sont en proie, dans la journée, à une obses-

sion vague, sans caractères bien définis; ils doutent d'eux-mêmes,

se demandent s'ils sont coupables; mais ils ne franchissent pas

cette étape et ne-deviennent pas auto-accusateurs.

En dehors des individus atteints d'impulsions inconscientes, ceux

qui éprouvent des impulsions conscientes peuvent devenir auto-

accusateurs, pour éviter l'impulsion qu'ils sentent venir. C'est ainsi

qu'un incendiaire s'est dénoncé, parce qu'il allait recommencer

ses méfaits, si on ne le mettait pas en prison.

Il faut tenir compte, aussi, de certaines imaginations qui, à

l'état de veille, construisent certains romans dont ils sont les héros,

et qui, quand ils se ressaisissent, les laissent dansuu état de doute.

Les persécutés mélancoliques deviennent facilement auto-accusa-

teurs ; en tout cas, ils se défendent mal et laisseraient volontiers

croire à leur culpabilité quand ils sont accusés.

Il est d'une importance extrême, pour les magistrats, de bien

connaître ce délire d'auto-accusation. Ils doivent, en présence d'un

cas d'auto-dénonciation, songer à la folie et soumettre l'individu à

un examen médico-légal ; sans cela, ils perdent le temps pendant

lequel ils auraient pu mettre la main sur le vrai coupable.

M. Giraud. J'ai observé une malade qui s'accusait d'avoir

avorté à la suite de manoeuvres pratiquées par une sage-femme

dont elle donnait le nom. J'ai gardé à ce sujet le silence le plus

absolu, et il me semble que ce doit être en pareil cas la conduite

du médecin.

Archives, 2' série, t. XIV. 23

3 5 li . SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. LEGnAiN (de Ville-Evrard). M. Dupré a bien mis en relief

.l'extrême importance de l'alcoolisme dans l'étiologie de l'auto-

accusation. En voici un exemple : un homme, buveur d'habitude,

qui n'était, du reste, nullement coupable comme l'enquête l'a

prouvé, vint un jour s'accuser d'avoir allumé deux incendies : or,

ces incendies avaient lieu au moment même où le malade se dénon-

çait, et c'était leur spectacle qui l'avait suggestionné et qui avait

ébranlé son cerveau imprégné d'alcool au point de le décider à se

livrer à la justice.

Voici maintenant un fait qui montre le rôle du subconscient

dans le mécanisme de l'auto-accusation : '

. Il s'agit d'un débile mélancolique qui, au cours d'un premier

accès de délire avec phénomènes aigus et confusion mentale,

s'accuse d'avoir violé une petite fille, tandis qu'il n'avait fait que se

livrer à quelques attouchements. Il guérit, proteste alors de son

-innocence. Plus tard, dans un autre accès de délire, la même auto-

accusation réapparaît ; de nouveau le malade guérit et se déclare

innocent. Il est probable que d'autres accès surgiront semblables

aux deux premiers et que la même auto-accusation réapparaîtra

chaque fois (délire à éclipse). L'intérêt de cette observation réside

.dans ce fait, d'abord que l'auto-accusation repose sur une faute

réelle, mais singulièrement grossie; ensuite que cet homme con-

serve indéfiniment la subconscience de son acte, et enfin que, dans

l'intervalle des accès où l'acte reprend sa place dans le champ d'une

conscience maladivement éveillée, le sujet perd le souvenir de

l'acte.

M. Bey. J'ai reçu dans mon service un individu qui s'était

faussement accusé d'avoir assassiné son camarade. A l'asile il

accusait ses voisins de toutes sortes de choses. C'est ainsi qu'il pré-

tendit que l'un d'eux voulait m'assassiner et il me remit un énorme

couteau qu'il prétendait avoir été apporté par la famille de cet

individu. La chose était inexacte, mais il nous fut impossible de

savoir où il s'était procuré le couteau. Il s'est évadé, a été repris,

.et d'hétéro-accusateur est redevenu auto-dénonciateur.

M. Vallon (de Paris). - Comme exemple de ces auto-dénoncia-

tions réalisées par certains débiles, plus ou moins alcooliques,

auprès des commissaires de police, 'je puis citer le cas d'un indi-

vidu qui, sans que le mobile de son acte ait jamais été bien éclairci,

vint un jour s'accuser d'un attentat anarchiste (fabrication d'ex-

plosifs, complot contre le chef de l'Etat, etc.) complètement ima-

ginaire.

Je rapprocherai de ce fait, à la vérité un peu banal, un cas d'aulo-

héléro-accusation assez intéressant : il s'agit d'un homme qui

déclara tout récemment à la justice qu'une vieille femme, d'ailleurs

mendiante de son métier, étant morte dans la maison qu'il habi-

tait, le concierge l'avait dépouillée de tout l'argent qu'elle possédait

SOCIÉTÉS SAVANTES. 353

et que lui-même avait reçu 100 francs pour se taire et garder le

vol secret. Ce récit ayant éveillé des doutes sur l'état mental de

cet individu, ou le soumit à une expertise médico-légale qui est

encore actuellement en cours; mais, d'ores et déjà, l'enquête judi-

ciaire a démontré que les faits racontés par l'inculpé étaient vrais.

Cette observation prouve que, quelle que soit leur invraisemblance,

les récits que font à la police ou aux magistrats certains débiles

ou déséquilibrés ne doivent pas être rejetés de piano, et qu'une

enquête sérieuse s'impose toujours à leur égard, en même temps

qu'un examen médico-légal du dénonciateur.

M. Gilbert Ballet signale les auto-accusations récidivantes que

l'on observe chez les dégénérés ; elles portent sur des objets mul- z

tiples.

M. Oi3REGii. Bien que l'auto-accusation soit rare chez les

mélancoliques, ainsi qu'a eu soin de le faire remarquer M. Dupré,

j'ai eu l'occasion d'observer un fait appartenant à cette catégorie :

il s'agit d'un homme, un peu débile congénitalement, qui, au cours

d'un accès de mélancolie délirante, mit le feu à une maison dans

le but probable de se donner la mort ; il avait allumé cet incendie

sans prendre aucune précaution pour éviter qu'on ne l'en accusât,

et lui-même, du reste, n'hésita pas à se dénoncer à la justice ;

l'examen médical auquel le malade fut soumis démontra qu'il avait

agi sous l'empire d'idées de culpabilité, afin d'expier les crimes

dont il se croyait l'auteur.

J'ai observé également un cas d'auto-dénonciation chez un indi-

vidu condamné à cinq ans de réclusion, qui, pour éviter d'accom-

plir sa peine, ne trouva rien de mieux que de se dire atteint d'épi-

lepsie exclusivement nocturne et de s'accuser d'être l'auteur de tous

les méfaits qui s'accomplissaient dans la prison. Je fus commis

pour examiner ce malade et je ne tardai pas à acquérir la convic-

tion que j'étais en présence d'un simulateur. Pour le démontrer,

je m'appuyai surtout sur l'étude de la toxicité urinaire qui, pen-

dant les deux mois où j'ai pris soin de la relever, s'est montrée

constante, et toujours exempte des oscillations aujourd'hui bien

connues qui se produisent avant et après les paroxysmes ; je

remarquai, en outre, que tous les prétendus accès de cet individu

se terminaient invariablement par une émission d'urine, ce qui

constitue au moins une anomalie. Enfin, en le traitant, à son insu

bien entendu, par le bromure de potassium à hautes doses, il n'a

jamais accusé la moindre diminution dans le nombre des crises :

celles-ci se reproduisaient régulièrement deux fois par nuit. Pour

ces différentes raisons, je crus pouvoir conclure à la simulation.

Plus tard, j'ai appris que le prisonnier n'avait joué cette comédie

que sur les conseils de son avocat. '

M. Vallon. A mon avis, la recherche de la toxicité urinaire

chez les épileptiques n'a pas fourni jusqu'ici des résultats assez nets

356 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pour qu'on soit en droit de les faire figurer comme éléments de

preuve dans les conclusions d'une expertise médico-légale.

L'étal du fond de l'ceil chez les paralytiques généraux et ses lésions

initiales.

1111. Ianv.vr, et G. IiAVIInT. Les publications sur l'état du

fond de l'oeil chez les paralytiques généraux nous ay ant paru man-

quer de précision, nous avons essayé de déterminer ce que l'on

était en mesure d'établir par l'ophthalmoscope chez les malades

de ce genre de l'asile.

Les recherches bibliographiques nous ayant convaincu que jus-

qu'à ce jour il n'avait été produit aucune image des lésions de la

papille en rapport probable avec les modifications plus ou moins

nettes de celle-ci, nous nous sommes en même temps tenus prêts

à tout événement capable de l'avoriser nos recherches microscopi-

ques. Effectivement, le plus récent travail sur le sujet est celui de

liezuilcow. Il est intitulé : « Des modifications du champ visuel

chez les paralytiques généraux; (Oboznéazié psichialrii, V. 1900.)

On en trouvera l'analyse dans les Archives de Neurologie, t. XIII,

2° série, 11" 78, juin 1902, p. 494. Après avoir exalté les avantages

du campimètre, l'auteur russe décrit les altérations qu'il pense

devoir exister et il fait appel à l'anatomie microscopique de l'ave-

nir. Nous avions, à l'époque où nous avons commencé l'examen de

la papille et du fond de quatre-vingt-deux paralytiques géné-

raux francs. Cinquante et un seulement étaient dans un état

mental compatible avec ce genre d'examen. Nous les avons tous

passés en revue avec le plus grand soin, de concert avec M. Caudron,

interne du service, qui en a fait l'objet de sa thèse inaugurale à la

Faculté de Lille, le 19 juillet dernier, Rappelons qu'il s'agit exclu-

sivement d'hommes.

Tous ont largement absorbé les éléments nocifs auxquels on

attribue généralement la genèse de la paralysie générale. Syphilis,

alcoolisme, surmenage physique, dégénérescence. Ce sont des

vaincus de la vie dans toute la force du terme.

De l'examen ophtalmoscopique, il ressort ce qui suit :

Quarante-deux paralytiques, sur les cinquante et un, présentaient

des lésions du fond de l'oeit ; il n'y avait guère que ceux qui étaient

en rémission qui n'en présentaient pas.

Chez sept malades, dont la paralysie générale avait déjà atteint

une période avancée, on trouvait cinq atrophies papillaires

blanches, une seule fois de l'atrophie grise, une sclérochoroïdite

postérieure bilatérale sans myopie.

On rencontrait encore un état de la papille pâle, comme lavée,

chez treize paralytiques.

On observait, également, un aspect flou d'un segment de la pa-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 357

pille, soit externe, soit interne, soit supérieur, soit inférieur, avec

bords indécis. Chez vingt-deux malades, ces deux aspects sont des

' états préliminaires de l'atrophie papillaire.

Chez les neuf paralytiques en rémission ou atteints d'une forme

lente, à longue évolution, il a été impossible de trouver aucune

lésion ophthalmoscopique. -

Deux autopsies arrivées à point nous ont permis de corroborer

l'examen ophthalmoscopique. Nous y avons trouvé, à des degrés

différents, des altérations diffuses, non systématiques, intéressant :

le la réline; 2° la papille : 3° le nerf optique. Ces nécropsies ont

été pratiquées quinze jours après l'examen des yeux.

1° La rétine présentait des altérations de la couche des cellules

nerveuses, caractérisées par une série de modifications : gonfle-

ment nucléaire, désintégration protoplasmique, etc., entraînant

la destruction d'un certain nombre de ces éléments, altérations

tout à fait semblables à celles qui frappent les cellules nerveuses

de l'écorce : -.

2° La papille, dont les fibres nerveuses étaient atrophiées dans

un cas, était en outre envahie plus ou moins par des éléments

proliférés des tissus conjonctif et névroglique, infiltration allant

du degré le plus faible jusqu'à la sclérose. L'artère et la veine cen-

trale présentaient, elles aussi, un épaississement variable de leur

tunique externe.

3° Le nerf optique enfin était le siège d'une prolifération plus

ou moins grande du tissu interstitiel : augmentation considérable

du nombre de ces cellules névrogliques, épaississement des travées

conjonctives et prolifération des cellules conjonctives de sa gaine

piale.

Si l'on rapproche les résultats de l'examen histologique des don-

nées fournies par l'examen ophthalmoscopique, on trouve qu'à

des lésions prononcées, cliniquement constatées, correspondaient

des altérations avancées des éléments anatomiques, et qu'à des

lésions à peine perceptibles à l'ophtalmoscope correspondaient des

altérations moins avancées, mais déjà notables de ces mêmes élé-

ments. On a affaire, dans les cas les moins avancés, dans ceux où

la papille est flou, ou comme lavée, à une papillite et à une névro-

rétinite qui présente les mêmes caractères que la méningo-périen-

céphalite chronique diffuse, c'est-à-dire, en résumé, l'infiltration

des éléments nobles de la papille et du nerf optique par du tissu

conjonctif et névroglique proliféré. (Ce mémoire paraîtra in

exlenso avec les figures.)

Les lésions histologiques de l'écorce dans les atrophies du cervelet.

111111. LANNOIS et Paviot (de Lyon) rapportent 3 6bserv. d'atrophie

du cervelet. Dans la 1 ? il s'agissait d'un enfant qui avait présenté

358 SOCIÉTÉS SAVANTES.

le syndrome cérébelleux très accusé et à l'autopsie duquel on trouva

une lepto-méningile généralisée avec un pseudo-kyste sous-céré-

belleux et une atrophie qui semblait limitée à la face inférieure du

cervelet, mais en réalité était diffuse. La seconde est une hémi-

atrophie du cervelet apparemment primitive, et la troisième enfin

une hémiatrophie croisée consécutive à une sclérose cérébrale

infantile.

Dans ces trois cas, la lésion a été trouvée identique. Sur une

dentelure dont un des côtés a encore l'aspect sain, les cellules de

Purkinje disparaissent brusquement en même temps que la couche

des grains se raréfie, s'amincit peu à peu et disparait à son tour

en même temps que la couche moléculaire diminue considérable-

ment de.volume; la disparition des cellules de Purkinje paraît'

être le phénomène primordial.

Le fait important est qu'au moment où les cellules de Purkinje

et les grains disparaissent, on voit s'isoler une couche de cellules

ovales, pâles, à noyau formé de chromatine peu dense il

1-2 nucléoles fortement colorés. Les noyaux, beaucoup plus volu-

mineux que les grains, forment une couche continue, assez dense

à son centre, qui contourne les dentelures cérébelleuses comme un

feston ininterrompu.

Cette couche, nouvellement apparue, est constituée par les

grandes cellules étoilées de la couche des grains, cellules de rela-

tion ou du type II de Golgi/et est mise en évidence par la dispa-

rition de la couche des grains.

Il n'y a pas de différence histologique, que le cervelet paraisse

atrophié primitivement ou secondairement. Le syndrome clinique

cérébelleux en rapport avec cette atrophie ne doit donc pas-tou-

jours être considéré comme étant le représentant d'une lésion pri-

mitive du cervelet.

Contribution à l'élude des localisations cancéreuses sur le système

. ' nerveux périphérique.

MM. J. Obertiiur et A. Mousseaux. I. Au cours de l'évolu-

tion des tumeurs épithéliales, et en particulier des carcinomes, le

système nerveux périphérique est fréquemment atteint ; il présen-

tera tantôt des névrites et des polynévrites toxiques ou auto-

toxiques, tantôt des lésions dues à la compression et à l'en-

vahissement. -

II. Les nerfs sont ordinairement très résistants à l'envahisse-

ment cancéreux. Cependant, selon leur texture, ils réagissent diffé-

remment au contact du néoplasme : - .

a) Les troncs volumineux, pourvus d'une gaine résistante, sont

surtout refoulés et comprimés ; ils peuvent ordinairement être

séparés de la tumeur et ne sont pas pénétrés par elle : leur tissu

SOCIÉTÉS SAVANTES. 3û9

conjonctif s'hyperplasie a.'la périphérie comme dans l'intérieur dis

fascicules, repousse et enserre les tubes nerveux ; la myéline se

fragmente et devient granuleuse, poussiéreuse ; les cylindraxes se

tuméfient, deviennent vacuolaires, moniliformes et disparaissent :

le processus dégénératif, d'abord limité à la myéline et à la région

périaxile, ne tarde pas à atteindre le cylindraxe lui-même. Cepen-

dant, un certain nombre de filets nerveux sont généralement res-

pectés. Finalement les petites branches de ces troncs nerveux peu-

vent être réduites à des tractus fibreux méconnaissables.

b) Les nerfs de texture plus délicate (nerfs crâniens et racines

rachidiennes) se laissent envahir plus facilement par les éléments

cancéreux, de même type que ceux de la tumeur primitive. Ces

éléments s'infiltrent et prolifèrent dans les espaces conjonctifs du

tissu interfasciculaire, de la gaine lamelleuse, et du tissu intrafas-

ciculaire, ou, d'autres fois, y sont apportés' par les capillaires san-

guins ; les tubes nerveux sont refoulés ou comprimés, la myéline

fragmentée, le cylindraxe altéré ou détruit; mais, en outre, les

gaines de Schwann sont souvent pénétrées, probablement au voisi-

nage des étranglements annulaires : les cellules s'y groupent en

collerette autour du cylindraxe qui est hypertrophié, oedémateux,

vacuolaire, déformé, et se laisse même parfois pénétrer ; ou bien,

elles remplissent complètement cette gaine, et il n'y a plus vestige

du cylindraxe.

La dégénérescence waltérienne est de règle au-dessous du point

envahi. Au-dessus, on note de la dégénérescence rétrograde, et la

réaction à distance des cellules d'origine.

Enfin les éléments cancéreux peuvent fuser à une grande dis-

tance dans l'intérieur du nerf, comme dans une gaine lympha-

tique, et parfois créer plus loin un nouveau foyer métastatique.

c) Les petits filets nerveux, n'opposant en général aucune résis-

tance, sont ordinairement sectionnés à leur point de pénétration

dans la tumeur.

d) Dans les ganglions nerveux, les amas épithéliaux envahissent

le stroma conjonctif du ganglion, se groupent dans les fentes con-

jonctives, et presque toujours arrivent à tapisser l'endothélium des

capsules des cellules ganglionnaires. Celles-ci peuvent rési-ler fort

longtemps, bien qu'entourées de tous côtés par les éléments néo-

plasiques ; on y remarque seulement un certain degré de chroma-

tolyse et d'atrophie. C'est seulement à un degré plus avancé

qu'elles disparaissent, soit par atrophie, soit par complet envahis-

sement. Malgré un envahissement considérable du ganglion, ur.

certain nombre de tubes nerveux y conservent leur myéline.

III. Le cancer rachidien semble ne pas débuter toujours par

le corps des vertèbres.

Dans certains cas, l'invasion peut se faire au niveau des trous de

360 SOCIÉTÉS SAVANTES.

conjugaison par l'intermédiaire des plexus veineux rachidiens et

surtout du système lymphatique ; dans ces cas, il y a toujours au

niveau de la région rachidienne envahie, soit un cancer viscéral

primitif, soit des masses ganglionnaires prévertébrales, accompa-

gnés de lymphangites ou de phlébites cancéreuses. Les racines

rachidiennes et les ganglions nerveux intervertébraux sont alors

les premiers atteints, et pénétrés par les éléments cancéreux, la

dure-mère se laisse facilement traverser, et la pachyméningite

interne, l'examen du liquide céphalo-rachidien permettrait-il d'y

déceler les éléments cancéreux.

La pénétration du cancer par les trous de conjugaison explique

plus facilement que l'affaissement tardif des vertèbres la précocité

de certains phénomènes cliniques, en particulier l'intensité des

douleurs qui précèdent souvent pendant longtemps l'apparition

des autres symptômes ; l'envahissement des racines postérieures

par les éléments cancéreux est un facteur important de cette si

grande intensité. Cette localisation primitive explique aussi le

début par des syndromes radiculaires.

En résumé, dans les métastases cancéreuses vertébro-spinales,

à côté de la forme primitivement osseuse classique, il faut faire

place à une forme radiculo-méningèe.

IV. Les altérations intéressant un groupement radiculaire

(plexus brachial, plexus lombo-sacré) se traduisent par les diffé-

rents syndromes résultant des altérations de ces plexus. Ces syn-

dromes ne sont nettement décrits que pour le plexus brachial. Ils

se rencontrent d'ailleurs rarement à l'état de pureté ; presque tou-

jours ils sont incomplets ou surtout diversement associés par suite

de la diffusion des lésions. De plus, les troubles moteurs sont en

général moins marqués que les troubles sensitifs par suite de la

résistance des troncs nerveux et de la persistance d'un certain

nombre de cylindraxes. Les névrites isolées des nerfs rachidiens

sont rares. -

Enfin, on peut observer, au cours de la carcinose miliaire aiguë,

l'altération destructive d'zezz grand nombre de terminaisons ner-

veuses à leur pénétration dans les nodules cancéreux; il en résulte

un syndrome polynévritique très douloureux, bien distinct anato-

miquement et cliniquement des polynévrites cancéreuses d'ordre

toxique. '

V. Les nerfs crâniens peuvent être atteints dans l'intérieur du

crâne ou au dehors. A la partie antérieure de la base du crâne, les

lésions cancéreuses sont le plus souvent primitives (sinus maxil-

laire, sinus sphénoïdal, corps pituitaire) ; elles atteignent l'appa-

reil de la vision en simulant une tumeur cérébrale ou orbitaire.

Les véritables métastases cancéreuses siègent .,u niveau du rocher

et dans son voisinage immédiat, sans doute à cause des nombreux

SOCIÉTÉS SAVANTES. 361

orifices vasculaires et sans doute ainsi apportées par les gaines

lymphatiques périvasculaires ; elles englobent un plus ou moins

grand nombre de nerfs donnant ainsi naissance à des tableaux

cliniques très variables. Le début de ces névrites est le plus sou-

vent (ipoplectifoi-me. -

En dehors du crâne, les nerfs peuvent être atteints par les néo-

plasmes des régions et des organes qu'ils traversent ou auxquels

ils se distribuent. Le pneumogastrique et le récurrent sont parti-

culièrement exposés, en raison de leur long trajet intrathoracique

et de leurs connexions avec des organes souvent cancéreux.

VI. - Quant aux altérations du système sympathique, elles sont

encore peu connues. "

Contribution à l'étude du gliome des centres nerveux.

M. J. Obertiiur. Nous avons pu examiner au laboratoire de la

Clinique Charcot sept cas de gliome des centres nerveux. Trois

d'entre eux avaient envahi la substance blanche centrale d'un des

hémisphères. Deux avaient également détruit la substance grise

des circonvolutions, un autre avait envahi et complètement détruit

un hémisphère cérébelleux, un autre enfin poussait ses prolonge-

ments de la protubérance vers le bulbe et faisait une irruption

sous les méninges. La plupart des malades porteurs de ces

tumeurs ont d'ailleurs pu être suivis un temps plus ou moins long

dans le service.

De cette étude faite, comparativement d'ailleurs, avec des cas de

glioses développées autour d'autres productions telles que tuber-

cules, avec des cas d'encéphalites scléreuses, avec des cas de sclé-

roses tubéreuses hypertrophiques obligeamment mises à ma dis-

position par M. Philippe, cas qui avaient fait l'objet d'une étude

spéciale avec le Dr Hudovernig, nous avons pu en faisant appel

aux techniques variées, principalement aux colorations électives

de la névroglie, tirer quelques conclusions en vue d'éclairer l'his-

toire anatomique de cette variété de tumeurs.

Les techniques ordinaires ont été employées, hématoxyline, car-

min en masse (Weigert-Pal, Nissl), mais, en outre, nous avons eu

tout spécialement recours à la méthode élective de Weigert, modi-

fiée si heureusement par Anglade, qui nous a donné des résultats

bien plus intéressants sur des frottis ou sur des dissociations pra-

tiquées à l'état frais que sur des coupes.

Le carmin en masse avec la même méthode des dissociations

nous a donné également de très bons résultats.

Au point de vue macroscopique, les gliomes ont un aspect tout

à fait particulier qui permet de les distinguer déjà à première vue

de toutes les autres tumeurs. Ils sont toujours franchement

translucides, sauf dans leurs portions dégénérées, leur coloration

362 SOCIÉTÉS SAVANTES.

est n'sée ou gris jaunâtre, leur consistance souvent très diffluente.

voire même gélatineuse, jamais ils ne sont encéphaloïdes. Un

grand nombre de fins vaisseaux les parcourent donnant lieu quel-

quefois à des suffusions hémorrhagiques. centrales. La tumeur,

bien qu'elle ne soit jamais énucléable, possède quelquefois des

limites constituées par une pseudo-paroi de névroglie plus dense.

Au dehors de celte paroi, la gliose infiltrée est semblable à celle qui

entoure tous les corps étrangers du cerveau et nullement d'aspect

néoplasique. D'ailleurs, la substance nerveuse avoisinante est plu-

tôt lentement refoulée que détruite, ce qui est bien d'accord avec

la tolérance relative que l'on observe quelquefois avec de volumi-

neuses tumeurs. Dans un cas, par exemple, évoluant depuis

trois années, où le néoplasme avait atteint le volume d'un poing

d'adulte, les seuls symptômes avaient consisté en céphalées

avec névrite optique et amaurose ne permettant aucune localisa-

tion.

Il est vrai que dans trois autres cas la tumeur avait une marche

bien plus envahissante et destructive. '

Les éléments essentiels sont toujours des cellules à petits noyaux

ovalaires ou arrondis, entourés d'un protoplasma variable en

étendue selon le type de la tumeur, mais émettant toujours un

chevelu de fibres extrêmement fines qui circonscrivent de petites

alvéoles remplies de sérosité, véritable tissu spongieux. Dans les

cas habituels, il n'y a pas d'éléments nerveux au sein de la masse

et les corps granuleux peu abondants ne se trouvent que dans les

zones périphériques. S'il s'agit de cas très envahissants, le tableau

est tout différent.. -

- Les vaisseaux sont souvent formés d'une seule couche d'appa-

rence endothéliale, sertis de quelques fibres fines, ayant toutes

les réactions histochimiques de la névroglie; d'autres fois, ils sont

plus épais, plus abondants, leurs parois formées de plusieurs

couches de cellules arrondies qui peuvent subir des dégénéres-

cences hyalines rappelant ce qui se passe au sein des formations

vasculaires des sarcomes. En outre de cette .dégénérescence

vitreuse, la substance fondamentale des gliomes subit des modifi-

cations granulo-graisseuses et quelquefois aussi une véritable

caséification. Jamais il ne nous a été donné de constater de proli-

férations conjonctives au sein de ces néoplasmes.

Tout ce que nous avons vu, d'ailleurs, concorde à nous faire

adopter la manière de voir des auteurs allemands (l3riens, Strobe,

Gowers), fermement soutenue en France par Klippel. Comme eux,

nous estimons que le terme de glio-sareome doit être rejeté. Nous

avons étudié dans une autre communication avec MM. Philippe et

Cestan, une forme peu connue de sarcome, le sarcome solitaire

envahissant des centres nerveux qui semble réunir la plus grande

partie des cas ainsi faussement interprétés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 363

Si l'alliance des deux tissus mésodermique et ectodermique

semble être dans ces formations néoplasiques exceptionnelle, il `

n'en est pas moins vrai que comme toutes les tumeurs le gliome

peut parfois envahir des tissus étrangers et se substituer à eux,

comme nous l'avons vu dans un de nos cas ou une véritable glio-

. matose méningée a été observée.

Une question enfin a sollicité notre attention, à savoir la parti-

cipation à de telles tumeurs des éléments nobles par excellence du z

système nerveux, c'est-à-dire les cellules nerveuses. Maintes fois,

nous avons rencontré de ces grands éléments arrondis à noyaux

clairs, à prolongements souvent énormes, réunis en véritables

foyers dans la paroi de nos gliomes et principalement au voisinage

des vaisseaux. Ce sont eux presque toujours, et les figures, de

même que les descriptions publiées, ne permettent aucun doute à

cet égard, que les auteurs ont décrits comme neurogliomes gan-

glionnaires (Klebs), comme gliomes neuroformalifs (Renaut).

Non seulement une étude attentive nous a permis d'affirmer

qu'il n'existait aucune parenté d'origine entre ces cellules et les

cellules nerveuses, mais encore qu'elles n'étaient nullement carac-

téristiques des néoplasmes. On les rencontre surtout dans la paroi

et même à une certaine distance du gliome, on les rencontre éga-

lement au voisinage des sarcomes. Bien plus, nous les avons

observés en grand nombre au voisinage de métastases carcino-

mateuses de l'écorce, dans un cas fort intéressant mis à notre

disposition par M. P. Marie ; pareillement, nous les avons vus au

voisinage de tubercules. Riche et de Gothard en on décrit de fort

riches formations au pourtour d'un kyste hydatique du cerveau.

Ces éléments sont loin d'être exceptionnels dans les scléroses céré-

brales atrophiques, et même dans certaines formes de paralysie

générale. Enfin dans les scléroses tubéreuses hypertrophiques, si

bien étudiées par Bourneville et Brissaud. et qu'avec ces auteurs

nous considérons comme des lésions d'inflammations chroniques,

ces productions cellulaires constituent des foyers considérables.

Sous certaines influences, nous les voyons subir des dégénéres-

cences caractérisées par la perte de leurs prolongements, la vacuo-

lisation de leur protoplasma et sa transformation granulo-grais-

seuse ; nous avons pu en suivre toutes les étapes; la dernière est

la forme arrondie qui les fait se confondre avec les corps granu-

leux dont ils semblent, à un moment donné de leur évolution, for-

mer une variété particulière.

En somme, ce sont de pures modifications névrogliques liées à

des processus d'inflammation chronique banale.

' Il ne faudrait pas par un véritable abus de langage donner

l'appellation de gliome à toute prolifération névroglique, la plupart

des auteurs partagent à cet égard notre avis en ce qui concerne la

production glieuse de la syringomyélie.

364 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les formations glieuses, même très prolifératives, observées

autour des tubercules pouvant donner lieu à de véritables encé-

phalites glieuses comme dans un cas étudié par- nous et dans un

cas très analogue de Kazowsky, ne méritent pas le nom de gliomes.

De même les transformations scléreuses des circonvolutions post-

inflammatoires ou post-traumatiques, où, malgré la disparition

des éléments'nobles, persistent la forme et la charpente antérieure

de la région, doivent être considérées comme liées à des phéno-

mènes encéphalitiques un peu particuliers, il est vrai, mais non

comme des néoplasmes.

Sarcomes et sarcomatoses du système nerveux.

Classification. Etude clinique ET AN : 1TOIO-P : TIIOLOG1QUES

COUPES ET dessins HISTOLOGIQUES

MM. PIIILIPPE, CESTAN et 013ERTIIIJR. Nous avons pu recueillir

dans le service de notre maître, le professeur Raymond, quinze

observations avec autopsies, se rapportant à la plupart desvariétés

de sarcomes. L'étude détaillée de ces cas et leur comparaison avec

les autres observations publiées en assez grand nombre ces der-

nières années, principalement dans la littérature allemande, nous

autorisent à admettre l'existence de plusieurs formes analomo-cli-

niques parmi les sarcomes primitifs du système nerveux. Suivant

l'exemple donné par Westphal, Schlesinger, Bruns, etc., nous

croyons pouvoir proposer, à la place de la classification purement

histologique adoptée par les auteurs français. une classification

qui a l'avantage d'être basée à la fois sur les caractères cliniques

et sur les lésions anatomiques de ces tumeurs. Cette classification

distingue : 1° les sarcomes solitaires (sarcomes solitaires des mé-

ninges ; sarcomes solitaires des centres nerveux);. 2° les sarcomes

multiples, pour lesquels nous préférons la dénomination de sarco-

matoses, afin de bien spécifier qu'il s'agit de tumeurs dont la puis-

sance de généralisation est très grande au point d'envahir, dans-

certains cas, la totalité du système nerveux central et périphérique

à la façon d'une véritable maladie néoplasique. Dans ce groupe,

très important en pathologie'nerveuse, les deux formes qui mé-

ritent d'être individualisées sont : d'une part, la méningite snrco-

mateuse, d'autre part, la neurofibrosarcomalose.

1. Sarcomes solitaires. A. Sarcomes solitaires des méninges

Les sarcomes solitaires des méninges sont les plus fréquents et

les mieux connus. Tumeurs localisées, à structure fibre-plastique,

à évolution lente, elles se développent au niveau des méninges

cérébrales ou médullaires. Leurs processus dégénératifs sont très

variés (dégénérescence muqueuse, myxomateuse, kystique; né-

crose plus rarement; formations angiomateuses). Insistons sur.

- SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 365

une dégénérescence spéciale, développée aux dépens de tous les

éléments de la tumeur, principalement dans le voisinage des vais-

seaux et aux centres des tourbillons fibro-plastiques : dégénéres-

cence caractérisée par l'homogénéisation des tissus avec réaction

colorante élective en présence des couleurs acides, l'éosine en par-

ticulier (dégénérescence acidophile). Cette dégénérescence aboutit

fréquemment, dans ses portions centrales, à la formation de con-

crétions dont les aspects etles réactions colorantes nous paraissent

devoir être identifiés avec ceux des grains psammomateux (Vir-

chow), ou angiolitliiques (Cornil et Rauvier).

Quant à l'action exercée par les sarcomes solitaires des mé-

ninges sur le tissu nerveux, la lésion la plus fréquente, bien con-

nue, relève de la compression Unie produite par le néoplasme sui-

vant un mécanisme facile à concevoir. Mais nous tenons à insister

sur l'extrême lenteur avec laquelle cette lésion parait évoluer dans

la plupart des cas. En effet, quand on examine les coupes de la

moelle ou des circonvolutions cérébrales immédiatement adjacentes

à la tumeur, on voit les tubes nerveux tassés, étirés, se démyélini-

ser par petits îlots, mais conserver longtemps leurs cyhndraxes.

Cette persistance des cylindraxes, qui contraste avec la démyélini-

sation rapide des tubes nerveux, est intéressante à souligner, puis-

qu'elle permet de concevoir avec quelle rapidité se ferait la restau-

ration des tubes nerveux, si l'agent compressif pouvait être enlevé

par le fait d'une intervention chirurgicale assez précoce. Mais les

sarcomes solitaires des méninges peuvent exercer sur le tissu ner-

veux voisin une autre action que celle de la compression lente.

Ainsi, dans l'un de nos cas, avec tumeur fibro-plastique dévelop-

pée à la hauteur du renflement cervical, la moelle présentait, au-

dessus et au-dessous des lésions habituelles de la compression

lente, un volume tellement exagéré qu'elle paraissait avoir doublé

ses dimensions dans tous les sens. A ce niveau, le microscope

montra une végétation considérable de la névroglie avec état vési-

culeux des gaines de myéline, gonflement des cylindraxes, dilata-

tion des gaines périvasculaires. Or, comme dans ce cas la masse

sarcomateuse avait gagné les trous de conjugaison, amenant ainsi

une certaine gêne dans la circulation médullaire, les lésions pré-

cédentes doivent être attribuées, au moins pour une part, à la

stase sanguine; mais il est bien probable que les poisons produits

dans la tumeur assez végétante ont également pu jouer un certain

rôle, suivant le mécanisme pathogénique récemment soutenu par

MM. Dupré et Devaux à propos d'un cas d'endothéliome des mé-

ninges cérébrales.

Un dernier point à souligner, et que Bruns a bien mis en lumière,

c'est l'inaptitude du sarcome solitaire des méninges à envahir le

tissu nerveux voisin, quelle que soit sa durée. Ainsi, il pourra

subir la transformation calcaire, même osseuse, mais il continuera

366 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

à évoluer sur place, se contentant de comprimer le segment de

moelle adjacent ou la circonvolution cérébrale avoisinante, mais

sans les envahir à proprement parler. Cette tendance à la fibrose

et à l'enkystement que présente le sarcome solitaire des méninges

explique bien sa physionomie clinique, faite avant tout des symp-

tômes de la- compression lente sur lesquels nous n'avons pas à

insister; elle justifie pleinement l'intervention chirurgicale qui, en

cas de diagnostic précoce, peut amener une guérison complète et

définitive.

B. Sarcomes solitaires des centres nerveux. Cette forme est

rare. Nous avons pu en observer 4 cas ; trois s'étaient développés

en pleine masse blanche des hémisphères cérébraux ; le quatrième

avait détruit le centre ovale du cervelet. Macroscopiquement,

tumeurs sans limites nettes, de coloration gris-rosé, de consistance

mollasse ; elles rappellent les néoplasmes dits encéphaloïdes. Notre

sarcome du cervelet était formé par des amas de petites cellules

rondes bien tassées, sans réticulum. Les trois autres, qui présen-

taient une structure à peu près identique, étaient caractérisés avant

tout par des végétations cellulaires très intenses et polymorphes

(cellules rondes ; cellules fusiformes ; principalement, grandes

lames protoplasmiques multinucléées, sorte de myéloplaxes). Cli-

niquement, dans nos observations, ces sarcomes solitaires des

centres nerveux avaient débuté, au moins apparemment, d'une

façon brusque (ictus apoplectique, crises d'épilepsie jalisonuienne ;

hémiplégie flasque persistante). Leur ' évolution symptomatique

générale rappela plutôt celle d'une encéphalite diffuse ou d'un

vaste foyer de ramollissement. En résumé, ces tumeurs constituent,

anatomiquement et cliniquement, des sarcomes envahissants, sar-

comes malins des centres nerveux. -

Certains auteurs, s'appuyant sur les figures cellulaires de ces

tumeurs, dont quelques-unes rappellent l'aspect étoile des cellules

névrogliques enflammées, ont dénommé le sarcome solitaire du

cerveau un glio-sarcome. Dans nos cas, nous n'avons pu découvrir

aucun fait histologique qui parût justifier cette dénomination ; en

effet, par toutes les méthodes de coloration employées, y compris

la glio-méthode de Weigert, nous avons toujours rencontré un

tissu uniquement sarcomateux, sans mélange d'éléments névro-

gliques, fibres ou cellules. Nous pensons donc avec Klippel que le

glio-sarcome des auteurs n'est en réalité qu'un sarcome très végé-

tant, dont les formations cellulaires, excessivement variées, peu-

vent simuler plus ou moins certaines proliférations névrogliques

de nature gliomateuse ; et nous ne croyons guère à une association

des deux tumeurs, au moins si l'on s'en rapporte aux observations

peu nombreuses qui ont été publiées.

.Ainsi, il convient d'opposer la structure histologique et l'évolu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 367

tion du sarcome solitaire des méninges à celles du sarcome soli-

taire des centres nerveux. Pour le premier : structure essentielle-

ment fibro-plastique ; évolution lente ; destruction modérée et

toute locale du tissu nerveux ; tumeur non envahissante, avec

tendance marquée à l'enkystement, peut-être même à la curabilité

spontanée par suite des progrès de la dégénérescence acidophile

avec transformation calcaire. Pour le second : structure embryon-

naire, tissu très.végétant, avec cellules polymorphes et myéloplaxes,

évolution rapide, tumeur vite envahissante, toujours extensive

jusqu'à amener la destruction de la presque totalité d'un hémis-

phère cérébral ou du cervelet, comme dans nos cas.

II. Sarcomes MULTIPLES ou SAHCOHATOSES. A. Méningite sarco-

7zzttte2cse. --Nous avons pu observer un cas de sarcomes multiples,

dans lequel l'évolution symptomatique, assez longue, avait été

celle d'une méningite basilaire (troubles cérébelleux; paralysie

faciale périphérique ; ophtalmoplégies, troubles vaso-moteurs du

côté de la face, kératite neuro-paralytique, etc.) L'autopsie

montra, à côté d'un sarcome assez volumineux de la région du

cervelet, des plaques de méningite néoplasique, qui recouvraient tout

le lobe temporal et le lobule orbitaire à droite. Histologiquement,

c'était du sarcome fibro-plastique partout ; la méningite s'était

propagée à l'écorce des circonvolutions temporales, en poussant

une série de prolongements qui avaient bouleversé l'architecture

normale de la substance grise. -

Ce cas, rapproché des quelques observations empruntées à la

littérature (Westphal, Schlésinger, Schroder, Bruns, P. Lereboullet,

Nonne Schlagenhauser) permet de décrire en clinique et en anato-

mie pathologique, une véritable méningite sarcomateuse, tantôt

localisée, tantôt généralisée et étendue à toute la hauteur des

méninges cérébro-spinales. Ainsi le diagnostic se pose, suivant les

cas, avec les méningites basilaires, la méningite tuberculeuse en

particulier, et avec toutes les méningites cérébro-spinales. Il con-

vient de signaler toute l'utilité du cytodiagnostic, comme le

démontre l'observation, avec autopsie, publiée par P. Lereboullet.

B. tl'curo fibro-sa7'comatose. 11 existe dans la littérature plu-

sieurs observations avec autopsies, qui montrent des tumeurs 7nul-

tiples envahissant tout le système nerveux central sous la forme de

noyaux isolés, plus ou moins volumineux (méninges cérébrales et

médullaires ; racines rachidiennes, en particulier celles de la queue

de cheval, nerfs crâniens, moelle, écorce). Ces observations ont été

interprétées de façons très différentes.

Pour notre part, nous avons eu à examiner deux cas de ces

tumeurs multiples du système nerveux central, et toujours, dans

tous les noyaux, nous avons pu constater une structure nettement

sarcomateuse. En rapprochant nos constatations des descriptions

368 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cliniques et histologiques retrouvées dans la littérature, nous nous

croyons autorisés à réunir toutes ces observations, les deux nôtres

et celles déjà publiées, pour en faire un type à part de sarcomatose,

type qui.nous parait être suffisamment individualisé au point de

vue symptomatique et anatomo-pathologique. En outre, comme

dans nos deux cas, nous avons retrouvé sur le système nerveux

périphérique (plexus brachial, nerfs cubital, médian, etc.) des

noyaux également sarcomateux, quoique de structure un peu

spéciale, nous avons affaire, en réalité, à une sarcomatose de tout

le système nerveux central ou périphérique. Enfin, comme nous le

verrons plus loin, il existe quelques points de contact entre la

maladie de Rechlinghausen ou neuro-fibromatose et ces sarcomes

multiples. L'ensemble de ces faits justifie, croyons-nous, la dénomi-

nation de « neurofibrosarcomalose multiple » que nous proposons

pour cette affection néoplasique, parce que le terme nous paraît

bien mettre en lumière et l'existence des noyaux sarcomateux dans

tout le système nerveux, central ou périphérique, et leur évolution

fibreuse, et leurs relations avec la maladie de lleclilingliausen.

Histologiquement, il existe le plus habituellement une tumeur

principale développée surtout dans les régions de la base du cer-

veau (méninges, près du cervelet et de la protubérance ; nerfs crâ-

niens, nerfs auditifs en particulier); elle reproduit la structure du

sarcome solitaire des méninges. Les autres tumeurs sont plus

petites ; aisément psammomateuses sur les méninges, plutôt

embryonnaires dans la moelle dont les éléments nerveux paraissent

plus refoulés que détruits, ces tumeurs sont à évolution franche-

ment fibreuse sur les racines rachidiennes qui se montrent défor-

mées et moniliformes. Quant aux noyaux des nerfs périphériques,

dans nos deux cas, ils étaient constitués par des éléments fibro-

plastiques emboîtés les uns dans les autres à la façon des écailles

d'un bulbe d'oignon. L'histogenèse de ces sarcomes multiples est

intéressante à étudier, parce que la petitesse de chaque noyau per-

met aisément de suivre toutes les phases de son développement.

Or, en examinant à ce point de vue spécial les noyaux de la moelle,

des méninges, des racines rachidiennes et des nerfs périphériques,

nous avons pu aisément constater que le développement du tissu

néoplasique avait eu lieu en réalité aux dépens de tous les éléments

mésodermiques (périnèvre, endonèvre, gaine de Henle, gaine de

Schwann, tissu conjonctif ordinaire, gaine périvasculaire ou péri-

thélium, endothélium vasculaire). Si l'on s'appuie sur ces faits, il

paraîtra bien difficile de séparer radicalement les endothéliomes

et les sarcomes; dans la plupart des cas, l'endolhélioma, au lieu

d'exister à l'état de néoplasme pur, fait partie d'une tumeur dont

les caractères généraux sont évidemment ceux du sarcome. La

même opinion est soutenue par Brault à propos des sarcomes des

viscères et organes périphériques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 369 9

Cliniquement, les symptômes de la neurofibrosarcomatose sont

ceux d'une tumeur à foyers multiples et a localisation prédomi-

nante au niveau de la base de l'encéphale (syndrome cérébelleux ;

troubles auditifs précoces et rapidement progressifs jusqu'à la sur-

dité), ophtalmoplégies et paralysie faciale souvent unilatérales ;

symptômes habituels de la compression cérébrale. 11 est à remar-

quer que les noyaux de la moelle, des racines et des nerfs périphé-

riques ne donnent pas lieu à une symptomatologie bien apparente ;

mais dans les observations ultérieures, il sera tout indiqué de

rechercher plus attentivement les troubles moteurs, sensitifs et

trophiques qui vraisemblablement doivent survenir à la suite de

ces noyaux sarcomateux. Pour terminer, nous voulons appeler l'at-

tention de la maladie de Reclitingliauseti ou neurofibromatose mul-

tiple avec la neuro-fibro-sarcomatose. Dans ces deux affections, le

système nerveux périphérique est envahi par des noyaux néopla-

siques. Dansies deux affections, le système nerveux central peut

être atteint, alors que le fait est, depuis longtemps, indiscutable

pour la neuro-libro-sarcomatose, certaines observations récentes

avec autopsies et deux cas cliniques que nous avons pu recueillir

dans le service du professeur Raymond, tendent à démontrer que

la maladie de Reclclingliausen, elle aussi, est capable d'envahir les

centres nerveux. Histologiquement, la structure et l'histogenèse des

noyaux néoplasiques dans les deux affections sont à rapprocher

sur bien des points; dans la fibromatose multiple, ces noyaux

rappellent plutôt du tissu conjonctif adulte, tandis que dans la

neuro-fibro-sarcomatose, ils correspondent avant tout aux phases

cellulaires de ce même lissu conjonctif; dans les deux cas, ce sont

des néoplasmes mésodermiques. Les observations ultérieures

démontreront jusqu'où va le bien fondé de cette hypothèse.

Observations de deux frères atteints de paralysie générale appartenant

ci une famille de dégénérés.

MM. À. Joffroy et Et. L. lA13 ? UD. Les deux frères dont il s'agit

présentaient l'un et l'autre les signes très nets de paralysie géné-

rale, embarras de la parole, inégalité pupillaire, signe d'Argyll,

perte de la mémoire, idées délirantes diverses (de grandeur, de

négation, etc.).

Comme antécédents personnels, on retrouve chez l'un l'alcoolisme

et la syphilis ; chez l'autre, le paludisme et un surmenage physique

véritablement excessif. Les antécédents héréditaires sont extrême-

ment chargés. Le grand-père maternel, alcoolique, est mort aliéné.

Sa fille, mère des deux malades, était épileptique depuis son

enfance. Elle est morte complètement démente à l'âge de quarante-

huit ans, hémiplégique et aphasique depuis six années. Elle a eu

13 enfants, tous, sauf un peut-être, plus ou moins nerveux et

Archives, 2* série, t. XIV. * 21

370 SOCIÉTÉS SAVANTES.

impressionnables, et dont plusieurs à la première occasion, sont

tombés dans l'aliénation mentale. Nous apportons l'observation de

deux d'entre eux. -

L'autopsie des deux frères confirme le diagnostic clinique : ,

épaississement des méninges, adhérences à la substance grise,

dilatation des ventricules. Au point de vue micioscopique, dispa-

rition presque complète des fibres tangentielles, dilatation des

vaisseaux avec infiltration leucocytaire. On observe en certains

points la confusion des parois vasculaires et du. tissu nerveux.

Méninges épaissies et infiltrées ; augmentation considérable d'une

névroglie.

Par la méthode de Nissl, on relève l'existence de lésions inté-

ressant un certain nombre d'éléments isolés dans les couches des

grandes et pelites cellules, excentricité des noyaux, zone de dégé-

nérescence pigmen taire.

Ces diverses lésions sont particulièrement accusées sous le lobe

frontal. On les observe également dans le lobe temporal. Peu accu-

sées dans le lobe pariétal, elles le sont moins encore dans le lobe

occipital. D'une façon générale, les lésions sont comparables chez

les deux frères avec une simple atténuation chez Gustave D...

L'intérêt de ces observations réside dans ce fait que deux frères

portant la charge d'une lourde hérédité, soumis a des influences

dissemblables, sont morts de la même maladie ; que dans la même

famille, se trouvent des manifestations mentales très diverses.

L'auteur responsable du mauvais état cérébral de la famille

entière parait être le grand-père maternel, alcoolique et mort

aliéné. Son influence s'est fait sentir immédiatement sur sa fille,

et médiatement sur la majorité de ses petits-enfants.

M. Doutrebente (de Blois). Je demande à M. Joffroy. de nous

dire s'il pourrait nous fournir des renseignements sur les antécé-

dents vésaniques héréditaires des deux paralytiques dont la mala-

die dure depuis cinq à onze ans.

M. JorraoY. L'un de mes malades avait des antécédents héré-

ditaires manifestes, il était fils d'un déséquilibré.

M. Doutrehente. Je remercie .11. Joffroy de ce renseignement,

qui,me confirme dans l'opinion, émise par moi il y a trente-deux

ans -dans ma thèse, quand j'ai dit, le premier en date, que la

forme chronique et rémittente de la paralysie générale se rencon-

trait chez les héréditaires vésaniques.

M. de Penm (de Bordeaux). Des signes somatiques peu accu-

sés, un délire faiblement expansif, l'évolution plus longue de la

maladie, donnent un aspect spécial à la paralysie générale surve-

nant chez les dégénérés.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 371 L

Sur V innervation des vaisseaux de la pie-mère elde l'écorce cérébrale.

013REGL.%. Lorsqu'on détache la pie-mère de la surface du

cerveau, on ne trouve ni cellules ni plexus nerveux dans les parois

des artérioles ou des veinules arrachées. Si, au contraire, on laisse

la pie-mère en place, on constate, par les procédés de Golgi,.

Ramon y Cajal, etc., etc., que les cellules de Ramon, situées dans

la couche moléculaire, immédiatement sous la pie-mère, donnent

de très nombreux filets qui forment un riche plexus, et que des

prolongements axiles de ces cellules vont se ramifiant et se diri-

geant, en fin de compte, exclusivement-vers la pie-mère et les

vaisseaux corticaux qui en émergent. Cette disposition se retrouve

sur des cerveaux d'animaux de différents âges, et on ne peut s'as-

surer, en même temps, qu'il existe des rapports de contiguïté

entre les prolongements axiles ascendants des cellules sous-jacentes

(surtout des cellules de Martinotti), des cellules pyramidales et

d'autres cylindres terminaux.

Les préparations que voici montrent que les branches terminales

des cylindres-axes des cellules polyaxoniques de Ramon vont vers

les vaisseaux (artérioles et veinules). Il ne faut pas perdre de vue

que des polyaxoues (fusiformes et triangulaires) présentent cette

particularité unique, qui les distingue des autres nenrones cérébro-

spinaux, de posséder deux, trois et même plusieurs cylindres-axes.

Sur de nombreuses préparations, nous avons rencontré une dispo-

sition analogue, polyaxonique, au niveau des neurones péri-vascu-

laires qui servent de vasomoteurs dans la plupart des tissus. Tous

ces faits nous conduisent à admettre que les cellules polyaxoniques.,

de Ramon, situées dans la couche la plus superficielle de l'écorce

cérébrale, sont préposées à l'innervation des vaisseaux corticaux,

et que les plexus d'entrelacement de leurs prolongements sont à

comparer, comme rôle, aux plexus vasculaires. Il y a encore un

fait qui plaide en faveur de cette opinion, c'est l'existence, établie

par M. Pierrel, des voies de communication entre les cellules de

lamoelle et les nerfs vasomoteurs du tronc. 11 restait à trouver les

voies de communication entre les neurones cortico-cérébraux et

les vaisseaux de différents territoires de la corticalité, car, lorsque

nous voulons exécuter un travail pénible avec le membre supérieur

droit, par exemple, il est de toute nécessité que les neurones de

représentation motrice du centre cortical du membre donnent une

incitation qui se transmet aux vasomoteurs de ce territoire, pour

en amener la vasodilatation et l'irrigation plus active (Scbili). Or,

c'est précisément ce mécanisme qui est éclairci par les relations

signalées plus haut entre les cellules polyaxoniques de Ramon

et les vaisseaux de la corticalité cérébrale.

372 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 5 août (soir). -

Présidence de 1. IiGIS, DENY ET A. Marie r

Après la séance du matin, les congressistes se sont rendus par

le tramway électrique au Pont-de-Clairs, où a eu lieu un déjeuner

collectif.

« La lenteur du service, dit le Petit Dauphinois, y était palliée

par l'agrément du paysage et des accortes servantes très embar-

rassées par un service inusité.

« Les toasts s'y sont multipliés comme les jours précédents. Ceux

du président Régis, du secrétaire général, de AI. le professeur Jof-

froy qui a rappelé l'oeuvre de l'Université de Grenoble dont le cours

des vacances peuvent servir de modèle aux cours semblables que

Paris organise.

« M. le Recteur a répondu et le docteur Bonnet, médecin en chef

de l'asile de Saint-Robert, a bu à la santé des dames qui accompa-

gnent les congressistes. Ils les remercie de leur apporter ce que ne

sauraient leur donner ni la splendeur des Alpes Dauphinoises, ni

la sauvage beauté de cette nature tourmentée et grandiose qui se

présente à leurs regards, c'est-à-dire le charme, la souplesse élé-

gante, la fantaisie, la joie. Il les remercie d'apporter aux congres-

sistes une atmosphère vivifiante de Beau et de Bien, créée par

elles, un peu de cet idéal, de cette joie sereine, de cette harmonie

supérieure qui double le charme de vivre et qui fait oublier aux

médecins d'asiles le caractère souvent pénible de leurs fonctions.

Il termine par un toast très applaudi à Mm0 Régis, la collabora-

trice infatigable du président du Congrès. »

Après le déjeuner le Congrès est entré en séance.

Le mécanisme des réflexes et du tonus musculaire, par Chocq (de C

Bruxelles.) -

D'après la théorie que j'ai développée au Congrès de Limoges,

chez l'homme, le tonus musculaire est exclusivement cortical, tandis

que les réflexes se font par les trois étages : médullaire pour les

réflexes rapides de défense, lombaire pour les réflexes tendineux,

cortical pour les réflexes cutanés.

M. le professeur Grasset, confondant absolument les manifesta-

tions du tonus et des réflexes, admet que toutes peuvent se faire

indistinctement par les trois étages cérébro-spinaux. Cette manière

de voir, soutenable pour les réflexes, à condition que l'on diffé-

rencie les trois espèces de réflexes cités plus haut, est, à mon

avis, erronée en ce qui concerne le tonus. Les faits sur lesquels

s'appuie M. Grasset sont peu convaincants, tandis que ceux qui

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 373

militent en faveur de la théorie corticale sont irréfutables et nom-

breux.

M. Mendeissohn invoque la loi de diffusion des réflexes pour sou-

tenir que ceux-ci peuvent se produire indifféremment par tous les

étages cérébro-spinaux. Je réponds à cela qu'il est une loi plus

importante encore qui domine toute la physiologie nerveuse com-

posée : c'est qu'à mesure que l'on s'élève dans l'échelle animale,

les fonctions nerveuses remontent graduellement vers l'encéphale

et se localisent davantage. La loi de diffusion des réflexes con-

cerne les animaux inférieurs, l'expérimentation prouve qu'elle

n'est pas exacte chez le singe, la clinique démontre qu'elle est

absolument fausse chez l'homme.

M. Brissaud objecte que des lésions destructives de la totalité

des fibres pyramidales, dans la capsule interne, peuvent produire

des hémiplégies spasmodiques. Le mot de spasmodique ne peut

évidemment ici indiquer que l'hypeitoitie, car tous nous sommes

d'accord pour admettre l'hypei,pflectivité tendineuse dans les

lésions de la capsule interne. Je réclame la preuve du fait que la

section de toutes les fibres corlico-spinates peut provoquer l'hyper-

tonie : les recherches nécroscopiques sont insuffisantes à nous

renseigner à ce sujet, nos procédés actuels ne suffisant pas à

déterminer si toutes les fibres sont sectionnées, pas même lors-

qu'il y a dégénérescence secondaire des faisceaux pyramidaux,

- qui peuvent contenir un certain nombre de cylindraxes intacts.

' M. Brissaud conteste le fait qu'une section médullaire complète

abolit définitivement chez l'homme le tonus et les réflexes (sauf

les défensifs) dans le tronçon inférieur. Je pense que tout dépend

de la nature de la lésion : si celle-ci est brusque, il y a flaccidité

complète et définitive ; si elle est lente, il peut y avoir spasmodi-

cité. Pour établir ce fait, M. Brissaud rapporte le cas de 111, Z...,

chez laquelle une section complète de la moelle cervico-dorsale,

par coup de revolver, abolit pendant de longues semaines, et jus-

qu'à la mort, le tonus et les réflexes. Il donne ensuite l'observa-

tion d'un malade atteint d'une paraplégie spasmodique, et chez

lequel il diagnostiqua une lésion équivalant ci une section Or, chez

ce patient, la sensibilité au contact persista jusqu'à la mort. A

l'examen microscopique on trouva une compression médullaire

avec sclérose intense du ruban étroit qui représentait la moelle et

dans lequel on apercevait cependant encore quelques fibres ner-

veuses. Ni cliniquement ni anatomiquement la section n'était com-

plète.

MM. Raymond et Cestan, dans une étude très importante,

publient 2 cas de compression médullaire avec paraplégie spasmo-.

dique et anesthésie complète. Cliniquement, ces cas répondent à

une section complète de la moelle; anatomiquement, on constate

.la persistance d'un certain nombre de cylindraxes. La section était

,37 SOCIÉTÉS savantes.

donc incomplète. M. Lannois rapporte une observation analogue

à celle de M. Brissaud ; il s'agit d'une paraplégie spasmodique

qu'il considère comme due à une section médullaire, alors que la

sensibilité au contact a persisté jusqu'à la mort. La lésion élait

donc incomplète. '

M. de Buck s'appuie sur les arguments invoqués par MM. Bris-

saud, Raymond et Cestan.pour admettre que les réflexes par-

courent la voie extra-pyramidale ou rubro-spinale. J'ai répondu

à ces objections; j'ajouterai que la très intéressante observation

de MM. Raymond et Cestan, parue dans le dernier numéro .des

Archives de Neurologie, prouve nettement que la destruction des

noyaux rouges n'abolit pas les réflexes tendineux.

'SI. van Gehuchieti me reproche d'avoir cherché à prouver expé-

rimeiitalemenl l'importance de la circulation aortiquesurlanulii-

tien de la moelle lombaire. D'après lui, ce fait est depuis longtemps

établi. Pour motiver mes recherches, je n'ai qu'à faire remarquer

.qu'actuellement encore, et malgré mes expériences, MM. Jendras-

sick, Brissaud et llendelssobn pensent que cette circulation se fait

en grande partie, par les artères spinales antérieures.

Mon savant compatriote m'objecte encore que la seule voixana-

tomique descendante reliant les ganglions lombaires au la moelle

- est, dans l'état actuel de nos connaissances, la voie rubro-spinale.

Il me reproche de supposer une voie reliant les corps opto-striés

aux cornes médullaires, alors que la voie. rubro-spinale est con-

nue. Je commencerai par dire que l'observation si démonstrative

de MM. Raymond et Cestan prouve que la voie rubro-spinale n'est

pas celle des réflexes et que, par conséquent, j'ai bien fait de ne

pas adopter la théorie de van Gehuclilen, qui se trouve aujour-

d'hui renversée. J'ajouterai que nos connaissances anatomiques

.concernant les voies centrifuges des corps opto-striés sont presque

nulles, et dans tous les cas très confuses. Il suffit pour s'en rendre

compte, de parcourir le remarquable ouvrage de Dejerine. Dans

ces conditions, m'inspirant des données concernant la physiologie

comparée du système nerveux dans l'échelle animale, données qui,

de l'avis des plus savants physiologistes, accordent aux corps

opto-striés un rôle important dans les fonctions motrices, je ne

crois pas faire une encur analomique en supposant l'existence de

fibres descendantes reliant des corps opto-striés aux cornes anté-

- rieures de la moelle.

La paralysie générale au début devant les magistrats.

.M. Maxwell, avocat général à la cour de Bordeaux/ où il a- pro-

noncé, à propos du fratricide un discours qui a eu un -grand

retentissement, a fait, au Congrès des aliénistes de langue fran-

,çaise, une communication que l'on pourrait appeler sensationnelle.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 375

Après avoir rappelé combien est délicate la tâche du médecin-expert,

les déboires qui l'attendent souvent aussi bien de la part du minis-

tère public que de la défense, M. Maxwell s'est exprimé dans les

termes suivants, que nous avons tenu à reproduire textuellement.

Il y a des cas où je voudrais que le médecin fut toujours con-

sulte. Ils concernent une catégorie de malades qui sont ordinaire-

ment plus dangereux pour eux-mêmes et pour leurs proches que

pour la sécurité générale. Ils ne sont pas habituellement des impul-

sifs, capables de commettre de graves attentats contre les personnes.

Les meurtres sont rares chez eux; mais les outrages publics à la

pudeur, les faux, les abus de confiance, les vols et toute une série

d'infractions moins graves, leur sont coutumières. Je veux parler

des paralytiques généraux au début de leur maladie.

Il arrive souvent aux juridictions répressives d'avoir à juger des

hommes de vingt-cinq à cinquante ans qui ont eu, jusqu'au délit

poursuivi, une excellente conduite. Brusquement un de ces

hommes commet quelque acte immoral punissable, quelques lar-

cins stupides, quelques faux grossiers; il comparait devant le juge

d'instruction d'abord, devant les juges ensuite. Les' preuves de sa

culpabilité ne sont même pas dissimulées; il ne témoigne qu'un

repentir insuffisant; il fait même quelquefois une détestable im-

pression par l'attitude indifférente qu'il conserve. Il s'intéresse

plus aux menus incidents de l'audience qu'a sa situation propre,

il parait être un spectateur plutôt qu'un acteur du drame judiciaire

qui se passe.

Si elle est trop marquée, cette indifférence peut frapper l'esprit

des magistrats, car ils ont trop d'expérience pour ne pas avoir

alors quelques soupçons d'un trouble mental; mais souvent ces

troubles ne sont qu'ébauchés. 11 faudrait l'oeil d'un aliéniste pour

les apercevoir; le magistral, dont ce n'est pas l'affaire n'y saurait

rien découvrir, il est tenté, au contraire.' de voir du cynisme dans

l'indifférence du coupable. Ses soupçons seront d'autant moins

éveillés que souvent l'escroquerie, le vol. l'abus de confiance ou le

faux, paraîtront déterminés parles besoins d'argent du coupable

dont les affaires seront embarrassées ou dont les dépenses auront

été exagérées; le mobile de l'infraction sera manifeste. Le prévenu

sera condamné et l'on enverra dans une prison un individu qu'on

aurait dû mettre dans un asile.

Je souhaiterais donc que juristes et médecins légistes s'enten-

dissent pour insister sur la nécessité d'une observation médicale

sérieuse, de tous les prévenus qui comparaissent pour la première

fois devant la justice après une longue vie d'honnêteté antérieure.

Je suis persuadé que l'expérience personnelle des médecins légistes

est conforme à la mienne : dans la catégorie des condamnés dont

je m'occupe, il y a une très forte proportion de paralytiques géné-

raux. ,

37G SOCIÉTÉS SAVANTES.

Je reconnais cependant qu'il est difficile de déterminer, des

juges à consentir aux dépenses d'un examen médical, toujours

long, toutes les fois qu'ils se trouveront en présence d'un prévenu

de vingt-cinq à cinquante ans sans antécédents judiciaires. Il faut

donc leur donner des indications sommaires permettant de décou-

vrir, dans les circonstances de l'infraction et dans l'interrogatoire

du prévenu; les signes d'un trouble mental possible. Il me semble

que le Congrès ferait une oeuvre utile et pratique s'il pouvait don-

ner la sanction de son autorité à l'établissement dérègles simples,

élémentaires, que chaque juge d'instruction devrait connaître.

Peut-on établir ces règles ? Il me semble que oui. Je crois, en

effet, que le juge devrait soumettre le prévenu à un examen mé-

dical, toutes les fois qu'il se trouverait en présence d'un individu

de l'âge indiqué s'étant toujours bien conduit antérieurement et

qu'il constaterait, en outre :

1° Que le prévenu a tardivement manifesté des idées d'ambition

ou de fortune, des goûts de dépenses ou de spéculation ;

2° Qu'il a commis l'infraction maladroitement, sans dissimuler,

par exemple, les objets volés, sans prendre les précautions dont

un délinquant a, d'ordinaire, le soin de s'entourer pour cacher sa

faute.

2° Qu'il témoigne une indifférence inexplicable chez un délin- -

quant poursuivi pour la première fois.

4° Qu'il marque des troubles quelconques de la mémoire. J'in-

sisterais volontiers sur cette dernière circonstance. Je pense que

nous avons dans l'état de la mémoire un réactif d'une très grande

sensibilité, réactif qu'un juge d'instruction peut commodément

employer. Ce magistrat devra donc se rendre un compte sommaire

de la nature des souvenirs du prévenu,. et rechercher si celui-ci a :

1° de l'amnésie ou de la dysmnésie des faits récents contrastant

avec un souvenir bien complet des faits passés depuis longtemps;

fréquemment le malade, même à la période paralytique, ne pourra

pas indiquer le quantième du mois et le jour de'la semaine, il ne

saura pas ce qu'il a mangé à son déjeuner du matin et à son diner

de la veille. Il aura oublié les courses faites, les affaires traitées

dans les dernières journées.

2° Si, en écrivant, il oublie des lettres ou des syllabes, ou fait des

fautes d'orthographes qui ne lui étaient pas coutumières ;

3° S'il fait des erreurs de calcul grossières : par exemple dans

la table de multiplication. Il conviendrait que le juge ne se conten-

tât pas d'une simple question, mais demandât au prévenu une

série de calculs simples, comme de réciter la table de Pythagore;

la fatigue mentale se manifeste chez le malade au bout de quel-

ques instants, et les erreurs apparaissent aussitôt ;

4° Enfin, si sa conception des idées abstraites est intacte. Je

reconnais que sur ce point l'examen est toujours difficile et rare-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 377

ment possible, à moins qu'on ait affaire à un prévenu ayant reçu

une certaine instruction et auquel on pourra demander quelques

notions générales.

Il est bien entendu que je me borne là à exprimer un voeu ; si le

Congrès s'y associe; il resterait à confier à des hommes plus com-

pétents que moi le soin de formuler avec plus d'exactitude et de

précision que je n'ai pu le faire, les trois ou quatre règles simples,

élémentaires, faciles à expliquer, à l'aide desquelles le juge d'ins-

truction pourrait rapidement jauger l'état menlal du prévenu. Il

est évident que ces règles ne peuvent être qu'indicatrices, elles .

auraient cependant l'avantage de permettre aux magistrats de se

rendre approximativement compte de la nécessité d'une expertise.

L'avocat, d'ailleurs, devrait connaître ces règles élémentaires, il

pourrait provoquer l'expertise si le juge d'instruction ne l'ordonnait

pas d'office. Je demande donc aux membres du Congrès de com-

mencer ce petit livre élémentaire dont je parle, et que tout magistrat,

tout juge d'instruction surtout, devrait connaître aussi bien que son

Code civil. Combien d'erreurs judiciaires seraient ainsi évitées et

combien de paralytiques généraux, irresponsables, échapperaient à

des condamnations imméritées. Mais, pour être utile, ce petit livre

devrait-exprimer l'opinion générale des principaux aliénistes.

Le massage chez les tabétiques. par Maurice FAUHK et Couhtexsoux.

La massothérapie est souvent employée et mal comprise dans

le traitement du tabès. A titre de stimulant delà circulation et de

l'innervation, un massage modéré et méthodique peut sans doute

aider'au maintien. de la nutrition générale et par conséquent

empêcher ou atténuer l'amaigrissement ou J'atrophie musculaire

chez les tabétiques comme chez d'autres malades, mais cela à la

condition qne ce massage tiendra compte des réactions propres

au tabétique, lequel ne saurait être massé comme un homme bien

portant. Le pétrissage, le tapotement vigoureux ou même simple-

ment les séances trop longues ou le massage trop étendu augmen-

tent la fatigue habituelle du malade, son impotence musculaire et

son incoordination.

Certaines manoeuvres doivent être absolument proscrites chez

le tabétique ; tels sont : les mouvements passifs exécutés avec plus

ou moins de force et qui exagèrent les saccades et la brusquerie

habituelles aux gestes des ataxiques, les exercices d'assouplis-

sement qui ne fout qu'augmenter la laxité ligamenteuse et muscu-

laire, qui est précisément un des stigmates les plus gênants de

l'ataxie, enfin tous les exercices de force au cours desquels le

tabétique. dont la sensibilité profonde est troublée ou abolie, con-

tusionne ses nerfs, arrache ses ligaments et déchire ses muscles,

sans même s'en apercevoir. '

' 378 . SOCIÉTÉS SAVANTES.

C'est à ce titre de stimulant de la sensibilité cutanée (en fric-

tions, effleurages, percussion légère), à titre de stimulant de la

sensibilité profonde et surtout de la nutrition musculaire (pres-

sions douces, mobilisation prudente) que ce massage sera utile aux

tabétiques. il leur servira aussi contre les paralysies, les atrophies,

les fractures et les entorses qui surviennent quelquefois au cours

du tabes et qu'il faut soigner par les procédés usuels.

Enfin, il ne faut point confondre le massage avec la mécanothé-

rapie et la rééducation, qui en sont des méthodes bien différentes

dans leurs principes et leur application. Le massage n'a point à

connaître de machines et d'appareils destinés à produire des mou-

vements passifs, lesquels sont du ressort de la mécanothérapie, et

n'ont d'ailleurs que peu d'emplois chez le tabétique, et peuvent

être dangereux. Il n'a pas à connaître davantage des mouvements

volontaires qui, employés sans méthode, ne donnent que des

résultats insignifiants et qui, lorsqu'ils sont méthodiques et coor-

donnés, sont du ressort de la rééducation. Cette technique vise

d'ailleurs la cure de l'incoordination, de l'impotence motrice, du

relâchement musculaire, sur lesquels le massage n'a aucune prise

et qu'il ne doit point chercher à atteindre, car il ne peut que les

augmenter s'il est mal compris ou mal pratiqué.

La pathogénie de l'épilepsie, par Maurice Fa un g.

> Les origines du tabès.

M. Maurice Faucre. Il n'est pas contestable qu'à l'origine de

. la grande majorité des cas de tabes on relève la syphilis ; mais il

n'est pas contestable, non plus, que les cas où il est impossible

d'admettre la syphilis sans baser le diagnostic sur une pétition de

principe ne sont pas exceptionnels. 1

11 est des cas de tabès qui semblent n'être que l'expression

locale d'une dégénérescence générale sénile (polysclérose) et où

l'action d'une cause unique et spécifique se confond dans l'ensemble

des actions causales de la sénilité. Il est aussi des cas où d'autres

infections que la syphilis semblent avoir agi et avoir, à elles seules,

engendré le syndrome tabétique : ainsi la tuberculose, la malaria,

l'alcoolisme, etc.

Enfin, des infections, si fréquentes chez les tabétiques, qu'on

peut les admettre comme de règle, semblent jouer aussi un rôle

pathogénique actif, même chez les tabétiques spécifiques, et peut-

être surtout chez eux, car souvent chaque accident tabétique a

- accompagné ou suivi l'apparition d'une de ces infections, alors

que pendant la période où la syphilis était seule, aucun accident

tabétique n'était apparu. Ce sont surtout la grippe ou l'inlluenza,

les infections rhumatismales, la blennorragie. Il semble que la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 379

syphilis crée, dans ces cas, un lieu de moindre résistance où l'iu-

fection secondaire s'installe, évolue et forme la lésion tabétique.

Les origines infectieuses ou toxiques du tabes nous semblent donc

trop complexes pour que sa pathogénie puisse être résolue à l'aide

d'une seule notion : la notion de spécificité syphilitique.

Quant à la question du terrain elle nous parait aussi d'une

importance capitale, et quand on observe un grand nombre de

tabétiques rassemblés, on ne peut qu'être frappé de l'analogie de

leur caractère, de leur ? moeurs et de leur constitution physique et

mentale. 11 nous semble que l'intérêt prochain de cette question

est d'arriver à établir la proportionnalité de chacune des'variétés

pathogéniques du tabes et de ces différences, afin de leur appli-

quer des traitements variés et convenables, pour chaque groupe de

cas, au lieu de merculariser systématiquement et intensivement

tous les tabétiques, ou de n'en mercurialiser aucun, suivant que

l'une ou l'autre idée théorique nous guide, ou que l'une ou l'autre

influence nous a entraînés.

Extension durable ou prolongée du gros orteil associé au signe

de Babinski.

M. Pailiias (d'Albi). -J'ai eu l'occasion en ces derniers temps,

d'observer quatre cas d'extension persistante du gros orteil dans

lesquels se manifestait aussi, de la façon la plus nette, la réaction

réflexe qui caractérise le signe de Babin : ki. -

L'intérêt de ces observations m'a paru résider : : 1° dans la cor-

rélation existant entre le signe de Babinski et cette extension

durable ou prolongée du gros orteil qui semble n'être qu'une am-

plitication ou une exagération, en durée surtout, de ce même signe

2° dans le fait que l'extension du gros orteil est, dans les états

cérébraux, un accident de contracture susceptible de se montrer

associé à d'aulres phénomènes du même ordre, mais pouvant aussi

se montrer à l'état isolé et de façon à indiquer la tendance aux

contractures;- 3° dans cet autre fait que l'extension durable du

gros orteil semble établir, par assimilation, la véritable significa-

tion du signe de Babinski, en le représentant comme un indice

d'hypertouus musculaire dépendant, soit d'une altération du sys-

tème pyramidal, soit, ainsi que chez le jeune enfant, d'une dispo-

sition fonctionnelle toute physiologique et explicable par la rela-

tive prépondérance des centres spino-basilaires, à cet âge;

4° dans cette constatation que, dans les lésions organiques du sys-

tème pyramidal, le réflexe de Babinski tout comme l'extension

persistante du gros orteil, ne se produisent pas en raison directe

de l'intensité des altérations cliniquement observées, puisque dans

deux cas d'hémiplégie complète, nous avons vu ces signes s'ac-

cuser bien plus du côté non paralysé.

380 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Sur une corrélation entre un certain écartement involontaire du

petit doigt de la main et des troubles du langage articulé

M. Pailiias (d'Albi). Ce syndrome-a été noté dans diverses

affections de l'axe cérébrospinal : paralysie générale, démences

alcoolique et sénile, aphémie congénitale. L'auteur estime que cette

corrélation de troubles fonctionnels ne peut qu'être rapportée à

une connexité de lésions des centres qui président aux langages

articulé et graphique. M. Arnaud a vu un sujet atteint de crampes

des écrivains qui eut ensuite de l'embarras de parole. Ce fait lui

semble venir à l'appui des idées émises par M. Pailhas sur la cor-

rélation des centres de l'écriture et de la parole.

Cure de désintoxication.

M. Bonnet. La maladie de la fonction précède celle de l'or-

gane ; d'où la nécessité d'agir vite et de débarrasser l'organisme

des substances qui l'intoxiquent. Ce ne sont ni les calmants, ni

les antispasmodiques, qu'il faut prescrire ; ce sont des trompe-

- l'oeil qui ne font qu'augmenter l'intoxication. Ce qu'il faut, c'est cet

ensemble de mesures que je groupe sous le nom de cure de désin-

toxication, et que je pratique systématiquement chez tous mes

malades. ]'Ille est constituée par le régime lacté, auquel j'associe la

lactose et quelquefois la théobromine ou la diurétine, par l'alite-

ment, les purgatifs et même les injections de sérum. Depuis que

j'ai adopté cette pratique, la durée du traitement a notablement

diminué.

M. OBREJA. Je félicite M. Bonnet et approuve sa méthode,

car le coefficient uro-toxique est d'une grande importance dans

l'aliénation mentale.

De la responsabilité des demi-fous devant les tribunaux et de la

responsabilité des tribunaux devant la société, par E. Verrier.

Eludes sur les miracles de la S(ileile.

M. BoLTi3y (d'Alger) signale la possibilité de l'existence de troubles

mentaux chez plusieurs personnages ayant joué un rôle dans l'his-

toire de la Salette. Etude critique documentée, très intéressante.

Les ongles chez les aliénés.

M. Pierhet (de Lyon) fait sur ce sujet une communication très

intéressante que nous reproduirons. ,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 381

Etats neurasthéniques et neurasthénie.

M. le Dr Maurice Ducosté (Bordeaux). M. Ducosté fait une

classification des états névrosiques actuellement rassemblés sous

l'étiquette de neurasthénie. Les « états neurasthéniques » et la

« neurasthénie constitutionnelle » méritent absolument d'être con-

servés comme individualités cliniques. Mais il faut bien s'entendre

sur la signification des états neurasthéniques. Ce ne sont que des

symptômes d'une affection somatique, symptômes derrière lesquels

il faut chercher la base organique, la paralysie générale particu-

lièrement (Voisin, Ballet, Fournier, Levillain, Magnan et Sérieux,

Régis) dont la phase prodromique neurasthéniforme est extrême-

ment importante à connaître pour établir un pronostic ferme. Ces

états neurasthéniques et mieux neurasthéniformes peuvent appa-

raître au début, au cours, ou à la fin (psychoses asthnéiques de

la convalescence de Kroepelin) des affections les plus diverses, et en

dehors de leur importance pratique, ils en ont une doclrinale, en

ce sens « qu'ils ne sont que des symptômes et ne peuvent aucune-

ment plaider en faveur de l'entité « neurasthénie ». La neurasthénie

dite constitutionnelle a des caractères bien connus sur lesquels il

est inutile d'insister. C'est un type clinique très net. A côté des

états neurasthéniformes et de la neurasthénie constitutionnelle,

il y a, pour M. Maurice Ducosté, un type spécial de neurasthénie

« qui, aussi bien par son étiologie que par ses symptômes et son

évolution, nécessite d'être décrit avec soin ».

E6 ? e : Pas d'hérédité, choc émotionnel, nécessaire et suffi-

sant.

Symptomatologie : Stigmates physiques et mentaux vulgaires de

la neurasthénie vraie, frustes parfois, et diversement associés les

uns aux autres, et en plus (ce qui est.essentiel) interprétation pes-

simiste des symptômes neurasthéniques, interprétation qui touche

à tous les faits de la vie du sujet et qui a pour origine et base

intellectuelle l'idée qui s'est associée à l'émotion causale. La gué-

rison est de règle, les stigmates neurasthéniques disparaissent

d'abord, l'état mental avec sa systématisation pessimiste ne cédant

qu'en dernier lieu. Une observation détaillée et très nette à l'ap-

pui. Plusieurs autres, « dont les grandes lignes ont la même rec-

titude ».

La palhogénie ne peut encore être que soupçonnée. Peut-être les

théories de Lauge, de Mosso, de Sergi, de Rihot, les expériences

de G. Dumas et de ses collaborateurs donneront la clef de ces phé-

nomènes psychiques intéressants.

En somme, pour M. Ducosté, il y a : 1° des états neurasthéni-

que ? , symptômes d'affections diverses; 20 la neurasthénie consti-

tutionuelle, apanage des dégénérés, des héréditaires et 30 une neu-

382 -) S.oClE1'ÉS SAVANTES..

rasthénie, sans hérédité névrosique ou vésanique, qui emprunte

à la neurasthénie classique ses stigmates physiques, mais qui s'en

distingue par un état mental spécial. C'est ce que l'auteur appelle

la neurasthénie à interprétation pessimiste. Le diagnostic n'est délicat

qu'avec la période d'incubation du délire clinique à évolution sys-

tématique, tel que l'ont décrite Magnan et Legrain.

Sclérose en plaques infantile à forme hémiplégique d'origine

/te<'6o-)/pAt'/<<Me probable .

M. Georges Carrier (de Lyon). Il s'agit d'une malade dont

l'affection a évolué de l'âge de sept à dix-sept ans. Dans les anté-

cédants héréditaires, on releva un père syphilitique et alcoolique.

une mère nerveuse arthritique, un grand-père maternel cérébral.

Ses frères et soeurs étaient tous morts en bas-âge, entre un et

deux ans. Rien de particulier dans ses antécédents personnels.

Elle a été à l'école où elle a appris à lire et à écrire.

Le début de l'affection se fit à sept ans par une monoplégie bra-

chiale droite qui survint brusquement et qui rétrocéda. A l'âge de

onze ans, apparurent des crises épileptiformes à la suite desquelles

survint progressivement, en l'espace d'un an, une hémiplégie droite

avec aphasie et contractures, accompagnée d'obtusion intellectuelle

avec gâtisme et coprophagie. Jusqu'à sa mort, qui survint cinq ans

après, ces symptômes restèrent permanents, sauf l'obtusion intel-

lectuelle et le gàlisme,`qui disparurent.

Les symptômes qu'elle présentait alors étaient caractérisés par

une hémiplégie droite avec contractions; paralysie faciale très

peu accentuée, secousses convulsives dans la langue au début des

mouvements, paralysie légère du voile du palais; diminution de

l'acuité visuelle à droite et turgescence des vaisseaux papillaires ; -,

dents mauvaises avec sillon d'llutcliiuson. Intelligence débile.

Aphasie motrice permanente. Déformation du thorax et de la

colonne vertébrale déviés à droite. Réflexes exagérés aux deux-

membres supérieurs et inférieurs. Trépidation épileptoïde des deux

côtés. Léger tremblement intentionnel du bras gauche. Pas de

troubles de la sensibilité. Crises épileptiformes à caractère jack-

sonien survenant irrégulièrement et commençant par le pied

droit.

A l'autopsie et l'exunzezz histologique, on releva des plaques de

sclérose disséminées dans tout l'axe cérébro-spinal, mais surtout

caractésistiques au niveau de la moelle, où elles occupaient

des localisations diverses suivant les différents étages médul-

laires. 1

Les cellules du; cortex présentaient les différents degrés de

l'atrophie; celles de la moelle étaient intactes, sauf une légère

diminution de volume. Les lésions des vaisseaux étaient caracté-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 383

risés par un épaississement très accentué de leurs parois ; rien du

côté de l'adventice, qui était très mince. Prolifération névroglique

très marquée dans la substance blanche cérébrale et médullaire.

Cette observation présente plusieurs particularités intéressantes :

1° rage de la malade dont les troubles ont débuté à sept ans; 2° le

début mono, puis hémiplégique ; 3° le tableau clinique caractérisé

par la prédominance exclusive et permanente des phénomènes

hémiplégiques et de l'aphasie avec spasmodicité et crises épilep-

tiformes jaclcsonieunes; 4° l'évolution de l'état mental, qui a été

caractérisé par l'état transitoire de l'oblusion intellectuelle, du

gâtisme et de la coprophagie ; 5° la vérification nécropsique et Iiis-

tologique qui seule permit le diagnostic exact et qui révéla un pro-

cessus de dégénérescence sans systématisation aucune, ayant

débuté par les fibres à myéline, et des lésions vasculaires chroni-

ques qui indiquent l'importance pathogénique des vaisseaux dans

la sclérose multiloculaire; 61 l'importance étiologique de l'hérédo-

syphilis dans le développement de la sclérose en plaques chez les

jeunes enfants.

De la sortie refusée des aliénés, par Biaute.

Traitement de la paralysie générale.

M. Devay (de Lyon) a soumis au traitement spécifique mixte

intensif, depuis 1896, 90 cas de paralysie générale. 11 expose les

résultats de cette méthode thérapeutique systématique dans 21 cas-

qui ont subi une modification, une amélioration ou une rémission.

Eu se basant sur ces résultats, il arrive à formuler son opinion

sur la théorie de la nature parasyphilitique de la paralysie géné-

rale, aussi bien que du tabes, théorie qui a été préjudiciable au

traitement de ces affections. Toute paralysie générale doit être

soumise à un traitement intensif mixte, calomel 0,10 centigrammes

par injection intra-musculaire chaque semaine, et iodure de potas-

sium à dose progressivement croissante jusqu'à 14, 16 et même

20 grammes par jour.

M. A. Marie préconise l'emploi du sérum ioduré dans la paraly-

sie générale ; il ne détermine pas les congestions, ni les accidents

comateux dont on l'accuse.

Fausse grossesse dans la paralysie générale.

M. Dupré. On sait que chez les paralytiques généraux

(hommes ou femmes) les délires de grossesse ne sont pas rares; on

sait également que chez les hystériques les cas de fausse grossesse

sont très fréquents, mais nous ne connaissons pas de fausse gros-

sesse chez des paralytiques générales non hystériques. J'en ai

384 SOCIÉTÉS SAVANTES.

observé, avec M. Hagniez, un exemple, concernant une femme de

trente ans qui s'est présenté à nous avec les signes, somatiques et

psychiques, de la paralysie générale, auxquels s'étaient ajoutés,

sous l'influence d'un surmenage récent, les symptômes d'un état

temporaire de confusion mentale, d'hébétude et d'obtusion intel-

lectuelle : De plus, la malade présentait l'apparence extérieure la

plus complète d'une grossesse avancée (volume et forme de l'ab-

domen, démarche); les règles étaient abolies depuis six mois;

aussi la conviction d'une grossesse de cet âge était-elle absolue

chez cette femme et dans son entourage : on avait préparé la

layette, etc.

A l'examen direct, on constata une vacuité absolue de l'utérus,

qui était gros comme une noix ; les organes génitaux et périgéni-

taux étaient normaux. La patiente, informée de cet état de choses,

sourit avec incrudulité et continua, les semaines suivantes, à se

croire enceinte. Au terme approximatif de la prétendue grossesse,

les règles réapparurent, mais les symptômes extérieurs de gros-

sesse persistèrent encore quelque temps.

Ce fait représente donc une combinaison intéressante de fausse

grossesse somatique et de délire démentiel de grossesse au cours

de la paralysie générale.

Paralysie générale précoce chez un débile /tc;'eo-syp/<i7<<t ? (e.

MM. Erxest Dupré et Pagniez (de Paris). J'ai observé, avec

M. Pagniez, une hérédo-syphilitique de vingt-trois ans qui a suc-

combé, au bout de trois années, à une paralysie générale à forme

démentielle simple, non délirante. L'autopsie a confirmé le dia-

gnostic, et l'examen histologique a montré les lésions cérébrales. '

hépatiques, rénales de la maladie. L'anamnèse a permis d'établir,

en outre, que la patiente était une débile et que l'hérédo-syphilis

provenait de la mère, qui, étant nourrice, avait eu un chancre du

mamelon. Ce cas est analogue à ceux qui Ont été déjà publiés par

différents auteurs, notamment par MM. Toulouse et Marchand, cas.'

qui établissent, d'une part, le rôle de l'hérédo-syphilis dansl'étio-

logie de la paralysie générale, et, d'autre part, la fréquence de

cette affection chez les débiles.

Etude histologique de l'écorce cérébrale dans 18 cas de mé21cgile.

MM. MAURICE F,%URE et L.11GNEL-L.1V.1ST1NE ont recherché dans le

laboratoire de 111. , Ballet les'altérations corticales de 13 cas de

méningite tuberculeuse, 2 à pneumocoques, 1 à entérocoques et'

1 à bacille d'Eberth. Ces lésions, ni constantes, ni régulières,

siègent en général au voisinage des foyers méningés et sont d'au-

tant plus accentuées que l'évolution a été plus longue.

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 385

A. Lésions interstitielles. L'écorce, abaissée ou refoulée, à

vaisseaux très dilatés, est infiltrée de cellules rondes qui pénètrent

à une plus ou moins grande distance des vaisseaux.

B. Lésions cellulaires. Les cellules nerveuses, devenues globu-

leuses, ont leurs grains chromophiles diminués de volume et

comme effrités. Le noyau est un peu coloré, les prolongements

pâles, les bords échancrés (neuronophagie). Ces lésions étaient

très accentuées dans 4 cas, légères dans 8, à peu près nulles dans 6.

Dans ces derniers cas, la méningite n'avait été que l'épilogue

rapide d'une tuberculose pulmonaire chronique à la 3° période.

Au contraire, dans les 4 cas où les lésions furent très accentuées,

il y avait eu méningite tuberculeuse à évolution clinique classique.

L'activité locale de la circulation cutanée de la main dans l'hénai-

plégie organique et le syndrome de Raynaud, par LAicaEL-LAVas-

tine (de Paris).

Avec M. Ilallion, nous avons montré que le temps que met à

disparaître la tache blanche produite sur la peau par une compres-

sion légère varie avec l'activité de la circulation locale. Par exem-

ple, l'effacement de la tache produite par la compression du pouce

pendant trois secondes sur la peau de la face dorsale du premier

espace interosseux de la main est beaucoup plus rapide quand la

main est rougie par immersion dans l'eau chaude que lorsqu'elle

l'est par immersion dans l'eau froide. En même temps que

nous étudiions la tache blanche au laboratoire du professeur

François Franck au Collège de France, nous notions à l'hôpital,

dans les services de MM. les professeurs Raymond et André Petit,

des variations chez les malades. A titre d'exemples, nous rappor-

tons aujourd'hui quelques résultats observés dans l'hémiplégie

organique et le syndrome de Raynaud. ·

Chez 10 hémiplégiques d'origine organique nous avons compara-

tivement examiné des deux côtés la tache blanche, le pouls capil-

laire et la tension artérielle.

Les résultats diffèrent selon l'âge de l'hémiplégie. Au lendemain

de l'ictus on trouve du côté malade une tache plus courte et un pouls

capillaire plus ample que du côté sain. Inversement chez les hémi-

plégiques spasmodiques observés de six mois à douze ans après

l'ictus, on trouve du côté paralysé la tache blanche plus longue,

la tension artérielle plus basse, le pouls capillaire à oscillations

plus petites ou nulles. Enfin, il est dans l'hémiplégie organique

unepéi,iode intermédiaire très courte où l'on trouve des deux côtés

les mêmes résultats. C'est ce que nous avons constaté chez une

femme de quarante-cinq ans, atteinte depuis deux mois d'hémi-

plégie gauche avec exagération des réflexes d'origine syphilitique.

Cette asymétrie dans la durée de la tache blanche observée dans

Archives, 2' série, t. XIV. 25

i 386 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'hémiplégie organique, nous ne l'avons pas retrouvée dans cas

1 d'hémiplégie hystérique.

La tache blanche, d'une longueur souvent considérable dans le

.syH)'om<'<;/e7{a ! /)tf<Md au stade de cyanose, est modifiée d'une

façon caractéristique par un bain à 4.50. Alors qu'elle devient immé-

'diate au niveau des parties saines, elle diminue à peine au niveau

des doigts malades. C'est donc là un procédé facile pour délimiter

exactement les parties saines des parties malades. Dans les mêmes

conditions le pouls capillaire n'apparait dans l'eau chaude qu'au

niveau des parties saines. -

, En résumé : 1° la tache blanche, indice de la circulafion locale,'

, permet de distinguer la rougeur par paralysie vaso-motrice de la

rougeur par vaso-dilatation active ;

2° Elle subit des modifications de même sens que celles du pouls

capillaire dans l'hémiplégie organique ou le syndrome de Ray-

naud : plus courte que du côté sain au lendemain de l'ictus, elle

devient plus longue quand l'hémiplégie date de quelque temps

après être passée par un stade intermédiaire où elle était égale des

- deux côtés.

Les obsessions et la psychaslénie, par P. Janet.

Le délire des négations de Cola2-(l it'esi-il syi ? cll,olîie ?

' 31. Castix (de Montdevergues), dans une communication, tend à

.démontrer que le délire des négations de Cotard n'est pas seule-

ment un synchronie, mais une affection mentale distincte avec une

- étiblo-ie. une symptomatologie, une évolution, un pronostic et

même une anatomie, pathologique tout à fait spéciales. Cette

affection serait secondaire à des accès successifs de mélancolies

- simple et anxieuse, ou bien à l'hypochondrie systématique, telle

que l'a décrite NI. Sé-las.

Dans le chapitre des symptômes l'auteur établit une filiation des

idées de négation et de leurs « idées corollaires », et insiste tout

particulièrement sur les signes physiques, sur l'anxiété, l'insom-

nie, la constipation et les phénomènes d'opposition. L'attitude et

l'expression d'horreur de ces malades seraient tout à fait caracté-

risliques, ·

Le pronostic est très sombre, comme il découle d'un tableau où

l'auteur a recueilli les terminaisons relatées dans 32 cas dont

8 personnels ; 12 fois cette affection se termina par la mort six

mois au plus après l'internement du malade (7 fois par cachexie et

5 fois par maladies intercurrentes).

Après avoir établi les difficultés du diagnostic, M. Castin discute

la question au point de vue nosologique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 387

Sur le symptôme calolonique.

M. Cuoco (de Bruxelles). - La catotonie, dont l'autonomie- est,

depuis longtemps, contestée en France, est encore considérée, en

Allemagne et en Belgique, comme une entité morbide bien définie.

Des discussions intermidables surgissent constamment a1 ce sujet,

la cause en est dans le fait que les auteurs adoptent des définitions

différentes. Les définitions modernes prouvent combien les parti-

sans, convaincus de l'autonomie de la catotonie, ont restreint le

cadre de leur entité morbide dont il ne reste finalement que les

phénomènes moteurs. Ces phénomènes constituent, non pas une

maladie, pas même un syndrome,; mais seulement un symptôme

susceptible de se montrer au cours d'affections mentales diverses.

Voici les photographies d'un cas typique de catotonie chez une

hystérique ; l'examen de l'urine a démontré une perturbation pro-

fonde de la nutrition générale caractérisée parla diminution de la

quantité des urines ! hyperclilorurie considérable, hypophosphatu-

rie et diminution de la quantité d'urée.

La question est de savoir si la catotonie est, selon l'opinion de

Régis, due aux troubles nutritifs ou si les troubles nutritifs sont

la conséquence de la vapeur. La catotonie s'accompagne d'hypo-

thermie, de cyanose des extrémités, d'abaissement des fonctions

circulatoire et respiratoire ; ces troubles généraux et trophiques

sont plutôt la conséquence que la cause de la catotonie ; peut-ëtte

en est-il de 'même des troubles urinaires. Discussion :

MM. Dupré et Régis.

De la paralysie générale chez les dégénérés.

M. de PEHHY (Bordeaux). J'apporte au Congrès quelques

observations qui viennent corroborer l'aspect spécial que l'on a

attribué à la paralysie générale chez les dégénérés. Les antécé-

dents psychopathiques antérieurs sont fréquents. Les signes

somatiques sont moins accusés au début. Le délire cxpansif est

plus pâle parce qu'il évolue sur un terrain congénitablement sté-

iiie. L'évolution de la maladie semble plus longue que chez les

hommes normaux et n'en a pas les caractères.

M. Dupré communique une observation qui confirme la marche

rapide attribuée généralement à la paralysie générale chez les

débiles. Il rapporte aussi le cas d'une femme qui, au cours d'une

paraylisie générale, cultiva dans son délire une fausse grossesse,

au point d'en imposer à tout son entourage; elle en présentait,

du reste, tous les signes extérieurs : gonflement des seins, aug-

mentation de volume du ventre...

388 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

Des agents physiques et mécaniques dans le traitement

des hémiplégies organiques .

M. E. Deschamps (de Rennes). Cette thérapeutique est ration-

nelle ; en obéissant à des conditions faciles à déterminer, on peut

toujours intervenir sans s'exposer à aggraver l'état du patient. Le

danger d'augmenter les contractures règle V électrothérapie de l'hé-

miplégie. En localisant l'excitation galvanique ou faradique, on

peut faire réapparaître les contractions musculaires normales et

voir diminuer la contracture; la diffusion du courant aux antago-

nistes plus excitables ne pourrait qu'augmenter la contracture. La

gymnastique sous la forme de mouvements actifs on passifs rend

des services, à la condition qu'on développe simultanément les

deux systèmes de muscles antagonistes et qu'on ne dépasse jamais

le moment du système le moins favorisé. Les mouvements faits avec

effort doivent être soigneusement évités.

Dît processus histologique de l'atrophie musculaire.

M. G. Durante. L'auteur élimine les atrophies dégénératives, ,

qui sont des dégénérescences toxiques analogues à celles des

autres organes, pour n'étudier que l'atrophie simple telle qu'elle

s'observedans les affections des nerfs, des centres et dans la myo-

pathie progressive. ,

- Dans la fibre musculaire, il faut distinguer la fibrille striée ou

myoplasma, portion différenciée et fonctionnelle, et le proto-

plasma non différencié, ou sarcoplasma, régissant la nutrition, la

défense et la dégénération de l'élément.

., Comme dans toute cellule, dans la fibre striée considérée à l'élat

normal et à l'élat pathologique, il y a inversion dans l'importance

réciproque de la portion différenciée et de la portion non différen-

ciée. Le sarcoplasma, très réduit à l'état normal, réagit sous l'in-

fluence du moindre état pathologique et prolifère.

Le processus conduisant à l'atrophie simple peut être divisé en

trois périodes :

1° Le début, caractérisé par ce que G. Durante a appelé la

régression plasiîzodiale, est constitué par l'hyperplasie locale ou

diffuse du sarcoplasma avec prolifération des noyaux. Localisée,

elle forme des taches claires ou grenues, des amas protoplas-

miques, des bourgeons superficiels chargés de noyaux qui peuvent

s'isoler dans le tissu conjonctif voisin. Généralisée, elle rend les

fibres volumineuses et leur donne un aspect trouble, finement

grenu, qui n'est pas de la dégénérescence, mais ce que l'auteur

distingue sous le nom de tuméfaction trouble. Telle est la cause de

la formation des fibres hypertrophiées qui marquent la première

phase inconstante de l'atrophie.

SOCIÉTÉS savantes. 389

Au niveau des amas de sarcoplasma, ou au milieu de fibres

hypertrophiées, se produisent des fentes qui entraînent des divi-

sions longitudinales simples ou multiples. Sur les coupes trans-

versales, les petits îlots défibres grêles en jeu de patience paraissent

le résultat de la division répétée d'une seule grosse fibre.

Cette division longitudinale peut donner naissance à des fibres

très grêles, mais ne saurait, à elle seule, entraîner l'atrophie du

muscle, puisque la diminution de volume des éléments est pro-

portionnelle à leur augmentation de nombre.

2° Soit à la surface des fibres encore bien striées, soit dans

l'iutérieur de fibres en tuméfaction trouble, le protoplasma jusque-

là, à l'état de plasmode indivis, s'individualiseen cellules distinctes

qui tombent dans le tissu interstitiel ou restent dans la gaine.

C'est la régression cellulaire véritable retour à l'état embryon-

naire. Les fibres les plus grêles, produites par voie de division,

s'étranglent entre les noyaux ou se séparent de même en une

chaîne de cellules fusiformes.

3° Métamorphoses. La biologie cellulaire nous enseigne que le

milieu crée la fonction ; que le milieu et la fonction déterminent la

morphologie cellulaire. La fibre striée est revenue à l'état plus

indifférent de cellules musculaires embryonnaires. Ces cellules,

disséminées dans le tissu conjonctif, sont plus capables de s'adap-

ter aux conditions nouvelles qui leur sont imposées. Elles se

transforment peu à peu et prennent l'apparence d'éléments con-

jonctifs ou se chargent d'une gouttelette de graisse et se métamor-

phosent en pseudo-cellules adipeuses. La métamorphose conjonc-

tive explique l'augmentation apparente du tissu interstitiel et de

ses noyaux indépendamment de toute sclérose; la métamorphose

adipeuse fait comprendre l'origine de l'infiltration graisseuse, tou-

jours plus ou moins marquée dans les amytrophies. C'est par ces

métamorphoses que disparaissent ou du moins cessent d'être

reconnaissables les éléments musculaires dans les amyotrophies.

L'atrophie musculaire est donc l'aboutissant non pas d'une

résorption moléculaire, mais d'un processus complexe qui débute

par une véritable anarchie inlra-cellulaine : par suite d'un trouble

dans l'harmonie qui doit régner entre les différentes parties cons-

tituant les fibres striées, le sarcoplasma s'hyperplasie, prend le

dessus et se transforme en cellules musculaires distinctes ayant

des caractères embryonnaires. Secondairement ces cellules se mé-

tamorphosent et perdent leurs caractères propres pour prendre

l'aspect conjonctif ou adipeux. -

Les dégénérescences diverses que l'on rencontre dans quelques

fibres relèvent de complications secondaires. Elles sont la signa-

ture d'accidents toxiques (maladies infectieuses, cachexie, troubles

digestifs, intoxications diverses) qui viennent se surajouter au pro-

cessus amyotrophique. Toutes les amyotrophies relèvent Iiisiolo-

3110 SOCIÉTÉS SAVANTES.,

giquemeni de ce même processus, et ne diffèrent que parla distri-

bution des lésions et par la rapidité de leur évolution.

De lu mort subite parruplure du cceur chez les déments.

M. Piciiexot (de Montdevergues) présente quatre observations

personnelles de rupture du coeur chez les déments avec épreuves

photographiques qui sont passées sous les yeux des membres du

Congrès.

Dans sa communication, il rappelle que les travaux dans les-

quels on s'est occupé de l'étiologie et de la pathogénie des rup-

tures du coeur, établissent comme facteurs principaux de cette

affection la dégénérescence graisseuse du myocarde et les' altéra-

tions des coronaires, mais sans s'arrêter sur les causes détermi-

nantes de cette dégénérescence au point de vue mental. Aussi lui

a-t-il paru intéressant de relater l'une d'elles, la démence.

- A l'autopsie, outre une rupture du coeur p'us ou moins étendue,

il a constaté des lésions des valvules, de l'aorte et de certaines

artères cérébrales, une surcharge graisseuse'très accentuée du coeur

avec dégénérescence du myocarde et d'autres organes importants,

tels que le foie, les reins. Dans les deux derniers cas, il y avait des

lésions des coronaires, athérome dans l'un, infarctus dans l'autre.

La mort subite était survenue au cours d'actes simples, mais

ayant pu néanmoins augmenter légèrement la tension intracar-

diaque. Les facteurs émotifs sans avoir joué ici un rôle immédiat

dans la genèse de la dégénérescence et de la rupture du coeur, lui

semblent cependant avoir eu une influence médiate en ce sens

qu'ils ont agi surtout en provoquant l'usure, l'affaiblissement des

facultés intellectuelles, en un mot la démence, reconnue générale-

ment comme favorisant les diverses dégénérescences des organes.

M. Pichenot conclut que c'est à l'état démentiel plus ou moins

précoce de ses malades que doit être rattachée la dégénérescence

graisseuse des myocardes et le mauvais état des coronaires. Trois

d'entre eux avaient moins de soixante ans et l'autre, moins de

soixante-dix ans.

Sans pouvoir généraliser, en raison du nombre trop restreint de

ses observations, il est porté à croire que la précocité dans l'appa-

rition de la rupture du coeur est la règle chez les aliénés et que

cette cause de décès doit être relativement fréquente chez les dé-

ments des asiles qui meurent brusquement mais dont l'autopsie

est souvent négligée comme ne devant présenter aucun intérêt.

Un de ses malades;étant épileptique, il rappelle en terminant que

l'épilepsie en dehors de toute démence, suffit ainsi que l'admet

Gélineau, pour favoriser la dégénérescence des organes, mais que

les crises épileptiques peuvent aussi, ;à elle seules, provoquer la

rupture du coeur suivant l'opinion de Short Lunier et Feré.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 391.. u

Sur le signe pupillaire cl'lrgyll-Ro6erssou. , ,

11111. CI : ST1N et DUPUT-DUTEIfP3. Depuis trois ans, les auteurs '

ont recherché la réaction de la pupille à la lumière chez tous les '

malades ayant fréquenté la clinique Charcot. Ils conseillent l'ins-

tillation de cocaïne pour l'examen des pupilles étroites. Ils n'ont

jamais pu trouver un réflexe paradoxal de la pupille. Dans le tabes,

lorsque le signe Cl'1L·gyll était unilatéral, toujours ils ont trouvé

la règle de Babinski, à savoir pour l'coit malade, disparition du

réflexe pupillaire lumineux direct et consensuel, pour ]'oeil sain,

conservation de ces deux réflexes. Mais ils ont particulièrement'

envisagé les rapports du signe d'Argyll et de la syphilis. Ils n'ont

jamais trouvé le signe au cours de la sclérose en plaques (35 cas),

de la polynévrite (30 cas), de l'atrophie musculaire Charcot-Marie

(6 cas), de la syringomyélie (8 cas), de la maladie de Friedreich

(to cas), de diverses vésanies autres que la paralysie générale. Au

contraire, ils ont pu le constater soit en l'état isolé (5 cas), soit en

association avec d'autres affections : l'hémiplégie cérébrale (6 cas),

la méninge-myélite (4 cas), etc. Mais ces derniers malades, qui

n'étaient cliniquement ni des tabétiques ni des paralytiques géné-

raux, étaient tous syphilitiques. '

Peut-être existe-t-il des cas de névrite interstitielle hypertro-

phique et de syringomyélie avec signe d'Argyll et sans syphilis.

Mais dans la pratique, la présence du signe d'Argyll doit faire

soupçonner la syphilis, selon la règle posée par M. Babinski. De

l'avis des auteurs cependant, jusqu'à la démonstration évidente

par l'anatomie pathologique, il faudrait plutôt admettre que le

signe d'Arcyll dénonce un tabes ou une paralysie générale initiaux

évoluant, soit à l'état isolé, soit en association avec d'autres mala-

dies nerveuses syphilitiques.

Le mariage entre géants.

M. Henri 1)11,.IGE (Paris). - Sans doute, il est des géants qui ne

deviennent jamais acromégaliques, et desacromégaliques qui n'ont

jamais été de haute stature. Mais les faits sont nombreux où l'on

voit le géant devenir acromégalique. Le gigantisme et l'acromé-

galie ne sont que deux étapes successives du même trouble de

développement; 1' gigantisme se manifeste pendant la période

de la croissance, et l'acromégalie quand cette période est termi-

née.

Si l'on se rappelle, en outre, que la grande majorité des géants

présentent des troubles trophiques, qu'ils ont des accidents circu-

latoires, des imperfections physiques de toutes sortes, et fréquem-

ment des désordres nerveux et mentaux, on conviendra que les .

tentatives comme s'en est produit une récemment, ayant pour but

392 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de favoriser les mariages entre géants, ne sauraient trop être

déconseillées. Leurs conséquences iraient certainement à rencontre

du but proposé, car elles tendraient à perpétuer des monstruosités

accompagnées d'infirmités peu enviables. -

- Deux cas 6)6[)'t<mOcyOHMSHHf ? M.

M. Hartenberg (de Paris). Les deux observations rapportées

viennent à l'appui de la doctrine qui considère le paramyoclonus

multiplex comme une manifestation purement hystérique. La

marche de la maladie, le tempérament des malades, la guérison

brusque produite par un choc émotionnel inhibiloire, semblent

bien montrer qu'il s'agissait, dans ces cas, de ce trouble fonctionnel

de l'écorce auquel on attribue actuellement l'hystérie. Toutefois,

l'auteur ne rejette pas la possibilité d'autres formes de paramyo-

clonus produites par des lésions organiques du cerveau.

Les leucomdines de la substance nerveuse.

M. LAB1TLTT. Vous entendiez, ces jours derniers, M. le pro-

fesseur Brissaud vous dire : « Nous ne savons rien, nous ne con-

naissons rien au fond, nous n'établissons que les rapports, la rela-

tivité des choses. »

Pour établir ces rapports, les moyens d'observation employés

par les diverses sciences sont différents, mais nous ne pourrons

considérer un rapport entre deux faits comme parfaitement établi

que lorsque les diverses sciences dont relève ce rapport donne des

résultats concordants. Si, par exemple, je venais vous affirmer que

les lécithines, qui entrent dans la substance nerveuse, contiennent,

à l'état physiologique normal, un composé toxique qui n'est pas

un déchet de.désassimilation, vous me répondriez par ce principe

de Cl. Bernard. « Aucun composé toxique ne peut, à l'état nor-

mal, faire partie de l'organisme »; et cette réponse serait une

vérité évidente par elle-même.

Si, persistant, je vous disais que j'ai isolé chimiquement ce

composé toxique, si je vous le présentais même, vous me répon-

driez : « Je ne doute pas que ce composé ait été extrait de la subs-

tance nerveuse, mais si nos procédés chimiques avaient conservé

des propriétés au produit primitif de l'organisme, votre composé

ne serait pas un toxique de la substance nerveuse, il en serait plu-

tôt un aliment. »

Messieurs, lachimie biologique vous présente, comme existant dans

les lécithines du cerveau, deux bases en combinaison avec l'acide

phosphoglycérique. Ces deux bases sont : 1-1 la choline hydrate de

triméthyloxéthylène ammonium et 2° la névrine hydrate de tri-

méthylvinylammonium. La chimie biologique ajoute : « Ces deux

SOCIÉTÉS SAVANTES. 393

bases sont toxiques, la seconde vingt fois plus que la première. »

Vous vous demandez, Messieurs, comment un tel conflit a pu se

créer entre la chimie et la physiologie. C'est tout simplement

parce que l'extraction et l'étude de ces corps remontant à une cin-

quantaine d'années, les chimistes de cette époque n'avaient aucun

souci d'exécuter leurs opérations dans les conditions biologiques

de l'organisme. Dans le cas actuel, pour extraire les bases choline

et névrine, ils traitaient les lécithines du cerveau en présence de

la baryte à 100° pendant dix heures^ Après une telle coction en

milieu alcalin, il semble imprudent d'affirmer que ces composés

existent bien dans les lécithines et ne se sont pas formés pendant

la coction. La première vérification qui s'impose est précisément

de rechercher si les composés obtenus sont toxiques ou non.

S'ils ne sont pas toxiques, s'ils peuvent de nouveau, sans appor-

ter de trouble, faire partie d'un organisme similaire de celui qui

les a fournis, on pourra admettre leur existence à l'état normal;

mais s'ils sont toxiques il faudra les rejeter en tant qu'éléments

normaux de cet organisme.

J'ai pu, Messieurs, faire la preuve chimique delà fabrication de

la choline et de la névrine par la coction ; car si l'on opère à froid,

en ajoutant un peu d'hydrate de baryte à la solution alcoolique

éthérée des lécithines on isole une base bien différente de ces der-

nières. Ainsi, la choline donne un chloroplatinate en aiguilles cris-

tallisées du système clinorhombique (Friedel). La base isolée à

froid donne un chloroplatinate en sphérules de coloration jaune et

de forme identique aux lécithines elles-mêmes.

Le seul fait de se maintenir dans des températures biologiques a

changé le résultat. La choline n'existe plus qu'à l'état de traces

dans les extractions à froid et ne peut plus nous apparaître que

comme un déchet de désassimilation. Dans la préparation par la

baryte à chaud elle se forme seule et cela aux dépens de la base à

chloroplatinate sphérulaire.

Ne connaissant maintenant plus rien, pour]ainsi dire, sur lesleu-

comaïnes de la substance nerveuse, comment procéder pour éta-

blir quelques connaissances à ce sujet ? Si nous isolons quelque

base du cerveau, même par des méthodes chimiques correctes,

nous n'aurons aucune notion sur sa constitution chimique, le

second terme du rapport, le point de comparaison va manquer.

Nous en arrivons nécessairement à créer ces points de compa-

raison, à fabriquer de toutes pièces, par synthèse chimique, en

dehors de toute action cellulaire, des composés dont nous connaî-

trons d'avance la constitution, dont nous pourrons étudier les pro-

priétés chimiques et physiques. Ces points de comparaison étant

établis, nous rechercherons si la substance nerveuse contient de

tels composés.

Pourquoi cet effort ? Parce que, si le but est atteint, nous aurons

394 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des composés qui, au lieu d'être des poisons du système nerveux

en seront un aliment, et nous permettront de lutter contre son

usure d'en tenter la régénération par ses éléments les plus impor-

tants qui sont : les composés azotés.

Vous savez, messieurs, avec quelle facilité les alcaloïdes se fixent

sur la substance nerveuse en donnant des effets physiologiques

remarquables.; les composés dont nous poursuivons la réalisation

étant de même-nature chimique, nous pouvons légitimement es-

compter qu'ils se fixeront avec la même facilité sur le tissu nerveux.

La création des points de comparaison, des composés chimiques

synthétiques est-elle absolument abandonnée. notre arbitraire ?

Eu aucune façon; nous avons un renseignement comme point de

départ : le cerveau est un organe où la glycérine abonde, le cer-

veau est un terrain glycérique. Il sera donc naturel de constituer

par synllièec des composés glycériques azotés fonction basique,

mais dans toutes les opérations il faudra s'astreindre v se tenir

dans les limites des températures physiologiques. Aucun coips ne

sera chauffé au-dessus de 38° et les synthèses seront faites à l'étuve

à cette température.

Si des distillations sont nécessaires, on les fera dans le vide

fallût-il atteindre le vide des lampes à incandescence et des tubes

de'Crookes. Si nous découvrons ensuite de tels composés dans l'or-

ganisme, nous pourrons dire qu'il suffit, pour les obtenir, de

maintenir leurs éléments à une température fixe pendant un

temps souvent assez long. Ils nous apparaîtront dès lors comme

le résultat d'actions chimiques lentes et nullement comme le pro-

duit de l'activité cellulaire.

Nous nous expliquerons ainsi qu'après la digestion, les éléments

cellulaires n'aient à accomplir qu'un faible travail pour reconstituer

des albumines aux dépens des peptones. Nous pourrons ainsi com-

prendre que le protoplasma ait existé avant son mouvement, son

existence dérivant du seul jeu des actions chimiques dans des con-

ditions déterminées et devenant fatale, une fois les conditions

posées.

Dix composés glycériques azotés ayant été constitués par syn-

thèse, quatre de ces bases se sont rencontrées ayant leurs similaires

dans le cerveau. 4° base synthétique. Elle présente toutes les

réactions que Friedel attribue à la choline. Son chloroplatinate

cristallise aussi dans le système clinorhombique avec un angle de

base un peu différent de celui de la choline. 2e base synthétique.

Elle donne un chloroplatinate. en sphérules identiques à celui

que l'on obtient en traitant à froid les lécithines en salution alcoo-

loéthérée. 3° et 4° bases synthétiques. - 1 l'état de chlorures,

elles se présentent sous la forme de pulpes qui sont insolubles

dans l'eau, dans l'alcool, dans l'éther, insolubles dans l'acide chlo-

rhydrique et la potasse étendus. 1

bibliographie. 395

Fixant le chlorure de platine, le chlorure d'or, le bleu de mé-

thylène, se teignant en bleu par l'éosine liématoxylique, en rose

par le carmin, prenant le Golgi, elles présentent toutes les réactions

chimiques et histochimiques des nucléines cérébrales. L'étude physio-

logique de ces composés n'est pas encore faite, elle seule peut nous

fixer sur la valeur thérapeutique de ces substances synthétiques.

En vous faisant, messieurs, cette communication, j'ai obéi à un

mobile égoïste : celui de prendre date pour les faits nouveaux que

je présente.

Excursion A la Grande Chartreuse

. Le mardi 6, un grand nombre de congressistes se sont rendus s

à la Grande Chartreuse.

Ainsi que nos lecteurs ont pu le constater par ce compte rendu

que nous avons essayé de faire aussi complet que possible, de nom-

breuses et très intéressantes communications, en plus de la dis-

cussion très complexe des Rapports, ont occupé de longues et

laborieuses séances. En terminant, nous remercions personnelle-

ment tous nos confrères de Grenoble de leur cordial accueil et nos

collègues du Congrès de leur collaboration. B.

BIBLIOGRAPHIE.

Rapport médical, pour 1901, sur l'asile public de Saint-Robert,

' parle D1' J. Bonnet, médecin en chef.

- Nous avons déjà utilisé quelques parties dece rapport ? En 1901,

il a été traité à l'asile 1.266 malades. Les sorties par guérison

ont été de 40, par amélioration de 60, par évasion 2. Décès 123,

dont 8 par tuberculose, 5 par fièvre typhoïde et 22 paralytiques

généraux. L'asile fournit en moyenne, par an l ou 16 corps non-

réclamés à l'école de médecine de Grenoble, parmi lesquels en

moyenne , un de la Seine.

L'asile compte 29 aliénés dits criminels (20 hommes et 9 femmes),

qui sont considérés comme dangereux, sauf quelques-uns employés

à de menus travaux et étroitement surveillés. Le nombre des

malades traités, qui a été de 1.046 en 1889, était de 1.266 en 1901.

Il y a donc une progression constante. Nous relevons dans les

considérations générales les passages suivants :

« Tel infortuné naîtra faible d'esprit, imbécile ou idiot, comme

1 Voir p. 326. ' '

396 bibliographie. ,

d'autres naissent infirmes, sourds-muets ou atteints de paralysies

partielles (pieds-bots, etc.). Ce n'est point, on le comprend, un

simple traitement médical qu'il faudrait instituer en faveur de ces

derniers, mais bien un traitement pédagogique , une éducation

spéciale. « On voit donc la nécessité qu'il y a de détruire cette

vieille conception de l'asile-caserne, à transformer de plus en plus

nos asiles, renfermeries d'aliénés, en maisons de traitement, en

hôpitaux, en instruments de 'guérison. Or, guérir des aliénés doit

être le vrai but de l'asile, le meilleur moyen de ne pas grever outre

mesure le budget départemental, c'est la meilleure voie des écono-

mies. Cette tendance heureuse, mieux connue dans le public,

jointe à la sollicitude de l'administration et aux améliorations

réalisées en faveur des aliénés, fera peu à peu disparaître les

hésitations, les répugnances qui retardent trop souvent le place-

ment des malades, au grand détriment de leur curabilité. »

Il est inutile de dire que nous approuvons complètement ce que

dit M. Bonnet sur la nécessité des asiles-écoles pour les idiots. La

critique des asiles-casernes est bien moins fondée. Pourquoi

sont-ils des « renfermeries » et non des hôpitaux ? Parce qu'on les

encombre, parce qu'on transforme de bons asiles comme Saint-

Robert, à population limitée, engrandsétablissements, à touségards

moins favorables aux guérisons. Mieux vaudrait créer un second

asile dans une autre partie de l'Isère que d'agrandir indéfiniment

Saint-Robert. L'asile de Blois n'est pas une renfermerie.

« La méthode récente du traitement parle séjour au lit, de l'ali-

tement, méthode surtout adoptée à l'étranger, continue à nous

rendre de précieux services, surtout dans les états mélancoliques

survenant chez les malades épuisés ou surmenés. Mais nous n'ap-

pliquons pas ce traitement d'une façon systématique; il nous

parait discutable dans les cas d'excitation maniaque. Les malades

ainsi traités réclament une surveillance toute spéciale. Malheu-

reusement, l'insuffisance numérique du personnel ne nous permet

pas d'employer ce mode de traitement aussi fréquemment que nous

le désirerions. »

L'insuffisance du personnel est, en effet, un obstacle à l'appli-

cation régulière de l'alitement dans beaucoup d'asiles.

« Un certain nombre de malades, écrit encore M. Bonnet, nous

ont été amenés des hôpitaux dans un état physique à peu près

désespéré. Il serait préférable d'éviter ces internements dans

l'intérêt du malade et de sa famille. En conservant ces malheureux

quelques jours de plus à l'hôpital, on éviterait leur décès dans un

asile d'aliénés. o - '

Cette remarque est très juste; une pratique aussi défectueuse, et

peu humaine, existe, hélas ! ailleurs qu'à Saint-Robert. B.

VARIA.

Hypersécrétion des larmes chez LES mystiques.

Michelet raconte que personne plus que Saint-Dominique, n'eût

le don des larmes qui s'allie si souvent au fanatisme. Lorsqu'on

recueillit les témoignages pour sa canonisation, un moine déposa

qu'il l'avait souvent vu, pendant la messe, baigné de termes qui lui

coulaient en si grande abondance sur le visage, qu'une goutte

d'eau n'attendait pas l'autre.

Le même auteur, parlant du roi Saint Louis donne, d'après le

Confesseur, les renseignements suivants : « Li Lenoicz roi désirroit

merveilleusement grâce de larmes, et se compleignoit à son con-

fesseur de ce que lermes li défailloient, et li disoit débonnèrement,

humblement et priveement, que quant l'en disoit en la létanie ces

mots : Biau sire Dieu, nous te prions que tu nous doignes fon-

taines de lermes, li sainz rois disoit dévotement : 0 sire Diex, je

n'ose requerre fontaines de lermes ainçois me suffisissent petistes

gouttes de lermes à arouser la sécherèce démon cuer... Et aucune

foiz reconnut-il à son confesseur priveement, que aucune fois il

donna à notre sires lermes en orerzon : lesqueles, quand il les sen-

toit courre par sa face souef (doucement) et entrer dans sa bouche,

eles li sembloient si savoureuses et très douces, non pas seulement

au cuer, mes à la bouche 2. » (Voir aussi p. 320 de ce numéro.)

Cette hypersécrétion s'observe chez ce genre de malades, à peu

près pour toutes les glandes. A rapprocher de la sialorrhée.

LES aliénés EN liberté

1-e Pingard, femme d'un employé de la Compagnie du chemin

de fer d'Orléans, était venue passer quelques jours chez son père,

M. Champommier, à Montluçon (Allier). Pendant la nuit, prise de

folie furieuse, elle lui a coupé les oreilles avec un rasoir et a cher-

ché à lui couper le cou. Il put se sauver. (Bonhomme normand,

14 août).

- Le' sieur Auguste James, quarante-deux ans, cultivateur à

'Burcy, canton de Vassy, s'est pendu dans sa grange. Ce malheu-

reux homme, père de cinq enfants, était depuis près d'un mois en

proie à des troubles cérébraux. C'est dans un moment de crise qu'il

s'est suicidé. (Le Bonhomme normand, 8-14 août 1902).

4 Michelet, Ilisioire de France, p. ni,-édit. Marpon. - 2 Ibi(l., p. 181.

398 VARIA.

Le nommé Abel Ollivier, coiffeur, à. Bruay (Pas-de-Calais),

pris de folie, s'est jeté dans la rue sur une femme Laure Cam-

pagne et l'a tuée en lui coupant la gorge d'un coup de rasoir. 11

s'est suicidé ensuite en se tranchant le cou. (Le Bonhomme Nor-

mand du 11 au 17 juillet 1902.)

Le sieur Ferdinand Boucherie, quarante-cinq ans, rentier à

Quesnoy (Nord), a été tué à coups de couteau par son frère Désiré

Boucherie, atteint de folie. (Le Bonhomme Normand du 27 juin au

3 juillet 1902.)

La femme Jeanne Dhont, trente-quatre ans, dont le mari est

ouvrier briquetier à Lille, était atteinte de maladie noire. L'autre

jour, elle sortit avec ses quatre enfants et en jeta trois dans la

rivière. L'aînée, une fillette de neuf ans, put s'enfuir. Alors la mère

se noya à son tour. (Bonhomme Normand, du 12 au 18 juillet).

' Une fortune qui flambe. Il y a quelques mois, M. Jean Herry,

Agé de vingt-quatre ans, demeurant à Saiut-Mandé, fils de culti-

vateurs, héritait d'une somme d'environ 100 000 francs que lui

léguait un parent éloigné. Surpris d'une telle fortune, M. Herry

qui était d'une nature impressionnable, eut la tête tournée et ses

facultés mentales s'altérèrent. Il avait toujours peur qu'on lui

volât son trésor, et il'gardait sur lui, en titres au porteur et en

billets de banque, la majeure partie de sa fortune.

La nuit dernière, il se rendit dans une maison que ses parents

possèdent à Saint-Mandé. Là, il fit un tas de ses billets et de ses

titres et y mit le feu. Puis, s'asseyant en face de sa fortune qui

flambait, il se tira une balle de revolver dans la tête. Il se blessa

'peu grièvement, put sortir au matin et tint aux voisins des piopos

si incohérents qu'on le conduisit au commissariat.

Le commissaire de police a fait examiner le malheureux et, sui-

vant les conclusions des médecins, l'a fait interner, 7j 000 francs

de titres ont été brûlés entièrement ; les numéros n'en étaient pas

conservés. (Le Temps du 18 avril 1902.)

Une femme d'Ecquetot (Eure), âgée de cinquante-cinq ans; la

' veuve Citéron, journalière, ayant déjà donné des signes d'aliénation

'mentale, est disparue de son domicile depuis le 22 juillet. La gen-

darmerie, prévenue se livre à des recherches. (Progrès de l'Eure,

8 août). Comme cette femme avait déjà donné des signes de

. folie, elle aurait dû être hospitalisée à l'asile d'Evreux, mais c'était

une indigente, il aurait fallu payer pour elle.

Une jeune femme habitant Bissy (Savoie), avait depuis quel-

ques jours l'idée fixe de tuer sa mère. Pour échapper à cette obses-

' sion, elle tenta de se noyer dans l'Albanne, à Chambéry. Elle en

- fut retirée.- Elle essaya alors de s'étrangler avec son mouchoir.' On

FAITS DIVERS. , 399

la transporta à l'hôpital, où sa mère vint la chercher. Arrivée chez

elle, elle se donna deux coups de couteau. Elle a succombé. '

· UN fou. danger eux.

M. Martin, secrétaire de M. Deslandes, commissaire de police

du quartier, de Charonne, trouvait assis, hier soir, à neuf

heures, dans son bureau, un individu qui se leva à sa vue. Je suis

fou, monsieur déclara l'homme, et j'ai envie.de tuer quelqu'un, de

boire son sang. Tenez, d'ailleurs, voici un tranchet qui m'a déjà

servi à assassiner un gendarme dont le corps a été retrouvé, il y a

quelque temps, à Fontenay-sous-Bois. Et maintenant je vais vous

tuer. En proférant cette menace, le fou bondit sur le secrétaire,

qui aurait certainement été mis à mal, si deux'agents n'étaient

intervenus. L'étrange individu, qui a réellement blessé à coups de

tranchet un gendarme, a été désarmé et envoyé à l'infirmerie

spéciale du Dépôt. (Le Soleil du 21 février 1902).

FAITS DIVERS.

. DE L ATTITUDE DU CIIUOIFIMIENT.

Dans un article de la Petite Gironde du 9 septembre 1902,

Gaston Deschamps parlant des contrebandiers cite l'anecdote

'suivante : .

Oui, monsieur, et pas méchants ! Une fois, le contrebandier

Gambocha. renommé an pays basque, fut poursuivi par un cara-

binera qui lui lâcha un coup de fusil dans le dos. heureusement L

sans l'atteindre. Cambocha, dont les jarrets sont d'acier, saute sur

son ennemi, le terrasse, et se contente, pour toute représailles, de

le crucifier, avec des cordes/sans lui faire de mal, sur une croix de

pierre, au bord du chemin.. ;

- Admirable ! ' ' ' -

Cette vengeance n'est point banale et la cause du crucifiement

n'est pas d'origine mystique comme chez Saint-Louis, par exemple :

« Dans sa dernière nuit, il voulut être tiré de son lit et,étendu sur

la cendre. Il y mourut, tenant toujours les bras en croix. (Miche)et,

Ilist .ae France, t. 111, p. 171, édition Margron.) -

MEURTRIER DE U.1TORZC AXS

Sous ce titre la Petite Gironde, du 18 septembre raconte que dans

la nuit de jeudi à vendredi la nommée Uarie-Louise Bernard, vingt

400 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. "

ans, née à Saint-IIilairs-de-Biez, en service chez M. Foucher, quin-

caillier, aux Sables-d'Olonne, a été victime d'un lâche attentat

commis sur elle par le nommé Aimé Birotteau, quatorze ans et

demi, apprenti, chez M. Foucher. La victime a reçu plusieurs

coups de couteau qui l'ont blessée grièvement. Néanmoins, ses

jours ne sont pas en danger. Birotteau est en fuite et n'a pas été

retrouvé.

UN INCENDIAIRE DE DIX ANS.

La gendarmerie de Vitteaux vient d'arrêter un gamin de dix ans,

Alexandre Eorey, enfant des hotpices de Dijon, domestique à Mas-

singy, qui, par vengeance, avait mis le feu dans les herbages de

M. Grandchamp, cultivateur à Massingy. Malgré les secours, une

bergerie, une grange et une maison ont été la proie des flammes.

(Petit Dauphinois, août.) -

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Colucci. Metodi ecriterû per la educabilita dei démenti. Estr. dagli.

Annali di Neurologict. Napoli 1902.

COLUCCI. Per la semeiolka délia forza muscolare dal punto di vista

clinico e psico-nsiotogico. Extr. dagli. Alti delta R. Accademia Medico-

Chirurgica di Napoli 1902.

COLUCCI. L'Allenamento ergografuco nei normale e negli epilettici.

Indagini di psicornetria. Estratto dagli Alti delta R. Accademia Medico-

Chirurgica di Napoli 1901.

KRONTIIAL (Paul). - Von der nervenzelle und der zelle im allgemeinen.

In-8° de 274 pages. Prix : 20 francs. Iéna, 1902. Fischer édit.

Pitres (A.) et Régis (E.). Les obsessions et les impulsions. In-18° de

450 pages. Prix : 4 fr. Doin, édit.

Le 2° Congrès de l'hypnotisme expérimental et théapeutique.

In-8° de 320 pages avec figures. Prix : 10 francs. Comptes rendus publiés

par MM. les Dr' Bérillon et Paul Farez. Vigot, Édit.

Sicard~ (J.-A.). Le liquide céphalo-racltidiezz. Ponction lombaire

et cavité sous aracltnoïdienne. Petit in-8°, avec 13 figures (Encyclopédie

scientifique des Aide-Mémoire). Prix : 2 fr. 50. Masson et C1», édit.

Le rédacteur-gérant : Bouhneville.

Evreux, Ch. HÉRISSBV, imp. - 10-1902.

Vol. XIV. Novembre 1902. N° 83.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

Contribution à l'étude de la pathogénie des idées

délirantes fondamentales, des idées directrices, et

des obsessions; de leurs rapports dans les délires

' vésaniques ;

Par ALFx. AtIS S

Médecin de l'Asile de Maréville

Chargé de Cours il la Faculté de Médecine de Nancy.

L'observation sur laquelle repose cette note fait ressortir

d'une façon particulièrement remarquable, à mon avis, à côté

du rôle prépondérant de l'hérédité, de la constitution ner-

veuse originelle, du tempérament fou (Maudsley) d'une mé-

lancolique dans la genèse de l'idée de culpabilité, l'influence

de l'obsession dans le délire vésanique. Elle montre aussi

clairement que possible, selon moi, que l'idée de culpabilité

naît surtout par suite de la tendance en quelque sorte innée

de la mélancolique à l'auto-accusation et comment l'obses-

sion intervient pour produire l'affirmation formelle, la fixa-

tion de l'idée de culpabilité.

Au point de vue de l'intelligence de la part qui revient à

chaque élément dans la pathogénie de l'idée de culpabilité

et des idées fondamentales dans les délires vésaniques avec

obsessions, cette observation me parait tout à fait démons-

trative :

Commémoratifs : J... R..., trente-sept ans, mariée. Quatre gros-

sesses. Dernier enfant âgé de huit ans. Caractère émotif, très im-

pressionnable ; intelligence bornée cependant. Aucun renseigne-

ment sérieux sur antécédents familiaux, mais hérédité attestée

par la symptomatologie. Ménage pauvre ; misère. Pas d'al-

coolisme.

Archives, 2' série, t. XIV.. 2U

402 CLINIQUE MENTALE.

Début de délire en janvier 1902. : J... R... est devenue maussade,

donne fréquemment des signes d'impatience, de nervosité, ne dort

plus, est anxieuse ; on lui prescrit des hypnotiques, elle ne tarde

pas à se figurer que son pharmacien lui vend du poison, que ses

voisins la calomnient, qu'ils se montrent tous malveillants. Puisque

tout le monde s'est tourné contre elle qui n'a rien à se reprocher,

appartiendrait-elle donc, dit-elle, à une famille sur laquelle pèse

quelque malédiction ? Son niveau intellectuel n'est pas très élevé,

elle n'est pas éloignée de croire à la sorcellerie.

Le 23 mars, la malade est en proie à une vive agitation sous

l'influence de craintes extrêmes d'assassinat, de tortures, elle se

lamente bruyamment, désespérément, refuse toute nourriture,

manifeste plus de craintes encore pour ses enfants que pour elle-

même, et finit par attirer ceux-ci du côté de la rivière voisine

pour les noyer avec elle. Ces circonstances déterminent le place-

ment à Maréville. ' ,

Etat au moment de l'entrée (fin mars) : J... R... est émaciée, sa

constitution semble délabrée, elle est en proie à une excitation

vive, se tord les bras, s'arrache les cheveux, se déchire les mains,

crie, se désole, s'effraye de tout ce qui se dit, de tout ce qui se

passe autour d'elle, se croit regardée de travers par tout le monde.

se figure que toutes ses compagnes tiennent des propos malveil-

lants à son égard (mais elle ne les entend pas) ; on doit l'accuser,

accuser les siens, mais elle ne trouve cependant rien à se repro-

cher ; elle refuse les aliments ; très peu de sommeil.

En niai : l'excitation est un peu tombée, mais la malade, inter-

prétant à sa façon les propos tenus autour d'elle, les regards et les

gestes de ses compagnes (dont elle ne distingue pas les discours),

croit toujours qu'on l'accuse ou plutôt que l'on doit l'accuser de

meurtres, de vols, de crimes divers ; elle passe ses journées à cher-

cher, en se lamentant, ce que l'on peut, ce que l'on doit dire d'elle,

et s'écrie, à chaque instant : « Mais mon Dieu ! mon Dieu ! je ne

me rappelle pas avoir jamais rien fait de mal, je n'ai jamais tué,

ni volé, ni assassiné, comme on le croit, ni mes enfants non plus,

. les pauvres petits, n'ont jamais commis le moindre crime, n'ont

jamais rien fait de mal à leur âge qu'auraient-ils pu faire de mal ? ' ?

Pourquoi est-on contre nous comme çà ? » Malgré ces protesta-

tions d'innocence, elle ne peut pas se soustraire au besoin de chercher

ci plaider coupable, la conviction de, son innocence ne lui enlève pas

le besoin de se reconnaître coupable; elle arrive à penser que c'est

peut-être pendant son sommeil qu'elle commet les actes dont elle

est convaincue qu'on l'accuse, bien qu'elle n'entende pas prononcer

les accusations. Elle fait alors tout son possible pour ne pas s'en-

dormir. nous supplie, en pleurant, de ne pas lui prescrire d'hyp-

notiques, de la laisser sans sommeil pour lui permettre de ne rien

PATHOGÉNIE DES IDÉES DÉLIRANTES. 403

faire qui puisse la compromettre ou porter préjudice à sa famille

et surtout à ses enfants. Lorsque nous lui demandons de s'occuper

un peu, elle s'écrie, désespérée, qu'elle le voudrait bien mais qu'elle

ne le peut plus parce qu'elle n'a plus de volonté, parce qu'une

intervention néfaste, une sorte de malédiction doit peser sur elle.

Quelques semaines se passent ainsi dans le doute, pendant

lesquelles, désormais persuadée qu'elle doit être coupable, elle

cherche à trouver comment elle peut faire le mal. Ses recherches,

toujours dans le même cercle, ont un caractère nettement obsessif,

elles sont accompagnées de préoccupations entrecoupées de véri-

tables accès de désespoir qui ne laissent aucun doute à cet

égard. 1

Enfin, au commencement de juin, la malade vient un jour à moi

et s'écrie, en pleurant : « Oh ! maintenant, j'ai tout compris, je

m'explique tout : c'est pendant mon sommeil que je commets des

fautes ; je ne veux plus dormir ! » Puis elle pousse un véritable

soupir de soulagement ; cette certitude semble l'avoir délivrée d'un

poids douloureux. (Elle ne tient pas sa solution d'une hallucination,

j'insiste à dessein sur ce point.) -

A partir de ce moment elle n'a plus de ces crises de désespoir

auxquelles elle était en proie à chaque instant, elle reste déprimée,

se figure que toutes ses compagnes, que toutes les personnes qui

l'entourent l'accusent en même temps que les siens d'avoir commis

les crimes les plus abominables, elle affirme l'innocence de ses

enfants et déclare que si elle est elle-même coupable, comme elle

le croit maintenant, c'est pendant son sommeil qu'elle accomplit

des actions mauvaises ; elle déplore, mais sans se désoler comme

autrefois, de ne pouvoir pas vivre sans dormir. Elle traduit ses

craintes avec plus de calme ; son délire reste, en somme, assez

borné, mais son niveau intellectuel n'est pas non plus très élevé.

Il est bien évident que les idées de culpabilité ne sont pas

simplement la conséquence des idées de persécution; nous

trouvons, en effet, dans l'accentuation progressive des pre-

mières des caractères qui accusent surtout l'influence origi-

nelle, la tare originelle de la malade : ce n'est pas seulement

parce que persécutée qu'elle arrive à se demander si ses per-

sécutions ne sont pas justifiées, mais c'est surtout en raison

de son caractère mélancolique, de son humilité en quelque

sorte originelle ; c'est un besoin pour ainsi dire inné, une

véritable obsession qui la pousse à plaider coupable, puisque

nous la voyons, par exemple en mai, tout en exprimant la

conviction qu'elle est innocente, tout en protestant obstiné-

ment de son innocence, chercher toujours à se démontrer

4<)4 CLINIQUE MENTALE.

coupable. Pourquoi, si le rôle de la tare originelle n'était pas

le principal, si l'idée de culpabilité n'existait pas préalable-

ment pour ainsi dire à l'état latent chez elle, ne serait-elle

pas amenée, comme le paranoïaque primitif, à protester uni-

quement, au contraire, contre les persécutions auxquelles

elle est en butte et à tenter de les démontrer fausses au lieu

de tendre, tout en protestant, à établir qu'elle les mérite.

Il ne saurait être question ici d'idées de culpabilité décou-

lant d'hallucinations de l'ouïe (origine que leur attribuent

encore maints aliénistes), car notre malade n'entend pas pro-

férer les accusations, ne distingue pas d'accusations, malgré

toute l'attention qu'elle prête aux discours de ses compagnes,

mais elle dit interpréter simplement ces discours d'après les

gestes ou les attitudes des personnes qui l'entourent : « Je

ne les entends pas le dire, répond-elle lorsque nous l'inter-

rogeons à cet égard, mais je vois bien qu'elles le disent ».

Le raisonnement déductif n'a donc qu'une part insignifiante

dans la germination de l'idée de culpabilité, il n'influe que

sur la forme que revêtira l'idée de culpabilité, le délire de

culpabilité. Comme l'a déjà dit M. Séglas, sans avoir été bien

entendu, « les déductions de l'aliéné ne sont pas la résul-

tante d'un raisonnement aussi nettement conscient qu'on

pourrait l'imaginer. Les troubles qui existent dans l'exercice

volontaire de l'intelligence, dans la formation des idées,

s'accompagnent d'un autre côté, et comme conséquence

nécessaire, d'un certain degré d'automatisme psychologique,

origine première des idées délirantes' 1 ». C'est en vertu de

son organisation originelle, de sa tare, que notre malade,

pendant des semaines et des semaines, est obsédée par le

besoin d'arriver à une idée déterminée de culpabilité, d'ar-

rêter une idée de culpabilité. Comme elle doit ainsi fatale-

ment aboutir à une forme d'idée de culpabilité, le rôle du

raisonnement déductif est donc secondaire."

. L'anxiété extrême, l'agitation à caractère de désespoir

(raptus mélancolique) qui domine à chaque instant tant que

la malade est aiguillonnée par le doute, par le besoin de don-

ner une forme déterminée à l'idée de culpabilité qui germe

en elle, le soulagement qu'elle manifeste lorsqu'elle croit

avoir trouvé, l'accalmie relative qui persiste ensuite : voilà

' 1 S11Gus. Leçons cliniques sur les maladies mentales, 4S95, p. 301.

.. i - , PATHOGÉNIE DES IDÉES DÉLIRANTES. 405

tous les grands traits d'une obsession, c'est-à-dire d'un phé-

nomène accusant incontestablement une influence originelle.

C'est de l'idée de culpabilité à l'état latent que procède

l'obsession, besoin impulsif de développer cette idée, de lui

donner une forme ; cette obsession, ainsi causée par l'idée

latente de culpabilité, amène à son tour l'évolution ou plutôt

la fixation de la forme de l'idée de culpabilité, et, son rôle

accompli, nous la voyons s'effacer. Comment l'obsession

conduit-elle à la fixation de la forme de l'idée de culpabi-

lité ? La continuité et la durée de l'obsession finissent par

produire une fatigue cérébrale qui a pour résultante un affai-

blissement relatif de l'intelligence, une augmentation de la

crédivité, par conséquent, et qui fait que la malade accepte

enfin pour vérité la supposition obsédante : ainsi J... R... se

dit d'abord que c'est peut-être pendant son sommeil qu'elle

commet les actes dont on doit l'accuser, elle se le répète sans

cesse et la conviction se substitue peu à peu au doute, à

mesure que son intelligence fléchit par suite de la fatigue qui

résulte de la continuité de l'obsession.

C'est évidemment la tare originelle qui donne l'orientation

du délire, l'obsession, conséquence elle-même de cette tare

et de l'idée préexistant à l'état latent, joue le rôle d'auxi-

liaire dans l'affirmation du délire, le raisonnement déductif

ayant une influence plutôt secondaire, pour caractériser, par

exemple, la note individuelle du délire, le brio du délire,

suivant l'instruction, l'éducation, le fond intellectuel du ma-

lade. L'influence du milieu n'est, elle aussi, qu'accessoire

dans l 'orientation générale du' délire, dans la détermination

de ses caractères types ; s'il en fallait une nouvelle preuve,

notre malade nous la donnerait encore : je la vois un jour de

juillet plus déprimée que de coutume, refusant les aliments ;

je l'interroge et je ne suis pas peu surpris, étant donnés son

âge et le peu de durée de la maladie, de la trouver sous l'in-

fluence d'idées de négation que l'on ne rencontre générale-

ment pas dans les conditions qu'elle présente : elle ne mange

plus, dit-elle, parce qu'elle n'a plus d'estomac, plus de poi-

trine, etc. Je me demande si ces idées de négation ne seraient

pas simplement communiquées par une voisine de dortoir,

vieille mélancolique à délire de négation souvent exprimé à

haute voix ; je sépare les deux malades, les idées de négation

de la plus jeune disparaissent, elle accepte plus volontiers

406 CLINIQUE MENTALE.

les aliments. Bien qu'accessoire, l'influence du milieu mérite

cependant une certaine attention, puisqu'elle pourrait avoir

des conséquences fâcheuses, comme le montre encore ce fait

(refus des aliments), après bien d'autres évidemment.

C'est, à mon avis, en s'attachant à distinguer surtout net-

tement les idées délirantes qui procèdent essentiellement de

la tare originelle que l'on parviendra à établir enfin une clas-

sification rationnelle des vésanies proprement dites, des

folies ne se rattachant à aucune affection physique et à déter-

miner enfin l'évolution de chacune. Ce n'est pas en attri-

buant, comme on le fait encore aujourd'hui, telle idée déli-

rante à telle autre ou à telle hallucination qui l'ont précédée,

en se laissant gagner par le mirage séduisant d'un enchaî-

nement plus apparent que réel que l'on approchera enfin de

la vérité. D'après ce que nous venons de voir chez J... 11...,

on ne peut pas conclure, de ce que les idées de persécution

apparaissent primitivement plus bruyantes et plus mani-

festes, que ce sont elles qui causent l'idée de culpabilité,

mais, à mon sens, elles contribuent à en faciliter l'éclosion

et l'évolution, l'idée de culpabilité préexistant, à l'état latent,

et constituant ainsi un des éléments fondamentaux du carac-

tère mélancolique antérieur à l'aliénation mentale. De sorte

que, même dans la mélancolie dite à délire de persécution,

l'idée de culpabilité serait encore, malgré les apparences,

une idée fondamentale.

Le caractère nettement obsessif des phénomènes qui pré-

sident à l'évolution de l'idée de culpabilité, l'intensité, le

relief des idées de persécution et la facilité avec laquelle

notre malade adopte les idées délirantes d'une de ses com-

pagnes m'amèneraient aussi, à.l'encontre de la plupart des

ouvrages classiques, à considérer la mélancolie dite à délire

de persécution comme une variété de la dégénérescence.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le Dr DIDE,

médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de Rennes, est promu à

la lre classe du cadre ; M. le Der I'AP1LLOU, médecin-adjoint à

l'asile d'aliénés de Brou (Rhône), est élevé à la classe exception-

nelle du cadre à partir du 111" juin 490 ; -AI. PICHENQT, médecin

en chef à Montdevergues, est promu à la classe exceptionnelle à

partir du 1er octobre 1902; M. le Dr BLCUE, médecin-adjoint à

Lafond (Charente-Inférieure) est promu à la 4 classe du cadre.

CLINIQUE MENTALE

Infirmerie spéciale. Service DE M. PAUL GARNIER

Contribution à l'étude de la folie communiquée

et simultanée ;

Par GUI-RD et DE CLÉRA1BAULT,

Internes du service.

Nous allons maintenant raconter l'histoire de nos malades

dans les hôtels :

A. Existence nomade dans les hôtels. D, Où êtes-vous allées, en

quittant la rue Letort ? * ?

Il. - Nous avons quitté la rue Letort le 28 janvier 1900, après

avoir vendu nos meubles pour payer le terme, et nous sommes

allées à l'hôtel lorsqu'on nous eut envoyé de province notre men-

sualité de 00 francs.

Dans le premier hôtel, nous sommes restées cinq semaines; après

quoi nous avons changé tous les quinze jours, tous les huit jours,

ou tout de suite, suivant notre degré de confiance.

Nous prenions d'ordinaire une chambre à la quinzaine, nous

couchions toutes trois dans le même lit. Nous avions peur, livrées

ainsi à des garçons d'hôtel.

Dans plusieurs de nos chambres, les cheminées ont refusé de fonc-

tionner : une fois nous avons reconnu à l'eau un goût de poison.

C'est la race Letort qui nous suivait : triste clientèle ! Nous n'avons

jamais eu de tranquillité qu'en voiture.

D. Quelles sont les personnes qui, dans la rue, vous invecti-

vent ?

R. C'est tout le monde. Tout le monde sait notre histoire. On

nous envoie des allusions, sans nous donner jamais d'explications :

on fait exprès de ne pas préciser.

D. Par exemple, quand vous approchez, quelqu'un murmure :

« Tiens, les voilà ! »

R. (Chorus). - Oh ! les voilà ! Ce sont elles ! Vous l'avez bien

trouvé. « Les voilà ! » C'est le mot de la foule parisienne.

D. Vous appelle-t-on aussi « Castors ` ? »

408 CLINIQUE mentale.

R.- C'est ce qu'on nous reproche d'être, des « Castors ! » On

crie aussi, les « Moines, les Condamnées à mort, l'armée du Salut, les

trumeaux, les vieux tableaux, les trois donneuses, les trois clocheuses

les trois macchabées, ci la Morgue ! » Et les coups de sifflet ! Oui, ça

trotte ! Noussommes les victimes de la catwocltericparisienz2c.

Les photographes courent devant nous ; des femmes nous sui-

vent jusque dans les chalets publics : nous excitons la curiosité

générale : nous sommes les victimes de la foule. « Les 'Voilà ! » » C'cst

tout ce qu'on noies reproche.

D. Vous fait-on des reproches touchant votre conduite ?

R. Jamais ! nous pouvons passer partout la tête haute.

Depuis la mort de notre mère, nous avons vécu d'affection mu-

tuelle et d'habitudes mutuelles (sic).

D. - Mutuelles ? des habitudes ?

Annette (à sa soeur). Tu as là une mauvaise expression. Nous

avons trois lits et nous ne couchons jamais ensemble. Quelle abo-

mination ! On profite de notre situation !

D. Pourquoi n'avez-vous pas été vivre en province ?

R. Nous ne pouvions pas. Nous sommes des parisiennes. Nous

n'avons pas quitté Paris depuis l'année du siège.

D. Vous auriez été plus tranquille dans la banlieue ?

R. Jamais nous ne sommes sorties des fortifications

B. Existence nomade dans les fiacres. D. Depuis quinze mois,

vous n'avez plus de domicile ?

R. Au commencement, nous alternions la vie d'hôtel et les

voitures. Pour ne pas rentrer à l'hôtel et pour ne pas dormir sur

un banc, nous passions la nuit dans un fiacre. Maintenant nous

avons renoncé aux hôtels. Depuis trois mois nous habitons dans les

fiacres. ll'ousaaonscmc bien faire, en nous logeant ainsi. Nous vou-

lions ne nous compromettre avec personne, je ne sais si nous

avons réussi. Un fiacre n'étant pas un domicile, on ne pouvait se

servir de notre nom (sic). '

Dans les voitures, nous étions chez nous et la foule nous laissait

un peu tranquilles.

Le matin, nous faisions notre toilette dans les chalets publics :

nous mangions du pain sec, nous buvions aux fontaines, nous

tâchions de passer les journées dans les musées et les églises :

mais, même dans les bureaux d'omnibus, on ne nous supportait

pas longtemps. Quelquefois nous marchions douze ou quinze heures

par jour, en attendant le moment du fiacre. Le jour de l'An, à cause

de la pluie, nous sommes restées debout sous les portes

cochères.

A minuit seulement, par économie, nous prenions une voiture,

que nous quittions le lendemain à 8 heures. Les ainées, comme de

juste, prenaient les places de coin. Clotilde s'installait au milieu :

folie communiquée ET simultanée 409

car avec ses grandes jambes, elle eut été gênante surle strapontin-

Parfois, pour quelques heures. on lui cédait un coin. D'ailleurs,

les coins aussi ont leurs inconvénients ; si vous nous voyez ces torti-

colis, c'est pour avoir pris la forme des coins (sic). Nous donnions

l'ordre au cocher de ne pas sortir des fortifications, de ne pas

arrêter devant les marchands de vin etde marcher au pas : moyen-

nant quoi, il pouvait nous mener n'importe où. Clotilde s'endor-

mait sitôt installée. Jamais nous n'avons été plus tranquilles.

Jamais nous n'avons mieux dormi, jamais nous ne nous sommes

mieux portées. On nous surnommait les Dormeuses ! /

Les cochers nous connaissaient bien. Quelques-uns nous offraient

souvent de venir nous reprendre le lendemain, à la même heure,

à la même place. D'autres nous ont-proposé de nous faire crédit.

D'autres nous faisaient des prix plus élevés : on voulait composer

avec nous. Mais nous nous sommes toujours méfiées.

D. -Ils n'ont jamais tenté, la nuit, de vous conduire dans des

lieux déserts, en dehors des murs ?

R. Jamais. Quelqu'une veillait toujours. Dès qu'un cocher

semblait suspect, on lui réglait son heure et le quittait. Nous avons

perdu ainsi bien des heures. Mais nous avons eu bien souvent à

nous disputer pour les pourboires. C'est vrai que sept ou huit

heures de suite, droit sur un siège, c'est fatiguant. Mais aussi on

verse cinq sous de supplément par heure, quand on n'arrête pas ?

D. Vous n'avez pas eu d'accident ?

R. Si, un cocher nous a versés, par malveillance, rue Saint-

Antoine. Le fiacre s'est couché sur le flanc. Clotilde est sortie par

la fenêtre, la première, et les autres ensuite. Là, on nous a appe-

lées trumeaux, mais nous échappions, sans blessures ! ...

D. Combien dépensiez-vous par nuit' ?

R. Tantôt seize francs, tantôt cinquante. Nous perdions beau-

coup, par crainte des disputes.' Nous avons dépensé, en quelques

mois, douze mille francs. Mais on ne peut rien nous reprocher,

nous n'avons cause de tort à personne, au contraire, nous faisions

gagner les cochers. Nous dépensions vingt francs par jour pour ne

pas être des vagabondes. Nous sommes tout au plus des no-

mades.

D. A quel propos, votre dernière dispute ?

R. Il y a trois jours, n'ayant pas d'argent, nous avons pris, à

crédit, pour une nuit, un cocher qui nous connaissait. Nous lui

avons promis de le payer dès que nous aurions touché notre mois.

C'était à lui de ne pas accepter. Nous aurions fait des lieues pour

lui remettre son argent. Nous ayant aperçues ce matin, il s'est mis

à nous injurier, et à nous suivre dans les petites rues, en traînant

un rassemblement. Nous avons prié un agent de vouloir bien dis-

perser la foule. Il nous a conduites au commissariat pour avoir été

injuriées.

410 CLINIQUE mentale.

Durant leur séjour au Dépôt les trois soeurs formulent, à divers

moments des interprétations délirantes : d'abord, au sujet du juge

d'instruction ; ensuite au sujet de l'aumônier. Ce dernier leur ayan 1,

adressé quelques questions jugées, par elles, offensantes, devient

un persécuteur déguisé. « Pourquoi nous a-t-on engagées si forte-

ment à aller le voir ? Pourquoi est-il venu nous trouver dans notre

chambre, au lieu de se tenir dans la chapelle ? Pourquoi nous

parler de notre commerce et ne pas dire un mot de religion ? Il a

l'air trop jeune pour un aumônier. Il n'a pas vingt-deux ans. C'est

un faux aumônier. »

En entrant à l'infirmerie spéciale, elles voient tout de suite une

persécutrice dans la femme de service qui les fouille, et s'inquiètent

de ce qu'on ne leur permet pas de signer toutes les trois l'inven-

taire. En entrant dans le quartier des femmes, elles entendent

toutes trois en même temps les exclamations habituelles : Les voilà

ce sont les moines ! voilà les dormeuses, voilà les clocheuses, et enfin

les voilà sous clefs ! /

Par manière de protestion,elles refusent de boire et de manger :

puis Annette ayant dit : « Nous ne sommes pas les plus fortes »,

elles demandent elles-mêmes leur repas. C'est à ce propos que la

religieuse de service auprès d'elle fait cette remarque : « Annette

est leur soeur supérieure ».

Leur demande-t-on d'écrire un résumé de leur vie, Jeanne et

Clotilde consentent mais Annette les dissuade « parce que ce n'est

pas l'affaire d'un jour etqu'on les retiendra trop longtemps.

A la même demande, qu'on renouvelle plus tard, après les avoir

séparées, Jeanne répond, ainsi que Clotilde : « J'écrirai si Annette

écrit; » Annette oppose un refus formel. Elle craint que ses auto-

graphes ne puissent servir contre elle. Comme on lui représente

qu'une protestation pourrait activer sa sortie, elle répond : « Je

n'écrirai pas, quand même vous me garderiez quinze jours.

Puisque vous m'enfermez sans motifs, il est inutile que je m'adresse

à votre justice ».

Clotilde également persiste dans son refus. Quant à Jeanne,

comme nous l'assurons que ses deux soeurs sont en train d'écrire,

elle consent à rédiger quinze lignes sous la forme d'une protesta-

tion. Dans la cellule voisine, Annette ayant compris qu'on l'influence

crie « Jeanne n'écris pas, je n'écris rien. » Mais Jeanne occupée,

n'entend pas et on ferme promptement les guichets.

Quand Annette et Clotilde la revoient, elles lui adressent des

reproches mêlés d'un certain mépris et lui interdisent désormais

d'adresser la parole à l'interne, « il ce bourreau qui pratique la

fortune morale ». Elle ne cherche pas à se défendre, d'ailleurs,

mais à la promesse de sortir la première, elle répond avec décision.

« L'une ne sortira pas sans l'autre ».

Comme on les prie de se laisser conduire il l'atelier de photo-

, 1 FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 411

graphie elles répondent : « Nous ne voulons pas; nous l'avons,

notre photographie. Nous l'avons commandée chez un grand pho-

tographe, mais nous ne sommes jamais allées la chercher. (Chorus).

Si, si, c'était en groupe, en groupe ! D'ailleurs nous sommes sales,

laides et vieilles. Nous ne voulons pas de publicité. Nous n'en n'avons

déjà eu que trop. Nous ne sommes que des femmes pot-au-feu et

nous voulons rentrer dans l'ombre. » Toutefois comme on vient

es chercher, Annette répond : « Vous êtes les maîtres. » Et quand

elles sont devant l'appareil, elle engage ses soeurs à se bien

tenir.

Revues à l'Asile clinique, dans le service de M. le D1' Magnan,

huit jours après, elles sont encore sous l'impression de leurs per-

sécutions passées sur lesquelles elles donnent volontiers quelques

détails complémentaires.

Annette proteste contre leur internement. Nous n'avons pu savoir

rien de précis quant à leurs hallucinations.

Trois semaines plus tard, Jeanne et Clotilde, revues seules, ont

paru en voie de guérison. « Si nous entendions quelque chose, ce

seraient des hallucinations, car ici on nous laisse tranquilles. Les

gens sont ici très convenables et nous ne demandons qu'à rester

ici jusqu'à la fin de nos jours ou presque. »

Comme nous répondons que la pièce où nous sommes n'est pas

très éloignée de la rue, elles nous assurent qu'elles ne le croient

pas et qu'on y est, en tout cas, parfaitement à l'abri. En outre, on

nous apprend que l'aînée aurait dit récemment au chef : « Peut-

être bien nous sommes-nous exagéré les choses ».

Un événement très important avait eu lieu dans l'intervalle.

L'une des trois, Annette, était morte. Il est permis de penser que

l'extraordinaire régime auquel la vie errante les avait soumises,

et les émotions de leur perpétuelle fuite, qu'elle avait ressenties le

plus vivement, avaient usé sa résistance : .toutefois, telle était sa

vigueur morale, qu'en pleine infection bacillaire et moins de trois

semaines avant la fin, elle donnait, par toutes ses allures, l'im-

pression de la santé physique.

Nous devons ajouter, il est vrai, que la forme de bacillose à

laquelle elle a sucombé n'était pas la forme consomptive (pneu-

monie caséuse). ' ,

Au début de la période aiguë, ses deux soeurs la soignaient

alternativement : pendant les deux derniers jours, la soeur aînée

usa de son autorité pour éloigner la plus jeune, la jugeant sans

doute trop émotive et elle la fit rappeler seulement lorsque

l'agonie approcha.

Lorsque nous revîmes Jeanne et Clotilde, elles ne mêlèrent à

l'expression de leur chagrin aucunes réminiscences de leur vie

délirante : elles oublièrent même la rancune qu'elles avaient eue

contre l'un de nous quand nous voulûment les questionner sur

412 1) CLINIQUE MENTALE.

divers points de leur aventure, leur attitude se modifia suivant les

principes de chacune. La plus jeune, quoique iL regret, nous donna

des explications. Mais l'aînée rentra dans sa dignité, nous trou-

vant très indélicats de lui imposer un travail d'esprit dans un mo-

ment de douleur morale (sic). Elle a fait en outre valoir que les

incidents en question sont trop ridicules pour que nous ayions

le droit de lui en parler devant témoins (elle appelle témoins des

enfants destinés à partir sous peu et la sous-surveillante du ser-

vice). Enfin une méfiance, à peine maladive, lui inspire ce dernier

prétexte « qu'on peut nous écouter dans la pièce voisine. »

Il est possible qu'à l'accalmie constatée lors de nos

visites fasse suite une reprise du délire. Dans ce cas, la

rémission serait due à la maladie de l'une d'entre elles, au

deuil, au besoin de sympathies, à une reconnaissance très

vive pour les bontés de diverses personnes non encore

prises en suspicion : autant de dérivatifs psychiques. Mais

nous croyons plutôt que le délire a été attaqué dans ses

sources, d'abord par le changement de milieu, ensuite par

l'isolement partiel des trois unités délirantes, tel qu'il a été

institué. -

Observation II. Folie communiquée par la mère à son fils. Psy-

chose d'ancienne date chez la mère. Transmission au fils du délire

maternel. Eclosion chez le fils d'une deuxième psychose, indépen-

dante de la première.

Le 25 mars 1902, était conduite il l'infirmerie spéciale du dépôt,

Mm0 Eulalie-lIol'tense J..., âgée de soixante-deux ans. D'une phy-

sionomie intelligente et vive, aimable et loquace, elle s'étonne de

ce que nous ne la connaissons pas, « elle, dont on parle tant,

qu'on persécute tant, elle, l'auteur d'un livre célèbre, les Planètes

Rocheuses. »

Son élocution abondante, la multitude de ses idées, de ses rai-

sonnements, de ses preuves indiquaient un délire d'ancienne date.

Elle l'exposait devant nous sans réticence et avec une absolue con-

viction. Délire ancien, puisque nous le verrons remonter à 1893,

mais bien plus ancienne apparaît l'aptitude délirante, la constitu-

tion paranoïaque, comme en témoigne l'histoire de sa vie.

« Ma mère, nous dit-elle, morte de la poitrine à vingt-deux ans,

était une femme remarquable. Elle écrivait des vers qui, malheu-

reusement, n'ont jamais été publiés, et bien que simple paysanne,

elle était d'une érudition universelle.

» Mon père, ouvrier ajusteur à l'arsenal maritime de Cher-

bourg, était un savant, un inventeur qui découvrit des procédés

FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 413

nouveaux pour la construetion des navires ; mais on les lui vola et

il ne put jamais en tirer prolit. Ma soeur, morte aussi de la poi-

trine, était une femme de salon d'un très grand esprit. »

Elevée dans un tel milieu, Eulalie-IIortense ne pouvait être

qu'une enfant précoce, mais sa précocité fut effective, car elle était

surtout forte en style et ne sut jamais « apprendre à faire une

règle » (sic).

Grande liseuse, elle aimait-surtout l'histoire, l'histoire grecque

et latine, l'histoire de France. De bonne heure, la philosophie l'at-

tira. Elle écrivit des pensées, des théories sur le monde et sur la

vie ; mais elle brûlait ses écrits, au sur et à mesure, n'osant pas

les lire à autrui, par crainte de n'être pas comprise, et elle com-

posa la valeur de plusieurs volumes qu'elle fit ainsi disparaître.

A vingt ans, elle épousa un mécanicien, et, bientôt veuve, elle

se remaria à vingt-six ans, avec M. J..., garde forestier. Elle

adorait celui-ci, et en attendant son mariage, elle donna libre

cours à son ardeur épistolaire en envoyant chaque jour plusieurs

lettres à M. J..., qui déclarait : « C'est étonnant. on croirait lire un

écrivain ! »

Ce fut une période de bonheur parfait, puis vint la guerre, le

siège, et M. J..., sorti un jour de Paris pour porter des dépêches,

disparut : fusillé par l'ennemi ou noyé dans la Seine, on ne le sut

jamais. Mu J... resta veuve, et gratifiée d'un bureau de tabac et

d'une petite pension, elle vécut à Paris où elle éleva ses trois fils.

Deux moururent encore jeunes. Le chagrin qu'elle en éprouva,

le mystère qui entourait la mort de son mari, événement qui

l'avait beaucoup frappée, ravivèrent ses préoccupations philoso-

phiques et sociales. Elle écrivit alors les Drames de ma vie, récit

de ses peines et de ses tourments, mais qu'elle ne publia pas et qui

ont resté chez elle en manuscrit; puis, en 1893, les Planètes Ro-

cheuses, son oeUV1'e capitale, glorieuse, et la cause de tous -ses

malheurs.

Déjà enviée et suspectée « comme titulaire d'un bureau de

tabac et pensionnée du gouvernement, » dès qu'apparut ce livre

« qui souleva l'enthousiasme du monde entier, » une formidable

coalition se forma dans le but de lui arracher son oeuvre. L'édi-

teur vendit.son livre aux puissances étrangères, le gouvernement

en trafiqua, et malgré tous les efforts de leur auteur, les Planètes

Rocheuses furent attribuées à d'autres écrivains qu'elles enri-

chirent ; elles révolutionnèrent le monde à la gloire de ces impos-

teurs. Elle en a trouvé des passages dans quantité de livres !

« Flammarion l'a plagiée » ; elle reconnaît bien ses idées et son

style.

Dès lors, les persécutions ne cessèrent pas. Depuis 1893, elle

eut à se défendre contre une foule d'ennemis qui, par tous les

moyens possibles, continuaient leur oeuvre de destruction, car il

lfl4 CLINIQUE MENTALE. -

ne s'agissait de rien moins que de les faire disparaître, elle et son

fils et suivant son expression, « de les détruire aux Archives » :

Plus d'état civil, plus de nom, plus d'existence légale, tel était

leur but et ils ne craignaient pas, pour y arriver, d'employer les

procédés les plus extraordinaires. Toutes les affaires sensation-

nelles qui se succèdent en France et à l'étranger la concernent.

L'affaire Dreyfus, les procès de Cornulier et Monnier, la Haute-

Cour, Fachoda, le voyage du tzar en France, etc., etc., ne sont

que des prétextes, des mises en scènes, des conventions qui

cachent sa véritable histoire et dont elle est, au fond, l'héroïne,

sous ces noms d'emprunt qu'elle n'a pas de peine à démasquer.

Il est assez difficile de la suivre dans le dédale de ses explica-

tions ; mais l'idée générale qui s'en dégage, c'est que dans toutes ces

affaires, c'est elle qu'on voulait condamner, qu'on voulait atteindre,

toujours pour la détruire aux Archives, ainsi que son fils. Dans

l'affaire Dreyfus, par exemple, ils ont été condamnés, puis réha-

bilités : le colonel Henry n'était qu'un faux colonel qui a voulu se

substituer à M. J..., véritable héros, lui. Elle est allée à Rennes

où elle fut interrogée par le commissaire de police qui lui déclara

« que c'était bien son procès, en effet, que l'on jugeait. »

Condamnés dans l'affaire Monnier, ils ont été acquittés dans l'af-

faire Cornulier. Le tzar est venu en France pour les défendre; les

Boers ce sont eux, la mère et le fils, qui luttent pour vivre encore,

pour avoir un nom et une patrie.

A côté de ces idées de persécution, mais écloses en même temps

qu'elles, sont apparues des idées de grandeur. Elle est le parallèle

du Christ, le Prophète; on lui doit six millions. Elle est la repré-

sentante du peuple et ses oeuvres valent toutes les mines d'or du

Transvaal.

Elle parait avoir eu un peu d'hallucinations et celles-ci auraient

surgi surtout au moment des paroxysmes délirants. Dans la maison

où elle habite depuis plusieurs années, elle a entendu quelquefois

les voisins dire : « La voilà ! celle qui a volé ! » Un certain G...,

magistrat révoqué, et qui était son voisin, l'insultait et disait :

« C'est celle-là .qui a volé son livre. » Elle a entendu aussi : « Elle

est le parallèle du Christ ! le prophète ! Nous n'avons jamais vu

de femme comme Mmo J... » 1

Elle dit avoir eu des apparitions. Les Planètes Rocheuses ont été

écrites à la suite d'une vision, dans laquelle elle aperçut les pla-

nètes couvertes de rochers au milieu des nuages qui s'écartaient :

sur ces planètes des hommes passaient, nus et montés sur des

chevaux qui se cabraient. Des femmes chantent. C'est le bonheur.

A côté de cette planète, planète première, il y a les planètes secon-

daires où l'homme est moins heureux, et la Terre enfin qui est

l'enfer à cause de tous les maux que nous souffrons. Telle est l'idée

des Planètes Rocheuses « livre métaphysique et philosophique. »

FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE 415

Elle avoue avoir eu ainsi deux visions, la première en 1885, la

deuxième avant d'écrire les Planètes. Peut-être s'agit-il là de véri-

tables troubles sensoriels, peut-être de simples rêves, embellis par

son imagination, comme tentraient il le faire croire le vague et la

complexité des images.

Actuellement, après tant de luttes et de misères, l'heure du

triomphe va-t-elle sonner ? Elle n'en n'est pas sûre, elle attend et

voici ce qu'elle demande : « Qu'on lui rende son mari dont la

mort mystérieuse et suspecte n'est rien moins que certaine, son

nom,... une patrie,... puisqu'elle est rayée des archives, l'indem-

nité qui lui revient de droit sur ses deux ouvrages, une réhabili-

tation d'honneur, ses oeuvres ! ... » -

Des revendications si nombreuses et si importantes ne l'ont

pourtant pas conduite à des réactions dangereuses.

Malgré la longue durée de son délire, elle n'a jamais désigné

nominativement ses persécuteurs. G... est le seul qu'elle ait

nommé, elle ne comprend pas qu'on lui ait fait tant de mal, elle

qui souhaite le bonheur universel et l'union sur la terie.

Elle nous avoue qu'elle a songé une fois à acheter un revolver,

mais pour effrayer, simplement, et ce ne fut qu'une pensée fugi-

tive. -

En revanche, elle a envoyé de nombreuses pétitions au Parle-

ment, aux présidents de la Chambre et du Sénat, au président de

la République; elle a envoyé les Planètes rocheuses à tous les sou-

verains d'Europe. A plusieurs reprises, elle a fait coller sur les

monuments publics de Paris de grandes affiches rouges où elle

exposait ses malheurs et ses protestations. Les passants s'arrê-

taient, étonnés, et lisaient ces incohérences, les uns souriants, les

autres sérieux, quelques-uns peut-être convaincus.

Elle collait aussi ses affiches sur les murs de sa maison. Elle

vivait très retirée, misérablement, avec son fils, car les affiches

coûtaient cher et le bureau de tabac avec la petite pension ne

rapportaient guère plus de 1500 francs.

En présence d'un tel complexus symptomatique nous pouvons,

croyons-nous, porter le diagnostic de psychose à base d'interpré-

tation délirante chez une personne prédisposée par son hérédité

et sa constitution psychique : l'incohérence des troubles délirants,

la coexistence des idées de persécution et de grandeur, l'absence

d'évolution, enfin l'hérédité éliminent la psychose systématique

progressive. Mais l'intérêt de cette observation réside moins dans

sa symptomatologie que dans le fait de la transmission de ce

délire de la mère à son fils qui fut amené en même temps qu'elle

à l'infirmerie spéciale.

Agé de trente-sept ans, tête blonde d'artiste aux longs cheveux,

paraissant bien constitué physiquement, mais le regard atone,

l'air triste et fatigué, J... fils se présente dans l'attitude d'un mé-

416 CLINIQUE MENTALE.

lancolique. Il paraît profondément débile et ne répond que lente-

ment, avec effort aux questions qu'on lui pose. Il partage les

convictions de sa mère et son délire est celui de NI-0 J..., stéréo-

typé. Il le débite comme une leçon apprise par coeur, et se con-

tente de répondre, sur un ton monotone, quand nous lui exposons

les idées de sa mère : « Très bien, c'est cela, très bien. »

L'affaire Dreyfus, c'est son affaire. Il a été jugé sous le nom de

Monnier, de Cornulier. On a voulu remplacer son père par le

colonel Henry; son père et lui ont été détruits aux archives, les

Planètes rocheuses ont été vendues des millous, etc., etc.

Il est d'accord sur tous les points avec sa mère qu'il n'a jamais

quittée. 11 était son seul confident et le délire de la mère, inces-

samment répété, s'est imprimé facilement dans ce cerveau sans

défense qui ne lui opposait jamais l'effort personnel d'un raison-

nement.

Tout au plus J... protestait-il quand l'idée délirante le choquait

trop brusquement par son invraisemblance et son énormité. Un

jour, lisant un journal, il parlait de la guerre du Transvaal, sa

mère s'écria : « Comment, tu lis le journal et tu ne vois pas que

c'est nous les Boërs. Ils veulent un nom et une patrie. La guerre

du Transvaal, c'est notre guerre. Nous défendons notre indépen-

dance. On veut nous anéantir. » « Cela n'est pas possible, »

répondit-il. - « Mon pauvre enfant, tu n'es pas inspiré; tu ne

comprends rien. » Et le fils de concéder à sa mère qu'elle avait

raison.

En nous racontant cette scène, M1110 J... ajoutait : « Le pauvre

garçon, il n'est pas intelligent, il n'est pas inspiré; je suis obligée

de tout lui expliquer. De lui-même, il ne comprend pas. »

Elle a donc pu communiquer sans peine à son fils tout son

délire : ici, l'élément actif, la mère, n'a rencontré aucune résis-

tance et non seulement le contenu du délire, mais son expression

verbale se sont transmis intégralement à l'élément passif, le fils.

Mais à côté de cette psychose communiquée, J... a présenté des

idées de persécution, qui, ne rentrant pas dans la folie maternelle,

ont été considérées par M ? J... comme le trouble d'nn cerveau

malade, à tel point qu'elle a demandé des soins « pour son pauvre

fils, qui perdait la tête. » « Il a des idées noires, dit-elle, il ne sait

plus ce qu'il fait et il a grand besoin d'être soigné. »

Depuis quelque temps, en effet, J... était tombé dans un état

mélancolique qui semble avoir été la conséquence de privations et

de déboires.

Artiste peintre, il ne pouvait vendre aucun tableau ; aussi

était-il découragé et se plaignait-il à sa mère que tout le monde

lui en voulait : on refusait partout ses oeuvres; on disait du mal

de lui pour l'empêcher de gagner sa vie et il fit une tentative de

suicide qui nécessita son envoi a l'infirmerie spéciale. Sa mère y

FOLIE COMMUNIQUÉE ET SIMULTANÉE lui. 17

fut conduite en même temps que lui, car ils s'étaient barricadés

dans leur chambre où le fils avait mis le feu et on dut employer la

force pour les emmener. '

En résumé : délire communiqué par la mère à son fils,

avec cette particularité que celui du fils fut la reproduction

complète et absolument passive de celui de la mère, puis

délire propre du fils, divergent, évoluant pour son propre

compte, sur un terrain tout préparé.

III. Dans la première observation, le délire est survenu

simultanément chez trois soeurs, sous l'influence des mêmes

causes ; mais la part de chacune d'elles dans l'association

n'est pas égale. La cadette est manifestement la plus active,

la plus soupçonneuse. Son esprit est toujours tendu et

méfiant et il est visible qu'elle conduit le délire; les deux

autres jouent un rôle plus effacé.

Dans la deuxième observation, le délire est communiqué

par une mère à son fils, être débile et subjugué; celui-ci est

bien réellement aliéné et nous n'oserions déclarer qu'il gué-

rira, la gravité du pronostic étant tirée du terrain sur lequel

s'est développée la psychose.

On voit que les idées de persécution jouent le principal

rôle dans ces deux délires : c'est en effet la règle. L'idée de

persécution se développe facilement au milieu des condi-

tions déprimantes de toutes sortes et surtout de la misère

« et la folie à deux est surtout le lot des malheureux; on

comprend, sans qu'il soit nécessaire d'y insister, que deux

infortunés, ruinés par des privations, seront, eux aussi, dans

les mêmes conditions exceptionnellement favorables pour

échafauder en commun un délire de persécution, ou pour

considérer comme vrai un délire de ce genre, enfanté isolé-

ment par l'un d'eux'. » » ,

Nous pouvons donc conclure que la division en folie com-

muniquée et folie simultanée est légitime et répond à la

réalité des faits. Utile pour le groupement nosographique,

elle présente encore cet avantage très appréciable en psy-

chiatrie, d'une terminologie précise. Si elle ne s'accommode

pas toujours à la diversité de la clinique, c'est qu'ici comme

partout ailleurs, il y a des cas intermédiaires.

N'oublions pas d'ailleurs selon la juste remarque de

1 Morandon de montre], loc. cit.

AnctuvEs, 2° série, t. XIV. 27

418 RECUEIL DE FAITS.

Lasègue et Falret, « qu'il s'agit là d'une des formes de

l'aliénation, intermédiaires entre la raison et la folie et qui

exemptes de troubles physiques caractérisés ne se prêtent

qu'à une analyse psychologique. Les observations emprun-

tent à la nature de'la maladie un aspect tout particulier et

ressemblent plus à des études de moeurs qu'à des observa-

tions médicales. »

RECUEIL DE FAITS.

Contribution à l'étude de l'idiotie morale et en par-

ticulier du mensonge comme symptôme de cette

forme mentale ;

Par BOURNEVILLE et J. BROYER

Voici une nouvelle observation relative au mensonge chez

les enfants atteints d'idiotie morale qui complète, à divers

égards, celle que nous avons publiée dans les Archives de

. Neurologie ('190, n° 76, p. 287).

Observation II. Idiotie morale. ARI1 : RATfON intellectuelle.

SOMMAIRE. Père, rhumatisant, déséquilibré. Grand' père

paternel, rhumatisant, alcoolique, rp<7ep<M ? mort interné en

démence.- Mère, rhumatisante, affection cardiaque, goitre exoph-

talmique probable ; caractère irascible, menteuse. - Deux tantes

maternelles atteintes de goitre exophtalmique ( ? ). - Pas de con-

sanguinité. Inégalité d'âge de 6 ans (père plus âgé).

Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de notable.

Retard de la dentition, de la marche et de la parole. Gâtisme

. jusqu'à G ans. futées fréquents. Caractère sournois.

Menteuse « depuis qu'elle a commencé à parler. » Kleptomanie.

- Paresse. Fugues. Accusation de viol contre son père.

Description de la malade et l'entrée. Détails sur les attouche-

ments paternels (' ? ). Versatilité du caractère. - Evolution de la

puberté. -- Réglée A cens. Amélioration progressive. - Pla-

cement comme domestique.

Tar. (A.), née le 7 octobre 1882, est entré à la Fondation Vallée,

le 17 août 1896.

Père, cinquante-six ans, cordonnier. Pas de convulsions de l'en-

IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 419

fance. Fièvre scarlatineà quatre ans; fièvre muqueuse à douze ans;

bronchite capillaire à quarante-cinq ans ; très rhumatisant, dou-

leurs continuelles dans les bras, dans les jambes, aux articulations,

gonflements fréquents et douloureux l'empêchant de se servir des

mains ; herpès à quarante-six ans ; quelque temps après chute

brusque des poils de la moustache, qui repoussèrent plus tard ; ;

pas de maladie nerveuse, ne boit pas, ne fume pas ; migraines, il

y a une dizaine d'années, disparues depuis ; à la suite de contra-

riétés ces migraines duraient cinq à six jours et étaient accompa-

gnées de vertiges et de « mouches volantes ». Depuis quelques

années, sa vue a baissé. Veuf à cinquante-trois ans ; ne s'est pas

remarié ; a vécu par périodes avec une ancienne malade de la

Salpêtrière, « alcoolique et noceuse ». Vit actuellement avec une

autre femme. Grand-père paternel, mort en 1869 ; rhumatisant ;

avait des picotements et des tremblements continuels ; buvait beau-

coup, surtout de l'absinthe et de l'alcool ; avait de continuelles

pertes de mémoire, des « accès » durant lesquels il semblait perdre

l'intelligence et qui duraient quelques heures. Epilepsie acquise.

Il est entré à l'Asile clinique, d'où il a été dirigé sur Bicétre :

y est resté cinq mois, puis a été transféré à Pont-1'Abbé-Picau-

ille où il est mort en démence 1. - Arrière-grand-père paternel,

mort en Savoie, à soixante-dix ans. - Arrière grand' mère pater-

nielle, aucun renseignement.

Mère moite à l'âge de quarante-sept ans; rhumatisme chronique;

avait les doigts volumineux ; bossue, une épaule plus haute que

l'autre ; avait des vertiges : pendant quelque temps elle perdait la

respiration et s'évanouissait. Affection cardiaque. Goitre exophtal-

mique probable ; caractère irascible, emportée « menteuse à l'excès».

Grands parents maternels, pas de renseignements. Grand-oncle

maternel bien portant ; deux tantes maternelles ayant présenté,

semble-t-il, un goitre exophtalmique (1) ; un oncle et une tante

maternels morts en bas âge, on ne sait de quoi. Ni aliénés, ni

épileptiques, ni difformes, ni suicidés, ni prostituées dans le reste

de la famille maternelle.

Pas de consanguinité (père savoyard, mère luxembourgeoise).

Inégalité d'âge de six ans (père plus âgé).

Deux enfants : 1° Notre malade. 2° Garçon, mort à vingt mois :

alhrepsie, rachitisme (ne pouvait se tenir sur son séant), bronchite

finale.

Notre malade. Conception : préoccupations d'argent et fré-

quentes querelles entre les époux. Grossesse : bonne, pas la

moindre indisposition, ni syncopes, ni malaises d'aucune sorte.

' M. le Dr Viel nous a écrit que Tar... (Louis) (Hait arrivé avec le cer-

tificat a Epilepsie » et qu'il a succombé à une congestion cérébrale.

420 RECUEIL DE FAITS.

Accouchement : à terme, facilement; présentation du sommet;

quantité d'eau normale. ,

A la naissance rien de particulier : pas d'asphyxie, l'enfant a crié

aussitôt ; était mince et petite. Elevée au biberon (lait de vache),

sevrée à dix-huit mois ; brûlures de la face à quatorze mois, qui

- ont laissé des cicatrices; plus tard, à l'école, ses camarades se mo-

quaient d'elle, ce qui l'irritait. Ire dentition en retard.

Parole à vingt mois ; marche à vingt-un mois. Gâtisme jusqu'à

six ans ; aurait été propre du jour où son père, pour la corriger,

lui aurait mis le nez dans ses excréments.

A quatre ans, elle a successivement la variole, la rougeole et la

scarlatine, mais sans aucune complication. Le père aurait cepen-

dant remarqué que l'enfant marchait ensuite « courbée en dehors,

et le pied légèrement dévié D. Cet affaissement et cette déviation

se manifestent encore par périodes. Chutes nombreuses. Gourmes

fréquentes : les plaies de sa tête étaient longues à guérir ; enge-

lures depuis son plus jeune âge ; l'enfant a été souvent battue,

mais les sévices n'ont jamais eu de conséquences visibles ; ne

pleurait même pas ; du reste n'a jamais pleuré avant l'âge de

treize ans ; à cet àge-là, accès de cris, pour attirer l'attention sur

elle. A mangé de façon dégoûtante jusqu'à l'âge de douze ans,

elle mâchait sans avaler, rumination (` ? ). Dès sa première

enfance, aucun jouet ne l'intéressait, elle passait des journées à

enrouler autour de ses doigts des bouts de fil, des morceaux

d'étoffe qu'elle déchiquetait, des morceaux de papier qu'elle « cou-

passait ». A toujours eu un caractère doux, mais fourbe et

sournois, menteuse, du reste a menti du jour où elle a parlé. A

été en classe de quatre à treize ans : ses maîtresses la trouvaient

intelligente, mais paresseuse et incapable de bonne volonté. A la

mort de sa mère (1893) ses défauts et ses vices, mensonges, vols,

se sont accentués d'une manière prodigieuse, surtout depuis qu'elle

a fréquenté les ateliers. Elle commettait de petits larcins, et pour

se disculper disait que c'était parce qu'elle manquait du nécessaire

chez elle. Un jour, elle vole à sa tante un porte-monnaie contenant

20 francs, en dépense 2, et raconte à son père que son cousin, sa

cousine, sa tante lui ont donné, l'un 10 francs, l'au ! re 5 francs,

l'autre 3 francs. Une autre fois, on l'envoie à la poste avec

six lettres non affranchies et 2 francs ; elle garde l'argent et fait

partir les lettres; comme les destinataires se plaignent dans la

suite, elle affirme qu'elle les a affranchies, puis avoue qu'une de

ses amies, en la bousculant, lui a fait perdre l'argent. Peu à peu

elle ne veut plus travailler ; elle se fait renvoyer de partout il

cause de sa paresse et de ses mauvais propos ; fait des contes in-

sensés pour expliquer ses erreurs de comptes d'argent ; un jour,

craignant u'être corrigée par son père, elle ne rentre pas, disant

partout qu'on l'avait mise à la porte ; elle est arrêtée pour vaga-

IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 421 t

bondage et dit au commissaire qu'on la battait chez elle. Elle ment

sans cesse, dit à son père qu'elle va travailler et n'y va pas.%Chez

elle, elle brise tout, pour se venger, nous dit le père, dès repro-

ches et des corrections qu'elle encourait. Elle perd l'argent qu'on

lui confie, parle mal de son père à tout le monde et finit par le

dénoncer au commissaire de police comme ayant avec elle, depuis

trois ans, des rapports sexuels. Comme elle se contredit dans ses

réponses, le commissaire se méfie, fait appeler le père et le met en

demeure de faire visiter sa fille par le docteur D. ; l'examen médi-

cal constate que l'enfant est intacte.

A la suite de ces faits, Albertineest placée à l'Asile clinique, d'où

elle est envoyée à la Fondation Vallée, le 18 août 189G.

ETIT actuel pris A l'entrée. Air de santé, expression intelli-

gente. Cheveux châtain clair. Pas de ganglions. Crâne de volume

moyen, symétrique, ni bosses, ni fontanelles ; front assez élevé.

Forme du visage ovale. Cicatrice de brûlure très étendue

existant à la partie supérieure du front et s'étendant de chaque

côté des joues, jusque sur le menton et le cou. Arcades sourci-

lières peu marquées. Les paupières s'ouvrent et se ferment

bien. Fentes palpébrales allongées dans le sens transversal ;

sourcils peu abondants. Cils de coloration plus foncée que les che-

veux. Orbites peu excavés. Yeux mobiles, ni exophtalmie,

ni strabisme, ni paralysie ; iris bleu ; pupilles réagissant bien ;

l'acuité visuelle est bien développée, pas de rétrécissement du

champ visuel. z Nez, un peu aplati, surtout à la partie inférieure,

lobule assez gros, pas de déviation. L'odorat est bon. Les

pommettes sont peu saillantes, régulières. La bouche est de

l'orme transversale ; la lèvre inférieure volumineuse et épaisse ;

dentition normale. La voûte du palais est bien constituée. -

La langue est large, sans tremblemeut de la pointe. Les amyg-

dales sont peu volumineuses. Le goût est normal. - Le men-

ton est allongé, assez bien fait. Les oreilles sont décollées, le

lobule est peu développé.

Cou : Circonférence : 26 centimètres.- Corps thyroïde appréciable.

Membres supérieurs bien conformés ; sensibilité bien conservée.

Membres inférieurs également bien conformés ; réflexes patel-

laires normaux.

Thorax, pas de déformation. Percussion et auscultation, rien

d'anormal. Abdomen régulier ; région anale naturelle.

Puberté : quelques poils au niveau du pubis ; grandes lèvres

peu développées ; clitoris, peu visible ; petites lèvres triangu-

laires ; hymen intact, triangulaire ; fourchette normale.

Traitement : douches et bains ; sirop de fer ; huile de foie de

morue ; gymnastique ; travaux scolaires ; travaux manuels ; trai-

tement moral. -

422 RECUEIL DE FAITS.

Des observations prises au jour le jour, nous relevons les détails

suivants : Albertine n'a pas le regard franc, elle baisse toujours la

tète quand on lui parle ; très peu expansive ; est loin d'être

timide ; parait ( ? ) avoir un bon caractère, aime à rendre service ;

courageuse.; réservée dans ses propos ; s'entend bien avec ses

compagnes ; mais peu affective ; ne témoigne pas sa sympathie ;

parle de son père qu'elle semble aimer ; elle raisonne assez bien,

se rend compte de tout, très avancée pour son âge.

Il a été difficile au début du traitement d'obtenir d'elle une con-

fidence quelconque ; peu à peu, elle se laisse aller et raconte avec

des détails, qui font supposer une réelle expérience, que son père

avait des rapports avec elle depuis plus de trois ans. « Lorsque ma

mère allait livrer son travail, papa se nettoyait devant moi, puis

levait sa chemise et il me prenait la main pour me faire tenir sa

verge toute raidie et bien dure. Il me mettait sur son lit, en

m'appelant sa petite chérie. Il me l'enfonçait jusqu'à ce que cela

me fasse mal ; il l'avait énorme, alors il se tenait à une certaine

distance et se contentait de me frotter et de me chatouiller avec ».

Après, avait lieu le nettoyage, pendant lequel le père faisait des

menaces si elle s'avisait jamais de raconter ce qui se passait.

Albertine aurait été poussée à se plaindre au commissaire par

des voisines, qui remarquant qu'elle avait les yeux cernés lui

auraient demandé si elle ne « s'amusait pas toute seule ». « On dit

que je mens, c'était forcé, bien sûr on croira papa, qui voulez-vous

qui sache lequel des deux ment, il n'y avait pas de témoins ! »

D'après le père, ces femmes qui l'auraient ainsi poussée à faire ces

racontars au commissaire, avaient eu des discussions avec lui au

sujet d'un pot de fleurs tombé d'une fenêtre qui avait failli

l'atteindre. La plainte avait une apparence de fondement sur ce

fait qu'un soir d'hiver en rentrant tard, il avait fait coucher la

petite avec lui, un quart d'heure, pour la réchauffer. De plus

Albeitine aurait travaillé dans un atelier où une apprentie avait

la réputation découcher avec son père. "-

En janvier 1897, le caractère d'Albertine après avoir été jusque-

là docile et sociable, se modifie ; elle s'emporte souvent, elle bat

ses camarades, en sournoise, guettant toujours pour voir si on

l'aperçoit. En dehors de cela, va bien, travaille en classe, au repas-

sage et au ménage. Puberté : aisselles glabres, seins dessinés.

diamètre transversal 11, diamètre vertical 7, des deux côtés

aréoles accusés ; quelques poils au pénil, grandes lèvres peu déve-

loppées, petites lèvres triangulaires, n'occupant que la moitié

supérieure de la vulve, clitoris peu développé, méat urinaire diffi-

cile à apercevoir, fourchette saillante, hymen triangulaire, région

anale normale. Apparition physiologique des règles en février.

1898. Janvier. Se montre très indisciplinée et aussi très gros-

sière. Puberté : les seins se développent, diamètre transversal.

IDIOTIE MORALE : MENSONGE. 423

13 des deux côtés, diamètre vertical 9 à droite, 8 à gauche. Règles

en avril, juin et juillet.

, Juillet. Amélioration légère. Est peu communicative avec le

personnel, mais bavarde sans cesse avec ses camarades, sans se

disputer comme autrefois. A soin de plusieurs fillettes, plus jeunes

qu'elle.- Puberté : quelques poils rares sous les aisselles ; hymen

triangulaire à orifice frangé. Les règles se produisent tous les

mois à partir de juillet 1898.

1899. Janvier. L'amélioration se confirme en classe et aux

travaux manuels. Fait de la dentelle au lieu de jouer. Parait

devenir plus sérieuse. Toujours peu communicative. Puberté :

seins : diamètre transversal 16, vertical 12 des deux côtés.

Juillet. En classe travaille avec goût ; fait bien la gymnas-

tique. Est susceptible, la moindre observation la fait rougir et la

met de mauvaise humeur. Puberté : seins : 18 sur 11 des deux

côtés.

1900. Janvier. Moins susceptible, accepte bien les observa-

tions. Puberté : seins bien développés, 22 sur 20 des deux côtés.

Juillet. Passe avec succès l'examen du certificat d'études.

Amélioration générale. Puberté : poils abondants sur le pénil ;

hymen annulaire admettant l'extrémité de l'index.

1901. Janvier. - L'amélioration persiste. A la fin de l'année

Albertine, dont nous aurions voulu faire une infirmière ', est pla-

cée comme bonne chez 141 ? B., où elle est encore actuellement.

Puberté : poils abondants sur les grandes lèvres.

Elle a toujours persisté dans ses accusations, elle nous a dit une

seule fois que si elle avait été chez le commissaire, c'était parce

que « des voisines lui avaient monté la tête », sans vouloir déclarer

formellement qu'elle n'avait pas dit la vérité.

Réflexions. I. Albertine est sous le coup d'une hérédité

assez chargée : père à migraines violentes, accompagnées de

vertiges ; gl'Ctnd'pè1'e paternel alcoolique, épileptique,

dément, mort interné; mère atteinte de troubles car-

diaques et de goitre exophtalmique probable.

II. Nous avons à faire à un cas d'idiotie morale caractérisée

par la perversion de l'instinct de véracité, et de l'instinct de

propriété (mensonges et vols).

' ce sujet, il nous revient à la mémoire le cas d'un garçon que sa

mère, sous le coup d'un sentiment maternel au moins exagéré, prenait

avec elle dans son lit, serrait contre sa poitrine, les jambes enlacées ;

lui permettant même des caresses dangereuses. Cet enfant, qui était éga-

lement un idiot moral, est devenu un onaniste effréné. Cette intimité

dura jusqu'au moment où le jeune malade nous fut confié ; il avait alors

seize ans. Il devenait par trop dangereux, mais 11 qui la faute ?

424 recueil DE faits.

III. Il est à croire que s'il n'y a pas eu de mensonge

absolu, imaginé de toute pièce, au sujet du viol dont elle a

porté plainte, il y a eu, pour ainsi dire, interprétation cons-

ciemment fausse de faits peu répréhensibles en eux-mêmes,

et exagérations voulues dans le but de porter tort à son

père. Le père avoue qu'il'eut, une nuit d'hiver, l'imprudence

de la coucher un quart d'heure avec lui pour la réchauffer.

Peut-être y a-t-il eu d'autres imprudences, peut-être le père

n'a pas eu devant sa fille, soit dans sa toilette, soit dans ses

rapports avec sa maîtresse, la retenue et la pudeur qu'il

aurait dû avoir'. Nous pouvons même aller jusqu'à supposer

qu'il y a eu attouchements réciproques, ce qui expliquerait

les détails donnés sur la grosseur de la verge en érection,

mais il n'a pas pu y avoir rapports complets, pendant trois

ans, comme Albertine se plaît à le dire, puisque la visite

faite par le D1' D..., le D'' Chaslin et nous-même, a constaté

l'intégrité de l'hymen.

IV. La genèse de ce mensonge monstrueux peut s'expli-

quer d'abord par l'imprudence du père, qui, comme cela se

passe si souvent dans les ménages ne possédant qu'une seule

chambre, ne se gêne pas assez devant sa fille; ensuite parce

que l'enfant voit ou apprend dans les ateliers, où elle entend

dire, entre autres choses, qu'une apprentie « couche » avec

son père; enfin par l'intervention de ces voisines, qui, ins-

pirées par la haine qu'elles ont vouée au père, ont pu, volon-

tairement ou non, suggérer l'idée de l'accusation.

V. Ne devons-nous pas faire constater une fois de plus, le

danger qu'il y a d'accepter trop à la lettre un témoignage

d'enfant ? Car enfin que serait-il arrivé si Albertine, dans une

de ses fugues, ou simplement dans ses fréquentations d'ate-

lier avait eu, comme cela arrive trop souvent, des rapports

complets avec un autre homme ? On aurait certainement cru

sur parole la malheureuse.

VI. Quoiqu'il en soit, sous l'influence du traitement

médico-pédagogique, T... s'est notablement améliorée. Elle

1 La maîtresse, alcrs, Alice M.... devenue femme G..., était une hys-

térique que nous avons observée naguère à la Salpêtriere dans le service

de M. Charcot et dont nous avions soigné la soeur Dina M... dans le

service de M. Delasiauve, Leur mère, alcoolique, est morte de tubercu-

lose. Alice était devenue elle-même alcoolique et vivait de la prostitution.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 425

avait manifesté le désir de devenir infirmière 1. Nos tenta-

tives, dans ce but, ayant échoué, nous avons pu, par l'inter-

médiaire de la surveillante, la placer comme domestique

dans une famille de la commune où elle s'est parfaitement

conduite jusqu'ici.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XV. De la paralysie bilatérale du nerf facial (diplégie faciale) ;

par A.-M. Liewkowsky (Obozrénié psiâttat1'ii, V, 1900).

Deux observations accompagnées de figures témoignent d'une

paralysie totale du facial des deux côtés, consécutive à une névrite

infectieuse exclusivement localisée à ce nerf. A la lumière des

documents bibliographiques l'auteur en étudie le diagnostic diffé-

rentiel, la localisation, l'étiologie. Il arrive à établir que la fièvre

typhoïde récurrente fut pour le premier malade l'origine de l'af-

fection, conformément aux opinions de Gowers, Grasset et Hauzier

Menke, Bernhardt, La malaria était la cause de la diplégie faciale

du second malade, suivant les données de Gowers et de Kliatsch-

kine. . P. KERAVAL.

1

XVI. Deux formes rares du tic facial; par W.-M. Bechterew

(Obo : ;1'énié psir : 1dal1'ii, V, 1900).

Il s'agit d'un tic moqueur et d'un tic renifleur. Dans le tic 1/11),

queur tous les muscles de la physionomie qui agissent simultané-

ment pour donner à la face l'expression du sourire ou du rire se

contractent malgré les malades. Les deux observations de l'auteur

concernent un tic bilatéral de ce genre chez des gens intelligents :

ils n'en avaient pas conscience, car la mimique en question n'était

ni accompagnée, ni précédée de l'état d'esprit en relation avec le

rire réel. Exagéré par les émotions et toutes les circonstances qui

excitent les systèmes nerveux, ce tic diminue quand on distrait

l'attention du patient. Celui-ci finit en effet par s'apercevoir qu'il

' Nous avons eu l'occasion de faire suivre les cours de l'écoled'inlir-

merie de Bicêtre, à des jeunes filles améliorées, afin de les mettre en

situation de gagner leur vie à leur sortie de la Fondation. On a voulu

tenter le même essai avec le nouveau directeur de l'Assistance publique,

M. Napias, qui, sans doute. mal renseigné, a refusé. Il était pourtant

tout naturel que le chef de l'administration contribuât à l'oeuvre de

patronage sollicité par le médecin.

42G 6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

apparaît juste au moment où il a le plus besoin de son sérieux

dans les entretiens graves, et il en est péniblement affecté.'

Causes inconnues. Constatation de tares héréditaires. Le tic de

reniflement est constitué par une aspiration nasale bruyante sem-

blable à celle. que font les priseurs ou ceux qui, au lieu de se mou-

cher, vident ainsi leurs fosses nasales des mucosités qui les,encom-

brent. Deux observations. Dans la première, le tic est unilatéral ;

il s'agit d'un homme très intelligent, occupant une situation sociale

élevée. De temps à autre, la joue droite est vivement tirée en

arrière et en haut et s'en vient boucher l'oeil droit ; à ce moment

les lèvres sont, surtout la lèvre supérieure, serrées, puis allongées

et même vivement déplacées sur la droite. Il en résulte que la

narine droite est bouchée tandis que la narine gauche est plus ou-

verte que normalement. Simultanément, violent mouvement d'ins-

piration, ou plutôt de reniflement d'air par la narine droite : la

colonne d'air aspirée ainsi agite le voile du palais et produit le

bruit connu. Ce tic. plus fréquent quand le sujet est ému, est extrê-

mement pénible parce qu'il se manifeste au cours d'entretiens

sérieux, dans le monde, et est fort remarqué. Causes : hérédité

nerveuse, coryza chronique. La seconde observation a trait à une

jeune idiote de dix ans, issue d'une famille de névropathes,

indemne de paralysie ou de symptô nés de lésions en foyer. A la

suite de l'administration de Kl, elle ne cesse de faire un mouve-

ment caractérisé par l'allongement avec élévation des lèvres, sur-

tout de la lèvre supérieure, qui bouchent légèrement les narines ; les

deux joues sont aussi un peu entraînées en arrière, le nez est

froncé : tout cela s'accompagne d'un reniflement très accentué. Au

moment où on l'examine, il n'existe plus désigne de coryza aigu.

Le tic dura trois mois environ et ne cessa que-par l'administration

de UrOI11'll'CS : il récidiva bien ultérieurement, mais ce ne fut que

pour peu de temps. , P. KERIVAL.

XVII. Névrose dans la région du plexus cervical et brachial consé-

cutive à une dent malade ; par Fr. Hesse. (Nelcrolog. Cenll'llllil.,

XIX, 1900.)

Une demoiselle de vingt ans, d'excellente constitution, jusque-là

très bien portante, raconte qu'il y a huit mois, sa première molaire

inférieure droite a mordu sur un grain de plomb ; sans être extrê-

mement douloureuse, elle la taquine. Dans les premiers instants

qui ont suivi l'incident, le maxillaire inférieur ne lui a pas fait

mal, mais quelque temps après, des douleurs se sont installées

dans les deux mâchoires ; elles ont progressé au point de lui enle-

ver tout sommeil. Endolorissement égal des deux maxillaires du

côté droit, s'étendant en avant jusqu'à la ligne médiane, et en

arrière à l'occiput; de là, la douleur, très violente, gagne l'épaule

droite, la poitrine et le bras. En outre, accès névralgiques de fré-

HEVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 427 7

quence, durée, intensité variables (demi-heure à quatre heures),

ayant pour causes occasionnelles des émotions morales, des bois-

sons chaudes ou froides, la marche, une secousse matérielle. Il y

a six mois, il s'est produit une paralysie du bras droit qui en a

presque absolument supprimé l'usage. Il s'agit simplement d'une

dent cariée, on l'enlève et l'on trouve la pulpe gangrenée, une

légère périostite des racines. Isu trois semaines, tous les accidents

disparaissent, sauf de temps à autre quelque sensibilité des parties

affectées. P. Keraval.

XVIII. Un cas d'herpès zoster, suivi d'atrophie musculaire; par

\\'ilUelul Mlacus. (Norsk 111gaziii foi, Lxvitleis Kobeii, iio 5, 1902.)

Une quinzaine environ après l'apparition d'un herpès zoster

limité au bord ulnaire de l'avant-bras droit, l'atrophie se déclara

dans les muscles suivants : infraspinosus, deltoïdeus, triceps, supi-

wator longlls, flexcurs des doigts, palmaire du pouce et de l'ar-

ticulaire. Les muscles atrophiés fournissaient la réaction de la

dégénérescence. Après quelques mois de traitement, l'atrophie

disparut, sauf dans les petits muscles de la main.

L'auteur admet, que le même virus qui avait produit l'herpès

zoster, s'est localisé dans le premier ganglion dorso-spinal et ainsi

affecté la substance grise de la moelle, comme dans une poliomyé-

lite bénigne.

XIX. Contribution à l'étude de la paralysie isolée du muscle grand

dentelé; par A. Souques et J. Castaigne. (Nouv. Icolaogr. de la

Sulpéfière, n° 3, 1899.)

Cette affection tellement rare que, en 18415, Lewinski n'en tenait

pour inattaquable qu'un seul cas et que tout récemment Barriero

n'en retenait définitivement que seize cas dans l'histoire de la mé-

decine, a été obseivée dans un nouveau cas remarquable par son

étiologie (fièvre typhoïde) et par la netteté de sa symptomatologie

dont les auteurs donnent une description complète. H. C.

XX. Etude sur les troubles objectifs des sensibilités superficielles

dans le tabès; par A. Biche et de Gothard. (Nouv. lconorr. de

la Salpélrière, nos 4 et 5, 1899.)

L'étude des troubles sensitifs dans le tabes est toujours difficile,

en raison de l'extrême variabilité qu'ils présentent, mais celle dif-

ficulté est grande surtout pour les troubles objectifs et il en résulte

que, si l'on sait que dans le tabes les anesthésies, analgésies, ralen-

tissements de perceptions, etc., sont très fréquents, on ignore les

rapports qu'ils affectent avec les périodes d'évolution de la mala-

die, leur mode de distribution, leurs lieux d'élection, comme on

ignore également les analogies qui peuvent exister entre ces trou-

bles sensitifs érotiques et ceux qui dépendent de lésions nerveuses

l¡i8 8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

périphériques ou centrales. Les auteurs ont cherché à élucider ces

divers points dans une série d'observations détaillées et accompa-

gnées de schémas très judicieux. Leurs investigations, qui ont porté

sur toutes les variétés d'anesthésie,d'hypo et d'hyperesthésie super,

ticielles, les ont conduits aux conclusions'suivantes : A. les troubles

objectifs de la sensibilité se traduisent chez les tabétiques par des

anesthésies, des hyperesthésies portant l'empreinte d'un triple ca-

ractère : polymorphisme, dissociation, tendance et la disposition seg-

mmtai1'e; B. si leur valeur diagnostique est d'importance secondaire

elle n'est cependant pas négligeable et leur constatation sera utile

dans bien des cas; C. la disposition de ces troubles montre qu'ils

sont sous la dépendance, sinon exclusive, du moins prépondérante

de lésions intra-spinales du tabes. R. C.

XXI. Note sur deux tics du pied; par RAYMOND et Jai\Er. (Nouv.

- lconogr. de la Salpêtrière, n° 5, 1899.)

Deux cas de tic par automatisme psychologique, remarquables

par leur localisation peu fréquente et guéris par la gymnastique

méthodique de l'attention. ' 0 IL C.

XXII. Sur les atrophies musculaires progressives d'origine myélopa-

thique ; par G. ET1E¡O;NE. (Nouv. lcoaogr. de la Salpêtrière, n° 5,

1899).

Le tableau classique de cette affection (maladie de Duchenne-

Aran) est caractérisé par : a. son début habituel par l'extrémité

des membres supérieurs (petits muscles de la main droite) ;

b. l'existence de contractions fibrillaires ; c. la réaction de dégéné-

rescence ; d. l'absence d'hérédité; c. le début au delà de l'adoles-

cence ; f. l'évolution chronique en quatre ou cinq ans. L'auteur

rapporte une série de six observations cliniques dont plusieurs

avec autopsie et examen anatomo-pathologique dans lesquelles il

a noté comme anomalies : a. la rapidité de l'évolution ; b. la pré-

cocité du début; c. les modes du début; d. l'adjonction d'arthro-

pallies ; e. la présence d'hérédité. Et cependant, malgré ces va-

riantes, ces observations conservent « un air de famille qui, mieux

« que toute autre base, constitue un groupe clinique bien défini »

et qui, quel que soit l'apport ajouté par la syringomyélie ou d'autres

lésions médullaires, renferme l'ensemble décrit par Duchenne et

Aran et rattaché à la lésion bien connue des grosses cellules des

cornes antérieures. « Il existe donc, conclut l'auteur, une série

morbide constituée par l'atrophie musculaire myélopathique pro-

gressive, la paralysie labio-glosso-laryngée progressive, l'ophtal-

moplégie nucléaire progressive, trois termes caractérisés anatomo-

pathologiquement par la même lésion du même appareil nerveux

pris en des étages différents pouvant se succéder par extension ou

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 42'J 9

pouvant exister isolément ; ce sont trois localisations d'un même

processus, mais, au point de vue général, ils constituent une seule

maladie. »

XXIII. Amyotrophie double du type scapulo-huméral consécutive à

un traumatisme unilatéral extra-articulaire; par G. GCILLAI : 'i.'

(Noua. lconor. de la Salpêtrière, n° 5, 1899.)

Si les cas d'amyotrophie succédant à une lésion articulaire, à

une arthropathie infectieuse ou à un traumatisme articulaire sont

relativement fréquents, ceux qui surviennent à la suite d'un trau-

matisme extra-articulaire, peuvent être considérés comme très

rares. Dans l'observation que rapporte l'auteur, il parait bien qne

l'atrophie musculaire double scapulo-humérale ne reconnaît pas

d'autre cause qu'une contusion du bras droit. Action réflexe inté-

ressante par elle-même et surtout par le phénomène de symétrie

qui l'accompagne. it. C.

\yin. Acromégalie et dégénérescence mentale; par F. Farnarier.

(Nous. lconogr. de la Salpêliière, n° 5, 1899.)

Une observation personnelle suivie d'une revue des cas analogues

signalés par d'autres auteurs, desquelles il ressort que : les mala-

dies nerveuses et mentales sont fréquentes dans les familles d'a-

cromégaliques, les malades eux-mêmes présentent souvent des

manifestations de l'état de dégénérescence allant de l'affaiblisse-

ment intellectuel jusqu'à la démence complète, de la dépression

mélancolique jusqu'aux idées systématisées de persécution, depuis

des stigmates physiques bénins jusqu'à la microcéphalie avec idio-

tie, qu'on rencontre des associations acro hystériques et acro-épi-

leptiques et quelquefois le diabète. ' R. C.

XXV. Un cas d'hémianopsie hystérique transitoire ; par M. P. Janet

(Presse médicale, 25 octobre 1899).

M. Janet rapporte l'observation très intéressante d'une hysté-

rique, âgée de quarante-deux ans, qui a présenté depuis l'âge de

seize ans presque tous les accidents de la névrose et à qui il a été

appelé à donner ses soins à l'occasion de troubles nerveux parti-

culièrement pénibles (douleurs, troubles de la motilité et de la

sensibilité localisés surtout au côté gauche) survenus à la suite

d'émotions. Cette malade était atteinte d'amaurose de l'oeil

gauche ; cet accident remontait à plus de dix ans; il s'était mani-

festé à la suite d'une attaque avortée provoquée par une émotion;

la malade l'avait constaté par hasard en se mettant un bandeau

sur l'oeil droit ; elle le croyait irréparable, un oculiste lui ayant

affirmé que le nerf optique était atrophié. L'auteur n'eut pas de

peine à se rendre compte de la nature hystérique de ce phéno-

mène ; en effet, d'une part, l'examen du fond de l'oeil permettait

430 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de mettre en doute l'atrophie du nerf optique, et, d'autre part, le

réflexe lumineux était conservé et il était possible de répéter sur

la malade diverses expériences faites sur l'amaurose unilatérale

des hystériques ; c'est ainsi que, les deux yeux étant ouverts, et

la malade prétendant ne rien voir de l'oeil droit, si on appuyait

avec l'ongle au-dessous de l'oeil droit de manière à déplacer l'axe

visuel de cet organe, elle voyait deux objets au lieu d'un. Depuis

l'apparition de cet accident, la perte de la vision s'était étendue à

l'oeil droit, à deux reprises, à la suite d'émotions, et la malade

était restée complètement aveugle, pendant douze jours, une fois,

pendant sept jours, l'autre fois. Lors de l'examen fait par M. Janet,

l'oeil droit était absolument normal.

L'auteur a mis en oeuvre, contre cette amaurose, divers procé-

dés de psychothérapie, renforcés par des manoeuvres telles que

des attouchements et un massage léger des paupières. Le retour

de la sensibilité a été annoncé par de vives souffrances. A la suite

de la première séance d'exercices thérapeutiques, la malade put

distinguer le jour et l'obscurité ; à la troisième séance, la vue fut

plus nette et permit de reconnaître les objets. Mais, en même

temps, se produisit une Iléiiiiaiiopzie homonyme du côté gauche ;

celle-ci ne dura pas longtemps ; trois jours après, l'amaurose avait

reparu. Lors des séances ultérieures, l'hémianopsie se reproduisit,

mais la vision s'étendit du côté gauche progressivement; seule-

ment, la portion du champ visuel située à gauche de la ligne mé-

diane, resta extrêmement obscure ; la vision y était très affaiblie.

Si on excitait trop vivement la vision de l'oeil droit, son champ

visuel s'élargissait, mais celui de l'oeil gauche diminuait. L'auteur

a pu ainsi constater toutes sortes de formes curieuses du champ

visuel qui se modifiait à mesure que la vision faisait des progrès,

jusqu'àce que les deux champs visuels aient pu être rétablis d'une

manière à peu près complète. Malheureusement, ce rétablissement

de la vision supprimée depuis plus de dix ans reste extrêmement

fragile et il suffit de la plus légère émotion pour faire retomber la

malade dans son état antérieur.

Cette substitution de l'hémianopsie gauche à l'amaurose unila-

térale de l'oeil gauche, constitue un fait d'équivalence hystérique;

les choses se sont passées, en effet, comme si la sensibilité restait

au total la même et se répartissait différemment. Ce phénomène

indique une disposition il la division des champs visuels, à la

vision hémiopique, qui'se manifeste dès qu'on change l'équilibre

des champs de la vision. Mais M. Janet n'est pas en mesure de dire

si, dans tous les cas d'amaurose hystérique, le retour de la vision

comprend, comme dans le fait qu'il a observé, une période d'hé-

mianopsie. Il ne 'croit même pas pouvoir alfirmer d'une façon

absolue, que chez sa malade l'hémianopsie ne s'est pas produite

par suggestion. A. Fenayrou.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 431 1

XX VI. Le diagnostic différentiel de la maladie des tics et de la

chorée de Sydenham ; par M. C. Onuo (Presse ? «e[<«.<t/(;, 30 sep-

tembre 1899).

L'exaspération habituelle de la maladie des tics à l'àge de prédi-

lection de la chorée fait que ces deux affections sont assez fré-

quemment confondues ; il existe cependant une série de signes qui i

permettent de les distinguer : l'auteur les expose en détail dans : on travail et les résume dans le tableau suivant :

1t3' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

muns, dont le diagnostic est facile il est des faits complexes dans

lesquels le diagnostic reste hésitant, car ils empruntent leurs

caractères à la fois à la chorée et à la maladie des tics : ce sont ces

faits que M. Biissaud a groupés récemment en leur donnant le

nom de chorée variable des dégénérés. A. FENAYROU.

XXVII. L'hémichorée arythmique hystérique; par ml. G. CARRIÈRE

et Hurcma (Presse médicale, 4 octobre 1899).

On n'a publié jusqu'ici qu'un petit nombre d'observations d'hé-

michorée arythmique hystérique. Les auteurs en rapportent un

cas qu'ils ont observé et qui a guéri grâce à un traitement dont la

suggestion constituait l'élément principal. Ils estiment que l'exis-

tence de cette affection ne saurait être mise en doute ; d'après

eux, il est vraisemblable que, si on examinait attentivement tous

les cas de chorée, le nombre des observations d'hémichorée

arylilmique hystérique augmenterait rapidement, car, sans être

absolu, on peut affirmer que la chorée a des liens très étroits avec

l'hystérie dans un grand nombre de cas. A. Fenayrou.

XXVIII. Troubles nerveux secondaires portant sur les fonctions de

la nutrition ; par M. le professeur Hayeu (Revue médicale,

20 août 1899). -

Il n'est pas rare d'observer des malades présentant des troubles

nerveux secondaires à des âastropatbies ; ces troubles occupent

parfois dans le tableau clinique une place si prépondérante, que,

contrairement à ce qui existe en réalité, ils sont considérés comme

primitifs et que le diagnostic porté est celui de neurasthénie. Ces

désordres nerveux ont leur origine, soit dans les centres supé-

rieurs, soit dans ceux de la vie végétative. Ceux qui relèvent des

centres de la vie végétative constituent, dans certains cas, un en-

semble symptomatique, désigné par M Hayem sous le nom de

tropho-asthénie et comprenant les éléments suivants : amaigrisse-

ment, malgré la conservation de l'appétit ; modifications dans la

constitution des urines, telles que azoturie, phosphaturie, ou

diminution des éliminations effectuées par cette voie ; troubles de

la calorification (sensibilité insolite au froid ; refroidissement et

cyanose des extrémités ; abaissement notable de la température

centrale qui est en même temps inversée, le degré thermique s'éle-

vant pendant la nuit et s'abaissant pendant le jour; différence de

température matinale et vespérale plus forte que de coutume et

pouvant atteindre 1 degré) ; troubles circulatoires (pouls faible,

dépressible, tantôt ralenti, tantôt accéléré ; tachycardie de posi-

tion, le moindre mouvement produisant une accélération de 20 à

30 pulsations par minute), respiration faible, dyspnée facile,

parésie du tube digestif (dilatation gastrique par atonie ; constipa-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 433

tion). En somme, cet état est caractérisé par une sorte d'affaiblis-

sement général de la vie végétative. Souvent il s'accompagne de

fatigue générale, d'asthénie des muscles du squelette, d'inaptitude

au travail, ou- encore il se combine à des troubles nerveux prove-

nant des centres supérieurs (douleurs névralgiformes diverses,

insomnies, idées hypochondriaques). Cette tropho-asthénie se ren-

contre surtout, mais non d'une façon exclusive, chez des jeunes'

gens des deux sexes, de race dégénérée, ayant subi une mauvaise

hygiène générale au moment d'une croissance rapide. Elle com-

porte un pronostic assez sérieux à cause surtout de sa longue

durée ; elle peut cependant guérir. Le traitement consiste dans le

repos au lit, jusqu'à ce que la température redevienne normale, la

réglementation de l'alimentation et une cure gastrique, si elle est

nécessaire, la faradisation généralisée, des douches écossaises,

puis froides, et, plus tard, un séjour prolongé au grand air et des

exercices progressifs. A. Fenayrou.

XXIX. La méningite cérébro-spinale épidémique ; par P. M. Sikora

(Presse médicale, 23 août 1899).

De cette étude nous ne retiendrons que les points suivants :

L'auteur admet avec M. Netter que la contagion de la méningite

cérébro-spinale épidémique est rare, en tant que contagion

directe ; l'affection se transmet surtout par les locaux et les objets

ayant servi aux malades ; le microbe pathogène étant inclus dans

les cavités crâniennes et rachidiennes, on comprend qu'il ne puisse

pas se propager facilement. La nature du germe pathogène de

cette affection n'a pas encore été établie avec certitude ; parmi

les divers microbes auxquels on a attribué cette maladie, il faut t

mentionner spécialement, en outre, du pneumocoque,' le ménin-

gocoque de Weichselbaum, que M. Netter, après l'avoir regardé

comme une transformation du pneumocoque, tend- actuellement

à considérer comme une espèce microbienne distincte. M. Sikora

recommande la ponction lombaire comme le meilleur moyen de

diagnostic de celte affection ; grâce à cette opération, inoffensive

si elle est pratiquée prudemment, il est possible de faire des ense-

mensements avec le pus et, ensuite, d'étudier et d'inoculer les

microbes qui se sont développés. A. Fenayrou.

XXX. Lésion traumatique des nerfs de la queue de cheval et du

cône terminal; par le Dr Souques. (Revue neurologique, dé-

cembre 1899.)

Il s'agit, dans l'intéressante observation communiquée par l'au-

teur à la Société de Neurologie, d'une fracture indirecte de la

première vertèbre lombaire avec luxation probable, causée par

une chute sur les pieds ou sur le siège. '

Archives, 2e série, t. XIV. 28

434 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Cette fracture a amené une compression du cône terminal et

des racines du plexus sacré, soit par un fragment osseux, soit par

une hémorragie immédiate. Seules la 5° paire lombaire et les

li racines sacrées sont intéressées, et la lésion porte plus sur les

racines postérieures que sur les antérieures. E. B.

XXXI. Note pour servir à l'étude des analgésies tabétiques. Insen-

sibilité des globes oculaires à la pression; par MM. A DA DIE et

Rocher. (Revue neurologique, décembre 1899.)

Les analgésies viscérales forment un chapitre des plus intéres-

sants de la pathologie du tabes.

Des ces analgésies viscérales les auteurs rapprochent un symp-

tôme qu'ils ont observé, à maintes reprises, chez plusieurs tabé-

tiques, l'insensibilité complète des globes oculaires à la pression.

Chez 25 tabétiques, la sensibilité oculaire a été trouvée normale

12 fois, perturbée 13 fois ; il y avait analgésie dans 8 cas.

La grande fréquence des analgésies viscérales dans le tabes fait

que l'analgésie oculaire se montre rarement seule, 2 fois sur 2 : j,

dans les observations des auteurs. -

S'il est vraisemblable que l'analgésie oculaire puisse se rencon-

trer dans d'autres affections que le tabès, elle n'en vient pas

moins se joindre aux autres symptômes oculaires pour préciser la

séméiologie de l'organe de la vision dans le tabès. E. B.

XXXII. Note sur l'hystérie droite et sur l'hystérie gauche ; par le

P RAYMOND et le 1)' Janet. (Revue neurologique, décembre

1899.)

Briquet disait que les hystériques gauches étaient beaucoup

plus nombreux que les droits et que l'on rencontrait trois anes-

thésies du côté gauche pour une du côté droit.

La statistique des auteurs, portant sur 388 observations, montre

que les hystéries droites sont plus nombreuses qu'on ne le pensait

et que tout au plus on pourrait dire : trois anesthésies à gauche

et deux à droite. '

De plus, cette statistique montre une prédominance énorme des

troubles de la parole chez les hystériques atteints d'accidents du

côté droit, ainsi que cela est connu pour les aphasies organiques.

Enfin, tandis que tous les autres symptômes sont à peu près au

même nombre dans l'hystérie gauche et dans l'hystérie droite, il

est surprenant de voir que les troubles respiratoires, la polypnée,

le hoquet, la toux, le lire, etc., qui constituent des accidents

fort fréquents et fort curieux de l'hystérie, se présentent avec une

prédominance marquée dans le groupe des hystéries droites.

Si ce résultat se confirmait, on pourrait peut-être remarquer

qu'il s'explique par un certain rapport entre les fonctions de la

respiration et les fonctions du langage. E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE' 435

XXXIII. Les troubles de la sensibilité dans le tabes ; par les

Drs Frenkel et Foersler. (Revue neurologique, novembre 1899.)

Résumé et conclusions du travail publié par les auteurs dans les

Archives de psychiatrie et neurologie de Westphal.

1° Des troubles de la sensibilité sont un symptôme constant

dans le tabes. 2° Ils comprennent la sensibilité cutanée et la

sensibilité profonde articulaire et musculaire. 3° Parmi les

troubles de la sensibilité cutanée, ceux du toucher sont constants.

4° Les troubles de la sensibilité se trouvent d'une façon cons-

tante au tronc et peuvent être considérés comme un signe initial

du tabes. 5° Des troubles de la sensibilité aux membres supé-

rieurs sont la règle dans le cours du tabes ordinaire. G° Aux

membres inférieurs, les troubles de la sensibilité cutanée sont

exceptionnels dans la période préataxique ; ils sont la règle dans

l'état ataxique. 7° Il résulte des observations des auteurs une

loi générale qui ne subit que de rares exceptions, à savoir que les

différentes régions de la peau atteinte des troubles de la sensibilité

chez le même malade sont séparées par des régions normales.

Cela prouve que le processus morbide dans le tabes est disconti-

"nuel et multiloculaire. E. B.

XXXIV. Contribution à l'étude des paraplégies obstétricales ; par

MM. G. Ballet et Bernard. (Revue neurologique, novembre

1899.)

Les auteurs estiment qu'il faut reconnaître quatre catégories de

paraplégies consécutives à l'accouchement (abstraction faite des

impotences fonctionnelles dues à des disjonctions symphysaires,

et que par opposition aux paraplégies vraies, on a parfois nom-

mées pseudo-paraplégies) :

1° Des paraplégies symptomatiques d'une polynévrite infectieuse

ou toxique, survenant chez des femmes atteintes d'infection puer

pérale ou albuminuriques. 2° Des paraplégies nettement trau-

matiques, dues à la compression nerveuse seule, et dont l'obser-

vation citée est une démonstration. 3° Des paraplégies

occasionnées par le traumatisme, mais déterminées par une

infection ou une intoxication concomitante. 4° Des paraplégies

hystériques. ' E. B.

XXXV. De l'asynergie cérébelleuse ; par le Dr Babinski. (Revue neu-

1'alogique, novembre 1899.)

L'auteur, dans un mémoire du plus haut intérêt clinique, décrit

pour la première fois une forme de troubles de motihté dont la

cause anatomique est une lésion cérébelleuse, et qui dépend d'une

perturbation de la faculté d'association des mouvements, la sy-

nergie musculaire : en raison de son origine, il désigne cette

43C REVUE DE pathologie NERVEUSE.

perturbation sous la' dénomination d'asynergie cérébelleuse.

L'attitude du premier malade observé, quand il cherche à mar-

cher, a un aspect tout à fait spécial : la partie supérieure du corps

ne suit pas le mouvement du membre inférieur et reste en arrière.

. M. Babinski pense que ce phénomène est pathognomonique d'une

perturbation dans les fonctions cérébelleuses, et c'est en se fondai) t

sur ce caractère qu'il a pu porter pendant la vie le diagnostic,

confirmé par la nécropsie, d'affection cérébelleuse chez le malade

qui fait le sujet de l'observation II.

Pour bien comprendre la signification de ce phénomène, il faut

se rappeler que l'acte complexe de la marche se compose de deux

ordres principaux de mouvements donnant lieu, l'un au soulève-

ment du pied au-dessus du col et à sa translation, l'autre à la

translation du reste du corps. L'exécution, normale de la marche

implique l'intégrité des muscles qui opèrent ces mouvements et la

synergie entre ces deux ordres de mouvements.

En résumé, d'une part, les lésions cérébelleuses sont capables

de provoquer, dans le domaine de la motilité, entre les symp-

tômes depuis longtemps bien décrits, d'autres phénomènes clini-

ques qui peuvent contribuer à établir le diagnostic, et, d'autre

part, les troubles de motilité engendrés par une altération du

cervelet dépendent, au moins en partie, de l'asynergie musculaire.

E. B.

XXXVI. Un cas de syringomyélie. Main de prédicateur. Troubles

oculaires. Anesthésie segmentaire ; par le Du' BOUCIIAUD. (Revue

neurologique, novembre 1899.)

Observation de syringomyélie avec paralysie et atrophie des

muscles de la main gauche, paralysie du muscle orbito-palpébrat'

gauche, exagération des réflexes tendineux, diminution de la

sensibilité aux bras et avant-bras, plus prononcée au bord interne-

qu'au bord externe; enfin, abolition de la sensibilité à l'extrémité z

des doigts et au bord interne de la main.

L'auteur, dans une intéressante discussion, montre qu'une alté-

ration de la corne antérieure gauche de la moelle, à la partie

inférieure de la région cervicale, où prennent naissance les fibres

de la première racine dorsale et de la huitième racine cervicale,

rend compte de la paralysie et de l'atrophie des muscles de la

main et des fléchisseurs de la main et des doigts. Le syndrome

oculo-palpébral peut être occasionné par la même lésion, puisque

le grand sympathique, qui se-rend à la région de l'oeil, a son

origine en ce point où est le siège du centre cilio-spinal. L'exagé-

ration des réflexes tendineux dans les membres inférieurs, se

comprend si on admet que la lésion de la substance grise s'est

étendue au cordon latéral.

La diminution ou l'abolition de tous les modes de la sensibilité,

revue DE pathologie nerveuse. 437 Î

au lieu de la dissociation syringomyélique, indiquent que les

cordons postérieurs ont été envahis. Enfin, la diminution de la

sensibilité au bras et à l'avant-bras, plus prononcée au bord

interne qu'au côté externe du membre, fait supposer que la lésion

s'est propagée aux racines du plexus brachial et plus aux infé-

rieures qu'aux supérieures.

Quant à l'abolition de la sensibilité à l'extrémité des doigts et

dans la moitié interne de la main, la théorie du métamérisme de

M. Brissaud parait seule capable de faire comprendre cette locali-

sation singulière, E. B.

XXXVII. Syphilis cérébrale sept mois après l'accident primitif.

Oblitération de la sylvienne gauche, mort en trois jours. Consi-

dérations sur l'évolution clinique des lésions cérébrales préco-

ces de nature artérielle au cours de la syphilis et sur le temps

nécessaire à la production d'un ramollissement ; par le Dr CHAR-

vET. (Revue neurologique, décembre 1899.)

Il s'agit d'une femme de vingt-deux ans, ayant présenté son

accident' primitif en août 1896, et qui, après des accidents secon-

daires multiples et prolongés, fut atteinte le 5 février 1897 d'un

ictus incomplet avec gêne de la parole, se transformant le lende-

main en hémiplégie droite complète avec aphasie : mort au bout

de trois jours dans le coma avec fièvre.

A l'autopsie, rien du côté des os du crâne et des méninges, léger

épaississement des vaisseaux de l'hexagone. Noyau dur siégeant

au point d'origine de la cérébrale antérieure et de la sylvienne

gauche, ayant déterminé l'oblitération de cette dernière.

Infiltration de cellules rondes et fusiformes, surtout sous la pie-

mère et autour des vaisseaux de celle-ci; début de réaction d'en-

céphalite, surtout autour des artérioles et des capillaires de la

substance cérébrale, mais aucune des altérations décrites comme

caractéristiques du ramollissement, et surtout, pas de corpuscules

de Glüge, pas de début de transformation graisseuse au sein des

grandes cellules pyramidales.

Cette observation met en relief deux faits intéressants :

1° Au point de vue clinique, l'apparition en pleine période

secondaire d'une petite'gomme artérielle ayant entraîné l'oblitéra-

tion de la sylvienne et ayant déterminé sans prodromes un coma

' brusque avec hémiplégie droite, aphasie, phénomènes de décubi-

tus acutus et mort rapide.

2° Au point de vue anatomo-pathologique, l'existence d'une

méningo-encéphalite en évolution et l'absence de ramollissement

constatable à l'oeil nu ou au microscope, au niveau des régions

irriguées par la sylvienne oblitérée, la mort étant survenue cepen-

dant trois jours après le début des accidents, fait qui vient con-

A 4

438 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1

tredire les résultats des expériences antérieures sur le temps

nécessaire à la production d'un ramollissement. E. B.

XXXVIII. Un cas de paralysie faciale d'origine périphérique com-

binée avec une paralysie du nerf oculo-moteur. externe du même

côté; par Lad. IIASEOVER. (Revue neurologique, octobre 1899.)

Il s'agit d'une femme de trente ans, bien portante qui, trois

semaines après avoir accouché, ressentit tout à coup des douleurs

vives dans l'oeil droit et observa le lendemain que sa bouche était

oblique et sa face tuméfiée ; il y avait en outre de la diplopie.

Pas d'autre lésion. On se trouve en présence d'une paralysie faciale

périphérique, due sans doute à un processus névritique en rapport

avec la puerpéralité. E. B.

XXXIX. Note sur un cas de plaie de la région parotidienne avec

troubles dans le territoire de la branche externe du spinal :

parle Dr Batigne. (Revue neurologique, octobre 1899.)

Il s'agit d'un homme de vingt-neuf ans qui reçut un coup de

couteau en arrière de la branche montante droite de la mâchoire,

à égale distance du lobule de l'oreille et de l'angle du maxillaire.

La glande parotide fut légèrement intéressée ainsi que la bran-

che auriculaire du plexus cervical ; mais le fait le plus intéressant

consiste dans les troubles moteurs, rarement signalés en pareil

cas et occupant le domaine de distribution de la branche externe

du spinal. E. B.

XL. Contribution à l'étude de l'état et du développement des cel-

lules nerveuses de l'écorce cérébrale chez quelques vertébrés

nouveau-nés ; par le D1' Serge SOCKUANOFF. (Revue neurologique,

septembre 1899.)

Les cellules nerveuses de l'écorce cérébrale de différents verté-

brés nouveau-nés présentent beaucoup de variétés.

D'un côté, les cellules corticales chez certains mammifères nou-

veau-nés (chaton, petit lapin) sont peu développées en général et

se trouvent en grande partie en état embryonnaire ; d'un autre

côté, la structure de l'écorce cérébrale du cobaye nouveau-né

diffère très peu de celle d'un cobaye adulte normal.

Quant à la structure de l'écorce cérébrale des oiseaux nouveau-

nés, il est à remarquer qu'ici aussi il existe un phénomène ana-

logue, à savoir : les cellules corticales chez les choucas nouveau-

nés se caractérisent par un état embryonnaire très marqué ; mais

la structure de l'écorce cérébrale d'un poulet, qui vient de sortir

de l'oeuf, diffère très peu de la structure d'une poule adulte.

E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439

XLI. Syndrome de Brown-Séquard avec début d'amyotrophie

Aran-Ducheune et troubles pupillaires au cours d'une méningo-

myélite syphilitique ; par le Dr SCIIERB. (Revue neurologique,

septembre 1899.)

Il s'agit d'un malade de trente-huit ans, syphilitique, présen-

tant à droite de la thermo-analgésie, à gauche de la parésie spas-

modique, puis du myosis gauche et une atrophie, sans caractères

radiculaires bien nets, portant sur tous les muscles intrinsèques

de la main gauche et le plus grand nom-bre de ceux de l'avant-bras.

L'auteur, dans une discussion intéressante et documentée dé-

montre que cet ensemble de symptômes peut être imputé à une

lésion unique siégeant dans la partie antéro-latérale gauche du

segment cervical inférieur de la moelle, enserrant ou détruisant

la première racine dorsale gauche, interrompant le faisceau de

Cowers, comprimant en arrière le faisceau pyramidal croisé et en

dedans les groupes des cellules ganglionnaires les plus externes

de la corne antérieure. E. B.

XLII. Un cas de tubercule de la protubérance ; par C. Levaditi.

(Revue neurologique, août 1999.)

L'observation rapportée par M. Levaditi rentre dans cette caté-

gorie de faits où un syndrome défini, en d'autres termes un grou-

pement de symptômes plus ou moins systématisés, sont réalisés

par une lésion minime, n'ayant en apparence aucune relation de

cause à effet avec les troubles observés.

11 s'agit, en effet, d'un tuberculeux de trente-huit ans ayant suc-

combé quatre jours après l'apparition d'une hémiplégie droile

totale avec contracture, exagération des réflexes.

L'autopsie montra l'existence d'un tubercule de la grosseur d'un

pois. Cette tumeur, médiane, visible sur une coupe frontale inté-

ressant la partie postérieure des tubercules quadrijumeaux posté-

rieurs, occupe le territoire de la calotte et est limitée; en avant,

par les fibres les plus dorsales du pont de varole ; en arière, par

la formation réticulaire qui la sépare du faisceau longitudinal pos-

térieur ; sur les côtés, le néoplasme touche les faisceaux les plus

médians du ruban de Reil et les fibres croisées du pédoncule céré-

belleux supérieur.

L'attention est attirée par la discordance entre les symptômes

observés et les lésions trouvées. En effet, pas une seule fibre du

faisceau pyramidal gauche n'a été interrompue, pas une seule ne

montre le moindre signe de dégénérescence secondaire. Pour ex-

pliquer la genèse de l'hémiplégie, l'auteur pense que tout a été

sous la dépendance de la compression et en particulier des trou-

bles d'irrigation que la tumeur a engendrés dans le territoire du

faisceau pyramidal, au niveau du pont. - E. B.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Sur l'emploi de l'extrait de capsules surrénales dans le traite-

ment des maladies mentales; par W.-R. Dawsuy. (The Journal

of Mental Science, octobre 1901.)

Les conclusions de ce travail sont les suivantes :

1° La principale action physiologique des extraits de glandes

surrénales consiste en une augmentation de la pression artérielle,

mais ils peuvent aussi produire une action tonique sur le coeur, et

sur les muscles en général, et peut-être, une certaine diminution

du métabolisme ; -

2° En raison du caractère passager des effets produits par les

injection intraveineuses de l'extrait de capsules surrénales, cet

extrait doit être administré par la bouche si l'on veut obtenir une

action un peu durable.

Il est à noter que l'auteur n'a jamais constaté que la digestion

ait été troublée par des doses modérées ;

3° A la fois pour des raisons a priori et par suite des résultats

expérimentaux obtenus, cet extrait parait indiqué dans les états

d'excitation et d'exaltation, dans lesquels ou constate ordinaire-

, ment un abaissement de la pression sanguine ;

4° Dans la plupart des cas il sera probablement nécessaire de

l'administrer pendant un certain temps si l'on veut obteuir des

effets bien nets, tout au moins lorsque l'excitation est violente;

5° Bien que l'état de la pression sanguine fournisse, en règle

générale, une indication commode de l'emploi de ce médicament,

une pression sanguine forte ne le contre-indique pas absolument,

si l'on a des raisons de penser qu'elle n'est pas associée à l'état

mental, car une pression anormalement élevée peut être encore

inférieure à la moyenne chez un sujet donné ;

0° L'extrait surrénal ne parait devoir rendre aucun service dans

les cas de mélancolie, ni partout où il existe une stupeur accen-

tuée ;

7° Il parait donc probable en somme que la forme de folie dans

laquelle ce traitement sera le plus utile est la manie aiguë d'ori- '

gine suffisamment récente et sans complication de stupeur. -

Toutefois, jusqu'à ce que ces conclusions aient été confir-

mées par l'observation ultérieure, elles ne doivent être considé-

rées que comme une tentative destinée à ouvrir la voie à d'autres

observateurs. IL DE MUSGRAVE-CLAY. '

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 441

II. Le séjour au lit des aliénés, son emploi et son rôle

thérapeutique ; par W.-P. Ossirow(06o;»,CT ! é psiclaiutoü, V, 1900).

Revue générale détaillée de la question et 18 nouvelles observa-

tions personnelles. '

Conclusions. 1° L'alitement des aliénés n'est pas nouveau, ce

qui est nouveau, c'est son application systématique à une impor-

tante catégorie d'aliénés; 2° la majorité des documents biblipgra-

phiques sur la question, qui dans ces derniers temps ont foisonné,

témoignent plutôt de l'impression générale de l'observateur que de

l'étude systématique de l'influence que l'alitement exerce sur

chaque malade et sur chaque forme de maladies mentales ; 3° c'est

cette étude qui importe ; 4° les considérations administratives doi-

vent être reléguées au second plan, l'utilité de l'alitement pour le

malade doit primer; an y joindre des mesures coercitives c'est en

faire du restreint qui doit être exclu de la pratique ; 6° il faut

condamner aussi tous procédés trop énergiques, dangereux et sou-

vent cruels, tels que le drap mouillé, les narcotiques violents, etc.,

appliqués au malade pour le maintenir au lit; 7° les indications et

contre-indications de l'alitement, n'ayant pas été élaborées assez

exactement, sont fréquemment empreintes du caractère de vagues

généralités ; 8° et cependant rien de plus important que de les

préciser, car il est démontré que l'alitement a des effets variables : -.

aux uns il est profitable, aux autres il est indifférent, à d'autres

enfin il est nuisible ; 9° on doit se guider, en outre des indications

somatiques, sur : l'excitation du malade, sa dépression, et leurs

degrés; ces indications sont les plus importantes mais elles ne sont

pas absolues; 10° la tendance à des actes agressifs, la malpropreté,

l'insomnie et le refus de nourriture, sont des indications de second

ordre et souvent purement relatives ; 11° l'alitement en un très

grand nombre de cas n'améliore pas le sommeil des malades,

parce que fréquemment il fait dormir le jour au détriment du som-

meil de la nuit et de sa profondeur; 12° il s'en faut de beaucoup

qu'il exclue l'administration des soporifiques; 13° il constipe sou-

vent ; Ho souvent il fait diminuer le malade de poids; lo° il

n'exerce pas d'influence essentielle sur l'appétit; 16° il rend plus

difficile la lutte contre l'onanisme : d'après quelques auteurs il

favoriserait même l'onanisme ; 17° la plupart des malades s'y sou-

mettent sans contrainte, quelques-uns fort volontiers : parmi ceux

qui y sont soumis, les uns manifestent longtemps leur déplaisir, les

autres témoignent de leur antagonisme à ce régime ; il en est que

'on ne réussit pas du tout à faire coucher; 18° quand le malade

s'y soumet aisément et volontiers, fort souvent cela coïncide avec

une influence favorable de l'alitement sur l'état mental et physique;

19° tout ce qui vient d'être dit doit être pris en considération pour

déterminer le profit, et, par suite, l'utilité de l'alitement pour le

442 - REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. -

malade ; 20° les malades qui y sont soumis, même malgré eux, s'y

habituent tellementque, revenus au régime ordinaire, ils cherchent

les occasions de se coucher un peu pendant le jour ; quelques-uns

pendant les premiers temps, demandent à se recoucher ; 21° il ne

convient pas de soumettre trop longtemps les aliénés à l'alitement,

il importe de le supprimer dès qu'on en entrevoit lapossibilité mé-

dicale ; 22° l'alitement permet de soigner plus facilement les gâteux,

de surveiller plus aisément les malades ; 23° il n'exclut pas l'isole-

ment ; 24° c'est un agent thérapeutique auxiliaire pour une cer-

taine catégorie d'aliénés; 23" l'alitement en des chambres séparées,

dont on maintient les portes ouvertes, est, dans bien des cas, pré-

férable à l'alitement en des salles communes : souvent tel malade

qui refuse de se coucher dans la salle commune se couchera volon-

tiers dans la chambre à part; celle-ci est indispensable aux ma-

lades à qui ne convient pas le séjour en la salle commune, pour

une cause quelconque, aux malades irritables, défavorablement

impressionnés par la promiscuité, convalescents, etc., ainsi qu'à

ceux dont la présence agit défavorablement sur les autres; 26° l'ali-

tement doit être adapté à chaque malade individuellement ; 27° le

séjour au lit ne sera pas continu ; il sera assaisonné de promenades,

de quelques occupations et distractions; 28° il serait. encore pré-

maturé de dire que l'alitement accélère et influence favorablement

l'évolution et l'issue des psychoses; 29° il faut aliter séparément

tranquilles, agités, malades atteints d'affections somatiques et gâ-

teux ; 30° tous les établissements d'aliénés peuvent introduire

l'alitement, sans modifier la disposition essentielle de leur archi-

tecture ; 31° ceux qui sont à l'étude et dans lesquels on projette

d'appliquer l'alitement, ne devront pas être privés de cellules.

P. KERAVAL.

11f. Traitement de l'épilepsie par la sympathectomie,par JAnoULAY y

et LANNOIS. (Revue de Médecine 1899.)

Le traitement de l'épilepsie par la sympathectomie avait déjà

été tenté par Alexander, Baracz, Ilaumel, Jacks, Jaboulay, Jou-

neiro. Les résultats avaient donné des améliorations, mais sou-

vent aussi des états stationnaires et des aggravations. Dernière-

ment MM. Jaboulay et Lannois ont pensé devoir les rechercher

et ont appliqué cette méthode sur 16 sujets. Un cas de guérison

fut particulièrement net chez un sujet de dix-huit ans atteint

depuis longtemps de crises d'épilepsie, mais présentant en même

temps des signes manifestes d'hystérie. D'autres améliorations

notables furent obtenues chez des malades, mais ces malades

étaient à la fois hystériques et épileptiques et ici les résultats

favorables donnés par la sympathectomie perdent beaucoup de

leur valeur. Il faut ici tenir compte du choc opératoire et se deman-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. -3

der si l'amélioration n'est pas plutôt due à des phénomènes d'auto-

suggestion. ,

D'ailleurs, chez les épileptiques francs, les résultats obtenus ont t

été très peu favorables. De leurs recherches, les auteurs croient

devoir conclure qu'il faut renoncer à espérer une amélioration

sérieuse de l'épilepsie par l'ablation du sympathique. M. IL

IV. Le traitement de la tuberculose dans les asiles; par Lionel

A. WEATUËRLY. (The Journal of Mental Science, janvier 1901.)

Ce travail est lui-même une analyse de celui de l'auteur, qui

prend pour point de départ de son étude la déclaration de Sir

James Crichton Browne, que « la phtisie fait dans les asiles plus

de ravages qu'elle n'en devrait faire »,et qui ajoute que « dans une

proportion considérable de cas, c'est dans l'asile même qu'elle est

engendrée et propagée ». Pour remédier à ce fâcheux état de

choses, l'auteur indique et propose une série de mesures à la fois

minutieuses et judicieuses, qui n'ont d'ailleurs rien de nouveau

que leur application si elle venait à se réaliser. -

- ' R. de IUSGRAVE.CLH.

V. Traitement moderne de la folie ; par Seymour TUKE. (Brit. med.

· Joum., octobre 1901.)

L'auteur résume un certain nombre de desiderata qui, en Grande-

Bretagne comme ailleurs, sont réclamés par ceux qui ne considè-

rent pas la législation actuelle comme satisfaisante. Citons l'inter-

vention d'assesseurs médicaux en justice pour l'examen des incul-

pés, le sursis à l'internement déclaré et la mise en observation

manicomiale pour un semestre en cas douteux. L'étude plus géné-

rale de la psychiatrie par les médecins; la prophylaxie sociale de

la folie à substituer à son assistance, et en attendant les soins

rapides aux aliénés aussi près que possible du début du mal.

VI. Le traitement du goitre exophtalmique, par le D1' Libotte.

(Journal de Neurologie, 1899, n° 25.)

Partant de cette idée que tous les symptômes du goitre exophtal-

mique sont dus à une sécrétion exagérée de la glande thyroïde,

M. Libotte conseille de combattre cette affection par l'application

des courants continus à hautes intensités. L'électrode positive doit

être placée sur la nuque, la négative sur le goitre : on portera

progressivement l'intensité du courant à 30 et 35 milli-ampères.

Le traitement dure de deux à trois mois avec des séances quoti-

diennes. En faisant rétrocéder le goitre, l'électricité déterminerait

une hyposécrétion de la glande qui aurait pour conséquence la

disparition de tous les accidents.

444 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Vit. L'usage et l'abus des voyages dans le traitement des troubles

mentaux; par G. H. S1YAGE. (The Journal of Mental Science,

Avril 1901.) - -

L'auteur estime que l'on abuse des voyages dans le traitement

des aliénés, et il est surtout frappé de voir que ce mode de traite-

ment n'est pas appliqué spécialement à telle ou telle forme

d'aliénation mentale, mais indistinctement à toutes. Il y a plu-

sieurs raisons pour faire voyager les aliénés; la première, peut-

être c'est qu'on est débarrassé d'eux pour un certain temps; la

seconde, c'est qu'on évite ainsi le certificat d'aliénation mentale et

l'internement; la troisième, la seule sérieuse au point de vue mé-

dical, c'est que les voyages constituent un traitement précis de

certains états morbides précis : l'auteur laisse de côté les malades

dont l'état somatique rend un voyage utile pour ne s'occuper que

- de ceux à qui le voyage est conseillé comme traitement d'un état

mental, et il est d'avis que le groupe formé par ces derniers ma-

lades est ou devrait être très peu nombreux. Le voyage maritime

qui, par sa durée et la diversité des milieux où il évolue, est ici

manifestement le voyage idéal, aura l'avantage de renouveler

l'ambiance et de libérer totalement le malade des soucis de famille

et des préoccupations d'affaires : ce sera parfait s'il s'agit d'un

neurasthénique, s'il faut remonter un système nerveux épuisé;

mais il y a. une différence entre l'épuisement nerveux et la perver-

sion mentale. Tous ceux qui ont expérimenté le traitement clas-

sique de Weir Mitchell savent que, la frontière de la folie une fois

franchie, ce traitement n'a plus d'avantages et ne donne plus que

des mécomptes.

Il convient aussi de considérer les causes du trouble mental ; et

si le voyage peut être utile, par exemple, à un mélancolique devenu

tel par chagrin d'amour, croit-on qu'il le sera également dans un

cas de profonde mélancolie religieuse avec terreur de damnation

éternelle. -

Enfin, pour être plus précis, l'auteur proleste contre la pratique

très répandue de faire voyager les mélancoliques pour deux rai-

sons, dont la première pourrait suffire : 1° parce qu'ils ne retirent

du voyage aucun résultat favorable; 2° parce que les dangers

auxquels ils sont exposés sont augmentés : n'y aurait-il que les

risques et les facilités de suicide dans un voyage maritime, ce serait

presque assez pour la faire exclure. Risque de suicide à part, d'ail-

leurs, le chemin de fer et le séjour dans les grandes villes étran-

gères ne valent guère mieux : il faut plaindre les malheureux

mélancoliques qu'on traîne malgré eux des promenades publiques

au théâtre ou au concert. Encore une fois le mélancolique, outre

qu'il est presque toujours somatiquement malade, a surtout besoin

de tranquillité.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 4 Ik 5

Dans quelques cas d'affaiblissement de la volonté, de folie du

doute, ou encore chez les personnes qui, après avoir eu l'habitude

de beaucoup voyager, présentent une simple faiblesse mentale ou un

peu de dépression, les voyages pourront être utiles; ils le seront

aussi dans la convalescence ou après la guérison des troubles men-

taux. Mais ici encore il faut être prudent, et se souvenir que les

suicides sont aussi fréquents dans la convalescence de la folie que

pendant la période d'aliénation. Il est à peine nécessaire de dire

que les agités et les maniaques ne doivent pas voyager, mais il

faudrait pratiquer la même abstention à l'égard des nombreux

malades auxquels on applique l'étiquette hystérique. Les ma-

lades auxquels les voyages sont le plus nuisibles sont assurément-

les paralytiques généraux. M. Savage pense qu'il ne faut jamais

les faire voyager; et pour conclure, l'auteur déclare que, à son avis,

on fait voyager beaucoup d'aliénés qui feraient incomparablement

mieux de rester chez eux. R. de Musgrave CLAY.

Vltl. Note sur l'action excitante de l'antipyrine ; par FÉRÉ. (Journal

de Neurologie 1901, n° 22.)

Neuf séries de quatre ergogrammes séparés par une minute de

repos, dont on trouvera la relation clans cette note, ont démentie

à l'auteur que l'antipyrine possède une action excitante mais.que

comme tous les excitants, cette substance précipite l'accumulation

de la fatigue, c'est-à-dire qu'elle aboutit, à la diminution de l'exci-

tabilité, d'autant plus vite qu'on l'emploie à plus haute dose. C'est

avec les hautes doses d'antipyrine que l'on arrive à calmer l'agi-

tation choréique et quelquefois les décharges épileptiques.

IX. Le traitement des aliénés par le repos au lit; par le Dr\VlzEL.

(Annules 711édicr¡.ps ! }hcologiques, avril 1901.)

La sphère des indications pour la méthode du traitement par le

repos au lit est très vaste. Il faut appliquer l'alitement dans tous

les cas oùil s'agit, soit d'épargner les forces physiques du malade,

soit d'épargner ses forces psychiques, soit pour le surveiller stric-

tement, soit enfin pour diminuer son excitation.

En appliquant la méthode « du traitement par le repos au lit »,

les uns s'efforcent de traiter les malades les plus variés, sans égard

à leur état psychique, dans les salles communes; les autres

séparent les malades tranquilles des malades excités, et pour cha-

cune de ces deux catégories de malades créent des salles dis-

tinctes de surveillance.

Quant aux malades furieux, qui ne se calment pas dans la salle

de surveillance, malgré l'alitement, malgré les médicaments cal-

mants, malgré les enveloppements et les bains, tous les aliénistes,

qui font usage de la méthode du traitement par le repos.au lit,

446 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

1

sont d'accord que de pareils malades doivent être placés dans les

chambres particulières, et toute la différence entre les opinions

des divers auteurs consiste en ce que, tandis que les uns ont de

la répugnance à recourir à ce moyen, le considérant toujours

comme une cruauté (ainsi que Neisser), les autres, bien que rare-

ment, l'appliquent cependant assez volontiers, ne voyant rien'

d'inhumain à placer le malade dans une chambre particulière, du

moment qu'on prend en considération le principe de surveillance

et d'alitement.

A priori, il semble impossible qu'on puisse garder au lit et

accoutumer à être tranquillement couchés les malades excités,

surtout les malades dits furieux. '

Mais l'expérience apprend que les malades, même les plus exci-

tés, se calment au lit.

L'influence sédative du lit dépend de plusieurs conditions.

Avant tout, l'alitement diminue la quantité d'excitants extérieurs,

et par conséquent il procure au cerveau du repos. On peut

admettre aussi que l'aliéné étant enclin à l'imitation, le calme des

uns peut lui-même se communiquer aux autres. En outre, malgré

toute l'excitation du malade, au fond de sa conscience repose tou-

jours le sentiment d'une maladie grave, le sentiment d'impuissance

et du besoin du salut; par conséquent il accepte avec gratitude

l'occasion qni se présente pour recouvrer le calme. Enfin, l'alite-

ment régularise la circulation, ce qui peut de même produire un

effet favorable sur l'état mental du malade.

L'auteur applique la méthode de l'alitement depuis six mois et,

grâce à elle, a obtenu des résultats admirables. A partir du moment

de son application et de l'abolition des moyens coercitifs (camisole,

cellule), l'aspect du service s'est entièrement modifié : les cris, le

vacarne, ont fait place au calme relatif. Grâce à cette méthode,

l'asile perd la physionomie d'une maison de fous et devient sem-

blable à tout autre hôpital.

M. Wizel estime non fondés les reproches faits par quelques

médecins russes au traitement par le repos au lit, à savoir que les

malades traités au lit perdent de leur poids, qu'ils souffrent de la

constipation, qu'ils se livrent à la masturbation et s'habituent tel-

lement à rester couchés qu'il est fort difficile de les ramener à

l'ancien régime; après l'expérience qu'il en a faite, l'auteur est

devenu le plus ardent partisan de la méthode du traitement par le

repos au lit. E. BtJN.

X. Quelques points du traitement des aliénés chroniques ; par

Francis 0. Simpsons. (l'he American Jouioanl of hasanity, 1901,

p. 601-614.) -

On a fait davantage, dit l'auteur, pour les cas de folie aiguë que

pour les malades chroniques. Il envisage alors successivement :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 447

les mesures hygiéniques (bâtiments, personnel, utilisation des

malades, système d'éclairage, de ventilation, etc.), le traitement

diététique (le régime des tuberculeux, le régime végétarien des

épileptiques, l'usage de l'alcool et du lait) et enfin le traitement

médical (en particulier dans les cas de turbulence et d'insomnie).

Sa conclusion est qu'en somme ce qui 'manque pour réaliser les

améliorations demandées pour chacun de ces points, c'est avant

tout un nombre suffisant de gardiens. Simon.

XI. Sur les lésions cellulaires corticales observées dans six cas de

troubles mentaux infectieux; par le Dr ! II. IeonE. (Revue Neuro-

logique, décembre 1899.)

L'auteur communique les résultats de l'étude de deux nouveaux

cas de troubles mentaux, d'origine toxi-infectieuse, à forme de

confusion mentale, accompagnés de lésions cellulaires corticales.

Comme dans deux cas'publiés précédemment, les caractères prin-

cipaux des lésions cellulaires corticales sont : gonflement de la cel-

lule qui prend une forme globuleuse et arrondie ; disparition des

grains chromophiles; éclaircissement du centre de la cellule;

migration périphérique du noyau. Cette altération est absolument

généralisée dans un cas où, d'ailleurs. les signes cliniques furent

très accusés; elle est plus discrète dans le second cas où les signes

cliniques furent moins accusés. Les observations faites d'autre part

par l'auteur dans le délire au cours des maladies aiguës, tendent

à faire considérer ces lésions cellulaires comme en relation avec

l'empoisonnement d'un organisme fébricitant, infecté, intoxiqué,

et présentant, pour ces raisons, les accidents cliniques qui consti-

tuent le tableau du délire des maladies aiguës et la confusion

mentale.

Considérant que les grandes cellules pyramidales sont suscep-

tibles, comme les cellules spinales, de dégénérer, de s'atrophier et

de disparaître à la suite de la section ou de la lésion de leur pro-

longement périphérique; qu'il est possible, et même vraisem-

blable, que cette atrophie s'accompagne des mêmes aspects mor-

phologiques dans les cellules cérébrales et dans les cellules

- spinales, il y a lieu de présumer l'origine secondaire des lésions

cellulaires cérébrales observées. E. B.

XII. Tic de déglutition chez un hystérique.-Traitement et guéri-

son. - Considérations; par le Dr P. liA[tl'EN13EIIG. (Revue de psy-

chologie clinique et thérapeutique, juin 1899.)

L'auteur a été appelé à donner ses soins à un hystérique, atteint,

entre autres accidents, d'un tic de déglutition se produisant dans

les conditions suivantes : le malade ressentait constamment dans

le pharynx une impression de gêne et d'obstruction; en même

1 ? 8 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

temps, il éprouvait un impérieux besoin d'avaler, auquel il obéis-

sait fréquemment par la déglutition d'une faible quantité de salive ;

le mouvement se répétait environ toutes les cinq minutes : le sujet

ne pouvait l'empêcher qu'avec peine pendant quelques minutes,

au bout desquelles le spasme se reproduisait avec plus de fré-

quence et d'intensité. M. Hartenberg usa d'abord sans succès de

l'électrisation à dose suggestive ; il recourut ensuite au procédé

suivant : lorsque le besoin d'avaler se faisait sentir, le malade

devait ouvrir rapidement la bouche et faire une large inspiration;

par cette simple manoeuvre, lui affirmait M. Hartenberg, l'envie-

d'avaler se passerait de suite. Ce conseil était basé sur ce fait phy-

siologique que le mouvement de déglutition n'est possible que la

bouche fermée, et que l'inspiration pulmonaire le contrarie. Un

premier essai fait sous la surveillance et la direction de l'auteur

fut pleinement couronné de succès ; le malade se rendit compte

qu'il avait en son pouvoir le moyen de se guérir; soutenu par cette

confiance et par la constatation des résultats déjà obtenus, il con-

tinua ses exercices thérapeutiques ; en quelques jours, la guérison

était complète ; elle persistait six mois plus tard.

L'auteur fait observer que, dans ce cas, l'amélioration rapide

ohtenue parait devoir être attribuée plutôt à la modification de

l'état mental du sujet, de son état affectif fondamental, qu'à la

production d'une action antagoniste ou mieux contrariante, créée

par des exercices méthodiques et volontaires. Le premier résultat

obtenu par le procédé thérapeutique employé a été le relèvement

de la confiance chancelante du malade, à la suite de la réussite de

ses premiers essais. L'état affectif du sujet marqué d'abord par la

tristesse, la dépression, est passé ensuite à la joie, à l'espérance et

la guérison est survenue à la faveur de ces émotions stliéniclues.

« C'est à la modification de l'état mental, écrit M. Hartenberg, que

nous devons attribuer les succès rapides obtenus chez les hysté-

riques, mais cette modification est indirecte; elle se fait par l'in-

termédiaire du procédé utilisé par l'opérateur; ce procédé, c'est le

clou auquel s'accroche l'espoir du malade ; c'est la fissure par

laquelle la conscience s'infiltre à nouveau dans son coeur. Et si

l'on songe combien sont impressionnables et versatiles les cer-

veaux des hystériques, on comprendra toute la sollicitude que

méritent ces petites manoeuvres préparatoires qui paraissent indif-

férentes et sont, en réalité, capitales pour le succès définitif de la

cure. A. Fenayrou.

Asile d'aliénés de 11' : 1YARItE, près Evrcux. Le Conseil municipal,

par 15 voix contre 3, a voté le refus de l'autorisation aux soeurs

de l'asile d'aliénés.

NÉCROLOGIE.

Le 4 septembre 1902 s'éteignait il Paris, à l'âge de quatre-vingts

ans, après une longue et douloureuse maladie, entouré de l'affec-

tion des siens et de la vénération de tous, le Dl' Henri Dagonet,

médecin honoraire de l'Asile clinique, professeur agrégé de

l'ancienne faculté de médecine de Strasbourg. Il était un des repré-

sentants les plus distingués de la psychiatrie française.'

IL Dagonet, né le 3 février 1823 à Châlons-sur-Marne, avait été

reçu docteur en médecine de la Faculté de Paris, le 11 mai 1849,

après de solides études médicales, terminées par la soutenance

Archives, 2' série, t. XIV. 29

Le Dr H. DAGONET

Médecin honoraire de l'Asile clinique (Ste-Anne.)

450 NÉCROLOGIE.

d'une thèse très remarquée ayant pour titre : Des considérations

médico-légales sur l'aliénation mentale. Cette thèse révélait chez le

jeune docteur une vocation bien arrêtée pour les études de psychià-

trie. Fils de Grégoire Dagonet, créateur de l'Asile'de Châlons-sur-

Marne, qui a laissé un nom justement estimé de médecin remar-

quableet d'administrateur hors ligne, IL Dagonet avait été orienté

de bonne heure vers la psychiatrie. Déjà, en 1848, il avait rempli

les fonctions d'interne à l'asile'd'aliénés de Fains (Meuse). C'est là

qu'il eut la bonne fortune d'avoir pour maitre Reuaudin, qui avait

fait de la science médico-administrative son étude de prédilection

et à qui les aliénés doivent bien des mesures généreuses et tuté-

laires. C'est sous sa savante direction que le jeune disciple, qui

avait appris de son père il aimer les aliénés et qui avait trouvé en

lui un premier éducateur, affirme avec autorité qu'un médecin

aliéniste ne saurait se confiner étroitement dans des étude spé-

culatives s'il veut réellement être à la hauteur de sa mission.'

L'enseignement de Renaudin, de qui il resta l'ami, devait d'ail-

leurs exercer sur la carrière de IL Dagonet la plus heureuse

influence, car les travaux et les luttes administratives qu'il entre-

prit parfois, montrent à quel point il se préoccupait non seulement

du sort moral, mais aussi du sort matériel des aliénés. C'est lui qui

plus tard, en 1863, s'occupa le premier du couchage des gâteux et

imagina une toile imperméable vulcanisée dont l'usage se répandit

rapidement. Un mois après sa thèse, le 20 juin 1849, il était nommé

interne à Maréville (Meurthe). Le 5 juillet 1850 ses travaux scienti-

fiques et la connaissance approfondie qu'il possédait de la langue

allemande le désignèrent, malgré son jeune âge. pour le poste de

médecin en chef de l'asile d'aliénés de Stephansfeld, rendu vacant

par la démission de Roederer. Il n'avait alors qu'un an de doctorat.

Depuis cette époque, H. Dagonet travailla sans relâche, comme le

prouvent ses nombreuses publications. Le 15 novembre 1853, il

prenait part au concours d'agrégation en médecine ouvert devant

la Faculté de Strasbourg. Ses protecteurs redoutaient pour lui un

insuccès, ainsi qu'en témoigne la correspondance privée trouvée

après sa mort. Ses concurrents étaient en effet redoutables. Il fut

néanmoins nommé dans la section de médecine à la suite d'un

brillant concours et après avoir soutenu une thèse sur La respira-

lion et l' hématose dans les maladies. Il entra en fonctions par arrêté

du 15 janvier 1854. Ce fut à ce concours que Koeberlé et Hergott

furent nommés dans la section de chirurgie et Léon Coze dans la

section des sciences accessoires.

En 1858, il la suite d'un rapport élogieux de Legrand du Saulle,

il fut nommé membre correspondant de la Société médico-psycho-

logique de Paris, qu'il devait présider plus tard, en 1885. Dès 1849,

25 juillet, il avaitété nommé membre de la Société de médecine du

département de la Moselle, et le 14 mars 1851 il entrait comme

H. DAGONET. 451

, .

membre correspondant à la Société de médecine de Strasbourg.

Les membres de la Société académique de ChàIons, des Sociétés de

médecine de Nancy et de Metz, de Goettingen, etc., le reçurent

également dans leurs rangs.

Le rôle que Dagonet joua à la Faculté de Strasbourg fut consi-

dérable. Il inspira de nombreuses thèses sur l'aliénation mentale,

mais il eut surtout le mérite de' fonder à Strasbourg le premier

enseignement officiel de psychiatrie. Ses cours furent également

suivis par les élèves de l'Ecole de santé militaire et tous les mé-

decins de l'armée qui ont passé par Strasbourg se rappellent cet

enseignement clair, précis, méthodique, dépouillé de lotit caractère

doctrinal, professé à l'amphithéâtre de la Faculté et au lit du ma-

, lade, si utile aux médecins de l'armée, qui ont à juger il chaque

instant l'état mental de jeunes soldats traduits devant les tribu-

naux militaires. Comme l'a dit le Dl' Picqué, dans l'allocution pro-

noncée à Verdun, il est regrettable que l'Université de Paris ne se

soit pas appliquée à continuer après la guerre de concert avec le

ministre de la guerre, l'oeuvre du Dr Dagonet. D'ailleurs les mem-

bres du Congrès de Marseille, il y a trois ans, ont manifesté le

regret qu'il n'y ait pas dans l'armée d'aliénistes militaires. Nous

devons rappeler que Dagonet a eu des imitateurs en Russie, etque

dans ce pays il existe depuis quelques années un asile d'aliénés

militaires où les médecins de l'armée russe viennent se perfec-

tionner dans cette branche importante de nos connaissances.

Dagonet a eu le bonheur dans sa carrière d'avoir des relations

scientifiques de premier ordre : Ferrns, Reiiaudin, Morel, Lasègue,

Janet, ont été ses conseillers et ses amis, et sa correspondance

privée contient de nombreuses lettres où l'on voit toute l'affection

et toute l'estime que ces savants avaient pour lui. Mittermaïer,

l'un des jurisconsultes les plus remarquables de l'Allemagne mo-

derne, professeur il la Faculté de droit de Heidelberg depuis 1821,

était en relations scientifiques suivies avec lui. Ce représentant du

parti libéral en Allemagne, qui après Sadowa s'était séparé avec

éclat du parti prussien, était bien fait pour s'entendre avec Dago-

net dont la situation à Strasbourg, aux portes de l'Allemagne, avait t

développé les sentiments patriotiques en même temps qu'elle lui

rendait naturelles et faciles les relations scientifiques avec les pro-

fesseurs les plus estimés des pays de langue allemande. Mittermaïer

s'occupa avec passion de toutes les questions médico-légales concer-

nant les aliénés, il s'inspira de la grande pratique et de l'expérience

consommée de Dagonet, auprès de qui il revenait chaque année.

Dans les nombreuses publications qu'il a faites sur ce sujet, le nom

de Dagonet est cité à chaque ligne. Schiile, le savant médecin de

l'asile d'Illenau, dans le Grand-Duché de Bade, lui demanda en 1894,

une préface à son Traité d'aliénation mentale, qui venait d'être

traduit en français par les soins du D1' Jules Dagonet, son fils,

452 - - NÉCROLOGIE.

aujourd'hui médecin en chef de l'Asile clinique, et du Dr Du-

hamel ; et l'on peut voir dans la préface du médecin allemand

la haute estime dans laquelle il tenait notre compatriote.

En 1862, il publia en même temps que Marcé, un Traité des ma-

ladies mentales ; bien que cet ouvrage n'ait pu être traduit, il a

pourtant, à l'époque où la science française projetait sur le monde

entier un glorieux rayonnement, servi de bréviaire à tous ceux

qui à l'étranger parlaient notre langue. Son premier commenta-

teur, le De Rousseau, a dit de ce livre : « Cet ouvrage constitue le

premier inventaire de la science psychiatrique, dont il constate les

richesses en même temps qu'il en signale les imperfections. »

L'histoire du crétinisme et de ses rapports avec le goitre avait été

confiée à la plume savante de Koeberlé. Le chapitre relatif à l'ad-

ministration des asiles a été écrit par le D1' Renaudin, le maître de

IL Dagonet. Cet ouvrage, de 816 pages, a eu 3 éditions, la 2° en

1870, la 3° en 1894, et bien que son fils et son ancien interne Du-

hamel, se soient imposé la pieuse mission de la mettre au courant

des idées actuelles, l'auteur a voulu écrire de sa main, déjvtrem-

blante, tout le chapitre relatif à la médecine légale de l'aliéné,

dans laquelle il avait acquis en Alsace par ses fonctions d'expert

une expérience consommée.

En 1807, le 4 février, IL Dagonet, après être resté dix-sept ans à

Stéphansl'eld, était nommé médecin en chef de l'asile Sainte Anne

à Paris, asile récemment ouvert. Il avait eu il cette époque de

nombreux et d'éminents compétiteurs mais il avait dû surtout sa

nomination à sa situation universitaire, qui avait déterminé le

baron IIaussmann, préfet de la Seine, à le choisir entre tous. La

situation de l'asile Sainte-Anne au début mérite d'être rappelée

ici : L'asile comprenait deux services, qui furent donnés au

Dr Lucas, de Paris, et au Dr Dagonet, de Stéphansfeld. Tous deux

avaient la situation de médecin en chef de classe exceptionnelle.

Un bureau central d'examen des aliénés du département, annexé

il l'asile, avait à sa tête le Dr Girard (de Cailleux), inspecteur

général du service des aliénés, chargé en outre de remplir tempo-

rairement les fonctions de Directeur. Enfin, un pharmacien en chef

Les deux médecins en chef avaient chacun un interne en médecine

et un interne en pharmacie. Le D1' Girard (de Cailleux) avait sous

ses ordres deux médecins-internes, les DI, Magnan et Bouchereau.

A cette époque, les médecins-internes n'avaient aucun pouvoir,

M. Girard (de Cailleux) signait tous les certificats (immédiats ou de

quinzaine) et statuait même sur les propositions de répartition,

faites par les médecins-internes, dont le rôle se bornait à examiner

les malades et à les proposer à la répartition. Cette situation ne

tarda pas, heureusement, à changer. En 1870, après la retraite de

Girard (de Cailleux), les deux médecins-internes devenaient méde-

cins-répartiteurs, et médecins en chef en 1879.

- H. DAGONE'r. ' " 453

En 1877, des conférences cliniques de pathologie mentale furent

organisées à l'Asile par les soins des médecins. Des raisons que

nous n'avons pas à rappeler ici les firent rapidement interrompre.

Henri Dagonet se confina dès lors, à Sainte-Anne dans son rôle

exclusif de médecin d'asile ; se rappelant les traditions de son père

Grégoire Dagonet et de son maître Renaudin, il se dévoua avec

passion aux aliénés. Il eut parfois des luttes vives à soutenir, luttes

dans lesquelles il triompha toujours, tant étaient grands son désin-

téressement et son dévouement aux;malades. Il empêcha, de concert

avec les Dr" Loiseau et Lucas, malgré M. Husson, directeur de

l'Assistance, publique, le rattachement des asiles à l'assistance

mesure qu'il considérait comme préjudiciable aux aliénés.

Pendant la guerre de 1870, et malgré la Commune, il resta

en fonctions à l'Asile et transforma son service en ambulance.

Il eut le grand honneur, comme président de la Société médico-

psychologique de remettre le monument de Ph. Pinel à la Ville de

Paris, en 1885. Le 13 juillet 1882, il recevait le ruban rouge; le

17 mai 1888, atteint par la limite d'âge, il quittait définitivement

ses fonctions pour devenir médecin honoraire.

Son oeuvre fut considérable. Nous avons déjà parlé de son traité

classique La Gazette médicale de Strasbourg , les Annales médico-psy-

chologiques, de 1848 à 1893, contiennent un grand nombre de ses

articles. Nous devons surtout rappeler ici les Rapports médicaux sur

l'asile de Stepleazsfelcl publiés dans la Gazette médicale de Stras-

bourg de 1851 à 1860. Ce sont des modèles dans lesquels l'auteur

montre à la fois ses connaissances approfondies en médecine men-

tale et ses qualités d'administrateur. Leur ensemble forme un véri-

table traité de médecine et de science médico-administrative, tou-

jours utile à consulter. Il avait publié en 1855 une Etude statis-

tique remarquable sur l'aliénation mentale clans le département du

Bas-Rhin. Le D1' Erlenmeyer, un des fondateurs du Correspondenz-

Blatt flin Psychiatrie appréciait cette étude dans les termes sui-

vants : « C'est avec joie que nous l'avons reçue de l'auteur, dont

les rapports sur l'asile de Stéphansfeld sont toujours lus par nous

avec le plus grand intérêt, parce qu'ils abondent en observations

exactes et qu'ils témoignent d'un jugement sain et élevé. Elle est

le résultat d'un immense labeur et de soins infinis. Puisse notre

patrie allemande suivre l'exemple qui nous est donné par cette

statistique du Bas-Rhin, la première qui ait été faite, et combler la

lacune qui existe actuellement en nous faisant connaître le nom-

bre des aliénés dans les différents pays allemands. » Erlenmeyer

publiait en 1863 un ouvrage sur les établissements publics et pri-

vés d'aliénés dans tous les pays d'Europe. C'est à II. Dagonet qu'il

s'adressa pour réviser le chapitre concernant la France.

Enfin, nous signalerons les études publiées par IL Dagonet sur

les Réformes à introduire dans la loi 1838. Cette loi, qui donnait

4S4 NÉCROLOGIE.

satisfaction aux intérêts de l'époque, n'était pas sans inquiéter bien

des esprits. Mû par les sentiments les plus libéraux, il a su formuler

avec talent, en termes précis, et avec l'autorité que lui donnait une

longue expérience, une série de voeux destinés àassurer la garantie

des intérêts sociaux tout en prévenant le danger des séquestrations

arbitraires, problème qui passionne encore et à juste titre tous les

esprits de notre époque. D'autres, plus compétents, diront le rôle

important qu'il a joué dans les débats passionnés qu'a soulevés

l'application de cette loi. Qu'il nous suffise de rappeler ici que

IL Dagonet demandait des garanties plus larges pour la liberté

individuelle, une intervention plus active de la justice afin d'éviter

les séquestrations arbitraires, et aussi la création d'une Commis-

sion supérieure des aliénés, composée d'administrateurs et de mé-

decins. Cette commission devait donner son avis sur toutes les

affaires que lui soumettrait le Gouvernement, statuer sur les récla-

mations des intéressés, et en même temps se tenir au courant des

améliorations apportées au régime des aliénés chez les diver ses

nations. Il demandait en somme un rouage intermédiaire entre

l'asile et l'autorité qui régit l'asile et dont il peut être nécessaire

de réprimer les abus.

On peut dire, en résumé, que H. Dagonet ne s'est désintéressé,

au cours de sa longue et laborieuse carrière, d'aucune des questions

de la psychiatrie et que son nom unanimement respecté àl'étranger

restera dans le souvenir de tous les psychiatres français. '

II. Dagonet ayant voulu reposer en terre lorraine, les obsèques

ont eu lieu à Verdun le mardi 9 septembre. La levée du corps avait

eu lieu la veille à l'Asile clinique : tout le personnel et les nom-

breux amis du défunt étaient présents. Parmi les couronnes on

remarquait celle de l'Asile clinique et celle de l'asile de Sté-

phansfeld, envoyée par le directeur, le Dr Vorster. Deux discours

ont été prononcés au départ, par le D1' Magnan, au nom des méde-

cins de l'asile, et par le Dr Christian, de Charenton, au nom de la

Société médico-psychologique.

A Verdun, deux discours ont été également prononcés, l'un par

le Dr Dubuisson, le successeur du D1' Dagonet à l'Asile clinique (lu

parle D Quesneville), l'autre par le Dt L. Picqué, chirurgien en

chef des asiles, au nom des amis de la famille.

Une foule nombreuse, parmi laquelle on voyait beaucoup d'offi-

ciers de la garnison, avait tenu à honneur de conduire à sa dernière

demeure ce savant patriote qui a voulu reposer près de la frontière,

pour montrer sans doute que sa dernière pensée avait été pour la

France, dont il avait toujours pleuré les désastres.

BIBLIOGRAPHIE.

Lu liquide céphalo-l'achidien; par J.-A. Sicann, chef de

clinique des maladies nerveuses à la Salpêtrière; I vol. del'Ency-

clopédie Léauté, chez Masson, 1902.

Cet ouvrage parait avec une préface du po Brissaud. qui, par cer-

tains côtés, l'a aussiinspiré. Il a toutes les qualités d'un livre viable :

clarté d'exposition, précision du détail ; et surtout il vient à son

heure/La préface en est, en quelque sorte, le premier chapitre.

Dans cette étude embryologique le Pr Brissaud établit l'unité d'ori-

gine et de fonctions des cavités nerveuses ; ses conclusions confir-

ment l'expérimentation et la clinique.

M. J.-A. Sicard divisé son livre en quatre chapitres. Le premier,

que tout étudiant doit lire, a trait à la technique de la ponction

lombaire. Il y a là un exposé fort clair de la rachiponction : pré-

paration du malade, points de repère, instrumentation, acte opé-

ratoire, incidents, suites de l'intervention ; tous points qui ont trait

à la pratique journalière des maladies nerveuses.

Une deuxième partie précise les indications thérapeutiques de la

ponction lombaire. M. J.-A. Sicard les divise rationnellement en

deux groupes : l'un agissant par soustraction du liquide céphalo-

rachidien ; l'autre par injection sous-arachnoïdienne de substances

diverses. Les périodiques de ces dernières années sont pleins de

faits qui proclament les résultats favorables de la soustraction de

liquide céphalo-rachidien dans l'hydrocéphalie, la chlorose, l'uré-

mie, la méningite non tuberculeuse; par contre on sait l'insuccès

de la méthode dans le tabes, la paralysie générale, certains néo-

plasmes cérébraux. Tous ces résultats sont consignés dans cette

partie du livre. De même la méthode des injections liquides ou

gazeuses, avec ses indications et ses résultats est brièvement expo-

sée. Enfin M. J.-A. Sicard a écrit quelques pages sur deux ques-

tions il lui familières : la sérothérapie tétanique sous-arachnoï-

dienne et la rachicocaïnisation. La troisième partie résume

l'histologie de la cavité sous-arachnoïdienne. A noter un intéressant

exposé de la circulation lymphatique dans le névraxe.

C'est au quatrième chapitre que l'auteur a donné les plus larges

développements. Après avoir étudié le liquide céphalo-rachidien

avec ses caractères physico-chimiques, M. J.-A. Sicard en rappelle

la mécanique circulatoire, le rôle de dissémination, les processus

de sécrétion et de résorption. Puis du liquide normal il passe à

l'étude du liquide pathologique et dans des pages d'un grand inté-

456 BIBLIOGRAPHIE.

rêt, il en expose les caractères bactériologiques (dans les ménin-

gites surtout) et les caractères cytologiques.

La cytologie du liquide céphalo-rachidien est, vraisemblable-

ment, appelée à un grand avenir. Déjà elle a éclairé d'un jour nou-

veau les processus méningés les plus divers, et l'auteur après un

court résumé de la technique histologique et un exposé critique de

la méthode, en analyse les résultats dans nombre d'affections

(méningites aiguës, paralysie générale, tabès, syringomyélie.

méninge-myélite syphilitique et tuberculeuse, tumeurs du

nevraxe, hémiplégie, poliomyélites, polynévrites, épilepsie, neu-

rasthénie, etc...).

M. J.-A. Sicard conclut à l'importance, pour le médecin, de

l'étude de la cavité sous-arachnoïdienne et du liquide céphalo-

rachidien. Déjà le diagnostic y puise de précieux renseignements ;

et sans doute la thérapeutique de l'avenir trouvera dans la voie

arachnoïdiennc, de puissants moyens d'action sur certains troubles

du névraxe. -

En somme, petit livre dont la lecture s'impose au clinicien et à

l'étudiant. Le premier y trouvera le reflet des travaux du Pr Bris-

saud, du D1' Widal et de l'auteur; l'enseignement du Pr Raymond.

Le second, sous une forme concise, lira avec fruit un chapitre

nouveau dont s'est enrichie la clinique dans le diagnostic des mala-

dies nerveuses. L.-E. MOREI,.

IX. Rapport médical et compte moral et administratif de l'asile de

Blois pour 1901; par le Dr Doutrebente. médecin-directeur.

Population de l'année, 568; existants fin 1901, 435 ; admis-

sions, 106, dont 97 pour le département; 13p. 100 d'alcooliques;

sorties, 87; décédés, 56.

Le service médical comprend un médecin en chef, un médecin

adjoint et un interne. A eux trois, ils ont à prendre les observa-

tions de deux malades nouveaux, en moyenne, par semaine. Il

s'agit là d'un asile normal.

Le nombre desépileptiques, dits non.aliénés, estde 31'(16 hommes

et 15 femmes). Relevons cette opinion que nous avons toujours sou-

tenue avec bien d'autres : « Il est de toute importance, en méde-

cine mentale, de pouvoir traiter les aliénés au début de la maladie :

le meilleur traitement, c'est l'isolement de la famille et des habi-

tudes antérieures, isolement qui doit être pratiqué aussi rapide-

ment que possible dans un établissement spécial ».

La proportion des guérisons est de 39,21 p. 100. De 1891 à 1900,

sur une population moyenne de 479 malades, les décès ont été en

moyenne de 54. « Nous sommes heureux de constater, dit M. Dou-

trebende, à l'époque où l'on s'occupe tant des moyens de combattre

l'extension de la tuberculose que sur 56 décès (en 1901), il n'y a

' BIBLIOGRAPHIE. 457

que deux cas de tuberculose, soit une proportion de 3,37 p. 100.

Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, un seul cas de tuberculose

chez les femmes et du côté des hommes il n'y a qu'un seul cas avéré

et deux cas douteux ».

L'asile contient encore 25 aliénés au compte du département de

.la Seine (il y en avait 48 précédemment). Il n'en prend plus, ce

qui a permis de supprimer l'encombrement et d'assister, comme

on le doit, les malades du département.

Il n'y a pas d'aliénés condamnés. Pour les hommes et les femmes,

le service de nuit est assuré par un veilleur et une. veilleuse, con-

trôlés automatiquement par les postes du système Collin-Wagnert.

Ce personnel nous semble insuffisant pour assurer la sécurité des

malades. Il y a un aumônier (1,600 fr.), les frais de culte figurent

pour 786. Il y a là une économie à réaliser, ainsi que cela a lieu

dans certains asiles dont nous parlerons.

Un point intéressant à relever concerne la boulangerie. Voici ce

qu'écrit M. Doutrebente : « Il a été fabriqué 148.496 kilogr. de pain,

pendant l'année 1901, et dépensé 36,244 fr. 51 pour cette fabrica-

tion, d'où le prix du kilogr de pain pour l'année 1901 ressort

à 0 fr. 24408. La moyenne du prix du pain vendu par les boulan-

gers de la ville de Blois a été de 1 fr. 50, les 5 kilogr., soit 0 fr. 30 le

kilogr. Notre prix de revient étant de 0 fr. 24408, c'est un bénéfice

de 0 fr. 05592 par kilogr. que l'asile a réalisé en fabriquant son

pain, soit, pour 148.496 kilogr. un bénéfice net de 8 303 fr. 79. »

Nous signalons ces résultats àl'attention de l'Administration pré-

fectorale de la Seine et du Conseil général, qui ont une tendance à

créer une boulangerie à l'asile de Vaucluse où le pain, fourni par

l'adjudication serait, d'après des renseignements qui nous ont été

donnés, de médiocre qualité. Le prix moyen de revient de lajour-

née, en 1901, a été de 2 fr. 5442. Relevons en terminant ce fait

que le médecin-directeur utilise ses malades le plus possible dans

l'intérêt de leur traitement et dans celui de l'asile et qu'il par-

vient, par sa bonne administration, à assurer un parfait entretien

de son établissement, et, en outre, chaque année à faire des cons-

tructions nouvelles. M. Doutrebente montre par ses communica-

tions scientifiques au Congrès des aliénistes et neurologistes et par

sa gestion, qu'on peut être à la fois un bon médecin et un bon

administrateur.

Pour compléter cette rapide analyse, nous croyons utile de repro-

duire textuellement les renseignements que, sur notre demande,

M. Doutrebente a bien voulu nous adresser. Il dit :

« Toutes les constructions neuves ont été faites à nos frais et

avec nos propres ressources et àl'aide d'emprunts départementaux

que nous amortissons et dont nous faisons le service des inté-

rêts. L'asile de Blois a coûté' au département depuis 1840,

300 000 fr. seulement. Depuis, l'asile s'est construit, agrandi, réparé

458 BIBLIOGRAPHIE.

et amélioré sans aide ; il a acheté et payé son pensionnat' et l'a

agrandi, ; je n'ai fait d'ailleurs que suivre les errements de mes

prédécesseurs et j'ai fini de payer les gros emprunts faits quelque

temps avant mon arrivée, soit 300 000 fr. en deux emprunts.

« Depuis mon arrivée, nous avons terminé le pensionnat, refait

la ferme et construit deux pavillons d'isolement. A l'asile nous

avons installé une buanderie modèle, un laboratoire et une salle

d'autopsie, 8 chambres d'isolement ; 60 .lits nouveaux pour 2 ser-

vices d'hommes et 2 grandes infirmeries pour hommes et femmes

avec 9 chambres d'isolement...

« En principe, toutes les autopsies sont faites ici, il moins d'op-

position formelle des familles, ce qui est fort rare d'ailleurs, l'in-

terne lient un cahier spécial où il consigne le résultat. En 1901,

ce service a été fort bien fait par M. Vernet, qui a fait une belle

thèse sur notre hospice d'épileptiques simples.

« Un service d'idiots des deux sexes a été installé pour 30 idiots

dans les anciennes infirmeries (provisoires) ; ils seront placés près

l'hospice d'épileptiques dans quelques années et remplacés par un

service de vieillards.

X. Rapport médical sur l'asile d'aliénés de Saint-Yon (Seinc-In(é-

rieure) pour 1901, par M. le or Giraud, médecin-directeur, et

MM. Trenel et HAMEL, médecins-adjoints.

Af. le Dr Giraud fai' collaborer ses médecins-adjoints à la rédac-

tion de son rapport. On ne peut que l'en féliciter. Cela démontre

que médecin en chef et médecins-adjoints peuvent travailler uti-

lement ensemble.

La population de l'asile était de 1.2cl malades au 4 ? jan-

vier 1901 et de 1.259 à la fin de l'année. Admissions, 221 (dont

6 femmes alcooliques) ; sorties, 123 ; décédées, 104. « Nous avons,

disent les auteurs, comme les années précédentes, suivi, pour éta-

blir le relevé des admissions, la classification du Congrès interna-

tional de 1889, en'ajoutant toutefois un type ne rentrant dans

aucune autre catégorie : la confusion mentale». Cette classification

devrait être adoptée, jusqu'à nouvel ordre, par tous nos collègues

des asiles. Elle faciliterait les comparaisons.

« La caisse de secours fondée pour venir en aide aux aliénés

nécessiteux sortant de l'asile, a continué de fonctionner régulière-

ment. En 1901, 37 aliénées sortantes ont été assistées. Six ont reçu

simultanément un secours en argent et un secours en nature. Vingt-

six ont été assistées par un secours en argent. Cinq ont reçu sim-

plement un secours en nature. La somme distribuée en argent a

été de 705 francs, et 152 objets de vêture ont été donnés. Tous ces

secours sont indépendants du pécule de sortie. L'actif de la caisse

de secours commune aux deux asiles de Quatre-Mares et de Saint-

BIBLIOGRAPHIE. 4S9

Yon était, au 31 décembre 1901, constituée de la manière sui-

vante :

460 VARIA. ,

D'autres fois, sur les instances des parents eux-mêmes, nous accor-

dons des congés provisoires à titre d'essai. Si l'amélioration se

maintient et que la famille veuille conserver le malade on régula-

rise la situation en le faisant sortir définitivement, sinon il est

réintégré -sans qu'il soit nécessaire de renouveler les formalités

légales.de l'admission. »

Caisse de secours. En 1901,29 aliénés ont été assistés. 3 ont'

reçu simultanément un secours en argent et un secours en nature.

1 a reçu simplement un secours en nature, 36 objets de vêture ont

été distribués. 25 ont été assistés par un secours en argent et ont

reçu une somme totale de 50 francs, indépendamment de leur

pécule de sortie. L'actif de la caisse de secours commune aux

deux asiles de Seine-Inférieure (Sainte-Yon et Quatre-Mares) était

au 31 décembre 1901, de 15012 fr. 08, ainsi que nous l'avons dit

dans l'aualyse du rapport de M. Giraud.

Le vestiaire affecté aux secours en nature pour les hommes com-

prenait, à la même date, 574 objets de vêture.

Cette organisation devrait ètre imitée dans tous les asiles. Mal-

heureusement, il.n'existe que peu d'asiles où le patronage existe

soit sous cette forme, soit sous une autre. B.

VARIA.

Congrès international d'assistance aux aliénés

(Session d'Anvers) (Voir p. 281).

En clôturant la discussion générale, le Congrès a pris des

résolutions importantes : il a reconnu à l'unanimité l'utilité de

l'extension du patronage familial des aliénés à côté des asiles. Sur

l'initiative des délégués français, il a reconnu la nécessité de faci-

liter l'entrée des aliénés dans les hôpitaux dès les premiers symp-

tômes du mal, le traitement immédiat étant la plus grande chance

de guérison dans la folie.

Le Congrès constate, ensuite, qu'il importe que le personnel

attaché aux asiles reçoive une instruction théorique et pratique.

Cette instruction doit être confiée au corps médical de l'asile. La

direction d'un asile doit être dévolue à un médecin ; et tout asile

devrait posséder un médecin par 100 malades. Ce médecin aura

son logement dans les locaux hospitaliers. La clientèle privée doit

être interdite au directeur de l'asile, et celui-ci doit être pourvu

d'un laboratoire.

Les délégués ont été unanimes à reconnaître : 1° La nécessité de

diminuer le surmenage du personnel dans les asiles; 2° De

VARIA. 461

créer dans les colonies familiales un asile-école pour les enfants

idiots et imbéciles; 3° D'augmenter le nombre des médecins

dans les asiles, et d'organiser dans ceux-ci un service chirurgical.

Enfin, le Congrès a voté les conclusions suivantes, qui résument

l'ensemble de ses travaux :

1° Pour une partie assez considérable d'aliénés, qui ont besoin

d'assistance et qui peuvent être soumis à ce traitement, la colonie

familiale représente la forme d'assistance la plus naturelle, la

plus libre, la meilleure et la moins coûteuse, et constitue, en

outre, pour un grand nombre de malades, un facteur de thérapeu-

tique important ; ,

2° L'assistance familiale peut être ajoutée à toute institution qui

est dirigée par un psychiatre et installée, suivant les exigences du

temps, spécialement lorsque les infirmiers jouissent, pour eux-

mêmes et pour leur famille, de conditions favorables d'habitation :

ce qui est, du reste, indispensable pour obtenir de bons infirmiers;

3° Mais, dans la plupart des grands instituts, l'assistance fami-

liale ne pourra prendre qu'une extension restreinte. La générali-

sation de cette assistance ne peut être obtenue que par la fonda-

tion, dans des contrées convenables, d'établissements centraux,

reproduisant en petit les institutions spéciales connues, et servant

. de points d'origine pour la fondation de colonies familiales ;

4° Les colonies lamiliales n'annihilent pas nécessairement les

établissements existants, ne constituent nullement le séjour le

plus convenable pour toute espèce d'aliénés ; mais elles peuvent

ariêter d'une façon pratique, active et peu coûteuse, l'accroisse-

ment de ces établissements.

Le Congrès a décidé de se réunir, en 1904, à Edimbourg : en 1905,

en Italie ; en 1900, en Hollande (Revue médicale du 8 octobre 1902).

Asiles d'aliénés : distractions aux malades

On sait, dit le Journal du 15 février, quelles profondes modifica-

tions a subi, depuis quelques années, le mode de traitement des

aliénés. Presque partout, les concerts, les auditions musicales, les

représentations théâtrales, ont remplacé la douche et la camisole

de force. M. le Dr Belletand, directeur de l'hôpital départemental

des maladies mentales de Pierrefeu (Var), a, dès longtemps, traité

de la sorte ses pensionnaires. Voici qu'il organise une bataille

de fleurs avec kermesse. C'est la première rois qu'une fête de ce

genre est donnée dans un asile d'aliénés.

Contrairement à l'assertion du Journal, ce n'est pas la

première fois qu'on organise des distractions pour les alié-

nés. On pourrait citer un grand nombre d'asiles français où

cette pratique existe. Tout le monde connaît le bal de la mi-

carême à la Salpêtrière. Nous avons eu l'occasion, l'an der-

462 ' VARIA.

nier, de décrire la matinée dramatique suivie de bal, organisée

annuellement pas les médecins de l'asile de Villejuif et plus

particulièrement par notre collaborateur M. Briand. Tous les

ans, dans notre Compte-rendu de Bicêtre, nous énumérons

les fêtes données aux enfants de notre service (matinées dra-

matiques, concerts, bals, déguisements du Mardis-Gras et du

jour de la Mi-Carême. Citons aussi le concert dit des frères

Lionnet...

Les aliénés en liberté

Lugubre individu. Nous lisons dans la Gazelle des Bains de

mer de Royan du 14 septembre : '

« Le paisible quartier de Saint-Pierre a été mis en émoi dans la

matinée du 10 par les exploits, d'une nature toute particulière,

accomplis par un ouvrier cordonnier nommé Ragé de vingt et

un ans. Ce triste individu, privé depuis sa naissance de l'usage de

la parole et aussi, nous aimons à le croire, du sens olfactif, a eu

le goût singulier de choisir pour observatoire une fosse d'aisances,

récemment construite dans un jardin contigu au sien. De grand

matin, il décloua une planche du siège, et les pieds dans un sac,

la tête protégée par une casserole, il plongea dans l'inconnu.

« Les habitants de la maison vaquèrent comme de coutume à

leurs occupations. Bientôt une dame très honorable, qui demeure

dans la maison avec sa mère et sa soeur, s'approcha de ce siège

derrière lequel elle était loin de supposer qu'il se passait quelque

chose. Mais elle avait à peine eu le temps de s'asseoir qu'elle se

recula en poussant un cri d'épouvante. Elle avait senti l'empreinte

horrible de deux mains qui la saisissaient au passage. A moitié

folle de peur, elle s'évanouit. Parents et amis, accourus à ses cris,

et ne voyant personne dans le petit local n'étaient pas loin de

croire à une hallucination de sa part, lorsqu'ils eurent l'idée de

soulever les planches, et le muet lubrique apparut, émergeant du

clair-obscur Rembranesque de la fosse.

« On le fit remonter plus vite qu'il n'était descendu, et on allait

sans doute lui administrer une correction bien sentie, lorsque les

gendarmes que l'on était allé chercher arrivèrent sur les lieux.

C'est à la justice maintenant qu'il appartiendra de donner son mot

dans l'affaire ».

Ce malheureux, assurément inconscient, avait déjà eu maille à

partir avec la police pour divers méfaits, des rixes, des vols de

planches, d'outils, sans utilité pour lui. Il avait été arrêté et le

tribunal de Marennes l'avait relâché. Maintes fois aussi il avait

cherché à voir à travers des planches mal jointes, des femmes dans

les cabinets d'aisances. Si on l'avait envoyé, après sa première

FAITS DIVERS. , 463 '11)

arrestation, à l'asile d'aliénés de Lafond, on aurait évité, ce dernier

acte de folie.

J'ai des chats dans les jambes ! ... - Les passants se retournaient,

hier après-midi, vers quatre heures, sur un individu aux allures

bizarres qui descendait en courant le boulevard Saint-Michel.

De temps à autre, il s'arrêtait. pour secouer les jambes de son

pantalon, et poussait des cris aigus.

Arrivé sur le quai de Montebello, il s'arrêta, monta sur le para-

pet du Petit-Pont, entre deux étalages de bouquinistes, et s'adres-

sant à la foule amusée : Ma femme m'a mis des chats dans les

jambes, je vais les noyer... Et il se précipita dans la Seine.

Des agents, aidés de mariniers, parvinrent, non sans difficulté, à

repêcher le pauvre fou.

Conduit au commissariat de police du quartier Saint-Victor, il

s'y trouva si bien qu'il dit au commissaire : .

Je ne sais comment vous prouver ma reconnaissance... Je

vous ferai empailler.

Bientôt il devint furieux. Il fallut lui passer la camisole de force.

On a trouvé sur lui un livret de mécanicien de la Compagnie des

tramways nogentais, au nom de Victor Garcias, trente-sept ans.

né à Paris. Il a été dirigé sur l'infirmerie du Dépôt (Le Matin,

19 septembre 1902).

FAITS DIVERS.

Asiles des aliénés DE la SEIKE. Concours pour la nomination

aux places d'interne titulaire en médecine dans les asiles publics

d'aliénés du département de la Seine, Asile clinique, asiles de Vau-

cluse, 171lle-Ev ? ,(ii-tl, Villejuif et Maison- Blanche, et l'Infirmerie

spéciale des aliénés ci la Préfecture de police. Le lundi 1 CI' décem-

bre 1902, à midi précis, il sera ouvert, à la Préfecture de la Seine,

à Paris, un concours pour la nomination aux places d'Interne titu-

laire en Médecine dans lesdits établissements. Les candidats qui

désirent prendre part à ce concours devront se faire inscrire à la

Préfecture de la Seine,- Service des Aliénés, annexe de l'Hôtel de

Ville, 2, rue Lobau, tous les jours, dimanches et fêtes exceptés, de

dix heures Li midi et de deux heures à cinq heures, du lundi 3 au

samedi 15 novembre 1902 inclusivement. (Voir pour les conditions à

remplir le Numéro des Etudiants du Progrès Médical.)

LE crime d'une folle. Une petite infirme étranglée par une folle.

Tentative de suicide de la meurtrière. - À quatre heures, ce matin,,

l'hôpital de Loches était mis en émoi par des cris désespérés de :

« Au secours ! » poussés par une voix de femme. Ils partaient de la

4G4 FAITS DIVERS.

direction du bassin de l'hospice. La supérieure et le jardinier accou-

rurent et virent une femme se débattant dans l'eau. Ils la retirèrent

et la transportèrent dans son lit. C'était la veuve Buffeteau. âgée de

soixante-treize ans, hospitalisée depuis 1895. Interrogée par la

supérieure, elle répondit : « Je voulais mourir. Vous m'avez em-

pêchée de faire mon bonheur comme j'ai fait le sien. » En disant

ces^paroles elle désignait le lit voisin du sien, celui d'une petite

infirme, Marguerite Lutier, âgée de douze ans.

La supérieure se pencha sur le lit de l'enfant. Elle put constater

que celle-ci était morte. Elle portait au cou des traces violacées

de strangulation. « C'est moi qui l'ai étranglée, dit la veuve Buf-

feteau, je l'ai étranglée avec un foulard, à minuit. Elle n'a

presque pas crié, la mignonne ! Puis je suis allée me noyer. Je

savais qu'on voulait me séparer d'elle. Je l'aimais trop pour la

quitter. J'aimais mieux que nous en finissions toutes deux avec la

vie. Hier, j'ai cru que c'était fini, qu'on allait me l'enlever. Alors

j'ai décidé de la tuer et de me tuer. »

En 1890, un an après l'entrée à l'hôpital de la veuve Buffeteau,

était amenée la petite Lutier L'enfant était complètement

infirme. Elle n'avait pas même l'usage de la parole. La vieille

femme la prit en affection. Elle ne la quittait pas, la soignait

comme une mère. Depuis quelques jours, la veuve Buffeteau

éprouvait de terribles douleurs de tête et parfois déraisonnait.

Elle disait qu'on voulait lui « enlever sa petite ». Vainement, on

tentait de la rassurer. Le maire de Loches et le commissaire de

police se sont immédiatement rendus sur les lieux, en attendant

la venue du parquet, prévenu. (Radical, 24 juin 1902.)

Si un tel accident survenait dans un hôpital laïque, la

bonne presse en tirerait un argument contre la laïcisation.

Un double enseignement est à tirer de ce tragique événe-

ment : l°La nécessité d'envoyer d'urgence à l'asile d'aliénés

les démentes de ce genre; 2° la nécessité de créer des asiles

spéciaux pour les idiotes.

Une grève D'AVEUGLES.-Londres, 7 octobre.-Une grève curieuse

a été déclarée hier à l'Institut des aveugles de Iunderland. Les infir-

mes hospitalisés sont astreints à quelques travaux manuels dont la

vente leur assure un petit revenu de 14 ou 15 shillings par semaine.

La semaine dernière l'administration dut, pour faire face à cer-

taines dépenses, diminuer ce salaire de 4 shillings, d'où- méconten-

tement et grève. Et les aveugles ont décidé d'adresser à tous les

Instituts d'aveugles du Royaume-Uni une pétition les engageant à

déclarer la grève générale. (Le Journal du 8 octobre 1902.)

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Cil. Hémsssx, imp. - 10-1902.

Vol. XIV. Décembre 1902. N" 84.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE. \

CLINIQUE MEI\ITALE. 1

Des obsessions en pathologie mentale

Par le D, ALEX. ATII1NAS10,

Ancien chef de clinique mentale, médecin adjoint à l'hospice des aliénés de Bucarest.

« L'obsession et l'impulsion morbide sont de

véritables stigmates psychiques de dégénéres-

cence. »

Magnan.

Une impression plus ou moins vive qui a intéressé nos sens

et notre esprit, ne reste pas toujours latente, son souvenir

surgit spontanément dans notre l'or intérieur ; ainsi que sou-

vent au milieu même de nos occupations journalières, sinon

dans l'état d'oisiveté, tranquillité ou même rêverie, elle s'ob-

jective, nous apparaît, nous causant du plaisir ou du déplai-

sir selon sa nature. '

Il n'est personne qui n'ait éprouvé ce phénomène bizarre

de l'apparition d'une phrase, d'un passage d'une oeuvre litté-

raire, d'un air d'opéra, de chanson, de l'impression visuelle

qu'un site agréable nous a laissée, le souvenir lointain d'un

paysage vu encore clans l'enfance, l'odeur agréable d'une

fleur, l'odeur nauséabonde et infecte d'un cadavre, d'une

pourriture pathologique, d'un endroit infect (chose se pro-

duisant fréquemment après les autopsies) ; de même le goût

agréable d'un mets exquis, le goût amer ou désagréable d'un

médicament, toutes ces impressions sensorielles accompa-

gnées souvent de leur appoint psychique qui nous sont four-

nies automatiquement par la mémoire reviennent avec une

ténacité qu'on a grand peine de rompre; on assiste à ces

t Mémoire présenté à l'Académie de médecine, mention honorable au

Prix CI Vl'leux.

Archives, 2° série, t. XIV. 30

. 466 ? CLINIQUE MENTALE.

représentations qui nous captivent et nous fixent au point de

nous distraire et nous forcent, comme vaincus, à les accepter

un moment. '

Puis, par un effort de volonté, on peut se reprendre; le sou-

venir obsédant est éloigné, l'activité intellectuelle normale se

rétablit, c'est un épisode sans importance qui reste vite

oublié. Cet oubli pourtant ne se'produit pas toujours faci-

lement, preuve le sentiment connu sous le nom d'amour, qui

a son origine aussi dans une idée, image, impression obsé-

dante. L'impression agréable qu'une personne nous a laissé,

surgit fréquemment au milieu de nos occupations même les

plus sérieuses et captivantes et c'est souvent à grand'peine

que nous arrivons à nous en défaire.

Une forte émotion, un événement inattendu, une peur qui a

ébranlé notre moral, se reproduit comme un écho dans notre

monde psychique, la peur, la tristesse, le chagrin, reviennent

à la moindre occasion, événements qui rappellent les circon-

stances du premier choc moral. Ces circonstances sont suffi-

santes à reproduire une impression semblable à la première,

bien' entendu à un -degré atténué et souvent seulement

,ébauché.

Souvent il n'y a que la crainte, l'appréhension de la répé-

tition de l'événement pénible qui nous est arrivé, constituant

. alors une obsession.

, L'obsession au point de vue pa/A<oMe. 'Tout autre

est l'obsession pathologique. La mémoire n'en fait plus seule

les frais ; elle suppose une série d'anomalies préexistantes,

elle est un phénomène bien autrement compliqué que la

reproduction monotone, mais transitoire dont nous parlions

tout d'abord.

D'après Magnan : « L'obsession est un mode d'activité céré-

brale dans lequel un mot, une pensée, une image s'impose

à l'esprit, en dehors de la volonté, mais sans malaise à l'état

normal, avec au contraire une angoisse douloureuse qui la

' rend irrésistible à l'état pathologique. »

cc Pour que cette idée angoissante puisse surgir spontané-

ment et dominer toutes les autres occupations intellectuelles,

il faut préalablement une déséquilibration mentale et contrai-

remuent à ce qui a été avancé à diverses reprises, les seuls

dégénérés héréditaires sont aptes à réaliser ces phénomènes

pathologiques, si bien que l'obsession et l'impulsion'morbide

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 467 7

sont de véritables stigmates psychiques de dégénérescence.

On les observe chez les individus souvent doués d'une intel-

ligence brillante, d'aptitudes spéciales souvent remarquables,

qui sont'de la part de leur entourage l'objet d'une bienveil-

lante indulgence dont on cache même quelquefois les côtés

faibles; on les juge seulement sous leurs dehors trompeurs,

' on excuse facilement leurs bizarreries de caractère, on les

appelle des ce originaux » jusqu'au jour où un fait étrange,

une impulsion qu'on doit croire soudaine vient brutalement

révéler le désarroi de leur intelligence.

Que s'est-il donc passé ? Depuis longtemps, des inquiétudes

vagues, des craintes que rien ne justifiait, des précautions

puériles constituaient chez un individu prédisposé, un état

psychique anormal. Il avait conscience de cet état, et un effort

de sa volonté pouvait encore le soustraire à une maladie qui

n'arrivait pas jusqu'à l'angoisse.

Le jour où les centres cérébraux supérieurs ont perdu leur

contrôle et leur influence modératrice sur les centres psycho-

moteurs, le jour où l'état morbide s'est insidieusement installé,

où l'obsession s'est .définitivement imposée, une affection

mentale s'est désormais constituée. »

Historique. Décrite sous différents noms comme : délire

émotif, par Morel, qui le premier en 1866 en donna une

remarquable étude, désignée avant par Pinel sous le nom de

manie sans délire, de monomanie par Esquirol, Marc et

Georget, décrite après Morel et comprise par divers auteurs

sous les idées fixes (Buccola), idées incoercibles de Tambu-

rini, idées impéralives par Hack Tuke, ces trois derniers

auteurs considérant l'obsession comme un trouble- propre-

ment intellectuel.

Meynert la comprend sous le nom de délire avorté, Morselli

sous celui de paranoïa 1'udimentah'e qui peut rester à l'état

italique : paranoia rudimentaria ideativa, ou prendre un

caractère moteur : paronoia rudimentaria impulsiva. Quand

à l'émotivité c'est. uni élément plus, ou-moins- fréquent et

important. -

Onze ans après Morel ( 11.i), Westphal nous donne une

analyse fine de ce phénomène.sous le nom d'idées obsédantes.

Pour lui c'est une idée, bien que l'intelligence reste intacte,

sans qu'il existe un état émotif ou passionnel, idée qui appa-

rait à la conscience, s'y. impose contre la volonté, ne se lais-

, \

468 CLINIQUE MENTALE.

sant pas chasser, empêche et traverse le jeu normal des idées

et est toujours reconnue par le malade comme anormale et

, étrangère à son moi. ,

Différence fondamentale avec la conception de Morel. Pour

ce dernier l'obsession étant toujours un trouble essentielle-

ment émotif, tellement émotif qu'il localise le point de départ,

non dans le cerveau, mais dans le système nerveux ganglion-

naire viscéral, source supposée des émotions.

Pour Westphal au contraire c'est .l'élément intellectuel

idéatif qui csl le symptôme principal, l'élément émotif, est ou

absent ou, s'il existe, il est secondaire et provoqué par l'idée

obsédante, dont il représente une simple réaction.

C'est l'opinion la plus répandue aujourd'hui; ainsi en Alle-

magne, Krafft-Ebing regarde l'émotion comme la consé-

quence de l'idée dominante. « La réaction de la représenta-

tion obsédante sur la vie émotive du malade, dit-il, est

particulièrement importante. L'obsession provoque une

angoisse réactive violente allant jusqu'aux explosions de

désespoirs et aux crises nerveuses. »

En France. Magnan dit : Il ne faut pas oublier que l'exa-

gération des phénomènes normaux de l'émotivité s'accom-

pagnent toujours de manifestations vasomotrices : rougeur

et pâleur de la face, palpitations, etc.

Ces phénomènes survenant aussi au cours des symptômes

morbides ne sont que des états réaclionnels dont l'intensité

est précisément due à l'excès d'émotivité, à l'émotivité patho-

logique des sujets. Si le sympathique intervient il le fait

secondairement et non primitivement. 11 obéit à la situation

mentale au lieu de la commander.

Bien des circonstances démontrent 'que le syndrome est

avant tout un état cérébral.

L'ouuluatonomie, la folie du doute, le délire du toucher,

l'écholalie, sont sans aucun doute des troubles du fonction-

nement de l'écorce.

Enfin, les phénomènes émotionnels ont une intensité très

variable, ils sont'souvent réduits à peu de chose et dans cer-

tains cas même, ils disparaissent en laissant le syndrome

suivre son cours, pour ne réapparaître qu'au moment du

paroxysme.

En Angleterre, Mikle constate que, selon les cas, il y a dans

les obsessions prédominance du trouble de la pensée, de la

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 4G9

volonté ou de la sensibilité, d'où l'habitude prise de la dési-

gner par un groupe de trois phénomènes, le doute, la crainte

et l'acte.

- Mais en réalité, c'est l'idée qui prévaut toujours : « L'idée

impérative est le grand facteur, les troubles émotifs pouvant

être considérés comme secondaires et dus au conflit entre

l'idée et la volonté. »

D'autres auteurs qui considèrent l'émotion comme jouant

le rôle prépondérant dans l'obsession sont assez nombreux,

ainsi : Berger en 1878 regardait l'obsession comme une né-

vrose émotionnelle. Pour Friedreich l'émotion est, en règle

générale, le fait primitif, et c'est surtout l'angoisse qui joue

le rôle principal, représentant un symptôme de l'état neuras-

thénique qui est à l'origine de toute obsession. C'est aussi

l'opinion de Hans Kaan, de Schuele, de Wille ; en France,

de Cb. Féré, Séglas et Gilbert Ballet.

Pour Dallemagne l'émotion qui est primitive, en se réper-

cutant'vers l'écorce, y réveille des idées appropriées et l'idée

à peine née, retourne à la base raviver les sentiments d'où

elle est sortie. Donc dépendance de l'idée vis-à-vis du sen-

timent et subordination fonctionnelle de l'écorce à l'activité

du restant du système nerveux.

Signalons encore dans le même sens l'opinion de Freud et

Teckel' qui considèrent l'obsession comme une névrose, d'an-

goisse. Pour Régis l'émotion est la « conscience des varia-

tions neuro-vasculaires (Lange) et l'élément primitif et fonda-

mental de l'obsession. » ,

De même que pour l'impulsion, l'émotion est un élément

constant et indispensable de l'obsession. Que l'obsession soit

impulsive ou idéative, comme l'obsession du doute ou l'ob-

session homicide si nous y supprimons par la pensée l'an-

goisse, l'anxiété qui s'y trouve, l'obsession n'existe plus ; par

contre si nous y enlevons l'idée fixe ou la tendance impulsive,

y laissant seulement l'anxiété, l'angoisse, l'obsession reste

dans son fondement, dans son essence.

Tels sont ces états d'anxiété diffuse.

Il y a encore des obsédés, et ils sont nombreux, chez les-

quels l'objet de l'obsession est multiplié ou se modifie s'il est

unique. Les uns, par exemple, ont commencé par la phobie

de la rage ; plus tard, ils ont la phobie de la malpropreté,

puis celle des pièces de monnaie, etc.

4770' CLINIQUE MENTALE.

D'autres ont à la fois, en même temps plusieurs obsessions.

Or -ce qui varie chez eux, soit 'successivement, soit silI1ulLa-,

nément, c'est le phénomène intellectuel ; ce qui est inva-

riable, immuable et constant, c'est le phénomène émotif,

c'est l'anxiété. Séglas fait en outre remarquer que bon

nombre de cas d'obsession débutent par une phase d'angoisse

pure, et Dallemagne, qu'elle finit souvent par une phase

d'angoisse analogue, après la disparition de l'idée fixe.

Enfin, si l'émotion n'était qu'une réaction de l'idée fixe,

son intensité devrait nécessairement être en raison directe

de l'intensité de cette dernière. On observe pourtant le con-,t

traire; en général les symptômes émotionnels s'atténuent

dans l'obsession au sur et à mesure qu'elle tend à s'intellec-

tualiser.

Classification. L'émotion a servi à M. Régis de base pour

une classification des obsessions.

Il admet trois classes :

1° L'état obsédant à anxiété diffuse ou panophobique ;

2° L'état obsédant à anxiété systématisée ou monopho-

bique ;

3° L'état obsédant à idée anxieuse ou monoïdéique.

On distinguait autrefois et notamment Freud les deux pre-

mières classes sous le nom de phobies et la dernière sous le

nom d'obsessions vraies. Pour la première classe (anxiété

diffuse) il s'agit de déterminer d'abord quand l'émotion cesse

d'être physiologique pour, devenir pathologique, problème

difficile à résoudre.

Pour Féré, l'émotion est considérée comme morbide :

quand. ses accompagnements physiologiques se présentent t

avec une intensité extraordinaire ; 2° quand elle se produit ! ,

sans cause déterminante suffisante et 3° quand elle se pro-

longe outre mesure, en résumé quand ses réactions sont mal

adaptées à l'intérêt de l'individu ou de l'espèce.

Pour Hichet, l'émotion est morbide si elle est en dispropor-

tion (apparente) avec sa.cause , si elle est chronique, si ses

concomitants physiques ont une intensité extraordinaire.

L'état d'anxiété diffuse ou panophobique est un état per-

manent de lension émotive qui éclate par paroxysmes, à

propos de. tout et de rien, comme une décharge de. fluide

émotionnel, accumulé en excès dans l'organisme.

Une idée, une émotion, une sensation quelconques suffisent,

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 471 1

le moment venu pour provoquer la décharge, qui peut même

se produire dans le sommeil, sous la forme de chocs anxieux

(décharges émotionnelles de Weir Mitchell), de réveils brus-

ques, avec angoisse respiratoire (réveils angoissants de Mac

Ferlane).

La peur d'avoir peur (phobophobie) est un symptôme de

la neurasthénie, un malade, qui peut d'ailleurs n'avoir

jamais été exposé à la peur, vit dans l'appréhension perma-

nente de cette émotion et de ces effets physiques possibles.

Il en arrive à être incapable de sortir de sa chambre sans

être accompagné, obsédé qu'il est par l'hypothèse d'un acci-

dent quelconque, le malade arrive à ne plus bouger parce

que tout ce qui l'entoure l'eflraye.

On distingue dans l'état panophobique, l'attente anxieuse

et l'attaque anxieuse, cette dernière précédée parfois d'une

aura, partant du centre épigastrique, de la profondeur des

entrailles et s'irradiant dans tout le système cérébro-spinal

(Morel). L'attaque est constituée par une angoisse avec pho-

bie (sensation d'abolition de la vie, d'évanouissement, de

folie imminente, d'accident inévitable, etc.) et accompagnée

des- symptômes physiques du côté de la respiration, de la cir-

culalioinderinervation vasomotrice, de l'activité glandulaire.

Ces derniers symptômes d'après Freud, peuvent s'associer'

variablement avec prédominance des uns sur les autres dans

l'attaque qui se traduit surtout alors par une crampe cardia-

que, de la dyspnée, des sueurs profuses, de la boulimie, etc.

Prend admet alors des attaques rudimentaires d'angoisse qui

peuvent affecter :

1° Le type respiratoire ; 2° Le type' cardiaque ; 3° Le type

à sueurs ; 4° Le type à tremblements ; 56 Le type à boulimie;

6° Le. type à diarrhée et polyurie ; 7° L'attaque vaso-mo-

trice ; 8° Le type parcsthésique ; 9° L'attaque de, frayeurs

nocturnes ; 10° L'attaque du vertige.

A l'état d'angoisse vient se greffer une idée fixe ou phobi-

que comme une sorte d'objectivation plus ou moins durable

de-celte1 angoisse qui constitue le fond de la maladie. C'est le

mécanisme de l'obsession.

L'anxiété latente diffuse non encore formulée ou' seule-

ment momentanément au hasard des circonstances, qui, à

un degré' plus élevé dans^ l'échelle .morbide,, forme l'état

obsédant avec anxiété systématisée ou monophobique;

472 CLINIQUE MENTALE.

. 11lonophobies ou phobies proprement dites. Ces der-

nières se présentent sous la forme d'une répulsion ou peur

anxieuse originelle, chronique, portant spécialement sur un

objet déterminé (phobie du velours et des fruits, du sang, des

armes tranchantes, du feu, de l'eau, des hauteurs, de l'orage,

d'un animal. On les a signalés chez un certain nombre de

personnages célèbres.

Survenant même avec une organisation par d'autres côtés

supérieure, elle n'en ont pas moins une signification patho-

logique, comme de véritables déviations ou anomalies de la

sphère émotive, absolument comparables aux stigmates de la

déséquilibration mentale. Cette peur spéciale isolée n'est sou-

vent qu'une manifestation d'un état constitutionnel dé neu-

ropathie.

Les caractères principaux de la phobie systématisée (mo-

nophobie) sont les suivants :

1° Elle s'allie à une hérédité chargée souvent similaire, à

un tempérament neuropatlique, hytérique ou hystéro-neu-

rasthénique et peut, dans le milieu de la famille ou de l'inti-

mité se présenter sous forme de phobie à deux ;

2° Son début peut être très précoce, avoir lieu dans l'en-

fance ou à la puberté, phobie constitutionnelle ou plus tard à

tare nerveuse moins chargée à l'occasion d'un choc émotion-

nel, phobie accidentelle au h·a2cnaaliqzce ;

3° Elle peut, mais cela n'a guère lieu que lorsqu'elle cons-

titue un stigmate indélébile de déséquilibration émotion-

nelle, demeurer unique et persister indéfiniment sous la

même forme avec des alternatives de paroxysmes et d'accal-

mie : . -

4° Le plus souvent, plusieurs phobies systématisées se suc-

cèdent dans la vie du sujet, au hasard d'événements même

sans importance, ou bien il existe une phobie primitive et

permanente, prédominante au milieu d'un certain nombre

d'autres phobies accessoires. -

La plupart des e1'eutophobes appartiennent aussi, à la caté-

gorie des sujets atteints de phobie systématisée, constitution-

nelle unique et héréditaire (Régis).

Les phobies systématisées ont comme caractère fréquent

de reproduire avec intensité pendant les paroxysmes angois-

sants la sensation première, reproduction qui se reconstitue

intégralement soit il l'état de veille, soit dans le sommeil,

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 473

constituant alors d'après Féré une véritable hallucination du

sentiment. L'extériorisation renforce l'émotion, provoquant

des phénomènes physiques aussi intense que s'il y avait excita-

tion réelle du dehors; comme dans l'hallucination sensorielle.

Cette résurrection émotive s'accompagne même de véritables

hallucinations des sens. Exemple les acarophobes, qui en

arrivent à éprouver de réelles démangeaisons spécifiques.

La phobie systématisée peut se manifester exclusivement

par des attaques angoissantes, avec tranquillité complète

d'esprit dans l'intervalle (type intermittent ou type rémit-

tent), ce dernier plus fréquent ou en dehors des attaques,

la crainte subsiste sous forme de pensée plus au moins obsé-

dante.

Les phobies ou états obsédants avec anxiété systématisée,

les phobies trauma tiqués relevant de l'hystérie et les pho-

bies proprement dites, ces dernières comprenant : a) Iesplao-

bies communes ou peurs exagérées et b) les phobies d'occa-

sion (Freud).

M. Régis les divise en : 1° Phobies des lieux, éléments et

maladies (agoraphobie, claustrophobie, astrophobie, bacillo-

phobie) ; 2° Phobies des, êtres vivants (zoophobies, anthropo-

phobie, gynéphobie).

- 11. Marrel dans une thèse récente fait une classification

d'après le trouble mental et distingue aussi trois classes :

'10 Phobies relatives à un trouble sensoriel ; 2° Phobies rela-

tives à un trouble de la perception ou de l'imagination ;

3" Phobies relatives à un trouble dans les idées ou les senti-

ments.

2° Y a-t-il une différence entre les phobies et les obsessions

proprement dites. Les premières seraient dues à la prédomi-

nance de l'état émotif, anxieux (névrose anxieuse), les der-

nières dues à la prédominance de l'idée, l'état émotif restant 't

toujours le même, la nouvelle idée se mésallie à l'état émo-

tif, ce qui nous rend compte du caractère d'absurdité propre

aux obsessions.

Malgré ces différences, il y avait fréquemment combinai-

son de phobie et d'obsession propre. -

Au début, il y avait phobie, développée comme symptôme

de la névrose anxieuse. L'idée qui constitue la phobie peut

être substituée par une autre idée ou plutôt par le procédé

protecteur qui semblait soulager la peur. L'obsession n'est

lis 7 1 CLINIQUE MENTALE.

souvent que la forme aggravée ou intellectualisée de'la pho-

bie. Lorsque la phobie, au lieu de se manifester par des

crises d'angoisse intermittentes, avec calme complet dans

l'intervalle, préoccupe plus ou moins dans l'interparoxysme,

l'esprit du sujet, alors par une pente toute naturelle, la mo-

nophobie tend peu à peu vers le monoidéisme, et dans la

pratique on a le plus souvent affaire non à des phobies sys ?

témalisées pures, mais à des cas intermédiaires ou de transi-

tion entre la phobie et l'obsession.

L'obsession proprement dite. --L'obsession n'est souvent

qu'une phobie ayant perdu son caractère de simple trouble

émotif pour prendre par le fait même de son évolution celui

de trouble, à la fois émotif et intellectuel ainsi M. Régis nous

décrit l'éreutophobe : un jeune prédisposé à rougir dans une

circonstance plus particulièrement pénible. Il eu son choc

moral, son traumatisme. A,partir de. ce moment, dans des

circonstances déterminées, notamment ia même circonstance,

devant les mêmes individus, le même phénomène de rougeur

émotive se produit de plus en plus pénible au sur et a mesure

qu'il devient plus redouté. Ce n'est encore là que la phobie

systématisée,' à manifestations purement intermittentes.

Mais peu à peu la préoccupation de cette infirmité envahit

l'esprit du sujet, le domine, l'inquiète si bien qu'au seul sou-

venir d'une crise de rougeur, il en arrive à rougir. Dès lors,

il y pense toujours, il y pense'sans cesse; une idée fixe s'est

greffée sur le phénomène émotionnel, la phobie est dcvenue

obsession.

Quand l'obsession survient d'emblée, sans avoir passé au

préalable par une' phase exclusivement phobique, les'sym p-

tômes caractéristiques de l'angoisse-se retrouvent toujours à

un-degré quelconque. '

Mais en général autant l'obsession tend à s'intellectualiser,

autant son substratum émotif s'atténue.-Il est'd'usage de'sé-

parer, dans l'obsession, l'idée fixe simple et l'idée impulsive ;

bien qu'au fond de toute idée il y ait un élément moteur, et

quelles idées obsédantes soient de véritables impulsions

intellectuelles (Ball), Nous aurons donc des obsessions idéa-

tives ou théoriques et des obsessions impulsives ou actives.

L'idée fixe. physiologique, est. la forme quasitétanique de

l'attention (Ribot). Elle peut absorber et dominer l'esprit à

l'exclusion de toute, autre manifestationaiutellectuclle sans. »

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 475

être pathologique. L'idée fixe physiologique est voulue, même

cherchée parfois, en tout cas acceptée et non douloureuse.

D'après Séglas, l'attention est voulue à l'état physiologique,

tandis que chez l'obsédé, elle est spontanée, automatique,

et s'impose à la conscience qu'elle envahit par une sorte

d'effraction de la volonté.

L'idée d'obsession a comme caractère principal d'être invo-

lontaire et en désaccord avec le cours régulier des pensées.

L'individu qui poursuit un mot, un nom, un refrain, présente

un-rudiment d'obsession, parce que le souvenir qui s'impose

à lui est involontaire, automatique et tend à dissocier son

activité psychique normale en se substituant à elle. Mais ce

n'est- qu'un rudiment d'obsession parce qu'il lui suffit d'un

effort de volonté plus ou moins intense pour chasser cet hôte

importun. C'est une idée parasite, automatique, discordante,

irrésistible. Kopper la considère comme paraissant née hors

de' notre cerveau; Séglas comme un état particulier de la

désagrégation psychologique, une sorte de dédoublement de

la conscience. Dans le fonctionnement normal de notre intel-

ligence constitué par la succession harmonieuse de plusieurs

idées, l'émotivité pathologique cherche à jeter une note dis-

cordante, étrangère, intruse, toujours la même qui sollicite

notre 'attention. Cette idée discordante s'impose et domine

les autres ; d'où cette tendance à la dissociation ou dédou-

blement psychique constatée par fous dans l'obsession : ce

dédoublement s'accentue dans certaines formes chroniques

et incurables de l'obsession où l'idée fixe s'ancre, dans le cer-

veau. Il est même des cas où le dédoublement.étant en quel-

que sorte complet, l'obsession a créé chez le sujet une seconde

vie à part automatique, à côté de la vie intellectuelle propre-

ment dite.

Ainsi une malade de M. Séglas, atteinte depuis .vingt-cinq

ans d'obsession, disait : « Je me fais l'effet d'être double, je

me sens comme deux pensées se combattant ; une qui est bien

la mienne, qui cherche à raisonner, mais sans succès ; une

autre qui me serait en quelque sorte imposée et que je subis

toujours. Dans tout cela, je finis par ne-plus me reconnaître,

mes idées s'embrouillent et je ne puis plus démêler le vrai du

faux. o

Les auteurs qualifient encore l'idée obsédante d'irrésistible,

cela veut dire non seulement aune la volonté n'a aucune action

476 CLINIQUE MENTALE. -

sur elle, est impuissante à la chasser, mais qu'elle naît et

s'établit de force, sans que le sujet ait à intervenir dans sa

production. Mais ce dernier caractère n'empêche pas la lutte,

car comme le fait justement remarquer Régis, « qui dit obses-

sion ditjulte », ce qui différencie essentiellement, en effet,

au point de vue de l'idée, l'obsession, du délire, c'est que,

dans l'obsession la conscience se révolte contre l'invasion de

la puissance étrangère qui tend à l'envahir et fait appel à la

volonté pour la refouler; tandis que dans le délire, l'idée

peut être pénible, mais elle n'est pas un élément hétérogène,

s'identifie à l'esprit du malade et est acceptée avec toutes ses

déductions. Celte lutte, révolte, réaction contre l'obsession,

l'a fait considérer comme une maladie de la volonté. Et les

obsédés sont susceptibles de donner des preuves d'une énergie

peu commune pour combattre leur idée fixe et la combattent

réellement, leur'volonté n'est pas très amoindrie comme on

le croit généralement. Mais souvent les obsédés succombent

dans la lutte contre leurs idées ; alors leur attention se con-

centre davantage sur l'idée à chasser qui pénètre plus profon-

dément dans l'esprit et s'impose enfin comme disent les

malades tyranniquement à eux.

La lutte augmente les phénomènes d'émotivité pénible et

puis à l'anxiété, l'angoisse de se sentir envahi par une idée

étrangère, se joint l'anxiété, l'angoisse de ne pouvoir la chas-

ser. Il y a ainsi une double anxiété chez l'obsédé, une anxiété

primitive, origine même de l'obsession et une anxiété secon-

daire, celle qu'on appelle concomitante, résultant du conflit

douloureux de la volonté contre cette idée. Un autre carac-

tère et des plus anciennement et généralement attribué à

l'obsession c'est d'être consciente. D'après Séglas pourtant,

l'état de conscience personnelle ne serait pas. conservé, pen-

dant l'accès paroxystique, il est conservé seulement avant et

après l'accès. -

Par la présence de l'idée obsédante, constatée par un grou-

pement de certains phénomènes psychiques, une synthèse

secondaire qui, loin de s'assimiler à la synthèse principale

représentant la conscience personnelle, entre en lutte avec

elle et même avec assez d'avantages pour l'obnubiler tou-

jours, l'effacer même parfois tout à fait pendant un instant,

soit que le malade cède à son idée, soit que celle-ci revête

une forme particulière.

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. 477

Dans un certain nombre de cas, il existe donc une altération

plus ou moins grave de la conscience, depuis ceux qui ne dis-

tinguent plus s'ils ont exécuté ou non ce qu'ils redoutent

jusqu'à ceux, comme la femme citée plus haut, dont la per-

- sonnalité est perdue ou dédoublée.

Comme autre exemple, Séglas cite un agoraphobe, qui

s'exprime ainsi : « Au bout de quelques pas, il me semble que

je me dédouble. Je perds la conscience (sic) de mon corps

qui est comme en avant de moi. Je marche, j'ai bien conscience

que je dois marcher, mais je n'ai pas conscience de ma propre

identité, que c'est bien moi qui marche. Je fais des efforts

pour me prouver que c'est bien moi et souvent il me faut

interpeller un passant, entrer dans un magasin pour parler,

demander quelque chose, afin de me donner une nouvelle

preuve que je suis réellement bien moi. »

Un enfant de douze ans, atteint d'obsession à forme cons-

titutionnelle, notamment d'obsession du doute et du toucher,

qui parfois en se promenant restait en arrière de son précep-

teur, celui-ci le rappelait vers lui. L'enfant accourait aussi-

tôt ; et après l'avoir rejoint, tout à coup il s'écriait' qu'on

l'avait abandonné, laissé en arrière, qu'il fallait retourner le

chercher, qu'il était perdu. Il fallait longtemps au précepteur

stupéfait pour le rassurer, lui persuader qu'il n'en était rien

et que cet abandon n'avait jamais eu lieu. Une autre fois,

voyant passer une voiture cellulaire, il aperçut le garde

municipal à la lucarne. La voiture passée, le voilà pris sou-

dain d'une grande peur, craignant d'avoir été emmené par le

garde qui l'aurait regardé en passant.

Un dernier malade enfin, lorsqu'il va dans une direction

déterminée, s'aperçoit au bout d'un assez long chemin « qu'il

a marché automatiquement sans avoir pu saisir la transition

de la marche voulue à la marche automatique ». Le voilà

alors pris d'angoisse ; « je me dis tout à coup, raconte-t-il :

Mais est-ce que c'est bien moi qui suis ici ? Est-ce bien

moi qui marche ? Et alors je fais des efforts inouïs d'appli-

quer ma conscience à celle inconscience (hic) pour me

rendre bien compte que je fais les mouvements de la

marche. Si bien qu'à un moment, pendant cette sorte de

- crise, avant la certitude absolue, je suis conscient d'un côté

que je suis inconscient de Vautre. D'où M. Séglas conclut

que la conservation de la conscience est toute relative, et

478 CLINIQUE MENTALE.

qu'il y a un commencement de désagrégation, de dissociation

du moi.

Mais il faut observer que les faits cités par Séglas prêtent à

controverse. On peut les considérer comme .des faits appar-

tenant à l'automatisme psychique, du moins autant qu'à

l'obsession. Ces faits ont été bien étudiés par P. Janet dans

les états de dualité hystérique ou encore dus à ces rêves dans

lesquels le dormeur se scindant en deux, se voit rêver.

D'ailleurs il faut s'entendre sur le sens du mot conscience.

Si au point de vue psychologique MM. Séglas et P. Janet

entendent la notion de l'unité de l'être, ils ont raison, mais

tout autre est la notion de la conscience -au point de vue cli-

nique, qui désigne la perception exacte des phénomènes

psychiques éprouvés, il est évident alors que sauf de très

rares exceptions, la conscience est conservée dans l'obsession.

Les faits connus dans lesquels les malades s'observent et s'étu-

dient en pleine crise, ne peuvent laisser aucun doule à cet

égard et nous savons qu'ils sont d'accord pour accuser cette

sensation de dédoublement de deux forces contraires agissant

sur eux. La constatation de ce dédoublement, l'analyse si

correcte et fine du phénomène, c'est bien un attribut de la

conscience.

La nature des idées d'obsessions est éminemment variable.

Sur un'nombre de deux cent cinquante cas bien nets d'obses-

sion, M. Régis a trouvé surtout : l'obsession de la folie, de la

gale, de laj-yphilis, du cancer, de l'attaque d'apoplexie, de

la mort subite, du ramollissement, de la paralysie générale,

d'un corps étranger dans l'oreille, des microbes, du contact

des médecins, d'une maladie du coeur, de la blennorragie, de

la rage, du vertige, de l'aphasie, de l'amnésie verbale', de

l'alaxie, de l'évanouissement, de la grossesse, des enfants

monstres, etc. ; l'obsession des objets pointus, du suicide, de

l'homicide, du vol, de boire ou d'être soupçonné de boire, de

dire ou d'écrire des choses compromettantes, d'avaler des

épingles ou d'en laisser tomber dans les aliments des autres,

de semer des morceaux de verre cassé, de tromper son mari,

de se livrer ou de s'être livrée à d'autres, de la sexualité sous

toutes ses formes, de la contamination par les excréments,

les poussières, les saletés des animaux, en particulier des

araignées, des mouches, des chiens, des serpents ; l'obsession

de rougir, de rester seul, de.la. foule, du- vent, des orages,

DES OBSESSIONS EN PATHOLOGIE MENTALE. Il.-19

d'un cataclysme, du pétrole, de l'huile, du sang, etc. ; l'ob-

session religieuse et scrupuleuse avec ses infinies variétés

(idée -anxieuse de ne pas toucher une personne ou une chose

ayant été en contact avec l'hostie sainte, en particulier les

prêtres et tous ceux qui communient, de peur d'une souillure

morale, et l'obligation de se laver constamment les mains,

comme dans l'obsession de la contamination physique); l'ob-

session du doute, de l'indécision, du point d'interrogation

perpétuel relatif à toutes choses ; l'obsession jalouse, l'obses-

sion amoureuse, etc., etc.

Donc on peut dire qu'il existe autant de variétés d'obses-

sions'qu'il peut naître de pensées dans le cerveau humain.

De toutes les. variétés celles qui ont trait à la santé et à

l'existence de l'individu paraissent les plus fréquentes ; vien-

nent ensuite celles relatives à la peur de mal faire à tous les

points de vue, moral, religieux, social, etc. ; celles relatives

à la peur d'un événement, d'un objet, d'un animal ; enfin

l'obsession du doute et d'un sentiment quelconque.

L'origine de toutes ces idées d'obsession est une impres-

sion, un choc émotionnel primitif qui a plus ou moins

fortement ébranlé le moral du malade. Freud l'attribuait

toujours à une origine sexuelle, opinion combattue par

M. Régis.

Les idées obsédantes ne sont pas généralement des idées

absurdes, impossibles ; parfois même elles sont vraisembla-

bles et n'ont de morbide que leur grossissement, leur domi-

nation, leur persistance. Elles peuvent présenter, cependant,

un caractère particulier, auquel certains auteurs ont donné

le nom de contraste. C'est lorsqu'elles se trouvent en contra-

diction complète avec les tendances du sujet.

Le plus souvent, il s'agit d'obsessions de forme religieuse.

Les malades veulent prier, faire une oraison : il leur vient

un blasphème, une impiété, un sacrilège, une injure grossière

à la pensée ou à la bouche.

-D'autres fois, les sujets sont poussés à se contredire, à dire

juste le contraire de ce qu'ils pensent on de ce qu'ils vou-

draient. Un rudiment de cette particularité se remarque, en

dehors de toute obsession proprement dite, chez les neuras-

théniques qui se plaignent de ne plus trouver leurs mots, de

dire dans la conversation le mot opposé à celui qu'ils veulent

et qui y voient avec appréhension l'indice d'un affaiblissement

480 CLINIQUE MENTALE.

mental. L'idée obsédante peut se modifier et se transformer

par une série d'évolutions successives.

Ainsi que nous l'avons vu, la phobie systématisée est rare-

ment unique; le plus souvent, plusieurs idées obsédantes

coexistent soit similaires, soit dissemblables, l'une d'elles

étant plus ou moins prédominante.

Les éléments morbides des obsessions peuvent se grouper

en proportions et dans des conditions variables suivant les

cas, de façon à donner au syndrome obsession une physio-

nomie différente.

MM. Régis et Pitres, dans leur rapport au Congrès de Mors-

cou sur la séméiologie des obsessions, donnent comme carac-

tères généraux 'des obsessions : de se produire le malin, dès

le réveil, et ce passage- de la vie onirique, 'accompagné le

plus souvent de l'oubli momentané de leur torture morale, à

la vie réelle qui la fait réapparaître instantanément, est chez

beaucoup, comme chez nombre de neurasthéniques, le plus

mauvais moment de la journée. D'autres au contraire sont

pris tous les soirs, à la tombée de la nuit, de paroxysmes

angoissants.

Le sommeil est plus ou moins bon. Tantôt, l'obsession n'a

aucune i épercussion sur lui; d'autres fuis elle a également

lieu dans le soit qu'elle en tire son origine, soit qu'elle

s'alimente, se renforce simplement en lui. Cette action du

rêve sur l'obsession et l'idée fixe s'exerce surtout chez les

hystériques, sans qu'ils en aieut conscience, à l'état de veille.

L'obsession se manifeste habituellement sous forme p01'O-

xystique et est rarement tout à fait continue.

En tout cas, dans l'intervalle des crises et même durant les

crises, lorsqu'elles ne sont pas trop intenses, les sujets peu-

vent continuer de se livrer aux travaux de leur profession.

D'habitude, ils cachent leur étal d'âme et se concentrent en

eux-mêmes, évitant d'en parler jusqu'à leurs plus proches.

Ce n'est que lorsqu'ils sont à bout de lutter ou trop tourmen-

tés qu'ils vont s'ouvrir au médecin, puisant dans cette confes-

sion, comme les neurasthéniques, un soulagement momentané.

M. Régis classe les obsessions en constitutionnelles et

accidentelles. Les premières à hérédité chargée sont pré-

coces, l'élément intellectuel y prédomine, elles ont une allure

rémittente ou continue, sont chroniques, l'idée obsédante

est multiple et peut se modifier. ,

ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR. 481 1

Une hérédité moins chargée, surtout au point de vue vésa-

nique, un début plus tardif, la prépondérance de la cause occa-

sionnelle, la production d'une phase de phobie, la persistance,

à un degré marqué, des phénomènes émotionnels, l'allure

toujours paroxystique, enfin sa curabilité sont des caractères

qui appartiennent plutôt à l'obsession accidentelle.

(A suivre).

RECUEIL DE FAITS.

Aliéné automutilateur.

Par le D' G. POIRSON

Ancien interne de l'asile d'aliénés de Maréville.

L'observation que nous publions nous a paru intéressante

à plusieurs points de vue : l'état mental du malade dont il

s'agit, d'une part, et, d'autre part, les incidents pathologi-

ques qui sont survenus au cours de la maladie, pendant la

présence du sujet à l'asile public d'aliénés de Maréville.

Nous réservons l'étude de l'état mental pour la fin :

Observation. Phlegmon du thorax, corps étrangers dans le phleg- ? non. - Phlegmon ante et rétro-sternal. Pneumonie centrale

, gauche. Autopsie. Péricardite fibriazo-purulente. Epingle

implantée dans le foie. Etat mental.

I. Antécédents. Etat physique. T... est âgé de trente-

huit ans lors de son entrée à l'asile. Il est né dans un village de

Meurthe-et-Moselle. Muni d'une instruction primaire rudimentaire,

il exerce les professions de verrier ou de journalier. Marié, père

de trois enfants.

Les recherches sur ses antécédents héréditaires ou personnels

nous apprennent fort peu de choses. Nous savons seulement qu'il

a eu deux fluxions de poitrine.

C'est un homme de tempérament mixte, primitivement bien

constitué, mais débilité actuellement, à la physionomie inintelli-

gente et quelque peu bestiale, sans signes de dégénérescence net-

tement accusés.

Archives, 20 série, t. XIV. 31

482 RECUEIL DE' FAITS.

Une particularité de l'état physique très importante à signaler,

comme nous le verrons plus tard, est un amoindrissement consi-

dérable de la sensibilité, sans zones délimitées.

II. Incidents pathologiques survenus pendant le séjour de T... ci

Maréville. z Le 16 décembre, six semaines après son entrée

il l'asile, on fait, en examinant le malade, qui ne s'était nullement

plaint, la découverte d'un phlegmon du tissu cellulaire au-devant

du grand pectoral gauche.

Ce phlegmon, dont le diamètre et la saillie sont représentés par

une moitié de mandarine, est percé en son centre d'une petite

ouverture par où s'écoule un pus horriblement fétide et de cou-

leur noirâtre. Un débridement et un nettoyage en font sortir, avec

une grande quantité de pus, une allumette, la mine d'un crayon

de la longueur de cinq à six centimètres, et un fragment de bois

de crayon.

Malgré les soins habituels, le phlegmon se propagea en tous

sens : peu vers le haut; jusqu'au rebord des fausses-côtes vers le

bas; à droite, jusqu'au bord droit du sternum ; à gauche, jusqu'à

la ligne axillaire postérieure. C'etait un phlegmon diffus de tout le

côté gauche de la face antérieure du thorax, avec vastes décolle-

ments.

Il en résulta un grand affaiblissement général du malade, à tel

point que le pronostic, à la fin de décembre, était fort incertain. Le

traitement consista en alitement, incisions multiples, drainages,

lavages, pansements antiseptiques. '

Le 30 décembre, l'écoulement purulent, très abondant jusque-là,

diminua. un peu, et, dans le courant de janvier, le recollement et

la cicatrisation s'effectuèrent dans la partie supérieure du phleg-

. mon, En bas, persistait un suintement de pus et de sérosité. L'état

général était devenu. satisfaisant à cette époque. -

g 2. Le mois suivant, tout semble bien fini à la partie supé-

rieure du thorax, quand une tuméfaction se forme au niveau du

'fiers supérieur du sternum, tuméfaction dure, sans fluctuation.

Après incision, il s'en écoule cependant une petite quantité de pus

et de sérosité; cet écoulement persiste et devient même plus abon-

dant au bout de quelques jours.

A ce moment, se produit ce fait intéressant : il chaque inspira-

tion ; l'air extérieur entre par la plaie, et, à l'expiration, ressort

mélangé au pus et à la sérosité, sous formes de bulles qui éclatent

à l'orifice cutané. L'auscultation, pratiquée soit en avant, soit en

arrière du thorax, fait entendre à chaque mouvement respiratoire

un souffle correspondant à l'entrée et il la sortie de l'air, et des

gargouillements représentaut la formation et l'éclatement des

bulles séro-purulentes. ·

ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 483

A' la palpation, on sent le corps sternal mobilisable, la poignée

restant fixe. La percussion dénote une zone de matité environnant

la plaie, peu étendue à droite, et plus à gauche, de cinq centi-

mètres environ de largeur totale en tous sens. '

Un stylet introduit avec précaution par l'orifice, s'enfonça entre

la peau et le sternum, à des profondeurs correspondant à peu près

aux dimensions de la zone de matité. Le sternum est dénudé de

son périoste dans cette étendue. 1

Poussé plus profondément, le stylet passe entre le corps et la

poignée de l'os, qui sont séparés complètement l'un de l'autre,

puis, étant incliné, glisse en dessous 'd'eux, du côté gauche assez

profondément (trois centimètres environ), et très peu du coté droit.

Ces symptômes montrent l'existence d'un phlegmon en bouton

de manchettes, formé de deux poches situées l'une en avant, l'autre

en arrière du. sternum, et réunies par un trajet passant entre le

corps et la poignée de l'os.

L'écoulement de ce phlegmon continua, de moins en moins

abondant, pendant le mois de mars. En même temps, il devenait

moins purulent, si bien qu'en avril persista seulement un suinte-

ment séreux qui finit lui-même par tarir.

L'état général, fortement débilité par toutes- ces suppurations,

se remonta sensiblement ; il ne redevint toutefois jamais bien

satisfaisant, l'agitation continuelle du malade contribuant beau-

coup à l'épuiser. 1

Rien d'intéressant au point de vue physique ne vint marquer la

fin de l'année ni le commencement de la suivante, si ce n'est qu'au

mois d'août, à la suite d'un traumatisme,.la fistule sternalese rou-

vrit et suppura pendant quelques jours, pour se fermer ensuite

définitivement..

5 3. -Le 6 avril (un an après la guérison du phlegmon décrit

précédemment), -T ? présente le soir une température de 39°2.

L'examen physique ne décèle à ce moment aucun symptôme objec-

tif intéressant. -

Les signes suhjectifs sont nuls, ce qui est compréhensible, étant

donné l'amoindrissement considérable de la sensibilité du sujet.

Le troisième et surtout le quatrième jour, l'auscultation révèle

un souffle tubaire à timbre étouffé, du côté gauche. La percussion

des poumons, par contre, ne donne rien. La percussion de la

région précordiale est négative. A l'auscultation, on ne perçoit

qu'un assourdissement des bruits du coeur, qui devieut;progressi-

vement' croissant, à mesure que la maladie évolue; en même

temps, le rythme en devient irrégulier. Le pouls, normal au début,

s'affaiblit par la suite, pour devenir flliforme, presque impercep-

tible les deux derniers jours.

La température de 39°2 le soir du 6 avril, passe à 39°3 le 7 ^au

484 RECUEIL DE FAITS.

matin et à 40° le soir. Mais le 8, elle commence à descendre de 1°

environ par jour, jusqu'au 14, où elle est de 35°2 le soir. Le 15,

elle se relève à 36°4, pour revenir à 35°8 le matin du 16.

L'état général, déjà peu satisfaisant au début de la maladie,

empire rapidement : Le 14, adynamie, refroidissement. Le 16,

coma, puis mort.

Ni les symptômes observés, ni la température ne permettaient

de conclure à une pneumonie. L'autopsie montra que c'en était

pourtant une et donna les raisons de l'anomalie des signes objec-

tifs et des degrés thermiques.

§4. AUTOPSIE. ? A l'examen extérieur du corps, on voit sur le

thorax les cicatrices des phlegmons successifs que nous avons

décrits. Il était intéressant de rechercher ce qu'étaient devenus le

trajet fistuleux faisant communiquer les deux poches du phleg-

mon anté et rétrosternal et aussi la poche située derrière le

sternum.

La cicatrisation, nous le constatâmes, s'était faite normale-

ment, ne laissant comme traces que très peu de tissu fibreux. Les

deux portions de l'os étaient de nouveau soudées, le corps n'était

plus mobilisable. Voyons maintenant les organes de la cavité tho-

racique :

Les plèvres. Les feuillets pariétaux et viscéraux sont unis par

des fausses membranes récentes, assez serrées à gauche, plus

lâches à droite, se laissant partout décoller. La cavité pleurale ne

contient pas de liquide.

Poumons. A droite, un peu d'emphysème au sommet et de

congestion à la base. Le poumon gauche est d'aspect rougeâtre

dans toute son étendue. Emphysème au sommet. Tout le reste, à

la coupe, apparaît congestionné. Enfin, on trouve deux foyers

d'hépatisation rouge, un dans chaque lobe, entourés de tissu non

hépatisé, sauf au niveau de la scissure interlobaire, où ils sont en

contact par l'intermédiaire des deux feuillets pleuraux. Ceux-ci ne

présentent pas de lésions différentes de celles de la plèvre gauche

en général; ils sont recouverts et unis par des fausses-membranes

peu résistantes. '

De ce qui précède, s'impose le diagnostic de pneumonie

centrale des deux lobes du poumon gauche.

Péricarde. Nous fimes, en l'examinant, une découverte d'au-

topsie, celle d'une péricardite. Il en est souvent ainsi d'ailleurs.

Cela a été constaté à plusieurs reprises '. '

1 Cette péricardite est souvent une découverte d'autopsie, Netter, .

Traité de Médecine, Cliarcot-Bouchar(l, t. IV, p. 906.

1 '. ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR . 485

Comme nous le verrons plus loin, cette péricardite nous

explique le caractère anormal apparent de la température

pendant la pneumonie. Les deux feuillets de la séreuse

étaient recouverts, dans toute leur étendue, d'une épaisse

Fig. 36.

4t\6 - RECUEIL DE FAITS.

couche de fausses membranes villeuses. La cavité pcricar-

dique contenait un liquide abondant (un litre environ) jaune

sale, purulent. C'est à cette masse énorme de liquide que

doit être probablement attribuée la mort.

On peut se demander pourquoi un épanchement aussi

considérable ne fut pas soupçonné en percutant la région

précordiale. C'est que la zone de matité ne se différenciait

pas sensiblement de la normale, pour la raison suivante :

Les poumons droit et gauche étaient maintenus en place par

les adhérences pleurales et les languettes antérieures ne se

laissaient pas refouler par le liquide péricardique.

C(L'2Gl'. Le coeur était petit, pâle à la coupe; les parois muscu-

laires très atrophiées et flasques. Pas de lésions valvulaires.

Nous avons dit que la péricardite nous expliqua le carac-

tère anormal apparent de la température pendant la pneu-

monie.

On a remarqué en effet que, quand une péricardite sur-

vient au cours d'une maladie primitive, il arrive parfois que

la température s'abaisse; ce fait s'observe surtout chez les

vieillards et les individus débilités 1. Or c'est bien là le cas

de notre malade, et on comprend pourquoi la température a

commencé à baisser dès le troisième jour.

Ainsi, dans cette pneumonie, les symptômes subjectifs,

frissons, point de côté, expectoration, ont manqué par suite

de la très faible sensibilité du sujet.

Les signes donnés par la percussion furent négatifs et les

signes stéthoscopiques peu nets, à cause de la localisation

du mal au centre du poumon. Quant à la température, nous

venons de voir à quoi tenait sa courbe anormale en appa-

rence.

§ 8. Il nous reste, pour terminer l'autposie, à parler des

organes abdominaux.

Le tube digestif, la rate, les reins, etc., ne présentaient rien de

particulier', et arrivons au foie, à l'examen duquel nous Ames une

nouvelle découverte intéressante. De volume normal, l'aspect et la

couleur jaune étaient ceux d'une dégénérescence infectieuse et

cachectique. Le lobe gauche portait à sa face supérieure une

épingle implantée dans le tissu hépatique et dirigée de haut en

j V. op. cit. V, Maladies du Coeur, par , : \1.. A ! 1Jré Petit.

,

ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 487

bas et d'avant en arrière. Cette épingle, sans tête, mesure 25 mil-

limètres. Elle était enfoncée de 15 millimètres. Les 10 millimètres

restant au dehors, pressés par le diaphragme à la surface du

foie, y avaient déterminé une petite gouttière. Cependant, qnand

le foie fut retiré de la cavité abdominale, la partie extérieure de

l'épingle ne resta pas couchée dans la gouttière, mais s'en écarta

d'un millimètre à peu près. La portion cachée de l'épingle s'en-

fonçait très obliquement dans le tissu hépatique, la pointe étant

dirigée sensiblement vers la colonne vertébrale.

11 fallut employer une certaine force pour retirer ce corps

étranger. était contenu dans un trajet fistuleux cicatrisé ci

priori, formé de tissu fibreux, d'un aspect blanchâtre. Autour du

point d'implantation, se voyait une aire, de diamètre très réduit,

sur laquelle l'aspect du péritoine hépatique était dépoli, laiteux,

traces d'une inflammation très restreinte. D'ailleurs, à aucun

moment de la vie de T..., on n'avait observé de symptômes de

péritonite. t

Nous ne trouvâmes point sur le diaphragme de cicatrice déce-

lant le passage de l'épingle; et, cependant, il est probable qu'elle

avait-traversé ce muscle avant de s'implanter dans le foie, étant

donnée sa directien dans ce dernier.

Quels furent le point de pénétration de l'épingle dans le

corps de T..., et le chemin qu'elle suivit pour arriver où nous

l'avons trouvée ? Cela est difficile à établir de façon certaine'.

On peut supposer que le malade s'introduisit ce corps étran-

ger avec ceux-que nous avons retirés de son phlegmon du

tissu cellulaire au devant du grand pectoral gauche (§ 1). En

admettant ce point d'entrée, comment l'épingle descendit-

elle ensuite jusqu'au diaphragme ? Glissa-t-elle en avant des

côtes, ou bien en arrière ? C'est ce que nous ne pouvons

décider.

III. Etat mental. § 1. Les renseignements très brefs donnés

par le médecin de son pays, signalent T... comme maniaque,

jaloux, violent, depuis quelque temps. A la maison de secours de

Nancy, où il a passé plusieurs jours avant son internement, il eut

des accès d'agitation violente « qui le rendaient dangereux pour

lui-même et pour son entourage ». .

A son entrée à Maréville, T... parait triste, son attitude est

déprimée. Il est calme au début, cependant ne tarde pas il

s'exciter et à s'agiter. Il répond assez volontiers aux questions

. ' L'orientation de l'épingle ne permet pas d'admettre qu'elle ait été

avalée..

488 RECUEIL DE FAITS.

qu'on lui pose. Son intelligence est peu développée, son carac-

tère fort amis. C'est ainsi que, très émotif, il se met tout à coup à

pleurer en demandant à retourner auprès de ses enfants; mais il

s'apaise facilement et se met à rire si on lui adresse quelque com-

pliment sur lui-même, car il est très content et a haute idée de

soi : il n'y à pas d'ouvriers qui gagnent plus, il est bon gars, etc.

Au bout de quelques jours, durant lesquels il s'était tenu dans

une réserve presque complète au sujet des événements qui tra-

versèrent son existence avant sa mise en observation, T... se

décide enfin à parler et raconte les faits suivants, qui montrent

bien les troubles profonds survenus dans son intelligence déjà

anormale et débile originairement.

T... se croyait en butte aux persécutions d'une vieille femme

habitant la même maison que lui. Dans cette maison, se trou-

vaient encore d'autres personnes, chez lesquelles un coeur de

boeuf était suspendu au plafond, ce qui l'intriguait beaucoup.

Il alla trouver « une dormeuse » et lui demanda conseil.

Celle-ci lui apprit que le coeur était destiné à le faire mourir,

mais que s'il parvenait à couper la ficelle qui le retient, tout

danger serait écarté.

Malgré l'opposition du propriétaire du coeur, T... peut accom-

plir la recommandation de la dormeuse. Mais tout n'est pas fini.

11 se sent travaillé intérieurement, une force le pousse à sortir de

chez lui et à battre la campagne. 11 est à ce moment fortement

halluciné et ne cesse d'entendre des voix qui sont, explique-t-il,

celles de démons familiers et bienveillants.

Pour se délivrer des démons malveillants qui le travaillent inté-

rieurement, il entre dans une église et prend de l'eau bénite. Une

voix lui dit : « Vous êtes délivré, vous êtes délivré... » Néan-

moins, il entre encore dans diverses maisons et demande de l'eau

bénite. Il finit par en obtenir et accomplit ce qu'une voix lui com-

mande, c'est-à-dire qu'il brûle un mouchoir que sa femme lui a

mis dans la poche, et l'arrose d'eau bénite.

Dans ces pérégrinations, il rencontre un M.-D..., qui est le bon

Dieu et qui le délivre, et aussi un homme à cheval; cet homme

est sa femme, qui a le pouvoir de se métamorphoser.

Par la suite de son séjour à l'asile, les hallucinations demeurent

aussi intenses. Il voit et entend une vierge blanche; c'est elle qui

le retient enfermé à Maréville; par moments, il lui répond et l'in-

jurie grossièrement. T... n'est d'ailleurs pas seulement exubérant

en paroles, mais aussi en actions; il se livre à toutes sortes d'extra-

vagances, entre autres avale des cailloux pour faire sa digestion.

D'après ce qui précède, le diagnostic de notre malade est :

Dégénérescence et débilité mentales originaires, avec idées délirantes

polymorphes (culpabilité, persécution, mysticisme, satisfaction

personnelle exagérée), hallucinations de la vue et de l'vouiez

ALIÉNÉ AUTOMUTILATEUR 489

§ 2. Il a été dit au commencement de cette observation,

que : r... s'était introduit sous la peau, au-devant du grand

pectoral gauche, plusieurs corps étrangers, allumette, mine

de crayon, fragment de bois, sans compter l'épingle. Sous

quelle inspiration agit-il, et quel était son but ?

Malgré notre insistance à le lui demander, nous ne pûmes

obtenir de réponses satisfaisantes. Ce qui est évident tout

d'abord, c'est que, l'état de sensibilité très amoindrie qui

était le sien, fut la cause occasionnelle de l'automutilation

qu'il accomplit.

Quant à en déterminer la cause efficiente, nous ne pouvons

. que faire des suppositions à ce sujet. Il faudrait d'abord

savoir si T... s'est introduit les corps étrangers dans le phleg-

mon déjà existant, ou s'il a pratiqué à la peau saine, par le

moyen de l'épingle, une boutonnière au travers de laquelle

il a ensuite glissé les autres objets, et a ainsi déterminé le

phlegmon.

Dans le premier cas, il se pourrait que son but eut été de

se guérir par ce moyen bizarre ; mais ceci semble peu pro-

bable. Les automutilateurs obéissent le plus souvent à des

idées délirantes ; les uns veulent se punir des crimes qu'ils

croient avoir commis ; d'autres pensent se soustraire aux

persécutions. Dans certains cas, les automutilations peuvent

être encore simplement le résultat, les manifestations du

désespoir du malade qui s'arrache les cheveux, et qui, grâce

à l'anesthésie, peut se livrer sur lui-même à d'autres mutila-

tions'. Souvent aussi, il est impossible de comprendre quelle

relation lie l'idée délirante à la mutilation. Aussi, dans une

observation de Krafft-Ebing, un malade qui a vu la sainte

Vierge se mord le genou à l'endroit où elle s'est assise, pour

qu'elle réapparaisse. Nous avons vu à Maréville un malade

se dévorer complètement les lèvres, et dire qu'il faisait cela,

parce qu'il était emmené dans le soleil et les astres.

On voit qu'il est difficile de déterminer exactement la cause

d'une automutilation, mais qu'elle doit être recherchée dans

une idée délirante (mystique, de persécution, de culpabi-

lité...)

Chez notre malade, en raison de son délire essentiellement

polymorphe, et en l'absence de toute indication, la cause

' V. von Israfft-Ebing, Traité de Psychiatrie, p. 360.

490 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

occasionnelle seule nous est connue, c'est l'amoindrissement

de la sensibilité. 1

En cet état, T... a peut-être obéi à une voix ? Peut-être

a-t-il voulu se délivrer des mauvais génies qui étaient en

lui ? Peut-être a-t-il voulu .se punir de fautes dont il se

croyait coupable ? Voilà, quant à la cause efficiente de sa

mutilation, ce que nous pouvons supposer. -

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXVII. Des inégalités pupillaires produites par l'action différente

de l'éclairage direct et de l'éclairage indirect; par A. Pieu.

(7Veu ? -o. Cenlralbl., XIX, 1900.)

Dans la réaction des pupilles, il faut tenir grand compte de la

situation de la source de lumière. Ainsi, avant tout, chez le neu-,

rasthénique et l'épileptique, puis dans les cas de psychoses fonc-

tionnelles, notamment à la suite d'accidents, il n'est pas du tout

rare d'observer une inégalité pupillaire défavorable à l'oeil placé le

plus près de la fenêlre. C'est que le sujet est éclairé latéralement.

Le place-t-on de façon que l'autre pupille qui vient d'apparaître la

plus large soit la plus rapprochée de la fenêtre, c'est elle mainte-

nant qui semble plus étroite que'la première, actuellement la plus

éloignée de la baie. Cette inégalité pupillaire se produit alternati-

vement à volonté ; il suffit que l'éclairage porte uniformément sur

les deux yeux en même temps pour'qu'elle disparaisse à son tour.

Il s'agit d'individus à pupilles très mobiles, réagissant énormément

sous de très faibles différences de lumière, qui présentent une sorte

d'hyperesthésie de l'appareil - centripète ; peut-être aussi y a-t-il

simultanément exagération de fonction de l'appareil centrifuge

(Bach, Elschnig, Pick). P. hLUavat.

XXVIII. De la valeur du réflexe scapulo-huméral; par W. de BËCHTE-

kew. (0&o : r : <t; ]7sir;hillll'ii, V, 1900; Neurolog. Ceiiti ? XIX, 1900.)

Même article en russe et en allemand. C'est une réponse il

M. Haenel (Netcrolo. Cczhul6l., 1900). A la suite de la discussion,

l'auteur établit que la recherche de ce réflexe peut être utile, non

seulement pour le diagnostic différentiel entre l'atrophie scapulo-

humérale d'origine cérébrale et l'atrophie scapulo-humérale .d'ori-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 491

gine spinale ou névritique, quand naturellement. ce diagnostic se

heurte à quelques difficultés, mais parfois aussi pour distinguer

l'atrophie musculaire juvénile au début d'autres processus atro-

phiques ayant une autre origine dans la région scapulo-humérale.

Au surplus, celui qui veut établir un diagnostic exact, doit exami-

ner complètement l'organisme par tous les bouts, et ne laisser de

côté aucun phénomène, quelle qu'en soit la constance, d'autant que

rien n'est absolu en ce monde; les réflexes même aussi importants

que le réflexe patellaire et achilléen, ne sauraient, on le sait

depuis longtemps, être regardés comme absolument constants.

0 , P. K 1 R L.

XXIX. Nouvelles communications sur les essais d'excitation élec-

trique de la moelle des décapités; par A. Hoche. (Yeurolog. Cen-

tmlbl., XIX, 1900 1.) -

Il s'agit de deux guillotinés qui constituent les observations 111

et IV de la collection de M. Hoche. Les voici :

Observation III. Homme de vingt-cinq ans. Chute du couteau

à 7 h. 5 minutes. Début des expériences à 7 h. 7 minutes. On se

propose d'employer le courant faradique aussi faible que possible;

excitation bipolaire à l'aide de fines aiguilles distantes de 1 milli-

mètre, montées sur le même manche. La colonne vertébrale a été

tranchée entre les troisième et quatrième cervicales. La moelle est

raide, lisse, brillante, libre dans le canal vertébral. Le contact

successif de la région droite et gauche des cordons antéro-laléraux

engendre, par le courant minimum, un mouvement de l'extrémité

supérieure homonyme, limité aux deltoïde, biceps, long supina-

teur, ainsi qu'aux muscles de l'épaule. Ce mouvement s'accentue à

mesure que l'on se rapproche des racines antérieures, il atteint

son maximum quand on excite directement les racines anté-

.rieures, entre la moelle et la dure-mère. Le faisceau pyramidal,

dans le cordon latéral, n'offre rien de spécial. Augmente-t-on la

force du courant appliqué aux régions indiquées, on provoque,

même par l'excitation unilatérale, un mouvement bilatéral symé-

trique, qui se propage ensuite en bas aux muscles du thorax, de

l'abdomen, voire de la cuisse. A 7 h. 15 minutes, en dépit de la

force du courant, les contractions deviennent vermiculaires, mais

un courant qui, appliqué à la surface de section, n'engendre que

des contractions lentes et faibles provoque des contractions éner-

giques et courtes si l'on enfonce l'électrode à 1 centimètre ou un

demi-centimètre. Douze minutes après la décapitation, l'excitabi-

lité de la surface de la moelle a beaucoup diminué.

1 Voir sur ce sujet : Loye, La mort par la décapitation. Librairie du

Progrès Méd. -

492 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Observation IV. Homme de cinquante-trois ans. Chute du

couteau à 7 h. 15 minutes. Décollation à la'hauteur de l'extrémité

inférieure de la troisième cervicale. A 7 h. 18 minutes, un courant

minimum sur la région des cordons antél'o-[rÛé1'aux fait contracter

les muscles de l'épaule et du bras du même côté, et l'effet est d'au-

tant plus grand que les pôles sont rapprochés du pourtour anté-

rieur de la moelle et ne quittent pas la zone des racines antérieures ;

il est moindre quand on excite les parties postérieures du cordon

latéral. Le territoire du faisceau pyramidal ne présente aucune

particularité. Un courant de force identique appliqué sur n'importe

quel cordon postérieur et sur n'importe quel faisceau de ce cordon,

engendre un mouvement bilatéral symétrique des deux bras ; les

bras s'élèvent, les avant-bras se fléchissent et les deux mains vien-

nent se croiser sur la ligne médiane au niveau du sternum. Le

contact de la racine postérieure gauche, entre la pie-mère et la dure-

mère, avec un courant faible, fait contracter les muscles de l'épaule

et du bras à gauche; si le courant est fort, les deux bras entrent

en mouvement, mais surtout à gauche. Résultat semblable, mula-

tis mutandis, pour la racine postérieure droite. Qu'on procède à

droite ou à gauche, les muscles du bras se contractent mieux et en

plus grand nombre si l'on excite simultanément un plus grand

nombre de faisceaux radiculaires postérieurs, en enfonçant les

aiguilles profondément dans le canal vertébral parallèlement à

l'axe longitudinal de la moelle. Les courants forts suppriment

toute différenciation ; ils engendrent des actions symétriques,

excitent les muscles du thorax, de l'abdomen, le diaphragme, le

psoas-iliaque. A 7 h. 30 minutes, c'est-à-dire quinze minutes après

la chute de la tête, l'excitabilité de la surface de section baisse

rapidement ; néanmoins, en piquant des plans plus profonds, on

arrive encore à renforcer l'action du courant passagèrement.

Conclusions. 1° La moelle de-l'homme, après la décapitation,

demeure excitable au courant faradique secondaire, appliqué sur

la surface de section, pendant environ un quart d'heure ; 2° les

courants faibles, excitent les parties latérales et antérieures de

cette surface, déterminent des contractions musculaires dans les

régions homolatérales dont les fibres correspondantes naissent à

peu près au niveau du lieu d'excitation ; renforce-t-on l'excitation,

on agit d'abord sur l'autre extrémité symétrique, puis, sur les

groupes musculaires placés sur des plans plus profonds; 3° l'exci-

tation des cordons postérieurs par un courant faible engendre un

effet symétrique au niveau du plan d'excitation. En variant les

épreuves, par l'excitation des racines antérieures et des racines

postérieures, par la graduation de la quantité de l'excitation, on

voit que les mouvements sont dus à l'excitation des fibres radicu-

laires motrices et à l'intervention réflexe des libres radiculaires

sensitives, soit isolément, soit en combinaison ; 4° les fibres du

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 493

faisceau pyramidal ne possèdent pas d'excitabilité individuelle;

5° les prolongements intra-spinaux des racines perdent leur excita-

bilité à l'égard du courant' faradique plus tôt que leurs trajets

extra-spinaux ; G° la décollation a lieu entre la 2° et la 5° cervicale ;

ceci permettra à l'avenir, au moyen de longues aiguilles, d'exciter

isolément les racines antérieures qui commandent aux nerfs des

membres supérieurs aux diverses hauteurs de la moelle cervicale ;

7° si l'on commence les opérations deux à trois minuutes après la

mort, on a dix à douze minutes à sa disposition; le trajet extra-

spinal des racines est du reste encore plus longtemps excitable, ce

qui fournit un champ d'investigations plus large. P. Keraval.

XXX. La destruction du faisceau pyramidal à l'entrecroisement ;

par M. ROTIDIANN. (NcU1'olog. Cenll'albl., XIX, 1900.)

Voici un procédé nouveau pour interrompre complètement la

transmission du cerveau à la moelle par le faisceau pyramidal.

L'entrecroisement des pyramides git, chez le chien, au-dessous

de la membrane obturatrice antérieure dans l'espace qui sépare

l'occipital de l'atlas. C'est à la moitié supérieure de l'hiatus osseux

en question que les deux artères vertébrales s'unissent à la basi-

laire. De là jusqu'au bord supérieur de l'atlas, entre les deux

branches spinales des vertébrales, qui ne se réunissent qu'un peu

plus bas à la spinale antérieure, se trouve un petit espace permet-

tant l'introduction d'une aiguille au milieu, sans avoir à craindre

d'hémorragie notable. La dure-mère, très épaisse en ce point, est

tout à fait dépourvue de vaisseaux sur la ligne médiane.

En conséquence, incision de la partie antérieure du cou, à droite

du larynx, mise à nu de la membrane obturatrice antérieure

qu'on fend largement, division de la dure-mère sur la ligne

médiane de l'occipital à l'atlas, introduction d'une aiguille poin-

tue exactement sur la ligne médiane dans le tiers inférieur de la

fente longitudinale, c'est-à-dire un peu au-dessus du bord de

l'atlas, jusque dans le bulbe où on la promène de haut en bas et

inversement juste au milieu autant que l'hiatus osseux le permet,

de façon à bien séparer les tissus. Tels sont les temps de l'opéra-

tion bien supportée par le chien, à part quelque ralentissement de

la respiration, qui se dissipe promptement. Jusqu'ici, 8 animaux

ont survécu plusieurs semaines; quand on les a tués, on a cons-

taté une destruction totale de l'entrecroisement des pyramides

avec lésion des faisceaux constitutifs des cordons antérieurs. Inté-

grité de la marche et de l'excitabilité électrique de la région cor-

ticale correspondant aux membres. Un autre mémoire sera con-

sacré aux résultats physiologiques et anatomo-physiologiques de

ce procédé. , P. KERAVAL.

494 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Des fibres des cordons postérieurs qui vont au cervelet, et

de leur importance physiologique ,et pathologique; par Scnrs-

CBRRI3AK, : YCll1'úlog. Cenlz·al6l., XIX, 1900.) -

Il est admis que les longues fibres ascendantes des cordons pos-

térieurs de la moelle semblent les prolongements des fibres des

racines sensitives postérieures, et paraissent servir à conduire les

sensations'de position, de mouvements, en un mot la sensibilité

des parties profondes des membres improprement désignée sous

le nom de sens musculaire ; leur atteinte entraîne aussi l'incoordi-

nation des mouvements. Mais il est, d'autre part, établi qu'une

partie considérable des faisceaux de Goll et de Burdach, après

avoil été interrompue par les cellules des noyaux correspondants ?

se porte au cervelet, sans prendre aucune part à la formation de

la couche intermédiaire des olives, ni du ruban de Reil principal,

c'est-à-dire des voies sensitives qui conduisent les excitations à

l'écorce du cerveau et produisent les sensations; une certaine par-

tie· des cordons postérieurs se rend au corps restiforme et au cer-

velet immédiatement sans être interrompue par des cellules. Donc

toutes les fibres ascendantes longues des cordons postérieurs ne

sont pas sensitives, ne sont pas destinées à expédier les sensations

de mouvements et de position. Une partie de ces fibres, tout en

restant centripète, n'a rien de commun avec la sensation propre

ment dite, elle sert de voie de transmission centripète du cervelet.

Dans les longues fibres ascendantes des cordons postérieurs de

la- moelle, il existe au» moins deux systèmes. Un système, le plus

étendu, qui sert de voie centripète du cervelet, celui-ci ne pouvant

régulariser qne les mouvements dont il est informé ; la destruction

de ce système détermine 1·tnxie. Un système conducteur de la sen-

sibilité des parties profondes, dont la lésion entraine une diminu-

tion ou la perte de cette sensibilité. Ces deux systèmes émanent

-des fibres des racines postérieures. -

La voie cérébelleuse des cordons postérieurs est construite sur

le plan de la voie cérébelleuse directe des cordons latéraux. Dans

celle-ci les fibres des racines postérieures sont interrompues par

les cellules des colonnes de Clarke, comme elles le sont par'les

cellules des noyaux des cordons de Goll et de Burdach dans la pre-

mière. Ces deux voies sont immédiatement formées des fibres des

racines postérieures qui débouchent dans la moelle. Il est à croire

'que les impressions cutanées périphériques sont transmises au

cervelet et aux centres cérébraux coordinateurs par la voie céré-

'belleuse directe des cordons latéraux et par une partie des fibres

du trousseau de Gowers et Bechterew. Les excitations centripètes

de la peau sont tout aussi indispensables à l'action régulatrice, coor-

dinatrice du cervelet, de là le voisinage des voies de transmission

eu question. Les racines postérieures qui débouchent dans la

- REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 495

moelle, conduisent en somme les excitations centripètes qui vien-

nent de la peau et des parties profondes, et sont destinées, d'une

part, aux appareils psychiques (excitations sensitives), d'autre

part, aux appareils de coordination vulgaire (principalement au

cervelet). ,

Le tabès commence par une lésion de la zone d'entrée des racines

postérieures et des cordons postérieurs : c'est une dégénérescence

du premier neurone centripète. La lésion des racines est segmen-

taire.

Mais dans chacun des segments de la moelle, toutes les fibres

radiculaires ne sont pas toujours simultanément affectées au début.

C'est pourquoi le tableau, clinique varie, les conducteurs sensitifs

de la peau, ceux des parties profondes, ceux qui vont de la peau

et des parties profondes au cervelet, pouvant être atteints ensemble

ou isolément. Aussi trouve-t-on à la période de début, soit un

trouble de la sensibilité cutanée sans autres modifications, soit la

perte de la sensibilité profonde sans modification de la sensibilité

cutanée, soit simplement de l'ataxie seule sans troubles de la sen-

sibilité, soit enfin, ce qui est le plus habituel, une perturbation de

toutes ces fonctions. Souvent au début, il n'y a qu'altération des

conducteurs sensibles (période préataxique), mais généralementla

marche ultérieure du tabès s'accuse par l'atteinte des voies sensi-

tives et cérébelleuses à la fois, par l'association des troubles delà

sensibilité à l'ataxie, déterminée par la dégénérescence de toutes

les fibres longues ascendantes des cordons postérieurs La partici-

pation du système cérébelleux au processus tabétique s'explique

par la dégénérescence continuelle des fibres des colonnes de

Clarke, en rapport intime avec le cervelet. La forme ataxique delà

névrite et la sensumobilité d'Exiier proviennent de l'existence dans

les nerfs sensibles périphériques de fibres centripètes allant au cer-

velet.

La maladie de Friedreich n'est pas une affection combinée des

cordons postérieurs et des cordons latéraux. C'est une affection

systématique des faisceaux centripètes et centrifuges du cervelet,

entée sur un arrêt de développement congénital de la moelle, des

corps optostriés, et du cervelet. On y trouve la dégénérescence du

faisceau cérébelleux des cordons postérieurs, chargé d'expédier les

excitations venues des parties profondes, celle des cordons latéraux

du cervelet et d'une portion du faisceau de Gowers et Bechterew

qui transmet au cervelet les excitations de la peau. Par là se pro-

duit l'ataxie dénuée de troubles de la sensibilité. La dégénéres-

cence du système cérébelleux centripète s'étend aux voies corres-

pondantes du tronc des hémisphères, d'où, par exemple la dysar-

thrie cérébelleuse, à' toutes les fibres qui conduisent au cervelet

les excitations centripètes, d'où, la titubation, le vertige, l'asthénie

Très souvent les voies cérébelleuses centrifuges de la moelle sont

496 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

- aussi piises : exagération de l'ataxie, tremblements intentionnels,

mouTements choréiformes. Alors le cervelet est atrophié dans sa

totalité, ses faisceaux centrifuges sont lésés sous la forme de dégé-

nérescence disséminée dans la région du reliquat des cordons

antérolatéraux et du faisceau intermédiaire du cordon latéral des

pyramides.

La maladie de Friedreich compliquée est une affection systéma-

.tique combinée. Aux précédentes lésions s'ajoute : la dégénéres-

cence des voies sensitives des cordons postérieurs ou celle des py-

ramides dans les cordons antérieurs et latéraux, ou encore une

affection diffuse de la moelle et du tronc du cerveau. Ces compli-

cations pathologiques expliquent les symptômes supplémentaires

correspondants.

L'hé1'édo-ataxie cérébelleuse, que nous ne pouvons encore sur le

vivant distinguer de la maladie de Friedreich, est une modalité

cérébelleuse dans laquelle nous trouvons une lésion systématique

des centres coordinateurs du cervelet, sans altérations de voies

centripètes de la moelle. -

L'ataxie donc, qu'il s'agisse de la maladie de Friedreich ou du

tabès est cérébelleuse. Elle tient à une lésion des faisceaux des cor-

dons postérieurs et latéraux dans le cervelet. Les phénomènes ce-

rébelleux ne sont si faiblement développés dans le tabès que

parce que toutes les voies du cervelet n'y sont pas atteintes, elles le

sont systématiquement dans la maladie de Friedreich. Il existe

- parfois dans le tabès des accidents cérébelleux accusés ; alors la

dégénérescence des fibres radiculaires gagne, par les colonnes de

Clarke, les cordons latéraux cérébelleux; en outre, il existe assez

fréquemment une dégénérescence disséminée dans la région du

reliquat des cordons antérolatéraux. La constante et précoce parti-

cipation au processus des fibres radiculaires qui se dirigent vers

les colonnes de Clarke, parle du reste nettement en faveut de l'exis-

tence d'une affection cérébelleuse dans tout tabès.

P. 1CL a Avnt.

XXXII. Quelques anomalies du sillon de Rolando ;

par A.-111. ANTONOWSKY (06ozrénié psychiatrie, V, 1900),

Sept observations avec figures. Conclusions. 1° Il existe des

anomalies du sillon de Rolando constituées par la bifurcation de

la partie supérieure de celui-ci ; 2° les branches de ces bifurcations

- comprennent des portions plus ou moins étendues du cerveau,

- entre 3 cm3 75 et 7 cm3 5; 3° le sillon de Rolando peut se réunir à

la partie ascendante du sillon interpariétal (sulcus postcentral

d'Ecker) ; 4° il peut se réunir, par un rameau distinct, à la scissure

frontale supérieurs (sulcus praecentralis superior de Schwalbe).

P. KERAVAL.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 4H7

XXXIII. De l'épuisement des réflexes tendineux et de sa valeur

diagnostique dans les maladies nerveuses; par W.-M. Becutehew

(06ozrcsnié psichiatrü, V, 1900).

Dans les myélites de la région dorsale inférieure et du renfle-

ment lombaire, au moment où le processus morbide présente une

certaine amélioration, on constate que le réflexe patellaire ne se

produit qu'aux premiers coups de marteau frappés sur le tendou,

il s'affaiblit vite à chaque nouveau heurt et finit par disparaître

totalement. Laisse-t-on reposer le malade, on peut à nouveau le

provoquer, dans sa première vigueur, mais une nouvelle investi-

gation- répétée se traduit par un nouvel affaiblissement plus ou'

- moins rapide et finalement par la disparition absolue temporaire

du réflexe. Ce phénomène est l'indice du rétablissement, en ce cas,

des réflexes tendineux depuis longtemps disparus, et subsiste

jusqu'à ce que ceux-ci soient parfaitement revenus à la normale.

Il s'observe également à la pliase de développement de la névrite

multiple, ainsi qu'aux stades initiaux du tabes dorsal avant la

complète disparition de ces réflexes, mais alors, en môme temps

que se développe l'état morbide, il s'accentue de plus en plus

jusqu'à l'instant ou les réflexes disparaissent tout à fait.

Quelle est donc la valeur de l'épuisement temporaire des ré- -,

flexes tendineux aux percussions répétées ? Il s'agit simplement de

savoir s'il diminue ou augmente chez un malade donné dans le

cours du temps. S'il diminue, c'est que la lésion génératrice s'amé-

liore ; s'il augmente, c'est que celle-ci empire. Cet épuisement a

aussi sa valeur diagnostique propre, surtout quand il est associé

à d'autres manifestations morbides. Ainsi, dans les périodes ini-

tiales du tabes dorsal, s'il est escorté des douleurs fulgurantes, de.

la lenteur de réaction des pupilles à la lumière, etc., il peut contri-

buer à l'établissement plus exact du diagnostic. P. KI RA VAL.

XXXIV. De l'automatisme postparoxystique passager, remplaçant

le sommeil postépileptique, ou équivalent psychique du som-

meil postépileptique : par 1. HERMANN (Obozrénié psichiatrii, V.

1900).

L'auteur décrit un désordre psychique passager survenant chez

l'épileptique immédiatement après l'attaque, à la place du som-

meil qui, le plus souvent, termine la crise convulsive. Au lieu de

dormir, le malade tombe dans une sorte d'automatisme, de dix à

trente minutes, pendant lequel, inconscient, ne comprenant pas

les questions qu'on lui pose, n'y répondant pas, ou disant n'im-

porte quoi mal à propos, ne reconnaissant pas les siens, il accom-

. plit des actes immotivés, idiots. La forme en varie suivant les

malades, mais reste fixe chez le même patient. Cet automatisme

Archives, 21 série, t. Y1\'. 1 32

498 REVUE D'ANATOMIE ET.DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

se termine brusquement en laissant après lui une complète amné-

sie de ce qui a eu lieu pendant sa durée. Il est des malades chez qui

il se manifeste presque à chaque ictus ; il en est chez qui il alterne

avec le sommeil postépileptique. L'automatisme une fois passé, les

malades, d'ordinaire, continuent leurs occupations interrompues,

mais, parfois, ils se couchent et s'endorment. Cinq observations à

l'appui. Le désordre mental en question est apparu, soit après les

grandes, soit après les petites attarlues, mais le plus souvent à la

suite des attaques longues et intenses. Il. ne faut pas le confondre

avec l'obnubilation mentale longue des épileptiques, qui précède,

suit ou remplace les attaques, se rattache surtout à l'état de mal,

et se termine, non soudain, mais graduellement, en passant, par

une phase de demi-conscience : cet état-là n'est pas l'équivalent

psychique du sommeil post(pileptiqne; car, au cours de sa durée,

les malades dorment après les attaques, et le sommeil ne ramène

pas la lucidité, contrairement à ce qui doit avoir lieu.

L'automatisme passager postparoxystique tient à une confusion

mentale générale, avec hallucinations et illusions sensorielles en

masse, surdité mentale et cécité mentale qui dessinent toujours le

même tableau morbide chez le même patient, mais produisent des

modalités variées. Le passage de cet état méntal inconscient à

l'état mental ordinaire s'accomplit néanmoins tout à coup. De la

conduite la plus illogique, la plus inconséquente, l'épileptique

passe, sans transition, aux réponses correctes, à la lucidité, et

quand son intelligence est encore bonne, il s'étonne fort de ce

qu'il a fait pendant son automatisme. L'importance médico-légale

de cet état saute aux yeux. Le malade peut commettre, sans le

savoir, des crimes, et son désordre mental, par suite de sa courte

durée, peut passer inaperçu de ceux qui l'entourent. Une erreur

'judiciaire est principalement possible lorsqu'il s'agit d'un individu

n'ayant que de petites attaques larvées, dont l'intelligence a peu

souffert, qui commis un crime ayant tout l'air d'être prémédité

et machiné. P. Keraval.

XXXV. La localisation cérébrale de la mélancolie ; par Bernard

IIOLLANDER. (Tite Journal of Mental Seicnce, juillet 1901.)

Travail étendu, très intéressant, très documenté, qui conduit son

auteur aux conclusions suivantes :

I. -'l'outes les preuves accumulées dans ce mémoire tendent à

une conclusion unique, l'existence de certaines relations entre la

région centrale du lobe pariétal et les états de mélancolie.

1° Cela est démontré par plus de cinquante cas de lésions trau-

maliques de la tubérosité pariétale ou de son voisinage, ayant été

assez graves pour atteindre le cerveau ou ses membranes, et par

le fait que, dans la moitié de ces cas, la guérison a succédé à fin-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 499

tervention chirurgicale ; 2° cela est démontré par les symptômes

mentaux qui accompagnent les tumeurs qui prennent naissance

dans cette région et y demeurent limitées ; 3° également par les

effets des maladies inflammatoires limitées à cette région ; 4° cela

est démontré par les hémorragies idiopathiques qui se produisent

quelquefois sous la protubérance pariétale (y donnant ultérieure-

ment lieu à des fausses membranes ou à des kystes) à la suite

d'une frayeur brusque, d'un choc mental, ou de tout autre trouble

émotif de nature déprimante, ou enfin dans les maladies mentales

qui s'annoncent par une crise de mélancolie; 5° il est démontré

que l'atrophie symétrique que l'on observe fréquemment dans les

protubérances pariétales est due à un trouble trophique qui accom-

pagne l'état de mélancolie du malade ; 6° les maladies du crâne

qui intéressent cette région du cerveau, les anomalies congénitales

de développement de cette même région peuvent aussi donner

naissance à la mélancolie.

IL L'auteur avance qup, à l'origine de la mélancolie simple,

on trouve un état pathologique de l'émotion de la-peur. Cette

émotion, bien que se généralisant, doit nécessairement avoir son

point de départ dans une portion limitée du cerveau, laquelle,

lorsque la peur se manifeste d'une façon pathologique, comme

dans les divers degrés de la mélancolie, doit nécessairement nous

révéler une lésion : on a fourni dans ce travail des preuves expé-

rimentales et anatomiques qui indiquent :

1° Que l'expression physique dé la peur et les états qui s'y rat-

tachent peuvent être produits chez les animaux par l'excitation de

la région pariétale centrale ;

2° Que cette région est en relation étroite avec le système ner-

veux sympathique et le système vaso-moteur, qui tous deux sont

atteints dans la mélancolie ;

3e Que dans les lésions de cette région, l'augmentation de la

pression sanguine, les altérations de la sensibilité, les troubles de

la vision et la cécité corticale peuvent accompagner l'état mélan-

colique. R. de IUSGIi : IVE-CL.aY.

XXXVI. Considérations sur le siège topographique des désordres

psychiques ; par le Dr hmcuuorr (Revue de psychologie clinique et

thérapeutique, mai et juin 1899).

La détermination exacte du siège anatomique des désordres

psychiques offre le plus grand intérêt. Il ne saurait être question

ici de localisation, ce terme étant compris dans le sens de lésion

en foyer. En effet, dans une maladie mentale, le cerveau doit être

considéré' comme malade dans sa totalité ; l'unité fonctionnelle de

tout le système cérébro-spinal ressort nettement de l'étude des

phénomènes dont il est le siège : les rapports les plus étroits

500 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

unissent les diverses fonctions psychiques. Mais on est en droit de

rechercher dans quelles parties du cerveau les plus importants

symptômes d'un type morbide ont leur origine. Jusqu'ici, par

suite de l'incertitude de notre connaissance de la répartition des

diverses fonctions sur la surface du cerveau, ces recherches n'ont

guère abouti qu'à des résultats incomplets ou hypothétiques. C'est

à un exposé et une discussion sommaires, impossibles à analyser,

de quelques-uns de ces résultats, qu'est consacré le travail de

M. Kirchlioff. - A. Fenayrou.

XXXVII. Etudes sur l'évolution et l'involution de la cellule ner-

veuse ; parle Pr Marinesco. (Revue neurolojiquc, octobre 1899.)

L'auteur, dans un mémoire du plus haut intérêt résume la suite

de ses recherches sur la cellule nerveuse. Les deux premiers élé-

ments qui apparaissent dans toute cellule nerveuse depuis ses

premières origines sont : 1° la charpente librillaire, et 2" une ma-

tière semi-tluide qui remplit les mailles de cette charpente, à

mesure que la cellule nerveuse s'accroît, il apparaît un troisième

élément : l'élément chromatopliile dont on peut suivre le dévelop-

pement grâce aux investigations histologiques. Tout d'abord, il

apparaît, à la périphérie, des granulations colorables, de forme et

de grandeur différentes. Ces granulations se réunissent entre elles,

obéissant à des lois pliysicoeliimique, pour former à la (in des

corps de formes géométriques, les éléments chromatopliiles, à

mesure que la cellule radiculaire se développe, la substance chro-

matique apparaît aussi dans les régions profondes de la cellule,

si bien que chez l'enfant nouveau-né cette cellule présente une

grande ressemblance, à part le volume, avec celles de l'adulte.

alors que dans les cellules radiculaires et dans les cellules géantes

pyramidales, le corps cellulaire augmente d'une manière considé-

rable, que la substance chromatique s'organise et e dépose de la

surface cellulaire vers la profondeur en' envahissant toute la cel-

lule nerveuse, il n'en est pas de même pour les cellules des colon-

nes de Clarlce, certaines cellules des cordons de la moelle épinière,

les cellules du sympathique, certaines cellules des ganglions spi-

naux et certaines cellules cérébrales; dans ces dernières la subs-

tance chromatique se dépose seulement à-la périphérie de la cel-

lule, la différenciation des éléments chromatopliiles se fait plus

lentement et les parties centrales ne possèdent pas, même après

la naissance et à l'état adulte, des éléments chromatopliiles bien

développés dans la région périnucléaire.

Malgré la fixité de la cellule nerveuse, la persistance remarqua-

ble de sa structure anatomique, elle est néanmoins soumise à la

fatale loi de l'involution. A mesure que la cellule avance en Age,

le volume des éléments chromatopliiles, surtout dans la partie

REVUE D'ANATOMIE El' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 501

centrale, diminue, et on constate assez souvent qu'à leur place. il

existe dans la région périnucléaire de fines granulations poussié-

reuses peu co : orables. Consécutivement à cette réduction de vo-

lume des éléments chromatopliiles et leur transformation en fine

poussière, il se produit, dans les cellules atteintes, une réduction

du nombre des éléments clii omatiques ; leur forme change égale-

ment et devient arrondie. Cette description se rapporte aussi bien

aux cellules radiculaires qu'aux grandes cellules pyramidales.

Une caractéristique de la sénescence de la cellule nerveuse, c'est

la présence, dans son cyoplasma, de granules et granulations d'in-

volution qui portent le terme générique de pigment, expression

défectueuse qui en préjuge la nature.

Au point de vue de leur réaction chimique, on peut diviser ces

granulations en trois catégories : 1° les granules non colorables

par les différents réacliïs, tels que les granules noirs des cellules

des ganglions spinaux ; 2° les granulations erytlirophiles ; 3° les

granulations cyanopliles. M. Marinesco estime que les conditions

matérielles qui produisent les différentes manifestations de l'invo-

lution résident dans la substance amorphe fondamentale, à la-

quelle il a donné le nom de troplioplasma. Il est possible qu'à

partir d'une certaine époque de l'évolution, cette matière fonda-

mentale amorphe ne puisse plus réunir avec la même facilité les

granulations élémentaires d'évolution, lesquelles, par leur arran-

gement, constituent les éléments chromatopliiles. Alors ces pro-

duits de désintégration subissent un processus de régression en

vertu duquel ils se transforment en granules et granulations d'iu-

volution qui constituent le soi-disant pigment.

- Un des arguments qu'on peut invoquer en faveur de la nature

involutive du pigment, c'est que toute altération prolongée dans

la nutrition de la cellule nerveuse s'accompagne de formations de

pigment. E. B.

XXXVIII. La circulation de la lymphe dans la moelle épinière ; par

M. GUILLAIN. (Reu2ce neurologique, décembre 1899.)

Les conclusions de ce travail sont les suivantes : i° La circula-

tion des liquides nourriciers, la circulation de la lymphe suit dans

la moelle épinière une voie ascendante. 2q La circulation de la

lymphe dans le cordon postérieur est indépendante de la circula-

tion de la lymphe dans la circulation autéro-laterale. 3° le canal

de l'épendyme remplit les fonctions d'un canal lymphatique.

4° Les espaces lymphatiques de la moelle sont déterminés surtout

par la disposition de la névroglie. E. B.

S02 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXXIX. Note sur le mode d'oblitération partielle du canal épendy-

maire embryonnaire chez les mammifères ; par C. Bonne. (Revue

neurologique, septembre 1899.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

1° Le canal de l'épendyme se ferme en arrière par invagination

de sa paroi postérieure qui, d'abord allongée suivant un plan

transversal, bombe de plus en plus dans sa cavité.

2° Il y a donc une véritable solution de continuité de la barrière

épithéliale. '

3° A cette invagination se rattachent intimement :

A. La présence, en un point qui. sera plus tard l'extrémité, des

cornes postérieures, des cellules qui formeront par leur dévelop-

pement ultérieur la substance gélatineuse de tiolaitdo, comme

celles qui entourent le canal central persistant forment la substance

gélatineuse périépendymaire.

B. La formation du septum postérieur;

C. La présence des cellules névrogliques immigrées dans la par-

tie la plus postérieure de la moelle,' de chaque côté du septum. -

4° Outre cette invagination, et par un processus connexe mais

indépendant, les parois latérales de l'épendune se rapprochent

l'une de l'autre et peuvent ainsi emprisonner un segment plus ou

moins étendu du coin invaginé et des cellules cornées du septum

postérieur.

5" Le sinus rhomboïdal des oiseaux et probablement aussi le

sinus terminal ou les dilatations préterminales du canal épendy-

maire des mammifères dépendent d'un processus différent dans

les détails, mais essentiellement comparable à celui de la forma-

tion du reste du canal. E. B.

XL. Sur le réflexe plantaire contra-latérale ; par les Drs Fartron et

. Goldstein. (Journ. de Neurologie, 1902, n° 8).

Sous le nom de réflexes plantaire contra-latéral, on désigne- le

mouvement des orteils qui se produit à la suite de l'excitation de

la face plantaire du pied de l'autre côté.

Il existe deux types du réflexe, plantaire contra-latéral : le type

en flexion et le type en extension. Le premier se produit, en

général, quand le réflexe se fait de la même manière des deux côtés;

au contraire quand du côté correspondant à l'imitation le réflexe

se fait en extension, le réflexe contra-latéral se fait aussi en exten-

sion. Les auteurs ne sont pas en mesure de dire s'il existe ou non

des cas où le icftexe contra-latéral se produit avec des caractères

opposés à celui du côté de l'excitation.

Ce réflexe ne se rencontre pas à l'état normal chez l'homme

adulte; il parait, au contraire, exister chez le nouveau-né. On le

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. S03

trouve assez fréquemment, dans les cas de paraplégie et surtout

d'hémiplégie organique. Il parait indiquer une altération de la

voie pyramidale et acquérir ainsi une valeur aussi grande pour le

diagnostic que le signe de Babinski.

Pourquoi ce réflexe se produit-t-il dans certains cas d'hémiplégie

et de paraplégie tandis qu'il manque dans d'autres, cela est diffi-

cile à dire. Peut-être est-ce une question de siège, d'étendue ou

d'intensité des altérations" ? G. U.

XLI. Contributions expérimentales à la' psycho-physiologie des

- hallucinations; par : 1111. V.scmn et luiii-As. (Journ. de Vreuro-

logie, 1902, n° 9).

A la suite d'une série de recherches et d'expériences très ingé-

nieuses dont on trouvera la relation dans ce travail, les auteurs se

croient autorisés à affirmer que toutes les hallucinations quelleque

soit leur origine relèvent d'un même mécanisme psycho-physio-

logique dont le résultat linal est l'affaiblissement et la disparition

du pouvoir de contrôle du sens intéressé. Ce contrôle conti-

nuel et permanent s'accomplit normalement par toutes les

impressions de quelque nature qu'elles soient, alimentant sans

discontinuité la conscience du sujet, et lui permettant de juger et

de vérifier constamment ses impressions et ses sensations mentales

les unes parles autres. Deux vérifications constantes, le plus souvent

automatiques, sont le bon éduillbre ? ans un système logique et

bien coordonné de données exerçant, constamment des actions

mutuelles et réciproques les unes sur les autres. L'absence de ce

contrôle sensoriel, jointe à l'état de distraction favorise l'appari-

tion des hallucinations. G. 1).

XLII. L'évolution du sens des couleurs, par F.-W. I : DaocH-GnEw

(The Journal of Jlvaalul Science. Octobre 1901).

Tous les faits sont d'accord pour démontrer que le sqns de la

lumière s'est développé avant le sens des couleurs : on a voulu

voir dans la cécité des couleurs une « myopie chronique » mais

cela n'est vrai que si la perception lumineuse est elle-même défec-

tueuse. Quand la lumière frappe l'aeil, elle met en jeu une impul-

sion nerveuse qui se transmet au cerveau : dans l'impulsion elle-

même nous trouvons l'origine physiologique de la lumière, etdans

la qualité de cette impulsion, l'origine physiologique de la couleur.

Ce que l'auteur entend soutenir, c'est que ces deux facteurs sont

perçus par des groupes parfaitement distincts des cellules céré-

brales, et que les groupes affectés à la perception colorée se déve-

loppent beaucoup plus tardivement que ceux qui transmettent la

simple sensation lumineuse. Toutes les preuves que l'on peut

réunir montrent que, primitivement, tous les objets étaient vus

504 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

comme sur une photographie, avec des degrés différents de blar.c

et de noir. Dans l'évolution du sens des couleurs, les ondes qui

physiquement, sont les plus différentes, c'est-à-dire le rouge et le

violet, ont été les premières à être différenciées, tout le reste du

spectre demeurant gris. La vision d'Homère parait avoir eu ce

caractère qui représente le degré immédiatement voisin de la

cécité absolue des couleurs. L'auteur a pu observer un cas où le

malade présentait de la cécité des couleurs monoculaires, et pour

lequel le spectre solaire était presque entièrement gris. sauf une

teinte rouge à l'une de ses extrémités, violette à l'autre : ce malade

voyait beaucoup mieux de l'oeil aveugle aux couleurs que de'

l'autre.

A mesure que le sens des couleurs se développe, l'écartement

des rayons lumineux nécessaire u la perception différentielle

devient moindre, et la bande neutre se rétrécit jusqu'à ce que les

deux couleurs se rencontrent au milieu du spectre. Alors, à ce

point central se développe une couleur nouvelle, le vert : puis

apparaît une quatrième couleur, le jaune, à moitié chemin entre

le rouge et le vert : ensuite viennent le bleu et l'orange. Cllezquel-

ques sujets l'évolution va plus loin et ils perçoivent dans le spectre

une septième couleur.

Ces faits démontrent que la cécité psycho-physique des couleurs

est le reliquat d'un état antérieur de développement du centre de

perception des couleurs. - H. de Musgravk-Clay.

XLI11. Quelques remarques sur nos méthodes actuelles d'investiga-

tion appliquées à la pathologie des maladies mentales, avec

quelques suggestions en vue de recherches originales; par

Richard L. LEarEn. ('t'/t6./bK)'nM<o ? e ? ! Scunee, janvier 1901.)

Les méthodes les plus couramment employées sont la méthode

de lVissl, la méthode de Golgi avec ses modifications, la méthode

de Weigert et la méthode « fraîche » de Kevan Lewis. Dans des

recherches d'un certain ordre, il est nécessaire d'associer ou de

combiner plusieurs de ces méthodes, auxquelles il faut ajouter

dans certains cas celles de Marchi et de 1\'eigerl-Pal. L'auteur

entre dans quelques détails sur les applications de ces diverses

méthodes aux recherches d'anatomie pathologique du système

nerveux. U. M.-C.

XL1V. Un cas d'anévrisme sacciforme double intracrânien ; par

B. Henry Sii.%w. (The Journal of Mental Science, juillet 1901.)

Observation : Femme de cinquante an, de santé générale assez

bonne, aliénée depuis deux ans ; délire de persécution avec liallti-

cinations de l'ouïe, surtout la nuit. Ophthalmoplégie droite presque

complète, avec ptosis, strabisme externe et fixité de la pupille,

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 505

celle-ci non constante. Pas de névrite optique. Ces symptômes

paraissent s'être manifestés soudainement, il y a quelques années,

après une violente céphalalgie à droite. Attaque d'apoplexie avec

convulsions très accusées à gauche. Mort. A l'autopsie, on trouve,

en ouvrant la dure-mère-mère. qui est normale, sous l'arachnoïde,

un épanchement de sang abondant, qui se répartit par plaques

sur les régions frontale, occipitale et cérébelleuse, et sous la forme

de blocs dans la zone périphérique du protoplasma cellulaire. La

substance chromopltile dissoute persiste jusqu'au moment de la

naissance, mais elle fait complètement défaut dans les cellules

adultes.

Les résultats de ces recherches prouvent, contrairement à l'opi-

nion de Solovizoff, que le développement de la cellule nerveuse

radiculaire est indépendant de sa connexion certicale, puisqu'il est

complètement achevé au moment où cette connexion s'établit. Ils

démontrent, en outre, comme l'ont déjà avancé plusieurs auteurs,

que la substance cromophyle n'est qu'une matière de réserve des-

tinée à subvenir à la nutrition de la cellule nerveuse.

Enfin, la constatation par M. von Biervliet pendant le cours du

développement de l'embryon d'un état de chromolyse physiolo-

gique analogue à la chromolyse expérimentale, vient à l'appui de

la manière de voir de M. van Gehuchten. qui considère le phéno-

mène de chromolyse en lui-même comme une réaction utile du

neurone, réaction qui survient chaque fois que ce neurone se

trouve lésé dans son intégrité anatomique et qui lui permet de

résister plus avantageusement à la lésion subie. G. D.

XLV. Tumeur du thalamus optique ; par 1111CIIeL-CL.i;FE. (l3rit.

met/. Journal, 9 novembre 1901.)

Une observation avec nécropsie (2 figures).

L\-1. Localisations motrices du cortex cérébral ; par C. S.

Sciierrington et GRiiN13AU.NI(Bi'it. mecd.Jourrzttl,Sdécembre1rJ01.) .)

Les auteurs reprenant les recherches de Terrier, Bewor et Hms-

ley, ont étudié spécialement les singes anthropoïdes, chimpanzé-,

gorilles et orangs. La méthode expérimentale et l'anatomie cli-

nique se contrôlent ainsi de plus près grâce à l'application des

recherches physiologiques à des animaux aussi proches que pos-

sible de la conformation cérébrale humaine.

XLVII. Théories sur l'hérédité ; par Arcudall REtD. (81-it. Med.

Journ. décembre 1901.)

Variations vraies on apparentes par alternances, caractères

transmis ou acquis. Théories de Darvin, de Weisman et d'Adami,

50G REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

sont sommairement passées en revue ainsi que l'évolution pro-

gressive et la dégénération régressive.

XLVIII. De l'asymétrie de la mimique faciale d'origine otique en

pathologie nerveuse; par Lannois et Pautet. (Revue de méde-

cine, 190 ? ) -

Signalant la fréquence des troubles de la mimique faciale chez

les nerveux, les auteurs appellent en même temps l'attention sur

certains troubles de la mimique dans les altérations qui atteignent

le facial, notamment dans son trajet auditif. M. Il.

XLIX. La sensibilité à l'aimant, avec tableaux et 32 figures ;

par Cli. MUE. (Revue de médecine, 1902.)

Expériences que l'auteur a faites sur lui-même, à l'ergographe

de Mono pour établir la résistance comparative à la fatigue avant

et après l'application de l'aimant. ' AI. II.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

X. Introduction à l'étude psychologique des enfants arriérés ;

par 1'illiam 13. Noyés. (I'he New Yorlc Médical Journal. 22 juin

1901.)

Pour étudier convenablement les enfants arriérés ou présentant

une défectuosité mentale, il faut se placer au triple point de vue

du psychologue, de l'éducateur et du médecin : l'étude de l'enfant

normal ou anormal appartient également à ces trois professsions.

Dans le passé les systèmes d'éducation n'ont pas tenu suffisam-

ment compte des enfants à intelligence défectueuse ou simplement

faible. 11 n'y a pas bien longtemps non plus d'ailleurs que les

médecins se sont rendu compté de la valeur de la psychologie

appliquée à leur profession, et en particulier de la valeur théra-

peutique de la suggestion.

L'auteur rappelle la classification de Binet relative à la sugges-

Libilité des enfants dans les écoles : cet auteur les divise en quatre

catégories : 1° enfants plus ou moins automatiques, obéisssant

passivement 'au maître ; 2° enfants sensibles, dont on obtient

l'obéissance en faisant appel à leur nature impressionnable, et à

leurs affections; 3° enfants t esprit actif et brillant, ayant une

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 507

personnalité nette, plutôt rebelles à la suggestion, à moins qu'on

ne leur montre un obstacle à surmonter, faisant surtout bien ce

qu'on leur a dit qu'il ? ne pourraient pas faire ; 4° enfants obstinés

rebelles à toute suggestion, ou incapables de lui obéir ; cette der-

nière catégorie comprend les indisciplinés, les rebelles et beau-

coup de névropathes et de dégénérés; on y rencontre aussi des

enfants moralement pervers qui peuvent devenir intéressants au

point de vue de la criminologie : elle renferme les enfants arriérés,

les faibles d'esprit et ceux dont la mentalité d'une manière ou

d'une autre est défectueuse.

Pour étudier utilement cette dernière catégorie, il faut posséder

quelque chose de plus et de mieux qu'une simple classification

des différents types qui la composent.

En effet, cette classe comporte des enfants névropathes, qui, au

premier abord, paraissent lui appartenir soit par leurs actes, soit

par leur état mental, et qui sont tout simplement des épileptiques,

des hystériques ou des choréiques : améliorez leur santé physi-

que et vous les verrez se transformer, et même devenir quelque-

fois intellectuellement supérieurs à leurs camarades; ils pourraient

constituer une cinquième catégorie.

11 est curieux de voir combien les livres consacrés aux maladies

mentales accordent peu d'attention aux états psychologiques inter-

médiaires entre l'état normal et des états désespérés et désespé-

rants comme l'idiotie et l'imbécillité. Ces états intermédiaires

existent pourtant ; on en trouve des exemples dans les familles,

dans les écoles où ces enfants sont qualifiés d'arriérés ou d'inin-

telligents, alors que parfois une seule de leurs facultés mentales

est défectueuse. - "

Dans des cas de ce genre, il faut cesser de considérer les mots

« enfant arriéré ou à intelligence défectueuse » comme constituant

un diagnostic suffisant, et il faut étudier séparément chacune des

facultés mentales, comme pour faire un diagnostic ordinaire, on

examine séparément chacun des organes et chacune des fonctions.

On se trouvera quelquefois ainsi engagé dans une direction qu'on

ne prévoyait pas. Il faut aussi'se défier de deux termes généraux

très usités, à savoir : dégénérescence et hérédité. Le mot dégéné-

rescence est fort souvent appliqué très mal à propos, et rien n'est

plus aveugle que les soi-disant lois de l'hérédité. 11 convient

d'examiner d'abord les facultés mentales de l'enfant, en se déga-

geant temporairement de toute préoccupation d'hérédité. L'auteur.

rapporte ici assez longuement l'observation d'un malade qui pré-

sentait en apparence un cas type ordinaire de faiblesse mentale,

et qui est surtout destinée à montrer la différence entre un dia-

gnostic médical et un diagnostic psychologique.

Les anciens traités de psychologie ne manquaient pas de donner

des facultés mentales des divisions et des subdivisions nettement

508 8 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tranchées, que la science moderne a cessé d'admettre à cause de

la solidarité manifeste des facultés mentales. Mais dans l'état

pathologique ou nettement anormal la dissociation même de cette

faculté rend cette ancienne méthode de division non seulement

admissible, mais nécessaire. '

Dans l'étude des enfants de mentalité défectueuse, on doit dis-

tinguer : 1° ceux chez lesquels la faculté de perception est absente ;

cette classe comprend tous ceux qui présentent une absence con-

génitale d'un ou plusieurs sens spéciaux, les aveugles, les sourds,

les muets qui ne peuvent acquérir de développement mental que

par une éducation vicariante de leurs autres facultés : là aussi, à

la limite extrême, se rangent les idiots qui ne sont idiots que par

suite de l'absence de certains sens spéciaux ; 2° les enfants qui,

possédant tous les sens spéciaux et étant doués du pouvoir de

perception, manquent absolument de cette puissance d'attention

sans laquelle l'instruction la plus soigneuse et la suggestion la

plus répétée restent dépourvues de tout effet utile. Au degré le

plus avancé, lorsque l'attention ne peut être réveillée par aucune

stimulation extérieure ou intérieure, on a l'idiotie complète avec

ses types divers.

Les enfants chez qui le pouvoir d'attention fait absolument défaut

ne paraissent susceptible^ d'aucun progrès dans aucune de leurs

autres facultés. Mais pour peu que, à l'aide d'un stimulant quel-

conque on puisse éveiller, même à un très faible degré, l'attention,

on pourra obtenir des résultats nettement progressifs. Il semble

qu'un pouvoir très faible d'attention soit susceptible d'être accru

dans, une mesure presque indéfinie par un éducateur intelligent : -.

et c'est d'ailleurs sur ce principe que reposent la plupart des mé-

thodes d'éducation des enfants arriérés ou idiots. Le plus souvent

malheureusement, à une méthode défectueuse d'utilisation de son

esprit, vient s'ajouter chez l'enfant une faiblesse mentale qui l'em-

pèche de diriger son attention pendant un laps de temps de quel-

que durée : d'où une fâcheuse complication du problème. Beau-

coup de ces enfants sont, à la lettre, « nés fatigués » et leur

fatigue cérébrale, comme d'ailleurs leur fatigue physique se ma-

nifeste, au moindre effort, avec une désespérante promptitude.

L'attentiwn est, de sa nature, une fonction motrice; elle est

associée a une ferme d'activité musculaire bien définie (acti-

vité pour certains muscles, inhibition pour. d'autres). Aussi

n'est-il pas rare, quand la faculté d'attention est sérieusement

défectueuse, de rencontrer simultanénément d'autres troubles

moteurs. Tous les degrés de l'inattention, d'ailleurs, peuvent

être observés, et en fait, il n'y a guère d'enfant normal qui ne

soit pas souvent inattentif. Seulement par de faciles artifices ?

le maître ramène à lui l'attention de l'enfant normal, tandis

qu'il en est tout autrement à l'état pathologique.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 509

3° La troisième classe est caractérisée, non plus par l'absence

des sens spéciaux ou de la faculté d'attention, mais par l'absence

ou l'état maladif de la volonté.

Les maladies de la volonté peuvent se classer comme il suit :

a) Diminution de la volonté par un défaut d'impulsion qui peut

aller de la simple lenteur paresseuse à l'aboulie complète;

b) diminution ou abotition de la volonté par une crainte mor-

bide on une idée fixe; c) la volonté peut être entravée par une

impulsion excessive dont le début peut être instantané ou pro-

gressif. Exemple : les accès de fureur des enfants, communs

surtout chez ceux qui ont des tendances épileptiques; (1) la

volonté peut étreenfravée par l'insuffisance de la faculté d'attention,

congénitale ou acquise; la forme acquise s'observe dans certaines

psychoses ou névroses, etnotamment dans la chorée; on la ren-

contre aussi dans les cas de surmenage ; e) la volonté peut être

diminuée et pratiquement anéantie par les caprices de l'hystérie,

qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte; f) enfin, la volonté peut

être restreinte ou anéantie par l'hypnotisme.

Si l'attention et la volonté sont, d'une certaine manière, asso-

ciées aux fonctions motrices, les facultés plus élevées de l'esprit

ou facultés de connaissance semblent plutôt liées aux fonctions

sensorielles. Un enfant peut avoir une perception, une attention

et une volonté normales, et ne posséder qu'une faculté de raison-

nement défectueuse.

Tous ceux qui se sont occupés de l'éducation des faibles d'esprit

reconnaîtront que beaucoup d'enfants à demi-idiots ou imbéciles,

alors même qu'ils ont reçu une éducation spéciale de premier ordre,

continuent à manquer de jugement et de bon sens..Mais si l'on

considère leur point de départ, la situation à laquelle ils sont

parvenus est néanmoins fort élevée.

11 y a encore des cas où l'enfant possédant toutes les facultés

dont il a été question plus haut, manque de mémoire.

Enfin, la dernière catégorie, et non la moins importante, com-

prend les sujets moralement défectueux : mais ils sont héréditaire-

ment mauvais, généralement incurables et du ressort de la crimi-

nologie, plutôt que de la médecine ou de la pédagogie.

En terminant, l'auteur va au-devant d'une objection : on lui

reprochera d'avoir décrit des types bien définis avec altération

exclusive d'une seule des facultés, alors que, le plus souvent, les

faibles d'esprit sont atteints dans toutes leurs facultés : l'auteur

reconnaît qu'il en est ordinairement ainsi. Enfin il y a un dernier

groupe qui se caractérise par de la stupidité mentale, ce mot

étant pris ici pour désigner une insuffisance mentale portant

uniformément sur toutes les facultés en même temps. Les

enfants de cette catégorie, tout en possédant leurs sens au com-

plet, ne perçoivent pas; sous sa forme la plus légère, cet état

510 REVUE DE PATHOLOGIE. MENTALE.

caractérise la stupidité ; sous sa forme extrême il constitue la

démence. 13. nE \fuscn.wE CLnr.

XI. L'état présent de la science mentale (le premier d'une série

de mémoires qui traiteront de la localisation des fonctions

mentales, par Bernard 13oLr ? nuFn. (tif Juurzul o/'3lezlccl Sciezce,

avril 1901). ).

Très intéressant mémoire, mais son étendue ne nous permet

d'en donner que les conclusions : ,

- Io Les dimensions de l'ensemble du cerveau ne constituent pas

une mesure de la puissance intellectuelle seulement, mais aussi

de la force de l'intelligence, des sentiments et des penchants pris

dans leur ensemble ; 2° les régions sensorielles ne sont pas les ré-

gions de la perception intellectuelle et de la réflexion, et les lobes

occipitaux n'ont rien à voir avec les processus intellectuels supé-

rieurs ; 3° les centres moteurs et sensoriels seuls ne suffiraient pas

à expliquer la diversité du caractère de l'homme, ni la variété de

ses troubles mentaux; ils sont le substratumdes centres mentaux,

et par suite, ils sont des centres psycho-moteurs et psycho senso-

riels ; 4° les lobes frontaux seuls donnent des indications relatives

à l'intelligence du sujet, et leur masse doit être appréciée par tous

les procédés de mensuration ordinairement employés pour estimer

le volume d'un corps ; la tête peut être petite' chez une personne

de grande intelligence pourvu que les lobes frontaux soient relati-

vemeut les plus saillants ; 5" la mémoire n'est pas une faculté

unique ; il y a des centres dans le cerveau ponr les différentes mé-

moires (nombres, temps, localités, airs musicaux, etc), en dehors

de la mémoire des' mots dont la localisation est déjà précisée.;

6° il doit exister dansl'écorce des centres spéciauxpourles émotions

et les penchantsfondamentaux, et ces centres doivent êtredistincts

descentresdeprocessuspurementinteffectuefs ; 7° les facultés intel-

lectuelles contrôlent et relèvent les sentiments et les penchants, et

parla, les lobes aniétieurs sont pour le reste du cerveau des cen-

tres d'inhibition. R. DEMUSCRAVE-CLAY.

XII. Folie consécutive à l'influenza à l'asile de Cumberland et

Westmoreland, avec une statistique de soixante-huit cas ; par

George-A. Rorie (1'lac Joumzul of Mental Science, Avril 1901).

Les conclusions générales de l'auteur peuvent se résumer

ainsi :

La folie consécutive à l'influenza peut survenir à n'importe

quel moment après la maladie; elle se manifeste ordinairement

chez des sujets présentant les causes ordinaires de prédisposition.

Aucune époque de la vie ne parait en favoriser particulièrement

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. âii

le développement. La forme d'aliénation mentale le plus souvent

observée est la mélancolie sous toutes ses formes, souvent avec

tendance au suicide ; on constate aussi l'apparition de la manie,

mais moins souvent, et l'on peut voir survenir la paralysie géné-

raie : un trait commun à noter dans les cas de mélancolie et de

manie, c'est la confusion mentale et la stupidité qui font penser à

un état d'auto-intoxication. Le pronostic est favorable dans les

cas de manie aiguë et de mélancolie ; il l'est moins dans les autres

formes de manie et surtout dan= la manie avec délusions.

Aucun des cas observés ne présente le type de la manie déli-

rante aiguë décrite comme apparaissant en même temps que

l'influenza.

Quant au mode d'action, il est probable qu'il faut invoquer l'in-

fluence d'une toxine sur le système nerveux, chez un sujet déjà

très déprimé par les'au très conséquences du l'influenza. Chez les

malades déjà aliénés, l'influenza est demeutée à peu 'près sans

influence sur la maladie mentale.

Dans trois cas seulement on a noté une aggravation.

R. DE jMfJaGRAVË CL\Y.

XIII. Troubles mentaux dans le cours des affections cardiaques,

par A. ZEDERUAUM. (The t1'eea 7o)'/L médical Journal, 27 juillet

1901.)

Après avoir relaté ou rappelé quelques faits cliniques, l'auteur

fait remarquer que l'accord n'est pas fait pat mi les cliniciens sur

les relations de cause à effet qui peuvent exister entre les lésions

cardiaques et les troubles mentaux. Les autopsies n'ont pas sensi-

blement éclairé la question. On peut avancer toutefois que le

caractère des troubles mentaux peut, dans une assez large mesure,

dépendre de la lésion cardiaque : il est clair par exemple que dans

'l'insuffisance mitrale, on rencontrera de préférence l'engorge-

ment veineux ou l'hyperémie passive, que dans le rétrécissement

aortique, où les troubles mentaux seront plutôt ceux qui relèvent

de l'anémie cérébrale. Les observations cliniques paraissent con-

lirmer ces vues a priori. Dans t'insutILance mitrale, la forme de

psychose que l'on rencontre le plus souvent est la dépression

mentale, aboutissant progressivement à la mélancolie simple ou

agitée. Mais, dans l'ensemble, les psychoses sont plus fréquentes

dans les cas de lésion aortique; elles participent alors de la manie

et ressemblent au délire de la pneumonie des alcooliques. Toute-

fois, il ne faut pas s'attendre à trouver entre la nature de la lésion

cardiaque et la forme du délire une relation qui soit invariable.

Après avoir rappelé l'opinion de divers auteurs, M. Zederbaum

remarque que la plupart d'entre eux montrent une prudente

réserve dans l'appréciation des rapports entre les lésions du coeur

512 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

et la folie. Toutefois la manie et la mélancolie paraissent les deux

formes les plus communément en' rappot avec les affections

cardiaques, et il est remarquable que ces deux types de folie soient

aussi les types les plus ordinaires de la folie dite puerpérale. Les

causes de la folie puarpérale demeurent encore obtures et con-

troversées : l'auteur parait incliner à la rattacher à l'hypertrophie

cardiaque de la grossesse et à ses conséquences circulatoires. On

peut d'ailleurs, sous l'influence de cette hypertrophie passagère,

voir éclater des lésions cardiaques jnsqucs-la latentes et d'origine

rhumatismale ou autre. Il est vraisemblable que, si on prenait

soin de les rechercher, on rencontrerait plus souvent des troubles

cardiaques dans les cas de folie puerpérale.

1. DE IUf,AAVE-CL : 1Y.

XIV. Paralysie générale et syphilis : revue critique ; par W.-H.-B.

STODD : 1RT. (The Journal of Mental Science, juillet 4901.)

Les conclusions de cet intéressant et consciencieux travail sont

les suivantes : -

Il est remarquable dans l'histoire delà médecine que la syphilis

du foie, la syphilis du cerveau, la syphilis de la peau, ont toutes

traversé une période pendant laquelle leur nature syphilitique est

restée douteuse. ·

Cette période a été courte parce que l'on s'est vite aperçu que

ces maladies diverses étaient justiciables du mercure et de l'iodure

de potassium : mais quelle que soit l'importance de la syphilis

comme facteur étiologique de la paralysie générale, le mercure est

ici sans effet. Mais les renseignements que résume le présent tra-

vail contribuent d'une façon très forte à établir l'étiologie syphili-

tique de cette maladie. On a montré que la syphilis se rencontre

plus fréquemment que toute autre cause, dans les statistiques

écologiques de la paralysie générale ; on a montré aussi que les

chiffres fournis par ces statistiques demeurent bien au-dessous de

la vérité.

Tels qu'ils sont ces chiffres sont encore d'une élévation surpre-

nante, surtout si l'on tient compte îles cas très nombreux de

syphilis occulte ou ignorée et de la diliculté d'obtenir des rensei-

gnements précis. Mais ce n'est pas tout ; en dehors de ces preuves

directes on rencontre un faisceau de preuves morales (âge, sexe,

hérédité, profession, rang, race, etc.), qui feraient déclarer la

syphilis coupable devant n'importe quel tribunal.

Dans l'ensemble, les preuves expérimentales de Kraft-Ebing plai-

dent dans le même sens. ZD

Contre l'opinion qui fait de la paralysie générale une affection

para-syphililique, il n'y a qu'un seul argument de valeur, c'est sa

rareté dans les races non civilisées où la syphilis est florissante. Il

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 513

nous incombe donc de rechercher et de découvrir quel est celui

des éléments de la civilisation qui aide la syphilis à engendrer la

paralysie générale, et en d'autres termes, de quelle façon la syphilis

est influencée par la civilisation. En premier lieu, la syphilis est

moins grave chez les peuples civilisés que chez les autres, peut-être

parce qu'elle existe chez eux depuis plus longtemps. L'expérience

a montré à l'auteur que les paralytiques généraux n'avaient jamais

eu de syphilis grave. La conclusion logique qui résulté de ces don-

nées c'est que la syphilis ne donne la paralysie. générale qu'à la

condition d'être bénigne, reductio ad absiti-diti ? i. En second lieu, la

syphilis demeuré sans traitement dans les pays civilisés : les Maho-

métans par exemple quand ils ont la syphilis disent « Kismet » et

c'est tout. Mais chez les peuples civilisés, on sature le malade

de mercure quelquefois pendant deux ans.

On ne s'est jamais demandé jusqu'ici si ce n'est pas le mercure

qui détermine la paralysie générale. Marshatko a étudié avec

beaucoup de soin la question de savoir si la syphilis tertiaire est

ou n'est pas causée par le mercure, et il a déclaré le médicament

innocent; une étude analogue reste à faire sur les rapports du

mercure et de la paralysie générale. -

Déjà en 18G1 Kussmaul déclarait que malgré toutes ses recher-

ches il n'avait jamais rencontré un seul ouvrier maniant le mer-

cure qui ait contracté la syphilis pendant qu'il était en état de

mcrcurialisme. Cette observation suggère la pensée qu'une enquête

analogue sur la question de la paralysie générale pourrait être

faite chez les industriels dont les employés manient le mercure.

· On a supposé que l'immunité des Mahométans à l'égard de la

paralysie générale était due à la simplicité de leur manière de

vivre et à la modération avec laquelle ils font usage de la viande.

Cette assertion est difficile à admettre ; car les classes pauvres de

l'Angleterre, et surtout celles de l'Italie, où la paralysie générale

abonde, ne peuvent véritablement pas être accusées de faire des

excès de viande. On a même démontré, que, en Angleterre au

moins, c'est dans les classes les plus pauvres que se rencontre le

plus fréquemment la paralysie générale.

On peut conclure de toutes ces données que la syphilis est un

antécédent tellement ordinaire de la paralysie générale, que les

cas non-syphilitiques, s'il en existe, peuvent jusqu'à présent être

considérés comme une quantité négligeable.

Tout au moins peut on affirmer pratiquement que quiconque n'a

pas eu la syphilis ne court guère de risque de devenir paralytique

général. Mais la question de savoir si la paralysie générale est due

à la syphilis per se ou la mercurisation consécutive du malade

dans les pays civilisés, attend encore sa réponse.

Ce travail se termine par une bibliographie étendue du sujet.

R. DE Musgrave-Clay.

Archives, 2e série, t. XIV. 3S

5'14 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XV. Études cliniques sur le rêve pathologique ; par le professeur

Pick (de Prague), traduction de James lIIDDLEUss. (The Journal

ol mental Science, juillet 1901.)

Travail renfermant plusieurs observations dont l'auteur tire les

conclusions suivantes : . -

« La rêverie est particulièrement fréquente dans l'hystérie, mais

on la rencontre quelquefois aussi dans la neurasthénie, comme l'a

montré Feré. Dans la très grande majorité des cas, elle paraît être

le développement d'un état analogue ayant débuté dans l'enfance,

et elle est souvent en rapport, comme Havelock Elles l'a démontré

le premier avec l'état qu'il a désigné sous le nom d'auto-érotisme.

En ce qui touche le contrôle de la conscience sur l'ambiance, on

observe les transitions les plus variées depuis le jeu actif de l'ima-

gination jusqu'aux états de rêve délirant de l'hystérie. Il y a aussi

d'autres cas, dits cas de pseudologia plcantastica, dont l'origine

doit être cherchée, au moins en partie dans la rêverie vraie. »

R. de MUSGRAVE-CLAY. `

XVI. Le prurit et la trichotillomanie chez les paralytiques géné-

raux ; par Ch. Feré. (Noitv. Iconogr. de la Salpélrière, n° 4,

1899.) ,

Soit à l'état aigu, soit à l'état chronique, les troubles trophiques

de la peau se manifestent chez les paralytiques généraux sous

leurs formes les plus variées (érythème, purpura, zona, ichthyose,

eschare), mais en dehors de ces manifestations grossières, il en

existe d'autres moins graves, mais cependant intéressantes à titre

d'indication, tel le prurit, signalé par Sarbo au début de la para-

lysie générale, que l'auteur a recherché dans cette affection, et

qu'il a rencontré trois fois sur vingt-six cas observés. Malgré la

difficulté de reconnaître ce prurit chez les paralytiques, en raison

de leur état mental et l'obscurité qui entoure la pathogénie de ce

trouble trophique, il y a lieu de supposer qu'il n'est pas étranger

à cette manifestation vésanique bizarre assez fréquente qui se tra-

duit par une auto-épilation obstinée et que Hallopeau a décrite

sous le nom de trichotillomanie. R. C.

XVII. Spiritisme et folie; par les Drus Maeie et Vigouroux (Revue de

psychologie clinique et thérapeutique, juillet-août 1899).

Les auteurs font ressortir dans ce travail l'identité de certains

phénomènes qui s'observent chez les spirites et chez des malades

atteints de névroses ou psychoses diverses. Les phénomènes d'au-

tomatisme graphique, verbal ou ambulatoire, par exemple, qui

se produisent chez les spirites, ne diffèrent pas de ceux que

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 515

peuvent présenter certains aliénés ou névropathes; chez les uns

comme chez les autres, ils sont susceptibles d'exister isolément ou

bien ils peuvent alterner avec des crises nerveuses spasmodiques,

être remplacés par elles ou les remplacer. Cette identité est telle

que les auteurs spirites ont dû la reconnaître ; mais ceux-ci, se

iefusant à accepter les hypothèses médicales et à considérer les

médiums comme atteints de névroses ou de psychoses, ont été

amenés à voir chez les aliénés qui offrent l'automatisme psy-

chique, une intervention médiumnique méconnue des malades

comme des médecins ; ils sont aussi revenus sans s'en douter à

l'ancienne théorie de la possession.

MM. Marie et Vigoureux signalent la fréquence de la folie chez

les médecins; ils rapportent deux intéressantes observations de

psychoses secondaires à des -phénomènes automatiques incons-

cients chez des spirites et les font suivre des considérations sui-

vantes que nous croyons devoir reproduire textuellement : « Ainsi

donc, le spiritisme, en tant que dissociation progressive de la

synthèse mentale, fournit à la folie son tribut de systèmes déli-

rants secondaires à des troubles psycho-moteurs. La médiumnité

n'étant qu'un entraînement à l'automatisme inconscient, ne cons-

titue pas encore, à proprement parler, une psychose, mais elle

repose sur un état mental fétichique qui mène fatalement certains

prédisposés à une dissociation mentale telle que les déclenche-

ments automatiques deviennent spontanés, s'imposent en dehors

dé la volonté du malade et même contre elle. C'est l'obsession

tyrannique, angoissante à un premier degré. Puis, de cet état, la

conscience disparaît à son tour, le malade délire, restant en tête

à tête avec l'esprit imposé et persécuteur-né de son automatisme

inconscient.

« Correspondants aux différents stades intermédiaires, on

observe des prédisposés à automatisme psychique développé par

les pratiques du spiritisme.

« Des spirites simples de ce genre, ayant ultérieurement souf-

fert de troubles somatiques ou dysesthésiques, ou de troubles

pathologiques, tels que hémiparésie, hémianesthésie par foyers

cérébraux, peuvent étendre à ces troubles l'hypothèse qu'ils invo-

quaient pour les phénomènes d'automatisme spirite. Dans ce der-

nier cas, il n'y a pas délire. L'hypothèse spirite, bien qu'en contra-

diction avec l'hypothèse scientifique, n'est pas plus pathologique

ici que lorsqu'elle s'applique aux automatismes ordinaires typiques

des médiums; au lieu d'interpréter une suspension d'amoeboïsme,

un- spasme ou une inhibition, elle cherche à expliquer les effets

cliniques d'une obturation vasculaire ou d'une déchirure, soitcap-

sulairb, soit corticale, voire même tubulaire. Il y a alors erreur,

suivant nous, mais non psychose. A. ICN.1YROU.

516 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XVML Auto-intoxication et délire ; par M. J. Séglas (Presse Médi-

cale, 31 décembre 1.S98).

M. Séglas a résumé en ces termes dans ce travail son opinion sur

l'influence exercée par l'auto-intoxication sur la genèse et la forme

des troubles-psychiques : « Dans certaines circonstances, on peut

admettre l'auto-intoxication au nombre des données étiologiques,

mais en ne lui assignant que la valeur d'une cause occasionnelle

banale. Elle ne crée pas les accidents délirants ; elle n'est à leur

égard qu'un simple agent provocateur et ils gardent la physionomie

qu'ils eussent pu revêtir en toute autre occasion. Quelquefois,

cependant, son rôle peut être plus actif en pareil cas. Si elle ne

crée pas à elle seule les desordres psychiques et ne détermine pas

leur forme essentielle, elle intervient cependant pour en modifier

quelque peu la marche et le tableau clinique habituels. Dans un

autre groupe de faits, l'auto-intoxication joue, au contraire, un

rôle prépondérant. C'est elle qui, non seulement provoque, mais

encore crée les accidents délirants qu'elle tient sous sa dépendance,

à qui elle imprime un aspect clinique tout à fait spécial ; car, sui-

vant la remarque importante, souvent faite par les observateurs, il

rappelle celui des délires exo-toxiques. Ces délires auto-toxiques,

plus généralement étudiés et relativement faciles aujourdhui à

reconnaître lorsqu'ils se développent chez des individus en période

de santé mentale, peuvent se montrer aussi sous le même aspect,

du fait d'une auto-intoxication intercurrente, au cours d'un état

d'aliénation mentale préexistant, à titre d'épisode transitoire, de

complication. Le tableau clinique de l'affection se trouve ainsi

brusquement modifié dans ses phases successives et peut donner

lieu parfois à des hésitations de diagnostic difficiles à trancher, si

l'on n'est pas sur ses gardes. »

L'auteur rapporte l'observation d'un malade chez qui ont évolué

parallèlement une auto-intoxication d'origine gastro-intestinale et

des troubles mentaux caractérisés par un état de mélancolie

anxieuse d'abord, de confusion mentale ensuite. Malgré l'existence

d'une prédisposition héréditaire, il ne croit pas devoir faire inter-

venir la dégénérescence pour expliquer le développement de ces

désordres psychiques. Mélancolie et confusion mentale relèvent,

à son avis, de l'auto-intoxication. L'évolution des troubles céré-

braux a paru subordonnée à celle de l'auto-intoxication : le pas-

sage delà mélancolie à la confusion mentale s'est produit à l'oc-

casion d'une augmentation d'intensité de l'auto-intoxication ;

lorsque celle-ci a été en décroissance, la physionomie clinique

des manifestations délirantes s'est modifiée à son tour et la con-

fusion mentale a cédé la place à la mélancolie ; enfin, tandis que

les fonctions gastro-intestinales sont redevenues normales, les

désordres intellectuels ont disparu. A. Fenayrou.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 517

XIX. Sur les névrites périphériques des aliénés ; par le Dr Anglade

(Annales médico-psychologiques, octobre 1899.)

Les aliénés se présentent souvent avec des symptômes de poly-

névrite et ces mêmes aliénés présentent effectivement des lésions

de polynévrite avec retentissement sur la moelle : l'auteur en

rapporte trois observations probantes.

La lésion du nerf est-elle primitive ou secondaire à une lésion

centrale ? La moelle est incontestablement lésée : on ne peut dire

s'il en est de même pour le cerveau.

Il était, en tout cas, intéressant de constater la lésion des nerfs

périphériques d'une catégorie d'aliénés qui ne sont pas sous le

coup d'une intoxication banale comme l'alcoolisme. le saturnisme

ou la tuberculose.

Peut-être, du reste, ne sont-ils que des auto-intoxiqués qui

délirent, parce qu'ils sont un terrain favorables à l'éclosion de

conceptions délirantes nées d'une sensation réelle ? E. B.

XX. De l'épilepsie consciente et mnésique ; par le D'' .Minier.

- (rinnales médico-psclcologi2ces, février 1900.)

Analyse complète de l'intéressante thèse du Dr Ducosté sur :

t'Epilepsie consciente et mnésique et, en particulier, d'un de sols

équivalents psychiques, le suicide impulsif conscient. E. B.

XXI. Essai sur la pathogénie du délire de la paralysie générale ;

par le 1),, LALANDE. (Annales 12étliCO-,PS ! ICI1010gi(IIICS, février

1900.)

Le délire de la paralysie générale, quelle que soit sa forme,

possède sept caractères constants : tout d'abord, la multiplicité,

la mobilité, l'absence de motifs et la contradiction des idées déli-

rantes, signalées par AI. Falret ; d'autre part, la tendance à l'in-

fini, la perte des notions élémentaires de l'espace et de la durée,

et enfin l'auto-psychisme.

Quelle est la cause psychologique de ce délire ?

De son étude l'auteur fait ressortir les deux conclusions sui-

vantes *.

1° Le phénomène de l'hallucinalion excepté, le délire de la

paralysie générale est expliqué par la perte graduelle de la faculté

de comparer les données de l'expérience entre elles. Il semble

donc que l'on doive rapporter à cette cause la pathogénie du

délire.

3" Si cette première conclusion est vraie, il est probable que la

faculté de comparer est localisée dans la couche moléculaire de

l'écorce cérébrale et qu'elle est effectuée par les petites cellules

qui occupent cette région. E. B.

518 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

\I1. De la démence précoce des jeunes gens. Contribution à

l'étude de l'hébéphrénie ; par le D'' Christian. (Annales médico-

psychologiques, janvier à octobre 1899. -

Chez les jeunes gens de quinze à vingt-cinq ans, survient fré-

quemment une, affection mentale qui se termine rapidement par

la démence.

A cette affection s'applique, mais dans une certaine mesure

seulement, la description que Kahibaum puis Ileclcer ont donnée

de l'hébéphrénie : en effet, les débuts à forme maniaque ou

mélancolique ne sont pas les plus fréquents, si bien qu'avec Stery

et Fink on peut considérer le début de la maladie comme vérita-

blement proléiforme.

En outre Kahibaum et Ilecker ont négligé de signaler l'un des

caractères les plus constants et les plus importants de la maladie,

à savoir les impulsions soudaines, symptôme qui domine la scène

et persiste même dans la période de démence terminale.

En résumé : apparition constante à âge de la puberté ; mani-

festations délirantes variables au début impulsions soudaines

constantes ; terminaison rapide par une démence plus ou moins

complète.

Telles sont les manifestations constantes et caractéristiques de

la maladie dont l'auteur donne la monographie, dans une longue

étude aussi documentée qu'intéressante, accompagnée de nom-

breuses observations personnelles.

A cette espèce morbide distincte, faut-il conserver le nom d'hé-

béphrénie ? Pour éviter toute confusion, 11. Christian préfère s'en

tenir à l'expression : démence juvénile ou démence précoce des jeunes

yens. , ! l'convient d'ajouter qu'il s'agit, non pas d'un simple arrêt de

développement, mais bel et bien d'une régression, d'une destruc-

tion plus ou moins complète des facultés.

La démence juvénile ne répond pas à un type unique, inva-

riable : elle offre l'image de toutes les nuances qui vont de l'imbé-

cile, du faible d'esprit, à l'idiot complet.

Trois périodes sont à considérer dans son histoire : la période

d'incubation, la période délirante, et la période terminale de

démence.

L'enfance des malades prédisposés à la démence précoce n'a

présenté le plus souvent aucune particularité digne de remarque.

Dans le plus grand nombre des cas, après une première période

de fatigue, d'énervement, de neurasthénie, le délire éclate varia-

ble, mobile, fugace ; il peut y avoir des idées de persécution, des

idées de grandeur, du délire mystique, il n'y a pas de délire

systématisé. Toutes les manifestations délirantes, flottantes,

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 519

incertaines, portent déjà l'empreinte de l'affaiblissement intellec-

tuel qu'elles masquent pour un temps.

Quelquefois c'est par une phobie, d'autres fois par la confusion :

mentale que se manifeste le début, mais, en tout cas, il est uni

symptôme qui ne manque jamais, c'est la tendance impulsive,'

l'impulsion soudaine.

La démence précoce peut revêtir deux formes, grave et légère,

et la forme grave comprend elle-même deux variétés : la forme

simple, dans laquelle les muscles ne sont pas atteints, et la forme

catatonique, dans laquelle le système musculaire est profondément

troublé dans son fonctionnement.

Quelle que soit la forme du délire, il se produit, au bout d'un

certain temps, une amélioration trompeuse, puis de nouvelles

bouffées délirantes surviennent, qui, chaque fois, laissent l'intelli-

gence plus affaiblie; la santé physique- peut, d'ailleurs, rester

excellente.

Au point de vue étiologique, on est obligé d'admettre un grand

nombre de causes différentes dont l'action même ne s'explique pas

sans cette autre inconnue, qui est la prédisposition.

Quand la maladie est à la période d'état, le seul élément de

diagnostic certain réside dans les antécédents : l'idiot et l'imbé-

cile ont toujours été dans le même état depuis leur naissance; au

contraire, le dément précoce a commencé par jouir de l'intelli-

gence.

La difficulté réelle, c'est de se prononcer au début même de

l'affection : il faut alors se rappeler que les jeunes gens voués à la

démence précoce sont parmi ceux qui, dans leurs premières

années, n'ont jamais présenté un signe quelconque de trouble

moral ou d'anomalie intellectuelle.

L'auteur estime que la plupart des cas de paralysies générales

juvéniles décrits au cours de ces dernières années se rapportent

en réalité à la démence précoce.

La marche de la démence précoce est rapide en ce sens que

l'affaiblissement intellecluel arrive vite à son point culminant, et,

dès lors, il reste indéfiniment stationnaire. ? La terminaison est celle qu'amène une complication quelconque.

E. Blin.

XXIII. Prostitution et dégénérescence ; par le Dr E. LAURENT.

(Annales médico-psychologiques, novembre 1899.)

Certes, les causes de la prostitution son ! multiples : la mauvaise

éducation, la contagion de l'exemple, l'entraînement, le manque

de travail, la paresse, le besoin de luxe, etc.

Pourtant il existe des femmes - et l'intéressant travail de l'au-

teurlen cite de nombreux exemples qui vont à la prostitution

520 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

instinctivement, fatalement, comme les fous moraux vont au mal

et au vice. Aussi bien la prostitution n'est peut-être qu'un dériva-

tif de la criminalité, et certaines prostituées ne sont sans doute

que des malheureuses atteintes de moral insanity, des folles et des

dégénérées. E. B.

XXIV. Sur un cas de catatonie, par M. le Dr CUYLIT7 (Bulletin de la

Soc. de méd. ment, de Belgique, mars 1902).

Observation d'un malade de vingt-six ans qui, après trois col-

locations pour des accès de mélancolie avec stupeur, survenus à

la suite de violentes émotions, a été interné une quatrième fois

pour des accidents semblables accompagnés de rigidité généralisée

des muscles, de négativisme, de suggestibilité, etc.; de temps en

temps ce malade redevient lucide pendant quelques heures, écrit

des lettres raisonnables, se conduit correctement pour retomber

ensuite dans l'immobilité et le mutisme. D'après l'auteur, ces

accidents ne sont pas d'origine hystérique, les stigmates de cette

névrose faisant défaut chez le malade. Celui-ci ne saurait davan-

tage être considéré comme un dément précoce puisqu'il y a des

moments où son intelligence est entière. Le tableau clinique se

rapproche de celui des psychores par auto-intoxication du sys-

tème nerveux, mais en l'absence de données permettant de démon-

trer le bien fondé de cette hypothèse, l'auteur se borne à affimer

qu'il existe une maladie, à tort ou à raison, désignée sous le nom

de catatonie, maladie qui a une symptomatologieetune évolution

déterminées et que c'est de cette affection qu'il s'agit chez son

malade. G. D.

XXV. Évolution comparée des troubles de la sensibilité aux trois

périodes de la paralysie générale ; par le De MARANDON de MO.4-

TYEL (Bitll. de la. Soc. de méd. ment, de Belgique, septem-

bre 1901).

De l'étude des sensibilités tactile, douloureuse et génitale

étudiées simultanément, à toutes les phases de la paralysie géné-

rale chez 14 malades, l'auteur tire un certain nombre de conclu-

sions que nous résumons ainsi :

Il est tout à fait exceptionnel de trouver les trois sensibilités nor-

males au même moment, tandis qu'on les trouve anormales toutes

les trois à la fois dans 1/10° de cas environ, mais le fait le plus

fréquent est l'anormalité simultanée des sensibilités douloureuse

et génitale (la sensibilité tactile restant indemne), plus fréquente

que l'anormalité de la sensibilité génitale seule. Jamais la sensibi-

lité tactile seule n'est anormale.

L'altération qui persiste d'un bout à l'autre de la maladie est

toujours un affaiblissement ou une abolition : celui-là plus fré-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 521 1

quent pour le tact et la douleur, celle-ci pour la sensibilité géni-

tale. -

XXVI. Un enfant d'idiote ; par le Dr LEx (Biill. (le la Soc. ment.

de Belgique, décembre 1901).

Il s'agit d'un enfant de dix ans, issu d'une mère idiote violée

dans un cabinet d'aisances par un individu resté inconnu qui lui

barbouilla ensuite la vulve avec de la graisse à voitures. Placé à

l'école d'enseignement spécial, cet enfant qui jusque-là n'avait rien

appris et n'était bon à rien, s'est très amélioré au point de vue

intellectuel et moral. Les moyens employés ont été, outre la disci-

pline générale de l'école, la gymnastique rythmée au son de la

musique, l'enseignement attrayant et intuitif, etc. L'auteur fait

suivre cette observation des réflexions suivantes : -

Au point de vue social : il est immoral et dangereux pour la

société de laisser, surtout dans les classes pauvres, les filles idiotes

vivre dans leur famille en butte aux attentats d'individus sans

scrupule. Il est certain que si la fécondité des idiotes n'était pas,

sinon nulle, du moins très diminuée, le nombre de ces malheu-

reuses devenant enceinte, serait encore plus considérable.

Au joint de vue clinique : il est intéressant de voir que des indi-

vidus aussi tarés peuvent donner naissance à un produit qu'on

eut pu supposer beaucoup plus mauvais. Notons aussi que le pre-

mier diagnostic qu'on pose sur l'état mental d'un enfant est sou-

vent trompeur et que ce n'est qu'après toute une période d'obser-

vations et après tentative d'éducation qu'on peut établir un dia-

gnostic définitif. Le diagnostic et le pronostic du médecin en cette

matière ont en général une tendance trop pessimiste.

Au point de vue éducatif : le traitement médico-pédagogique

intégral a fait ses preuves dans l'éducation des dégénérés. La

gymnastique rythmée au son de la musique est un moyen puis-

sant d'éveiller et de fixer l'attention. Tout cela est appliqué à

Bicetre. Lorsque le pouvoir'd'attention s'accroit, la sociabilité de

l'individu augmente corrélativement. G. D.

XXVII. Un cas de polynévrite avec psychose; par J. CMCQ. (Jouru.

de Neurologie, 1902, n" 10).

Il s'agit d'une femme de soixante-sept ans qui fut prise de

violentes douleurs dans les membres supérieurs, puis dans les

membres inférieurs. Ces douleurs furent suivies quelque temps

après d'une atrophie avec parésie des quatre membres, exagéra-

tion des'réflexes rotuliens, abolition des réflexes plantaire et

achilléen, etc. En même temps on constata des troubles de la

mémoire portant à la fois sur les faits récents et les faits anciens

et, des fausses réminiscences et un certain degré de désorientation.

522 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Ces différents accidents ne peuventêtre attribués, d'après l'auteur,

qu'à la maladie de Kirsakow et en raison de l'âge avancé de la

malade on est en droit de craindre que ni la psychose ni la poly-

névrite ne disparaissent complètement. G. D.

XXVIII. Un cas de personnalité multiple; par A. Gilbert (de Port-

land) (Médical Record, 9 août 1902).

VI observations d'épilepsie psychique ayant occasionné des per-

sonnalités successives avec automatisme ambulatoire et psychisme

partiel sous trois formes distinctes et réciproquement amnési-

ques.

XXIX. Note sur deux cas de folie consécutive à la chorée : par

Rotusay G. SrEWART (The Journal of Mental Science. Juillet 1901).

L'un de ces cas s'est terminé par la guérison, et l'autre par une

amélioration. Les cas de folie choréique paraissent avoir quelques

symptômes communs : le changement de caractère et la tendance

au soupçon à l'égard dfs personnes de l'entourage, en même

temps que de la diminution de la mémoire et de la faculté d'at-

tention.

Arudt dit que la chorée ne peut exister sans une altération plus

ou moins accusée des facultés intellectuelles, altération souvent

assez légère pour échapper à l'observation et se traduisant surtout

par l'incohérence des idées et l'inattention à l'égard des choses

ambiantes. Le siège de ces troubles se trouve probablement dans

l'écorce, mais ici les faits ne sont pas assez uniformes pour être

probants. On a tenté d'expliquer la chorée par des embolies fines,

et Letschenow avance que la lésion se trouve dans les couches

optiques. Clouston a publié deux cas de folie choréique étroite-

ment associée au rhumatisme, mais sans souffle cardiaque, et il

admet l'hypothèse étiologique d'une altération du sang. Leube

admet cette altération chimique et l'influence du sang ainsi modi-

fié sur certaines parties du système nerveux. La lésion anato-

mique la plus fréquemment rencontrée à l'autopsie est l'endocar-

dite avec petites végétations sur une ou plusieurs valvules. mais

on a publié des faits qui paraissent démontrer que l'endocardite

est souvent consécutive à la chorée.

Dans les deux cas rapportés par l'auteur il y avait eu plusieurs

attaques de chorée, ce .qui peut, suivant lui, faire penser à une

altération de la composition du sang. R. nr.111USGUAV-CLaY.

XXX. Phtisie et folie : étude principalement basée sur les statis-

tiques de mortalité comparée pour l'Irlande ; par Thomas

Drapes (Tite Journal of Mental Science. Octobre 1')01).

C'est une question très importante que celle de savoir s'il y a un

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE; 823

lien entre la phtisie et la folie, ou en d'autres termes, si c'est parce

qu'ils sont aliénés que les aliénés sont particulièrement exposés à

la tuberculose. C'est au moyen des statistiques que l'auteur se

propose de l'étudier, sans méconnaître tout ce que les inexacti-

tudes de chiffres, ou la forme même donnée aux statistiques

peuvent introduire dans cette méthode de causes d'erreur.

L Irlande parait être un terrain particulièrement favorable à la

tuberculose : si l'on prend l'année 1899, la dernière dont les statis-

tiques soient publiées, on note les chiffres suivants, pour un mil-

lion d'habitants : en Angleterre 1336 décès par phtisie pulmonaire,-

et en Irlande 2092, tandis que le taux de la mortalité générale est

sensiblement égal dans les deux pays (18,3 p. 1000 en Angleterre,

et 17,6 en Irlande). Si l'on étend maintenant ces recherches aux

asiles, on trouve une mortalité de 98,7 dans les asiles d'Angle-

terre et de 72,1 dans les asiles d'Irlaude; et si l'on compare ces

chiffres avec les proportions correspondantes pour la population

générale (18,3 pour l'Angleterre et 17, pour l'Irlande), on cons-

tate que, chez les aliénés, la mortalité est, en Angleterre et dans

le pays de Galles cinq fois et demi, en Irlande plus de quatre fois

égale-àla mortalité de la population générale.

En ce qui touche la phtisie dans les asiles voici les résultats :

pour 10 000 personnes on trouve dans les asiles d'Angleterre

141,41 décès par phtisie au lieu de 13,30 dans la population géné-

rale, et dans les asiles d'Irlande 20r,G9 décès au lieu de 20,92

dans la population générale. En chiffres ronds, la mortalité par

phtisie dans les asiles d'Angleterre et d'Irlande est environ dix fois

supérieure à la mortalité de même origine en dehors des asiles. Il

ne faudrait pas conclure pourtant de ces chiffres que la mortalité

par phtisie chez les aliénés est dix fois supérieure à celle des per-

sonnes saines d'esprit : il est évident en effet que la « population »

des asiles diffère de la « population » en général, en ce que cette

dernière comprend tous les vivants de tout âge, tandis que la

population des asiles ne renferme que des sujets pris à peu près

exclusivement dans certaines limites d'âge. Exception faite pour

les idiots, on ne trouve guère dans les asiles de sujets âgés de

moins de quinze ans, et les individus au-dessous de quinze ans

forment à peu près un tiers du total général de la population : en

rectifiant les chiffres d'après ces données la mortalité phtisique

des asiles n'est plus dans le rapport de 10 à 1 vis-à-vis de la popu-

lation générale, mais dans le rapport de 7,5 à i environ.

Ou a voulu- donner une grande importance à ce fait que sur les

certificats de décès des asiles, la phtisie n'est pas toujours donnée

comme cause de mort, le malade succombant à une maladie inter-

currente et la phtisie n'étant constatée qu'à l'autopsie : l'argument

aurait sa valeur, si les choses ne se passaient absolument de la

même manière en dehors des asiles.

52 4- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

On a dit aussi que pour parvenir à une appréciation exacte, il

faudrait prendre pour base de la comparaison « le rapport dans

chaque cas particulier des décès annuels par phtisie avec la

moyenne des populations considérées ». Cette manière de voir de

M. Crookshauh est trop dogmatique et ne saurait être acceptée :

la population générale se compose de sujets en majorité bien por-

tants, celle des asiles se compose de sujets affaiblis : la comparai-

son est illégitime. Il est beaucoup plus logique de considérer le

pourcentage du décès par une maladie donnée dans ses rapports

avec la mortalité par toutes cause*; c'est ce qu'a fait le D1' Grims-

haw, et c'est en étudiant ces recherches judicieusement conduites

que l'auteur a commencé à mettre en doute la légitimité de l'opi-

nion qui fait de la folie une prédisposition à la phtisie. En étu-

diant la fréquence de la tuberculose en Irlande, AI. Grimshaw dit

qu'elle est de toutes les maladies qui régnent en Irlande la plus

destructive, et que les ravages dépassent la somme de ceux que

causent les autres maladies infectieuses réunies. 11 reste donc à

rechercher si réellement ces ravages sont encore plus considé-

rables dans les asiles.

Ici se placent des chiffres et des tableaux, documents intéres-

sants, mais naturellement impossibles à analyser, sauf pour en

faire ressortir quelques points saillants : ils démontrent clairement

au moins deux choses : d'abord que la mortalité relative par phti-

sie chez les adultes jeunes, à la période que l'on pourrait appeler

période d'élection de la phtisie, est à peu près égale à l'asile ou

hors de l'asile ; et ensuite que la mortalité par phtisie chez les

malades âgés est plus considérable à l'asile que hors l'asile. Les

statistiques ne donnent malheureusement pas la durée du séjour

à l'asile au moment de la mort; mais on peut légitimement

admettre que les malades qui meurent après quarante-cinq ans

ont pour la plupart fait à l'asile un séjour d'une certaine durée;

et on est amené à reconnaître que l'élévatioîi du taux de la morta-

lité par phtisie dans les asiles n'est nullement due à une prétendue

influence prédisposante de la folie, mais aux conditions de la vie

dans les asiles; ce qui revient à dire que la « phtisie des aliénés »

n'existe pas, mais qu'il existe une « phtisie des asiles ». Et l'on

trouvera une preuve de plus de l'exactitude de cette manière de

voir, c'est l'extrême variabilité de la mortalité des asiles comparés

entre eux, la différence pouvant atteindre la proportion de t à 4

(14,4 à 60 p. 100).

Si, comme les arguments qui viennent d'être exposés et

d'autres encore que l'on pourrait invoquer le démontrent, la

phtisie est généralement acquise à l'asile, il n'y a plus à désespé-

rer de voir diminuer les ravages de cette maladie. L'hygiène et la

prophylaxie suffiront à cette lâche; et l'auteur, en terminant,

indique quelques-unes des conditions les plus fâcheuses parmi

RLVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. S35 5

celles et elles sont nombreuses et d'ordre divers qui favo-

risent dans les asiles la contagion de la tuberculose.

R. de IlUSGItrIVI : -CL : 1Y.

XXXI. Friedrich Nietzche : Étude de pathologie mentale, par

liam W. Ireland (7'/te Journal Of3lel2l(tl Science, janvier 1901). -

Friedrieli Nietzche descendait d'une famille noble polonaise que

les persécutions religieuses avaient forcé de chercher un refuge en

Allemagne : son père était ministre luthérien et sa mère la fille d'un

ministre. Il naquit le 13 octobre 1844 à Rücl : en. dans la Saxe prus-

sienne. Son père souffrit pendant onze mois d'une affection cérébrale

et mourut quand il avait cinq ans. Olla Hausson nous apprend que

depuis plusieurs générations, dans la famille de sa mère comme dans

celle de son père il y avait une prédisposition à la folie. L'enfant ne

parla qu'à deux ans et demi et montra de bonne heure un goût

marqué pour la solitude : il était pieux et studieux, il fit ses

études aux Universités de Bonn et de Leipzig où il montra de

l'aversion pour la boisson et le tabac dont ses camarades abusaient.

Il avait vingt-quatre ans lorsqu'il fut nommé professeur de philo-

logie à l'Université de Bâle, ce qui lui fit délivrer par l'Université

de Leipzig le grade de docteur en philosophie sans examen ni

thèse. Il aimait beaucoup la musique et passait ses moments de

loisir dans la maison de Richard Wagner, à Lucerne. Il aimait

aussi beaucoup la poésie, et faisait des vers assez obscurs, et où il

y avait, dit M. Ireland, a plus de fumée que de flamme ». Il fit la

campagne de 1870 dans le corps des ambulanciers, et contracta en

France la diphtérie et le choléra nostras, regagna à grand peine

Erlangen, où il arriva épuisé, et sa santé ne se rétablit jamais com-

plètement. (Une blessure qu'il s'était l'aile en sautant sur un che-

val difficile l'avait rendu impropre au service militaire actif). A

dater de ce moment il commença à souffrir tous les quinze ou

vingt jours, de migraine, de céphalalgie violente avec nausées et

rétrécissement du champ visuel, le tout souvent accompagné

d'anxiété mentale. Il était atteint de myopie héréditaire. Sa soeur

nous le représente comme peu démonstratif, mais sensible et plein

de compassion, et de manières douces. En 1876 il obtint un congé

d'un an pour rétablir sa santé et passa l'hiver à Sorrente ; mais sa

maladie le suivait partout, et en 1879 il dut renoncer à sa chaire

et reçut une pension de 3 000 francs. Son ami Burckhardt, profes-

seur d'histoire de l'art, déclare que Baie n'a jamais possédé un

pareil professeur, et il parait avoir eu une grande influence sur

les jeunes étudiants. Il vécut alors une vie vagabonde en Suisse et

en Italie, surtout dans l'Engadine et à Gènes. Sa vue devint si

mauvaise qu'il dut renoncer à la lecture; mais son état s'améliora

et il conçut le plan d'étudier les sciences naturelles.

526 - REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Quand il ne pouvait plus lire, il écrivit, et la suite de ses

volumes est le compte rendu chronologique de ses diverses

croyances et de ses divers étals mentaux. Sa tournure d'esprit,

maintenant qu'il n'y avait plus à s'occuper du côté matériel de la

vie, le portrait vers la philosophie. « Dans ses goûts et dans ses

« processus mentaux, dit M. Ireland, dans sa nature tout entière

« il y avait quelque chose d'excentrique et de perverti ; ses idées

« ne semblaient pas s'associer à la façon de celles des autres

« hommes. » Il rejeta complètement la foi religieuse qu'il tenait

de sa mère. Pendant quelques années il eut une vénération pour

deux maîtres de la philosophie et de l'art, Schopenhauer et

Wagner. Mais il y avait dans son esprit une agitation et une puis-

sance de désintégration qui ne .tardaient pas à lui faire rejeter

toute autorité comme toute croyance. Son caractère devint belli-

queux et bien que personne n'ait été plus que lui partisan de la

tolérance, il ne supportait pas la contradiction sans mauvaise

humeur.

M. Ireland rappelle ici le succès actuel, qu'il ne-paraît pas s'ex-

pliquer d'ailleurs, des oeuvres de Nietzche ; il pense toutefois qu'il

faut attribuer ce succès, auprès de certaines gens, à la façon mé-

prisante dont il a dénoncé les faiblesses de notre époque ; et comme

contre-partie il signale les jugements sévères portés sur lui par

Max Nordau. M. Ireland reconnaît toutefois que, si paradoxaux

qu'on puisse trouver les écrits de Nietzche, il y a quelque exagéra-

tion à les décrire comme les écarts d'un esprit égaré, et que même

on y peut voir luire de temps en temps une idée originale et vraie

exprimée dans une langue amusante et pittoresque. Mais ce qu'il

se propose surtout, c'est de considérer le philosophe allemand

comme un cas de pathologie mentale. Son premier ouvrage sur

l'origine de la tragédie passa inaperçu et ne fut loué que par

Wagner et sa femme ; puis il publia une véhémente attaque contre

David Strauss, ennemi comme lui-même du christianisme, mais

dont il ne pouvait accepter l'optimisme, et plus tard trois essais

sur l'usage et les inconvénients de l'histoire, sur Schopenhauer,

considéré comme éducateur, et sur Richard Wagner à l3ayreutt.

Dans son ingénieuse étude sur Nietzche, Nordau soutient, ce

que AI. Ireland ne peut admettre, que la véritable source de la

doctrine de Nietzche est dans son sadisme « et qu'il était atteint

d'érotomanie, c'est-à-dire d'une forme voilée de psychopathie

sexuelle (folie amoureuse chaste). L'étude des oeuvres de Nietzche

ne donne aucun appui à cette opinion, mais fournirait plutôt des

arguments pour la combattre : son amativité parait avoir été très

faible, et ses sentiments à l'égard des femmes ne paraissent pas

aller au delà des satisfactions de l'amitié et de la conversation ; et

sa soeur nous apprend que plusieurs médecins avaient attribué ses

maux de tête- sa chasteté. Il ne voulait-ni du mariage, ni des

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 527 i

relations sexuelles en dehors du mariage. Quand il parle des

femmes, d'ailleurs, il ne sort guère des lieux communs. Nordau dit

bien d'ailleurs que le sadisme de Nietzche était purement intel-

lectuel et se satisfaisait par des débauches d'idées ; mais Nietzche

n'est jamais obscène.

Il semble, dit 1Z. Ireland, que Nordau ait voulu à toute force

étiqueter et classer un homme qui est tout justement un cas par-

ticulier.

Nietzche critique le caractère superficiel et trop spécialisé de

l'éducation moderne, et particulièrement l'importance attachée

aux études historiques, qu'il considère comme au moins inutiles et

nuisant à la plasticité de l'intelligence.

Dans ses premiers essais, on voit apparaître deux conceptions

qui joueront un grand rôle dans les spéculations ultérieures, le

culte du génie et la théorie de la décadence. Bientôt, il publie son

livre : Humain, trop humain (1877), qu'il écrit à Sorrente en

compagnie de Wagner, et où il se montre nettement antichré-

tien; il admet, que le christianisme a purifie le monde romain cor-

rompu, mais il déclare qu'il a eu l'effet d'un poison sur les races

germaniques. Il y formule cette maxime que la meilleure manière

de commencer la journée est d'examiner de quelle façon on

pourra être agréable à une personne « au moins », et il ajoute

que, c si celle préoccupation prenait la place des exercices

religieux ordinaires, 1 humanité ne pourrait que gagner au

change. »

On a vu que Nietzche souffrait de migraines sévères : il n'y a là

ordinairement qu'une maladie fonctionnelle, sans grande tendance

à se transformer en affection plus, grave : elle s'accompagne sou-

vent, et c'était le cas chez Nietzche, d'une grande dépression men-

tale, et peut-être quelquefois, mais rarement, le prélude de la

folie. Un mot qui revient souvent, dans ses écrits, c'est le mot dé-

goût (Ehel), et il parait avoir considéré toutes choses avec une

perpétuelle nausée, comme un homme qui a le mal de mer consi-

dère les aliments. Il jugeait niais de s'indigner contre la méchan-

ceté, les hommes n'étant que les instruments de la fatalité, mais

le dégoût chez lui remplaçait l'indignation. On peut ajouter qu'il

avait l'odorat d'une acuité morbide. ,

En 1882, ses souffrances ayant diminué, il en vint à admettre

que le monde pouvait se justifier comme phénomène esthétique, et

-que la vie valait la peine d'être vécue. A la même époque, il se

.sépara de Wagner. Malheureusement, il perdait la faculté de con-

centrer et de soutenir sa pensée, et ses livres prirent la forme

-d'aphorismes courts, de phrases où l'on découvre « des associa-

tions d'idées et de mots qui ne sont réglées ni par le bon sens ni

par le jugement. » A Gênes, pendant les premières années de sa

vie errante, dans l'intervalle de ses souffrances, il écrit Aurore;

528 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

puis, en 1883 et 188;r, il publie l'oeuvre que ses admirateurs consi-

dèrent comme son oeuvre maîtresse : Ainsi parlait Larathustra,

dans laquelle, comme dans tous ses derniers ouvrages, on trouve

à toutes les pages « un manque de mesure et un manque de goût ».

D'ailleurs, si « Nietzche avait quelques idées directrices, on ne

peut pas-dire qu'il ait eu un système de morale établi sur des

inductions ou des déductions. » A ce qu'il croyait être la vérité,

il avait montré un dévouement très ferme : « Pour avoir le droit

de la proclamer, il avait abandonné la foi de ses pères, la croyance

en Dieu, l'espoir d'une vie future, la sympathie de beaucoup de

ses amis, et la morale ordinaire du monde. A la fin, il en arriva à

se demander si la vérité elle-même avait une valeur » et si soute-

nir que la fausseté d'une opinion n'est pas une objection contre

cette opinion. Il avait un mépris qu'il professait avec ostentation

pour la démocratie, le socialisme, le bonheur du plus grand nom-

bre. Il proclamait que le peuple devait être maintenu en esclavage

et ne considérait d'ailleurs l'humanité que comme une période pu-

rement transitoire dans le mouvement ascensionnel de l'évolution.

Lichtenberger nous apprend qu'il se considérait lui-même comme

étant à la fois le continuateur et le destructeur de l'oeuvre de

Jésus. « Comme on l'a vu, dit Je. Ireland, Nietzche passa de la

santé mentale à la folie par des périodes de transition D, et ce

passage fut long.

Dans des lettres à sa soeur et à son beau-frère, il se montre

soupçonneux et il raconte qu'il prend des narcotiques, mais ne

peut pas dormir : en effet, il abusait du chloral. 11. Ireland soup-

çonne que son insomnie était due à une dégénérescence artérielle

des vaisseaux cérébraux. Il se plaignait de la conspiration du

silence qui s'était faite autour de ses oeuvres, et AI. Ireland re-

marque que c'est là une idée délirante commune chez les au-

teurs.

Le début apparent de la première crise de folie de Nietzche fut

caractérisé par une chute à la porte de sa maison, avec impossi-

bilité de se relever : il resta deux jours sans mouvement et sans

parole. Quand il revint à lui, il se parla à lui-même à haute voix,

chanta bruyamment. Il couvrit plusieurs feuilles de papier d'écrits

délirants où il mêlait les personnages de la mythologie grecque,

ceux de l'Evangile et ceux de l'époque actuelle; il accusait ses

meilleurs amis de lui nuire, assurait que Dieu, mis en pièces par

ses ennemis, errait sur les bords du Pô, et signait ses lettres Dio-

nysos : une de celles-ci étant parvenue à Bâle au professeur Over-

beek, il vint à Turin, où se passaient ces événements, et emmena

Nietzche à Bâte et de là dans la maison de santé du Dr Beriswan-

ger, à Iéna. On désigna sa maladie sous le nom de cl paralysie à

forme atypique ». Pendant que M. Ireland achevait ce travail,

Nietzche succombait (2 août 1000), à une hémorrhagie cérébrale.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 529

Les admirateurs de Nietzche font remarquer que son caractère

personnel est une partie importante de sa philosophie; « mais

ses écrits ne rendent d'autre service que celui d'indiquer son

aberration mentale : comme contribution à la psychologie, ils sont

dépourvus de toute valeur. » . tD

Un de ses biographes, AI"10 Andréas, nous apprend, ce à quoi

ses écrits ne nous préparaient guère, qne Nietzche se distin-

guait par une grande politesse et une douceur presque féminine :

suivant son expression, il portait un masque et un manteau

pour cacher sa vie intérieure, qu'il ne révélait presque jamais.

Il aimait la solitude, et. il a écrit dans Reee Ilotiio : « Souffrir de

. la solitude est une infériorité ; je n'ai jamais souffert que de la

foule. »

« Le malheureux Nietzche, dit L Freland, était né avec une

tendance héréditaire à un fonctionnement mental anormal ; dans

sa première enfance, il était arriéré; dans son enfance, il a été

timide et solitaire; dans sa jeunesse, il ne prenait aucun plaisir

aux sports et aux amusements îles jeunes gens, mais il apprenait

vite, avait des aptitudes littéraires et aimait à s'écarter des sen-

tiers battus... Les rapports de ses -souffrances nerveuses avec son

trouble mental ne sont pas clairs, mais il n'est pas douteux que

ces souffrances ont exaspéré sou intelligence et augmenté son

mécontentement de la vie. Peu d'hommes, et seulement les meil-

leurs, sont rendus meilleurs par la maladie... « Son état était celui

qu'on décrit sous le nom de folie du doute. » Le pouvoir de rai-

sonner correctement, dit encore M. Freiand, s'affaiblit chez lui, et

ce qu'il y a de particulier dans son cas, c'est qu'il parait avoir

gardé longtemps le pouvoir de se contrôler lui-même, de iiiaiiiète

a ne pas violer les règles ordinaires de conduite dans ses rapports

avec les autres hommes, alors qu'il donnait satisfaction à ses ten-

dances extravagantes en écrivant des livres provocateurs à l'égard

des croyances les plus chères à ceux au milieu desquels il vivait.

Pour employer sa propre expression, il « philosophait à coups de

marteau. » Et M. Freland, en terminant, se demande comment

les livres de Nietzche peuvent être lus, et surtout loués.

11. de MUSGHAVK CLAY.

M. Ireland a déjà publié d'intéressantes et sagaces mono-

graphies psychologiques dont il a été rendu longuement

compte à cette place. Nous avons tenu à faire une part égale

à sa psychologie de Nietzche : mais il est impossible de ne

pas remarquer que si son jugement sur le philosophe alle-

mand est motivé, son argumentation l'est moins. Nietzche

avait de l'hérédité névropathique et il est mort en état-d'alié-

nation mentale, mais de sa folie avant les accidents termi-

Ancmvrs, 20 série, t. XIV. 34 '

530 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

naux, M. Ireland ne nous en donne aucune preuve, ou plutôt

il n'en donne qu'une, sa philosophie qui est anti-chrétienne,

changeante et, au point de vue des lieux communs de la

morale, révolutionnaire. Cela n'est pas suffisant, et les asser-

tions de M. Ireland sont quelque peu troublantes, et même

désobligeantes, pour la mentalité de ceux qui trouvent en

Nietzche un des plus rigoureux penseurs de l'Allemagne

moderne et ont lu et admiré ses oeuvres sans s'apercevoir

qu'il était fou.

R. DE MUSGRAVE CLAT.

XXXII. Lanévrose d'angoisse ; par IIAIITEMBLERG. (Reçue de médecine,

août 1901.)

Après avoir exposé les principaux symptômes de la névrose d'an-

goisse dans des articles déjà signalés, l'auteur établit des conclu-

sions sur la nature de la maladie décrite par Freud :

Doit-on, comme le veut ce dernier, séparer nettement la névrose

d'angoisse du domaine de la neurasthénie ? La névrose d'angoisse

se rattache à la neurasthénie; elle a les mêmes origines qu'elle,

mais elle dépendrait plutôt d'un épuisement du sympathique, tandis

que la neurasthénie semble plutôt due à un épuisement du sys-

tème cerébrospinal. Freud prétend que la névrose d'angoisse serait

exclusivement due à l'excitation sexuelle non satisfaite (coït incom-

plet, excitations funestes, etc.). Les causes sont affectives, mais tout

surmenage^ épuisement ou traumatisme est également capable de

la produire.

La névrose d'angoisse est souvent associée à la neurasthénie,

mais il parait utile de séparer de cette dernière, dont le terme est

trop vaste, un syndrome morbide qui repose sur une maladie

primitive de l'émotivité et dont le mécanisme pathogénique apporte

une démonstration en faveur de la doctrine de la priorité de la

vie affective dans la constitution'des phobies et des obsessions.

M. 1.11lGL.

De L'épilepsie; par W. 13RAD13ENT. (Brit. med. Journal,

4janvier 1902.)

Revue négative en ce qui concerne l'étiologie, la nature et la

cure de la névrose. Ses symptômes, ses causes, ses variétés, son

pronostic et sa thérapeutique sont esquissés ; l'auteur termine en

développant ce point de vue que la médication bromurée, en jugu-

lant les crises, n'est qu'un palliatif des symptômes, mais pas un

traitement satisfaisant quant à la névrose elle-même qu'il consi-

dère comme d'origine viscérale (autointoxicatiou).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 531

XXXIV. Troubles moteurs chez les paralytiques généraux ; par

- MARANDOK de l10,NTYEL (Revue de médecine, 1899).

Les troubles moteurs ont été observés chez 108 sujets paraly-

tiques aux deux premières périodes de la maladie. De ces divers

cas, l'auteur pense devoir dégager les conclusions suivantes :

d'abord des troubles moteurs excessifs peuvent se montrer de pré-

férence à la première période et réciproquement, les troubles

légers à la seconde. L'intégrité du sphincter n'a pas de rapport

direct avec les troubles moteurs. En somme on ne peut savoir par

la seule inspection de la motricité si le paralytique est à la pre-

mière ou à la seconde période de la maladie. A la seconde période,

la fréquence des troubles est d'autant plus grande que le degré

d'altération est plus élevé, le fait inverse n'a pas été observé pour

la première période. A cette première période, les rémissions dans

les troubes moteurs ont été bien moins accusées qu'à la seconde.

Les troubles moteurs ont été trouvés beaucoup plus accusés aux

deux périodes dans la paralysie générale précoce et de l'âge

moyen que dans la tardive. Enfin, parmi les éléments étiologiques

accentuant les troubles, moteut-s, l'alcool semble jouer le principal

rôle-à la première période, puis la syphilis et le traumatisme.

AI. IIAMEL

XXXV. Contribution à l'étude des paralysies psychiques ; par

llAL'sEn et Lostat JACOB. (Reçue de médecine, nov. 1901.)

Quatre observations dont trois se rapportent à des sujets non

hystériques, et ayant présenté une paralysie de cause vraisembla-

blement psychique. Ce qu'il y a de particulier à noter, c'est que

ces paralysies affectaient, soit exclusivement, soit de préférence,

un groupe musculaire dévolu à une fonction. Elles ont cédé facile-

ment à un traitement psychothérapique. Comme les sujets

n'étaient pas hystériques, il est peut-être préférable de les ranger

simplement parmi les paralysies psychiques, afin de ne pas trop

étendre le cadre de l'hystérie. M. H.

XXXVI. Le vertige psychique ; par VAscniDE et VURPAS. (Revue

de médecine, mai 1903.)

Il s'agit ici du trouble angoissant qu'éprouvent les sujets prédis-

posés qui se trouvent élevés à une certaine hauteur. Il se produit

non un vertige proprement dit, mais une sorte de suggestion, le

sujet finissant par éprouver la sensation réelle de chute dans

l'espace et commençant à esquisser les mouvements; l'idée de

chute exerçant un rôle inhibiteur et envahissant complètement le

champ de la conscience. Ce vertige rentre dans la catégorie des.

états émotifs et des obsessions propres aux dégénérés. M. H.

532 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXXVH. Les hallucinations unilatérales, leur fréquence relative,

leurs associations, leur pathologie; par Alex. 11013LeRTSON. (The

Journal of Mental Science. Avril 1901.)

L'auteur a pu rassembler 15 cas bien nets d'hallucinations uni-

latérales. Il s'agissait dans tous ces cas d'hallucinations de l'ouïe,

et elles se sont manifestées douze fois du côté gauche. Il n'a

jamais rencontré d'hallucinations unilatérales de la vue, non plus

que du goût et de l'odorat, bien qu'il soit à sa connaissance que

des faits de ce dernier genre ont été observés. Dans un certain

nombre de cas, on a noté la prédominance bien marquée des hal-

lucinations d'un. côté; mais il ne s'agissait plus d'hallucinations

vraiment unilatérales. Ce mémoire se termine par des considéra-

tions intéressantes sur les rapports généraux des hallucinations

unilatérales et sur leur pathologie. R. de Musgrave-Clay.

XXXVIII. L'action toxique dans la genèse de la paralysie générale;

par F. Robertson. (Brit. cnecl. Journul, 26 octobre 1901.)

L'auteur développe d'après des recherches histologiques per-

sonnelles, cette vue que la paralysie générale est une réaction de

tous les tissus imprégnés de toxines ; il établit un parallèle entre

les fines lésions de capillaires des divers tissus hépatique, cérébral,

stomacal, etc., comparés à l'état normal de ces mêmes tissus

(8 figures). A. M.

XXXIX. Le substratum physique de la mélancolie; par J. Turner.

(Brit. med. Journ., octobre 1901.)

12 figures, montrant des altérations de cellules nerveuses à di-

vers degrés ; l'auteur développe la théorie d'une imprégnation

toxique préalable, constante dans toute folie héréditaire ou non.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 6 novembre 1902. Présidence de M. Gombault.

Gigantisme cl infantilisme .

MM. LAu.Nois et Roy présentent un malade qui a déjà été l'objet

de diverses publications. C'est un homme âgé de trente ans et qui

mesure actuellement 2 m. 15. Il est né en 1870 et n'a jamais cessé

de grandir. A vingt et un ans, il mesurait 1 m. 8G, à vingt-quatre

SOCIÉTÉS SAVANTES. 533

ans, 1 m. 94, à vingt-sept ans, 1 m. 99. Il présente en outre tous

les signes de l'infantilisme. L'unique testicule qui occupe son scro-

tum est atrophié, la .prostate est minuscule, la verge très petite,

il n'y a de poils ni aux aisselles ni à la face, un duvet insignifiant

revêt le pubis. Un génu valgum gauche empêche depuis quelque

temps le sujet d'exercer sa profession de phénomène forain. Les

radiographies montrent la persistance complète des cartilages de

conjugaison. Il n'est pas acromégalique ; mais on peut pronosti-

quer qu'il le -deviendra quand ses épiphyses se seront soudées,

selon l'évolution observée sur d'autres géants (Brissaud et Meige).

Cette persistance de cartilages chez un géant de trente ans montre

l'erreur possible des auteurs qui ont cru pouvoir, d'après cette

persistance, établir l'âge (dix-huit ans) d'un géant dont ils n'avaient

pas connu l'histoire. Il est probable que le sujet possède une

glande pituitaire hypertrophiée. Ce cas pourra servir à étayerune

étude poursuivie en ce moment par M. Launois sur les rapports

existant entre l'état de la glande pituitaire et l'état d'atrophie ou

l'absence des testicules (animaux châtrés et non châtrés), et sur

l'allongement des membres dans ce dernier cas.

Tremblement et tachycardie .

GIL13ERT Ballet et L. DLLHERM. M. Gilbert Ballet, à l'une

des dernières séances de la Société, a émis l'opinion acceptée par

certains (P. Marie), repoussée par quelques autres (Babinski), que

le tremblement qu'on observe dans la maladie de Basedow est

fonction de la tachycardie et non de la maladie elle-même, qu'on

peut le rencontrer chez les tachycardiques les plus divers, que,

par suite, il n'a pas de signification diagnostique et ne peut être

invoqué en faveur de la nature basedowienne de l'accélération des

battements du coeur.

MM. Gilbert Ballet et L. Delherm présentent un malade qui

démontre précisément le bien fondé de cette manière de voir.

C'est un homme de quarante-cinq ans, affecté d'un tremblement

très net, généralisé, à oscillations petites et fréquentes, comme on

le voit, dans le goitre exophtalmique. Il existe simultanément une

tachycardie des plus accusées (140 à 150 pulsations à la minute);

or, on peut affirmer que cette tachycardie n'a rien à faire avec la

maladie de Basedow ; il n'y a trace ni d'exophtalmie, ni de tumé-

faction du corps thyroïde. D'autre part, il y a dans la poitrine des

lésions qui suflisent à expliquer l'accélération des battements du

coeur par le mécanisme probable de la compression ou de la

névrite du pneumogastrique; l'auscultation, la radiographie et

l'examen bactériologique des crachats démontrent, en effet, qu'il

existe chez le malade de l'induration tuberculeuse avec ramollisse-

ment partiel du poumon gauche.

534 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Il ne semble pas douteux que la tachycardie dépende de ces

altérations.

Ce cas démontre donc, comme l'avait avancé antérieurement

M. Gilbert Ballet, que le tremblement est sous la dépendance de

la tachycardie et qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il s'y associe,

que celle-ci soit la manifestation de la maladie de Basedow,

M. Marie n'admet pas que le tremblement et la tachycardie soient

sous la dépendance l'un de l'autre, ce sont deux effets d'un même

état du système nerveux central. '

Un cas de paralysie radiculaire supérieure bilatérale du plexus bra-

chial, ci symptomalologie surtout sensitive, par côtes cervicales sup-

plémculuires :

MINI. J. Déjiîrine et P. Armand- Delille présentent une femme chez

laquelle apparurent, à l'âge de. trente-trois ans, des douleurs du

membre supérieur gauche, avec parésie et anesthésie en bande

dans le territoire des cinquième et sixième cervicales ; tandis qu'à

droite, il y avait seulement hypo-esthésie dans la même zone.

La radiographie montra la présence, de chaque côté, d'une côte

cervicale supplémentaire, plus développée à gauche.

L'extrémité de la côte gauche fut enlevée chirurgicalement et

l'opération amena la disparition des troubles subjectifs et objectifs

de la sensibilité. -

11 -est difficile d'expliquer l'apparition des symptômes seulement

à l'âge de trente-trois ans, à moins qu'il ne s'agisse d'une poussée

ostéogénique tardive.

M. BRISSAUD, à propos de la malade présentée par M. Déjerine,

ne s'étonne pas que les symptômes radiculaires aient été tardifs et

se soient localisés sur les côtes supplémentaires, les processus

morbides se développant plus fréquemment là où il y a des ano-

malies. S'il n'y a pas eu ostéite, mais seulement ostéogénie ce cas

pouvait se rapprocher des poussées de croissance tardives des dents

de sagesse. -

Un cas de MM à topographie radiculaire rigoureuse des trois p ? 'e-

Ntteres lombaires, avec troubles de la sensibildé dans le même le ? .-

l'il01)'e. -

MM. P. AR1L1NU-D13L1LLG et Jean Camus présentent une malade

atteinte de zona. La disposition de l'éruption se superpose exac-

tement au schéma donné par Rocher pour le territoire des trois

premières racines lombaires. Fait également intéressant, il y a

anesthésie sous tous les modes de la sensibilité (tactile, sensitive

et thermique) dans le même territoire, même dans les parties de

peau saine entre les éléments éruptifs.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 535

Préseaztuliorz d'zsze pièce cle claolescéacome d21 ceruelet.

AIAI. P. Armand-Delille et Jean Camus présentent un volumineux

cliolestéalonie, caractéristique macroscopiquement et microscopi-

quement, qui occupait le lobe droit du cervelet et avait refoulé la

partie droite de la protubérance.

Sclérose en plaques familiale. '

nI. HmssAUD présente un malade de cinquante-trois ans atteint

de tous les signes objectifs de la sclérose en plaques et sujet en

outre, actuellement, à des crises d'asthme qui se sont substituées

à des crises d'angine de poitrine. Il a observé les mêmes faits chez

le frère du patient. D'après les autopsies de cas pareils, il ne s'agi-

rait pas de scléroses en plaques en pareille occurrence, mais de

scléroses bilatérales de la moelle dans lesquelles ni la protubé-

rance, ni le cervelet, ni les hémisphères ne sont atteints.

AI. B%BiNsxi estime qu'en pareil cas les fibres cérébelleuses doi-

vent être intéressées.

M. Bienvenu rapporte une observation de chorée chronique.

Méningite tuberculeuse du bulbe avec rémission de deux ans

simulant la guérison.

111. Cruchet (de Bordeaux) rapporte l'observation d'un jeune

garçon de dix ans qui, après avoir présenté, durant un mois et

demi, tous les signes d'une méningite tuberculeuse classique, parut

complètement guéri pendant deux ans.

Il lit alors une rechute qui, au bout de six semaines, fut encore

suivie d'un retour à l'état normal ; la guérison paraissait donc de

nouveau obtenue, lorsque l'enfant mourut subitement par asphyxie

d'origine bulbaire, avec des signes absolument analogues à ceux

que provoquent les physiologistes daus l'expérience de 1,'Ioui,ens.

L'autopsie démontra une dissémination considérable de nodules

tuberculeux à la périphérie du bulbe, distribués particulièrement

le long des artères vertébrales, du tronc basilaire et des cérébrales

postérieures, ces dernières étant presque complètement oblitérées

au niveau de leur origine.

M.IIUET présente une enfant atteinte de mal de Pott lombaire s iiiiii-

lai2l une myopathie. Le diagnostic de myopathie ayant cependant

paru douteux, la radiographie permit d'établir celui de mal de Pott.

Paralysie pseudo-bulbaire chez un jeune homme de vingl-huil ans,

apparaissant à la suite de deux ictus surventes dans la même

journée. Signe des orteils.

M. Dufour. La paralysie pseudo-bulbaire est, le plus géné-

ralement, le résultat d'une lésion bilatérale des hémisphères. Dans

536 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la grande majorité des cas, les ictus apoplectiques ou les foyers

de ramollissement, à la suite desquels s'installe le syndrome

pseudo-bulbaire, sont séparés par un intervalle de quelques jours,

de plusieurs semaines, de mois ou d'années. Chez le malade que

je'présente, la maladie a été en quelque sorte schématisée. Un

premier ictus, avec hémiplégie droite, survenue à sept heures du

matin, est suivi, à neuf heures et demie, d'une guérison en appa-

rence complète, sauf l'existence d'uie légère faiblesse du côté

droit, du signe des orteils de Babinski, mais avec disparition de

lady>arlhrie et de la dysphonie. Un deuxième ictus, à trois heures

de l'après-midi, amène une hémiplégie gauche avec dysarthrie,

dysphonie, troubles de la déglutition, rire spasmodique, qui ont

rétrocédé incomplètement dans la suite, laissant les signes très

nets de la paralysie pseudo-bulbaire. -

Le signe des orteils de Babiiiski,qtii a accompagnéchaque ictus,

n'a pas tardé à disparaitre, faisant place à la trépidation spinale.

Je me demande si le signe de Babinski, qui n'existe pas de l'avis

de son auteur dans tons les cas où le faisceau pyramidal est lésé,

qui, d'autre part, ne semble pas, dans mon cas, avoir de rapport

direct avec le clonus du pied, n'indique pas plutôt une perturba-

tion dans la fonction pyramydale qui consiste à transmettre les

ordres moteurs aux muscles du membre inférieur, tandis que le

clonus du pied indiquerait une perturbation de cette autre fonc-

tion du faisceau pyramidal, qui consiste à maintenir un certain

degré de tonicité musculaire.

En un mot, l'hypothèse serait la suivante : le signe des outils

est liée à des phénomènes de paialysiepeu ou très marquée ; le

clonus du pied répond à l'excitation de la voie motrice.

M. BAR)NSKt insiste sur le point que le signe qui porte son nom

caractérise la lésion pyramidale mais n'en indique ni la hauteur,

ni l'intensité.

Méningite cérébro-spinale ci forme de syndrome de Liltle

' et de pseudo-bulbaire.

MM. HUET et SICARD rapportent l'observation d'un jeune enfant

de six ans, atteint, au cours d'une méningite cérébro-spinale con-

sécutive à un abcès de l'oreille, de syndromes nerveux intéressants :

tétraplégie spasmodique coïncidant avec des troubles paralytiques

des appareils de mastication, de déglutition, de phonation.

Le syndrome de Little trouve sa raison d'être évidente dans la

méningo-encéphalite corticale localisée symétriquement et bilaté-

ralement au niveau des centres moteurs ; la pathogénie du syn-

drome de Duchemin reconnaît vraisemblablement une origine

également corticale. Il s'agit donc de troubles pseudo-bulbaires

acquis chez un enfant, et l'on connaît la rareté de telles observa-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 537

lions. 11 ne semble pas que l'on puisse invoquer une localisation

bulbaire directe du névritique en raison de l'absence d'atrophie

musculaire et de troubles des réactions électriques.

Atrophie musculaire et poliomyélite.

1111. . Raymond et Cl. Philippe apportent un nouveau document

pour l'histoire anatomo-clinique de l'atrophie musculaire progres-

sive spinale, due à une poliomyélite chronique strictement loca-

lisée aux grandes cellules des cornes antérieures de la substance

grise de la moelle épinière. C'est la ptemière observation avec

autopsie dans laquelle le début ait eu lieu par les extrémités des

membres inférieurs (pieds et jambes) avec une semblable localisa-

tion anatomique. L'affection avait commencé à faire de cinquante-

deux ans par l'atrophie graduelle des muscles antéro-externes de

la jambe, la faiblesse motrice marcha toujours parallèlement à

l'amaigrissement sans jamais s'accompagner de troubles sensitifs

ni d'aucun phénomène spasmodique. L'autopsie a montré, dans

toute l'étendue de la moelle épinière, avec prédominance pour la

région lombo-sacrée, une atrophie considérable, en nombre et en

volume, au niveau des grandes cellules de la substance grise, avec

lésions secondaires des racines antérieures, des nerfs périphériques

et des muscles.

Sur le rôle du cervelet dans lns actes Colitio ? 721els nécessitant une

succession rapide de mouvements.

J. Babinski. Je désire attirer l'attention de la Société sur un

trouble de motilité qui n'a pas été décrit jusqu'à présent et qui

consiste en ce que le sujet qui en est atteint, tout en pouvant exé-

cuter avec la même rapidité qu'un individu normal des mouve-

élémenfaires, tels que, par exemple, le mouvement de pronation

ou le mouvement de supination de la main, est incapable d'ac-

complir un acte volitionnel nécessitant une succession rapide

de mouvements. Il ne sera pas en mesure, pour reprendre l'exemple

précédent, de faire avec rapidité des mouvements successifs de

pronation et de supination.

Voici plusieurs malades chez lesquels il existe incontestablement

une lésion de l'appareil cérébelleux et qui présentent très nette-

ment ce phénomène.

Ce trouble est donc la conséquence d'une lésion cérébelleuse.' Il

fait défaut dans les affections des autres parties du système ner-

veux ; les tabétiques, en particulier, ne le présentent pas; c'est

donc là un signe qui peut contribuer à distinguer de l'ataxie tabé-

tique ce désordre que l'on a désigné à tort, pour ne pas l'avoir

suffisamment analysé, sous le nom d'ataxies cérébelleuses et que

j'ai proposé déjà autrefois d'appeler asynergie.

538 SOCIÉTÉS SAVANTES.

11 résulte de mes observations cliniques qu'il existe une fonction

spéciale appartenant à l'appareil cérébelleux, qui a pour objet

dans les actes volitionnels d'arrêter brusquement les impulsions

motrices et d'en imprimer de nouvelles aussitôt après; ce n'est en

effet qu'à ces conditions que les mouvements peuvent se succéder

avec rapidité. La titubation cérébelleuse, les troubles de l'écri-

ture, etc., sont dus (li partie à la perturbation de cette fonction

que l'on peut dénommer cliudococinésio, néologisme tiré de deux

mots grecs, dont l'un veut dire successif, l'autre mouvement.

F. Gotssma.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE' J

Séance du mardi 21 octobre 1902. - Présidence de M. Jules Voisin.

Névralgie ancienne du nerf radial guérie par l'hypnotisme.

M. David (de Narbonne) rapporte le cas d'un jeune homme traité

depuis deux ans, tantôt pour rhumatisme, tantôt pour une myélite

et qui avait scrupuleusement suivi, pendant tout ce temps, sans

aucun résultat, les traitements hydra-minéraux et médicamenteux

les plus variés. Une seule séance de suggestion hypnotique a suffi

ponr le débarrasser d'une névralgie de l'avant-bras qu'accompa-

gnait une impotence fonctionnelle presque complète.

Explication scientifique des phénomènes de l'hypnotisme.

M. FIIAICKFN (de la Haye) expose et discute la conception

de l'hypnotisme d'après 111011, Lelrman, Durand de Gros, Preyer,

Wundt, Goltz, Verworne, Lloyd Tuckey, Brown-Séquard, Ileideii-

hain, Fore), Tooth, Pierre Janet, Bernheim, De)boeut'. Il insiste sur

les souvenirs latents qui subsistent après le réveil et sur les opéra-

tions psychologiques qui s'accomplissent dans la subconscience.

Les modalités de la suggestibilité.

M. 1)RILLON présente un malade, jadis agoraphobe, actuellement

Itypersuggestihje, que l'on peut mettre très facilement dans un état

cataieploïde avec contractures. Il démontre à nouveau sur ce

malade le phénomène de I'Iivpei-exciLabilité musculaire.

M. l'aul Magnin. On a voulu rapporter à la seule suggestion

tous ces phénomènes de catalepsie de contracture. De ce que la

suggestion peut les produire, il n'en résulte pas qu'ils ne peuvent

pas apparaître spontanément. En l'ail, on les observe dans des

circonstances où aucune espèce de suggestion ne saurait être invo-

quée.

BIBLIOGRAPHIE. 539

M. Jules Voisin. Je pacage tout à fait l'opinion de M. llaguin.

Dans le cas actuel, il s'agit de catalepsie avec contractures dif-

fuses. Quand on ouvre l'un des yeux, le bras au côté correspondant

cesse d'être contracture.

Suggestion musicale et psychothérapie.

M. Henry Lemesle apprécie les essais de musicothérapie de

M. Pelrucci à l'asile d'aliénés de Saint-James-sur-Loire. Il discute

la valeur de la suggestion rythmique et de la suggestion tonale; il

expose comment il convient de les varier et de les combiner dans

les divers états mentaux, en particulier dans la mélancolie et la

manie.

BIBLIOGRAPHIE.

XII. Rapport médical, compte moral et administratif de l'asile de la

Charité potiî- l'exercice 1901, par 111. le Dr Faucher,

médecin-directeur.

Eu 1901, il y a eu 145 admissions, dont 23 d'aliénés du départe-

ment de la Seine. Les sorties ont été de 261, dont 32 par guéri-

son, 17 par amélioration. 2 évasions se sont produites en 1901,

une en 1900 1. Il est survenu 81 décès, soit 8,98 p. 100, dont 9 de

tuberculose. La population était de 757 le IIP janvier 1901 et de

760 à la fin de l'année. Dans les cinq dernières années, l'augmen-

tation a été de 222 malade", y compris ceux de la Seine

« Nous avons eu 4 épilepliques simples (au heu de 10 en 1900

et en 1899), au nombre des nouveaux admis; quoique ces malades

ne soient pas aliénés à proprement parler, ils sont néanmoins,

comme nous le faisions observer dans notre rapport de l'an der-

nier, très souvent affaiblis intellectuellement, irritables et même

sujets à des accès d'agitation.. Nous avons dû précisément sollici-

ter, pour une femme, son placement d'office comme aliénée véri-

table, car elle était au moment de ses crises hystéro-épdeptiques,

et quelquefois même dans l'intervalle, véritablement dangereuse. »

C'est absolument l'opinion que nous soutenons depuis long-

temps ; tous les épileptiques,. à un moment, sont des aliénés, tous

peuvent d'un instant à l'autre, devenir dangereux.

' 11 y a chaque année dans tous les asiles quelques évasions. Nous en

trouvons 2 en 1901, à Quatremares. 1 à Blois, etc. Elles ne sont pas rares

dans les asiles de la Seine, notamment à Yitte-Evrard, à la colonie de

Vaucluse, dans notre service de B : cètre (10 en 1901).

540 BIBLIOGRAPHIE.

Les nouveaux pensionnats ont été inaugurés en 1899. Nous avons

pu constater dans la visite de l'asile que nous avons faite le

H août les nombreuses fautes commises par l'architecte, qui ne

parait pas se douter des exigences particulières des asiles. Nous y

reviendrons probablement.

Signalons les tableaux, en outre des tableaux ordinaires, sur

l'état civil, les professions (on devrait mentionner les professions

insalubres), l'hérédité, sur l'alcoolisme, etc. Ce dernier tableau qui

va de 189 à 1901 montre que la proportion des alcooliques qui

était de 5,38 en 1895 s'est élevée à 2711 en 1901. « 11 nous ievèle,

dit M. Faucher, l'influence de l'alcoolisme dans l'éclosion de la

folie et nous donne une idée du développement de l'alcoolisme lui-

même dans le département; car la progression est manifeste d'une

année à l'autre, au moins pour le sexe masculin. La proportion

des buveurs par rapport au nombre total des admis (déduction

faite des transférés et des épilepliques simples), 40,29 p. 100,'est

sensiblement la même que l'an dernier. Au contraire pour les ma-

lades du sexe féminin il y a une légère diminution. »

Avec la grande majorité des médecins, M. Faucher recommande

le placement précoce : « Dans 24 cas, la maladie remontait à au

moins six mois; c'est une condition favorable pour la guérison.

Dans 23 cas la maladie mentale avait déjà plus de deux ans de

durée au moment de l'admission ; aussi peut-on prévoir que le

plus grand nombre des aliénés de cette catégorie seront à peu

près certainement incurables. Enfin, dans 11 cas, la maladie datait

déjà de six mois à deux ans L'internement précoce n'est sans

doute pas une garantie de curabilité, mais c'est une chance de

plus donnée à nos malheureux malades, trop souvent voués d'em-

lilée à la chronicité par la nature même de leur affection. »

Il n'y a eu, en 1901, qu'un convoi d'aliénés de la Seine (18 H.). « Il

ne comprenait que 4 paralytiques généraux et 2 idiots, encore les

4 paralytiques n'étaient-ils pas tous galeux. Au point de vue de

l'état général, les transférés de cette année sont donc dans de

meilleures conditions que ceux qui nous avaient été envoyés lors

des précédents convois. Il était bon de le signaler. » Il est donné

à l'asile des congés d'essai d'une durée d'un à deux mois.

Quelques notes à relever dans le chapitre des décès : « 71 décès

en 1900, 81 en 1901. Le pourcentage (902 malades) est de 10,76 et

de 7,09 pour les femmes. La différence de la mortalité entre 1900 et

1901. tient aux décès par paralysie générale, part entièrement

nombreux en 1901, à la suite du transfert de 54 hommes prove-

nant des asiles de la Seine et qui eut lieu à la fin de 1900...

Chaque année, nous avons à déplorer le décès de malades admis

depuis quelques jours à peine et qui nous sont amenés dans un

état de cachexie très prononcée. En 1901, nons avons perdu ainsi

10 malades (7 hommes et 3 femmes) qui étaient entrés depuis

BIBLIOGRAPHIE. 541

moins d'un mois... En 1901, ce sont, comme en 1900, les paraly-

tiques généraux (23), qui ont fourni le plus grand nombre des dé-

cès. En 1898, la paralysie générale ne venait qu'en quatrième

rang; mais depuis l'arrivée des aliénés de la Seine, son impor-

tance va croissant au point de vue de la mortalité de l'asile... »

D'où il suit que les transferts des malades de la Seine perturbent

les asiles de provi.ice, en les encombrant, en augmentant la mor-

talité, en diminuant la proportion vraie des guérisons, en un mot

en font des asiles unoam.aui.

Parmi les maladies incidentes, nous voyons 5 cas de tuberculose

pulmonaire.

Parlant de la lutte contre l'alcoolisme dans le chapitre du trai-

tement, .M. Faucher s'exprime ainsi : « Nous avons déjà parlé, dans

nos rapports précédents, de la lutte entreprise de tous côtés contre

l'alcoolisme. Les moyens actuellement les plus recommandés sont :

la sup ))'e6'si'j)t du lei bouilleurs de cru, l'élévation des

droits sur l'alcool, la limitation du nombre des débits, la fixation

des heures d'ouverture de ces débits, l'interdiction de la vente de

spiritueux dans les casernes, édifice.^ publics, ateliers de chemins

de fer, etc,; l'internement des buveurs d'habitude, même ne pré-

sentant pas de troubles mentaux, l'assimilation de l'ivrognerie a

l'inconduite, pouvant entraîner par suite le divorce, l'incapacité

civile et la déchéance paternelle; l'enseignement anli-alcoolique,

déjà largement pratiqué dans les écoles, casernes, etc. Puis la for-

mation de sociétés de tempérance, de ligues scolaires anti-alcoo-

liques, etc. Il est évident que tous ces moyens sont de valeur iné-

gale et d'application parfois difficile; nous préferons pour notre

part, ceux qui s'adressent à la raison et au jugement du buveur, ou

de celui qui pourra le devenir, mais ces moyens doivent être em-

ployés de.bonne'heure dès l'école ou la caserne, avant que l'habi-

tude ne soit invétérée et n'ait dégénéré en passion. »

L'application rigoureuse de la loi sur ['ivresse (contre l'ivrogne

et le marchand), des lois et règlements sur les falsifications alimen-

taires contribueraient à diminuer l'ivrogneiie el à taire disparaître

un grand nombre de cabarets, foyers d'abrutissement, d'exploita-

tion et quelquefois de vols. 'l'elle est l'opinion que nous soute-

nons depuis bien des années.

Eu 1901, il a été administré 2 833 bains et 861 douches dans

les services des hommes; chez les femmes, il a été donné 3,048

bains et 1,008 douches. M. Faucher pense que « le traitement hydro-

thérapiquo n'a pas la valeur qu'on lui attribuait jadis. » Nous

différons sur ce point avec notre distingué collègue. L'hydrothé-

rapie, bien appliquée avec des appareils convenables, réalisant

les règles de l'hydrothérapie scientifique, constitue l'un des meil-

leurs agents thérapeutiques contre les maladies nerveuses et men-

tales. (Voir nos Comptes rendus de Bicêlre, de 1880 à 1901).

542 BIBLIOGRAPHIE.

L'asile de la Charité fabrique son pain. « Le prix du pain de deu-

xième qualité, d'après la taxe municipale de la ville de la Charité,

a été pendant l'année, en moyenne de 0,2627 le kilogramme, soit

un chiffre supérieurde 0,0474 fr. à celui de l'asile. Cette différence

multipliée par le nombre de kiiogs de pain fabriqué (203,623

donne pour l'année un bénéfice de 9 651f r. 73. Nous croyons que

l'Administration supérieure ferait bien de signaler aux préfets les

avantages de la fabrication du pain par les asiles. ' B.

XIII. De la démence précoce chez les jeunes gens ; par le Dr Ali ? Euq,

médecin à la colonie de Gheel.

Sur 384 aliénés, dont 200 hommes et 184 femmes, composant

au l01' septembre 1901 l'effectif de la section confiée aux soins du

D1' leetis, 40, dont 21 hommes et 16 femmes, étaient atteints de

démence précoce ; cette proportion élevée classe la démence pré-

coce parmi les affections fréquentes.

Sur ces 40 malades, le diagnostic de démence précoce n'avait

été posé qu'une seule fois au moment de leur entrée, ce qui

montre, d'une part, que la démence précoce est loin d'être consi-

dérée comme une entité spéciale, et d'autre part qu'au premier

stade de la maladie, les états émotionnels pathologiques et les

formes délirantes occupent le premier plan, si bien que ce n'est

que plus tard, au stade d'état, que la maladie se caractérise par

des symptômes précis.

Utilisant ces 40 observations personnelles, l'auteur fait une

élude clinique des plus intéressantes de la démence précoce, pas-

sant en revue successivement : 1° les symptômes du début, cons-

tatés par l'entourage immédiat du malade, symptômes, extrême-

ment variables; 2° les symptômes d'augment, existant au moment

du placement, manifestations hallucinatoires et délirantes, trou-

bles de l'état émotionnel (mélancolie, manie, stupeur); 3° enfin

les symptômes d'état durant la v : e entiéfe, à savoir l'affaiblisse-

ment intellectuel rapide, les symptômes psychiques et les symp-

tûmes moteurs; ces derniers constituant dans leur ensemble un

syndrome particulier appelé catatonique et pouvant se distinguer

en : u) besoin de mouvement (actes sans but, mouvements clioréi-

formes ou épileptiformes de Kdhfbaum ; b) impulsion aux mou-

vements ; c) mouvements et attitudes stéréotypés (mouvements

automatiques, verbigération, écholalie, altitudes singulières, etc.);

d) trouble de l'activité volontaire.

Sur les 40 déments précoces, dont les observations sont relatées,

aucun n'a guéri, ni ne montre une tendance à la guérison. Six

d'entre eux, sans anomalies dans l'état émotionnel, sont des cas

plutôt légers qui correspondraient ainsi au type hébéphrénique

de Ii-aepelin. Les 34 autres sont des formes graves où l'auteur dis-

VARIA. 1 543

tingue une variété torpide et une variété agitée, formes graves qui

correspondraient ainsi à la forme catatonique de Kraepeiin.

Contre Kraepehnqut maintient les deux formes morbides hébé-

phrénique et calatonique, fait intervenir un état émotionnel dans

la conception de la catatonie, M. lfeeus se range plutôt du côté

d'Aschaffenburg qui prétend qu'entre toutes ces formes, les plus

légères et les plus graves, n'existent que des degrés d'une même

maladie. 11 fusionne l'hébéphrénie et la catatonie avec la concep-

tion de démence précoce qui est une affection se développant géné-

ralement dans le jeune âge, conduisant, à travers toutes sortes de

circonstances, ou bien immédiatement, ou bien après des rémis-

sions plus ou moins sensibles, à un état caractéristique et tout à

fait spécial d'affaiblissement intellectuel définitif. E. Blin.

VARIA.

. Les aliénés EN liberté.

- La folie d'un ancien magistral. Des agents ont arrêté, la nuit

dernière, boulevard Péreire, un individu qui, en chemise et armé

d'un revolver, courait à toutes jambes. C'est un nommé Louis li...,

demeurant rue des Fermiers, t9. Il avait déchargé cinq balles de

revolver dans l'escalier de sa maison, contre des ennemis imagi-

naires et avait pris la fuite dans la rue. M. Du... est âgé de qna-

rante-deux ans et a passé une moitié de sa vie aux colonies, dans

la magistrature. C'est là qu'il a contracté les germes de sa folie

actuelle. (Le Journal, du 9 octobre 1902).

Sanglante tragédie. De Grasse, au Petit Parisien : Une san-

glante tragédie a semé hier l'épouvante dans la petite commune

de Gars, située a soixante-trois kilomètres de Grasse.

Un cordonnier de cette localité, qui comprend à peine deux

cents habitants, Baptiste Guérin, âgé de quarante-deux ans, don-

nait, depuis quelque temps, des signes d'aliénation mentale. Or,

hier, dans l'après-midi, pour un motif des plus futiles, il fut pris

d'un accès de folie furieuse au cours duquel il sortit armé d'une

hache et fonça sur toutes les personnes qu'il trouva sur son passage.

C'est ainsi que cinq de ses compatriotes furent victimes de la

fureur de ce forcené. Trois d'entre eux, qui n'avaient pu parer

les terribles coups de hache que Guérin leur portait, ont été très

grièvement atteints et on craint que les malheureux ne survivent

à leurs blessures. -

On juge de la panique qui s'empara des habitants; chacun ver-

544 varia.

rouilla solidement sa porte, et, en l'espace de quelques secondes,

les rues du petit village furent complètement désertes.

Cependant, un groupe d'hommes courageux s'était formé sous

la conduite du maire, M. Delerba, qui, par précaution, s'était

armé d'un fusil. Une chasse à l'homme fut organisée et, bientôt

après, Guérin, qui brandissait toujours sa hache, était cerné par

ses compatriotes. A cette vue, le forcené leva son arme et se préci-

pita sur le groupe. Un nouveau malheur allait se produire, quand

une détonation se fit entendre, et Guérin s'abattit comme une

masse, foudroyé d'un coup de fusil que le maire venait de tirer sur

lui. C'est là un assassinat que le maire aurait pu éviter.

Cinq enfants étranglés. Drame de la folie.- Un maître d'école

hollandais. Suicide du meurtrier. G[t01r<GUK, 27 septembre.

A Veendam,' dans la province de Groningue, le maître d'école,

nommé Lemke, ayant été pris d'un accès de folie furieuse, a étranglé

cinq élèves et en a grièvement blessé sept autres. Après avoir

accompli cet horrible acte, Lemke a couru vers l'étang qui se

trouve au milieu du village et s'y est noyé. (Le Journal, du 28 sep-

tembre 1902.)

Alcoolisme DE L'ENCAKCE.

Pour la boisson. Ferdinand Ileulte, quatorze ans, est un gamin

qui a le gosier en pente. Etant en service chez le sieur Cailloué.

cultivateur à Cerqueux, le jeune Ferdinand était souvent fort émé-

ché. Son patron se demandait où il allait boire, lorsqu'il décou-

vrit le débit où il s'approvisionnait. Ferdinand Heutte attachait a

une ficelle une bouteille à eau de Cologne et l'introduisait, par la

bonde, dans un fût d'eau-de-vie que sou maître couservait pour

ses vieux jours. En raison de son jeune âge, ce petit amateur de

calvados a été acquitté et remis il sa &oeur qu'il avait, au début de

l'instruction, cependant accusée de lui avoir indiqué le truc de

tirer de l'eau-de-vie sans clef à une barrique. (Le Bonhomme Nor-

mand, 17 au 23 octobre 1902.)

Alcoolisme.

Une mère indigne. Les passants qui se trouvaient, hier, place

de la Bourse, vers huit heures du soir, étaient révoltés par un fait

dont ils étaient témoins.

Une femme d'une quarantaine d'années arpentait le trottoir,

titubante, ivre.. Elle tenait à la main un garçonnet de six ans à

peine, qui, lui aussi, était dans un état d'ivresse avancée. Et la mèic c

chantait, battait le pauvre petit, qui chantait et criait à tue-tête.

Des agents arrivèrent pour empêcher ce scandale. La mère fut

conduite au commissariat de M. Lahat, où on apprit que celle-ci,

une idée d'ivrogne lui passant par la cervelle, avait forcé le pauvre

enfant à boire deux grands verres d'absinthe !

FAITS DIVERS. 545

La garde de l'enfant va être retirée à cette mère indigne. Quant

au cafetier qui a laissé s'accomplir ce forfait, il sera poursuivi

pour infraction à la loi contre l'ivresse. (Echo de Paris, 2 août.)

Nous avons déjà cité des faits concernant des parents faisant boire

de l'absinthe à un enfant à la mamelle, du vin en abondance à un

enfant de deux ou trois ans. Il faut appliquer rigoureusement la loi

sur l'ivresse.

FAITS DIVERS.

Asile d'Aliénés. Mouvement d'octobre. M. le De Chaussinaud,

directeur-médecin à l'asile d'aliénés de Saint-Dizier(liaute-llarne),

promu à la classe exceptionnelle du cadre. M. le De Truelle,

médecin-adjoint à Ilun-sur-Aurou, promu a la 1 ? classe du cadre :

M. le û1' Brunet, médecin-adjoint à l'asile de Moulins, promu à

la ire classe du cadre. -11. le D1' Pochon, médecin-adjoint à l'asile

de Lesvellec, promu à la ire classe du cadre.

Nécrologie. 7'/m./OM)'n. of ment. Science d'octobre annonce la

mort du De G. 1111crr.i ? ancien médecin en chef deSt.-Luke's IIos-

pital. M. le D1' Je\n-Louis Rousselin est mort à Elbeuf le 19 octobre

dernier dans sa 80° année. 11' était né àFresnes-l'Archevêque(Eure),

le 24 mars 1823. Après avoir été interne à l'asile de Saint-Yon et

à la maison de Chareuton, il passa sa thèse de doctorat : Sur la

double influence des crises et du traitement dans la guérison de la

folie. Après avoir été médecin du quartier d'aliénés de Poitiers

(1851), il devint médecin de l'asile de Blois (1853), puis médecin-

adjoint de la maison de Charenton (1854). En 1866, il succéda à Par-

chappe comme inspecteur général. En 1872 il fut nommé médecin

en chef de la maison de Charenton ; en 1873 médecin en chef de

l'Asile de Saint-Yon. Il fut mis à la retraite en 1882. Quelques

années plus-tard, à la suite d'événements malheureux, il accepta

le poste de médecin de l'asile de Leymes (Lot). Il a publié un cer-

tain nombre de mémoires dans les Âîtntiles ilIédico-Psyrliologiq lies.

Préjugé ET idiotie : D'un article sur les accouchements à ifada-

gascar, nous extrayons le passage suivant : « Quand le cordon

desséché tombe, on l'enveloppe dans des herbes vertes que l'on

donne ensuite à manger au boeuf. L'intérêt de cette coutume est.

d'éloigner cette parcelle de l'enfant des esprits qui flottent dans

l'air, car s'il s'égarait, l'enfant deviendrait idiot; si, au contraire,

le boeuf le mange, l'enfant deviendra riche et possédera beaucoup

de boeufs. »

Archives, 2° série, t. XIV. 35

846 AVIS A NOS ABONNÉS.

Un assassin DE quinze ANS. Le 28 octobre, un assassinat était

découvert au Raffoux, commune de Saiiit-ri lovier (1 ndt,e-et-l,oire),

sur la personne d'une fermière nommée In,e Hérault, dont le

cadavre avait été retiré, couvert de terribles blessures, d'un puits.

Les premières recherches entreprises pour la découverte du cou-

pable étaient demeurées vaines. Mais le jeune domestique des

époux Hérault, le nommé Vanoy, âgé de quinze ans, qui, le jour

du crime, était resté seul t la ferme avec 1-0 Hérault et qui pré-

tendait n'avoir pas retrouvé sa maîtresse au logis lorsqu'il était, à

la nuit tombante, rentré du pâturage avec ses bestiaux, a fait au

parquet des réponses si bizarrement contradictoires que les soup-

çons des magistrats se sont portés sur lui. Il a prétendu avoir vu

l'assassin jeter Mm0 Hérault dans le puits, ajoutant que s'il n'a pas

parlé plus tôt c'est qu'il craignait la vengeance de ce dernier. Puis

enfin il a reconnu être lui-même l'auteur du crime et avoir caché

l'argent volé cent francs -, dans un endroit qu'il a désigné.

(Le Petit Bleu, 3 novembre 1902).

AVIS ANOS ABONNÉS.Z'ëc/tëce du I"' 1V7 ?

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont T abonnement cesse à

cette date, de noies envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en SMS du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nous rappelons à nos lecteurs que V abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour

l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : Bouhneville.

TABLE DES MATIERES

Acroniégalie et dégénérescence men-

tale, par Farnarier, 429.

Affections cardiaques. Voir troubles

mentaux.

AGENÉSIE. Voir spina bificla.

Aimant. Voir sensibilité.

Alcooliques. Les-récidivistes, par

Legrain et Guiard, 341."

Alcoolisme de l'enfance, 79. Fureur

alcoolique, 187, 188. Mère alcoo-

lique et meurtrière, 188. Drames

de 1' -, 285. Voir Paralysie.

Aliénés. Les en liberté, 74, 32t,

397, 398, 462. Asiles d' - 77.

Quartier d' de Gaillon, 77. Le

dhecteur de l'asile des de

Tournai blessé par un fou, 78.

- Voir Paralysie générale. Essai

à l'asile de Pau du traitement des

par le repos au lit, par Clau-

salles, 185. en liberté, 190.

Asile d' -. Mouvement de juin.

191. Dans un asile d' , 191.

Les en liberté, 283. Les

dans les familles, 286. Asiles

d' -. Nominations et promotions,

287. Asile d' d'Alençon. Avis,

287. Désencombiement d'un asile

d' français, par Doutrebeute,

337. Les convalescents, par

Larrivé, 338. Les ongles chez les

- , parPierret, 380.'Le séjourau

lit des , son emploi et son rôle

thérapeutique, par Ossipow, 4 tl.

Le traitement des aliénés par le

repos au lit, par Wizel, 415.

Quelques points sur le traitement

des chroniques, par Simpsons,

446. Asile d' de Navarre, 448.

Asile d' : Distractions auv ma-

lades, 461. Asiles d' de la

Seine, 463. automutilateurs,

par Poirson, 481. Voir Névrite.

Altérations pathologiques. Voir

Démence.

Amyotrophie double du type sca-

pulo-huméral consécutive à un

traumatisme unilatéral extra-arti-

culaire, har Guillain, 429.

Analgésie. Voir Hypenacuité. Note

pour servir à l'étude des table-

tiques. Insensibilité des globes

oculaires à la pression, par Aba-

die et Rocher, 434.

Anesthésie des nerfs sensitifs et

moteurs, par Joteykoet Stéfa-

nowska, 143. Analyse des mouve-

ments et de la sensibilité dans

l' par l'éther, par Joteyko et

Stéfanowska, 144. -segmentaire.

Voir Syringomyélie.

,lvÉVRISUE. Un cas d' sacci forma

double intra-crànien, par Shaw.

50 .

Antipyrine. Note sur l'action exci-

tante de l' -, par Féré, 445.

Anxiété. L' impulsive au point

de vue médico-légal, par Gar-

nier, 335.

Aphasies. Contribution à l'étude

clinique des -, par Van Gehuch-

ten, 159.

Apoplexie cérébelleuse avec aulop-

sie, par Léonard Weber, 55.

Arbre généalogique démonstratif de

la folie et du suicide, par \\-ood

et Urquhart, 157.

Argyll ROBERTSON. Sur le signe

pupillaire d' -, par Cestan et

Dupuy-Dutemps. 391.

Arme A FEU. Voir Pointe osseuse.

Assistance des idiots. Un imbécile

incendiaire, 302. - et éducation

des enfants anormaux. par Dou-

trebente, 340.

Asynergie cérébelleuse, par Ba-

binsl,i, 435.

Atrophie du cervelet, voir llislolo-

gie. Du processus liislologique

de 1' musculaire, par Durante,

388. musculaires progressives

d'origine myélopathiqm, par

Etienne, 428. musculaire et

poliomyélite, par Raymond et

Ptniippe, 537.

Auto- accusateurs. Les au point

de vue médico-légal, par Dupré,

345.

Auto-intoxication. Voir Délire.

Automatisme postparoxystique pas-

548 table des matières.

sager, remplaçant le sommeil I

postélnlepuque, ou équivalent |

psychique du sommeil postépilep-

tique, par Hermaun, 497.

B.1131N1,1, Voir 7fe'/<ee. Voir Gros

orteil.

liEI.L. A propos du signe de - dans

la paralysie faciale périphérique,

par L3ouchaucl, 143. -

Bromure de c impure. Voir EI)ilel)-

sie veilirliiieitse.

LtRow ? SEQUARD.. Syndrome de. -

avec début d'amsotropllie Aran-

Duchenne et tiouliles pupillaires

au cours d'une mc5ninâo-mvélite

syphilitique, Sclierb, 439.

. BUCILLUS l'LUO(iI : SCLNS Pu-iiiii)us et

diarrhée verte chez les aliénés, par

Bocim et Dide, 313. ,

CL ? OE EMBRYONNAIRE.

Noie sur le mode d'oblitération

. paltlelle du chez les mammi-

fères, par Bonne, 502 :

Cancer VEn7GnRLE, par Raymond.

142. Contribution à 1'(tiide des

localisations cancéreuses sur

le système nerveux périphérique,

par Oberthur et Mousseuux. 358.

Capsules surrénales. Sur l'emploi

de l'extrait de - dans le traite-

ment des maladies mentales, par i

Ddwson, 440.

Caractère. Le -, par Malapert,

543.

Catatonie. Remarques sur la -,

par llasoin, 150. Sur un cas de -,

par Cuylitz, 50.

Cellule nerveuse. Etudes sur l'évo-

lution et l'involution de la-, par Il

119arlnesco, 500.

Centres nerveux. Anatomie clinique

des -, par Grasset, 185. Contri-

bution à l'étude du gliome des-,

par OberVlur, 361.

Céphalo-rachidien. Le liquide ,

par Sicaid, 455.

Cerveau. La conductibilité -des os

du crâne à l'égard des sons dans

les airt-elions du et de ses

meinbianes, par. Vanner et Gud-

den, 1 19 :

Cervelet. Sur les actes, du - dans

les actes volitiounels nécessitant

une succession rapide fia-mou-

vements, par Jnbinski, 537.

Chorée de Svdenllatn.Voir ï,7cs..Voir

Folie.

Cinquantenaire de la Société médi-

co-psychologique. Séance solen-

icelle, 169.

Coeur. Voir Déments.

Concours pour l'emploi de médecin-

adjoint des asiles publics d'alié-

nés, 71. l.

Congrès des médecins aliénistes et

neurologistes. session de Limoges,

69 Circulaire ministérielle à

T11111. les prélet, a propos du -

ci%-- Grenoble, 1,'I. XII- - des

médecins neurologistes et alle-

nâtes de Fiance, tmm à Grenoble

du ? au 7 août 1902, 241, 32 j.

international île l'assistance des

aliénes et s, écialemrut de leur

assistance familiale, 2K1. - tinter-

national d'assistance aux aliénés,

460.

Contraction. Voir ll"eslpltal.

Cône terminal. Syndrome du -

par Raymond et Cesian, 179. Voir

Queue de cheval.

Cordons postérieurs Voir Fibres.

Cortex cérébral. Localisations mo-

tiices du, par Scherriiigton et

Giunbaum, 505.

Coranu. Voir Délire.

Couleurs. Voit Sens.

Crime. Le - d'une folle, '163.

CITUCIIIILMENT. De l'attitude du ,

399.

Dagonet.. Voir Nécrologie .

Dégénérescence corticale. La topo-

graphie de la- des paralytiques

généraux et ses relations avec les

centres d'association de Fleehsig,

par K. Scllaffer, 51 ? menlalr.

Voir Acroniégalie. Voir. Pros-

lititlien.

Déglutition. Voir Tics.

Dt Note sur un cas de épi-

tepuque par A. Petit, 121. - et

insllitisance hépatique, par \ti-

irouroux et Juquelter, 173.

Voir Obsessions. Le des néga-

' Lions de Cotard n'est-il qu'un syn-

I diome, par Castm. 386. vésa-

nique. Voir Idées délirantes ! Auto-intoxication et-par SégJas,

; 516. Essai sur la pathogénie du

1 d la paralysie générale,, par

Lalande, 517.

Démence. Altérations pathologiques

dans- la ? par J. Sltaw Hotron,

53. Signes physiques de pré-

coce, par Masselou et Sérieux,

TABLE DES MATIÈRES. 549

4 i f. - épileptique précoce, par

'J. Voisin, 275. De la mort subite

par rupture du caeur chez les ilé-

ments, par Iliclienot, 390. De la

- précooe rles jeunes gens. Con-

tiibiiiioti à l'élude de l'hébéphré-

nie. par Christian, 518. De la -

précoce chez les jeunes gens, par

- Méeus, 542. '

(le Grèzes, -10 i

Dépression KÉnATtOCE et états encri

pliii lol)at Iiitlues gi-aves,pai Pti 1 lias,

207.

Désintoxication. Cure de ? par

Bonnet, 380.

Désordres psychiques. Considéra-

tions sur 'le siège topofrraphique

des , par Kirchhotl. 499.

Eclairage. Votr Inégalités plll)il-

lttires.

Ecorce cÉnùr.RVLE. Voir Pie-mère.

Voir Histologie. Contribution à

l'étude de l'état et du développe-

ment des cellules nerveuses de

l' -' chez quelques vertébrés

- nouveaux-nés, par Sotikhanoll,

438.

Enfants retal'(]1t;tileS. Voir En-

fciiice et voir Alcoolisme. Les -

par Apert, 67. assassins, 18.

Bestialité d'un , 78. Introduc-

tion à l'étude psychologique des

- arrtérés, par Noyés, 506.

Epilepsie vertigineuse. Nouvelle

contribution à l'étutle de l' - et

à son traitement parle broiritiie

de camphre, par Bournemlle et

Ambanl, I. De la présence d'un

parasite dans le sang des épilep-

tiques, par Bra, 51. Nécessité de

l'hospitalisation des épilepliques,

75. Un cas de délire épileptique.

par Petit, 121. - Voir Tumeur I

cérébelleuse. Contribution a la

pathogénie .rie l' -. par ftyohows

Ly, 162. -. Voir Sang humain.

- . Voir Idiotie. La pathogéine de

l' -, par M. Faur ? 378. Traite-

ment de l' par la sympatliec-

tomie, par Jaboulay et Lannois

De l' -consciente et amnésique,

par Minier, 517. De l' -, par

liroadbant, 530.

En. Syndrome d' -, par de Buck,

160.

Etats anxieux. Voir Maladies ? 7 : en-

tales.

Exicitation électrique. Voir Moelle.

Faisceau pyramidal. Hypertrophie

du ; par) ? Z 177

La destruction du - à l'entre-

croisement, par Roilitninn 593,

Fascia Voir Réflexe.

Fausse - grossesse, Voir Paralysie

générale.

Fibres des cordons postérieurs qui

'vont au cervelet et de leur impot-

tance physiologique et hatlmlo-

gique, par 5clmts-Chrrbacl : . 495.

ll.rcutc. Voir Dégénérescence con-

il Cale.

Folie chez les jumeaux : deux ju-

melles atteintes de mélancolie

aiguë, par Wilcox, 153. Voir

Arbre généalogique. Voir Ma-

ladies mentales - du vieillard,

190. Contribution à l'étude de

la-commuuiqnée et simultanée,

z et tle Clérambault,

589. Traumatisme et, par Marie

et Piqué, 329. Un fou dangereux.

399. - communiquée et simulta-

née, par Guiard et Clérambault,

407, Traitement moderne de la

, par Seymour Ttilie, 443.

consécutive à l'iiifliieiiza à 1 asile

de Cumberland, par Itorie. Ô10.

Voir Spiritisme. Note sur'deux

cas de consécutive à la chorée,

jldl'UIllSaÿ, 522.

Fracture 'du crâne. Voir Pointe

osseuse. spontanée, par 11er-

but t Spicer, 118.

Géants. Le mariage entre ,

par 391. Gigantisme et

infantilisme, par Launoy et Boy,

.532.

Gliome du cerveau, z

m.

GLOBES OCULAIR-ES. Voir Analgésie,

Goitre E\Of'HT·1L111yl,'E.I,etrauement

du - par hibotte, 443.

Golgi. Méthode de par W. Foui

Robertson et.larnes Jlactlonald, 55.

Grève. Une giève d'aveugles, 46.

Gros orteil Extension durable ou

prolongé du associé au signe

de L3alïnsl : i, par Pailhas, 3j9.

Hallucinations. Les données anato-

nnqueS'et expérimentales sur la

structure des -, par Vaschide et

Vurpas, 141. Contributions expé-

rimentales à la physiologie des -,

par Vaschide et Vurlras, 503. Les

unilatérales, leur fréquence

850 TABLE DES MATIÈRES.

relative, leur association, leur pa-

thologie, par Tobertson, 532.

Hébéphrénie. Voir Démence.

Hémianopsie hystérique transitoire,

par Janet, 429.

Hémiatrophie faciale progressive.

Contribution à la connaissance de

l' , par Iloffinanii, 163.

lIÉnacnon> : z. arythmique hystérique,

par Carrière et Iluyghes, 432.

Hémihypertropiiie congénitale, par

Gilbert Ballet, 176.

Hémiplégie des vieillards, par J. Fer-

rand, 66. L'activité tocale de la

circulation cutanée de la main

dans l'- organique et le syndrome

de Raynaud, par Laignel-Lavas-

tine, 385. Des agents physiques et

mécaniques et mécaniques dans le

traitement des organiques, par

Deschamps, 388.

Hérédité. Théories sur 1' , par

Reid, 505.

Herpès ZOSTER, suivi d'atrophie mus-

culaire, par Wilhelm Magnus,

42 ?

Histologie. Les lésions histolo-

giques de l'écorce dans les atro-

phies du cervelet, par Lannois et

Paviot, 357. Etude histologique

de l'écorce cérébrale dans 18 cas

méningite par MM. Faure et de

Laignel-Lavastine, 384.

Hypéracuité sensorielle et analgésie

chez les nègres soudanais, par

Damuglon, 278.

Hypnose Appareil vibrateur destiné

à favoriser 1' par Bérillon, 278.

Recherches sur la tension arté-

rielle chez les hypnotisés, par

Bérillon, 279,

Hypnotisme. Névralgie ancienne

du nerf radial guérie par 11 -,

par David, 538. Explication scien-

tifique des phénomènes de l ?

par Francken, 538.

HYSTÉRIE de Sainte-Thérèse, par

Rouby, 124, 227,843. Dissociation

hystérique du sens de la tempé-

rature avec intervention de la

sensibilité au froid, par Mac Cas-

key. 160.-Voir Sein. Considéra-

tion su : '1 ? par Joire, 280. La

causedes phénomènes hystériques,

par Delius, 280. Les troubles

somatiques et psychiquesde l ?

par Sesdorpr, 280. Note sur Il

droite et sur Il gauche, par

Raymond et Janet. 434.

HYSTËKO-ËpiLEPSiE datant de trois

ans, guérie en une seule séance,

par Le Menant des Chesnais, 279.

IDÉES délirantes. Contribution à

l'étude de la patliogénie des

fondamentales, des idées direc-

trices et des obsessions ; de leurs

rapports dans les délires vésa-

niques, par A. Paris, 401.

Idiots. Hospitalisation des -, 74.

Un enfant d ? par Ley, 521.

Idiotie syphilitique, par Marris Lis-

ton, 151. Suites éloignées du trai-

tement chirurgical de l' -- et

de l'épilepsie, par Bourneville,

330. Contribution à l'étude de

l' morale et en particulier du

mensonge comme symptôme de

cette forme mentale, par Bourne-

ville et Boyer, 418.

Images mentales. Sur les éléments

de nos , par J. Philippe, 165.

Incendiaire. Un - de dix ans, 400.

Inégalités PUPILLAIRES produites par

l'action différente de l'éclairage

direct, et de l'éclairage indirect,

par Pick, 490..

Infantilisme. Voir Gigantisme.

Insuffisance hépatique. Voir Délire.

Juif aliéné, Le -, lettre ouverte au

1)' Beadles, par Benedik, 154.

Korsakoff (de). Contribution à

l'élude de la maladie de -. Un

cas de psychose polynévritique

post-tvphoidique, par Soukhanoff,

150.

Kyste dermoïde du cerveau, par

J. Halva, 62.

Larmes. Voir Mystiques.

LÉSIONS CELLULAIRES CORTICALES. Voir

Troubles mentaux.

LEUCOMAINES. Les de la substance

nerveuse, par Labatut, 392.

LOBE frontal. Ramollissement bila-

téral et symétrique du , accom-

pagné de névrite optique, 60. -

Main de prédicateur. Voir Syringo-

nzyélie.

Maladies mentales, introduction à

l'étude de la folie, par Mac Pher-

son, 186. Des états anxieux dans

les -, par Lalanne, 249. men-

tales. Voir Capsules surrénales.

nerveuses. Voir Réflexe. Quel-

TABLE DES MATIÈRES. 581

ques remarques sur nos méthodes

actuelles d'investigation appli-

quées à la pathologie des men-

tales. par Leeper, ;04.

Marteau automatique et gradué,

par Maurice Dupont, 65.

Massage chez les tabétiques, par

Faui@e et Courten ? oux, 377.

Mélancolie aiguë. Voir Folie. Trois

cas de avec symptômes d'un

intérêt clinique peu ordinaire, par

Leeper, 153. La localisation céré-

brale de la -, par llollatidi-r, 498.

Le substratum de la , pat Tur-

ner, 532.

Méningite. Reproduction expérimen-

tale de la - et de la paraplégie

pottique, au moyen de poisons

tuberculeux, par A. Delille, 180. ,

Voir Histologie. La - cérébro- i

spinale épidémique, pai Sikora,

433. - tuberculeuse du bulbe

avec rémission de deux ans, simu-

lant la guérison, par Crochet, 53à.

céi,ébro ? pinale à forme de

syndrome de Llttle et de pseu-

dobu'ibaire, par fluet et Picard,

536.

Mensonge. Voir Idiotie.

Meurtrier. Un de quatorze ans,

399.

Mimique faciale. De l'asymétrie de

la d'origine optique en patho-

logie nerveuse, par Lannois et

Pautet, 506.

Miracles. Etudes sur les de la

Salette. par Rouby, 380.

Moelle. Diagnostic des maladies de

la -, siège des lésions, par Gras-

set, 68. Essais d'excitation élec-

trique de la-des décapités, par

Hoche, 491. La circulation de la

épinière, par Guillain, 501.

Monstre. Un de neuf ans, 78.

Mort subite. Voir Déments.

Myélite conjugale. Deux cas de

par Glorieux, 157.

Myopathie. Faciès de Sphinx dans la

, par Gilbert Ballet et Delherm,

64.

Mystiques. Hypersécrétion des larmes

chez les , 397.

Nécrologie, 77, 180, 449.

Nègres soudanais. Voir Ilyper-

acuité,

Nerfs sensitifs et moteurs. Voir

Anesthésie. Lésion traumatique

des de la queue de cheval et du

cône terminal par Souques, 433

. radial. Voir hypnotisme.

Neurasthénie et états neurasthéni-

ques, par Ducosté, 3S1.

XËvnn'E optique; Voir Lobe frontal.

hypertrophique; Préparation

d'un cas de , par Déjerine et

Thomas, 64. Un cas de - radi-

cuiairc double du plexus brachial

avec paralysie unilatérale com-

plète de la troisième paire simu-

lant um : pachyméningue cervicale

hypeitroplique, par Heldenberg,

158. Sur les - périphériques des

aliénés par Anglade, 517.

Névrose dans la région du plexus

cervical et brachial, consécutive à

une dent malade, par liesse, 426.

d'angoisse, par Hartemberg,

530.

Noyau rouge. Sur un cas de papil-

lome épithélioïdedu noyau longe.

Contribution à l'étude des fonc-

tions du -, par Raymond et Ces-

tan. 81.

Nystagmus. Voir tremblements in-

faîzliles.

Obsessions. Note sur l'évolution

des - et leur passage au délire;

parSeg)as,336.Leset)ansy-

cltastéuie. par Janet, 386. Voir

Idées délirantes. Des - en patho-

logie mentale, par Atlianassio, 465.

'DÉ1(Ehystérique, par Dufour, 176.

OEIL. Voir paralysie générale,

Ongles. Voir aliénés.

Pachyméningite cervicale hypertro-

pliique. Voir ? zévi,ile.

Papillome ÉPITIIÉLI01DE. Voir noyau

- rouge.

Paralysie faciale périphérique. Voir

Bell, La décroissance de la

générale des aliénés en Angleterre

et dans le pays de Galles . par

Stewart, 153. Les post-anes-

thésiques, par Buck, 158. Voir

Névrite. labio-glosso-laryngée,

par Sano, 160. Les laryngées et

leur importance en médecine gé-

nérale, par Steitsmann. 1G1. -

générale à forme sensorielle, par

Sérieux, 167. - radiculaire trau-

matique du plexus brachial avec

atrophies osseuses et troubles de

la pressionartélielle danslemem-

bre paralysé, par Guillaiii et Crou-

zn, 1 î i. La - générale d'après

853 table des matières .

les données de la clinique psy-

chiatrique de l'Université demis-

cou ; par Soukhanoff et Gan -

nollcllhlne, 193. Cas de - géné-

rale et d'alcoolisme, par Truelle

et Petit, 303. De l'utilité de la

ponction lombaire pour le dia-

gnost ! cde-Ia généralR. pai

Jotfroy et Mercier, 331. L'état du

fond de l'oeil dans - générale et

ses lésions initiales, par Kei@aval

et Raviat-1, 356. Observation de

deux frères atteints de - géné-

iale, appartenant à une famille

de dégénérés, par JotFroy et lia-

baud, 309 La - générale au

début.devant les magistiats, par

Maxwell, 371. Traitement de la-

générale, par Devay, 383. Fausse

giOasesse dans la - générale,

par Uupré, 383. - générale pré-

coce étiez un débile hérédo-syphi-

liUque, par Uupré etl'agniez, 381.

De la - générale chez les dégé-

nérés, par de Perry, 387. De la -

bilatérale du nerf facial par l,iew-

kowsky, 425. Contribution à l'étu

de de la - isolée du muscle

grand dentelé, par Souques et

Castayne, 427. Un r.as de -

faciale (1-ot-i 1gilie péi ipliérique coin-

binée avec une paralysie du nerf

oculo-moteur externe du môme

côté; par Lad. Haskover, 438.

générale et syphilis : revue cri-

tique ; par Stcddart, 512 Le pru-

rit et la trichotillomanie dans la

- générale; par Féi é, 514. -;é

nérale Voir Délire. 517. Voit

Troubles de la se7asibililé.- géné-

iale. Voir Troubles moteurs.

psychique, par Hauser et Lostat

Jacob, 531. L'action toxique dans

la genèse de la générale, par

Z Un cas de

radiculaire, par Déjeune et Ar-

mand Delille, 53. pseudobul-

baire chez un jeune homme de

vingt-huit ans. Signe des orteils

par Dufour. 535.

I'dR.111'oULOVUS multiplex. Deux cas

de , par Hartenberg, 392.

l'AitAPLÉGIE politique. Vor Oléai7z-

gite. Un cas de guéii par la

suggestion. parStembo,280. Con-

tribution à l'étude des obsté-

'tncales, par Ballet et Bernard,

435.

Parasite. Voir Sang.

Pathologie mentale. Etude de .

par Ilelanrl, 525.

Personnalité multiple. Un cas de

, par Gilbert, 522.

Phtisie et folie par Drapes, 522.

z Sur l'innervation des vais-

seaux de la-et de l'écorceci;ré-

brale, par Obre,,ia, 371.

Plaie de la légion parotidienne

avec troubles dans le territoire de

la branche, externe du spinal, par

liatigne, 438

Platine. Voir' Golryi.

Plexus brachial. Voir Xévrite.

Pointe osseuse, provenant d'une

fracture du crâne par coup de

feu. par D. S. Latnll. 57.

Poliomyélite. Voir Atrophie mus-

calcuire.

Pglynévrue wcc psychose, par

Crocq.521.

Prostitution et dégénérescence, par

Laurent, 519. -

l'ti0tU13ERA\CE. Un cas de tubercule

de la piotuhéruncp, par Levadili

439.

Prurit. Voir Ilcii-cilyliq lies généraux.

PSEUDO-COxALGIE suggéré par le mi-

lieu familial, par Parez, 279.

PJYCIlOSE .poLNÉVRt'i'tQUE. Voir 1101'-

sukoff.

Psychothérapie. Voir Suggestion.

Rapport médical sur l'asile public

de Saint-Hobert, par Bonnet, 395.

et compte moral et admi-

nistratif de l'asile de Blois pour

190t; par Doutrebente, 4aU.

sur l'asile d'aliénés de Saint-Yon,

pour 1901, par Giraud, Ti-etie.1 et

llamel, 458. sur l'asile public

d'aliénés de Quatre-Mares pour

l'année 1904, par Latlemant,'1hi-

baud, 459. -, moral et admi-

nistratif de l'asile de la Charité

pour l'exercice 1901, par Faucher,

539.

ll%YNAui). Syndrome de -. Voir

hémiplégie.

HEFLEXE du fascia lata, par Crocq,

I ! i--) - cutané du pied, par Samo.

1s ! r -lllantaire cortical et 16[leu

plantaire médullaire ; par Crocq,

]45. Voir Westphall. Identité pio-

bable du antagoniste de Sutrce-

ter et du phénomène z

par.de Buclc et de Moor, 146. Le

mécanisme des . et du tonus

musculaire, par .Crocq, 372. De la

TABLE DES MATIÈRES. 5JJ là

valeur du rcnf'xescaputo-humëraL

par Bechteruw, 490. De l'épuise-

ment (les - tendineux et de sa

valeur diagnostic dans les mala-

dies nerveuses, par Bechterew,

li97. - I)Iaiitiire contra-latéral,

par C'artron, 502.

HLVE pathologique. Etudes cliniques

sur le ? par Picic, 51'r.

Rolando. Quelques anomalies du

sillon de -, par AntonuWhkv,

496.

Sainte Thérèse. Voir Hystérie.

Sang. De la présence d'un parasite

dans le des épileptiques, par

Bi-a, 51. - humain cotitie l'épi-

lepsie, 189.

Sarcome intra-musculaiie de l'épaule

droite, ayant pénétré Gar perfu-

ration dans le canal rachidien,

avec paraplégie, par Léonard We-

ber, 55 et sarcomatoses du

système nerveux, pa,4 Illiilipl)e,

Cestan et Oboi tlitir, 361.

Scuoefer. Voir Réflexe.

Science mentale. L'état présent de

la -, par llollaucler, 51u.

Sclérodermie dactylique, par de

Macre, 159.

Sclérose en plaques infantile il

forme hémiplégique d'origine lié-

rèdo-syphilitique probable, par

G. Carrier, 382. familiale, par

Brissaud, 535.

Scoliose neuropathique, par Buck,

158.

SÉCRÉTION DES LARMES. Couttibution

clinique et expérimentale )a

question de la -, par Kcester,

163.

Sein hystérique, par Viallon et

Alambert, 220.

SENS musculaire. Le -; par John

Keid, 56. L'évolution du des

couleurs; par Edridge-Green, 503.

Sensibilité osseuse décelée par le

diapason, par Eggcr, 65. Voir

Anesthésie. Des interférences de

la , par Adamkicwcz, 148. De

la- à l'aimant, par 17éi-(, 506.

SERUMS ' toxiques. Action des

sur l'écorce cérébrale du'cobaye,

par Dopter, 178.

Sons. Voir Cerveau.

SrERaLATOCEnÉSE Le début de la

dans l'espèce humaine. Applica-

tion médico-légale; par Lepnnce,

184.

Sphinx. Voir Myopathie.

Spina bifida avec agenésie riltlicu-

lalre et cordonale, par Snnot I : i9.

Spiritisme et folie, par Marie et

Vigoureux, 51 4.

Suicide d'un adolescent, 79 -. Voir

Arbre généalogique.

Suggestirilité. Les modalités de la

par Bei-illoii, 538.

'UGGE9TID\. Action vasomotrice de

la - ; guérison des par

Haeberlin, 277. - Voir Pa2-ctl)lé-

gie. musicale- et psychothéra-

pie, par Lemesle, 539.

Surdité verbale pure, par Déjerine

et Thomas, 63.

S ,IIDENII.%)1. Voir Tics.

Sympatiiectomib. Voir Epilepsie.

S1DH0\IE occipital I)OLBLE, j)iU

Dide, 179.

Syphilis cérébrale sept mois après

l'accident, par Clumrt, 437.

Voir Paralysie générale.

Syringomyélie. Main de prédicateur.

Troubles oculaire, asnesthésit's-eg-

mentaire. par Bouclland, 436.

Système nerveux. Voir Cancer.

- Voir Sai-coi2e.

Tares. Voir Massage. Etude sur les

, troubles objectils ses sensibilités

superficielles dans le-, par hiche

et de Gothars, 427. Voir Trou-

bles.

TACIIICAHDIE ET tremblement, par

Vaquez, 176. -Voir Tremblement.

Tension artérielle. Voir Hypnose.

Thorax en entonnoir, par Khppel et

Lepas, 176.

Tics. Des - en général, par No-

gués, 254. Sur quelques détails

relatifs à l'étiologie et à la symp-

tomatologie des , par Pitres,

2 2. La correction des ; le con-

tiôle du miroir, par ileige, 274.

Deux femmes rares du facial,

par von Bechterew, 425. Note sur

deux -du pied , par liaunond et

Janet, 428. Ledtagnostic difiéren-

tiel de la maladie des et de la

maladie des - et de la chorée.

de Sydenham. par Oddo, '31.

- de déglutition chez un hysté-

rique. - Traitement et guérison,.

par Hartenberg, 447. »

Toxémie. Voir Troubles mentaux.

Traumatisme. Voir Folie.

Tremblements infantiles et nystag--

mus congénitaux. Essai de classi-

554 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Ccation séméiologique , par Le-

noble et Aubineau, 101. fonc-

tionnel de la main droite, par

Heldenberg, 144. Voir Tachicar-

f ? e.ettachycardie.patBaitet

et Delherm, 533.

Trichotillomanie. - Voir Paralysie

générale . '

Trophonévrose IléMiati-OPIliClUe to-

tale et familiale, par Raymond

et Sicard, 175.

Troubles mentaux sous la 'dépen-

dance de la toxémie, par Sir Dyce

Duckworth, 146 - objectifs. Voir

Tabes.-nerveux secondaires por-

tant sur les fonctions de la nutri-

tion, par Hayem, 432. Les -

de la sensibilité dans le tabès,

par Frenkel et Foersler, 435.

Voir Syringomyélie. L'usage et

l'abus des voyages dans le traite-

ment des mentaux, par Savage,

444, Sur les lésions cellulaires

corticales observées dans 6 cas

de - mentaux infectieux, par

Faure, 447. mentaux dans le

cours des affections cardiaques,

par Zederbaum, 511. Evolution

comparée des - de la sensibilité

aux trois périodes de la paralysie

générale, par Marandon de Mon-

tyel, 520. moteurs chez les

paralytiques généraux, par Ma-

randon de Montyel, 531.

Tuberculose. Le traitement de la

dans les asiles, par Lionel et

Weatherly, 443.

Tueur DE femmes, 1 91.

TuMEuncerebpUeuse et épilepsie.

par Marchand, 141. - du thala-

mus optique, par 3lichel Claike,

505.

URAVISTE. La situation sociale de

11 - par Crocq, 150.

VALI;RIAYA1'ES. Voir Valériane.

Valériane ET des V.\LÉRI AXATES. Con-

tribution à l'étude de l'action phy-

siologique de la -, par Ch. Féré,

2-2.

Vampire DE Muv, 191.

Verrues. Voir Suggestion.

Vertige psychique, par Vaschide et

Vurpas, 531.

Voraces. Voir Troubles mentaux.

VESTPHA1.L. La contraction parado-

xale de et le réflexe plantaire

combiné ou paradoxo-normal, par

Heldenbergh, 145.

Zona. Un cas de topographique

radiculaire rigoureuse des trois

premières lombaires, avec trouble

de la sensibilité dans lemémeterri-

toire,'par Armand Delille et Camus,

534.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abadie, 434.

Adamkiewicz, 148,

Albert-\\'ecil, 187.

Alambert, 220.

Ambard, 1.

Anglade, 517.

Antonowsl : y, : r96.

Apert, 67.

Armand-Delille, 53f.

Athanassio, 465.

Aubineau, 101.

Ballet, 6î, 176, 435,

533.

Batigne. 438.

Becliterew (von), 425,

490, 497.

Bcnedikt, 154.

Bérillon, 278, 279, 538.

Bernard, 435.

Boudin, 343.

Bonne, 502.

Bonnet, 380, 395.

Bouchaul, 1 t3, =36.

l3ournewlle, 1, 330, 418.

Boyer, 418.

Bra, 51.

Brissaud, z.

Broadbent, 530.

Bmk (de), 146, IbB, 160.

Camus, 534.

Carrier, 383.

Cal rière, 432

Caskey, 100.

Castaigne, 427.

Castiu, 330. '

Cestan, 81, 179, 364,

391.

Cliarvet, 437.

Christian, 518.

Claugalles, 185.

Clérambault, 89. ! r07.

Cout-Leiisotix, 3j7.

Crocq, lt2, 145, 150,

372, 387, 5°1.

TABLE DES MATIÈRES 858

Crouzon, 177.

Cruchet, 535.

Ctivlitz, 5-10. -

Damuglon, 278.

David, 538.

Dwvson, 40.

Dejériiie, 63, 61.

De,lérine (\l ? ), 177, 534.

Delltertn, 61, 533.

Delile, 180, 531.

Deluis, 280.

Dschamps, 388.'

Devav, 353.

Duie. 179, 343.

Dopter, 178.

Doutrebente, 337.

Drapes. 522.

Ducosté, 381.

Dtifuui,, 176, 535.

Dupont, G5.

Dupré, 383. 384.

Durante, 388.

Dupuis-Uutemps, 391.

Dyee Duchworth, 1 46.

Edrige-Green, 503.

Eg,-er, 65.

Erslone, 147.

Ettenne, 428.

Farnarier. 429.

Farez, 279.

Fariroii, 502.

Faucher, 539.

Faure, 3î7, SîS, 381,

447.

F6r<;, 22, 445, 506, 514.

Ferrand, 06.

Frenltel, 435.

Franken, 538.

Foersler, 435.

Gaiinouelikiiie, 193.

Garnier, 335.

Geimchten (van). 159.

Gilbert, 522.

Gleitsmann, 164.

Glorieux, 157.

Goldstein, 502.

Gothard (de), 427.

Grasset, 68, 185.

Grünhaum, 505.

Gudden, 149.

Guiard, 289, 400.

Guillain, 177, 429, 501.

IIaerbelin, 277,

llamel, 458.

Halva, 62.

Haskover, 438.

Hartemberg, 392.

Ilauser, 531.

Hayem, 432.

Hellenbergh. 441, J=fJ,

t58.

Hermann. 497.

liesse, 426.

Hoche, 491.

Hoffmann, 163.

Hollander, 498, ;10.

Huet, 536. z

Ireland, 525.

.Taltins6y, 537.

Jaboulay, 412.

Jacob, 531.

Janet, 428. 429. 3î.

Jofïrov. 331, 369.

Joire.'280.

Juteyho, 113, 4f.

Juquelier, 173.

Kéraval, 356.

Kirchhoti, 499.

Klippel, 176.

loestei,, 163.

Labatut, 392.

l,aignel-Lavastitie, 384,

385.

Lalande, 517. -

Lalanne, 230.

Lallemant, 459.

Lamb, 57.

Lat)nois,442,506.

Larrivé, 338, 340.

Launois, 532. -

Laurent, 519.

Leeper, 153, 50r.

Le Menant des Clies-

nais, 279. '

Legrain, 344.

Lemeste, 539.

Lenob1e,901.

Lepas, 176.

Leprince, 184.

Levaditi, 439. ,

Ley, 521. I

Libotte, 443.

Liewkowsky, 425.

Lionnet, 443.

Liston. 151.

Lostat, 531.

)Iacdonald,55.'

M aère, 159.

Magnus, 427.

llalapert. 51 : 3.

Marandou de Montyci,

520, 531.

Marchand, 144.

Marie, 329, 345, 5)4.

Marinesco, 500.

Masoin, 150.

llasselon, 974.

Maxwell. 374.

Méeus, 542.

Meige, 274. 391.

Mercier, 31l.

Michef-Clarke. 505.

Minier, 517.

Moor, 431.

lotisseaux, 358.

Noguès, 251.

Noes, SOC.

ObertIW r, 3a·8, 3G1, 3Gt.

Obregia,h71.

Ocldo, 431.

Ossipow, 44t.

Pailhas, Oi, 379, 350.

Pagiiiez, 384.

Paris, 401.

Pauttt, 506.

Perry (de), 387.

Petit, 121. 303,

Pherson, 186.

Plnlippe. IGS. 33+, 537.

Piehenot, 390.

Pieli, 490, 514.

Picqué, 329.

Pierret, 380.

Pitres, 262.

Poirson, 481.

Rabaud, 369.

Raviart, 356.

Raymond. 81, 142, 175,

179, 428, 434, 537.

Régis. 345.

Reid. 56, 505.

Riche, 427.

Robertson, 55, 532.

Rocher, 434.

Rorie, 510.

Rouby, 125, 227, 313,

380.

Rotlunann, 493.

Roy, 532.

Sano, 444, 459.

Savage, 441.

Settafrer, 57.

Scherb, 439.

556 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

SCI)erriiil-lon, 505.

Séglas, 336. 516.

Sérieux, 167, 174.

Shavw Bolton, 5+, 504.

Z

Sikora. 433.

Simpsons, 446.

Souhlauo(1; 150, 193.

438. '

Souques. 427, 433.

Spicer, 148.

Stéfanowska, 143. 144.

Stembo, 280.

Stetvart, 153, 522.

Sloddart. 512.

Tesdorpf, 2S0.

Thomas. 63, C4.

Trenel, 458.

Truelle. 303.

'l'ul.e, 43.

Tu ruer, 532.

Urquliart, 157.

Vaquez. 176.

Vaschide, 141.503, 531

Viallon,220.

Vigouroux, 173, 511. i.

Voisin, 275. -

Vurpas, llrl, 503, ; 31.

Vanner, -1t9.

Veber, 55.

Weatherlv, 443.

Witcox, 153.

Wizel, 445

\Vuod. 157.

Zacher, 60.

Zederbaum, 5J1.

Evreux, Cit. Hemsset, mp. - 11-190 ?