(1902) Archives de neurologie [2ème série, tome 13, n° 73-78] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1902) Archives de neurologie [2ème série, tome 13, n° 73-78] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE E

NEUROLOGIE

ARCHIVES

N E U R DE 11 L 0 G 1 E

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE ,

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fonder par d.-M. CIItIRC(1T

PIIIM1KE SOUS LA DiiiFcrioN nE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales ? [J\ Faculté de l11édPl'llIe

de Paris.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

hléJecm nle l'Aile clmiyue

(Sie-Anne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

du système nerveux

à la Faculté (le médecine

(le l'nris.

COI.I.AIItHUTIUJUS t'IIiNCIPAUX

IO1. ABAUIE (J.), ARNAUD, üAüI : VSIC1, BALLET, BL INCHAIID (11.). BLIN,

f30lSSICIt (F.), ü0 ? COUIt (P.), BOYEII (J.), BIIIAND (31.), itltISAIIU (E.),

BI3011A1tUEL (f.), )))tt ! NET (U.), BUVA l' (J.-C.),CATSAIt,lS, CES TAN, ('.HAUBERT,

CIIAIIO\, CHRISTIAN, C : OLOLl\N, ( : lll.l.t31t1t1 ? , UI's1301'E (SI.), IIENY, DEVAY,

DIAZ-DELGADO, DliCHIP, Illl'sAl. L (MmIlAs), FAUCHEII, FEDI'HE, FEUE (Cil.),

PENAYROU,fIrltllll'sft.eltA\CO'C'CE, GAll3AUD, GILLES DE LA TOUIIErTE.

GARNIR (S.), G0611tAIfLT. GIIASSIS'C, IOEIIA l'AL, KOUIND1 1,Al)illlE, LA\U(IIiZY,

LEG1141N, LENOBLE. L6 : It0Y, L1\'(lff ? 11ABILLIi, lfAlW NUO\ DE i)10-iTYEL,

MARIE (A.), àlIE11ZE.IFN,SICI, 1111A LLII\, NUSGItAYId ? LAf, MLITTGItEB, NOIR,

PAIIS(À.), PETIT, PICQfÉ, PIe.ItI(l'sC, l'ITItES, ItAI'IABT(G.), 13EGIS, ItI : GNAItIt(f.),

ItEGNl131t CP.), 131'sLl.A1' (P.). Itlt.lll;lt (P.). ! tf)TH (1\'.), SA1\TEO¡OISE, SÉGI.AS,

SÉRIEUX, s0l.LlI·.Il, SOUIClIA\OPI ? SOUQUES, TAGUET, 1'1-.[N'rt,itiEil (IL),

THILO (OT.), TIIULIE (H.), TRUELLE, Ullül0l.A, VALLON, VASCtUDE, VIAL, l'lLf.aliD,

VOISIN (J.), VURPAS, YVON (P.).

Rédacteur en chef : BOURNEVILLE

Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT . J. NOIR

Deuxième série, tome XIII. - 1902.

Avec 31 usures dans le texte.

PARTS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

, 14, rue des Carmes.

190' ?

Vol. XIII. Janvier 1902. N° 73.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE. -

.

Paraplégie spasmodique dans un cas de compr

de la moelle dorsale équivalant à une secti ,

Par E. BRISSAUD, 1 .

Professeur à la Faculté de médecine de Paris, médecin de l'IIôlel.Dieu.

- . Et E. FEINDEL,

Licencié ès sciences, docteur en médecine.

Dans un article paru il y a deux ans, M. Van Gehuchten

reprenait, avec sa compétence et ;sa décision habituelles,

l'étude des paraplégies flaccides par compression 1. C'est

une question à laquelle tous les neurologistes s'intéressent;

c'est comme un chapitre nouveau de pathologie nerveuse.

Il faut donc examiner de près tous les faits dont il sera cons-

titué. Il est prcbable que là où nous ne voyons encore que

des choses curieuses au point de vue de l'anatomie et de la

physiologie des centres nerveux apparaîtront un jour quel-

ques indications pratiques de réelle valeur au point de vue

de la thérapeutique chirurgicale des maladies de la moelle.

Les paraplégies flaccides sont en effet le plus sou-

vent une conséquence de compressions intra-rachidiennes.

Sans doute, dans le nombre des compressions intra-rachi-

diennes, bien peu sont le fait de tumeurs isolées justiciables

de l'exérèse. Presque toujours il s'agit de productions

méningitiques plus ou moins diffuses, occupant tel ou tel

' Van Gehuchten. Les différentes formes de paraplégie dues à la com-

pression de la moelle épinière; leur physiologie pathologique. [Presse

médicale, 10 mai 1899, p. 218.)

Archives, 2' série, t. XIII. 1

2 " CLINIQUE NERVEUSE.

étage de l'axe, nées sur place à la suite d'une phlegmasie

tuberculeuse ou d'une formation scléro-gommeuse syphili-

tique. Mais quand bien même la chirurgie n'interviendrait pas,

la connaissance exacte des lois d'évolution de ces compres-

sions pourrait seule nous autoriser à formuler un pronostic.

Et c'est déjà, faute de mieux, une grosse partie de notre tâche

clinique.

Voyons donc comment M. Van Gehuchten croyait devoir

classer les paraplégies par compression médullaire. On

peut assurément admettre plusieurs bases de classification.

Tout dépend du point de vue où l'on se place et de l'impor-

tance attribuée à tel ou tel des caractères communs à cha-

cun des éléments des groupes. Les classifications des Linné,

des de Jussien, des de Candolle, sont toutes méthodiques et

judicieuses ; elles sont toutes différentes...

Bref, voici la classification de M. Van Gehuchten. Elle

établit des catégories de faits cliniques qui ne sont pas abso-

lument tranchées et qui même peuvent empiéter les unes

sur les autres.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 3

avec exagération des réflexes et sans troubles de la sensi-

bilité, on pourrait avec M. Van Gehuchten dresser un tableau

parallèle à celui que cet auteur a tracé pour les paraplégies

flasques.

Et ces paraplégies spasmodiques avec troubles sensitifs

(myélite syphilique et mal de Pott) forment selon nous le

groupe le plus important par le nombre.

Il suffit de feuilleter un recueil pour retrouver de ces faits

en abondance 1. M. Van Gehuchten 2 lui-même, qui ne réserve

aucune place spéciale à ces paraplégies dans sa classification,

en cite des exemples ; il rappelle aussi le cas d'Habel (para-

lysie flasque avec exagération des réflexes rotuliens), type de

ce que l'un de nous a appelé en 1879 la contracture latente.

Les paraplégies spasmodiques vraies avec clonus et disso-

ciation springomyélique sont, disons-nous, de beaucoup

les plus nombreuses, tout au moins dans la syphilis spinale

compressive et dans le mal de Pott. D'autre part la myélite

chronique (par compression syphilitique ou tuberculeuse)

est la forme la plus fréquente des myélopathies qui peuvent

déterminer le syndrome des paraplégies en question.

Passons à l'interprétation des phénomènes cliniques.

Ici une subdivision s'impose. Abstraction faite de l'exis-

tence aléatoire des troubles de la sensibilité, deux variétés de

paraplégie sont à opposer l'une à l'autre : 1° la paraplégie

spasmodique avec l'exagération des réflexes et le clonus ;

2° la paraplégie flaccide.

La paraplégie spasmodique est infiniment plus fréquente

que la paraplégie flaccide, à telle enseigne que, jusqu'au

travail de Bastian, on ignorait presque les- paraplégies flac-

cides chroniques. On connaissait bien les paraplégies flac-

' Voy., par exemple, la collection de la Revue neurologique : .'

Revue neurologique, 1898. -llutchinson. 31al de Pott, paraplégie spas-

modique avec anesthésie des membres inférieurs, p. 305. Londe.

Mal de Pott, paraplégie spasmodique avec anesthésie des membres

inférieurs, p. 356. - Roux et Paviot. Tumeur de la moelle, paraplégie

spasmodique el troubles de la sensibilité, p. 848.

Revue neurologique, 1899. - Senator. Tumeur et destruction complète

de la moelle à son niveau, paraplégie spasmodique avec anesthésie,

p. 58. Versiloff. Deux cas de tumeurs de la moelle, paraplégie

spasmodique, troubles de la sensibilité, p. 81.

2 Van Gehuchten. Presse méd., loc. cil.

4 CLINIQUE NERVEUSE.

cides par fracture vertébrale, par section spinale traumatique,

par myélite aiguë, toutes espèces nosographiques dans les-

quelles l'abolition de la motilité, de la sensibilité et des fonc-

tions des réservoirs constitue la règle ; il faut ajouter que

dans presque tous les cas relatifs à ces formes, la mort sur-

vient rapidement. --

Il n'y a donc pas de chances - ou bien peu de voir ces

myélites ou leur équivalent (une compression totale) se ter-

miner par une paraplégie chronique. Or M. Van Gehuchten

pose d'abord les prémisses suivantes : « Dans l'état actuel

de la science, nous pouvons et nous devons admettre que

l'abolition des réflexes qui accompagne la paraplégie flasque

consécutive à une lésion transversale de la moelle, est véri-

tablement due à l'interruption anatomique ou fonctionnelle

des fibres médullaires au point comprimé ». Nous reviendrons

sur cette proposition, qui comporte certaines réserves. Mais

M. Van Gehuchten continue : « Quand, au lieu d'être com-

plète, la compression médullaire est à son début... à la place

d'une paraplégie flasque, nous observons une paraplégie

spasmodique, et l'abolition des réflexes se trouve remplacée

par une exagération considérable. Ce type de compression

médullaire est excessivement fréquent. Il caractérise presque

toujours le mal de Pott à son début. »

Sur le fait que ce type de compression est excessivement

fréquent, nous sommes d'accord avec M. Van Gehuchten et

avec tout le monde. Mais qu'il caractérise presque toujours

le mal de Pott à son début, c'est une tout autre chose, car il

y a des paraplégies par mal de Pott qui sont spasmodiques

du premier au dernier jour, et cela durant des années. Il

en est même qui résultent de myélites transverses totales

équivalant à une section complète de l'axe, qui, par consé-

quent, « sont dues à l'interruption anatomique et fonction-

nelle des fibres médullaires du point comprimé », et qui

cependant sont indéfiniment spasmodiques et caractérisées

par une contracture permanente avec exagération considé-

rable des réflexes et clonus du pied. Nous en avons une preuve

nouvelle dans le cas suivant :

Detil..., trente-huit ans, vernisseur, entre le 17 novembre 1897 à

l'hôpital Saint-Antoine (salle Lorain). Il accuse des douleurs lom-

baires et se plaint de la difficulté qu'il éprouve pour marcher :

douleurs et troubles moteurs sont liés à un mal de Pott.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 5

La gibbosité (dorsale inférieure) apparut alors que D... avait

environ sept ans; en jouant, un petit camarade ayant sauté sur

son dos, il tomba; on le porta dans son lit et on constata, en

outre des douleurs lombaires qu'il éprouvait, un affaissement de

la colonne vertébrale, avec des troubles de la respiration et les

symptômes d'une paraplégie. Ce fut seulement dix-huit mois après

cet accident que D... recommença à marcher, d'abord avec des bé-

quilles (pendant cinq ans), puis avec une canne et enfin sans soutien.

Dès l'âge de dix-sept ans, le malade aurait atteint sa taille

actuelle (1 m. 35) ; il resta en bonne santé jusqu'à l'âge de vingt-

neuf ans. Alors il commence à ressentir des douleurs dans les

jambes, des picotements à la plante des pieds, des crampes dans

les mollets; les membres inférieurs deviennent raides, le malade ne

peut plus soulever les pieds, les détacher du sol; D... entre alors

il l'hôpital Tenon et il y passe quatre mois ; puis encore quatre

mois à l'hôpital Saint-Louis ; on aurait constaté de la trémulation

épileptoïde des deux côtés ; on n'aurait pas observé de troubles

objectifs de la sensibilité.

A sa sortie de Saint-Louis, le malade, bien qu'amélioré, n'était

pas encore très solide sur ses jambes ;.[mais il continua à aller

mieux et tout disparut, dit-il, peu àpeu.

Il y a sept mois, le 19 mai 1897, survient un oedème de la jambe

gauche pour lequel le malade entra à Lariboisière; il avait de la

pollakiurie (2 litres d'urine par jour avec 4 grammes d'albumine) ;

il sort de Lariboisière ayant encore 50 centigrammes d'albumine,

est envoyé en convalescence à Vincennes; la quantité d'albumine

remonte à 2 grammes.

Le 17 novembre 1897, D... entre à Saint-Antoine ; depuis dix jours

il a des douleurs lombaires et une parésie des membres inférieurs :

la jambe droite est la plus faible des deux ; de ce côté il existe du

clanus du pied. Pas d'oedème des jambes (2 grammes d'albumine

par litre ; quantité d'urine émise : 1500 grammes par jour).

Le le, février 1898, ouverture d'un noyau tuberculeux de l'épi-

didyme. A cette date, on note : paraplégie plus accentuée du côté

droit, où le clonus existe. La sensibilité au tact est conservée.

Du côté droit, hypoalgésie à la piqûre remontant jusqu'à la

racine de la cuisse et plus marquée^ au-dessous du genou. Les

sensations thermiques sont affaiblies, légèrement troublées du

côté droit, et complètement perverties du côté gauche (fig. 1).

Le 16 mars 1898, la paraplégie s'est aggravée; la marche n'est

plus possible qu'avec l'appui d'un bâton; elle est entravée parfois

par les mouvements cloniques du pied droit.

Dans son lit, le malade déplace ses membres inférieurs tout

d'une pièce en s'aidant volontiers des mains ; il élève au-dessus

du plan du lit sa jambe gauche beaucoup plus facilement qu'il ne

fait pour la droite.

6 CLINIQUE NERVEUSE.

La sensibilité au tact est un peu diminuée aux membres infé-

rieurs. La sensibilité à la douleur est diminuéeaux deux membres

inférieurs, et plus aux jambes qu'aux cuisses.-

Il y a diminulion et perversion dela sensibilité thermique des deux

côtés, mais surtout à gauche où les troubles de la sensibilité sont

en général plus accentués; de ce côté, les sensations sont longue-

ment interprétées et le malade répond avec beaucoup plus d'hési-

tation aux explorations (fig. 2).

Par moments, sensations de froid ou de chaud dans les membres

inférieurs.

Les réflexes rotuliens sont exagérés des deux côtés ; les réflexes

plantaires sont diminués des denx côtés. Le clonus provoqué du

pied n'existe que du côté droit;' il semble inépuisable. La nuit,

Fig. 9. - Sensibilité au contact : normale ; 4, ; sensibilité à la piqûre

diminuée il droite et plus à la jambe qu'à la cuisse, légèrement

diminuée à gauche ; 2, sensations thermiques : légèrement troublées à

droite, diminuées et complètement perverties à gauche.

PARAPLEGIE SPASMODIQUE. 1

surviennent brusquement des contractions douloureuses qui font

plier la jambe droite sur la cuisse et celle-ci sur le bassin. Le

malade, quoique s'aidant des mains et de sa jambe gauche, ne

peut ensuite étendre son membre inférieur droit qu'avec difficulté.

Les orteils (cyanoses) sont le siège d'une desquamation furfuracée,

En avril 1898, D... ne se lève plus. Les. contractions involon-

taires se font plus fréquentes ; elles fléchissent les deux jambes,

mais plus particulièrement la droite; elles surviennent surtout au

moment où le malade s'endort; il est alors éveillé brusquement

et la reproduction souvent répétée du phénomène le prive de som-

meil. Puis la flexion du membre inférieur droit devient perma-

nente ; D... ne peut plus parvenir seul à étendre sa jambe; on

arrive pourtant, avec un effort, à vaincre cette contracture et à

étendre la jambe sur le plan du lit.

Fig. 2. - 1, sensibilité au contact : diminuée; 2, sensibilité à la piqûre :

diminuée des deux côtés, davantage du côté gauche, et plus aux jambes

qu'aux cuisses; 3, sensations thermiques : perverties surtout à gauche.

8 CLINIQUE NERVEUSE.

Le 28 avril, la contracture permanente de la jambe droite en

flexion a disparu, mais les contractions brusques sont fréquentes

la nuit, surtout à droite.

Le clonus du pied existe très fort, maintenant des deux côtés ; si'

on fait lever le malade, dès que celui-ci s'appuie sur ses pieds, le

clonus lui imprime des mouvements saltatoires. Perte du som-

meil et de l'appétit, -amaigrissement, toujours de l'albumine dans

l'urine.

En mai, les membres inférieurs se placent en adduction forcée ;

la corde des adducteurs est plus tendue à droite qu'à gauche. Les

troubles de la sensibilité objective remontent jusqu'à une ligne

horizontale passant par l'ombilic. Ils ont même distribution

à droite qu'à gauche, sont plus marqués sur les jambes que sur

les cuisses et l'abdomen, plus marqués du côté gauche que du

Fig. 3. Les troubles de la sensibilité au contact (t), à la piqûre (2), à

la chaleur (3) sont plus marqués à gauche qu'à droite, et plus aux

jambes qu'aux cuisses et à l'abdomen.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 9

côté droit (fig. 3). Quand on essaie de déplacer une jambe, la con-

tracture entraine le bassin et le membre inférieur du côté opposé.

Les' contractions faisant se fléchir les membres inférieurs et les

maintenant fléchis se produisent toutes les fois que le malade

essaie de mouvoir ses jambes.

En juin, le malade demeure constamment couché sur le côté

droit, maintenant, par le poids de sa jambe gauche, sa jambe

droite étendue ; s'il vient à se retourner, la jambe droite se con-

tracture aussitôt en flexion.

11 juin. Peu de retard dans les sensations; la douleur n'est

pas perçue, elle produit le même effet que le contact, dout la

sensation est elle-même affaiblie; la sensibilité thermique est

presque abolie du côté gauche. C'est toujours le côté- le moins

contracture qui sent moins bien, mais on remarque actuellement

une moins grande différence entre la sensibilité des deux jambes.

Le même état persiste sans se modifier sensiblement jusqu'au

mois de septembre. Le malade meurt-le 28 de ce mois au cours

d'une petite épidémie de dysenterie qui fait plusieurs victimes

parmi les cachectiques de la salle.

En résumé, un mal de Pott dorsal inférieur a donné lieu,

chez le sujet, trois fois à de la paraplégie.

La première paraplégie qui apparut immédiatement après

l'affaissement de la colonne vertébrale (à l'âge de sept ans)

dura sept ou huit ans, fut accompagnée de douleurs et gué-

rit.

La seconde paraplégie débuta à l'âge de vingt-neuf ans ;

elle fut accompagnée de troubles subjectifs de la sensibilité,

mais pas de troubles objectifs (il existait de la contracture,

du clonus du pied des deux côtés) ; elle guérit peu à peu, ou

du moins s'améliora considérablement : Paraplégie spasmo-

dique sans troubles de la sensibilité, nous sommes au

premier degré de la classification de M. Van Gehuchten.

La troisième paraplégie débuta quelques années plus tard

(trente-huit ans), précédée par des douleurs lombaires. Son

évolution nous intéresse plus particulièrement. Malgré quel-

ques oscillations, les troubles de la motilité et de la sensi-

bilité présentent trois groupements symptomatiques assez

différents : en février 1898 la paraplégie est plus marquée

du côté droit où il existe du clonus du pied ; la sensibilité au

contact n'est pas atteinte ; sensibilité à la piqûre diminuée

sur la cuisse droite et sur la jambe gauche, très diminuée sur

la jambe droite ; sensibilité thermique légèrement troublée

10 CLINIQUE NERVEUSE.

sur la jambe droite, diminuée et complètement pervertie sur

la jambe gauche. En somme double syndrome de Brown-

Séquard atténué ou paraplégie spasmodique avec dissocia-

tion syringomyélique.

En mars, la jambe droite est toujours la plus mauvaise;

exagération des réflexes des deux côtés et clonus du pied du

côté droit. Sensibilité au contact un peu diminuée, sensibi-

lité à la douleur à peu près également atteinte des deux côtés,

et plus aux jambes qu'aux cuisses ; sensibilité thermique

diminuée et pervertie sur le même territoire à gauche qu'à

droite, mais d'une façon atténuée à droite, tandis qu'à gau-

che, surtout à la jambe, il y a perversion complète et retard

de la perception. 1

Enfin, en juin, la paraplégie à peu près complète, s'accom-

pagne du clonus des deux pieds ; les troubles de la sensibi-

lité objective remontent jusqu'à une ligne horizontale pas-

sant par l'ombilic; ils sont plus marqués à gauche qu'à

droite.

L'état reste tel quel jusqu'à la mort. Observons que si

l'hypoesthésie au tact n'était pas de l'anesthésie complète,

l'analgésie était complète, la thermo-anesthésie était absolue

sur la jambe gauche. Ainsi la sensibilité au contact quoique

diminuée, n'a jamais été abolie. Nous avons dépassé le troi-

sième degré de M. Van Gehuchten et nous arrivons au qua-

trième et dernier degré, à l'anesthésie. Mais la paraplégie

n'est pas flasque, elle est demeurée spasmodique comme au

début; et elle est devenue plus spasmodique.

Autopsie. Rachis et moelle épinière. Au niveau de la gibbosité

dorsale les lames vertébrales plus ou moins soudées entre elles

sont très amincies et s'effondrent au premier coup de marteau.

Le canal rachidien apparaît alors rempli d'un pus fluide ; la moelle,

aplatie, est coudée suivant un angle de 43° répondant aux

septième, huitième, neuvième vertèbres dorsales. Les corps de

ces vertèbres sont en grande partie résorbés et remplacés par des

cavernes remplies d'une matière caséeuse de consistance analogue

à celle du mastic. La dure-mère est très épaissie dans sa portion

antérieure très adhérente à la paroi du canal rachidien.

L'encéphale ne présente aucune altération macroscopique.

Poumons déformés; infiltration tuberculeuse des deux sommets,

surtout marquée à droite, où le ramollissement est commencé;

emphysème des bords antérieurs des poumons ; congestion des

deux bases. Coeur petit; ventricule droit dilaté; pas de lésions

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 11

valvulaires. L'aorte suit la courbure de la colonne vertébrale sans

présenter d'inflexion brusque.

Foie, 4 00 grammes ; légère dégénérescence graisseuse. Rate :

adhérences péritonéales. Les reins paraissent de volume normal,

de couleur blanchâtre. Leur consistance est ferme et légèrement

indurée. La décortication, facile, laisse à découvert une surface

chagrinée, hérissée de granulations. A la coupe, l'écorce ne parait

pas atrophiée, mais sa coloration est bizarre ; des taches jau-

nâtres se détachent sur un fond gris. La prostate et l'épididyme

droit contiennent des noyaux tuberculeux.

Différents nerfs des membres inférieurs (sciatique, sciatique

poplité externe, tibial postérieur, nerf du quadriceps, saphène

interne) sont prélevés.

La moelle étant extraite du canal rachidien, on fend la dure-

mère dans toute sa hauteur avant de mettre la pièce dans le

liquide de Millier ; lorsque le ciseau arrive au renflement lombaire,

il entame le tissu médullaire ramolli et gonflé de liquide dans

cette région.

Le durcissement obtenu, on constate que la pachyméningite .

externe forme une longue lanière étendue sur toute la hauteur de

la face antérieure de la dure-mère, l'épaississement s'arrètant

brusquement de chaque côté un peu avant le point de sortie des

racines antérieures. L'épaisseur de la pachyméningite augmente

de haut en bas, atteint son maximum à la région dorsale infé-

rieure et s'atténue pour disparaître au-dessous de la première

paire de racines lombaires. Dans la partie la plus épaissie la

dure-mère est soudée à la moelle.

Lorsque l'on débite la moelle en segments, la portion lombaire

inférieure et le cône terminal s'effritent sous le rasoir.

Examen histologique. Au niveau de la plus forte compression

(S' paire dorsale), la moelle est extraordinairement réduite de

volume, aplatie d'avant en arrière et déjetée latéralement. Les

fibres colorées en noir par la méthode de Pal sont en très petit

nombre ; en particulier toute la partie postérieure de la moelle et les

faisceaux pyramidaux sont remplacés par des zones de sclérose

complète. Dans la partie antérieure de la moelle, des points noirs

plus nombreux dessinent vaguement le contour de cornes anté-

rieures réduites, puis la coloration s'atténue graduellement en

allant vers la périphérie de la moelle.

A l'hématoxyline-carmin, la substance grise est à peine recon-

naissabte ; on trouve cependant de rares cellules, mais atrophiées,

mal colorées, avec un noyau effacé.

Le canal central est dilaté et occupé par une prolifération des

cellules de la paroi ; cette prolifération se retrouve sur une grande

hauteur de la moelle.

12 CLINIQUE NERVEUSE.

Les coupes permettent de reconnaitre un grand nombre de

vaisseaux remplis de sang et dont la paroi est épaissie. La moelle

présente une quantité de noyaux plus considérable qu'à l'état

normal, mais ces noyaux sont assez uniformément répartis; ils

sont à peine un peu plus nombreux autour des vaisseaux ; il n'y a

en somme pas de foyers de myélite en activité. Tout est sclérose.

La pie-mère est épaissie, y compris le prolongement qui s'in-

sinue dans le sillon antérieur médian; elle contient des vaisseaux

dilatés et pleins de globules rouges; par places elle est adhérente

à la moelle et les tissus de l'une passent à l'autre par transition

insensible. La dure-mère est considérablement épaissie dans toute

la partie antérieure ; cet épaississement représente 3 ou 4 fois le

diamètre antél'o-posté¡'ieu1' de la moelle. Elle présente dans sa partie

périphérique, une prolifération cellulaire active (pachyméningite

externe). Les racines sont dégénérées.

Au-dessous du point maximum de compression, la moelle aug-

mente de volume, mais surtout par sa partie antérieure. La moitié

postérieure reste très amincie.

Au niveau de la 1 le paire dorsale toute la partie antérieure de la

moelle tend à reprendre un aspect normal. Les cornes antérieures

sont bien nettes, les fibres qui les circonscrivent sont bien noires,

bien noirs aussi les deux bords du sillon antérieur médian. La

périphérie de la moelle est toujours pâle, depuis les cornes anté-

rieures jusqu'aux postérieures. Les faisceaux pyramidaux sont

sclérosés et la zone non colorée est bien plus large que lorsqu'il

s'agit d'une dégénérescence secondaire par lésion cérébrale.

Une bande noire souligne, dans la moitié postérieure de la

moelle, les cornes de la commissure. La zone postérieure et

médiane et ce qui représente le cordon postérieur est absolument

sclérosée.

Les cornes antérieures (toujours au-dessous de la onzième paire

dorsale), contiennent des cellules normales et en nombre sensible-

ment normal. On voit des cellules rondes à la base des cornes pos-

térieures (colonne de Clarke). Les racines contiennent un grand

nombre de fibres saines. Plus bas encore, la moelle continue à

augmenter de volume. La partie antérieure de la coupe pratiquée

au niveau de l'émergence de la 12° paire de racines dorsales est

normale en grandeur et en disposition générale. La moitié pos-

térieure grandit rapidement.

La coupe du renflement lombaire est normale. A part la sclérose

des faisceaux pyramidaux on ne distingue pas de dégénérescence.

Au-dessus de la lésion, la moelle demeure longtemps très

aplatie. Le 3e segment dorsal présente, avec seulement un peu

moins d'intensité les altérations relevées plus bas; puis, à mesure

qu'on s'élève, la moelle grandit lentement, par sa partie posté-

rieure comme par sa moitié antérieure.

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. '13

Le 4e segment dorsal donne une coupe assez réduite et aplatie.

Les faisceaux pyramidaux sont en grande partie sclérosés (dégéné-

rescence rétrograde ? ). La périphérie de la moelle est pâle (fais-

ceau cérébelleux direct, faisceau de Gowers). Les cordons de Burdach

sont fortement teintés ; les cordons de Goll renferment quelques

fibres saines. Les racines sont normales.

A la hauteur de la 2° paire de racines dorsales, la dégénération

des faisceaux pyramidaux tend à s'effacer, le cordon de Goll est

dégénéré jusqu'à la commissure postérieure.

La coupe du 8e segment cervical montre encore un peu de dégé-

nérescence des faisceaux pyramidaux ; la moelle est pâle à la

périphérie correspondant au faisceau cérébelleux et au faisceau de

Gowers.

Plus haut, les coupes delà région cervicale donnent des surfaces

de section de dimension normale, la périphérie est toujours moins

sombre sur les préparations traitées par la méthode de Pal. Le

cordon de Goll est décoloré jusqu'à la commissure.

Un certain nombre de nerfs des membres inférieurs (sciatique

droit et gauche, tibial antérieur et postérieur gauches, saphène

interne droit, nerf du triceps fémoral droit et gauche,) ont été

traités par l'acide osmiqup et dissociés. Les fibres nerveuses sont

bien colorées en noir, bien cylindriques. On ne trouve pas de fibres

moniliformes ni de gaines vides. '

En résumé cette observation nous offre un exemple de

myélite chronique caractérisée anatomiquement par la sclé-

rose d'un certain nombre d'étages spinaux superposés ; la

dite sclérose équivalait à une section de la moelle; et elle

se traduisait cliniquement par une paraplégie spasmodique.

Nous disons que la sclérose équivalait à une section : à

proprement parler rien n'équivaut à une section. Mais, au

seul point de vue de la continuité anatomique des voies spi-

nales, la sclérose de la moelle, lorsqu'elle se présente sous la

forme que nous venons de décrire, équivaut aussi bien à une

section de l'axe nerveux, qu'une sclérose cicatricielle de nerf

équivaut à une section de nerf.

D'ailleurs les dégénérescences ascendantes et descendantes

de cette lésion étaient identiques à celles qui font suite à une

section traumatique. La seule différence consiste dans la

lenteur des processus de destruction primitif et de dégéné-

ration secondaire.

Nous nous croyons donc fondés à répéter que la paraplé-

gie spasmodique peut se manifester et persister dans les cas

de destruction lente d'un segment de moelle dorsale, où les

14 il CLTNIQUE-NERYEUSE.

cornes antérieures, les cellules des colonnes de Clat·Ire et les

nerfs survivent à la lésion initiale au-dessous de cette

lésion.

La paraplégie sensitive partielle peut se produire dans les

mêmes conditions..

Mais on a plus de peine à l'expliquer. Ce qui persiste en

dernier lieu, c'est la sensation élémentaire, celle qui ne diffé-

rencie plus ni la chaleur, ni le froid, ni la douleur, ni le

contact. Le malade perçoit encore quelque chose sur la sur-

face cutanée (paralysée de la sensibilité), mais quelle que soit

la qualité du contact, il ne perçoit que le contact lui-même.

Il est possible que la voie de cette sensibilité soit quelconque,

qu'elle emprunte des chemins détournés ou non adaptés :

d'où le retard fréquent de la sensation.

Au point de vue des compressions pottiques intenses, pro-

duisant des lésions équivalentes à la section complète de la

moelle, nous citerons, mais sans y insister, un cas fort inté-

ressant par son anatomie pathologique : celui de M. William

G. Spiller, où il fut constaté des dégénérescences rétrogrades

d'une grande étendue en surface et en hauteur (dégénéra-

tion ascendante des faisceaux pyramidaux, dégénération

descendante des faisceaux de Gowers et de la totalité des

cordons postérieurs). La compression spinale était produite

surtout par les os déplacés et effondrés 1.

Les renseignements cliniques sont, il est vrai, un peu

écourtés. L'auteur dit seulement que la gibbosité apparut à

l'âge de trois ans, que la faiblesse des jambes se montra

quatre mois plus tard, et qu'au bout de l'année il fallut sec-

tionner les deux tendons d'Achille. Après cinq ans de ma-

ladie on notait la proéminence des trois premières vertèbres

thoraciques, l'atrophie des jambes avec paralysie la contmc-

ture des tendons du jarret et de larges escarres au-dessus

des articulations coxo-fémorales.

L'enfant mourut peu après à l'âge de huit ans,etlafigure (don-

née par M. Spiller) de la moelle au lieu de compression rappelle

de tout point ce que nous avons observé nous-même dans

notre cas. Cependant nous ne pouvons identifier cette obser-

vation à la nôtre, parce qu'il n'est pas fait mention des trou-

' Spiller. A microscopical slucly of llre spinal cord in lwo cases of

l'olts diseuse. (John llopkins Ilo.I)ilal Bulletin, n° 87, juin 1898.)

PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 15

bles de la sensibilité, et qu'il est dit que les réflexes étaient

diminués.

D'ailleurs il suffira de rappeler les analogies de notre cas

avec celui de Charcot et lfichaud 1. '

L'un de nous2 a déjà rappelé des faits où la lésion trans-

versale totale de la moelle se traduisait par une paraplégie

spasmodique : . celui de Gerhart', où la paralysie demeura

spasmodique pendant quatre ans et demi, jusque six mois

avant la mort; celui de Senator3, ou la paraplégie, causée

par -un psammo-sarcome intramédullaire, resta également

spasmodique pendant dix ans, jusqu'à la mort.

On remarquera dans notre observation et nous venons

d'y insister l'intégrité des cellules des cornes antérieures,

des cellules de la colonne de Clarke, et des nerfs, au-dessous

de la lésion maximum. Contre-partie de celui de Westhphal 1,

ce fait tendrait à démontrer que l'intégrité des myoneurones

au-dessous du foyer de compression est la condition nécessaire

et suffisante de la conservation des réflexes.

Quant aux troubles de la sensibilité (dissociation syringo-

myélique semblable a celle que l'on' observe dans la myélite

transverse Brpwn-Séquàrd atténué, c'est-à-diré conserva-

tion de la sensibilité tactile après la perte des autres sensibi-

lités), on ne' saurait trop affirmer leur fréquence dans les

paraplégies spasmodiques par compression. Dans une leçon

sur un mal de Pott dorso-lombaire où la-paralysie vésico-rec-

tale et la paraplégie étaient survenues brusquement, sans

prodromes, M. li.ummo faisait remarquer, avec la spasticité

des membres inférieurs et l'exagération des réflexes rotuliens

cette curieuse dissociation de la sensibilité : d'une part

intégrité de la sensibilité au contact et à la pression, d'autre

part thermoanesthésie, analgésie et perte du sens musculaire

et ostéoarticulaire.

' Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, 1895, p. 137.

e Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, 1899, p. 181.

3 Revue neurologique, 1899, p. 58.

- 4 Ueber einen Fait von Compression Myelili.s (12-eh. f. I'sclz. Bd.

30, Ueft 2). - Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, 1899. p. 199.

r. Haskovec. A propos de l'histoire de la question de la dissociation

syringomyélique dans la myélite transverse (Revue neurologique), 1899,

p. 4 Í6.

0 Rummo. Riforma medica, 14 fév. 1899, p. 439.

16 CLINIQUE NERVEUSE.

C'est encore une paraplégie spasmodique dont M. David

Linn Edsall1 a constaté l'association avec des troubles de

sensibilité d'une topographie assez singulière.

Dans ce cas, la gibbosité pottique est lombaire. Le tact est

partout conservé dans son intégrité. La thermoanesthésie

est abolie, la sensibilité à la douleur est très affaiblie : en

avant sur une surface allant de la ligne horizontale bima-

melonnaire aux genoux, en arrière suivant une ceinture

commençant plus bas et s'arrêtant à mi-fesse seulement. Plus

tard la thermo-anesthésie etl'analgésie ontenvahi les jambes,

faces antérieures et postérieures. En l'absence d'autopsie

on ne saurait dire si la compression s'est exercée ici de dehors

en dedans ou de dedans en dehors (tubercule médullaire).

Les troubles sensitifs des paraplégies par compression

sont donc d'une extrême fréquence. S'ils n'ont pas la « cons-

tance absolue » des troubles moteurs sur laquelle insiste

M. Van Gehuchten, ils n'en peuvent pas moins exister seuls

pendant un temps ainsi que cet auteur lui-même en rappelle

un exemple, ce cas de Chipault où l'anesthésie avec thermo-

anesthésie et analgésie des membres inférieurs ne se com-

pléta que deux mois plus tard de la paraplégie pottique, ici

encore spasmodique. ,

Ou voit que les paraplégies spasmodiques prêtent non pas

seulement à des divergences d'interprétation mais - ce qui

est plus étonnant à d'étranges divergences de constata-

tion. 1

Les faits sont cependant assez nombreux et assez frappants

pour que l'opinion se fasse, un jour ou l'autre, unanime sur

le syndrome envisagé en soi. Nous sommes, à cet égard, bien

sûrs de nous rencontrer avec M. Van Gehuchten si nous

savons nous faire comprendre. Pour notre part nous ne

sommes pas sûrs de le comprendre lorsqu'il écrit : « Dans la

paraplégie spasmodique due à une compression médullaire,

l'influence de la volonté est complètement abolie; le malade

est incapable de tout mouvement dans ses membres para-

lysés ». Peut-être M. Van Gehuchten laisse-t-il volontaire-

ment de côté les compressions légères dans lesquelles les

malades n'ont encore qu'un certain degré de spasme des

4 David Linn Edsall. Dissociation of sensation of lhe syringomyelic

type occlIl'in9 in ! 'oll's diseuse (Journ. of iiei-voits and mental disease,

1898, p.2571.

. PARAPLÉGIE SPASMODIQUE. 17 7

membres inférieurs sans être cependant dans l'impossibilité

de marcher ? Comment en effet se ferait-il que notre malade

ait pu marcher pendant de longues années, avec les jambes

raides ? Comment se fait-il qu'on voie tous les jours des

syphilitiques qui marchent, quoique péniblement, assez vite,

les jambes raidies par un reliquat de méningo-myélite ?

Les troubles de la sensibilité, avons-nous dit, sont surtout :

la thermo-anesthésie et l'analgésie, la diminution ou l'abo-

lition des vibrations qui passent, ainsi que l'avait soutenu

M. Van Gehutchten ? par les libres du faisceau de Gowers.

Mais le contenu du canal rachidien ne se réduit pas à l'axe

nerveux ; mais la moelle elle-même n'est pas faite exclusive-

ment de substance grise et de faisceaux blancs; chaque

racine (la postérieure au moins) conserve son individualité

pendant un trajet assez long. Alors la compression (ou la

méningite, ou la myélite ou la méningo-myélite qui en sont

la conséquence), .excite ou supprime le fonctionnement des

fibres des racines.

Aussi la constitution symptomatique de la compression

médullaire se complique-t-elle de tout ce que les racines lui

fournissent de symptômes (douleurs et flaccidité des paraly-

sies).

Lapachyméningite externe peut produire des névrites radi-

culaires aussi bien qu'elle produit unemyélite de voisinage 2.

L'irritation des racines postérieures produit un symptôme

qui ne fait presque jamais défaut dans les paraplégies du

mal de Pott, au moins pendant les premiers temps : la doit-

leur.

Chez notre malade, nous l'avons vue se reproduire chaque

fois qu'il devenait ou redevenait paraplégique.

.11 conviendrait de voir quel rôle jouent les racines dans

le syndrome paraplégie flasque avec exagération des réflexes

et dissociation syringomyélique de la sensibilité (Van Ge-

huchten) ou anesthésie complète (Ilabel). Voilà encore des

formes qui ne sont pas prévues dans le tableau de M. Van

Gehuchten. Il est vrai qu'un tableau de classification, même

très complet, comprendra toujours assez difficilement les

. ' Van Gehuchten. La dissociation syringomyélique de la sensibilité

dans les compressions et les traumatismes de la moelle épinière et son

explication physiologique (Semaine médicale, 1899, p. 513).

2 Brissaud. Leçons sur les maladies nerveuses, 1893, p. 1 47.

Archives, 2° série, t. XIII. 2

18 ô THÉRAPEUTIQUE.

innombrables formes que peuvent réaliser les hasards cli-

niques, mais il nous a semblé que l'intérêt croissant qui s'at-

tache à l'étude des paralysies flaccides ne devait pas nous

porter à oublier la fréquence des paraplégies chroniques

spastiques par compression, avec troubles de la sensibilité

objective.

De ces paraplégies il en est qui restent toujours spastiques,

alors même que la lésion anatomique en est venue à équi-

valoir à une section complète de la moelle.

Nous ne contestons pas bien loin de là qu'une sec-

tion complète et subite de la moelle, comme en peuvent pro-

duire certains traumatismes, entraîne la paraplégie flaccides

et à perpétuité flaccide, avec abolition des réflexes et perte

totale de la sensibilité. Mais jusqu'à plus ample informé,

nous considérons comme prouvé le fait qu'une compression

lente agissant à la façon d'une ligature ou d'une striction

indéfiniment prolongée, et transformant le tissu de la moelle

en une véritable cicatrice, peut donner lieu à une paraplégie

spasmodique.

THÉRAPEUTIQUE.

De l'extension et de son application dans le traite-

ment des maladies, nerveuses;

Par le D' P. KOULSDJY.

L'extension est avec la pendaison et l'élongation l'une des

méthodes les plus employées de la suspension. Son étude se

confond, par conséquent, avec celle de la suspension.

Depuis quelques années, la suspension parait passer dans

l'oubli ou plutôt dans la deuxième phase de l'oubli. Après

avoir été portée en vogue et répandue par la presse quoti-

dienne politique jusqu'à devenir chose commune pour tous

ceux qui cherchaient des moyens thérapeutiques extraordi-

naires, la suspension et tous les procédés qui dérivaient d'elle,

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 19

sont passés au second plan, et si on parle d'elle parfois dans

les traités spéciaux, c'est plutôt pour la forme. Ce n'est que

dans les quelques services des maladies nerveuses, que la sus-

pension se pratique encore de temps en temps, et d'une façon

tout à fait insuffisante. Il n'y a pas cependant, longtemps, que

le fondateur de.la neurologie, le professeur Charcot, disait de

la suspension que « les résultats obtenus jusqu'à ce jour, sont,

à mon avis, assez frappants pour qu'on les prône et qu'on

les recommande sérieusement à l'attention des médecins par-

ticulièrement voués aux études neuropathologiques; et en ce

qui me concerne, je puis témoignerque jamais je n'ai observé-

dans l'ataxie, sous l'influence des autres modes de traitement-

qu'on lui oppose, des améliorations aussi prononcées, pro-

duites aussi rapidement sur un aussi grand nombre de

malades à la fois'». Nous nous efforcerons, dans ce qui suit,

de démontrer à notre lecteur que la suspension ne mérite nul-'

lement le sort dans lequel elle se trouve actuellement. Les

applications faites par un grand nombre de neuropatliolo-'

gistes éminents et celles que nous avons faites dans la cli-

nique de notre très estimé maître, M. le professeur Raymond,

où nous sommes attaché depuis trois ans, au service de

mécanothérapie, nous ont convaincu que la suspension doit

tenir le premier rang dans le traitement des maladies ner-'

veuses en général et du tabes dorsalis en particulier.

. Nous venons de dire que la suspension a subi le sort fatal'

de tous les agents thérapeutiques, qui, à un moment donné,

ont été portés à l'apogée par le monde entier.

. Tout le monde sait que si la suspension fut appliquée dans

le traitement des ataxiques pour la première fois, par le

Dr Motchoutkowsky d'Odessa, elle doit sa renommée et sa

vie à Charcot, et principalement à notre maître, M. Ray-

mond. C'est lui qui l'a découverte dans la belle ville méri- ' `

dionale russe, et qui l'a fait connaître à Charcot; et c'est

lui qui fut, par conséquent, son véritable parrain et propa-

gateur. La confiance du professeur Raymond dans le bien-

fait de la supension n'a pas changé jusqu'à présent, et

tout récemment encore, il se prononça sur l'action de la

suspension dans une de ses leçons du vendredi, dans les ter-

»I Professeur Charcot : Leçons du mardi à la Salpêtrière. Polyclinique

1888-1889, t. II. Edition du Progrès médical. t

20 THÉRAPEUTIQUE.

mes suivants : « Si la suspension n'est pas une médication

curative, elle a une influence très curative sur quelques

manifestations du tabes, en première ligne sur les douleurs

fulgurantes, sur les troubles génito-urinaires, sur l'incoordi-

nation motrice. Des malades qui sont devenus presque impo-

tents par suite du progrès de l'incoordination motrice aux

membres inférieurs, récupèrent très facilement l'usage de

leurs jambes, et viennent de nouveau en état de faire de lon-

gues courses sans avoir besoin d'appui ' ». Telle est égale-

ment l'opinion du professeur Erb, d'après qui, « la suspen-

sion agit bien sur la marche générale de la maladie, et sur

quelques symptômes particuliers=». Cet auteur n'admet pas

l'influence psychique de la suspension et est d'avis qu'elle

donne souvent de bons résultats par son action réelle. Pour

les deux professeurs cités plus haut, la suspension serait un

traitement chronique, appliqué contre une affection chro-

nique. Outre ces deux savants neurologistes, une foule

d'autres neuropathologistes se sont prononcés pour l'action

réelle et non imaginaire de la supension dans les maladies

nerveuses et spécialement dans le tabes dorsalis. Néanmoins,

dès les premiers jours, la suspension rencontra des antago-

nistes ; les uns la considèrent comme inutile, les autres,

comme illusoire. Parmi ces derniers, se trouve le distingué

professeur von Leyden. L'opinion de cet éminent savant est

connue par tous ceux qui se sont occupés de la suspension.

Le savant neurologiste de Berlin, tout en admettant l'in-

fluence salutaire de la suspension sur la marche du tabes

dorsalis, croit à l'action suggestive de la suspension ; il cite

même un cas où la suspension a fait cesser les troubles gas-

triques ; mais, il n'admet point que la suspension puisse faire

retrocéder la marche anatomo-pathologique de l'affection

médullaire. Comme conséquence, ce savant ne fait pas sus-

pendre ses ataxiqnes, et l'appareil que nous avons étudié dans

son service et que nous avons introduit dans la clinique de

notre maître, le professeur Raymond, y sert pour faire l'ex-

tension dans l'arthrite déformante, la myétite par compres-

sion, etc. MM. IIaushalter et Adam sont également d'avis

' Professeur Raymond : Clinique des maladies du système nerveux.

Deuxième série, 1897.

. 2 W. E. C. Die Therapie des tabès. (Sammbllng klinicher VOI'lI'agen, etc.

ne 15. Leipzig, 1896.)

\

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 21

que la suspension agit par la suggestion 1. Ils obtinrent

20 améliorations sur 29 cas de maladies nerveuses, dont

4 améliorations sur 6 cas de tabes. Ils concluent leur travail

en affirmant que, si la suspension agit par un autre agent

que la suggestion, il est indéniable que celle-ci joue le rôle

prépondérant. Le professeur Bernheim, de Nancy, est absolu-

ment contraire à la suspension, dont il compare l'action à

celle de la mie de pain et des eaux de Lourdes. Pour montrer

que la suspension est un moyen suggestif, cet auteur sus-

pendait ses ataxiques par les pieds et le corps en les soule-

vant en l'air, couchés, et dit avoir obtenu de bons résultats.

C'est ainsi qu'il a guéri une myélite avec paraplégie en

10 séances. 1

Malgré ces quelques opinions défavorables à la suspension,

la plupart des neuropathologistes qui se sont occupés de la

question, sont unanimes dans leur affirmation, que la sus-

pension a une influence réelle active sur la marche générale

des affections nerveuses, et surtout sur l'évolution du tabes

dorsalis. Nos essais, faits avec la planche inclinée, dérivée.

du procédé de Motchoutkowsky, mode présentant, comme

on verra plus loin, plusieurs avantages sur la pendaison,

nous ont montré que l'action de la suspension n'est nulle-

ment fictive et que, si elle agit par la suggestion, ce qui est

indiscutable, elle agit aussi et surtout par son action hypéré-

mique et donne des résultats très encourageants. Il nous

semble que ce dernier motif suffit, à lui seul, à considérer la

suspension comme un des agents thérapeutiques obligatoires

dans le traitement de toutes les affections du centre nerveux.

Introduite dans la thérapeutique par M. Motchoutkowski,

en 1883, la suspension resta longtemps complètemeut igno-

rée et, à part quelques médecins du district d'Odessa, le

monde médical ne soupçonnait même pas son existence.

Lorsqu'en 1888, notre maître, le professeur Raymond, fut

envoyé en mission en Russie, il vit le procédé de Matchout-

kowski, le communiqua à son retour à Charcot. Ce dernier

chargea M. Gilles de la Tourette des premiers essais, et le

19 janvier 1889, le grand neurologiste français fit sa pre-

mière leçon sur l'application de la suspension dans le.trai-

1 Hauslialter et Adam. De la suspension dans le traitement des maladies

du système nerveux. (Progrès médical, n<" 44 et 48, 1889.)

22 ), THÉRAPEUTIQUE.

tement des ataxiques. Deux mois plus tard, furent présentés

par Charcot d'autres cas de tabes, traités par la pendaison.

En 1890, M. Gilles de la Tourette put déjà donner une statis-

tique sur z100 cas d'ataxiques traités par la pendaison. Le

nombres des améliorés fut de 20 à 25 p. 100, des améliorés

partiellement, de 30 à 35 p. 100, et des incertains, de 35 à

40 p. 1001. L'autorité de Charcot et le pourcentage relative-

ment élevé des améliorations attirèrent l'attention du monde

médical de l'univers sur la suspension et celle-ci fut appli-

quée dans les endroits les plus éloignés. Les années 1889 et

z1890 furent les deux années d'apogée pour la suspension.

On soigna tout par la suspension et pas une seule affection

n'a échappé à l'application de l'appareil de Sayre. Cette

apogée ne dura pas, malheureusement, longtemps et bien-

tôt la suspension disparaît des services centraux de plusieurs

, services médicaux de différentes capitales européennes. On

la trouve encore intacte et à la place d'honneur dans les

facultés les plus éloignées, comme celles de Santiago, de

Buenos-Ayres, etc. Notre confrère de Santiago, le D'' Luca,

nous communiqua récemment que, l'année dernière, il soigna

encore tous ses ataxiques par la suspension, et en tira de

très bons résultats.

La statistique des cas traités par la suspension, et publiés

jusqu'à présent, parle suffisamment en faveur de cette

méthode. Notre confrère de Saint-Pétersbourg, le Dr Ostan-

koff2, vient de publier une statistique approximative de

2212 cas de maladies nerveuses, dans lesquelles on applique

les différents procédés de suspension. De ce nombre, on

obtient 902 succès (40, 8 p. 100). De 2212 cas, 1907 furent

atteints du tabès, dont 698 améliorés notablement, soit

36 p. 100. Lenombre des ataxiques aggravés varia de 2,7 p. 100

à 2,8 p. 100. Dans cette statistique, le plus grand nombre

appartient à l'inventeur de la suspension, M. le professeur

Motchoullcowski, qui soigna jusque l'année dernière 993 tabé-

tiques, et qui obtint 267 améliorations et 786 cas sans mo-

dification appréciable. Charcot publia 114 cas tabétiques,

N

1 M. Gilles de la Tourette. Leçons sur les maladies du système nerveux,

1898.

2 M. P. A. Ostankofï. L'extension de la colonne vertébrale, comme

méthode de traitement des maladies nerveuses. (Recueil des travaux de

la clinique des maladies nerveuses de Saint-Pétersbour, t. II, 1900.) .

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 23

soignés par la suspension, avec 38 améliorations, 64 non

améliorés, et 5 aggravations. M. Gilles de la Tourette publia

100 cas, dont 60 améliorations et 40 sans modification. Dujar-

din-Beaumelz1 traita par la suspension 25 tabétiques; 17 amé-

liorations, et 8 sans résultats. Mendel etTeulenbourg publiè-

rent 34 cas de tabes soumis à la suspension ; 18 améliorés

et 16 non améliorés. Tiberghen a soigné par la suspension,

26 tabétiques et a obtenu 21 améliorations et 5 insuccès.

Rosenbaum publia 61 cas, dont 26 furent améliorés par la

suspension, 25 sans modification, J aggravation et 9 incer-

tains. N 1

Le professeur Benedikt, de Vienne, est, après les profes-

seurs Raymond et Erb, l'un des plus fervants partisans de

la suspension. Il se prononça pour le procédé de Bonnuzzi 2.

Pour le professeur de Vienne, l'extension par la suspension

est préférable à l'élongation sanglante, proposée par Lan-

genbuch. Il appliqua la suspension dans le traitement de

l'ataxie locomotrice, du tabes juvenil, de l'hystérie, del'ataxie

spasmodique, et dans tous ces cas il obtint des améliora-

tions très appréciables. De tous les neuropathologistes qui

s'occupaient de la suspension, le professeur Ilirth est pres-

que le seul qui eut peu de chances. De 114 tabétiques, soignés

par la suspension, cet auteur obtint 110 insuccès et 4 aggra-

vations. Il n'a constaté l'amélioration d'aucun syptômes

du tabes et a conclu que la suspension agit sur le malade

comme suggestion temporaire ; le patient s'habitue vite à

ce mode de traitement et une fois habitué, il revient à son

état primitif. Le professeur Grasset dit dans son dernier tra-

vail sur la suspension, que les insuccès de M. Ilirth doivent

être expliquées par l'impatience dont cet auteur a fait preuve

en appliquant la suspension. Et en effet, le nombre de séances

employées par M. Ilirth varia de 3 à 7, ce qui est absolument

insuffisant pour pouvoir seprononcer sur l'action d'un moyen

chronique destiné aux affections choniques. En ce qui con-

cerne le professeur Grasset, il s'est déclaré partisan de la

suspension et si elle fut délaissée, c'est parce qu'elle n'a

pas donné tout ce qu'elle a promis à son début. Strumpfle est

' M. Dujardin-Beaumetz. De la suspension chez les tabétiques. (Bul.

gén. de thérap., 1889.)

' M. Benedikt. Die Melhodç Bonnugri de;' Behancllung des Tabès,

(lVien. Medicinisch. l3lliller, 1891.)

Z'l IÉ THÉRAPEUTIQUE.

un adversaire de la suspension parce qu'elle est impuissante

à arrêter la marche de la lésion anatomo-pathologique du

tabes. Le professeur Lépine tient la suspension pour un des

moyens les plus efficaces dans le traitement des ataxiques.

Stevart est d'avis que la suspension doit être conservée

comme moyen thérapeutique par excellence dans le traite-

ment du tabes à longue évolution. Parmi les autres partisans

de la suspension, nous pouvons citer Althaus, Pierre Marie,

Bectereff, Bruns, Russel, Hamilton, Jurgensen, etc.

Malgré le nombre considérable des partisans de la suspen-

sion, celle-ci est'depuis quelque temps tombée quand même

dans l'oubli. Deux facteurs ont contribué à cette sorte d'aban-

don. Tout d'abord, ce sont les accidents mortels, occasion-

nés par la pendaison. On compte en ce moment 13 cas mor-

tels publiés et produits par le procédé de Motchoutkowski.

Celui du Dr Vincent et le Dr Vincent lui-même, mort étouffé

par la branche antérieure de la pièce mentonnière ; un cas

de Sayre ; un cas de Gorezky ; un cas de Carlo Borsari; un

cas de Forsier; trois cas de P. Blocq; un cas d'Erb; un cas de

Remak; un cas d'Erb, etc. « La plupart de ces accidents se sont t

produits à la suite de la pendaison, faite par le patient lui-

même, dit le professeur 1\1otchoutlco\Yski. Il est évident que ce

n'est pas le procédé qui est la cause de ces accidents, mais son

application vicieuse' ». Ce savant neurologiste a fait plus de

20000 suspensions et affirme ne jamais avoir eu le moindre

accident à déplorer. Néanmoins, les accidents produits par

la pendaison eurent lieu et malgré les protestations de l'inven-

teur de la suspension, répercutèrent sur le sort même de cet

agent thérapeutique. Le professeur Motchoutkowski accuse,

et non sans raison, la légèreté avec laquelle la pendaison fut

admise dès le début et répandue partout, même dans les éta-

blissements de bains. On considérait la pendaison comme un

moyen anodin, et plusieurs praticiens confièrent les mani-

pulations de lapendaison, soit à des mains inexpérimentées,

soit aux malades eux-mêmes, ce qui futl'une des principales

causes des accidents mortels publiés.

Outre les accidents mortels, la pendaison occasionna des

nombreux inconvénients, qui forcèrent la plupart de neuro-

' O. lotcloutlcowslci. Leçons sur le labes dorsalis. (11'ralch, n 28,

1S98 )

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 25

pathologistes d'abandonner son application. C'est ainsi que

plusieurs auteurs ont noté des crises laryngées, provoquées

par la pendaison, l'oedème des membres inférieurs, les four-

millements des membres supérieurs, la paralysie radiale,

l'hématurie, la polyurie, les vertiges, les vomissements, la

métrorragie, l'albuminurie, parfois l'élévation de la tempé-

rature, la cyanose, la syncope, les accès convulsifs, l'amné-

sie, la rupture vasculaire. Hammond publia un cas avec

parésie du bras, produite par la pendaison. Morton nota une

contracture spasmodique à la suite de quelques séances de

pendaison et une augmentation de l'hyperesthésie. Chez un

malade de Dujardin-Beaumetz la pendaison d'une très courte

séance provoqua une syncope avec augmentation de dou-

leurs fulgurantes. Un des malades de M. Bernhardt fut des-

cendu de l'appareil sans connaissance, avec mydriase et con-

vulsions des membres supérieurs. Chez un malade d'Erb six

séances de la pendaison occasionnèrent des vertiges, une

constrition douloureuse de la poilrine et une augmentation

de génuflexion. Hale-White constata une élévation de tex ?

pérature jusqu'à 39° C. chez un ataxique après une spance' "

de pendaison. Benedit nota une métrorragie chez une ataxique1 ..

atteinte d'un myome et soignée par la suspension. Brdns

constata chez un ataxique après cinq séances de pendaison^

la pâleur du visage, la perte des connaissances et une my-

driase très prononcée. MM. Ilausbalter et Adam citent une

paraplégie spasmodique occasionnée par l'appareil de Mot-

choutkowski ; un autre malade de ces auteurs se plaignait

de la céphalalgie et des douleurs lombaires, qui duraient

pendant deux jours après la première séance. Quelques

malades de Sydney affirmèrent d'avoir pendant la pendaison

des bourdonnements des oreilles et une forte sensation de

brûlure le long de la colonne vertébrale. Chez une de nos

malades, ataxique avérée et qui se soigne à la Salpêtrière

depuis quatre ans, la pendaison, qu'elle faisait pendant les

huit premiers mois trois fois par semaine et trois secondes

chaque séance, lui occasionna des vertiges, des étourdisse-

ments, des éblouissements et une telle faiblesse, qu'elle lui

fut impossible de se lever de sa chaise et de faire quelques

pas longtemps après la pendaison. C'est pour cette raison

qu'on ne pouvait lui prolonger les séances au delà de trois

secondes.

26 THÉRAPEUTIQUE.

Les deux causes ci-dessus citées, les deux principaux fac-

teurs, ont excité les neuropathologistes à modifier le procédé

primitif de la suspension. Plusieurs procédés ont été inventé

pour remplacer la pendaison; mais de tous ces procédés

il n'y en a que quatre qui méritent d'être étudiés en détail.

Tout le monde -sait en quoi consiste le procédé primitif,

dit procédé de Motchoutkowski, connu vulgairement sous le

nom de pendaison. C'est l'appareil de Sayre modifié légère-

ment par M. Chazal sous les indications du professeur de

Saint-Pétersbourg; il est composé d'une pièce destinée pour

la tête-pièce mentonnière et de deux pièces pour les bras-

pièces axillaires (fig. 4).

Le patient est enlevé du sol par le menton et les aisselles

au moyen d'une poulie. La durée d'une séance varie de

30" jusqu'à 5'. M. Dujardin-Beaumetz laissait à ses malades

la possibilité de toucher le sol par les pointes des pieds. Mor-

ton n'employait pas des pièces axillaires ; le patient tenait

une corde qui descendait de la poulie. Althaus employait un

trépied, dont un pied portait un engrenage, qui permettait de

relever le patient et de le descendre d'une façon graduelle et

sans secousses. Weil lllitcbel remplaçales pièces axillaires par

une paire de courroies; celles-ci embrassaient les coudes du

patient, en formant une sorte de gouttière où reposaient les

bras du malade suspendu. Lewis Ilickey releva ses patients

par la tête seule, en laissant la pointe des pieds en contact

avec le sol. Vood suspendait ses ataxiques par le thorax.

Schilling de Nuremberg suspendait ses ataxiques par la tète

quand ils étaient assis, en les soulevant légèrement de leur

siège. Le Dr Barlet releva ses malades en ajoutant des poids

supplémentaires de 1 2 kilogrammes, en cas quand le poids

propre du patient était insuffisant pour produire la traction

nécessaire. Toutes ces modifications du procédé deMotchous-

kowski ne lui ont pas enlevé son principal défaut, qui forme

pour ainsi dire le procédé même de la pendaison : sa bru-

talité d'action. La pendaison est un procédé brutal, grossier

et parfois dangereux. Elle est brutale parce qu'elle forée de

relever la personne du sol et de la suspendre en l'air. Ainsi,

le patient passe brusquement d'une position assurée dans

une position anormale sans appui certain. Cette translation

brusque lui cause des tourments, de l'angoisse, se terminant

par des accidents, allant jusqu'à l'étouffement.

Fig. 4.

2b THERAPEUTIQUE.

On a cherché à remédier à cette brutalité, causée par la

pendaison et toute une série de modifications du procédé de

Motchouskowsky l'ont complètement transformée. Les pre-

miers auteurs qui ont réalisé une véritable transformation du

procédé primitif de la suspension, sont nos distingués con-

frères, de Bordeaux les D''S Lande et Regnier 1. Ces auteurs ont

remarqué que la traction par les aisselles est plutôt gênante

qu'utile, car elle ne produit aucune extension de la moelle

épinière et si elle agit sur la colonne vertébrale, son action

est insignifiante. Quand la traction axillaire est faible; celle

de la tête devient très forte et n'est pas sans danger pour le

patient. Si, maintenant, la traction axillaire est forte, celle

de la tête devient impuissante et le résultat est médiocre. Ils

ont inventé un appareil, par lequel on ne produit qu'une

traction cervicale au moyen d'une série de poids, qu'on pose

au sur et à mesure sur un plateau, attaché à l'une des extré-

mités de la corde, qui le relie à la pièce mentonnière. La

corde traverse deux poulies, fixées au plafond. Le patient est

assis sur un banc surmonté d'une règle verticale, qui sert aux

mensurations de l'extension produite par la traction. Cette

dernière est graduelle et progressivement croissante. On

commence par une traction de 10 kilogrammes et on peut

aller jusqu'à 40 kilogrammes. La durée de la séance varie

de trois à cinq minutes. Ce procédé a donné de bons résultats

dans. le traitement des ataxiques, relatés dans la thèse de

Dupuis-Fromy. La même année, le Dr Sprimont, de Saint-

Pétersbourg proposa son appareil d'extension, dont le prin-

cipe rappelle celui du Dr Lande. L'appareil de notre confrère

pétersbourgeois, connu sous le nom de l'appareil de Sprimon-

Bechtereffet composé d'une planche verticale, qui porte à la

partie supérieure une roue, faisant office d'une poulie de

50 centimètres de diamètre. La corde qui porte l'appareil de

suspension s'enroule sur la gorge de la roue et se termine

par un réceptacle pour la série des différents poids (fig. 5).

Le malade est assis; la traction se fait avec la pièce men-

tonnière ; les coudes sont reposés dans les gouttières oléo-

craniennes. Cet appareil permet également d'obtenir une

traction graduellement croissante.

' Lande. Traitement des ataxiques par la suspension. (Journal de

Médecine de Bordeaux, n° 42, 1889.)

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 29

Ces deux derniers procédés ont un véritable avantage sur

le procédé de Motchoutkowski. Ils effraient moins le malade

et ils permettent d'obtenir la traction cervicale progressive

et graduelle avec un poids voulu. M. Ostankoff a employé

pour ses essais 1 apparei

mon. Cet auteur emplc

traction dépassant 40 li

mes. La durée de ses exl

varia de quinze à vingt

nutes.

Nous avons modifié 1

de M. Sprimon, en réuni

deux précédents procé(

un appareil qui permet

la régularité de tractior

cédé Lande et Régnier e

modité de l'appareil Spr

plus, nous avons pensé q

utile de construire un

moins embarrassant que

reils de deux confrères

cités etdonnant somme

toute les mêmes résul-

tats, que les appareils

décrits plus haut. La

figure 6 présente le

fauteuil d'extension

que nous destinons il.

remplacer les appa-

reils des auteurs cités.

Notre appareil est com-

pose de deux parties absolument distinctes : du fauteuil

proprement dit et de l'appareil de suspension. Le fauteuil,

dont le siège a 70 x 60 centimètres, est une chaise un peu

haute, munie d'un dossier vertical de 80 à 90 centimètres

de hauteur, disposé perpendiculairement au siège. Ce dossier

est destiné à remplacer le plan incliné, dont la description

sera faite un peu plus loin. La face postérieure du dossier

est munie de deux planchettes solides avec deux potelles,

placées sur le même vertical. Les potelles sont destinées

à recevoir le support de l'appareil de traction. Comme la

Fig. 5.

30 THÉRAPEUTIQUE.

photographie le montre, le support est formé de deux- por-

. 7 ? 6.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. · 31

lions, ayant la forme d'un T. La portion verticale, la plus

longue, s'engage dans les manchons et s'y fixe au moyen

des chevilles mobiles. La portion transversale est munie

de deux poulies, encadrées dans une sorte de châssis et

destinées à la corde de l'appareil de Sayre. Ce dernier

est en tissu souple et non élastique. La mentonnière est

formée de.deux branches habituellement employées, mais

garnies au milieu d'un coussinet en peau de chamois ; des*

petites courroies transversales réunissent les deux branches

de sorte que le point d'application ..e la traction passe par la

bissectrice de l'angle, formé par les deux branches de la

pièce mentonnière. Cette dernière pièce, ainsi que les deux

axillaires sont supportées par une tige en bois tourné très

léger ce qui nous permet de manipuler l'appareil sans crainte

de blesser le patient. Les deux poulies sont disposées de sorte

que la traction se fasse parallèlement à l'axe nu support ver-

tical. Pour éviter des incorrections, produites par les dépla-

cements involontaires du bassin du patient nous le fixons au

moyen d'une ceinture de pompier, faite également en sangle

non élastique et agencé pour empêcher le bassin de se dé-

placer dans n'importe quel sens. La ceinture est composée

d'une(ceinture de gymnastique, qui embrasse le bassin du

patient et de deux coulisses latérales, se terminant l'une par

une boucle et l'autre par une courroie. Lorsque la'ceinture

est fixée, le patient se met dans le fauteuil, on le fixe au siège

au moyen de la courroie et de la boucle en passant la cour-

roie au-dessous du siège du fauteuil. Ceci fait, nous appli-

quons soit la mentonnière seule, soit la mentonnière et les

deux pièces axillaires ( ? 7).

Ainsi fixé, l'appareil nous permet d'obtenir un véritable

allongement de la colonne vertébrale. L'autre extrémité de

la corde est munie d'une série de crochets, sur lesquels nous

appliquons au sur et à mesure les différents poids, ce qui

donne la possibilité de rendre la traction graduelle et pro-

gressivement accroissante.

' Le fauteuil est léger, peu encombrant ; il se décompose

facilement et se manie uvec une grande facilité. Notre fau-

teuil d'extension répond, il nous semble, au desidérata de

de tous ceux qui veulent obtenir une action réelle de la sus-

pension sur le rachis et peut-être par son intermédiaire sur

la moelle épinière. Il est certain, qu'ayant le bassin du pa-;

;3 w . THÉRAPEUTIQUE.

tient fixé par la ceinture à double coulisses, nous sommes

assuré que l'action des poids doit se répercuter sur la

colonne vertébrale. Par conséquent, tout déplacement du

point d'application de la force de traction, c'est-à-dire, la

série des poids doit correspondre à peu de chose près à

Fig. 7.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 33

l'extension du rachis. Nous commençons la traction selon les

malades par le poids de 12 kilogrammes et allons jusqu'à 25,

30 et 40 kilogrammes. La durée des séances varie de dix à

quinze minutes; quelquefois nous augmentons la durée

jusqu'à vingt minutes. Lorsque nous nous servons de la

pièce mentonnière seulement, nous commençons par 10 kilo-

grammes et dépassons rarement 25 à 30 kilogrammes.

Le troisième mode de suspension est celui qui fut proposé

en 1884, par IIégar, et modifié plus tard par Bonnuzzi et

Gilles de la Tourette. Dans ce mode de suspension on suppose

un allongement de la moelle épinière, produite par la flexion

du corps du patient vers les membres inférieurs ou par la

flexion des membres inférieurs vers le tronc du patient.

Dans le procécédé d'IIégar ou fixe les jambes dn patient

sur une table et on fléchit le corps. MM. Gilles de la Tourette

et Chipault ont imaginé un appareil, très connu sous le nom

d'appareil d'élongation,.et qui, fixant les jambes du patient,

permet d'amener son corps graduellement vers les jambes

(fig. 8). Dans son ensemble, et par son application, c'est

un appareil aussi grossier et brutal que celui de Motchout-

kowski. Ce dernier a au moins un avantage de ne pas com-

primer les viscères et de ne pas engourdir les membres infé-

rieurs du patient. De plus, l'appareil d'élongation est inutile

chez les ataxiques, atteints du relâchement des muscles,

Archives, 2. série, t. XIII. 3

34 - ' THERAPEUTIQUE.

étudiés par le professeur Leyden et tout récemment par notre

maître M. le professeur Raymond dans sa leçon sur la mé-

thode de Frenkel. Dans ce cas la flexion forcée n'a aucune

action sur la queue de cheval et son influence est nulle. Nous

soignons des ataxiques, où la flexion par l'appareil de Chipault

et Gilles de la Tourette provoqua des troubles vésicaux, des

étourdissements, de la faiblesse générale et de l'impossibilité

de se servir des membres inférieurs pendant plusieurs heures

après chaque séance.

Le procédé de Bonuzzi est moins brutal; il consiste à flé-

' chir les membres inférieurs vers le tronc, quand le patient est

couché sur un canapé (fig. 9). Le professeur Benedikt vante

beaucoup ce procédé. Blondel l'a modifié avantageusement.

Cet auteur recommande de fléchir les jambes sur les cuisses

et la tête vers les genoux, en embrassant les genoux par les

bras, et rester ainsi courbé de cinq à dix minutes. Pour mieux

fixer le malade dans cette position, M. Blondel l'attache au

moyen d'une courroie, qui embrasse le cou et les jambes

fléchies. Plus on raccourcit la courroie, plus on approche la

tête aux genoux.

Le quatrième mode de suspension est celui de la planche

inclinée, l'extension. Elle fut proposée et étudiée physiologi-

. Fig. 9. .

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 35

quement par M. Bogroff. Déjà avant cet auteur, Hamilton se

servait d'une planche inclinée pour suspendre ses malades.

Seulement il fixa ses patients à la planche par les pieds et

bascula la partie de la planche où se trouva la tête, de sorte

que ses malades furent toujours suspendus par les pieds

ayant la tête en bas. Dans cette désagréable position l'auteur

américain laissait ses patients près de dix minutes ; il prétend

avoir obtenu de bons résultats, M. Bogroff, qui entreprit

les expériences mémorables sur les modifications produites

par la suspension, lorsque le malade passe de l'horizontal au

vertical, introduit la planche inclinée comme mode de sus-

pension, la tête en haut et les pieds en bas. Les expériences

physiologiques de Bogroff sur la suspension ont rendu un

service énorme à la question de suspension. La place nous

manque pour rentrer dans les détails de ces expériences ;

nous citerons plus loin les conclusions de cet auteur.

M. Bogroff renonça aux tractions mentonnières et axil-

laires ; il les remplace par la traction oléocranienne. L'ap-

pareil de Sayre est remplacé par deux courroies en gout-

tière, placées de telle sorte sur la planche que le patient

puisse s'appuyer avec ses'coudes. Au début on met la planche

à 350, en augmentant cette inclinaison progressivement

de 5 à 10 degrés.

Dans cette position le malade peut rester une demi-heure,

une heure et plus. Il est évident que ce procédé est l'un des

plus inoffensifs.

' Notre confrère et ami le Dr Jacob de Berlin a modifié le

procédé de Bogroff comme suit : les gouttières oléocra-

niennes sont supprimées. La traction se produit par le poids du

corps du patient et par des poids supplémentaires, supportés

par une corde, qui passe la gorge d'une poulie, placée à la par-

tie;supérieure de la planche. Celle-ci a une excavation, desti-

née à loger la partie occipitale de la tête du patient. M. Jacob

emploie ce genre de suspension dans le traitement des artrites

déformantes, des myélites par compression et nullement

dans le traitement des ataxiques et d'autres maladies ner-

veuses.

Contrairement à notre confrère de Berlin, nous avons eu

1 D' Jacob. TJel'icld'iibel' die Anwendung de), phy41kcllischeit keilme-

thoden, etc. (Charité-Annales, XXIII. Jolii-m-.)

36 THÉRAPEUTIQUE.

l'idée d'appliquer la suspension avec la planche inclinée ou

l'extension pour le traitement des maladies nerveuses en

général et du tabès en particulier, en modifiant le mode

même d'extension . Nous avons supprimé, l'excavation

occipitale, en faisant notre planche plane, car l'extension

dans ce cas se comporte directement sur le rachis, y compris

sa portion cervicale. Dans les cas, où les malades présentent

un poids faible, nous appliquons des poids supplémentaires

tantûtaux pieds, tantûtàlaceintureducorps.Nous employons

parfois les pièces axillaires, de sorte que ce mode d'exten-

sion n'est autre chose que la pendaison du professeur Mot-

chouLkowski sur une planche inclinée, ce qui nous- permet

de graduer l'altitude et la traction. Les figures 10 et 11 ren-

dent mieux compte de l'ensemble du procédé. Le plan incliné

Fig. 10.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 37

formant un point de contact continuel avec le corpsdu patient

rend la suspension moins brutale et la progression, qu'on ob-

tient, grâce à la variation de l'inclinaison, permet de ne pas

effrayer le malade. Nous avons dit plus haut, que nous em-

ployons des poids supplémentaires, appliqués soit aux pieds,

soit à la ceinture du corps, quand le poids du malade n'est pas

suffisant pour produire la traction nécessaire. Ces poids

varient de 4 à 10 kilogrammes et sont disposés de sorte que

leur action se trouve dans l'axe de traction du poids du corps.

Pour appliquer les poids supplémentaires aux pieds, nous

nous servons de bandes, bourrées d'ouate et terminées par

des cordons pour attacher les poids. Lorsque nous voulons

utiliser la traction supplémentaire à la ceinture, nous em-

ployons une large bande, appliquée autour du bassin et dont

. Fig. il.

38 ' THÉRAPEUTIQUE. -

les extrémités passent entre les deux jambes. Les poids sup-

plémentaires nous permettent d'obtenir une traction égale à

celle produite par la pendaison.

La différence entre le procédé de M. Motchoutkowski et

l'extension au moyen d'une planche inclinée ainsi qu'avec

notre fauteuil d'extension ou appareil de Sprimon consiste en

ce que la traction dans le deuxième cas est progressive, métho-

dique, calculée et vérifiée. Il est vrai, que la planche inclinée

présente un inconvénient, qui n'existe point dans la pendai-

son, à savoir : la résistance produite par le contact continuel

de la planche avec le corps du patient. Mais, avec le poids

supplémentaire, et la durée plus longue d'extension on arrive

à compenser cette résistance. D'autre part, nous comptons

même avec cette résistance fonction négative - pour neu-

traliser la traction fonction positive et la modifier sui-

vant la nécessité. Le procédé par -la planche inclinée est

donc celui qui doit contribuer à conserver la suspension,

comme agent thérapeutique absolument rationnelle dans le

traitement des maladies nerveuses. Dans le procédé de Mot-

choutkowski lorsque le malade quitte le sol, la traction

acquiert d'emblée toute sa force maxima. Quelques instants

après, le poids du corps, tirant en bas, agit par une extension

forcée, saccadée et irrégulière. C'est ce qui explique l'an-

goisse éprouvée par le patient, et la courte durée qu'on est

obligé d'employer pour rendre la pendaison supportable. La

séance de la pendaison ne peut dépasser la limite de trois

minutes et assez souvent on est forcé de descendre le patient

au bout de trente secondes. « Dans la pendaison les pièces'

axillaires, comme le fait remarquer justement M. Gilles de

la Tourette, jouent le rôle de régulateurs : elles ne doivent

être ni trop courtes, ni trop longues par rapport à la pièce

mentonnière. Lorsqu'elles sont trop courtes, elles compri-

ment le plexus brachial, tirent les épaules très haut et sont

susceptibles de déterminer les engourdissements, les four-

millements, la paralysie radiale, etc. Lorsqu'elles sont très

longues - les muscles de la nuque subissent la traction,

produite par le poids du corps, et la suspension devient into-

lérable. »

Lorsque la suspension se fait au moyen du plan incliné,

les pièces axillaires accomplissent un rôle secondaire, car la

régularisation de la traction se produit par la planche même.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 39

Ceci permet d'exécuter la suspension sans se servir des pièces

axillaires. Néanmoins, nous employons les pièces axillaires

chaque fois que nous sommes en présence d'une déviation

quelconque de la colonne vertébrale ou bien, quand nous

trouvons nécessaire d'amoindrir l'effet de la traction, comme

dans le cas de neurasthénie, etc. En plaçant la planche incli-

née dans différents angles d'inclinaison, nous déplaçons pro-

gressivement le centre de traction sous différentes hauteurs,

ce qui nous permet d'éviter la traction brusque des muscles

de la nuque. Il est difficile de comprendre; comment notre

confrère, M. Bogroff, a pu obtenir de bons effets sans la trac-

tion cervicale, en se servant des gouttières oléocraniennes

seules. L'efffet produit par l'appareil cervical et par les pièces

axillaires agissant l'un sur le rachis et par son intermédiaire

sur la moelle épinière et l'autre sur la déviation de la colonne

vertébrale, est compréhensible. Dans le procédé de Bogroff la

suspension n'agit nullement sur la colonne vertébrale et, par

conséquent, son action directe sur la moelle se réduit à

zéro. Il est vrai que l'auteur a destiné son appareil pour

transformer la position horizontale en verticale et agir ainsi

sur les variations de la pression intra-rachidienne.

· Voici maintenant, comment nous procédons à la suspension

au moyen de la planche inclinée. Les photographies, publiées

plus haut nous dispensent de la description de l'appareil.

Lorsque le malade est couché sur la planche, nous lui appli-

quons l'appareil de Sayre, tel qu'il fut modifié par le profes-

seur Motchoutkwski et fabriqué par Chazal. La tête du patient

repose soit directement sur la planche, soit sur un petit cous-

sinet, placé entre les deux branches postérieures de la pièce

mentonnière. C'est un détail qui a sa valeur. M. Jacob fait

creuser une excavation plus ou moins profonde dans la plan-

che pour recevoir la tête du patient. L'occiput se trouve dans

ce cas au-dessous de la surface du plan de' la- planche, la

traction se porte principalement sur la nuque, ce qui est

contraire aux prescriptions du professeur Motchoutkowki,

qui exige, et avec raison, que la traction prenne point d'appui

sur le menton. Lorsque l'appareil de Sayre est appliqué, nous

recommandons au malade de se faire glisser aussi loin que

possible, afin de s'étendre complètement en position hori-

zontale. On tire un peu le patient par les jambes pour

l'étendre davantage. A ce moment on déclenche l'appareil et

40 , THÉRAPEUTIQUE.

on élève la portion de la planche correspondant à la tête,

jusqu'à l'angle de 30°. Pour obtenir une gradation identique

et toujours dans la même progression, on se sert d'un sup-

port, fixé par un côté à la table de l'appareil et glissant par

l'autre côté dans une crémaillère, fixée à la partie inférieure

de la planche. L'inclinaison varie selon le nombre des dents

dépassées et suivant la distance, qui séparent les unes des

autres. Nous commençons la suspension toujours par l'angle

de 30°. La durée des premières séances est de dix minutes.

Après, nous varions l'inclinaison de 50 entre les deux séances

et la durée de trois à cinq minutes. Parfois nous intercalons les

différentes inclinaisons entre deux inclinaisons identiques.

Pour habituer le patient à une hauteur de 500 nous le met-

tons d'abord pour trois minutes, ensuite pour cinq, etc. La

durée d'une séance varie de dix à vingt minutes, quinze

minutes en moyenne. Chez les obèses et les cardiaques nous ne

dépassons jamais l'angle de 35°. Chez les personnes maigres

et supportant bien l'extension nous arrivons même à l'angle

de 60° ; mais jamais à l'angle de 90". 1

Le procédé de l'extension par la planche inclinée ne nous a

jamais présenté le moindre inconvénient même chez les car-

diaques et chez les enfants. Grâce à lui la suspension se sim-

plifie considérablement. Le malade ne s'effraie point du dépla-

cement du plan incliné et s'il arrive qu'un patient commence

à s'agacer, nous lui recommandons de se soulever au moyen

des poignets, fixés à la planche. On a recours rarement à

cette manoeuvre, car la durée est relativement courte pour

pouvoir déterminer une raideur des muscles de la nuque. Le

nombre des séances ne peut être limité que par l'ensemble

des signes pathologiques à traiter. Comme pour la pendai-

son, le nombre de séances d'extension peut être prolongé aussi

loin que possible. Si quelques auteurs se sont satisfaits de faire

40 à 50 séances de pendaison, d'autres ont poussé leur pra-

tique plus loin. Ainsi, Tripier fit à un tabétique 640 suspen-

sions ; Ascher alla jusqu'à 650 séances; Gaston et Ducop, 350;

Charcot conseilla à un tabétique de faire la suspension pen-

dant trois ans, 1 000 séances; Blondel fit à un malade 1 200

séances. Chez une de nos tabétiques de la Salpêtrière, atteinte

d'une lésion mitrale, nous avons fait l'extension par la planche

inclinée pendant un an et demi et pas une seule fois nous

n'avons pu constater le moindre signe de défaillance. En

· TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 41

général, au début les séances se font tous les jours. Après

un nombre plus ou moins grand et selon que les symptômes

commencent à s'améliorer, nous faisons nos séances d'exten-

sion tous les deux jours, tous les trois jours et, enfin, deux

séances par semaine. L'extension doit se faire avant les repas

et de préférence avant le premier repas. Pour éviter le dépla-

cement brusque, produit par la descente de la planche; nous

la descendons lentement et graduellement.

Dans toutes les suspensions, que nous avons fait avec la

planche inclinée et dont le nombre dépasse 3 000, nous

n'avons jamais constaté le moindre trouble, identique à

ceux qui sont produit par la pendaison ou par l'élongation :

Le seul inconvénient à noter, c'est le tiraillement des mus-

cles de la nuque, occasionné par la traction chez les per-

sonnes obèses. Ce tiraillement disparaît souvent après deux

ou trois minutes de repos. L'innocuité du procédé nous a per-

mis d'appliquer la suspension là où la pendaison est abso-

lument contre-indiquée. Ainsi, nous avons pu suspendre

pendant plusieurs semaines un patient pesant 85 kilos, à qui

le professeur Spilmann de Nancy interdit la suspension

après une courte séance de pendaison. Nous avons déjà cité

la tabétique du service de notre maître M. Raymond, atteinte

d'une insuffisance mitrale et à qui nous avons fait l'extens

sur la planche pendant un an et demi. La malade tira

grand profit de ce traitement. Mais, voulant guérir plus \

elle s'était fait faire en cachette de nous l'élongation et la 1

daison. Ces deux derniers procédés n'ont pas tardé de prc

quer chez elle des troubles cardiaques et on fut forcé de

interdire tout traitement mécanique. Ce fait est très cara

ristique, car il montre que la malade, qui fut une ataxique

avérée et une cardiaque, supporta très bien l'extension au

. moyen de la planche inclinée pendant un an et demi et en tira

un bénéfice énorme, puisque, au bout, d'un an elle put marcher

seule, en ce moment elle fait seule ses promenades en ville.

Cette même malade vit son coeur fléchi, aussitôt qu'elle se fit

faire la pendaison et l'élongation. Nous insistons sur ce cas,

parce qu'il montre la supériorité de la suspension par la

planche inclinée sur la suspension par les procédés de

M. Motchoutkowski et de Gilles de la Tourette.

(A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

Hémorrhagie méningée spinale en dehors

de la dure-mère ;

Par A. COCHEZ,

Professeur de clinique médicale à l'École de Médecine d'Alger.

L'hémorragie méningée spinale extra- dure - mérienne

s'observe rarement chez l'adulte. J'eus pour ma part, il y a

trois ans, l'occasion d'en relever un cas qui m'intrigua fort

et que je n'osai publier, à cause de ses allures exception-

nelles. La lecture du travail de Hopkins, résumé dans un des

derniers numéros des Archives de Neurologie (n° 65, p. 407),

me détermine à relater l'histoire du malade que j'ai observé.

P... Paul-Joseph, âgé de quarante-cinq ans, né dans l'Isère,

entre à l'hôpital de Mustapha, salle Trousseau, le 23 janvier 1898.

C'est un homme de grande taille et de vigoureuse constitution

qui a fait son service militaire dans les cuirassiers. Dans la suite, il

a mené la vie à grandes guides, a fait de nombreux voyages aux

Indes, au Tonkin, etc., il était même en possession d'un bateau

qu'il a dû vendre, sa fortune ayant été compromise par ses habi-

tudes d'intempérance. 1 -

Il est depuis quelques années en Algérie, où il a continué ses

excès alcooliques. (11 prétend boire jusqu'à 15 ou 20 verres d'ab-

sinthe par jour ! ) Dans ces derniers jours, comme il était pris de

boisson, il s'égare au milieu de manifestants antisémites, est jeté

par terre et reçoit quelques horions.-

Etat actuel. P... a le facies enluminé des alcooliques, les traits

tombants; il porte sur la face une contusion reçue dans sa chute ;

sur l'épaule on voit une ecchymose de même origine, mais il ne

peut nous dire comment et quand il est tombé. Il répond, en effet,

avec la plus grande difficulté aux interrogations qui lui sont faites

et divague par moments. Il est profondément déprimé.

Crampes dans les mollets; sensibilité émoussée surtout aux

membres inférieurs. Exagération des réflexes patellaires. La marche

- HÉMORRAGIE MÉNINGÉE SPINALE. 43

laisse à désirer; le malade a peine à se tenir debout et donne

d'abord du talon; donc pas de steppage.

, Lorsqu'il est assis il éprouve de la difficulté à se lever et lorsqu'il

veut s'asseoir, il doit s'aider des bras, sinon il tomberait en arrière.

Il tourne difficilement et paraît surtout peu solide sur ses

jambes bien qu'il n'y ait pas de paralysie proprement dite. Pas de

signe de Romberg. Atrophie des masses musculaires des membres

inférieurs. P... se plaint de l'insomnie et des cauchemars. Il ne

sait pas reconnaître son lit et va se coucher dans celui du voisin.

Pas d'incontinence ni de rétention des urines et des matières

fécales. Le tremblement alcoolique est très marqué aux mains et

à la face. Du côté de l'appareil respiratoire, quelques ronchus

disséminés. La pointe du coeur bat en dedans du mamelon dans

le cinquième espace intercostal. Le premier bruit est sourd, le

second est claqué à l'aorte.

La langue est saburrale, large et tremblante, l'appétit est nul.

Pituites fréquentes. Le foie est douloureux et semble légèrement

hypertrophié. Les urines ne contiennent ni albumine ni sucre.

En présence de ces symptômes un peu vagues accompagnant

les signes cardinaux de l'alcoolisme dont nous avons d'ail-

leurs l'aveu, nous croyons qu'il s'agit d'un vulgaire éthylique

profondément intoxiqué et présentant, avec un état parétique

général, des troubles intellectuels. Les jours suivants, les

troubles intellectuels augmentent et la marche est plus difficile.

Les mains sont maladroites et P... urine dans son lit à côté de

l'urinal. '

Le 30 janvier, il se lève comme d'habitude mais s'affaisse tout

à coup sans perdre connaissance et ne peut regagner son lit

qu'avec l'aide de l'infirmier. Le lendemain nous constatons une

paraplégie complète avec incontinence d'urine et des matières.

Anesthésie des membres inférieurs et des réservoirs. L'état intel-

lectuel s'est encore obscurci.

Les jours suivants, il ne peut plus suivre une conversation et ne

prononce que quelques mots. Il a des hallucinations visuelles et

prend les arbres pour des pyramides d'hommes. Il s'éteint douce-

ment le 12 février, vingt jours après son entrée à l'hôpital et

treize jours après l'ictus.

Atatopsie.-Adipose généralisée. Foie gras et légèrement hyper-

trophié mais mou, non scléreux. Beins petits, pâles, bigarrés; se

décortiquant mal, surface chagrinée et irrégulière sans kyste. A la

coupe, substance corticale pâle et mince. Hypertrophie concen-

trique du ventricule gauche. Vaisseaux nullement athéromateux.

Le canal rachidien est rempli de sang fluide en dehors de la

dure-mère, au niveau des régions dorsale et lombaire. Le cer-

veau et la moelle paraissent normaux, sauf un peu d'infiltration

oedémateuse sous-arachnoïdienne. .

44 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

En résumé, il s'agit d'un sujet vigoureux fortement entaché

d'alcoolisme, qui, à la suite d'une chute et de coups reçus en

divers points du corps, entre à l'hôpital avec une parésie des

membres inférieurs, du tremblement, de l'amnésie et de la

torpeur cérébrale. Un jour, il s'affaisse brusquement durant

la marche, ne peut regagner seul son lit, a de l'incontinence

des réservoirs ainsi qu'une paraplégie complète avec halluci-

nations et dépression cérébrale, et s'éteint doucement treize-

jours plus tard. A l'autopsie, nous trouvons une abondante

hémorrhagie spinale en dehors de la dure-mère, un peu

d'oedème sous-arachnoïdien, un rein ayant les attributs de

la néphrite interstitielle avec un coeur de Bright.

Comment interpréter cette hémorrhagie de siège insolite ? ' !

A quelmoment s'est-elle produite ? Nous admettrions volon-

tiers que le traumatisme a été la cause déterminante de

l'hémorrhagie extra-dure-mérienne, mais que l'alcoolisme et

le mal de Bright ont certainement joué le rôle de causes pré-

disposantes. Quant à cet ictus survenu pendant le séjour à

l'hôpital et suivi de paraplégie complète, n'est-il pas dû à

une nouvelle hémorrhagie comprimant plus complètement la

moelle et, par l'obstacle apporté à la libre circulation du

liquide céphalo-rachidien, déterminant les symptômes céré-

braux qui ont progressé lentement jusqu'à la mort ? Quoi

qu'il en soit de cette interprétation, ce cas d'hémorrhagie à

siège insolite m'a paru digne d'être rapproché de l'observa-

tion analogue de Hopkins.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Un cas peu commun de méralgie 'paresthésique avec boiterie

intermittente. (Claudication intermittente Type Charcot) ;

par Alfred Gonou : v. (The New York Médical Journal, 10 no-

vembre 1900.)

Depuis environ cinq ans, l'attention des cliniciens a été attirée

sur une affection que l'on a dénommée méralgie paresthésique, et

qui est caractérisée par des troubles sensoriels de la surface

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 45

antéro-externe de la cuisse, ayant leur origine dans une altération

pathologique ou fonctionnelle du nerf cutané externe, branche du

plexus lombaire. Cette maladie, ou plutôt ce syndrome, a été

décrit presque simultanément par Bernhardt et par Roth en 1895 ;

et depuis cette époque on en a publié une centaine de cas, parmi

lesquels on est surpris de voir qu'il n'y en a qu'un très petit nombre

qui répondent exactement au type décrit parles inventeurs. Osier

dit même n'en avoir jamais rencontré un seul. Le traitement

médical n'avait donné aucun résultat ; mais Chipault, Mauclaire

et Vondsbeclc ont eu de réels succès en pratiquant la résection

d'une portion assez étendue du nerf cutané externe. L'auteur

relate avec soin l'observation détaillée d'un cas atypique de cette

affection, ayant présenté quelques particularités intéressantes, qui

sont mises en lumière dans les réflexions qu'il place à la suite de

cette observation. Ce cas, en effet, est un de ceux dans lesquels non

seulement la branche antérieure, mais encore la branche postérieure

est affectée, dans lequel aussi une ou deux branches cutanées du

nerf crural antérieur sont intéressées, et l'on voit un nouveau phé-

nomène décrit par Charcot en 1891 et par Goldflam en 1896, et

connu sous le nom de claudication intermittente. Le malade, assis,

peut librement et .sans douleur mouvoir ses jambes et ses pieds;

dès qu'il marche, ou du moins au bout de quelques minutes, les

symptômes caractéristiques apparaissent : douleurs dans les mol-

lets, devenant promptement très vives; engourdissement des

jambes, contracture des muscles, difficulté de marcher, nécessité de

s'asseoir. Puis la crise disparaît. Charcot a fort bien donné la

pathogénie du phénomène, qui est dû à l'oblitération ou à lacons-

triction des artères dans le membre affecté ; en effet, dansl'artério-

sclérose généralisée, les artères sont suffisamment pourvues de

sang à l'état de repos, mais insuffisamment à l'état d'activité; d'où

l'apparition des symptômes au moment de la marche. Dans le cas

actuel, la claudication intermittente est classiquement conforme

au type décrit par Charcot, mais étiologiquement différente, la

sténose artérielle ne se rencontrant que chez les sujets âgés à

artères athéromateuses ou syphilitiques.

Un second symptôme atypique chez le malade en question, c'est

l'envahissement du nerf crural ; est-ce par une anastomose avec le

cutané externe ? est-ce par suite d'une lésion indépendante ? l'au-

teur l'ignore, mais le fait est important, surtout quand on se résout

- à une intervention chirurgicale.

Un autre point à noter c'est l'apparition de la maladie pendant

la convalescence d'une fièvre typhoïde. On a publié des cas de ce

genre par infection typhique, mais ils sont peu nombreux ; l'au- ,

teur n'a pu en relever que quatre (deux de Bernhardt, un de

Sabrazès et un de Devic).

Enfin il y avait chez ce malade, comme dernière particularité à

46 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

noter, envahissement de la branche postérieure du nerf cutané

externe, ce qui ne s'est rencontré que dans un très petit nombre

des cas publiés.

Avant de porter un diagnostic ferme sur une forme atypique,

on a dû rechercher si l'on ne se trouvait pas en présence d'une

névrose réflexe, ou bien d'une pseudo-méralgie ; mais l'auteur après

avoir fait le diagnostic par exclusion et tenu compte de la possi-

bilité d'une méralgie réflexe ou d'une pseudo-l11éralgie est arrivé

à la conclusion qu'il s'agissait ici d'un cas de méralgie paresthé-

sique complète, affectant les deux branches du nerf cutané externe

et une ou deux branches cutanées du nerf crural antérieur, et

compliqué de claudication intermittente du type décrit par Charcot.

Il regrette que son malade ait repoussé une intervention chirur-

gicale qui, seule, lui paraissait devoir donner des résultats défini-

tivement avantageux. R. DE 111USGRnE-CLaY.

II. Un cas de syndrome de Brown-Sequard; par M. François.

- (Journ. de Neurologie, 1901, n° 13.)

Il s'agit d'un jeune homme de vingt-sept ans qui, neuf mois

après un chancre syphilitique, fut atteint subitement d'une para-

lysie de la jambe gauche avec analgésie et thermo-anesthésie au

niveau de la jambe droite, incontinence des matières, exagération

des réflexes tendineux, etc. Tous ces accidents doivent être attri-

bués, d'après l'auteur, à une compression unilatérale de la moelle

par une gomme siégeant au niveau du premier nerf lombaire.

G. DENI'.

III. Les maladies nerveuses familiales (Maladies d'évolution) ; par

le Dr LONG. (Rev. méd. de la Suisse Romande, 1901, nos 4 et 5.)

Les conclusions de ce travail peuvent être formulées de la façon

' suivante : Les maladies nerveuses, dites maladies héréditaires,

maladies familiales ou maladies d'évolution, sont réunies par des

caractères communs et forment nn groupe bien défini destiné à

prendre une importance de plus en plus grande.

Considérées chez chaque individu en particulier, elles restent

indépendantes dans leur genèse de toute influence pathogène

antérieure, elle ont un début insidieux, une marche lente et pro-

gressive. Si elles atteignent plusieurs individus dans une même

famille ou une même génération (hérédité directe, hérédité colla-

térale, hérédité par atavisme), elles obéissent aux lois de l'hérédité

similaire et l'époque de leur début, leur évolution clinique, leur

tableau symptomatique restent à peu de chose près semblables.

Elles deviennent au contraire extrêmement variables en passant

d'une famille à une autre, d'où l'impossibilité de leur reconnaître

des formes cliniques nettement définies. G. DE<'iY.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47

IV. Un cas de polynévrite motrice d'origine grippale; par M. Glu-

Rieur. (JOU1'l1. de Neurologie, 1901, n° 13.)

Un enfant de trois ans et demi fut atteint au cours d'une grippe

d'accidents comateux, puis de parésie des bras et des jambes avec

abolition des réflexes tendineux et cutanés. D'après l'auteur, cet

enfant a eu une intoxication d'origine grippale qui a porté d'abord

son action sur le cerveau et ensuite sur les nerfs périphériques.

G. D.

V. Un cas de polynévrite d'origine diphtérique; par M. GLO-

RIEUX. (jours. de Neurologie, 1901, n° 13.) .

Il s'agit d'un homme de quarante-cinq ans qui, un mois environ

après une angine diphtérique, fut atteint d'une faiblesse des

quatre membres, avec abolition de tous les réflexes tendineux,

exagération de l'excitabilité idio-musculaire et absence presque

complète de troubles de la sensibilité. G. D.

VI. OEdème scléreux de la peau; par VERRIEST. (jours. de Neurolo-

gie, 1900, n° 25.)

Il s'agit d'une femme de quarante ans, non syphilitique, qui

était atteinte d'un oedème scléreux de la peau du cou, du thorax

et des membres supérieurs, et qui fut très améliorée par le traite-

ment thyroïdien et l'iodure de potassium. G. D.

VII. Un nouveau cas d'hypokinésie asthénique ou syndrome d'Erb;

. par les Drs de Bucx et BROECKAERT. (Bull. de la Soc. de Méd.

mentale de Belgique, décembre 1901).

Il s'agit d'une femme de trente ans qui, à la suite d'un allaite-

ment l'ayant beaucoup affaiblie, commença à éprouver de la diffi-

culté à parler, puis de la gêne et de la fatigue respiratoires. Cette

sensation de fatigue, d'épuisement, envahit peu à peu tous les

muscles du corps y compris ceux des yeux, qui conservèrent cepen-

dant toujours leur volume normal.

On ne constata chez cette femme aucun stigmate d'hystérie ni de

neurasthénie; il est vrai 'qu'on ne constata pas davantage la réac-

tion myosthénique de Jolies. Il n'existait pas non plus de troubles

de la sensibilité ; les réflexes étaient normaux ainsi que les sphinc-

ters et les facultés intellectuelles restèrent toujours intactes. G. D.

VIII. Paralysie faciale double d'origine périphérique ; par

M. Decroly. (Journ. de Neurologie, 1900, n° 22.)

Les principaux signes qui ont permis. d'affirmer chez le malade

48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dont l'observation fait l'objet de ce travail qu'il s'agissait bien d'une

paralysie faciale périphérique étaient : 1° la participation du facial

supérieur; 2° le début de l'affection d'abord d'un côté,-puis de

l'autre, sans aucun signe de congestion ni d'hémorhagie cérébrales ;

3° l'abolition du réflexe palpébral ; 4° l'abolition du goût et des

troubles de la salivation ; GO l'existence de douleurs névralgiques

dans le domaine dû nerf occipital. L'auteur présume d'après ces

symptômes que la lésion siégeait entre l'émergence du nervus sta-

pedius et la corde du tympan et qu'elle était d'origine rhumatis-

male. G. D.

IX. Un cas de cécité verbale pure ; par le Dr Rapin. (Rev. Méd. de

la Suisse Romande, 1900, n° 12.)

Il s'agit d'un malade qui à la suite d'une attaque d'apoplexie

fut atteint d'une hémiplégie du côté droit, accompagnée de para-

phasie puis de cécité verbale pure sans agraphie, avec intégrité de

l'écriture spontanée et sous dictée. Bien qu'il n'y ait pas eu d'au-

topsie, l'auteur croit pouvoir rattacher cette cécité verbale à une

lésion située entre le pli courbe et les centres corticaux de la

mémoire visuelle commune (Dejerine). " G. D.

X. État des réflexes dans la polynévrite; par M. DECROLY. (jours.

de Neurologie, 1901, n° 11.)

II s'agit d'un jeune homme de dix-neuf ans, atteint de tubercu-

lose pulmonaire, qui fut pris de faiblesse des membres inférieurs

avec douleurs au niveau des creux poplités et des mollets s'ac-

centuant par la pression des points de Valleix. Les réflexes ten-

dineux étaient différemment modifiés : l'achilléen était forte-

ment diminué à gauche et aboli à droite, tandis que le rotulien

était notablement exagéré des deux côtés.

L'auteur attribue ces accidents à des lésions nerveuses détermi-

nées par la toxine tuberculeuse : quant à l'exagération des réflexes

patellaires, il croit qu'elle peut être mise sur le compte de l'affai-

blissement des fléchisseurs de la cuisse, antagonistes des exten-

seurs chargés de répondre au choc imprimé au tendon rotulien.

- G. Deny.

XI. Gigantisme, acromégalie et diabète; par ACIiAaD et LOEpER.

(Nouv. Iconogr. delà Salpêtrière, n° 4, 1900.)

Développement, chez le même sujet, du gigantisme à la période

de croissance et de l'acromégalie après la période de croissance,

avec manifestations diabétiques pendant l'évolution des deux

symptômes pathologiques. R. C.

.REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

XII. Un cas rare d'ostéo-arthropathie; par G. GASnE. (Nouv. Iconogr.

de la Sal¡J/ ! t1'ièl'e, n° 4, i 900.) . z

Affection singulière caractérisée par la fonte relativement rapide

(en 18 mois), de tous les os du carpe et de l'altération des os voi-

sins, d'un seul côté (gauche) et pour laquelle il n'est permis d'éta-

blir aucune hypothèse étiologique ou pathogénique, à moins qu'il

ne s'agisse d'une manifestation précoce et isolée d'un tabes encore

latent. R. C.

XIII. Les ostéo-arthropathies vertébrales dans le tabes; par Jean

ABADIE. (Nouv. lconogr. de la Salpêtriere, n° 5, 1900.)

Travail appuyé sur la bibliographie complète et jusqu'à ce jour

peu fournie des ostéoarthropathies vertébrales d'origine nerveuse

et sur 14 observations dont 4 personnelles, avec 3 autopsies. L'en-

semble de ces observations détaillées conduit l'auteur à une des-

cription complète de l'affection : les déformations vertébrales

s'accusent progressivement depuis la région cervicale, où elles sont

presque inappréciables jusqu'à la région lombaire, où elles attei-

gnent leur maximum sous les deux formes, atrophique et hyper-

trophique. Le processus atrophique se localise sur une ou deux

vertèbres au plus, qui sont comme écrasées et se transforment en

coin dont le tissu est rodé, par eux. Les vertèbres voisines subis-

sent, comme par compensation, le processus hypertrophique et

des ostéophytes plus ou moins considérables viennent combler les

vides et rétablir plus ou moins l'équilibre. Les unes comme les

autres présentent des lésions d'ostéo-porose. L'étiologie particu-

lière à cette manifestation tabétique est assez incertaine. A noter

cependant que, dans la majorité des cas, il s'agissait de tabes plu-

tôt moteur que sensitif. De ces observations, ne se dégagent point

d'éléments nouveaux, au point de vue. de l'explication pathogé-

nique' de ces arthropathies et les hypothèses restent ouvertes

entre ceux qui incriminent une lésion des cornes antérieures de

la moelle (Charcot), où la névrite périphérique (Westphal, Pitres,

etc.). Pour ce qui concerne la pathogénie évolutive de la lésion

elle-même, l'auteur ne peut également poser qu'une hypothèse ;

elle serait la conséquence de la répétition professionnelle ou acci-

dentelle de l'acte vertébral, agissant physiologiquement et patho-

logiquement sur la partie la plus active du rachis avec l'appoint

de la névrite du plexus lombo-sacré, la plus fréquente dans le tabes.

Cette complication vertébrale s'impose pour le diagnostic et ne

complique le pronostic général du tabes que par les compressions

viscérales qu'elle est susceptible de produire. Le traitement ortho-

pédique appliqué par Kronig parait le seul indiqué, encore faut-il

que le patient jouisse encore de la faculté de marcher. R. C.

Archives, 2' série, t. XIII. 4

HO 0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XIV. Tabes trophique, arthropathies, radiographie; par Dcphé et

Devaux. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n" 5, 1900.)

Cas de tabes inférieur sensilivo-trophique à localisations articu-

laires (genoux) et périarticulaires fibreuses et à évolution lente.

Les auteurs pensent que la radiographie permettra de multiplier

les observations de ce genre et de distinguer, à côté de l'ostéoar-

thropathie tabétique classique, un type anatomique à lésions plus

fibreuses qu'osseuses qui pourra être dénommé « périarthropathie

tabétique. » R. C.

XV. Un cas d'amyotrophie progressive dite « Essentielle » ; par

Adadie et DENoyÈs. (Nouv. Iconogr. de la Salyclricre, n° 4, 1900.)

Dans l'absence de certains signes importants considérés comme

caractéristiques des différentes formes d'amyotrophies essentielles

classées jusqu'à ce jour, les auteurs voient une nouvelle confirma-

tion de cette opinion que les formes intermédiaires de cette affec-

tion sont fréquentes et variées et qu'il n'est pas légitime d'adopter

à l'heure actuelle une classification simplement arbitraire. Le cas

en question présente de l'atrophie progressive débutant dans le

tout jeune âge aux membres inférieurs et s'étendant successive-

ment au thorax et aux membres supérieurs, avec réaction de

dégénérescence et stigmates de dégénérescence, mais il ne pré-

sente ni caractère familial, ni contractures fibrillaires, ni troubles

vaso-moteur, ni paralysie avec ataxie, ni troubles oculo-moteurs,

ni troubles de la sensibilité ; il ne représente donc ni une paralysie

pseudo-hypertrophique, ni un type d'amyotrophie Charcot-Marie

ou Bosc ou Déjerine, ni un type d'amyotrophie neurotique de

Iloffmann ou myélopathique Werding ; c'est un cas atypique

différent de ceux qui ont été déjà décrits et que les auteurs placent

en « situation d'attente ». R. C.

XVI. Un cas de paralysie bulbaire supérieure chronique ; par H UDO-

VERNIG. (Nouv. Iconogr. de 1(t n° 5, 1900.)

L'auteur se défend de présenter un cas très rare : la polioencé-

phalite supérieure chronique, lésion isolée des noyaux des troisième

et septième paires n'étant pas en effet une affection nouvelle, mais

son observation est intéressante par l'apparition unilatérale de la

paralysie et la longue durée (6 ans) de son installation sans com-

plication d'aucune autre maladie. R. C.

XVII. Hystérie et goitre exophtalmique alternes ; par FMÉ. (Nouv.

Iconogr. de la Salpétrière, n° 5, 1900.)

Observation intéressante au point de \ue clinique « non seule-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE 51

ment par la localisation alterne des deux syndromes : hystérie à

gauche, basédowisme à droite, mais aussi par la bénignité de l'évo-

lution du syndrome basedowien. »

XVIII. De 1 hémiplégie traumatique; par René Martial. (Nouv.

Iconogr. de la Salpêtrière, 1900, n° 5.)

Revue détaillée de 47 observations, dont quelques-unes person-.

nelles, de paralysie causée primitivement ou secondairement par

des traumatismes variés du crâne. Question déjà ancienne et que

l'auteur ne prétend point éclairer de lueurs nouvelles. Il lui a

seulement paru intéressant et très justement de rassembler

toutes les observations connues sur ce sujet, d'y ajouter quelques

recherches expérimentales ingénieuses en vue de localiser le siège

cérébral des lésions et de présenter réunies les quelques considé-

rations générales au point de vue clinique, étiologique, médico-

légal, qui se trouvent éparses dans la littérature médicale. R. C.

XIX. De l'anesthésie hystérique ; par BERllEIM.

(Revue de Médecine, 1901.)

Des observations recueillies par l'auteur il résulterait que l'anes-

thésie hystérique n'est ordinairement qu'une anesthésie auto-

suggérée ; les faits observés montrent que chez le même sujet on

ne peut jamais la localiser d'une façon précise. Il peut au début de

l'affection exister une anesthésie réelle sans suggestion préalable,

mais c'est la suggestion qui l'entretient et la modifie dans la suite.

Des expériences ont montré que les anesthésies suggérées don-

nent en réalité lieu à une perception qui peut être ramenée dans

le domaine de la conscience par une nouvelle suggestion. Dans ce

cas il y a probablement perception puis neutralisation immé-

diate, c'est-à-dire une sorte d'illusion négative.

L'auteur croit pouvoir conclure que l'anesthésie hystérique est

purement psychique. M. HAMEL.

XX. Étude sur la localisation des symptômes dans la chorée de

Sydenham; par ODDO. (Revue de Médecine, janvier-février 1901.)

L'anatomie pathologique de la chorée est encore très obscure et

n'a encore pu être localisée ; la clinique reste en attendant le meil-

leur moyen d'investigation ; l'auteur a observé 144 cas de cho-

réiques depuis six ans, au dispensaire de Marseille. Le principal

objet de cette étude a été la localisation des mouvements choréiques

Elle l'a amené à constater que la généralisation d'emblée des mouve-

ments choréiques est l'exception. Quand on observe l'affection à son

début, on voit qu'elle envahit d'ordinaire les membres d'uncôté, avant

52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

de se propager. A la période d'état, la maladie peut se présenter sous

diverses formes : hémichorée, généralisation avec prédominance

hémilatérale et généralisation symétrique. L'hémichorée n'est pas

très fréquente lorsqu'elle s'établit; sa localisation reste d'ordinaire

plus fixe que dans les autres formes. La généralisation avec prédo-

minance hémilatérale est le type le plus habituel. Elle n'a aucune

préférence marquée pour un côté ou l'autre et passe quelquefois

de l'un à l'autre, prenant ainsi une forme alternante, ce qui fait

penser à l'auteur qu'il y a dans ce cas deux hémichorées pouvant

chacune varier dans leur intensité. -

Ces cas de généralisation symétrique sont souvent au début, des

cas à prédominance hémilatérale qui se généralise secondairement.

Il y aurait alors deux hémichorées juxtaposées et d'égale intensité.

Les cas de généralisation d'embjée sont assez rares et sont d'ordi-

naire caractéristiques de formes graves.

Les amyosthénies dans la chorée peuvent varier d'intensité,

depuis un faible affaiblissement musculaire (chorée molle) jus-

qu'à une généralisation totale. Les amyosthénies comme les mou-

vements choréiques revêtent divers modes qui correspondent avec

les troubles choréiques correspondants : hémiplégie choréique,

affaiblissement musculaire avec prédominance hémilatérale, affai-

blissement musculaire généralisé.

Les troubles de la sensibilité sont très variables ; les uns dans

leur localisation sont sans aucune relation avec les mouvements

choréiques (algies parachoréiques), les autres se superposent aux

troubles moteurs (algies juxtachoréiques); ce sont surtout des myal-

gies, des arthralhies, des crampes dans les membres, des fourmille-

ments des extrémités, ordinairement localisés dans les membres

qui sont le siège des mouvements choréiques.

Suit une étude très complète sur l'état des réflexes dans la

chorée. Les réflexes peuvent donner lieu à des mouvements con-

tradictoires (réflexe' paradoxal). Quelquefois ils peuvent être nor-

maux ou exagérés ; le cas le plus fréquent est la suppression bila-

térale ; ou bien suppression d'un côté et diminution de l'autre.

- .Il y a d'ailleurs dans la chorée une indépendance relative des

troubles des réflexes, qui ne correspondent pas comme localisation

avec les troubles choréiques. M. H.

- XXI. Étiologie du vitiligo; par Gaucher. (Revue de médecine,

décembre 1900.)

Dans huit cas observés, il y eut constamment rapport azoturique

faible et diminution de l'urée. Le vitiligo semblerait dû à une

anto-intoxication, le poison morbide agissant par l'intermédiaire

des nerfs cutanés. M. H.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53,

XXII. Crises gastriques et syringomyélie; par PARELY. (Revue de

médecine, décembre 1900.)

Dans l'observation présentée, les crises gastriques ont en même

temps que des douleurs fulgurantes marqué le début de l'affection.

M. H.

XXIII. Formes frustes de sclérose en plaques à début mono ou

hémiplégique avec amyotrophie ; par Glorieux. (Policlinique de

Bruxelles, décembre 1899.) . M. H.

XXIV. Un cas de sclérose cérébro-spinale multiple de forme anato-

mique spéciale avec antécédents héréditaires fortement tarés ;

par les Drs lirwin-H. Effet Theophil ILINGIANN. (The American

Journal of lnsanity, 1900, p. 431-442.)

L'observation est rapportée très en détail, tant au point de vue

clinique qu'au point de vue anatomo-pathologique (5 figures la

sclérose s'étendant à toute l'étendue du faisceau pyramidal avec

atrophie des cellules ganglionnaires; sans lésion vasculaire). Il y a

deux points principaux. sur lesquels les auteurs appellent l'atten-

tion : 1° l'existence de la tare héréditaire que Mendel, Strümpell

et Sachs reconnaissent comme cause à la sclérose multiple ;

2° l'existence dans leur cas d'une cause adjuvante, auto-intoxica-

tion par constipation existant dès l'enfance, du fait d'une bride

mésentérique. ' ' SIMON.

XXV. Les névroses traumatiques pures, conférences faites à la

policlinique; par Glorieux. (Policlinique de Bruxelles, nos 10 et

14, 1900. A suivre.)

XXVI. Névrite optique et lactation; par Pallemaerts. (Policli-

, nique de Bruxelles, 1900.)

Névrite chez une personne de vingt-trois ans, survenue deux mois

après l'allaitement ayant déterminé en quelques jours une cécité

presque complète et qui céda par le sevrage et un traitement ioduré.

XXVII. Paralysie faciale double d'origine périphérique ; par

DECROBY. (Policlinique, août 1900.) .

Affection survenue assez rapidement sans cause connue chez un

homme à antécédents névropathiques héréditaires. Les troubles

moteurs furent précédés de troubles de la salivation et de la gus-

tation. L'auteur croit à une paralysie rhumatismale ou a frigore,

dont la lésion siégerait au-dessus du niveau d'émergence de la

.corde du tympan. ,

54 -il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXVIII. Polynévrite tuberculeuse motrice; par Glorieux. (Poli-

clinique de Bruxelles, janvier 1900.)

Affection s'étant développée chez un sujet atteint d'une tubercu-

lose pulmonaire en voie d'amélioration. L'auteurpose le diagnostic

de polynévrite tuberculeuse par élimination de toute autre

cause.

Les troubles moteurs portaient surtout sur les muscles des

jambes, des pieds et des éminences thénars, avec intégrité de la

sensibilité. M. il.

XXIX. Du tabes dorsal; par Cii. DAUA. (New-Yol ? Médical Record,

18 novembre 1899.)

Revue de pathologie, diagnostic et traitement.

L'auteur insiste sur la méthode thérapeutique de Frankel. Son

étude est une synthèse des études antérieures de Spiller. (Internat

Magasin-Isnir, 7); Redlich (97) ; Ch. Philippe (Contribution à l'étude

du tabes, Paris, 1897); Golscheider (d° Leipzig, 1898); et Jacobi

(Deutsch med. Woch., 1898, 8, 9, 10). Il rappelle aussi les articles

de Starr, Patrick et Bonard (N.-Y. Med. journal, février 1897 et

Med. Record, 1897). A signaler dans le même numéro une étude

de Punton sur la pathogénie et prophylaxie des affections nerveuses

et dans le numéro précédent du 14 octobre 1899, une monographie

sur les crises gastriques du tabes par S. Basch. A. M.

XXX. Paralysie poste anesthésique; par LECZINSKY (net- 1'01'" Aledi-

cal Record, 21 octobre 1899.)

L'auteur nie les paralysies dues à l'anesthésie généralisée par

les agents ordinaires (chloroforme, éther, etc.)

Il les fait rentrer dans les paralysies périphériques accidentelles

dues à des compressions au cours de l'opération, telles que atti-

tudes vicieuses, extension forcée et continue des membres frois-

sant le plexus, rotation exagérée de la tête, etc. La question a son

importance médico-légale pour la responsabilité des opérateurs.

A. M.

XXXI. Spondylose trizomélique ; par Ch.-L. DANA (New- York Medi-

. C(t<.fYcMM,25 novembre 1899.)

Après un historique assez complet de la question, l'auteur rap-

porte trois observations relatives à des malades hommes de'qua-

rante-quatre, cinquante-deux et trente-six ans. L'auteur conclut

pour ces faits que la spondylose thygométique était une forme

d'arthrite déformante. L'étiologie, la symptomatologie etl'évolu-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55

tion sont celles de l'arthritisme. Betcherew a relevé des cas sem-

blables à côté d'autres qu'il rapporte à la méningite spécifique.

A. M.

XXXII. Diabète bronzé; par H. 13ERG. (Neio- York Médical Record,

10 décembre 1899.)

C'est la relation d'un cas de diabète sucré combiné à la maladie

de Basedow. Une figure accompagne le texte. L'auteur développe

une hypothèse sur la pathogénie réflexe du diabète avec schéma à

l'appui. A. M.

XXXIII. Astasie et abasie; par V. OTZ Y );SQUERDO. (Revista de

1 31ed. y cÏ1'llgia pract., n° 675.)

Il s'agit d'un cas datant de deux ans, cas rebelle et de diagnostic

difficile pour lequel dix-huit médecins furent successive ent con-

sultés et toute la thérapeutique courante épuisée. L'auteur se

refusa pourtant à employer l'hypnose, dont les effets fugaces ne

compensent pas les inconvénients et qu'il ne considérait pas comme

indispensable en l'espèce. La malade a, en effet, guéri grâce à un

entraînement psychique et physique progressif ayant duré un

temps suffisamment long. Une angine fébrile amena une récidive

au milieu de ce traitement, mais elle ne fit que retarder l'heureuse

issue. En somme, dans les cas de moyenne intensité comme celui-

ci, si le médecin est suffisamment assidu et'persévérant, s'il a su

gagner un certain ascendant et la confiance du patient, il arrive à

un résultat beaucoup plus certain et plus stable par cette sugges-

tion lente à l'état de veille que par le sommeil hypnotique, dont

elle n'a pas les défauts. F. Boissier.

XXXIV. Syndrome de Benedikt; par Bonafonte. (Revisla de Med.

y cir. tract., ils 652.)

Il s'agit d'une jeune fille qui présenta d'abord une céphalée

intense, continue et rebelle, avec aboulie profonde avec seulement

une déviation latérale gauche de la langue. On crut à de l'hystérie,

mais sous les douches se produisit régulièrement une hémiplégie

accompagnée de tremblement puis de ptosis de la paupière droite.

Accidents transitoires qui devinrent permanents avec strabisme en

plus quand se montrèrent divers signes d'infection tuberculeuse.

M. Bonafonte diagnostica la présence d'un tubercule solitaire

comprimant le pédoncule cérébral droit et le haut de la protubé-

rance avec le moteur oculaire commun du même côté. L'autopsie

confirma ces prévisions. D'autres tubercules occupaient divers

points de l'encéphale et n'avaient donné pendant la vie que des

symptômes relativement peu marqués. F. Boissier.

56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXV. Revue sur la chorée chronique progressive avec relation

d'un cas; par Clarence-A. Goop. (The American journal of Insa-

nily,'4900, p. 21 à 37.)

L'auteur fait une' revue complète des études cliniques et des

recherches anatomo-pathologiques sur la chorée héréditaire d'Hun-

tington, définie par quatre caractères; elle est héréditaire, com-

mence en général avec l'âge mûr, est inéluctable et s'accompagne

souvent de troubles mentaux, en particulier de démence dans la

dernière période.

Il termine par la description détaillée du système nerveux d'un

cas qu'il a étudié. Les lésions les plus manifestes sont'macrosco-

piquement l'atrophie des circonvolutions frontales, pariétales et

temporales, microscopiquement la dégénérescence graisseuse des

petites cellules de l'écorce, en particulier des cellules pyramidales.

Le système vasculaire et le tissu de soutien sont peu modifiés.

SmoN.

XXXVI. Épilepsie, rachitisme et constitution lympathique ; par

A.-C. Oiilmacher. (The american Journal of Insanity, 1900, p. 581-

587.) . 1

L'auteur expose le résultat de trois ans de recherches, faites au

milieu de 800 à 1 000 épilepiques, et avec toutes facilités pour les

examens post mortem. Il insiste surtout sur la genèse de ses

idées : trois étapes : 1° de la constatation de ia persistance du

thymus aux autopsies d'épileptiques à la constitution lymphatique;

2° de la constitution lymphatique' à la laryngite striduleuse, à la

tétanie et à l'éclampsie infantile; 3° de ces névroses au rachitisme

comme dyscrasie fondamentale. Donc, connexion entre l'épilepsie

idiopathique et le rachitisme. L'auteur s'appuie en outre sur

l'autorité de Gowers; et conclut comme lui : le rachitisme peut être

prévenu par une hygiène convenable de l'enfance, un grand nombre

de cas d'épilepsie pourraient donc également être prévenus : d'où

l'importance de cette notion que le rachitisme est un puissant fac-

teur pathogénique de l'épilepsie essentielle. SIMOUN.

XXXVII. Revue critique semestrielle des travaux parus sur l'épi-

lepsie ; par Pierce CL,aeE. (The American Journal of Insanity,

- 1900, p. 709-719.) -

- Revue des travaux de Hering, Bischoff (anatomie pathologique) ;

Weber, Joffroy, Jones et Clinch, Futcher, Deutsch, Nawratski et

Arndt (étiologie) ; Olivier, Rowalewski (symptomatologie), etc. La

conclusion porte surtout sur, la thérapeutique : les bromures à

doses croissantes paraissent moins employés; le traitement hygié-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 57

nique se généralise; on tend à abandonner tout à fait le traitement

chirurgical par incapacité d'atteindre ainsi la lésion réelle; un mot

enfin en faveur des colonies d'épileptiques. SIMON.

XXXVIII. La migraine et ses relations avec l'épilepsie et l'hystérie ;

par Krafft Ebing (traduction W.-Alfred-M. Corn). (The Alienist

and Neurologist, octobre 1899, p. 586-610.)

La migraine présente des types cliniques extrêmement divers,

sans doute à cause de la diversité de son étiologie. Le traitement

en est sans doute aussi d'autant plus efficace que sa pathologie est

mieux comprise. 4

Névrose dégénérative presque exclusivement héréditaire, elle a

été l'objet de monographies de Lieving etMobius : période prodro-

mique; malaise, mal de tête unilatéral; hyperesthésie optique

et acoutisque, nausée et même vomissements, anorexie, cessation

de l'accès après sommeil, face pâle pendant l'attaque, sont ses

principaux symptômes; accessoirement : obscurcissement de la

vue et scotome, hypéresthésie olfactive, bourdonnements d'oreille,

vaso-constriction des extrémités (mains et pieds). Une grande

variété, la migraine ophtalmique.

Mais'à côté de la migraine essentielle, migraines symptomati-

ques, généralement tardives et de mauvais augure quand il y a

coïncidence d'hémiparesthésie. Le principal signe de migraine

essentielle est la tare héréditaire. Mais les accès de migraine sont-

ils sans relation avec d'autres névroses ?

I. Epilepsie. 'Déjerine les rapproche par l'hérédité; Gowers,

du fait de leurs transformations de l'une en l'autre; Mobius trace

un parallèle de leurs formes cliniques; Fère en fait deux équivalents.

Tous les cas cités à l'appui de cette opinion sont des cas de mi-

graine ophtalmique. Tous troubles sensoriels de nature jackson-

nienne peuvent d'ailleurs avoir une signification analogue.

9 observations sont alors données par K. Ebing, dans lesquelles

les attaques d'épilepsie arrivent en même temps que les attaques

d'hémicranie, jamais indépendamment d'elles, et qui démon-

trent bien la connexion clinique en même temps qu'elles laissent

à penser combien les changements cérébraux épileptiques et

migraineux sont étroitement liés.

Dans 6 autres cas, symptômes migraineux et épileptiques sont

dissociés quant au moment de leur apparition, mais unis clinique-

ment par des symptômes oculaires communs et qui peuvent être

envisagés comme leur aura.

L'auteur en arrive ainsi à formuler les conclusions suivantes

comme corollaires des observations qui précèdent et points de

vue pour recherches futures :

1° Il y a des migraines différemment qualifiées quant au diag-

S8 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nostic et au pronostic. Deux variétés de migraine peuvent s'obser-

ver chez le même individu; 2° l'hémicranie peut avoir un sens

symptomatique aussi bien dans les maladies organiques du cer-

veau que dans les névroses (épilepsie); 3° la migraine ophtalmique

et celle accompagnée de phénomènes sensoriels jacksoniens sont

très souvent symptomatiques, et presque certainement quand

l'hémicranie est acquise (non héritée) et tardive; 4° la liaison

clinique avec l'épilepsie paraît exclusivement concerner les catégo-

ries citées et rien ne prouve qu'une migraine simple puisse jouer

un tel rôle.

5° Le signe externe de l'homogénéité clinique de la migraine et

de l'épilepsie est principalement une commune auia visuelle, qui

peut se présenter comme une couleur rouge. Cette commune aura

visuelle est des plus digne d'être notée. - Si les conditions de sa

manifestation étaient bien connues, il serait rendu facile de voir

clair dans l'homogénéité clinique des deux types neurotiques.

Il ne peut être douteux que cette aura visuelle est un symptôme

d'une entité clinique. Il est possible que des phénomènes senso-

riels jacksoniens, en tant qu'aura sensorielle, puissent remplacer

l'optique. Comment, par exemple, cette aura (optique, et à la

rigueur sensorielle) acquiert des relations avec les changements

permanents cérébraux que nous devons supposer tant pour l'hémi-

cranie que pour l'épilepsie, cela reste très vague. - ...

6° L'aura visuelle peut survenir sporadiquement (attaque avor-

tée)... Une névrose ne peut être regardée comme l'agent provoca-

teur de l'autre; elles sont plutôt équivalentes entre elles, et devant

être rapportées à un commun changement cérébral différent d'in-

tensité et d'étendue.

7° L'épilepsie (migraineuse) et la migraine (épileptiforme) peu-

vent se remplacer l'une l'autre... ; 8° Quand migraine et épilepsie

sont cliniquement unies, cette dernière apparaît sous les formes

suivantes : phénomènes sensoriels jacksoniens, attaques psychi-

ques post-épileptiques, attaques classiques, équivalent psychique.

9° La migraine ophtalmique est toujours suspecte de significa-

tion épileptique ? 10° la migraine a besoin d'une thérapeutique

en rapport avec ses formes étiologiques. La migraine cliniquement

liée à l'épilepsie bénéficie d'un traitement anti-épileptique. Bro-

mure et antipyrine lui sont spécialement utiles.

II. Plus grandes sont les difficultés rencontrées pour établir les

relations entre la migraine et l'hystérie. Eu égard à la fréquence

des deux névroses, principalement chez les femmes, qu'une coïn-

cidence puisse exister, est généralement admis. Et de même la

coïncidence dans le temps n'est pas étrange, une même émotion

pouvant provoquer les deux. Charcot, Babinski et d'autres sou-

tiennent entre elles une connexion plus étroite.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59

La migraine ophtalmique pourrait être l'aura d'une attaque hys-

térique ou l'équivalent de telles attaques. Il est curieux cependant

que, jusqu'en 1891, 13 cas de ce genre soient seulement cités, et

encore restent-ils passibles d'objections.

Chez les hystériques, des excitants psychiques et mécaniques

peuvent exceptionnellement produire une migraine; une attaque

de migraine peut, d'autre part, provoquer une crise d'hystérie,

l'hypéresthésie hémicranienne devenant une zone spasmogénique

comme d'autres névralgies peuvent le faire. Mais de là à pouvoir

interpréter l'attaque de migraine comme un syndrome ou l'équi-

valent d'une crise d'hystérie, il y a loin, et K. EBLNG n'en con-

nait pas d'exemple dans sa pratique. Simon.

XXXIX. La variation du type de l'ataxie générale paralytique;

par C.-H. HUGHES. (The alienist and neurologiste, juillet 1899,

p. 383 à 389.) 1

Le type actuel de diphtérie, tel que nous observons actuellement

cette maladie, est un type dérivé de celui de Bretonneau et de la

diphtérite de la première partie du siècle, mais n'est pas lui. De

même, selon Mendel, l'ataxie actuelle contraste avec les caractères

qui lui étaient attribués par les anciens aliénistes. Il note en effet

un progrès marqué dans la proportion des cas de démence et des

rémissions temporaires, plus fréquentes qu'autrefois... Nous faisons

aujourd'hui, dit-il, notre diagnostic par l'immobilité pupillaire,

l'altération du réflexe rotulien, l'analgésie des jambes, les change-

ments de la parole et de l'écriture. Nous pensons que le mal va rapi-

dement évoluer. Mais voilà au contraire que les symptômes restent

stationnaires, et le mot progressif, présumé caractéristique de la

maladie, est mal placé.

11 note aussi l'apparition de la maladie dans le sexe féminin

(4 hommes, pour-1 femme) tandis que depuis quarante ans, les

auteurs la déclaraient particulière aux hommes et son.apparition

récente chez les enfants, alors qu'on la regardait, il n'y a pas long-

temps encore comme une maladie de l'âge mûr... ce qui le porte

à incriminer la syphilis héréditaire. La syphilis serait d'ailleurs le

facteur causal pour au moins les trois quarts des cas. Il blâme

enfin la civilisation moderne et sa vie à haute pression, et le fémi-

nisme.

Peut-être aussi est-ce un trait nouveau que la reconnaissance

par le patient qu'il y a quelque chose de gàté en lui et qui le fait

réclamer l'assistance médicale. La mélancolie se rencontre plus'

souvent aussi à côté des idées de grandeur, et la sensation de

« bonhomie » fait place à une sorte d'attente confiante que les

choses iront bien, tandis que le sentiment d'avoir la tête malade

conduit le sujet à une hypocondrie passagère.

60 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

.. On retrouve ces caractères dans une observation de Hughes.

Il se demande enfin comment nous pouvons comprendre ces

changements'et la fréquence actuelle de cette maladie, et accuse

principalement la civilisation, les ambitions, les affaires, l'intem-

pérance, les veilles qui empêchent la récupération naturelle des

forces pendant la nuit, etc., etc. - SIMON.

XL. Un cas de syndrome d'Erb. (Paralysie bulbaire asthénique) ;

par les D" Long et `iTI$I. (Reu. hléd. de la Suisse Romande, 1901,

n° 7.) -

L'observation avec autopsie qui fait l'objet de ce travail, plaide

en faveur de l'origine toxique et infectieuse de la paralysie bul-

baire asthénique. Pendant une première phase, la maladie a évolué

sous la forme d'une infection de nature indéterminée, ayant sa

principale localisation dans le poumon. Après une période de

rémission trompeuse, les phénomènes myasthéniques ont apparu

et se sont bientôt affirmés de la façon la plus évidente. Des trou-

bles respiratoires graves ont amené une issue fatale. Les lésions

des centres nerveux trouvés à l'autopsie portaient surtout sur les

éléments interstitiels ; mais il est logique de les regarder comme

le reliquat, et en quelque sorte la signature de l'action nocive

exercée secondairement sur les centres nerveux par l'infection loca-

lisée primitivement dans l'appareil pulmonaire. G. Derny.

XLI. Observation singulière d'aphasie amnésique transitoire; par

H. GUDDEN. (Neurolog. Ccnlralbl., XIX, iJ00.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-un ans, qui, depuis plusieurs

années, était affecté de céphalalgies intermittentes, de vertiges,

d'une dysacousie légère, d'une diminution de l'acuité visuelle,

d'oublis, et de l'incapacité de répondre sur le champ à des ques-

tions imprévues. Il buvait, mais non exagérément, et supportait

peu la boisson. En butte, dans ces dernières années, et surtout

dans ces dernières semaines, à des soucis de toute nature, il

appelle à l'aide des proches parents, dont il reçoit des humilia-

tions. Il commet un fort excès d'alcool. Le lendemain, incapable

de travail, il est épuisé, abattu. Il dort une heure dans l'après-

midi : au réveil, agité, désorienté, il reconnaît à peine son entou-

rage, et se préoccupe de la dernière commande qu'il a reçue, d'une

armoire qu'il ne peut fabriquer faute de bois. Il prend l'infirmier

pour son fils ou son frère, les cris d'un malade voisin pour ceux

d'un chat, croit dans les pas des gens qui passent devant sa cellule

reconnaître ceux de sa femme. Inégalité pupillaire, diminution de

réaction des pupilles à la lumière, très légère faiblesse du facial

droit, tremblement des mains, violente céphalalgie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 61

Parole. Il comprend très bien ce qu'on lui dit, mais ne trouve

pas les substantifs, dont son propre nom, ou ne les trouve qu'après

de longs discours qui servent en quelque sorte d'adjuvants à sa

mémoire. Il se répète fréquemment. En parlant spontanément, sans

interpellation, il se sert de mots qu'il ne trouve souvent pas lorsqu'on

l'interroge directement. Lorsque la lettie o survient dans plusieurs

mots successifs, elle éveille en lui l'image d'autres mots commen-

çant par o, qu'il n'eût, sans cela, trouvés qu'avec un effort.

Vision mentale des objets. 11 les reconnaît sans exception, sans

avoir besoin de les toucher au préalable, mais il a de la peine à

articuler l'expression correspondante qu'il a sur les lèvres. Les

mots qu'on ne lui a pas auparavant soufflés, il ne les a sur le

champ à sa disposition que si on lui en dit la première lettre ou

les premières lettres, ou si on les lui écrit. Quand on lui a nommé

les objets dont il n'a pas trouvé le nom spontanément, il n'est en

état de le répéter plusieurs fois que si on le lui demande très peu

de temps, quelques secondes après qu'on les lui a nommés. Si on

lui adresse une question avant de lui redemander le nom de l'ob-

jet, il est incapable de répéter le mot qui lui convient. Mais ce mot

lui revient instantanément dès qu'on lui en dit la première lettre,

ou qu'on lui en présente l'image écrite.

Lecture ; écriture. Il ne peut lire lettres, mots, nombres,

imprimés ou écrits. Mais il lit les lettres et les nombres, dès qu'on

les a tracés sous ses yeux ; il lit les mots en les épelant dès qu'on

lui en a dit la première lettre, il les écrit dès qu'on lui en a tracé

la première lettre, et immédiatement après, il est encore capable

de lire le mot écrit en question et aussi de l'écrire sans qu'on soit

obligé de tracer devant lui la première lettre : ,Si on le distrait par

une digression, il devient incapable de reconnaître les lettres et les

nombres qu'on avait écrits devant lui. S'agit-il de traits qui lui

sont familiers, noms de mois, alphabet, dès qu'on l'a mis en train,

il cherche et reconnaît les initiales qu'il a déjà vues, et trouve, au

moyen de leurs images écrites, les noms des mois à initiales

homophones (mai, mars ; juin, juillet, janvier, etc.). La lecture de

l'alphabet est défectueuse, le patient appuyant sur la ressemblance

de quelques lettres avec d'autres. Il reconnaît lentement les des-

sins et les couleurs (cartes à jouer) et s'oriente péniblement car il

désigne en hésitant et en se trompant de droite à gauche les per-

sonnes qui sont devant lui.

Tels sont les troubles qui ont déjà rétrocédé le matin du troi-

sième jour de la maladie : il écrit quelques nombres, en copie

d'autres, et les énonce, mais la numération est difficile. Le soir, la

céphalalgie a disparu, les expressions lui reviennent, il lit et écrit,

lentement à la vérité, Le quatrième jour, état normal, sauf une

lacune de la mémoire portant sur deux jours (sommation).

NI. Gudden, se basant sur l'agitation, l'angoisse, le tremblement

62 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

des mains, les illusions observés, accuse les excès alcooliques chez

un affaibli par des soucis et des privations. L'aphasie si particu-

lière provenait, selon lui, d'un trouble de la mémoire et de l'atten-

tion, dû à une altération générale, vaso-motrice, du système ner-

veux central. C'était une forme légère -d'aphasie amnésique tran-

sitoire. P. IiEnnvnL.

XLII. Observation originale d'hématomyélie antérieure; par

W. MOUII\\YIEW. (Neurolog. Cenlralbl., XIX, 1900.)

Il s'agit d'un cocher de trente-neuf ans, qui, soudain est frappé

de paralysie des membres supérieurs, symétrique. La paralysie

porte surtout sur les extenseurs de l'avant-bras : il existe, en

seconde ligne, un affaiblissement des muscles des deux mains, sauf

l'éminence thénar droite néanmoins touchée. En même temps,

atrophie prononcée des muscles paralysés les plus atteints, qui ont

aussi perdu leur excitabilité électrique et mécanique : les muscles

les moins affectés témoignent d'une diminution de l'excitabilité

faradique et galvanique sans réaction dégénérative. A la paralysie

prennent part les muscles qui rapprochent l'épaule gauche de la

colonne vertébrale. Très faible diminution de la sensibilité cutanée

des mains.

' Evidemment il s'agit d'une apoplexie des cornes antérieures de

la moelle. Est-ce une embolie d'une des branches de l'artère spinale

antérieure ? On ne trouve ni dans les commémoratifs du malade,

ni dans l'examen de ses organes de cause à la formation d'un

embolus. Une thrombose ? La soudaineté et la subite délimitation

des accidents d'un seul coup l'excluent d'emblée. La notable éten-

due du foyer le long de la moelle contredit à la thrombose comme

à l'embolie. Ce foyer doit aller du cinquième segment cervical au

premier segment dorsal inclusivement, étant donné les muscles frap-

pés : il a respecté les groupes externes de cellules des cornes anté-

rieures, puisque les fléchisseurs de la main et des doigts jouissent

d'une intégrité relative. C'est un foyer tubulaire, qui, par suite, est

hémorragique. Il explique l'absence de phénomènes généraux et

secondaires au moment de la lésion qui est demeurée locale. Son

petit volume et son cantonnement aux segments antérieurs des

cornes antérieures rend compte des troubles peu accusés de la

sensibilité de la peau.

Quant à la spontanéité de l'épanchement sanguin, sans cause

occasionnelle, elle ne serait qu'apparente en l'espèce. Cet homme

devait avoir des vaisseaux délicats : épistaxis pendant l'enfance,

alcoolisme chronique. Des troubles de l'excitabilité électrique et des

réflexes, indépendants de la maladie actuelle, permettent de croire

que la moelle était déjà affectée. M. Mourawiew suppose qu'un

traumatisme datant de quinze ans, subi par ce malade, a dû déter-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 63

miner des hémorragies légères dans la moelle ; celles-ci ont

occasionné une prolifération de la névroglie très vasculaire, qui a

préparé l'hématomyélie. 1

L'électrisation et l'arsenic à doses progressives ont à vue d'oeil

légèrement amélioré les mouvements des petits muscles des mains.

P. KER\V\L.

XLI11. Du phénomène paradoxal des pupilles de Westphal et Piltz ;

par) ? AvraL. (Neurolog. Cenll'albl., XIX, 1900.)

Chez tout individu, malade (tabétique et paralytique) ou sain,

qui, après avoir énergiquement contracté ses paupières, ouvre les

yeux, on constate que les pupilles d'abord plus étroites se dila-

tent sous l'influence de la lumière. C'est le phénomène pupillaire

à la fermeture des paupières de A. Westphal. Le réflexe paradoxal

ou inverse des pupilles de Piltz est identique, seulement l'observa-

teur écarte les paupières du patient pendant que celui-ci est invité

à essayer de fermer les yeux et puis à les ouvrir. C'est le phéno-

mène pupillaire à la tension de l'orbiculaire. Piltz prétend que les

deux procédés déterminent les mêmes réactions des pupilles chez

les malades à pupilles inertes et chez les sujets dont les pupilles

réagissent bien ou faiblement à la lumière. Le travail de M. Antal

a pour but de déterminer comment les choses se passent. Il a

recherché la réaction des pupilles à la fermeture de l'orbiculaire et

à la tension de l'orbiculaire, chez Il tabétiques, 2 paralytiques,

3 épileptiques, 1 tabéto-paralytique, 1 sclérose en plaques, 2 atro-

phies musculaires progressives, 2 hystériques, 3 hystéro-épilep-

tiques, 2 goitres exophthalmiques, 3 paralysies faciales, dans la

migraine, la névralgie du trijumeau, la parésie du cubital, l'athé-

tose, la paralysie combinée du facial et de l'oculo-moteur commun,

la manie hystérique, la paralysie agitante, la neurasthénie, le rhu-

matisme, la chorée, la terreur nocturne, la gastrite chronique et

la céphalalgie, enfin chez cinq individus bien portants. En tout

quarante-huit personnes. '

Il a trouvé que le procédé de la tension de l'orbiculaire est' un

procédé de choix, plus sûr que celui de la fermeture des paupières

simple, parce qu'il est plus facile à contrôler.

Quant à la réaction des pupilles de Westphal et Piltz, elle cons-

titue à la fois un phénomène prodromique, alors que la réaction à

la lumière est encore bonne, à la fois un phénomène tardif qui

apparaît sur des pupilles ne réagissant plus ni à la lumière, ni à

l'accommodation, ni à la convergence. Il est à penser que l'action

synergique du spincter irien provoquée par la contraction de l'or-

biculaire donne à l'iris une activité exagérée, se traduisant par la

réaction indiquée des pupilles. P. KERAVAL.

64 -il REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLIV. Contribution à l'étude clinique des intoxications par les

dérivés du benzol et du toluol, et, en particulier de l'anilinisme ;

par A. FRIEDLANEDEII. (Neurolog. Central6l., XIX, 1900.)

Observation I. Psychose aiguë causée par l'aniline pure sans

aucun mélange. Elle offre quelque ressemblance avec le délire

alcoolique; l'ouvrier en question n'avait pu boire, et il avait cer-

tainement absorbé de l'aniline, par suite d'un accident. Prodromes :

malaise général, troubles de coordination des jambes. Puis, trois

heures après l'accident, coloration bleuâtre de la peau et phéno-

mènes mentaux. Absence d'hémoglobinurie, de strangurie, de

vomissements, de somnolence. '

Observation II. Psychose aiguë, provoquée par le binitro-

toluol. Il s'agit en réalité d'une intoxication latente jusqu'au jour

où l'ingestion de quelques verres de bière détermine les accidenls

aigus en question. -

Observation III. Intoxication par la toluidine. Vertiges, titu-

bation, agitation maniaque, dyspnée, cyanose, irrégularité du

pouls, délire et convulsions. Le lendemain, céphalalgie, vertige,

confusion mentale légère. A partir du troisième jour, l'étal men-

tal est satisfaisant, sauf de l'amnésie, mais il se manifeste une

énorme polyurie accompagnée de dysurie excessive et d'épreintes

vésicales intenses extrêmement douloureuses : albuminurie consi-

dérable. Les troubles du côté de l'appareil uro-génital persistent

en diminuant de vivacité pendant neuf jours encore et le patient

guérit.

Observation. IV. - Binitrobenzol. Cyanose, céphalalgie, sensa-

tion de chaleur, puis, perte de connaissance, hémoglobinurie,

tuméfaction aiguë de la rate. Durée : trois semaines, guérison. Les

principaux symptômes furent surtout rénaux.

Il apparaît déjà que des substances chimiques très voisines les

unes des autres produisent, au point de vue toxique, des phéno-

mènes cliniques différents. L'expérimentation sur les animaux ten-

tera de nous fixer davantage sur la spécificité toxicologique de

chacune d'elles. En attendant, il est légitime de formuler les con-

clusions suivantes :

1° Les dérivés du benzol et du toluol sont toxiques. Leur action

s'étend aussi bien au système nerveux central qu'à l'appareil cir-

culatoire. En certains cas, le premier est seul atteint : ces subs-

tances ne sont donc point de purs poisons du sang ; 2° l'alcoolisme

antérieur renforce la réceptivité ; 3° il existe des intoxications

latentes, qui se manifestent sous la poussée de principes nuisibles

tels que l'alcool; 4° l'alcool est donc particulièrement dangereux

pour les ouvriers de ces industries ; 5° elles ne sont pas cependant

par elles-mêmes dangereuses; 6° mais il faut installer une ventila-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 65

tion efficace, et des appareils susceptibles d'entraîner rapidement

l'air éventuellement chargé de vapeurs toxiques, dans les ateliers.

La fermeture la plus scrupuleusement hermétique des vases dans

lesquels sont produites l'aniline, la toluidine, etc., est également

de rigueur ; 7° il convient de veiller rigoureusement à ce que les

ouvriers dont les mains ou les vêtements sont souillés prennent un

bain et changent d'habits ; 8° aux premiers symptômes de l'empoi-

sonnement on mettra, avant l'arrivée du médecin, l'homme dans un

bain chaud, on lui fera respirer de l'air pur et frais, on l'empê-

chera de prendre des boissons alcooliques, on lui administrera du

café noir. P. KERAYAL.

XLV. Contribution à l'étude de l'hématomyélie traumatique ; par

M. BERNHARDT. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900).

Observation d'un homme vigoureux, de 38 ans, tout à fait bien

portant, qui tombe en avant d'une voiture de boucher. Il perd con-

naissance pendant une demi-heure, une heure au plus, mais durant

plusieurs semaines il éprouve dans la colonne vertébrale et dans

les membres les douleurs les plus vives, qui le privent presque

complètement du mouvement. Il est probable, d'après ce qui a

été noté sur les premières semaines de la maladie, que la chute,

qui a porté sur la face antérieure du corps et sur les bras a déter-

miné une grave commotion, avec allongement de la colonne ver-

tébrale, et qu'il s'est effectué un épanchement sanguin étendu du

côté des méninges de la moelle. La preuve en est dans l'améliora-

tion survenue au bout de trois à quatre semaines.

Mais la moelle même a été lésée, très probablement aussi, par

une hémorragie, il y a eu hématomyélie. Cela est démontré par

la paralysie atrophique, bilatérale, des territoires du radial et du

cubital, indiquant une lésion du cinquième au huitième segment

de la moelle cervicale. La substance grise de cette région est le

lieu de prédilection des hémorragies traumatiques. L'hémorragie

s'est même limitée ici aux segments antérieurs de cette substance.

Mais il est à penser que la substance grise d'autres régions de la

moelle a également été atteinte à divers degrés d'intensité sur une

étendue variable, car, pendant un certain temps il a existé de

la paralysie du péronier droit, qui cinq mois plus tard avait

absolument disparu; il y a eu encore une paralysie des plus évi-

dente du grand dentelé droit, qui a guéri en trois mois. L'atteinte

plus ou moins grave de sections isolées de la moelle lombaire et

de la moelle sacrée ressort : de la paralysie passagère du péronier

droit, de la faiblesse des sphincters persistante, de la diminution

du réflexe tendineux patellaire à gauche, de l'absence des réflexes

abdominaux et crémastériens, et des troubles sensitifs de la face

antéro-externe de la cuisse gauche. '

Archives, 2° série, t. XIII. 5

66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

La paralysie du grand dentelé, du radial et du cubital résulte

de l'atteinte des segments cervicaux 5 à 8, et, peut-être du premier

segment dorsal; l'altération des réflexes patellaires abdominaux

et crémastériens, les troubles sensibles, la paralysie du péronier,

la faiblesse sphinctérienne, indiquent celle des premier à qua-

trième segments lombaires gauches, du cinquième lombaire avec

les premier et deuxième sacrés droits (paralysie du péronier) ainsi

que des troisième à cinquième segments sacrés. Les troubles de la

sensibilité de la cuisse gauche, bien limités, occupent une zone qui

commence en avant et en dehors à 8 centimètres au-dessous de

la crête iliaque, finit à 8 centimètres au-dessus du genou, n'atteint

pas en avant la ligne médiane, et embrasse en arrière le premier

tiers. de la face postérieure : là les contacts ne sont pas perçus, la

douleur et les agents thermiques sont à peine sentis. Cette anes-

thésie du nerf fémoro-cutané n'est pas périphérique, elle se rattache

à la lésion des premier à troisième segments lombaires du côté

gauche mise en évidence par la diminution du phénomène du

genou que l'on ne peut provoquer qu'à l'aide du procédé artificiel

de Jendrassik.

Le pronostic est grave. Les paralysies des deux régions bilaté-

rales du radial et du cubital subsistent depuis plus de huit mois :

il est à craindre que les muscles épargnés jusqu'ici ne s'atrophient

à leur tour. L'existence de convulsions fibrillaires de plus en plus

nettes fait penser à la poliomyélite antérieure chronique trauma-

tique de Erb, car s'il--doit y avoir pas mal de territoires gris dépour-

vus d'hémorrhagie, le traumatisme a dans les cellules nerveuses

pu déterminer un trouble moléculaire, capable de devenir le point

de départ d'altérations dégénératives plus graves, lentement pro-

gressives. P. KERAVAL.

XLVI. Contribution à la symptomatologie des troubles trophiques

de la syringomyélie (ostéomalacie); par S.-S. NaLU-1NDOV. (Oboz-

rénié psichiatrii, V, 1900).

L'intérêt de l'observation gît dans l'étude clinique et radiosco-

pique du pouce de la main gauche. On y voit les os des phalanges

dépouillés presque complètement de leurs sels calcaires, revenir

ensuite à l'état ostéoïde, mais avec dépôt irrégulier et abondant

de la chaux, notamment à la périphérie.

Les ostéopathies liées à la disparition des sels des os, l'holistérèse,

se rencontrent en des modalités morbides diverses, à un degré

plus ou moins grand. Leur représentant le plus clair est l'ostéo-

malacie. Vierordt en distingue : une période d'acmé, et une période

de régénération osseuse. La couche corticale externe de l'os trahit

une résistance extrêmement longue au ramollissement, en formant

autour de lui une coque mince et solide. Un degré de plus, et la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 67

masse ramollie, gélatiniforme, de ce qui a été l'os n'est plus main-

tenue que par le périoste épaissi. La régénération de l'os, qui s'ef-

fectue d'ordinaire lorsque s'arrête le processus pathologique, lors-

qu'il est peu actif, a lieu, cela va de soi, dans les parties les

plus atteintes, c'est-à-dire dans les parties centrales : elle s'opère

régulièrement, mais produit un tissu qui diffère du tissu normal

par sa compacité et sa densité.

Le présent cas n'est donc pas un cas d'ostéomalacie classique,

il s'en rapproche. A quoi est-il dû ? Les commémoratifs montrent

que la disparition des sels de chaux a été précédée de la formation,

d'un abcès local, mais l'étude critique prouve que le processus

osseux en est indépendant; ou que s'il a quelque relation avec le

phlegmon antécédent, c'est une relation éloignée, médiate, réflexe.

Les vasomoteurs étaient intéressés, ceux surtout qui renforcent

l'afflux sanguin : tuméfaction muqueuse du doigt, hyperthermie

cutanée. Rindfleisch rattachait la disparition de la chaux des os à

la congestion du système veineux de l'os, grâce à laquelle l'acide

carbonique, fabriqué en abondance, dissoudrait les sels de

chaux.

En tout cas c'est un fait plein d'intérêt. Les processus osseux

dont dépendent, dans la syringomyélie, les fractures spontanées

et les arthropathies, nous sont peu connus. Comment comprendre

qu'une extrémité, qui hier se brisait dans un mouvement tout à

fait ordinaire, fournisse à l'endroit de la fracture un cal qui la con-

solide entièrement, après un temps sans doute plus prolongé'que

normalement ? -

Comment concilier cette contradiction entre deux processus au

même endroit de l'os ? Notre observation nous permet de péné-

trer jusqu'à un certain point dans l'intimité des processus patho-

logiques qui s'opèrent au sein des os dans la syringomyélie. L'os-

téomalacie osseuse des fractures spontanées, montrée par Regnard

au moyen de l'analyse chimique des os atteints de fracture spon-

tanée dans le tabes, correspond à l'état de la 4r° radiographie de

notre malade. La seconde radiographie répond à l'abondante pro-

duction, irrégulière, de substance osseuse, qui a lieu dans le cal

osseux. P. KERA VAL.

XLV11. Le rôle de la syphilis dans l'étiologie du tabes et le traite-

ment antisyphilitique de celui-ci; pari. A. ANPHIMOW. (OLozrénié

psichialrii, V, 1900).

322 tabétiques observés par l'auteur aux eaux minérales du Cau-

case, de 1895 à 1899 se décomposent en : 201 cas de syphilis cer-

taine, soit 62,4 p. 100; 66 cas de syphilis douteuse, ou 20,5 p. 100;

55 cas dans lesquels la syphilis est absolument niée, ou 17 p. 100.

En réalité la syphilis est certaine et fort probable chez 267 malades,

68 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ce qui donne la proportion de 82,9. On peut même admettre que

la moitié de ceux qui la nient étaient probablement aussi syphili-

tiques : la proportion des syphilitiques deviendrait alors de 91 p. 100.

L'étude anatomopathologique des faits, d'après les auteurs, soi-

gneusement revisée par M. Anphimow, l'amène à comprendre la

localisation des lésions tabétiques comme suit. On trouve les cor-

dons postérieurs toujours atteints. Puis, ce sont les racines posté-

rieures, toujours ou presque toujours lésées. Les ganglions inter-

vertébraux et leurs cellules nerveuses sont parfois affectées, il en

est de même des méninges spinales plus rarement prises. Le reste

du tissu nerveux, fibres et cellules des colonnes de Clarke, cellules

des cornes postérieures et antérieures, nerfs spinaux, nerfs craniens

sensitifs et moteurs, bulbe, substance cérébrale corticale et gan-

glions sous-corticaux, n'arrivent dans l'ordre de fréquence qu'en

dernière ligne, et très souvent ces altérations ne constituent que

des complications syphilitiques ou autres du tabès. Celui-ci est

une affection systématique qui porte presque exclusivement sur

les voies sensitives et a un début exogène, qu'elle commence par

les neurones des ganglions intervertébraux, ou dans les nerfs péri-

phériques et les racines postérieures, pour occuper, au sein de ces

dernières, soit des fibres d'une zone embryonnaire déterminée,

soit à la fois toute leur masse. Le nombre des partisans du tabes

à début endogène, c'est-à-dire d'emblée par les cordons postérieurs,

devient de jour en jour plus rare. Il est une école (Grasset) qui le

tient pour l'expression de la sclérose générale de l'économie (pans-

clérose de Letulle) : il est en ce cas simultanément endogène et

exogène. Pour la plupart des savants l'altération procède par une

atrophie dégénérative des éléments nerveux, qui, une fois détruits,

sont engloutis par les phagocytes : la névroglie s'épaissit et prend

leur place. Une autre école admet l'irritation vasculaire, l'inflam-

mation lente, chronique, des vasa nervorum, des vaisseaux des

méninges, du tissu interstitiel, aboutissant à la sclérose suppléant

le tissu nerveux qui disparait. En tout cas le tabes doit être regardé

comme : soit une modalité de la syphilis tertiaire du système ner-

veux ; soit le résultat d'une affection parasyphilitique ou métasy-

philitique du tissu nerveux; soit une maladie à causes multiples

parmi lesquelles la syphilis joue un rôle indirect.

Ce qui est certain, c'est que, sans la syphilis, le tabes serait une

maladies très rare, les 9/10 des tabétiques étant de vieux syphili-

tiques, c'est que la sclérose névroglique simple est syphilitique, que

le poison syphilitique peut atrophier directement le parenchyme

des voies sensitives, en vertu d'une prédisposition, d'une faiblesse

congénitale du système nerveux, et provoquer le processus d'irri-

tation vasculaire également. Ainsi parle M. Anphimow, en s'ap-

puyant sur la bibliographie. '

Il fournit enfin 20 observations qu'il analyse où le traitement

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 69

antisyphilitique a donné des résultats divers. Dans les 8 premières,

une amélioration s'est fait sentir. Dans les observations 9 et 10, le

mercure a exercé une influence pernicieuse. Les observations 11 et

12 concernent un tabes grave, avec affection syphilitique des vais-

seaux du cerveau, parce qu'on n'avait pas effectué le traitement

antisyphilitique en temps opportun. Les observations 13, 14, 15, 16,

de tabes chez les membres d'une même famille, ont obtenu un sou- z

lagement marqué du mercure. Dans la dix-huitième observation il

s'agit d'une période névralgique et préataxique de trente-cinq ans.

La dix-neuvième est un exemple de suppléance de la vue perdue-

au moyen des autl es organes sensoriels. Une observation à part'

montre l'apaisement des accidents tabétiques déjà anciens du fait

d'une paralysie générale.

Quel a été l'effet des eaux sulfureuses ? Les bains sulfureux forts

ont nui aux tabétiques anémiques, et en particulier à ceux atteints

d'une ataxie marquée; ils ont déterminé de la pâleur, des batte-

ments de coeur, un sommeil agité, parfois de la diarrhée. Les ther-

mes indifférents ou les bains sulfureux très faibles, qui ne contien-

nent que des traces d'hydrogène sulfuré, leur convenaient mieux.

Les tabétiques en bon état, et ceux à phénomènes tabétiques

récents et peu accentués, se sont bien trouvés des bains chauds qui

ont calmé la douleur : bains à 27, 28, 30° R. au plus, et vers la fin

de la cure, 2j° R. seulement. Quelques tabétiques, même faibles,

supportent les bains sulfureux très chargés et très chauds à 30 et

31 ? R., qui les remontent, mais ce sont des idiosyncrasies, ou il

s'agit d'indigènes de Tiflis accoutumés à leurs bains sulfureux brû-

lants. P. KERAVAL. z

XLVIII. Des accès périodiques d'amnésie rétroactive ; '

par W.-M'. BSCIITEItEW. (Oboz1'énié psychialrii, V. 1900.)

Observation d'un homme éprouvant depuis une attaque de con-

gestion cérébrale, des accès passagers d'amnésie, qu'il décrit per-

sonnellement. Au moment où l'accès arrive, le malade, en pleine

conscience, ne présente aucun signe extérieur, il éprouve un mal

de tête occipital. Il perd alors le souvenir des événements qui lui'

sont survenus quelques heures auparavant, généralement pas plus

de vingt-quatre heures avant l'accès. De même que l'approche de

l'accès, sa cessation ne s'accompagne d'aucun symptôme objectif

ni subjectif, mais souvent le patient perd la mémoire de l'accès

lui-même, notamment quand celui-ci a été intense et prolongé.

M. Bechterew croit qu'ils'agit d'un état épileptique, enté sur une

affection organique du cerveau antérieure. La prescription du mé-

lange d'adonis vernalis, de bromures et de codéine en est venue à

bout.

Sans doute ce mélange exerce aussi une action favorable sur bien

ÎO REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'autres affections nerveuses, mais l'amnésie rétroactive a été

déjà décrite dans l'épilepsie. Dans l'espèce, ce n'est plus l'obnubi-

lation ou la perte de la conscience propre à l'attaque d'épilepsie ;

le sujet, tout à fait lucide pour le présent, oublie le passé de date

fraiche, et cet oubli revient sous forme d'accès en présentant la

même physionomie stéréotypée. Ni attaques convulsives, ni ver-

tiges, accès épileptoïdes d'amnésie rétroactive. P. KERAYAL.

XLIX. Du vomissement obsessif ; par W.-M. Becuterew.

(06ozlénié psichiatrü, V. 1900. Neurolog. Centralblatt, XIX, 1900.)

Même article en russe et en allemand.

Chez bien des gens, les émotions provoquent des vomissements;

chez beaucoup aussi, l'idée, le souvenir d'un objet qui sent mau-*

vais, d'un cadavre, par exemple, engendre des nausées pouvant

aisément dégénérer en vomissements. Loewenfeld a cité des exem-

ples de conceptions morbides produisant le même effet (Archiv. f.

Psychiatrie, p. 696, t. XXX). Voici maintenant un chanteur qui

chaque fois qu'il parait sur l'estrade, est pris de nausées avec

efforts de vomissement. Cette anomalie date d'un jour où, dans

les mêmes conditions, il ressentit à la gorge une espèce de gratte-

ment, de piqûre de mouche, accompagnée de soulèvement de

coeur. Le cognac lui a réussi sans cependant le débarrasser com-

plètement des nausées. Légère exagération des réflexes tendineux

et pharyngiens.

Une autre observation concerne une jeune fille de vingt-huit ans

qui, toutes les fois qu'elle quitte son appartement, éprouve nau-

sées, battements de coeur,appréhension anxieuse de vomir, et fina-

lement flux de sueur. -

Donc, dès qu'elle va sortir, elle redoute la nausée; celle-ci arrive

elle rentre alors immédiatement. Parfois cela va jusqu'au vomisse-

ment.

Rentrée chez elle, elle se calme, tout cesse. Presque jamais elle

n'a de ces accès à la maison ; elle ne les a pas constamment dans

la rue, mais ils sont inévitables lorsqu'elle est en visite ou au

théâtre. Lecognac exerce une action modératrice. Cette maladie

qui débuta, il y a trois mois, fut d'abord espacée ; s'installant pri-

mitivement par des palpitations, auxquelles s'ajoutèrent ultérieu-

rement des tremblements nerveux, elle se compliqua, un beau jour

de la sensation d'étranglement à la gorge, d'une bouchée arrêtée

au gosier : finalement les nausées se mirent de la partie. Trois

semaines après son début, elle consistait en plusieurs accès de

nausées par jour, et c'est alors que la malade commença à crain-

dre que la crise ne lui prit dès qu'elle sortirait. Il y a trois

semaines, pour la première fois est apparu un accès d'angoisse

immotivé, avec tremblement nerveux, qui dura une demi-heure et

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 71

disparut à la suite d'une selle ; ce nouveau syndrome est revenu

de temps à autre, même à la maison, mais principalement quand

la patiente s'apprêtait à sortir : à cet instant, survient l'angoisse,

elle cède à la selle, et libère sa victime. Tare héréditaire, réflexes

tendineux et cutanés exagérés. L'oxalate de cérium est demeuré

impuissant contre les accès nauséeux. Le mélange de bromures, co-

déine, et de sédatifs du coeur a amélioré l'ensemble des accidents.

P. KERAVAL.

L. L'épilepsie larvée ; par W.-F. TSCnIJE. (Obozrénié psichiabi-ii,

V, 1900.) 1

Espèce médico-légale. Dans une métairie du gouvernement d'Es-

thonie, vivaient un vieillard de soixante ans, avec sa femme de

cinquante ans, son fils Jacques avec sa femme et un enfant à la

mamelle, son fils Jean (vingt-deux ans), et un jeune berger de

onze ans à leur service. Ils dormaient tous dans la même chambre.

Le 93 mai 1894, à dix heures, Jean s'en alla chercher des clous chez

un menuisier, son voisin, qui demeurait à une verste, ne but point

et s'en revint se coucher un accordéon en main, à onze heures. Le

berger aurait été réveillé dans la nuit par du vacarme, des cris ; il

aurait vu Jean frapper en cadence à l'aide d'une bûche sur Jacques

couché dans son lit, sortir ensuite de l'isbah, afin d'uriner, ren-

trer, le regarder, se recoucher. A un autre moment, Jean aurait

frappé à coups de trique sa belle-soeur qui s'enfuyait.

Quoi qu'il en soit, de grand matin le vieillard réveillait le berger

en lui commandant d'aller chercher le père de sa femme qui avait

été assassinée : lui-même, debout, ensanglanté, gémissait. Une

heure plus tard, le beau-père trouvait sa fille morte sur le lit près

du mur ; à côté d'elle gisait sanglant et se plaignant son mari, -

sur le plancher était étendue sans vie la femme de Jacques

dont le cadavre occupait le lit familial. Jean dormait... La jus-

tice saisit une bûche et une hache pleines de sang, la première

près de la porte, l'autre sur le lit de Jean; pas de taches ailleurs,

nulle trace de vol.

On réveilla Jean, afin de l'interroger : il ne répondit pas et parut

si étrange qu'on le plaça à côté de son père sous la remise, gardé à

vue. De sa bouche perlait une écume rouge, son oreille droite était

contusionnée. Le vieillard dit que Jean l'avait frappé. On les em-

mena. Durant le trajet, Jean excité, faisait mine de vouloir sauter

du wagon, mais ne parlait pas, et restait debout, pitoyable.

Jean avait donc tué sa mère, son frère, sa belle-soeur, et mortel-

lement frappé son père sans aucun motif. Son attitude est étrange

jusqu'au 25 mai, il ne parle pas ou répond seulement «oui, oui ».

Le 11 juin, il se déclare bien portant et ne se souvient de rien. Une

observation prolongée pendant près d'un an révèle simplement une

72 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cicatrice de 3 centimètres de long à la limite du frontal et du pa-

riétal gauches : aucun antécédent nerveux, alcoolique, criminel.

Les conditions déraisonnables dans lesquelles a opérél'assassin, la

brutalité de son massacre d'ailleurs inachevé, sa manière d'être

ultérieure, tout prouve que dans la nuit du 13-14 mai 1894, Jean

était malade. Il a été la proie d'un accès d'agitation violente

inconscient, de nature épileptique, ainsi que le montrent ses actes,

son obnubilation psychique du lendemain et des jours suivants,

l'écume sanglante de la bouche, et l'éclat métallique terne des yeux

également noté à cette période.

Cet éclat métallique terne du regard suit, toujours, d'après

M. Tschije, l'attaque ou l'équivalent de l'attaque d'épilepsie essen-

tielle. '

Il est dû à l'empoisonnement qui produit les états épileptiques.

Dans l'épilepsie vraie, non organique, il est probable qu'il s'accu-

mule dans l'organisme une certaine substance vénéneuse, dont

dépendent et l'éclat spécial des yeux, accompagné de mydriase, et

les accès. Ce signe est surtout accusé chez les jeunes épileptiques.

P. KERAVAL.

LI. Un cas de paralysie bulbaire aiguë chez une enfant; par

KOLL9R1TS. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 1, 1901).

Observation clinique d'nn syndrome bulbaire apparu brusque-

ment chez une jeune fille de cinq ans à la suite d'une maladie

fébrile mal définie et caractérisé par la difficulté de la déglutition

et de la phonation. La distribution des troubles moteurs et sensi-

tifs intéressant les paupières supérieure et inférieure gauches, les

gencives, la langue, les lèvres, l'arrière-gorge et le voile du palais'

indiquent des lésions partielles de l'oculo-moteur commun gauche,

du trijumeau du même côté et des glosso-pharyngiens, faciaux et

hypoglosses. L'évolution brusque de ce syndrôme, son apparition

dans l'enfance, l'existence de troubles sensitifs à côté des troubles

moteurs, l'absence de dégénérescence amyotrophique, l'immobilité

de tous les symptômes, la comparaison avec quelques autres obser-

vations similaires suivies d'autopsie conduisent l'auteur à écarter

pour le diagnostic anatomo-pathologique la paralysie bulbaire vraie,

les pseudo-paralysies bulbaires, la névrite périphérique, les polyo-

myélites aiguës des enfants et à admettre comme cause une mé-

ningite bulbaire aiguë à évolution rapide mais ayant occasionné

« des destructions permanentes dans le voisinage des éléments

blancs autour des noyaux du bulbe ». R. C.

LU. Un cas de ladrerie cérébrale; par MM. Léopold Lévi et Louis

LEmAiRE. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 1, 1901.) 1

Dans ce cas il s'agit d'une jeune fille de dix-sept ans, qui, après

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.' 73

quelques mois de maladie caractérisée par de la céphalée et de la

somnolence, meurt subitement. A l'autopsie on trouve la périphé-

rie des deux hémisphères cérébraux farcie de petits kystes lenticu-

laires contenant environ 400 cysticerques de toenia solium. L'auteur

attribue la mort subite à la présence des kystes protubérentiels.

- R. CHAPON

LUI. Surdité corticale avec paralexie et hallucinations de l'ouïe

due à des kystes hydatiques du cerveau;. par MM. Paul Sérieux

et Roger MIGNOT. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 1, 1901).

Vieillard de soixante-quinze ans atteint depuis huit ans d'accès

épileptiformes périodiques suivies depuis quelque temps de trou-

bles psychiques d'une durée de trois à quatre jours. A la suite d'un

de ces accès, apparition des symptômes : surdité totale, excitation

maniaque, hallucinations de l'ouïe et de la vue avec paralexie,

perte de la compréhension des mots lus et troubles de l'écriture.

Les troubles hallucinatoires et l'excitation maniaque s'amendent

assez rapidement, mais la surdité corticale persiste jusqu'à la mort

survenue trois semaines après la dernière crise à la suite d'acci-

dents infectieux. A l'autopsie on constate dans la substance grise

périphérique des hémisphères cérébraux (à l'exclusion de toute

autre région du corps) la présence de plus de 20 hydatides, dont

6 dans les deux lobes temporaux. Ces kystes étaient de la grosseur

d'un pois, un seul atteignait la grosseur d'une noisette. il. C.

LIV. De la crampe des écrivains et des autres affections nerveuses

professionnelles; par Thomas D. SAVILL. (Nouv. Iconogr. de la

Salpétriére, n° 2, 1901.) .)

Quatre observations : paralysie chez un marchand de nouveautés

crampe des pianistes, tremblement des brodeurs à la machine et

crampe des télégraphistes. Considérations originales sur la patho-

génie et l'étiologie de ce groupe d'affections nerveuses. A côté de

l'influence de la répétition du mouvement, il faudrait tenir le plus

grand compte de la maladresse du mouvement. L'évolution patho-

gémque pourrait se résumer : irritation nerveuse d'où spasme ou

crampe, destruction nerveuse partielle d'où tremblement, destruc-

tion complète d'où paralysie. L'auteur serait disposé à admettre

que ces différents stades cliniques sont les manifestations de

lésions intéressant les cellules motrices des cornes antérieures,

lésions qui elles-mêmes pourraient être déterminées par des toxines

nées sur place et produites par le surmenage desdites cellules mo-

trices ? R. CH,\RON.

74 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LV. Dermographisme chez des épileptiques atteints d'Helmin-

thiase intestinale; par M. Lannois. (Nouv. Iconogr de la Salpé-

trière, n° 3, 1901.)

Deux observations qui autorisent l'auteur à admettre que l'Hel-

minthiase peut être cause aggravante et même efficiente de con-

vulsions épileptiques et de dermographisme par l'action des toxines

produites par les parasites. R. C.

LVI. Noevus veineux et hystérie ; par BINET-SANGL9

et L. Vannier. (nous. Iconogr. de la Salpétrière, n° 3, 1901.)

Jeune homme de vingt-un ans criblé de noevi disséminés sur

toutes les parties du tronc et des membres avec dermographisme

et nombre de manifestations nerveuses de nature hystérique. Dis-

cussion clinique portant sur le diagnostic et la pathogénie et résu-

mée comme suit : Petit-fils d'épileptique, fils d'alcoolique épilep-

tique et porteur de noevus. Ce malade est atteint entre autres

signes de dégénérescence « d'une diminution du nombre et d'une

altération (hyperamiboïsme) des neurones qui se sont traduits et se

traduisent : 1° par une hyperalgésie gauche ; 2" par une hypoes-

thésie oscillante gauche ; 3° par une hypokynesthésie gauche ;

4° par ces plaques oscillantes d'hypéresthésie pour le froid (ou

d'anesthésie pour le chaud) siégeant surtout à droite ; 5° par des

plaques oscillantes d'hyperesthésie par le chaud (ou d'anesthésie

par le froid) siégeant surtout à gauche ; 6° par une diminution

de l'acuité auditive à gauche; 7° par des rétrécissements oscil-

lants des champs chromatiques portant surtout sur le bleu ou le

vert ; 8° par une contracture oscillante des muscles ciliaires, con-

tracture plus accentuée à gauche; 9° par une diminution de la

force musculaire à gauche; 10° par une exagération du réflexe

de la miction; 11° par une exagération du réflexe crémasté-

rien et des réflexes de la douleur plus prononcée à gauche ;

12° par une vaso-paralysie cutanée généralisée oscillante ; 13° par

une vaso-paralysie constante du côté gauche, celle-ci entraî-

nant l'hypertrophie et le ralentissement du coeur, ainsi que

l'élévation de la température et l'épaississement de la peau du

même côté. La lésion initiale parait siéger dans les zones sensitivo-

motrices de l'hémisphère droit., R. C.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. Sur les délinquants aliénés; par del GaECO. (Riv. sp. di fren.,

1900, i'asc. I.)

La délinquence ne se confond pas avec la maladie. Elle l'enserre

de tous les côtés ; çà et là, aux confins, elle la touche, l'engendre

en partie, mais ne l'absorbe pas. La base organique des manifes-

tations criminelles doit être recherchée sur le terrain des variations

constitutionnelles du tempérament et du caractère que tout se

perdra dans la maladie, qui la marquent à la 'période de début,

non de développement parfait.Les termes constitution et tempéra-

ment désignent la synthèse des phénomènes psychophysiques,

caractéristiques d'une individualité ; le terme caractère, la synthèse

des phénomènes psychosociaux. En outre la constitution marque

le côté statique, le tempérament, le côté dynamique de l'individua-

lité psychophysique.

Sans être de véritables aliénés, les délinquants semblent au

suprême degré prédisposés aux psychopathies. Tantôt ce sont des

imbéciles, avec arrêt de développement dans la constitution, le

tempérament et le caractère ; tantôt des névropathes à développe-

ment anormal. Entre les deux, des individus à tares profondes,

qui sous le coup d'une émotion instinctive, se laissent aller à

commettre des délits, et au milieu de secousses prolongées, nau-

frage dans la démence. Au point de vue médico-légal, suffit-il

de démontrer qu'un individu est aliéné pour le réputer capable

d'un acte criminel quelconque ? Si un nombre d'aliénés peuvent

devenir dangereux, en raison d'impulsions subites, dans les phases

aigués de la folie ou dans la démence, tous ne peuvent pas deve-

nir criminels, si l'on entend par là une certaine permanence de

dispositions particulières à quelques individus.

Mais outre cela, le médecin légiste doit prévoir l'acte instantané

qui peut avoir des conséquences irréparables. Or, pouvons-nous

dire quels individus en devenant ou devenus fous, pourront com-

mettre des actes de ce genre.

La difficulté est déjà grande en face d'un acte passionnel com-

mis par un individu sain. Si nous savons que la passion trouble

profondément l'équilibre individuel, et que les émotifs et les

névropathes sont plus particulièrement sujets à des perturbations

de ce genre, nous ne pouvons être affirmatifs sur leur nature et

76 REVUE DE MÉDECINE LEGALE.

leur degré. Les difficultés croissent encore lorsque l'individu est

atteint d'une psychopathie. Les actes d'un aliéné ne résultent pas

toujours de réactions instinctives, d'émotions, d'idées associées,

suivant la direction et les lois fondamentales des états mentaux

d'où résultent la physionomie de chaque cas particulier; ils résul-

tent souvent aussi d'images intérieurs suscitées par des coïnci-

dences, variables, fortuites, peu précises, ou de stumulus externes

minimes. Et c'est ainsi que dans ces intelligences troublées, se

développent subitement des suggestions rapides, paradoxales et

imprévues. Dans l'état actuel de la science, le champ des actions

humaines est un monde indéterminé, où il est périlleux de se ris-

quer sans autre guide que des vues théoriques plus ou moins

approximatives. J. SÉGLAS.

IL Sur l'importance à la fois médico-légale et clinique du dia-

gnostic précoce de certaines affections organiques du système

'nerveux, y compris la parésie ; par J. Léonard COHNING. (The

'net York Médical Journal, 17 février 1900.)

Les maladies que l'auteur passe en revue au point de vue spécial

indiqué par le titre de son travail sont l'ataxie locomotrice, la

sclorose multiple, la paralysie agitante et la parésie générale, mot

par lequel il désigne la paralysie générale. Ce mémoire. est un

simple exposé de la question. Il. de nIUSGRAVE-GLAY.

III. L'asexualisation envisagée comme prophylactique du crime

et de la folie. (Chicago Médical recorder, août 1900.)

Il ne s'agit plus ici de la castration, mais de la ligature des

canaux déférents ou des trompes. Ce procédé serait, d'après l'au-

teur, beaucoup moins grave que la castration et il aurait même

amélioré les perversions de certains sujets, idiots, masturbateurs

pervertis, etc. M. H.

IV. L'aliénation mentale pour le juge et pour le médecin. Réfle-

xions sur une condamnation récente; parC.-P. BANCROFT. (The

american journal of Insaitity, 1900, p. 65-80.)

Un mélancolique que des idées de persécution avaient poussé à

l'assassinat d'une jeune fille, a été condamné sous prétexte qu'il

avait conservé la notion du bien et du mal. Le juge s'est fondé sur

la distinction d'une folie partielle et d'une folie totale, la seconde

entraînant seule l'irresponsabilité. La défense a répondu avec rai-

son qu'il n'y a pas responsabilité, dès que le sujet a perdu la

direction de ses actes.

L'auteur fait remarquer que la notion du bien et du mal ne dis-

paraît qu'à un stade très avancée de la désorganisation mentale;

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 77 7

c'est la volonté qui est d'abord atteinte; un individu, d'apparence

parfaitement saine, mais qui obéit à des idées fixes, ne peut pas

être considéré comme partiellement aliéné et par suite responsable.

La question que le jury doit se poser est celle-ci : l'accusé a-t-il

agi ou non sous l'impulsion de ses idées délirantes ? SIMON.

V. Épilepsie avec amnésie rétrograde. Étude médico-légale du

cas d'Amos D. Palmer; par Edward CowLES. (The Amer'iwan

Journal of htsaaity, 1900, p. 593-814.) .

VI. Comment se comporter avec les aliénés ? Point de vue médico-

légal ; par Edward C. RUNGE. (The dmerican Journal of Insanity,

1900, p. 631-644.)

1° Les fous' sont mieux à l'asile; ce n'est plus l'ancien cabanon;

historique des améliorations successives et témoignages de satis-

faction récents délivrés par les malades. Pour les chroniques inof-

fensifs, il reste cependant à faire. 11 faudrait aussi supprimer l'éti-

quette de fou, qui écarte les cas de début. Mais, en somme, le

malade est mieux à l'asile, loin des causes d'excitation habituelles

qu'elles lui viennent ou non de ses proches; 2° vis-à-vis d'autrui,

de la société, on protège contre les maladies infectieuses, l'asile

joue un rôle analogue ; un fou est toujours dangereux, si doux soit-

il (ex.) et bien que la contagion ne soit sans doute à craindre

qu'auprès d'individus prédisposés. Donc, les- deux; points de vue

sont d'accord : il faut enfermer les aliénés.

Mais comment se fera l'hospitalisation : danger d'enfermer des

personnes saines d'esprit; danger exagéré, sur un millier de cas

d'arrestation soi-disant illégitimes examinés par l'auteur, il n'en a

trouvé aucun qui méritât révision; il est même bizarre qu'il n'y

ait pas plus d'erreurs de diagnostic ; c'est qu'on ne place pas

les cas de début. On pourrait au reste faire un pavillon de douteux.

D'ailleurs la loi protège; il ne suffit pas d'un certificat de folie, il

faut exposer les faits sur lesquels repose ce certificat; tout parent

d'autre part peut faire appel; mais qui alors va juger ? difficulté

pour les paralytiques, les persécutés, les rémissions; il n'en va pas

comme de la scarlatine; un jury serait-il convaincu au début par

de légers signes physiques, suffisants cependant pour le médecin ;

or il importe de faire vite pour le plus grand bien du malade. Peut-

être faudrait-il un jury spécial. SIMON.

VII. Preuve juridique et preuve scientifique de la folie dans les

affaires criminelles; par Carlos-F. MACDONALD. (Tlte Amer'iwan

Jo2trnal of Insanity, juillet 1899, p. 21 à 30.)

Le droit de plaider l'irresponsabilité en alléguant la folie est

78 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

reconnu. Médicalement parlant, folie et irresponsabilité sont syno-

nymes. Mais il n'en est pas ainsi pour les tribunaux : la question

de la responsabilité n'est pas déterminée seulement par l'existence

de la folie, mais par son degré. Des juges ont dit : un homme qui

a la notion du bien et du mal a aussi le pouvoir de choisir le bien

plutôt que le mal; il est responsable. La même opinion a été affir-

mée dans- divers jugements. Et depuis, on l'invoque aveuglément à

titre de précédent, et l'on juge selon elle. Cela n'est ni scientifique

ni logique.

Avant que cette tradition fût établie, certains juges, cependant,

avaient déjà reconnu que, la, liberté morale de commettre un acte

n'est pas nécessairement accompagnée de l'appréciation ration-

nelle de la portée de cet acte. Quelque chose de plus que la con-

naissance du bien et du mal est nécessaire à la responsabilité. Un

jugement de 1877 marque un progrès dans ce sens. « Un homme est

responsable à moins que sa folie le prive de la conscience de son

acte, ou de la connaissance de sa nature légale ou morale, ou de

l'ordinaire pouvoir de volition qui fait choisir entre le bien et le

mal. »

L'opinion médicale est que la folie est toujours une question de

fait que la science médicale doit chaque fois déterminer. Cela a été-

formellement reconnu en Angleterre. Vouloir autrement trouver

en notion de responsabilité une règle générale s'appliquant à tous,

était chimérique et non scientifique. C'est ce qu'exprime ainsi le

Code français : « Il n'y a pas crime ou délit, si l'accusé est en état de

folie au moment de l'acte...» Et de même en Allemagne. Encore

une fois vouloir établir dans la loi une disposition générale, c'est

aller contre la loi et la nature même.

Si tous les désordres mentaux étaient de la notion de la perte du

bien et du mal, comme cela arrive dans les cas extrêmes de manie,

de démence, etc., formes qui sont facilement reconnaissables, on

ne pourrait rien dire contre la loi présente : mauvaise en prin-

cipe, elle serait cependant suffisante en pratique pour établir l'ir-

responsabilité. Mais la plupart des criminels soumis aux tribunaux

sont des paranoiaques ou des monomanes. Beaucoup de victimes

de ces formes de folie ont parfaitement la notion du bien et du

mal. Leurs motifs sont souvent ceux qui dirigent les personnes

saines : vengeance d'honneur personnel, défense de leurs personnes

et de leurs biens... Ces motifs sont seulement mal fondés en réa-

lité. Mais cela suffit pour que ces fous ne soient ni moralement ni

légalement responsables.

La vraie question de fait pour le jury doit être : 1° L'accusé, au

moment de l'acte, pouvait-il rationnellement apprécier la nature

et les conséquences de son acte, et avait-il un pouvoir de volition

suffisant pour opter entre le bien et le mal; 2° s'il a perdu ce pou-

voir, était-ce par une cause morbide ou par l'excès même de sa

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 79

passion. Une. telle question qui se rattache à la vie et ù la liberté

est de première importance. Il faut faire examiner l'état mental de

l'accusé par un médecin, et, de préférence, par un aliéniste.

SIMON.

VIII. Erreurs judiciaires en aliénation mentale ; par Geo-Villeneuve

et E.-P. CIIAGNON. (American Journal of Insanity, octobre 1899,

p. 243-255.

Voici les conclusions de l'article : 1° les magistrats ne sont le

plus souvent pas aptes à juger des conditions mentales des accusés

conduits devant leurs tribunaux pour y être jugés parce qu'ils

restent étrangers à la connaissance de la médecine; 2° ils devraient

alors considérer comme un des devoirs de leur charge d'ordonner

un examen médical de l'état mental des accusés, quand les cir-

constances du crime, leur attitude et leurs antécédents paraissent

indiquer des conditions mentales défectueuses; 3° dans tous les

cas où la défense allègue l'irresponsabilité de l'acccnsé, ils devraient

ordonner un examen médical complet et indépendant envisageant

tous les aspects du cas; 4° ils devraient confier cet examen à ceux

qui ont fait une étude spéciale de cette branche de la science;

5° les médecins de prison examineraient tous les prisonniers

immédiatement après leur entrée et rendraient compte aux magis-

trats de tous ceux qui présentent une condition mentale douteuse.

(Bibliographie). Simon.

IX. Quelques hésitations légales et médicales touchant la folie ;

par J.-T. LEARCY. (American Journal of Insanity, octobre 1899,

p. 295 à 306.

N'avons-nous pas perdu de vue les cas de transition ? Tout le

monde se croit apte à juger un caractère, et proclame l'égalité

entre tous les hommes sans s'occuper des nuances. De même en

justice : le coupable est-il fou ou non ? et en psychiatrie où nous

décrivons aussi la folie comme si elle était une maladie définie. Le

terme défectuosité est plus général.

Où donc commence la folie ? Médecins et magistrats ont, sur ce

point des tendances différentes; et tantôt c'est l'opinion du tribu-

nal qui prévaut, tantôt celle du médecin. C'est eu égard aux cir-

constances qu'on prononce si une personne est folle. L'idée de

danger joue un grand rôle dans la question.

Mais à côté des fous dangereux sont simplement ceux qui sont

à charge (dépendent), les déments, imbéciles et idiots. C'est pour

les fous criminels surtout qu'on aurait besoin de limites précises.

Or un homme est dit fou : quand il ne sait pas ce qu'il fait, quand

il n'a plus la connaissance du bien et du mal, quand, malgré cette

80 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE

connaissance, il n'est simplement plus apte à agir en accord avec ,

elle : facultés morales inférieures à ses facultés intellectuelles ;

n'est-ce pas proprement le cas des récidivistes qui savent cependant

ce qui résulte du manquement aux lois. D'ailleurs souvent le sens

moral est atteint chez les fous avant l'intelligence.

Les illusions ne sont pas un signe plus ferme. Elles sont seule-

ment une marque de défectuosité mentale ; mais de folie ? - z

- seulement si elles sont dangereuses. SmoN.

X. La psychologie des criminels, et un plaidoyer pour l'organi-

sation du service médical des prisons ; par John B. CHAPIN.

(American Journal of Insanity, octobre 1899, p. 317 à 326.

La classification en crimes contre l'état, l'individu ou la propriété,

n'indique pas les causes psychologiques du crime. Un crime peut

être le fait de la dégénérescence du criminel, mais aussi de quelque

soudaine explosion de passion. La classification par la nature du

crime commis est donc insuffisante. Chapin en propose une autre,

et distingue :

1° Le criminel incorrigible, indiscipliné, mauvais exemple pour

toute la prison, et présentant généralement des stigmates de dégé-

nérescence ; 2° Les criminels par habitude : le sens moral se déve-

loppe et se fortifie dans une vie morale ; des habitudes contraires

au contraire l'obnubilent ; on peut prévoir dès l'enfance ce que sera

l'adulte ; l'action réformatrice des prisons est de même basée sur

la mise en jeu d'activités saines ; c'est le but surtout des maisons

de correction de rompre par là les habitudes mauvaises ; 3° Enfin,

criminels d'occasion ou passionnels, caractérisés par l'instabilité

du caractère et dont il y a beaucoup à espérer.

Les règles des prisons sont surtout faites pour les premiers. Dan-

ger de contagion, du mélange de ces trois classes de criminels.

On pourrait faire plus pour l'étude des criminels ; une prison

pourrait être davantage qu'une réunion de convicts ; gardiens,

directeur et médecins de prison pourraient faire oeuvre commune,

et sans danger pour la discipline. Mais de telle sorte que les méde-

cins puissent faire toutes observations de criminologie désirables.

Des recherches antérieures, quelques principes se dégagent déjà :

examiner chaque sujet à son emprisonnement... Il arrive au con-

traire souvent que le médecin ne voit les convicts que s'ils sont

envoyés à l'infirmerie. L'auteur n'a jamais trouvé dans les prisons

d'observations des criminels qui y sont, permettant de se faire une

idée de leur état mental.

, Pourquoi ne pas continuer le traitement des convicts jusqu'à leur

amélioration ? Un système de prison qui n'essaie pas cette amélio-

' ration pendant l'emprisonnement, est en faillite. Donc le devoir du

médecin devrait être de tenir les observations à jour. Il devrait

SOCIÉTÉS SAVANTES. 81

s'entendre aussi avec le gouverneur pour le régime, les vêtements,

le travail, et même les punitions. SIMON.

XI. Démence sénile et mariage; par Jos.-G. KIERNAN. (The Alie-

nist and Neurologist, 1899, p. 572-585.)

A quel degré d'affaiblissement sénile un mariage est-il nul

L'auteur pose cette question à l'occasion d'un procès en annulation,

extrêmement compliqué et dont l'exposé en détail constitue tout

l'article. Simon.

XII. Quelques généralités sur l'anthropologie criminelle; par A.

Zuccarelli. (Bull. de la Soc. de méd. ment, de Belgique, juin 1901.)

L'anthropologie criminelle que l'auteur définit « la science de la

nature et des facteurs de l'homme délinquant », étudie les carac-

tères tératologiques et pathologiques que l'on rencontre surtout

chez les délinquants, et qui nous aident à trouver les raisons du

phénomène appelé crime. C'est donc une science bien définie, dis-

tincte de la psychiatrie et de la médecine légale, qui exige un

enseignement spécial nécessitant la création d'une chaire à la

faculté de droit et de médecine.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 11 novembre 1901, PRÉSIDENCE DE M. LE professeur

RAYMOND,. '

Diagnostic de la poliomyélite et de la névrite aiguës à propos de

deux cas de monoplégie crurale.

MM. BRISSAUD ET LONDE. Ce diagnostic est très important. En

effet les données anatomophysiologiques dues à la notion du neu-

rone ont modifié'profondément la conception contemporaine du

syndrome anatomoclinique de la névrite aiguë. D'autre part, il

n'est pas indifférent qu'on soit en mesure de différencier une

Archives, 2' série, t. XIII. 6

82 SOCIÉTÉS SAVANTES'.

poliomyélite d'une névrite aiguë, si tant est qu'on puisse admettre

encore des névrites aiguës exclusivement motrices, indépen-

dantes de toute lésion spinale. Enfin, la question du diagnostic

influe sur celle du pronostic, qui est un point capital.

Nos deux observations peuvent se résumer en une seule histoire

dont les point saillants sont : la rachialgie lombaire et les douleurs

.irradiées aux membres inférieurs, plus intenses la nuit, sans fris-

sons ni fièvre apparente; puis paralysie des membres inférieurs

(droit chez l'un, gauche chez l'autre), plus ou moins complète,

intéressant à la fois les nerfs sciatique et crural, avec signe de

Kernig et abondant dépôt, après centrifugation, de lymphocytes

dans le liquide céphalo-rachidien ; sans troubles objectifs de la sen-

sibilité, ni troubles sphinctériens : telles sont les ressemblances.

Voici les différences : chez le second malade, qui a éprouvé une

rachialgie cervicale éphémère, absente chez le premier, le début

a été beaucoup plus rapide, la paralysie plus intense, l'atrophie

consécutive prédominante à la cuisse.

Donc, il s'agit dans les deux cas d'une monoplégie crurale dou-

loureuse, sans troubles objectifs de la sensibili'é, mais accompa-

gnée de rachialgie, du signe de Kernig et du passage de lympho-

cytes dans le liquide céphalo-rachidien. Il y a eu, par conséquent :

méningite spinale et lésion sous la pie-mère. Le diagnostic se cir-

conscrit à la poliomyélite et à la polynévrite.

En fin de compte nous arrivons au diagnostic de névrite radicu-

laire toxi-infectieuse, probablement curable. Nous insistons surtout

sur les faits suivants : -

1° La réaction méningée que l'on refuse à la névrite (avec rachial-

gie, signe de Kernig et lymphocytes dans le liquide céphalo-rachi-

dien) ; .

2° La douleur à la pression des nerfs qui indique un certain

degré de névrite quel que soit l'état de la cellule de la corne anté-

rieure ;

3° L'absence de signe permettant d'affirmer ou d'infirmer la

poliomyélite et pourtant la ressemblance de ces faits avec la para-

lysie infantile douloureuse;

4° La topographie radiculaire de cette paralysie atrophique qui

intéresse les dernières paires lombaires et les premières sacrées;

5° Les ressemblances de ces monoplégies avec les paralysies

atrophiques consécutives à la méningite cérébro-spinale;

6° La difficulté du pronostic, non seulement quant à la locali-

sation exacte de la lésion, mais aussi quant à sa nature.

- Tumeur cérébrale avec autopsie.

. Ilill. KL1PPEL ET JARVIS rapportent l'observation d'un homme de

soixante-dix sept ans ayant présenté une hémiplégie des membres

SOCIÉTÉS SAVANTES. 83

avec intégrité de la face, des attaques épileptiformes, des contrac-

tures avec abolition des réflexes et absence du clonus du pied; de

la chorée fasciculaire diffuse provoquée, et, comme troubles tro-

phiques : de l'oedème des membres et des escarres du siège et du

talon gauche. Les troubles vasomoteurs pulmonaires avec hémop-

tysies. L'autopsie montra une tumeur du lobule paracentral

droit.

L'akalésie.

M. Haskovec (de Prague). L'auteur désigne ainsi l'impossibi-

lité de rester assis, il rapporte les cas de deux hommes qui, dans

la situation assise étaient agités de ressauts qui les rejetaient hors

de leurs sièges, et qui se trouvaient au contraire calmes et tran-

quilles une fois debout ou pendant la marche. Ces malades seraient

des neurasthéniques dont l'affection peut. se comparer aux trou-

bles inverses de l'astasie-abasie.

Définition de l'hystérie.

M. Babinski apporte sur cette proposition un long mémoire dont

l'étendue ne permet pas la lecture complète. Sa définition serait la

suivante : « L'hystérie est une affection psychique qui consiste en

ce que le sujet qui en est atteint est susceptible de s'auto-sugges-

tionner ou d'être suggestionné.

« Elle se manifeste principalement par des troubles primitifs, et

accessoirement par des troubles secondaires.

« Les troubles primitifs sont caractérisés par la possibilité qu'ils

présentent d'être reproduits avec une exactitude rigoureuse chez

certains sujets, et de disparaître sous l'influence exclusive de la

persuasion.' Les troubles secondaires sont caractérisés par leur

subordination étroite à des troubles primitifs. »

Torticolis mental surajouté à des mouvements hémichoréiformes.

MM. I'EIt`DEL et 111EIGE rapportent le cas d'une jeune fille de dix-

huit ans d'une intelligence débile, présentant depuis l'âge de

dix ans des mouvements spasmodiques choréiformes du bras droit.

Récemment, un torticolis mental en rotation à droite, est venu

s'adjoindre aux troubles anciens de la motilité, et, comme c'est

habituel pour ce genre de torticolis, la malade avait trouvé la geste

antagoniste efficace capable d'empêcher la tête de tourner à droite.

Le traitement appliqué pendant deux mois a suffi pour corriger le

torticolis et améliorer les mouvements choréiformes du bras.

Quant à l'état mental de la malade, il est resté peu développé.

Cependant, le traitement prolongé de ses membres spasmodiques

permet d'espérer une amélioration simultanée de ses fonctions in-

tellectuelles.

84 - SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

Ankyloses généralisées de la colonne vertébrale et de la totalité des

. membres .

M. Averti. Le malade que j'ai l'honneur de présenter à la

Société offre des altérations osseuses et surtout articulaires, qui

rappellent, par leur caractère ankylosant et leur localisation à la

- fois a la colonne vertébrale et aux membres l'affection que

M. P. Marie a dénommée spondylose rhizomélique; mais d'autres

caractères, et en particulier l'extension des lésions ankylosantes

aux extrémités aussi bien qu'aux racines des membres. l'existence

d'une lordose au lieu d'une xyphose, le début brusque dans le

jeune âge, la marche plutôt régressive que progressive montrent

qu'il s'agit d'une affection voisine au point de vue symptomatique,

mais tout à fait différente comme nature.

Le malade, âgé de trente ans à été tout à fait normal jusqu'à

l'Age de trois ans; à cette époque il a eu des convulsions à la suite

desquelles il est resté trois ans confiné au lit; à partir de ce mo-

ment on a pu le lever; mais les mouvements de presque toutes

ses articulations étaient tellement limités qu'il ne pouvait progres-

ser que tout à fait difficilement. Depuis lors, il y eu plutôt amé-

lioration progressive et actuellement il arrive à faire dans sa

journée jusqu'à trois et quatre kilomètres sans trop de fatigue. La

tête est presque immobilisée, les mouvements de rotation et d'ex-

tension sont impossibles, la flexion seule persiste; la colonne ver-

tébrale est immobilisée en lordose; le bras ne peut être élevé au-

dessus de l'horizontale, encore les mouvements ne se passent-ils

qu'entre l'omoplate et le tronc. L'excursion angulaire des coudes

ne dépasse pas 60°, celle des poignets 30°, les phalanges elles-muez

mes, atteintes de nodosités de Bouchard et d'Heberden sont très

peu mobiles.

Les hanches sont tout à fait immobilisées, aux genoux l'excur-

sion est de 1000 environ; les mouvements du pied et des orteils

sont très limités. 1

Il n'y a aucune altération musculaire, aucun trouble des réflexes,

de la contractilité électrique, ni de la sensibilité. Il semble donc

qu'un pareil état ne puisse relever d'une affection définie des cen-

tres nerveux. Il ne s'agit pas davantage de rhumatisme chroni-

que déformant qui a une tout autre allure.

Je crois plutôt qu'il s'agit d'une affection ostéo-articulaire dis-

tincte de la spondylose rhizomélique et à laquelle la dénomination

purement symptomatique de spondylose « olomélique », c'est-à-

dire avec participation de la « totalité des membres », pourrait

convenir, ne serait-ce que pour créer un cadre où des faits analo-

.gues pourraient prendre également place.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 85

Sur une forme d'hypertrophie des membres. Dystrophie conjonctive

myélopathique.

M. Rapin (de Genève) rapporte l'observation d'une fillette de

sept ans, qui, à l'âge de vingt mois présente une hypertrophie du

membre supérieur droit survenue à la suite d'une période fébrile

de quelques jours. A l'âge de trois ans le membre supérieur gau-

che s'hypertrophia à son tour sans aucune manifestation fébrile.

La pathogénie de ces accidents dystrophiques du tissu conjonctif

doit être rapprochée de celle des amyotrophies spinales, en parti-

culier de la paralysie infantile. En effet les conséquences de la

paralysie infantile ne sont pas seulement représentées par l'atro-

phie musculaire, mais quelquefois aussi par l'hypertrophie. De

plus, on a signalé, conjointement à l'atrophie musculaire, la pro-

lifération du tissu cellulo-graisseux. Dans un autre cas, il s'agit

d'une femme de trente ans atteinte d'une hypertrophie du tissu

cellulo-cutané, d'origine congénitale. ,

· Les trophcedèmes.

M. H. NEIGE. Sous ce nom, nous avens proposé de désigner

l'oedème chronique, blanc, dur, indolore, à répartition segmentaire,

et de cause actuellement indéterminée. Dans cerfains cas, le tro-

phoedème chronique est, en outre, héréditaire.

Au sujet de la nature et de la pathogénie de ce trophoedème,

nous le considérons comme une dystrophie conjonctive au même

titre que les dystrophies musculaires, relevant vraisemblablemank

d'une altération des centres nerveux qui président au développe-

ment et à la nutrition du tissu cellulaire. La répartition segmen-

taire de l'oedème s'accorde avec l'hypothèse d'une altération méta-

mérique des centres médullaires.

Au point de vue nosographique, il y a lieu de considérer l'exis-

tence d'une dystrophie conjonctive, dite, si l'on veut, trophoedème,

et qui, selon les cas, sera congénitale, héréditaire, familiale, aiguë

ou chronique.

Porose cérébrale.

M. G. GUILLAIN présente deux pièces relatives à deux cas de

porose cérébrale, « L'état de fromage de gruyère » qui caractérise

les coupes au niveau du centre ovale, des ganglions centraux, des

pédoncules cérébraux et de la protubérance, est surtout le fait de

certaines modalités de la putréfaction se manifestant durant les

mois les plus chauds.

Myopathies familiales. ,

lui. Clstan rapporte l'observation de la famille de deux myopa-

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

thiques, type juvénile chez lesquels l'affection débuta par les quatre

membres.

Glycosurie et albuminurie nerveuses.

M. J. Roux (de Saint-Etienne) rapporte un cas de glycosurie et

d'albuminurie syphilitiques, il pense'que ces symptômes sont en

telle concurrence d'origine nerveuse.

A propos des tics et des troubles moteurs chez les délirants chroniques.

. Du syndrome musculaire comme signe pronostic.

M. DuFOUR communique l'observation d'une femme dégénérée

et débile, âgée de trente-quatre ans, et atteinte, depuis deux ans

et demi seulement, d'idées de persécution avec hallucinations de

l'ouïe, verbales psycho-motrices, de la sensibilité générale et géni-

tale, illusion de la vue; avec un fond de mysticisme qui donne un

cachet particulier à ce délire. Depuis un an, cette malade est

atteinte de tics des muscles du cou, de la nuque, des bras et des

jambes. Ce spasme est intermittent et ne semble lié à aucune idéa-

tion provocatrice; il rentrerait dans la classe des mouvements

automatiques, bien que sa complexité soit assez grande. Je pense

que l'apparition de ces troubles moteurs, véritable syndrome mus-

culaire chez une malade délirante depuis deux ans et demi et non

hystérique, doit être considérée comme un élément de gravité pour

le pronostic.

Quinze nouveaux cas d'élongation trophique (mal perforant, ulcère

variqueux).

1 '

M. CHIPAULT. - Je vous présente quinze nouvelles observations

d'élongation trophique qui m'ont été adressées par les professeurs

San Martin, Otero Acevedo, Ramonede (Espagne), Navarro (Uru-

guay), professeur Roucoli, Drs Moutini, lllariani (Italie), Vince et

Verneuil (Bruxelles), lIagopoff (Constantinople). La multiplicité

des chirurgiens auxquels est due cette série la rend particulière-

ment intéressante.

Sur ces quinzes observations, onze sont relatives à des maux

perforants, deux à des ulcères variqueux, une à des ulcérations

sur le domaine du cubital, une à de l'oedème trophique chronique.

Dans tous ces cas, malgré la gravité et l'ancienneté des lésions,

l'élongation nerveuse a été suivie de guérison. Celle-ci a été suivie

parfois fort longtemps, jusqu'à des années. Elle s'est bien nette-

ment limitée au territoire du nerf ou des nerfs élongés. Dans un

cas de Roucoli et dans celui de Vince, où les lésions siégeaient aux

deux pieds et où l'élongation n'a été pratiquée que sur un, ce der-

nier a seul guéri. Contrepartie de cette constatation, dans un cas

d'OteroAcevodo, où le nerf saphène interne fut rompu, une icthyose

SOCIÉTÉS SAVANTES. 87

de la jambe, associée à un mal perforant, guérit ainsi que celui-ci,

à la suite d'élongations multiples, sauf sur le territoire de ce

nerf.

MM. VASCHIDE et VURPAS présentent les lésions du névraxe chez

un anencéphale.

M. Touche montre les pièces d'un cas d'hémichorée organique.

MM. FAURE et Laignel-Lavastine communiquent des coupes de

lésions cadavériques des centres nerveux. '

Séance du 5 décembre 1901. PRÉSIDENCE DE M. LE professeur

RAYMOND.

Tumeur cérébrale chez un enfant.

MM. LENOBLE et Aubineau (de Brest) rapportent les pièces (cer-

veau et tumeur) provenant d'un enfant de cinq ans mordu par un

chien enragé peu de temps avant le début des accidents morbides

suivants : céphalée constante, vomissements, attaques epilepti-

formes, hémiplégie droite, nystagmus, le tout sans ancun trouble

de la sensibilité : On porta le diagnostic : tumeur de la base située

près du chiasma des nerfs optiques. A l'autopsie, rien de semblable,

on trouva une très volumineuse tumeur occupant tout le ventri-

cule latéral gauche et ayant détruit les corps optostriés, et un gros

tubercule isolé de la protubérance. Ce tubercule était primitil,

aucune lésion bacillaire n'ayant été relevée dans aucun autre

organe. Il y avait eu erreur de diagnostic, au moins de localisation.

Y aurait-il un rapport quelconque entre l'éclosion de ces troubles

et la morsure du chien enragé ? Cela ne semble indiquer qu'une

simple coïncidence, mais l'idée de phénomènes rabiques éventuels

pouvaient obscurcir encore le diagnostic. '

M. Marie propose de renvoyer à une date ultérieure la discussion

de la communication de M. Babinsky, Définition de l'hystérie, dont

M. Dupré présentera les principales données et conclusions en un

rapport succinct.

Myopathie avec conservation de la contractilité électrique.

M, Brissaud présente un enfant il lui adressé avec le diagnostic

de chorée molle, mais atteint en réalité de myopathie très accen-

tuée, avec cette particularité que les réflexes sont abolis et que la

contractilité électrique galvanique et faradique est entièrement

conservée et présente une amplitude exceptionnelle en pareil

cas.

M. HuET a eu l'occasion de voir deux myopathiques très anciens,

pareils au moins au point de vue de l'excitabilité, mais non de l'am-

88 SOCIETES SAVANTES.

plitude, celle-ci étant en rapport avec l'état d'atrophie des muscles.

Il est naturel que les contractions soient amples chez le petit

malade de M. Brissaud dont le cas est encore récent. Si chez les

myopathiques la contractilité électrique est généralement abolie,

la règle n'est cependant pas absolue, puisqu'elle peut être

conservée chez quelques-uns, simplement diminuée chez d'autres,

alors que d'autres encore présentent même la réaction de dégé-

nérescence.

M. BABINSKY montre que chez cet enfant les segments périphé-

riques sont surtout atteints, le petit malade marche comme un

névritique. Il y aurait des réserves à faire sur le diagnostic de

myopathie. '

M. Marie. En effet le sujet est trop paralysé et trop dépourvu

de réflexes pour l'âge de- sa maladie.

Paralysie infantile avec disposition radiculaire.

MM. HUET etCESTAN présentent un enfant de neuf ans qui eut

à l'âge de quatre ans une courte période fébrile suivie d'hémiplé-

gie gauche complète, molle et idolore.. Celle-ci s'améliora vite,

sauf pour le membre supérieur. Cependant pour celui-ci les

muscles innervés paris groupe radiculaire du plexus brachial ont

bénificié du processus de réparation, seuls les muscles correspon-

dant au groupe inférieur sont atrophiés. Pour le grand pectoral,

par exemple, le chef supérieur est indemne, alors que le chef costal

z disparu. Il y a une localisation nette à un groupe radiculaire

délimité.

Syringomyélie à forme radiculaire.

MM. IIUET et GESTAN présentent une femme de quarante-cinq ans

atteinte de syringomyélie; paraplégie spasmodique des membres

inférieurs sans troubles sensitifs marqués; aux membres supérieurs,

au contraire, sensibilité et motilité allérées dans le domaine du

groupe radiculaire brachial supérieur. Sensibilité au tact conser-

vée ; sensibilité à la température abolie sur la partie supérieure du

thorax en avant et en arrière, tout le membre supérieur droit,

saut sur la région interne et sur la partie supérieure du membre

' gauche, où la thermoanesthésie s'arrête net en coupure à l'avant-

bras. Les muscles sont très atteints des deux côtés, mais surtout

"à gauche, les deux trapèzes sont intéressés, surtout le droit. En

somme les troubles occupent la région innervée par les 30, 40, 5°

et 6° racines brachiales.

M. Brissaud est heureux de constater que cette malade avec' celle

dont il a récemment publié l'observation confirment les données

théoriques qu'il a établies il y a sept ans. Ce cas n'est cependant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 89

segmentaire qu'en partie, puisque au bras gauche l'anesthésie

s'arrête en coup de couteau d'amputation selon la doctrine jadis

admise par Charcot.

M. Long (de Genève) une série de photographies myopathiques.

Quatre cas d'hémorrhagie de la capsule externe avec hémianesthésie.

M. ToucHE sur une première série de onze hémorrhagies de la

capsule externe a trouvé huit fois l'hémianesthésie, dans cette der-

nière série il la trouve quatre fois sur quatre. L'hémiplégie avec

anesthésie semblerait correspondre à l'hémorrhagie de l'angle

insulo-temporal et sa persistance serait proportionnelle à celle de

l'hémorrhagie.

Association d'hémiplégie hystérique et de diplégie cérébrale infantile.

M. LAIGNEL-LAVASTINE (présentation de malade). Dès le début de

l'examen de cette malade, en raison des réflexes tendineux, forts

de l'épilepsie spinale et de l'extension des orteils, constatés de

temps en temps, on pensa à une lésion organique du système ner-

veux associé à une hémiplégie hystérique sensitivo-sensorielle

banale. Les événements ont donné raison à cette hypothèse puisque

depuis un mois, malgré la continuation de la suggestion à l'état

de veille qui, dans les premiers jours, avait amené de grandes

améliorations, aucun nouveau progrès n'a été effectué,. Ce cas

montre donc une fois de plus qu'il faut être très circonspect quand

il s'agit de rattacher l'exagération des réflexes tendineux à l'hys-

térie, et apporte, dans la discussion encore ouverte à ce sujet, un

appui à l'opinion de M. Babinski que l'hystérie seule n'entraîne

jamais exagération des reflexes tendineux et épilepsie spinale.

M. BABInSgI. Chez cette malade, une lésion organique vieille

de dix ans persiste. Ce qui était hystérique a guéri. C'est un cas

d'hystérie survenu sur des lésions organiques plus anciennes.

1

Hémorrhagie cérébrale chez un diabétique.

MM. KLIPl'EL et Jarvis rapportent l'histoire d'un diabétique qui

fut pris dans leur service d'un coma subit avec hémiplégie et ptosis.

Amélioré dès le lendemain le malade semblait revenu totalement

à son état normal le surlendemain. On croyait à une simple hémi-

plégie passagère par autointoxication chez chez un diabétique.

Lorsque sans nouveau coma la parole s'embarrassa et le malade

mourut dans une invasion graduelle de coma incomplet. A l'autop-

sie on trouva une large hémorrhagie de la capsule externe. 11 faut

donc réserver le pronostic des hémiplégies d'apparence bénigne au

cours du diabète. ? . ,.

90 SOCIÉTÉS SAVANTES.

· Synergie cérébelleuse.

MM. Grasset et tiAL51ETTE pensent que dans la difficulté à s'asseoir

éprouvée par certains malades dans le décubitus dorsal, il y a

plus que le signe de Kernig et plus qu'un trouble synergique céré-

belleux comme le penserait M. Babinski. Les auteurs classent ce

phénomène en quatre types : 1° type normal ; 2° type cérébelleux;

3° type hémiplégique; 4° type de Kernig. Les types 1, 2 et 3 peuvent

coexister chez le même sujet.

M. Babinski se défend d'avoir vu dans cette impossibilité de

fixer par les extenseurs le membre inférieur sur le lit, et dans cette

flexion combinée de la cuisse et du tronc, l'indice unique d'une

lésion cérébelleuse. Il ne considère pas non plus ce trouble comme

dû à l'affaiblissement paralytique, mais bien à une synergie qui

peut fort bien n'être pas d'origine cérébelleuse.

M. HERTOG envoie des photographies de malades atteints

d'oedème unilatéral de la jambe consécutif ou non à des périodes

fébriles, d'un cas d'oedème de la joue gauche. Avec ces trophoedèmes

figure une série de photographies montrant l'amélioratien progres-

sive et la guérison d'une déformation rachilique du membre infé-

rieur avec hernie crurale parla thyroïdisation.

M. 1\I £ IGE conteste dans ce cas la réalité du rachitisme, il y

aurait plutôt simple dystrophie. La soeur de la malade est naine

infantile.

M. HASKOVEC (de Prague) invite la société à prendre part à une

enquête internatioale tendant à empêcher le mariage des sujets

atteints d'états morbides capables d'engendrer la dégénérescence

de leurs descendants. La proposition paraît utopique à plusieurs

' membres. Une commission sera nommée pour en examiner la

valeur.

. Epilepsie jaksonienne frontale.

M. CsipAULT pense que l'épilepsie jaksonienne en général est

d'une valeur localisatrice plus grande qu'on ne le dit d'ordinaire.

Il y a des cas, en particulier, d'épilepsie jaksonienne comitiale et

hystérique, dans lesquels on trouve, à l'opération, des,lésions qui

ne doivent plus se trouver à l'autopsie. D'autre part, il est souvent

possible, lorsque l'épilepsie est d'origine extrarolandique, d'en

diagnostiquer le siège par des symptômes concordants. Trois cas

semblent démontrer que lorsque cette origine est frontale, le

symptôme concordant réside dans des altérations de la motilité et

de la sensibilité significatives (sens stéréognostique) qui avaient

leur siège dans le pied des frontales 1 et 2.

M. RAYMOND n'a pas discuté la valeur du signa épilepsie partielle

SOCIÉTÉS SAVANTES. 01

avec paralysie au point de vue chirurgical, mais seulement au

point de vue de la doctrine des localisations. Il émet des réserves

au sujet de la localisation du sens stéréognostique ou sensibilité

significative. F. BOISSIER.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 15 octobre 1901. Présidence DE M. Jules Voisin.

L'autosuggestion du vertige et le suicide.

M. Félix REGNAULT rapporte quelques exemples de suicide par

autosuggestion involontaire. Le sujet contemple le vide, il a la

représentation mentale d'une chute; or toute idée d'acte s'accom-

pagne d'exécution et cela d'autant mieux que l'idée est plus

intense. 1

De la volonté.

M. CosTE de Lagrave expose comment, dans la vie quotidienne,

on peut utiliser la puissance de-l'idée dans l'acte de méditation et

dans l'acte d'auto-suggestion.

M. Bérillon cite, à son tour, de nombreux faits d'où il résulte

que, par l'auto-suggestion et l'application de la volonté, on peut

agir sur presque toutes les fonctions organiques et en particulier

sur les phénomènes vaso-moteurs.

Un prétendu liseur de pensée.

M. Paul FAREZ rend compte d'une séance qui a été donnée à

l'Ecole de Psychologie par un sujet originaire de Salonique. Il

rapporte les expériences et les contre-expériences par lesquelles il

a pu démontrer qu'il ne s'agissait nullement de lecture de pensée;

le sujet ne faisait qu'interpréter très habilement les mouvements

subconscients des personnes qui lui servaient de conducteurs. Ces

faits ne sont point nouveaux; ils s'expliquent scientifiquement,

sans qu'il soit besoin de faire appel à une hypothèse aussi extra-

scientifique que la suggestion mentale.

Séance du mardi 19 novembre 1901. Présidence de M. Jules Voisin.

Sur la masturbation périodique.

M. Maurice Bloch rapporte l'observation d'une femme qui pré-

92 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sente des crises de masturbation trois fois par an pendant quinze

jours. Ces crises offrent les caractères suivants : périodicité de

l'accès, horreur du malade pour lui-même, modification du carac-

tère, incurabilité de l'accès ; elles sont à l'onanisme ce que la

dipsomanie est à l'ivrognerie ; c'est un véritable cas d'onano-

manie.

M. Jules Voisin. - J'ai souvent constaté la masturbation pério :

dique chez des dégénérés et des débiles. Chaque fois, il y a mélan-

colie, trouble du caractère, excitation, onanisme, puis dépression.

Sans doute, on peut rapprocher ces accès de la dipsomanie.

Toutefois, ce n'est pas l'onanisme qui oucupe la première place ;

il s'agit de véritable maladie mentale et l'onanisme n'intervient

qu'à l'état de symptôme ; ce qu'il faut soigner, c'est la maladie

mentale elle-même, laquelle est très difficile à modifier, ainsi qu'il

en est de toutes les folies périodiques.

M. BÉRILLON. M. Bloch considère ces accès d'onanomanie

comme incurables. Le mot incurable ne peut pas être prononcé

tant que tous les modes de traitement n'ont point été employés; or

par l'hypnotisme, j'ai obtenu des guérisons dans des cas analogues,

certaines fois même en une seule séance. Chez ces malades l'ona-

nisme est, dit-on, irrésistible; or précisément, l'hypnotisme orga-

nise la résistance à cette impulsion.

M. PAU DE SAINT-MaaTN. z J'ai observé jadis en Afrique un

sous-officier qui, tous les mois, avait pendant trois jours une

crise d'onanisme, toujours consécutive à un rêve sanglant. Il n'y

avait chez lui ni dégoût de lui-même, ni essai de résistance ;

c'était presque l'équivalent d'une époque menstruelle.

Psychopathie religieuse : Robert d'Arbrissel.

, M. Henry LEeESLE. Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye

d'hommes et de femmes de Fontevrault partageait le lit des reli-

gieuses, afin de vaincre les désirs de sa chair. Le fait a été con-

testé, mais il est prouvé par le témoignage des contemporains,

Godefroid de Vendôme et Marbot, évêque de Rennes. Il est possible

que l'abbé de Fontevrault ait créé en lui, par autosuggestion, des

crans d'arrêt, des centres d'inhibition ; ainsi les psychologues ne

doivent pas rejeter d'emblée la possibilité de la continence de

Robert d'Arbrissel.

Un cas de cécité verbale.

M. Bérillon rapporte un cas de cécité verbale constaté chez un

jeune soldat qui sait très bien écrire, mais pas du tout lire. Il

- cite, à ce propos/ un autre cas de cécité verbale' observée chez un

enfant et indirectement suggéré à celui-ci par sa mère. -

BIBLIOGRAPHIE. 93

M. Bellemanière rapporte quelques cas d'inhibitions analogues

suggérées aux enfants des écoles par leurs parents.

M. Jules Voisin expose à ce sujet ce qui se passe à l'Ecole de

réforme de la Salpêtrière.

M. Paul MAGNIN rapporte les expériences de cécité verbale qu'il

a faites jadis à la Pitié, dans le service de Dumontpallier.

Un livre posthume de Durant de Gros.

M. Paul FAREZ, à l'occasion de l'anniversaire de la mort de

Durand de Gros, apprécie l'ensemble de ses travaux et présente

son livre posthume : Questions de philosophie morale et sociale; il

expose et discute les idées de l'auteur, particulièrement sur le

transformisme, la doctrine de Lombroso et la responsabilité du

criminel. :

BIBLIOGRAPHIE.

I. Contribution à l'étude clinique du syndrome de Landry post-

grippal; par le Dr 130UTIN. (Th. Lyon, 1900-1901.)

Le syndrome de Landry n'est pas une conséquence rare de la

grippe. Les premières manifestations nerveuses apparaissent pen-

dant la convalescence. L'auteur reconnaît deux formes cliniques

assez nettes : 1° L'une caractérisée par un début insidieux, par sa

bénignité, par la régression rapide et presque toujours complète

des accidents ;

2° L'autre par l'acuité des phénomènes du début, par la persis-

tance des symptômes généraux, par la rapidité de son évolution,

par la marche ascendante de la paralysie, par la terminaison

mortelle.

Au point de vue pathogénique, on peut envisager ces deux

formes, suivant la théorie de M. Raymond, comme les manifesta-

tions extrêmes de l'altération d'un même système anatomique : le

neurone moteur périphérique.

Le pronostic dépend du mode de début, des manifestations bul-

baires, de l'évolution et de la marche de la paralysie, de la persis-

tance des phénomènes généraux après le début du syndrome.

G. Carrier. '

CORRESPONDANCE.

La GUERRE au TRANSVAAL et la FOLIE.

Mon cher Dr Bourneville,

Sous le titre de La Guerre au Transvaal et la Folie dans le numéro

des Archives de Neurologie d'octobre on lit : « De Londres au

Rappel : Le rapport de la commission des asiles du comté de

Londres constate qu'en 1901 le nombre des aliénés s'est augmenté de

16,353 à 21,369. Le Dr Claye Sltaw'attribue cet accroissement de

l'aliénation mentale aux influences de la guerre du Transvaal. Beau-

coup de gens, revenus de l'Afrique du Sud, sont en proie à une

surexcitation nerveuse qui se manifeste par l'insomnie et par des

regards fuyants (Le Malin, H sept.) »

Qu'est-ce qne sont les faits actuels ? Dans le rapport mentionné

(et qu'on peut acheter des agents de la vente des publications du

conseil, King et fils, 2 et 4 Great Smith-Street, Victoria Street,

Westminster, London. S.-W. pour 2 shillings and 4 pences ou

3 francs), on lit à la page 5 : « Le total de tous les aliénés pauvres

dans le comté de Londres au 1er janvier dernier était de 21.369.

comparé avec celui de la dernière année (21.393), on trouve une

réduction de 24 dans les douze mois. Le total 16,358 (p. 6), est pour

le 1er janvier 1890, et l'accroissement d'aliénation à 21,369 est

pour 11 années, et non pour un an. Que fait la guerre avec cela ?

Page 43, M. le Dr Claye Shaw, médecin en chef de l'asile de

Banstead en parlant des admissions à son asile pour l'année 1900

dit : Ce n'est pas trouvé ici que la guerre de l'Afrique du Sud a eu

quelque influence matérielle sur les admissions, soit dans la voie des

résultats directs, du caractère des délusions ou indirectement par

diminution des ressources des familles de ces hommes qui sont

absents pour service ».

Assurément, il y a déjà assez d'exemples de cette sorte de choses

dans la presse laïque française, et c'est une pitié qu'un journal de

haute réputation scientifique, comme les Archives de Neurologie, se

prête à la publication de mensonges ou de versions mutilées de la

vérité même d'occasion. Excusez mon pauvre pouvoir de français,

et recevez, s'il vous plaît, l'expression de mes sentiments les plus

distingués. R.-S. Stewart.

FAITS DIVERS. 95

P.-S. - Au regard de cette question de la guerre et de la folie, je

suis sûr que non seulement mes confrères, les aliénistes français,

seront enchantés, mais aussi toute la nation française sera enchan-

tée d'avoir dissipé quelques doutes sur la santé mentale de leurs

voisins d'Albion. Et voici l'évidence, prise de première main, du

cinquante-cinquième rapport des « Commissionners in Lunacy »

(London 1901).

« Le nombre total des aliénés de qui nous avons eu notice était

au 1er janvier 1901 de 107.904, constituant un accroissement de

1.333 sur le nombre au 1er janvier 1900. Cet accroissement d'aliénés

notifiés en 1900 montre un accroissement de 1,525 en 1899, et de

3.114 en 1898. L'accroissement moyen annuel dans les dix années

finissant au 31 décembre 1900 a été de 2.115, et il a été, dans les

cinq années finissant à la même date, de 2.300, de sorte que l'ac-

croissement en 1900 était de 782 au-dessous de l'accroissement

moyen annuel dans les dix ans, et de 967 au-dessous dans les cinq

années précédentes (p. 1).

« La proportion des paralytiques généraux parmi la moyenne

annuelle des malades admis est montrée avoir décru quelque peu

savoir de 7,6 p. 100 à 7,3 p. 100. Le pourcentage des épileptiques

restait à 7,7; et celui des malades avec propension au suicide avait

très légèrement baissé (p. 6). » R. S. S.

Nous avons reproduit la note du Rappel à titre de renseignement,

sans insister. Les renseignements donnés nous paraissaient d'ac-

cord avec ce que nous savons de l'influence des grands cataclysmes

sur la production de la folie. Tant mieux pour nos voisins s'ils y

échappent. B.

FAITS DIVERS.

Asile d'aliénés. Mouvement de novembre 1901 : M. DENIzET,

directeur en l'asile de Maréville, nommé en la même qualité à

l'asile de Marseille; il. BREssoN, directeur à l'asile de Marseille,

nommé en la même qualité à l'asile de Maréville ; M. le Dr Piea-

RET, médecin en chef de l'asile de Bron (Rhône), admis à faire

valoir ses droits à la retraite, est nommé médecin en chef hono-

raire des asiles publics d'aliénés; M. le Dr Vallon, médecin-

adjoint à l'asile d'aliénée de Bron (Rhône), nommé médecin en

chef dans le même établissement en remplacement de M. le Dr Pier-

ret, retraité; M. le Dr Papillon, médecin-adjoint à l'asile d'aliénée

de Montdevergnes (Vaucluse), nommé médecin-adjoint à l'asile de

96 AVIS A NOS ABONNÉS.

Bron, en remplacement de M. le Dr Viallon; - 1\1. le 1)1'. CASTE'<

(Concours de Paris), nommé adjoini à Montdevergues (Vaucluse),

en remplacement de M. le Dr Papillon, nommé à Bron (Rhône ;

M. BONN1ER, directeur de l'asile d'aliénés de la Maison-Blanche

(Seine-et-Oise), nommé directeur de la maison nationale de Cha-

renton en remplacement de M. Strauss, admis à faire valoir ses

droits à la retraite et nommé directeur honoraire de cet Etablisse-

ment ; M. DRUON, directeur de l'inststution nationale des Sourdes-

Muettes de Bordeaux, nommé directeur de l'asile d'aliénées de

Maison-Blanche, en remplacement de M. Bonnier, appelé à d'autres

fonctions; M. le Dr DUPAIN, médecin en che; à l'asile d'aliénés de

Vaucluse (Seine-et-Oise) promu à la 2° classe du cadre; M. le

Dr TERRADE, médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de Prémonté

(Aisne), nommé à la jre classe du cadre; M. le Dr 1\IAUPATÉ,

médecin-adjoint à Bailleul, nommé directeur-médecin à l'asile de

Naugeat, en remplacement de M. le Dr Doursout, admis à faire

valoir ses droits à la retraite ; le Dr CoULON, médecin-adjoint à

l'asile de Clermont, promu à la classe exceptionnelle du cadre.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1er JANVIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnernent cesse à

celte date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p.'100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nousmppelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

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Le rédacteur-gérant : BOUIS1VEVILLE.

Bvreux, Ch. Hémssav, imp. 12-1901.

Vol. XIII. Février 1902. N° 74.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE-

CLINIQUE NERVEUSE..

Travail DE la clinique DE M. LE professeur A. Pitres. ' ,

... ? 1 i

Étude sur six cas de paralysie hystéro-alcoolique

bénigne du membre supérieur. ,

Par Jean GAUnAUU,

Intente piovisoire des hôpitaux de Bordeaux.

Les monoplégies hystériques du membre supérieur sont

loin d'être rares. Dans le courant des deux dernières années

scolaires, de 1899 à 1901, nous en avons observé, dans le

service et à la consultation externe de notre maitre, M. le

professeur Pitres, treize cas. -

Sept de ces cas répondaient très exactement à la magis-

trale description qu'en a faite Charcot. C'étaient des exemples

typiques de paralysies hystériques à distribution franche-

ment segmentaire, portant à la fois sur la sensibilité et sur

la motilité, survenues brusquement, ou bien chez des femmes

manifestement névrosées ou bien chez des hommes soumis à

de grands ébranlements traumatiques. Leur diagnostic

s'imposait, pour ainsi dire, à première vue.

Les six autres se présentèrent avec des allures cliniques

.tout à fait différentes. Les malades de ce groupe étaient tous

des hommes vigoureux, exerçant des professions manuelles

pénibles et coutumiers d'excès alcooliques, mais n'ayant eu

jusqu'alors aucune espèce de manifestations névropathiques

Archives, 2e série, t. XIII. 7

98 CLINIQUE NERVEUSE.

et n'ayant pas subi de traumatismes violents. Le début

discret, insidieux de la paralysie, sa symptomatologie fruste,

atténuée, ne paraissaient pas, de prime abord, devoir la

faire ranger dans la catégorie des accidents hystériques. Il

s'agissait cependant bien de paralysies hystériques, car il

- suffit dans tous les cas d'un petit nombre de séances d'élec-

trisation ou de l'application d'un traitement psycho-théra-

pique pour en obtenir la guérison rapide.

Les faits de ce genre sont, croyons-nous, assez peu

connus. M. Pitres, qui s'en est occupé à plusieurs reprises

dans ses leçons, les désigne sous le nom de monoplégies

brachiales hysléro-alcooliques bénignes des man01lVJ'ieJ's.

Les observations dont nous allons relater les détails et les

courtes réflexions dont nous les ferons suivre mettront en

relief les principaux caractères de cette forme de paralysie

des membres supérieurs.

Observation I. Bern..., trente-sept ans, déménageur.

Antécédents héréditaires. -- Père et mère vivants et bien portants;

pas de maladies nerveuses chez les collatéraux.

Antécédents personnels. Bern... jouit habituellement d'une

excellente santé. Il n'a jamais eu d'attaques de nerfs ni de para-

lysies d'aucune sorte. Il se livre à des excès alcooliques quotidiens.

Pas de syphilis.

Histoire de la maladie. Lundi dernier, Bern... a bu plus

encore que de coutume ; il s'est couché complètement ivre. Mardi

matin, en s'éveillant, il a été tout surpris de ne pouvoir se servir

de sa main droite. Il était incapable de fléchir ou d'étendre les

doigts. Les mouvements de l'avant-bras sur le bras et ceux de

l'épaule étaient conservés. Pas de douleurs; pas de fourmillements.

Il vient à la consultation de M. Pitres le mercredi, ne se plaignant

de rien autre chose que de cette paralysie de la main droite per-

sistante depuis quarante-huit heures. En l'examinant^ on constate

que les mouvements de flexion et d'extension des doigts sont

impossibles; ceux du poignet très limités, ceux de l'avant-bras et

du bras normaux. La main est en demi-flexion, sans contracture.

Elle est un peu plus froide que celle du côté opposé; pas de tumé-

faction oedémateuse ; pas de changement appréciable de la colo-

ration de la peau. Le malade est incapable de saisir un petit

objet entre le pouce et l'index ; il ne peut boutonner ses vêtements.

La percussion des tendons palmaires au poignet donne une réac-

tion plus brusque et plus ample du côté droit paralysé que du

côté gauche sain. L'excitabilité à la percussion des muscles de

l'avant-bras provoque une secousse normale et égale des deux

PARALYSIE HYSTÉRO-ALCOOLIQUE. \ 99

côtés. Pas de sensation d'engourdissement dans la main paralysée.

Le malade a conservé la notion de l'existence et de la position de

tous les segments du membre supérieur droit.

L'exploration de la sensibilité révèle une bande segmentaire

d'anesthésie au contact, au pincement, à la piqûre et à la tempé-

rature étendue sur tout l'avant-bras droit, depuis le pli du coude

jusqu'au poignet, à la face antérieure, et depuis le pli du coude

jusqu'à la ligne des articulations métacarpo-phalangiennes à la

face postérieure. Cette bande est limitée en haut et en bas par

des lignes circulaires très régulières. Sur la face palmaire de la

main et des doigts, la sensibilité est normale, ainsi que sur la face

dorsale des doigts (fig. 12). Le champ visuel est rétréci de

moitié environ, aussi bien du côté droit que du côté gauche. Les

autres organes des sens sont normaux.

Le diagnostic de paralysie hystéro-alcoolique bénigne des ma-

nouvriers étant posé, le malade est immédiatement conduit au labo-

ratoire et soumis à une séance de faradisation de l'avant-bras et

de la main. Après quelques instants, la sensibilité reparait dans

tout l'avant-bras, puis les mouvements des doigts et de la main

redeviennent possibles. Après un quart d'heure d'électrisation, le

malade peut te boutonner, écrire, porter une chaise à bras tendu.

Il s'en retourne chez lui guéri.

Observation II. Lestr..., quarante-deux ans, chauffeur à

l'usine à gaz.

Antécédents héréditaires. - Rien à retenir dans ses antécédents

Fiff. 12.

100 CLINIQUE NERVEUSE.

héréditaires. Père et mère vivants en bonne santé : non nerveux.

Lestr... est marié et a trois enfants bien portants aussi.

Antécédents personnels. Lui-même se porte fort bien : n'a

jamais été malade; pas de syphilis. Il ne s'enivre pas souvent,

mais prend volontiers des apéritifs.

Histoire de la maladie. Il y a dix-huit jours, le malade fait la

fête et se saoule. Le lendemain matin, il sent que sa main et son

bras droits sont moins vigoureux que la veille : qu'il les remue

avec difficulté. Cet état de gêne va en augmentant jusqu'au jour

où il se présente à la consultation, le 7 avril 1900.

Lestr... est d'aspect vigoureux, haut en couleurs, les épaules

larges; il donne l'impression d'un homme remarquablement musclé.'

Son bras droit, pour lequel il vient à la consultation, est normal

de forme, de couleur, de température : sans troubles trophiques,

sans hyperhydrose, mais les troubles moteurs en sont très marqués.

Alors que sa main gauche broie les objets qu'on lui dit de serrer,

sa main droite n'exerce sur la main qu'on lui tend qu'une pres-

sion insignifiante : 15 kilogrammes au dynamomètre. Les mouve-

ments,de flexion de la main sur l'avant-bras et de l'avant-bras

sur le bras sont presque nuls : les mouvements d'extension conser-

vés ; les mouvements de l'épaule ne sont pas atteints. Malgré tout,

le malade est très gêné dans les actes de la vie courante. Il ne

peut couper son pain, dépecer ses aliments, se boutonner, etc...

La sensibilité est troublée selon le schéma pour la piqûre et le

pincement : c'est une hypoesthésie en gant remontant jusqu'à

l'interligne articulaire du coude; la limite soigneusement recher-

chée est très exactement représentée par la ligne supérieure du

schéma. On passe sans transition de la sensibilité normale au-

dessus à l'hypoesthésie au-dessous (fig. 13).

Les sensibilités à la température et au contact sont normale-

ment conservées, ainsi que le sens stéréognostique. La percussion

des tendons palmaires ne donne pas de réaction, pas plus que la

percussion des bords radial et cubital. L'excitabilité musculaire à

la percussion est normale. Lestr... a la notion nette de la position

de son bras. Son champ visuel est concenlriquement rétréci.

Après un quart d'heure de faradisation de l'avant-bras et de la

main, la sensibilité est redevenue normale, mais la faiblesse per-

' siste. Une deuxième séance pratiquée le lendemain rend au membre

paralysé une partie seulement de sa vigueur normale. Il a fallu

que le malade revint se faire électriser une troisième fois, le jour

suivant, pour que sa guérison fût complète.

Observation III. Gu... Pierre, quarante-un ans, déménageur.

Antécédents héréditaires. Père rhumatisant mais vigoureux et

vivant encore. Mère en bonne santé, pas nerveuse. Gu... est marié,

père de deux enfants bien portants aussi.

PARALYSIE HYSTÉRO-ALCOOLIQUE. - 101

Antécédents personnels. - Pas d'histoire pathologique : jamais

un rhume, nous dit-il, pas de syphilis, mais, comme la plupart des

gens de sa profession, il est obligé de boire pas mal d'alcool pour

se soutenir, et très régulièrement il boit deux ou trois litres entre

ses repas avec des apéritifs vers le soir. Malgré tout, jamais une

heure de chômage pour raison de santé.

Histoire de la maladie. Il y a quatre jours, pendant son travail,

G... a ressenti une douleur dans la main gauche, douleur légère

d'ailleurs et qui bientôt disparut, laissant après elle des fourmille-

ments et des picotements. Une chose le gênait surtout, c'était la

faiblesse extrême de son bras gauche. Il n'aurait pu soulever le

plus léger fardeau. Il ne pouvait manier le marteau qui lui sert à

clouer les caisses. Inquiet de la persistance de cette faiblesse, il se

présente à la consultation le 26 juin 1900.

Examen le 26 juin 1900. Gu... est très vigoureux, le visage

couperosé, les conjonctives injectées, mais les bras et les jambes

sont remarquablement musclés et dénotent une vigueur dont le

malade est d'ailleurs très fier.

Le bras gauche est d'aspect normal, sans la moindre diminution

de volume, la peau est normalement colorée, aussi chaude que la

peau du bras droit. Pas de contractures. Pas de troubles trophiques

ni vaso-moteurs. Le malade lève difficilement le bras au niveau

de la tête; cependant toute douleur a disparu. Tous les mouve-

ments sont possibles mais lents. Les fléchisseurs sont libres, mais

donnent 10 au dynamomètre. Si l'on demande au malade de

Fif}. 13.

102 CLINIQUE MENTALE.

tapoter des deux mains sur la table, comme s'il jouait du piano,

l'on s'aperçoit nettement de la lenteur des mouvements de la main

gauche. Le mouvement d'opposition du pouce et de l'index est à-

peine esquissé. '

La sensibilité est normale sur tout le membre : la piqûre, le

pincement, le contact, la température sont perçus également des

deux côtés. Rien à signaler non plus à ce point de vue sur toute

la surfacè du corps. Le sens stéréognostique est conservé. Le

malade a très bien la sensation de position de ses membres

et reconnaît les lettres que l'on trace dans sa main à l'aide

d'une épingle. L'excitabilité musculaire à la percussion est noi-

male.

La percussion des tendons palmaires et des bords radial et cubi-

tal ne donne lieu à aucune réaction. La percussion du nerf cubital

dans la gouttière donne la réaction normale.

Le malade est soumis aussitôt à une séance d'électrisation. Dès

l'abord, le passage du courant ne provoque chez Gu... aucune

sensation, bien que, cependant, on constate la contraction des

muscles sous la peau. Peu à peu la sensibilité faradique réappa-

raît et le malade remue ses doigts avec plus de vigueur. Au bout

d'un quart d'heure, la vigueur entière est revenue : tous les mou-

vements sont possibles, le malade est guéri et la vigueur de sa

poignée de main nous en est un sûr garant.

Observation IV. Joseph Du..., quarante-neuf ans, raccommo-

deur de porcelaine, entre à l'hôpital, service de M. le professeur

Pitres, pour une monoparésie du membre supérieur droit.

Antécédents héréditaires. - N'a pas connu ses grands parents.

Sa mère est morte à trente-quatre ans, de suite de couches. Le

père est mort d'accident. Rien à signaler chez les collatéraux. 11 a

épousé une femme bien portante mais n'en a pas eu d'enfant.

Antécédents personnels. ' Jusqu'à l'âge de vingt-un ans, il vécut

dans les campagnes de l'Auvergne et jouissait là d'une excellente

santé. Réformé à la conscription pour faiblesse de constitution, il

se mit à voyager, comme la plupart de ses compatriotes, et, succes-

sivement matelassier, marchand de marrons, raccommodeur de

porcelaine, il parcourut la France, récoltant à vingt-cinq ans la

chaude-pisse, à vingt-six ans la petite vérole, à vingt-sept ans un

« bouton » sur le gland que l'on lui cautérisa au nitrate d'argent,

à trente ans une angine diphtéritique, à trente-deux ans une

morsure de vipère qui le tint un mois à l'hôpital.

Telle est, jusqu'en décembre 1899, l'histoire de notre malade;

ajoutons que jusqu'à dix-neuf ans il a uriné au lit, qu'il a toujours

eu des rêves terrifiants, que son caractère était calme et plutôt

sombre, qu'il n'aimait pas la compagnie. Pas d'habitudes très

marquées d'alcoolisme, bien qu'à l'occasion il boive volontiers un

PARALYSIE HYSTÉRO-ALCOOLIQUE. '103

petit verre; mais durant toute son existence, malgré un travail

pénible, il a été fort mal nourri.

Histoire de la maladie. Dans le courant du mois de janvier

1900, sans cause connue, apparaissent des douleurs cervico-dor-

sales : douleurs fugaces et peu intenses, qui disparaissent bientôt,

mais peu à peu le malade s'aperçoit que les mouvements de sa

main sont de plus en plus gênés; il continue à travailler durant

un mois encore, mais les troubles moteurs s'accentuent de plus en

plus : il ne peut plus tenir son outil, abandonne son travail et

entre à l'hôpital Saint-André six semaines environ après le début

des accidents.

Etat actuel le 8 mars 1900.-Du... est de physionomie intelli-

gente, ses réponses sont nettes, il n'a pas l'aspect très vigoureux ;

il est de stature et de corpulence moyennes, le teint coloré, la

démarche vive, bien qu'il se tienne toujours un peu penché du

côté droit, à cause de l'habitude qu'il a de porter sa boite de ce

côté du corps. Pas de troubles de la vue. Les réactions pupillaires

sont normales. Pas de troubles de l'ouïe, pas de troubles du goût.

Le cou, le tronc, le membre supérieur gauche sont normaux et

n'offrent rien à signaler. CI

Seul le bras droit inquiète notre malade, tant pour les troubles

de la motricité que pour les douleurs dont il est le siège.

Le membre n'est pas diminué de volume. Il ne présente ^ni

troubles trophiques, ni troubles vaso-moteurs, si ce n est cepen-

dant une légère augmentation de la sécrétion sudorale. Pas de

dystrophie des ongles.

Du... peut porter difficilement le bras au-dessus de sa tête; il

peut se peigner, mais avec peine, il peut porter lentement la

cuiller à la bouche. Dans l'acte de tourner une main autour de

l'autre, la main droite reste en arrière, et si l'on lui dit d'exécuter

avec les doigts des roulements de tambour, il ne le peut faire avec

la main droite. Il est incapable de peler une orange avec la main

droite, même si on a eu le soin de soulever' auparavant l'écorce.

Cependant dans l'acte de s'habiller il s'aide quelque peu de la

main droite. La force musculaiie est presque totalement perdue.

Pression au dynamomètre : main gauche 40 kilogrammes, main

droite 1 kilogramme.

La sensibilité à la piqûre, au contact, à la température est

abolie sur toute la face antérieure de l'avant-bras et diminuée sur

la face antérieure du bras et de la main. Sur la face postérieure,

le dos de la main est anesthésique et l'avant-bras hypoesthésique.

Le sens stéréognostique est intact, la sensation de position du

membre conservée (fig. 14). - ,

L'excitabilité des muscles de l'avant-bras à la percussion est

normale des deux côtés. Il en est de même de la réaction sensitive

et motrice du nerf cubital percuté au-dessus de la gouttière. Rien

104 CLINIQUE NERVEUSE. -

à signaler dans les grands organes splanchniques. Pas de zones

- hystérogènes. Champ visuel rétréci concentriquement des deux

côtés.

Le 12 mars 1900, première séance de faradisation durant dix

minutes. Pas de résultat appréciable.

Le 13 mars, deuxième séance de dix minutes encore ; la main

droite donne 3 kilogrammes au dynamomètre. Rien de changé

dans la sensibilité.

Le 14 mars, on examine le malade avant l'électrisation. Rien de

change dans la motilité ou la force musculaire. Mais la sensibilité

est redevenue entièrement normale.

Faradisation de dix minutes, après laquelle la force est presque

entièrement revenue, le malade donne 35 kilogrammes avec la

main droite. Exeat.

Observation Y. - L..., cinquante-deux ans, tailleur de pierres.

Antécédents héréditaires. - Nuls. Le père est mort d'accident.

La mère d'une pneumonie. Deux frères en bonne santé. Une soeur

pas nerveuse. L... est marié, père de trois enfants vivants qui, sans

être très robustes se portent néanmoins fort bien.

Antécédents personnels. S'est très bien porté jusqu'à son ser-

vice militaire, pendant lequel il a été atteint de pleurésie. Il ne lui

en est resté, nous dit-il, aucune incommodité, il ne tousse jamais.

Il affirme qu'il n'a jamais eu la syphilis, qu'il ne se livre pas

immodérément à la boisson, qu'il ne s'enivre que très rarement.

Histoire de la maladie. - Il y a huit jours, pendant son travail,

L... a ressenti dans son bras droit une gêne très marquée, une

faiblesse croissante qui, au bout de quelques instants, l'ont forcé à

Fifl. II,.

PARALYSIE HYSTÉRO-ALCOOLIQUE. 105

lâcher son outil. A ce moment-là, ni douleurs ni picotements; un

simple fourmillement très léger et qui n'a été que passager. Depuis,

L... n'a pu reprendre son travail, il ne peut saisir son outil, il a

difficulté à couper son pain, à se vêtir, et se présente à la consul-

tation de M. le professeur Pitres le 22 septembre 1900.

Etat actuel, le 22 septembre 1900. il... esr. d'aspect robuste, son

visage est coloré et malgré ses cheveux presque entièrement

blancs, il a l'aspect jeune encore et la démarche alerte. Il est assez

vigoureusement musclé. Son bras droit n'offre à la vue rien de

particulier. Il n'est pas diminué de volume, paraissant même

notablement plus vigoureux que le bras gauche. La peau en est

normale. Pas de troubles trophiques ni vaso-moteurs. La mobilité

en est cependant fort troublée, et ces troubles vont s'accentuant

de plus en plus. -

Les mouvements de flexion des doigts sont nuls. Le malade ne

peut tenir le dynamomètre de Mathieu. Il ne peut saisir la main

que l'on lui dit de serrer. La flexion de la main sur l'avant-bras

est presque nulle; il suffit d'un poids insignifiant placé sur la main

à plat pour l'empêcher de se produire. Les mouvements de flexion

de l'avant-bras sur le bras se produisent, mais il suffit de pousser

avec l'index l'avant-bras fléchi pour l'étendre de force.

Les mouvements de l'épaule sont conservés.

La sensibilité au contact est normale partout. Analgésie en gant

de la totalité de la main droite (depuis le bout des doigts jusqu'au

poignet) (fig. 15).

» Le sens stéréognostique est conservé, ainsi d'ailleurs que la sen-

sation de position du membre paralysé. La percussion des muscles

Fig. 15.

106 CLINIQUE NERVEUSE.

donne lieu à des réactions normales. La percussion des tendons

palmaires et des bords radial et cubital ne donne lieu à aucune

réaction.

Le champ visuel est normal.

Le même jour, nous le faradisons pour la première fois dans le

laboratoire de M. le professeur Pétré. Le résultat est à peu près

nul. Les troubles de la sensibilité et de la motilité ne sont pas

sensiblement améliorés. ,

Le 24 septembre nous instituons le traitement purement sug-

gestif. Nous plaçons le malade, nu jusqu'à la ceinture, en face du

grand cylindre de Marey mis en mouvement. Nous mettons en

action le trembleur de l'installation électrique, cependant qu'un

métronome marque lentement sa mesure sur une table voisine. Le

malade considère tous ces apprêts avec une certaine inquiétude.

Nous l'avertissons que nous allons faire passer le grand courant,

que c'est là un traitement fort énergique et parfois douloureux, et

que s'il craint que son courage l'abandonne, nous renoncerons à

cette thérapeutique qui cependant nous parait infaillible. Il accepte

avec crainte. Nous provoquons alors de rapides contacts de son

avant-bras et du cylindre de Marey, rythmant ces contacts sur le

rythme du métronome, cependant que M. Abadie, chef de clinique,

manipule sous l'oeil attentif du malade les interrupteurs et les

commutateurs de l'installation électrique. L... ne ressent aucune

douleur, mais quand cesse la séance sa main a recouvré une cer-

taine vigueur, il donne 2;i au dynamomètre de Mathieu ; il fléchit

assez vigoureusement l'avant-bras sur le bras pour supporter des

tractions correspondant environ à 5 kilogrammes. Seule la sensi-

bilité n'a pas varié.

Le 26 septembre L... revient. Nous le faradisons; au bout de

8 minutes nous cessons car la main et le bras ont reconquis leur

vigueur entière. Il donne 55 au dynamomètre de Mathieu. La sen-

sibilité n'est pas modifiée. *

Le 27. Faradisalion. La sensibilité ne revient pas.

Le 28. Faradisation. même état de la sensibilité, mais les

troubles sensitifs inquiètent fort peu le malade qui a hâte de

reprendre son travail, il ne revient plus à la consultation.

Observation VI. D..., cinquante-trois ans, bahutier.

Pas d'hérédité névropathique.

Depuis de nombreuses années, D... commet des excès alcooliques.

Il boit chaque jour au moins deux litres de vin a'ses repas; en

outre il prend régulièrement deux ou trois apéritifs et plusieurs

petits verres de rhum. Pas de syphilis. Marié à vingt-sept ans, il a

trois enfants : un garçon âgé de dix-huit ans, atteint de tic de la

face et sujet à des attaques d'hystérie, et deux filles en bonne

santé.

PARALYSIE UYSTÉRO-ALCOOLIQUE. 107 i

Histoire de la maladie. Il y a quinze jours D... a été vivement

contrarié par une querelle qu'il a eue avec son fils. Mercredi der-

nier, 26 juin 1901, pendant qu'il était occupé à raboter une pièce

de bois, son rabot lui échappa des mains. Il voulut le ressaisir

pour continuer son ouvrage, cela lui fut impossible ; sa main droite

était devenue insensible, inerte, il ne. pouvait plus s'en servir.

Elle est restée dans cet état, malgré des frictions énergiques à

l'eau-de-vie camphrée, jusqu'à aujourd'hui.

Etat actuel, le 4 juillet 1901. - Le malade ne se plaint de rien

autre chose que de la paralysie de sa main droite. Cette main

n'est ni rouge ni tuméfiée ; elle est un peu plus froide que celle du

côté opposé. Les doigts a demi fléchis vers la paume sont flasques.

On peut les porter dans tous les sens sans éprouver de résistance,

mais le malade ne peut les mouvoir volontairement. Les mouve-

ments volontaires de flexion et d'extension du poignet sont pos-

sibles, mais ils,sont exécutés lentement sans énergie. Les mouve-

ments de l'avant-bras et du bras sont normaux.

Anesthésie en gant remontant depuis l'extrémité des doigts

jusqu'au tiers inférieur de l'avant-bras droit. Rétrécissement con-

centrique du champ visuel de moite environ. Pas de dyschroma-

topsie. État général excellente. 16).

Le 5 juillet Faradisation pendant une vingtaine de minutes de

la main et de l'avant-bras droits : disparition de l'anesthésie; amé-

lioration notable de l'impotence motrice. Le 6 juillet, seconde

séance de faradisation ; guérison complète. Exeat le 7.

La lecture des observations qui précèdent montre com-

. Fig. 16.

108 CLINIQUE NERVEUSE.

bien est uniforme et monotone le tableau des monoplégies

hystéro-alcooliques bénignes sur, lesquelles nous avons

voulu appeler l'attention. Tous nos malades étaient des

hommes vigoureux, bien musclés, dans la force de l'âge,

sans hérédité névropathique, présentant les apparences

extérieures d'une excellente santé. Mais tous étaient plus ou

moins des alcooliques anciens et deux s'étaient enivrés

quelques heures avant l'apparition de la paralysie (obs. 1

et II). Dans ces deux cas, la paralysie s'est-installée la nuit;

dans les quatre autres, elle s'est développée le jour : trois fois,

subitement, au milieu du travail, sans aucuns prodromes

(obs. III, V et VI), une fois lentement, à la suite de douleurs

d'ailleurs peu intenses et peu persistantes de la région cer-

vico-dorsale (obs. IV). Son apparition a été généralement

accompagnée par une sensation légère d'engourdissement

ou de fourmillements du membre paralysé. Il n'y a jamais

eu d'actes apoplectiques, ni de vertiges, ni de douleurs vives.

Sauf dans un cas où elle siégeait du côté gauche, la para-

lysie a toujours atteint le membre supérieur droit. Elle a

toujours prédominé à l'extrémité terminale du membre, aux

doigts, à la main, au poignet. Parfois même elle a été abso-

lument limitée à ces parties extrêmes, le bras et l'avant-bras

ayant conservé intégralement leur mobilité normale (obs. 1

et VI).

Dans lés segments atteints, tous les mouvements volon-

taires nous ont paru être également compromis. Jamais

nous n'avons constaté une distribution systématique de la

paralysie dans un groupe de muscles physiologiquement

différenciés, dans les extenseurs, par exemple, ou dans les

fléchisseurs.

Le degré de l'impotence motrice a été très variable d'un

cas à l'autre. Certains de nos malades n'avaient qu'une

parésie plus ou moins accentuée : ils pouvaient encore fléchir

et étendre leurs doigts, mais ils ne pouvaient plus saisir de

petits objets, manier leurs outils, exercer avec la main une

pression énergique. D'autres étaient tout à fait incapables

d'imprimer à leurs doigts et à leur main le moindre mouve-

ment volontaire. ·

Dans la majorité des cas (cinq fois sur six), on a noté sur

le membre paralysé des troubles très marqués de la sensi-

bilité cutanée, affectant une distribution nettement segmen-

PARALYSIE HYSTÉRO-ALCOOLIQUE. 109

taire. C'était de l'anesthésie ou de l'analgésie en gant, en

gantelet ou en manchette, limitée parfois à la main et remon-

tant d'autres fois jusqu'au coude ou jusqu'au milieu du bras.

Il n'existait, du reste, aucun rapport constant entre l'étendue

de ces troubles sensitifs et l'extension de la paralysie motrice.

Dans l'observation I, où la paralysie était limitée à la main,

une large plaque d'anesthésie cutanée enveloppait la totalité

de l'avant-bras, tandis que dans l'observation V la main

seule était hypoesthésique, bien que la paralysie s'étendit à

tout l'avant-bras.

Bien que le fait ne soit pas signalé dans nos observations,

nous pouvons affirmer qu'indépendamment des troubles de

la sensibilité cutanée dont il vient d'être question, tous nos

malades présentaient un affaiblissement très marqué de la

sensibilité de la peau aux courants faradiques. Quand nous

commencions à les électriser, ils supportaient généralement

sur la main et l'avant-bras paralysés, sans en éprouver de

souffrances, des courants très'intenses dont l'application sur

d'autres points du corps les faisait tressauter. Cette anal-

gésie faradique durait ordinairement quelques minutes et

sa disparition graduelle coïncidait avec le retour de la moti-

lité. Mais les deux phénomènes ne se sont pas toujours

succédé dans cet ordre, puisque chez l'un de nos malades

(obs. V) la paralysie motrice a totalement disparu avant que

la sensibilité cutanée ait récupéré son intégrité.

Malgré ces perturbations de la sensibilité cutanée, tous

nos malades avaient conservé le sens stéréognostique. Ils

avaient également conservé intacte la notion de l'existence

et de la position des divers segments du membre paralysé.

Le champ visuel exploré chez cinq de nos malades a été

trouvé quatre fois concentriquement rétréci. Le rétrécisse-

ment portait à peu près également sur les deux yeux; il

réduisait le champ de la vision de la moitié environ de son

aire normale.

La main paralysée n'a généralement pas présenté de

troubles vaso-moteurs ou sécrétoires ; cependant nous avons

constaté une fois un refroidissement très appréciable de

cette main (obs. I) et une fois une exagération très marquée

de la sécrétion sudorale (obs. IV).

Tels sont les symptômes que nous avons relevés chez nos

malades, symptômes un peu frustes, un peu effacés, qui

110 , THÉRAPEUTIQUE.

diffèrent par leur peu d'intensité, plutôt que par leur nature,

de ceux qui caractérisent les grandes paralysies hystériques.

Le traitement que nous avons employé (faradisation

énergique du membre paralysé) a toujours été efficace. Il

est à remarquer que dans les cas récents où la paralysie ne

datait que de deux à quatre jours, la guérison a été obtenue

après une seule séance d'électrisation (obs. 1 et III) tandis

qu'il en a fallu trois ou quatre dans les cas où la maladie

durait depuis plusieurs semaines. Cela semble prouver que

la paralysie devient plus rebelle à mesure qu'elle persiste.

D'où la nécessité de faire un diagnostic rapide et d'instituer

un traitement précoce, car il est très vraisemblable que s'ils

étaient négligés, les cas les plus bénins au début devien-

draient extrêmement tenaces par la suite.

THÉRAPEUTIQUE.

De l'extension et de son application dans le traite-

ment des maladies nerveuses' ;

Par le D' Il. KOUINUJY.

Quelle est l'action de la suspension sur le centre nerveux

en général, et sur la moelle épinière en particulier ?

Pour le professeur Motchoutkowski, la suspension et par-

ticulièrement la pendaison produirait un allongement du

corps de 3 à S centimètres. Cette élongation se constate

surtout dans la portion inférieure, en comptant partir de la

quatrième vertèbre lombairejusqu'au talon. Les mensurations

faites par le promoteur de la suspension donnèrent dans

trois cas comme allongement, 0,03, 0,04 et 0,045. Cette allon-

galion agirait, d'après le professeur de Saint-Pétersbourg,

sur la circulation des méninges, en produisant une hyperé-

' Voir Archives de Se1ll'olo,r¡ie, no 73, t. XIII, p. 18, 1902.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 11 L

mie du centre cérébro-spinal. Leur Slunine, élève du profes-

seur Merjeewski, entreprit des expériences anatomo-patholo-.

giques sur les animaux, au point de vue de la suspension ; il

conclut que l'hyperhémie du centre cérébro-spinal produite

par la suspension doit être expliquée non seulement par

l'allongement de la moelle épinière, mais par l'excitation de

la dure-mère. Celle-ci se présentait toujours dans ses expé-

riences avec les lapins et les cadavres, excessivement tendue.

D'après flégar 1, l'initiateur de l'élongation, la colonne verté-

brale subit une élongation de 35 mm., et parfois davan-

tage, lorsqu'on fait fléchir le corps vers les membres infé-

rieurs. De ses expériences, faites avec Strasser, il conclut que

la dure-mère de la moelle épinière suit l'élongation de la

colonne vertébrale et subirait une élongation de 25 à

34 mm. Langenbuch, Vogt, Gussenbaum et Braun sont de

même avis. Dlprton admet aussi une élongation de la moelle

et des troncs nerveux. Pour llthaus, la'suspension produirait

une déchirure des adhérences méningitiques chroniques; les

filets nerveux deviennent plus libres, d'où il résulte une

amélioration de la conductibilité. La même modification se

produirait dans le bulbe, ce qui expliquerait les variations

dans la respiration et dans la circulation. D'après Onanoff,

la suspension peut produire «une exagération manifeste des

réflexes rotuliens, et après quatre ou cinq -suspensions de

l'insomnie, des rêves érotiques, des érections fréquentes ».

Mendel et Eulenbourgn'ont pas toujours constaté que la sus-

pension produit une accélération de la respiration et de la

circulation. D'après les expériences de MM. Gilles de la Tou-

rette et Chipaut, il résulte que la flexion forcée du corps

sur les jambes étendues produit une élongation des organes

nerveux intraduraux un peu moindre que celle indiquée par

le professeur Motchoutkowsky. Cette élongation varierait

d'après ces auteurs, de z13 à 16 mm. Elle se partage entre la

moelle et la queue de cheval. Pour la première elle varie de e

0,007 à 0,009, tandis que pour la deuxième elle est entre

0,004 et 0,011. «Il résulte, dit 1\1. Gilles de la Tourette, encore

de nos mensurations que l'élongation proprement dite de la

' A. Ilégar. Die Dehnuag des 7{MM ! M) ? M'iener 1lfedic. Blciller.

1881. z

z Professeur Charcot. Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1888-1889.

3 Gilles de la Tourette. Leçons svr les maladies nerveuses, 1898.

112 THÉRAPEUTIQUE. '

moelle épinière ne porte pas avec une égale intensité sur les

divers segments de cet organe. Dans le sens longitudinal il se

localise au-dessus de la deuxième paire radiculaire dorsale

avec maximum à la hauteur des premières paires lom-

baires... Dans le sens antéro-postérieur d'autre part, l'allon-

gement porte nécessairement davantage sur les parties pos-

térieures de la moelle que sur ses parties antérieures, puis-

que l'axe de flexion du radius passe en avant de cet organe.» H

D'après Dujardin-Beaumetz et Brown-Séquard, la suspension

produirait une anémie relative de la moelle à la suite de la

compression des nerfs intercostaux. Celui qui a le mieux étu-

dié la physiologie de la question est le neurologiste russe

Bogroff. D'après cet auteur, il se produit une hyperhémie de

la moelle à la suite de la pression négative produite par la

suspension-congestion a vaclto. Le vide obtenu entre le crâne

et la dure-mère agit, d'après M. Bogroff, comme une ven-

tousequientraîne une augmentation du volume des vaisseaux

du cerveau, de ses méninges, et surtout de la substance

grise. « Dans la substance grise, dit M. Bogroff, les résultats

microscopiques ont montré une hémorragie autour du canal

central, dans l'épididyme même, autour et entre les cellules

ganglionnaires des cornes antérieures et postérieures, l'épi-

didyme étant dilaté transversalement 1. » Ces phénomènes

furent trouvés par l'auteur tout le long de la moelle épinière.

« La suspension, dit plus loin M. Bogroff, agit-par l'hyper-

hémie et l'élongation de la névroglie, c'est-à-dire comme

moyen mécanique qui transforme d'une façon spéciale la

nutrition du tissu malade. Comme moyen mécanique, la sus-

pension agira plus sûrement suivant qu'elle sera plus pro-

longée et plus intense. » Pour le professeur Bechtereff, les

modifications de la circulation du centre médullo-céphalique

occasionnées par la suspension dépendraient d'un acte

réflexe produitpar l'action de la suspension sur les muscles,

les ligaments et les nerfs.

En ce qui concerne l'action de la suspension sur les affec-

tions chroniques du nerf optique, le distingué savant russe

l'explique par l'hyperhémiede la substance grise du voisinage

des ventricules et de la surface du cerveau. .

' A. Bogroff. Contributions au traitement des maladies nerveuses, par

le procédé du DT 0. llotcUoutltowslci (lVieslnil : cle psychialrie et de

ie procède du D' 0. Motchoutkowski (W ! 'M<Kt7; t/e pc/t : 'a ? e e< te

neurologie, 1891, n* 1). '

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 1113

De' ses nombreuses expériences sur les lapins, Lombroso

conclut que la suspension agit favorablement sur les mala-

dies nerveuses, grâce à l'hyperhémiedu centre nerveux occa-

sionnée par elle. Les autopsies des animaux expérimentés

permirent à l'auteur de constater la présence de petites

hémorragies des méninges, de la substance grise, et dans un

cas, de la moelle épinière. Le professeur Benedict compare

l'action de la suspension à celle de l'hydrothérapie; comme

cette dernière, elle agit en excitant le système nerveux péri-

phérique et par son intermédiaire sur la nutrition du centre

nervéux. Pour Hirt, la suspension ne produit aucune modi-

fication anatomo-pathologique de la moelle, elle agirait

comme un moyen de suggestion. Tel est également l'avis du

professeur Leyden, de Haushalter, d'Adam et Bernheim.

Notre confrère Ostankoff a entrepris tout récemment toute

une série d'expériences sur des chiens pour éclairer la ques-

tion de l'action de la suspension sur le système nerveux. Cet

auteur se servit de la méthode de Hürlhle. Dans les dix expé-

riences faites par cet auteur, l'animal fut étendu, au moyen

d'une pièce mentonnière,,dont la corde de traction passée

par-dessus une poulie permettait de régler la traction à

volonté. Il résulte de ces expériences que la suspension, ou

plutôt l'extension de la colonne vertébrale produit les modi-

fications suivantes dans le domaine de la circulation céré-

brale : 1° les artères cérébrales se rétrécissent; 2° la pression

artérielle augmente ; et3° la pression intercranienne s'abaisse.

Ces phénomènes changent immédiatement après que l'exten-

sion ou la suspension cesse d'agir; les vaisseaux du cerveau

s'élargissent, la pression artérielle diminue et la pression

intercranienne augmente. Notre confrère explique ces modi-

fications'parl'hyperhémie du centre nerveux, provoquée par

l'extension ; cette hyperhémie est précédée par l'anémie.

« L'action de l'extension sur la colonne vertébrale peut être

expliquée par ce qui suit : la suspension ou l'extension pro-

duisent une extension des muscles, des ligaments, des nerfs

périphériques, des racines postérieures et antérieures, des

méninges et de la moelle épinière. » Cette extension agit

par réflexe sur le centre vaso-moteur qui est excité d'autre

part directement par la suspension et par l'action de celle-ci

sur la moelle. L'excitation du centre vaso-moteur provoque

un rétrécissement des artères et par conséquent une éléva-

AIICHIVES, 2' série, 1.' XIII. ' 8

H4 THÉRAPEUTIQUE.

tion de la pression artérielle, d'où il résulte une anémie des

vaisseaux,cérébraux et une hyperhémie consécutive.

Outre l'hyperhémie et les modifications artérielles du centre

nerveux, le rachis subit également des modifications intra-

médullaires très importantes.

Les expériences de Reid et Scherington sont très intéres-

santes à ce point de vue. Ces auteurs expérimentèrent sur les

cadavres en les suspendant par la tête. Ils constatèrent que

lorsque le corps est en position verticale (suspendu en l'air),

le volume du canal cervico-médullaire est à son maximum.

Si le corps n'a que la tête tirée en haut, le volume du canal

rachidien diminue, mais très peu. Si, maintenant, on fléchit

le corps en avant ou en arrière, le volume du canal diminue

considérablement. D'après ces auteurs, le volume du canal

rachidien de l'adulte augmente dans ces conditions del mm. c

En prenant comme capacité du canal 1112 ce, il résulte que

cette augmentation, par rapport au volume du canal, ne sera

que 1/1020. Cette augmentation serait, d'après les .auteurs

cités, vraiment dérisoire.- Parmi les auteurs qui réfutent

l'hypothèse de l'allongement de la moelle épinière, il faut

citer M. Cagney. D'après cet auteur anglais, la suspension

ne produit aucune élongation de la moelle, mais agit sur la

moelle parle redressement de la colonne vertébrale. L'action

est plus spécialement portée sur la portion contenue dans la

partie déviée du rachis. Cagney a trouvé même un raccour-

cissement de la colonne vertébrale dans sa portion lombaire.

Ici la moelle resterait sans modification. La portion dorsale

se raccourcit plus chez l'homme vivant que chez le cadavre ;

en ce qui concerne la portion cervicale, elle s'allongerait un

peu. Comme Althaus, M. Cagnet admet l'hypothèse de déchi-

rures des adhérences méningitiques, et l'hyperhémie qui se

produirait, suivant lui, avec le changement des déviations

du rachis. M. Rauzier' se rallie à l'opinion de M. Bogroff et

est d'avis que le traitement aurait pour effet de retarder la

mort des éléments nerveux atteints, dont il accroît la nutri-

tion, et de faciliter la fonction des éléments nerveux inal-

térés. -

De tout ce qui précède il résulte que la suspension a une

action réelle sur le système nerveux en général et'sur la

" M. Rauzier. Traitement du tabes. Traité de thérapeutique appliquée,

t. XIV, 1898.. 7/7-

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 118

moelle épinière en particulier. Elle influence directement ou

indirectement sur la marche générale de l'affection et rend

un service indéniable. Nous n'avons pas fait d'expériences,

.ni avec des animaux ni avec des cadavres, pour pouvoir tirer

des conclusions anatomo-pathologiques personnelles de l'ac-

tion thérapeutique de la suspension, car nous considérons ce

genre d'expériences sujet à discussion et quelle que soit la

rigoureuse authenticité avec laquelle elles sont faites, il est

difficile d'en conclure pour l'homme vivant. L'extension de

la colonne vertébrale d'un cadavre peut donner et donne

assurément des résultats différents de ceux que donne un

homme vivant, possédant tous les éléments de la vie phy-

sique et morale de tout ce qui forme l'être pensant, réfléchi,

impressionnable, actif, etc. La suspension n'a pas à compter

chez un cadavre avec le tonus musculaire, fonction prin-

cipale de la vie humaine. D'autre part, l'animal est trop

martyrisé par l'expérimentateur pour qu'il puisse réagir

contre la volonté du manipulateur et, par conséquent, four-

nit la plupart du temps des données contraires à la vérité.

Voici pourquoi nous nous sommes borné à faire des mensu-

rations directement sur nos malades avant, pendant et après

l'extension pour tirer une conclusion de l'action directe de

l'extension sur le rachis. Aussi correctement que nos men-

surations étaient faites, nous ne pouvons cependant pas

garantir leur identité, et il est possible que dans quelques-

unes de nos mensurations se soient glissées quelques er-

reurs involontaires. Voici comment nous procédons pour

faire nos mensurations avant, pendant et après l'extension.

Lorsque le patient est prêt a être élevé par la planche, nous

marquons trois points de repère : au sommet de la tête, à

l'épaule et aux deux talons. Les deux premiers points de

repère sont marqués au moyen d'un..morceau de bois de c3,

solidement appliqué contre la tête et l'épaule. Après,

avoir marqué les trois points de repère préliminaires, nous

levons la planche à la hauteur voulue, et après cinq ou dix

. minutes nous traçons par le même procédé et avec la même

pièce de bois les nouveaux trois points de repère correspon-

dant aux mêmes points, au sommet de la tête, à l'épaule et

aux talons. De cette façon nous traçons les mêmes points de

repère sous différentes hauteurs. Ainsi nous obtenons les

différentes'longueurs de deux principales portions; la portion

116 6 · THÉRAPEUTIQUE.

cervicale, celle qui est comprise entre le sommet de l'épaule

et la portion dorsale comprise entre l'épaule et les talons.

Le tableau suivant donne un aperçu des différentes mensura-

tions faites à la clinique Charcot :

, TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 1 117 7

118 . THÉRAPEUTIQUE.

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 119

gurantes. Dans ses leçons du vendredi, le professeur Ray-

mond disait de la suspension : qu'«elle aune influence très

salutaire sur quelques manifestations du tabes, en première

ligne sur les douleurs fulgurantes, sur les troubles génitaux,

urinaires et sur l'incoordination motrice ». Le professeur

Motchoutkowski donne dans ses récentes leçons sur le tabes

dorsalis une classification des effets produits par la suspen-

sion et obtenus par les névropathologistes suivants. Nous

citons ce passage important en mettant les noms des auteurs

dont il y est question ?

L'amélioration générale du malade est indiquée par Char-

cot, Mendel, Eulenberg, Rosenbaum, Gilles-de la Tourette,

Langoudaki, Lépine, André Mayet, Russel et Taylor, Erb,

Althaus, Rondel et Vorothynski.

Amélioration et suppression des douleurs fulgurantes :

Charcot, Michel Clark, Gaston, Ducony, Bonjours, Danillo et

Pchikhodsky, Tripier, Renz et Guttmann.

Amélioration de la marche et de l'incoordination : Magnan,

Hammond, Bonjour, Guttmann, Weitzfelder, Bidan, Rondel,

Benedikt et Tripier.

Amélioration du signe de Romberg : M. Clark, Eulenburg,

Mendel, Rosenbaum et Guttmann.

Amélioration de l'impuissance : Erb, Bélougou, Abadi et

Desnos.

- Amélioration de l'insomnie : Eulenbourg, Mendel, Rosen-

baum.

Amélioration de laparesthésieetde l'anesthésie : Bonjour,

Guttman, Michel Clark.

Amélioration des troubles vésicaux et rectaux : Eulenbourg,

Mendel, Rosenbaum, Bélougou. -'

Amélioration des troubles des nerfs moteurs des yeux : Ber-

nhardt, Ladame, Rondel, Moutard-Martin.

, Amélioration des troubles oculaires : Darier, Eulenbourg,

Mendel, Abadi, Desnos, Bechtereff et Vorotynski.

Amélioration du pied tabétique : Revillot.

Amélioration du mal plantaire : Teissier.

Amélioration des vertiges : Hammond.

Amélioration de l'ouïe : Bernhardt.

Amélioration du spasme de déglutition : IIammond.

' 0. Motchoutkowski. Leçons sur le tabès dorsalis (Vra<c/t, nos 22,

23, 24, 25, 27, 28, 1898).

120 THÉRAPEUTIQUE. '

Suppression du morphinisme : Gilles de la Tourette et

Lagoudaki.

Retour du réflexe rotulien : Erb, Althaus, Bonjour et Re-

nault.

Suppression -du signe. d'Argyl-Robertson : Motchout-

kowski. -

- Ainsi la plupart des neurologistes modernes sont d'avis

que la suspension rend un réel service dans le traitement du

tabes et de l'ataxie locomotrice. Dans la statistique de

M. Ostankoff, dont le nombre des ataxiques réunis et soi-

gnés par la suspension atteint le chiffre de 1 907, 698 ont

été améliorés, z118 sont restés sans résultat appréciable,

50 aggravés et 40 douteux. A cette statistique on doit

ajouter ils, cas d'ataxie de M. Ostoukoff, 10 améliorations,

2 sans résultat et 2 aggravations, et 10 cas que nous avons eu

l'occasion de traiter avec l'extension au moyen de la

planche inclinée.- De ces 10 cas, 2 virent tous leurs troubles

considérablement améliorés, en commençant par l'incoordi-

nation et en finissant par les troubles oculaires. Chez 4 on

obtint une amélioration notable des troubles moteurs, des

douleurs fulgurantes,' du signe de Romberg, etc. En somme

sur 10 cas nous obtenons 7 améliorations, 2 incertains et un

cas sans résultat.

Parmi les effets rares, produits par la suspension, nous

avons vu qu'Althaus a constaté même le retour des réflexes

rotuliens. Marina publia également un cas semblable. Re-

nault trouva le retour des réflexes après 50 séances de sus-

pension, Kirchener a vu le retour des réflexes dans un cas de

myélite. Nous avons constaté chez un tabétique le'retour de

réflexes achilliens après trois mois d'extension (deux fois

par semaine).

Voici du reste son observation.

M. C..., âgé de quarante-deux ans, employé de l'Hôtel de Ville

de Paris, fut atteint il y a six ans d'un oedème du gros orteil

gauche et d'une raideur des muscles du pied, lui empêchant la

marche. A la suite de fatigue, ou d'un changement de saison, ou

sans cause appréciable, il fut souvent pris de douleurs fulgurantes,

se déclarant surtout la nuit et dans la jambe gauche, parfois

dans la jambe droite. Il y a trois ans le malade sentait son genou

gauche se fléchir : signe de Romberg, signe d'Argyl-Itobertson,

signe de Westphal en plein développement. '

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 121 1

11 y a sept mois il est venu à la Salpêtrière, parce qu'il lui fut im-

possible de monter et de descendre l'escalier et de faire quelques

pas sans se cogner contre quelque chose et crainte de tomber

par terre. Nous constatons, l'ataxie des membres inférieurs, diffi-

culté de se tourner sur place, les deux pieds se cognaient pendant

la marche; impossible de marcher sur une ligne droite, les jambes

croisées et à reculons.

Nous avons commencé notre traitement le 15 janvier 1901, et

l'extension par la planche inclinée trois fois par semaine.

Le 2 avril 1901. Marche améliorée : amélioration du signe de

Ilomberg.

Le 18 juin 1901. Malgré le temps humide et froid, le malade

ne ressent plus dérouleurs fulgurantes, quoiqu'il ressente la fraî-

cheur dans le genou gauche. Dimanche, le 16 juin, le malade a

fait une promenade de deux heures sans arrêter. Marche sur une

ligne droite sans difficulté, marche avec facilité, en décomposant

la marche en trois temps, monte mieux l'escalier, et le descend

beaucoup mieux. -

Le 10 juillet 1901. - Marche croisée parfaite. Plus de douleurs

fulgurantes ni la nuit, ni après une fatigue, monte et descend l'es-

calier très bien. Pas d'anesthésie de la jambe, sent facilement la

piqûre d'épingle et la différence du sol. Conserve encore une gêne

dans l'articulation tibio-tarsienne gauche. Actuellement C... repris

ses occupations, fait des courses à pied, ne ressent plus du tout

de douleurs d'aucune sorte, continue à conserver une légère gêne

dans le coup-de-pied gauche. Nous avons constaté le retour des

réflexes achilliens. -

Le 10 août 1901. - Le malade se porte très bien, n'a plus ses

douleurs, ni de gêne dans les membres inférieurs. Passe les

nuits sans être réveillé par des douleurs. .

Le 10 septembre 1901. Malgré les courses qu'il est obligé de

faire, il continue à se porter admirablement bien; continue l'exten-

sion et les exercices indiqués ; commence à courir et fait le tour de

la salle avec les yeux fermés; ne ressent aucune gêne dans lachevile

gauche, ce qui le tourmentait de longue date. -

Le 30 octobre 1901. Le malade exécute tous les exercices mili-

taires sans difficultés et sans canne.

Parmi les modifications des réflexes,- nous avons trouvé

dans la littérature, que Dona constata une exagération des

réflexes produite par la suspension chez les ataxiques.

Ascher a vu le réflexe rotulien revenir chez un alcoolique.

Clarke constata une augmentation du même réflexe chez un

ataxique soumis à la pendaison. Jiarochewsky nota une

diminution des réflexes chez les hémiplégiques. Michel et

122 . THÉRAPEUTIQUE.

Vorothynsky trouvèrent une diminution des réflexes chez

les myélites par compression, qu'ils soignèrent par la

suspension. Ces faits font exception, règle générale, la sus-

pension tout en améliorant le labes ne fait pas revenir les

réflexes rotuliens.

Les douleurs fulgurantes et le signe de Romberg sont les

deux symptômes qui bénéficient presque toujours de la sus-

pension. Les premières s'améliorent parfois après quelques

suspensions. Le second s'améliore généralement très tardi-

vement. ,

L'amélioration des douleurs fulgurantes se produit rare-

ment d'une façon brusque : elles deviennent d'abord moins

intenses, moins généralisées et finissent souvent par se loca-

liser sur une portion de la jambe ou du pied. Tantôt elles

n'apparaissent qu'à la suite d'une forte fatigue et- tous les

deux ou trois jours, sans être pongitives et pénétrantes.

Alors elles n'occasionnent plus l'insomnie et, comme on l'a

vu dans l'observation précédente, elles peuvent disparaître

complètement. Dans un cas les douleurs ont cédé après deux

mois d'extension. Voici l'observation restreinte du malade :

M. Se...,. âgé de quarante et un ans, employé à la Compagnie

du gaz parisienne. Il y a sept ans avait des troubles gastriques :

indigestions, gastralgie, crampes et constipation. En même temps

se déclarèrent chez lui des fourmillements dans les membres infé-

rieurs, le fléchissement des genoux, les pieds tournaient en mar-

chant ; marche, par conséquent, défectueuse. On l'a soigné à cette

époque par des bains sulfureux et des douches sulfureuses.

Cinq mois après à la Salpêtrière on reconnut le tabes; pendaison

trois fois par semaine et les pointes de feu le long de la colonne

vertébrale. Le malade a suivi ce traitement pendant trois ans, un

an à l'hôpital et deux ans chez lui, où il s'installa un appareil de

Motchoutkowsky et se faisait suspendre par sa femme. KJ de

1 à 3 grammes par jour.

Le malade présentait au cours de son tabes des troubles vési-

caux passagers ; la diplopie, qu'il conserve encore par 'moment,

la génuflexion et l'incoordination très avancée. Pas d'ataxie des

membres supérieurs.

Les douleurs fulgurantes n'ont jamais cessé, malgré la pendai-

son et les pointes de feu. Ces douleurs sont localisées dans les deux

jambes et causent au malade de l'insomnie. Nous avons com-

mencé l'extension par la planche le 20 août 1901. Le 10 septembre

nous avons déjà pu noter une amélioration très notable de la

marche ; le malade exécuta les premiers exercices facilement avec

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. H3

une canne et même sans canne. Le malade ne se plaint point de

douleurs, qui sont atténuées, et passe plusieurs nuits sans être

réveillé par les douleurs.

Le il septembre 1901. - Le malade ne sent plus de douleurs fulgu-

rantes depuisjrois jours. Marche mieux, mais manque d'assurance.

Le 25 septembre 1901. - Le malade fut pris la nuit de dou-

leurs moins intenses et de beaucoup atténuées. Il les explique par

l'excès de fatigues que l'entrée de l'automne leur cause au bureau

et par l'humidité de la saison. A présent il ne les ressent plus et

se sent plus rassuré en marchant.

Le 10 octobre 1901. - Le malade n'a plus eu de douleurs; il dort

bien, marche mieux, sent facilement la différence du sol.

Le 9 décembre 1901. -Le malade ne se plaint plus de douleurs ;

passe ses nuits sans se réveiller.

L'observation suivante montre que l'extension agit parfois

difficilement sur les douleurs fulgurantes, surtout chez les

personnes qui se créent des fatigues quotidiennes.

M. B..., propriétaire, âgé de quarante ans, se soigne depuis neuf ans

pour les douleurs fulgurantes d'un tabes au début. Pas d'incoordi-

nation ni des membres supérieurs ni des membres inférieurs. Depuis

cette époque le malade suit le traitement antisyphilitique et bal-

néaire. Ses douleurs sont aussi intenses que les premiers jours. Nous

lui avons fait l'extension tous les jours, ne dépassant pas l'angle de

40°. Après quelques séances le malade se sentait mieux et nous

croyons bien arriver à un résultat favorable. Malheureusement le

genre de vie de notre malade, ainsi que les deux traitements con-

comitants qu'il suivait en même temps, électrothérapie et injections

d'huile grise et de calomel, l'ont tellement fatigué, que l'extension

n'a pas eu prise immédiatement et le patient était pris par moments

de douleurs fulgurantes moins généralisées qu'au début de sa mala-

die, mais assez tenaces. Actuellement il va mieux, il habite la

campagne et mène une existence plus régulière. -

En parlant de l'influence de l'extension sur les douleurs

fulgurantes, nous désirons soumettre à nos lecteurs l'ob-

servation d'une tabétique, atteinte des douleurs fulgurantes

périodiques, paraissant surtout au moment des menstrua-

tions.

Mm0 B..., couturière, âgée de trente-quatre ans, est atteinte du

tabes dorsalis depuis six ans. Eut une fausse couche. ^Marche bien

et n'a jamais présenté de. l'incoordination. Présente, cependant,

nettement le signe de Westphal, la perte des réflexes achilliens, et

légèrement le signe de Romberg et le signe d'Argyl-Robertson.

124 ik " THÉRAPEUTIQUE.

N'a jamais eu de troubles urinaires, ni digestifs. Travaille à la

machine et a fait même récemment la bicyclette. Il y a deux ans

voyait par moment double : un objet blanc et un autre rosé. Nys-

tagmus transversal. Au début les douleurs fulgurantes furent

atroces et lorsqu'elles apparurent la nuit elles arrachèrent des

cris et empêchèrent de dormir. Dernièrement, à la suite du traite-

ment indiqué plus bas, elles sont devenues plus atténuées et repré-

sentent encore leur acuité de début aussi forte qu'au moment des

époques. Elles duraient invariablement deux, trois jours. La malade

conserve d'une façon discontinue une raideur et un engourdisse-^

ment du petit doigt gauche et des fourmillements le long de la

colonne vertébrale.

Le traitement qu'elle suivait depuis six ans à la Salpêtrière, se

composait de pointes de feu une fois par semaine pendant deux

ans et une fois par quinzaine pendant les deux autres années; de la

pendaison deux fois par semaine pendant les deux premières années,

de trois, quatre et cinq minutes, et une fois par semaine pendant

les quatre années suivantes, de quatre à cinq minutes. L'élongation

n'a jamais réussi à la malade. Chaque fois qu'elle passait à l'appa-

reil de Gilles de la Tourette, elle avait ses jambes raides et alour-

dies pendant plusieurs jours. - -

Grâce à la pendaison l'état de la malade n'a jamais empiré. Elle

marche aussi bien qu'au début de l'affection, continue à travailler

et vaque à ses affaires. Mais ses douleurs fulgurantes n'ont jamais "

cessé ; elles sont moins fortes, mais aussi périodiques qu'avant et

réapparaissent régulièrement pendant les époques ; parfois égale-

ment entre les menstruations. -

Le 17 septembre 1901, est venue nous réclamer nos soins à la Sal-

pêtrière. Nous lui faisons l'extension deux fois par semaine, sui-

vant les règles indiquées plus haut.

Le 1er octobre, la malade nous assura ne plus avoir ses dou-

leurs entre les époques et qu'elles sont revenues au moment de la

dernière menstruation, moins fortes, mais aussi prolongées qu'au-

paravant. Nous continuons l'extension.

Le 29 octobre, la patiente nous affirma avoir cette fois ses règles

sans aucune douleur ; elle dormait bien, et contrairement à sou

état habituel elle n'a pas ressenti l'apparition de la menstruation.

Les autres symptômes du tabes continuent à persister comme

avant l'extension. Nous continuerons l'extension chez cette malade

jusqu'à ce qu'elle ne ressente plus ses douleurs pendant trois règles

successives.

Le signe de Romberg est celui qui profite aussi de la suspen-

sion. Son amélioration est lente et par conséquent tardive.

Charcot a fait ressortir dans sa mémorable leçon sur la sus-

pension l'effet produit par celle-ci chez les ataxiquesenamé-

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 12o

liorantle signe de Romberg et l'incoordination. Nous savons

maintenantque grâce à la gymnastique raisonnée, étudiée par

Ling, Dally, Zabloudowski, Frenkel, Jacob et tant d'autres et

connue communément sous la dénomination de la méthode

de Frenkel, l'incoordination des ataxiques s'améliore consi-

dérablement, et seule la gymnastique raisonnée est capable

d'agir sur les troubles moteurs par le rétablissement de

l'association de ce que notre maître M. Raymond appelle la

conscience et la volonté : « il faudra, par une gymnastique

raisonnée, rétablir les rapports normaux entre la perception

consciente et la volonté ». Néanmoins, les observations où

l'incoordination fut considérablement améliorée et même

guérie par la suspension, ne manquent point.

La suspension attira du reste l'attention du monde mé-

dical principalement par l'amélioration des troubles moteurs

des tabétiques. Des 14 premières observations publiées dans

la leçon de Charcot, « chez tous l'amélioration a commencé

d'abord à porter sur la marche, sur l'incoordination ». Ham-

mond, Martin, Eulenbourg, Mendel, Clarke, Dujardin-Beau-

metz et tous ceux qui ont eu l'occasion d'appliquer la sus-

' pension, sont unanimes à dire que la suspension agit favo-

rablement sur l'incoordination. M.Pierre Marie dit, dans ses

leçons sur les maladies de la moelle : «Qu'il me suffise de vous

rappeler que la suspension agit surtout contre certains symp-

tômes, tels que les douleurs fulgurantes, l'incoordination et

les troubles génito-urinaires ». Réunie à la gymnastique

raisonnée la suspension arrive à corriger l'ataxie plus vite

et parfois la fait passer presque inaperçue. Pour le signe de

Romberg l'action de la suspension est aussi favorable que

pour l'incoordination. Nous l'avons vue atténuée considéra-

blement ; la malade, qui ne pouvait pas se tenir quelques

secondes les yeux fermés, arrive maintenant à se tenir debout

les yeux fermés une et deux minutes. Chez le malade de la

première observation citée plus haut, le signe de Romberg

s'est atténué à tel point, que le malade pouvait faire le tour

de la salle les yeux fermés et marche sans difficulté en

arrière. La statistique du professeur Motchoutkowsky montre

. que l'amélioration du signe de Romberg est moins fréquente

que l'amélioration de l'incoordination. Sur 207 cas d'amé-

' F. Raymond. Clinique des maladies du système nerveux, 1897.

8 P. Marie. Leçons sur les maladies de la moelle, p. 330.

P. Marie. /.epOM ! < ? ' maM : Me a moee, p. 330.

126 6 THÉRAPEUTIQUE.

lioration le savant russe note 202 améliorations de l'incoordi-

nation et seulement 155 améliorations du signe de Romberg.

Ce désavantage pour le signe de Romberg résulte, comme

il nous semble, de ce qu'il est difficile d'indiquer la limite

- exacte entre la disparition de ce signe et celle de son exis-

tence.

Parmi les autres symptômes qui profitent de l'extension

sont les troubles vésico-urinaires, les troubles gastriques et

les troubles oculaires. °

Voici deux observations de deux malades, soignées dans

.le service de notre maître le professeur Raymond, et qui ont

bénéficié incontestablement de l'application de la suspension

par la planche inclinée.

Mue Lem..., ménagère, âgée de trente-neuf ans, mariée, fausse

couche il y a dix-sept ans. Pas d'enfants. Fut prise au mois de

juillet ,1897 de fourmillements dans les quatre membres et de

douleurs fulgurantes le long du rachis. « On m'a ordonné des ca-

chets, écrit la malade, et on m'a fait trois fois par semaine l'élon-

. gation (procédé de GillesdelaTourette) pendant huit mois. Quand je

suis venue à la Salpêtrière je n'avais pas d'ataxie dans les jambes;

je marchais très bien et insensiblement j'ai perdu la faculté de

marcher, tout en faisant le traitement que l'on m'avait ordonné.

Alors découragée, je revins une deuxième fois à la consultation;

' c'est alors qu'on m'annonça que l'élongation n'agissait plus sur moi,

parce que j'étais trop souple, je me fléchissais trop, et on m'a mise à

la pendaison, qui ne m'a pas plus réussi que l'élongation; de plus

on m'a fait des pointes de feu, qui m'ont rendue malade. » La malade

a perdu le sommeil, la force de se tenir debout, la faculté de

marcher, l'appétit. La malade tomba au bout de deux ans de pen-

daison dans un état de débilité, ne pouvant rien digérer et souf-

frant de douleurs et d'insomnie. Nous avons commencé notre

traitement au mois de mai 1901 par l'inclinaison à 40° cinq mi-

nutes, 50° cinq minutes. Toutes les semaines nous avons aug-

mentela durée des séances, jusqu'à un quart d'heure. Vu la débilité

de la malade nous lui avons ordonné des injections sous-hypo-

dermiques de cocadylate de soude.

Le 10 août 4904.- La malade se porte beaucoup mieux. Dort bien

et n'a plus de douleurs. Mange relativement bien et digère sans

difficulté ce qu'elle absorbe. Marche satisfaisante ; arrive à faire

seule avec sa canne le tour de la cour qui sépare la salle du ser-

vice de mécanothérapie du parloir. Fait des'courses longues avec

une personne à côté. Depuis que nous faisons l'extension à cette

malade, elle ne s'est jamais plainte de notre procédé, alors que

TPAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 127 f

cette même malade supportait à peine quelques secondes la pen-

daison. Celle-ci lui occasionnait des verbes, des éblouissements

et parfois des vomissements. L'élongalion qu'elle supporta stoï-

quement pendant huit mois lui occasionna une compression de la

vessie et des troubles vésicaux. Cette observation montre bien que

l'extension supprime de nombreux inconvénients, qui ont formé

la série des contre-indications, dont nous parlerons plus loin.

Le 17 septembre 1901.- La malade dort bien, ne ressent plus de

douleurs. Marche mieux. Digestion améliorée.' '

Le 11 octobre 1901. - La malade se porte toujours bien. A meil-

leure mine, mange relativement bien. Passe de bonnes nuits, est

gaie et pleine d'espoir. L'incoordination s'améliore, mais lentement.

Marche toujours mieux qu'au début du traitement. Se raidit

moins en faisant les exercices.

L'observation suivante est intéressante au point de vue de

l'action de l'extension sur les troubles oculaires. Mais avant

de donner sa description restreinte, nous sommes obligés de

remarquer que la malade suivait parallèlement avec notre

traitement, le traitement antisyphilitique, et le défenseur de

ce derniercroit que la guérison de cette malade est due à l'io-

dure et au mercure. Sans contester le bienfait du traitement

spécifique, qui resta dans notre cas inactif jusqu'à l'interven-

tion de la suspension et du massage, et de la rééducation que

nous lui avons appliquée d'après notre méthode, nous croyons

que même l'amélioration des troubles visuels chez notre ma-

lade est due dans une grande partie à l'extension. Le profes-

seur Bechtereff1 conclutdans son travail sur la suspension,

que dans certains cas la suspension, appliquée systématique-

ment, agit utilement sur des lésions atrophiques et d'autres

du nerf optique, dépendant des affections médullo-cérébrales.

« Elle occasionne, dit-il, l'amélioration de la vue périphérique

et centrale, en arrêtant le développement de l'atrophie et en

éloignant la marche progressive de l'affection. » Une telle

- action de la suspension sur les lésions du nerf optique, le

professeur Bechtereff l'explique, comme nous l'avons vu plus

haut, par l'hyperémie de la substance grise des circonvolu-

tions et du voisinage des ventricules. Abadieet Darier ont

communiqué, en 1889, plusieurs cas où la suspension agit

sur les affections aiguës des yeux des tabétiques. M. Darier

' W. Bechtereff. Uebel' den Eillflus des suspension au(die SehslüvlllIg

bel a/feclionen des Ruckenmarkes. (Yeurol. Centralblatt, n° 7, 1893.)

128 THÉRAPEUTIQUE.

cite trois cas, dont l'un, absolument aveugle, commença à

distinguer les objets après plusieurs séances de suspension 1.

Desnos, Mendel, Eulenbourg et Vocothynski notèrent égale-

ment l'amélioration des troubles oculaires. Ainsi, nous pou-

vons affirmer que si les troubles oculaires s'améliorèrent

chez notre malade à la suite du traitement double, l'exten-

sion ou la suspension au moyen de la planche inclinée,

y contribua pour une bonne partie.

M ? G..., ûgée de quarante-sept ans, ménagère, mariée, a trois

enfants de vingt-quatre, vingt et un et quatorze ans. Eut trois

fausses couches. Au commencement du mois d'octobre 1898 la

malade fut prise de douleurs dans les membres inférieurs avec

lourdeur et fatigue, empêchant la marche. Cet état dura six

semaines. Un confrère, consulté par la malade, lit le diagnostic du

tabès d'une façon vague, mais ordonna le traitement spécifique

frictions et iodure de potassium, 5 grammes par jour. Ne voyant

pas d'amélioration, la malade s'était adressée à un autre confrère,

qui continua le traitement antisyphilitique et des pointes de feu

deux fois par semaine. A ce moment la malade est devenue ataxique

et ne voyait plus du tout.

Le 20 novembre 1898, la malade rentre à Beaujon, en pleine

ataxie et amaurosique. Elle y reste trois semaines ; au début de

son séjour, elle eut une rétention de l'urine (sondage) ; à la fin,

l'incontinence d'urine avec douleurs fulgurantes. Le 15 décembre,

elle rentre à la Salpêtrière, où on lui administre l'iodure de potas-

sium à haute dose : 4. 6, 8, 10, 12, 15 grammes et des frictions mer-

curielles, une par jour au début, deux par jour et finissant par une.

Au commencement de janvier nous fûmes invité à entreprendre

la malade. Celle-ci était en pleine incoordination. Elle ne marchait

pas, ne voyait pas clair et déplaçait ses jambes en plèin désordre.

Nous avons commencé par le massage des membres inférieurs (deux

fois par jour) et la rééducation des mouvements. Trois jours plus

tard nous commencions l'extension. La malade fut portée dans le

service de mécanothérapie pendant un mois. Le mois suivant elle

venait déjà à pied, soutenue par deux aides ; l'amélioration conti-

nuait d'une façon exceptionnelle, de telle sorte qu'au bout du

troisième mois notre malade venait de la salle seule, en se servant

d'une canne. Les troubles moteurs, ainsi que ceux de la vue, dispa-

raissaient à vue d'oeil. Nous fimes à cette malade au commence-

ment l'extension six fois par semaine ; [ensuite nous supprimions

deuxfois et finîmes par trois séances par semaine de quinze à vingt

i A. Raoult. Traitement de l'ataxie locomotrice et de quelques autres

maladies du système nerveux par la suspension. (Progrès médical. 1889.)

TRAITEMENT DES MALADIES NERVEUSES. 129

«

minutes à 40° et 50°. La malade quitta la clinique au mois d'avril

complètement guérie. Nous l'avons vue le 25 mai 1899, elle continua

de se porter bien et ne se plaignait de temps à temps de douleurs

vives dans le dos. Elle marchait sans hésitation et voyait parfaite-

ment bien. '

Nous avons déjà dit plus haut, qu'au cours de l'application

de l'extension nous n'avons jamais eu à noter le moindre

accident. Néanmoins, nous croyons que la suspension au

moyen du plan incliné ainsi que l'extension avec notre fau-

teuil d'extension doit être soumis aux règles générales de

précautions à prendre. Notre maître, M. Raymond a formulé

dans ce qui suit quelle est la conduite à suivre lors de l'ap-

plication de la suspension. Les complications de la suspension

en général peuvent survenir :

a) Chez des malades jeunes, très anémiques, très impres-

sionnables, tuberculeux, emphysémateux, ou atteints de

lésions cardio-vasculaires ;

b) Chez ceux qui ont eu des attaques apoplectiformes et

épileptiformes ;

c) Chez les malades d'une grande corpulence, obèses.

Les contre-indications seront par conséquent les mêmes

pour toutes les affections nerveuses, M. le professeur Ray-

mond les formules comme suit : la suspension est conte-

indiquée (il s'agit de la pendaison et de l'élongation) ;

1° Chez tous les tabétiques qui présentent des lésions car-

dio-vasculaires ; 2° chez tous ceux qui présentent des lésions

tuberculeuses et emphysème ; 3° chez tous ceux qui ont-eu

des attaques apoplectiformes ou épileptiformes; 4° chez ceux

qui sont très anémiques, qui ont tendance aux vertiges, aux

syncopes 5° enfin chez les obèses. '

Nous avons vu par l'exposé de ce travail, que plusieurs de

ces contre-indications se suppriment par le perfectionnement

apporté à la suspension par l'extension. L'appareil de Spri-

mon ou notre fauteuil d'extension permet d'exécuter l'ex-

tension sans crainte, chez les enfants et chez les cardiaques,

même chez celles qui ont eu des attaques apoplectiformes.

Nous faisons en ce moment l'extension avec notre fauteuil à

' l'une de nos hémiplégiques d'un âge avancé; et pendant les

trois semaines que nous avons déjà eu l'occasion de lui appli-

quer l'extension avec 20 kilogrammes nous n'avons jamais

constaté le moindre inconvénient. La malade la supporte

Ancmvns, 2e série, t. XIII. 9

130 THÉRAPEUTIQUE.

. <

sans aucune difficulté. Nous avons également appliqué l'ex-

, tension à un garçon âgé de neuf ans et n'avons pas eu à

nous plaindre du procédé.

L'extension convient à une foule de maladies nerveuses et

tous les malades qui ont eu l'occasion d'y passer s'en trouvent

très bien.

C'est surtout dans le traitement des neurasthéniques que

l'extension est destinée à rendre des services énormes. La

planche, placée à 15 ou 20°, produit le minimum d'extension

agit admirablement bien sur l'imagination des neurasthéni-

ques et les guérit vivement de leur malaise.

Ainsi nous avons guéri une jeune demoiselle neurasthé-

nique depuis huit ans et traitée pour les douleurs ihumatis-

males par tous les moyens possibles. Nous lui avons fait dix

séances d'extension et l'avons guéri de ses douleurs pseudo-

rhumatismales.

Il nous est difficile de prolonger la description des appli-

cations, faites par nous de l'extension soit dans le service du

professeur Raymond, où se trouve la seule et unique planche

inclinée appartenant à l'administration des hôpitaux et dans

notre cabinet de consultation. Nous terminons ce travail par

une courte conclusion d'usage. -

De tout ce qui précède nous concluons, que l'extension est

la seule forme de suspension qui doit être conservée, comme

moyen thérapeutique indispensable dans le traitement des

maladies nerveuses. Elle doit être appliquée avec la même

sagacité et persévérance, comme d'autres méthodes théra-

peutiques, reconnues classiques; traitement spécifique, élec-

trothérapique, etc. L'extension, comme la suspension rend

des réels services dans le traitement des affections médullo-

cérébrales et doit être essayée chaque fois, qu'on est appelé

à soigner ces affections. Elle doit être guidée et faite par

l'homme de l'art médical et non par l'empirique. Surveillé

par le médecin et réglé suivant le syndrome à traiter, l'ex-

tension devient utile et inoffensive. Faite par l'empirique ou

par le malade lui-même elle présente des dangers.

De tous les procédés de suspension l'extension par la

planche inclinée est le plus anodin; les procédés scientifi-

ques de la suspension sont l'appareil de Sprimon et notre

fauteuil d'extension, qui permettent d'obtenir une extension

graduelle et calculée d'avance. '

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. Plaie de l'artère vertébrale gauche. Hématorrachis. Compres-.

sion de la moelle; par DOUCII.\UD. (Revue de médecine, novembre

1900.)

Il s'agit d'un sujet qui présentait une paralysie complète des.

quatre membres et même des muscles du cou, à la suite d'une

plaie produite par un instrument tranchant à la partie supérieure

et latérale gauche du cou. Les signes étant allés s'atténuant pro-

gressivement, on ne peut guère admettre qu'une paralysie par

hémorrhagie intra-rachidienne et compression consécutive de la

moelle.

II. Altérations pathologiques précoces des cellules ganglion-

- naires, avec relation d'un cas; par MAUDE l3. MARTIN. (Tlie Ame-

ricain Journal of lnsanity, 1900, p. 589-592.) ;

Femme de cinquante ans avec hérédité chargée; toujours peu

de résistance aux toxines; auto-intoxication gastro-intestinale et

troubles comateux à chaque période menstruelle, puis démentiels.

A l'autopsie, la cause de la mort reste obscure : il y a bien des

.lésions rénales mais peu accentuées; au cerveau, les lésions sont'

limitées aux cellules de l'écorce des lobes frontal, central et occipi-

tal, sans altérations vasculaires ni travail de sclérose : les altéra-*

tions cellulaires par contre sont multiples. L'auteur les attribue à

l'auto-intoxication, faible sans doute, mais s'exerçant sur des cel-

lules peu résistantes du fait de l'hérédité de la malade. Il établit

un rapprochement entre ce cas et ce qui se passe dans l'alcoolisme

où après une période de résistance assez longue, brusquement la

résistance du système nerveux disparaît et les neurones meurent.

simon.

III. Fonctions de l'écorce et psychologie; par Herbent NtCHOLS.,

(The American Journal of Insanily, 1900, p. 383-394.) .'

L'auteur insiste surtout à propos des régions de l'écorce cére-'

brale dont le rôle reste inconnu et. des idées émises, par Flechsig

(opposition des sensations à la mémoire et aux autres phénomènes*

132 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '

de pensée) sur la nécessité d'une étude plus profonde des corréla-

tions psychologiques, et regrette que physiologie et psychologie

semblent s'ignorer. Simoun. '

IV. Numération des globules blancs du sang dans quelques cas

de paralysie générale ; par C.-Il. JENKS. (The Americccn Journal

of hzscanit, 1900, p. 501-50G.) ,

L'idée inspirant ce travail était de trouver un signe aidant à la

diagnose des premières périodes de la paralysie générale. L'auteur

procédait au prélèvement du sang par ponction du lobule de

l'oreille. Analyse de 9 cas. En somme, rien qui puisse aider au

diagnostic : mais un plus fort pourcentage de gros lymphocites au'

moment d'une attaque, ce qui pourrait par conséquent en faire

soupçonner l'approche. ' SIUOIv.

V. Quelques difficultés à la théorie de la rétraction; par

W -L. VORCESTER, (.1mel'iean Journal of Insunity, juillet 1899,

p. 101 à 103.) -

1

On sait que la théorie de la rétraction, telle qu'elle est acceptée

par Sides, par exemple, c'est que toute réaction nerveuse est con-

ditionnée par la formation et l'interruption du contact entre diffé-

rents groupes de cellules nerveuses par protrusion ou rétraction des

filaments terminaux et leurs neuraxones. Une citation de Sides

développe un peu ce point et marque davantage en quoi la théorie

doit expliquer les phénomènes mentaux, complexité des cellules

nerveuses. d'où instabilité considérable, et de l'autre point de vue

fluctuations incessantes des phénomènes de conscience, associations

et dissociations du fait des excitations du dehors.

Donc toutes les fois qu'une pensée est dans l'esprit des connexions

existent, mais pour «toute pensée qui n'y est pas les connexions

sont interrompues. C'est donc l'état de rétraction, l'état ordinaire

de l'immense majorité des filaments terminaux du cerveau. D'ici

surgit une première difficulté à concevoir les protrusions comme

nécessaires à la production des phénomènes de pensée : c'est

l'extrême rapidité de ceux-ci opposée à l'extrême lenteur de ceux-là

où il nous est donné de les observer. ,

z C'est attribuer aussi aux cellules nerveuses un pouvoir de sélec-

tion à peine croyable. Nous avons d'un même objet des impressions

sensorielles extrêmement variables (profil lointain, etc.) toujours

cependant les différentes cellules ainsi différemment stimulées sont

aussitôt aptes à s'associer au souvenir des noms, qualités, etc., de

l'objet en question.

On a pensé que cette théorie jetterait quelque lumière sur les anes-

thésies et paralysies hystériques. Par rétraction, la continuité des

REVUE D'ANATOMIE El' DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 183

connexions cesse. Mais pour vérifier cette cécité, faites regarder le

sujet dans un appareil ou des miroirs ne lui permettant de voir

qu'un objet avec chacun des yeux, mais de telle façon que celui

situé à droite lui paraisse à gauche et réciproquement, il ne voit

d'objet que celui que lui fait voir effectivement l'oeil tout à l'heure

aveugle. Que deviennent donc dans ces circonstances les absences

de contact antérieurement existantes ?

On voit les difficultés que rencontre la théorie de la rétraction

quand on cherche à l'appliquer à un cas donné;*elle est impuissante

à rendre compte des phénomènes psychiques; elle crée plus de

difficultés qu'elle n'en éloigne. Simon.

VI. Relations entre l'altération des reins (of renal disease) et

le dérangement mental; par V.-S. WOHCESTEH. (4'lltl'ican Jour-

nal of Insal11ty, octobre 1899, p. 275 à 283.)

L'auteur est provisoirement conquit aux deux conclusions sui-

vantes : 1° Un certain degré d'altération des reins est très fréquent

chez les aliénés, mais il n'est aucunement certain que leur altéra-

tion soit plus commune chez eux que dans la population générale

d'âge correspondant; 2° Les cas daus lesquels la folie est due seu-

lement à l'altération des reins sont plutôt rares dans les asiles

d'aliénés. Cependant, prenant le terme de « Maladie de Brigth z

dans son sens le plus large, il est probable qu'elle est une des

causes les plus communes, sinon la plus commune du dérangement

mental. (Bibliographie.) SI : .ION.

VII. Les opinions communes des physiologistes et la consommation

de l'alcool; par le professeur C.-11. Hughes. M. D. (The Alienist

uzacl AMrû/st, 1900, p. 70-73.)

Après avoir rapporté les opinions de Legendre, More), Magnan,

etc., l'auteur constate que malgré cela l'alcoolisme continue à faire

des milliers de victimes. 11 se demande donc comment on peut

pratiquement lutter. Faut-il essayer de guérir l'alcoolisme par

substitution, grâce à des boi-sons telles que le thé, le café, le choco-

lat ? 11 n'y aurait plus de cafés, mais seulement des établissements

sanitaires. Une telle régulation ne violerait aucun droit humain et

serait d'intéiêt public... Tendre surtout à la diffusion de la vérité

scientifique. - Simon.

VIII. Sur les noyaux moteurs médullaires innervant les muscles ;

par SAM. (JOU1'Il, de Neurologie, 1901, n° 15.)

L'auteur s'attache dans ce travail à réfuter les objections qui'

ont été adressées à sa théorie de l'existence pour chaque muscle,

d'un noyau d'innervation distinct. Il soutient que le muscle, les

134 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

neurones sensitifs et les neurones moteurs forment un ensemble

physiologique qui se trouve sous l'influence d'autres centres, ou

qui est associé par des voies directes et indirectes avec d'autres

groupements similaires, mais qui constitue néanmoins un premier

ensemble élémentaire, suffisamment individualisé pour pouvoir

être considéré en lui-même. On comprendrait ainsi comment les

neurones sensitifs musculaires fournissent les premières excitations

tonifiantes au noyau moteur, assurent la coordination des fais-

ceaux élémentaires et garantissent leur synergie fonctionnelle.

D'autre part, rien ne s'opposerait à l'admettre, que c'est dans ce

circuit électroneuro-musculaire que, les circuits nerveux dérivés

puisent en grande partie l'énergie 'primordiale, leurs propres

échanges nutritifs étant insuffisants il la fournir. G. DERNY.

IX. Du « réflexe fémoral » par trouble de la conductibilité de la

moelle dorsale; par E. HEMAK. ! NclI1'olo,r¡isehes Cent1'ululatt, XIX,

, 1(jojo.)

L'auteur rappelle ce qu'il a observé, en 1893, sur un enfant de

quatre ans, atteint de myélite transverse au-dessous de la septième

dorsale. L'excitation d'une certaine zone (voy. Neurol. Centzwl6l.,

1893) au niveau de la face antérieure et supérieure de la cuisse

déterminait, d'abord la flexion des trois premiers orteils vers la

plante du pied, puis la flexion plantaire du pied, enfin une lente

extension de l'articulation du genou par la contraction du triceps

fémoral. Ses observations offrent cette particularité que la flexion

plantaire des premiers orteils est le phénomène le plus constant en

l'espèce, tandis que l'excitation de la plante du pied produit chez

les mêmes malades le réflexe extenseur des orteils de Babinsky.

Voici maintenant un petir enfant de deux ans, issu de parents

tuberculeux, porteur d'une gibbosilé au niveau des troisième et

quatrième vertèbres dorsales. Les bras sont intacts, les jambes

parésiées : il existe de la diminution de la sensibilité des extrémités

inférieures un peu raides, le phénomène du genou et le réflexe

achilléen sont, des deux côtés, actifs. Parfois on obtient le phéno-

mène du pied. Quand on lui chatouille la plante du pied, le gros

orteil s'étend, puis le pied se fléchit sur la jambe et la cuisse se

fléchit sur le bassin. L'excitation légère de la zone fémorale en

question produit invariablement la flexion'plantaire des trois pre-

miers orteils, et quelquefois, l'extension du genou : si l'excitation

est trop forte, la cuisse généralement se fléchit sur le bassin. On

traite la colonne vertébrale, et la motilité s'améliore, mais le réflexe

fémoral sous la forme de flexion plantaire des trois premiers

orteils subsiste, tandis que ses autres modalités se produisent moins

volontiers. L'excitation de la plante du pied provoque encore la

flexion dorsale du -pouce et l'extension des orteils.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 135

En résumé le réflexe. fémoral porte, au pied, sur les fléchisseurs

plantaires, et le réflexe plantaire correspond aux indication don-

nées par Babinsky. Il semble qu'une lésion au niveau de la hui-

tième dorsale, plutôt plus bas, détermine le réflexe fémoral sous

la forme de l'extension du triceps, tandis qu'une lésion siégeant

au-dessus, comme dans la dernière observation, provoque le

réflexe fémoral sous la forme de flexion plantaire des orteils. Il est

à penser aussi que l'intensité du trouble de la conductibilité joue

également un rôle. P. 11ERA'AL.

X. Le trajet sacro-lombaire du cordon latéro-cérébelleux. Elimi-

nation de la substance grise de la moelle sacro-lombaire au

moyen de l'anémie expérimentale chez le chien ; par M. IIoTII-

MANN. (IVeU ? '010g. Centi-Étlblatt, XIX, 1900.)

Expérience caractérisée par une nécrose partielle de la substance

grise malgré laquelle le chien survécut dix jours et demi, ce qui

permit de procéder à la recherche des dégénérescences secon-

daires par le procédé de Marchi. On pratiqua la forcipressure de

l'aorte abdominale immédiatement au-dessus de l'artère, rénale

droite pendant une heure. On constata une nécrose, par places,

de la substance grise de la moelle lombo-sacrée, depuis la par-

tie la plus inférieure de la moelle dorsale jusqu'à la partie

moyenne de la moelle sacrée : cette nécrose nulle part n'avait

détruit la totalité de cette substance; elle avait épargné notam-

ment invariablement les zones des cornes antérieures et posté-

rieures, ainsi que les parties qui entourent le canal central. C'est

pourquoi pendant la vie de l'animal, on n'avait constaté guère que

de légers troubles de la motilité des extrémités postérieures.

Absence complète de l'analgésie de la région'anale.

L'analyse microscopique révèle, dans les points complètement

nécrosés, l'absence de cellules nerveuses; on y voit un réseau vas-

culaire très développé, turgescent, dont les parois sont farcies de

petites cellules, des espaces lymphatiques encombrés de nom-

breuses cellules granulo-graisseuses uninucléaires qui remplissent

aussi le tissu intermédiaire. Dans les parties moins altérées de la

moelle sacrée et de la moelle lombaire, les cellules des cornes

antérieures présentent une raréfaction du protoplasma, une atro-

phie des granulations de l'iissl, de la vacuolisation, le rejet du

noyau sur le boid de l'élément, altérations qui décroissent quand

on s'élève vers la moelle lombaire supérieure. La substance blanche

est certainement atteinte de dégénérescence secondaire dans la

- portion la plus postérieure, périphérique, du cordon latéral : elle

commence au niveau de la partie la plus inférieure de la moelle

sacrée, monte, à droite, jusqu'à la moelle dorsale supérieure, à

gauche, jusqu'à la moelle cervicale moyenne. Le cordon latéral

136 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

gauche est bien plus dégénéré, parce que la substance grise du

côté gauche de la moelle sacrée a subi une plus forte destruction.

Il semble évident à M. Rothmaun que cette zone de dégénéres-

cence tend à atteindre l'aire du faisceau latéro-cérébelleux, et que,

si une partie considérable du cordon latéral sacro-lombaire cesse,

en apparence, à la substauce grise de la moelle dorsale supérieure

et de la molle cervicale, d'autres libres de ce cordon se continuent

avec le faisceau latéro-cérébelleux dorsal jusque dans le bulbe,

ainsi que le montre un cas d'embolie expérimentale du même^

auteur. De là les conclusions suivantes :

1° On réussit extrêmement rarement, en pinçant temporaire-

ment l'aorte abdominale du chien, à produire une destruction iso-

lée de la substance grise de la moelle lombo-sacrée ; 2° l'élimina-

tion de parties étendues de la substance grise de la moelle sacrée

supérieure et moyenne, en rapport avec les lésions de l'embolie

médullaire, produisent une dégénérescence secondaire du faisceau

latéro-cérébelleux sacro-lombaire, dont l'existence est ainsi prouvée

chez le chien ; 3° une partie considérable de ce faisceau, qui subit

la dégénérescence ascendante, se termine dans la moelle dorsale

supérieure et dans la moelle cervicale, tandis que d'autres fibres

dudit faisceau peuvent être suivies jusque dans le bulbe, dans

l'aire du faisceau latéro-cérébelleux ; 4° la dégénérescence ascen-

dante atteint en outre le faisceau sulco-marginal ascendant (Marie),

et des fibres éparses des cordons antéro-latvruux ; 5° les cordons

postérieurs restent indemnes, probablement parce que les segments

de substance grise voisins du canal central sont conservés.

P. KEHAYAL.

XI. Lésions dégénératives dans un cas de myélite aiguë ; par

G. IiI6ELES. (11 eurolog. CentralbL, XIX, 1900.)

L'observation a trait à une myélite aiguë, siégant il la partie

supérieure de la moelle dorsale au niveau des cinquième et

sixième paires nerveuses dorsales. Les pièces, traitées par la

méthode de Marchi, montrent : A. Au-dessous du foyer : 1° une

dégénérescence descendante, en virgule, du cordon postérieur ;

2° une forte dégénérescence du cordon latéral des pyramides, qui

diminue d'étendue et d'intensité en descendant. B. Au-dessus du

foyer : 1° uné dégénérescence évidente du cordon latéral du cer-

velet; 2° une dégénérescence du cordon postérieur; celle-ci, diffu-

sée à travers tout le cordon, immédiatement au-dessus du foyer.

décroît en montant graduellement en étendue transversale et se

limite de plus en plus au voisinage du sillon.

Par contre, la méthode de Weigert et Pal ne trahit, au-dessus

comme au-dessous du foyer, aucune dégénérescence suivant un axe

très considérable de l'organe. A la hauteur de la première paire lom-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 137

baire, la dégénérescence descendante du cordon latéral des pyra-

mides est à peine visible; elle gagne en netteté en descendant. Au

niveau de la partie la plus élevée de la moelle dorsale, la dégéné-

rescence ascendante du cordon postérieur.se manifeste par une

décoloration du faisceau de Goll; elle n'est nette qu'au niveau de

la moelle'cervicale. (Figures). Or cette physionomie laisse supposer

l'ascension de la dégénérescence du cordon latéral des pyramides,

et la descente de la dégénérescence du cordon postérieur, attri-

buées par Struempell à une affection systématique combinée, c'est-

à dire primitive; elles peuvent donc réellement appartenir -à une

dégénérescence secondaire.

- Pourquoi, en pareil cas, celui d'une myélite ayant à peine duré

un mois, la dégénérescence du cordon latéral des pyramides

est-elle plus nette en descendant et celle du cordon poslérieur

plus nette en montant ? A la suite de la lésion transverse de

la moelle, les fibres qui ont d'abord à subir une dégénérescence

grave sont celles qui au delà de la lésion, séparées de leurs cel-

lules, ont le plus long chemin à parcourir avant d'atteindre leur

point terminus. C'est pour cela que la méthode de Weigert, nous

montre, pour le court espace de temps en rapport avec la myélite

aiguë, précisément la dégénérescence exclusive des fibres très

longues, tant daus le cordon pyramidal que dans le cordon posté-

rieur. Comme dans la moelle les fibres longues sont entremêlées

de libres à trajet plus court, la dégénérescence des fibres longues

n'apparaît nette que la où il n'y a plus de fibres courtes et où, de

plus, les fibres longues sont plus drues et plus épaisses. C'est ce

qui a lieu pour les fibres du cordon latéral des pyramides au

niveau du segment le plus inférieur de la moelle, et, pour les libres

' du cordon postérieur au niveau du segment le plus élevé. Peut-être

aussi les fibres longues sont-elles moins résistantes que les fibres

courtes (Leyden et Goldscbeider). - - P. KERAVAL.

XII. Des proliférations circonscrites des fibres musculaires lisses

dans les vaisseaux de la moelle; par A.-l'ICh. (Neurolog. Cen-

Jralbl., XIX, 1900.)

En 1895, dans la Prragrr medic. Wochensclarift, M. Pick a publié

deux cas dans lesquels les vaisseaux des méninges molles de la

moelle portaient des proliférations considérables de leurs éléments

musculaires, de véritables myomes. Il s'agissait de vieillards.

Voici maintenant un homme de quarante-cinq ans atteint d'une

affection des cordons -postérieurs relativement récente. A la hau-

teur du septième segment dorsal de la moelle, l'artère centrale,

qui côtoie le canal central, présente une évidente prolifération des

libres musculaires lisses de forme arrondie (figure). On constate la

même anomalie, mais beaucoup moins accusée au niveau du qua-

138 REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

trième segment dorsal. Cet amas dessine un bouton transversale-

ment et une sphère par rapport à la direction longitudinale du

vaisseau. Les fibres sont tantôt réunies en faisceaux, dont les

fibrilles sont transverses ou obliques, tantôt groupées par couches,

au nombre de deux ou trois, dont la plus interne se compose de

fibrilles longitudinales, et l'externe de libriles transverses : par

places on voit plusieurs faisceaux, les uns à fibres obliques ou

transverses, les autres à fibres longitudinales. L'artère du sillon

antérieur est également atteinte de proliférations semblables, indé-

pendantes et beaucoup plus petites que celles de l'artère centrale.

On en voit aussi sur une branche latérale de celle-ci. Le jeu et la

continuité du processus sont révélés par les coupes en séries.

Ce ne sont pas des tumeurs locales et circonscrites, c'est une

prolifération susceptible de se disséminer qui atteint le système

musculaire lisse des gros vaisseaux. La sénilité ne fait rien à l'af-

faire. Le tabes, qui parfois est considéré comme la marque d'une

sénilité précoce, n'en est pas non plus la cause, puisqu'on n'a

jamais encore rencontré ces lésions dans le tabes. C'est une affec-

tion particulière à élucider par des recherches ultérieures.

P. 11P : 1SAVAL.

XIII. La salivation d'origine nerveuse,- considérée comme désordre

morbide idiopathique ; par W. M. l3curcmvv. (Obozrénié psi-

chiatrii, v. 1900).

L'auteur décrit trois observations de ptyalisme nerveux périphé-

rique, autonome, par excitation de la corde du tympan, et une

observation de ptyalisme idiopathique périodique d'origine cen-

trale. Résumons-les.

Observation ! . l. - Un homme de quarante-deux ans, bien portant,

sans lare héréditaire, crache du matin au soir, depuis près de six mois

La salive lui coule du côté gauche de la bouche, surtout le matin.

Pendant les trois ou quatre heures qu'il reste au théâtre, il mouille

au moins 3 mouchoirs. La salive est fluide ; il éprouve une conti-

nuelle sensation désagréable à la bouche. De cause, même occa-

sionnelle, il ne connaît pas. Il a simplement eu la syphilis il y a

vingt ans et a suivi un traitement mercuriel, il a eu un rhuma-

tisme au bras droit, et est actuellement affecté d'un coryza.

- Observation IL -Une veuve de plus de soixante-dix ans, indemne

d'hérédité, a été 3 Crois grosse, et, à chaque grossesse, elle a été

affectée de ptyalisme avec maux de coeur : lors de la dernière

grossesse, le ptyalisme s'est prolongé neuf à dix jours pendant les

couches. Il y a quelques années, elle est atteinte sans motifs de

paralysie agitante, qui occupe successivement le membre supé-

rieur et le membre inférieur droits. L'an dernier, dans sa chambre,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 139

elle se fracture le col du fémur; c'est peut-être bien une fracture

spontanée, qui, du reste, ne se consolide pas. Dans ces derniers -

temps la malade s'affaiblit, et apparaît un ptyalisme excessif, qui

commence à dix heures du matin et se poursuit sans interruption

jusqu'à 3 à 4 heures de la nuit : elle trempe de salive son oreiller.

Pendant le jour elle crache. De temps à autre, la salive est si

épaisse qu'il lui faut l'arracher avec la main. Artériosclérose des

gros troncs vasculaires. Coeur affaibli : léger oedème des extrémi-

tés. ,

- Observation III. - Israélite d'âge moyen crachant une énorme

quantité de salive, où qu'il soit : il en emplit une assiette en une

ou deux heures. Cela dure toute la journée. La salive est liquide.

Pas de cause appréciable; aucune maladie nerveuse.

Observation IV. -Jeuné homme de vingt-cinq ans, de famille né-

vropathique, indemne de toute affection nerveuse ou physique. Est,

dès la première jeunesse, sujet à des accès de ptyalisme brusque :

tout à coup s'écoule une énorme quantité de salive fluide pendant

quelques minutes à une demi-heure, puis le flux cesse aussi brus-

quement. Quantité excrétée : 1/2 verre à 3/4 de verre et davan-

tage. Les crises sont rares : il n'en survient qu'une en deux ou quel-

ques semaines, elles sont parfois déterminées par l'avant-goût des

mets. M. Bechterew a assisté à une de celles-là. Juste au moment

où il allait se mettre à table, le malade émit soudain 3/4 de verre

d'une salive fluide ; puis la sécrétion s'arrêta spontanément et rapi-

dement, et il put manger comme si rien d'anormal ne s'était

passé. Aucune autre anomalie. P. KERAVAL.

XIV. De l'influence du cerveau sur la sécrétion du suc gastrique ;

par A. W. Guerveue. (Obzorénié psichiatrii. V. 1900) :

Expérience sur les chiens.

A. - Les 4 premières montrent nettement que l'excitation élec-

trique de la partie inférieure de la circonvolution sigmoïde anté-

rieure, en avant du sillon crucial, sur une zone d'un centimètre de

diamètre, qui correspond à la troisième circonvolution primitive

(figure), détermine le travail sécrétoire suivant dans l'estomac

muni d'une fistule et séparé de la bouche à l'aide d'une liga-

ture de l'oesophage et du pylore. Il coule d'abord un mucus assez

épais, à réaction alcaline, puis après une ou deux excitations de

l'écorce, du mucus additionné du suc gastrique franchement acide,

finalement du suc gastrique pur contenant pepsine et acide chlo-

rliydrique.

Une section autourde la zone corticale en question n'empêche nul-

lement la genèse de ces phénomènes, tandis que la résection de la

zone elle-même fait disparaître l'action sécrétoire, alors même

140 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

qu'on emploie un courant électrique intense : c'est donc bien

l'écorce de la zone qui agit. Agit-elle par les mouvements de l'es-

tomac exerçant une expression mécanique ? Non. La progression

de la sécrétion, qui d'ailleurs ne débute que deux ou trois minutes,

parfois cinq minutes après, l'application des électrodes sur l'écorce,

indique un travail chimique des glandes de l'estomac. Celui-ci du

reste ne se meut pas, ainsi qu'on le voit au moven d'une large

plaie abdominale. Si l'on excite l'écorce pendant quatre ou cinq

minutes, dans les deux ou trois dernières la quantité du suc gas-

trique augmente, puis, quand on suspend l'excitation, cette quan-

tité continue à croître quelque temps jusqu'à dix ou vingt minutes

pour décroitre graduellement tout en se maintenant pendant

trente ou cinquante minutes encore.

B. Les expériences V et VI, permettent de rattacher à la zone

corticale déjà indiquée le phénomène mental de la sécrétion du

suc gastrique qui se produit chez les animaux à la vue des ali-

mentes. Si l'on enlève cette zone des deux côtés. (exp. V.), on peut

présenter au chien des aliments sans qu'il flue du suc gastrique.

Et ce n'est pas le traumatisme qui en est cause, car, si on enlève

des parties de l'écorce dont l'excitation électrique ne provoque

pas la sécrétion du suc gastrique, la présentation à l'animal de

morceaux affriolants se traduit par le flux habituel : ainsi en est-

il à l'égard de la destruction de la région temporale dans l'ex-

périence VI. -

C. C'est le nerf vague par lequel passe le réflexe qui va de

l'écorce du cerveau aux glandes de l'estomac. Il suffit, pour s'en

convaincre, de sectionner ce nerf à 2 ou 3 centimètres au-dessous

de l'artère sous-clavière, au-dessous de l'origine du laryngé infé-

rieur : expérience VII. A la suite de la section du nerf vague droit,

l'excitation de la zone corticale de sigmoïde gauche provoque une

sécrétion gastrique moindre que l'excitation de la zone symétrique

droite, et inversement quant à la section du nerl vague gauche.

Après la section des deux nerfs, on excite en vain la zone de droite

ou celle de gauche, le suc gastrique n'est plus sécrété. Etant donné

le niveau où l'on pratique la section, l'action du cerveau sur le

coeur n'étant passupprimée, on ne peut pas prétendre qu'il y ait de

modifications vasculaires dans les parois de l'estomac. La sécrétion

cortico-glandulaire du suc gastrique est exclusivement nerveuse.

D. - Les couches optiques et les tubercules quadri junteatcx

antérieurs contiennent aussi des centres indépendants qui com-

mandent à l'activité des glandes gastriques. Leur excitation chez

un animal auquel on apris soin préalablement de détruire l'écorce

de la zone sécrétoire de la sigmoïde antérieure, produit, deux ou

trois semaines après cette destruction, la sécrétion du suc ga«-

triqueaussi bien qu'avantla mutilation corticale : expérience VIII.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. Ll1

lE. Il e*t probable que les centres sécoéloi·cs sous corticaux ne

prennent pas part ci la sécrétion psychique du suc gastrique, seule

réservée aux centres sécrétoires corticaux. P. Klraval.

XV. De l'épreuve des méthodes de coloration de la névroglie :

nouvelle méthode; par C. l3snnA. (Neurolog. Gentl'albl., XIX, 1900.)

Examen comparé des méthodes actuelles aboutissant au nouveau

système suivant ..

A. Durcissement. De tout petits morceaux de tissus frais sont

deux jours durant soumis à une solution de formaline à 10 p. 100

voire à la formaline pure (Schering); 2° on les plonge, au bain-

marie, pendant deux jours au moins, dans la solution de Weigert

ainsi préparée : eau 100 grammes, alun de chrome 2 gr. 50; dis-

soudre à chaud et ajouter deUto-acétate de cuivre 5 grammes,

acide acétique concentré 5 grammes. On lave enfin pendant vingt-

quatre heures; 3° on reprend par une solution aqueuse d'acide

chromique à 50 centigrammes p. 100 pendant'deux jours. Nouveau

lavage de vingt-quatre heures; 4° déshydratation par l'alcool pro-

gressivement concentré; 5° inclusion dans la paraffine; 6° exécu-

tion des coupes qui sont collées sur les lamelles; 7° élimination de

la paraffine au moyen du xylol ou de la benzine, de l'alcool absolu,

de l'alcool à 90° : hydratation.

B. Méthodes de coloration. Elles sont au nombre de trois. Pour

toutes on commence- par faire mettre les coupes pendant vingt-

quatre heures dans une solution d'alun de fer à 4 p. 100, ou dans

une solution faible de sulfate de fer : on lave ensuite à l'eau cou-

rante pendant quinze à trente secondes.

1. Coloration à Valizarine et au bleu de toluidine. 1° la coupe

est immergée dans une solution aqueuse faible (de couleur jaune

d'ambre) de sulfalizarinate de soude (de Kililbatim, de Berlin),

puis dans l'eau distillée : elle est séchée au papier buvard; 2° on

colore alors avec une solution aqueuse de- bleu de toluidine à

10 centigrammes p. 100, pour cela on porte la coupe sur sa lamelle

dans un verre de montre plein de la solution, on chauffe jusqu'à

dégagement de vapeurs, et on laisse le tout refroidir un quart'

d'heure ou plus; 3° laver à l'acide acétique à 1 p 100; 4° sécher

au papier buvard, et plonger dans l'alcool absolu; 5° différencier

à la créosote en contrôlant sous le microscope : cette différen-

ciation dure au moins dix minutes. Elle se traduit, à l'oeil nu, par

une couleur rouge-bleuâtre, les grosses masses de névroglie pré-

sentant, par exemple aux environs du canal cenlral de la moelle,

une coloration bleue intense qui tranche sur les parties voisines. En

ces points, sous le microscope, on voit les fibres d'un bleu prononcé

tandis que les gros tractus de tissu conjonctif, comme dans la pie-

142 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

mère, et les grands cylindraxes sont de couleur rouge-brun : c'est

un signe que les petits cylindraxes et les fins cordons conjonctifs

se sont défaits de la coloration propre à la névroglie; 6° sécher au

papier buvard, rincer au xylol, monter dans le baume.

Il. Coloration à l'hématoæylinc et aux couleurs d'aniline.

1° Immersion pendant vingt-quatre heures dans une solution d'hé-

matoxyline aqueuse d'un jaune vineux; 2° différenciation au moyen

d'acide acétique à 30°, jusqu'à ce que. la coupe devienne gris

bleu : on rince à l'eau distillée, on sèche au papier buvard; 3° on

verse alors une solution de gentiane et d'hydrate d'aniline (solution

d'Ehrlich), ou la solution alcoolique de violet de méthyle addi-

tionnée d'acide oxalique de Weigert, ou enfin le mélange que voici :

solution filtrée alcoolique du violet cristallisé de Gruebler à 0 p. 100

1 volume, solution à 1 p. 100 d'acide chlorhydrique dans l'alcool

à 10, 1 volume, 2 volumes d'hydrate d'aniline. On chauffe jusqu'à

dégagement de vapeurs : 4° on rince et sèche au papier buvard;

5° arroser d'une solution d'iodure de potassium iodurée, laver,

sécher; 6" traiter à l'aide de parties égales-d'aniline et de xylol;

7° enlever avec soin ce mélange, arroser plusieurs fois de xylol,

monter dans le baume.

On peut encore, après l'immersion dans la solution d'hémato-

xyliné. différencier et reteindre au moyen de l'acide picrique, de

la fuchsine acide, suivant le procédé de Van Gieson.

Ces manières de faire fournissent des colorations distinctives

accentuées entre cylindraxes, cellules nerveuses, corps des cellules

de la névroglie, tissu conjonctif. P. KEravAL.

XVI. La respiration et le pouls pendant le sommeil hypnotique ;

par E.-A. Guise et A.-Th. l.AzounsKY. (Obozrénié psicltiah·èi,

V, 1900.)

Onze observations, deux tableaux et des tracés aboutissent aux

conclusions suivantes :

1° Pendant le sommeil hypnotique, on peut observer l'accéléra-

tion et le ralentissement de la respiration et du pouls ; - 2° Le

ralentissement de la respiration, qui d'ordinaire est en même

temps plus profonde, s'obserue surtout dans l'hypnose profonde :

inversement les degrés moyen de sommeil hypnotique s'accompa-

gnent habituellement de respiration accélérée ; 3° un sujet

donné présente presque toujours les mêmes modifications respira-

toires, à toutes les séances d'hypnotisme, ce qui oblige à supposer

que l'individualité joue dans ces modifications un rôle important;

4° les modifications du pouls sont loin de présenter la, même

régularité ; peut-être cela provient-il de ce que le pouls se modifie

secondairement, consécutivement à la respiration; 8° l'état delà

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES 143

respiration et du pouls pendant le sommeil hypnotique n'est pas

identique à celui des mêmes fonctions pendant le sommeil ordi-

naire. P. KERAYAL.

XVII. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique de l'hémia-

nopsie d'origine intra-cérébrale ; par Jonkowski. (Nouv. Iconogr.

de la Salpêtrière, n° 1, 1901.) .

Deux observalions suivies d'autopsie et d'examen histologique.

leur cas : hémianopsie gauche homonyme latérale causée par un

ramollissement en foyer de la scissure calcarine, ayant détruit les

lobes lingual et fusiforme et pénétré la substance blanche jusqu'à

la paroi interne de la corne postérieure de l'hémisphère droit.

2° cas : hémianopsie double avec cécité verbale et agraphie totale

causée par, dans l'hémisphère droit, un ramollissement du centre

visuel cortical et dans l'hémisphère gauche, un ramollissement de

la substance blanche du pli courbe et des parties voisines des lobes

temporal et pariétal. A noter que dans les deux cas, il n'existait

pas, malgré l'étendue des lésions cortico-occipitales, de dégéné-

rescence secondaire dans le faisceau de Gratiolet ni dansle corps

calleux. La sclérose du faisceau de Gratiolet, dans les deux cas,

dépendait de petits foyers de ramollissement localisés sur toute sa

longueur. R. C.

XVIII. Contribution à l'étude des kystes parasitaires du cerveau

causés par le cystique du taenia échinococcus ; par MM. Mous-

seaux, DE GOTHARD et Riche. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière,

no 1, 1901.)

· Un homme de soixante-neuf ans est apporté il l'hôpital dans un

état comateux, il meurt douze heures après sans avoir repris con-

naissance. On sait seulement de lui qu'il est depuis quelques années

sujet à des attaques convulsives suivies de coma, attaques attri-

buées à l'alcoolisme. A l'autopsie on trouve dans l'hémisphère céré-

bral droit une poche kystique de la grosseur d'un oeuf de poule

intéressant la partie moyenne de la substance blanche et dans

laquelle on découvre des parasites et plusieurs échinocoques. Ce

cas anormal par l'âge du sujet, par les dimensions et la localisa-

tion du kyste, s'ajoute aux précédents pour montrer l'extrême dif-

ficulté du diagniostic positif et même différentiel des kystes parasi-

taires du cerveau. IL C. '

XIX. Sur l'état atrophique de la moëlle épinière dans la syphilis

spinale chronique; par E. Long et B. WiKi. (Nouv. Iconogr. de

la Salpétrière, n° 2, 1901.)

Analyse très soignée d'un cas observé par les auteurs et ainsi

144 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.

résumé par eux. Examen clinique : paralysie spinale à marche

lente et progressive survenue chez un sujet ayant contracté la

syphilis 38 ans auparavant. Pendant les trois premiers mois de la

maladie, état de lourdeur et de raideur des membres inférieurs;

au quatrième mois,-apparition des troubles sphinctériens et aggra-

vation de l'état paréto-spasmodique; on constate des troubles de

la sensibilité accompagnant les troubles moteurs. A la fin de la

première année, amélioration passagère sous l'influence d'un trai-

tement énergique, puis rechute, paraplégie complète quatorze mois

après le début de la maladie. Mort par infection urinaire. Examen

histoloyir¡ue : On constate 3 catégories de lé.-ions : 1° lésions vascu-

laires et péri-vasculaires diffuses et en grande majorité intra-mé-

dullaires ; 2° lésions scléreuses en foyers multiples qui constituent

le point de départ des dégénérescences secondaires systématisées;

3° diminution de volume de la moëlle dans les 2/3 supérieurs de

la région dorsale. R. C.

XX. Contribution à l'étude de l'hypertrichose lombo-sacrée envi-

sagée comme stigmate anatomique de la dégénérescence ; par

Lucien MA\ET. (Nouv. Iconogr. de la Salpétrière, n° 2, 1901.).

Une observation d'hypertrichose très remarquable chez un

sujet présentant un cortège touffu de stigmates physiques de dégé-

nérescence.

XXI. Description d'un ectromélien hémimèle avec quelques consi-

dérations sur l'hémimélie; par E. HUENT et Ch. INFROJT. (Nouv.

Iconogr. de la Salpéliière, n° 2, 1901.)

Sans prendre parti dans la pathogénie obscure de cette malfor- «

mation, les auteurs incriminent pour le cas observé par eux, l'ori-

gine exogène. ·

XXII. Les difformités du système nerveux central dans le spina

bifida (Hydropisie du quatrième vl'1 ! tl'icule; par M. SoLOvTzOFT).

(Nouv. Icono,gr. de la Salpétrière n° 2 et 3 1901.) .

Cinq cas nouveaux de spina bifida soumis à l'examen histologi-

que du système nerveux cérébro-spinal, et dont l'étude complétant

un travail antérieur conduit l'auteur aux conclusions suivantes :

1° Le spina bifida est quelquefois accompagné de l'hydropisie du

quatrième ventricule, laquelle entraine l'allongement outre mesure

du quatrième ventricule dans la direction vers le bas; 2° l'hydro-

pisie du quatrième ventricule peut provoquer la dislocation de

toute la moelle allongée dans la direction vers le bas; 3° quelque-

fois par l'hydropisie du quatrième ventricule se déplace surtout la

partie postérieure de la moëlle allongée, laquelle est suspendue sur

HEVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '145

la moëlle épinière; 4' grâce à la dislocation de la partie postérieure

de la moëlle allongée, cette dernière se partage en deux moitiés

antérieure et postérieure, et chacune de ces moitiés se développe

séparément jusqu'à ce quelles se fusionnent au niveau de l'entre-

croisement des fibres sensitives. H. C.

XXIII. Tumeur cérébrale : par Ernest DurijÉ et Albert DEVAUX.

(Sollv.leono ! J'" de la Salpétrière, n° 3, 1901.)

A l'occasion d'un cas d'endothéliome méningé dont l'observation

a été antérieurement. présentée à la Société de Neurologie ; les

auteurs présentent une discussion documentée sur la physio-

logie pathologique des tumeurs cérébrales, discussion tendant à

étayer une hypothèse nouvelle t destinée non à remplacer, mais à

prendre rang parmi les autres théories pathogéniques (congestion

irritation, troubles circulatoires de l'encéphale, etc.) ». Ce tra-

vail est résumé dans les conclusions suivantes :

1° Les malades porteurs de tumeurs cérébrales, présentent à

côté de la dépression et de la diminution intellectuelles un état

mental particulier, qui constitue leur note psychopathique domi-

nante : c'est un état de torpeur, d'engourdissement psychique,

d'obnubilation intellectuelle auquel peut s'ajouter du ptiérilisme

mental ; -

2° Les endothéliomes des méninges peuvent subir, outre la

dégénérescence calcaire, un autre processus dégénératif consistant

en l'infiltration des cellules par une matière prenant fortement

l'éosine et aboutissant à la rétraction de la cellule : c'est la dégé-

nérescence hyaline. Elle n'est pas particulière aux endothéliomes

des méninges mais se retrouve dans les granulations dePacchioni

et dans les fausses membranes méningées, ayant toujours comme

siège de prédilection les zones péri et paravasculaires ;

3° Les lésions des cellules corticales sont les suivantes : dans

les'circonvolutions directement comprimées, atrophie cellulaire;

dans les circonvolutions indirectement comprimées, gonflement

cellulaire avec chromatolyse périphérique et excentricité du

noyau.

4° Dans la pathogénie des tumeurs cérébrales, à côté de la com-

pression de l'encéphale qui joue un rôle peut-être non négligeable

il faut faire une place à l'action des produits toxiques sécrétés parla

néoformation sur les éléments nerveux. Militent en faveur de cette

hypothèse certains arguments histopathologiques (altérations des

cellules corticales et des nerfs optiques comparables aux lésions

toxi-infectieuses), anatomiques (large communication sanguine et

lymphalique du néoplasme permettans l'imprégnation du tissu

cérébral par les toxines issues du foyer pathologique, extrême

sensibilité aux toxines de l'écorce grise), cliniques (analogie des

Archives, 2° série, t. XHI. 10

146 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tableaux cliniques des encéphalopathies toxiques, de l'urémie, du

diabète, du saturnisme et de l'encéphalopathie néoplasique).

L'intoxication de l'encéphale doit denc prendre place parmi les

facteurs pathogéniques (compression, irritation, troubles vascu-

laires) invoqués pour expliquer les symptômes des tumeurs

cérébrales. il. C.

XXIV. Des rapports entre le contenu mental et l'activité nerveuse ;

parE.-B. DELABARnE. (The American Journal of Imanily, p. 61 -

660.)

La psychologie constitue aujourd'hui une science distincte. Les

phénomènes psychologiques obéissent, eux aussi, à des lois.

Autrefois régnait la doctrine de l'action réciproque : l'âme était

comme comme une réalité propre en face du corps, tous d'eux s'in-

fluençaient dans une certaine mesure, Mais en réalité il n'existe

que des phénomènes mentaux, sans plus, dont le déterminisme

est aussi rigoureux que pour les autres. Ils correspondent tou-

jours à des phénomènes nerveux concomitants. Il y a parallé-

lisme psycho-physique. Et de même, pathologiquement parlant, à

toute psychose correspond une névrose déterminée.

D'autre part, pas d'idées innées, et l'auteur passe eu revue les

progrès accomplis également pour l'explication de la genèse de

celles-ci, en prenant pour exemple l'idée d'espace. De même l'étude

des émotions a montré la concomitance de phénomènes organiques.

Réponse enfin à trois objections : objections de fait : les exemples

d'action de l'esprit sur le corps; c'est que l'interprétation de ces

faits est mauvaise; objection éthique - et objection métaphy-

sique. La théorie de la concomitance des phénomènes psychiques

et organiques est la plus en rapport avec notre degré actuel de

connaissance et celle qui assure à la psychologie le plus de progrès.

SillON.

XXV. De la mise en évidence par l'atrophie dite parenchymateuse

du cervelet, d'une couche cellulaire innommée de la corticalité

cérébelleuse; par Lannois et l'.wlor. (Société de sciences médica-

les de Lyon, 19 juin 1901.)

L'examen des coupes histologiques faites dans deux cas d'atro-

phie parenchymateuse du cervelet et colorées au bleu polychrome

d'Unna, montre que la disparition des cellules de Purkinje et de

la couche des grains met en vue une couche cellulaire jusque-là

non décrite. Dans les photomicrographies présentées par les auteurs,

on voit cette couche de cellules apparaître au sur et à mesure que

les grains se raréfient. Elle apparaît à la partie extérieure de la

couche des grains, formée par des cellules dont les noyaux seuls

REVUE D'ANATOMIE ET DE ^PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 147 Î

sont bien visibles. Ce sont des noyaux ovales, tous à grand axe

orienté vers la surface de la lamelle cérébelleuse.

Ces noyaux, au bleu d'Unna, apparaissent formés d'une chro-

matine peu dense, qui prend l'aspect de grains ou de courts boyaux

festonnés colorés en bleu pâle. Un ou deux nucléoles, vigoureuse-

ment colorés piquent le corps nucléaire; celui-ci apparaît bien serti,

comme encapsulé. Le volume de ces noyaux est variable; les plus

petits ont au moins le double d'un des noyaux des grains, et les

plus volumineux, qui sont plus rares, atteignent trois et quatre

fois le volume d'un noyau de grain.

Ce volume, cet aspect du noyau ne permettent pas de penser

qu'il s'agisse de cellules nevrogliques. MM. Lannois et Paviot, con-

sidérant que par la coloration au Nissl, on peut déjà distinguer

quelques-unes de ces cellules sur un cervelet normal, à la limite

des deux couches moléculaire et granuleuse autour des cellules de

Purkinje, pensent qu'il s'agit de grandes cellules étoilées de la

couche des grains, cellules qui s'étendent jusqu'à la partie pro-

fonde de la couche moléculaire, comme l'ont démontré Golgi, Ra- z

mon y Cajal, Bechterew.

Qu'il s'agisse de ces grandes cellules étoilées, appelées grandes

cellules du type II de Golgi par M. Dejerine, ou de tout autres cel-

lules innommées, il paraît évident qu'elles ne peuvent être autres

que des cellules nerveuses. -

Les auteurs comptent, en continuant leurs recherches, les déter-

miner plus exactement. Ils ont déjà pu voir qu'elles sont décélables

par le carmin sous forme de couche continue ; mais c'est la méthode

de Nissl qui les met le mieux en vue.

Leur constatation soulève une question importante, à savoir :

l'atrophie parenchymateuse primitive du cervelet existe-t-elle vrai-

ment ? Ils se demandent, en effet, pourquoi l'atrophie, ou l'arrêt

de développement, sur trois variétés importantes d'éléments ner-

veux du cervelet, respecterait seulement les cellules de relation, si

toutefois, cette couche innommée est celle des cellules de relation

de la corticalité cérébelleuse.

La réponse qui pourrait le mieux satisfaire, c'est que le cervelet,

en dehors des atrophies par ramollissement ou par méningite, ne

subit d'atrophie que secondairement, soit par lésions des parties

du système nerveux central en rapport avec les cellules de Pur-

kinje, soit par lésions de celles qui envoient leurs cylindres-axes

(fibres moussues) autour des grains. Il s'agirait alors d'une atro-

phie fonctionnelle secondaire pour les grains et les cellules de Pur-

kinje, la couche innommée, probablement de cellules de relation,

restant longtemps intacte. G. Carrier.

148 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXVI. La cellule peut-elle avoir la valeur d'une unité, au point

de vue embryologique ? par 0. Fragnito. (Centrcalblatt f. Ner-

vcnlzeillc., XX1H, N. F. XI, 1900.)

Depuis que Dohrn, Apathy, Beard, Paladino, Capobianco et Fra-

gnito ont montré que le cylindraxe des cellules nerveuses a une

origine pluricellulaire, surgissent plusieurs questions. Comment

un cylindraxe, sorti d'une série de cellules, entre t-il en rapport

avec une cellule nerveuse ? Se fond-il, à quelque distance de la cel-

lule, dans un des prolongements provenant du corps de celle-ci ou

pénètre-t-il immédiatement dans le protoplasma cellulaire, en un

mot, les prolongements sont-ils des bourgeons du corps même de

la cellule, ou sont-ce des éléments rapportés qui jusqu'à un cer-

tain moment restent étrangers à la cellule, qui, en qualité de

bouts centraux des fibres nerveuses, n'arrivent à la cellule que plus

tard pour concourir à sa structure ?

Quels sont les éléments constitutifs du protoplasma des cellules

nerveuses ? Quelle est l'origine, quelles sont les étapes du dévelop-

pement de la substance chromatique et de la substance achroma-

tique ? '1

La substance grise du bulbe et de la protubérance d'un foetus de

chien de six à neuf semaines, colorée au carmin aluné, après

durcissement au sublimé, montre ce qui suit.

Les cellules sont formées par une membrane fortement colorée,

par un réticulum filamenteux peuplé de granulations très coloré

également, par une substance intermédiaire clairsemée non colo-

rable. En certains points du réseau nucléaire se trouvent de tout

petits corpuscules ronds qui ne sont pas toujours en rapport avec

les fils du réseau. Quelques-uns de ces nodules se distinguent par

un volume plus considérable et rappellent des nucléoles. Autour

de la membrane limitante, nulle trace de protoplasma. Ces cellules

sont des noyaux, pourvues d'une substance filamenteuse et réti-

forme chromatique, d'une substance uniforme indifférenciée.

Quelques-uns de ces noyaux, plus volumineux, plus pâles, per-

dent leur réseau, qui se résout en un petit nombre de fils plus ou

moins minces. Les corpuscules y deviennent moins nombreux et

plus gros. Un de ceux-ci, par suite de l'agglomération de la subs-

tance chromatique, devient un gros nucléole distinct. Ainsi se

forment des noyaux bien plus gros que les autres, à paroi nu-

cléaire fort colorée, à gros nucléole (il y en a parfois deu.\), à fils

chromatiques rares, à substance incolore constituant la plus grande

partie de leur masse. Ce sont des noyaux principaux ou primitifs.

Les autres noyaux, noyaux secondaires, se développent plus len-

tement. Beaucoup d'entre eux se placent par rangs et dardent des

prolongements fibril'ormes : tel est le cas des foyers d'origine des

nerfs craniens. Beaucoup d'autres forment une couronne autour

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 149

d'un noyau primitif. En ce cas, ils le circonscrivent d'assez près,

en gardant leur individualité et leur forme sphéroïdale. Tantôt

leurs membranes d'enveloppe sont encore distinctes, tantôt elles

se touchent, se confondent. Graduellement les noyaux secondaires

s'allongent, s'amincissent, se recourbent en demi-lunes, en cercles,

embrassant de leur bord concave la périphérie convexe du noyau

primitif. Tous ne s'allongent pourtant pas également ni simulta-

nément ; il demeure parfois un noyau sphérique parmi les élé-

ments déjà collés au quart du noyau primitif.

A ce moment, le noyau primitif est entouré d'un anneau plus ou

moins complet de segments différents, dont chacun est un noyau

secondaire allongé. Dans chacun des noyaux secondaires, la subs-

tance chromatique se rassemble autour de certains points d'attrac-

tion, autour notamment des corpuscules et de la membrane cellu-

laire : c'est ainsi que les corpuscules y augmentent de volume,

s'arrondissent ou s'allongent, que la membrane cellulaire s'épaissit

sur la ligne de contiguité au bord convexe ou concave de l'élément,

attire à elle toute la substance chromatique et se partage eu frag-

ments isolés les uns des autres. Il s'effectue dans les noyaux secon-

daires une concentration du réseau chromatique semblable à celle des

noyaux primitifs : les mottes chromophiles ou granulations de

Nissl se forment.

Les noyaux secondaires se sont désistés de leur individualité en

faveur du noyau primitif auquel ils ont fabriqué un protoplasma.

Le noyau primitif, très brillant, ovoïde ou sphéroïde, pourvu d'un

gros nucléole, de quelques petites granulations de substance chro-

matique, et d'un léger réseau, est alors devenu le noyau d'une cel-

lule nerveuse ; les noyaux secondaires ont fourni des parties de

protoplasma de la cellule, à 1 état, partie de mottes chromatiques,

partie de substance achromatique indifférenciée : ce protoplasma

contient en plus des fibrilles courtes et longues qui peuvent être

considérées, les unes comme des dérivées des membranes anté-

rieures des noyaux, les autres comme des restes du réticulum

nucléaire. Bien entendu il y a des variantes dans les détails de

cette description d'ensemble (voir les figures).

L'écorce du cerveau présente un développement très analogue.

Les noyaux secondaires s'appliquent aux noyaux primitifs, mais

tout l'effort du façonnement de la cellule pyramidale porte -sur la

cime. Sur une coupe de l'écorce d'un foetus de chien presque à

terme, on distingue trois couches : une couche supérieure super-

ficielle, très épaisse, composée de cellules sphéroïdales ,ou ellipti-

ques disposées le=unes au-dessous des autres en rangs serrés per-.

pendiculaires à la surface de l'écorce ; une couche très mince

inférieure ou profonde, à la limite de la substance blanche; qui se

compose d'éléments fort semblables à ceux de la couche supé-

rieure ; une couche moyenne, qui prend de l'ampleur aux dépens

150 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

des deux autres, et comprend des éléments plus développés. Cette

couche est la plus colorée, les éléments y sont moins nombreux et

plus volumineux : ils ressemblent presque aux noyaux primitifs

du bulbe et de la protubérance, tandis que les éléments des deux

autres couches sont plus semblables aux noyaux secondaires. On

trouve cependant aussi dans la couche moyenne des noyaux secon-

daires qui s'appliquent également aux noyaux primitifs, mais sou-

vent d'un seul côté de ceux-ci comme pour leur former un bonnet.

Les cordons de cellules qui forment la couche supérieure se

transforment en cordons de fibres, dont chacune pénètre dans les

couches profondes, atteint un noyau primitif, et se partage en

deux dans son voisinage pour l'embrasser. Parfois deux de ces

fibrilles se réunissent au pôle opposé de la cellule, en dessinant

ainsi un fuseau : si non, les deux moitiés de la fibre qui ont enclavé

le noyau divergent et déterminent par là la forme de la cellule

pyramidale. La structure fibrillaire déjà apparente dans les fibres

non divisées, devient, après leur bifurcation, tout à fait nette, au

point où les fibres tendent à se partager. Les fibrilles sont tantôt

chromatiques, tantôt achromatiques : les premières, plus clair-

semées, occupent généralement la périphérie du prolongement du

sommet, elles semblent provenir des membranes des noyaux. La

part prise par les noyaux secondaires au développement des cel-

lules pyramidales et de leurs prolongements sera l'objet d'un pro-

chain travail avec planches.

En tout cas, la cellule nerveuse a, comme la fibre, une origine

pluricellulaire, et les substances qui la composent sont des éléments

embryonnaires diversement développés. La substance chromatique

n'est que le produit de la fusion de la substance chromatique de

plusieurs noyaux de cellules qui concourent à la formation du pro-

toplasma de la cellule nerveuse. P. IIEIIAVAL.

XXVII. Aperçu général sur les fonctions sensitivo-motrices de

l'écorce du cerveau ; par A. W. GUEllWEll, (06oz·cnié psichiatrii,

V, 1900.)

Revue sous forme de discours, à l'occasion de l'anniversaire de

l'inauguration de la clinique des maladies mentales et nerveuses

de Saint-Pétersbourg. La péroraison en forme en quelque sorte la

conclusion. Nous voyons, y est-il dit, qu'actuellement il est diffi-

cile de décider quelles sont les régions du cervean qui contiennent

les centres de la vie psychique, mais, en tout cas, les produits de

l'expérimentation et de l'observation clinique mettent en évidence

que l'écorce du cerveau est, de tous les départements de cet organe,

celui qui joue le rôle le plus important, le premier, dans tous les

processus psychiques.

Trente années environ se sont écoulées depuis que dans la presse

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. '1NJI

se sont fait entendre les premières voix en faveur de l'existence

dans l'écorce cérébrale de centres indépendants : centres présidant

à tous les mouvements possibles du corps, centres sensitifs régis-

sant l'activité des organes des sens.

La théorie de Fritsch et Hitzig a donné naissance à une énorme

bibliographie; une immense quantité de chercheurs admettent que

l'écorce du cerveau est le réceptacle de centres les plus divers. Si

obstinés que soient contre cette théorie ses adversaires, ils ne sont

cependant pas en état de miner la confiance qu'elle a suscitée, car

elle s'appuie sur une masse de données expérimentales exactes et

sur beaucoup d'observations cliniques excellentes. Depuis trente

ans, la théorie des localisations cérébrales a remarquablement

progressé : en outre des centres moteurs, on a présentement par-

faitement défriché la topographie de quelques centres sensitifs de

l'écorce, et, tout dernièrement, on s'est encore mis à élucider l'in-

fluence de l'écorce cérébrale sur diverses fonctions végétatives etc.

Enfin, de concert avec les expériences de laboratoire, les faits cli-

niques nous ont persuadé que l'écorce du cerveau joue le rôle le

plus important dans notre existence mentale.

Pourtant, malgré les progrès faits par la physiologie et la clini-

que dans l'étude de l'écorce, il faut reconnaître que bien des points

n'ont encore pas été étudiés : nous ignorons tout à fait les parti-

cularités physiologiques des régions inférieures de l'écorce, - la

topographie de quelques centres sensitifs n'a pas été rigoureuse-

ment déterminée, nous ne connaissons pas du tout la corrélation

existant entre diverses particularités psychiques et les fonctions

de portions déterminées de l'écorce. Souhaitons que physiologistes

et cliniciens travaillent conjointement à éclairer les questions

demeurées obscures dans les fonctions corticales du cerveau.

P. KERAVAL.

XXVIII. De l'influence de l'anémie aiguë sur les cellules motrices

de la moelle; par J. 1BELTZSr. (Obozrénié pschiat1'ii, V, 1900.)

Expériences de forcipressure de l'aorte abdominale, immédiate-

ment au-dessous de l'origine des artères rénales, chez des lapins.

Toutes les précaution sont prises pour assurer la fixation des élé-

ments anatomiques immédiatement après l'expérience. Examen

comparatif de moelles enlevées de la même façon à des animaux

non soumis à la forcipressure aortique. Chez tous les animaux qui

ont subi la forcipressure de l'aorte, il y a eu, dès les deux ou trois

premières minutes, paralysie complète des extrémités postérieures.

Les pièces ont été soumises à la méthode de Nissl modifiée par

Téliatnik. (Figures.) -

Les cellules des lapins dont la moelle n'a pas été forcipressée

sont normales. Celles des animaux à moelle anémiée présentent

152 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

des anomalies d'autant plus grandes que la forcipressure a été plus

longue. Après vingt minutes d'expérience, on. constate sur un grand

nombre de cellules une déchéance peu accusée des corpuscules de

Nissl, par places, qui occupe surtout la périphérie de l'elément, et

c'est tout.

Une anémie de cluarante minutes révèle une déchéance plus

nette des granulations de Nissl qui porte sur presque toute la péri-

phérie de la cellule et gagne davantage le centre : les prolonge-

ments cellulaires sont moins marqués, la cellule même tendant à

s'arrondir. -

A la suite d'une forcipressure aortique de soixante minutes, les

altérations des cellules motrices de la moelle sont beaucoup plus

tranchées. La décadence des corspuscules de Nissl embrasse pres-

que toute la cellule, dont la forme est encore plus ronde : elle est

comme gonflée, un peu agrandie. C'est une cellule fantôme; mais

son noyau et son nucléole ne présentent pas de modifications dis-

tinctes, parfois seulement le noyau semble légèrement déplacé vers

la périphérie. ·

Telle est la chromalolyse primitive de Viariuesco, dont l'intensité

se trouve sous la dépendance directe de la duré de l'anémie expé-

rimentale. P. IiERAV.1L.

XXIX. Des fibres spinales ascendantes croisées et de leurs rapports

avec le faisceau de Gowers; par 0. Kohnstamm. (A'(;Uî-0109. Cen-

« Les cellules de la substance grise de la moelle, écrit Edinger,

sur laquelle se-branchent les racines postérieures, donnent nais-

, sance à des cylindraxes qui après s'être entrecroisés dans la com-

missure antérieure, se rendent aux cordons antérieurs et latéraux.

pour monter au cerveau. Ces fibres ne sauraient encore être sûre-

ment distinguées de celles qui proviennent des cellules commissu-

rales, mais la clinique et l'expérimentation fournissent des argu-

ments en faveur de l'existence dans les cordons latéraux de fibres

sensorielles croisées. La preuve anatomique demeure eu suspens. »

Voici un appoint à la question, au moyen de l'étude des dégéné-

rescences consécutives à la section totale ou paltielle de la moitié

droite de la moelle, au niveau des premier, second, troisième seg-

ments cervicaux, douzième segment dorsal, chez 6 lapins. Kxamen

des pièces par les méthodes de Weigert, Marchi, Nissl, trois

semaines après l'opération.

. On trouve, à la suite de la lésion de la partie postérieure de la

substance grise au niveau de la portion supérieure de la moelle

cervicale, qu'un puissant faisceau s'entrecroise dans la commissure

antérieure et se rend, en décrivant des arcs de cercles à concavité

postéro-externe, à la couche médiane de l'aire du faisceau de

REVUE D'ANATOMIE ET DE/ PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 1 53

Gowers : une partie de ces fibres, par le faisceau spino-cérébelleux

postérieur, une autre partie, par le faisceau spino-cérébelleux

antérieur, arrivent au cervelet, tandis que le reste, avec le contin-

gent de celles qui ont pénétré dans la région antéro-IaLérale de la

lormation réticulaire grise, se perdent dans les éléments termi-

naux du système du ruban de Reil. Un nombre assez fort de fibres

resterait dans la substance grise de la moelle, dans la formation

réticulaire et dans d'autres massifs gris. Du côté lésé, nos fibres

forment une partie du faisceau de Gowers, qui affecte exactement

les mêmes rapports quant à ses points terminus : par conséquent,

les fibres entrecroisées ascendantes, dans la partie supérieure de la

moelle cervicale, forment la couche médiane du faisceau de Gowers.

11 est aussi prouvé que les portions externes de l'aire du faisceau

de Gowers, au niveau de la moelle cervicale contiennent les neu-

rones originaires des régions de l'autre côté éloignées du centre,

tandis que les couches médianes du même faisceau sont en grande

partie constituées des neurones voisins du centre. Quant aux

fibres botnolatérales qui se rendent au faisceau de Gowers, il a été

impossible de les déterminer. Et cependant il est avéré qu'à la

suite d'une section hémilatérale le faisceau de Gowers dégénère et

du même côté et du côté opposé.

L'origine des fibres ascendantes entrecroisées paraît être les

régions moyennes et antérieures de la substance grise, ainsi que

la base de la corne postérieure. La méthode de Nissl ne trahit

aucune dégénérescence du groupe de cellules antéro-médian au-

dessous de la lésion, tandis qu'au-dessus on constate des cellules

dégénérées dans presque tous les groupes, surtout dans la forma-

tion réticulaire.

Il existe aussi un faisceau antéro-latéral descendant. Un peu

au-dessous de la lésion, on voit un grand nombre de (ibres des-

cendantes entrecroisées, dont le trajet est exactement semblable à

celui des fibres ascendantes.

Les conditions de leur entrecroisement sont presque les mêmes :

il se forme une zone symétrique qui se développe en arrière paral-

lèlement à la périphérie du cordon antéro-latéral (faisceau antéro-

latéral descendant crucial), et qui, dans la région du faisceau

latéral des pyramides, s'unit aux libres provenant de la formation

réticulaire et constituant un faisceau latéral endogène descendant

(faisceau spino-spinal latéral descendant).

Il y a donc lieu de désigner sous le nom de faisceau antéro-

latéral ascendant, toute la masse des libres ascendantes du cordon

antéro-latéral qui n'appartiennent pas au faisceau latéral du cer-

velet postérieur, ni au système intérieur du cordon latéral de

Ziehen : ce dernier monte dans la couche limitrophe externe de la

substance grise et dans les mailles de la formation réticulaire. Le

faisceau antéro-latéral ascendant a une structure imbiiquée, des

154 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOHIE PATHOLOGIQUES.

plus nette au niveau du bulbe, qui tient à ce que ses couches mé-

dianes émanent des neurones voisins du centre et ses couches

externes, des neurones éloignés. D'après les points où il se ter-

mine, on peut lui reconnaître 1° des fibres spirzo-cérébelleuses anléro-

postérieures, qui, avec le faisceau latéro-cérébelleux postérieur,

s'en vont au cervelet (système spinal antéro-latéral restiforme de

Tschermak) ; 2° des fibres spino-cérébelleuses antérieures, qui cor-

respondent rigoureusement au faisceau de Gowers; 3° des fibres

spino-tectiiles et des fibres spino-thalamiques ascendantes. Il est

opportun de mettre en parallèle les fibres obliques cirzé7éôrzyes, qui

de la substance grise d'un côté s'en vont au cordon antérieur de

l'autre, libres obliques de la commissure antérieure, avec les fibres

transverses qui unissent la substance grise il la substance grise.

Celles des fibres ascendantes à court trajet dont on n'arrive à

trouver ni l'origine ni la terminaison, sont certainement des mor-

ceaux de ces fibres obliques sectionnées et extirpées de leur trajet

(voy. comparativement P. Marie, faisceau sulco-marginal ascen-

dant et Sherrington). Tous les vertébrés possèdent vraiment des

fibres croisées ascendantes qui unissent la substance grise de la

moelle au cerveau moyen et au cerveau intermédiaire.

Cela veut-il dire que les racines postérieures soient en connexion

directe avec l'écorce du cerveau ? Les plus longs- prolongements

des racines postérieures se terminent dans les noyaux des cordons

postérieurs, dont les axones, abstraction faite du ruban de Reil

cortical de Tschermak peu considérable, ne vont que jusqu'au toit

des tubercules quadrijumeaux et à la couche optique. La même

distance est parcourue par les plus longs neurones sollicités par

les collatérales cinéréopètes des racines postérieures.

Ce sont ces derniers éléments qui servent à la transmission de la

sensibilité cutanée. Or la plus grande partie de ceux-ci arrivent au

cervelet dont, jusqu'ici, la fonction sensible n'est révélée par rien,

sauf, peut-être, par la disposition des cellules de Purkinje, d'une

étonnante régularité. Quoi qu'il en soit, le faisceau sensitif, con-

trairement au faisceau moteur, se divise en énormément de neu-

rones : ce fait est probablement en rapport avec les problèmes

concernant l'énergie de la conductibilité centripète et la somma-

tion des excitations de la peau. La méthode des dégénérescences,

elle, ne paraît guère tendre qu'à poser cette question.

Le sens du tact, par l'exercice, apprend-il à s'orienter au milieu

des excitations sans ordre qui lui parviennent; est-ce ainsi que se

produit la faculté de percevoir et de localiser ? Ou bien y a-t-il des

fibrilles survivant aux vicissitudes du neurone, allant jusqu'à

l'écorce du cerveau, et dirigeant les circuits sensitifs ?

P. Keraval.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 155

XXX. La psychotopographie du manteau des circonvolutions et la

théorie de Flechsig; par L. BlANCHI, traduit par E. JEnTSCII.

(Centralblatl f. Nervenheilk, XXIII, N. F. XI, 1900.)

Les trois centres d'association de Flechsig, suivis de ses 40 zones

embryogéniques corticales, qu'il répartit en trois groupes, le groupe

primordial, le groupe intermédiaire, le groupe terminal, laissent

à penser que ce qu'il appelle des champs d'association n'est autre

que des champs de perception plus développés, et qu'à la limite

de tout foyer de sensation ou de perception il existe des zones de

perfectionnement évolutif. L'existence de centres commémoratifs

de l'écorce distincts de ce que nous appelons des centres de per-

ception n'est ni prouvée ni probable. L'unité du substratum anato-

mique des perceptions et dés images commémoratives de ce qui

est perçu, c'est-à-dire des images d'objets ayant agi sur les sens,

nous fait penser que la zone de perception est la zone du souvenir

de ce qui est perçu. Toute la zone pariéto-occipitale associative

de Flechsig est, au fond, destinée à la vue. Dans la région de la

fissure calcarine, du coin, et du pôle occipital, la simple percep-

tion lumineuse forme, avec le concours de l'élément moteur de

l'oeil, des images d'objets; vers les limites antérieures de la même

zone, sont engendrés des symboles graphiques des objets et de

leurs rapports. De même la première temporale est une partie de

la zone du langage incluse dans le champ auditif sensoriel.

La zone motrice, toute zone de projection qu'elle soit, reçoit

cependant toutes les ondes des diverses zones et de la sphère tac-

tile du corps, ce qui lui permet de réagir vis-à-vis du monde exté-

rieur.

Les mouvements sont consécutifs aux perceptions sensorielles.

La zone motrice est bien plus une zone d'association que la grande

zone d'association postéro-inférieure, et, cependant, c'ést la pre-

mière qui se myélinise : d'ailleurs partout, en d'autres régions, on

voit des fibres à myélinisation hâtive. Le pied des frontales est en

réalité un champ d'évolution dela zone motrice : sa partie moyenne,

prolongement du centre moteur du bras, est le territoire des mou-

vements compliqués qu'exige l'écriture; la troisième frontale,

siège des mouvements perfectionnés de la parole, est immédiate-

ment en avant du centre des mouvements communs des lèvres, de

la face, de la langue, du larynx. Les centres moteurs de l'écriture

et de la parole sont donc le siège de la fonction motrice la plus

, intellectualisée, qui utilise d'innombrables associations adaptées à

l'intelligence. ·

L'examen impartial des faits et l'histoire du développement

fonctionnel du manteau montrent que son architecture s'est établie

d'arrière en avant. La sphère visuelle croit en importance depuis

153 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

le pôle occipital jusqu'à la limite extéro-antérieure de la sphère

tactile : c'est au pôle que se fait surtout la perception lumineuse,

c'est sur le côté occipito-pariétal que se fait surtout la perception

des objets, c'est à sa limite antérieure que réside lè lieu de la

vision graphique, en vertu d'un développement plus parfait et plus

intense. La sphère motrice, dans la portion qui s'étend en avant

au pied des deuxième et troisième frontales, a une valeur fonc-

tionnelle bien supérieure à celle de la zone motrice destinée aux

mouvements ordinaires des muscles de la face, de la langue, du

pharynx, du larynx, des membres : le pied de la troisième fron-

tale commande aux mouvements des mêmes muscles adaptés, par

perfectionnement, à la parole ; le pied de la deuxième frontale, à

ceux des muscles en question adaptés à l'écriture. La zone motrice

s'est développée intellectuellement, par suite d'une association

psychique beaucoup plus élevée que la grande zone d'association

postérieure de Flechsig. Les numérotations de Flechsig sont en

contradiction avec ce développement. -

Le lobe frontal, territoire d'association antérieur de Flechsig,

n'est ni un centre moteur, ni un centre sensoriel.' Il est purement

psychique. Il est l'organe d'union physiologique de tous les pro-

duits du travail sensoriel et moteur des autres territoires corticaux.

C'est là que se trouvent le plus grand nombre des images commé-

morutives, dont la reproduction dans la conscience est la condition

fondamentale de la formation du jugement. Le lobe frontal les

synthétise.

Le singe auquel on a enlevé les lobes frontaux, et qui avant cela

savait distinguer, à l'aide de ses sens, un morceau de craie d'un

morceau de sucre, conserve les images isolées et les mouvements

correspondants, mais il n'a plus la faculté de comparer les sensa-

tions actuelles avec les impressions antérieures, il mange la craie

qui ressemble au sucre. Le lobe frontal est l'organe du jugement,

des grands sentiments, de la conscience, de l'attention volontaire :

voir les développements dans le mémoire. C'est le gouvernement

qui utilise les produits des travaux de tous les membres du parle-

ment, au bénéfice de la personnalité. P. KKRAVAL.

Nous apprenons avec un vil' plaisir la promotion au grade d'o ? i-

cier de la Légion d'honneui de notre ami le D'' Magnan, membre

du Comité de rédaction des Archives de Neurologie et du Progrès

médical, et nous lui adressons nos félicitations les plus cordiales.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE ,N EUH 0 LOG 1 E

Séance du 9 janvier 1902. - Présidence DE M. GOVB.1ULT.

M. RAYMOND cède pour l'année 1902 le fauteuil présidentiel à

M. fiombault qui remercie.

Ankylose généralisée de la colonne vertébrale et de la totalité des

- membres.

M. Appert montre les pièces d'autopsie d'un malade qu'il a pré-

sente à la séance de novembre et qui était atteint d'ankyloses

incomplètes de toutes les articulations avec déformations bizarres

du tronc et affaissement de la taille (1 m. 30). Ces altérations

remontaient à la plus tendre enfance. Il a succombé à la tuberculose

pulmonaire.

Toutes ses extrémités osseuses articulaires sont très altérées ;

elles sont déformées, aplaties dans le sens vertical et les rebords

des surfaces articulaires sont comme rehaussés; il y a comme une

collerette osseuse au pourtour de chaque surface articulaire. La

tête fémorale surtout est profondément altérée; son axe est dévié

en bas, et la tête, très modifiée dans sa forme est comme aplatie

à la face interne de la masse trochantérienne.

Les vertèbres étaient comme aplaties les unes sur les autres, sans

aucune altération de carie ou de tuberculose osseuse.

L'examen histologique de l'os n'a révélé qu'une forte capillarisa-

tion de la moëlle des extrémités osseuses, avec amincissement des

travées osseuses et irrégularité dans la disposition des couches

des cellules cartilagineuses du cartilage d'encroûtement. Les centres

nerveux sont intacts.

. M. Marie. - Il ne s'agit évidemment pas de rhumatisme chro-

nique, mais d'un vice de développement lié à une dystrophie

causée peut-être par l'insuffisance d'une glande telle que le corps

thyroïde.

M. Ballet attribue la cause de ce vice de développement à la

158 SOCIÉTÉS SAVANTES.

maladie subie par le sujet à l'Age de trois ans et après laquelle

apparurent les premiers troubles.

M. RAYMOND a vu deux cas analogues d'origine blennorrha-

gique. - -

Paralysie associée des globes oculaires.

M. CESTAN montre les' pièces d'un malade présenté en janvier

1901 et mort récemment. A la suite d'une émotion cet homme

avait eu une hémiplégie avec diplopie (hémiplégie spasmodique

gauche), réflexes exagérés, tremblement intentionnel, diminution

de la sensibilité, trouble spécial de la parole et paralysie oculaire

très marquée rendant presque nuls les mouvements de latéralité

vers la gauche des deux yeux. On avait cru à une lésion en foyer

siégeant dans la région des tubercules quadrijumeaux. A l'autopsie

(mort par pleurésie tuberculeuse) on trouva le cerveau parsemé

de taches scléreuses de sclérose en plaques, et particulièrement

deux plaques sur la moelle seulement, dont une à la région lom-

baire sur la corne antérieure et une volumineuse à la région cer-

vicale faisant une véritable hémisection de la moelle. Parmi les

nombreuses plaques du cerveau l'une d'elles avait complètement

sclérosé le nerf optique gauche, une autre à la protubérance occu-

pait la région des noyeaux de la troisième et de la quatrième

paires autour de l'aqueduc de Sylvius. Des cas analogues mais sans

autopsies au cours de la sclérose en plaque sont signalés par

Parinaud.

Pronostic du tabès. ·

M. BItISSAUD. Suis-je par un hasard favorable tombé sur une

série heureuse, ou bien le tabès complet avec grande incoordina-

tion est-il réellement plus rare qu'autrefois ? Depuis plusieurs

années je possède des services d'hôpitaux où viennent spécialement

et en nombre plus grand qu'ailleurs les tabétiques, depuis des

années aussi, je vois en ville beaucoup de ces malades, mais parmi

cette foule de tabétiques, je vois infiniment moins qu'autrefois

d'ataxies locomotrices progressives. Il semble qu'il y ait beaucoup

plus qu'autrefois de tabès à évolution arrêtée et plus de cas

frustes. Y a-t-il moins de progression que jadis dans cette maladie,

y a-t-il dans certains cas même cessation de progression, ou même

quelquefois régression comme cela a pu paraître ? En tout cas,

dans quelle mesure le traitement spécifique peut-il entrer comme

cause dans la production de ce résultat ? On connaît la gravité et

la fréquence de la syphilis chez les Arabes en opposition avec la

rareté du tabès chez eux, Matignon a fait la même remarque à

propos des Chinois. Si la syphilis joue un rôle, il semble donc aussi

que le terrain joue le sien. Y a-t-il donc variation de ce terrain,

variation de la maladie ou variation thérapeutique ? '

- . SOCIÉTÉS SAVANTES. 159

M. Marie. Je partage entièrement l'avis de M. Brissaud.

Depuis quelques années les tabès sont moins graves, ils s'arrêtent

et même régressent, l'incoordination en particulier est moins fré-

quente et plus légère. J'attribue ce, résultat au traitement. Je sou-

mets tous les tabétiques au traitement antisyphilitique intense et

prolongé, mercure et iode pendant des mois. Je crois donc que

c'est la maladie et non le terrain qui change.

M. Babinski. Oui, la gravité du tabès diminue, je ne trouve

plus guère d'ataxie que dans 5 p. 100 environ des tabétiques que

je vois. Mais si cette gravité est moins apparente qu'autrefois,

peut-être cela tient-il à ce que la plupart des cas frustes ou légers

diagnostiqués aujourd'hui grâce aux signes actuellement connus

ne pouvaient pas être dépistés il y a quelques années, alors par

exemple que le signe de Robertson échappait à Duchenne lui-même.

Il faut aussi tenir compte du traitement. Enfin bien que j'aie vu

des syphilis insignifiantes causer des tabès intenses, j'ai vu aussi

ces syphilis n'amener que des cas légers. Le tabès peut donc être

parfois bénin parce que le virus originel est bénin aussi bien que

par suite de la bonne constitution du terrain. Je vois actuellement

bien des hommes continuer malgré leur tabès à se livrer à des pro-

fessions fatigantes. Je viens de voir une femme de soixante-cinq

ans qui, sans avoir jamais subi de traitement spécifique pour une

syphilis contractée à l'âge de seize ans présente simplement depuis

l'âge de vingt ans de l'inégalité pupillaire et la suppression des

réflexes.

On peut dire qu'il y a des tabès graves quoi qu'on fasse et qu'il

y a des tabès bénins quoi qu'on fasse. Un homme mort d'un sar-

come et qui n'avait que des signes très légers de tabès depuis

vingt-cinq ans montra à l'autopsie des lésions radiculaires et des

cordons postérieurs très caractérisés. En somme un long traite-

ment agit, on peut considérer le tabès comme moins grave qu'au-

trefois et ne pas considérer comme perdu un malade qui en porte

les prodromes.

M. RAYMOND est en général du même avis, mais il fait quelques

remarques. Il voit parfois des cas de tabès évident à marche

rapide dans lesquels le mercure et l'iodure amènent en quelques

jours la guérison de l'incoordination; mais le tabès reste. Or dans

ces cas là il y a deux choses; d'une part des lésions simplement

syphilitiques que le traitement a fait disparaître, d'autre part les

lésions tabétiques qui restent constituées. 11 y a des tabès récents

de cinq à six mois dans lesquels on peut constater que les lésions

postérieures et radiculaires sont déjà établies. Enfin il y a à Paris

un ancien médecin militaire âgé de quatre-vingt-six ans qui a eu

la syphilis à vingt-cinq ans et le tabès à trente-trois ans'et qui va

encore à pied d'un bout à l'autre de la ville.

1 GO' ' , SOCIÉTÉS SAVANTES. -

M. Ballet a la même opinion, mais il formulerait : il y a plus

de tabès bénins qu'il y a vingt ans, mais non pas le tabès est plus

bénin. Nous voyons plus de tabès bénins pour deux raisons : parce

que nous le traitons mieux, et parce que nous le diagnostiquons

mieux. J'ai vu quatre tabès avec traitement spécifique intensif, qui

se sont arrêtés, un autre avec traitement modéré s'est arrêté, un

autre encore sans aucun traitement spécifique s'est arrêté; enfin

un médecin tabétique suivi depuis 1881 et sans aucun traitement

spécifique continue à faire son métier. Je suis encore indécis à

savoir si le traitement spécifique agit ou non.

M. Babinski. Sous l'influence du traitement spécifique on a

pourtant vu s'arrêter où elle en était la diminution de l'acuité

- visuelle, sans qu'on l'ait d'ailleurs jamais vue rétrograder.

M. GEOFFROY est indécis sur la valeur du traitement spécifique,

il a vu une malade de Vulpian tellement améliorée par le nitrate

d'argent que ce maître la déclarait en rémission. Un tabétique

syphilitique guérit de sa paraplégie à Lamalou et sans traitement

spécifique ainsi que d'autres ainsi traités aux eaux et par l'absti-

nence de boissons alcooliques sans mercure ni iodure.

M. Marie répondant à M. Ballet, dit que depuis vingt ans nous

connaissons la valeur de tous les signes et que si depuis lors nous

voyons des tabès plus bénins c'est qu'ils le sont. -

Plaie du cerveau.

M. DuvAL présente un homme qui subit une plaie du cerveau

par coup de feu dans la région temporale droite en pleine zone

motrice. Après un coma de dix-huit heures le malade revint à lui

avec une paralysie complète du facial inférieur, déviation de la

langue et de la luette, monoplégie et anesthésie du bras. La plaie

du cerveau est très large, à l'opération on retire une abondante

bouillie cérébrale et des esquilles d'os considérables enfoncées

dans la profondeur de l'encéphale, l'ouverture de l'hémisphère

admettrait aisément trois doigts, un drain est placé en pleine

substance nerveuse. Au dixième jour, toute parai) sie,l toute anes-

thésie, toute déviation a disparu. Actuellement le malade a repris

son travail et ne présente plus aucun signe ni inconvénient. Seul le

ton de la voix a un peu changé et il y a une très légère incoordina-

tion laryngée. II y avait eu au début de la dysphagie qui a disparu.

M. Marie. L'hémisphère droit parait en effet présider à la

déglutition et à l'articulation dans la phonation laryngée.

Cerveaux de lube ? ,cttle21x. '

M. AxoLADE constate sur les cerveaux de tuberculeux des granu-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 161

lations qui ne sont nullement tuberculeuses, mais purement névral-

giques et sans aucun élément rappelant de près ou de loin le

tubercule ordinaire. Ces granulations ne contiennent d'ailleurs

jamais de bacilles, elles se développent sous l'épithélium épendy-

maire au niveau des vaisseaux et arrivent sur certains points à

produire la soudure des parois ventriculaires. Elles sont dues à

l'influence du poison tuberculeux charrié par les vaisseaux. Il y a

donc, comme on l'a déjà annoncé, un poison tuberculeux sclérosant

et le processus est ici analogue à celui de la paralysie générale et

la tuberculose comme l'a dit Klippel pourrait bien engendrer

comme la syphilis la paralysie générale, et se ranger parmi les

autres causes de scléroses cérébrales. Le phénomène est analogue

au processus du rein ou du foie.

M. L4MY présente un homme de soixante quinze ans atteintd'un

l1'emùlement Itnilatéml dl'oit posthémiplégi'lue et un jeune névropathe

atteint de nystagmus. ·

M. Touche montre les pièces d'un cas de syndrome de Weber.

M. Bishof-Werder communique un cas' de syringomyélie avec

lésion isolée d'un des cordons de Goll. La sensibilité était abolie du

côté de cette lésion.

M. Iinsnovrr (de Prague) envoie l'observation d'un homme qui

présentait des mouvements associés des bras . lien déduit l'origine

corticale de la crampe des écrivains. Renvoie aussi la photographie

des pièces d'un cas d'aphasie motrice sans 6K ? <t ? M'e étudiée clini-

quement par Ladame; la lésion très limitée occupe le pied de la

troisième frontale.

M. Roux (de Saint-Etienne) adresse un cas de maladie de Dencmrm

avec goitre exophtalmique.

M. Sciierb (d'Alger) un syndrome mental au cours de l'urémie.

M. KLIPPEL au nom de M. lIANNION lit une observation relative à

' un enfant de treize mois qui fut atteint de méningite cérébro-spi-

nale non tuberculeuse et qui se prolongea pendant quatre-vingt-

trois jours. Ce qui a paru particulièrement intéressant à noter,

c'est que tous les symptômes possibles appartenant ala méningite

cérébro-spinale ont été constatés, sauf un seul : le signe de Kernig.

L'affection, tout en débutant d'une façon aiguë monta lentement

vers une issue fatale en trois étapes : la première fébrile sans

symptômes spinaux bien caractérisés dura trois semaines. Dans la

seconde la fièvre tomba et des contractures s'installèrent défini-

tives. La troisième, i neo ns cience, fébrile, fut marquée par un état de

cachexie nerveuse.

Une seule ponction rachidienne fut faite et donna lieu à un

liquide clair. L'inoculation de ce liquide aux animaux fut sans

résultat. F. Baissier.

Archives, 2 série, t. XIII. 11

162 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 17 décembre 1901. '

Automicrosthésie et incoordination motrice.

M. BLOCH revient sur la récente communication qu'il a faite au

sujet de l'auto-microsthésie. Il rapporte l'observation d'un tabétique

dont l'incoordination motrice fut très notablement améliorée par

la rééducation. Mais celle-ci ne fut efficace qu'après que le malade

eut été guéri de son automicrosthésie par la suggestion.

M. REGNAULT. - L'automicrosthésie est un trouble hystérique

qui résulte d'une erreur de perception, c'est-à-dire d'une erreur

intellectuelle. C'est une forme de micropsie; mais d'ordinaire, les

malades qui en sont atteints reconnaissent et rectifient leur

erreur.

L'association du tabes et de l'hystérie.

M. BÉRILLON. Au tabes se surajoutent souvent des phénomènes

hystériques et il est parfois difficile de faire la part de la névrose

et celle de l'affection organique. On a rapporté un certain nombre

de guérisons de tabes,'de sclérose en plaques, etc. ; mais chaque

fois, il y avait une erreur de diagnostic. Toutefois, il est incontes-

table que la suggestion, en rétablissant les fonctions troublées,

'améliore l'état organique de celles qui président à ces fonctions.

M. Voisin rapporte le cas d'un malade qui présentait la plupart

des phénomènes du tabes et qui fut guéri complètement, le jour

où, débarrassé de ses ennuis commerciaux et judiciaires, il put

aller tranquillement vivre à la campagne. Il s'agissait d'une fausse

ataxie chez un hystérique. '

MM. IIlAGNIN, Lemesle, PAREZ, REGNAULT, BLOCI1 et Bourdon (de

Méru) citent, ce propos, un certain nombre de faits desquels il

résulte que des affections somatiques ont été améliorées ou guéries,

soit parla suggestion, soit par le choc émotionnel.

Traitement hypnotique d'un cas de névrose t1'émulante chezune femme

de soixante-seize ans.

M. FARTEZ rapporte un cas de tremblement aux allures de trem-

blement sénile, mais en réalité de nature hystérique, survenu chez

une femme de soixante-seize ans et guéri en quelques séances de

suggestion hypnotique. C'est un nouveau cas d'hystérie apparais-

SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 163

sant à un âge très avancé sous l'influence de quelques-unes de ses

causes provocatrices habituelles. '

Les tremblements sont, chez les vieillards, trop souvent diagnos-

tiqués séniles, et, comme tels, abandonnés à eux-mêmes, alors que

parfois ils sont simplement hystériques. D'ailleurs, le tremblement

sénile proprement dit n'est pas toujours dû. à l'affaiblissement ou

au grand âge; on tend à le rapprocher du tremblement hystérique

et du tremblement héréditaire et à faire entrer ces trois espèces

dans un genre unique dénommé névrose trémulante. Ce tremble-

ment, dit sénile, parait devoir être, comme ses deux congénères

justiciable de la suggestion, d'autant plus que les personnes d'un

âge très avancé peuvent aussi être plongées dans le sommeil hyp-

notique, ainsi que le prouvent le cas actuel et quelques autres très

probants.

SOCIÉTÉ DE NEUli0P1'l'HOf.OGIC ET DE PSYCHIATRIE

. - - DE -MOSCOU.

Séance du 22 septembre 1900.

W. Weidenhamer. Contribution ra)M<0)H<epa</Mtg : t6(<(;

chorée d'tluntigton.

Résultats de l'autopsie d'un cas de chorée d'Huntigton :

Macroscopiquement. - Cerveau, cervelet et moelle épinière sans

asymétries, mais de petit volume; légère opacité et épaississement

de la pie-mère de la convexité cérébrale, notamment sur le trajet

des sillons. Légère hydrocéphalie externe. La couche corticale est

quelque peu amincie, surtout dans la région des circonvolutions

frontales et centrales. Hydrocéphalie interne. Légère épendymite

granulée du quatrième ventricule. Atrophie du coeur, du foie, de

la rate et des reins.

,1liCl'oscopiquement. La pie-mère se présente épaissie, avec des

infiltrations lymphoïdes, extravasatious disséminées et infiltra-

tions locales de l'adventice des vaisseaux.

Dans l'écorce et la substance blanche on constate des altérations

très prononcées des vaisseaux, telles que épaississement des parois

vascnlaires, dégénérescence hyaline, oblitération des capillaires,

infiltration lymphoïde de l'adventice (surtout dans la, substance

blanche).

Prolifération des noyaux de la substance névroglique dans les

couches corticales profondes, avec tuméfaction des cellules névro-

gliques en plus dans les couches superficielles et dans la subs-

164 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.

tance blanche. Les cellules ganglionaires présentent, d'après Nissl,

de la chromatolyse centrale, avec diminution du noyau et granu-

lation dense; dans les préparations faites d'après le procédé de

van Pieson, on trouve un dépôt de pigment autour des noyaux des

cellules ganglionnaires. Raréfaction très prononcée des fibres tan-

gentielles de l'écorce, notamment dans les circonvolutions fron-

tales et centrales ; à cet endroit on remarque également une raré-

faction du réseau des fibres « sus-radiaires ».

On trouve à peu près les mêmes altérations dans le cervelet, la

tige cérébrale et la moelle épinière, où elles sont plus prononcées

dans les cordons antéro-latéraux que dans les cordons postérieurs.

L'auteur qualifie les lésions du cerveau et du cervelet d'encé-

plaalite chronique lvémornhagique diffuse.

Contrairement à l'opinion d'Oppenheim, il considère les modifi-

cations pathologiques de la tige cérébrale et de la moelle épinière

comme étant d'origine primitive, dues à la même cause que celles

du cerveau.

Il se range à l'avis de Golgi, Jolly, Wallenberg, etc., qui voient

une analogie entre la chorée d'Huntigton et les autres affections

diffuses dégénératives du système nerveux (paralysie générale et

démence sénile). - .

Discussion. Le professeur Rotin fait remarquer que des lésions

analogues vasculaires ont été constatées dans la rage ; quelques- -

unes de ces altérations sont artificielles. Dans d'autres affections

diffuses du système nerveux, on ne trouve pas non plus de lésions

spécifiques. D'autres remarques ont été faites par MM. Mouravieff

et KORNILOFF.

Dans la même séance ont été élus, comme rédacteurs du nouveau

« Journal de Neuropalhologie et de Psychiatrie, du nom de J.-J. Koa-

SAKOFF », MM. l3oTx, KORNlLOFF, Altnon, Rossolimo, SERUSKY, Sou-

KHANOFF et TO.ARSKY.

Secrétaires des séances : G. ROSSOLIMO, N. VERSILOFF.

Séance du 7 octobre 1900. ·

P. 13ROUAIIANSAY. - Assistance familiale des aliénés.

L'auteur fait une courte esquisse de l'état de l'assistance fami-

liale des aliénés à l'étranger et en Russie, et tire les conclusions

suivantes de son expérience personnelle, faite dans le village de

Semenovsk (dans la banlieue de Moscou), où l'assistance familiale

des aliénés se pratique depuis huit ans : 1° le nombre des malades

évacués s'élevait à 15 p. 100 ; 2° s'il existe des rapports directs entre

l'asile et le lieu du patronage, et si l'on procède à un triage sévère

des malades et des patrons, il est possible de réduire au minimum

le nombre d'accidents ; 3° la population apprend très vite à soigner

et traiter les malades avec beaucoup de tact et d'humanité ; 4° les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 'lUt)

malades se sentent très satisfaits de leur nouveau milieu d'exis-

tence ; 5° dans beaucoup de cas on a pu remarquer une améliora-

tion éclatante, allant jusqu'à la régénération des facultés intellec,

tuelles des malades et une augmentation de leur aptitude au tra-

vail ; 6° comme la vie' de campagne n'est pas du goût de tous les

aliénés, il convient de créer un patronage urbain, comme il en

existe à Berlin. La condition principale de ce patronage est d'être

en rapport étroit avec l'asile. Un médecin spécial doit être attaché

à cette surveillance. Il serait à souhaiter que les sociétés d'assis-

tance des pauvres fussent intéressées à cette oeuvre, comme cela a

lieu à Berlin.

Discussion. M. TOKARSK propose à la Société de se prononcer

en faveur du patronage, comme d'une forme très rationnelle d'as-

sistance des aliénés. La Société accepte cette proposition à

l'unanimité.

N. VERSJLOFF. Un cas d'ucronzégalie.

L'observation a trait à une femme âgée de trente-trois ans. Le

début de la maladie remonte à l'âge de vingt-six ans, marqué par

l'arrêt des règles et l'augmentation du volume des extrémités.

Depuis le mois de janvier 1900, céphalées, diminution de la vue

et certaine insensibilité de la moitié gauche de la face.

Au mois de septembre la malade entre à la clinique où l'on con

state : hypo-esthésie des trois branches du nerf trijumeau gauche,

tic douloureux dans la même région, exophtalmie gauche, hémia-

nopsie bitemporale, névrite optique, céphalées occipitales paroxys-

tiques, somnolence, apathie. Les dimensions des poignets et des

pieds sont très augmentées, de même que celles de la mâchoire

inférieure, du nez et des oreilles. Les radiographies ont démontré

l'hypertrophie incontestable des os dans le sens dé la longueur et

surtout dans celui de la largeur, de même qu'une certaine aug-

mentation des sinus frontaux, occipitaux et maxillaires. Les par-

ties molles et les cartilages iuterphalangiens sont également hyper-

trophiés. Les organes génitaux externes sont hypertrophiés,

l'utérus est atrophié (petit). - .

L'examen électrique des muscles a montré l'apparition précoce

de la contraction tétanique à la suite d'excitations lentes et faibles;

le relâchement des muscles est assez lent, même après contrac-

tions isolées.

Vu les antécédents héréditaires de la malade (le père est tabé-

tique, la mère est syphilitique), on institua le traitement ioduré. '

Il s'en suivit une amélioration sensible dans l'état de la malade- :

les céphalées ont disparu, le champ visuel est plus étendu, le plié-

nomène de la névrite optique est moins prononcé, l'insensibilité

faciale a disparu également.

Secrétaires des séances : V. MOURVOEFF. A. 13Ea1sTl·m.

166 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance annuelle du 21 octobre 1900.

i° Discours de L.-S. Minor. - Les progrès de la thérapeutique

nerveuse à la fin du XIXe siècle et ses problèmes essentiels ; .

2° Discours de G.-I. Rossolimo. L'art, les nerfs malades et

l'éducation. -

M. le professeur v. Krafft-Ebing (de Vienne), est élu à l'unani-

mité membre honoraire de la Société.

Séance du 17 novembre 1900.

M. Roxn présente : 1° un malade, 'atteint de rigidité typique do

la colonne vertébrale (Wirbelsteifigheit); 2° 5 malades, atteints

d'atrophie musculaire progressive d'origine myopatleiq2ce.

S. TCHERKICHOFF.rpCt)'<t< ! 0' ! de coupes microscopiques du sys-

tème nerveux d'après le procédé du Dr Stépanoff.

Le nouveau procédé consiste en ceci :

On prend des morceaux de moelle où de cerveau (fixé dans n'im-

porte quel liquide, les morceaux ne doivent pas dépasser 1 centi-

mètre en épaisseur) et on les place pour vingt-quatre heures dans

l'alcool, puis dans l'aniline.

On enlève l'aniline par un mélange de deux parties d'éther et

d'une partie d'alcool absolu. On place ensuite les morceaux' de

moelle dans une solution « normale » de celloïdine coupée à moi-

tié d'éther. La solution « normale » de celloïdine se prépare d'après

la formule suivante :

Celloïdine (en parcelles fines et bien sèches) .. 1 gr. 50 cg.

Eugénol ou essence de girofle : ... 5 gr.

Etlier siilfurique 0 -

Alcool absolu par gouttes ad ......... 1 -

On condense ensuite la celloïdine jusqu'à la consistance siru-

peuse. Après la celloïdine on plonge la préparation dans du benzol

pendant quinze minutes, ensuite dans l'alcool à 80-85 p. 100 pen-

dant douze à vingt-quatre heures, on la colle à un morceau de bois

et on l'ait des coupes, qui ne doivent pas dépasser 5 Il- d'épaisseur

pour la moelle, 10 0 pour le bulbe et la Il. pour la protubérance et

le cerveau. La façon de se comporter vis-à-vis des différents modes

de coloration est la même dans le procédé de Stépanoff que dans

les autres.

M. Tchernichoff propose de remplacer la celloïdine par la collo-

xyline. On prend 10 grammes de colloxyline, autant d'essence de

giroffle et 60 centigrammes d'éther sulfurique. On ajoute quelques

gouttes d'alcool pour bien dissoudre la colloxyline. Le morceau de

moelle, préalablement déshydraté dans l'alcool et l'aniline, est

CORRESPONDANCE. 167

placé dans cette solution éthéro-huileuse de colloxyline pendant

vingt-quatre à quarante-huit heures. On enlève ensuite le couvercle

du flacon pour quelques heures, afin que le liquide se condense

davantage, on replace la préparation dans de l'alcool à 80-85 p. 100

et on fait des coupes, comme précédemment. *

Discussion. - M. Mooratov pense que la particularité du procédé

consiste à avancer la diffusion. L'essence de giroffle a déjà été

employée dans le même but par le Professeur Nikiforov.

M. Melnikoff-Rasvedenkoff communique qu'il a obtenu de

bonnes préparations d'après le procédé du Dr STEPANOFF.

M. SOLOVTZOV. Sur les altérations du système nerveux central

dans le spizà bifide ! (hydrocéphalie du IVeventricule).

' Les altérations qu'on observe souvent dans le spina bifida du

côté du bulbe se trouvent en rapport direct avec l'hydrocéphalie

du 4" ventricule plus ou moins prononcée dans ces cas. Elles font

ordinairement défaut, lorsque le quatrième ventricule n'est pas

atteint par la lésion en question.

Secrétaires des séances : N. 1'>;asitorr. S. SouhuanoFr.

CORRESPONDANCE.

0

N'illejuif, le 20 décembre 1901.

Mon cher Rédacteur eu chef,

Permettez-moi de compléter le compte rendu de la séance du

24 juin 1901 de la Société Médico-Psychologique, paru page 542

des Archives, n° 72.

C'est relativement aux injections de sérum dans le traitement

des maladies mentales et nerveuses que j'ai fait appliquer dans

mon service et qui a fait l'objet de la remarquable thèse de

1\1. buvant..

J'ai communiqué à la Société les conclusions d'une expérience

systématique de plusieurs mois (600 injections), où j'ai administré,

non seulement le sérum de Ilayem, mais les sérum s bromures

(convulsifs) et iodurés (spécifiques), combinés à l'ILJpOCILl01·2<7'(atl0a de

Toulouse et nichet (avec le sérum de Ilayem, seul cité dans le

compte rendu, l'liypochloruration n'eut pas eu raison d'être.)

Je crois être, le premier à avoir fait faire sur ce dernier point un

168 bibliographie.

travail d'ensemble et suivi, aussi viens-je le rappeler, d'autant

- plus qu'en ce qui concerne la combinaison avec l'hypochloru-

ration comme méthode métatrophique, destinée à remplacer

l'action thérapeutique des iodures du sérum employé, M. le De'

Max Weisz de Gyongyos vient de publier des résultats analogues,

basés sur des applicaiioiis postérieures aux miennes.

Veuillez agréer, mon cher Rédacteur en chef, l'assurance de mes

sentiments distingués. -0" A. Marie.

BIBLIOGRAPHIE.

II. La Mémoire, quatrième volume de la Bibliothèque internatio-

nale de psychologie expérimentale normale et pathologique

(directeur : Dr Toulouse), par J.-J. van BIEIIVLIET, professeur de

psychologie à l'Université de Gand, volume in-18 de 300 pages,

Paris, Octave Doin, éditeur, 1902.

L'auteur se propose « d'esquisser l'histoire du problème de la

mémoire et son évolution dans l'espace de ces quinze dernières

années ». Tous les êtres organiques etinorpaniques présentent des

traces indéniables de cette faculté fondamentale. En son complet

épanouissement, elle se manifeste de trois façons différentes : en

retenant les souvenirs, en les rappelant, en les reconnaissant : d'où

trois sortes de mémoires, la mémoire de fixation, la mémoire de

reproduction et la mémoire d'identification.

La mémoire de fixation est universelle. Dès la plus haute antiquité,

on a entrevu qu'elle était plutôt une faculté du corps que de l'esprit,

de là les recherches constamment poursuivies pour en déterminer

le siège. Aristote et Pline s'y sont essayés, et au xixe siècle tous

les cliniciens ont cherché à résoudre cette intéressante question.

De l'ensemble de leurs théories et de leurs observations cliniques,

on peut conclure que les souvenirs sont localisés dans l'écorce

cérébrale du côté gauche chez les droitiers, du côté droit chez les

gauchers, mais que ces régions ne sont pas tellement limitées

qu'elles ne puissent être suppléées par des territoires voisins.

Il y a autant de types de mémoire qu'il y a d'individus qui

retiennent. Les grandes divisions schématiques ne sont utiles que

comme direction. Il y a prédominance de telle ou telle mémoire,

mais le visuel pur, par exemple, n'existe pas.

L'amnésie de fixation peut être congénitale, comme dans certaines

- - BIBLIOGRAPHIE. 169

idioties, elle peut être acquise. Elle est quelquefois consécutive à

l'atrophie ou à la destruction des centres dans lesquels devraient

se fixer les souvenirs, elle provient quelquefois de l'impossibilité

de faire parvenir à ces centres, d'ailleurs intacts, des impres-

sions.

Pour se rendre compte des conditions requises pour permettre

à la mémoire de fixation de produire son maximum d'effet, il a été

fait de',nombreuses expériences collectives par MM. Bourdon, Binet et

Henri. Ces expériences ont démontré que la plasticité diminue

avec l'âge, mais que l'attention augmentant, cette dernière arrive

à compenser- et au delà l'affaiblissement de la première. Les

phrases se fixeraient mieux que les mots, et les mots que les sen-

sations. A retenir l'importance de l'élément moteur dans la mémo-

risation.

La mémoire de reproduction a été également étudiée par des

médecins et des psychologues. Les altérations de cette mémoire

peuvent être attribuées à la destruction des liens qui unissent les

images ou à des conditions particulières qui gênent leurs rapports

(maladie, intoxication, traumatisme, choc moral), ces dernières

altérations sont seules susceptibles de guérison. Elles peuvent être

brusques ou progressives, dans ce dernier cas la disparition des

souvenirs suit la marche inverse de leur fixation (noms propres,

substantifs, adjectifs et faits) leur réapparition, la marche inverse

de leur disparition. En général, plus un souvenir s'étend en sur-

face dans l'écorce, plus il est stable.

La reproduction des souvenirs parait dépendre de l'état de la

circulation et de conditions souvent déterminées par des émo-

tions ou des ingestions de toxiques. Cela amène l'auteur à recon-

naître sur la foi de plusieurs psychologues dont il analyse les

explications, que le dédoublement de la personnalité dans l'état

somnambulique, hypnotique, hystérique et dans les accidents épi-

leptiques n'est consécutif qu'à des troubles de la. mémoire de repro-

duction.

Des expériences faites par Bourdon et Jackson, il résulte que la

coordination a une importance prépondérante dans l'association

des souvenirs. Celles de Aschaffenburg démontrent que les associa-

tions par similitude de son augmentent avec la fatigue et que la

dépression consécutive à cette fatigue rend prépondérants les élé-

ments auditivo-motenrs. Quant aux autres conclusions, elles se

contredisent si brutalement quelquefois, qu'on remarque une fois

de plus, .qu'au point de vue fonctionnel, il n'y a pas deux cerveaux

semblables.

La mémoire d'identification nous permet de reconnaître un souve-

nir, de préciser même la date de sa fixation, de le localiser dans

le passé.

Laparamnésie consiste en une erreur de cette mémoire; on croit

'170 ' bibliographie.

reconnaître ce qu'on voit ou entend pour la première fois.

M. Lalande explique la paramnésie par la télépathie, M. Bourdon

par des similitudes ou par un état d'esprit qui fait que nous con-

sidérons comme déjà vu, ce qui est aperçu plus nettement que le

reste. Il y a une paramnésie fausse (illusion du déjà vu), et une

paramnésie vraie consécutive à un commencement de dédouble-

ment ; cette paramnésie vraie doit être fréquente chez les aliénés.

Toutes les cécités et surdités psychiques sont dues à des altérations

de la mémoire d'identification. Elles sont produites par l'altération

des régions de l'écorce ou siégeaient les images-souvenirs acquises

par des perceptions antérieures (agnoscie). L'asymbolie consiste

dans la disparition des souvenirs nécessaires à la compréhension

des objets (cécité verbale, par exemple).

Les expériences faites sur cette troisième sorte de mémoire

n'amènent aucune conclusion. Cela tient, croyons-nous, à ce qu'on

ne tient pas compte du tempérament, des habitudes particulières

à chaque sujet. Du reste, d'une façon générale, dans les expériences

psychologiques, les conditions qui les accompagnent sont trop sus-

ceptibles de variation. L'expérimentateur et les sujets se fatiguent, t,

et cette fatigue fausse certainement la fin de l'expérience. De plus,

il est impossible d'isoler complètement une faculté, et dans les

expériences sur la mémoire entrent fatalement en jeu l'émotivité.

le raisonnement, etc., toutes choses essentiellement variables avec

chaque sujet.

11 est relevé comme une conclusion neuve, la constatation que

les mots se lisent et se retiennent plus facilement que les syllabes,

et l'auteur en déduit l'avantage qu'il y a de faire lire aux enfants

les mots avant les syllables. Dès 184G, Ed. Séguin recommandait

et employait cette méthode avec les idiots. Mais il est entendu que

ce grand pédagogue, sera longtemps encore un inconnu en France.

Le livre de M. J.-J. Van Biervhet a exigé de son auteur une

grande somme de travail. C'est plutôt un résumé d'expérimenta-

tions, qu'une théorie nouvelle sur la mémoire. Sa lecture -n'en est

pas moins intéressante, elle peut donner de précieuses indications

pour l'étude de la faculté rétentive. J. BOYER.

III. Traité des épilepsies; par Gélineau. (Lib. J.-B. Baillière,-

Paris, 1901.)

Ce livre, nous dit l'auteur, sera son testament médical : depuis

25 ans il étudie l'épilepsie : des milliers de malades ont passé sous

ses yeux, il a pu les étudier sous toutes leurs formes, sous tous

leurs aspects : chacun d'eux a été l'objet de noies suivies, et c'est

le résultat, le dépouillement de ces milliers d'observations qu'il

présente aujourd'hui aux confrères en ne leur celant rien de ce qu'il

a pu observer d'heureux ou de malheureux.

BIBLIOGRAPHIE. 171 1

L'auteur est trop modeste. Certes ce travail est bien le résultat

des observations de l'auteur; mais il oublie de dire que, à l'aide

de ce qu'il avait vu, instruit par les faits qu'il a observés, il apassé

à une critique judicieuse tous les avis exprimés avant lui, et donné

sur chacun une opinion personnelle et étayée sur la clinique.

Avec tous les auteurs, M. Gélineau pense qne' l'épilepsie essen-

tielle disparaîtra à mesure que l'étiologie sera plus connue et fera

place progressivement à l'épilepsie symptomatique. L'épilepsie

n'est en effet qu'un symptôme et il n'y a pas « une » mais des épi-

lepsies. Et l'épilepsie essentielle n'est qu'une épilepsie dont on ne

peut indiquer la cause, une épilepsie de cause inconnue.

Il est difficile d'analyser un pareil traité. L'auteur passe succès- '

sivement en revue toutes les variétés d'épilepsie et les étudie dans

toutes leurs formes et leurs variétés; leur anatomie pathologique,

leur pathogénie et leur traitement. Chaque fait avancé par l'auteur

est immédiatement appuyé par des observations personnelles ou

relevées dans les auteurs. - Une table des matières très complète

permet de retrouver immédiatement le renseignement cherché

Ce traité est un des plus complets qui aient été publiés sur le

sujet. Outre ces observations personnelles, M. Gélineau a puisé

dans les auteurs une oeuvre considérable qui rendra les plus grands

services aux spécialistes et aux praticiens.

,

IV. Le traitement des névralgies et des névrites ; par Plicquk.

(lit Actualités Médicales. J.-B. Baillrère et fils, Paris, 1901.)

Si l'indication causale, syphilis, paludisme, anémies diverses,

névroses, diabète, goutte, rhumatisme, lèpre, intoxication, est

importante à connaître, le traitement étiologique n'est vraiment

efficace qu'à la période de début. Quand la névrite est constituée,

il ne saurait plus avoir aucune action; il doit être aidé par des

agents symptomatiques ou locaux : le traitement doit être mixte

et complexe.

Les indications symptomatiques s'adressent à la douleur; mais

il faut savoir les appliquer à chaque cas particulier. Aussi l'auteur

étudie-t-il les diverses névralgies et névrites que l'on peut observer.

Il est impossible d'analyser ce petit livre. Très concis, très clair,

très pratique, il condense en quelques pages les éléments essentiels

au diagnostic et surtout au traitement des affections des nerfs

périphériques; il est appelé, par suite, à rendre les plus grands

services au clinicien. - \

VARIA.

LES ALIÉNÉS EN L113E1tf1 : .

Suicide. - Le sieur Aristide Florent, soixante-huit ans, proprié-

taire à Culey-le-Patry, canton d'Harcourt, profitant d'une absence

de sa femme, a mis fin à ses jours en se pendant à une fenêtre,

dans sa cuisine. Depuis longtemps, Florent avait le cerveau très

affaibli; parfois il partait de chez lui la nuit et courait à travers

champs. Ce malheureux avait manifesté, à plusieurs reprises, l'in-

tention d'en finir avec la vie. (Bonhomme Normand du 29 novembre

au 5 décembre). ,

Un drame en Belgique. Un terrible drame vient de se dé-

rouler à Courcelles. La femme d'un ouvrier mineur nommé Syl-

vain Pourbaix, étant montée au grenier, a trouvé les cadavres de

son mari et d'un voisin nommé Mayard. Tous deux avaient la tête

trouée par une balle de revolver. "

On put aisément reconstituer le drame. Sylvain Pourbaix, qui

donnait des signes de dérangements cérébraux et avait, en outre,

des raisons d'en vouloir à Mayac d, avait attiré celui-ci dans son

grenier, sous prétexte d'arranger son colombier. Puis, tandis que

'Mayard lui tournaille dos, illui tira une balle dans la nuque et se

lit ensuite sauter la cervelle. -

- Il y a quelques mois, à la kermesse de Courcelles. Pourbaix

avait au cours d'une rixe, saisi une lampe à pétrole appartenant à

un forain et l'avait jetée dans la foule. Un nommé Wyns fut atteint

et brûlé vif. Pourbaix devait comparaître prochainement pour ce

fait devant le tribunal de Charleroi. (Indicateur de Cognac du 22 dé-

cembre 1901.)

Les alcooliques.

Un alcoolique fou furieux. - Dans un accès de fureur alcoolique

le jeune .Vila, dix-neuf ans, dit Rigolo, de Cuisery, près Chàfons-

sur-SaBne, a assommé, à coups de hache et de barre de fer,

M. Perret, trente ans, père de cinq enfants, qui avait refusé de

boire avec lui. M. et MIUC Domy, voisins de Perret, qui voulaient por-

ter secours au blessé, ont été également assommés par l'énergu-

mène. M. Perret est mort quelque temps après. lllme Domy est à

l'agonie. Quant à M. Domy son état est également alarmant.

Arrêté aussitôt, le jeune Vila a eu une attitude cynique, riant et

1 FAITS DIVERS. ' 173

plaisantant comme s'il n'avait rien fait de mal. La foule a failli

l'écharper, lorsque les gendarmes le conduisaient à la prison. (Le

Petit Var du 23 septembre 1901).

- On nous télégraphie de Bordeaux qu'à Sainte-Terre, le

nommé Eugène Prevost, âgé de trente-quatre ans, alcoolique invé-

téré, a, à la suite d'une discussion, déchargé sort fusil dans la

figure de sa mère, âgée de soixante-quinze an. Puis il s'est fait

sauter la cervelle avec la même arme, qu'il avait placée sous son

menton et dont il a pressé la gâchette à l'aide d'un de ses orteils.

(Le Temps du 26 décembre 190t.)

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions 1\1. le Dr BONNET,

médecin en chef à l'asile de Saint-Robert (Isère), promu à la 2e classe

du cadre; - M. le De Chevalier Lavaure, directeur médecin de

l'asile d'aliénés d'Auch, promu à la 2° classe du cadre ; - M. le

Dr Marchand (Concours de Paris), nommé médecin adjoint à l'asile

des aliénés de Bailleul (Nord), en remplacement de M. le Dr MAU-

PATÉ, nommé directeur médecin a l'asile de Naugeat (Haute-Vienne);

M. le Dr MALDLATRE, directeur médecin à Saint-Lizier (Ariège),

promu à la I™ classe du cadre.

Asile d'aliénés DE PIERREFEU. - Dans sa séance du 8 novembre

dernier, le Conseil général avait décidé qu'en raison de l'impor-

tance toujours croissante de l'asile et des difficultés que présen-

te la gestion de l'économat, il était indispensable de séparer les

fonctions de receveur et d'économe de l'établissement. Par suite

de cette décision, M. le préfet du Var vient de nommer économe de

l'asile, M. Guiraudy, commis d'économat. Par une décision de

mardi, M. le directeur de l'asile a nommé M. Lassalle, commis

d'économat, en remplacement de M. Guirandy. (Le Petit Var,

27 décembre 1901).

Nos lecteurs se rappellent sans doute que, sur la proposition de

notre ami le Dr Doutrebente, le Congrès des aliénistes et neurolo-

gistes de Limoges a adopté un voeu demandant que les places

vacantes d'économe et de receveur soient attribuées aux employés

des asiles.

Comme on le voit, ce voeu a reçu son application à l'asile de

- 174 » FAITS DIVERS.

Pierrefeu. Il serait vivement à désirer que le ministère de l'intérieur

procédât de même pour les places de directeur des asiles qui

devraient toujours être occupées par les hommes les plus compé-

tents, c'est-à-dire des médecins remplissant les fonctions de méde-

- cins en chef, par conséquent très au courant de tout ce qui con-

" cerne le fonctionnement de ces établissements.

Asile d'aliénés DE Privas : Drame de la folie. Un drame

affreux s'est déroulé pendant la nuit, à l'asile Sainte-Marie de Pri-

vas, asile privé, appartenant aux soeurs et aux frères de la congré-

gation dite de Sainte-Marie.

Deux aliénées du dortoir des agitées, les nommées G..., âgée

de trente et un ans, de Loriol (Drôme), et D..., âgée de quarante -

deux ans, de Saint-Barthélemy-Ie-Pin, toutes deux revêtues de la

camisole de force, s'invectivèrent au point que la nommée G...,

s'approchant du lit de la nommée D..., se jeta sur elle et l'etouffa

en lui enfonçant ses coudes dans la bouche. Puis elle lui dévora le

nez, la bouche et le menton; la peau du front, depuis l'arcade sour-

cillière, était déchiquetée et relevée sur les cheveux. La tête de la

malheureuse semblait avoir été dévorée par un animal. La victime,

plus agitée que la meurtrière, étant fixée à son lit par la camisole

- de force, n'avait pas pu se défendre.

En faisant leur ronde de quatre heures du matin, les gardiennes

, se trouvèrent en présence de ce hideux spectacle. La victime res-

pirait encore et ne rendit le dernier soupir que quelques instants

après. Interrogée, la femme G... répondit en riant que sa victime

n'était pas morte et qu'avec un peu d'eau sucrée on la ramènerait

facilement à la vie. « Je lui ai fait voir que je n'avais pas peur d'elle

- et que j'étais plus forte ». D'où la nécessité absolue, dans tous

les asiles, d'un service complet de veille.

Hôpital d'épileptiques. - Le marquis de Vallijo, sénateur à vie,

est mort d'une fluxion de poitrine. Il avait fondé un hôpital d'épi-

leptiques à Carabanchel Bajo, près de Madrid, et un hospice pour

servantes dans un des quartiers populaires de la capitale. Il em-

ployait, en grande partie, à des oeuvres de bienfaisance, sa fortune

considérable. (Le Temps du 5 janvier 1902.)

Prix de « CRAtG COLONY ». - Le Conseil des Directeurs de

« Craig Colony » réuni à Songea, État de New-York, le 8 octobre

1901, a statué sur l'attribution du prix offert par les 1)" S.-W.

Jacoby, Pearce Bailey et Ira Van Gieson. L'envoi couronné est

celui du professeur Carlo-Ceni (de Pavie). Le manuscrit, qui a

pour titre, « De la Sérothérapie dans l'Tpilepsie » sera publié à

bref délai. Le concours de 1902 est, comme nous l'annonçons ci-

après, ouvert entre les compétiteurs de tous les pays.

Le Dr Frédéric Peterson, de New-York, offre un prix de 5 000

- FAITS DIVERS. 175

francs, pour être attribué au meilleur mémoire original et inédit

sur l'Histoire clinique et le traitement de l'Epilepsie. Ne sont admis

à concourir que les mémoires originaux. Tous les manuscrits

devront être en Anglais. Tous les médecins du monde entier

peuvent prendre part au concours. Chaque manuscrit doit être

accompagné d'une enveloppe cachetée contenant le nom et , <

l'adresse de l'auteur, et portant comme suscription un proverbe

ou une devise, reproduits d'autre part sur le manuscrit. Les

manuscrits envoyés seront soumis à un jury composé de trois

membres de la Société de Neurologie de New-York et l'attribution

du prix sera décidée sur l'avis du jury, à la réunion annuelle des

Directeurs de « Craig Colony », le 14 octobre 1902. Tous les

manuscrits doivent être adressés au or Frédéric Peterson, 4 West

HO th. St. : New-York City, avant le 30 septembre 1902. L'envoi

couronné restera la propriété de « Craig Colony » et sera publié

dans ses bulletins médicaux.

, La SOI-DISANT MIRACULÉE DE HoRTOT. Dans l'un de nos derniers

numéros, nous avons raconté, d'après les dires du marquis de

Lespinasse-Langeac, que, depuis quatorze ans, une nommée Rose

Savary ne dort plus, ne boit plus, ne mange plus et ne se nourrit

que du pain de la communion. Il paraît que cette Rose Savary

n'est qu'une hystérique, comme Marie Martel, jouant admirable-

ment la comédie, buvant et mangeant très bien la nuit, lorsqu'elle

se croit seule, et regagnant à la hâte son cabinet lorsqu'elle entend

du bruit. Son seul miracle est d'avoir su attirer à elle des pièces

blanches qui ont permis à ses parents de sortir d'une position

assez précaire et d'acheter pour plus de 10.000 francs de biens.

Cette soi-disant miraculée habite la commune de Hottot-les-Bagues,

que l'on devrait bien nommer Hottot-les...Blagues. (Le Bonhomme

Normand, 20 au 26 septembre 1901.)

CRUCIFJEMENT volontaire d'un aliéné. - A Welschmetz (Tyrol

autrichien), un paysan s'est crucifié lui-même. Il s'est attaché à

une croix qu'il avait fabriquée et s'est enfoncé deux clous à travers

les deux pieds ainsi qu'un troisième à travers la main gauche. Il

a été trouvé suspendu, vivant encore et en'pleine connaissance. On

l'a transporté à l'hôpital. Il est atteint du délire de la persécution.

(Le Bonhomme Normand du 23 au 31 octobre). -

LE syndicat des ataxiques. Un syndicat d'un genre tout nou-

veau et qui n'a rien de commun avec les trusts qui pullulent dans

l'Union américaine s'organise à New-York. Il s'agit tout simple-

ment d'une société d'ataxiques qui vont souscrire un fonds com-

mun à l'effet de créer dans cette ville un établissement destiné à

des expériences pour la cure de l'ataxie locomotrice. Les meilleurs

spécialistes seront attachés à cette institution. La première assem-

176 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

blée de l'association va avoir lieu incessamment. l'lus de mille

ataxiques s'y feront véhiculer et cette réunion d'invalides ne man-

quera pas d'offrir un curieux et pénible spectacle. Le secrétaire et

le promoteur de la société, M. Stubbings, qui est affligé lui-même

de ce mal, auquel les milliers de dollars qu'il a dépensés en pro-

duits pharmaceutiques n'ont apporté qu'un soulagement tempo-

raire, compte que, grâce à cette oeuvre coopérative des malades

combinée avec l'effort de la science. on arrivera à trouver un moyen

de guérison efficace. L'idée de AL Stubbings est certainement ori-

ginale ; en dehors de son originalité, elle présente une utilité

incontestable. Les ataxiques ont tout intérêt à vivre en commun,

tant pour s'assister que pour se traiter mutuellement. -

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Asile public d'aliénés des Quctlre-Jlcaoes. Rapport médical pour l'année

1900, lu-8° cle '20 pages. imprimerie à à Rouen.

Asile public d'aliénés de Saint- J'on. Rapport médical pour l'année 1900.

In-8° de 21 pages. Imprimerie Gagllanl, Gy, successeur à Rouen.

PAKEUR (P.). Purpura dans l'épilepsie, in-8" de 52 pages. Paris 1901.

Boyer, éditeur.

IIITTI (A.). - Section de psychiatrie. Comptes rendus du Congrès

international dé médecine. Grand in-8° c1e580 pages, avec 18 figures.

Roche (IL). Lutte contre les maladies et contre l'alcoolisme par

l'organisation de l'intérieur ouvrier. Conférence. In-18.

PLcmN et ALLAIID. Paralysie faciale et paralysie des mouvements

associés de latéralité des globes oculaires du même côté. 'Examen élec-

trique, in-8" de 1 pages. (Extrait de la Revue neurologique.)

Petit. - Un cas de mérycisme chez un dégénéré, in-8° de 12 pages.

(Extrait des Archives médicales (l'.J/I,r¡e/'s).

iiENED)KT. - Tabes-{/'(1fjen vom standpolllcte der e/'{ahl'lInh und der

Lionzechanilc. 1

Picii,FR (J.). l'hysik des Seclenlebens mit dem Ergebnisse der n'es-

eKS. ? ;eA/)ei< aller Itewusslseizzscrtslctncle allgenzeinverstandliche Skizze

eines stems du psychophysiologie und einer Kritik der hernscheuclen

Gelrre, In-8' de 40 pages, Leipzig 1901.

1'oo,r ? rlrrecl7lnentle l3er·elrzin,g om Andssvageanstalten Gl-Blakkehus

og Ebberodguarcl ved Kebenham /'or Maret, KouenhavlI, 1901, in-8» de

46 pages.

- Le rédacteur-gérant : BOURNF Il1,E.

Evreux, Ch. H$418AeY imp.- 1-1902. ,

Vol. XIII. Mars 1902. - N° 75.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE-.

L'obsession de la rougeur ou éreuthopl

(NOTE ADDITIONNELLE ') ;

Par les D" A. PITRES et E. RÉGIS.

Nous avons publié ici, il y a cinq ans, la description de

celle variété d'obsession que nous avons appelée Obsession

de la 1'ougell1' on E1'eulhophobie. Le moment nous paraît venu

de revenir sur le sujet, non pas pour refaire notre descrip-

tion à laquelle nous n'avons rien d'important à changer

encore aujourd'hui, mais pour signaler, à titre de complé-

ment, les travaux qui ont suivi notre étude et les principaux

points qui s'en dégagent.

D'une façon générale, ces nombreux travaux, qui montrent

combien le sujet a suscité de l'intérêt, en France et à

l'étranger, ont pleinement confirmé, par des observations

nouvelles, l'exactitude de notre description. Quelques objec-

tions et critiques nous ont cependant été faites, qu'il est de

notre devoir de mentionner.

Et d'abord, notre priorité a été contestée, surtout en Alle-

magne. A. Hoche nous a péremptoirement signifié, à nous et

à Bechterew, que nous exposions là un état pathologique

déjà mis en lumière, il y a cinquante ans, par Casper, dont

le cas remarquable avait été reproduit en partie par West-

' Extrait d'un ouvrage actuellement sous presse : Les Obsessions et

les Impulsions. (Bibliothèque internationale de psychologie expérimentale,

normale et pathologique, sous la direction du Dr Toulouse.)

Archives, 21 série, t. XIII. 12

178 CLINIQUE NERVEUSE.

phal dans son mémoire sur les obsessions, en '1877. Bénédickt

a déclaré également au Congrès international de Moscou,

qu'en Allemagne on connaissait cette maladie depuis long-

temps et qu'elle avait même été décrite sous le nom de

« Rubescenz » dans l'article sur l'érythème hyperhémique

idiopathique de la Realencyclopédie d'Eulenburg.

Bechterew a, pour sa part, répondu à Hoche qu'il n'avait

pu vérifier s'il s'agissait vraiment, dans le cas de Casper,

d'un cas d'éreuthophobie pure, attendu que Westphal n'en

parlait que sommairement dans sa communication et qu'il

n'avait pu se procurer l'ouvrage de Casper devenu introu-

vable.

Ayant eu la bonne fortune d'acquérir l'ouvrage de Casper

chez un bouquiniste allemand, il nous a été possible de

prendre connaissance du passage en question et d'en donner

même la traduction intégrale, que l'on trouvera plus loin.

Nous nous sommes également reportés à la publication

d'Eulenburg.

Il résulte de ces recherches que l'état morbide auquel

nous avons donné le nom d'obsession de la rougeur ou

éreuthophobie n'avait jamais été isolé et décrit avant nous.

Il existait bien quelques rares observations, notamment

celles de Casper et de Boucher ', où la préoccupation'pénible

de la rougeur émotive dominait la scène et avait été relevée.

Mais c'étaient là des cas uniques incidemment relatés, et

que n'accompagnaient ni cas similaires, ni essai descriptif, '.

ni considérations et réflexions générales, rien en un mot de

ce qui constitue la mise en lumière réelle d'un fait nouveau

et qui l'impose à l'attention. Casper, puisque c'est Casper

surtout qui est en jeu, s'était borné à reproduire l'auto-bio-

graphie de son sujet, en concluant simplement, à la fin, qu'il

s'agissait là d'une véritable maladieet non, suivant la théorie

de Ileinroth, de la conséquence du péché. C'est un peu

insuffisant, on en conviendra, pour voir en lui le père de

l'obsession de la rougeur.

D'autres auteurs comme Behren (in Eulenburg) ont ana-

lysé la rougeur essentielle du visage en tant que phéno-

mène angio-neurotique, vaso-moteur, mais sans décrire

1 Boucher. Note sur une forme particulière d'obsession chez une héré-

ditaire. (Congrès français des Aliénistes. Rouen, 1890.)

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU EItEUTIIOFHOBIE. 179

l'obsession spéciale dont elle peut devenir le point de départ

et l'objet. Rougeur et phobie de la rougeur sont deux choses

bien différentes; et s'il suffisait d'avoir parlé de la première

pour avoir droit à la paternité de la seconde, ce.n'est pas à

Eulenburg que reviendrait cette paternité, mais à des savants

bien plus anciens. Sans sortir du siècle actuel, nous pour-

' rions citer des noms tels que ceux de Lavater', Charles Bell2, 2,

Gratiolet3, Darwin et~ surtout celui de Burgess5, qui, en

1839, a consacré un livre spécial à la physiologie ou méca-

nisme de la rougeur, question qui n'a cessé, à aucun moment,

d'être à l'ordre du jour et que traitait encore, d'une façon

psychologique un peu vague, en 1893, dans la Revue des

Deux Mondes 6, M. Camille Mélinard sous ce titre : « Pourquoi

rougit-on ? `l

Il n'y a donc, dans tout cela, qu'une de ces ordinaires

revendications de priorité qui se manifestent journellement

en médecine comme ailleurs, s'appuyant sur un fait, une

phrase, un mot même parfois, antérieurement parus, pour

contester à une conception, à un essai de synthèse, à un

effort quelconque vers le progrès, le mérite de la nou-

veauté.

Ce n'est d'ailleurs pas seulement vis-à-vis des auteurs qui

nous ont précédés, que nous avons à défendre notre priorité

en l'espèce, c'est aussi vis-à-vis de ceux qui nous ont suivis. *

Dans quelques-unes des bibliographies récentes sur l'éreu-

thophobie, en effet, même françaises, nous figurons à tort

après Bechterew.

Cela provient de ce que notre travail, cité là comme ayant

paru dans le numéro de janvier 1897 des Archives de ne1t1'O-

logie, où il a été effectivement publié tout à fait in exleaso,

avec observations, date en réalité de six mois avant, ayant

' Lavater. L'arl de connaître les hommes par la physionomie, 1820,

t. IV, art. 3, p. 503. .

- Ch. Bell. The analomy and philosophy of expression as connectes

wilh lhe fine arts, 1841. -

3 Gratiolet. De la physionomie et des mouvements d'expression, 1865.

Darwin. L'expression des émotions chez l'homme et chez les ani-

maux. (Trad. l'ozzi et Benoit, 1877.) ,

° l3urâess. The physiology or mechanism of blushing, 1839.

ciiiiiiie Mélinard. Pourquoi rougit-on ? (Revue des Deux Mondes,

1" octobre 1893.)

480 CLINIQUE NERVEUSE.

été communiqué au Congrès français des aliénistes et neu-

rologistes de Nancy le 5 août 1896 et reproduit à ce moment

par les grands journaux médicaux, où tout le monde a pu

le lire; tandis que, par une erreur inverse, le premier travail

de Bechterew, paru dans le numéro de décembre 1896 de

l'Oboz1'énié psichat1'ii il Nev1'ologii, a été donné par Giese 1

et après lui par d'autres, tels que Friedlander, comme datant

du mois de décembre 1895.

Notre apport à la question, déjà annoncé du reste dans

des travaux précédents, en particulier dans : une leçon sur

« les phobies à deux », publiée dans la Semaine médicale

du 19' février '1896, est donc antérieur de cinq mois à

celui de Bechterew et le fait est d'autant moins contestable

qu'entre le nôtre et le sien s'en placent trois autres : ceux

de Campbell (septembre 1896), de Breton (octobre 1896) et

de Régnier (novembre 1896), dont les deux derniers s'inspi-

rèrent nettement de notre publication, déjà courante. La

thèse de notre élève Régnier, surtout, qui a pour titre : De

l'E1'eutlwphobie ou obsession de la rougeur émotive, et que

nous n'avons vue citée nulle part pour ainsi dire, est un

travail très important de 120 pages, avec 13 observations,

formant le complément naturel de notre communication au

Congrès de Nancy, en août 1896 2.

Bonne ou mauvaise, l'introduction dans la nosographie

psychiatrique de l'obsession de la rougeur ou éreuthophobie/

avec sa description spéciale, nous appartient donc sans con-

' Giese (de Saint-Pétersbourg). Neurologisches Centmlblatt, 1897, n° 7,

p. 326.

* Nous n'en finirions pas si nous voulions relever toutes les erieurs

commises dans l'historique de cette malheureuse obsession. Friedlander,

dont l'article, bien que très documenté, contient plusieurs inexactitudes,

et qui n'a pas vu, notamment, que la description de Vespa, à laquelle

il renvoie, n'est en grande partie que la reproduction de la nôtre, assure

anssi que le mot érythrophobie a été employé pour la première fois en

1890 par M. Boucher. Or ce mot est de nous et nous servait, comme il est

dit, avant que nous adoptions définitivement celui d'ereuthophobie. Le

terme proposé par M. Boucher est celui d'él'ythémopllObie et c'est au

Congrès de Moscou, en août 1897, et non à celui de liouen, en août 1890,

qu'il en a parlé. Notre ami M. Uartenberg lui-même, par un lapsus

exceptionnel chez lui, a placé le Congrès de Kancy et par suite notre

communication, non en août 189, mais en août 1897. On voit combien

il est difficile de se reconnaître dans ce chaos de citations erronées et

c'est ce qui explique et excuse nos rectifications.

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU ÉREUTHOPHOBIE. 181

teste. Ce n'est là, nous le savons, qu'un très infime point

d'histoire : encore était-il bon, puisqu'on s'en est tant

occupé, qu'il fut définitivement éclairci 1.

1 La bibliographie relative à l'obsession de la rougeur, dressée et

rectifiée aussi exactement que possible, depuis la première description

que nous en avons donnée jusqu'à l'heure actuelle, est, par ordre de

date et sauf erreur involontaire, la suivante :

1. Pitres et Régis. L'obsession de la rougeur ou éreuthophobie.

(Congrès des Aliénistes et Neurologistes français, Nancy, 5 août 1896,

Semaine Médicale, Presse Médicale, 22 août 1896. Des mêmes :

l'Obsession de la rougeur ou Ereuthophobie (Archives de Neurologie,

janvier 1897).

2. Campbell. Jlorbid Shyness. l3ritislz Médical Journal, septembre

1896.)

3. Breton. Un cas d'érythrophobie obsédante. (Gazette des Hôpitaux,

20 octobre 1896.)

4. Régnier. De l'Ereulhophobie ou Obsession de la rougeur émotive.

(Thèse de Bordeaux, novembre 1896.)

5. Bechterew. Rougeur de la face comme forme particulière de

trouble nerveux. (Obozrenie psichiatrii il nevrologii, ils96, n° 12 (décem-

bre) et Neurologisches Centralblall, 1897, n° 9 (1°r mai). Du même :

Nouvelles observations sur V Ereuthophobie. (Obocrezzie psiclzialrü .... 1897,

no 8 (août) et Neurologisches Centmlbtatt, 1897, n° 21 (1" novembre).

G. Dugas. La Timidité. (Revue philosophique, décembre 1896) et 1 vol.,

Alcan 1898.

7. A. Hoche. A propos de l'historique de l'Ereulhophobie. (Xelll'olo-

gisches Centrerlblalt, 1897, Il' 11 (1« juin). Du même' Sur les obses-

sions. (l'oslraggehalten au/' der 30 Versammlung sûdwestdevsscleer

Irrenarzle in Frank furt a. 1/1.) 18 et 19 no\embre 1900.

8. Manheimer. Peur obsédante de rougir. (Médecine moderne, 17 jan-

vier 1897.)

9. Tschi-aieff. De la phobie de la rougeur. (Vratch, 24 juillet 1897).

10. Boucher. De l'Erythémophobie. (Congrès international de Moscou,

août 1897.)

11. Benedickt. Un mol sur l'historique de l'obsession de la rougeur.

(Congrès de Moscou, août 1897.)

12. Popoff. Un cas d'érythrophobie. (Société de Neurologie et de

Psychiatrie, Kazan, 28 septembre 1897, anal. in Revue Neurologique.

1898, il- 1.)

13. Cioia. La paura di arrossire e vampe di caldo al viso al tempo

dell' elâ critica. (IZ Dledico di casa, anno IV, no 41, novembre 1897.)

11. Sciammana. Suite mulattie dei tics. (Rivista quind. di psicol.

psichiat. e Neurolog., vol. I, fasc. 16, 17.)

15. R. Vespa. Conlribulo allô studio dell' ereulofobia. (l'olictil11co V,

11, 1898.) -

. 16. Brassert. Obsession de la rougeur. (Selll'ol. Centralblall, 1" octo-

bre 1899.)

17. 1'uczel.. Ueber Zwangsvorslellungen. (berlines lilin. Woclzens-

christ, -1599, 118.)

18. Friedlander. Le tableau clinique de la prétendue Erythrophobie.

182 CLINIQUE NERVEUSE.

Au surplus, après nous avoir contesté notre priorité vis-à-

vis de l'obsession de la rougeur, les mêmes auteurs nous

ont reproché d'avoir voulu l'ériger en entité morbide. Fried-

lander déclare notamment qu'il ne voit rien dans l'ensemble

des cas publiés qui autorise à décrire l'éreuthophobie comme

une maladie distincte. C'est pour lui une forme 'de phobie

dérivant le plus souvent de la neurasthénie, quelquefois de

l'hystérie ou de la dégénérescence, causée par l'hérédité, la

masturbation, l'hyperesthésie sexuelle, analogue à la claus-

trophobie, à l'agoraphobie, etc., mais pas du tout une mala-

die spéciale.

Or, nous n'avons jamais dit autre chose. Nous avons-pris

soin de déclarer, en particulier, que si nous proposions une

dénomination à cette obsession, « c'était pour nous confor-

mer à un usage aujourd'hui établi, comme pour la commo-

dité du langage, et à condition qu'on ne voie pas là le désir

d'ériger un simple syndrome en maladie nouvelle ». Il n'y-

avait donc pas à se tromper sur notre intention et le reproche

de Hoche, Friedlander, Tschigaieff, Vespa, ne nous atteint

pas. Ce que nous avons voulu faire, c'est simplement isoler

et décrire à part à titre de variété, une obsession spéciale,

comme cela avait été fait avant nous pour l'agoraphobie, la

claustrophobie, l'onomatomanie, etc. Toute la question est

de savoir si l'obsession de la rougeur méritait, elle aussi,

une description particulière. Les travaux si nombreux et si

intéressants qui ont suivi notre publicalion ont répondu pour

nous, en montrant combien l'étude de l'obsession de la rou-

geur présentait de l'intérêt non seulement par sa physiono-

mie clinique, mais encore et surtout peut-être par l'excellent

terrain qu'elle offrait à l'observation de certains points fon-

damentaux de psychologie, physiologie et clinique.

(Congrès annuel des AtiGnistes allemands, Francfort, 21, avril 1900.)

(Neurologisches Cetzlralblall 1900, n" 18, 19, 20.)

19. Yaschide et Marchand. Contribution il l'élude de la psycho-

physiologie des émotions à propos d'un cas d'éreulhophobie. (Revue de

psychiatrie, juillet 1900, etRivisla sperintenlale di fretzialria, vol. XXVI,

fasc. 23, p. 512.)

20. Hartenberg. Les formes cliniques d'éreulhophobie. (Congrès inter-

national de médecine, section de psychiatrie, 1900). Du même : Les

Timides et la Timidité, 1 vol., Alcan, 1901.)

21. A. Dielil (de Lubeck). Manifestations familiales de troubles tro-

phiques vaso-moteurs. (.lIonatsc1u'i{1 f. Psych. and Netarolo,g., décembre

1901.)

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU EREUTHOPHOBIE. 183

Grâce à l'importance du phénomène vasculaire dans sa

constitution nosologique, l'Ereuthophobie est en effet devenue

un peu partout le point de départ de nouvelles recherches,

tant sur les conditions physiologiques de l'émotion, que sur

le rôle respectif de l'émotion et de l'idée dans l'obsession.

M. Soury, l'éminent directeur d'études à la Sorbonne, a

pris texte de notre mémoire sur l'Ereuthophobie pour écrire

sur la théorie des émotions un important article critique ',

reproduit dans son bel ouvrage sur le système nerveux cen-

tral2, où il fait le procès de la théorie de Lange, tout au

moins de la portée exagérée qui lui a été depuis attribuée.

Ainsi que M. Soury l'a bien compris, nous n'avons pas, quant

à nous, adopté formellement cette opinion que, dans l'émo-

tion, le phénomène émotionnel proprement dit était subor-

donné au phénomène vaso-moteur, que « l'émotion n'était

que la conscience des variations neuro-vasculaires. » Nous

avons simplement constaté que dans l'évolution de l'Ereutho-

phobie, la tendance à rougir survenait d'habitude plus ou

moins longtemps avant l'émotion anxieuse et que les diffé-

rences d'intensité de la phobie étaient chez beaucoup en

rapport avec les variations de l'aptitude à rougir suivant les

temps et les moments, ce qui paraissait venir à l'appui des

idées de Lange sur le rôle actif des modifications vaso-mo-

trices dans le processus des émotions. Voilà tout.

Là où nous nous sommes montrés résolument affirmatifs,

en revanche, c'est en ce qui concerne la prédominance de

l'élément émotif sur l'élément intellectuel, dans l'obsession

de la rougeur et, d'une façon générale, dans toute obsession.

Depuis, nous n'avons cessé de soutenir cette opinion et tout

en reconnaissant la valeur du trouble mental dans l'obses-

sion, en particulier celle de la lésion de la volonté sur laquelle

nous avions nous-mêmes antérieurement insisté, nous croyons

que la part prépondérante revient à l'émotion. Pour nous,

on le sait, l'obsession est avant tout non pas une maladie de

1 intellectualité, ou de la. volonté, comme le disent certains

auteurs, dont M. Arnaud mais une maladie de l'émotivité.

' J. Soury. Théorie des Émotions. (.17111ales médico-psychologiques,

septembre-octobre 1897.)

2 3 Soury. Le système nerveux central, structure eG fondions,

p. 1329. (Paris, Carré et Finaud, iS'JJ.)

Arnaud. Sur la théorie de l'obsession. (Congrès des Aliénistes et

Neurologistes, Limoges, août 1901.)

- 184 CLINIQUE NERVEUSE.

Nous avions, dans notre mémoire, émis le regret de

n'avoir pu nous livrer à des recherches expérimentales sur

les phénomènes physiques de l'émotion, dans l'Ereuthopho-

bie, et nous signalions ce que ces recherches pouvaient avoir

- d'intéressant. 7

Des travaux dans ce sens ont été tentés d'une part

par MM. Vaschide et Marchand, d'autre part par M. IIarten-

berg.

Les expériences des premiers auteurs, dans lesquelles ils

ont étudié à la fois la respiration, le pouls radial et le pouls

capillaire, chez un malade atteint d'éreuthophobie, leur ont

montré que l'état de chacune de ces fonctions variait du tout

au tout non seulement suivant que le sujet était dans le calme

ou l'émotion, mais encore suivant les degrés de celle-ci. C'est

ainsi que quand le sujet est ému à l'idée que quelqu'un va

venir dans la pièce et qu'il va rougir, il se produit une légère

augmentation de l'amplitude et surtout une accélération de

la respiration; quand cette émotion est plus intense et

déterminée par la présence même d'une ou de plusieurs per-

sonnes étrangères, il survient au contraire un ralentissement

respiratoire accompagné de troubles caractéristiques de la

phase inspiratoire, qui est comme saccadée. Les pauses res-

piratoires sont plus longues que d'habitude et l'aspect géné-

ral de la courbe respiratoire rappelle de près l'irrégularité

d'émotivité anxieuse.

Les deux formes de l'émotion éreuthophobique produisent

les mêmes effets sur le pouls radial et le pouls capillaire. A

la première correspond un pouls radial rapide, avec un di-

crptisme accentué et légèrement pointu; à la seconde un pouls

radial lent, avec une pulsation rapetissante et le dicrotisme

légèrement accentué. Le pouls capillaire, lui, sous l'influence

d'une émotion de la première catégorie devient rapide, avec

une ligne graphique moins ondulée et vaso-dilatation légère;

sous l'influence d'une émotion intense, il se produit au con-

traire de la vasoconstriction avec effacement considérable

de la pulsation et ralentissement du pouls capillaire. Dans

les deux cas, remarquent les auteurs, le sujet rougit et pour-

tant on constate tantôt une vaso-dilatation, il est vrai légère,

tantôt une vaso-constriction, ce qui leur fait penser qu'il

est prématuré d'admettre l'idée de la vaso-dilatation comme

synonyme de la rougeur.

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU EREUTHOPHOBIE. 185

Et ils concluent en fin de compte que l'obsession de la

peur de rougir, en tant qu'émotion, est bien d'origine céré-

brale. « L'idéation du sujet provoque une association, qui à

son tour suggère une émotion d'attente, d'anxiété et d'an-

goisse, et les phénomènes neuro-vasculaires ne sont nulle-

ment la source de ces changements intellectuels émotifs. Les

phénomènes cérébraux sont la genèse initiale des change-

ments somatiques et, de l'idéation momentanée ou spontanée,

la respiration sera plus ou moins ralentie, comme le pouls

- plus ou moins accéléré. Il faut encore ajouter que l'obsession

de la peur de rougir est bien loin d'être liée avec une colo-

ration spéciale du visage; le phénomène qui prédomine est

bien un élément purement émotionnel, un état pour ainsi

dire intellectuel qui fait de cette phobié une catégorie parti-

culière d'obsession'. 1.

Hartenberg qui, à son tour, a voulu soumettre au contrôle

expérimental les faits exposés et les théories émises, a

essayé de vérifier, par les graphiques, les variations respi-

ratoires,- cardiaques et vaso-motrices qui se produisent

durant l'émotion. Mais ses recherches commencées au labo-

ratoire de psychologie expérimentale de M. Binet, à la Sor-

bonne, ne lui ont donné que des résultats scientifiques insi-

gnifiants à cause de la difficulté à réaliser des conditions

parfaites d'expérimentation. Il estime d'ailleurs qu'on peut

prévoir à l'avance, en raisonnant par analogie, que l'accès

de timidité va s'inscrire comme la peur, en vaso-constriction

avec accélération des battements du coeur, augmentation ou

irrégularité des mouvements respiratoires; ce qui est exact

et ce que confirment les expériences de MM. Vaschide et

Marchand a.

De ces quelques tentatives, on ne peut donc encore, cro-

yons-nous, rien conclure de précis sur le mécanisme physio-

logique de l'émotion, et surtout sur sa nature.

MM. Vaschide et Marchand ont constaté que sous l'influence

de l'éveil de l'idée phobique, leur malade présentait consé-

cutivement les manifestations neuro-vasculaires de la rou-

geur et de l'anxiété. La méthode expérimentale n'a fait là

que confirmer, nous semble-t-il, un fait déjà suffisamment

établi par la clinique.

' Vaschide et Marchand. Loc. cil.

* Hartenberg. Les timides et la timidité. Chap. Il.

186 CLINIQUE NERVEUSE.

Mais cela ne prouve pas que l'Ereuthophobie soit un phé-

nomène intellectuel, car, ce que provoquent les expérimen-

tateurs, chez leur malade, ce n'est pas une simple idée, c'est

une appréhension, une crainte, c'est-à-dire une idée émotive,

- une émotion, et rien ne prouve que si on pouvait réaliser

l'expérience en sens inverse, faire rougir d'abord un sujet,

sans le faire penser, on ne provoquerait pas de même, con-

sécutivement, une idée émotive en rapport avec cette rougeur.

Qu'on se rappelle les curieuses expériences chez les hysté-

riques en état d'hypnose, chez qui la provocation d'une

attitude détermine l'état mental correspondant.

Au surplus, à l'appui de cette opinion que l'idée obsédante,

dans l'Ereuthophobie, est bien plus influencée par la dispo-

sition à la rougeur émotive qu'elle ne l'influence elle-même,

nous signalions déjà, on l'a vu, dans notre premier. travail,

que l'intensité de l'obsession variait suivant que les change-

ments atmosphériques rendaient la tendance à rougir plus

ou moins grande et que, lorsque celle-ci venait à cesser,.il

la longue, l'obsession cessait aussi. On lira avec grand inté-

rêt ce qu'écrit à ce point de vue un de nos sujets dont nous

rapportons plus loin l'histoire et qui s'est analysé avec une

très rare pénétration. Il y a là une confirmation complète,

absolue de notre manière de voir. Comme nous le disions, le

malade a observé que le phénomène morbide qui est apparu

le premier, chez lui, c'est le phénomène physique de vaso-

dilatation et que la crainte n'est même devenue consciente

que beaucoup plus tard. Comme nous le disions aussi, il a

observé que son éreuthophobie diminuait après qu'il eût

constaté qu'il rougissait moins facilement; dès lors, ajoute-

t-il d'un mot typique, «l'idée a perdu en force ce que la sen-

sation a perdu en fréquence ». Comme nous le faisions enfin,

il conclut que « l'Ereuthophobie, maladie intellectuelle, a

pour point de départ, pour cause, le trouble vaso-moteur,

affection physiologique », en d'autres termes que, dans

l'obsession de la rougeur, l'élément intellectuel est subor-

donné à l'élément émotif, l'idée à l'émotion.

Mais nous n'insistons pas sur ces faits, et nous croyons

que les recherches expérimentales, très intéressantes, que

nous venons d'indiquer sont à continuer parallèlement avec

les études cliniques et psychologiques.

Un dernier point. Nous nous sommes gardés, en ce qui

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR-OU EREUTHOPHOBIE. 187

concerne la pathogénie de l'Ereuthophobie, d'émettre une

théorie quelconque, nous bornant à-constater que Morel

faisait déjà en 1866 du « délire émotif », c'est-à-dire des

obsessions, une névrose du système nerveux ganglionnaire,

et que cette opinion paraissait trouver un nouvel appui dans

le mécanisme de l'Ereuthophobie. M. Soury, lui, adopte la

manière de voir de Bechterew, qui voit dans l'éreuthophobie

une excitation des centres corticaux vaso-dilatateurs qu'il a

décrits avec Mislawski dans la partie externe du segment

antérieur du gyrus sygmoïdel. -

On comprend que nous ne voulions pas discuter cette

hypothèse. Nous ferons simplement remarquer que la rou-

geur, dans l'Ereuthophobie, est liée à tout un ensemble de

phénomènes d'angoisse, communs d'ailleurs, à des degrés

divers, à toutes les obsessions et que la totalité de ces phé-

nomènes si variés trouve bien mieux son explication dans la

seule action du grand sympathique, qui les tient tous sous

sa dépendance, que dans la théorie, si incertaine ici, des

localisations cérébrales. D'autant mieux que la rougeur, si

les expériences de MM. Vaschide et Marchand sont exactes,

pourrait correspondre tout aussi bien dans ces cas à de la

vaso-constriction qu'à de la vaso-dilatation.

Observation (personnelle) 2. L'affection dont je suis atteint

étant continue, est liée à toute mon existence. Je la retrouve par-

tout. Son influence se mèle à toutes les autres influences qui déter-

minent ma façon de penser, de sentir, d'agir. Je serai donc obligé

de faire intervenir ces autres influences pour les comparer. Votre

sagacité vous indiquera l'importance qu'il faut accorder à mon

éreuthophobie.

Cette affection est caractérisée : 1° par une facilité extrême de

rougir; 2° par une crainte de rougir qui peut à certains moments

offrir les signes de l'obsession. Je ne peux préciser la date de son

apparition. Autant que ma mémoire est exacte, elle remonte à ma

première année d'internat du lycée (année scolaire 81-8b). En tout

cas, mon attention n'a été attirée qu'à cette époque. Je ne retrouve

1 Bechterew und Misslawski. Lebel' den Einflllss der Grosshirnrinde

au( den t3luldruclc llnd die llerclllciliglseil. (Nelll'otogisches Centralblall,

1S86, p. z, 5.)

- Nous avons donné, dans notre mémoire paru dans le numéro de

janvier 1897 des Archives de Neurologie, un résumé de cette observation

(obs. III). Depuis, le sujet nous a adressé ces pages, tellement intéres-

santes, que nous n'hésitons pas à les reproduire intégralement.

188 CLINIQUE NERVEUSE. '

alors que la facilité de rougir, sans préoccupation dans l'intervalle

des rougeurs.

L'affection est allée croissant, c'est-à-dire que les circonstances

qui provoquaient les rougeurs devenaient plus nombreuses - jus-

qu'en 1889. - Mais, dès l'année 1885-86 s'ajoutait un élément nou-

* veau : la conscience de ma facilité de rougir, puis la peur de rou-

gir qui suffisait parfois, non toujours à,provoquer l'afflux du sang

au visage.

A partir de 1889 (date qui marque mon entrée dans la vie d'étu-

diant), l'affection reste stationnaire pendant quelques années.

Elle semble décroître depuis 1893-94. Je m'explique sur le sens

que je donne au mot : décroître. Cette affection est. continue, mais

avec des périodes de crises suivies de périodes d'accalmie relative.

Ces deux périodes sont différenciées par le caractère de plus à

moins. Elle est donc non intermittente,^ mais rémittente. Dans les

périodes d'accalmie, je rougis moins souvent, je me ressaisis plus

facilement, j'arrive plus aisément a faire avorter le « phare ».

J'en ai conscience, je me sens plus d'assurance, je pense moins et

même pas du tout à ma facilité et à ma peur de rougir. Les

périodes de crise sont très variables comme fréquence, comme

durée, comme intensité. Leur apparition se fait pour ainsi dire

brusquement, du jour au lendemain. J'en suis averti par un état

intérieur indéfinissable, mais clair pour moi, état qui est un symp-

tôme, non un prodrome. Eh bien ! quand je dis : l'affection est

en décroissance, je veux dire que, d'une façon générale, les

crises sont moins longues, moins fréquentes, moins intenses. Je

me comparerai à un convalescent qui subit des rechutes, mais

Unit par triompher du mal et poursuit sa marche progressive vers

la bonne santé. ,

Eu novembre 1896, je suis venu habiter Paris. Il y a donc quatre

mois. Je constate une amélioration. Je rougis moins souvent, et à

part quelques jours isolés, je n'ai pas ressenti l'obsession de la

rougeur.

Analysons maintenant quelques cas types, c'est-à-dire analysons

mon état physique et mon état psychique avant, pendant et après

l'accès de rougeur - indépendamment de ses causes et des cir-

constances extérieures qui l'accompagnent.

111 type. Brusque, rapide, intensif.

Bien à dire sur « avant ». Je ne pense à rien, ou je lis un jour-

nal, ou je regarde une personne, un objet. Je suis à l'état neutre.

Le choc se produit. Une bouffée de chaleur, un flot de sang au

visage. Mon coeur bat fort et vite. Je l'entends, je ne souffre pas,

je ne le sens pas. Je me raidis, je me contracte; des épingles me

piquent la nuque, le front; les mains deviennent moites, les yeux

humides, voilés. Parfois, je me trouble, je dis des bêtises, je parle

z à tort et à travers, je tousse, je cherche à fuir. Souvent, je reste

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU EREUTHOPHOBIE. 189

maître de moi. J'entends bien ce qu'on me dit et y réponds tran-

quillement. L'accès ne dure pas. Mon coeur se calme, mon visage

reprend sa coloration habituelle immédiatement ou après avoir

passé par une phase de pâleur; les troubles psychiques disparais-

sent. Je ressens un soulagement, une sorte de fraîcheur agréable

après ce bouillonnement intérieur. Je suis vacciné pour un mo-

ment. Je sens (idée ? sensation ? probablement les deux) que je ne

rougirai pas de dix, quinze minutes. En général, le trouble psy-

chique n'est pas prolongé.

2e type. - Lent, insidieux, intensif. z

Le plus terrible. Je sens au plus profond de mon moi sourdre

une angoisse. Je sais ce que cela veut dire. J'entre en lutte. Je

commence par essayer de ne pas y songer. Je cherche à effacer de

mon esprit, de ma mémoire, tout ce qui, mot ou objet, peut rap-

peler de près ou de loin, la rougeur. Je me bouche mentalement

les yeux et les oreilles. Impossible. Si je suis en compagnie, alors

je parle, je m'étourdis. Si le sujet de conversation s'y prête, je

m'emballe, je feins l'indignation, la colère afin qu'on se trompe

sur la cause de ma rougeur. Mais comme je suis d'ordinaire froid,

glacial, disent certains, on s'étonne et mon stratagème tourne

contre moi. Si je suis seul, j'emploie les moyens que vous connaissez

' déjà, communs probablement à tous les malades de mon espèce :

je ne les énumérerai donc pas. Tous mes efforts sont inutiles. Je

tente le dernier : je me contracte tout entier, en retenant ma res-

piration. Après quelques secondes, une demi-minute, une minute,

je me sens vaincu. Alors, une chaleur me prend aux mains, au

ventre, puis monte, monte, envahit le coeur, qui se met à battre à

coups redoublés, et enfin le visage, les joues, le front, le cou, -

sournoisement, lentement, petit à petit, jusqu'à l'ensoleillement

parfait. Pointes d'aiguilles, fourmillements, sueur, troubles de la

vue, affolement, rien ne manque. C'est un supplice. Il faut toute

la concentration de la volonté pour continuer à marcher, à rester

assis, sous le regard des gens, pour ne pas enfiler la première

porte venue. Disparaître, disparaître, c'est le seul but, c'est l'Idée

maîtresse qu'on a peine à dominer.

Maintenant, l'accès est passé. Le visage, encore angoissé, est

pâle. L'abondante transpiration provoque un refroidissement du

corps fatigué. Le coeur seul rappelle qu'il existe par ses battements

douloureux. Mais ce qui domine la scène, c'est une lassitude

immense, un affaissement moral. -

Cet état de coma psychique persiste plus ou moins longtemps,

selon les circonstances extérieures Ce qui sert de révulsif, c'est le

souvenir de l'affection, qui provoque une douleur aiguë et vous

réveille. Deux cas peuvent se produire : on pleure. Une espèce

d'attendrissement sur soi-même, une profonde commisération pour

ce moi destiné à être toujours malheureux par cette maladie, s'em-

190 CLINIQUE NERVEUSE.

parent de vous, et la crise se résout en larmes. On ne pleure pas ;

les nuages sont condensés, mais ne crèvent pas. Le ciel reste

noir, menaçant pendant un ou plusieurs jours. C'est une tristesse

poignante, parfois dangereuse qui fait naître des idées de suicide,

peut même provoquer l'acte.

Vous le voyez, il y a un bouleversement total de l'Etre.

Entre ces deux types d'accès et l'état normal s'échelonnent tous

les intermédiaires, dans lesquels c'est tantôt le trouble vaso-moteur,

tantôt le trouble psychique qui prédomine ou existe seul, et avec

une intensité variant du maximum à un minimum appréciable au

sujet seul.

Quelles sont les conséquences physiques et psychiques produites

sur moi par ces deux éléments : facilité et peur de rougir. Elles

me semblent difficiles à isoler. Car toute modification passagère

ou permanente de l'organisme et du moi d'un individu étant le

résultat d'une foule-de causes, il est malaisé d'attribuer un quo-

tient exact à chaque facteur.

1° Domaine physique. Je n'ai jamais constaté de troubles céré-

braux ou spinaux. J'ai des palpitations cardiaques. Je ne crois pas

que ces palpitations aient pour cause première l'éreuthophobie.

Elles existeraient sans elle. Mais il est certain, pour moi, que l'éreu-

thophobie a entretenu et développé cette névrose, par l'émoi con-

tinuel qu'elle a provoqué'. Rien à dire sur les autres appareils orga-

niques.

2° Domaine psychique. C'est là que sont les ravages. Je fus ce

qu'on appelle « un enfant sensible ». Non pas qu'un rien me fit

rire ou pleurer, non pas que mes impressions s'extériorisassent

impulsivement au contraire - mais je ressentais vivement, sur-

tout les nuances. Cette sensibilité s'est développée parallèlement à

l'éreuthophobie. Vers 1894, elle était presque maladive.

Ma volonté s'est plutôt renforcée. Je l'explique par l'exercice

continuel auquel elle se livrait pour me faire agir, malgré la peur

de rougir.

L'intelligence passive, celle qui me permet de lire, d'étudier,

d'assimiler est intacte.

L'intelligence active, la pensée personnelle, le « Moi » est le plus

frappé. Et là. l'influence de l'éreuthophobie est indiscutable. Suis-je

en période d'accalmie ? Bien que ma philosophie ne varie pas, que

mes opinions sur la vie et les hommes soient les mêmes, je prends

un certain plaisir à la vie sociale, à la fréquentation du monde.

Je sors, je vais au théâtre, j'échange mes idées avec quelques

amis en des causeries soit légères, soit sérieuses, mais souriantes.

En un mot, je suis capable d'entrevoir la « joie de vivre ». Suis-je

en période de crise ? Le levain pessimiste fermente. La vie m'ap-

parait comme radicalement mauvaise. Mes jugements sont em-

preints de cette conception désespérée que la seule Réalité, c'est le

l'obsession DE la ROUGEUR OU EREUTHOPHOBIE. z1

mal, c'est la souffrance. Je m'enferme dans ma chambre, je fuis

toute société; les figures humaines me font horreur, je rêve d'aller

habiter quelque solitude absolue, de me perdre dans le néant.

Mon cerveau suinte l'ennui.

Il y a quelques années, ces états d'âme de détresse étaient si

fréquents, si pénibles, et l'alcool est un si mauvais donneur d'ou-

bli que j'accomplis un acte qui devait me délivrer pour toujours.

Aujourd'hui, mes idées étant les mêmes, mes états d'âme sont

moins aigus. Et j'attribue cela à la diminution de l'éreuthophobie

qui, ne m'obsédant pas, me laisse m'oublier et me mêler aux

autres.

Quelles sont maintenant les circonstances qui influent sur ma

facilité de rougir, qui réveillent ma phobie ?

Aucune n'a le pouvoir de déterminer un accès, - partout et tou-

jours. Ce n'est pas une circonstance, mais un ensemble de cir-

constances qui le déterminent. Elles viennent des personnes qui

m'entourent, du milieu, de la lumière, de la température - et

aussi de mes dispositions physiques et morales.

Quelques exemples :

Je n'ai pas peur des foules. Pourtant, je les évite : parce que je

les trouve bêtes, sentimentales ou méchantes, et parce que mon

éreuthophobie me les fait redouter. En général, la présence de

nombreuses personnes me gêne, éveille la phobie et provoque

facilement le phénomène de la rougeur.

Mais si mon attention est fortement attirée ou si je me sens bien

perdu en elle de telle façon qu'on ne me remarquera pas si je viens

à rougir, je suis tranquille et je ne rougis pas. L'effet est encore

le même si toute une foule est pour ou contre moi. J'ai présidé

des réunions, j'ai discuté contre une assemblée. Si je rougis, je

n'y fais pas attention. Car alors, je sens une force qui me soulève,

orgueil ou colère, instinct de combativité. En résumé, dans les

circonstances extraordinaires, terribles, joyeuses ou solennelles,

j'oublie pour ainsi dire mon éreuthophobie et je rougis moins.

Autre exemple : je suis invité à dîner. Ma préoccupation est de

savoir si j'aurai la lumière dans les yeux. S'il en est ainsi, je ne

cesse de me dire : ne rougis pas, tu vas rougir, etc., et je rougis

beaucoup, qu'on me parle ou qu'on ne me parle pas. Cependant,

si une discussion intéressante s'engage, à laquelle je prenne part,

je me lance, je m'oublie et ne redoute plus d'attirer l'attention sur

moi. Si je tourne le dos à la fenêtre, si les rayons de la lampe

sont tamisés par un abat-jour, je suis rassuré. La rougeur est

rare, accidentelle, sans préoccupation.

Un dernier exemple : l'abord d'une femme m'est une épreuve.

Je ne redoute pas la femme : j'en ai fréquenté plus qu'il ne faut

pour être habitué à son contact. Je la dédaigne assez pour n'être

pas troublé comme par l'abord d'un homme supérieur. Et pour-

'192 ' CLINIQUE NERVEUSE.

tant, si je veux accoster une femme, il me faut réunir, concentrer

mes forces volontaires et agir brusquement, ce qui me rend par-

fois brutal. Pourquoi ? Parce que j'ai peur de rougir devant elle.

J'abrège : les fortes chaleurs, les froids intenses me sont favorables;

les temps gris et doux néfastes. Fumer augmente immédiatement

mes palpitations. Boire peu les augmente, beaucoup m'anesthésie.

Et quand les palpitations augmentent, je rougis plus facilement

et la phobie est réveillée. La joie ou la tristesse intenses sont favo-

rables, l'indifférence, les sentiments ternes défavorables. L'idée

que je vais rougir est impuissante à produire la rougeur si je suis

seul, dans ma chambre. Si je suis dans la rue, au café, elle suffit

parfois, non toujours. Elle est insuffisante, surtout depuis un an.

Ce qui serait intéressant à connaître, tant au point de vue théo-

rique qu'au point de vue pratique du traitement, ce sont les

causes déterminantes de la facilité à rougir, car je considère que

l'éreuthophobie est la conséquence du trouble vaso-moteur.

J'ouvre une parenthèse pour essayer d'établir ce point. Le phéno-

mène morbide qui a apparu le premier, chronologiquement, c'est

le phénomène physique de vaso-dilatation. La crainte n'est même

devenue consciente que beaucoup plus tard. Son action n'est sim-

plement que la manifestation d'une association d'idées. J'ai eu

d'abord la sensation que je rougissais. Or, toute sensation n'existe

que lorsqu'elle est perçue (à preuve qu'un sujet endormi à qui

j'enlève la sensibilité n'éprouve et n'accuse rien quand je le pique).

Des sensations de rougeur étant perçues de plus en plus souvent,

l'idée de rougeur apparaît de plus en plus souvent et finit par

envahir le champ de la conscience. Cette idée étant liée intimement

à la sensation d'où elle est née, arrive peu à peu, par un phéno-

mène de chimie intellectuelle assez complexe, mais très commun,

à remplacer la sensation. Elle se substitue à elle et produit les

mêmes effets physiologiques. Quand, pour la première fois, on

m'a fait entrevoir, en parole, les rapports sexuels, je n'ai pas eu

peur de rougir, j'ai rougi, alors que, plus tard, j'ai eu peur de

rougir dès qu'on abordait le sujet. Semblablement pour toutes les

circonstances qui amenaient la rougeur. A la longue, une associa-

tion étroite s'est formée entre la vue de telle chose, l'audition de

telle parole, la rencontre de telle personne et le phénomène de

rougeur, toujours ou presque toujours provoqué par ces sensations

visuelles, auditives, etc. Or, comme cette vue, cette audition sont

des sensations, et que, d'autre part, ces sensations existent en

nous à l'état d'Idées, ces Idées-Perceptions provoquent la rougeur

avec la même puissance que les primitives sensations. A l'appui de

mon opinion, je dirai que mon éreuthophobie a diminué après

que j'ai eu constaté que je rougissais moins facilement.

L'idée a perdu en force ce que la sensation a perdu en fréquence.

Je citerai encore ceci : je suis en période d'accalmie depuis huit,

L'OBSESSION DE LA ROUGEUR OU EREUTHOPHOBIE. 193

quinze jours. Je sors, je me promène, la rougeur se produit rare-

ment, l'idée, la crainte de rougir est absente de ma pensée.

Et puis, un beau jour, sans aucun motif apparent, une crise

éclate. La phobie est pourtant le 9°, le 16e jour ce qu'elle était

la veille. Mais, par suite d'un changement organique dont je n'ai

pas conscience, le trouble vaso-moteur a lieu plus aisément

et alors, immédiatement, mais postérieurement, la phobie est

réveillée.

Je crois donc que l'éreuthophobie, maladie intellectuelle, a

pour point de départ, pour cause le trouble vaso-moteur, affection

physiologique. , .

Quelle est alors l'origine de ce trouble vaso-moteur ? Pour ma

part, je ne puis la découvrir. Vous la trouverez peut-être, vous,

dans mon hérédité et mes antécédents personnels.

Mon hérédité offre un cardiaque (mon grand'père paternel); un

arthritique (mon père); une asthmatique (la soeur de mon père);

une nerveuse (ma mère) [troubles gastriques, migraines]. Ma grand'-

mère maternelle est morte d'une maladie de foie ( ? ). Ma grand'-

mère maternelle vit en bonne santé (80 ans).

Mes antécédents personnels ? Vers l'âge de quatre ans, j'eus une

lièvre muqueuse. Elle n'a pas laissé de traces, du moins appré-

ciables. Entre neuf et dix ans, je reçus l'initiation onanique. Je ne

crois m'ètre adonné à ces pratiques ni plus ni moins que la

moyenne des jeunes gens. Entre quinze et seize ans, durant ma

rhétorique, nouvelle initiation, celle-là féminine. De dix-sept à

vingt ans, vie agitée. Esprit inquiet, coeur malade : ennui profond :

D'où veilles prolongées, longues stations dans les cafés, absorption

assez considérable d'alcools variés; résultats : troubles gastriques

et cardiaques. Depuis trois ans, ma vie est plus calme, plus réglée,

à l'abri des excès. Je souffre encore parfois de l'estomac, souvent,

très souvent, de palpitations. Emotivité moins grande, moins

pénible.

Mon travail en était à ce point, lorsqu'une crise morale me le fit

abandonner. Je l'ai terminé hier soir. J'ai employé mon dimanche

si recopier simplement. sans avoir la force de retoucher, d'ajouter

ou de retrancher des détails plus ou moins importants.

Thérapeutique. - 1° Médicamenteuse. J'ai pris du bromure de

potassium, de l'opium, de l'éther à faibles doses, à de très

grands intervalles, par périodes très courtes (deux ou trois jours

au maximum).

2° Intellectuelle. J'ai essayé de me créer un orgueil artificiel,

(non pas de me rendre fat. Pour moi, la fatuité se traduit au

dehors, l'orgueil est intime, caché). Je me suis efforcé à dévelop-

per mon instruction un peu dans tous les sens et à penser beau-

coup par moi-même, afin non d'en imposer aux autres, d'étaler

une fatuité sotte et grossière, niais afin de puiser en moi des

AnclII\'F. 2' série, I. XIII. 13

194 CLINIQUE MENTALE.

forces de résistance, de me donner du « ressort ». J'ai exagéré

mon mépris des hommes, pour rester calme devant eux.

Tous ces moyens qui ont pu réussir dans quelques circonstances,

n'ont pas amené d'amélioration notable et persistante.-

Je crois que s'il y a un remède, il est hors de nous, dans le

Temps; la nature transformant notre constitution physique et

psychique. 1

- Pans, le 7 mars 1897.

CLINIQUE MENTALE

Contribution à l'étude des réactions de la peau

chez les aliénés l ;

Par le Il E. nlaltawov DE MOXTYEL.

Médecin en clicf (le ViIlc-E\l'aId

Nous arrivons à l'examen de l'altération eu moins- son

degré excessif, c'est-à-dire de l'absence de toute réaction de

la peau. Relevons tout d'abord que si l'hystérie a le maxi-

mum de l'affaiblissement elle ne nous a pas présenté un seul

cas de celle-ci. Ici le maximum appartient hautement à la

sénilité. Ainsi donc chez les vieillards en enfance la réaction

de la peau est rarement normale et l'altération qu'elle subit

est toujours en moins, souvent absence totale de réaction,

plus souvent encore affaiblissement. Ces résultats auxquels

nous arrivons sont conformes à ce que nous savons de la

vitalité de la peau aux âges avancés. Le minimum se montre

après l'hystérie dans l'épilepsie. Ce fait ne vient pas à l'en-

contre des constatations faites par M. Féré et que nous avons

rapportées plus haut et reconnues fondées d'après nos pro-

pres observations, car nous avons eu soin précisément de

n'opérer des recherches sur nos épileptiques qu'aux époques

où ils n'avaient pas leurs attaques. Les quatre autres formes

mentales se suivent de près.

Si maintenant nous envisageons ensemble toutes les allé-

1 Voir Archives de Neurologie, n° 71, t. XII, p. 384, 1901.

-RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIENES. 195

rations en moins, réactions affaiblies et absentes, nous

voyons la sénilité arriver toujours en tête avec une énorme

proportion et la débilité mentale en queue avec un écart

considérable de lu3,6 p. 100. Entre les deux se placent par

ordre décroissant de fréquence l'hystérie puis les quatre

autres variétés mentales qui se suivent de très près.

Enfin il y a trois formes mentales sur sept : la démence,

l'hystérie et la sénilité dans lesquellesnous n'avons jamais

observé le bizarre phénomène de l'alternance chez le même

sujet, de la dermographié avec l'altération en moins ou vice

versa. Cette fois le premier rang revient à la paralysie géné-

rale et le dernier à la vésanie, entre les deux se placent la

débilité mentale et la touchant de près l'épilepsie.

Il résulte donc des chiffres fournis par notre tableau comme

de ceux d'un tableau précédent que cette alternance des alté-

rations opposées est le phénomène qu'on constate le moins

souvent non seulement d'une manière générale mais encore

dans chacune des sept formes mentales. La plus rare après

elle est l'absence de toute réaction qui se montre pourtant

d'une fréquence égale à la dermographie dans la paralysie

générale, égale à l'affaiblissement dans la débilité mentale et

supérieure à la dermographie seulement dans la sénilité. L'al-

tération la plus fréquente est, avons-nous dit, si on embrasse

tous les sujets, le simple affaiblissement de la réaction nor-

male, néanmoins elle est inférieure à la dermographie dans

la débilité mentale et la démence et dans la première de ces

deux formes mentales égale à l'absence de toute réaction.

Quant à la dermographie, si pour l'ensemble des cas elle

occupe le rang intermédiaire, supérieure en fréquence à l'al-

ternance des altérations de nature différente et à l'absence

de toute réaction, inférieure à l'affaiblissement, elle arrive

néanmoins eu tête pour la débilité mentale et la démence.

V. - Comme chacun sait, on réunit sous la dénomination de

vésanies des états mentaux fort divers, voire même opposés,

qui forment quatre maladies mentales distinctes : lypémanie,

manie, double forme, systématique. Il serait intéressant de

rechercher les réactions de la peau dans chacune d'elles.

Nous allons le tenter, mais sauf pour la lypémanie, très fré-

quente dans nos services, nous avons eu à notre disposition

un nombre vraiment trop inférieur de malades. Toutefois

voici ce que nous obtenons :

ce

02

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r

S

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'S e

m

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>

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIENES. 197 7

Ce tableau montre que nous n'avons rencontré la dermo-

graphie ni dans la folié à double forme ou folie circulaire ni

dans la folie systématique; tous nos dermographiques étaient

des lypémaniaques ou des maniaques et plus souvent ceux-ci

que ceux-là, surtout pour la dermographie excessive, douze

fois plus fréquente chez ces derniers. Je le comprends pour

la folie systématique, forme essentiellement chronique dans

laquelle d'ordinaire le malade délire à froid avec toutes les

apparences physiques et psychiques de l'état normal. Je le

comprends moins pour la double forme composée comme on

sait de deux états aigus, maniaque et Iypémaniaque, qui se

succèdent. Comme nous n'avons eu que quatre sujets de cette

catégorie, peut-être sommes-nous tombés sur une petite série

exceptionnelle.

L'état normal est de beaucoup le plus fréquent dans la

folie systématique et l'emporte sur l'état anormal de 43 p. 100.

Le fait est d'autant plus significatif que pour l'ensemble de

toutes les vésanies, ce dernier est supérieur de 20,4 p. '100.

Dans la folie à double forme nous trouvons égalité de norma-

lité et d'anormalité et pour les deux autres catégories prédo-

minance de cette dernière surtout dans la lypémanie, ce qui

est dû à une assez forte proportion d'affaiblissement de la

réaction de la peau chez les mélancoliques que suivent à

2 p. 100 près les systématiques; d'ailleurs même pour les

deux autres catégories, manie et double forme, les écarts

sont aussi assez faibles, de telle sorte que si ces vésanies dif-

fèrent assez entre elles par les altérations en plus, elles n'en

diffèrent pas énormément par les affaiblissements. Plus mar-

quées sont les différences pour l'absence de toute réaction,

car nous n'avons noté cette anomalie ni dans la manie

ni dans la folie systématique ; nous l'avons trouvé un peu

dans la lypémanie, mais surtout dans la double forme.

Il en résulte que le minimum des altérations en moins est

dans la manie et la folie systématique et le maximum à peu

de chose près dans les deux autres. Quant à l'intéressante

particularité de l'alternance des altérations de nature opposée

nous ne l'avons constaté qu'une fois chez un lypémaniaque

qui eut de la dermographie après avoir présenté une réaction

au contraire affaiblie.

VI. - Il serait aussi bien intéressant de rechercher les

variations des réactions de la peau aux trois périodes de la

198 - CLINIQUE MENTALE.

paralysie générale et pour cela de suivre les mêmes sujets du

début à la terminaison de la maladie. Nous ne sommes mal-

heureusement pas en mesure d'apporter de tels éléments. Il

n'est pas, en effet, un seul de nos 38 paralytiques chez lesquels

- les recherches aient été opérées aux trois stades de la maladie.

De ces 38 malades, 14 sont restés à la première période,

12 à la seconde, 4 à la troisième ; enfin 5 ont passé de la pre-

mièré à la seconde période et 3 de la seconde à la troisième.

On voit par là combien est limité le nombre de nos sujets.

Néanmoins ceux qui sont toujours restés à la même période

ont eu les réactions suivantes de la peau.

" RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 199

aurons toutes les réactions de la peau que nous avons ren-

contrées aux trois périodes de la paralysie générale : soit

19 sujets à la première, 20 à la seconde desquels 5 figurant

à la première et 7 à la troisième desquels trois figurant à la

seconde.

Le tableau que nous obtenons par cette fusion est très net

et établit clairement que les altérations de la réaction de la

peau croissent parallèlement à l'évolution du mal.

200 CLINIQUE MENTALE.

par rapport à l'intermédiaire de 31,4 p. 100, d'où par consé-

quent par rapport à la première de 45,1 p. 100 ! En outre, le

seul sujet qui nous ait présenté de la dermographie excessive

était à la troisième période et des deux qui eurent de l'altér-

- nance de l'altération en moins et de l'altération en plus l'un

était à la phase intermédiaire et l'autre à la phase ultime;

pas un des 19 sujets de la phase initiale ne l'a présentée. -

Nous avons eu, malheureusement, trop peu de sujets à

notre disposition pour étudier d'une façon complète l'évolu-

tion de la réaction de la peau à toutes les périodes de la para-

lysie générale chez les mêmes malades. L'étude générale que

nous venons de faire nous prouve cependant que cette réac-

tion varie avec le passage du mal-d'une phase à une autre

phase plus avancée, puisque nous avons constaté une aug-

mentation progressive des altérations, toutefois il serait inté-

ressant de bien s'assurer des particularités individuelles, des

oscillations qui peuvent se montrer et qui existent il en juger

par le second de nos trois tableaux, car nous voyons là un

paralytique chez lequel la réaction complètement nulle à la

première période a reparu affaiblie à la seconde et une autre

qui après avoir présenté de la dermographie à la phase inter-

médiaire recouvrit la réaction normale à la phase ultime.

VII. -- Enfin nous nous sommes demandés si l'ûge n'aurai L

pas une influence marquée sur les réactions de la peau. C'est

la forte proportion d'altérations en moins dans la sénilité qui

nous a conduits à nous poser cette question. Voici ce que nous

avons trouvé (voir le tableau ci-contre) : '

Ce tableau, en dépit de quelques oscillations, si on l'envi-

sage dans son ensemble établit avec suffisance me semble-t-il il

que tandis que les altérations en plus ou dermographie aug-

mentent de fréquence de vingt à quarante ans pour décroître

ensuite et disparaître après soixante ans et que les alternances

ont leur maximum de fréquence de vingt à trente ans, puis

deviennent plus rares et disparaissent, elles, même après

cinquante ans. Les altérations en moins au contraire vont

constamment en augmentant avec l'âge et arrivent à leur

maximum de fréquence dans la vieillesse. Si nous entrons

dans le détail des altérations en moins absence et affai-

blissement de la réaction et dans le détail des altérations

en plus -- dermographie modérée et surtout excessive

nous trouvons encore là la confirmation des faits que nous

RÉACTIONS DE LA PEAU CHEZ LES ALIÉNÉS. 201 l

signalons. Nous laissons de

côté l'âge avant vingt ans,

car nous n'avons eu que

deux aliénés de cette caté-

gorie et un si petit nombre

de malades ne peut être pris

en considération. Quant à

l'état normal il nous fournit

un résultat inattendu. Certes

à toutes nos périodes de dix

en dix ans nous le trouvons

inférieur à l'état anormal.

mais dans notre tableau le

maximum de normalité se

montre aux deux extrêmes

de la vie, dans la jeunesse

et la sénilité, avant trente

ans et après soixante au'.

Dans un tableau précédent

nous avons vu, au contraire,

que chez les vieillards en

enfance la normalité des

réactions de la peau était

assez rare, celles-ci étant

dans la grande majorité des

cas altérées en moins. La

différence que nous consta-

tons tient à ce' que dans le

présent tableau figurent non

seulement nos 7 vieillards

en enfance mais tous nos

aliénés, épileptiques, hysté-

riques, paralytiques ou déli-

rants ayant dépassé soixante

ans ; aussi sont-ils ici au

nombre de 29. Il me semble

qu'il y a encore là un argu-

ment en faveur de la nature

névropathique des phéno-

mènes que nous étudions,

car les âges où on les ren-

202 RECUEIL DE FAITS.

contre le plus souvent sont précisément ceux des grandes

perturbations nerveuses. Remarquons aussi que sauf de trente

à quarante ans les altérations en moins l'emportent sur celles

en plus.

Nous arrêterons là pour le moment ces recherches en

renouvelant le voeu déjà émis qu'elles soient entreprises dans

un grand service de femmes aliénées. Les malades s'y prêtent

volontiers ; ils y voient un amusement, surtout si on les opère

sur plusieurs à la fois. Dans mon service il n'y a que quatre

aliénés qui s'y soient refusés d'une façon absolue et trois seu-

lement après s'y être prêtés avec bonne grâce n'ont plus

voulu continuer. C'est peu. On réunira ainsi des éléments

assez nombreux et assez variés pour autoriser des conclusions

fermes.

HECUE1L DE FAITS.

Grande hystérie, datant de vingt-cinq ans, avec

crises paroxystiques, fugues ambulatoires, hémia-

nesthésie, traitée par la resensibilisation pro-

gressive ;

Par M. le D' VIAL.

M. Louis C..., âgé de vingt-huit ans, jardinier.

Antécédents héréditaires. Mère hystérique et tuberculeuse ; a

eu neuf enfants, dont quatre sont morts en bas âge," dans les

convulsions. Du côté maternel, deux oncles, une tante et. deux

cousin ? qui bégaient. Rien du côté paternel .

Antécédents personnels. - Mauvais état de santé de la mère

pendant la grossesse de Louis; une crise d'hystérie au cinquième

mois; accouchement pénible. Louis, né à terme, élevé au sein

maternel, marche de bonne heure, parle et fait ses dents un peu

tard ; ne commence à rire qu'à l'âge de trois ans ; fait, tout jeune,

des bronchites à répétition. -

A trois ans, départ de la famille pour l'Afrique. Un mois après,

une table tombe sur Louis qui se met à bégayer à partir du len-

demain. Retour d'Afrique à neuf ans. A douze, première commu-

nion de Louis qui, le dimanche après, s'en va cueillir des poires

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PAROXYSTIQUES, ETC, 203

dans le jardin d'un voisin; il est surpris et frappé par le proprié-

taire, attiré par les aboiements d'un chien. Quelques jours après,

première crise d'hystérie avec perte de connaissance ; les crises

continuent pendant deux ou trois ans. De quinze à vingt-trois ans,

rien, sinon une bronchite à vingt ans. A l'âge de vingt-trois ans,

Louis, couchant une nuit dans l'écurie, est effrayé par les boeufs

détachés qui bousculent son lit ; quelques jours après, à propos

d'une dispute, il perd connaissance, se débat, et parle de l'effroi

que les boeufs lui ont causé. Il ne reprend conscience que quatre

heures après le début de la crise. Les crises durent quatre à cinq

ans encore, fréquentes, à retour presque hebdomadaire. Enfin, en

juin 1 ! jojo, Louis fait une fugue ambulatoire qui dure de quatre à

cinq heures, à la suite de laquelle une grande crise éclate. En

juillet, deuxième fugue avec crise également.

J'examine Louis fin juillet 1900 : c'est un hystérique qui a

présenté les accidents paroxystiques crises, fugues ambula-

toires, que nous venons d'énumérer et qui offre, comme stigmates,

de l'hémianesthésie droite, assez légère, de la céphalée, du rétré-

cissement du champ visuel droit, de l'anorexie. Son père, en me

le-présentant, insiste beaucoup sur son manque d'appétit, de

sommeil et surtout sur son mauvais caractère. Je traite Louis par

la méthode de resensibilisation de M. Sollier et je commence mes

séances le 4 août. J'ai travaillé Louis pendant près d'une année,

le mettant chaque fois en hypnose.

4 août. Je l'endors par fixation ; le sommeil vient au bout

d'une minute. Je lui fais sentir la jambe droite qui exécute des

mouvements de flexion et d'extension, le corps qui prend l'atti-

tude de l'arc de cercle, la tête qu'il fléchit et étend sur le cou.

Séance de 1/2 heure.

5. Répétition du travail de la journée du 4. Louis n'entend

que moi et pas du tout les personnes qui sont dans la chambre..

Séance de 1/2 heure.

6. Je commence la progression de la resensibilisatiou et lui

fais sentir la plante du pied droit. Le pied fléchit et s'étend sur la

jambe, la cheville craque, la plante brûle un peu. Les mouvements

de flexion et d'extension s'étendent à la jambe droite et à la

cuisse. Je constate en même temps quelques mouvements du

membre supérieur droit dont la main fermée exécute des mouve-

ments de supination très légers et isochrones de ceux du pied -)-1.

La plante brûle de moins en moins ; la flexion de la jambe sur la

cuisse s'accentue, ainsi que la supination dela main droite +. Les

craquements augmentent, la vitesse des mouvemenls s'accélère 4-

Ça se débloque le long de la partie interne du pied droit ? 'La

plante des pieds est libre, les fourmis ont passé.

' Le signe + signifie : sentez thivantagu. ,

204 RECUEIL DE FAITS.

Sentez les orteils du pied droit : mouvements de flexion et

d'extension des orteils- sur la plante. Les oscillations sont très

rapides, près de 100 à la minute. Léger tremblement latéral du

membre supérieur droit. De temps à autre, quelques mouvements

de flexion du membre inférieur. Les orteils sont libres au bout de

dix minutes. -

Sentez la peau du cou-de-pied : mouvements de flexion et

d'extension du pied et de latéralité des orteils + La peau brûle,

est pleine de fourmis-)- Quelques craquements dans la cheville +

Mouvements de flexion du pouce de la main droite, puis de tous les

doigts. - Cinq minutes après, la peau du cou-de-pied est réveillée.

Sentez le pied : mouvements assez étendus de flexion et d'exten-

sion,du membre inférieur droit et. très légers des doigts de la

main droite. Durée de dix minutes.

Sentez la cheville : craquements à chaque mouvement d'exten-

sion du pied sur la jambe -(-Mouvements très intimes de flexion

des quatre derniers doigts de la main et très étendus du pouce +

La cheville se débloque au bout de cinq minutes. -

Sentez la peau de la jambe : mouvements de flexion, d'exten-

sion, d'abduction et d'adduction de la jambe. Le membre supé-

lieur droit exécute des mouvements semblables et isochrones +

Le frottement du drap est perçu. Durée de dix minutes.

Sentez le mollet : mouvement de flexion et d'extension de la

jambe et de la cuisse. Le pied ne fléchit plus -(- Il y a des boules

dans le mollet, des noeuds; le tout disparait au bout de dix mi-

nutes. ' -

Sentez l'os de la jambe : mouvements de flexion et d'extension

aux membres inférieurs et supérieurs ? Louis se plaint qu'on

frotte sa jambe, que l'on ronge son tibia + Tout est libre au

bout de huit minutes.

Sentez le pied et la jambe : mouvements de flexion et d'exten-

sion des membres inférieurs et supérieurs. Au bout de cinq

minutes éclate une crise de contracture qui dure deux à trois

minutes et pendant laquelle Louis ne me répond plus. Kéveil

après soixante-quinze minutes de travail.

7. Sentez le genou droit : mouvements de flexion et d'exten-

sion de la jambe sur la cuisse, de pronation et de supination du

poignet droit. La peau du genou est comme raide -f- ll-y a des

noeuds dans l'articulation, qui craque et se débloque Cinq

minutes.

Sentez la peau de la cùisse : mouvements très étendus de flexion

de la cuisse sur le bassin -E- La peau est -un peu raide ? Mouve-

ments de rotation en dehors de la cuisse et du bras + La peau

pique un peu + Crise de contracture de trente secondes + Ce qui

était bloqué à la hanche a disparu après la crise, et la peau a

récupéré toute sa sensibilit ,

GRANDE HYSTERIE AVEC CRISES PARAXYSTIQUES, ETC. 205

Sentez la chair, les muscles de la cuisse : mouvements de

flexion et d'extension de la cuisse + Les tiraillements. les noeuds

disparaissent rapidement.

Sentez l'os de la cuisse : il est collé, dans l'articulation. Il

me fait mal. Il est libre.

Sentez les membres inférieurs : grands mouvements de flexion

et d'extension des membres inférieurs qui s'accompagnent de

mouvements de rotation du membre supérieur droit.

Sentez la hanche, les fesses, le bassin : mouvements alternatifs

de rotation et de propulsion du bassin. Le tronc participe aux

mouvements +-j- Tout est débloqué.

Sentez la verge et les testicules : Louis frotte avec la main droite

verge et testicules qui, bientôt après, ne brûlent plus.

Sentez le derrière : mêmes mouvements que pour la resensibi-

lisation du bassin + On le brûle z- Tout disparaît.

Sentez la main droite : mouvements de flexion et d'extension

des doigts qui piquent et qui brûlent. Le pouce reste presque

immobile, en demi-flexion.

Sentez le poignet : mouvements de flexion et d'extension de la

main sur l'avant-bras en demi-supination, les doigts à demi-

fléchis, sauf le pouce. Il y a de très légers mouvements extenseurs

de la jambe et du pied.

Sentez le membre supérieur droit : mouvements de flexion en

demi-supination et d'extension.

8. Sentez le membre supérienr droit : la percussion de la zone

d'hyperesthésie cérébrale du membre supérieur droit me produit

ceci : vous me frappez à la tête et je sens les coups que l'on me

donne sur l'épaule + L'épaule se débloque + La tète ne brûle

plus- L'épaule a récupéré sa sensibilité.

Sentez votre ventre : la peau brûle, on dirait d'une barre de feu

transversale passant par le nombril. Louis exécute une véritable

danse du ventre parles mouvements de projection qu'il imprime

aux intestins de bas en haut et en avant.

Sentez l'estomac : les mêmes mouvements se produisent, mais

très lents et décomposés en quelque sorte ? IL y a une boule là-

dedans -r-- Louis a deux crises de contracture qui durent quelques

secondes + Mon estomac est plein -E- C'est là qu'est tout le mal +

Louis lait des mouvements de projection en haut, esquisse l'arc

de cercle -f- Ne me mettez rien dessus ; il y a un poids qui me

pèse sur l'estomac et qui m'étouffe + Ça commence à s'élargir ?

Ça devient de plus en plus grand ? Ça se débloque + Je sens

l'air là dedans.

Sentez la poitrine : larges mouvements respiratoires.

Sentez le cou-j- Mouvements de salutation qui amènent rapi-

dement la restauration de la sensibilité récupérée très \ite égale-

ment pour les lèvres, les joues, les mâchoires, la Jangue, la

206 ' RECUEIL DE FAITS.

bouche. -Je réveille Louis, qui me dit : Il me semble que dans le

rêve, quelqu'un me demandait si c'était bloqué et je lui répondais

que tout était débloqué. Seulement, je ne sais pas qui me par-

lait.

9. Sentez votre nez : Louis renifle et ses lèvres exécutent des

mouvements de latéralité.

Sentez les oreilles : Louis entend du vent, du sifflement dans les

oreilles. Il fait entrer la tête entre les épaules. Crise de con-

tracture. après laquelle il dit : ne me touchez pas la tète qui

brûle (pariétal droit).

Sentez les paupières et les yeux : mouvements d'élévation du

frontal et du releveur de la paupière + Il me semble qu'il y a le

soleil + Ça brûle ? Je vois du feu à droite + A gauche, je vois

. clair + Je vois rouge + Jaune + C'est clair + Il n'y a plus rien +

Il semble que je vois Monsieur qui écrit + (Je prends ma montre).

Il semble que j'entends la montre ? Que vous écrivez avec la

montre avec la main gauche.

Sentez votre tête, votre cerveau : Ça me brûle sur la tète ?

Crise de mouvements toniques -f- Ma tête est toute souffrante +

Elle se partage en deux + Nouvelle crise + Ça brûle -i- Il y a un

chemin de fer dans la tète + Il siffle + Je suis au bord d'une

muraille + Je vais tomber -j- Je suis à côté du Vallon de l'Assas-

sin ? C'est jeudi + Je suis à Marseille, tout à l'heure je rêvais -(-

Ma douleur a disparu + Ma tête est plus libre ? Je sens de l'air

dans le cerveau qui est dégagé + Mouvements de salutation de la

tête et de rotation du membre supérieur droit + Vous n'avez pas

entendu ? quelque chose a fait clam ; ça a claqué dans mon cer-

veau + Il n'y a plus rien de bloqué.

10. Louis n'entend toujours que ma voix, mais entend aussi

le tic-tac de ma montre, le froissement de mon journal. Il me dit :

Je vois trouble, mais je crois que vous avez à la main gauche un

porte-plume. - Crise de contracture après laquelle il ne voit

plus ce que j'ai à la main, parce que quelque chose lui a claqué

dans la tète. Sentez votre tête : ma tête est libre + Mouvements

de salutation qui se terminent par une crise de contracture.

11. Interrogé sur les faits de la veille, Louis répond qu'il a

vu en rêve un bâton gros comme le bras le porte plume ; la

montre battait comme un réveil + Je retourne à la resensibilisa-

tion plus complète en commençant par les pieds. Puis, je l'endors

de 8 heures à 11, heure à laquelle je le réveille.

12, 13. - Continuation de la resensibilisation : Pourquoi bou-

gez-vous toujours la main droite ? Parce qu'il part un lil d'ici

(pariétal gauche) qui me brûle comme du feu, descend dans la

tête, sort de la colonne. suit mon bras en dedans et fait mouvoir

ma main.

Sentez l'oreille : j'entends le tonnerre Tout d'un coup, grand

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PARAXYSTIQUES, ETC. 207 7

soubresaut. On m'a arraché le pavillon de l'oreille, lequel est

hyperesthésié, ,

14, 16, 17. - Continuation. Le 17, j'arrive à la tête : elle est

bloquée, puis partagée en deux ; il y a un grand vide. Au sur et à

mesure que le cerveau se débloque (terme employé par le malade),

Louis fait des soubresauts. La disparition du fil brûlant de la main

droite s'accompagne aussi d'un soubresaut. Jusqu'à présent, Louis

n'est point encore entré en régression, sauf à un moment donné

où il médit qu'il est conscrit et tire au sortà Gardanne(févrierl896).

18. - Sentez votre cerveau : il y a toujours quelque chose de

bloqué (pariétal droit) + Le malade incline la tête sur le tronc et

fait une crise de contracture qui se termine par un soubresaut

lormidable -f- Encore un noeud qui a claqué + Il semble que

quelqu'un appuie fortement sur la tête et ça ne veut pas se déblo-

quer -Où êtes-vous ? Je ne sais pas + La tête me fait bien mal

- Crise de contracture et soubresaut : je suis soulagé -f- J'étais en

train de me promener dans la rue. J'ai sauté une muraille et je

suis content parce que j'ai frappé de la tête en tombant et quelque

chose s'est débloqué -j- Je suis à Caseneuve + La nuit, je me suis

effrayé de ce que les boeufs s'étaient détachés ? Après mon effroi,

je n'ai plus été le même + Je suis aux Brusques + Le lendemain

de mon effroi, en coupant des joncs, je ne voyais plus la terre ?

Huit jours .après, au jour de l'an, il m'a pris mal - Je ne sais pas

ce dne j'ai eu - Où êtes-vous ? 'Je suis aux Pennes. Quel jour ?

Je ne sais pas +Je vais travailler au Vallon de l'Assassin-)- Je tra-

vaille au potager -f- Le contre-maître m'a dit d'aller trouver un

médecin pour me guérir + Je suis à F ? mon cousin -(- \Ion père

me dit que le médecin va #venir -f- Soubresaut ? Je suis bien,

maintenant -E- Je viens de marcher beaucoup ? Je suis couché +

J'attends le médecin qui vient me voir-)- Ma tête travaille seule

+ Tout est en train de bouger là dedans -j- Soubresaut + Je sens

l'air de la fenêtre + C'est samedi + Il y a quelque chose de pro-

fond qui est encore bloqué.

19. Sentez votre cerveau : crise de contracture ? Tiens, F...

pousse ce baril -1- Je me lève, il me semble que je suis tout autre

que hier -j- Vous criez de bien loin ? Je ne sais pas où je suis +

Je ne suis pas à Marseille, je suis aux Pennes + Il y a l'automobile

de M. M... qui fait : teuf, teuf, tuf - C'est mercredi + Je ne sais

pas où je suis + Je me souviens de ma première communion, on

m'a tiré les oreilles, on m'a frappé z J'ai un un effroi + Il y a des

années de cela -f- Mon cerveau se réveille, puisque je me souviens

de loin + Cet effroi me donnait une douleur à gauche et me levait

le souffle + Je ne sais pas l'âge que j'ai + Crise de contracture ?

Le malade porte la main an flanc gauche --f- Levez-moi ça de

devant, ce chien qui me vient dessus + Je joue aux billes avec les

enfants ? J'ai 12 ans et demi + Nous allons te mener à Carry,ça te

208 ' RECUEIL DE FAITS.

passera + Nouvelle crise -t- Quand j'étais à Marseille, M. Vial me

faisait faire l'exercice des jambes et des bras et le côté me faisait

mal z- On me crie de loin -E- Il y a encore quelque chose de bloqué

dans mon cerveau -j-- Grand soubresaut "+ Un ou deux petits

soubresauts -1-- Maintenant, j'entends bien ? Il y a toujours dans

le fond de ma tête quelque chose qui est bloqué, mais c'est dur à

venir.

20. Dans la journée du 19, Louis a présenté de la confusion

mentale. Où êtes-vous ? Je ne sais pas. Quel âge avez-vous;

Je ne sais pas. Criez fort. Je n'entends pas. Sentez votre cer-

veau : je suis dans le bois, je me promène ? Charles, jouons aux

billes ; à une heure, nous irons à l'école ? Crise avec violente

douleur dans le flanc gauche et gestes pour éloigner le chien z

La tête me fait mal Je percute la zone hyperesthésiée (bord

postérieur du frontal droit) : Louis me dit qu'il sent des fils qui

descendent dans le côté gauche + Tu vois, F..., il me semble que

j'ai cinq ans aujourd'hui, je n'ai pas de soucis + J'arrive aux

Pennes avec F... + Quand nous sommes partis d'Afrique, il y a

cinq jours, les raisins étaient mûrs, ici ils ne le sont pas encore z

Voyez le bateau, comme il balance ! -)- Crise + Craquements dans

la hanche -f- Levez-moi cette table qui m'a rompu la tête + Crise

- i- La lable m'était tombée dessus - On me l'a levée + M. L...

dit que je ne suis pas mort z- Longue crise de contracture, dé

mouvements toniques avec nombreux craquements + Où je suis,

où je suis ? M. P.... tu vois, encore un peu, je mourais. Eh ! i

parle français. Ici, nous sommes Arabes.

A ce moment, je réveille Louis : il est plongé dans un étonne-

ment considérable, regarde tout autour de lui, prétend n'être pas

à Marseille ; il ne reconnaît personne, me prend pour le parrain

de sa soeur. Son corps est totalement anesthésié. Hier, me dit-il,

j'ai failli être tué par une table qui m'est tombée dessus. C'est six

heures du matin, je vais faire trainer des pierres aux tortues,

après quoi j'irai à l'école. La voix de Louis est enfantine. Je ren-

dors, le malade. + Tu me donneras une planche pour faire des

cages aux tortues + Tu sais, M. P..., que, le mois prochain,

nous allons en France ? + Eh bien ! adieu, nous allons en France

Le bateau balance + Tout le monde a mal au coeur et moi non

- (-Grand soubresaut + Ça a fait cloum à la tête ? Il y a là encore

quelque chose de bloqué, en arrière (à l'occiput) z- -f- Je viens

d'Afrique ? C'est le 15 juillet -f- Les raisins étaient mûrs là-bas,

ici non ? Nous allons à Marthe -f- Au mois de juillet, il fait

frais ici, là-bas très chaud + J'ai 12 ans et demi + Si je

savais où il est celui-là, je lui ferais bien la peau + Il y a un

chien là-bas + Soubresaut -j- Le chien est parti z Le côté ne me

fait plus mal + Maintenant que je suis guéri, je vais rester à

Montvallon + Je ne suis pas bien malheureux ? Je vais aux

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PAR ? YS'1'1()UEz, ETC. 109

plaines d'Arbois + Ça ressemble un peu il l'Afrique -f- Tiens,

mais vous êtes allé en Afrique ? -Oui, M. 1)...+Combieil voulez-

vous gagner ? -Je vais travailler un jour et vous verrez ce que je

sais faire. Quel âge avez-vous ? Dix-sept ans. Combien ?

trente francs. Que savez-vous faire ? Rien, parce que je sais

tout. Tiens, voilà un cigare. - N : li ! toi, eh ! bien ! on nous

dispute, nous, et toi, on te donne des cigares ! ? Soubresaut +

J'ai vingt ans -f- Je m'en fiche -(- Le mois prochain, je tire au sort

- Je tire au sort aujourd'hui +-Tu sais ? Je tirerai le numéro z

- Et j'ai tiré le 3 + Je vais à la préfecture passer le conseil de

révision + Alors, on a tué Carnot ? ? Votré feuille ? Voilà -(-

Défense de faire un complot ! + Pourquoi ? Je vous dis de

marcher, sans quoi je vous fous au clou -f- Dites, Monsieur le

gendarme, il est défendu de parler entre soi - Nous avons peur

du complot + Quelles réclamations ? Pieds plats, défaut de langue,

vue courte -(- Je vais rester chez G .. à la Noël, les autres partent

pour le service ? Les boeufs se battent ? Soubresaut ? Je vais

les attacher + Imaginez-vous, contre-maitre, ce qui m'est arrivé

cette nuit : (Et il raconte la scène); j'ai les jambes qui me trem-

blent depuis. Ce n'est rien, va z- C'est de la tisane, ce que

vous me donnez ? - Qu'as-tu : ' - Crise ? Vous ne me tiendrez

pas, je suis plus fort que vous ? Non, je n'ai pas bu ? On m'a

mené à Cavaillon, Saint-Henri, aux marchands d'herbes; M. Fe...

m'a donné l'adresse de M. Vial + Olt ! 01 ! Que te fait-on à

Marseille ? Je ne le sais plus + Il y a encore là-bas dans le

fond quelque chose qui n'est pas débloqué +l'on parler a changé,

tu es devenu fier ! Je suis le plus heureux, maintenant que je

suis mieux, et je m'en vais faire la cambette au roi !

21. - Pendant la journée du 20, Louis a eu des céphalées

intenses avec envie de dormir. Louis ? Pugnetta, Caraco :

A qui parles-tu ? A un petit Espagnol -j-J'ai trois ans demi z Mon

père s'appelle C... Ce soir, j'irai à votre maison-)- Crise, sou-

bresaut-Je demande à Louis ce qu'il a. J'ai mal à la tête +

Vous êtes M. l'instituteur. Je réveille Louis, qui me dit être

arrivé en Afrique depuis deux mois : J'ai trois ans et demi.

Vous êtes Monsieur l'instituteur; jesuisà à Ain-Turc ; je ne sais pas

encore lire et écrire. Je viens de France, des Pennes, banlieue de

Marseille. Je ne sais pas quel canton, vous demanderez à mon père,

en ce moment à la maison. J'ai eu le mal de mer. Je ne connais

pas celle'demoiselle, (sa soeur cadette, non encore née à l'époque

de l'arrivée en Afrique). Je n'ai qu'un frère, Marius

Je rendors Louis qui progresse jusqu'à son départ d'Afrique, puis

jusqu'à la journée de hier, 20 août ? Il y a quelque chose au

fond de ma tête qui ne veut pas se débloquer -j- Louis me fait nne

légère régression + Je sens bien ma cervelle, mais quelque chose

est attaché ici dedans (protubérance occipitale externe) + Pro-

AnclllvEs, 2. série, t. XIII. 1 f

210 RECUEIL DE FAITS.

gression jusqu'à aujourd'hui + + Le cou me fait mal. -Eh !

bien, ne le remuez pas. - Mais il bouge tout seul. - Je le

réveille.

Dans la journée, Louis a vécu, quoique à l'état de veille, sa

personnalité de l'âge de trois ans. Cette régression, il est vrai,

était entrecoupée de nombreuses progressions jusqu'à l'heure

actuelle, mais fugaces et de peu d'intensité. Louis s'est amusé

presque tout le temps aux billes, a demandé aux passants des

sous pour aller s'acheter des bonbons. Le soir, au coucher, il a

crié, trépigné, parce qu'on le priait d'aller se reposer.

22. Louis revit sa personnalité de l'âge de trois ans : Oui.

maman, un peu de pain. Ne monte pas sur la chaise, tu vas

tomber. N'aie pas peur. - La table tombe. -Soubresauts.- Il

est mort ! -Crise. - Soubresaut. Tu ne t'es pas fait mal ?

Non. -Louis se met à bégayer. J'ai frappé fort de l'échine, elle

me fait mal. - Mouvements de réveil, d'étirement, en arc de

cercle. - Vous ne lui avez pas fait boire du tilleul chaud ? Oh !

non, je lui ai fait le charbon. <

Puis. il progresse, raconte les faits saillants de son séjour en

Afrique, son départ, son arrivée à Marseille, etc., fait enfin une

procession bien suivie. A la fin, il me prend la main et me dit :

Je n'ai plus rien et je suis bien.

23. -Sentez votre cerveau : Tout est libre, rien n'est bloqué +

Mais si, il y a encore quelque chose tout à fait petit, collé là (en

avant des pariétaux, de chaque côté de la suture médiane), -}-

Crise, soubresaut -(-Tout est parti + Crise, régression jusqu'à la

journée de hier -j- Crise pendant laquelle on entend des craque-

ments des articulations du membre inférieur - -f- Toute la tête

me fait mal -j- Si vous saviezlestortures qu'il y a là-dedans ! -(-Crise

+ J'ai vingt-sept ans et demi + La tête me fait mal toute+ Grands

soubresauts ? Vous n'avez pas enteudu ? Un coup de fusil, il m'a

partagé la tête qui, maintenant, ne me fait plus mal +En dedans,

il y a quelque chose qui me pique les yeux. et qui part de la

nuque -)-+-+ Crise, petit soubresaut + Il y a quelque chose qui

s'est cassé là-dedans (nuque), les yeux ne me font plus mal +

Crise z Louis ne m'entend plus, parle des mouches d'Afrique,

fait une nouvelle régression jusqu'à la journée de hier + Mainte-

nant je me souviens de tout z- Il y a encore quelque chose là-bas,

au fond, fond (bulbe ? ) qui est encore bloqué + Louis ne m'entend '

plus-)- Grand soubresaut + Ça a fait bonm, c'est débloqué; si je

ne m'étais pas tenu au lit, j'aurais sauté sur le plancher + Il y a

encore des fils qui partent de la nuque pour aller aux yeux +

Vous n'entendez pas ? Le chemin de fer siffle beaucoup + Vous

criez de bien loin + Crise + Grand soubresaut + Vous n'avez

pas entendu ? Ça a fait boum z Tout a passé -J'ai encore un

petit ennui, loin, loin, là-bas derrière + Il y a toujours un fil qui

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PARAXYSTIQUES, ETC. 211

tient dans le bras + Grand soubresaut avec rétraction du bras +

Tout est débloqué. ·

. Dans la journée du 23, Louis se 'plaint de céphalée. Je l'endors,

il régresse jusqu'à trois ans et progresse rapidement iusqu'à vingt-

sept ans et demi.

24. Tout est débloqué. Je lui fais réveiller son corps en entier.

Louis ouvre les, yeux tout seul au bout de six minutes. ,

25. La journée du 24 a été bonne. Je fais à Louis du réveil

général. Il ouvre les yeux au bout de deux minutes, mais avec un

soubresaut : ça a fait poum (à l'angle externe de l'oeil droit).

27. Louis se plaint d'avoir les pieds, l'épaule droite, la tête

bloqués. En récupérant sa sensibilité, il- régresse jusqu'à l'âge de

trois ans, fait pendant près d'une minute une paralysie de tous

les muscles de la langue qui tombe en arriére dans le palais. puis

progresse rapidement,.

28. - Hesensibitisation générale. La langue se paralyse encore

et Louis est en imminence d'asphyxie; mais il appuie fortement

la main sur son pariétal droit, glisse sur la joue et le cou jusqu'au

lannx. Aussitôt tout se débloque, dit-il, par un claquement pro-

duit à la base de la langue. Régression jusqu'à l'âge de trois ans

et progression rapide.

29. Insensibilisation progressive. Lorsque nous arrivons à la

région lombaire, Louis se plaint des reins qui se sont coupés en

deux, de l'épine dorsale qui s'est cassée; il exécute quelques

mouvements en arc de cercle, fait deux soubresauts et tout rentre

dans l'ordre. .

30. Louis assiste à l'enterrement de sa mère. Après la céré-

monie funèbre, il fait une crise de grande hystérie.

1er septembre. Endormi, Louis me raconte ce qui s'est passé

la veille. Resensibilisation progressive. La restauration de la sen-

sibilité de l'estomac est le signal d'une régression jusqu'à l'âge de

trois ans, suivie bientôt de progression. La langue se paralyse

toujours.

2. Séance de réveil général.

Travail identique à celui de la journée du Ier septembre.

4. Réveil général, puis progressif. Au début, Louis me dit

spontanément que depuis la mort de sa mère, dès qu'il se couche

le soir et ferme les yeux, il se sent étouffé, a chaud, puis voit et

entend sa mère avec laquelle il cause. Je commence le travail sans

me préoccuper, en apparence de ce qui vient de m'être dit et

lorsque Louis en arrive à la resensibilisation de la tête il ne m'en-

tend plus et présente de l'anesthésie du front et du cuir chevelu.

11 dort d'un sommeil qui semble naturel. Au bout de deux minutes

environ, il fait un léger soubresaut et se met alors à converser

avec sa mère. Cette dernière l'appelle, il répond ; ils causent tous

deux pendant quelques minutes. J'ordonne à Louis de sentir

212 1-) RECUEIL DE FAITS.

davantage son cerveau : il fait jouer son frontal qu'il contracte

pendant quelques secondes, chasse des mouches qui s'étaient

posées sur son front pendant son hallucination hypnagogique,

je constate alors que l'anesthésie a disparu, étire ses membres,

se frotte les yeux et me dit : Oh ! il fait chaud, vous savez; il me

semble que je viens de rêver; j'étais mal. Il' Unit enfin par se

réveiller spontanément.. .

Je ne pouvais laisser échapper l'occasion qui s'offrait à moi de

saisir sur le vif le mécanisme d'une hallucination hypnagogique.

Je rendors mon malade non anesthésié du front et du cuir che-

velu. Je lui demande s'il voit et entend sa mère ; il me répond que

non. Je lui ordonne alors de sentir de moins en moins son cerveau

et je puis constater que l'anesthésie de la peau du front et du

cuir chevelu va en s'accentuant jusqu'à un moment donné, où

Louis reprend sa conversation avec sa mère. Au bout de quelques

minutes, je fais récupérer la sensibilité du cerveau : Louis me dit

- qu'il sort d'un rêve pendant lequel il a vu sa mère avec laquelle il

a pu causer; quelques instants après, il se réveille spontanément.

5. - Louis n'a plus présenté d'hallucination hypnagogique.

Réveil général.

0, 7, etc. Séances de réveil progressif.

15. - Louis me raconte qu'il sort d'un autre monde ; il lui

semble que les souvenirs des trois années passées lui manquent ;

souvent il ne reconnaît plus son monde : bref, il est ennuyé. Je

l'endors très facilement et le resensibilise progressivement. A la

restauration de la sensibilité de l'abdomen, Louis l'ait une crise de

contracture qui amène une régression jusqu'à l'âge de douze ans.

Louis me mime à nouveau la scène du chien, puis il progresse

jusqu'à hier, 14 septembre. Il sent qu'il a quelque chose de bloqué

en arrière du pubis et c'est ce qui l'ennuie : je le lui fais sentir

fortement et tout se dénoue. A la resensibilisation de l'estomac,

Louis prétend qu'il est blessé, puis me raconte qu'à dix-sept ans,

il a reçu un coup de pied de mulet au creux de l'estomac. -+-

C'est collé là -f- Soubresaut avec cri de douleur ? Si vous saviez

les douleurs atroces qu'il y a là-dedans ! ? Grand soubresaut ?

Je ne souffre plus; il me semble qu'on m'a déchiré le creux de

l'estomac ; auparavant, quand le temps changeait, qu'il faisait

froid, ce coup me faisait mal. Je marchais courbé à cause de la

douleur ; maintenant je me tiens bien droit. Sentez la poitrine,

les bras : le bras droit est encore un peu imbécile + Le coude est

encore bloqué -E- Tout se débloque. + Sentez la face, la langue :

paralysie de la langue -f- Soubresaut ? Régression jusqu'à l'âge

de trois ans + .+ Progression avec rappel des divers incidents de

douze et vingt-trois ans --+- + Oh ! la mémoire est bonne, mainte-

nant, je me rappelle tout mon rêve, parce que, tout à l'heure, en

sautant, ça m'a claqué là (en avant des pariétaux) et je me

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PARAXYSTiQUES.KTC. 213

suis tout d'un coup rappelé. Il y avait là deux fils; l'un partait

des oreilles et des yeux à droite et allait jusqu'à l'estomac; l'autre

partait du côté gauche de la tête, passait derrière l'épaule et

venait au flanc gauche. On m'a tiré les deux fils, j'ai fait un

soubresaut et je me suis réveillé en me rappelant. Sentez les

yeux, les oreilles, la tête : rien n'y est plus bloqué. - Réveil

général.

22. Resensibilisation générale + En remuant le ventre, il me

semble que je recule très loin de vous, que mes mains sont grosses

et pèsent beaucoup. Tout mon corps grossit -j- Soubresaut.

Quelque chose s'est cassé au nombril qui me correspondait en bas

(aux testicules.) Il semble qu'on m'a lancé un coup de couteau

au nombril; tout à l'heure, le fil qui me tirait me faisait délirer

z Soubresaut ? Un peu d'air frais a passé qui m'a soulagé; je

suis tout à fait bien. Sentez l'estomac : il me semble qu'il y a,

depuis samedi passé, un feu qui me monte au gosier et j'ai bu

beaucoup ? Je recule et je grossis + Je souffre beaucoup -(- Lé-

gers soubresauts -f- Louis ne m'entend plus -j- Il me dit qu'il ne

m'entend pas + Grand soubresaut .-f- Louis me répond + Quel-

que chose s'est désemparé en dedans de l'estomac ? J'ai diminué

de volume. - Sentez la poitrme, la face, les lèvres, les mâchoires,

la langue + Louis entre en crise -)- La langue se paralyse -j-

Louis m'explique sa paralysie par ce fait qu'un fil qui part de la

base de la langue tire sur la pointe ? Régression jusqu'à l'âge de

trois ans et demi -(-Nombreux soubresauts-)- La table est tombée

la veille + Grand soubresaut -j- Je, rêvais que j'étais en Afrique,

que je parlais aux Arabes, à l'instituteur, j'entendais l'instituteur

qui médisait de remuer la langue. Sentez les yeux : j'ai som-

meil, les yeux comme fatigués + Il tonne, il pleut, vous n'entendez

pas ? ? Soubresaut léger -j- Il s'est désemparé quelque chose au

devant du front-)- Les yeux ne me pèsent plus-(-Urne semble qu'il y a

quelqu'un d'étranger avec vous (M. L.-A. qui est entré depuis dix

minutes) J'en suis sûr, il vient de bouger le bras. Tout à l'heure,

je l'ai vu, il me semblait que j'avais les yeux ouverts. M. L.-A.

parle à Louis qui l'entend et lui répond. - C'est à l'odeur que j'ai

reconnu la présence de Monsieur. Sentez l'oreille : Soubresauts

+ On m'a arraché quelque chose dans l'oreille. Sentez votre

tète : Régression immédiate jusqu'à l'âge de trois ans ? Au bout

d'un quart d'heure, grand soubresaut ? J'étais encore dans le

néant, dans le rêve + Maintenant je suis à Marseille, chez vous.

(Madame Vial entre). Il me semble, dit Louis, qu'il y a une,

dame là-bas -j- Je ne la vois pas + Mon idée me le dit + Je ne

l'ai pas entendue, ni vue, je l'ai sentie. (Madame Vial sort) : la

dame a disparu, je ne la sens plus. (Madame Vial et son fils

Georges entrent) : Nous sommes cinq, je le sens. (Georges se

cache) : je ne vois plus que trois personnes, mais je sens que nous

214 RECUEIL DE FAITS. ,

sommes cinq. Sentez votre tête ? --1- Soubresaut ? Il s'est

débloqué quelque chose là (pariétal droit) Combien y a-t-il de

personnes dans la chambre ? (Nous sommes toujours cinq.) -

Nous ne sommes que nous deux. Au bout d'un instant, Louis

compte 1, 2, 3, 4, 5, puis fait un soubresaut et me dit que ça s'est

débloqué là (en avant des pariétaux). -- (Madame Vial sort) ; je

demande à Louis le nombre des personnes présentes dans la

chambre (nous sommes quatre). Louis me répond : maintenant

nous ne sommes que no s deux et, après un réveil général, ouvre

les yeux spontanément.

27. Resensibilisation progressive : crises à la restauration de

la sensibilité de l'estomac, de l'oreillle. Régression jusqu'à

t'age de trois ans; progression. Paralysie de la langue avec

soubresaut Grande hyperesthésie du cuir chevelu Crise à la

resensibilisation du cerveau. Réveil spontané.

A partir de ce jour jusqu'au 10 janvier, j'ai travaillé Louis

une fois par semaine et, au sur et à mesure, les crises de

contractures, de mouvements toniques, les soubresauts, la

paralysie de la langue sont allés en diminuant de quantité

' et d'intensité. Je dois toutefois signaler que le 24 décembre,

Louis resta paralysé de la langue, sans pouvoir respirer,

environ, je crois, une minute. La tête tomba sur l'épaule

droite, le pouls ralentit considérablement, la face pâlit et je

fus obligé de saisir la langue avec une pince et de faire des

tractions rythmées (7 à 8). Le malade fit un soubresaut et

continua sa resensibilisation. Je suis persuadé et reste con-

vaincu que sans mon intervention, Louis serait mort sous

mes yeux. Vers le 20 janvier, Louis s'est plaint de violents

maux de dents. Lorsque je suis arrivé à la resensibilisa-

tion de la mâchoire, les souffrances du malade paraissaient

atroces. Le simple frôlement de la zone hyperesthésiée du

cuir chevelu correspondant aux maxillaires droits arrachait

au patient, qui pleurait, des cris aigus. Mais en appuyant l

fortement mon pouce sur la zone d'hyperesthésie, je calmais

la douleur qui reprenait plus intense à la cessation de la

compression. La percussion légère de la même zone reten-

tissait avec violence dans la mâchoire. J'ordonnais de plus

en plus à Louis de sentir, de réveiller ses mâchoires, Ses

dents et, malgré quelques timides protestations, Louis

m'obéissant vit bientôt sa rage de dents se calmer comme

par enchantement. Par deux fois, en deux séances consécu-

tives, j'ai été le témoin des mêmes souffrances et du même

GRANDE HYSTÉRIE AVEC CRISES PAROXYSTIQUES, ETC. 215

résultat produit par la resensibilisation. Depuis, Louis ne

s'est plus plaint des dents.

Il me reste enfin à dire un mot du dernier accident de

février 1901, de la crise de contracture que mon malade fit t

en récupérant la sensibilité du bas-ventre. En février, Louis,

qui est ectopique testiculaire gauche, se plaignit pour la

première fois d'une zone d'hyperesthésie au niveau de son

anneau inguinal gauche avec retentissement douloureux

dans les organes génitaux et le périnée. La resensibilisation

amena rapidement la sédation de la douleur et, deux séances

- après, la disparition totale de tout phénomène hystérique à

ce niveau.

Depuis, j'ai travaillé encore six ou sept fois Louis ; je n'ai

jamais plus observé un accident quel qu'il soit. J'ai fait

faire à Louis du réveil général et voici ce que j'ai obtenu :

Louis se sent revenir d'un autre monde; il vit une vie

nouvelle qu'il n'avait jamais soupçonnée, une vie d'action

consciente, pleine de joie, parce qu'il sent les forces lui

revenir, parce qu'il se donne tout entier au travail. 11 a

quitté son caractère sombre, méfiant et sympathise tous les

jours davantage avec ses voisins. Son caractère a donc bien

changé, et son intelligence semble s'être ouverte à une nou-

velle compréhension des choses. Je me hâte d'ajouter que

l'on ne peut plus déceler, à l'heure actuelle, chez mon

malade, un accident pas plus qu'un stigmate d'hystérie.

Voilà donc vingt-cinq ans que mon sujet était malade :

en moins d'une année j'arrive, grâce à la resensibilisation,

à la disparition complète de toutes les manifestations de la

grande névrose. Je crois, dans ces conditions, faire oeuvre

utile par l'apport de mon modeste travail, tout d'expéri-

mentation et d'observation, pour montrer, qu'en me plaçant

dans les mêmes conditions que M. P. Sollier, j'arrive aux

mêmes résultats, féconds en enseignements de tous genres,

et pratiques avant tout, puisqu'ils nous permettent la gué-

rison de l'hystérie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Les aliénés criminels; par le D1' Lentz. (bill. de la S'oc. de

' Jléd. ment, de Be1gique, mars 1901.)

Etude statistique et clinique basée sur l'observation de 485 alié-

nés criminels qui sont entrés dans les asiles de Froidmont et de

Tournay, du l" janvier 1875 au 31 décembre 1899.

II. Le mouvement italien moderne en faveur du traitement et de

l'éducation des anormaux de l'intelligence. (l3ull. de la Soc. de

Méd. ment, de Belgique, mars 1901.)

Cet article n'est qu'une traduction par le Dr Ley d'un travail de

Tamburini paru dans la Riuisla sperinzentale di Frenatria, vol XXV,

fasc. 2.

III. L'idiotie et l'imbécillité chez les enfants; par Louise BOBINO-

vitcii. (jours. de Neurologie,. ,1901 , n° 12.)

L'auteur relate un certain nombre d'observations qui tendent

à prouver que l'alcoolisme des parents est le principal facteur étio-

logique de l'idiotie et de l'imbécillité 1. G. D.

IV. De la rareté et des causes de la paralysie générale dans le

canton de Fribourg; par le Dr Hémy. (Reu. méd. de la Suisse

Romande, 1901, n° 6.) '

L'auteur, qui est médecin-adjoint de l'asile de Marsens depuis

vingt-trois ans, a constaté que la paralysie générale y était très

rare. Dans les cinq dernières années, il n'en a relevé que 12 cas,

dont 9 chez des hommes et 3 chez des femmes.

Pour expliquer cette rareté de la paralysie générale, le Dr Remy

invoque la vie passive, exempte de surmenage des habitants de

Fribourg et du Valais qui peuplent en majeure partie l'asile de

Marsens. Si la syphilis est rare dans cette partie de la Suisse, les

excès alcooliques y sont très communs, l'auteur en conclut que,

pris isolément, ces deux facteurs sont insuffisants pour engendrer

1 On trouvera de nombreux documents sur cette question dans les

21 volumes de nos Comptes rendus du service des enfants de Bicêtre. (B.)

- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 3)7 ï

la paralysie générale. Cette affection serait due surtout aux excès

de toutes sortes et au surmenage qu'apporte avec elle la civilisa-

tion. ' G. U.

V. Contribution à l'étude des rapports de 1 impaludisme et de la

paralysie générale; par MARANDON de 10,NI'YEL. (Revue de méde-

cine, novembre 1900.)

Les huit observations que rapportent l'auteur portent sur plu-

sieurs années de recherches. Chez ces malades, la paralysie géné-

rale se trouvait liée soit zv l'impaludisme aigu, soit à l'impaludisme

chronique. L'intoxication palustre semble avoir hâté, d'une façon

notable la marche de la maladie, des accès paludiens ayant sou-

vent correspondu avec une recrudescence de la paralysie générale.

A noter que ces malades étaient tous jeunes (la plupart moins de

trente ans). Dans quelle mesure le paludisme a-t-il provoqué

l'explosion des signes paralytiques.

Bien que le rapport semble évident, il est assez difficile à déter-

miner ; tous les malades étant des syphilitiques avérés, sauf un

chez qui on n'a pu trouver d'autre antécédent que le paludisme.

Mais ce cas unique n'est pas suffisant pour conclure que l'infection

paludéenne peut à elle seule produire la paralysie générale et c'est

à l'avenir d'éclaircir cette question.. M. Il.

VI. Sur quelques problèmes en aliénation mentale; par F. PETER-

son. (NelV-Yol'(Med, Record, 3 juin 1899.)

L'auteur préconise la réorganisation des services d'asiles dans

' le sens de la suppression des garderies et de la constitution des

cliniques de traitement type Giessen, avec organisation parallèle

de colonies pour chronique, type Ghel et Altscherbitz fermes.

' A. Marie.

VII. Folie puerpérale; par W. Ilmscu- (A'eM)-t'o;7; Médical Record.

6 janvier 1900 )

L'auteur nie l'entité clinique de la folie puerpérale.

Les diverses psychoses coïncidant avec la grossesse n'ont rien

de spécial à cet état. L'accouchement peut en certains cas être un

des facteurs étiologiques de la folie, son importance n'est pas prou-

vée ; on ne doit donc pas provoquer l'avortement préventif de la

folie puerpérale. -

Aendant le travail, les troubles mentaux transitoirs rappellent

l'épilepsie psychique. Les psychoses éventuelles peuvent suivre le

traumatisme d'un accouchement laborieux, l'anémie posthémor-'

ragique, l'infection, l'urémie, l'épuisement de la lactation. Les

218 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

signes cliniques sont ceux du délire aigu pouvant s'amender

bientôt ou conduire à un psychose secondaire ordinaire. Prédispo-

sitions nerveuses fréquentes. A. M.

VIII. Confusion mentale; par V. Orz r GiQUP : RDO. (Révista de Méd.

. y cin. pract., n° G63.)

L'auteur relate un cas très typique de confusion mentale survenu

au cours d'une convalescence avancée de typhoïde. L'affection

mentale fut traitée et guérie complètement en trois mois dans la

famille même du malade. M. Otz plaisante très amicalement et avec

beaucoup d'esprit le prurit de classification et de nomenclature

des aliénistes », et se demande quel diagnostic aurait posé tel ou

tel maître devant son malade ? Chaslin, Séglas ou Gombault

auraient dit confusion mentale; Lasègue aurait dit mélancolie per-

plexe ; Dagonet ou Baillarger, stupeur; Régis, psychose par auto-

intoxication ; Magnan, psychose dégénératrice à forme lypéma-

niaque. Comment un praticien de clinipue générale pourra-t-il

choisir ? En tout cas chacun aurait traité le malade et l'aurait guéri

de la même manière, c'est là l'essentiel. M. Otz penche vers les idées

de Magnan tout en se servant du terme de confusion mentale.

F. 13. ,

IX. Mort par thrombus multiples d'origine bactérienne chez un

paralytique général; par D' H.-L. Berkley. (The americarz jour-

nal oflnscanily, 1900, p. 37-45.)

A l'autopsie, on trouve dans un grand nombre de vaisseaux des

méninges et de l'écorce de petits thrombus : au centre un amas de

globules rouges et blancs, enfermant des colibacilles et entouré de

fibrine. Ils sont antérieurs à la mort. L'auteur a de plus coloré des

coupes de l'écorce cérébrale et cérébelleuse, et décrit les lésions

qu'il a observé. Smoh.

X. Le suicide et son accroissement; par J. STYLES. (The ameniez

journal Lasarzit, 1900, p. 97-102.)

L'auteur conclut de diverses statistiques que la loi est inefficace

contre le suicide, que la condition sociale a peu d'influence, que

la religion en a peut-être une, et le mariage certainement. Les

raisons morales auraient plus de pouvoir que les mesures légales.

Une prédisposition au suicide peut être héréditaire et diminuer

la résistance de l'individu aux influences qui le sollicitent.

SIMON.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 219

XI. Dégénérescence; pal' ÛRPHEUS Everts. (The anteriecan journal

of Iiis(i211ty, 1900, p. 117-12a.)

Considérations inspirées de la métaphysique de Spencer, avec

la cause de la dégénérescence et la difficulté d'y remédier.

SDION.

XII. Trois cas de paralysie générale chez des femmes jeunes; par

W.-L. Worcester. (The american journal of Insattit ? 1900,

p. 127-136.) -

Observation I. Début à quinze ans. Père syphilitique. Soeur

paralytique générale à dix ans, morte à dix-sept. Mort à dix-neul

ans de tuberculose pulmonaire. Autopsie : lésions peu avancées;

poids de l'encéphale : 885 grammes.

Observation IL Mulâtresse; début à dix-neuf ans, peu de

temps après un traumatisme dans la région occipitale. Père alcoo-

lique ; mère ayant eu plusieurs fausses couclies. Morte à vingt-

deux ans après des convulsions. Lésions avancées; poids :

8j5 grammes.

Observation III. Admise à dix-huit ans avec le diagnostic de

manie aigué. Morphinomane. Renvoyée, puis réintégrée à vingt et

un ans, Démence rapide. Mort de tuberculose pulmonaire à vingt-

deux ans. Lésions de la paralysie générale. Poids : 815 grammes.

Les cerveaux des paralytiques généraux, pesés dans les mêmes

conditions, descendent rarement au-dessous de 1000 grammes. Il

parait y avoir eu, dans les trois cas, en dehors de l'atrophie, arrêt

de développement ou exiguïté congénitale 1. SIMON.

111. Les dégénérés dans l'armée; par Chus WOODRLFF. (The AmcrÙ'an

Joltrnal of Insanity, p. 131-142, 1900.)

Les dégénérés sont rares dans l'armée parce que la plupart ne

satisfont pas à l'examen médical. 11 s'en glisse pourtant et ils sont

en général innisciplinés ou désertent. L'auteur en cite une dizaine

de cas où il a noté de nombreux stigmates d'ordre physique.

SI%ION.

XIV. Stigmates de dégénérescence. Cas d'Amos D. Palmer; par

Walter Cnausslvc. (The anterican Journal of lnsanity, 1900, p. 614-

624). -

Ces deux articles représentent ensemble une observation des

1 Ces faits sont à rapprocher de ceux qu'a communiqués M. Devay au

Congrès des aliénisles et neuuologisles de Limoges. (Archives de neuro-

logie, 1901, p. 000.) 1

220 0 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

plus complètes du cas d'Amos D. Palmer, imbécile épileptique,

resté ignoré comme tel grâce aux soins des siens et à sa fortune,

jusqu'à ce que le meurtre de sa femme attirât l'attention sur

lui. Le premier article rapporte tres en détail l'histoire antérieure

du malade, l'épisode du meurtre, l'amnésie, de celui-ci par le

meurtrier; discute la question s'il y a réellement amnésie, si celle-

ci est de nature alcoolique ou épileptique...; l'auteur passe en

revue à ce sujet ce qui a été décrit de l'amnésie rétrograde épi-

leptique : les opinions de Ribot, Féré, Alzheimer, etc., rapporte

enfin les conclusions des experts et le jugement porté : non cou-

pable pour cause de folie. Le second article comprend une descrip-

tion très détaillée, région par région, des stigmates de dégénéres-

cence rencontrés chez ce malade et vient ainsi il l'appui du pre-

mier. Smou.

XV. L'étiologie de la paralysie progressive; par le professeur

li. v. KRAFFT-ËBiNG; traduit parle D1' W. Alfred CORN. (The mne-

j'ican Journal of Insanity, 1900, p. (jI¡5-ûû8.) , ,

Deux mots résument l'étiologie de la paralysie : syphilis et civi-

lisation, et le traitement de la maladie vénérienne est insuffisant

à en prévenir le développement. Un seul mode de prévention :

davantage de moralité. SI\ION

XVI. Faits communs à la neurasthénie et à la folie : leur base

commune et leur commun traitement; par G.-W. Foriek. (The

American Journal of Insanily, 1900, p. 396-417.)

L'auteur donne d'abord des citations de Gowers relatives aux

rapports de l'hystérie, de l'hypocondrie et de la neurasthénie avec

la folie. Il rappelle l'opinion de Griesinger que le premier stade de

la folie est souvent un stade mélancolique. Puis après ces tableaux

cliniques qui montrent la 'ressemblance, il se demande ce qu'ap-

prennent plus spécialement sur elles les études de pathologie cel-

lulaire. Ce qui l'amène à passer en revue les méthodes et recherches

de Nisl, Hodge, Vas, Lugaro, Marinesco, etc. sur la chromato-

lyse, par intoxication et autres causes, le mode et la durée de

réparation des lésions, etc. Or, hystérie, neurasthénie, folie, ne

font que traduire ces désordres au dehors et les diverses étapes de

la maladie correspondent aux divers degrés de dégénérescence cel-

lulaire. L'application pratique est ainsi : faire dans les premières

années de la vie un système nerveux fort; soigner la maladie dès

le début, puisqu'il n'y a alors que trouble fonctionnel; nécessité du

repos et puissance des distractions actives; éviter les narcotiques

chromatolytiques; prolonger le traitement quatre-vingt-dix jours

au moins, temps nécessaire expérimentalement à la réparation des~

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 221 1

désordres cellulaires. Et, pour assurer un tel traitement, qui n'est,

à l'heure présente, accessible qu'aux riches, créer des institutions

spéciales avec admission volontaire et nécessite d'y rester trois

mois. A l'appui des idées exposées et des résultats du traitement

préconisé, tableau résumant les effets obtenus dans 53 cas. Simon.

XVII. Diagnostic différentiel des états paralytiques et pseudo-

paralytiques ; par. Arthur-W. IIURD, (1'ha Amcl'iaan Journal of

llasanily, p. 419-430.)

L'auteur indique d'abord comme raison de la ressemblance des

états paralytiques et pseudo-paralyticlues l'existence d'une dia-

thèse, d'un terrain commun prédisposant aux manifestations para-

lyliques. Accroît aussi la difficulté du diagnostic la modification

que parait subir la paralysie générale depuis une dizaine d'années,

se traduisant par des processus mélancoliques ou démentiels plu-

tôt que par des idées de grandeur. Après ce préambule, l'auteur

établit les diagnostics différentiels de la paralysie avec les affec-

tions suivantes : alcoolisme chronique et syphilis cérébrale, assez

en détail ; puis, plus brièvement : fatigue nerveuse profonde des

travailleurs de la pensée, manie aiguë, tumeurs cérébrales,

démence organique, sclérose disséminée et ataxie locomotrice,

sénilité, crises de manie chez des sujets ayant antérieurement

quelque vice d'articulation, saturnisme. Sa conclusion est qu'il

faut être extrêmement réservé quand les parents réclament

un pronostic, et que le temps (l'évolution) est l'aide le plus pré-

cieux et l'élément le plus important pour le diagnostic. Smo.

XVIII. Pathologie générale des maladies mentales; par Henry-J.

13EIIKLEY. (The E1 naericuv Journal of lnsanity, 1900, p. 45 i-499.)

Extrait d'un traité des maladies mentales de l'auteur, actuelle-

ment sous presse. Idées générales sur les deux grands groupes

de désordres mentaux : fonctionnels, à guérison fréquente; et

types de dégénérescence organique, sans espoir d'ailleurs à

limites floues. L'hérédité, élément prédisposant presque toujours

nécessaire comme diminuant la résistance des cellules psychiques.

La pathogénie parait comporter ensuite soit des lésions vasculaires,

surtout dans la deuxième moitié de la vie, soit dans la première

moitié, des infections ou des toxhémies. -

L'auteur passe ensuite en revue quatre chapitres : 1° la grosse

anatomie pathologique : os du crâne, dure-mère, etc. ; 2° la patho-

logie spéciale de la cellule nerveuse, avec l'étude de tous les modes

de dégénérescence cellulaire : atrophie simple, etc. ; 3° la patho-

logie des artères et veines cérébrales, en particulier les lésions

séniles et de sclérose; 4° enfin, les lésions vasculaires syphilitiques.

1 SillON.

222 12 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Folie transitoire consécutive à des phénomènes douloureux

intenses; par Henry-J. BERRLEY. (The Ame1'ienn Journal of lnsa-

) : : <2/, 1900, p. 515-521.) -

C'est l'histoire d'un de ces sujets qui sont sur la limite de la

folie, où le moindre heurt suffit à les faire verser : femme de

vingt-trois ans, faisant de la confusion mentale, avec excitation

par intervalles à l'occasion de règles douloureuses et d'ovaralgie;

double ovariotomie; et plus tard nouvel accès délirant à l'occasion

d'appendicite. L'enfant de cette femme, âgé de quatre ans, fait

lui-même des phénomènes délirants sous l'influence de la moindre

fébricule. StMON.

XX. Quelques-uns des problèmes de l'aliéniste; par Frederick

PETERsoN. (The Anacrican Journal of lnsanity, juillet 1899.)

L'aliéniste a à résoudre :

1° Des questions pratiques : méthodes de traitement;

2° Des questions scientifiques : cliniques et laboratoires.

Péterson indique d'abord quelques desiderata généraux : réformes

dans les lois relatives aux aliénés, suppression de l'influence poli-

tique dans l'administration, création de laboratoires de psycholo-

gie, etc.

I. - Questions pratiques : quelle est la méthode idéale de trai-

tement que devrait adopter une république ? Mais tout d'abord

c'est un axiome parmi les médecins d'asile qu'un diagnostic

rapide et un prompt transfert dans un hôpital spécial sont de la

plus haute importance dans presque toutes les psychoses aiguës.

Ce diagnostie rapide implique diffusion des connaissances de

psychiatrie chez tous les praticiens... ·

Hôpitaux psychopathiques. Ne pas les écarter des centres de

travail, et surtout des laboratoires de psychologie qui y trouve-

ront d'ailleurs des sujets d'étude.

Colonies pour aliénés. Il ne suffit pas de soigner médicalement

les fous chroniques, il faut les placer dans un milieu agréable, qui

leur donne l'impression du « chez soi ». Donc, les placer à la

campagne, mais près d'un grand centre, pour faciliter les visites.

La plupart des malades travailleront et principalement en plein

air : agriculture et horticulture. S'ils ne sont pas assez solides

d'esprit pour vivre de la vie normale, ils restent sensibles pourtant

aux choses extérieures : soigner par conséquent l'ornementation

des salles, etc. Pour beaucoup qui ne peuvent guérir, l'asile devient

ainsi le « home * pour lequel chaque homme a un amour naturel

dont il faut tenir compte et qu'illustre un joli récit de Huskin. On

pourrait même marquer davantage l'organisation en village.

Quant aux gardiens, il importerait aussi de les choisir : des

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 223

écoles d'infirmiers et infirmières pourraient être créées, mais il

faudrait développer également une sorte d'entraînement moral.

Péterson émet à ce sujet l'avis que le travail au milieu des fous

serait un excellent exercice de patience, etc., pour les étudiants en

théologie.

Architecture et disposition des jardins. La vrai beauté réside

dans l'exacte adaptation aux besoins. Simplicité. Mais il faut

cependant mettre de la beauté même dans les choses les plus pro-

saïques.

Il. Problèmes scientifiques : prévention. Les doctrines de

l'hérédité, le danger des mariages entre névrosés, les dangers de

l'intempérance, etc., devraient être connus de tout le monde.

Puis Péterson indique pour les enfants les lois suivantes inexo-

rables de prophylaxie :

9° Cultiver le corps de l'enfant grandissant par un régime atten-

tif, à des heures régulières, la vie au grand air et d'utiles systèmes

d'exercise; 2° exercer plus ses muscles que son esprit, et lui don-

ner un entraînement manuel plutôt que des leçons pendant ses

premières années et jusqu'à son adolescence; 3° lui interdir tout

excitant nerveux : thé, café, vin, bière, tabac; 4° le protéger de

tous les dangers de la puberté; o° développer la résistance de son

organisme à toutes les influences extérieures en durcissant son

corps par des bains froids journaliers, un lit dur et une chambre

froide ; et lui apprendre le courage à supporter les détresses

mentales; G° vie de plein air et à la campagne plutôt que séden-

taire et à la ville. -

En outre, il y a des questions à résoudre concernant la menta-

lité normale : tels, par exemple, les rapports de l'esprit et du

corps quand les fonctions de ce dernier sont altérées.

Travaillons donc à tout cela, mais non pas seulement pour

trouver des faits. mais pour en dégager des principes d'action.

Simon.

XXI. Notre oeuvre et ses limites ; par Edward-C. Runge. (American

journal of insanily, juillet 1899, p. 53 à 67.)

La psychiatrie est encore un art, elle n'est pas encore une science

exacte. C'est sur les acquisitions du xix° siècle qu'on doit bâtir la

science moderne : Lavoisier, Berzélius (chimie), Galvani, Volta

(physique), microscope, découvertes microbiennes. La psychiatrie

a fait moins de progrès que le reste parce qu'elle s'occupait du

cerveau plus compliqué que tout. Hien de précis sur les rapports

de la structure et des fonctions cérébrales.

L'atrophie musculaire progressive du type Oran. Duchenne et la

sclérose latérale amyotrophique autrefois traitées comme des affec-

tions différentes sont considérées aujourd'hui comme des formes

: 214 Il . REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

d'une même maladie; il en sera de même sans doute prochaine-

ment du tabes dorsal et de la démence paralytique (symptômes

analogues)... Tout cela sera obtenu avant que la psychiatrie ait

obtenu des résultats scientifiques. On a tiré des hôpitaux des tables

de statistique, mais de ces matériaux statistiques on lire souvent

des erreurs (Exemple).

Les tristesses et les ennuis de la vie sont des causes de la folie

ainsi que l'hérédité et tout autant. Et de même, lorsqu'on trouve

des causes accumulées (alcoolisme, insolation, etc.) on ne sait

au juste le processus et la vraie cause. On peut bien grouper les

maladies, mais la valeur de ces classifications est rendue contes-

table par l'ignorance de l'interprétation des processus patholo-

giques.

Nous qui vivons parmi les fous que devons-nous faire pour

faire avancer la psychiatrie. D'abord des réformes : labora-

toires, sanatolias,etc. Cela a eté fait dans l'état de New-York. A la

tête de ces institutions, (asiles de fous complétés par des labora-

toires, etc.) il faudrait non des patriciens, mais des savants. Tra-

vaillons donc sérieusement. Quand nous choisissons la carrière de

la pratique au lieu de celle de la science, ne le regrettons-nous pas

d'ailleurs ensuite, ne nous trouvons-nous pas trop restreints dans

nos travaux ? Que la politique ne se mêle pas du choix des méde-

cins ; pas de favoritisme. . '

Le progrès de l'éducation publique doit faire créer des écoles

d'idiots et des colonies d'épileptiques, etc. Pour y réussir, faire des

rapports, des bulletins. Pas trop de faits secs et inutiles ; mais des

idées sur les problèmes vitaux de la folie. Pénétrons dans la vie de

nos malades et racontons-là de façon à intéresser le lecteur. 11 faut

gagner les sympathies intelligentes du public d'élite à nos idées et

à notre oeuvre.

Nos hôpitaux devraient s'ouvrir aux étudiants en droit à cause

des questions d'irresponsabilité légale. Il y a des réformes à faire

dans l'instruction des affaires criminelles où les coupables peuvent

être déments. II faut établir des écoles d'infirmiers ; augmenter

le nombre des gardiens pour rendre plus pratique la méthode du

traitement individuel. - Condamnation de la réunion en réfectoires,

même avec l'adjonction d'un orchestre qui joue pendant les repas

pour l'agrément de chacun. Runge a fait voter ses malades : ils ont

choisi le système des soupers par petites tables, de quatre. Il a vu

ailleurs du beau linge sur les tables, mais on l'enlevait avant les

repas; c'était pour l'admiration des visiteurs. Il faut tout faire pour

les malades seuls, non pour le public... Livres, journaux, chaises

un peu partout pour donner de la vie.

Soignons le système nerveux en général par les organes végéta-

tifs et la nutrition. Parfois, sans doute, la maladie psychique survit

à la guérison pliysique. Mais que savons-nous de la chimie cellu-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 225

laire du cerveau ? Les conditions essentielles de la perfection struc-

turale et du fonctionnement de cette cellule ne peuvent être exa-

minés par 1'liématiiioii-iètre ou autres instruments de ce genre. Il

n'y a pas de remèdes directement psychiques. Il faut soigner les

agents psychiques. De même la nature fait progresser le cerveau de

l'enfant au moyen des impressions périphériques.. Les agents qui

agissent sur le malade, c'est le milieu, des récréations, etc., mais

le principal, c'est l'influence psychique de notre propre personnalité.

Notre personnalité doit remplir notre existence, et, de là, transfu-

ser sa sève à celle de nos malades. SillON.

XXII. Les folies puerpérales; pai- (Anzericata journal

of Insttmty, juillet 1899, p. 69-88.)

Les aberrations mentales sont souvent associées aux époques de

la vie, particulièrement chez les femmes : puberté, maternité. En

cette fin de siècle, où la vie est si âpre et si compliquée, il n'est pas

étonnant qu'une grossesse apporte aux femmes des troubles du

système nerveux : gêne physique, gêne mondaine, souvenir de ses

ennuis si la femme n'est plus primipare, complications, craintes

d'hémorrhagie, d'infections septiques, inaptitude à nourrir, tout

cela influe ; et les effets maladifs de la grossesse semblent s'ac-

croître avec les exigences de la civilisation.

Toute faiblesse de la mère est exagérée par cette situation, et des

désordres, d'abord transitoires, arrivent à troubler tout à fait sa

vie. Il y a des femmes au contraire qui ne se portent bien que pen-

dant leur grossesse. '

La folie arrive le plus souvent chez les primipares, et complique

généralement une gestation normale par ailleurs. Dans presque

tous les cas où Tomlinson a trouvé des troubles mentaux aux dif-

férentes périodes de la maternité, des troubles mentaux avaient

existé aux époques de l'adolescence et de la puberté. Un tableau

analyse 60 cas.

La plus grande paitie des femmes qui deviennent folles par gros-

sesse le font par l'effort de leur système nerveux dans l'acte de la

parturition et non par des intoxications.

La plupart ont des troubles durant la grossesse, irritabilité,

perte de l'appétit, hallucinations olfactives et gustatives, craintes,

jalousie, soupçons, etc. Dans la forme la plus simple de folie puer-

pérale, il y a ordinairement, outre les troubles ordinaires qui

accompagnent la grossesse, de la confusion et de la perte du pou-

'voir de contrôle ; chez d'autres malades, du délire; les déprimées,

devenues folles ensuite, finissent par être plutôt excitées, celles qui

ont été au contraire irritables, hystériques, exaltées, tombent à des

états de dépression ; parfois cela aboutit soit à de l'excitation

maniaque, soit à des idées de suicide ou à des tendances liomi-

ActHVhs,2°série,t.X ! )I. 15

22C 6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

cides contre son enfant ; en somme, manifestations très diverses :

religiosité, persécution, etc. -

La plupart guérissent. C'est ce pronostic le point le plus impor-

tant. Or il dépend essentiellement de l'hérédité de la malade :

celles qui ont de l'hérédité de folie seulement ont des chances de

guérir, celles qui ont une hérédité de consomption : alcoolisme,

syphilis, seront plus souvent victimes de dégénérescence progres-

sive ; en d'autres termes, les enfants de fous ne sont qu'instables,

les enfants de ceux qui ont des troubles somatiques altérant sérieu-

sement leur force vitale, sont défectueux. SnlO : '\.

XXIII. De l'infection des plaies comme facteur causal de folie; par

A.-1'. Iloi3Bs. (American Journal of Insm11ty, juillet 1899,

p. 89 a 9r.) ,

Après quelques mots sur les germes infectieux des plaies, les

plaies habituellement infectées, les effets généraux de l'infection,

Hobbs passe en revue les folies consécutives à l'infection : folie

érysipélateuse, et surtout folies septiques du puerpérisme :

Folie puerpérale, avec peu ou même sans lésion locale, par infec-

tion septique ; folie puerpérale avec grosse lésion locale, du fait

d'infection septique ; folie post-puerpérale, causée par une

maladie pelvienne résultat d'infection septique.

11 remarque que les conséquences fâcheuses du puerpérisme

n'arrivent souvent que plusieurs mois après l'accouchement, en

sorte qu'on n'en reconnaît plus l'origine. Il émet à cause de cela le

voeu qu'il y ait sur les feuilles d'entrée des malades, une colonne

de questions portant sur les organes de la reproduction.

Sur 187 femmes examinées dans ce but, 80 ont été trouvées avec

des lésions inflammatoires des organes pelviens consécutives aux .

invasions septiques survenues à leurs accouchements. Or, par le

fait du traitement chirurgical, presque toutes guérissent physique-

meni ; et mentalement. 45 p. 100 guérissent, 25 p. 100 sont amé-

liorées, et 30 p. 100 sont stationnaires.

C'est là une raison de plus pour les accoucheurs d'éviter toute

infection sceptique. SIUGN.

XXIV. Progrès des études cliniques en psychiatrie; par Edward

CowLEs. (American Journal of Insanity, juillet 1899, p. 109-122.)

. L'idée principale de l'article qui ne peut guère être résumé,

est que la conception de la mélancolie comme état de dépression

et de la manie comme état d'exaltation, et constituant deux ma-

ladies, a longtemps égaré et retardé la psychiatrie. Ce ne sont au

contraire que des phases manifestant des degrés différents d'un

même état morbide. C'est à Kroepelin surtout qu'on doit de prendre

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 227 7

ainsi en considération pour dénommer et définir une maladie, non

le caractère qu'elle peut présenter à l'une de ses périodes, mais

son cours pendant toute la vie du sujet et son aboutissant final. La

tendance essentielle de la maladie, considérée comme un tout. à

la guérison ou à la démence, voilà la clef de la pathologie men-

tale. (Trois tableaux de classification appuient ces idées).

- SIllON,

XXV. Remarques sur la contagion mentale et l'infection héritée ou

acquise, avec considérations sur quelques mesures préventives

de folie et dégénérescence; par Richard Dewey. (American Jour-

nal of lnsanity, octobre 1899, p. 231 à 211).

Par contagion l'auteur veut dire influence d'esprits fous sur

d'autres esprits, et par infection il désigne les processus morbides

par lesquels certains de nous naissent prédisposés ou si imparfaits

que leur développement mental est impossible ou par lesquels ils

acquièrent ces conditions du fait de leur vie ultérieure. Contagion

n'est pas juste seulement de maladies mentales ou nerveuses d'ori-

gine microbienne. Ce terme peut s'appliquer également à leur

genèse psychique, comme on le voit pour l'hystérie et la chorée.

Exemples historiques de telles contagions : épidémies du moyen

Age, du fait de la tendance psychopathique générale à cette époque

et de l'action de quelques fanatiques ; hallucinations, extases, flagel-

lations, convulsions (danse), etc., en étaient les symptômes, abo-

yeurs et hurleurs, alchimistes. Ces derniers ne sont-ils pas les

équivalents des « inventeurs » que nous trouvons aujourd'hui dans

les asiles ? ) Assassins du Vieux de la Montagne, intoxiqués d'opium

et de hashich; ergotisme. Aujourd'hui l'expansion de la science

rend ces faits plus rares. 11 y en a cependantdes exemples récents :

épidémies d'hystérie dans des pensionnats de jeunes filles.

Dewey indique quelques faits qui lui sont personnels : exemple

de contagion d'idées délirantes concernant la croyance à la fin du

monde et, de fou à fou, malgré leur peu d'influence réciproque,

d'idées d'empoisonnement et de refus de nourriture, etc. Donc

l'isolement devrait aussi être appliqué ici. Et peut-être surtout vis-

à-vis des proches : folie à deux des auteurs français; contagion

de toute une famille.

11 peut cependant y avoir là un effet de prédisposition héréditaire.

Que devient donc la contagion chez ceux dont le contact avec les

fous est seulement dû à leurs fonctions : gardiens ou médecins.

Quelques-uns deviennent fous, mais on leur trouve une prédisposi-

tion héréditaire. D'autres au contraire qui restent en contact avec

des fous aussi longtemps ne sont pourtant jamais atteints. C'est

qu'en réalité nous sous-estimons bien plutôt que nous ne sur-esti-

mons l'influence de l'hérédité. Et Dewey rappelle plaisamment à ce

228 8 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

sujet qu'un auteur anglais a soutenu récemment que les piqûres

de puce sont héréditaires... pour le mode de réaction de l'individu,

du moins.

Mais cette prédisposition héréditaire ne fait que rendre plus

importante la soustraction à la contagion. Pour ce qui est de la

dégénérescence, sans doute un dégénéré reste sans grande action

en son entourage, mais elle se transmet de père en fils. La conta-

gion est du même ordre que lorsqu'un microbe spécifique pénètre

l'organisme d'un sujet. Ne pourrait-on pas dire que c'est l'oeuf

humain le microbe de toutes les dégénérescences et un de ceux

que nous avons le plus à combattre.

Malheureusement les moyens légaux sont difficiles. La société

repose sur certains principes qu'on ne peut heurter, et les faits ne

sont pas suffisamment clairs pour rendre inattaquables les mesures

prises; l'urgence n'apparait pas évidente à tous d'une agence pour

emprisonner ou hâter la fin des aliénés incurables, empêcher le

mariage ou châtrer les imbéciles, les ivrognes, etc. Ce ne sont pas

cependant les degrés extrêmes les plus dangereux, mais les cas

limites, car ils sont atteints dès qu'ils tombent sous la loi com-

mune.

Le remède est d'éclairer tous et chacun. Quant à la protection

des aliénés telle qu'elle s'exerce et qu'on pourrait accuser d'entre-

tenir la folie, ses efforts doivent être noyés dans les efforts faits pour

le maintien de la santé générale, et, par exemple, pour développer

sainement les fils de dégénérés en les élevant dans des établisse-

ments salubres. Ne conviendrait-il pas aussi de vaincre la répu-

gnance à se faire soigner dans un asile d'aliénés. SlI01(.

XXVI. L'imagination dans ses rapports avec les maladies mentales;

par liobert-11. Co s1 ? (ilmerican JO ! l1'l ! a¿ of Inslmitv, octobre 1899,

p. 285 à 293.

Nous avons des sensations d'abord, puis tout un'monde d'idées

s'affranchit : mémoire et imagination. Bien entendu nous emprun-

tons ces dernières au dehors mais elles deviennent aptes à vivre

d'une vie propre. Ainsi deux grands courants dans la conscience :

perceptions sensorielles et représentations ; qui sont en rapport

inverse. Alternatives rythmiques de ces deux courants ou prédomi-

nance de l'un d'eux tous points variables pour chaque individu

aux divers moments de son existence et (1 fortiori de force inégale

selon les individus. L'idéal est l'intime union des deux.

A l'opposé, rêverie oisive des dégénérés. Les souvenirs, sous le

contrôle partiel de la volonté ne sont mauvais que s'ils sont tels

d'origine. Quant aux idées d'imagination elles sont de deux sortes :

les unes fécondes; les autres passives, auxquelles il est dangereux

de s'abandonner : il n'y a cependant pas de forme d'activité intel-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 229-

lectuelle plus commune ; c'est qu'elle est facile ; mais elle amène

le dégoût de la connaissonce exacte qui exige un travail laborieux ;

elle fait perdre la confiance en soi... et Chase poursuit sa critique

en montrant le rêveur s'abandonnant à son roman dont il est le

héros, mais y perdant son énergie, et peu à peu aigri contre le

monde extérieur qu'il rend responsable du désaccord... et versant

enfin ainsi peu à peu dans l'aliénation.

L'imagination peut cependant quelquefois être de grand secours.-

Apanage de l'enfance des individus ou des peuples, la vieillesse

s'y abandonne également. On en retrouve des vestiges chez les

fous : les yeux de l'imbécile, les fantaisies émotives des hébéphré-

niques, les calembours ou poésies d'autres malades en témoi-

gnent.

Son étude scientifique a fait reconnaitre divers types d'images

en rapport avec les divers sens ; et les rapports aussi entre les

genres d'images et les sentiments (terrifiants, religieux ou gais),

dont est affecté le sujet. L'imagination enfin joue un rôle dans les

témoignages et prend ainsi une importance médico-légale.

SIMON.

XXVII. Relations entre névralgie et psychoses transitoires; par

Krafft Ebing (trad. W. Alfred 11c Corn). (The alienist and neuro-

logist, Juillet 1899, p. 408 à 438.)

C'est un fait rare mais pourtant exact que certaines psychoses

suraiguës se relient pathogéniquement à une névralgie. Par quelles

voies, d'abord, une névralgie peut-elle agir sur l'organe psychique ?

d'abord par le facteur psychique, douleur ; puis, indirectement, par.

un trouble fonctionnel des centres et des vaso-moteurs, d'où des

changements circulatoires (spasme vasculaire ou paralysie).

Mais la rareté de la concomitance d'une psychose avec une affec-

tion aussi fréquente qu'est la névralgie laisse aussi à penser que

la névralgie elle-même, dans ce cas, serait symptomatique d'un

état névropathique permanent. Et c'e : t souvent l'épilepsie ou l'hys-

térie. L'affection sensitive prend alors la signification d'un aura,

d'un équivalent psychique de ces névroses, ou joue le rôle d'une

zone spasmogèneprovocatrice d'une attaque d'hystérie grave limi-

tée à la phase du délire. Cette interprétation est surtout à émettre

quand l'attaque est accompagnée d'un état de conscience halluci-

natoire et suivie d'amnésie quant à ce qui est arrivé pendant sa

durée.

L'honneur d'avoir appelé l'attention sur ces connexions cliniques

entre la névralgie et l'aliénation transitoire revient à Griesinger (1866)

et l'analogie de ces cas avec l'aura et le délire épileptique ne lui

avaient pas échappé. -

1° Les cas où le délire est causé par la sensation seule de la dou-

230 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

leur, purement psychiques par conséquent, sont très rares. Ils sup-

posent une constitution névropathique. La liaison du délire et de

la névralgie est nette : le délire allégorise la douleur ressentie :

« C'est le diable, ou un animal, qui habite ou mord le corps de la

malade. »

.2° Quant aux cas'qui reconnaissent une pathogénie non plus

psychique mais organique, leur interprétation est plus complexe.

Nous ne connaissons pas l'effet dynamique sur l'écorce de vio-

lentes irritations centripètes ; nous ne pouvons le distinguer de la

douleur et de l'insomnie. On conçoit comme vraisemblable cepen

dant que l'écorce devienne particulièrement excitable et épuisée :

d'où des états de confusion et d'incohérence sur base hallucinatoire

et avec amnésie. Ici encore, prédisposition, constitution dégénéra-

tive des éléments nerveux, est à invoquer. La névralgie trouvera

encore une utilisation allégorique et sera le noyau des illusions.

, Un léger désordre ne causera qu'un délire simple. Mais irritation

névralgique plus intense, déterminant un changement cérébral

diffus, et surtout quand elle portera sur le système vasculaire,

amènera des altérations de la conscience plus considérables. Après

avoir résumé quelques cas d'auteurs étrangers, K. Ebing rapporte

des observations personnelles répondant aux caractères de ce

groupe.

3ù La connexion peut être symptomatique d'épilepsie ou d'hys-

térle - ainsi que le démontrent quelques observations longuement

décrites et minutieusement analysées dans ce sens. Un trauma-

tisme est généralement à l'origine et une névralgie de la cin-

quième paire (mais sans exclusion des névralgies intercostales) est

le point de départ du réflexe, qui détermine plutôt des attaques de

petit mal que de grandes crises et comme phénomènes psychiques

des états de rêve. SIMON.

XXVIII. Christopathie et science chrétienne; par C.-II. Hugues.

(The Alienist and Nerrrolôgist, octobre 1899, p. 611-628.)

Hughes remarque d'abord qu'illusion, hallucinations, folie, n'ont

pas été sans influence sur la destinée des peuples et des religions

etc. Jeanne d'Arc, par exemple (démoniaque et paranoiaque)

sous l'empire de ses hallucinations, conduit un peuple à la vic-

toire ; l'épilepsie de Mahomet engendre le Coran; Luther avait de

l'hyperesthésie, des vertiges, etc.; Napoléon, une étoile conduc-

trice.

Hallucinations cleristopatiques de la crucifixion. Observation :

femme de trente-deux ans, après insomnies et fatigues nerveuses,

entend le sermon sur la Montagne : elle a peu après la vision

intense du crucifiement, du Sauveur au tombeau et de la résur-

.rection ; la vision revient de temps en temps; la malade n'en est

REVUE DE PATHOLOGIE MENTAUX 231. 1.

d'ailleurs pas troublée; c'est de l'hallucination mais non de la

folie. Pas de tare psychopathique dans la famille.

Puis Hughes passe en revue quelques superstitions anciennes,

exorcismes, etc. "

On retrouve quelque chose d'analogue dans les églises actuelles,

dites de « Science chrétienne », dont une est à Paris (maison mère

à Boston). La révélation de cette Science date de 1866 : les guéri-

sons des malades par elle n'ont aucun rapport avec l'hypnotisme

où la volonté humaine intervient; il n'y a de volonté que celle dp

Dieu; Jésus Christ est venu apporter le salut du péché et de 1

tristesse, de la maladie et de la mort; la Science chrétienne, c'est

a loi de Dieu introduite dans la pratique. Pouvoir immédiat :

pêcheurs ramenés, goûts dépravés guéris, etc.. Certaines cures

sont certaines. Mais la folie est de croire qu'elles sont l'oeuvre d'un

pouvoir surnaturel et non le fait de phénomènes naturels : espé-

rance, foi, confiance, suggestion, toutes choses que les scien-

tistes nient : Dieu seulement. Mais nous savons bien que des gué;

risons sont consécutives à des états d'exaltation et que l'attente

confiante peut suppléer des médications, et même en dépit de

médications mauvaises et de diagnostics faux. Miracles pour les

ignorants, ces guérisons ne peuvent l'être pour des médecins ins-

truites. ,

Acceptons même la thèse des Scientistes : il n'y a de pouvoir que

de Dieu. Pourquoi alors faire quelque chose et pourquoi le guéris-

seur scientiste accepte-t-il un salaire ? ·

Les scientistes chrétiens n'ont d'autre prière que l'oraison domi-

nicale : « Notre père qui êtes aux cieux, notre père et notre

mère, Dieu, tout harmonieux, que votre nom soit sanctifié,

adorable Unité, que votre règne arrive..., votre royaume est

arrivé : le bien est partout présent et tout puissant..., ne nous

laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal, de

la maladie et de la mort.» Il y a de même dans les asiles des gens

qui pensent que les vêtements sont inutiles pour leur corps spiri-

tualisé. C'est un pas de plus dans la folie. Mais l'erreur ne peut se

maintenir. La durée éternelle n'appartient qu'à la vérité.

Simon. -

XXIX. Névrose d'angoisse ; par le Dr de BucK. (Dull. de la Soc. de

méd. mentale de Belgique, juin 1901.) .)

Observation d'une femme de trente et un ans, ne présentant

aucun des stigmates habituels de l'hystérie ou de la neurasthénie,

mais cependant très émotive, qui est sujette à des accès d'angoisse

survenant sans cause apparente. Les accès sont caractérisés par

de la sécheresse de la bouche, des palpitations, de la dyspnée, une

sensation de vide stomacal, de la pâleur, des frissons, etc. La ma-

232 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lade croit qu'elle va mourir Un tremblement à petites oscillations

accompagne la crise qui dure de quelques minutes à une heure et

demie. A la fin de la crise, surviennent quelques éructations

gazeuses et il se produit de la somnolence. Il s'agit la, d'après

l'auteur, d'un trouble isolé de l'émotivité, d'une véritable névrose

d'angoisse enté sur une base neurasthénique. G. UEN·.

XXX. Contribution à la question des- connexions réciproques

entre les rêves et les idées délirantes; par A. D. Kaizowsky.

(0&o ? eKtetc/t ! 'a't ? v. 1900).

Il s'agit en réalité d'un jeune homme de seize ans, qui a tué son

professeur à coups de couteau. C'est un dégénéré à la limite de la

folie, un instinctif, adonné passionnément a l'onanisme et à l'al-

cool, chez lequel le débit des conceptions est retardé, et les impres-

sions externes contribuent exclusivement au travail intellectuel.

La mémoire étant bonne, celui-ci est principalement passif, asso-

ciatif, et non actif, compliqué, parce que l'attention est faible. La

pauvreté relative des idées, l'indigence des idées générales, la pré-

dominance des idées concrètes immédiates et de l'aperception

associative, la faiblesse des processus de l'activité intellectuelle

supérieure, tout cela explique l'égocentrisme, l'égoïsme, la pénurie

des sentiments et de la volonté au profit de la satisfaction de l'in-

térêt personnel.

Tel est l'être qui, en mai 1897, à l'époque des examens était

inquiet par suite des piètres résultats qu'il avait obtenus. C'est

alors que se présenta à son esprit l'idée délirante de tuer son pro-

fesseur, auquel il n'avait rien à reprocher, pas même les mau-

vaises notes qu'il avait eues. '

Or on finit par savoir que la veille où cette idée s'était présentée

à son esprit, le malheureux, après une série de mauvaises nuits,

avait vu en songe ce professeur se quereller avec lui et qu'il l'avait

tué dans son rêve : l'image avait été si vive qu'il s'était réveillé.

Le songe avait engendré le projet suivant : a il irait demander à son

professeur de parler pour lui aux autres maîtres qui lui avaient

mis de mauvaises notes ; celui-ci, toujours bienveillant à l'égard

de ses élèves, consentirait probablement, sinon, il le tuerait ». Il

lui fut d'autant plus aisé de se débarrasser de cette idée, que les

événements ultérieurs lui montrèrent l'inanité de la bienveillance

de son professeur, alors qu'il fût intervenu. Mais l'impulsion était

donnée, l'élève était paresseux, le professeur lui marque une note

insuffisante : le délire reprend une nouvelle force. En avril 1898,

le jour du crime. le jeune homme s'en va en classe son couteau

pointu en poche; il ne répond pas à l'interrogation que lui fait le

professeur, il est mis à la porte de la classe. Après être demeuré

dix minutes dans le corridor, il rentre et demande pardon : refus

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 33

'net du professeur; l'élève alors frappe, ses yeux se troublent, il ne

sait ce qu'il fait, il continue à frapper à mort. Il ramasse ensuite

sa gibecière, regagne son domicile et se met à dinersur sa demande,

mais sans pouvoir manger : phase d'épuisement consécutive il

tout acte passionnel, délirant ou non.

M. Katzowsky pense et développe au moyen d'une minutieuse

analyse, que chez ce débile, un rêve à images éclatantes a tiré du

fonds de la conscience une idée délirante de persécution, qui tout

aussitôt s'est mêlée à sa personnalité. Il n'a réussi il la chasser

qu'à force d'opiniàlreté. Mais dans les quelques jours qui ont pré-

cédé le rêve en question et la création du délire correspondant, il

y avait une sorte d'éréthisme spécial des centres psycho-sensoriels,

préparant l'idée délirante, par l'intermédiaire de ce rêve particu-

lier. Le jeune homme ne se sentait plus lui-même, il s'isolait,

évitait les gens, éprouvant simultanément un sentiment de

soupçon et d'appréhension vagues. Son sommeil était faible,

agité, dépourvu de rêves vifs. Juste avant l'explosion du délire,

le songe clair ! Le psûchè formait un mélange saturé, le ma-

lade s'endort, l'activité des centres sous-corticaux, quelque peu

excités, atteint alors sa plus grande intensité, il s'élabore des

images dont le fond correspond à l'état du moule dans lequel elles

ont pris naissance. Toute la somme des acquisitions vagues qui

sommeillaient dans cette âme surnagent avec un éclat vigoureux,

se concentrent en une figure : la cristallisation commence. Le ma-

lade se réveille plein de l'idée 'délirante. Il s'en débarrasse parce

((ne cette idée porte en elle un caractère abortif, grâce auquel

elle s'éteint, comme le délire d'emblée du dégénéré, par l'absence

de réaction émotive ferme et intense. Seulement, sous l'aiguillon

des circonstances de la vie, ranimant l'énergie de l'émotion, l'idée

délirante se rallume. P. KERAVAL.

XXXI. La possession par des reptiles; par W. 111. Bechterew (Oboz-

réniè SECIL2CtG)'L ! . V. 1900). Le délire de possession par des

reptiles, par LE même (Ccnt1'albL, f. Nel'vel1heiLIi, XXIII, N. F.

Xi,1900).

La démonomanie hystérique du moyen âge, et l'alopékomanie

des Japonais se voient actuellement peu et seulement chez les mas-

ses populaires mystiques et religieuses qui croient au mauvais oeil

à l'ensorcellement, à la possession, à l'incarnation des diables. Les

peuples simples sont encore hantés de l'idée délirante que l'inté-

rieur de leur corps peut héberger des reptiles, serpents, crapauds,

grenouilles. Voici trois observations de ce genre. '

Observation 1. Un paysan maigre et nerveux, de trente ans

environ, se plaint que, pendant qu'il dormait dans le foin, il a

senti le corps froid d'un serpent se glisser dans son gosier. Il n'a a

234 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

pu en arrêter les mouvements. Depuis l'animal ronge son intérieur. '

Il en sent continuellement les déplacements, qui, par instants lui

occasionnent des tortures insupportables. Sa conviction est iné-

branlable. Pas d'autres troubles intellectuels. On ne peut obtenir

de renseignements sur l'hérédité.

Observation II. Une femme couchée dans un hangar à foin

éprouve tout à coup la sensation qu'elle boit du lait froid. Peu de

temps après, elle est persuadée qu'elle a un serpent dans l'estomac.

On lui brûle, dit-elle, l'intérieur du corps, elle ressent une soif

extrême. Exaspération, par moment, des phénomènes. Désespoir.

Observation III. Ici encore le serpent s'est faufilé pendant le

sommeil dans le gosier. Le paysan a senti également qu'il l'avalait

et s'est alors réveillé à temps pour en voir la queue qui lui sortait

de la bouche, et qui, tout aussitôt s'est esquivée dans son estomac.

Le reptile y habite et le torture : il en entend les sifflements.

Les histoires de crapauds et grenouilles présentent les caractè-

res identiques. Ils ont pénétré, soit sous la forme de têtards avec

l'eau des marais usitée comme boisson, soit à l'état d'oeufs mélan-

gés en poudre aux liquides dans un but d'empoisonnement. Par-

venus dans l'estomac, ces germes sont devenus des animaux par-

faits. Les patients entendent souvent leurs coassements. Le délire

demeure fréquemment longtemps isolé.

M. Bechterew pense que l'origine de semblables absurdités réside

en des sensations anormales, stomacales et épigastriques, qui pro-

voquent le jeu de l'imagination, et la genèse d'hallucinations. Elles

naissent sur un terrain hystérique.

Ces idées délirantes se rapprochent de la démonomanie qui, çà

et là, reparait chez des illettrés. Ainsi en était-il de cette femme

qui, à l'intérieur de son corps entendait la voix d'un esprit malin

blasphémant (c'était une petite hystérique), et de ce moine obsédé

par une légion de démons; quand il les conjurait de sortir de son

économie, une voix sourde répondait, à l'intérieur du corps : Je

ne sortirai pas, non. Tout cela est préparé par l'hystérie.

P . KERAVAL

XXXII. Matériaux pour servir au'diagnostic de la paralysie géné-

rale ; par A.-W. Tmor.r;ren'. (06orénié psicleicctrü, V, 1900.)

L'intérêt de ce mémoire gît dans les observations : : '

- 1° Particulièrement embrouillés sont les cas de neurasthénie cer-

taine qui passe graduellement à la paralysie générale. Deux observa-

tions, qui montrent la paralysie générale s'insinuant imperceptible-

ment, et ne devenant manifeste que parles désordres psycho-phy-

siques qui lui appartiennent; -201aparalysie g(néralepeut ressem-

bler àla clémence organiquc (lésions circonscrites) : deux observations.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ` 23u

Inversement, il existe des lésions en foyer qui, grâce à une locali-

sation particulière du processus cérébral, ressemblent de très près

par leur évolution et leurs symptômes, à la paralysie générale :

l'observation correspondante revendique, en faveur d'une lésion en

foyer, un ictus apoplectiforme suivi de parésie, une altération

sénile des vaisseaux, la conservation passable de la mémoire et

partielle du jugement et de la logique contrastant avec l'atteinte

profonde de la conscience, de l'attention, de la volonté, enfin, la

caducité physique dès le début et le gâtisme qui ne correspondent pas

à l'activité mentale suffisamment vive ; - 3° la folie périodique s'ac-

compagne souvent de phénomènes qui sentent la paralysie géné-

rale sans cependant que celle-ci soit évidente. Qu'on lise avec

soin l'observation de folie à double forme terminée par une

méningo-encéphalite, et qu'on la compare aux deux observa-

tions de folie périodique mélancolique simple, dont l'une aboutit

à la démence secondaire; 4° observation de démence sénile,

en imposant, dans les premiers jours, pour une paralysie géné-

rale. Mais il s'agit d'un homme de soixante-cinq ans, chez qui

le délire des grandeurs et de persécutions est trop durable,

quoique démentiel, pour être paralytique. En outre ce délire perd

son lustre, ses dimensions, il se rétrécit. La mémoire se rétablit;

l'attention, la volonté, le jugement, faibles, suffisent néanmoins

pour la vie de chaque jour. Le tremblement de la parole, de

l'écriture, de la langue, l'inégale réaction des pupilles ont presque

disparu; - 5° dans le cours delà folie hystérique, il y a parfois

des périodes, plus ou moins courtes, où le tableau clinique est

très voisin de celui de la paralysie générale. En voici un exemple :

à un certain moment, des symptômes démentiels et physiques

graves font penser à l'encéphalite disséminée ; seuls les commémo-

ratifs et les troubles de la sensibilité, de nature hystérique, de

concert avec le cours ultérieur de la maladie, imposent le diagnos-

tic ; -6° quelquefois, très rarement, la paralysie générale, à son

début, ressemble à la folie systématisée aiguë ou subaiguë. Ainsi

en est-il de ce persécuté parles dreyfusards, dont la conduite n'est

pas en rapport avec les idées délirantes, dont le délire est puérile,

et qui est d'une prodigalité absurde, etc... Et cet autre paranoïque,

dont les commémoratifs ne trahissent ni le début, ni le déloppe-

'ment de la paralysie générale, mais chez qui il existe : des trou-

- bles marquées de l'écriture et de la parole ; de l'affaiblissement

de la volonté, du jugement, de l'attention, da la mémoire; une

complète indifférence à tout, même à ses idées délirantes.

De l'analyse des douze observrtions produites, l'auteur tire les

conclusions suivantes : , .

1° Les formes mentales les plus différentes n'ayant rien decom-

mun avec des affections organiques du cerveau, peuvent présenter

à un plus ou moins grand degré, le tableau de la paralysie géné-

23G 6 REVUE DE PATHOLOGIE MKNTRLE.

raie progressive ; 2° il n'est pas un seul signe diagnostique tiré

des troubles moteurs qui puisse être regardé comme spécifique de

la paralysie générale : l'absence ou l'inégalité de réaction des pu-

pilles à la lumière, et l'achoppement s311abique, soulignés par

quelques auteurs, se -rencontrent également en d'autres affections

3° de même, parmi les troubles mentaux, il n'en est pas un qui

soit exclusivement propre à la paralysie générale : le plus enrelief,

le délire des grandeurs d'une absurdité monumentale et d'une

mobilité extrême, peut aussi transitoirement se rencontrer en

d'autres maladies ; - 4° le diagnostic de la paralysie générale ne

se peut établir que par la réunion de tous les signes tant moteurs

que psychiques, qui, dans la plupart des cas, forment le complexus

si connu et si caractéristique. Pour en distinguer les stades précoces

le premier rang revient à l'affaiblissement initial des facnltés supé-

rieures (jugement, raisonnement, attention), qui imprime le cachet

de la démence, fondement de la disjonction de la vie psychique,

aux idées délirantes, ainsi qu'à toute la conduite du malade ; -

5° la plus ou moins grande disproportion dans l'atteinte des

diverses fonctions mentales est pleinement spéciale à la paralysie

générale : [elle dérive de l'essence même du processus patho-

logique, en tant qu'affection syphilitique, post-infectieuse; -

6° actuellement, à raison de la diffusion considérable au sein

des classes intelligentes et de la neurasthénie et de la paralysie

générale, il n'est pas rare d'observer chez le même malade le

passage, difficile il surprendre a son début, de la première à la

seconde. '

Le diagnostic différentiel, si important au point de vue pratique

est d'ordinaire au dernier point épineux. mais il n'existe pas de

bases sur lesquelles s'appuie l'idée de quelques auteurs rattachant

le tableau entier de la neurasthénie antécédente, qui parfois traîne

bien des années, au stade prodromiqne de la paralysie générale.

P. KÉRA'AL.

XXXIII. Des perversions sexuelles en Orient; par von der CuovEV.

(Obozrénié psiehiatrii, V, 1900.)

Dans toutes les villes de l'Asie, depuis les rives de la mer de

Marmara jusqu'au Yang-tze-kiang, les ballets et les chants sont'

dévolus à de jeunes garçons appelés batcha, qui remplissent entiè-

rement le rôle de nos beautés de cafés concerts. La pédérastie y est

organisée en raison directe de la grandeur de la ville et de la

séquestration de la femme. Dans les villes de l'Asie moyenne et

chez les nomades où les femmes sont libres, les batcha sont rares.

A Beyrouth l'auteur a vu un établissement comprenant des femmes

usées de Riga et de Varsovie faisant d'autant plus valoir de beaux

garçons du Caucase.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 237 I

Le batcha, danseur. chanteur, acteur, à demi femme par le cos-

tume et les manières, qui, dans les khanats de l'Asie moyenne a

une situation officielle, se recrute parmi les enfants de parents pau-

vres. Il est acheté par des musiciens ambulants ou des gens riches

qui lui enseignent le métier, y compris la fonction honteuse à

laquelle on le prépare au moyen d'un massage spécial des fesses

et d'une dilatation anale par des instruments graduateurs : les

menaces, les coups, les opiacés, sous toutes les formes, lehaschisch

et l'alcool sont égalemet mis enjeu. Puis. le musicien en chef s'en

offre la primeur, à moins qu'il ne trouve à céder sa victime à un

amateur fortuné.

De douze à seize ans, il est dans le feu de ses succès. Mais ses

gains sont la proie du proxénète tant qu'il n'a pas trouvé de pro-

tecteur qui l'entretienne. Quand vient la barbe, il perd son prix.

Alors, il se peut qu'il devienne un citoyen honorable, fonde une

famille, ait son harem, ses batcha : il se peut aussi qu'ayant con-

servé la passion de la pédérastie passive, il engage des serviteurs

destinés à exciter à paepostera ses désirs qu'il satisfait normale-

ment avec ses femmes.

Par contre, il est des batcha qui veulent luttercontre la nature,

garderies attributs du féminisme par la castration, du reste néces-

saire chez ceux qui souffrent (cela est fréquent) de chute rectale et

de prostatite chronique. Ceci fait, ou bien ils abandonnent les ser-

vices lascifs de leur profession, pu bien, en continuant la prostitu-

tion comme auparavant, ils démasquent, malgré eux, leur jeunesse

artificielle et sont dépréciés. Dans les deux cas, ils dégringolent.

Les uns tombent dans les bas-fonds sociaux ; les autres forment

des femmes à la pédérastie. aux débauches, et en sont les soute-

neurs, voire les maris. Epoux, pour une somme minime de quel-

ques belles filles pauvres, ils les éduquent, les infectent de maladies

vénériennes, et en font commerce. Lorsque ces prostituées devien-

nent mères, ce qui est rare parce qu'elles servent surtout au coït

anal, elles vendent leurs enfants des deux sexes. Le souteneur

essaie parfois d'empêcher la conception à l'aide d'opérations révol-

tantes, aujourd'hui réprimées par les européens.

La pédérastie, à laquelle il faut ajouter les pratiques sexuelles

sur les animaux, constitue donc une plaie morale, physique, dégé-

nérative. Le développement de la civilisation, la liberté de la

femme et son égalité sociale, voilà les remèdes. La preuve en est

dans ce riche marchand persan cité par M. von der Choven. Ayant

quitté son pays natal pour chercher fortune aux rivages transcas-

piens, il n'y put d'abord trouver de femme. Il dut se satisfaire

avec les jeunes garçons de sa propre boutique. Cela dégénéra en

habitude, en passion. Plus tard il rencontra une chanteuse spiri-

tuelle, qui dansait agréablement en costume d'homme. Dans les

premiers temps il usa d'elle comme d'un batscha, mais peu à peu

238 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

il eut avec elle des rapports normaux, si bien qu'il lui proposa

d'en faire sa femme légale. 1'. hen.wnr..

XXXIV. Délire par introspection mentale ; par M. V.sciiii)F,

Cl. Vuupas. (Nouv. Iconoyr. de la Salpelrière, n° 3 1901.)

Des recherches sur le mécanisme psycho-physiologique des idées

délirantes et entre autres points sur le rôle de l'introspection dans

la genèse et la structure psychique du délire, ont conduit les

auteurs à reconnaître trois catégories d'espèces pathologiques :

délires par introspection somatique, délires par introspection pure-

ment mentais, délires d'exlrospection (analyse du monde extérieur).

L'étude d'un cas de délire systématisé chronique chez une dégé-

nérée, débutant dès la jeunesse par le doute, les scrupules, l'auto-

analyse, se continuant par la culpabilité, l'auto-accusation et les

hallucinations, conduit les auteurs à « supposer que vivre sans

s'étudier est normal et que les fouilles de l'activité mentale, l'intro-

spection en un mot, sont inutiles et souvent nuisibles au bon fonc-

tionnement de l'organisme ». Il. Cli %RO'4.

XXXV. Hérédité; par J.-T. SEARCY, (The American Journal of

Insccnit, 1901, p. 631-631.) ,

Ce très court article est tout entier de considérations générales,

S.

XXXVI. Friedrich Nietzsche. Étude de pathologie mentale; par

William-W. 1REL.iND. (The Ilieizibt and Xelll'ologist, 1901, p. 223-

267.) ,

Prédestiné par son hérédité, N... eut d'abord un développement

tardif, il se montra dès son enfance ombrageux et solitaire;

il témoigna de bonne heure un esprit d'indépendance, presque

d'indiscipline. L'éducation maternelle, le milieu où il vécut

contribuèrent à le maintenir. Mais il ne tarda pas à montrer une

combativité sans frein. Les troubles nerveux (migraines, etc.)

dont il eut à souffrir, ne furent pas d'ailleurs sans doute sans

augmenter son dégoût de la vie. Les facultés affectives asser-

virent déplus en plus son intelligence. Et de là sa haute opinion

de lui-même, l'exagération de sa personnalité, son manque de

mesure, ses états fréquents d'exaltation. Mais il conserva long-

temps le pouvoir de se maîtriser vis-à-vis des autres, lâchant seu-

lement sa folie dans ses livres, dans sa haine du christianisme et

sa conception du Surhomme. Sa philosophie paraît être seule-

ment l'expression de son tempérament morbide. L'auteur s'at-

tache ainsi dans cette longue étude sur Nietzche à montrer, par

l'analyse de sa vie, de ses oeuvres et de ses lettres, qu'il ne passa

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 239

pas sans transition de la santé à la folie, mais qu'on peut au con-

traire trouver sans cesse des traces de sa déséqullibration mentale.

Stuorr.

XXXVII. Mort d'un aliéné par fracture du crâne et hémorrhagie

cérébrale. Crâne de minceur anormale; par H. MOULTON. (The

American Journal of lnsanity, 1901, p. 04l-63.)

C'est sur le peu d'épaisseur et la fragilité du crâne du sujet dont

l'observation est rapportée dans cet article, que l'auteur tient

particulièrement à insister. Elle attire en effet l'attention sur le

danger, pour les aliénés, de chutes même légères, comme dans le

cas présent où le malade était seulement tombé de son lit.

SnIO : >1.

X1\'l II. Délire mélancolique chez une dégénérée à malformations

multiples. (Pince de homard etc.) ; par L.\i'011OIS et Henri CARRIER.

(Lyon médical, 1901, n° 28, p. 29).

MM. Lannois et H. Carrier publient un cas fort curieux d'ano-

malies de la main droite, de la jambe et du pied gauches, chez

une malade atteinte de mélancolie avec hallucinations de l'ouïe,

et idées de persécution. ,

D'après la classification de Geoffroy Saint-Hilaire, ils rangent

leur malade parmi les monstres unitaires antosites dans la famille

des ectroméliens, qui comprennent : les ectromèles proprement

dits avec l'amélie; les phocomèles et les hémimèles. Chez ces der-

niers, le segment basilaire du membre existe et a acquis tout son

développement; mais, par contre, la jambe ou l'avant-bras, mieux

encore, le pied ou la jambe font défaut ou sont restés à l'état rudi-

mentaire.

Sans entrer dans les détails de l'observation, nous citerons les

principales déformations que les auteurs ont relevées dans leur cas.

La main droite présente une déformation dite en pince de homard;

elle est bidactile et se trouve réduite au pouce et à un autre doigt

qui peut être l'index où~le médius, mais plus probablement ce

dernier.

Le pied gauche, difforme, est complètement basculé en bas et

en dedans. Il ne possède que le gros orteil qui semble à peu près

normal, et deux autres doigts imparfaits qui sont à moitié soudés

entre eux par la base.

Le tibia semble normal; quant au péroné il semble très impar-

fait et très mal developpé. Les auteurs joignent à l'observation,

prise dans ses moindres détails, la photographe et la radiographie

de la,main et du pied qui offrent les malformations.

En somme, les anomalies de développement qu'offre cette ma-

240 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

lade, sont limitées à la main et à i'avant-bras droits, à la jambe

et au pied gauches. Les racines des membres, le bras comme la

cuisse sont normaux; il n'existe aucune difformité du reste du

corps. D'après cela, Laiiiiois et IL Carrier rangent leur cas

dans le genre des hémimélies de Geollroy Saint-llilaire, en rappe-

lant qu'on fait d'anomalies ou de monstruosités, aucune classifi-

cation ne saurait être rigoureusement exacte. Recherchant la cause

à laquelle il doivent rattacher ces différentes malformations chez

leur malade, ils rejettent, et la régression atavique, et l'hérédité

familiale qu'on ne retrouve pas dans ce cas. Ils rangent les ano-

malies de leur malade, qui appartient à la famille des dégénérés,

parmi les stigmates physiques de dégénérescence.

Au point de vue pathogénique, on admet généralement qu'il

s'agit d'un arrêt de développement du ou des membres embryon-

naires. Cet arrêt de développement peut être : soit d'origine endo-

gène, c'est-à dire que la cause est dans l'embryon lui-même, soit

d'origine exogène, les causes siègent alors dans les annexes ou

dans les organes maternels. La théorie endogène a été soutenue

par Brandt, Edinger, Guérin, Deplanque pour lesquels le système

nerveux central de l'embryon est responsable de l'arrêt de déve-

loppement. \Iathias Duval rejette cette opinion aussi bien que

celle de Serres, pour lequel, l'oblitération des vaisseaux de la par-

tie difforme est la cause de l'arrêt de développement. ·

La théorie exogène a été défendue par M. Duval, pour qui les

cas d'hémimélie sont des amputations congénitales. Il explique la

présence des doigts imparfaits par la propriété qu'ont les organes

embryonnaires de se régénérer, de produire de nouveaux bour-

geons. Sans admettre complètement la théorie de M. Duval, les

auteurs adoptent la théorie exogène et pensent que les anomalies

de cette sorte sont consécutives à des compressions intra-utérines,

dues soit à des brides, à des adhérences de l'ammos, soit au cor-

don ombilical etc., les compressions, sans être suffisantes pour

produire l'amputation congénitale, ont été capables d'entraîner

l'avortement complet ou le développement imparfait des bourgeons

embryonnaires comprimés, tandis que ceux qui échappaient à la

compression ont pu évoluer presque normalement.

Les drames DE la folie. Hier matin, il onze heures, dans un

accès de folie, une blanchisseuse, 1m. Joséphine Ilaguarée, âgée

de vingt-neuf ans, demeurant 130, rue de Bellevillt" a tranché

avec un rasoir le poignet droit de sa fille Juliette, âgée de deux-

ans, et s'est ensuite coupé le poignet gauche avec la même arme.

La mère et l'enfant ont été toutes deux transportées il l'hôpital

Tenon. (L'¡(m'ore du 19 janvier 1902.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCI1'L; DE NEUROLOGIE

Séance du 6 février 1902. Présidence DE'M. Gombault.

Deux cas de compression lente de la moelle ayant donné lieu

à une paraplégie spasmodique. -

MM. Brissaud et FEIN DE L, de l'étude de ces deux cas, tirent les

conclusions suivantes. Une section complète et subite de la moelle

(comme celle que provoquerait un traumatisme) entraîne la para-

plégie flaccide établie à perpétuité avec abolition des réflexes

et perte totale de la sensibilité. Mais jusqu'à plus ample

informé, nous considérons comme prouvé le fait qu'une compres-

sion lente agissant à la façon d'une ligature ou d'une striction

indéfiniment prolongée et transformant le tissu de la moelle en

une véritable cicatrice, peut donner lieu à une paraplégie spas-

modique. Les deux cas rapportés sont destinés à faire nombre

parmi les faits qui devront être examinés avec soin et accumulés à

l'avenir pour élucider définitivement cette question pour laquelle

M. Brissaud lui-même déclare que l'examen de ces deux observa-

tions ne donne pas raison à ses anciennes idées.

Deux cas d'une tumeur ayant comprimé lentement la moelle

et donné lieu à une paraplégie spasmodique .

M. CES TAN rapporte l'observation avec autopsie de deux femmes

atteintes de psammome de la moelle qui ont pu -être suivies, l'une

pendant cinq ans, l'autre pendant dix ans. Les deux tumeurs

étaient dures et infiltrées de concrétions pierreuses; à leur niveau

les deux moelles étaient réduites à deux lamelles transparentes

accolées aux psammomes. Dans cette lamelle persistaient quelques

tubes nerveux, altérés d'ailleurs, n'appartenant plus à aucun type

et ne permettant plus le passage de l'influx nerveux. Le début

avait été assez rapide, mais la marche très lente et les deux

femmes avaient présenté la paraplégie spasmodique complète. Il

faut donc accorder une grande importance au facteur de durée

dans les sections de la moelle.

Archives, 2* série, t. XIII. J ü

242 SOCIÉTÉS savantes.

Vitiligo dans le tabès.

M. Ballet présente deux tabéliques, l'un complet, l'autre fruste

avec vitiligo largement réparti sur le tronc et sur les mains.

Le premier malade a été en outre atteint de double coxalgie et de

deux fractures spontanées auxquelles semblait le prédisposer

un état rachitique très marqué. Le vitiligo est fréquent dans le

tabes, ,

M. Marie n'est pas convaincu que le cas fruste soit bien réelle-

ment un tabes. Il a observé à Bicêtre trois malades qui ont eu des

troubles cutanés avec perte d'une narine, ces trois sujets présen-

taient des signes de tabes sans être des tabétiques, comme

l'autopsie l'a montré, malgré quelques lésions médullaires posté-

rieures.

M. Souques voit un malade de soixante-quatre ans, porteur d'un

vitiligo du tronc avec très vieille syphilis et signe d'Argyll, mais

non tabétique. De tels malades sont des syphilitiques avec vitiligo

qu'ils soient tabétiques ou non.

Absence congénitale des muscles pectoraux.

M. Souques présente un jeune homme dont le pectoral droit est

totalement absent et le gauche réduit usa plus simple expression,

la main droite est petite et porte les traces d'une syndactilie

opérée. Il attribue cette inflammation à la compression de la

région pectorale dans la position foetale.

Retard de développement physique et intellectuel.

M. Dupré présente une fillette de quinze ans, ayant l'aspect et

la mentalité d'une enfant de sept ans. Le sujet a eu sa première

dent à deux ans, a marché à trois ans et, jusqu'à l'âge de quinze

ans, elle a revêtu la forme de l'infantilisme simple. A ce moment

sont arrivées les premières règles et s'est ins'allé un état myxoe-

démateux fruste. Le traitement thyroïdien a amélioré cet état

même dans ses manifestations osseuses, comme l'ont montré des

radiographies successives. L'hérédité alcoolique est bilatérale;

une amélioration s'était produite à l'âge de cinq ans, mais une

fièvre typhoïde a ramené l'infantilisme. Ce cas pourrait s'intituler

infantilisme thyroïdien hérédo-alcoolique.

Asthénie générale avec hypotonie.

MM. Dupré et PncnEz présentent une femme de trente-huit ans,

qui a été traitée sans succès à la Salpetrière par le lit et le régime

lacté pour un état neurasthénique vulgaire, mais qui est at-

teinte d'un phénomène assez singulier. Sans paralysie, sans

- sociétés savantes. 2't3

stigmates d'hystérie, sans troubles de la sensibilité, sans atrophie,

sans troubles des réactions électriques, il existe seulement une

extrême faiblesse musculaire, avec fatigue qui s'oppose à tous les

actes de la vie ordinaire, on peut se faire mordre, se faire frapper,

serrer, sans aucune douleur, cette femme marche mollement

comme les myopathiques ; elle s'abat comme une masse gélati-

neuse quand on lui dit de se coucher, elle se relève péniblement

et à quatre pattes quand on lui dit de se relever, et le fait en

grimpant après ses membres. Ce cas difficile à classer mérite le

nom d'hypotonie généralisée'.

Névrite motrice généralisée avec signe de Babinski.,

M. Lortat-Jacob rapporte un cas de névrite périphérique avec

signe de Babinski. M. Crocq admet d'ailleurs la présence de ce

phénomène dans de tels cas, au cours desquels M. Lortat l'attribue

non à un trouble réflexe central, mais à ce que l'action des muscles

extenseurs moins atteints l'emporte sur l'action genérale des sys-

tèmes musculaires locaux.

- M. Touche présente les pièces d'un tabès préataxique, y compris

le cervelet en comparaison avec les mêmes pièces de tabes

confirmé. ~"

Hêmi-asynergie cérébelleuse.

MM. VIGOUROUx et L.,uG¡OEL-L.\YAS'fINE présentent une pièce pro-,

venant d'un malade qui. pendant la vie, eut le syndrome cérébel-

leux (vomissements, vertiges, titubation, démarche ébrieuse,

écartement des membres dans la station debout, abolition des

réflexes à droite), et plus particulièrement l'hémiasynergie céré-

belleuse droite, récemment par M. Babinski. Cette hémi-asynergie

constatée à plusieurs reprises du côté droit, permit de localiser la

lésion dans la moitié droite du système cérébelleux. A l'autopsia ;

ancien foyer hémorragique dans la partie postéro-externe de la

substance blanche de l'hémisphère cérébelleux droit. La pièce

présente de plus une hémorrhagie toute récente dans la moitié

droite de la partie ventrale de la protubérance. La contraction

réflexe des deux quadriceps fémoraux était produite par la per-

cussion du tendon rotulien droit, tandis que celle du tendon gauche

ne produisait la contraction que du quadriceps droit.

' Au moment où cette communication était faite il venait de paraître

dans le Neurotogische ,Cenlralblall- la relation d'un cas semblable que

l'auteur désigne sous la dénomination d'api oscamasie. L'aspect indiffé-

rent et analgésique de la malade de M. Dupré semble autoriser l'opinion

qui en ferait une mentale si non une hystérique..

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Névralgies radiculaires par méainopathies localisées.

M. Chipault. L'auteur, en se basant sur six observations, décrit

une affection douloureuse caractérisée par de l'hyperalgésie sur le

territoire d'une ou de plusieurs racines médullaires et par des

crises douloureuses à maxima siégeant en des points déterminés

du territoire hyperalgésique. Ces crises peuvent s'accompagner

de tic. Cette affection se présente indépendamment de tous autres

symptômes nerveux et ne relève ni du tabes, ni des lésions

osseuses vertébrales, ainsi que permettent de l'affirmer non seule-

ment ses caractères propres, mais encore le long espace de temps,

jusqu'à neuf ans, pendant lequel les malades ont été observés.

Cinq sur six présentaient des antécédents intéressants : l'un un

traumatisme vertébral léger, trois du rhumatisme, deux de la

syphilis. Quatre ont été opérés et chez tous l'on a constaté, au

niveau des racines incriminées, l'existence d'adhérences intra-

archnoïdiennes et sous arachnoïdiennes, avec aspect scléreux et

cicatriciel, bien localisé des méninges molles. Une intervention

constituée par la simple libération des adhérences, s'est montrée

insuffisante. Sur les trois autres où a été pratiquée la résection

intradurale des racines, il y a eu un résultat incomplet dû à ce

que la résection n'a pas porté sur le nombre des racines voulues

et deux complets suivis depuis huit ans et demi et deux ans.

. Sur l'évolution et la thérapeutique du tabès.

1\11\1. MAURICE P'nunE et G. CoIVSTEnsoux. Il résulte de plusieurs

avis exprimés dans la précédente séance que les formes de tabes

à évolution bénigne sont aujourd'hui beaucoup plus fréquentes

qu'autrefois. Il y a donc lieu de se demander, avec M. le Par Ber-

naud, si cette maladie n'a pas varié avec les époques (comme bien

d'autres maladies) et si la thérapeutique plus complète d'aujour-

d'hui, n'est pour quelque chose dans l'atténuation des accidents

du tabétique.

Nous avons dans ce but parcouru les observations collectionnées

dans le service de rééducation institué à la clinique Charcot. par

M. le Pr Raymond, en 1896, et aussi les observations recueillies au

cours de deux voyages d'études aux eaux deLaMalou, où passent

annuellement 4 à 5 000 malades, pour la plupart tabétiques. Voici

le résultat d'une enquête rapide et limitée aux points essentiels :

La l'orme ordinaire du tabes, de' nos jours, n'est pas une forme

à évolution progressive et fatale. Dans la plupart des cas, la ma-

ladie procède par étapes, chaque étape étant caractérisée par un

accident nouveau, ou par un retour d'accidents anciens, les

périodes de rémissions plus ou moins longues et complètes sépa-

SOCIÉTÉS savantes. 245

rent ces étapes. Très souvent le malade s'arrête à la troisième ou

quatrième étape et la rémission est définitive ou à peu près.

Le sujet est alors plus un infirme qu'un malade. Cet infirme

peut, dans beaucoup de cas, redevenir un homme à peu près

normal. Parmi les thérapeutiques usuelles, deux au moins ont une

action nette sur cette répression des accidents tabétiques. Ce

sont :

1° La cure de Lamalou, qui parait tendre à arrêter le tabes

après un petit nombre d'étapes, et qui amène l'atténuation des

accidents déjà constitués.

,20 La rééducation motrice, qui permet aux malades de retrouver

la coordination des mouvements et, par suite de se mouvoir, de

reprendre ses occupations, de vivre de la vie commune et de

conserver un état moral et un état général satisfaisant.

Deux autres thérapeutiques sont aussi fort employées, la cure

anti-syphilitique et la suspension, mais pour l'une et pour l'autre

nos observations aboutissent à des résultats absolument contra-

dictoires. En somme le tabétique, dans beaucoup de cas, peut

guérir cliniquement avec une thérapeutique appropriée, contrai-

rement aux anciens pronostics. F. Boisson.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOG'IE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 21 janvier 1902.

Deux cas de fausse grossesse.

M. LE MENANT des CHESNUS rapporte deux cas de fausse grossesse

nerveuse dans lesquels l'illusion a duré jusqu'à la fin du neuvième

mois. Dans un cas, la suppression des règles était due à la méno-

pause ; dans les deux cas, la passion de la maternité a été le facteur

étiologique essentiel. '

Constipation opiniâtre et suggestion hypnotique. ·

M. PAUL FAREz rapporte l'observation d'une femme detrente - cinq

ans atteinte de constipation opiniâtre. Les rares matières qui sont ex-

pulsees de loin en loin sont minces, laminées, rubanées; les laxa-

tifs ne produisent aucun effet; les lavements sont impossibles

parce que le sphincter anal refuse d'admettre la canule. Une seule

séance de suggestion hypnotique suffit à suspendre ce spasme sphinc-

246 sociétés savantes.

térien et' réveiller les mouvements musculaires de l'intestin ; le

soir même et le lendemain surviennent de nombreuses et abon-

dantes débâcles; depuis lors, la douche rectale quotidienne est

bien tolérée et provoque une garde-robe très satisfaisante. On voit

que la suggestion hypnotique agit non seulement sur les troubles

psychiques et sur ceux de la motricité volontaire, mais encore sur

les fonctions de la vie végétative.

Les divers modes de la suggestion.

M. FEUX REGKAULT expose, à propos de la récente communication

de M. Babinski, qu'il ne faut pas identifier, mais au contraire, dis-

tinguer dans la suggestion l'insinuation, la persuasion, la convic-

tion, la démonstration, l'imitation, etc.

Un cas de toxicophobie.

M. Henry LEMESLR présente une malade qui, depuis deux mois,

était atteinte de toxicophobie. Par crainte d'être empoisonnée, cette

femme en était arrivée à refuser toute espèce de nourriture et à

ne plus dormir du tout la nuit. Quatre essais d'hypnotisation ne

furent suivis d'aucun résultat; à la cinquième séance, cette femme

tomba dans un sommeil profond et, au bout de deux ou trois

autres séances de suggestion, elle redevînt gaie, récupéra son ap-

pétit d'autrefois, reprit ses occupations habituelles et se trouva dé-

livrée de sa phobie.

Présentation d'une grande hystérique. '

BLRILLON et PAUL MAGNIN présentent une jeune hystérique de

treize ans sur laquelle ils reproduisent méthodiquement les expérien-

ces classiques de la Salpêtrière. Ils discutent à ce propos la loi des

trois États, les objections qu'a formulées contre l'école de Nancy,

la récente conception de l'hystérie exposée par M. Babinski. Ils in-

sistent sur les caractères somatiques de l'hypnotisme et remettent

en lumière plusieurs points qu'ils ont établis jadis à la Pitié dans

le service et avec la collaboration de Dumontpallier.

A propos de la pétition des magnétiseurs.

M. Henry LLAtELG propose de mettre aux voix la motion suivante,

qui est adoptée à l'unanimité des membres présents : -.

« En conformité des conclusions formulées par le Congrès de

l'hypnotisme de 1900, la Société d'hypnologie et de psychologie

émet le voeu que l'hypnotisme thérapeutique, alors même qu'il est

employé sous le nom de « magnétisme », soit- soumis à la loi du

30 mars 1892. »

sociétés savantes. 247

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

DE MOSCOU

Séance du la décembre 1900.

A. Sciiuidt présente une malade atteinte de gliomatose de la ré-

gion inférieure de la moelle.

Paysanne âgée de vingt ans. Paraplégie spasmodique, plus pro-

noncée du côté droit. Exagération des réflexes rotuhens, Phéno-

mène du pied. Démarche spastique. Certaine atrophie des muscles

de la jambe droite sans raideur, mais avec simple diminution de

l'excitabilité électrique. Pied plano-valgus. Pendant la marche les

genoux prennent l'aspect de valgum. Dissociation syringomyéli-

que de la sensibilité dans la moitié droite du corps au-dessous de

la septième vertèbre dorsale, la région fessière exceptée. Légère

hypoesthésie thermique au pied et à la partie inférieure de la

jambe du côté gauche. Le sens musculaire est affaibli des deux

côtés, mais plus particulièrement à la jambe droite. Parfois accès

de douleurs dans la jambe droite, où l'on trouve aussi les traces

d'une brûlure et de quelques lésions traumatiques. Les organes

internes sont intacts.

L'auteur attire l'attention sur ce fait que dans cette observation

les lésions ont eu une marche ascendante. En effet, la malade a été

présentée il y a huit ans à cette même société avec le diagnostic de

troubles nerveux relevant du pes planus. La maladie a débuté à

l'âge de onze ans par une tuméfaction du gros orteil du pied droit.

Ensuite apparut une douleur dans l'articulation du cou-de-pied pen-

dani la marche et à la station debout, puis sensation de froid à la

jambe droite, atrophie des muscles de la jambe droite et les phéno-

mène sspastiques.

G. RossoLmo. - Note sur la paralysie faciale récidivante.

Le symptôme complexe de l'hémicranie, qui se distingue par la

périodicité des accès, s'accompagne souvent de troubles de la

parole ou de symptômes morbides du côté d'autres nerfs crâniens,

tels quela névralgie des branches faciales du trijumeau ou la para-

lysie récidivante de la troisième paire. L'auteur admet par analo-

gie la possibilité d'une paralysie faciale périodique (récidivante),

faisant partie du symptôme complexe de l'hémicranie. Il cite,

comme preuve à l'appui de cette assertion, l'observation d'une

malade, âgée de vingt-huit ans et sujette depuis longue date à des

accès d'hémicranie (héréditaire) à localisation variable (temporale,

occipitale, gauche et droite). Dans le courant des dernières neuf

248 sociétés savantes. ,

années la malade eut deux fois une paralysie faciale du côté gauche

et deux fois une paralysie faciale du côté droit. La première fois l'ap-

parition de la paralysie faciale a été précédée d'un accès très fort

de migraine occipitale du même côté; la paralysie faciale survint

deux jours plus tard d'une façon brusque et dura plusieurs mois

comme les autres- fois (de deux à cinq mois). La cause de cette

paralysie doit être recherchée probablement dans les troubles de

la circulation intra-cranienne provoqués par l'hémicranie.

Discussion. M. Minor rappelle que les paralysies récidivantes

s'observent aussi dans le diabète et dans la tuberculose. M. Mou-

ATOV émet l'hypothèse d'une paralysie faciale d'origine paludé-

enne. ,

M. V. lIIouRAvIEFF. Contribution à la question des altérations du

tronçon central du nerf sectionné.

Chez des lapins on excisait des morceaux du nerf sciatique assez

volumineux pour empêcher la régénération des deux tronçons.

Au bout d'un temps variable (jusqu'à 140 jours) les animaux

étaient décapités. Le bout central du nerf sectionné est traité par

l'acide osmique, d'après le procédé de Bousch, et par le procédé

de formol-méthylène. Conclusions : 1° Les noyaux de la gaine de

Schwann montrent avec le temps une tendance à se multiplier et

à s'effiler (en longueur); 2° la gaine de myéline des fibres nerveu-

ses devient plus mince et se colore faiblement par l'acide osmi-

que ; les contours de la gaine deviennent plus irréguliers, on y

remarque des entailles et des enfoncements; dans certains endroits

sur un trajet plus ou moins long, la myéline disparaît presque

complètement, ce qui met à nu le réseau achromatique de la fibre.

Parfois on trouve dans la gaine de myéline des petites boules noires

isolées.Les préparations faites d'après le procédé de formol-méthy-

lène ne font que très rarement découvrir des granulations chroma-

tophiles ; 3° les cylindres-axes se conservent, mais dans beaucoup

de fibres, ils présentent des épaississements fusiformes et parfois

se divisent en deux branches qui, en s'enchevêtrant, forment un

ou plusieurs noeuds; 4° toutes ces altérations décrites plus haut,

sont de nature atrophique; dans quelques fibres isolées seulement

on trouve la dégénération wallérienne évoluant plus ou moins

rapidement.

En traitant les racines et la moelle parle procédé de l3ousch, on

obtient des résultats négatifs; d'ailleurs, parfois on trouve des

petits amas ronds en petite quantité dans les parties extra et intra-

médullaires des racines antérieures et postérieures, dans les cor-

dons postérieurs et latéraux; par leur aspect ces amas diffèrent de

ceux qu'on observe dans les cas de dégénération vraie. Ce n'est

donc pas, à vrai dire, d'une dégénération des racines qu'il s'agit

ici, mais plutôt du même processus atrophique, que celui qu'on

sociétés savantes. 249

observe dans la partie périphérique du nerf : seulement le proces-

sus a pris plus haut un aspect particulier en vertu de certaines

conditions locales particulières.

Si d'autres auteurs ont obtenu des résultats quelque peu diffé-

rents, cela peut tenir au traumatisme, imprimé à la racine (extir-

pation du nerf) ou à une névrite ascendante ou à d'autres causes

occasionnelles.

Discussion. M. VERSILOFP fait remarquer que dans les prépa-

rations de ce genre qu'il avait examinées, la désagrégation'de la

myéline était beaucoup plus prononcée que dans celles présentées

par M. Mouravieff. M. RoTO attire l'attention sur l'existence de

transitions entre l'atrophie et la dégénération de sorte que sou-

vent on est embarrassé à appliquer le terme exact au tableau his-

tologique. Des remarques ont été faites par 11111. IoIwIUOrF et

ROSSOUMO.

V. VO ! \OlJIEFF. Du soi-disant type occipital du crâne des aliénés

dégénérés. -

Pour préciser le degré de développement du front, l'auteur me-

surait la longueur des cordes qui réunissent les deux bouts (gauche

et droit) du diamètre biauriculaire avec le point frontal (ophrion).

Il a complètement renoncé à la mensuration de l'occiput, puisque

le seul point saillant, la protubérance occipitale externe, se déplace

plus ou moins en rapport plutôt avec le développement des mus-

cles du cou et du ligament occipital qu'avec celui des lobes occipi-

taux du cerveau.

L'auteur a soumis à cette mensuration 50 aliénés, atteints de psy-

choses dégénératives. Les résultats comparatifs d'avec la popula-

tion saine du même district sont négatifs, c'est-à-dire que le dia-

mètre ophrion-tragus qui indique le degré de développement du

front, est presque égal, même un peu plus grand chez les aliénés

que chez les bien portants (119,40 et 118,25). Pourtant les asymé-

tries partielles du crâne (diamètres gauche et droit) sont plus fré-

quents chez les premiers que chez les derniers (10 fois sur 50 et

5 fois sur 50 resp.) Les résultats contraires des auteurs s'expliquent

par ce fait que les recherches ont porté sur des sujets de diverses

races et de différentes conditions sociales.

Secrétaires des séances : N. VERsILoFF. A. Bernstein.

VAMnnE.Le nommé Mathieu, aide fossoyeur àAnchy (Savoie),

s'est introduit dans le cercueil d'une femme qu'on venait d'en-

terrer et y a été surpris par plusieurs personnes, dont son propre

fils. Ce misérable a été arrêté. (Bonhomme Normand, n° 6, 1902.)

BIBLIOGRAPHIE.

V. L'hypnotisme et les suggestions hypnotiques; par le Dr J. Tires,

de Montpellier. Coulet et fils, éditeurs. -

Elève et partisan de l'école de Nancy, M. Vires passe d'abord en

revue les anciennes théories d'hypnotisme, comme celles du magné-

tisme animal de Mesmer et du magnétisme expérimental de l'abbé

Faria et du D1' Braid. Ensuite, il arrive à la théorie moderne de

l'hypnotisme, théorie défendue par l'école de Nancy et basée sur

la suggestion avec ou sans sommeil. Nul ne peut être sugges-

tionné contre son gré, s'il résiste à l'injonction, c'est la formule .

que M. le professeur Bernheim a mise comme base de l'hypno-

tisme et à laquelle se sont ralliés à peu près tous ceux qui s'occu-

pent de la question. Le travail de M. Vires contient une foule de

faits des plus intéressants où l'hypnotisme fut pratiqué par des

personnes étrangères aux études et aux expériences hypnotiques.

Un cas cité par Braid concerne un enfant de cinq ans et demi,

qui provoqua l'état hypnotique chez une domestique, après avoir

assisté à une séance de magnétisme animal. Le cas du garçon de

dix ans du procès célèbre de Tisza-Eslar, qui, étant suggestionné

par la foule et les circonstances, accusa son père d'un crime

odieux, qui n'eut point lieu. Les phénomènes de stigmatisation,

Comme les cas de deux extatiques, saint François d'Assise et

Louise Lateau.

L'hypnotisme peut certainement servir comme moyen théra-

peutique, car « la foi peut sauver et guérir », disait Charcot. Mais,

peut-on considérer l'hypnotisme comme étant capable de suggé-

rer un crime ? L'auteur s'élève contre cette possibilité. Pour lui,

comme pour M. Bernheim, les criminels, les voleurs et les assas-

sins ne sont pas des magnétiseurs de profession, parce que le

sujet, hypnotisé, s'indigne inconsciemment contre ce qui est

contraire à sa morale atavique, contraire à son éducation et à ses

sentiments, acquis par le milieu et les développements scientifique

et religieux. C'est une explication peu explicite et, malgré l'auto-

rité du professeur de Nancy et de l'auteur du travail analysé,

j'avoue qu'elle ne me satisfait pas beaucoup. Du moment que

l'hypnotisme, phénomène purement suggestif, peut suggérer les

hallucinations négatives ou positives, pourquoi ne pourra-t-il pas

suggérer des actions inconscientes au sens moral du mot`1 Dans

un cas, cité par M. Vires, un sujet ne voyait pas le professeur

bibliographie. 231 1

Sarda présent après le sommeil et dont l'absence lui fut suggérée

pendant le sommeil. Dans un autre cas le sujet saluait le profes-

seur Massé, alors que celui-ci n'assistait point ¡¡l'expérience,

La brochure de M. Vires est liés intéressante à lire et prouve

que son auteur possède en perfection la question, dont le côté

mystérieux est encore peu élucidé, malgré les nombreux travaux

sur le sujet de l'hypnotisme. - P. KOUINDJY.

VI. Les Emotions ; par SERGr. (Bibliothèque internationale de Psy-

chologie expérimentale. O. Doin, éditeur, 1901.)

M. Sergi est trop connu par ses travaux pour qu'il soit utile de

mettre en relief les qualités de cette publication qui ne fait d'ail-

leurs que condenser ce qu'il a publié antérieurement sur le plaisir

et la douleur, ou la nature des sentiments. Dans une préface, il

résume très succinctement l'esprit aveclequel est conçue sa théorie.

Il tente de démontrer scientifiquement que les sentiments de

douleur et de plaisir n'ont pas leur origine dans le siège même où

se développe la pensée. Ils sont constitués par des modifications

de la vie organique, rendues conscientes par les voies cérébrales,

dominées par un centre encéphalique, centre des centres d'origine

des nerfs qui règlent les fonctions vitales : la moelle allongée ;

cette dernière est donc le centre des émotions réagissant après

toute excitation organique, physique ou psychique. C'est de la

moelle allongée que partent les excitations qui modifient à leur

tour la vie organique et font naître des sentiments.

Le cerveau peut donc être la cause des excitations émotionnelles

mais il est aussi le centre de la perception consciente des senti-

ments suggérés par les perturbations organiques. En somme,

M. Sergi établit solidement la base physique des émotions et en

développe le mécanisme. Il va du simple au composé ; et après

avoir décrit l'irritabilité, cette première réaction de la vie végétale

et animale, cette première manifestation de toute activité vitale,

il en montre les transformations en diverses sortes de sensibilités

correspondant à la hiérarchie des êtres. Sa forme supérieure est

la forme consciente. Avec de telles données, qu'il appuie de faits

expérimentaux, il peut ensuite parler en connaissance de cause

de la nature des émotions et de leurs variations individuelles.

Trois chapitres très intéressants sur l'origine des sentiments esthé-

tiques précèdent un chapitre sur la nature du sentiment religieux.

Par ces indications, on voit que le livre est une synthèse complète

et documentée de la nature et de l'expression des émotions. P. B.

VII. La Morale, par G. Duennr. (Bibliothèque internationale de

Psychologie expérimentale. Octave Doin, éditeur. Paris 1901.)

Le but de cette bibliothèque étant de donner des indications

252 bibliographie.

précises sur les questions d'ordre psychologique, éclairées par les

découvertes scientifiques, il est tout naturel que la morale soit

étudiée à son tour. On a une tendance malheureuse à enseigner à

la jeunesse que la morale repose sur des notions abstraites et

métaphysiques; il est temps de condenser en un volume destiné

à la vulgarisation ce ^que l'on sait sur une morale basée unique-

ment sur la connaissance des faits psychologiques. Dans ce but,

M. Duprat fait passer sous les yeux du lecteur tous les éléments

qui lui permettent d'établir des conclusions vraiment scientifiques :

toutes les données acquises dans les cliniques et les laboratoires

psychiatriques par les études des maladies nerveuses ou men-

tales occupent une place importante dans ce volume, et méritent

d'attirer l'attention des médecins.

A chaque page de l'ouvrage, on sent que l'auteur cherche à

dégager les facteurs normaux de la conduite et à en montrer l'ori-

gine individuelle. Toute détermination reçoit son empreinte des

inclinations propres à chaque sujet. Toute perception est essen-

tiellement variable, car elle dépend du type sensoriel (auditif-

visuel, etc.) que réalise un individu : les réactions en reçoivent le

contre-coup. Ce sont des faits qu'on connaissait, mais il fallait les

classer, les rattacher les uns aux autres et en tirer des conclusions

philosophiques.

L'instabilité, l'aboulie, les maladies de l'attention, de la vo-

lonté, etc., tout entre en ligne de compte et la plupart des cha-

pitres, sinon tous, offrent pour nous autres médecins un véritable-

intérêt. Je signalerai, par exemple, un chapitre très documenté

sur la détermination des actions immorales, dans lequel les types

criminels et les facteurs du délit sont soigneusement classés, et où

les nombreuses et intéressantes discussions sur la responsabilité

trouvent une solution rationnelle. P. BONCOUS.

VIII. Archives de neurologie du laboratoire des asiles du Comté de

Londrès. Plusieurs articles parus en un volume de 500 pages

publié sous la direction du Dr F.-W. Mont, directeur du labora-

toire.

Le premier et le plus important de ces articles, publié par le

Dr Mott, porte sur les Relations de la syphilis sur les troubles orga-

niques du cerveau et la folie. Cet article comprend deux chapitres.

Chapitre I. Notes sur 60 cas de syphilis cérébrale observés, à

l'asile et à l'hôpital (dont 22 cas suivis d'autopsie) . - Le trouble le

plus fréquemment observé a été la méningite syphilitique de la

base. Presque tous les cas mortels ont présenté il l'autopsie une

méningite gommeuse de la base. Il y avait aussi, mais à un degré

moindre, méningite spinale. Tons les cas autopsiés ont présenté

une lésion profonde des tuniques des artères (grandes et petites)

bibliographie. 253

et dans 5 cas, il y avait des masses gommeuses dans le cerveau,

la scissure de Sylvius était le siège le plus fréquent. Plusieurs cas ont

présenté des lésions communes à la base et à la convexité. La

céphalalgie, les troubles oculaires, troubles de l'oculo-moteur

(communs), les crises épileptiformes, un état de stupeur somno-

lente fréquente dans la méningite de la base, avec état démentiel

rappelant les symptômes de la paralysie générale (le diagnostic

de p. g. fut porté dans quelques cas) tels ont été les principaux

symptômes. Suit un détail de ces 60 observations.

Chapitre II. Etiologie et pathologie de la paralysie générale .

Dans cet article, l'auteur fait surtout -ressortir l'influence de la

syphilis sur la paralysie générale.

Nous donnerons un court aperçu des autres articles :

Syphilis dans la paralysie générale des aliénés; parH.-W. LEWIS.

Observations prises sur une série de 200 malades admis à l'asile

de Claybury. Sur ces 200 malades, 23 étaient paralytiques et sur

ces 23, la syphilis était sûre dans 16 cas ; 4 étaient douteux. et

3 négatifs. Suit le détail de ces 23 observations

Dégénération du ganglion postérieur ou spinal et des vérifications

périphériques dans un cas de paralysie générale accompagnées

d'éruptions bulleuses ; MOTS et H. VRIGHT,

Chimie de la dégénération des nerfs; par 111orr et DaRRATT. -,

Etude faite sur les moelles de deux hémiplégiques.

Un cas de sclérose latérale amyotrophique avec dégénération des

couches cellulaires profondes de l'écorce, et diagnostiqué paralysie

générale ; par Mort.

Un cas d'anémie pernicieuse avec symptômes médullaires. Dégéné-

ration de tous les cordons de la moelle ; par le même.

Trois cas de tumeur du troisième ventricule; par MOTS et

DUNATT.

Télangiectasie du lobe frontal gauche avec convulsions épilepti-

formes ; par BrADLEs.

Trois cas différents de lésions multiples du système nerveux cen-

tral; par TREDYOLI. Ces trois cas, qui n'ont pu être classés, ont

présenté l'aspect d'une paralysie progressive, à évolution lente

vers la démence. Pas de paralysies des bras. Nystagmus légère-

ment marqué. Incontinence d'urine. Pas de troubles oculaires ni

de tremblement. Les troubles de la parole et l'affaiblissement

intellectuel ne survinrent que tout à fait à la fin, A l'autopsie :

sclérose disséminée ne répondant par son aspect à aucune forme

décrite. Les lésions semblent avoir été confinées d'abord à la

moelle dorsale pour s'étendre ensuite progressivement.

Recherches sur les lésions produites dans le cerveau, la moelle, les

muscles et les autres organes, chez les sujets morts de convulsions-

épileptiformes prolongées ; par MoTT. 11. HAMEL,

VARIA.

Médecine en 1800 ; par Samuel-L. 1111CIIELL.

Cet article est la préface d'une édition américaine de la zoono-

mie de Darwin, où l'auteur passe en revue les progrès de la phi-

losophie médicale, comparant aux théories -de pathologie générale

d'Epicure, Lucrèce et Asclépiade, celles du début du siècle, de

Brown et Darwin. (The Alienist and neurologisl, 1901, p. 305 326.)

Smon.

Les aliénés en liberté.

M. Guitton, ancien pasteur protestant, demeurant à Nevers,

rue du Docteur-Roche, qui donnait depuis quelque temps des

signes d'aliénation mentale, s'est dérobé hier soir à la surveil-

lance dont il était l'objet et a frappé plusieurs personnes, dont

une assez grièvement. M. Guitton à été conduit à l'asile de la

Charité. (Petit Parisien, G septembre.)

- rerdinand Leuzineau,âgé de vingt-cinq ans, demeurant à Sain^.

Romain de Benet, et atteint d'aliénation mentale, s'est suicidé,

mardi, en se jetant sous les roues d'un tombereau chargé de

cailloux. Le malheureux a eu la tête broyée ; la mort a été instan-

tanée. (Tablettes des Deux-Charentes, 7 septembre).

' La veuve Lamotte, habitant Étampes (Seine-et-Oise), atteinte

de folie, est allée chez sa fille, la dame Lérot, et lui au tiré plusieurs

coups de revolver sans l'atteindre. Elle s'est ensuite enfuie chez

elle, et s'est tuée de trois coups de revolver dans le coeur (Bon-

homme Normand, du 6 au 12 sept. 1901).

Le sieur Alexandre Aguinet, âgé de cinquante-huit ans,

cultivateur, commune d'Eperrais (Orne), atteint de folie, s'est sui-

cidé en s'ouvrant le ventre avec un rasoir et se coupant les intes-

tins par morceaux. (Bonhomme Normand, 10 octobre).

Une femme Julie Labrot, cinquante ans, de la Beaume (Ardè-

che), a, dans un accès de folie, pendu à l'espagnolette de la fenêtre

son enfant de deux ans. Un autre petit garçon, âgé de cinq ans,

aurait subi le même sort, s'il n'avait pu s'enfuir et se réfugier chez

des voisins. Quand ceux-ci arrivèrent, ils trouvèrent la femme

' Labrot riant aux éclats à côté du cadavre. (Bonhomme Normand,

10 octobre).

FAITS DIVERS.

Asiles D'ALIÉ1É. - Mouvement de janvier 1902. M. le Dr Nicou-

LAN, médecin en chef à Cadillac, promu à la Ire classe du cadre;

M, le U 11'nnr. (concours de Paiis), est nommé médecin-adjoint

à l'asile de Saint-Ylie (Jura), en remplacement de M. le Dr Jacquin.

nommé médecin-adjoint à l'asile de Château-Pioon (Bordeaux-

Gironde ; M. le Dr Magnan, médecin en chef à l'asile clinique

Sainte-Anne, nommé officier de la Légion d'honneur; M. le

Dr Gmml, directeur-médecin à l'asile de Pau, nommé à la classe

exceptionnelle.

Asiles d'aliénés DE la SEINE. - Concours de l'internat en méde-

cine. A la suite du concours ouvert le 2 décembre, M. le préfet de

la Seine a pris un arrêté, en date du 4 février, nommant : 10 in-

ternes titulaires, MM. Juquelier, Perpère, Jamet, Levassort et

Lavenant; 2° internes provisoires, MM. Cointepas, Audan et Dau-

jean. - Les candidats ont eu à traiter comme question écrite,

symptômes et diagnostic de la pneumonie franche, fracture du tibia

compliquée de plaie, et comme questions orales : lobe frontal,

branches du nerf facial, faisceau pyramidal, technique du cathé-

térisme de 1'1l1'ètl ! 1'e chez l'homme.

."V

Suicide D'UNE adolescente. Dans la ajournée de mercredi,

la jeune Ernestine Bourgeois, de Louviers, âgée de quatorze ans,

travaillant dans un établissement de la ville, avait été congédiée

par son patron. En rentrant de son travail, elle apprit à sa mère

ce qui venait de se passer. Celle-ci se rendit immédiatement chez

le patron de sa fille afin de connaître le motif de son renvoi. A son

retour, elle trouva Ernestine pendue à une poutre du grenier de

sa maison. (Progrès de l'Eure, 25 février.)

La folie du marabout. Yacoub Alohamed, le principal accusé

dans l'affaire de Margueritte, qui, comme on le sait, semble

manifester des signes d'hallucination ce qui provoqua la dési-

gnation de trois docteurs pour l'examen de son état mental -

mit dans la soirée en émoi le personnel de la prison.

A des cris déchirants partant de la cellule, les gardiens accou-

rurent.

Le marabout, qui étranglait ses deux co-détenus, retourna ses

fureurs contre les gardiens qu'il frappa et terrassa, et s'enfuit

2oG BULLETIN bibliographique.

dans la cour de la prison. Il ne fallut pas moins de huit hommes

pour maîtriser le-forcené qui retomba dans son état de prostra-

tion.

Les docteurs déclarent n'avoir jamais vu semblable cas patho-

logique. Est-il réellement fou ? (La Nouvelle Presse du 26 janvier

1902.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

l3wuem. - L'aphasie motrice, in-8° de 126 pages avec 14 figures.

Paris 1901. (Extrait de la Parole.) -

BOXNIER (P.). L'Audition, in-18 de 27G pages avec 50 figures. Prix :

4 francs. Paris 1901, O. Doin, éditeur.

DE laeccnsrE. - Âandssvage-Ançlslalterf, in-8° de 28 pages avec

16 ligures. Kobenhavn 1901. ' -

Duprit (G.-L.). La Morale. Fondements psycho-sociologiques d'une

conduite rationnelle, in-18 de 400 pages. Prix : 4 francs. Paris 1901,

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. Le rédacteur-gérant : 130UIINGVILLE.

Evreux, Cil. HtnJ5SBY, imp ? S-100.

Vol. XIII. Avril 1902. N° 76.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE.

Sur la théorie de l'obsession ' ;

Par le D' F.-L. ARNAUD,

Médecin dii'cclcur adjoint de la maison de santé de Vames.

II y a obsession toutes les fois qu'une idée, un mot, une

image s'impose à l'esprit, indépendamment de la volonté,

par le jeu spontané de l'automatisme cérébral.

Dans l'état normal, ce phénomène apparaît assez fré-

quemment, tout le monde a pu l'observer, sur soi-même :

c'est un mot, une phrase, un air de musique revenant avec

obstination dans l'esprit et que l'on a plus ou moins de peine

à éloigner. Mais, ici, la difficulté n'est jamais que relative.

Il suffit que la conscience reconnaisse l'intruse pour que la

volonté parvienne à la chasser. L'obsession, dans un cerveau

normal, résulte de la fatigue ou de la distraction, et elle n'y

existe qu'à l'état d'ébauche.

Mais, chez certains sujets (psychasthéniques, neurasthé-

niques, dégénérés), les dissociations mentales se produisent

facilement, les phénomènes d'automatisme peuvent acquérir

une véritable indépendance, et c'est dans ces conditions

qu'apparaissent les obsessions graves, réellement patholo-

giques. Ces dernières obsessions sont dites irrésistibles,

parce que la volonté est impuissante à les faire disparaître.

Le sujet en a conscience, il les juge comme des faits morbi-

1 Communication au Congrès des Aliénistes et Neurologisles. Limoges,

août 1901. -

Archives, 2' série, t. XIII. 17

238 PATHOLOGIE MENTALE.

bides, mais il doit les subir, en dépit de la résistance qu'il

y oppose et de la gène qu'il en éprouve.

L'obsession morbide est donc un mode d'activité cérébrale

sur lequel le contrôle de la volonté est nul ou trèsinsuffisant ;

elle s'accompagne ordinairement d'une émotion qui peut

aller jusqu'à l'angoisse. Pour de nombreux auteurs, même,

l'élément émotif serait constant dans l'obsession murbide ;

celle-ci ne serait qu'une émotion d'un genre particulier, une

« émotion systématisée ». Dès lors, se pose la question de

savoir quel est, dans l'obsession, le plus important, de

Vêlement intellectuel ou de Vêlement émotif. L'obsession

est-elle la conséquence d'un trouble intellectuel, ou bien

l'idée n'est-elle, au contraire, qu'une suite logique- de

l'émotion obsédante ? La réponse à cette question dépend de

la façon dont on conçoit l'émotion en général. Ici, nous

sommes en présence de deux théories opposées.

Pour la psychologie traditionnelle, la prépondérance

appartient à l'élément intellectuel. D'après cette théorie,

une perception, une idée d'une certaine nature, enva-

hissant l'esprit, détermine un état affectif, des sentiments

agréables ou pénibles, et l'émotion est dès lors constituée ;

c'est la peur, la tristesse, la joie ou la colère. Les modi-

(ications organiques, musculaires ou vasomotrices, sont

consécutives à l'émotion, qu'elles traduisent objectivement ;

elles n'ont, par rapport à l'idée, que la valeur d'une simple

réaction. -

Cette manière de voir a été. contestée, et un certain

nombre de psychologues soutiennent que les symptômes

organiques de l'émotion, loin de suivre l'état affectif, le

précédent, au contraire, et le déterminent; ces symptômes

organiques joueraient donc un rôle capital dans l'émotion

puisque, en réalité, ils lui donneraient naissance; l'intelli-

gence n'interviendrait que secondairement, non pour

produire mais pour constater l'état émotionnel : « Les

changements corporels qui suivent une perception, dit

AV. James, et notre conscience de ces changements, en tant

qu'ils se produisent, c'est l'émotion. » Pour M. Ribot

également, « la conscience de ces troubles (organiques) est

l'état psychique que nous appelons l'émotion '. » Spinoza

' Th. Ribot. La psychologie des sentiments. Paris, Alcan, 1896.

SUR LA THÉORIE DE L'OBSESSION. lui59 9

avait déjà dit : « Ce qui fonde l'appétit et le désir, ce n'est

pas qu'on ait jugé qu'une chose est bonne ; mais, au con-

traire, on juge qu'une chose est bonne parce qu'on y tend

par l'appétit et le désir. »

On a invoqué les recherches expérimentales pour établir

l'antériorité des modifications organiques sur l'idée, et toute

une école de psychologues s'est ralliée à cette conception.

C'est surtout Lange et W.James qui ont développé la théorie,

acceptée aussi dans son ensemble par Sergi, par Ribot, par

G. Dumas, etc. « On peut se demander, dit M. Ribot, si

(de la sensibilité et de l'intelligence) l'une estprimaire et l'autre

secondaire, si l'une vient se greffer sur l'autre et, dans ce

cas laquelle est le tronc et laquelle estla greffe. Si la vie affec-

tive apprait lapremière,ilestclairqu'ellenepeutêtredérivée,

qu'elle n'est pas un mode, une fonction de la connaissance,

qu'elle existe par elle-même et est irréductible. Ainsi posée,

la question est simple et la réponse est de toute évidence.

Les preuves physiologiques de la priorité en faveur de la

vie affective n'ont besoin que d'un rappel sommaire; elles

peuvent toutes se ramener à une seule : la vie organique,

végétative, apparaît partout et toujours avant la vie animale.

Or, la vie organique s'exprime directement par les besoins

et appétits, matière de la vie affective; la vie animale par

les sensations, matière de la vie intellectuelle ' ». End'autres

termes, l'émotion consciente se compose « de tendances,

c'est-à-dire d'éléments moteurs, et d'états de conscience

agréables, pénibles ou mixtes ; ces deux facteurs forment un

tout en apparence indissoluble. » Mais la tendance, origi-

nellement antérieure d'une part à toute expérience de plaisir

ou de douleur, resterait fondamentale. Chez l'homme adulte,

la connaissance et l'expérience jouent un rôle important

dans l'émotion, elles peuvent la réveiller, la modifier dans

une certaine mesure, mais elles ne la créent pas. Et si nous

attribuons à l'élément intellectuel la prépondérance qui

appartient, en réalité, à l'élément organique, c'est unique-

ment par un besoin de logique. D'après la théorie, pour

revenir à la vérité, « il faut dire, à l'encontre du sens

commun : c'est parce que nous pleurons que nous sommes

tristes, parce que nous frappons que nous ressentons la

' Hibot. La psychologie des sentiments, p. 429.

260 PATHOLOGIE MENTALE.

colère, parce que nous tremblons que nous avons peur '. »

Telles sont, dans leurs traits essentiels, les deux théories,

intellectuelle et physiologique ou périphérique de l'émotion.

Nous les retrouvons à propos de l'obsession. Si chacune

d'elles peut expliquer une partie et un moment de cet état

morbide, ni l'une ni l'autre ne nous paraît rendre compte

de ses caractères fondamentaux et permanents et, par con-

séquent, ne nous satisfait complètement. ,

A l'encontre de la théorie intellectuelle, on peut, tout

d'abord, tenir pour démontré que l'idée ne devient obsédante

que grâce à une altération mentale préalable. Tout le monde

a l'idée de la rage et la crainte légitime du chien enragé ;

tout le monde n'a pas cependant la phobie de la rage. En

réalité, les obsédés étaient des malades avant l'apparition

des obsessions précises, et ils restent des malades dans

l'intervalle de leurs accès. L'obsession systématisée n'estque

le symptôme le plus saillant de leur état morbide très com-

plexe, l'élément émotif y joue unrôle incontestable. L'angoisse

obsédante est parfois antérieure à l'idée qui lui donne sa for-

mule durable (Berger, Wille, Féré, Freud, Becker, Régis, etc.) ;

Séglas rapporte le fait d'un obsédé de suicide et affirme

que les phénomènes d'angoisse précédaient toujours chez

lui l'apparition de l'idée -. Il existe aussi des états d'angoisse

obsédante et impulsive, dans lesquels l'élément intellectuel

manque ou se réduit à très peu de chose; sous le nom

d'angoisse transitoire, Krafft-Ebing a décrit des faits de

cette nature 3. En outre, il est difficile de contester l'influence

des attitudes et des habitudes organiques sur le développe-'

ment et la durée des émotions ; les gestes de la colère et de

la tristesse, s'ils ne créent pas ces états, les entretiennent

certainement et les accentuent. Enfin, les obsessions survien-

nent presque toujours à la suite d'un choc émotionnel ou

d'émotions répétées, si bien que les malades, ainsi que l'a

' Ribot. Loc. cil., p. 96. Voir en faveur de la théorie physiologique.

G. Dumas. La joie et la tristesse (Rev. philos., juin, juillet, août 1896).

Sergi. Les émotions. Paris, Doin, 1901. Contre la théorie. Roubino-

vitch et Toulouse. La mélancolie. Paris,' casson, 1897, et surtout

J. Soury. Système nerveux central. Paris. Carré et Naud, 18J9,-t. If,

p. 1333 et suiv. -

' Séglas. Leçons cliniques sur les maladies mentales. Paris, 1895,

p. 80.

3 KrafTt-Ebing. Traité, p. 256.

SUR LA THÉORIE DE L'OBSESSION. 36J

expressément noté J. Falret, indiquent généralement le début

précis de leurs crises, en le rapportant à un fait qui les a

vivement impressionnés.

D'autre part, on sait qu'il n'y a pas de rapports fixes entre

l'importance de l'idée obsédante (au point de vue des

conséquences possibles) et l'intensité de l'angoisse ; la

recherche d'un mot, la crainte de toucher un bouton de

porte ou de traverser une place publique provoquent souvent

une angoisse terrible, tandis que l'impulsion homicide ou

suicide peut fort bien ne déterminer qu'une anxiété légère.

Cela s'accorde mal avec l'hypothèse' qui attribue à l'idée le

rôle toujours prépondérant dans l'obsession.

La marche de l'obsession par accès, par. crises plus ou

moins violentes, que séparent des périodes de calme à peu

près complet, est encore peu compatible avec cette hypothèse,

car l'idée ne présente pas de semblables variations.

Il est aussi bien difficile d'expliquer, avec la théorie intel-

lectuelle, l'état panophobique dans lequel l'angoisse, une

fois apparue, persiste et s'accroche, en quelque sorte, à

toutes les idées que le hasard des circonstances fait surgir

tour à tour. Dans les cas de ce genre, il semble bien que le

fait essentiel est l'angoisse, que le fait accessoire est l'idée.

La théorie émotive ou physiologique a donc été une

réaction utile contre la doctrine exclusivement intellectuelle.

Elle a montré que, dans l'émotion et dans l'obsession, tout

ne vient pas d'en haut, c'est à dire de l'intelligence pro-

prement dite, et qu'il est nécessaire de faire une large place

anx troubles profonds de l'organisme. Seulement, quand

elle subordonne tout aux symptômes purement organi-

ques, aux modifications neuro-vasculaires, cette théorie

prête, comme la précédente, à de nombreuses objections,

que l'on peut résumer sous deux chefs principaux : 1° Elle

attache à l'expression émotive et aux modifications péri-

phériques une importance vraiment excessive ; 2° Elle

n'explique pas tous les faits, si elle en explique quelques-

uns ; acceptable peut-être pour les émotions très simples,

très générales, primitives, et pour les rares obsessions du

même ordre, elle ne l'est plus pour les émotions complexes,

dérivées, pour les' émotions intellectuelles et morales ',

' \'V. James excluait de sa théorie, la plupart des émotions de ce

genre, celles qu'il appelait émotions délicates (Subller).

26 PATHOLOGIE MENTALE.

elle l'est moins encore pour la plupart des obsessions.

Nous avons vu que la théorie physiologique de l'émotion

s'appuie tout d'abord sur ce fait incontesté que, dans l'ordre

du développement,- la vie affective précède la vie intel-

lectuelle, que les tendances sont antérieures aux idées'. Mais

cette succession n'implique pas nécessairement qu'une fois

la vie effective et la vie intellectuelle constituées l'une et

l'autre, la première ne puisse être influencée en même temps

que la seconde et par les mêmes causes, d'autant plus que

leur séparation radicale est bien quelque peu artificielle. Cet

argument repose sur la confusion de notions fort distinctes :

l'évolution d'une part, la physiologie et la pathologie,

d'autre part, et il suppose prouvé ce qui, précisément, est en

question, à savoir qu'une idée est toujours incapable de

produire une réaction émotionnelle, soit, normale, soit

pathologique. L'extrême importance attachée à l'expression

émotive n'est qu'une conséquence de cet le première hypothèse.

Mais, pour justifier la théorie, il faudrait que l'expression

émotive fût toujours adéquate à l'émotion. Il s'en faut de

beaucoup, en réalité. Dans certains cas, l'émotion peut être

jouée : on pleure sans être triste et l'on tremble sans être

effrayé ; l'expression la plus véhémente peut se produire en

l'absence ou avecunminimum d'émotion, ce n'estpas seule-

ment au théâtre que cela se rencontre ! Dans d'autres cas,

l'expression extérieure de l'émotion estinvolontaire, alors que

l'émotion interne manque ou n'est qu'ébauchée : Henri IV,

Turenne, menant au plus fort de la bataille leur « carcasse

tremblante»n'avaient pas réellement peur. Inversement, l'éx-

pression peut faire défaut dans des états d'émotion très

vive : les colères froides n'ont pas de gestes, il y a de grandes

douleurs sans larmes et de grandes joies muettes ; enfin,

une volonté ferme et l'habitude de^ se dominer peuvent

atténuer l'expression émotive à ce point que des émotions

violentes ne soient même pas soupçonnée, etc.

D'autre part, la concordance de l'émotion et de son

expression organique ne prouverait pas que les modifica-

tions musculaires et vaso-motrices commandent l'émotion

et que l'intelligence n'y ait quele rôle d'un témoin enregis-

treur. Soit, par exemple, le fait suivant : une personne

apprend, sans préparation aucune, qu'elle est ruinée, qu'elle

a perdu un être cher. Elle éclate en sanglots ou elle tombe

SUR LA THÉORIE DE L'OBSESSION. 263

en syncope. Dira-t-on qu'elle a été aussi violemment émue

parce qu'elle a pleuré ou parce qu'elle a perdu connaissance ?

N'est-il pas plus vrai de dire que la pensée du malheur, que

la brusque perception du trouble qu'il va jeter dans l'exis-

tence tout entière s'est immédiatement accompagnée d'un

état affectif ( tristesse, désespoir), lequel, ensuite, a provoqué

la réaction organique (larmes, syncope) ? Soit encore cet

exemple, souvent cité : d'après la théorie, la vue d'un ours

nous effraierait parce qu'elle nous fait trembler. Mais pour-

quoi la vue d'un ours que nous savons -empaillé (impression

visuelle indcntique) ne nous fait-elle pas. trembler ? C'est

évidemment parce que nous savons que cet animal empaillé

est indITensif et, par suite, qu'il ne nous effraie pas. Ici,

c'est donc bien de filée que dépend l'émotion.

On invoque principalement, pour établir le bien fondé de

la théorie physiologique ou périphérique, les expériences de

psycho-physiologique relatives au mécanisme de l'émotion;

mais, jusqu'à présent, ces expériences ne sont pas décisives.

Si elles ont permis de reconnaître que certaines modifications-

organiques sont plus spéciales aux émotions gaies et d'autres

aux émotions tristes, elles n'ont pu démontrer la constance

de ces rapports. '

En dehors de toute expérimentation, il est d'observation

banale que certaines joies comme certaines tristesses gênent

les mouvements respiratoires ; que l'on pleure de joie, de

tristesse ou de rage; que l'on pâlit ou rougit de colère,

que l'on rougit pareillement de honte ou de plaisir, etc. Les

recherches expérimentales aboutissent à des constatations

tout aussi variables. Qu'il s'agisse de la circulation, de la

respiration ou des sécrétions, des variations organiques de

même formule se recontrent dans des émotions de nature

opposée, et inversement. Ces résultats incertains et un peu

confus entraînent des conclusions contradictoires.

G. Dumas ', le traducteur de Lange et partisan de sa

théorie dans l'ensemble, sinon dans tous les'détails, distin-

gue, d'après ses expériences personnelles. des joies il hypel'-

tension sanguine et des joies et hypotension ; des tristesses à

hypertension, à hypotension, et des tristesses actives, à

t G. Dumas. La joie et la tristesse Rev. pll1l., juin, JlIl, et, août 1893.

- La tristesse ci la joie. l'dlis, Alcali, 1900.

264 - PATHOLOGIE MENTALE.

réactions paradoxales (vaso-constriction avec accélération

du pouls). D'autres expérimentateurs, qui ont obtenu des

résultats semblables, les jugent contraires à la théorie. De

cé nombre sont Binet et Courtier 1, Binet et Vaschide 2 - ils

ont vu que, suivant les sujets, des émotions de même

nature peuvent s'accompagner de réactions vaso-motrices

inverses, que les émotions de courte durée, quelle que

soit leur qualité, produissent les mêmes effets : vaso-con-

striction, élévation de la pression sanguine, accélération de

la respiration et du coeur. Enfin, et cette observation four-

nirait une preuve directe contre la théorie physiologique,

ces mêmes auteurs ont trouvé expérimentalement que la

réaction émotionnelle, que la conscience de l'état affectif

précède les modifications vaso-motrices 3. Vaschide et

Marchand concluent également, de leurs expériences sur un

cas d ? ·e2cilaop7aobie, « que les phénomènes cérébraux sont

la genèse initiale des changements somatiques et que de

l'idéation momentanée ou spontanée la respiration sera plus

ou moins ralentie, comme le pouls plus ou moins accé-

léré ? » Depuis longtemps, d'ailleurs, les recherches

physiologiques de Bechterew et Mislawski avaient montré

que l'exitation de l'écorce peut, suivant les régionsexcitées,

élever ou abaisser la pression sanguine, accélérer ou modérer

l'activité du coeur ; cette action s'exerce par des voies autres

ques les voies pyramidales, puisqu'elle persiste après leur

suppression °. -

Les auteurs qui admettent la priorité des symptômes organi-

ques dans l'émotion, concluent logiquement à la séparation

radicale des étals intellectuels et des étals affectifs. Les états

affectifs ne seraient que le reflet mental, que la conscience

des modifications profondes de l'organisme produites par

l'action d'un centre situé dans la moelle allongée et qui

serait l'agent direct des émotions. Sergi admet, comme

l'admettait Lange, l'existence de ce centre vaso-moteur,

1 L'année psychologique, 1896, 1897.

1 L'année psychologique, 1897.

3 Binet et Courtier. L'année psychologique, 1890, p. 14 et suiv.

'Vaschide et Marchand. Conlrib. il l'élude de la psychologie des émo-

tions, à propos d'un cas cl'éneulleop)vobie, Revue de psychiatrie, juil-

let 1900.

5 Bechterew et Mislawski. Neural. cenlralbl., 188G.

SUR LA THÉORIE DE L'OBSESSION. 265

« centre émotif principal et primaire». L'activité de ce centre

pourrait être provoquée par des stimulations centrales

(idées, perceptions) ou par des excitations périphériques

(sensations), mais son intervention serait seule capable de

produire la série desmodifications vasculaires, respiratoires,

sécrétoires, musculaires, etc., dont le résultat devenu cons-

cient constituerait proprement l'émotion. Que l'on admette

un centre extra-cérébral unique ou que l'on en admette

plusieurs, la théorie reste foncièrement la même.

Mais c'est précisément la nécessité de ce ou de ces centres

émotionnels spéciaux qui n'est pas démontrée. Les expérien-

ces que nous avons rappelées (Binet et Courtier, Bechterew

et Mislawski, Vaschide et Marchand) fournissent de nouvelles

raisons de croire que le travail cérébral détermine direc-

tement certaines modifications organiques. Par conséquent,

dire que les états intellectuels ne sont, par eux-mêmes, ni

pénibles ni agréables, qu'ils sont indifférents, àmoins qu'un

état affectif venu d'ailleurs ne leur soit surajouté, est une

affirmation gratuite. Ce que l'on appelle affectivité n'a pas

d'existence distincte, ce n'est qu'un des modes de l'intel-

ligence et de la conscience. Il n'y a pas d'état psychique in-

différent, chacun d'eux a un ton affectif propre et d'une

qualité déterminée, suivant qu'il s'intercale dans. une série

à déroulement aisé ou pénible. Ce ton affectif n'est pas

surajouté, ilest partie intégrante du phénomène psychique ;

il est évidement renforcé par les modifications organiques

qui accompagent le travail cérébral, mais ces modifications,

à elles seules, ne sauraient créer l'émotion. Leur suppression

laisse subsister l'émotion psychique et son souvenir, en

réalité toute l'émotion, présente et future. Leur réunion ne

produira jamais l'émotion, s'il ne s'y joint la perception ou

le souvenir, c'est à dire le fait cérébral qui met en branle

toute la série. « La conscience de l'émotion, dit J. Soury,

n'est, en quelque sorte, que le choc en retour d'un ensemble

immense de réactions parties de l'écore, c'est-à-dire d'un

état de conscience particulier, pour aboutir à un état général

de cénesthésie secondaire, consécutive; nécessairement en

accord, quant au -ton affectif, avec la cause qui a déchaîné

l'avalanche nerveuse i. »

' J. Soury. Le système nerveux central. Paris, Carré et Naud, 1899,

11, p. 1336.

266 PATHOLOGIE MENTALE. 1

La théorie physiologique, telle que nous venons de la

discuter, nous paraît encore moins satisfaisante quand on

veut l'appliquer aux obsessions. ,

Dans la description de l'obsession, on est porté à envisager

presque exclusivement la crise obsédante, avec ses caractères

tranchés et ses symptômes bruyants, qui s'imposent plus

fortement à l'attention et masquent tout le reste Mais l'accès

émotif n'est que la manifestation la plus apparente de l'état

morbide très complexe des obsédés, il s'en faut qu'il soit

toute l'obsession ; il n'en est pas même un élément indis-

pensable : il manque toujours, chez certains sujets à obsessions

faibles; chez d'autres, il n'apparait que longtemps après les

premières obsessions; dans tous les cas, il n'est jamais qu'un

incident, important sans doute, mais passager. La nature

de l'obsession sera mieux comprise, croyons-nous, si, au

lieu de considérer un symptôme isolé, on s'attache à l'étude

du malade lui-même, de l'ensemble et de l'évolution des

divers symptômes, à ce qui constitue le fond de la maladie,

en un mot, à l'état obsédant.

L'état obsédant préexiste à la crise angoissante et il per-

siste dans l'intervalle des paroxysmes; il constitue la ma-

nière d'être habituelle et permanente des obsédés, même

dans les péi iodes de calme complet et en dehors de toute

manifestation émotionnelle. Dès lors, il est difficile de

comprendre que l'élément essentiel de cet état puisse être

l'émotion, qui, par définition, est un phénomène brusque et

transitoire. -

A la vérité, les obsédés sont des émotifs, et l'émotion est

l'un des agents provocateurs de la crise obsédante. Mais

encore faut-il reconnaître que l'angoisse des obsédés diffère'

sensiblement de l'angoisse émotive ordinaire ; ainsi qu'on l'a

souvent remarqué, elle est surtout cérébrale, intellectuelle ;

c'est une anxiété mentale plutôt qu'une angoisse organique;

elle résulte, au moins en grande partie, de la lutte contre

l'idée obsédante, elle est secondaire, dans bien dès cas.

Enfin, si la genèse des émotions et des obsessions liées

aux.besoins de l'organisme se retrouve dans les tendances et

les modifications organiques profondes, il est bien difficile

de l'admettre pour les obsessions qui n'ont aucun rapport

avecl'organisme, qui sont le résultat d'un trouble des« sensa-

tions, matière de la vie intellectuelle » (Ribot), ou mêmed'une

SUR LA THÉORIE DE L'OBSESSION. 267

perturbation qui, pardessus les sensations, sembleatteindre,

directement la fonction intellectuelle. Telles sont certaines

phobies; à quel trouble organique primitif, indépendant,

peut correspondre, pour ne citer que cet exemple, l'obses-

sion anxieuse des boutons des portes ? Telles sont, surtout,

les obsessions des scrupuleux et des douleurs : un malade

est obsédé par la crainte de regarder les gens avec effron-

terie, un autre par le besoin de s'assurer que son mouchoir

et sa montre sont bien dans ses poches, un troisième est

poursuivi jusqu'à l'anxiété par la question de savoir « pour-

quoi les arbres sont verts, pourquoi les hommes ne sont pas

grands comme des maisons. » Où trouver, dans tout cela,

l'influence d'une tendance organique ou d'un trouble vaso-

moteur ? ` ?

Nous admettrons donc que la cause des obsessions est

variable suivant les cas ; tantôt, c'est dans les phénomènes

organiques de l'émotion qu'il faut la chercher, et c'est tantôt

dans l'idée. Mais, à notre avis, l'émotion et l'idée ne four-

nissent que la cause déterminante de l'obssession ; ni

l'une ni l'autre ne nous en donne la. cause réelle et profonde,

parce qu'elles n'expliquent ni les obsessions, pourtant si

fréquentes, qui restent à l'état faible, ni l'état obsédant,

antécédent et substratum des obsessions caractérisées.

Pour que les tendances obsédantes se fixent en des idées

précises, l'existence d'un trouble préalable du dynamisme

mental est nécessaire. L'émotion ne fournissant pas la raison

suffissante de ce trouble, il reste à invoquer une autre

condition, un peu trop négligée, et qui me semble avoir

dans l'obsession une importance capitale; cette condition

résiderait dans une lésion de la volonté.

A des degrés divers, les obsédés sont tous des hésitants,

des perplexes, des abouliques ; ils sont incapables d'efforts

volontaires quelque peu soutenus; abandonnésàleurspropres

forces, ils ne finissent rien, ils n'aboutissent pas, qu'il

s'agisse d'idées ou de mouvements. En dehors même des

crises angoissantes, jusque dans les actes les plus étrangers

à leurs obsessions et les plus insignifiants, cette véritable

insuffisance mentale se trahit chez eux par la faiblesse et

l'hésitation dans tous les modes de l'activité : hésitation

intellectuelle, hésitation de la volonté, hésitation et dif-

ficulté des mouvements musculaires. A cet égard, l'étude

268 PATHOLOGIE MENTALE.

des mouvements offre, chez les obsédés, un intérêt consi-

dérable et qui justifierait des recherches approfondies. C'est

là un point sur lequel nous avons insisté, dans un travail

publiéenl892, en collaboration avec le professeur Raymond'. l,

Nous avons établi l'existence habituelle, dans les obsessions,

d'impulsions et d'inhibitions ou phénomènes d'arrêt, c'est-

à-dire de troubles moteurs volontaires. Dans les mouvements

en général, il y a défaut d'impulsion et de sûreté; l'hé-

sitation, l'incertitude y sont manifestes. Les actes les plus

délicats, les plus complexes, sont les plus altérés, et

d'autant plus qu'ils sont moins accoutumés. Mais les mou-

vements familiers eux-mêmes sont souvent atteints ; ils per-

dent dans une certaine mesure leurs caractères acquis de

rapidité et de facilité, etc.

C'est sourtout dans la Folie du doute, type des obsessions

dites intellectuelles, que nous avons étudié ces troubles

moteurs. Mais ils se rencontrent également dans les autres

obessions, dans la crainte du contact, par exemple, où

l'angoisse est ordinairement liée au contact actif, c'est-à-dire

à à un acte volontaire, le contact passif ne produisant aucune

impression fâcheuse (P. Janet.) Depuis longtemps, Cordes

avait signalé l'existence des troubles moteurs dans « l'Agora-

phobie », et, bien avant lui, Billod avait décrit certaines

obessions comme des maladies de la volonté 2.

P. Janet, qui a étudié avec tant de soin les rapports de

l'obsession et de l'aboulie, admetque « la volonté, considérée

comme faculté de mettre en mouvement les membres, et

l'intelligence, considérée comme l'élaboration des sensations

et des images, renferment des éléments communs. Ces

éléments communs ne peuvent pas être altérés sans troubler

les deux fonctions : la volonté et l'intelligence. Cet élément

commun est ici l'élaboration, la synthèse des éléments

psychologiques faite à chaque moment de la vie d'une ma-

nière nouvelle ; c'est l'adaptation de l'être au milieu, aux

circonstances 3.» Chez l'aboulique, dirons-nous, l'adaptation

' Baymond et Arnaud. Sur certains cas d'aboulie avec obsessions

in lerrogalives et trouble des mouvements. (Folie du doute avec délire du

toucher). Annal, méd. psych., sept., octobre 1892.

' Billod. Maladies de la volonté. Annal, méd. psycli., 1847, t. X.

3 P. Janet. Sur un cas d'aboulie et d'idées fixes. Rev. philos., mars et

avril 1891, p. 39fi.

SUR LA THÉORIE DE L'oBSESSIOX. 269

aux circonstances est difficile ou même impossible ; le con-

trôle de la volonté est compromis ou perdu ; la personnalité

est dissociée et l'automatisme entre en lutte avec la volonté.

La conscience est envahie par des systèmes psychologiques

qu'elle ne reconnaît pas pour siens, qui lui apparaissent

comme étrangers, maisqui s'imposent il elle, malgré elle, qui

la violentent et la troublent jusqu'à l'angoisse. Ces systèmes,

produits del'automatisme psychologique, sontles obsessions.

En définitive, l'obsession nous apparaît comme un phé--

nomène extrêmement complexe, intéressant à la fois, par

une série d'actions et de réactions, toute la vie mentale et

une partie des fonctions organiques. La condition fonda-

mentale en est un trouble primitif et généralisé, affectant,

dans leurs associations dynamiques, les éléments communs à

la volonté eLà l'intelligence. Ce trouble n'estque la manifesta-

tion d'unaffaiblissementdes « synthèses mentales », du pou-

voir « d'adaptation de l'être au milieu, aux circonstances »; -7

d'un seul mot, c'est l'aboulie. Chez les obsédés, quels que

soient le degré et la nature des obsessions, l'aboulie se

retrouve toujours, elle préexiste aux obsessions et les prépare;

sa permanence explique l'état obsédant. -

L'élément émotif et l'élément intellectuel pur, l'idée, jouent

l'un et l'autre un rôle important, mais néanmoins secondaire,

dans la pathogénie de l'obsession. L'émotivité des obsédés

intervient dans l'apparition, dans l'intensité, dans le rappel

des crises angoissantes qui accompagnent si souvent

l'obsession, mais elle ne saurait créer l'obsession. Elle n'est

vraisemblablement elle-même qu'une conséquence de l'aboulie

On sait que les abouliques ont conscience, au moins à

quelque degré, de leur impuissance relative ; ils s'en

préoccupent sans cesse, ils vivent dans l'appréhension

d'épreuves nouvelles, et par là s'explique fort bien leur

émotivité spéciale.

L'idée détermine le point de départ et l'orientation des

obsessions; elle influence leur développement, elle active par

association la réviviscence des états affectifs que l'obsession

met enjeu ; enfinla lutte de la conscience contre l'envahisse-

ment de l'idée obsédante aggrave les effets de l'angoisse.

Mais l'influence de l'idée est subordonnée à une altération préa-

1 able ou concoini tante delavolonté. Sonrôle propre,dans l'ob-,

session, est de donner satisfaction à ce besoin d'explication

270 O CLINIQUE MENTALE.

et de logique de notre esprit, en fixant dans une formule

définie un état jusqu'alors imprécis. Si l'aboulie est la base

et comme la structure intime de l'obsession, l'idée en est le

revêtement extérieur, c'eslelle qui donne à chaque obsession

sa physionomie individuelle. En ce sens seulement on peut

dire de l'obsession qu'elle est « une émotion systématisée u,

car, de sa nature, l'émotion est un état diffus, sans repré-

sentation objective ; elle est entièrement subjective et ne

représente qu'elle-même. C'est l'idée qui donne à l'obsession

et sa formule et son caractère systématique. Mais un tel

système ne peut'se former, et surtout il ne peut durer que

si la volonté est affaiblie et son contrôle gravement compromis.

L'obsession est, avant tout, une maladie de la volonté.

CLINIQUE MENTALE.

Biographie d'une idée fixe.

Observation de CASPER '.

Ce n'est pas sans mûre réflexion que sous ce Litre, en

apparence singulier mais qui se justifiera dans la suite, je

rapporte le cas psychologique le plus remarquable et le plus

frappant qui se soit présenté à mon observation. Si nous

suivons une idée fixe depuis son origine tout à fait primor-

diale, si nous observons sa croissance, son développement,

sa gradation jusqu'à la fin, jusqu'à son redoutable sommet

' D' Joh.-Ludw. Casper. /J6)t ? tcM)'</te ! '<e) ! : ;ll1' medicinischen Slalis-

lik und SM/M) ? e ! 7t«)tf/e fil/' Cl'iminalislen und lei,zle, p. 165-191

(Berlin, 1846, Verlag von Duncker und Ilumblot).

Comme complément de notre article sur l'El1l'Olhophobie, paru dans

le dernier numéro de cette Revue, nous reproduisons ici la célèbre obser-

vation d'idée fixe avec obsession de la rougeur de Casper, obligeamment

traduite par le Dr Lalanne.

A la liste des travaux sur l'Ereutlophobie que nous avons donnée, il

y a lieu d'ajouter : Gaspare Basile. Conlributo alla conascen : .a dell'

ereulophobie (La pratica duel medico, décembre, 1900). Hasl;o\ec. Un

cas cvei-ezilhophobie (Casopis céskych lék, 1900). (Pitres et Régis).

' BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 271 1

terminal, nous la verrons traverser d'une façon ininter-

rompue les différentes phases de la vie du sujet, et nous

comprendrons qu'elle ait droit à une biographie complète,

travail qui n'a peut-être pas encore été tenté. S'il est déjà

extrêmement difficile, dans les formes banales de troubles

mentaux, de découvrir l'origine, le principe du mal dans

l'entourage des malades, il est infiniment plus difficile

encore de trouver l'origine et le développement d'un délire

purement partiel quand le malade lui-même ne peut en

donner aucune explication suffisante.

L'intérêt des pages qui vont suivre réside dans ce fait

qu'elles présentent une auto-observation extrêmement

pénible qui contient un récit spontané embrassant toute la

vie d'un malheureux malade depuis son enfance ; non

point que celui-ci ait voulu en tirer une vanité quelconque,

mais cette auto-observation a été écrite pour moi, qui étais

le médecin qu'il avait choisi, pour me permettre de pénétrer

les parties les plus profondes de son être.

Des troubles mentaux purement partiels dans l'enfance

constituent une manifestation extrêmement rare. Dans le

cas actuel, l'anomalie primitive n'existait que dans les

pensées et les idées de l'enfant, mais plus fard, cela devint

l'origine d'une véritable psychopathie. Sur une crainte et

une timidité enfantines, se développe une maladie psy-

chique irrésistible qui entraîne et pousse aux pires extré-

mités. Toutes ces raisons m'engagent à ne pas retarder plus

longtemps la publication de ce cas instructif à tous ces

points de vue.

Il y a quelques années, se présentait chez moi un jeune homme

de vingt et un ans, qui avait commencé depuis peu ses études

médicales et qui désirait vivement avoir mon avis comme méde-

cin. C'était un homme blond, svelte, bien constitué, à la physio-

nomie avenante, sympathique et douce, aux joues vivement colo-

rées, paraissant sain sous tous les rapports, mais qui me frappa

par son regard timide et sa grande anxiété que je songeais à

mettre sur le compte d'une timidité particulière, ou d'une affec-

tion syphilitique à avouer ou de l'hypocondrie des onanistes. En

quelques mots, il déclara qu'il attendait de moi un traitement

médical, puis il tira de sa poche un cahier manuscrit qu'il me

remit, disant que son mal étant beaucoup trop étendu pour me le

faire connaître de vive voix il avait recours à son cahier

et il disparut prestement. Cette histoire de sa vie et de sa

272 CLINIQUE MENTALE.

maladie suscita chez moi un très vif intérêt pour ce jeune homme,

auquel je laisse la parole.

«..... Aussi loin que je reporte mes souvenirs, déjà dans ma

plus tendre enfance, je vois le début de mon état torturant qui se

manifestait de différentes manières. Ainsi, par exemple, je regar-

dais constamment de droite et de gauche si mon collet d'enfant

était bien mis; lorsque dans mes lectures j'avais tourné une

feuille, il m'arrivait de la retourner dix fois de suite pour me

' convaincre que je n'en avais pas sauté ; si j'avais quelque chose à

faire, je n'en finissais pas de questions. A cette époque, il n'y

avait pas encore de fondement extérieur sur lequel avait pu s'é-

tablir ma préoccupation. J'étais tenu pour étrange et comique et je

faisais rire de moi. Mais j'avais toujours un sentiment de torture

et je sentais en moi un besoin irrésistible qui me poussait à toutes

ces bizarreries, besoin auquel je ne pouvais me dérober. Cepen-

dant le théâtre, le cirque, me causaient un plaisir que je goûtais

volontiers. Le cours de mes idées était en tout étrange et je ne

pouvais m'abandonner complètement à aucun sentiment sans que

les pensées les plus opposées et les plus extravagantes pour un

enfant viennent aussitôt s'y mêler. Je cachais en moi ces pensées

qui montaient contre ma volonté et je faisais l'impossible pour ne

les point laisser paraître.

C'était vers ma dixième année.

J'avais aussi une tendance à me reporter en pensée vers l'avenir

et vers la situation que je devrais avoir, escorté de toutes les préoc-

cupations absurdes qui m'assaillaient. Je me sentais rivé au ta-

bleau qui se déroulait devant moi et je me voyais contraint à

faire des choses qui m'étaient désagréables. Cependant le théâtre

avait encore sur moi une telle action que j'y abandonnais mon

mal.

Après la mort de mes parents (1829), je revins chez le maître

chez lequel j'avais été jusque-là à l'école et je devins tout à fait

pensionnaire. Mes certificats étaient toujours excellents car je

n'avais pas la tête trop mauvaise et j'étais appliqué ; mais je fus

aussitôt tourmenté au sujet de mon application et si j'avais été

blâmé une fois, je m'en serais tourmenté pendant des semaines et

des mois.

A ce moment, mon maître qui me voyait aussi en dehors de la

classe, apprenait à connaître ma vie dans tous ses détails, me

trouvait maladroit, trop lent, trop tranquille et flegmatique. Je

ne lui plaisais pas comme autrefois; il cherchait à me rendre

plus vif, à me laisser m'occuper de ceci ou de cela. Je pris des

leçons de danse, mais cela fit moins que rien. -

J'étais moins préoccupé de mes tendances dans le, présent que

de la nécessité de vivre à l'avenir avec mes pensées.

J'étais assailli tout à coup par des pensées ridicules qui venaient t

BIOGRAPHIE D'UNE IDEE FIXE. 273 3

alimenter mon inquiétude, comme par exemple, ayant perdu un

objet sans valeur, je pensais aussitôt en moi : « Ah ! si je l'avais

encore, comme je serais heureux ! » Ce singulier phénomène se

produit aujourd'hui encore pour les choses importantes mais non

pour les futilités. Pendant que je cachais en moi ces préoccupa-

tions tourmentantes, j'étais indifférent à tout le reste et j'avais

l'air paisible. Cette apparente tranquillité me fit souvent louer

par des gens qui s'y trompaient, tandis que ceux qui m'appro-

chaient souvent me demandaient quelquefois si j'étais indisposé,

tellement j'étais pâle et semblais misérable. .

Pendant la leçon de danse, une jeune lille m'avait plu, et une

autre jeune fille avait plu également à un de mes amis. Dès que

l'école était fermée, nous courions dans la rue au moment où ces

jeunes filles sortaient aussi de l'école et nous cherchions plusieurs

.fois par jour à les rencontrer. Si cela allait au gré de nos désirs,

nous étions heureux, nous parlions d'elles, etc. J'avais encore une

disposition particulière à me représenter toutes sortes de scènes,

comment je ferais ceci ou cela, et j'étais très péniblement tour-

menté si je ne faisais pas tout exactement comme je me l'étais

représenté.

Dans cette petite amourette, je devins avec mon ami de plus en

plus intime, mais nous observions vis-à-vis de nos camarades un

sévère silence. Cependant l'un d'eux découvrit notre histoire, et la

conta aux autres; j'en fus à tel point affecté que je sentis des

frissons m'envahir, je devins pour la première fois effroyablement

embarrassé, rouge-feu et pouvais à peine bégayer. A partir de ce

moment, je n'eus plus qu'une préoccupation, celle de rougir, et

beaucoup de petits tourments m'abandonnèrent. D'ailleurs, les

taquineries au sujet de cette jeune fille, la prononciation de son

nom, suffisaient à me faire rougir, et bientôt il ne fallut plus que

la prononciation de certains mots, par exemple le mot « amour »

pour me rendre rouge feu. Je cherchais toujours à cacher mon

embarras du mieux que je pouvais, et pour cela je me tenais der-

rière les autres. Il y avait certains mots indifférents, auxquels je

pensais, qui me faisaient rougir. Dès cette époque - j'étais âgé

de treize ans j'avais perdu tout espoir; mes camarades ne me

raillaient plus et cependant j'étais dans une inquiétude constante ;

je ne pouvais regarder personne en face, et comme je rougissais

sans cesse, je n'en attirais que davantage l'attention sur moi.

Maintenant, les camarades avec lesquels j'avais eu les meilleurs

rapports ne me plaisaient plus, et je cherchais tous les moyens

possibles pour quitter cet asile et comme mes tuteurs y consen-

taient, j'attendais impatiemment le moment du départ me voyant

en pensée heureux dans ma nouvelle situation, y travaillant assi-

dûment, faisant la joie de mes maîtres, etc. Comme je me trom-

pais ! C'était la première fois que je quittais Riga où je laissais

Archives, 2" série, t. XIII. 18 S

274 4 CLINIQUE MENTALE.

une soeur bien-aimée. Je ne me plus pas parmi mes nouveaux

camarades car ils remarquèrent bientôt mon défaut capilal et je

donnais lieu à leurs continuelles railleries, ce qui m'irrita encore

davantage. Je travaillais et j'étais obéissant, et, par suite, bien

noté de mes maîtres.

Cependant je fus envahi par une nostalgie bien naturelle qui

s'augmenta de ce fait que je ne me plaisais pas dans ma nouvelle

résidence. Les lettres de ma soeur étaient tout ce qu'il y avait de

plus cher et de plus consolant pour moi, cependant parfois elles

exaltaient encore plus mon mal du pays et l'heure la meilleure et

la plus désirée était celle où j'allais au lit et où, à l'abri des rail-

leries et des tourments, je laissais errer ma pensée et je pleurais.

Je voyais arriver le matin avec terreur et je me réjouissais à

l'approche de la nuit. Le directeur de l'établissement déclara à

mes tuteurs qu'il n'était pas très satisfait de moi, particulièrement

par rapport à ma conduite et il jugeait d'après mes manières

tranquilles et réservées, comme je ne prenais aucune part aux

jeux gais de mes camarades, que je n'avais pas des sentiments

bien purs et en concluait que j'avais îles habitudes immorales;

cependant, il ne s'en expliqua jamais avec moi et je ne l'appris

que plus tard. Sur ce point il s'était trompé, car si aujourd'hui je

me suis légèrement écarté du chemin de la morale, à cette époque

je n'avais même pas l'idée du mal.

Dans le premier semestre, je fus extraordinairement tourmenté

par une blessure à la jambe qui me causait peu de douleur, mais

qui m'empêchait d'aller, .le me plaignais et gémissais sans cesse,

dans mes lettres ; je voulais quitter cet établissement et je me

rêvais heureux partout où i'aurais seulement une petite chambre

pour moi seul. Au moins, à la maison, j'aurais le repos, je serais

à l'abri des taquineries et pourrais sans être troublé m'abandonner

à mes mélancoliques pensées, douces et douloureuses à la fois 1

La rougeur était devenue déjà périodique; elle se manifestait

surtout il table, mais aussi, à dire vrai, dans toutes les'circons-

tances possibles. Après un an, je quittai l'établissement et vins à

Dorpath dans un pensionnat. J'avais été jusqu'alois appliqué et

avais quelque peu appris, surtout en langues anciennes. Mes

nouveaux camarades étaient peu instruits, je prédominais dans

l'école, et ce sentiment me rehaussa à mes propres yeux ; en outre,

je conquis par mes manières affables, les sympathies de mes

camarades chez lesquels je ne trouvais aucune disposition à la

raillerie, et bientôt, je vécus' avec eux, mon maître et la famille

de celui-ci sur un pied de très amicales relations. J'aurai dû être

alors très heureux ! mais, dès le premier repas de midi, la rou-

geur commença de se manifester. Il me sembla bien qu'elle n'était

pas habituellement remarquée, cependant elle était toujours pour

moi extrêmement pénible. Mais déjà je n'avais plus besoin de

BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 27S z

railleries ou d'autres motifs pour réveiller en moi cette pénible

sensation. J'avais déjà reconnu que la cause de mon tourment

n'était plus dans le monde extérieur mais que je la puisais en moi

seul. Cette pensée jointe à un regard particulier des hommes

suffisait à me faire monter le sang aux joues en un clin d'oeil et à

provoquer l'angoisse.

Six mois après, j'entrais au gymnase. Le nouveau me plût

nous menions une espèce de vie d'étudiants je fus assez dis-

trait de mes pensées, mais pas pour longtemps. La timidité du

regard devint chez moi une habitude, et plus je cherchais à m'en

déshabituer, plus mon tourment en était accru. D'abord, cette

pénible sensation me surprit dans la rue lorsque je rencontrais

des personnes connues, puis ensuite en présence de tout le monde.

Ainsi, pas de repos, même dans la rue ! cela devint si aigu, que

si je prenais mon chapeau pour sortir, déjà l'angoisse m'envahis-

sait ! Si je voyais même de loin un groupe d'hommes près duquel

je devais passer, alors je ne savais plus me contenir : le sang me

montait au visage et je perdais presque le sentiment; cependant,

je passais outre, je me ressaisissais et me raidissais autant que je

le pouvais contre une aussi sotte angoisse. Mais l'idée de la rou-

teur devint chez moi absolument fixe, et je ne songeais plus qu'à

la manière dont je pourrais m'en défaire. Cette idée me faisait

concevoir des théories insensées. Mes travaux, que j'avais néces-

sairement à faire, je ne les négligeais pas complètement, mais ils

devenaient pour moi très pénibles et ils me prenaient beaucoup

de temps, car une fois que j'étais surpris par la pensée tourmen-

tante de rougir, je me transportais avec ces dispositions anxieuses

dans une autre personne, dans les situations les plus variées et je

voulais ainsi me dèsobjecliver : cette manie s'accrut, et si, par

exemple, je voyais quelqu'un parler librement à plusieurs per-

sonnes, je me transportais par la pensée en ce quelqu'un, je le

\ oyais changeant de couleur et de physionomie, pouvant à peine

articuler un mot. Cette représentation était pour moi plus irri-

tante que la réalité, car il m'était encore possible de parler aux

hommes, ce dont j'étais incapable dans ma représentation. De

telles pensées me tenaient éloigné de mon travail, et quoique

ayant mon livre devant les yeux, je ne faisais cependant rien. Je

n'ai certes pas négligé de me dire en moi que cette idée était

absurde et de me sermonner. Cela m'aida à supporter mon mal

pour quelque temps, mais pas pour longtemps. Je combattais

continuellement, je cherchais à m'exciter psychiquement et phy-

siquement, mais tout cela ne durait pas longtemps, seulement

quelques heures, et dès que je croyais avoir trouvé un nouveau.

remède à ma maladie, je m'empressais de le saisir. Ainsi s'écou-

lèrent des mois et des années ; je me répandais en plaintes auprès

de mes meilleurs amis et même de ma soeur, et personne ne

276 CLINIQUE MENTALE.

savait me venir en aide : je lâchais de conserver une meilleure

espérance en l'avenir et je m'y transportais parfois de telle façon

que j'en oubliais ma rougeur ou, pour mieux dire, ma maladie,

et j'en étais tout heureux. Même en jouant du piano, j'étais envahi

par les pensées qui s'étaient cent fois emparées de moi et me

tenaillaient pendant des heures, me laissant sans volonté.

J'entendais constamment murmurer à mes oreilles depuis mon

lever jusqu'à 1/Ion coucher : « Ne suis je pas rouge ? » Je laissais

mes occupations il moitié achevées et ne sortais jamais vainqueur

de ce que j'avais à faire -une simple lettre à écrire m'occupant

pendant plusieurs heures. Dix fois je m'y remettais pour aban-

donner aussitôt et mon idée fixe revenait toujours. Parfois ma

bonne mémoire me venait en aide et si j'étais resté pendant des

heures devant mes livres sans avoir rien appris, j'apprenais

ensuite en quelques minutes. Mais une telle leçon était pour sauver

les apparences, pour le maître, non à mon profit personnel, car

cela ne me pénétrait pas. J'abandonnai la musique que cepen-

dant autrefois je cultivais avec plaisir. Je fus déplacé de la pre-

mière classe et allai occuper un appartement avec un étudiant de

mes bons amis, dont l'humeur gaie et le coeur généreux me fai-

saient bien augurer. Cependant, cela ne me servit à rien et cette

année-là fut certainement la plus mauvaise de toutes mon

camarade de chambre n'était pas toujours à la maison. J'étais

heureux lorsque j'avais quitté la classe de pouvoir regagner ma

maison et ma chambre ; je faisais vite le plus nécessaire et me

jetais au lit, laissant mes pensées suivre leur cours.

J'éprouvais tout ce que l'âme peut éprouver de pire et je ne

voyais qn'une solution à mon mal, que Dieu me prit la vie. En

même temps que je sentais mes jambes lourdes comme du plomb

et agitées d'un tel tremblement que je ne pouvais plus bouger,

j'étais envahi par une apathie intellectuelle qui se traduisait par

un manque absolu d'intérêt pour tout. Au début, ma maladie

était plus périodique, ensuite, elle m'envahit, au milieu d'une

grande foule, puis bientôt en présence d'un petit groupe, puis

enfin, la présence d'un seul homme, voire même de mon meilleur

ami était pour moi cruellement pénible, aussitôt que je regardais

avec ce regard particulier. Ainsi j'étais mis au ban de la Société,

des personnes qui m'étaient chères et encore plus, puisque je me

contraignais intérieurement. Je ne pouvais pas jouir de cette

société, mes sens et mes sentiments étaient comme voilés, je me

sentais oppressé et sans cesse dans une étrange anxiété, ma

volonté était livrée à un perpétuel combat. Je ne pouvais pas

m'aff1'anchÙ' de celte idée fixe.

J'étais assez mélancolique et aimais communiquer mes pensées

parce que cela soulageait mon tourment au moins pour quelque

temps. Je cherchais il me rasséréner, je ne fuyais pas les réunions

BI0GR\PH ! E D'UNE IDÉE FIXE. 277

de plaisir, les banquets, mais cela m'aida peu et si je visitais des

connaissances, je me trouvais en leur présence absolument sans

contenance et ne cherchais plus qu'à cacher ma situation ; je pre-

nais habituellement un livre, je me mettais à le lire ou à le feuil-

leter, mais mes yeux voyaient à peine les caractères. Mes pensées

n'étaient pas du tout au sujet du livre que mon regard fixait sans

comprendre, mais elles étaient toutes à mon tourment sur lequel

se concentrait tout l'intérêt.

Après un an de co-habitation avec ces étudiants, je pensais qu'il

serait mieux de me rendre dans un cercle de famille où je pourrais

m'habituer plus facilement aux hommes et où je perdrais l'habi-

tude de rougir. Je me rendis de nouveau dans une pension libre

et dans une maison où vivaient\des gens chez lesquels régnait un

ton agréable, où on dansait quelquelois. Au commencement, tout

alla bien, mais cela ne dura que quelques jours et les vieilles

souffrances revinrent. Il ne se passa pas de midi où je ne sentis

l'anxiété et je rougissais à en devenir pourpre aussitôt que les

vieilles pensées revenaient. Je ne devais d'ailleurs pas m'en tenir

à ces tourments variés et je devais en éprouver encore d'une espèce

non moins singulière. Au gymnase, j'avais un de mes camarades

qui à l'occasion d'une traduction devenait anxieux au point d'en

perdre la respiration. Mon démon tourmentant prit bientôt cela et

je tombai dans le même état, moi qui n'avais pas eu jusqu'alors

la moindre angoisse et qui même à cause de mon extraordinaire

tranquillité dans de semblables circonstances, avais suscité l'admi-

ration de mes camarades.

Maintenant à l'occasion d'une traduction ou d'une simple inter-

pellation, je sentais un saisissement à en perdre haleine. Je luttais

de toutes mes forces contre ce mal nouveau, mais il était trop

obstiné. Je m'irritais en paroles et en actes, je frappais des pieds,

je me débattais et il m'arrivait ainsi de me débarrasser de ce

manque d'air. Cependant je ne me trouvais point bien deces luttes

angoissantes. Cela alla même si loin que dans tout ce que je fai-

sais, dans les choses même les plus simples, se présentait un côté

anxieux et je devais maintenant lutter en tout où autrefois je n'au-

rais pas vu la plus petite difficulté. Cet état s'était installé sans

autre motif que l'idée de son installation.

Hien n'était maintenant pour moi naturel et facile, et dans ces

futilités auxquelles un autre ne penserait pas, je gaspillais le meil-

leur de mon énergie. Dans ma dix-huitième année je devins étu-

diant et je luttais déjà avec mes étonnants tourments; je luttais

encore davantage dans l'espoir de les vaincre, mais j'y perdis

des forces que j'aurais pu employer plus utilement. Dans mes

luttes, je me donnais du mouvement, ce qui en faisait accroire

à mes camarades, cependant j'étais intérieurement tourmenté,

et en présence du monde j'étais pris d'un sentiment d'oppression,

278 CLINIQUE MENTALE.

je rougissais sans cesse, ce qui m'obligeait à rentrer au collège.

Je voulais bien venir à bout de tout cela, mais par suite de la

présence des autres, cela me devenait si désagréable que le sang

mye montait à la tête, me causait parfois du tremblement et tout

effort était sans fruit. Naturellement je n'écoutais pas la leçon et je

ne faisais aucun progrès; je passais mon temps devant mon tra-

vail sans comprendre, sans être à lui en pensée et en esprit. Cette

véritable mort de l'esprit en fut encore augmentée. Je ne me sens

heureux que lorsque je vis seul avec mes pensées et mes senti-

ments, malheureusement ce temps est bien court et dure seulement

un moment. Cependant je me nourrissais d'espérance et je vivais

dans l'attente et sans pouvoir me dire jusqu'où cela irait, je ne

perdais pas complètement l'espoir (quoique depuis ma dix-sep-

tième année mon état ne fit que s'aggraver). Dans mes moments

heureux je croyais jusqu'à la certitude que j'étais atteint d'une

maladie physique qui s'appelle hypocondrie, qui comporte avec

elle un pareil tourment de l'esprit, un pareil état d'âme, mais

enfin susceptible de guérison. J'entrevoyais la disparition de tous

mes tourments et au sommet le bonheur la joie renaissait je

voyais la santé me revenir pour longtemps et je considérais l'avenir-

Je fis donc ce qui est ordonné comme traitement dans cette ma-

ladie. Je me donnais beaucoup d'exercice, je m'obligeais à aller

vers le monde, je m'asseyais peu, je faisais de l'escrime, montais

à cheval et cherchais à me distraire de toute manière. Cela me

fortifia en vérité et après ces exercices violents, je me sentis mieux

mais le fonds resta ce qu'il était. Je passai les vacances d'été sui-

vantes à la campagne près de parentes qui formaient un cercle de

vieilles femmes. J'étais heureux et content de m'en faire aimer,

car pour leur être agréable, j'avais pour elles toutes sortes de

complaisances. J'étais éveillé et gai et je pouvais assez bien m'oc-

cuper, seulement je m'impatientais quelquefois. Comme je ne res-

sentais plus du tout ma maladie, je me croyais guéri et je songeais

qu'une société plus jeune et plus gaie me conviendrait mieux.

Mais aussitôt la maladie reparaissait et je devais m'échapper de

- ce cercle. La société d'aveugles serait la meilleure pour moi jus-

qu'au moment où je commencerais à m'impatienter et à me dire

que je ne dois pas ainsi gaspiller inutilement ma vie.

Comme une fois mon état était devenu très mauvais, je m'étais

décidé à faire l'acquisition d'un cheval; je me voyais en pensée

remonter à cheval, conduire une voiture et enfin finissant par

oublier ma maladie, je me voyais heureux. Certainement le cheval

me fut une distraction salutaire, et je puis dire que si je n'avais

pas eu ce secours je n'aurais pu réaliser mon projet de préparer

mon examen de philosophie pour l'été suivant. Dès que j'étais

indisposé, avec mon cheval je me procurais de la distraction et de

la santé, et cela me réussit plus ou moins dans la suite.

BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 279

J'avais derechef fixé ma demeure là où j'avais pris pension au

début ; je fus de nouveau bien accueilli et choyé par mon ancien

maître et toute sa famille. Je visitais la famille ; le soir. je faisais

de la musique avec la jeune fille, et je me trouvais souvent heu-

reux et gai dans ce cercle domestique. Cependant, il m'arriva

malgré tout d'y ressentir cet épouvantable regard des hommes dont

j'ai parlé si souvent; même dans ce milieu si bon, si droit, je

devenais pour longtemps malheureux.

., .............................

Les sociétés, les concerts, me fatiguaient outre mesure à cause

de la foule. J'étais pourtant à Riga depuis bientôt deux ans. J'allais

au théâtre, mais la foule me devenait là aussi insupportable. Cet

effroyable regard morbide me pénétrait à travers la foule et me

causait une terreur intérieure. Je me sentais envahi par l'angoisse

et le tremblement et le sang me montait à la tête à tel point qu'une

connaissance me dit un jour : « Mon Dieu, je t'aurais à peine

reconnu tellement tu es devenu subitement rouge. Qu'as-tu donc ' ? »

Je me déplus beaucoup pendant ces vacances, principalement a

Riga ; j'avais peu de connaissances, pas d'occupations d'esprit, un

dégoût de tout, j.e dormais longtemps et je sentais lorsque je me

levais, cette pénible lourdeur et le tremblement dans les jambes.

Je me réjouis lorsque je partis de nouveau pour D..., où je me

voyais en pensée occupé, travaillant, et ainsi heureux. En effet, à

D..., cela marcha très bien au début. J'avais pris un de mes jeunes

paysans à mon service et ce comique garçon à qui je montrais

tout, m'a souvent évité des crises de maladie. De niaises et enfan-

tines plaisanteries avec lui me faisaient plaisir seulement parce

que j'étais délivré de mon tourment et pour le moment je vivais.

Je cherchais à m'intéresser activement aux sciences, mais j'avais

pendant des heures entièros le livre devant les yeux tout en son-

geant combien ce serait beau de l'avoir dans la tête ! Et alors je

me tourmentais de ne l'avoir pas plutôt appris et mille autres

insanités. En fin de compte je n'apprenais rien, jusqu'à ce qu'enfin

frappant la table du poing, je me redressais contre mes méchants

rêves et pour un instant, retrouvant mon attention, je me remet-

lais à mon livre.

Je revins de nouveau à D... et travaillais très assidûment, mais

j'y fus de nouveau indisposé, comme autrefois. Je fis encore des

heures de cheval, je bus beaucoup d'eau (ce qu'on m'avait autre-

fois défendu), mais sans résultat; je tombai finalement dans un

degré de misanthropie que je n'avais pas encore atteint, qui, dans

les rues où il y avait du monde, me poussait fébrilement, tandis

que dans les rues solitaires je retrouvais ma tranquillité. Je ne

pouvais pas me soutenir et tombais parfois dans un véritable

désespoir. Dans cet état, il m'était impossible de travailler, et je

concevais la pensée d'aller, mon examen terminé, en pays étran-

280 CLINIQUE MENTALE.

ger : là je deviendrai tout autre » me disais-je en moi-même; et

jusque-la je veux me recueillir une nouvelle santé. Mais je ne pou-

vais plus rester dans la ville.

Un de mes'oncles, homme probe, âgé, célibataire, habitait seu-

lement à quelques heures de D... sur son bien. Je me décidai à

aller le voir et à le prier de m'altirer chez lui : « Je suis très faci-

lement troublé dans la ville, et ne puis pas aussi bien travailler)),

et je prétextai de semblables raisons. Mon oncle m'accueillit volon-

tiers et, avec un cheval et quelques jeunes gens, m'attira chez lui.

Avec un étudiant qui /voulait passer l'examen en même temps que

moi, j'avais fait la convention de venir une fois par semaine en

ville et de répéter ensemble ce que nous avions appris chacun sépa-

rément.

Ainsi, je vivais dans l'intimité de mon vieil oncle, bien content,

je prenais plaisir à aller en voiture, à monter à cheval, je me fai-

sais réveiller de bonne heure je restais douze à quinze heures

par jour devant mes livres cependant il ne m'arrivait pas d'être

tout entier à mon travail le démon de mes tourments ne

m'abandonnait pas complètement, et il m'arrivait de rester plu-

sieurs heures par jour devant mes livres, paraissant travailler,

mais sans en retirer aucun fruit. Je faisais ensuite seller mon che-

val et je chassais comme un furieux ; le cheval en était fatigué,

mais je me trouvais tranquille et bien. Le jour de l'examen arriva;

j'avais la conscience de pouvoir le subir ; je m'encourageai,

m'assis sans difficulté devant le jury et passai un bon examen. Je

montai dans l'estime de mon entourage, mais mon espérance. de

devenir plus satislait de moi-même ou du moins de ne me faire

aucun reproche pour ma paresse fut déçue. A la campagne, j'étais

dans une constante agitation, tout heureux de pouvoir travailler,

monter à cheval, etc., jusqu'au retour périodique de ma rougeur,

surtout, à table, ce que je redoutais toute la journée. J'arrangeai

encore quelques affaires à D..., et revins ensuite à la campagne de

mes chers parents, chez lesquels je voulais seulement m'arrêter

quelques jours, ayant conscience de ma maladie, quoique je ne les

aie pas vus depuis longtemps, comme s'ils étaient en pays étran-

ger. L'agitation qui avait accompagné mon examen durait encore,

je ne voulais donc pas m'arrêter longtemps malgré l'affection

infinie que j'avais pour ceux chez qui je me trouvais, mais on

m'aimait, on me persuada et je demeurai plusieurs semaines. Un

de mes cousins qui se trouvait aussi à la campagne, devait se

rendre également à Berlin et nous avions formé le projet de faire

route ensemble. On parlait beaucoup de notre voyage projeté,

d'excursions pendant les fêtes, etc. On croyait me faire grand

plaisir, mais c'était pour moi un vrai supplice.

Je passai par R... où m'appelaient quelques affaires, mais il

me fut absolument impossible de m'occuper do quoi que ce soit;

BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 281

j'avais une prostration complète de toutes mes forces, ce qui n'était

pas pour m'étonner, car dans les derniers temps à D..., j'avais

fait beaucoup d'efforts, à la campagne, au contraire, je n'avais

rien fait pendant plusieurs semaines. Je devais presque me laisser

trainer pour accomplir l'acte le plus minime, ayant un goût invin-

cible et une répugnance pour tout, par suite de l'angoisse et du

découragement à un degré inconnu, un vide des plus pénibles

dans la tête, continuellement des images fantastiques à l'état de

veille, l'esprit constamment déprimé, de terrifiantes dispositions

d'àme, d'insupportables sensations au théâtre, bref, la plus grande

incapacité à penser et à agir et Dieu sait ce qui me serait arrivé,

si je n'avais pas eu à R ? une soeur si tendre et si dévouée, avec

de rares qualités d'esprit et de coeur, beaucoup plus âgée que moi,

et qui ne se lassait pas de me consoler sans cesse, de m'encou-

rager et si cela est possible, de penser et agir pour moi. Mon

cousin arriva à R... et nous partîmes. Il avait beaucoup vécu à

Pétersbourg, beaucoup fréquenté la société et il avait une grande

séduction pour plaire; il s'occupait de tout et m'était d'un secours

inappréciable ; j'étais très heureux de l'avoir comme compagnon

de route. A la frontière, nous rencontrâmes encore deux de mes

connaissances qui nous accompagnèrent le reste du voyage, jus-

qu'à Berlin. Par bonheur, nous ne traversâmes aucune belle con-

trée, car sans cela j'aurais dû feindre une admiration et un en-

chantement que je n'aurais pu ressentir à cause de la présence

d'autres personnes. J'étais impatient de voir la fin du voyage,

j'étais opprimé la nuit beaucoup plus que le jour par mon manque

complet d'énergie et ma susceptibilité ; le sang me montait à la

tète ; je restais de longues heures sans dire un mot et si je parlais,

je me faisais violence pour ne pas tomber dans un état tout à fait

semblable à la mort.

Arrivé à Berlin, au lieu de voir ce qu'il y avait de nouveau et

d'intéressant, je fus repris par ma timidité. C'est avec un senti-

ment d'angoisse, que je parcourus pendant les premiers jours les

' lues de la ville.

Les cours ne devant pas encore commencer, mon cousin projeta

un voyage d'agrément à Dresde, et comme il ne voulait pas

voyager seul, je lui proposai de l'accompagner, quoique ce nou-

veau déplacement ne me fit aucun plaisir.

Nous retournâmes à Berlin et, de façon à avoir du mouvement

sous les yeux et à me distraire, j'allai occuper un appartement

dans le quartier « unter den Linden ». Mon état intérieur était

mauvais ; je louai un instrument de musique, je jouais des mor-

ceaux qui autrefois m'avaient fait plaisir, pendant un temps j'allai

tous les jours au théâtre, mais jamais je ne faisais un effort;

j'étais dans un véritable état de torpeur, et mon esprit ne voyait

que des images terrifiantes dont je ne pouvais me défendre. J'avais

282 CLINIQUE MENTALE.

les sens très irrités, j'étais incapable de tout effort intellectuel,

pendant de longues heures je i estais stupide et dans un état d'ex-

citation qui ne me rendait pas abordable, mais je cherchais autant

que je le pouvais à dissimuler aux yeux du monde mon épouvan-

table état. Si malgré la présence des hommes je sentais de l'in-

térêt pour quelque chose, je cherchais à le graver dans ma mé-

moire, mais inutilement, car dans cet état torpide, rien, pas même

les plus grandes choses, ne faisait sur moi la plus petite impression.

Le sentiment d'angoisse et le perpétuel changement de la cou-

leur de mes joues disparaissaient, sinon complètement, du moins

suffisamment aussitôt que s'installait cet état torpide, mais je ne

sais quel est l'état le plus à redouter. L'angoisse dans la rue, dont

j'ai souffert depuis trois ou quatre ans d'une manière indéfinis-

sable, Dieu soit loué ! ne s'est pas manifestée jusqu'à présent à

Berlin, et c'est avec une bien grande satisfaction que j'ai pu me

promener tranquille. Mais il suffirait de l'effroyable regard bien

souvent mentionné pour que ce tourment se représente.

Pour ce qui est de mon état physique, je dois dire que j'ai tou-

jours été un enfant très faible et je me souviens même que j'étais

pâle et chétif ; j'ai beaucoup souffert de l'estomac et si j'allais seu-

lement dans une pièce froide, j'en sortais avec un dévoiement et

mat au ventre. Plus tard également, de quatre à cinq ans, je souf-

Iris de diarrhées. Maintenant, je souffre quelquefois de constipa-

tion et je fais usage de purgatifs. La pâleur du visage a disparu

depuis que j'ai pris l'habitude de rougir si fréquemment, et j'ai

maintenant une coloration habituelle par suite de l'afflux du sang

aux joues; on peut dire que mon sang est él'élhisé, J'ai rarement

des saignements de nez, cependant, dans les premiers temps de

mon séjour à Berlin, j'en ai eu cinq fois. Tout petit enfant j'avais

eu la coqueluche, à onze ans, une rougeole très bénigne, et à dix

ans la jaunisse; de même, je crois avoir eu le choléra en 1832,

cependant tout se borna à des nausées que la limonade guérit, et à

la suite de quoi survint du dévoiement. (Dans mon enfance, j'avais

fréquemment des nausées, et il me suffisait de penser à quelque'

chose de dégoûtant pour qu'aussitôt mon estomac soit soulevé ; il

me venait un goût doucereux, désagréable dans la bouche, et je

vomissais). D'une autre mère, j'ai eu plusieurs frères et tous se

portaient bien physiquement, et tous devinrent des hommes de

talent - ils étaient tous plus âgés que moi. Je n'ai eu qu'une soeur

germaine âgée de vingt-six ans, trois étaient mortes en bas âge,

nous restons donc les deux seuls, les plus jeunes. Ma soeur ger-

maine n'est pas mariée, elle est très frêle et chétive, continuelle-

ment souffrante et lorsque je la vis il y a deux ans et demi, après

une séparation de six ans, je remarquai chez elle un peu de mes

souffrances et en particulier une tendance à rougir tout à fait

analogue à la mienne. Notre mère était de constitution faible.

, BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 283

Moi-même je n'ai pas eu depuis longtemps de maladie au sens

propre du mot, si ce n'est la congestion continuelle à la tête, mon

engourdissement, la sécheresse et souvent une pression considé-

rable du front et une compression des paupières lorsque les yeux

sont fermés et une sensation de piqûre ou de picotement sur tout

le visage. J'avais toujours considéré mon mal comme physique et

guérissable, et s'il m'arrivait de perdre cet espoir, je m'y laissais

ramener facilement par d'autres, mais parfois il m'arrivait de

douter si ma maladie était physique ou psychique. C'est pour la

première fois que je note d'une façon si suivie la marche de mon

état particulier ; je le fais à la demande de ma soeur, qui conserve

toujours pour moi le meilleur espoir et m'engage à remettre sous

le secret, à mon médecin, une vue d'ensemble sur ma maladie.

Par quoi a été causée cette misanthropie ? par l'effroyable regard

et par conséquent par les yeux. Comme un rayon de lumière, cela

est entré en moi par le sens : « Si ton bras te scandalise, coupe-le,

et si ton oeil te scandalise, arrache-le » et pour un mal si profon-

dément enraciné, je ne vois pas d'autre moyen et je crois ce moyen

excellent pour amener la guérison. Sans doute en perdant le sens

de la vue je perdrais beaucoup si je pouvais en faire usage comme

les autres, mais je suis obligé de reconnaître que mon oeil ne me

sert que si je suis seul; en présence des hommes, je ne jouis

d'aucun spectacle des yeux, et l'oeil ne m'apporte que préjudice,

le préjudice redoutable de la misanthropie. Sans le regard, je

crois que le voisinage des hommes ne me serait pas aussi pénible

ni aussi troublant ; il y a eu des moments de paroxysmes dans

lesquels je fermais les yeux et je me sentais mieux.

Le chagrin que j'éprouverais de la perte de mes yeux serait

évidemment très vif; ce serait pour moi un très grand dommage,

mon caractère n'en deviendrait que plus mélancolique, mais si je

dois vivre avec eux dans les mêmes conditions, je préférerais en

être privé. Il me faudra ensuite avoir toujours quelqu'un pour

moi, qui prit soin de moi, fut accepté de moi, et cette acceptation

devrait être à ce qu'il me semble plus d'après cette personne que

d'après moi, car je serai impatient et il faudra m'occuper. J'exci-

terai la pitié, et cela me sera désagréable et pour une autre raison

je ne veux pas exciter la pitié. Je me rends parfaitement compte

que la perte de la vue n'est pas médiocre, mais si je ne vois pas

d'autre issue de laquelle je puisse attendre du mieux, je considère

comme un devoir, pour éviter le mal, de recourir ce singulier

moyen.

Ma situation, quoique je ne sois pas riche, me faisait cependant

une existence tout à fait indépendante ; je devais être très heureux

et je suis tout ce qu'il y a de plus malheureux. J'ai maintenant

vingt; et un ans et depuis quatre ans déjà, je demande à Dieu avec

ardeur de me faire mourir ; j'ai même tenté un suicide raffiné; je

284 -il CLINIQUE MENTALE. .

voulais me rendre malade, me ruiner et mourir ainsi, mais cela

n'a pas réussi. Ce désir intime de mourir, s'est souvent représenté

à moi, je redoutais de mettre la main à l'oeuvre, mais comme je

l'ai dit, j'ai traversé dans ces derniers temps une période malheu-

reuse et j'étais résigné à le faire. Un bon génie m'en a empêché.

Mais si une telle phase revenait de nouveau et si j'étais seul, je

crains de n'être pas maître de moi-même, quoique ma conscience

soit intacte.

Comme j'espère à bon droit que mon étrange état ne restera

pas sans exciter votre attention, et que vous ne regarderez pas

mes souffrances sans vous apitoyer sur mon sort et que vous me

le prouverez, je vous demande que cela soit entre nous. Je mets en

vous toute ma confiance et m'anime d'un nouvel espoir. ».

Lorsque le jeune M. de N... se représenta chez moi après quelque

temps, je procédai tout d'abord à un examen clinique rigoureux

, dont le résultat fut que ce trouble mental ne trouvait aucun point t

d'appui suffisant dans l'état somatique du malade. 111. de N... est

plutôt parfaitement sain. Par la disposition innocente, pure, excel-

lente du jeune homme, qui se manifestait de plus en plus à cha-

que nouvel entretien, je suis convaincu qu'il n'a rien caché de ce

' qu'il aurait eu à cacher. Avec un traitement psychique approprié,

j'instituai aussi un traitement dirigé contre l'hypocondri enerveuse

pure : bains de rivière, équitation, nervins, mais surtout ce qui

donna des résultats particulièrement satisfaisants, c'est la con-

fiance qu'à notre grande joie le malade avait mise en moi.

Cependant l'ancien mauvais démon revenait toujours et nous

devions de temps en temps changer notre mode de traitement, ce

qui me permit de remarquer que cette cure serait d'autant plus

difficile, que M. de N... était lui-même devenu médecin. Il pré-

tendait de nouveau qu'il rougissait à tout instant, et que cela

lui arriverait tant qu'il verrait des hommes, et l'affirmation de ma

part que dans nos fréquents entretiens jamais en dehors de la

rougeur des joues qui lui est particulière, naturelle, constante, je

ne l'avais vu présenter la rougeur fugitive'qu'il accusait, ne pou-

vait arriver à le tranquilliser.

Le milieu de l'hiver de 48... approchait et M. deN... s'annonça

comme auditeur à un de mes cours. Cette démarche était pour

'mot du plus grand intérêt. Le jeune homme alla s'asseoir le plus

loin possible et prit attentivement des notes sur la leçon ; mais

même s'il laissait reposer sa plume, son oeil ne quittait pas son

cahier, et je n'ai jamais vu qu'il ait échangé un mot avec un voisin

ou que son regard se soit attaché un moment sur le maître. Au

bout de quelques semaines, il cessa de venir au cours, et comme

quelques jours après il se représentait à ma consultation; il s'en

excusa en m'affirmant qu'il lui était absolument impossible de

retourner au milieu des hommes. lime demanda instamment mon

BIOGRAPHIE D'UNE IDÉE FIXE. 285

assistance parce que son état avait de nouveau empiré, comme

autrefois. Il me vint alors l'idée d'essayer- un remède assez ori-

ginal : je conseillai à ce malheureux jeune homme de se farder-

de cette façon il serait toujours rouge et il serait difficile de remar-

quer un afflux de sang passager sous la rougeur artificielle. Ce

conseil le séduisit. Immédiatement en sortant de chez moi, M. de

N... achète du fard et l'emploie de suite et il était guéri il me

parut ainsi, du moins, car de nouveau il recommença à suivre ses

cours, et à trois ou quatre semaines et même davantage, il me fit

des visites et il ne pouvait pas assez me remercier de cet heureux

résultat. Moi de mon côté, je ne m'en réjouissais pas moins que

lui. i,

Cette satisfaction fut de courte durée. De N... disparut de nou-

veau des cours ; il ne se présenta pas chez moi de longtemps et

j'étais convaincu qu'il s'était adressé à uu autre médecin. Enfin, il

se représenta de nouveau et plus que jamais retombé au pouvoir

de sa malheureuse manie. Il était plus désespéré que jamais, car

le vif espoir qu'il avait mis dans le fard n'existait plus. Il déclara

qu'il sentait très bien « qu'il rougissait » sous le fard et que déjà

les hommes avaient dû le remarquer ». Paroles de consolation,

exhortatious, moyens médicaux, tout resta sans fruit. Le 8 du mois

de ? de N... vint chez moi, plus calme en apparence et me

demanda de.lui restituer le cahier qui contenait sa confession et le

récit de sa maladie, mais il se tranquillisa, sur mon affirmation

que je n'en ferai pas un abus comme il le redoutait. Le lendemain

j'étais mandé en toute hâte au domicile du jeune homme, et j'ap-

pris par le messager qu'il s'était ôté la vie ! Cela-n'était que trop

vrai ! deN... était couché sur un sopha, entouré de quelques

amis, avec la pâleur de la mort, présentant dans la région du coeur

une blessure faite avec un pistolet, ce qui me dispensa de toute

question. Il me serrait amicalement les mains, mais repoussait

tout secours et il me supplia « de le laisser mourir tranquille car

il n'avait plus à compter sur aucun moment de bonheur en ce

monde ». Une heure plus tard, il perdit connaissance, entra en

délire, eut quelques convulsions rapides et mourut six heures

après, des blessures mortelles qu'il s'était faites.

Les recherches ultérieures qu'on a pu faire ont fourni quelques

renseignements sur les circonstances qui ont accompagné ce sui-

cide. A l'autopsie, on trouva le coeur intact, mais le poumon gau-

che était sur son diamètre longitudinal labouré de deux balles

dont l'une avait traversé le corps et fut retrouvée plus tard dans le

dossier du sopha et dont l'autre était restée dans la quatrième ver-

tèbre dorsale. J'ai conservé ces deux balles comme souvenir attris-

tant d'un cas certainement rare et épouvantable.

Ainsi se développe en une flamme qui consume la vie, l'étin-

286 , CLINIQUE MENTALE.

celle d'une manie enfantine couvant sous la cendre, secrète-

ment nourrie et entretenue d'une façon ininterrompue

durant toute une existence. Ce qu'il y a de particulièrement

remarquable, c'est de voir pendant combien de temps le

malheureux a pu garder dans les profondeurs de ses pensées

intimes l'idée du suicide sans la laisser percer dans ses-

écrits. Déjà, dans sa seizième année, il lui vient à l'idée

qu' « il n'aurait pas une fin naturelle ». Six mois avant son

acte, «le plus mauvais vient du règlement de ses affaires, et

seul un hasard l'éloigne de l'exécution », mais il ne dit pas

clairement de quoi ? Je ne puis pas mettre en doute que la

veille de son suicide il ait voulu reprendre son manuscrit

pour le détruire avant sa mort à peu près résolue. Déjà, le

malheureux a trouvé quelque chose de plus épouvantable

que le suicide, il veut s'aveugler, ce qui se comprend, à

dire vrai, aussi peu que le suicide. Il est touchant de voir

que pour lui l'état heureux serait celui de l'aveugle. La perte

de la vue, « il ne la tient pas pour minime », mais il con-

sidère que « c'est presque un devoir pour lui de saisir ce

moyen d'éviter son malheur ». Au début, après la lecture de

son manuscrit, j'avais bien songé un moment à l'envoyer

pendant quelque temps dans un asile d'aveugles, mais la

considération que parmi ces aveugles il y a beaucoup de

voyants, tels que des employés, des maîtres, les serviteurs de

la maison, que, par conséquent, le malade n'y trouverait pas

ce qu'il cherchait, m'a empêché de donner suite à cette idée.

Si l'on songe à la lutte ininterrompue dans laquelle le

malheureux a passé toute sa vie, si on suit ce travail con-

tinuel, on ne peut que respecter un sentiment si juvénile

qui s'efforce de s'opposer à l'ennemi extérieur. Si on pèse

l'origine et la marche de ce cas si singulier de trouble-

mental, on ne peut s'empêcher de se poser la question :

« Comment la théorie d'IIeinroth peut-elle l'expliquer ? »

Faut-il voir dans ce cas une punition de Dieu, un effet du

péché originel ? Ce plaisir bien fugitif que le jeune de N...

ressent à la vue d'une jeune fille avec laquelle il danse,

tient-il par quelque point au péché originel ? Est-ce péché,

peut-être, parce que cette frivolité si humaine, devenue

plus tard un embarras, par son développement croissant a

causé la rougeur réelle ou supposée ? Ou bien lleinroth lève-

rait peut-être la difficulté et ne mettrait pas ce cas sous cette

L'IDIOTIE morale. z87

rubrique, mais peut-être admettrait que ce malade se serait

suicidé parce qu'il voit cet objet repoussant, comme un

autre le ferait pour un dégoûtant lupus ou un nez écrasé ?

Mais il n'est pas besoin d'un cas tel que celui que nous

signalons pour mettre en évidence l'impossibilité d'une

explication qui cherche la source de la science de la nature

au maître autel et laisse régner le sentiment pieux et poé-

tique ou empirico-philosophique là où l'analyse, la cri-

tique et l'observation des sciences naturelles réclament

seules leurs droits.

RECUEIL DE FAITS.

Contribution à, l'étude de l'idiotie morale et en par-

ticulier du mensonge comme symptôme de cette

forme mentale ;

Par BOURNEVILLE et J. BOYI;ft .

Nombreuses sont les observations que nous avons publiées

sur l'idiotie morale, sur ses manifestations si variées. Celles

que nous allons rapporter sont destinées surtout à mettre en

relief l'un des symptômes de cette maladie : le mensonge.

Observation I. Idiotie morale ; légère arriération intellectuelle '.

Sommaire. Père mort aliéné. ? Grand-oncle, grand' mère et grand' -

tante paternels suicidés. Tante paternelle nerveuse, morte

phtisique.

Mère, convulsions de l'enfance, morte phtisique. Grand-oncle

maternel mort de morphinomanie et de cocaïnisme. Frère ins-

table, paresseux.

Pas de consanguité. Inégalité d'âge de sept ans (père plus âgé) .

Conception, grossesse, accouchement; naissance, rien de parlicze-

1 Un résumé de cette observation a été communiqué par M. Boyer il la

Société libre pour l'éludepsychologique de l'enfant (Bulletin, no 5, p. 120.

1901).

288 RECUEIL DE FAITS.

lie¡', Convulsions de, l'enfance à plusieurs reprises. Parole

tardive, zézaiement, bégaiement. Mensonges (10 ans), instabi-

lité, onanisme (14 ans). Kleptomanies Fugues, écolage Ï/'1'é-

gulier, une exclusion pour onanisme, une autre pour mensonges.

- Sournois, hypocrite, jaloux. - Périodes de mélancolie (1890).

Traitement médico-pédagogique, amélioration relative.-

A. R..., né le 14 juillet 1879 est entré àl'Institutmédico-pédago-

gique le 14 mars 1896, d'où il est sorti le 31 décembre 1897.

Antécédents héréditaires. Père mort à quarante ans d'une

« paralysie au cerveau», interné. Etait dans l'industrie, affaires diffi-

ciles, accident de voiture où il faillit être tué : consécutivement,

bizarrerie de caractère, irritabilité, affaiblissement progressif de

la mémoire, vie de famille impossible. -Un oncle paternel se sui-

cide à vingt et un ans, parce que sa famille s'oppose à son

mariage. Grand'mère paternelle s'est jetée par la fenêtre, sous

le coup de la démence à soixante-dix-sept ans. Grand'tante

paternelle, suicidée à la suite de chagrins intimes. -'l'ante pater-

nelle très nerveuse, morte phtisique à trente-neuf ans, ses enfants '

sont malingres, très nerveux, surtout l'aîné, qui a eu des con-

vulsions.

Mère .morte phtisique à trente-quatre ans; convulsions de l'en-

fance. Le seul cas pathologique à relever dans la famille mater-

nelle, est celui d'un grand-oncle maternel, médecin, mort de

morphinomanie et de cocaïnisme. ,

Pas de consanguinité. Inégalité d'âge de sept ans, (père plus

âgé).

Deux enfants : 10 un garçon de dix-huit ans et demi, bien por-

tant, est dans le commerce; n'a jamais eu de goût pour l'étude,

dépensier, instable; 2° notre malade.

Antécédents personnels. Rien à signaler à propos de la con-

ception de la grossesse et de l'accouchement. L'évolution physique

aurait suivi son cours normal, sauf en ce qui touche la parole, qui

aurait été tardive et aurait toujours présenté du zézaiement et du

bégaiement. Convulsions de l'enfance, à plusieurs reprises, qui

auraient amené les troubles de la parole. A eu la rougeole, la

scarlatine et peut-être la coqueluche. A eu toujours de la

difficulté pour apprendre; on le change à chaque instant d'école;

partout on se plaint de ses mensonges (dès l'âge de dix ans), on est

obligé de le retirer des divers établissements qu'il a fréquentés, de

peur d'exclusion. A quatorze ans, on constate l'onanisme fréquent,

et la kleptomanie. Fait de véritables détournements : on lui donne

20 francs pour aller solder une note, il garde l'argent; il vole des

bijoux à ses bonnes, des livres à son grand-père pour les vendre;

va emprunter de l'argent au nom dé son grand-père (jusqu'à

L'IDIOTIE morale. 289 9

100 francs) à des amis de famille, il a acheté une fois avec de l'ar-

gent volé ou emprunté pour 39 francs de bonbons chez un épicier.

Dans une pension où il est, il va trouver son professeur pour lui

demander des leçons particulières, à l'insu de ses parents, et en

prend ainsi plusieurs mois. Fugues de plusieurs jours à la suite

d'emprunts ou de vols. On n'a jamais pu savoir comment il pas-

sait son temps et où il dépensait l'argent. A toutes les observa-

tions qu'on lui faisait, il répondait qu'il ne pouvait s'empêcher de

voler. « C'est le mensonge incarné, nous disent ses grands-

parents ; il parait nous aimer, mais il est si hypocrite et si faux,

que nous ne savons s'il nous aime réellement ». Les observations

que l'on trouvera plus loin donneront une idée plus précise des

mensonges ordinaires de l'enfant.

Etat de l'enfant à son entrée à l'Institut médico-pédagogique.

Etat physique. (Nous ne relèverons que ce que l'on peut con-

sidérer comme des stigmates physiques de dégénérescence).

Front fuyant et étroit; ne : long, pointu; lèv1'e supérieure en saillie,

lèn'e inférieure en retrait, le bas de la ligure va en s'amiucissant;

le profil de la figuré rappelle celui de la fouine; les oreilles sont

longues (65 mm.) et larges dans leur partie supérieure (4 cm.),

fortement décollées. Crâne : légère dépression de la moitié

droite de l'occipital; la moitié gauche du frontal est moins saillante

que la moitié droite : cette asymétrique se remarque aussi sur la

face, dont la partie gauche est moins développée. La voûte pala-

tine est étroite, un peu ogivale. - Les membres sont longs et

grêles; rien autre à signaler. ,

Etat physiologique. - (Nous ne relèverons également ici que ce

qui présente un caractère pathologique). Troubles digestifs con-

sistant en vomissements sans douleur, mais l'enfant a été surpris

plusieurs fois en train de les provoquer; alternativement, constipa-

tion opiniâtre et diarrhée. -Troubles cardiaques : bruit de souffle

assez prononcé au premier temps, à la base ; l'enfant se plaint du

reste de palpitations et a quelquefois des crises d'étouffement. Mais

il nous a été donné de constater que sur ce point aussi l'enfant a

fait de l'exagération. Marche sautillante, sur la pointe du pied.

Blésité très prononcée; le son ch parait impossible. De plus

bégaiement intermittent au début des mots, quelle qu'en soit la

syllabe initiale.

Etat psychologique. L'intelligence présente une arriération

légère, mais réelle. L'enfant du reste, par suite de son écolage

irrégulier, et de ses nombreuxchangements de pensions, ne possède

que quelques connaissances élémentaires assez précises. Nous

avons pu constater que son attention et sa réflexion tout en étant

possibles sont capricieuses et de peu de durée. Il n'y a aucune

persévérance dans le travail intellectuel. Très instable, il veut

Ancumrs, 2e série, t. XIII. 19

290 RECUEIL DE FAITS. · -

changer à chaque instant d'occupation. Il s'adonnera quelque

temps à la géographie, pour ne plus s'y intéresser de plusieurs

mois. La mémoire est laborieuse, mais elle parait assez fidèle.

C'est précisément grâce à elle que, dans ses conversations, il donne

souvent l'illusion du jugement et du raisonnement, mais on

s'aperçoit vile que tout n'est que surface et que l'enfant est inca-

pable de coordonner les idées acquises et d'en tirer des déduc-

tions. Son imagination, du fait même de sa mémoire, parait

féconde, mais en réalité elle ne fait que reproduire en les exagé-

rant maladroitement des récits lus dans des aventures de voyages,

qu'il aime par-dessus tout. Cette exagération préside à toutes ses

conceptions, et, chose digne de remarque, elle est consciente,

elle est voulue. -

Etat instinctif et moral. - L'instinct de conservation est plutôt

exagéré chez lui. A... a peur de se faire du mal, au moindre

malaise il se croit perdu. Il aime la société, ne recherche la

solitude que lorsqu'il vient d'être pris en flagrant délit de men-

songe, et que son amour-propre est blessé. L'instinct géné-

sique s'est manifesté : nous avons eu l'occasion de constater

l'onanisme solitaire, mais du fait de la surveillance dont il était

l'objet, nous n'avons pu que fortement soupçonner ses tendances à

l'onanisme à deux. L'instinct de véracité est profondément

atteint chez lui. C'est le mensonge incarné, nous disent ses grands

parents, et de fait, on dirait qu'il lui est impossible de manifester

la vérité. Avec ses camarades il ment pour se donner de l'impor-

tance ; il a tout vu, tout fait, il renchérit sur tout; avec ses

maîtres il ment encore pour se disculper d'une faute et pour se

faire bien venir d'eux. Sa conduite générale est un mensonge per-

pétuel. Il fait celui qui est le plus docile, pour mieux capter la

confiance, il est toujours de votre avis, et s'il est réprimandé, ses

larmes et ses paroles humbles font croire à la sincérité du repen-

tir. C'est le type du dissimulateur et de l'hypocrite. Il pousse ses

camarades à commettre une faute, et il est le premier à venir en

prévenir. - Il est pour certaines choses d'une sensiblerie outrée,

pleurera en apprenant que son frère a été puni, et restera indif-

férent devantla peine de ses grands parents. - Il est très jaloux, et

c'est sous le coup de la jalousie, qui; nous l'avons vu se mettre le

plus en colère. Dans ces moments il est même dangereux, il

frappe tout le monde en cherchant à donner de mauvais coups; il

est grossier et méprisant; quand il est en colère le zézaiement

persiste, mais le bégaiement ne se manifeste plus. Il a la

notion du bien et du mal, en ce sens qu'il cherche il simuler le

bien pour s'attirer les bonnes grâces, et cache le mal sachant qu'il

perdra la confiance de ceux qui vivent auprès de lui. A des idées

religieuses, qu'il sait exagérer en temps opportun, mais elles ne

sont chez lui qu'habitudes prises, et même imposées.

1,'lDIOTIE MORALE. 291

1896. Mars. Durant les premiers jours, rien à dire sur sa

conduite générale. 11 est poli avec tout le monde, docile aux obser-

vations, assidu à son travail scolaire. Il fait régulièrement la gym-

nastique, s'occupe à de petits travaux de jardinage et parait faire

tous ses efforts pour éviter les reproches. Il est heureux quand on

le félicite sur sa bonne volonté. Comme traitement, il prend

d'abord une douche, puis deux douches par jour', fait la g3m-

nastiquc spéciale, travaille en classe et au jardin ; traitement

moral. '

Avril. Le naturel annoncé se manifeste par trois mensonges

à quelques jours d'intervalle. 1° Il annonce à ses maîtres et à

ses camarades que son frère tient à sa disposition une loge à

l'Opéra pour une fête organisée, nous dit-il, par les anciens élèves

de l'Ecole Centrale. Il écrit même à son frère à cette intention,

nous donne sa lettre qui part au domicile des parents. Quelques

jours après, visite de ses grands parents, qui ne comprennent rien

à la lettre et nous affirment qu'il n'y a rien de vrai dans la pro-

messe qu'il a faite. A... est l'objet des railleries de ses camarades,

et des reproches de ses maîtres, il pleure, boude quelques jours et

oublie tout. Questionné sur les motifs qui l'ont fait agir, il ne

répond pas. 2° Après avoir reçu la visite d'un de ses oncles, il

nous annonce qu'il a un cousin atteint d'une maladie de nerfs et

que ses parents désirent le placer dans le même établissement que

lui. Nous souvenant du premier mensonge, nous nous tenons sur

nos gardes; comme il demande même quel jour nous pourrons

recevoir son cousin, nous lui répondons qu'il connaît parfaitement

les jours de visites. Or, nous avons appris quelques jours après,

que son cousin était un enfant normal, fréquentant un lycée de

Paris, et que son oncle n'avait jamais eu l'intention de le placer'

en traitement. 3° IL revient un jour de congé en racontant il

tout le monde qu'il a chez lui un violoncelle, dont il sait jouer,

qu'on va le lui envoyer et qu'il est chargé par ses parents de s'en-

tendre avec le professeur de musique pour prendre des leçons par-

ticulières. Cette idée lui était venue sans doute parce qu'à plu-

sieurs reprises nous avions organisé avec deux de ses camarades

de petits concerts de violon et de piano, et voyant le succès que

ses camarades avaient remporté, il voulut faire croire, au moins

un moment, qu'il était capable lui aussi de faire de la musique.

Or, il n'a jamais aimé la musique, et n'a jamais eu de vio-

loncelle.

Plusieurs petites scènes de surexcitation chez déjeunes malades

1 La gymnastique et l'hydrothérapie ont pour but, dans les cas de ce

genre, de modifier non seulement les accidents actuels, mais encore.

après la disparition de ceux-ci, la diathèse nerveuse, et mettre le malade

' dans de meilleures conditions pour bénéficier du traitement moral.

f)2 RECUEIL DE FAITS.

avec lesquels il était lié, et qui jusque-là s'étaient montrés tran-

quilles, nous firent supposer que son influence n'était pas étran-

gère à ce changement. t.

111ai. Pas de mensonges caractérisés. Il se plaint le 20, de

-douleurs danslecreuxdel'estomac et le 21 d'étoufl'ements. Comme

ses grands parents nous ont prévenu 'que plusieurs fois il a fait de

la simulation, et qu'il était même resté une semaine sans manger,

disait-il, alors qu'il avait été surpris se gavant à la dérobée, il est

l'objet d'une visite médicale plus minutieuse que jamais, d'une

surveillance rigoureuse, et nous constatons qu'A... ne ment pas

cette fois. Il est en effet des choses qu'on ne peut simuler, quel-

qu'arliste qu'on soit : selles infectes, pâleur de la face, vomisse-

ments caractéristiques, troubles cardiaques, etc. Il est soumis à

un régime spécial qui fait tout disparaître.

Juin. Discussions nombreuses avec ses camarades, qui

viennent à chaque instant se plaindre de lui; il essaie de les exci-

ter les uns contre les autres, en racontant à chacun d'eux, des

médisances inventées de toute pièce, fait disparaître des livres et

va raconter à leur propriétaire que c'est un tel qui les lui a

volés, etc. Si 'on fait à un enfant des reproches sur telle ou telle

incartade, qu'il a lui-même provoquée, il renchérit sur les

reproches du maître et l'ail le moralisateur. Nous apprenons vite

la vérité au moyen de confrontations. Un jour qu'il travaillait

seul au jardin potager, il nous ramène un malade plus jeune que

lui et qui, ne parlant pas, ne pouvait nous renseigner, nous annon-

çant qu'il venait de lui sauver la vie, qu'il l'avait retiré du bassin

où il se noyait, etc. Or il était impossible matériellement que cet

accident ait pu arriver, l'enfant en question venant de quitter son

infirmière; d'autre part, nous remarquons que seules les chaus-

sures du petit malade sont mouillées. Pressé de questions, A...

finit par avouer que c'est lui-même qui a essayé de le mettre dans

le bassin, pour faire croire à un sauvetage. Pourquoi ? Toujours

même mutisme. Ce mensonge l'a tellement ridiculisé auprès de

ses camarades, qu'il est resté plusieurs jours sans causer il qui

que ce soit. '

Juillet. Bon mois au point de vue de la véracité et de l'assi-

duité au travail. Du 14 au 21, période de mélancolie et de tacitur-

nité provoquée sans doute par un trouble des fonctions diges-

tives. Un purgatif remet tout en état.

Aotît. - Par suite d'un silence prolongé de ses parents, qui ne

sont pas venus le voir depuis plusieurs semaines, A... est triste et

ennuyé. Présente quelques accidents cardiaques (palpitations). Il

écrit à son grand-père pour lui dire que, « puisqu'il met tant

d'obstinalion à lui donner de ses nouvelles (sic), il va en mettre

aussi et au lieu de prendre ses douches qui lui font énormément

du bien, il ne les prendra plus ». « Ce n'est pas la peine qu'on me

l'idiotie morale. 293

soigne, écrit-il, si d'un autre côté on me fait des sottises. Je com-

mence à en avoir assez de cette vie-là et veux, savoir le fin mot ».

On le remonte par des paroles d'encouragement et il parait se ras-

séréner. Il parait à nouveau gai et bien disposé, et reprend ses

occupations ordinaires. Le 19, profitant d'un moment où maître et

infirmiers sont occupés auprès d'un de ses camarades subitement

indisposé, il disparait dans le petit bois contigu au pavillon des

classes et saute par-dessus le mur, non sans avoir deposé en vue

sur un banc du jardin une lettre à l'adresse d'un de ses maîtres, où il

annonce l'intention bien arrêtée qu'il a de « donner fin à ses jours.

En sortant de l'Institut, y a-t-il écrit, je vais me diriger du côté

du garage (barrage) pour me jeter dans la Seine. Je vous donne

tous ces détails pour que ma famille fasse rechercher mon

corps ».

Son absence est remarquée aussitôt et la lettre trouvée de

suite. Nous envoyons au barrage un infirmier, tandis qu'un autre

va au domicile des parents avec la leltre en question. La famille

nous répond : « Il n'y a pas de danger qu'il se noie ! Il est bien

trop poltron ». Comme A.... avait pris, ainsi que nous l'apprîmes

plus tard, un chemin opposé à celui qu'il avait indiqué, toutes les

recherches furent vaines. Le lendemain soir, il rentre seul à

l'Institut à 6 h. 1/2. Il avoue qu'il a été d'abord à la gare d'Or-

léans où il a couché dans les salles d'attente. De là il est par à iL

Passy où il a emprunté sous un prétexte quelconque 25 francs à

un fournisseur de sa tante, a été retrouver des amis avec lesquels

il a déjeuné dans un restaurant de la rue de Rivoli, puis a

remonté la Seine jusqu'à Choisy-le-Roi, et est'revenu à Vitry. Une

enquête faite par ses parents démontre qu'il avait dit la vérité au

sujet des 25 francs et de sa promenade à Choisy. Après son esca-

pade il parait honteux. De quelques jours il ne prend part à

aucun jeu et reste silencieux aussi bien en classe qu'en récréation.

A partir de cette escapade jusqu'à la fin de 1896, sa conduite ne

donne lieu à aucun reproche. 11 n'y a guère à relever que des pec-

cadilles familières aux enfants : petits mensonges pour se discul-

per, maraudes de fruits au jardin, discussions sans importance

avec ses camarades. Mais plus de ces mensonges prémédités et

vraisemblables. En classe il fait des progrès, s'habitue à un travail

régulier, et en gymnastique acquiert une adresse et une force de

résistance auxquelles il ne nous avait pas habitués.

1897. Janvier. - Les grands-parents constatent une améliora-

tion sérieuse. Pour le récompenser, ils le font, sur notre avis,

sortir quelques jours, et il rentre seul avec une lettre de son

grand-père manifestant l'agréable impression qu'A... a faite sur

toute la famille. Un nuage cependant le 25 : l'enfant comptait aller

à un mariage; un contre-ordre provoque chez lui un accès d'hy-

pochondrie de plusieurs jours. Il boude même sa grand'mère à sa

294 RECUEIL DE FAITS.

première visite. En même temps s'était produit un embarras gas-

trique qui dura cinq jours. . -

Mensurations permettant de se rendre compte du développement

physique du malade.

l'idiotie morale. 295

de la répulsion pour l'état militaire. Un voyage en famille au

bord de la mer pendant les mois d'août et septembre fait oublier

tout et remettre à plus tard la décision.

En octobre, A... revient à l'Institut, mais un changement s'est

produit dans le conseil de famille. C'est un oncle qui connaît peu

A... qui est nommé tuteur, et l'enfant va essayer d'agir auprès de

lui pour satisfaire ses caprices. La dissimulation reparaît et avec

elle les mensonges. Il annonce à son oncle que l'Institut s'est

chargé de lui procurer une place, alors qu'il n'en a été nullement

question. Il quitte définitivement l'Institut au 31 décembre 1897;

prématurément.

Réflexions. - I. A... est un malade, et les troubles que

nous avons relevés dans son état psychologique et moral

sont la conséquence de son état morbide. Bien qu'au moment

de la conception, le père de l'enfant n'ait pas encore pré-

senté de troubles mentaux, l'hérédité paternelle est forte-

ment chargée, puisque nous relevons parmi les ascendants

trois suicidés. De ce fait A... avait besoin d'un traitement

médico-pédagogique spécial, mais avant tout d'une inter-

vention médicale. '

II. A... est le type du menteur, dénaturant la vérité non

dans un but intéressé, mais pour le simple plaisir de trom-

per son entourage.

III. Si l'amélioration n'a été que passagère, cela tient à ce

que la famille ne nous a pas suffisamment aidés dans notre

oeuvre de relèvement, mais cela tient surtout à ce que l'en-

fant ne nous a été confié qu'à un âge trop avancé pour arri-

ver à un sérieux résultat. Ce n'est pas à dix-sept ans qu'on

peut espérer un redressement complet. D'où la nécessité de

commencer de bonne heure le traitement médico-pédago-

gique des idiots intellectuels et moraux, et d'initier tous les

éducateurs à la psychopathologie pour les mettre à même

de relever, dès leurs premières manifestations, les symp-

tômes qui font pressentir l'anormalité de l'enfant, et pour

qu'ils puissent conseiller aux parents, alors qu'il en est

temps encore, le traitement médico-pédagogique.

(A suivre).

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Nouvelles études sur l'acide urique dans la neurasthénie et

l'auto -intoxication dans les maladies nerveuses; par Savan-

pearce. (The amel'lCan journal of 121sa.7zily, 1900, p. 103-115.)

L'auteur rappelle ses travaux antérieurs, ceux de Haig et ceux de

Krainsky, sur les auto-intoxications dans l'épilepsie et la neuras-

thénie. On observe dans les jours qui précèdent les attaques d'épi-

lepsie, et pendant les états de dépression neurasthénique, une

diminution dans la quantité d'acide urique excrétée. Le sang d'un

épileptique prélevé pendant la crise et injecté à un lapin, a déter-

miné une crise épileptiforme après deux ou trois minutes. La

présence d'acide urique dans le sang expliquerait des symptômes

neurasthéniques tels que douleurs occipitales, douleurs lombaires,

troubles gastriques. De nouvelles recherches confirment ces résul-

tats. D'où viennent les irrégularités dans la production ou l'élimi-

nation de l'acide urique' ? Là est la cause de ia neurasthénie; c'est

un trouble de la nutrition. Sinon.

II. L'hématoporphyrinurie, avec la relation d'un cas consécutif

à l'usage du trional; par Robert-E. HUEDY, (Amènent Journal 01'

lnsanity, Octobre 1899, p. 327 à 335.)

L'hématoporphyrinurie arrive dans beaucoup de conditions patho-

logiques différentes et même physiologiquement ; plus fréquem-

ment au cours d'hémorrhagies du tube digestif ou de coliques de

plomb; et finalement à la suite de l'emploi du sulfonal... Elle n'est

d'ailleurs qu'un signe de peu de valeur pour le diagnostic ou le

pronostic, sauf quand elle est liée à l'empoisonnement par le sul-

fonal où elle indique alors un pronostic très grave, spécialement

chez les femmes. Son origine est obscure, non toujours la même,

et dans l'intoxication par le sulfonal, paraît liée à des lésions

. graves de l'épithélium rénal, probablement de nature secondaire.

Elle est enfin plus facile à prévenir qu'à guérir. (Bibliographie).

SimoN.

III. Epilepsie modifiée par le traitement et le milieu, avec quel-

ques notes relatives à 200 cas; par Martin-W. Bahr. M. D. (I'he

Alienist and Ne2s·oloyist, 1900, p. 85-95.) ,

L'épilepsie est encore aujourd'hui ce qu'elle était autrefois : c'est

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 297

une maladie qui n'évolue pas. L'auteur fait des réserves pour ce

qui est des cas de guérison : ce ne seraient souvent, selon lui, que

des rémissions, et, après des suspensions d'attaques même prolon-

gées, on observerait des retours de la maladie. Mais il y a du

moins des améliorations.

'Le traitement le plus efficace pour les obtenir serait le suivant :

habitudes régulières, bains fréquents, régime sévère fortement t

végétarien et lacté, bromures et arsenic; contre l'épilepsie noc-

turne, bromure et chloral ; contre l'état de mal, chloroforme,

injections hypodermiques de morphine et d'atropine. Quant au

traitement chirurgical... ? C'est là le résultat de son expérience :

elle est surtout basée sur 200 cas étudiés de près et dont il résume

l'étiologie, la symptomatologie (signalant entre autres faits qu'il

n'a observe sur ces 200 cas que 29 auras dont il indique la nature).

L'auteur indique enfin la place des épileptiques dans la vie ordi-

naire et le danger de leurs impulsions; il termine par des consi-

rations en faveur des colonies d'épileptiques. Simoi.

IV. Sur un essai de traitement de l'épilepsie par les toxines

microbiennes; par Launois. (Lyon médical, septembre 1900,

p. 37, t. III.) -

M. Lannois, partant de cette notion connue depuis fort long-

temps, que les maladies infectieuses survenant au cours de l'épi-

lepsie peuvent amener la disparition plus ou moins temporaire des

manifestations convulsives, essaya les injections de toxines micro-

biennes contre le mal comitial. Il a laissé volontairement de côté

les injections de tuberculine, car les nombreux exemples d'épilep-

tiques devenus tuberculeux, sans avoir de diminution de leurs

crises, démontrent qu'il n'y a rien à chercher avec les toxines du

bacille de Koch. '

M. Lannois a l'ait plus de cent injections de cultures filtrées de

streptocoques et de staphylocoques, sur 23 malades de son service

de l'Antiquaille et du Perron. Les injections ont été pratiquées à la

partie postérieure et supérieure, ou externe des fesses et ont été

généralement bien supportées par les malades. Leur action géné-

rale ou locale varie avec la virulence de la culture. Tous les phé-

nomènes observés ont été très passagers. Les résultats ont été

médiocres et en réalité, la série des crises convulsives a été peu

influencée parles injections de cultures faibles ou fortes en toxines,

provenant, soit de staphylocoques, soit de streptocoques. Il fait

remarquer cependant, que les bouillons de culture contiennent

des toxines très diverses dont l'action peut se contrebalancer : les

unes étant paralysantes, les autres convulsivantes. Pour remédier

à cet inconvénient, il a fait dissocier les toxines des bouillons de

culture; l'action n'a pas été sensiblement différente.

298 BEVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Les résultats ont donc été négatifs, mais ils ne prouvent rien, dit

M. Lannois, contre l'idée première : que l'intoxication du sujet,

dans les maladies infectieuses, arrête les crises ; car on ne peut

comparer des injections de quelques centimètres cubes de bouillon

à l'imprégnation continue de l'organisme pendant plusieurs jours

ou plusieurs semaines, ce qui a lieu dans une maladie infectieuse.

Il envisage aussi l'hypothèse, que l'arrêt des crises peut être dû

aux antitoxines fabriquées par l'organisme vivant.

L'auteur se propose de renouveler l'expérience avec les toxines

qui n'ont pas été précipitées par l'alcool dans le bouillon.

. G, Carrier.

V. Contribution à l'étude du traitement de l'épilepsie ; par

Kothe. (Neurolog. Cenlralbl., XIX, 1900.)

L'auteur traite maintenant tout malade alteint d'épilepsie,

ancienne ou récente, d'apparence grave ou légère, d'emblée par

un repos au lit de plusieurs semaines, qui ne doit être suspendu,

une, deux fois au plus par semaine, que par un bain tiède de

courte durée. Le régime consiste en une alimentation simple,

variée, mixte, dans laquelle on préfère les substances végétales,

proscrivant les matières de conserve et trop concentrées. Ni alcool,

ni tabac, ni aucun poison nerveux. On surveille la suralimentation

éventuelle. On veille au bon fonctionnement de la peau, sans agir

sur elle trop fréquemment et trop brusquement.

Au début, aucun médicament. Au bout de quelques semaines,

à l'occasion, de préférence, d'une attaque, et en ayant soin de

constater si le malade compte une semaine au minimum d'alite-

ment, M. Kothe prescrit la b2-oinil)i ? ze de Wititernitz. Il débute par

15 grammes, en lavements, et atteint en six ou sept semaines, 30

et même 40 grammes, en s'arrêtant à la dose suffisante pour sup-

primer les attaques convulsives et les équivalents psychiques. Cette

dose, il la donne pen dant deux ou trois semaines, pour revenir à

la dose originelle dans les six ou sept semaines qui suivent. Cela

fait un traitement médicamenteux de trois mois environ, modifia-

ble suivant les cas. Il est répété à plusieurs reprises, avec des

variantes, selon les espèces, désormais sans l'alitement initial.

Cette méthode a donné des résultats inattendus. P. IiEn,wAr..

VI. De l'emploi thérapeutique de la lumière électrique en général

et contre les névralgies en particulier; par A. S. Griboiedow.

(Obozrénié psichiatrii. V. 1900.)

Revue des différents appareils lumineux adaptés à ce genre de

thérapeutique et notamment de celui deKozlawshy. (Voy. Vratsch,

1897, n° 14. ' a

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 299

Un dynamo est mis en mouvement par un moteur au pétrole de

6 chevaux, charge 35 accumulateurs du système Tudor ; le cou-

rant s'en va, par un rhéostat, actionner les organes de l'arc vol-

taique. Ceux-ci consistent en une petite table mobile dans le sens

vertical, qui sert d'appui à un cadre métallique. A ce cadre est

fixée l'électrode supérieure, qui peut être exhaussée ou abaissée

au moyen d'un levier spécial. L'électrode inférieure, immobile, est

maintenue par une colonne métallique.

La table porte la clef propre à fermer le courant, l'ampéromètre,

le voltamètre. En arrière de l'arc voltaïque, un réflecteur de nickel

mobile en tous sens. Cet appareil est placé dans une pièce parti-

culière communiquant avec une autre par une porte munie d'un

cadre : on y fixe un écran de carton percé des orifices adaptés à

telle ou telle partie du corps.

La source lumineuse e trouve à 0,70 c. ou 1 mètre de la partie

malade. La force du courant = 250 à 300 ampères pour 50, 60,

70 volts. La seule électrode expressément mobile est un prisme

qui en deux ou trois- minutes est absolument fondu. Ainsi est

diminuée la quotité de chaleur par l'arc voltaïque, ainsi est

augmentée la quantité des rayons chimiques de la zone du violet

du spectre, par suite des vapeurs du métal incandescent. Si en

effet on prend les deux électrodes en charbon, et qu'à une dis-

tance déterminée de la' source lumineuse ou du réflecteur on

expose la main pendant un temps fixé et pour une force de cou-

rant indiquée, on éprouve l'impression d'une vive chaleur : la

peau incontinent rougit et présente une exagération de la sensi-

bilité ; ces phénomènes ne disparaissent qu'au bout de quelques

heures.

Si, au contraire, l'on ne prend qu'une électrode de charbon,

l'autre étant en fonte de fer, dans le même temps, et dans les mêmes

conditions, l'impression de chaleur sera notablement plus faible,

il n'y aura d'abord ni rougeur, ni sensibilité, il faudra quelques

heures pour que commence à apparaître une rougeur marquée

qui graduellement augmente, s'accompagne de brûlure et pro-

gressivement diminue. Trois jours plus lard d'ordinaire il reste

une tache de hâle très nette, c'est-à-dire une pigmentation appa-

rente, ce qui n'a pas lieu dans la première expérience. Ces taches

du reste sont bien plus faibles et éphémères sur les parties habi-

tuellement exposées aux rayons lumineux comme le visage, tandis

que sur la peau tendre ordinairement couverte, elles subsistent

plusieurs semaines. Le hâle est évidemment dû aux rayons lumi-

neux et non aux rayons caloriques, car, si l'on recouvre la peau

d'un léger enduit de suie, malgré le renforcement des impressions

thermiques, il ne se produit pas de réaction, notamment pas de

pigmentation cutanée.

L'emploi du courant constant est indispensable aux résultats

300 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

thérapeutiques. Les yeux et la face des personnes qui se trouvent

dans la chambre à l'arc voltaïque sont préservés à l'aide de mas-

ques de verre foncé spéciaux, sans quoi il se développe des con-

jonctivites. La séance dure ordinairement une, deux, trois minutes

et demie au maximum.

La peau s'habituant à l'action de la lumière, les dernières

séances peuvent être plus longues. Généralement après une séance

d'une minute et demie, la peau du patient fait les frais d'une

légère inflammation, autrement dit d'une brûlure du premier

degré. En revanche, Kozlawsky a obtenu de bons résultats sur

125 malades traités pour névralgies, névrites, rhumatisme aigu et

chronique, articulaire et musculaire, migraines (voy. Vratsch.

loc. citât.)

M. Grihoiedow a, lui, en dix mois traité 38 névralgies, dont 22

sciatiques, 11 inflammations du trijumeau, 4 des nerfs intercos-

taux, 1 du nerf occipital. Il a eu 29 guérisons, 4-améliorations.

Ce résultat s'est produit en trois ou quatre séances pour le triju-

meau et les nerfs intercostaux, cinq ou six pour le sciatique, l'ac-

tion étant plus rapide pour les nerfs superficiels.il s'agissait sur-

tout de cas anciens datant parfois de douze, voire de dix-huit ans,

et néammoins il y eu guérison qui s'est maintenue, en dépit de la

variété des causes : rhumatisme, glycosurie, épuisement, syphilis.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas traiter concurremment la

cause, quand cela ne serait que pour préserver le malade de

rechutes.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ' 301

VII. Traitement moral dans les maladies nerveuses et mentales;

par Richard DEWEY. (The American Journal of lnsanity, 1901,

p. 661-076.)

Le sujet n'est pas nouveau, mais il faut sans cesse y revenir.

C'est un mode de traitement qu'on a trop de tendance il négliger.

R. Dewey passe en revue quelques-uns des cas où il l'a essayé et les

résultats qu'il en a obtenus; il y a surtout à lire les pages où il ex-

pose comment il comprend ce mode de traitement et quel secours

il demande au sujet lui-même. Mais il y a encore beaucoup à faire

dans cette voie, et en particulier à déterminer scientifiquement ces

conditions d'influence du moral sur le physique. SIMON.

VIII. Traitement efficace de la névralgie; par C.=lI. HUGHES. (The

Chez and neurologist, p, 268-28G, 190t.)

C'est surtout de la névralgie du trijumeau qu'il s'agit dans cet

article, et il représente en particulier une chargea fond de train

contre l'extirpation du ganglion de Gasser (difficile, dangereuse,

non toujours indiquée, non toujours, efficace conformément aux

pourcentages donnés de mortalité et de récidive) et un appel au

traitement médical.-d'autant plus justifié qu'une névralgie donnée

n'est le plus souvent que la localisation d'une prédisposition ner-

veuse générale. N'en venir donc il la gasserectomie qu'à la der-

nière extrémité. Simon.

IX. Quelques cas de chorée traités par le cacodylate de soude ;

par Lannois. (Lyon médical, 27 janvier 1901, n° 4, p. 117.)

La médication arsenicale reste pour la plupart des auteurs la

méthode de choix dans le traitement de la chorée. Le plus grand

nombre se prononce pour l'emploi des doses fortes soit sous forme

de liqueur de Fowler ou de liqueur de Boudin. Les anglais, et

les américains comme Seguin vont jusqu'à 8, 10, 15, 20 gouttes

et même plus de liqueur de Fouler répétées deux ou trois fois

par jour.

L'auteur, comme bien d'autres qui ont voulu les imiter, n'a pu

continuer cette médication devant les phénomènes d'intoxication

souvent graves qui apparaissaient. M. Weil, pour la même raison,

et se basant sur les recherches ultérieures de M. Chapuis, employa

le beurre arsenical qui lui donna des résultats satisfaisants, bien

que la preuve de l'absorption reste à faire dans ces cas.

Dans ces conditions, l'auteur a songé aux cacodylates.

L'acide cacodylique renferme 54 p. 100 d'arsenic métallique

tandis que l'acide arsénieux n'en renferme que 24 p. 100. De plus

les expériences et les observations de A. Gautier, Renaut, Danlos,

30 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

Grasset, Mouisset, Letulle, Mercklen, etc., ont démontré l'inocuité

presque complète de ce remède à des doses relativement élevées.

M. Lannois rapporte cinq observations de diverses formes de chorée

qu'il a traitées dans son service par le cacodylate de soude en

injections sous-cutanées à la dose de 0,02 ou 0,04 tous les jours.

Après quinze jours, il laissait un intervalle de quatre à cinq jours

et reprenait à la même dose. Les résultats obtenus ont été excel-

lents, sauf dans un cas de chorée hystérique et un cas de chorée

chronique progressive probablement héréditaire.

Sans poser de conclusions fermes sur ce sujet, M. Lannois con-

clut : « Le cacodylate de soude, soit par la bouche, soit en lave-

ments, soit en injections sous-cutanées, me parait donc mériter

d'être essayé sur un plus grand nombre de sujets pour juger de sa

valeur thérapeutique dans la chorée de Sydenham ».

G. Carrier.

X. Le dormiol ; par E.' SCIIULT7.E. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

En triturant l'acétomidophénoxylacétamide p, corps analogue à

la phénacétine, avec du chloral, on obtient un composé antipyré-

tique et légèrement sédatif (G. Fuchs et E. Koch). On peut aussi

combiner une molécule d'hydrate d'amylène à une molécule de

chloral, et l'on a le diméthyléthylcarbinolchloral, ou dormiol de

Fucus, aussi soporifique que le chloral et bien moins toxique. Le

dormiol peut encore être obtenu par la combinaison de molécules

d'hydrate de chloral et d'amylène, ou, avec élimination d'une mo-

lécule d'eau, d'hydrate de chloral et d'hydrate d'amylène. C'est un

liquide transparent, à odeur de menthe, saveur fraîche et brûlante,

d'une densité à 15°, de 1,24 qui bout en se décomposant, à la

pression normale comme dans le vide. Miscible en toutes propor-

tions à l'alcool, à l'éther, au chloroforme, au benzol, aux huiles

grasses et éthérées, il ne se mélange à l'eau, à quantités égales.

qu'après un contact de plusieurs heures : cette solution forte peut t

alors être diluée pourvu qu'on ajoute de l'eau graduellement, et,

pour accélérer l'opération; au bain-marie à 50 ou 60 degrés. Aussi

trouve-t-on dans le commerce la solution toute prête à 10 p. 100,

et en capsules de gélatine dosées à 30 centigrammes.

Aministré par la bouche, aux aliénés de l'asile d'Andernach, le

dormiol procure généralement le sommeil dans les trente minutes :

celui-ci dure en moyenne, cinq, sept, huit heures.

Il réussit le moins dans la manie récente et dans les épisodes

d'agitation très vive des paralytiques. Il donne les meilleurs résul-

tats et les plus sûrs, chez les mélancoliques et les hypochon-

driaques. Dose ordinaire, 1 gr. 50 ; maxima, 3 grammes ; moyenne,

15 centigrammes à 1 gramme. Ce parait être un médicament sans

inconvénients, plus aisé à prendre que le chloral, troublant beau-

REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 303

coup moins la santé générale le lendemain de son administration,

et n'entravant point le travail intellectuel. Il semble également

que l'organisme ne s'y habitue pas et qu'il ne soit pas nécessaire

de l'administrer deux ou plusieurs jours de suite. On est autorisé

à le tenir pour un équivalent pharmacodynamique du trional, en

tant qu'hypnotique. Son ingestion, comme sédatif, à la dose de

0,50 centigrammes deux ou trois fois par jour, n'a donné de résul-

tats favorables qu'en des cas isolés et temporairement.

P. KERAYAL.

XI. De l'élongation des nerfs dans la maladie de Thomsen ; par

W. SEIFFEh. (\'eurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Feu le professeur Gessler avait pensé que la maladie de Thomsen

était due à une affection des plaques terminales et des fibres des

muscles en rapport avec une prolifération anormale des noyaux

du sarcolemme pendant l'époque du développement du système

musculaire. D'où l'idée de traiter cette hypertrophie par l'élonga-

tion sanglante des nerfs, ayant pour but d'obtenir une rétrocession

atrophique de cet état. Deux malades l'ont subie. Il y a eu amé-

lioration subjective passagère, diminution de la réaction myoto-

nique. L'atrophie artificielle constatée n'a que très incomplètement

influencé l'affection. Par contre il en est résulté des troubles de la

- sensibilité (anesthésie, hyperalgésie, hypo-esthésie) très pénibles.

De plus, l'intervention chirurgicale n'étant pas capable de doser

exactement l'atrophie dégénérative qu'elle désire produire, ni les

conséquences de l'élongation des nerfs sciatique et crural sur les-

quels M. Gessler conseillait d'exercer une action légèrement con-

tusive, il est à craindre que l'on n'engendre des désordres graves

de la motilité. P. Keraval.

REVUE D'ANATOMIE ET DE, PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XXXI. Doit-on d'emblée considérer comme une dégénérescence pro-

gressant de haut en bas une dégénérescence du cordon posté-

rieur qui décroît en descendant ? (myélite aiguë, moelle après

amputation) ; par G. 131KELES, (NellTolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Si, dans la myélite aiguë, le foyer est regardé comme produisant

une réelle interruption des libres de la moelle, son caractère aigu

304 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

ne permet pas d'attribuer leur dégénérescence à une lésion de

nutrition du neurone progressant à partir de son extrémité éloi-

gnée du centre. Quand en effet les fibres sont séparées de leurs

cellules, l'influence trophique de celles-ci cesse sur n'importe quelle

partie des fibres qui en est séparée, quel qu'en soit l'éloignement.

Voici, par exemple, la moelle d'un homme de vingt-neuf ans

ayant, quinze ans avant sa mort, subi l'amputation de la cuisse

droite à la partie supérieure. On constate une diminution de

volume des segments du cordon postérieur, qui* tient ou peut être

rattachée à une lésion spéciale des racines postérieures. Ce n'est

pas tout. La méthode de Weigert el Pal montre une décoloration

manifeste du cordon postérieur droit, mais seulement au niveau de

l'entrée des racines postérieures qui paraissent dégénérées, et dans

la moelle dorsale supérieure et dans la moelle cervicale. n'y a pas

trace de dégénérescence depuis la moelle lombaire supérieure jus-

qu'à la moelle dorsale supérieure. Dans la moelle dorsale supérieure,

la décoloration commence tout près de la cloison médiane posté-

rieure, elle s'étend, à l'intérieur du faisceau de Goll, en montant

jusqu'au niveau du cinquième segment cervical, et en gagnant de

plus en plus en dehors, en se rapprochant progressivement aussi

en arrière de la périphérie. Cette décoloration, après avoir atteint

son expansion maxima (cinquième segment cervical), demeure en

l'état dans le faisceau de Goll jusqu'à la partie la plus élevée de la

moelle cervicale. La théorie de la dégénérescence de la partie du

neurone éloignée du centre aurait ici beau jeu si l'altération en

question ne portait que sur ce segment élevé de la moelle. Mais

on la retrouve dans la moelle lombaire inférieure, en rapport avec

l'entrée des racines postérieures correspondant au membre amputé,

où elle a la même dimension que dans le tabes léger. En bas

comme en haut, son image microscopique est identique : les libres

nerveuses fines, peu ou pas colorées par la méthode de coloration

des manchons de myéline, sont considérablement plus nombreuses

et nettement colorées par le carmin. Aussi n'y a-t-il pas lieu de

croire qu'il s'agisse d'une dégénérescence wallérienne : c'est un

stade plus étendu d'atrophie secondaire produite par la perte de la

fonction, qui a atteint avant tout, à un remarquable degré, les

prolongements des racines postérieures. Comment se fait-il que la

décoloration, déjà visible en bas, ait cessé ? Une faible décolora-

tion peut être facilement masquée par places par un très faible

mélange avec des fibres normales bien colorées. La décoloration

reparait dans les régions élevées, où le cordon de Goll contient de

longues fibres pressées les unes contre les autres. Le thème des

pires conditions trophiques auxquelles sont soumises les portions

éloignées des fibres nerveuses, par suite plus aisément accessibles

aux altérations pathologiques, ce thème, en principe vrai, ne doit

pas être trop généralement employé. ,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 305'

, Il faut encore penser que les fibres du faisceau de Goll ne s'ont eh'

quelque sorte guère groupées, et que les fibres qui correspondent

aux racines postérieures du sciatique occupent la ligne médiane.

Quant aux fibres à trajet longitudinal de, la corne postérieure, elles

étaient en l'espècé peu réduites, tandis que le fin réseau de libres

qui existe entre leurs groupes avait à droite presque disparu : les

trousseaux qui rayonnent du cordon postérieur dans la substance'

grise avaient de ce côté fortement souffert. Chez le chat qui a subi

l'arrachement des ganglions spinaux pas non plus de dégénéres-

' cence des fibres longitudinales de la corne postérieure : chez un'

de ces animaux qui avait subi la section de la moelle lombaire, le-

cordon postérieur avait dégénéré au-dessus du lieu d'intervention,

tandis que les trousseaux transverses de- la corne postérieure ne

décelaient que quelques traces disséminées de destruction. Enfin*

une moelle lombaire inférieure normale traitée par la méthode de

Weigert et Pal a, sur des coupes transverses et perpendiculaires,

permis de voir des fibres affectant la direction longitudinale à

travers la substance grise qui provenaient, non pas du cordon

postérieur, mais du cordon latéral exclusivement. P. Keraval.

XXXII. Contribution à l'étude des stades initiaux de la névrite mul-

tiple ; par S. Popow. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900. Oboz-

renié psichiatrii, V, 1900.) . ,

Même article en russe et en allemand. Il s'agit de quatre obser-

vations dans lesquelles l'examen électrique de l'appareil neuro-

musculaire a permis de constater la- névrite qui ne se manifestait

par aucun signe subjectif. Etude minutieuse de ces observations

rapprochée des expériences de II. Graun : intoxication chronique

des animaux par l'alcool. Tubingue, 1899.

Les anomalies qualitatives et quantitatives de l'excitabilité élec-

trique dans l'appareil neuromusculaire des extrémités, au moment

où Je patient ne se plaint d'aucun trouble de la sensibilité ni d'af-

faiblissement de la force musculaire dans l'extrémité en question,

prédominent, en l'espèce dans les interosseux et dans les muscles

des éminences thénar et hypothénar. Il est évident que la névrite

multiple est seule en jeu. 11 n'existe pas de signes de lésions de la

moelle, sauf dans l'observation I où il y avait de l'incontinence

- d'urine, mais il n'y a pas lieu de croire que d'insignifiantes alté-

rations scléreuses du segment inférieur de la moelle aient pu agir

sur les muscles des mains. Deux hémiplégiques peuvent-ils tenir

les stigmates électriques de leur affection cérébrale ? Non, car il.

est très rare d'observer dans l'hémiplégie des modifications quali-

tatives de l'excitabilité électrique des nerfs et des muscles, et nous,

les rencontrons aussi du côté non hémiplégique. Impossible d'at-

tribuer ces troubles à des variations individuelles dans la force de

Archives, 2' série, t. XIII. 20

306 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

résistance opposée par la peau à la pénétration du courant, car,

en plaçant les électrodes au même point, on obtient invariable-

ment la formule inverse, AnSZ > KaSZ. Quant à la réaction dégé-

nérative de la trichinose et de l'hystérie, il n'en saurait être ques-

tion ici.

C'est l'empoisonnement chronique par le plomb et l'alcool qui

est coupable. Comment se fait-il que les nerfs altérés conduisent

encore l'impulsion volontaire et non l'excitant électrique ? Pour

Erb, la conductibilité du nerf à l'égard de l'excitant électrique

dépend de l'intégrité des manchons de myéline, tandis que le

cylindraxe conduit l'excitant central. Pierson et Sperling disent

qu'il'y a inégalité des processus de dégénérescence et de régéné-

rescence des éléments anatomiques au cours de l'évolution des

lésions et de leur réparation. En réalité, bien que les névrites

alcooliques et saturnines aient parfois un début aigu, on ne peut

admettre que' le début des altérations anatomiques coïncide avec

l'explosion de la maladie ; le malade a depuis longtemps introduit

le poison dans son organisme, comment est-il possible de sup-

poser un début aigu dans une intoxication chronique permanente ?

Mieux vaut penser que d'ordinaire nous n'observons pas la névrite'

multiple depuis son début, qu'il existe une période latente qui ne

se manifeste par aucune sensation subjective : c'est elle qui vient

d'être révélée. - P. KERAVAL.

XXXIM. D'une anomalie de l'oreille externe; par G. 11LIG\GBEecER,

(Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Chez un paralytique général, des deux côtés, la partie supé-

rieure de l'oreille est adhérente à la peau du crâne, la peau de la

région temporale se continuant avec le revêtement cutané de la

portion horizontale de l'hélix. Le cartilage existe. Une minutieuse

description appuyée de figures donne l'image de ces oreilles anor-

males, adhérentes par en haut, libres par en bas. 'P. IEnavaL.

XXXIV. La chromatopsie spectrale ; par A. ADAYKIÊWICZ, (Neurolog.

Cenlralbl., XIX, 1900.) Même sujet, par H. SALOMONSOuN.

(Ibid.) ,

M. Adamkiewicz décrit comme un trouble nerveux indépendant,

entoptique, le complexus suivant, passager et sans gravité. A la

suite d'une douche froide par-dessus le'bain de vapeur, sous l'in-

fluence de la chaleur dégagée par les becs de gaz que l'on vient

d'allumer, ou dans le cas d'excitation cérébrale due, par exemple

à la fatigue, invariablement aussi la nuit au moment où, réveillé,

on allume la bougie, on éprouve une légère tension dans l'oeil ; le

champ visuel se voile comme d'un nuage gris, la lumière fixée

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 307

apparaît alors entouiée d'anneaux colorés. La flamme est d'abord

d'un bleu violet, puis, se produisent des zones concentriques de

vert, de jaune, de rouge brun sale. Cet état présente des variétés

dont la plus accentuée consiste en la cécité du centre du champ

visuel, la périphérie de la rétine restant seule active. Si l'on éteint

la lumière, on perçoit des phosphènes multicolores ; si l'on ral-

lume, on voit des cascades blanches, pulsatiles.

Il s'agirait de contractions vasculaires de l'artère centrale de la

rétine anémiant le centre de la rétine et agissant ainsi comme

excitant. Quand ces contractions sont d'origine mentale, elles éma-

nent des fibres vaso-motrices du sympathique. Il est à penser,

ajoute l'auteur, que concurremment il y a excitation des nerfs de

l'appareil accommodateur, c'est-à-dire de la racine sympathique

moyenne du ganglion ciliaire. La décomposition des couleurs doit

tenir à l'aberration chromatique naturelle propre aux milieux de

l'oeil qui est d'ordinaire annulée par le jeu de l'accommodation nor-

male. L'excitation du sympathique est prouvée par la simultanéité

fréquente de l'angoisse précordiale.

M. Salomonsohn rappelle ses travaux, ceux de Druault, de

Tscherning (1898 et 1899) antérieurs à cette communication et plus

.précis. Les descriptions d'Adamkiewicz ou rentrent dans les phé-

nomènes rétiniens physiologiques vieux comme le monde, ou sont

les ^symptômes prodromiques du glaucome. Le mécanisme en est

connu. La contraction de l'artère centrale de la rétine produirait

de l'amblyopie périphérique et centrale et non des cercles colorés

à disposition spectrale. P. KERAVAL.

XXXV. Delà pachyméningite carcinomateuse; par II. II6LLENDALL.

. (Neurolog. Centraltl., XIX, 1900.)

Observation curieuse en ce sens que la pièce anatomique laisse-

rait supposer un tableau clinique semblable à celui de la pachy-

méningite hémorrhagique, tandis que l'exposé clinique indique

une métastase circonscrite du cerveau au niveau des ascendantes

gauches.

Il s'agit d'une femme atteinte d'une récidive d'un cancer du sein

.opéré il y a deux ans. Elle ressent successivement de la faiblesse

avec fourmillements dans le bras droit, - de violentes douleurs

frontales à gauche, une hébétude croissante ; la parole est

monotone ; il se produit une névrorétinite stasique progressive, de

la titubation, le signe de Romberg, du ralentissement du pouls,

une somnolence à marche aiguë. Le pouls augmente de fréquence,

elle succombe. Autopsie. En enlevant le cuir chevelu, on voit

dans le frontal et le pariétal gauche une' masse diffuse d'un rouge

gris, longue de 10 centimètres, large de 6. La dure-mère est à

gauche presque dans toute son étendue fortement épaissie : ' elle

308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.'

est infiltrée de masses néoplasiques'qui font saillie du côté de la

pie-mère sous forme de fins nodules rudes. Le cerveau ne présente

rien de particulier sauf un aplatissement assez marqué des cir-

convolutions du côté gauche. Hien dans la moelle et dans ses

méninges. C'est du cancer. P. Keraval.

XXXVI. De la réaction dégénérative électrique de l'élévateur de

la paupière supérieure, avec quelques remarques sur une para-

lysie traumatique isolée de l'.oculo-moteur commun et du

- pathétique; par L.-E. 13REGMAN. (Neurolog. Centrant" XIX, 1900.)

Observation de paralysie périphérique de l'oculo-moteur com-

mun associée à une paralysie du pathétique, chez un homme de

cinquante-cinq ans, mais la fonction commence à se rétablir (il y

a deux mois que l'accident est arrivé), et la réaction'est de plus en

plus indistincte. Cette réaction ne se constate pas dans toutes les

formes de blépharoptose : M. Bre-man l'a vue manquer dans un

cas de blépharoptose familiale, suite de variole, et chez une jeune

fille hystérique atteinte d'une chute graduelle de la paupière supé-

rieure à la suite de phénomènes inflammatoires ( ? ). En revanche

elle existait chez une femme de quarante-six ans, qui présentait

une blépharoptose de l'oeil droit, avec strabisme et perte de

l'acuité visuelle.' consécutivement à un choc de la tempe droite :

lésion probable de l'oculo-moteur commun et du nerf optique à

l'extrémité postérieure de l'orbite. '

Dans l'espèce on est favorisé, pour obtenir la réaction, par ce

fait que de forts trousseaux de fibres de l'élévateur de la paupière

vont à la peau, et, par suite sont aisément accessibles au courant

électrique. La réaction par l'angle externe de l'orbite a évidemment

lieu au moyen d'effluves indirectes ; la paroi rigide de l'orbite, en

opposant une grande résistance au courant, occasionne peut-être

une meilleure diffusion de ce dernier dans les parties immédiate-

ment adjacentes.-

Notre homme, qui s'était blessé à l'oeil gauche, en tombant,

alors qu'il-était ivre, d'un escalier de 20 marches, n'avait pas de

paralysie nucléaire, encore moins de paralysie fasciculaire : impos-

sible d'admettre un foyer comprenant tout le territoire de l'oculo-

moteur et du pathétique avec des phénomènes initiaux aussi

légers, et sans autres troubles du côté des extrémités, du triju-

meau, des muscles de l'autre oeil. La suppression de la réaction à

la lumière de la pupille, avec conservation faible de la réaction à

l'accommodation, notée quatre semaines après le traumatisme, est

ici-un phénomène de restitution : effectivement, aujourd'llui,

l'amélioration étant progressive, la réaction a la lumière est en

partie revenue.

Localisation . On peut penser à une lésion des deux nerfs, à.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.- 309

leur point d'entrée dans la dure-mère'. Le trou de roculomotcur

occupe la paroi médiane du pli pélroclinoïdien latéral; celui du

pathétique est à 3 millimètres en arrière, près de l'angle aigu

ouvert en avant que forme ce pli avec le pli pétroclinoïdien médian.

Il se peut qu'il ait eu éclatement de la pointe de la pyramide du

rocher, et, par suite, contusion de ces nerfs. Mais nous savons

par expérience que dans ces conditions l'oculomofeur externe,

placé plus en arrière, derrière la pointe de la pyramide, est rela-

tivement plus souvent lésé. On peut croire à une lésion des

deux nerfs au moment où ils pénètrent dans la fente sphénoïdale.

Le malade n'a pas été vu aussitôt après l'accident ; les commémo-

ratifs manquent. La situation de la blessure, au-dessus du bord

supérieur de l'orbite, la tuméfaction des parties molles autour de

l'oeil (nous ignorons s'il y a eu suffusion de la conjonctive), l'épis-

taxis, paraissent surtout indiquer la paroi orbitaire. mais sont

également compatibles avec une fracture plus postérieure de la

fosse moyenne du crâne. P. Keraval.

XXXVII. Trouble et développement de la parole ; par A. LlEmIANN.

(Neurolog. Cezt·ctlLl., XIX, 1900.)

L'auteur étudie successivement : I. Les causes qui arrêtent et

troublent la transformation du vocalisme enfantin en parole arti-

culée vraie. - Il. Les arrêts de développement des formes gram-

maticales du langage. -III. Les troubles en rapport avec l'inégal

développement du'mécanisme moteur et du mécanisme gramma-

tical de la parole : , ,

I. - Pour que l'enfant apprenne à articuler, il lui faut entendre.

La parole d'un enfant dysaeousique ou devenu sourd avant qu'il

n'ait totalement appris à articuler, se distingue de celle d'Un enfant

normal par une modulation vocale défectueuse et par une articu-

lation incomplète : les voyelles et consonnes qui se rapprochent

les unes des autres par leur son ne seront pas franchement tim-

brées. Les flexions grammaticales et la constitution des proposi-

tions seront imparfaites. Après avoir passé en revue les anomalies

qui tiennent à des lésions des organes de la parole (nez, palais,

lèvres, dents, voile du palais, pharynx, etc.), M. Liebmann insiste

sur le sigmatisme simple, le parasigmatisme latéral, le zézaiement

imputables au prognathisme du maxillaire supérieur, du maxillaire

inférieur, et aux lacunes dentaires. Il fait voir que la longue per-

sistance des anomalies organiques entrave considérablement la

culture des aptitudes verbales motrices et acoustiques, parce 'que

l'enfant ne peut se corriger facilement. Il va de soi que l'intégrité

de l'intelligence est indispensable. Mais il est des enfants qui sem-

blent intelligents, qui n'ont pas d'anomalies organiques, chez les-

quels cependant la parole demeure rudimentaire, qui sont affectés

310 .REVUE D'ANATOMIE ET~DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

de balbutiement fonctionnel, à des degrés divers : il tient à la mala-

dresse des organes de la parole, à une trop faible attention de

l'ouïe, à l'insuffisance de la mémoire des sons. Il en est qui n'ont

pas dépassé la période du vocalisme primitif : c'est de la mutité

acoustique d'enfants qui néanmoins entendent bien ; il y a ici fai-

blesse, des centres optiques, tactiles et moteurs, ou acoustiques,

tactiles et moteurs. Les organes de la parole sont maladroits et

les perceptions pâles, inexactes, la vie conceptuelle est pauvre : il

suffit de leur apprendre à parler, à articuler par des procédés

artificiels.

II. L'agrammatisme, ou parole dépourvue des sons conformes

aux règles de la grammaire et de la syntaxe; est caractérisé par

l'absence des flexions correctes et de la structure exacte de la

proposition; l'enfant omet en outre certains mots, surtout les

articles, les prépositions, les noms de nombre, les verbes auxi-

liaires et beaucoup d'autres. Ces sujets ont généralement appris à

parler tard ou ont longtemps parlé très indistinctement. Il y a trois

espèces d'agrammatisme.

1° Emission spontanée de lambeaux de propositions dissociés,

soit dépourvus de flexions, soit agrémentés de formes de mots

tronqués : l'enfant est incapable de répéter de toutes petites

phrases, de rien construire qui ressemble à une proposition ;

2° Même état, mais l'enfant répète convenablement de toutes

petites phrases. Lui fait-on répéter des propositions plus compli-

quées, ses flexions et constructions sont incomplètes, et beaucoup

de mots, tels les prépositions, les attributs, bien des verbes, sont

omis ; 31 Emission spontanée de phrases munies de leurs flexions,

mais maladroitement construites, embrouillées, à expression

faussée, dans lesquelles les flexions sont hizarrement mutilées. Ce

trouble disparait quand on fait répéter la phrase vicieuse.

- Les deux premières espèces s'observent chez des enfants de

quatre à huit ans; la troisième se voit encore chez des écoliers de

douze ans et même chez des adultes assez instruits dont la parole

est difficile à comprendre. Chez ces derniers, coexistent du nason-

nement, une parole précipitée rendant certaines voyelles indis-

tinctes, supprimant ou transposant voyelles, syllabes et mots, du

bégaiement. L'agrammatisme est naturellement fréquent chez

l'idiot. La cause en est à l'isolement psychique prolongé auquel

sont soumis les enfants qui ne peuvent pas parler ou qui parlent

indistinctement.

III. Un déluge de mots arrivent à la langue maladroite ; celle-

ci ne peut à l'aide des mouvements d'articulation maitriser cette

masse : l'exécution ne suit pas l'intention. Inversement, l'incoor-

. dination des mouvements nécessaires pour parler peut tenir à ce

que l'individu n'ayant pas à sa disposition les formes grammati-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 311

cales du langage au moment voulu est obligé de corriger, de

répéter, d'interrompre son débit : souvent alors il bégaie ou pré-

cipite incorrectement sa diction. Pour peu qu'il soit un prédisposé

nerveux, un héréditaire, qu'il ait subi une infection, un trauma-

tisme, une contamination mentale, il devient le jouet de mouve-

ments incoordonnés, qui augmentent sa résistance à l'émission

des consonnes et retardent la parole (bégaiement). Ces spasmes

disparaissent si on le prend par la douceur. Chez les enfants très

brusques, la parole devient tumultueuse, soit parce que les mots

affluent en foule à la bouche, soit parce que, dès qu'ils ont trouvé

les mots justes à la suite d'une longue hésitation, d'une lente cor-

rection, ils essaient de rattraper le temps perdu : ils articulent

avec mollesse et indécision, ils omettent voyelles, syllabes et mots,

ils s'en aperçoivent et, en tentant d'introduire dans leur langage

en toute hâte de nouvelles corrections, ils le rendent de plus en

plus inintelligible. P. KERAVAL.

XXXVIII. Nouvelle méthode de fixation des empreintes des pieds

pour l'étude de la marche; par 0. Moenkf.moeller et L. Kàpi..%N.

(Neurolog. Crntralbl., XIX, 1900.)

On met au malade des bas de tricot aussi minces que possible,

dont la couture peut servir à déterminer l'angle d'élévation du

pied. Ces bas ont été imprégnés d'une solution alcoolique à

10 p. 100 de perchlorure de fer. On fait marcher le sujet sur une

bande de papier blanc assujetti à l'aide de broches comme un

tapis. Les empreintes d'abord presque'incolores sont, lorsqu'elles

sont sèches, touchées avec une solution de : sulfocyanate d'ammo-

niaque, 25 ; alcool, 100; éther, quantité suffisante pour faire 1000.

Elles deviennent d'un brun rouge foncé (sulfocyanure de fer), très

favorable à la photographie. Le mémoire renferme des figures

relatives à des hémiplégiques, à des malades atteints de para-

parésie spasmodique, de tabes avec ataxie, avec arthropathie du

genou, de chorée, de paralysie du péronier ; à des circulaires à la

phase maniaque et à la phase mélancolique ; à des catatoniques. : ' P. KERAVAL.

XXXIX. Nouvelles communications sur le rétrécissement des pu-

pilles sous l'influence de la fermeture énergique des paupières ;

par J. PILTZ. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Ce myosis tient-il à un mouvement associé de l'iris dû à l'excita-

tion simultanée du centre de l'oculomoteur commun qui com-

mande au sphincter pupillaire, ou à des modifications de la

pression en rapport avec le pincement de l'oeil produisant la

congestion de l'iris et son rétrécissement ` ! Voici une observation

: 312- . REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

' de paralysie unilatérale de l'oculomoteur commun dans laquelle

-le rétrécissement de la pupille avait cependant lieu par la ferme-

. ture énergique des yeux.

- Voilà maintenant six observations où la pupille d'un oeil se

- contracte sous l'influence de la fermeture énergique de l'autre oeil

seul : c'est la réaction consensuelle de la pupille par l'o2-bieulaii-e.

Conclusions : 1° le rétrécissement de la pupille sous l'influence

de la fermeture énergique et volontaire des yeux est un mouve-

ment associé de l'iris qui accompagne la contraction de l'orbicu-

. laire : en même temps le globe se dirige en haut et en dehors ou'

- en dedans; 2° ce mouvement associé de l'iris est un phénomène

. physiologique ; 3° on le peut produire, soit en priant le sujet de

, fermer résolument les yeux et de les rouvrir rapidement (myosis à

' la fermeture de l'orbiculaire), soit en maintenant les paupières

tandis que le patient essaie de fermer l'oeil lentement- et complète-

ment (myosis à l'effort de l'orbiculaire) ; 4° ce dernier procédé pro-

duit un myosis plus accentué que le premier ; 5° toutes les per-

sonnes qui présentent le premier symptôme présentent aussi. le

second ; 6° le premier a été constaté chez 2 personnes saines sur

33, soif chez 6 p. 100, avec cette particularité que dans la moitié

des cas, au moment où le patient rouvre l'oeil, la pupille n'est ni

, rétrécie, ni dilatée, elle est égale à ce qu'elle était avant la ferme-

, ture palpébrale; 7° le second symptôme existait chez 16 personnes,

; saines sur 33, c'est-à-dire chez 48 p. 100, ce qui prouve que c'est un

1 phénomène physiologique; 8° sur 32 paralytiques généraux, à pu-

f pilles, pour la plupart immobiles ou réagissant lentement à la : lumière, 19, c'est-à-dire 59 p. 100 présentaient le myosis à l'occlu-

- sion des paupières; 23, c'est-à-dire 75 p. 100 avaient le myosis à

,. l'effort de l'orbiculaire; 9° chez 31 eatatoniques, qui tous avaient

des pupilles de moyenne largeur ou très larges avec réaction à la

lumière uve ou exagérée, on trouva le premier myosis 10 fois,

- soit 32 p. 100, et le second 15 fois, soit 48 p. 100; 10° il n'y a guère

que le myosis à l'occlusion des paupières qui semble avoir une

. valeur pathologique relative.

. Genèse. Quand une personne saine ferme l'oeil, l'ombre pro-

duite par la .paupière tend à déterminer une dilatation de la

pupille. Quand le médecin maintient la paupière ouverte malgré

. elle, la pupille tend néanmoins à se dilater par sympathie, consen-

; suelle, avec l'autre oeil qui se ferme. Dans les deux cas cette ten-

dance mydriatique est opposée à la réaction pupillaire de.l'orbicu-

laire. Or dans le premier procédé, la tendance à la dilatation est

- généralement plus forte que le rétrécissement de la pupille' il la

contraction de l'orbiculaire : aussi le myosis y est-il exceptionnel

= chez les gens bien portants. Le second procédé en revanche produit

' une contraction de l'orbiculaire plus énergique, c'est-à'dire une

'' tendance au myosis plus accusée, et la tendance à la mydriase

.REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 313

consensuelle par la fermeture exclusive de l'autre oeil est plus

faible : aussi le rétrécissement de la papille à l'effort de l'orbi-

culaire se voit-il chez 48 p. 100 des gens bien portants, il y a sur-

compensation de la mydriase consensuelle parle myosis de l'orbi-

culaire. Chez le paralytique dont les pupilles ne réagissent que

peu ou pas à la lumière, la tendance à la dilatation, contraire à la

réaction pupillaire de l'orbiculaire, fait défaut; mais il peut aussi

arriver que celle-ci manque, bien que l'orbiculaire se contracte

énergiquement. La fré juence du myosis par occlusion palpébrale

chez les catatoniques tient à la moindre tendance à la mydriase de

l'oeil fermé, ou à leur plus grande facilité à la vaincre ; la largeur

habituelle de leurs pupilles les place dans les meilleures conditions

pour que le myosis de l'orbiculaire simple se produise. Quand il

s'agit de gens bien portants, de neurasthéniques, de paralytiques

dont la réaction à la lumière est presque parfaite, il faut invoquer

l'exagération de la réaction pupillaire de l'orbiculaire, qui sur-

compense la tendance mydriatique de l'occlusion de l'oeil.

Pour finir, une observation de paralysie unilatérale de l'iris,

suite de traumatisme, dans laquelle la réaction des pupilles à la

contraction simple de l'orbiculaire était seule conservée : la

pupille immobile à la lumière ne pouvait être consensuellement

mue par la pupille restée sensible, mais la pupille sensible était

- modifiée consensuellement par l'autre. Malgré la disparition de la

réaction à la lumière et à l'accommodation, l'énergique fermeture

des yeux faisait rétrécir la pupille. P. KERAVAL. z

XL. De la perméabilité du revêtement cutané et d'autres tissus

du corps à l'égard de la lumière de l'arc voltaïque, par J. P. So-

LOUKHA. (Obozl'énié psichialrii, V, 1900.)

Le principal intérêt de ce travail réside dans les expériences per-

sonnelles de l'auteur. Il introduit sous la peau et sous les muscles

des chiens des pellicules de gélatinobromure enfermées dans des

tubes de verre ou dans des plaques de verre hermétiquement clos;

certaines de ces pellicules sont protégées par un paillon d'orfèvre

préalablement découpé à jour de façon à y tracer des dessin*. Il

place encore de ces tubes ou de ces plaques chez l'homme, der-

rière l'oreille, à l'intérieur du poing fermé, à la face interne de

l'avant-bras, dans la bouche derrière la joue. Puis il prend toutes

les dispositions nécessaires pour que l'arc voltaïque vienne exac-

tement et exclusivement frapper les tissus et les traverser, s'il le

peut, au centre de l'objet révélateur de la lumière. Le détail et'la

.variété des expériences sont à lire dans l'original. Il trouve ainsi

qu'un arc de 10 à 12 ampères par 50 à GO volts décompose le géla-

. tinobromure d'argent des pellicules placées sous la peau et der-

- rière l'oreille après une exposition d'une demi-minute; la lumière

314 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

traverse la joue en trois minutes. Elle semble ne pas traverser

une couche musculaire de un centimètre d'épaisseur, ou plutôt

on peut penser qu'après avoir pénétré la couche en question, elle

a perdu son action sur les pellicules comme la lumière ordinaire

quand elle a traversé le verre rouge foncé de la chambre noire

photographique. La lumière électrique de l'arc voltaïque irrite

vivement le muscle, car elle y détermine de vives contractions

fibrillaires, une hyperémie prononcée d'autant plus intense que

l'on continue plus longtemps l'éclairage de l'organe. Une seconde

série d'expériences pratiquées chez l'homme à l'aide d'un arc de

2j ampères par 110 volts indique que la lumière de l'arc passe

librement à travers tout le corps humain, ce qui donne une grande

importance à l'action thérapeutique de la lumière électrique.

Pénétrant dans les tissus elle y doit produire diverses transforma-

tions chimiques en réalité peu connues, excite les muscles et pro-

voque diverses espèces d'énergies. P. Keraval.

XLI. De la tricho-hyperesthésie; par M. Bechterew. (Obo : l'él11é

psichiatrii, V, 1900.)

L'auteur débute par la citation des conclusions de la thèse de

K... I. Noïchewsky (Pétersbourg. 1900.) Résumons-les : -

La sensibilité pilaire représente la plus fine sensibilité de la peau.

On l'étudie à l'aide des tricho-esthésiomètres de Noïchewsky et de

Bechterew. Son intensité est en raison inverse de l'épaisseur et en

raison directe du nombre des cheveux ou poils qui occupent un

centimètre carré. II ne se produit pas de sensation si le poil n'est

lui-même touché. Le réflexe pilaire est constitué par la contrac-

tion d'un ou de plusieurs muscles voisins du point d'excitation du

poil : ce réflexe peut être net alors que la sensibilité pilaire est

absente; il s'obtient surtout quand on excite les poils qui occupent

les alentours des ouvertures naturelles du corps, là où ils sont le

plus touffus et le plus longs. La sensation de chatouillement, qui

d'ordinaire accompagne la sensibilité pilaire, en est distincte; elle

est la plus vive aux régions les plus riches en glandes, à la paume

des mains, à la plante des pieds, au creux de l'aisselle elle dispa-

raît par le frottement, l'action de l'aclool, l'action du savon, qui

vident glandes sébacées et glandes sudoripares. La finesse de la

sensibilité pilaire n'est nullement amoindrie par la disparition de

la sensibilité au chatouillement. Toute pression ou élongation de

la peau fait instantanément disparaître la sensibilité pilaire dans

les endroits sur lesquels on a agi, mais elle reparaît aussitôt que

l'on cesse d'agir. Des expériences de vivisection semblent montrer

que le sympathique sert de conducteur à la sensibilité' pilaire. Il

semble exister une corrélation entre elle et quelques troubles tro-

phiques tels que la kératite et l'alopécie. Les troubles de la sensi-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 315

bilité pilaire sont dans le tabes dorsal et la spondylite plus fré-

quents que dans les autres affections cérébrospinales : ils se mani-

festent, dans le premier, sous forme de zones tricho-anesthésiques

au niveau du mamelon et des vertèbres dorsales. 11 existe une tri-

cho-anesthésie périodique dans l'hystérie, l'épilepsie, la migraine

ophthalmique. L'alternance de zones de tricho-anesthésie ou de

tricho-hypoesthésie avec des zones de tricho-hyperesthésie se voit

dans le tabes. Dans la spondylite, la sensibilité pilaire est diminuée

ou absente au niveau de la vertèbre lésée, tandis qu'au-dessus elle

est exagérée. Dans la méningite spinale, alors que la sensibilité

tactile est conservée, que la sensibilité douloureuse est un peu

exagérée, la sensibilité pilaire est si exaspérée que le plus léger

contact des poils provoque un tremblement général convulsif du

corps : l'auteur a retrouvé ce symptôme dans un cas de contusion

des vertèbres cervicales; on pouvait toucher, sans déterminer de

douleur,, les points mêmes qui portaient les poils hyperesthési-

ques.

M. Bechterew a constaté l'hyperesthésie pilaire en zone superpo-

sée à la région anesthésique dans les myélites, de même que l'hy-

peresthésie habituelle. La tricho-hyperesthésie a été aussi obser-

vée par lui dans les névrites traumatiques de concert avec le réflexe

pilaire local, sur le territoire du nerf atteint.

Enfin il existe une tricho-hyperesthésie fonctionnelle plus ou moins

isolée. En voici deux observations. La première est en rapport avec

la malaria; la seconde, avec un catarrhe de la caisse et une hyper-

trophie du cornet inférieur gauche, qui, par son extrémité posté-

rieure, atteint l'orifice de la trompe d'Eustache, chez un néphré-

tique oxalurique. La malaria donne souvent d'ailleurs des accès

névralgiques de tricho-hyperesthésie, associés à des douleurs rhu-

matoïdes dans les membres : le traitement convenable fait tout

disparaître.

A noter la provocation d'illusions et d'hallucinations auditives par

l'excitation mécanique des cheveux et des poils chez le second malade

et chez un vieil alcoolique de Mierjéiewsky : les alcooliques ont du

reste d'ordinaire des catarrhes invétérés de -l'oreille moyenne, et

une hyperesthésie, parfois excessive, de l'ouïe. P. KERAVAL.

XLII. Sur les modifications des réflexes pupillaires dans les mala-

dies mentales; par Sieuerling. (AIL Zeitsch. f. Psychiatrie,

t. LUI, fasc.)5.)

L'inégalité pupillaire, considérée pendant longtemps comme un

signe très important dans les affections mentales, n'a pas la

valeur qu'on lui a attribuée. On la rencontre chez des sujets nor-

maux, sans raison appréciable, dans des névroses fonctionnel-

les, etc.

316 .REVUE D ANA TOmE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

- L'abolition des réflexes pupillaires est il placer en première ligne

- au point de vue de la fréquence et de l'importance. Dans la para-

lysie générale, elle a été rencontrée dans 2.084 cas sur 3.010, soit

dans 68 p. 100. C'est un symptôme précoce, qui peut précéder de

dix ans le début de la maladie. Souvent à ce signe sont associées

des modifications du réflexe du genou et plus spécialement l'abo-

lition de ce réflexe. Ce symptôme est habituellement bilatéral (une

pupille est inerte, l'autre réagit à peine). Il est très rare de consta-

ter des troubles unilatéraux permanents.

La forme des pupilles est modifiée : pupilles elliptiques, angu-

laires, etc.

Parfois on observe une marche régulière des troubles pupillaires :

paresse des réactions à la lumière, inertie des pupilles, parésie à

l'accomodation, enfin abolition du réflexe à l'accomodation.

La « mydriase sautillante (S pringende Mydriasis) est fréquente.

Une série de courbes qui enregistrent le diamètre pupillaire aux

différentes heures de la journée, montrent les variations notables

- de l'orifice pupillaire. Ce signe précède parfois le début de la

' maladie. On peut l'observer chez des sujets normaux, des neuras-

théniques, etc.

L'hippus est rare chez les paralytiques. Il n'a été observé (en

dehors des ictus) que chez deux malades. -

En dehors de la paralysie générale, la perte des réflexes pupillaires

est rare. Sur 9.160 aliénés ce signe n'a été trouvé que 1.G39 fois, soit :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317

, . 1

laires sert à faire le diagnostic différentiel avec les accidents hys-

tériques. Dans les attaques d'hystérie et d'li3'stéro-épilepsie l'orifice.

des pupilles est normal au début, parfois il est rétréci; dans la

période tonique et clonique il y a dilatation, et souvent des oscil-

lations, ainsi que dans la phase des attitudes passionnelles.

L'action sur les pupilles des aliénés des excitations sensorielles'

ou sensitives a été étudiée par \foeli. La perte de ce réflexe coïn-

cide en général avec la perte des réflexes pupillaires.

Parfois on a noté une exagération des réflexes pupillaires la

suite de troubles circulatoires, chez des morphinomanes en état

d'abstinence).

M. Alocli fait remarquer que les troubles pupillaires sont beau-

coup plus fréquents chez les sujets présentant le signe de Westphal.

La perte des réflexes pupillaires n'est pas rare dans la démence

sénile; on l'observe aussi dans la syphilis, après la variole.

Paul Sérieux.

XL111. Sur un cas de rachitisme familial; par A. ZnnIEl\N (cVotev. , `-

r Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.) -

Observation d'un groupe de rachitiques composé d'une mère

rachitique et de cinq enfants rachitiques sur huit, et d'un père

rachitique frère de la mère précitée avec deux enfants rachitiques.

Les faits de ce genre paraissent justifier la théorie héréditaire du

rachitisme et pouvoir faire admettre par ce genre de manifesta-

tions pathologiques, une véritable « maladie familiale ». R. C.

XLIV. Macrodactylie et microdactylie; par BÉCOUm et S.%13RAzes.

" (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.

Un cas de macrodactylie chez un enfant de trente et un mois,

localisé à la main gauche et caractérisé par la soudure des parties

molles de l'index et du médius et par la longueur et le volume

démesurés de ces doigts qui ont conservé leur forme : difformité

congénitale, mais non héréditaire, ni familiale. Deux cas de micro-

dactylie : le premier dû à un raccourcissement de certaines pha-

langes et à l'absence de quelques autres, le deuxième dû à la peti- -

tesse de la phalange et de la phalangette de doigts mal formés.

Dans les trois cas il a été impossible de remonter à la cause de ces

malformations et d'en élucider le mécanisme intime. il. C.

XLV. Recherches expérimentales sur la fatigue par les excitations

de l'odorat ; par Ch. FÉRÉ. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière,

n,l 4, 1901.) '

.Des expériences antérieures ont montré que, d'une façon géné-

rale, toutes les excitations agréables déterminent une augmenta- -

318 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tion de la capacité de répéter un effort déterminé, tandis que

toutes les excitations pénibles entraînent une diminution du pou-

voir d'exécuter le même mouvement volontaire. Ces effets variant

selon l'état du sujet, une excitation pénible et déprimante pouvant

chez un sujet déprimé produire un effet excitant, il y avait lieu de

rechercher si, chez un sujet préalablement excité, une excitation

tonique pouvait devenir dépressive. C'est le but de ce travail

appuyé sur de nombreuses expériences, portant sur des excitations

prolongées de l'odorat ; le travail moteur étant enregistré pour le

médius à l'aide de l'ergographe de Mosso; comme dans les expé-

riences antérieures. Il en ressort les intéressantes observations

suivantes : une excitation agréable qui a pour effet d'exalter la

capacité de travail peut, si elle est prolongée, avoir un effet dépri-

mant immédiat ; en particulier les excitations de l'odorat qui ont

une action excitante à doses faibles ont une action déprimante

lorsqu'on prolonge leur action ; l'excitation qu'elles produisent est

tout à fait transitoire ; qu'elles soient agréables ou non les odeurs

n'augmentent pas la capacité de vouloir et par conséquent du

travail ; leur usage prolongé entraine un état de fatigue qui ne

diffère pas de l'état de surmenage. D'où il découle, au double

point de vue de l'hygiène et de l'utilité, qu'il y a intérêt à ne pas

travailler dans des locaux qui ne sont' pas purs de toute odeur.

- R. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 22 Juillet 1901. Présidence DE M. JOFFROY.

*

L'hérédité du talent poétique.

M. CIIASLIN donne lecture d'une analyse dont il avait été chargé é

et relative à un travail de M. Mobius sur «l'hérédité du talent poé-

tique ». L'auteur expose que les grands talents poétiques sont soli-

taires dans leur famille et que la mère d'un poète est toujours une

femme intelligente, tandis que « le fils d'une femme bête est

toujours bête ». Il en conclut que le talent poétique est hérédi-

taire et vient uniquement de la mère.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 319

' Etat mental des aphasiques sensoriels.

M. ViGounoux communique deux intéressantes observations de

malades présentant, l'un de la surdité verbale presque pure sur-

venue au cours d'une intoxication chronique par l'alcool et l'ab-

sinthe, l'autre une aphasie sensorielle avec paraphrase, survenue

en pleine santé à la suite de trois attaques convulsives. Ce dernier

malade recopiait les modèles d'écriture qu'on lui mettait sous les

yeux sans savoir ce qu'il écrivait. Il aurait donc été possible de

lui faire faire testament, signé, daté et ayant tous les carac-

tères d'un acte authentique et valable. Pour M. Vigoureux les

aphasiques sensoriels seraient plus affaiblis intellectuellement que

les aphasiques moteurs, ou du moins ils tomberaient plus faci-

lement dans la démence. Les deux malades étaient hémiplégiques

à droite, sans présenter d'hémiopie.

- M. BRIN a été frappé de l'air intelligent du dernier malade de

M. Vigouroux. Il l'a observé attentivement et a pu se mettre en

rapport avec lui par la mimique. Il ne comprenait rien à la parole

sauf quelques mots bretons conformément à la loi qui veut que* la

- langue parlée la première persiste le plus longtemps.

M. BRIAND insiste sur les difficultés soulevées par les aphasiques

au point de vue médico-légal, particulièrement en matière d'inter-

diction et de testament. Il a eu l'occasion de voir le testament d'un

homme considéré comme un dément; l'écrit paraissait à la pre-

mière vue incohérent. Un examen plus attentif a permis de démê-

ler la pensée du testateur dont les dispositions parfaitement rai-

sonnables ont été respectées. Beaucoup de paraphasiques sont

considérés par le public comme de vrais fous. On peut cependant,

avec un peu d'habitude, les comprendre et entretenir une conver-

sation avec eux. Le secret consiste- il ne tenir compte que des

intonations et de certains mots repères semés dans la phrase sans

se préoccuper de la valeur des mots de remplissage. . ·

M. Joffroy demande à M. Vigouroux comment il a pu constater

que ses deux malades n'avaient pas d'hémiopie.

M. VICOUROUX. - En dehors de l'examen campimétrique. fait

chez le second malade, j'ai pu constater que le premier ne lisait

pas de côté comme le font les hémiopiques. M. B.

Séance du 28 Octobre 1901. Présidence de M. JOFFROY.

Un cas d'hypnotisme terminé par la mort. ,.

M. SOLLIER. Il s'agit d'un homme de quarante-neuf ans et

d'aspect robuste ayant des idées de négations, quelques halluci-

nations et idées hypochondriaques très actives, sous l'influence

320. SOCIÉTÉS SAVANTES.

desquelles s'est développé un état cachectique assez accusé, au

cours duquel il mourut, à la suite de deux attaques congestives

accompagnées d'arythémie cardiaque. Il se croyait faussement

atteint d'une maladie de coeur. '

L'autopsie n'a pu être faite. On n'a pu déterminer nettement la

cause de la mort. A quoi étaient dues ces attaques congestives ?

S'agit-il d'un phénomène d'asphyxie bulbaire par suite d'un arrêt

des échanges '1 - La cyanose presque généralisée des derniers

moments peut faire penser à une accumulation d'acide carbonique.

La mort peut aussi être due à un épuisement nerveux, à un arrêt

de fonctionnement d'origine centrale. Les deux causes sont corré-

latives l'une de l'autre. Toute la question est de savoir quelle est

la primitive. l'our M. Solfier c'est l'inhibition du système nerveux

qui doit être incriminée tout d'abord. C'est elle qui, sous l'in-

fluence des idées hypochondriaques qui obsédaient le malade et de

son étal émotif, a déterminé la rupture de l'équilibre de l'innerva-

tion cardiaque ; l'arythmie à son tour a produit des troubles de la

cénesthésie, la diminution des échanges" nutritifs, l'épuisement

nerveux'et l'aspyhxie.

M. TOULOUSE émet l'hypothèse qu'il s'agit plutôt d'un paralytique

général méconnu avec idées hypochondriaques qui aurait succombé

à une attaque apoplectiforme.

M. SOLLIER pense que 1 idée de paralysie générale doit être écar-

tée parce que le malade qui n'était ni syphilitique, ni alcoolique ne

présentait aucun des troubles de la matilité accompagnant la para-

lysie générale.

M. Arnaud a été mis au printemps dernier en présence d'un cas

semblable à celui qui vient d'être rapporté et pour lequel le dia-

gnostic de paralysie générale devait être écarté. Un hypochon-

driaque, obsédé par l'idée qu'il pourrait avoir été mordu par un

chien enragé, avait un délire si actif qu'il refusait tout aliment et

qu'on devait le nourrir à la sonde. Un matin, après une nuit agitée,

ou l'a trouvé immobile dans son lit, violacé de la tête aux pieds.

Il succombait quelques heures après. -

Le dermograpltisme chez les aliénés. ,

M. Séglas a fait avec son Interne des recherches sur le dermo-

graphisme chez les aliénés, L'examen de 204 malades lui a per-

mis de constater 78 fois l'existence de ce phénomène. MM. Féré et

Lance, en effectuant les recherches, avaient trouvé 48 cas positifs

sur 229 aliénés, ce qui donnait nne proportion de 29,96 p. 100. La

moyenne de MM. Séglas et Darcanne atteint 38,23 p. 100. Le der-

mographisme se rencontre dans la plupart des formes de l'aliéna-

tion mentale. Il est surtout fréquent dans la démence cataténi-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 1

que et aussi chez les idiots, les imbéciles et les paralytiques géné-

raux.

M. TOULOUSE. Si M. Séglas avait des alcooliques dans son ser-

vice, il aurait constaté que le dermographisme, s'observe chez eux

aussi fréquemment que chez les paralytiques généraux. Il n'y a

dans ce fait rien qui doive surprendre, les uns et les autres étant

intoxiqués à des degrés divers. -

M. BRIAND expose que le dermographisme est beaucoup plus 1'1 é-

quent en dehors des asiles qu'on ne le suppose généralement. Un

grand nombre de névropathes présentent cette manifestation spé-

ciale ; on l'observe communément chez des gens normaux. M. Bar-

thélémy, qui l'a étudié spécialement, considère ce syndrome comme

le résultat d'une autre intoxication ; il en fait un symptôme du

neuro-arthritisme.

M. Séglas n'a pas recherché l'arthritisme chez ses malades. Il

n'a pas non plus recherché le dermographisme eliezles gens nor-

maux.

M. TOULOUSE a constaté que dans l'agonie, le dermographisme

coïncidait avec l'exagération des réflexes.

M. Durnm a observé le phénomène chez une hystérique. Il per-

sistait parfois pendant vingt-heures.

M. BISL1ND. - Ce qui prouve que le dermographisme est surtout

dû à une intoxication, c'est le nombre considérable de personnes

chez lesquelles se manifeste la diathèse sténographique lors-

qu'elles ont mangé du poisson, des coquillages, des fraises, etc.

M. JOFFRoy ne sait si le dermographisme est plus fréquent chez

les aliénés que chez les autres personnes, mais il croit que le der-

mographisme est d'origine toxique. Ce qui tendrait à le prouver,

c'est qu'il se produit souvent un érythème intense chez les indivi-

dus auxquels on injecte du sérum animal. M. Joffroy n'est pas

davantage convaincu qu'il existe un rapport bien étroit entre le

dermographisme et l'exagération des réflexes. Le dermogra-

phisme ne s'observe-t-il pas, en effet. chez les tabétiques ?

M. B.

Séance du 25 Novembre 1901. - Présidence de M. Jorruor.

Kyste hydatique ostéo-fibl'CllX du cerveau.

M. Vigoureux rapporte l'observation d'un individu, entré dans

son service avec, toutes les apparences d'une démence sénile très

accusée et remontant à dix-huit mois. Il mourut de pneumonie. A

l'autopsie, on trouva. une tumeur de la grosseur d'un pois et sié-

geant au pied de la première frontale gauche. L'examen microsco-

Arciiives, 26 série, t. XIII. 21

322 sociétés savantes.

pique montra qu'il s'agissait là d'un kyste ostéo-fibreux déve-

loppé autour d'une hydatide dont les crochets caractéristiques

furent tetrouvés.

Réveil grave d'une syphilis ancienne sous -l'influence de l'alcool.

M. LEGRAix communique en son nom et au nom de M. Guiard.

interne de son service, l'observation d'un, malade, de souche

arthritique et cancéreuse, présentant les symptômes de paralysie

générale, onze ans après l'apparition d'une syphilis soignée régu-

lièrement et paraissant guérie. En même temps qu'apparais-

saient les premiers signes de la paralysie générale, ce malade

faisait; au cours d'une période d'instruction militaire, de nom-

breux excès de boissons. Ils furent bientôt suivis du retour offensif

de la diallièse syphilitique laquelle se manifesta par une fausse

couche de sa femme non contaminée.

Du délire de Grossesse.

M. Toulouse donne lecture en son nom personnel et au nom de

A). Marchand d'une note sur le délire de grossesse. Les auteurs

désignent ainsi l'idée délirante de grossesse que présentent les

aliénés. La fausse grossesse n'entre pas dans leur -description, car ;

elle ne constitue pas un délire. Pour qu'il y ait délire, il faut que

l'obsession repose sur des faits manifestement faux. Le délire du

grossesse peut s'observer chez les hommes et se rencontre surtout

dans la paralysie générale. il mélite de constituer une variété

nosologique analogue au délire de négation qui, s'il ne constitue

pas une entité morbide, est cependant un syndrome qu'il y a itté-

rêt à détacher du bloc des délires.

Ai. 5G\AX. Si l'idée de grossesse est rare chez l'homme, elle

est fréquente'chez la femme. On la rencontre plus fréquemment

chez les paralytiques généraux, les déments, mais c'est surtout

chez les dégénérés qu'elle s'observe-le plus fréquemment à titre

purement épisodique.

M. Taquet. C'est un syndrome très connu et banal ayant sou-

vent son point de départ dans une illusion. Il ne peut être consi-

déré comme une entité morbide.

M. Christian. Ce symptôme est loin d'être rare, nous l'avons

tous observé. Il en existe maintes observations dans la science.

Esquhrol le considérait comme un délire sensoriel ayant parfois un

point de départ organique. -

M. l3nr.i\D. - L'idée de grossesse est très fréquente chez les alié-

nées. J'ai dans mon service une intermittente qui, à chacun de

ses accès, se croit enceinte et prétend accouclier toutes les nuits.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 33

Une aulre de mes malades croyait accoucher chaque fois qu'elle

allait à la garde-robe et montrait triomphalement son... enfant

aux infirmières.

M. Arnaut. M. Toulouse semble ranger le délire de grossesse

dans les formes dépressives de la folie. On voit souvent des femmes

être prises de cette idée au moment de la période mégalomaniaque

de leur maladie. Une de mes malades très mélagomane se croit

enceinte de Dieu et prête à accoucher du Christ. Cette idée qui

peut se retrouver partout, aussi bien dans la paralysie générale que

dans les vésanies, ne saurait être comparée au délire de négation

car il ne subit aucune évolution. Ce n'est même pas un syndrome ;

c'est une simple idée délirante. ' -

M. Duram a vu plusieurs paralytiques généraux se croyant en

état de grossesse plus ou moins avancée.

M. Sérieux a dans son service trois femmes ayant des idées de

grossesse : l'une.est une persécutée ordinaire, l'autre une démente

précoce, la troisième une dégénérée.

M. Feuvré observe en ce moment une jeune paralytique générale

qui fait tous les jours des efforts d'expulsion pour mettre au

monde un enfant imaginaire.

M. TOULOUSE. Ce qui est certain c'est que le pourcentage des

paralytiques généraux, ayant cette idée de grossesse, est assez con-

sidérable pour qu'il y ait là une particularité digne d'être signa-

lée. C'est un syndrome méritant d'être étudié à part. M. B.

Séance du 30 décembre 1901. - Présidence DE M. Joffroy.

Elections. Après élections, le bureau est ainsi. constitué pour

1902 : Président : M. Motet ; Vice-Président : M. G. Ballet ; Secré-,

taire général : M. ItcTTi; Trésorier : M.' D. Brunet; Bibliothécaire

archiviste : M. BOISSIER. '

Comité de publication : 1111. B.t,r, Briand, Vallon.

Conseil de famille. Les membres du bureau auxquels sont

adjoints les deux présidents sortants : MM. Magnan et Joffroy.

Commission des finances : MM. Christian et Falret.

Applicationde la psychothérapie autrnilenzenl de la morphinomanie.

M. Joffroy. -Quand un morphinomane entre dans mon service,

je le préviens que la clermorpliinisation ne sera commencée

qu'après une assez longue période de préparation. Je le- laisse fixer

lui-même la dose de morphine qui lui est nécessaire et qu'il fixe

le plus souvent à un chiffre déjà inférieur à sa dose quotidienne.

J'accorde toujours la dose demandée, en exigeant simplement la

régularité des piqûres. Le principe de la méthode psychothérapeu-

tique consiste uniquement en ce que le' taux de la solution est

324 SOCIÉTÉS SAVANTES.

changé à l'insu, non seulement du malade, mais de tout le per-

sonnel, y compris les internes, mon chef de clinique et moi-même.

C'est mon chef de laboratoire qui change il son gré la teneur en

morphine de la solution dont la même quantité de liquide continue

il être injectée à heures fixes. Le malade ne sait donc jamais quand

le traitement a été commencé. La dermophinomisation est obtenue

en trois ou quatre semaines au bout desquelles on informe le

morphinomane qu'il est guéri. Je n'ai jamais observé aucun phéno-

mène d'angoisse, d'oppression ou de collapsus, si ce n'est chez un

tuberculeux avancé chez lequel je dus interrompre la dermophi-

nidation.

Pour que les malades éprouvent toujours localement la même

sensation, je dissous la morphine dans du sérum de Hayem." @

M. 11 ca.w.- On obtient le même résultat en faisant le malade

confident de son traitement. Voici comment je procède. S'il y a

cachexie, je remonte d'abord le malade en surveillant son alimen-

tation, puis je le previens que la demorphinisation progressive va

commencer. Au bout de deux jours, en moyenne, quand la

morphine se trouve réduite à une faible dose, je donne un peu

d'opium pendant encore une semaine, puis j'ai recours à-l'hydro-

thérapie et aux toniques. J'ai fait aussi la suppression brusque;

mais je n'y ai que rarement recours à cause de l'angisse pénible

dans laquelle les morphinomanes sont plongés, quand la demor-

phinisalion est trop rapide.

M. Ballet. En réalité, la méthode préconisée par M. Joffroy

consiste laisser le malade dans l'ignorance de ce qui se passe.

En général les morphinomanes ne sont pas si faciles à tromper.

Comment se fait-il que les malades de M. Joffroy ne soient pas

prévenus de la supercherie par leurs propres sensations ? '1

M. JorrRoy s'est déjà pos.é cette question sans résoudre le pro-

blème. La solution saline qui sert de véhicule à la morphine,

déterminant toujours la même sensation, peut laisser croire au

morphinomane que la dose de morphine ne change pas.

M. Arnaud ne croit pas qu'il y ait intérêt à faire durer longtemps

la démorphinisation, parce que ce sont les derniers centigrammes

de morphine qu'il est le plus difficile de supprimer. Il se

demande si les dangers de la suppression brusque n'ont pas été

exagérés ?

M. Joffroy. Les cas de morts survenus avec la méthode de la

suppression brusque n'ont peut-êlre pas été tous publiés.

M. Raffegeau estime qu'il y a intérêt à laisser le malade et son

entourage dans l'ignorance des doses injectées.

M. Bossue demande si la guérison obtenue par la méthode de

SOCIETES SAVANTES. J20 à

M. Joffroy est plus solide que celle procurée par l'emploi des

autres méthodes. .

M. Joffroy. Les rechûtes dépendent plus du malade que de la

méthode. Un morphinaque guérit toujours; on ne peut en dire

autant des morphinomanes.

M. Biuand emploie le plus souvent la suppression brusque dont

on a, pense-t-il, trop médit. Il reconnaît cependant qu'elle n'est

pas seulement pénible pour le malade, car elle l'est aussi pour le

personnel de surveillance pendant les deux ou trois premiers jours

de suppression. -

M. TI ! IVET voudrait savoir si la méthode de M. Joffroy donne les

mêmes résultats chez tous les morphinomanes et à toutes les

périodes de la maladie.

M. Joffroy répond qu'il l'applique indistinctement a tous les

cas. - M. 13.

Séance de janvier 1902. PRÉSIDENCE DC lI\T. JOFFROY ET Motet,

M. JOFFROY, avant de quitter le fauteuil de la présidence, fait

une revue détaillée des différentes discussions auxquelles ont donné

lieu les communications faites au courant de l'année 1901 et ter-

mine son allocution en adressant ses félicitations à M. Magnan qui

vient d'être élu officier de la Légion d'honneur.

« Votre mérite et votre dévouement aux malades et à la science

dont vous faites preuve sans répit, ajoute l'orateur dans sa péro-

raison, tardent parfois trop à recevoir leur récompense. Heureu-

sement, il en est un qui ne vous manque pas : c'est l'estime de tous

ceux qui vous voient à l'ceuvre et qui sont à même d'approuver la

manière si simple dont vous accomplissez un devoir toujours péni-

ble et souvent dangereux.

« Je me permets de vous dire ces choses puisque j'ai passé la

plus longue partie de ma carrière hors des Asiles et qu'en vous

apportant mon tribut d'admiration, je ne puis que traduire le Sen-

timent qui s'est développé en moi à mesure que j'apprenais il vous

connaître. » -

M. Joffroy invite ensuite M. Motft à prendre sa place et félicite

la Société de l'heureuse inspiration qu'elle a eu en choisissant son

successeur pour présider les fêtes du Cinquantenaire de la Société

.lléctico-pcleolopiqae.

M. Motet remercie ses collègues qui pour la seconde fois l'appel-

lent à présider leur compagnie. Après un mot d'éloge, à l'adresse

de M. G. Ballet vice-président et de M. A. Hitti le secrétaire général,

qui tient entre ses mains une administration plus complexe qu'elle

ne le parait au premier abord et dirige, avec tant d'autorité, les

326 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Annales. L'orateur salue l'avenir. Nous avons le droit, dit-il, d'être

fiers d'avoir continué l'oeuvre de nos devanciers. Eu célébrant notre

cinquantenaire, nous vous dirons quels hommes ils étaient, quels

travaux ils ont accomplis; nous, trouverons dans la pieuse évoca-

tion de ces souvenirs un encouragement, une force qui aideront

ceux qui viendront après nous à continuer l'oeuvre dont la tradi-

tion féconde nous a été livrée.

Sur les causes et la prophylaxie de la folie.

M. Arnaud donne une analyse d'un travail de M. le professeur

Funaioli (de Sienne), sur les causes et la prophylaxie de la folie.

La législation sur les aliénés au Brésil.

M. DUPAI : -¡ analyse un ouvrage de M. Nina-Hodrigues, professeur

de médecine légale au Brésil et ayant pour titre : L'aliéné dans le

droit civil brésilien. Ce travail est surtout un examen critique de

la révision du Code brésilien en ce qui concerne le régime des

aliénés. D'après le tableau de la situation actuelle des aliénés au

Brésil, on voit que de grandes réformes s'imposent et qu'elles sont

urgentes.

L'art et les artiites.

M. ROU13lZOWITcii donne lecture d'une analyse d'une étude de

Mobius sur l'art et les artistes d'où il résulte que l'instinct artis-

tique est une faculté innée, non susceptible d'être acquise par

l'éducation ou l'instruction. M. Mobius attache toujours une très

grande importance à la conformation céphalique des artistes.

11, l3.

Séance du 24 février. Présidence de M. P. Moreau (de Tours).

Les psychoses systématisées chroniques ti base d'interprétations

- délirantes. -

M. Sérieux donne lecture en son nom'et au nom de M. Catgros

d'une note d'où il résulte que les interprétations délirantes qui

parfois en imposent pour de véritables hallucinations se présen-

tent sous trois aspects cliniques distincts : 1° Des interprétations

t;yisodirues se montrent au cours de la plupart des maladies men-

tales. Leur rôle reste effacé; 2° Les interprétations délirantes peu-

vent, par leur prédominance plus ou moins exclusive, au détri-

ment des troubles sensoriels, constituer un syndrome commun à

un certain nombre d'espèces cliniques et susceptible de se pré-

senter sous une forme aiguë (en général sans systématisation) ou

sous une forme chronique (avec systématisation).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 321 -i

Le syndrome de la psychose aiguë à base d'intel')Jl'étati(Jl1s se

rencontre dans la folie des dégénérés, dans la mélancolie présé-

nile, dans la folie périodique, les délires toxiques, la démence

précoce. Il est sous la dépendance d'un trouble du jugement qui,

sans parler de la prédisposition vésaniqne, est lui-même fonction,

soit d'une émotion obsédante, soit d'une faiblesse psychique con-

génitale ou acquise.

Les interprétations délirantes peuvent aussi jouer un rôle pré-

dominant dans certaines psychoses chroniques : période d'incuba-

tion des délires de persécution, délire de perséculion de la séndiié,

folie des persécutés-persécuteurs. Leur apparition est due soit à

l'affaiblissement intellectuel, soit à des idées obsédantes.

En résumé, dans la seconde catégorie admise par les auteurs,

les interprétations délirante-, dont l'abondance contraste avec le

rôle effacé de troubles sensoriels, occupent dans le tableau symp-

tomaliclue de psychoses très distinctes, une place importante.

3" Dans la troisième catégorie les interprétations délirantes

constituent le symptôme prépondérant d'un délire systématisé

chronique présentant dans sa symptomatologie, et son évolution

des caractères bien tranchés qui permettent d'en faire une espèce

clinique autonome.

Cette psychose est, en effet, caractérisée par les signes'suivants :

développement très lent de délires systématisés de couleur vanée

(le plus souvent délire de persécution-et de grandeur) ; absence

presque constante d'hallucinations (ou rôle très efficace de ces

troubles) ; richesse extrême des interprétations délirantes qui cons-

tituent la base même des conceptions morbides ; marche très len-

tement progressive; absence d'évolution systématique ; incurabilité

absolue, persistance de l'intégrité des facultés intellectuelles (pas

de période de démence).

C'est à cette forme clinique déjà signalée en France par quel-

ques auteurs (Lasèbue, Legrain, Séglas, Sérieux, Magnan) et qui

a été récemment l'objet d'une étude très complète de la part

de M. Kraepelin, que MM. P. Sérieux et Capgras proposent de

donner le nom de psychose systématisée chronique à base d'inter-

prétations délirantes ou plus brièvement depsychose à base d'in-

tCl1J1'élatio11s,

Il n'est guère d'affection mentale dont il soit plus malaisé de

préciser le début, par suite de la lenteur de l'incubation et de

l'ancienneté qu'a le délire, lorsque le médecin est appelé à inter-

venir. En outre, ces maladies ont une tendance toute particulière,

à adapter leur passé le plus lointain, à leurs conceptions maladives

(délire rétrospectif).

Sous le bénéfice de ces réserves, on peut dire que la psychose à

base d'interprétations, débute en général au cours de la période

de la vie comprise entre vingt et quarante ans, l'autre de trente-

328 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

cinq à quarante ans. On a distingué ainsi sous une forme à début

précoce et une forme tardive.

Parfois il semble que le début ait eu lieu dès l'enfance; mais il

faut avouer qu'il est difficile de faire le départ entre les troubles

dus au délire rétrospectif et ceux dont l'apparition doit être incon-

testablement reportée à l'adolescence ou à l'enfance.

Au point de vue symptomatique, il convient d'insister sur la sys-

tématisation parfois très grande des conceptions fausses, sur la

conviction inébranlable du malade, sur la persistance de l'activité

intellectuelle, sur la couleur du délire (le plus souvent, il s'agit .

d'idées de persécution ou de grandeur, existant tantôt seules,

tantôt à l'état de combiuaison, sans qu'on puisse, distinguer une

évolution comparable à celle du délire chronique de Magnan).

L'examen de la genèse du délire montre que cette psychose repose

presque exclusivement sur un vaste échafaudage d'interprétations

délirantes multiples qui suffisent, sans l'intervention d'hallucina-

tions, à l'édification d'un roman délirant bien charpenté. Dans

certains cas, il est vrai, des hallucinations peuvent apparaître : ces

troubles sensoriels dont le rôle reste toujours accessoire, ne laissent

pas cependant, que de rendre le diagnostic incertain jusqu'à ce

qu'un examen plus prolongé ait montré, comme substratum cons-

tant et suffisant de la psychose des interprétations délirantes.

Signalons encore les allures particulières des malades atteints de

psychoses à base d'interprétations ; beaucoup font illusion et

paraissent à première vue moins « délirants » que les persécutés

ordinaires. Leur lucidité, leurs facultés syllogistiques sont moins

atteintes, les troubles de la personnalité que ces derniers malades

présentent, consécutivement aux hallucinations multiples qui les

assaillent et plus particulièrement aux hallucinations psycho-

motrices, ces troubles sont notablement moins accusés dans la

psychose à base d'interprétations. '

Grâce à sa mémoire souvent très exercée, à sa dialectique tou-

jours en éveil, le malade peut défendre sa conviction erronée avec

des apparences de raison que n'a pas le persécuté ordinaire qui se

plaint de persécutions physiques. Il accumule preuves sur preuves,

il a pour chaque objection une réponse toute prête, et dans la

discussion, il cite des dates, pose des dilemnes, s'empare du fait

le plus insignifiant et sait l'adapter adroitement aux besoins de sa

cause. Sa conviction assise sur des faits incontestables, confirmée

chaque jour par de nouvelles interprétations est et demeure iné-

branlable. Parfois il arrive que ces sujets empruntent aux persé-

cutés-persécuteurs les modes de réaction qui passent pour carac-

téristiques de cette catégorie d'obsédés, avec acharnement ils se

mettent à poursuivre ceux que leur désignent leurs interprétations

délirantes et se transforment ainsi en persécuteurs. z

Marcel Briand.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 329

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

1 Séance du 13 Mars 1902. Présidence de M. G011B.\ULT.

Paraplégie post-épileplique transitoire. '

M. IlEVEROca (de Kral) a observé des cas de paralysie des mem-

bres inférieurs survenue après des paroxysmes épileptiques dont

l'un dura huit semaines et guérit complètement. Ces paraplégies

quelle que soit leur durée peuvent comporter un pronostic favorable.

Un malade mort d'une maladie intercurrente pendant une de ces

paraplégies fut autopsié sans qu'on put observer aucune lésion des

centres nerveux.

Corps granuleux dans le Tubes.

MM. Marie et BISCHOFFERDER ont examiné par la méthode de

Marchi toutes lés moelles des Tabétiques morts dans le service de

Bicêtre; ils n'ont trouvé que cinq fois des corps granuleux et se

demandent pourquoi ils n'ont pas rencontré plus souvent cette

forme d'altération. Est-ce à cause la lenteur du processus tabé-

tique ; est-ce à cause de l'ancienneté des cas observés à Bicètre,

' où n'entrent que des malades dont l'affection est déjà depuis long-

temps constituée au moment de leur arrivée ? C'est à cette der-

nière hypothèse que s'arrêtent les auteurs. Le travail de dégénéra-

tion est en eflet depuis longtemps terminé quand les malades se

font liospitaliser. En effet, sur trois des cas où les corps granuleux

ont été trouvés, la mort était survenue par accident ou suicide au

cours de l'évolution des lésions, les corps granuleux n'y affectaient

d'ailleurs aucune localisation spéciale et leur complète diffusion ne

présentait aucun caractère particulier.

Cécité cérébrale et déviation conjuguée de la tète et des yeux.

M. Touc : 1E montre un cerveau atteint d'un genre de sclérose

d'aspect rugueux et qu'il ne sait tiop comment classer. N'est-ce

pas de la sclérose tubéreuse de Bnssand ? Il s'agit en tout cas d'une

sclérose acquise à un âge déjà avancé. Cette sclérose est inégale-

ment répartie sur divers points des hémisphères, il s'y ajoute un

foyer de ramollissement au niveau de la F2.

M. Marie déclare que la sclérose tubéreuse de Brissaudwe res-

semble en rien à ce que présente M. Touche. La lésion qu'on a sous

les yeux est en tout cas exceptionnelle chez l'adulte et il ne voit

pas à quoi elle répond.

330 SOCIÉTÉS -SAVANTES.

- '.

Atrophie cérébrale.

M. Dorai : montre le moulage du cerveau d'une malade atteinte

de diplégie cérébrale infantile avec maximum à gauche, idiotie et

épilepsie, morte en état de mal. Il y a agénésie complète de l'hé-

misphère droit -sans trace d'inflammation ni d'hémorragie

ancienne. L'hémisphère droit et le corps calleux sont réduits à un

léger tractus antéropostérieur. Les dcux pyramides ont disparu.

La naissance du sujet a été pathologique, un ictus s'est produit au

cours d'une infection à l'âge de un an, un second ictus de même

nature survenu à l'âge de onze ans a complété la diplegie, amené

l'aphasie et la régression démentielle. Il s'agit donc d'un cas d'idio-

tie acquise.

Déjénération pyramidale sans phénomène plantaire.

M. Marie présente un cerveau dont la moitié a été détruite par

une lésion sylvienne datant de quinze ans (ramollissement) ladégé-

nération du faisceau pyramydal croisé est très complète, celle du

pyramidal direct est très légère ; or le réflexe plantaire se faisait

en flexion et il était intact. Pourquoi cette absence du. signe de

Babinski dans un cas aussi net ?

J. 13,\J31;\ISKI. -Je ferai remarquer que l'observation de M. Marie

n'est pas en opposition avec mes idées sur le phénomène des

orteils. J'ai soutenu que ce signe est caractéristique d'une pertur-

bation du système pyramidal et, tout récemment encore, M. Schon-

born, après avoir examiné à ce point de vue dans le service de

\l. Eb il Heidelberg, 400 malades atteints d'affections nerveuses

diverses, a confirmé pleinement mon opinion ; l'existence du phé-

nomène des orteils permet d'affirmer qu'il y a un trouble dans le

système pyramidal ; il semble que c'est là une lui. Mais je n'ai

jamais prétendu que toute lésion du système pyramidal dût provo-

quer le phénomène des orteils : à la vérité il en est généralement

ainsi, mais ce n'est là qu'une règle, qui comme toutes les règles,

souffre quelques exceptions, ainsi que je l'ai fait observer dans

mes premières communications sur ce sujet.

Vitiligo et Tubes.

M. Souques présente un homme de soixante-neuf ans porteur de

de trois signes : parésie de la corde vocale gauche, myosis avec

phénomène d'Argyll bilatéral, et dyschromie parsemée d'aires

d'hyperchromie sur le tronc. Quoique niant de bonne foi la syphi-

lis, cet homme est un syphilitique avéré. Son signe d'Argyll dure

depuis dix ans; il peut-être considéré comme un candidat perpé-

tuel au Tabes auquel il ne parviendra jamais. Le signe d'Argyll est

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331

un symptôme de syphilis et non un phénomène tabétique. Chez le

sujet, la ponction lombaire a échoué, mais la tentative a dû pro-

voquer un écoulement de liquide céphalo-rachidien dans les tissus

car il y a eu de la céphalée. 1

J. Babinski. J'ai récemment observé une femme qui, comme le

malade de M. Souques, a'souf'ei t, après une ponction blanche, de

douleurs de tête et de nausées qui ont duré plusieurs jours : de plus,

chose curieuse, une deuxième ponction, ayant donné issue à plu-

sieurs centimètres cubes de liquide, ne fut suivie d'aucun trouble.

Il s'agissait d'une jeune fille atteinte de la maladie de Friedreich,

et, à cette occasion, je tiens à dire que' dans ce cas, aini que dans

un autre cas de maladie de Friedreich, l'examen du liquide céphalo-

rachidien, que j'ai pratiqué avec M. Nageotte a donné au point de

vue de la lymphocytose un résultat négatif. Je demanderai à mes

collègues s'ils ont observé des faits semblables. Si réellement, ce

qui, du reste, n'est pas surprenant, la lymphocytose manque tou-

jours dans la maladie de Fiiedreich, on a là un nouveau caractère

servant à distinguer cette affection du tabes.

M. Marie ne s'en étonne pas, car, dans la maladie de Friedreich,

les méninges sont respectées..

M. Raymond a employé trois fois ce mode d'exploration dans

cette maladie sans trouver non plus de lymphocytose.

Vitiligo et Tubes.

MM M\rie et Guillain ont cherché tous les malades atteints de

vitiligo dans leur service. Ils en ont trouvé six. Deux n'ont aucun

signe pouvant se rattacher au tabes. Un présente'de la diplopie, un

autre a le réflexe patellaire faible et de la diplopie, un troisième a

seulement le réflexe patellaire faible; le quatrième, enfin, présente

un mal perforant plantaire bilatéial, des troubles trophiques du

pied et quelques symptômes nerveux vagues. Aucun de ces malades

n'avoue la syphilis. ' - -

M. Souques rappelle que M. Broc trouve le vitiligo fréquent chez

les syphilitiques. Vililigo et tabès sont deux manifestations diffé-

rentes de syphilis réunies chez un même sujet.

Topographie des troubles de la sensibilité dans la syî-iiigoi7 ? y(,"Iie.

M. F.i ! .IlIlACUS a examiné avec son procédé spécial, dans les ser-

vices de Bicêtrè, neuf syringomyéliques ; de ces neuf malades

comme de ceux qu'il a primitivement observés, il infère que la dis-

position des troubles de la sensibilité est plutôt radiculaire que

métamérique. 11 pense que quand cette disposition semble méta-

mérique, il faut admettre que l'examen n'a pas éte suffisamment

rigoureux et doit être repris avec sa méthode.

332 sociétés savantes.

Des rapports de l'irrégularité pupillaire et du signe

d'A 1'[fyt Ilobe1'toon.

1L11. Joffroy et Sciirameck. - La déformation pupillaire se ren-

contre il peu près constamment et uniquement dans les affections

où la motilité de l'iris est ou va être atteinte : tabès, paralysie

générale, syphilis. '

On la rencontre bien aussi, comme l'a remarqué M. Marandon

de Montyel,chez un certain nombre de vésaniques, mais seulement

alors chez les vésaniques syphilitiques. »

La forme que peut prendre l'orifice pupillaire est très variée; la

déformation peut être'très apparente et visible à l'oeil nu, ou peu

marquée et bien visible alors seulement l'éclairage oblique. Elle

semble être rnouolatérale tout d'abord, puis bilatérale; c'est tou-

tefois souvent sous cette forme bilatérale qu'elle se présente dès

les premiers examens. Quand elle est encore monolatérale, elle

peut permettre dans les cas d'inégalité pupillaire à réflexes nor-

maux de discerner quelle est, des deux pupilles inégales, celle qui

est pathologique. ,

La déformation pupillaire est le premier signe en date des

troubles indiquant l'altération de l'innervation de l'iris, la pre-

mière étape daus la marche régressive de cette innervation ; elle

précède l'affaiblissement de l'un ou de deux réflexes pupillaires

et le signe d'Argyll. '

\111. ,Iorrnoo et Sciirameck ont pu voir plusieurs fois se développer

peu à peu et progressivement le signe d'Argyll chez des paraly-

tiques généraux où l'on avait observé seulement auparavant l'irré-

gularité pupillaire. Ils pensent que toute déformation pupillaire

peut, en l'absence d'anomalie congénitale et de s tiéeliies îliennes,

et alors même que les réflexes pupillaires sont encore intacts, être ' ·

considéré comme un signe probable de tabes, de paralysie géné-

rale, de syphilis, et que sa valeur séméiologique est la même que

celle du signe d'Argyll licberlson dont elle marque le début.

M. 13.mnsar. - Ainsi que M. Joffroy, j'ai observé quelques ma-

lades cUez lesquels l'immobilité pupillaire avait été précédée pen-

dant quelque temps par de l'irrégularité du contour des pupilles.

Jecrois comprendre que M. Joffroy tend à accepter l'ogillion que

nous avons soutenue, M. Charpentier et moi, il savoir que le signe

de liôbertson parait dénoter la syphilis; les faits rapportés précé-

demment par 1. Souques et par M. Dufour viennent aussi à l'ap-

pui de notre manière de voir. Mais, à ce sujet, je voudrais faire

une remarque qui s'applique aussi naturellement au tabès et à la

paralysie générale. Aujourd'hui, la plupart des médecins, éclairés

par les diverses statistiques qui ont été publiées, reconnaissent

que le signe d'Argyll, ainsi que les affections dont je viens de par-

sociétés savantes. 333

1er, ont des relations étroites avec la syphilis ; cela n'est plus dis-

cutable. Il s'agit de savoir actuellement si les troubles en question

boni susceptibles de se développer aussi parfois chez des sujets

qui n'ont pas été contaminés. Tel est l'avis de M. Fournier, qui

s'est nettement prononcé, à cet égard, dans une leçon toute

récente. Je suis, au contraire, parmi ceux qui sont portés à

admettre que ces accidents sont nécessairement liés à la syphilis ;

niais je tiens à faire observer que mon idée n'est pas basée sur les

statistiques dont j'ai parlé, je reconnais même que l'interrogatoire

et l'examen de certains tabétique tendraient à donner raison à

ceux qui nient la nécessité d'une relation entre le tabes et la

syphilis. Mon opinion se fonde sur ce que l'ou ne voit jamais de

ces malades atteints de l'accident initial de la syphilis ; ces sujets

sont tiès nombreux pourtant; pourquoi- donc jouissent-ils, ceux-

là mêmes qui, soi-disant, n'ont pas été contaminés, d'une pareille

immunité ? C'est vraisemblablement parce qu'en réalité, ils sont

déjà syphilitiques.

En résumé, selon moi, de nouvelles statistiques analogues à

celles qui ont été publiées, n'apprendraient rien de nouveau ; la

discussion ne saurait être reprise avec intérêt que le jour où l'on

viendrait à constater un chancre infectant chez un tabétique, un

paralytique général ou un sujet présentant seulement le signe de

llobertson. .

M. Joffroy. Mais, si l'on ne trouve pas de chancre, on ne

trouve pas non plus de blennorragie, cette dernière affection n'a

pourtant aucun rapport étiologique. Si on ne trouve pas de

chancre, c'est que le malade est de par son affection mis dans

l'impossibilité d'agir sexuellement, de façou-àrisquer une maladie

. vénérienne. -

M. Souques. Le chancre même n'aurait aucune valeur pour

nier l'origine syphilitique, puisque la réinfection est possible.

M. DupnÉ. Les négations les plus formelles des malades ne

signifient rien ; après les plus énergiques dénégations, on découvre

souvent la réalité de la syphilis. Sur 100 gommes du voile du

palais, ne voit-on pas 12 ou la cas dans lesquels on ne trouve pas

trace de syphilis antérieure.

Deux c is de trophoedème chronique héréditaire chez des enfants.

M. LOItTAT-J.1COB présente deux petites filles du service du

De Jeanselme. Ces enfants, âgées l'une de dix mois, l'autre de

cinq ans, présentent, depuis leur naissance, un oedème chronique

des pieds, et de la pachydermie des jambes jusqu'à hauteur des

genoux.

Les pieds sont gonflés, soufflés et séparés de la base des orteils

par un sillon profond.

33 sociétés savantes.

On remarque une teinte bleu violacé des parties oedématiées.

Cet oedème est stationnaire.

Les viscères sont sains. Les urines ne contiennent ni sucre ni

albumine. La sensibilité est normale. Pas de paralysie, aucun

signe de rachitisme. Aucun sligmate de syphilis. -

Cet oedème congénital est, de plus, familial, car on retrouve les

. mêmes déformations chez l'aïeule maternelle, sa soeur, son frère,

et une cousine germaine de la mère des enfants présentés. Ainsi

se trouve une fois encore établie la prédominance du trophoeclème

-chronique héréditaire et l'hérédité dans la ligne maternelle, chez

les sujets du sexe féminin. De plus. L. Lortal-Jacob attire l'atten-

tion sur l'aspect oedémateux des téguments, au niveau des pieds

et la consistance différente de la peau à la région des jambes.

Celle-ci, en ce point, est pachydermique, rigide, et semble, ayant

perdu son élasticité, trop large pour revêtir ces types sous-jacents.

11\L. IIUET et GUILL.WV présentent un malade atteint d'une para-

lysie de la branche externe du spinal associée au tabès.

Lésion du splénium.

M. Marie montre les pièces de deux malades atteints de sclérose

molle avec dilatation kystique du splénium; ces malades présen-

taient des troubles visuels, mais l'un portait des lésions thala-

miques et l'autre des lésions du cunéus. -

1\1. CiHpAULT fait hommage à la société du tome l de son ouvrage

intitulé Chirurgie du système nerveux. -

Ispilepsie jacksonienne opérée.

M. 1 aDLr présente un malade qui reçut, il y a onze- ans,' une

balle de revolver dans la tête et qui eut, dans la suite, de l'hémi-

plégie, puis des crises d'épiJspsie, jacksouienne. La radiographie

permit de voir la balle divisée en trois fragments, sans que la

localisation de ceux-ci put expliquer les symptômes; la cranio-

tomie montra que l'épilepsie provenait d'une esquille osseuse que

la radiographie n'avait pas trahie et dont l'ablation guérit le

sujet. Depuis trois mois, aucune crise n'est survenue.

M. GUILLAIN rapporte un cas d' hémiplégie avec lésion du splé-

niam.

1111. OL1RIOT0 et Charpentier proposent comme lieu d'élection

,analgésique pour les injections du calomel la zone située il quatre

centimètres en dehors du sillon interfessier en piquant de dedans

en dehors avec une aiguille de trois centimètres.

La société se réunit en comité secret après avoir remis au

17 avril sa prochaine séance. F. l3oISSIEt;.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 335

'SOCIÉTÉ D'llrP : '{OLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

- Séance du 2 : ; féroier 1902. -

Phénomènes 1'éationnels du début de l'hypnotisatiun.

M. 13uaa.LOV. Quand ils passent de la veille au sommeil, certains

sujets manifestent des phénomènes objectifs assez marqués. Ceux

qu'on peut le plus facilement observer sont les suivants ; mouve-

ments pupillaires, clignotement des paupières, convulsion des

globes oculaires en haut, mouvement des muscles de la face, hila-

rité, modifications du rythme respiratoire, augmentation de la

tension artérielle, etc. Ces phénomènes se manifestent surtout

chez les hystériques ; ils correspondent à l'inhibition des fonctions

de contrôle ; ils sont analogues à ceux que présente la période

d'excitation du sommeil chloroformique. Leur connaissance évite-

rait bien des déboires aux praticiens peu initiés a la pratique de

l'hypnotisme.

M. MAGMX. Mes observations confirment pleinement celles de

M. l3érillou ; j'ai constaté très souvent de semblables phénomènes,

aussi bien dans ma clientèle que dans le service de Dumonlhallier

à la Pitié.

M. Corimn présente, à l'appui de ces observations, une malade

qui, lors des premières séances d'hypnotisation, présentait les phé-

nomènes suivants : contractures, congestion de la face, anxiété,

respiration saccadée, etc. -

M. Voisin. Tous ces phénomènes sont des ébauches de crises

d'hystérie; il faut que les médecins en soient instruits, qu'ils ne

soient point déroutés par leur apparition et qu'ils puissent faire

avorter ces crises commençantes. Cela prouve une fois de plus que

l'hypnotisme ne devrait jamais être pratiqué que par un médecin

compétent en la matière.

M. LÉPIINAX. Chez un chien chloroformé en vue d'une opération

chirurgicale, j'ai observé les phénomènes réactionnaires suivants :

clignotement des paupières, tremblement des lèvres, mouvements

choréiques, etc. Avec M. Bérillon, je considère que la période d'ex-

citation du sommeil cliloroformique présente des analogies avec

l'invasion du sommeil hypnotique. `

La pratique de l'autosuggestion.

M. CosTE de Lagrave expose les'résultats de vingt ans d'observa-

336 SOCIÉTÉS savantes.

tions sur la pratique de l'autosuggestion; il analyse ce procédé

psychologique, en montre les avantages, en fixe les indications, en

détermine les différents procédés techniques et les diverses expli-

cations.

M. HEGNAULT explique il ce sujet comment les Fakirs qu'il a étudiés

dans l'Inde peuvent provoquer en eux l'anesthésie et l'analgésie

par la seule autosuggestion.

Résistance partielle ci la suggestion hypnotique.

M. Fanez montre, à propos d'une observation, que si une sug-

gestion se heurte à une idée préconçue, à un sentiment intime, à

une crainte ou à une appréhension, etc. le sujet peut trouver en

lui assez de force de résistance pour ne point la subir. Pour rendre

la suggestion efficace, le sugestionneur doit la commenter exposer

les raisons de ses exigences, faire une sorte de plaidoyer et obtenir

le consentement formel de l'hypnolisé.

SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE

- DE MOSCOU.

Séance du 19 janvier 1901.

1\'. 'ensiLOrr. - Peseztutiotz d'un malade atteint de lèpre

anesthésique.

Il s'agit d'un paysan âgé de quarante-cinq ans, entré à la clini-

que pour une analgésie très prononcée des extrémités.

A l'examen on constate une analgésie et une anesthésie thermi-

que très prononcée aux mains et aux pieds. L'anesthésie va en

diminuant de la périphérie à la racine des membres, c'est-à-dire

qu'elle est moins prononcée aux avant-bras et aux jambes, encore

moins dans les parties inférieures des bras et des cuisses, et bien

conservée dans la partie supérieure des bras et des cuisses. En

outre il existe 9 taches au tronc, de couleur rose pâle, bien déli-

mitées par un liséré plus coloré. Les taches sont caractérisées par

une anesthésie thermique et une analgésie qui va en diminuant

du centre de la tache vers la périphérie et dépasse de 3 à 4 cen-

timètres les bords du liséré.

La sensibilité tactile est peu modifiée. Pas de douleurs. Atrophie

manifeste du premier espace interosseux et de l'éminence thénar

SOCIÉTÉS SAVANTES. 337 7

du côté gauche Hypertrophie des troncs nerveux des extrémités,

plus prononcée du côté gauche. Les réflexes sont normaux. Quan-

tité de cicatrices. Traces d'anciennes brûlures. Mal perforant du z

pied. La maladie date de deux ans, époque à laquelle le malade

s'apercut pour la première fois qu'il ne sentait pas de douleur à la

brûlure Autant qu'on peut en juger d'après l'interrogatoire du

malade, il n'existe pas de léprose dans son pays natal, de sorte

qu'il est impossible de définir le mode de l'infection dans ce cas par-

ticulier.

V. Semidadoff et V. VEiDENHAMMER. Spasme respiratoire cona-

pliqué citez une malade aliénée.

Il s'agit d'une femme, âgée de cinquante-huit ans, aux antécédents

héréditaires tuberculeux, très nerveuse et sujette depuis l'àge de

vint-cinq ans à des épistaxis fréquentes et abondantes. A la suite

du dernier accès d'épistaxis, qui dura toute une nuit, elle ressentit

une grande faiblesse générale, devint triste et perdit le sommeil.

La tristesse et l'anxiété augmentèrent par suite de la maladie de sa

fille, devenue tuberculeuse. La malade pleurait, gémissait, priait

se disant punie par le bon Dieu pour ses grands péchés, etc., etc.

Une fois dans la nuit elle « poussa un cri » Depuis ce moment le

cri » ne cesse pas et accompagne chaque respiration (expiration).

Le cri ressemble à un gémissement, tantôt bref, tantôt prolongé;

il s'accompagne d'un spasme de tous les muscles respiratoires,

c'est-à-dire du diaphagme, des muscles thoraciques, abdominaux,

ceux du cou etdu larynx. Parfois, après avoir lancé le cri,la malade

prononce d'une voix basse et précipitée : « Mon Dieu, je suis

perdue ». Elle considère « le cari'» comme une punition de Dieu.

Pendant le sommeil « le cri » cesse et la respiration devient

tranquille. Pas d'hallucinations.

L'étude du spasme à l'aide des pneumographes de Marey et de

Verdin démontre qu'il s'agit ici d'une contraction spasmodique

très énergique des muscles thoraciques et abdominaux de l'expi-

ration, survenant après une inspiration également entrecoupée et

de nature spasmodique. --

L'auteur fait le diagnostic de : mélancolie delà vieillesse. Quant

au cri, il le rapporte à la catégorie des phénomènes spasmodiques

de larespiration qu'on observe si fréquemment dans la mélancolie,

sous forme de gémissements, soupirs, etc.

Discussion. V. Iakovenro croit qu'il s'agit plutôt d'un mou-

vement obsédant résultant d'une idée délirante. A. TOIL\I\SKY con-

sidère ce spasme comme un tic ayant pris un aspect particulier,

grâce à la mélancolie.

M. LOUN1Z Sur un caq de psammome volumineux du cerveau.

Malade, âgée de cinquante-trois ans, sans antécédents syphiliti-

ques, ni alcooliques. Depuis deux ans et demi accès fréquents d'épi-

ARCHIVES, 2- série, t. XIII. 22

338 SOCIÉTÉS SAVANTES.

lepsie partielle débutant par la jambe gauche et se terminant par

des convulsions généralisées avec perte de connaissance. Après

l'accès, hémiparésie transitoire gauche.

Les accès se répètent tous les quinze jours, à trois semaines,

parfois beaucoup plus souvent. La malade accuse quelques légers

maux de tête, sans localisation nette. A l'examen, on constate une

légère parésie du pied gauche. Le fond de l'oeil, examiné soigneu-

sement à deux reprises, a été trouvé normal. La percussion et la

pression du crâne ne sont pas douloureuses

Vu le début brusque de la maladie, l'état stationnaire des symp-

tômes pendant deux aus et demi et l'abscence de papille étranglée, on

croit pouvoir exclure l'hypothèse d'une tumeur. D'autre part, la

présence des cicatrices profondes dans la région de l'humérus, indi-

quant un ancien processus de carie dans l'os, on pense à une tuber-

culose locale du cràne ou des méninges On fait une craniectomie

d'après le procédé de Wagner et on ne découvre rien qu'un épaissis-

sement de la dure-mère adhérente à cet endroit aux os du crâne

et à la substance cérébrale. L'opération eut un effet très heureux

sur l'évolution de là maladie : pendant plus de sept mois, la malade

n'eut qu'un seul accès jacksoninen. Mais plus tard les accès réappa-

rureut avec plus de fréquence et de violence et la malade succomba

quatorze mois après l'opération, des suites d'une broncho-pneu-

monie aiguë 1.

A l'autopsie, on trouve dans la région pariétale droite une

tumeur ossifiée, du volume d'une châtaigne, finement bosselée,

de couleur rouge grisâtre, que l'examen histologique définit com-

me un psammome. La tumeur prend naissance dans la dure-mère,

dans l'angle formé par le processus falciforme d'une part et l'enve-

loppe qui recouvre la convexité du cerveau d'autre part. Elle pé-

nètre dans le bord supérieur de l'hémisphère droit en comprimant z

la partie supérieure de la circonvolution centrale antérieure et la

partie postérieure de la première frontale. Sur la face intérieure

du cerveau la tumeur comprime la partie supérieure et antérieure

du lobule paracentral. - Dans la discussion des remarques ont été

faites par MM. Mouratoff, Korniloff, Rossolimo et Roth.

M. llocrcnanorr.. Cysticc1'qlle du cerveau.

Il s'agit d'un malade, âgé de quarante-quatre ans, serrurier,

ayant beaucoup abusé de boissons alcooliques. La maladie a débuté

il y a vingt-huit mois par un accès d'épilepsie générale. Depuis

quelques jours apparition d'accès d'épilepsie corticale qui débutent

par des mouvements conjugués de la tête et des deux yeux à

gauche, auxquelles succèdent des mouvements cloniques du facial

gauche et un spasme tonique du bras du même côté.

' Ce cas s'ajoute à ceux que nous avons publiés sur les conséquences

ultérieures de la ci'aiiiectoniie (B.).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 339

A l'hôpital les accès déviennent de plus en plus fréquents (toutes

les demi-heures), s'accompagnent d'une confusion mentale et

prennent enfin le caractère des accès d'épilepsie généralisée. On

constate une paralysie faciale gauche et une paralysie du bras du

même côté. La température monte jusqu'à 39°,3. Mort au bout de

huit jours.

- A l'autopsie on trouve 13 cysticerques, dont 7 dans l'hémisphère

gauche et G dans l'hémisphère droit : quelques-uns se trouvent

immédiatement au-dessous de la pie-mère, dans la profondeur des

circonvolutions; la plupart sont situées dans la substance grise

et.sous l'écorce célébrale. La localisation du parasite explique par-

faitement les accès d'épilepsie partielle. Il faut encore prendre en

considération les altérations secondaires de la substance cérébrale,

provoquées par la présence du cysticerque (infiltration dans le

voisinage et dégénérai ion secondaire des fibres de la capsule

interne). L'alcoolisme du malade a pu jouer un grand rôle dans la

constitution des accès d'épilepsie généralisée et provoquer des

troubles cérébraux graves qui ont déterminé la mort.

A noter dans ce cas la présence de phénomènes de paralysie,

notamment de la paralysie de la face et du bras du côté gauche,

chose assez rare dans les cas de cysticerque du cerveau.

Discussion. M. Boiii attire l'attention sur la présence des allé-

rations inflammatoires de la pie-mère dans le voisinage du cysti-

cerque; celles-ci subissent de temps en temps des exacerbations

passagères, qui expliquent et occasionnent des phénomènes céré-

braux graves. M. KORNILOFF pense que les accès épileptiques peu-

vent être provoqués par l'action des toxines éliminées par le

cysticerque. Des remarques ont été faites par \1\I. RossoLmo et

VEIDENHAMUER.

Secrétaires des séances : V. Mouravieff et I. Soukhanoit.

Séance du il février 1901.

N. Ivaaonr. Présentation d'un malade atteint d'exostoses symé-

triques.

Il s'agit d'un jeune paysan, âgé de quinze ans, qui, en automne

1897, eut un accès très grave de rhumatisme articulaire aigu

presque généralisé. Dans l'espace de quelques semaines, toutes les

articulations du corps furent prises, y compris celles de la

colonne vertébrale, surtout de la région cervicale. Le malade ne

guérit pas, et les lésions passèrent à l'état chronique. A l'heure

actuelle, toutes les articulations sont atteintes et déformées; les

muscles sont bien atrophiés. En outre, il existe des exostoses

multiples dans le voisinage des articulations. Les plus volumineuses

se trouvent sur le sacrum, au milieu de l'os et près de l'articula-

34.0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tion sacro-iliaque, grandes comme des noix, bosselées à la surface.

D'autres exostoses sont'disposées symétriquement sur le bord inté-

rieur des clavicules. sur l'épine scapulaire, l'acromion (trois de

chaque côté, près de l'insertion du muscle deltoïde, les os de

l'humées et sur l'olécrane (volumineux). Des oxostoses de plus

petites dimensions se laissent constater sur les deux rotules, près

de la tète du péroné et des malléoles externes et internes. Il en

existe très peu sur les os des pieds et des mains. A la palpa-

tion, ils sont d'une consistance osseuse ou cartilagineuse. Sur

les radiographies des genoux, les épiphyses des fémurs et des

tibias apparaissent très épaissies, tandis que la substance osseuse

est par endroits raréfiée, et en partie hypertrophiée. La tête du

fémur apparaît très raréfiée et presque séparée du corps de l'os.

Sur la radiographie de l'articulation du coude, l'exostose de

l'olécrane se présente sous forme d'un os sésamoïde séparé. Les

muscles se contractent bien aux courants électriques. Les réflexes

sont normaux. Il existe des traces de rachitisme. Endocardite

valvulaire.

Presque tous les auteurs considèrent ces exostoses comme étant

d'origine cartilagineuse. Les uns les mettent sur le compte du

rachitisme, les autres les attribuent à la scrofulose. La plupart

des auteurs considèrent les exostoses comme une maladie héré-

çlitairc,-débutant ordinairement dans le jeune âge, iL l'époque du

développement du squelette. Rarement on observe des exostoses

dans plus avancé, à propos de l'arthrite déformante muscu-

laire ou du mal sénile.

Au cours de la discussion des remarques ont été faites par

MM. lliNOR et AIourmoff.

V. MOURATOFF, /1)'MMM<.S nosologiques en faveur des relations

causales entre la syphilis el la paralysie générale.

Jusqu'à présent les seuls arguments en faveur de l'origine syphi-

litique de la paralysie générale sont basés sur la méthode statis-

tique. Mais on peut invoquer des arguments plus précis. et d'ordre

nosolo.iclue. existe notamment des cas cliniques où la syphilis

cérébro-spinale se 'complique d'altérations de nature paralytique

avec symptômes correspondants. Telle est l'observation suivante :

Il s'agit d'un malade, âgé de trente-huit ans. Syphilis en 1893,

traitée par des frictions mercurielles au nombre de 96. Au bout de

huit mois, ictus apoplectique : au moment où il voulait se lever

de table, le malade tomba et resta sans mouvements pendant une

heure environ, puis tous les phénomènes disparurent. On lit vingt-

cinq injections mercurielles. En été 1891, l'ictus se répéta avec

hémiplégie droite consécutive qui dura plusieurs jours. A partir

de 1898, faiblesse croissante des extrémités inférieures.

Étal présent, le 27 août 1900. - État psychique absolument

sociétés savantes. 341 t

normal. La parole et l'écriture ne sont pas modifiées. Parésie de

la main gauche; paraplégie inférieure bien prononcée avec ataxie

profonde. Les réflexes rotuliens sont exagérés. Paralysie bila-

térale de la sixième paire. Anesthésie du type de Brown-Séquard.

Vomissements fréquents. Papille étranglée.Malgré un traitement

énergique mercuriel et ioduré, le malade mourut au bout de

cinq jours de son entrée à l'hôpital.

A l'autopsie, on trouva une méningo-myélite gommeuse, avec

participation des méninges du bulbe et une épendymite granu-

leuse des ventricules cérébraux.

A l'examen microscopique, on constate dans la moelle des alté-

rations syphilitiques très accusées : gommes isolées dans'les racines

nerveuses, infiltration généralisée des méninges, péri- et endoar-

tériite, L'infiltration syphilitique se rencontre dans la substance

médullaire également. Altérations parenchymateuses diffuses des

fibres nerveuses, oedème de la névroglie. Dans la région dorsale

moyenne, on voit s'enfoncer dans la substance médullaire une

tumeur gommeuse qui occupe à peu près la moitié de la section

médullaire (type unilatéral de Crown-Séquard). Au-dessous de

cet endroit commence la dégénération du faisceau pyramidal.

Dans les ventricules cérébraux (4°. 3° et latéraux), on constate

une épendymite prononcée avec hyperplasie notable des cellules

épendymaires et hyperplasie de la névroglie dans les alentours du

canal. Ilémorrllajies miliaires récèntes dans les corps optiques. La

circonvolution centrale gauche et le lobe paracentral présentent

des altérations parenchymateuses graves des cellules et des fibres.

Dans la plupart des cellules, on trouve de la chromatolysc avec

déplacement latéral du noyau; dans quelques-unes, le protoplasma

est dans un état de dissolution presque complète. Sur les prépa-

rations, d'après \Iarclii, on constate une dégénération graisseuse

des fibres sous-corticales. Périartérite modérée. Pas d'hémor-

rhagies. - ·

En résumé, l'examen prouve qu'il existe dans notre cas : 1° des

altérations typiques de la syphilis médullaire (méningo-ulyéllte

syphilitique); 2° des altérations caractéristiques de la paralysie

générale, sous forme d'épendymite granuleuse et de lésions paren-

chymateuses des cellules et des fibres de l'écorce cérébrale. Comme

ces dernières lésions se sont développées dans le cours de la

syphilis, on a le droit de les considérer comme étant d'oiigine

parasyphilitique. De même dans le tableau clinique, on trouve des

phénomènes qui correspondent à ces lésions parenchymateuses

(paralytiques), notamment les ictus répétés qu'on a observés chez

le malade- Ces ictus paralytiques ne peuvent pas être mis sur le

compte de gommes du cerveau, puisqu'on n'en trouve pas à l'au-

topsie ; ils ne peuvent pas non plus être attribués à une affection

vasculaire, puisqu'ils se sont montrés très passagers et transi-

342 sociétés savantes.

toires. D'après leur type clinique, ces ictus sont tout à fait de

nature paralytique.

- En dehors de cette observation, l'auteur a eu l'occasion d'ob-

server deux cas analogues (sans autopsie), dans lesquels on voit

des ictus apopleetiformes répétés, avec paralysies transitoires à la

suite d'une infection syphilitique chez des jeunes sujets. Il est

remarquable que dans les trois observations, les ictus se sont

-montrés au cours du traitement mercuriel.

De ces observations M. llouraloff tire les conclusions suivantes :

1° On peut observer, dans le cours de la syphilis du système ner-

veux centra), des lésions anatomiques des éléments nerveux et

épendymaires, de même que des lésions des méninges (pachy-

méningite hémorragique), ayant le caractère de celles de la

paralysie générale; 2° des ictus apopleetiformes transitoires se

rencontrent dans le cours de la syphilis et sont dus aux lésions paren-

chymateuses dcs cellules corticales. Ces ictus sont moins durables

que ceux qui relevent des altérations vasculaires d'origine syphili-

tique. Il est possible que les accès d'épilepsie jacksonienne ont,

dans quelques cas, la même origine que ces ictus transitoires;

3° les phénomènes paralytiques des syphilitiques peuvent avoir

une signification grave, indiquant le commencement d'une affec-

tion parenchymateuse généralisée du cerveau; 4° la combinaison

des phénomènes de la syphilis tertiaire avec des-symptômes clini-

ques isolés de la paralysie générale, offre un argument nosolo-

gique en faveur de la dépendance de la paralysie générale de la

syphilis (acquise ou héréditarie), comme l'une des causes de la

maladie. - .

Discussion. 11. ToKASKy trouve que les particularités du ta-

bleau clinique que présentent les observations de M. Monratoff,

peuvent se rencontrer dans d'autres affections du système nerveux

et, par conséquent, ne peuvent nullement servir d'argument

nosologique pour la causalité entre la sypliilis et la paralysie

générale.

IVI. 1 lONSTArÇTINOWSKY pense que la première observation de

M. Mouratoff peut être rapportée à la catégorie de la soi-disant

pseudo-paralysie progressive.

M. Weideniummer a rencontré les lésions décrites par M. Mou-

raton', dans différentes affections du système nerveux.

.AI. Butzke fait remarquer que la paralysie générale est telle-

ment rare dans les cas de la syphilis avérée, qu'on a le droit de

douter du diagnostic de l'auteur, en ce qui concerne les phéno-

mènes dits « paralytiques. »

.M. l'osrowsrr fait remarquer que l'analogie, voire même l'iden-

dité des lésions anatomiques de deux maladies, ne permet pas

encore de conclure à l'identité des causes de ces affections.

BIBLIOGRAPHIE. 343

M. SERBSKY attire l'attention sur'ce fait que, dans la première

observation de M. AI ? le premier ictus a eu lieu six ans avant la

mort, et pourtant on n'a pas assisté à l'éclosion de la paralysie

générale ni au point de vue clinique, ni au point de vue ana-

tomique.

M. BER1\STEIN pense qu'à la rigueur les observations de 111. 1f ..

pourraient prouver l'origine parasyphililiclue des ictus apoplec-

tiformes, mais non de tout le tableau de la paralysie générale.

JI. Versilotf pense que les ictus apopleetiformes, décrits par

1f. 11f..., pourraient beaucoup mieux être expliqués par des altéra-

tions vasculaires que par des lésions parenclymateuse superfi-

cielles.

11. HOT ! ! trouve que toutes les assertions de M. Alouratoff sont

contestables.

L. I\I11\OR présente des préparations : 1° du cerveau avec hernie

post-opératoi1'c; 23 de la moelle épinière avec hénhltomyélie centrale.

Secrétaires des séances : A. 131 : ll ? STEI ? S. Soukhanoff.

BIBLIOGRAPHIE.

IX, -Ltrlep1'ose; par dom Sauton. (Naud éditeur, 1901.)

Ce livre est le résultat de dix années d'études et de voyages à

travers le monde entier entrepris par le D1' dom Sauton dans le

but de connaître la lèpre. L'auteur propose tout d'abord de rem-

placer le mot de lèpre par celui de léprose : le mot de lèpre ayant

servi depuis le moyen âge à couvrir un grand nombre d'affections

disparates : gale, maladies vénériennes, syphilis, etc.

L'historique de la maladie est fait avec une grande érudition sur-

tout en ce qui concerne le Moyen Age; l'auteur expose le sort des

lépreux à cette époque : humiliations, mort civile, miseà à la dispo-

sition de la charité publique ; il fait une description détaillée du

cérémonial par lequel l'Eglise excluait les lépreux du monde ; il

rapporte le dévouement de saint François d'Assise, de saint Louis.

de sainte Elisabeth de Hongrie, de saint Edwige ; enfin il montre

qu'il se glissait dans les maladreries, tout comme dans nos hôpi-

taux modernes, des « pilons » ou faux ladres simulant la maladie

pour obtenir leur admission.

344 BIBLIOGRAPHIE.

Dom Sauton fait une étude complète de la distribution géogra-

plique de la lèpre et y joint de superbes photographies de lépreux

de tous les pays. -

Abordant la partie médicale proprement dite, il expose les

facteurs étiologiques, conteste l'opinion de Zambaco-Pacha qui

attribue une grande importance à l'hérédité et se montre nette-

'ment partisan de la contagion. Les chapitres de .l'anatomie

pathologique et de la bactériologie relatent les derniers travaux

parus. Dans la question de l'identité de la lèpre avec la maladie de

Morvan, la syringomyélie, la morphée, l'aïnhum, Sauton se montre \

convaincu de la vérité de l'opinion de'Xambaco-Pacha qui confond

toutes ces affections dans le même groupe. Il est moins aflirmatif

en ce qui concerne la sclérodermie, la sclérodactylie, la maladie de

Rayuau, l'atrophie musculaire progressive.

Dans la symptomatologie de la lèpre, dom Sauton apporte une

classification nouvelle en accidents primaires d'infection, en acci-

dents secondaires d'invasion générale de l'organisme, en accidents

tertiaires ou trophoneurotiques (il admet, en effet, que la forme

trophoneurotique parait la terminaison constante de la forme

tuberculeuse et que la forme trophoneurotique quand elle ap-

parait de'mblée n'est qu'un tertiarisme précoce). 11 établit ainsi

une classification analogue à celle des accidents syphilitiques

et poursuit cette analogie jusqu'à supposer la possibilité dé para-

léproses.

La prophylaxis doit surtout être, dit-il, pratiquée dans les pays

lépreux, et doit viser à éviter l'importation et à isoler les malades

dans la mesure du possible'. La bibliographie de la lèpre faite

par Leloir est complétée et mise il jour à la lin du volume-. ,

Cet ouvrage, outre les photographies de lépreux -dont nons

avons déjà parlé, renferme des photographies de moulages de

saint Louis et des reproductions de préparations microscopiques

en noir et en couleurs : il est donc richement édité. Coouzoir.

X. La ponction lombaire en psychiatrie ; par le Dr L. DurLos.

(Th. Paris. Naud, éditeur, 1901.) ,

Entre les mains de Quincke et de ceux qui n'ont pratiqué la

ponction lombaire que dans un but thérapeutique, cette méthode

n'a donné que des résultats très discutables. Cependant quelques

1 L'auteur fait suivre son étude de la description et des plans du

sanatorium lépreux qu'il se proposait de faire construire il. Saint-

Martin (Vosges), dans le but de l'aire une « charité éclairée des lumières

de la science ». -

2 Leloir. Traité pratique et théorique de la lèpre, avec de nombreuses

figures et 22 belles planches. Aux bureaux du Progrès médical.

BIBLIOGRAPHIE. 34S

observations récentes permettent d'espérer que l'évacuation d'une

cettaine quantité de liquide céphalo-racltidien sera un bon moyen

palliatif dans la céphalée urémique.

La ponction lombaire a permis à Widal et ses élèves de créer le

cyto-diaânostic céphalo-rachidien, méthode qui, dans certaines

circonstances bien définies, peut, en cas de diagnostic difficile ou

douteux, entraîner la certitude.

La ponction lombaire est une opération très simple à la portée

de tous. Jamais elle n'a déterminé d'accidents graves ou même

inquiétants, à la double condition. d'opérer suivant la technique

indiquée par Widal, et de ne retirer que les quelques centimètres

cubes de liquide nécessaires pour l'examen cytoscopique. '

Toutefois, dans certaines formes de psychoses (persécution et

mélancolie) il peut être sage de rejeter ou du moins d'ajourner la

ponction lombaire par crainte d'influence fâcheuse surl'état mental

des malades.

La migration des éléments figurés, décelés par le cyto-diagnoslic

ainsi que l'a souvent répété Widal, ne caractérise pas tel ou tel

processus infectieux : il indique simplement qu'il y a réaction

inflammatoire ou irritative des méninges.

La présence d'éléments figurés dans le liquide céphalo-rachi-

dien parait bien en rapport avec les diverses lésions constatées par

l'anatomie pathologique.

D'une façon générale les polynucléaires paraissent caractériser

un processus inflammatoire à tendances aiguës, les lymphocytes

un processus inflammatoire à marche subaiguë ou chronique.

Dans les divers états vésaniques le cyto-diagnostic est constam-

ment négatif : ce fait est en rapport avec le néant anatomo-patho-

logique des psychoses pures.

Ce caractère négatif présente un intérêt de premier ordre pour

le diagnostic entre les psychoses pures et les affections il substra-

tum anatomique, qui peuvent les simuler, particulièrement la

paralysie générale progressive. -

Les accès aigus ou subaigus de l'alcoolisme chronique simulent

très souvent, du moins temporairement, un début de paralysie

générale. Le cyto-diagnostic négatif dans le premier cas, positif

dans le second, permet de faire un diagnostic immédiat.

Il est fréquent de voir l'affaiblissement sénile des facultés appa-

raitre prématurément chez l'alcoolique.

Le diagnostic peut donc se poser entre la démence sénile, et la

paralysie générale; l'absence d'éléments figurés dans le liquide

céphalo-rachidiell caractériserait, dans ce cas, la démence sénile.

Par contre, il ne faudrait pas conclure de la présence de ces mêmes

éléments au diagnostic de paralysie générale, car on risquerait de

la confondre avec la méningite chronique alcoolique dout le cyto-

diagnostic est également positif. A. M.

34G BIBLIOGRAPHIE.

XI. l'cctloéaie et traitement de l'épilepsie; par le D1' Krainsky, direc-

- teur de l'asile d'aliénés du gouvernement de Novgorod Kolmovo

(Itussie). -

En 1891, Ilaig, dans un mémoire intitulé Urie acid as Il faclor

in the causai ion of disease (London 189 i) prétendait que les accès

épileptiques étaient dus à des intoxications intermittentes par

l'acide urique et il étayait son hypothèse sur ce fait clinique que

l'urine des épileptiques contient moins d'acide urique que norma-

lement un ou deux jours avant leur accès.

Dans des recherches poursuivies depuis soi jusqu'à ce jour,

Krainsky est arrivé aux mêmes conclusions que littig pour ce qui

est du régime de 1 élimination urique, mais le rôle qu'il lui attri-

bue est absolument différent de celui que lui prêtait l'auteur

anglais. Krainsky n'accorde aucune action convulsivante à l'acide

urique et pense d'ailleurs que cette substance, loin de s'accumuler

au moment des accès ne se forme alors qu'en quantité moindre.

Il admet en outre qu'à cette moindre production de l'acicle uriqu :

correspond la formation de composés azotés anormaux extrême-

ment toxiques quoique très voisins par leur constitution de cet

acide urique qu'ils remplacent temporairement et ce sont en défi-

nitive ces substances toxiques, parmi lesquelles le carbaminale

d'ammoniaque tient le premier rang, que Krainsky rend respon-

sable des accès d'épilepsie.

S'assurer de la diminution de l'excrétion urique à la veille des

accès comme l'avait déjà signalé Ilaig, tel devait être le premier

soin de l'auteur s'il voulait édifier sa théorie sur une base solide.

A cette fin il soumit, pendant des périodes de trois à quatre mois,

à un régime absolument constant, des séries d'épileptiques dont

les urines furent analysées quotidiennement. Le régime étant cons-

tant, l'analyse seule des urines nous importe. Si dans les minutieuses

observations données dans le mémoire nous recherchons l'abaisse-

ment du taux de l'acide urique que l'auteur signale comme caracté-

ristique des accès, certes nous le constatons bien à maintes reprises,

mais nous voyons aussi à cette prétendue règle des exceptions fois L

nombreuses. De plus, en regardant l'élimination urique de chaque

jour, nous voyons qu'elle varie quotidiennement, même dans les

périodes sans accès, d'une ,quantité qui va parfois du simple au dou-

ble. Supposons que dans ces périodes il se fusse produit des accès,

certains d'entre eux auraient forcément coïncidé avec des élimi-

nations faibles d'acide urique; ces coïncidences l'auteur les eût pas-

sées au profit de sa thèse, les cas contraires auraient été négligés

comme exception. Aussi pensons-nous que l'abaissement du taux

de l'acide urique, s'il ne peut être nié, ne peut point non plus être

affirmé. -

La seconde proposition de Krainsky est qu'au moment des accès

BIBLIOGRAPHIE. 347 ï

l'acide urique loin de s'accumuler dans l'organisme y devient plus

rare. Ses malades ont pris de la pipérazine, de la lithine, de la

lysidine, sans que ces soi-disants dissolvants de l'acide urique

augmentassent l'élimination de cette substance. Si les médicaments

donnés possèdent bien la vertu qu'on leur prête, cette expérience

prouve simplement que l'épileptique ne pâlit point par uricémie.

mais ne change naturellement rien à notre conclusion précé-

dente. -

L'auteur, qui, nous l'avons vu, fait de la diminution de l'excré-

tion de l'acide urique le point de départ même de sa théorie de

l'accès épileptique est maintenant appelé à se demander quelle est

la substance qui se forme dans l'organisme à la place de l'acide

urique. A priori il admet qu'elle doit être de constitution, voisine

de l'acide urique, de nature convulsivànte, et susceptible d'être

éliminée rapidement car les accès d'épilepsie sont brefs; et l'auteur

a élu le carbaminate d'ammonium.

Massen et Halin ont montré qu'en injection hypodermique chez

le lapin le carbaminate d'ammonium donne de la somnolence avec

ataxie, de l'irritation avec alaxie et amaurose. de la catalepsie et

finalement des convulsions cloniques et toniques l'our Krainsky,

qui a repris les expériences, la somnolence est due au carbonate

d'ammoniaque que les faits montrent être réellement cataleptisant

et qui, d'après toute vraisemblance, nait aux dépens d'une partie .

du carbaminate lorsque celui-ci s'absorbe lentement; le carbami-

nate injecté dans les veines donne en effet d'emblée l'épilepsie.

Le carbaminate d'ammonium est donc susceptible de causer des

convulsions : est-il réellement l'agent de l'épilepsie ? Il existe nor-

malement chez l'homme sain; est-il augmenté dans les accès ?

Krainsky le croirait, d'après plusieurs observations, mais il fait

encore des réserves sur ce fait. Le carbaminate s'élimine très vite;

l'auteur veut voir là une preuve de son identité avec l'agent de

l'épilepsie; à cela on peut objecter que bien des substances toxi-

ques s'éliminent fort vite. Enfin Krainsky ajoute qu'avec l'hypo-

thèse du carbaminate l'heureuse influence de KBr et du carbonate

de lithine devient tout à fait, aisée à comprendre et il la donne en

ell'et dans les séduisantes formules qui voici :

348 BIBLIOGRAPHIE.

nate d'ammonium du carbaminate de lithine et du carbonate

d'ammoniaque. Or, comme on sait que les bromures sont innocents

par eux-mêmes et que les carhaminates de lithine et de potasse

n'ont qu'une toxicité très faible par rapport au carbaminate d'am-

monium on s'explique ainsi facilement la sédalion des accès par

le bromure et le carbonate de lithine. Ces médicaments agissent-ils

réellement ainsi ? - il faudrait d'abord que le carbaminate de NU'*

exislât-il réellement pour qu'ils puissent exercer leur vertu selon

la formule, il faudrait ensuite que les choses se passent dans l'or-

ganisme comme in vitro; enfin quel rôle attribuera-t-on au brome

à l'état naissant ? '

En résumé, de ces faits il découle que le carbaminate d'ammo-

niaque est une drogue pouvant produire par injection intra-vei-

neuse de l'épilepsie expérimentale, quant à la regarder comme

l'agent de l'épilepsie essentielle, si tant est que cet agent soit tou-

jours le même, c'est là une hypothèse à laquelle le travail de

Krainsky n'a apporté aucune preuve qui ne soit sujette à critique.

Pour avoir rendu compte de tous les faits les plus importants

signalés par l'auteur, il nous reste encore à signaler quelques

remarques qui n'auraient pu trouver place dans notre exposé sans

le compliquer par trop. Krainsky signale que le sérum des épilep-

tiques en cours d'accès injecté à des lapins s'est montré inactif

. dans 60 à 70 p. 100 des cas, convulsivant à un léger degré dans

23 p. 100 des cas, nettement épileptisant dans 1 à : j p. 100 des cas.

L'examen des urines n'a montré à la suite des accès aucune

variation intéressante dans l'élimination des chlorures, des sulfa-

tes et de l'azote total ; seuls les phosphates étaient parfois plus

abondants; à la suite des accès l'albuminurie et la glycosurie n'ont

jamais été constatées.

Le carbonate de lithine a donné à l'auteur parfois des résultats

excellents là où le bromure était sans effets. La dose quotidienne

et d'ailleurs variable selon les sujets est de 3 à 4 grammes en

moyenne, trop faible elle n'agit pas, trop forte (souvent à 6 gram-

mes déjà) elle donne ou de la stupeur et des vomissements ou au

rédoublement des accès. L'amélioration produite par la lithine

dure moins que celle que donne les bromures. Les résultats éloi-

gnés ne sont pas donnés. AMMARD.

XII. Studio clin ici ed anatomo-palhologiei SItU' idiozia ; pel dottor

C.-B. Pellizzi, médecin de l'asile d'aliénés de Turin. Toiino,

fratelli Bocca, editori.

Ce volume de 21f pages, avec six belles planches, se compose

de trois mémoires. Le premier, de beaucoup le plus important, est

consacré à ['Idiotie symptùmatique de sclérose tubéreuse. Il repose

sur 25 observations, dont 3 personnelles. L'auteur rappelle que

BIBLIOGRAPHIE. 349

c'est il M, Bourneville que sont dus les premiers cas. Il analyse

longuement sept de ses observations, puis relate celles des autres

auteurs. Sa liste, en ce qui concerne les cas publiés par le méde-

cin de Bicêtre, est incomplète. Il y en a en effet trois autres insérés

dans les Comptes rendus du service de Bicêtre (voir lS91, p. 182

et 1899, p. 183).

Le second mémoire, consacré à la classification des idioties, pèse

et critique les classifications déjà publiées et se termine par une

classification anatomo-pathologique propre à l'auteur. Dans un

dernier mémoire, M. Pellizzi étudie les rapports de l'épilepsie et de

l'idiotie. .

Dans ce volume, M. Pellizzi a pris le soin de rendre justice à

tous ceux qui se sont occupés des maladies chroniques du système

nerveux des enfants, aboutissant aux idioties. Nous le signalons à

l'attention de tous les médecins aliénistes et neurologistes.

' D'' FnEEMAN,

XIII. Essai sur les phénomènes cliniques qui peuvent s'associer à la

respiration de CheY1 ! e-Slokes. Leur valeur ]Jal1w[]éniql/c; par le

Dr 'I'ECIiOUGYAES. (Th, Lyon, 1900-1901.)

\I. Téchoueyres étudie d'une façon approfondie les troubles qui

s'associent à la respiration de Cheyne-Stokes. D'abord les troubles

psycho-moteurs sur lesquels M. Pic a insisté dans une étude remar-

qnable. Ils consistent en un état d'obuubilation intellectuelle, un

repos psychique et moteur paraissant lié au repos des centres

respiratoires, à l'apnée. La phase d'hyperpnée s'accompagne d'une

véritable période d'excitation avec loquacité débordante et même

des phénomènes hallucinatoires visuels et auditifs. C'est une véri-

table poussée délirante qui revêt une allure rythmique comparable

à celle de la respiration. La force musculaire varie de même.

Les troubles oculo-pupilluires consistent en modifications du côté

de la pupille (Leube) et des muscles extrinsèques (Ziemssen. Biot).

Les troubles sensitifs : sensibilité amoindrie pendant l'apnée.

Les troubles de la réflectivité : les réflexes rotuliens varient en

raison inverse de la respiration ; les réflexes oculo-palpébraux

suivent les mêmes oscillations.

Les troubles circulatoires consistent en diminution de la tension

artérielle et accélération des pulsations pendant la pause ; les pul-

sations sont ralenties et la tension normale pendant l'hyperpnée.

Ces phénomènes, comme le Cheyne-Stokes, apparaissent et dis-

paraissent rythmiquement. Ils peuvent aussi se substituera lui;

l'auteur décrit un syndrome périodique oculo-pupillaire, véritable

équivalent du Cheyne-Stokes, qu'il désigne sous le nom de Cheyne-

Stokes céphalique. Les troubles respiratoires ne sont qu'un cas

particulier d'oscillations fonctionnelles rythmiques constituant le

syndrome périodique complet.

350 ' VARIA.

Pour lI. Téchoueyres les anciennes théories pathogéniques

(Traube, Filehne Cufrer) sont insuffisantes pour expliquer le

Cheyne-Stokes compris à ce point-de-vue très général ; la théorie

cérébrale est plus satisfaisante. Mais s'agit-il d'une insuffisance

cérébrale où d'un état convulsif là se pose le problème il résoudre ?

G. Cirrier.

VARIA.

Caisse d'épargne ET livrets appartenant A DES aliénés.

La première' chambre présidée par ;\1. Turcas, vient de rendre

son jugement dans une affaire qui intéresse ajuste titre deux éta-

blissements importants : les asiles d'aliénés du département de la

Seine et la Caisse d'épargne de Paris.

Dans le courant de l'année 1900, M. Hubert, receveur des asiles

d'aliénés, faisait 'présenter à la Caisse d'épargne quatre livrets

appartenant à des aliénées non interdites pour en faire régler les

intérêts. La caisse, en les examinant, s'aperçut que la dernière

opération, versement ou remboursement faits par les déposantes,

remontait à plus de trente années. Or, aux termes de la loi de 1833

sur les caisses d'épargne, complétée par la loi du 20 juillet 1893,

quand il s'est écoulé un délai de trente ans depuis un versement,

un remboursement, un achat de rente, ou « toute autre opération

faite à la demande du déposant », les sommes figurant au livret

sont prescrites et réparties, jusqu'à concurrence des trois cin-

quièmes, entre les sociétés de secours mutuels et les deux cin-

quièmes entre les caisses d'épargne.

Dans ces conditions, la caisse annula les livrets présentés décla-

rant à M. Hubert que leur montant était prescrit. Mais ce dernier

n'accepta pas cette manière de voir et, prétendant que les termes

de la loi : « ou toute autre opération faite à la demande du dépo-

sant » étaient essentiellement généraux et comprenaient, à n'en n'en

pas douter, « la présentation du livre pour le règlement des inté-

rêts », il soutint que la prescription n'avait pu s'accomplir en ce

qui concernait les livrets en question et que la caisse en devait le

montant aux intéressés Et M. Maucombte, membre du conseil de

surveillance des asiles des aliénés, prenant en mains les intérêts

de l'administration assignait la Caisse d'épargne pour la con-

traindre à restituer les sommes selon lui indûment perçues. La

caisse répondait que les termes de la loi étaient très nets, que le

varia. 351 L

règlement des intérêts se fait sur les livres de la caisse en dehors

de l'intervention du déposant, mécaniquement pour ainsi parler,

et que la volonté de celui-ci n'y est pour rien. Quant à la présenta-

tion du livret, elle ne saurait être considérée comme une « opéra-

tion ». Les circulaires ministérielles qui commentent la loi préci-

sent que l'opération doit laisser des traces dans les livres de la

caisse. Or, comment peut-il rester traces de la présentation d'un

livret ? " -

La caisse ajoutait que, depuis plus de cinquante ans, elle avait

procédé ainsi loyalement, franchement, sous l'oeil vigilant des

ministres du commerce et des finances dont elle dépend, et que

jamais aucune observation ne lui avait été faite. Ce sont ces deux

thèses opposées que soutenaient devant les magistrats de la pre-

mière chambre )le Ducuing au nom de 11. Alaucomble et )le Hoger

Allou au nom de la Caisse d'épargne de Paris.

Le tribunal a donné gain de cause à 11. Maucomble : il a estimé

que les termes de la loi étaient généraux, que le fait de présenter

le livret pour le règlement des intérêts rentrait dans les opérations

prévues par elle, et que le législateur n'avait pas eu- l'intention

d'appliquer les dispositions rigoureuses de la prescription à des

sommes appartenant à des déposants qui avaient gardé le contact

avec la caisse et indiqué par là qu'ils n'abandonnaient pas leurs

comptes.

Enseignement libre.

Faculté de médecine. Conférences de médecine légale psychia-

trique (2° trimestre scolaire). 11, le D1' Paul Garnier, médecin

- en chef de l'infirmerie spéciale : conférences de médecine légale

psychiatrique, de 1 h. 1/2 à 3 heures, le mercredi et le vendredi,

de I h. 1/2 à 3 heures, 3, quai de l'Horloge.

Des cartes d'admission sont délivrées au secrétariat de la Faculté

à 111, les Docteurs en médecine, les internes des hôpitaux et les

étudiants ayant passé leur 4° examen de doctorat. Après trois

mois d'assiduité à ce cours, un certificat de présence sera réguliè-

rement délivré. -

L'assistance DES aliénés en ALGERIE.

« Une brave femme d'Algérie, dit VAuron du 31 janvier a mis

deux mois à découvrir la résidence en France, de sa fille atteinte

de folie. La colonie ne possède point encore d'asile d'aliénés et

dépense chaque année des sommes considérables pour transporter

les pauvres malades loin de leur famille.

Comme il n'y a pas, en effet, d'asile d'aliénés en Algérie,

les aliénés sont transférés dans des conditions, souvent

3o2 bulletin bibliographique.

inhumaines, dans les asiles de 1\Iarseille, d'Aix et de Pierre-

feu. Les aliénés Arabes s'y trouvent dans un isolement com-

plet, médecins, administrateurs, infirmiers ne comprenant

pas leur langage. C'est là une situation à laquelle le Gouver-

nement de la République devrait s'efforcer de remédier

d'urgeuce. Dansée but, on pourrait diminuer les dépenses

militaires et administratives et consacrer les économies ainsi

réalisées à conslruire un asile.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Baver (A.). L'année psychologique (7c année), in-8° de SJ pages

avec figures. Paris 1901, Schleicher Irères, éditeurs. Prix : 18 fumes.

KOV.1,EVSIY. La migraine, in-18 de 200 liages. Prix : 3 fr. 50. Vignot

frères, éditeurs.

Jlax BIELSCIIOWSKY. AIielitis mut sehnervenen tzilndunq, in-8 de

92 pages avec 50 figures dont 9 en couleurs. Berlm 1901. Librairie

Karger.

JIeige (IL) et Feindel (E.). Sur la rurabililé des tics, in-8- de 10

pages. (Extrait de la Gazelle des Hôpitaux.) Pans 1901.

5)E ! Gc fil.). histoire d'un liqueur (lies variables, tics d'attitude),

in-8» de 30 pages. (Extrait du Journal de Médecine et de Chirurgie ]Jm-

tiques.) Pans 1901. -

MoREL (J.). La prophylaxie et le traitement du criminel récidiviste,

in-8» de 26 pages. Amsterdam 1901.

Fallut (Stéphane). De la sortie prématurée des aliénés, in-18 de

100 pages. Bordeaux 1901. Imprimerie Cadoret.

Toulouse (Ed.) et Marchand (L.). Le Cerveau, in-18» de ici pages

avec 51 figures. Prix : 2 fr. 30

'mçs (J.). L'hypnotisme et les suggestions hypnotiques, in-8 de

02 pages. Prix : 1 (r. 50. Nontpellrer 1901. Librairie Caulet et lits.

Zoac BUHGUET (A.) De la valeur comparative des procédés médi-

eaux et chi1' ! l1'gicaux et des exercices orthophoniques dans le traite-

ment de certains vices de prononciation, in-8° de 12 pages. Paris 1901.

(Extrait de La Parole.)

Zung BunGL'ET (A.). Rectification de la parole et développement des

restes auditifs chez un sourd-muet, in-8- de 20 pages. Taris 1901. 1.

(Extrait de La Parole.) ,

Le rédacteur-gérant : BOUHI'OEYILLE.

Evreux, ( : ft.lléatssex, Imp. 3-1902.

Vol. XIII. Mai 1902. N° 77

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

Note sur un cas d'hystéro-épilepsie à crises dis-

tinctes, avec ecchymoses spontanées et accès de

lièvre hystérique; ,

' Par le D' M. MUTTERER, 1

Médecin à l'hôpital de Mulhouse (Alsace).

Observation. Rosalie E..., dix-huit ans, entrée le 11 janvier

1899, au service de médecine de l'hôpital de Mulhouse.

Antécédents. De naissance illégitime et ayant perdu sa mère

de bonne heure, la malade ne peut donner aucuns renseignements

sur ses antécédents héréditaires.

Depuis l'âge de huit ans, elle est sujette à des attaques convulsives

qui se répètent généralement toutes les quelques semaines. Ces atta-

ques sont quelquefois précédées d'une aura très courte, pendant

laquelle la malade se voit égarée dans une vaste prairie très verte ;

parfois aussi leur approche s'annonce quelques heures, ou même un

ou deux jours à l'avance, par un sentiment de malaise général, des

vertiges, des bouffées de chaleur àla tête et une sensation de pesanteur

dans les membres. La perte de connaissance pendant les accès est

complète ; les morsures de la langue et des lèvres, de même que

les contusions de la tête, sont fréquentes, la miction involontaire

est, par contre, assez rare. Les attaques exceptées, la malade a

toujours joui d'une bonne santé, et, grâce à un excellent appétit,

elle a même atteint, ces dernières années, un embonpoint assez

considérable.

La menstruation s'est produite pour la première fois il y a cinq

mois, dans les circonstances suivantes. Depuis près de deux ans,

la malade remarquait qu'elle perdait presque toutes les semaines

Archives, 2- série, t. XIII. 23 3

3tVt CLINIQUE NERVEUSE.

quelques gouttes de sang ; 'elle n'y fit d'abord guère attention,

puis elle consulta un médecin, qui lui fit une saignée ; les écoule-

ments cessèrent et, au bout de trois semaines, les périodes firent leur

première apparition, pour revenir depuis d'une façon régulière

(la dernière fois il y a quelques jours).

Le médecin en question (SI. le Dr Meyer, de Mulhouse, qui a bien

voulu me confirmer l'exactitude de ces indications), pratiqua en

outre deux ou trois autres saignées à des moments où les symp-

tômes prémonitoires habituels (malaise général, vertiges, bouf-

fées de chaleur, pesanteur dans les membres) faisaient craindre

l'imminence d'une attaque ; chaque fois, cette dernière se trouva

évitée, ou du moins retardée. ,

. La dernière attaque dut avoir lieu hier, mais elle fut coupée dès

son aura par une amie de la malade qui, se trouvant en conversa-

tion avec elle et remarquant que ses yeux devenaient hagards, lui

versa sur la tête le contenu d'une cruche d'eau froide qu'elle tenait

à la main.

Aujourd'hui (11 janvier), la malade se sent mal à son aise; elle

se plaint de vertiges et d'une grande fatigue.

Etal actuel. Constitution robuste, teint normalement coloré,

pannicule adipeux très développé. Taille 1 m. 'J3, poids 64 kg. 5.

Température 36°,8..

L'examen des organes de la poitrine et de l'abdomen ne révèle

rien d'anormal. Les urines ne contiennent ni albumine, ni sucre.

La sensibilité cutanée est normale partout, de même que les ré-

flexes tendineux et l'état des pupilles. Bromure de potassium

(4 gr. par jour).

12 janvier. -Ce matin, en s'habillant, la malade remarque à son

genou droit deux taches bleuâtres de 1 à 2 centimètres de dia-

mètre. Elle dit en avoir observé quelquefois de semblables, ces der-

niers mois.

Ces ecchymoses ne s'accompagnent généralement d'aucune

sensation douloureuse et disparaissent au bout de quelques jours

sans laisser de traces. /

13. - Hier soir, à la vue d'une autre malade du service qui se

trouvait atteinte d'une crise hystérique, Rosalie a été prise elle-

même d'une attaque ; elle a eu le temps de se coucher, puis elle a

perdu connaissance et, pendant plusieurs minutes, tout son corps

a été agité de violentes secousses.

18. Petite ecchymose à la face interne de la cuisse droite.

Cessation du traitement bromuré à cause de l'apparition d'une

violente acné. Bains salins.

20. - Depuis hier, ecchymose (de la grandeur d'une pièce de

60 centimes) au genou gauche. - Aujourd'hui, vertiges et bouffées

de chaleur à la tête.

24. Hier soir, violente attaque convulsive de près d'un quart

HYSTÉRO-ËPILEPSIE A CRISES DISTINCTES. 385

d'heure. D'après la description de l'infirmière du service, la malade

serait tombée brusquement à la renverse et aurait eu de violentes

secousses dans les bras, les jambes et les muscles de la face ; la

perte de connaissance aurait été complète. Ce matin, grande

fatigue ; violentes morsures de la langue et de la lèvre supérieure.

28. Petite ecchymose à la jambe droite. - -

30. La malade, se sentant mal à son aise, ce soir, s'est cou-

chée ; elle se plaint de maux de tête, de bouffées de chaleur, de

palpitations et d'une sensation désagréable dans la gorge.

La température dans l'aisselle est de 38°,3 ; la fréquence du pouls

est de 124. A part cela, l'examen objectif ne révèle rien de parti-

culier. Seigle ergoté (3 x 0,30 par jour).

31. Plus de fièvre ; la malade se sent beaucoup mieux.

3 février. - Ce matin, assez forts vertiges. - Le soir survient la

menslruation ; les vertiges disparaissent. Cessation des poudres de

seigle ergoté. '

5. Ce matin à 7 heures, attaque convulsive que la soeur du

service décrit de la facon suivante : La malade était en train de

causer avec elle, lorsque tout à coup son regard devint fixe; elle

tourna une fois sur elle-même, puis tomba à la renverse en pous-

sant un cri rauque. Au bout de quelques secondes se déclarèrent

de violentes secousses dans les bras, les jambes et les muscles de

la face, pendant qu'une écume sanglante s'échappait des lèvres.

Après une dizaine de minutes, les convulsions cessèrent, mais la

malade resta encore près d'un quart d'heure sans connaissance ;

on la porta sur son lit où elle revint à elle, demanda d'un air

étonné où elle se trouvait, puis ne tarda pas à s'endormir d'un

profond sommeil. '

Au moment de la visite (à 9 h. 1/2 du matin), la malade vient de

se réveiller; elle se sent très fatiguée et se plaint de douleurs dans la

bouche, causées par d'assez violentes morsures de la langue et de

la lèvre supérieure.

22. La malade, qui s'est sentie relativement bien depuis sa

dernière attaque, se plaint, ces deux derniers jours, de vertiges et

de pesanteur dans les membres. Depuis quinze jours environ, il

s'écoule quotidiennement quelques gouttes de sang des parties

génitales. Seigle ergoté (3 x 0,3).

24. La sensation de pesanteur dans les membres et les verti-

ges ont disparu, de même que les écoulements de sang. -

Cessation des poudres de seigle ergoté.

3 mars. La menstruation a fait son apparition hier matin et

suit un cours normal. z

6. Depuis quelque temps, la malade s'est décidée à diminuer

la quantité excessive de nourriture qu'elle prenait habituellement

jusqu'ici; elle se trouve très bien de ce changement de régime.

356 CLINIQUE NERVEUSE.

Son poids, qui était encore de 65 kg. il y a dix jours, est au-

jourd'liui de 62 kg.

14. La malade se sent bien en ce moment; elle a toutefois

un peu de peine à s'empêcher de manger à sa faim. Le poids est

aujourd'hui de 62 kg. 1/2.

20. Depuis deux jours, maux de tête, vertiges, palpitations,

oppression, fièvre (le 18 au soir 38°,5, le 19 au matin 38°,6, le soir

39°,3, le 20 au matin 37°,5). Rien d'anormal à l'examen objectif,

si ce n'est qu'une petite ecchymose s'est montrée depuis ce matin

sur le dos de la main droite.

- 22. Plus de fièvre ni hier ni aujourd'hui, encore un peu de

palpitations. Poids = 57 kg. 1/2.

26. Aujourd'hui, deux attaques convulsives de dix à quinze

minutes chacune. 29. Poids = 59 kg.

31. La malade, qui se montre très irritable ces dix derniers

jours, et se dispute à tout propos avec ses camarades de salle,

demande à quitter l'hôpital. Elle se sent relativement bien en ce

moment. -

23 décembre 1900. Rosalie E... se fait admettre pour la se-

conde fois à l'hôpital. Depuis sa sortie, le 31 mars 1899, son état

n'a, dit-elle, pas beaucoup changé. Il y a eu, toutefois, l'été der-

nier, une amélioration sensible, à ce point qu'elle n'a pas eu d'at-

taques pendant près de six mois. Au mois de septembre, elle com-

mit l'imprudence de boire deux grands verres de vin ; le jour même,

il se produisit une attaque. Depuis, elle en a plusieurs, à des in-

tervalles variant de une à cinq semaines; ces derniers temps, elles

sont venues tous les huits jours ; la dernière a eu lieu hier. Les ec-

chymoses n'ont plus reparu depuis le printemps dernier.

Aujourd'hui, la malade se sent très énervée; elle se plaint de

maux de tête et de palpitations. L'examen objectif ne révèle

rien de particulier, à part des traces de contusions récentes à la

tête et de légères morsures de la langue et de la lèvre inférieure

(suites de l'attaque d'hier). Le poids est de 62 kg.

24. Ce matin, de bonne heure, la malade a eu une légère at-

taque. Au moment de la visite, elle est encore couchée; elle se

sent très énervée et se plaint de palpitations; le pouls est très fré-

- quent (424). - Peu après la visite, elle a une seconde attaque, très

faible aussi (secousses dans les bras pendant environ une demi-

minute). Traitement : Seigle ergoté (3 x 0,3 par jour).

25. La malade se sent bien, aujourd'hui. Elle me montre

trois ecchymoses, d'un diamètre de 1 à 3 centimètres, qu'elle a

remarquées depuis hier au soir à sa jambe gauche.

27. Cessation des poudres de seigle ergoté. Douches.

29. Les ecchymoses à la jambe gauche ont disparu. Ce matin,

léger saignement de nez. Ce soir, apparition des règles. '

5 janvier 1901. Ce matin, la malade se plaint d'un sentiment

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE A CRISES DISTINCTES. 357

de sécheresse dans le nez et dans la gorge. L'examen rhinoscopique

ne révèle rien d'anormal. Peu après cet examen, la malade se sent

mal à son aise; elle se couche et, à peine au lit, elle est prise de

convulsions, toniques d'abord, puis cloniques. Au bout de deux mi-

nutes environ, les secousses cessent, la malade se dresse pendant

quelques secondes sur son séant, tournant fortement la tête à

gauche et regardant fixement en arrière, puis elle retombe sur le

lit; elle reprend alors connaissance et répond aux questions qu'on

lui adresse, mais pendant près d'une minute encore ses membres

sont agités de légères secousses.

6. La malade se sent parfaitement à son aise ce matin. Elle

dit qu'elle a été avertie hier de l'imminence de l'attaque par des

étourdissements, puis par une sensationparticulière de gêne et d'op-

pression qui lui remontait de la partie gauche du ventre vers le coeur,

puis vers la gorge. La région ovarique gauche est très sensible à la

pression. Bromure de potassium (4 gr. par jour).

il. Grande irritabilité ces derniers jours. Légère acné. -

Bromure de potassium (5 gr. par jour).

13. - La malade se plaint toute la'matinée de vertiges et de ma-

laise ; elle se couche vers midi, sans vouloir rien manger.

A 2 h. 1/2 de l'après-midi, elle est prise d'une violente attaque

de convulsions, sans perdre toutefois entièrement connaissance :

c'est, dit-elle le soir, la première fois que, pendant un accès, elle

s'est rendu compte de ce qui se passait autour d'elle. -

14. La malade se sent fatiguée et découragée; elle se plaint

de violentes palpitations. Le soir, ces dernières augmentent, ac-

compagnées de vertiges et de bouffées de chaleur. La température

dans l'aisselle) est de 39°, la fréquence du pouls de 124. L'examen

objectif ne révèle rien de particulier.

15. Plus de lièvre aujourd'hui. Grand découragement à cause

des nombreuses attaques de ces dernières semaines. A partir d'au-

jourd'hui, la température est prise régulièrement matin et soir,

jusqu'à la fin du séjour à l'hôpital. Bromure de potassium (6 gr.

par jour, avec infusion d'adonis vernalis et codéïne, selon la for-

mule de Bechterew.) -

20. - Assez forte acné. La malade, tout en se sentant à son

aise, n'a plus autant d'appétit que par le passé; elle a diminué

de 2 k. 1/2 ces derniers temps (poids : 59 k. 1/2).

23. - Hier soir, température de 38°; ce matin, 36°,8; ce

soir, 37°5. La malade est abattue, de mauvaise humeur; elle se

plaint de douleurs dans le côté gauche et d'un peu de toux. Cons-

tipation depuis plusieurs jours, appétit mauvais, langue très

chargée. Rien d'anormal à l'auscultation. Lavement, Ventouses

scarifiées du côté gauche. Réduction de la dose de bromure à

4 grammes.

24. La malade a eu des selles abondantes après son lavement

358 CLINIQUE NERVEUSE.

et se sent beaucoup mieux aujourd'hui. Le matin, tempéra-

ture 36°, pouls 120; le soir, température 38°,4, pouls 128.

25. -Encore un peu de douleurs dans le côté gauche. Le matin,

température 36,6°, pouls 104; le soir, température 37°4.

26. Le matin, température 37°,2; pouls 116; le soir, tempéra-

ture 38°,1.

27. La malade se sent bien et n'a plus de fièvre aujourd'hui.

Elle attire ce matin mon attention sur une petite grosseur qu'elle

a remarquée depuis deux ou trois jours à la face externe de son

bras gauche : il s'agit d'une nodosité indolore située dans l'épais-

seur de la peau et correspondant à une tache rougeâtre de 1 c. 1/2

de diamètre, circonscrite et lègèrement papuleuse.

leur Février - La malade se sent bien ces derniers temps, sauf

que l'appétit est toujours encore diminué. Poids : 58 kilogrammes.

Hier soir, elle a senti une légère douleur à la face interne de la

cuisse gauche; en même temps, elle constatait qu'il s'était formé à

cette place une petite tumeur semblable à celle du bras gauche.

Cette nouvelle grosseur, du volume d'une demi-noisette et à peine

sensible à la pression, est située sous la peau, qui ne présente

d'ailleurs aucune altération visible. La nodosité au bras gauche a

presque disparu; la tache correspondante de la peau est devenue

bleuâtre et semblable aux ecchymoses superficielles observées

antérieurement.

- 2. Légère teinte bleuâtre de la peau au-dessus de la nodosité

de la cuisse gauche. Depuis aujourd'hui, grosseur semblable au

mollet gauche, un peu plus petite et située également sousla peau,

légèrement rouge à cet endroit.

3. Deuxième petite nodosité au mollet gauche, semblable à

la première. Au bras gauche, la tache bleuâtre, qui pâlit peu à

peu, présente une légère desquamation de l'épiderme.

6. La nodosité de la cuisse gauche diminue. Celles du mollet

gauche ont disparu, pour faire place à deux petites taches faible-

ment violacées. Hier, toute la journée, vertiges et bouffées de

chaleur; le soir, apparition des règles, qui n'ont toutefois duré

que jusqu'à ce matin.

8. Cette nuit, la malade a eu un accès de convulsions pendant

son sommeil; elle ne se souvient plus de rien ce matin, mais se

sent fatiguée. Peu après la visite, elle est prise-d'une attaque épi-

leptique typique, que j'ai l'occasion d'observer moi-même. En

train de causer avec une autre malade, elle pâlit tout à coup,

*.pousse un cri rauque et tombe comme une masse. Opisthotonos de

quelques secondes, avec tête fortement renversée en arrière et un

peu tournée à gauche ; face très pâle, mâchoires serrées, écume à

la bouche. Puis convulsions cloniques des bras et des jambes,

mouvements de rotation de la tête, avec violentes secousses des

muscles de la face, qui de pâle devient cyanosée. La perte de

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE A CRISES DISTINCTES. 359

.

connaissance est complète; les yeux sont tournés en haut ; les

pupilles sont entièrement dilatées et ne réagissent pas. Le pouls

est acccéléré (124). La respiration est d'abord saccadée, puis,

à la fin de la période convulsive, elle cesse pendant plusieurs

secondes pour reprendre d'une façon bruyante et devenir ster-

toreuse.

La durée de la période convulsive est de deux minutes environ,

puis la malade reste encore sans connaissance pendant près de dix

minutes. Au bout de ce temps, elle ouvre les yeux, mais n'est pas

encore bien orientée; on la porte alors dans son lit, où elle ne

tarde pas à s'endormir profondément.

9. La malade se sent très abattue, ce matin. Elle dit qu'elle

n'a pas senti venir l'attaque d'hier et qu'elle a été tout étonnée, en

se réveillant, de se trouver couchée tout habillée sur son lit.

13. Reprise de la potion au bromure et à l'infusion d'adonis

vernalis que la malade, découragée, avait refusé de prendre depuis

sa dernière attaque. L'état général est bon en ce moment; le poids

a de nouveau augmenté (60 kg.).

La nodosité à la cuisse gauche a entièrement disparu; à sa place,

il reste encore une petite tache légèrement verdâtre. L'ecchymose

au bras gauche, au-dessus de laquelle il existe encore un peu de

desquamation de l'épiderme, n'est presque plus visible mainte-

nant ; au mollet gauche, il n'y a plus rien de particulier.

16. Depuis hier matin, petite tache bleuâtre à la face interne

de l'avant-bras droit. Hier après-midi, la malade ressentit subite-

ment deux ou trois légères secousses dans les bras ; peu après, elle

fut prise (comme lors de l'accès du 5 janvier), d'une sensation d'op-

pression qui, partant de l'hypochondre gauche, remonta vers le

coeur et vers la gorge, puis elle eut une faible attaque convulsive.

17. - Vertiges, bouffées de chaleur, pesanteur dans les membres.

Saignée (100 gr.) dans le pli du coude droit.

18. Menstruation (qui dure jusqu'au 24 février et est très

abondante).

22. Petite tache bleue dans le pli du coude droit, près de

l'incision de la saignée du 17 (remarquée en enlevant le panse-

ment qui recouvrait celle-ci).

26. La malade, qui s'est disputée avec ses camarades de

salle, est très agitée. La région ovarienne gauche est très sensible

à la pression. L'examen de la sensibilité cutanée révèle l'existence

d'une zone hyperesthésique à cette place.

27. La malade est toujours très énervée et très irascible.

Pendant la visite, elle prend une crise de larmes avec sanglots

convulsifs; au bout de quelques secondes, elle glisse de la chaise

sur laquelle elle est assise, et, soutenue par l'infirmière, elle

tombe, d'abord sur son séant, tournant fortement la tête à gauche

et regardant pendant quelques secondes d'un air hagard derrière

360 CLINIQUE NERVEUSE.

... 5

elle (comme lors de l'attaque du 5 janvier), puis tout de son long.

Toujours gémissant et sanglotant, elle tourne plusieurs fois sur

elle-même, les bras et les jambes étendus ; puis elle reste couchée

pendant quelques secondes sur le ventre, avec les genoux forte-

ment fléchis; elle recommence ensuite à se rouler par terre. Pen-

dant tout ce temps, les pupilles ne sont guère dilatées; la perte de

connaissance n'est apparemment pas aussi complète que lors de

l'attaque du 8 février, bien que la malade ne réponde pas aux

questions qu'on lui adresse. L'accès fini, elle reprend rapidement

ses sens : elle se montre de suite orientée, se relève toute seule et

va se coucher sans avoir besoin de personne pour lui aider à se

déshabiller.

2 Mars. - Toujours grande irritabilité; maux de tête assez

violents. La région ovarienne gauche est très douloureuse à la

pression ; lorsqu'on la comprime fortement, la malade a la même

sensation d'oppression remontant au coeur et à la gorge qu'elle

a ressentie quelquefois au début de ses dernières attaques

convulsives. -

3. Ce matin, température de 37°,9 ; rien de particulier à l'exa-

men objectif. Toujours grand énervement; de plus, vertiges qui

ont été si forts, au moment de se lever, que la malade a été obligée

de se tenir à son lit pour ne pas tomber. Le soir, la température

est de nouveau normale (3 î ? ).

6. Par suite de son extrême irritabilité, la malade est, ces

derniers temps, en guerre continuelle avec ses camarades de salle.

Elle demande depuis quelques jours à quitter l'hôpital, ce qui,

sur ses instances, lui est accordé aujourd'hui,

Ce qui frappe' tout d'abord chez notre malade, c'est la

coexsistence d'attaques épileptiques et de crises manifeste-

ment hystériques. Comparons par exemple l'accès du

8 février 1901 d'une part, et ceux du 5 janvier, du 14 janvier

et du 27 février 1901 de l'autre. Dans le premier, le début

brusque avec cri initial, les convulsions toniques d'abord,

puis cloniques, l'écume à la bouche, la mydriase et l'im-

mobilité complète des pupilles, la perte absolue de la con-

naissance, la phase stertoreuse après la période convul-

sive, etc., mettenthors de doute la nature épileptique des acci-

dents observés. Le 27 février, par contre, le tableau est tout

différent : La malade, qui a été très irritable toute la

matinée, est prise d'une crise de larmes, glisse de sa chaise

et se roule par terre, tout en continuant à gémir et à san-

gloter ; la perte de 'connaissance n'est pas complète, les

pupilles ne sont pas notablement dilatées, l'accès n'est pas

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE A CRISES DISTINCTES. 361

suivi de la phase stertoreuse classique : en un mot, il n'y a

là rien de ce qui caractérise le mal comitial. Le 5 janvier,

nous avons, il est vrai, des convulsions qui rappelent celles

de l'épilepsie, mais elles ont été précédées d'une aura

franchement hystérique (sensation de boule remontant d'un

point ovarique gauche vers le coeur, puis vers la gorge), et

sont suivies d'une ébauche d'attitude passionnelle ; enfin, le

14 janvier, la malade n'a pas entièrement perdu connais-

sance et se souvient vaguement de ce qui s'est passé autour

d'elle pendant l'accès. -

Nous avons donc affaire à un cas typique de cette combi-

naison de l'hystérie et de l'épilepsie que Landouzy a appelée

« hystéro-épilepsie à crises distinctes ». En effet, il est

certain que, si la forme hybride des deux névroses, admise

longtemps par les anciens auteurs, n'existe pas, il n'est pas

extrêmement rare de voir « les deux affections marcher l'

pour ainsi dire de pair, les crises caractéristiques de chacune

d'elles se produisant alors isolément ». (Bourneville et

d'Olier 1).

Le plus souvent, c'est l'hystérie qui vient se greffer sur

une épilepsie déjà existante, pour se développer avec

d'autant plus de facilité sur le terrain déjà affaibli par le

mal comitial. C'est sans doute ce qui aura eu lieu aussi chez

notremalade. Probablement, les attaques observées dès l'en-

fanceaurontété uniquementdenature épileptique, et plus tard

seulement l'hystérie aura fait son apparition; sans doute,

comme si souvent, la puberté aura été l'époque décisive sous

ce rapport, d'autant plus que c'est à ce moment que la

malade a commencé à s'occuper sérieusement de son état de

santé et à envisager toute la gravité de ses accidents con-

vulsifs. Lors de son premier séjour à l'hôpital (donc peu

de temps après), l'hystérie ne jouait pas encore chez elle le

rôle prépondérant qu'elle prit plus tard, bien que, malgré

l'absence de stigmates, il est évident qu'elle existait déjà à

cette époque. Deux ans après, elle s'était si bien développée

que, pendant le deuxième séjour à l'hôpital, la plupart des

crises observées purent lui être attribuées ; de plus, on put

' Note sur un cas d' hystéro-épilepsie chez l'homme. (Progrès midi-

cal, f80). Voir sm l'hystéro-épilepsie à crises distinctes : Cliarcot. Leçons

sur les maladies du système nerveux, t. 1, t3, leçon, et Leçons du Mardi

à la Salpêtrière, t. I, 22' leçon, et t. II, IS' leçon.

362 CLINIQUE NERVEUSE.

constater alors une ovarie bien caractérisée, avec zone hyper-

esthésique correspondante de la peau de l'abdomen.

L'existence de l'hystérie, dûment établie désormais, don-

nait une signification particulière à deux phénomènes dont

la nature semblait peu claire jusque-là : nous voulons

parler des ecchymoses spontanées et des accès de fièvre

observés de temps en temps chez notre malade.

Les ecchymoses spontanées se rencontrent aussi bien dans

l'épilepsie que dans l'hystérie. Dans la première, elles ne

constituent toutefois qu'un symptôme consécutif des attaques,

causé par la brusque élévation de la pression artérielle

pendant ces dernières. (Binswanger 1.) Dans l'hystérie, par

contre, leur origine est toute différente et d'une explication

beaucoup plus complexe. Dans certains cas, elles sont en

relation directe avec les crises convulsives, notamment avec

les hallucinations terrifiantes (violences, coups reçus, etc.),

qui accompagent souvent celles-ci; elles sont alors « sous la

dépendance directe de l'auto-suggestion mise en oeuvre

localement par le rêve de l'attaque. » (Gilles de la Tourette2.)

Dans d'autres cas, elles n'ont aucun rapport avec les accès;

elles peuvent alors survenir à la suite d'émotions, ou bien

sans cause apparente ; souvent elles ne s'accompagnent

d'aucune sensation subjective, de sorte qu'elles peuvent

passer complètement inaperçues (Gilles de la Tourette).

C'est de cette dernière catégorie que se rapprochent aussi les

ecchymoses observées chez notre malade. Elles survinrent en

général sans cause appréciable, et, bien qu'elles se soient

montrées de préférence aux environs des époques où se

produisaient les attaques, elles ne furent pas manifestement

dépendantes de ces dernières. Elles consistèrent le plus

souvent en de simples taches rougeâtres ou bleuâtres,

absolument indolores et qui disparaissaient au bout de quel-

' Die Epilepsie (Wien, 1899), p. 218. ! Traité clinique el thérapeutique de l'hystérie, t. II, chap. X. - Voir

aussi un article du même auteur dans la Nouvelle Iconographie de la

aussi un article du même auteur dans )a...VoMueMe /co)to ? apA : e de a

Salpêtrière, 1. III, 1890. Différents cas d'ecchymoses spontanées se

trouvent relatés entre autres par Parrot (Gazette hebdomadaire, 1859) et

par Mora (Des hémorragies dans l'hystérie, Thèse de Paris, 1880).

Bourneville, Louise Laleau ou la stigmatisée belge; Iconographie

phot. de la Salpêtrière, 1876-1880 ; Archives de Neurol., 1901, t, XII,

p. 264.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE A CRISES DISTINCTES.' 363

ques jours sans laisser de traces. D'autres fois (lors des

poussées successives des 24 janvier, 31 janvier et 3 février

1901), elles formèrent des nodosités légèrement doulou-

reuses dans le tissu sous-cutané ou dans l'épaisseur de la

peau (dans ce dernier cas, observé le 24 janvier, avec

desquamation consécutive de l'épiderme 1.)

Les accès de fièvre furent constatés à cinq reprises

différentes pendant les deux séjours que notre malade fit à

l'hôpital : le 30 janvier 1899, du 18 au 20 mars 1899, le

14 janvier 1901, du 22 au 26 janvier 1901, le 3 mars 1901.

Les phénomènes subjectifs qui les accompagnèrent furent

toujours à peu près les mêmes et consistèrent notamment en

maux de tête, vertiges, palpitations, sentiments d'oppression,

bouffées de chaleur ; quant à l'examen objectif, il resta

toujours sans aucun résultat. Une seule fois, le 22 janvier

1901, des troubles digestifs (inappétence, constipation,

langue saburrale) purent faire songer à une intoxication par

le bromure. Immédiatement, la dose de ce médicament, qui

était de 6 grammes par jour, fut réduite à 4 grammes, un

lavement fut administré à la malade et les troubles digestifs

se dissipèrent ; mais la fièvre n'en reparut pas moins, d'une

façon intermittente, le 24 et le 26 janvier. Les autres fois,

il n'y eut pas moyen de trouver une cause plausible des acci-

dents fébriles observés. Le plus naturel était donc de chercher

l'explication de ces derniers dans les affections nerveuses

dont souffrait la malade.

Dans l'épilepsie, les élévations de température sont fré-

quentes ; elles s'observent régulièrement aussi bien dans

l'état de mal que, à un moindre degré, dans les attaques

isolées (Bourneville 2); mais pas, comme dans le cas qui

nous occupe, sans aucun rapport avec ces dernières. Dans

l'hystérie, par contre, la fièvre peut se présenter indépen-

damment des crises convulsives 3, revêtant soit le type

1 Cf. Une desquamation analogue dans un cas de Martin, cité par

Mora.

* Recherches cliniques el thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et

l'idiotie, vol. XII, 1892, 2° part., chap. m (article qui résume et com-

plète les résultats des recherches antérieures de l'auteur sur ce sujet).

3 L'élévation de la température dans l'accès épileptique étant due

surtout au travail musculaire produit pendant la période tonique, il

peut se faire que, exceptionnellement, l'accès hystérique soit aussi suivi

364 CLINIQUE NERVEUSE.

continu, soit le type intermittent, ou bien, comme chez

notre malade, celui de courts accès isolés. C'est, il est vrai,

un phénomène rare et qui a même été beaucoup contesté' ;

toutefois, un certain nombre d'observations concluantes

mettent son existence réelle hors de doute 2.

Cette dernière n'a d'ailleurs rien d'inadmissible en théorie.

En effet, l'hystérie étant caractérisée par « un ensemble de

troubles fontionnels ou dynamiques du système nerveux 3 »,

dont nous ne connaissons pas encore les limites précises, il

ne serait pas plus extraordinaire de voir se produire de

l'hyperthermie par suite d'une excitabilité morbide des

centres thermogènes, que des convulsions, des paralysies et

des contractures par suite d'un fonctionnement anormal des

centres moteurs. Puis les résultats de différentes expériences-

viennent à l'appui de cette manière de voir. Ainsi, Debove a

pu produire artificiellement, par suggestion pendant le

sommeil hypnotique, une élévation de température de 'l,5 1.

D'autre part, il a été possible de retrouver dans les urines

de malades atteintes de fièvre hystérique les mêmes parti-

cularités qui, d'après les recherches de Gilles de la Tourette

de fièvre (jusqu'à 38-38°5,) lorsqu'il est accompagné de convulsions

toniques. (Cf. Cliarcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I,

136 leçon.) -

1 La principale objection qui a été élevée contre l'existence de la

fièvre hystérique est le fait que, dans certains cas, des malades ont pu

simuler des élévations de température en faisant monter artificiellement

(par exemple par des frictions répétées) la colonne mercurielle du ther-

momètre placé dans leur aisselle. Strümpell, par exemple (Specielle

Pathologie und Thérapie, î° Aull., Bd. II, 1, p. 527) dit n'avoir jamais

constaté de fièvre chez des hystériques lorsqu'il prenait lui-même la tem-

pérature rectale, et cela même dans des cas où peu de temps aupara-

vant des mensurations faites en l'absence du médecin avaient accusé une

hyperthermie considérable, Chez notre malade, la température fut prise

(dans l'aisselle) plusieurs fois en notre présence, lorsque les symptômes

généraux habituels (tachycardie, sang à la tête, chaleur de la peau) nous

avaient fait admettre la probabilité de la fièvre ; jamais nous n'eûmes

lieu de soupçonner une supercherie.

' Voir entre autres : Gilles de la Tourette, Op, cit., t. II, chap. XI ;

Chauveau, Forme clinique et pathogénie de la fièvre hystérique (Thèse

de Paris 1888) ; Sarbo, Ûber hysterisches Fieber (Archivi sur Psychiatrie,

Band XXIII, 1892).

3 Dutil, Hystérie (Traité de médecine de Charcot, Bouchard et Bi issaud,

t. VI, p. 1322).

' Cf. Gazette hebdomadaire, t. XXII, 1885, p. 123.

HÉMIMÉLIE CHEZ UN ALIÉNÉ. 365

et Cathelineau, caractérisent les urines émises pendant

l'accès convulsif (c'est-à-dire la chute du résidu fixe, de

l'urée, des phosphates avec inversion de la formule de ces.

derniers); ce qui prouverait que la fièvre hystérique ne serait

rien d'autre que l'équivalent thermique de l'attaque con-

vulsive'.

Nous n'hésitons donc pas à attribuer à l'hystérie les

élévations de température observées chez notre malade,

aussi bien que les ecchymoses spontanées dont nous avons

parlé plus haut et dont la genèse s'explique sans doute

d'une façon analogue à celle des accès de fièvre. Les

deux phénomènes ne sont évidemment pas subordonnés aux

attaques convulsives, bien que plusieurs fois ils aient été

observés à peu près à la même époque que ces dernières; ce

sont plutôt, au même titre qu'elles, des manifestations

coordonnées et équivalentes du trouble apporté par la né-

vrose dans le fonctionnement du système nerveux.

RECUEIL DE FAITS.

Une observation d'hémimélie chez un aliéné;

PAR LES DOCTEURS

S. GARNIER, ET A. SANTENOISE,

Médecin en chef, Directeur Médecin adjoint

de l'Asile de Dijon.

Le nommé V..., François, soixante-huit ans, ancien instituteur,

marié, père de trois enfants vivants et bien conformés, est entré à

l'asile le 17 septembre 1900, atteint d'excitation maniaqne, aujour-

d'hui en voie de démence. L'état mental de ce malade ne présente

aucun relief intéressant, sauf qu'il vient d'être atteint d'un héma-

tome de l'oreille gauche, au commencement d'avril. Ce n'est pas

sur ce point que nous nous proposons d'appeler l'attention, mais

sur une malformation relevée dans sa structure physique. Cette

CI. Gilles de la Tourette, op. cit., t. II, chap. 2-et chap. 11.

366 RECUEIL DE FAITS.

malformation consiste dans la disparition partielle de l'avant-bras

du côté droit, qui n'est représenté que par un moignon conique

19 47). , . , .

La longueur du bras droit (de l'acromion au coude) est de

34 centimètres et se trouve égale à celle du bras gauche. Quant au

moignon qui lui fait suite, il a dans la position rectiligne une lon-

gueur de 12 centimètres. Si l'on palpe ce moignon avec soin, on

percoit très nettement la présence de deux segments osseux qui

correspondent aux extrémités supérieures du cubitus et du radius.

La portion cubitale, plus courte que la portion radiale, chevauche

sur celle-ci, sàns lui être adhérente. C'est bien le segment radial

qui occupe l'extrémité conique du moignon (fit. 18).

Dans sa plus grande circonférence et au niveau de l'articulation,

le moignon mesure 23 centimètres ; il a la forme conique et la

pointe en est lisse.

Fig. 17.

Fig, 1,

368 RECUEIL DE FAITS.

En dedans, à 2 centimètres de son extrémité, est implanté un

doigt rudimentaire muni de son ongle, à l'intérieur duquel la pal-

pation ne révèle aucun nodule osseux ou cartilagineux. Ce doigt a

2 centimètres de longueur et semble correspondre au pouce. En

arrière de lui, on constate qu'il existe une sorte de bourrelet

cutané, d'environ deux centimètres, sur lequel on aperçoit deux

sillons qui le divisent en trois segments. Il est tout à fait vraisem-

blable d'admettre que ces trois segments sont l'ébauche de trois

doigts qui sont de moins en moins saillants. (Fig. 18.)

Sur le reste de l'ensemble du corps, on ne découvre pas d'autres

malformations; notons toutefois sur la face antérieure et posté-

rieure du tronc, la présence de nombreux noevi plus ou moins

gros et comparables à des mamelons en miniature. L'un d'eux,

situé à 2 centimètres au-dessus de l'extrémité inférieure du ster-

ternum, ressemble absolument à un mamelon surnuméraire ; au

surplus, les deux mamelons existants sont implantés plus bas

qu'à l'état normal. z

Au point de vue fonctionnel, les diverses sensibilités (tactile,

thermique, etc.) du moignon paraissent normales et les mou-

vements de flexion et d'extension sont parfaitement libres. Le

malade pouvait bêcher et piocher son jardin, il écrivait correcte^

ment de la main gauche. Il n'a aucun signe de dégénérescence;

sa taille est de 1 m60 1.

Réflexions. Notre cas rappelle de très près celui qui

figure à la page 129 sous le n° 37 des gravures du livre (les

anomalies chez l'homme) de Louis Blanc (Paris, J. Baillère,

1873) et la rareté des faits analogues publiés ajoute à l'intérêt

de notre observation. La question de l'origine des mons-

truosités des membres se trouve en outre posée de nouveau.

Sans vouloir nous arrêter à la discussion qui a été faite du

mécanisme de ces monstruosités, il semble bien évident

qu'il s'agit, en ce qui concerne celle de notre malade, de la

forme de monstruosité désignée sous le nom d'lIÉ\IIrtÉLIE,

avec cette particuliarité spéciale que la présence de doigts

rudimentaires viendrait appuyer la théorie exposée par

Mathias Duval dans son article sur la Pathogénie générale

de l'Embryon, (Traité de Pathologie de Bouchard.) Cet auteur

' Nous avons publié autrefois dans la Revue photogr. des hôpitaux

(1871, p. 7) un cas analogue avec dissection par notre ami Troisier. Le

même volume contient deux autres cas. L'an dernier, au Congrès de

Limoges, nous avons montré une série de photographies et de radio-

graphies relatives à diverses malformations, dont deux cas d'hemi-

mélie. Lorsque nous publierons ce travail, nous rappellerons le cas

très intéressant de 111bi. Garmer et Santenoise (B.). '

· HÉMIMÉLIE CHEZ UN ALIÉNÉ. 369

après avor énuméré et décrit les arrêts du développement

connus sous les noms d'ect·o7télie et de phocomélie, y

ajoute une troisième forme de monstruosité désignée sous le

nom d'hémimélie, forme dans laquelle rentre tout à fait celle

de notre sujet. Elle est (loc. cil., t. I, p. 248) « carac-

térisée par la présence de bras ou de cuisses biendéveloppés,

terminés par des doigts imparfaits. » Cet état continue le

même auteur, « ne correspond à aucune phase embryologique,

à aucun stade de développement. Ici encore il s'agit d'une

amputation congénitale ; mais comment se fait-il que ce

moignon, représentant la base du membre, puisse porter des

extrémités digitales rudimentaires ? Ici intervient une pro-

priété particulière des organes embryonnaires, la régéné-

ration qui mérite bien de nous arrêter un instant, vu le jour

tout spécial qu'elle jette sur l'interprétation des malforma-

tions. Simpson cite le cas d'un foetus dans le bras fut

amputé par un repli membraneux, dans l'utérus même, et au

moment de la naissance, on voyait sur le moignon résultant

de cette section complète du bras, trois tronçons ou mieux

trois bourgeons, qui indiquaient la tendance des tissus du bras

à repousser. On trouve à ce sujet une précieuse observation

présentée par Variot, et une intéressante discussion de la

question dans les bulletins de la Société d'Anthropologie

(1890, p. 224 et 489) ; il s'agit d'un cas d'Hémimélie

dans lequel la présence de bourgeons digitaux portait à voir

une malformation et non une amputation congénitale. Or,

sur la remarque présentée par nous de la possibilité de

répullulation des tissus embryonnaires, une étude plus atten-

tive du moignon et sa dissection minutieuse rendit évident

et le fait d'amputation et celui de production de nouveaux

bourgeons, car les tubercules digitauxnerenfermaient aucun

nodule osseux ou cartilagineux. » .

C'est ainsi que les choses se sont passées chez notre

malade; son avant-bras a dû être l'objet d'une amputation

intra-utérine produite, soit par un pli membraneux amnio-

tique, soit par le cordon et il nous semble que les bourgeons

digitaux, remarqués sur le moignon, qui ne renferment eux

non plus de nodule osseux ou cartilagineux, corroborent

bien le fait de cette amputation suivie de régénération

partielle'. Nous nous proposons, au surplus, si le malade

Il Il y a lieu de faire des réserves sur cette interprétation (B.). ·

Archives, 2° série, t. XIII. 24

370 RECUEIL DE FAITS.

vient à décéder, de réclamer près des parents l'autopsie du

moignon et au besoin son enlèvement, pour en faire la

dissection, de façon à ne laisser aucun doute sur l'inter-

prétation pathogénique du fait qui nous a paru en lui-même

très digne de mention.

Nota. Les photographies sont dues à l'obligeance de M. Guillot,

étudiant de l'Ecole de médecine, et l'épreuve radiographique à celle de

notre excellent confrère et ami, le Dr Perruchet, chef de clinique chirur-

gicale de l'École, chargé du service radiographique et chirurgien de

l'asile des aliénés.

Observation de paralysie générale gémellaire

homomorphe (Délire des négations) ;

PAR Il

· Le D P. KERAVAL ht T Le Dr G. RAVIART

Directeur, Médecin en chef de l'Asile Médecin adjoint de l'Asile

d'Arnientiércs . d'Armcntieres.

Différents auteurs ont décrit des cas de folie survenant t

chez des jumeaux, et insisté sur la similitude parfois décon-

certante des idées délirantes apparues chez eux, tantôt à peu

de temps d'intervalle, tantôt au contraire à des intervalles

beaucoup plus considérables (jusque 12 ans).

Soukhanoff dans un travail paru en 1900 ', a réuni les cas

de confusion mentale avec excitation, folie circulaire, délire

de persécution avec dépression, folie hallucinatoire, paraly-

siegénérale, observés chez des jumeaux, et lui-même rapporte

une observation dans laquelle les sujets, âgés de trente-

trois ans, après avoir fait leurs études à l'Ecole militaire où

déjà ils s'étaient montrés distraits et désobéissants, avaient

présenté les symptômes d'une démence précoce, progressi-

vement développée chez eux.

L'observation que nous publions aujourd'hui, est un

exemple fort remarquable de ce genre de cas.

ODSERVATI015. - Quinzeb... (Alphonse-Désiré), né le 11 mai 1849,

bobineur, indigent, sait lire et écrire, entre àl'asile d'Armentières,

le 14 septembre 1888.

' Soukhanof. Iilinikitschesky journal, no 4, 1900.

PARALYSIE GÉNÉRALE GÉMELLAIRE HOMOMORPHE. 371

Pas d'antécédents héréditaires. amère vivante bien portante..

Pas d'antécédents personnels connus, l'enquête déclare qu'il n'était

pas alcoolique et ne se livrait à aucun excès.

Marié en février 1873, il a deux enfants : une fille de treize ans,

un garçon de deux ans et demi.

Sa femme meurt le 30 mai 1888 ; à partir de cette époque, ses

facultés intellectuelles s'affaiblissent progressivement; très sombre,

il détournait la tête et ne répondait pas lorqu'on lui parlait. Man-

geant peu, il refusait parfois la nourriture qu'on lui présentait :

« Je n'ai pas faim, ça ne passe plus, je suis mort ! » répondait-il. Il

ne voulait plus travailler, restait couché toute la journée, pleurait

souvent. On dut procéder à son internement.

Il présentait lors de son admission tous les signes de la paralysie

générale progressive à forme lypémaniaque avec délire des néga-

tions. Affection causée d'après l'entourage du malade par le

chagrin éprouvé par ce dernier lors de la mort de sa femme.

La paralysie générale évolua très rapidement, l'affaiblissement

physique fit de rapides progrès et le malade mourut le 20 jan-

vier 1889 dans le marasme paralytique.

Son frère jumeau, Quinzeb... (Jules Victor), filtier, indigent,

sait lire et écrire, entre à l'asile d'Armentières, le 3 novembre 1896.

Pas d'antécédents personnels connus, ni alcoolique, ni syphyli-

tique. Marié en septembre 1875, il a cinq enfants âgés de cinq,

douze huit, six et quatre ans.

Il aurait été atteint, cinq mois avant son entrée, d'une « congestion

cérébrale » et depuis cette époque, aurait donné quelques signes

d'aliénation mentale. Ce n'est toutefois que six semaines avant que

les troubles mentaux devinrent très apparents. « Il ne sait plus ce

qu'il dit ni ce qu'il fait, déclare sa femme lors de l'enquête, il ne

veut plus manger et dit qu'il est mort, il frappe si on veut l'obliger

à s'alimenter, il garde le lit. » Lors de son entrée à l'asile, son état

est le suivant :

Mélancolie présentant la forme de délire des négations; très

déprimé, il répond ^. peine aux questions qu'on lui pose, pleure

sans cesse : « tout est perdu, la nourriture ne lui profite pas, il est

mort ou presque mort, n'a plus de jambes ». Refus d'aliments : il

n'existe plus, et n'a donc pas besoin de manger. Bien que les

signes physiques manquassent à cette époque, le diagnostic de para-

lysie générale fut posé.

Ce diagnostic ne tarda pas a être confirmé; les signes physiques

de la paralysie générale apparurent. Les idées délirantes moins

actives ne tardèrent pas à disparaître, et le malade très affaibli

physiquement-et intellectuellement, gâteux, succombait dans le

marasme paralytique le 29 mai 1899. Notons que sur ces entrefaites,

sa femme, atteinte de paralysie générale après l'internement de

son mari, était morte au mois de janvier de la même année.

372 RECUEIL DE FAITS.

Il s'agit, en résumé, de deux frères jumeaux, sans antécé-

dents héréditaires ni personnels connus, non alcooliques,

non syphilitiques, mariés et vivant par conséquent séparé-

ment, qui ont fait à huit années d'intervalle, l'un à trente-

neuf ans, l'autre à quarante-sept ans de la paralysie géné-

rale progresive à forme mélancolique avec délire des néga-

tions. Chez le premier, la mort survint au bout de huit mois,

chez le second, après trois ans.

Ce qui nous paraît le plus intéressant dans cette observa-

tion, c'est d'abord l'apparition chez les deux frères de la

même affection, la paralysie générale, survenant sans cause

apparente; c'est surtout la constitution chez chacun d'eux

d'un type clinique rigoureusement identique : mêmes idées

délirantes de négation exprimées de la même façon, par les

mêmes phrases, mêmes réactions, même évolution.

Il ne saurait être question de folie induite dans ce cas par

la simple raison qu'il s'agit de paralysie générale, que les

jumeaux ne vivaient pas ensemble et qu'enfin un intervalle

de temps considérable, huit années, s'écoula entre l'affection

de l'un et celle de l'autre. '

Faut-il admettre une simple coïncidence ? La similitude

des deux cas nous paraît trop grande pour qu'il n'y ait

aucun rapport entre eux. Il s'agit bien, pour nous, d'un cas

de folie gémellaire apportant une contribution très originale

à l'étude de l'étiologie de la paralysie générale.

Un cas intéressant de paralysie faciale double

d'origine périphérique;

Par le D' DIAX-DELGADO.

On a écrit beaucoup sur la paralysie faciale, mais le cas

que je vais rapporter, mérite je crois d'être publié.

Il s'agit d'un malade qui a souffert de, deux paralysies faciales

périphériques en trois ans, mais complètement différentes : la

première, du côté droit, légère, en septembre 1898; la seconde, du

côté gauche, grave,' en septembre dernier.

L'histoire du malade est la suivante. M. S ? âgé de soixante-deux

PARALYSIE FACIALE DOUBLE. 373

ans, constitution, bien portant, pas alcoolique, pas de syphilis, se

présenta à ma consultation en septembre 1898. avec la face

classique de la paralysie faciale périphérique. Le malade interrogé

dit que sa maladie se présenta tout à coup, peu de jours avant,

sans aucun signe de troubles cérébraux.

Exploré par moi, il avait une abolition des mouvements réflexes

et des mouvements associés de la moitié de la face paralysée. A

l'examen électrique du nerf et des muscles, simple diminution de

la contractilité galvanique et faradique, sans réaction de dégéné-

rescence.

Le traitement consista simplement dans le souffle électrosta-

tique, et petites étincelles, sur la moitié droite de la face. Le

malade est complètement guéri en vingt séances.

11 n'eut aucune nouveauté jusqu'en septembre dernier, qu'il sen-

tit pendant deux ou trois jours, une légère tension du côté droit de

la figure, celui qui autrefois fut paralysé, et présentant un nouvel

accès, mais du côté gauche, et survenu aussi subitement, et sans

troubles cérébraux.

A première vue, la nouvelle paralysie était exactement la même

que celle qu'il avait eue sur l'autre moitié de la face : il n'eût non

plus rien dans l'ouïe, ni dans la bouche; seulement troubles du

goût;. présentait le phénomène de Bell (ne peut pas fermer

les paupières du côté gauche sans dévier en même temps le

globe oculaire en haut et en dehors). Les réactions électriques

du nerf et des muscles indiquèrent la gravité de ce second accès.

Il y avait abolition complète des réactions faradique et galvanique

du nerf et abolition faradique et grande diminution de la contrac-

tilité galvanique des muscles, avec inversion de la formule;

c'est-à-dire la réaction de dégénérescence complète.

Bien que j'aie commencé le traitement électrique, le deuxième

jour de sa maladie (courants galvanique et de Watteville, et le

massage, je n'ai pu éviter les troubles trophiques, et pour cela

j'ai employé les courants de Morton et les étincelles médiates,

comme le recommande M. Bordier, arrivant non seulement à cor-

riger les troubles trophiques, sinon à la guérison presque com-

plète, que j'espère dominer tout à fait.

Alors, de quoi peut dépendre cette grande différence d'un

accès à un autre ? Indubitablement du point lésé, qui, dans

la première paralysie, devait être en dehors du canal de Fal-

loppe, et dans la seconde en dedans de ce canal, au niveau

de la corde du tympan, et en conséquence dans un endroit

qui, étant inextensible, produit la dégénérescence du nerf,

lorsque celui-ci augmente de volume par l'inflammation.

Ce cas enseigne que pour faire un bon pronostic dans les

374 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

paralysies faciales périphériques, il faut faire une minutieuse

exploration électrique, qui montre l'état des nerfs et des

muscles, afin de ne pas commettre de grosses erreurs.

Enfin, nous avons cru devoir le publier, car c'est un cas

original devoir, chez le même malade, deux paralysies facia-

les périphériques : une du côté droit, légère, et l'autre du

côté gauche, grave.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

LVII. Étiologie de certaines paralysies radiales ; par Lannois.

(Société des Sciences médicales de Lyon, 21 mars 1900.)

M. Lannois rapporte l'observation d'une malade atteinte de para-

lysie radiale dont l'étiologie est complexe. Cette femme s'était

endormie dans la position classique et s'était réveillée avec une

sensation d'engourdissement dans le bras, mais sans troubles

moteurs. Elle avait redouté simplement à ce moment là d'être

vraiment paralysée. Le lendemain la paralysie était devenue com-

plète. Un traitement électrique amena la guérison en trois semaines.

M. Lannois pense que les l'acteurs étiologiques sont ici multiples

et qu'il faut invoquer : Il l'alcoolisme; cette femme était alcoo-

lique ; 2° l'hystérie ; elle avait des stigmates de nervosisme et des

antécédents héréditaires ; 3° la compression du nerf. G. C.

LVIII. Vertige familial; par LANNois. (Société des Sciences médi-

cales de Lyon, 21 mars 1900.).

M. Lannois rapporte l'histoire d'un cas de vertige familial ob-

servé chez une petite fille âgée de douze ans.

Cette enfant présente depuis l'âge de trois ans des vertiges

intenses avec nausées, vomissements, sans aucune lésion auricu-

laire. Sa mère, âgée de quarante-deux ans, a depuis l'age de seize

à dix-huit ans des phénomènes analogues avec sensation de chute,

se produisant surtout dans un endroit clos. Ces troubles sont

moins fréquents et se produisent seulement au moment des règles.

Le grand-père maternel fut longtemps sujet à des vertiges avec

bourdonnements d'oreilles.

Rien à noter au point de vue auriculaire chez la mère et la fille.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 373

On est donc en droit de se demander si le père n'a pas transmis à

sa fille et à sa petite-fille une altération des organes de l'équilibra-

tion. G. C.

LIX. La surdité ourlienne ; par Lannois. (Lyon médical, avril 1900,

p. 4GJ.)

M. Lannois publie cinq observations de surdité ourlienne, affec-

tion, qui malgré sa rareté, est infiniment grave, car il ne parait

pas y avoir d'autre maladie contagieuse qui détruise l'organe

auditif aussi brusquement et d'une manière aussi irrémédiable.

Malgré sa gravité, cette complication des oreillons n'attira réel-

lementl'attention des otologistesque depuis 1881. En 1898, M. May,

élève de M. Lannois, n'en put réunir que 58 observations.

A propos des observations qu'il publie, l'auteur fait remarquer

que les manifestations de la surdité ourlienne n'ont pas toujours

un début identique. La surdité peut se constater peu après les oreil-

tons ; ou ce sont divers bourdonnements qui attirent l'attention du

côté de l'oreille ; enfin des vertiges d'intensité variable peuvent

s'ajouter à ces manifestations.

L'époque du début est très variable ; le plus souvent, les bour-

donnements précèdent la surdité; parfois ils coïncident avec elle

et le vertige, ou bien ils surviennent avec les vertiges alors que la

surdité est installée. Le plus souvent les symptômes otiques appa-

raissent du premier au troisième jour, parfois le sixième et le sep-

tième, rarement au déclin de la maladie.

A ce propos, l'auteur fait remarquer qu'il s'agit d'une localisa-

tion de la maladie infectieuse comparable à l'atteinte du testicule

et non d'une lésion de voisinage. La surdité serait bilatérale dans

les trois cinquièmes des cas.

D'après May, dans la moitié des cas, il y aurait auparavant des

lésions plus ou moins sérieuses de l'oreille moyenne qui semblent

faire de l'appareil auditif un point de moindre résistance. Au point

de vue de la nature de cette lésion, M. Lannois admet un mouve-

ment fluxionnaire brusque avec épanchement séreux, séro-fibri-

neux ou hémorragique, détruisant les organes du limaçon, avec

extension plus ou moins considérable du côté du vestibule et des

canaux semi-circulaires.

Pour John Hoosa et Fournie, il s'agirait d'une névrite atrophique

de la huitième paire ; Ménière fait intervenir une méningite, don-

nant secondairement des lésions du nerf auditif dans son trajet ou

à son origine. L'auteur insiste surtout sur la forme complète de la

surdité qui est, dit-il, brusque, totale, absolue ; il ne fait que men-

tionner une forme, rare d'ailleurs, de surdité temporaire, qu'il

rattache aux lésions de l'oreille moyenne ; catarrhe simple ou

inflammation purulente qu'on peut aussi observer. A côté de l'at-

376 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

teinte grave du labyrinthe, M. Lannois raye des complications

ourliennes, l'otite externe de Fournie.

Il cite, en terminant, un cas de guérison de surdité ourlienne

unilatérale, ce qui permet d'adoucir le pronostic d'une affection

considérée jusqu'à ce jour comme incurable.G. Carrier.

LLY. Hypertrophie osseuse dans l'hémiplégie infantile avec athé-

toso-chorée ; par Lannois et IA10LLE. (Lyon médical, 30 novem-

bre 1900, p. 397, t. 111.)

L'hypertrophie musculaire, dans l'hémiplégie infantile avec

athétose ou chorée, est mentionnée dans Audry et Marie; dans

une thèse, inspirée par Destol, sur les altérations osseuses dans les

affections nerveuses, l'auteur concluait que l'hypertrophie osseuse

ne se trouvait que dans les lésions nerveuses périphériques.

Dans trois cas, MM. Lannois et Fayolle ont vu l'hypertrophie,

osseuse accompagner l'hypertrophie musculaire. Dans deux des

cas, il n'y a eu ni mensuration, ni radiographie. Dans le troisième

la mensuration montrait une différence de 0,01 centimètre en

faveur du côté malade, et la radiographie, une de 0,006 millimè-

tres. Cette observation ne ruine nullement la théorie de Destol,

. car il n'y a ici qu'une simple hypertrophie sans dystrophie osseuse,

alors que dans le cas de Destol, l'os était altéré. t.

Deux causes peuvent être invoquées pour expliquer cette hyper-

trophie : 1° l'activité musculaire qui crée surtout l'hypertrophie

musculaire; mais cette explication ne suffit pas, par exemple, à

expliquer l'hypertrophie du sein dans l'hémiplégie infantile 1; 2° un

trouble trophique; il y aurait hypertrophicité comme il y a des

mouvements anormaux. La même cause d'excitation produirait

ces deux phénomènes. G. C. -

LXI. Hémiplégie alterne avec participation de la sixième paire et

paralysie ultérieure de la corde vocale; par Lannois. (Société

nationale de médecine de Lyon, séance du 10 décembre 1900.)

M. Lannois.présente l'observation d'un malade, âgé actuellement

de soixante ans, syphilitique probable, qui présenta il y a vingt-

cinq ans, à la suite de deux attaques successives, une paralysie du

type Millard-Gubler. L'hémiplégie faciale droite est restée sans

changement, l'hémiplégie gauche a varié d'intensité.

Eu même temps que la paralysie faciale, il s'était produit une

paralysie du moteur oculaire externe droit et le malade avait de la

diplopie. Comme l'acuité visuelle de l'oeil droit était supérieure à

celle de luit gauche, il boucha d'abord ce dernier puis le laissa

' Voir, au point de vue du Sein, la thèse de l'un de nos élèves,

M. Leblais. Paris, )89 : ! (IL).

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37 7

totalement'de côté en le mettant en état de strabisme interne

aussi accentué que possible.

Le malade est, de plus, porteur d'une surdité totale de l'oreille

droite, dont la cause reste indécise, le malade ayant eu une

otorrhée dans l'enfance.

11 y a cinq mois, il fut pris brusquement d'une dyspnée intense

avec cornage et faillit mourir. Actuellement la corde vocale gauche

est parésiée et la corde vocale droite nettement paralysée. 0

On peut se demander s'il s'agit là d'un nouvel accident analogue

à ceux qui se sont produits il y a vingt-cinq ans, ou si les lésions

stationnaires depuis si longtemps ne se sont pas propagées brus-

quement du côté des noyaux du pneumo-spinal, par un mécanisme

analogue à celui qui s'observe dans certains cas de paralysie infan-

tile à extension tardive. G. C.

LXII. De la fonction vicariante des muscles insérés sur les con-

dyles du bras, dans la paralysie complète des fléchisseurs propres

de l'avant-bras ; par M. BEU['OE¡\RDT. (Neurolog. Ceatralbl., XIX,

1900.)

Voici un jeune homme de vingt-huit ans, atteint d'une paralysie

traumatique du plexus brachial droit du type Duchenne-Erb. En

dépit d'une paralysie complète de tous les fléchisseurs propres de

l'avant-bras, gràce à l'intervention vicariante des muscles insérés

sur le condyle interne de l'humérus (épitrochlée), l'avant-bras se

peut fléchir très passablement sur le bras.

Les muscles biceps, deltoïde, brachial antérieur, long supina-

teur, court supinateur, sus-épineux et sous-épineux sont paralysés.

Le bras reste tourné en dedans et étendu ; le malade ne peut

l'élever transversalement, il peut très peu l'élever d'avant en

arrière, ou le faire tourner en dehors. Quand l'avant-bras est en

supination, il lui est impossible de le faire fléchir vers le bras, la

supination de l'avant-bras est d'ailleurs impraticable. L'épaule

droite entière, la fosse sous-épineuse et la fosse sus-épineuse sont

aplaties. Intégrité de la réaction électrique des muscles paralysés.

Fléchit- on l'avant-bras sur le bras, et prie-t-on le patient de ré-

sister à l'extension, qu'on va lui faire subir, on constate qu'il ne

le peut à cause de l'impotence du long supinateur. Et pourtant,

une flexion a lieu : il fait exécuter à son avant-bras une pronation

légère, il étend la main en haut : il suffit alors de procéder à la

palpation de la face antérieure et cubitale de ce membre pour y

sentir nettement une puissante contraction des muscles qui s'in-

sèrent à l'épitrochlée, et notamment du rond pronateur, du grand

palmaire, du petit palmaire et du cubital antérieur : en enfonçant

les doigts profondément le long du long supinateur inerte, on

perçoit la contraction évidente du premier radial externe. Il n'est

378 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

pas du tout nécessaire que la main vienne en flexion dorsale, pour

que se produise la flexion de l'avant-bras, le mouvement s'effectue

aussi bien quand la main est totalement fléchie.

C'est la répétition de ce que décrit Duchenne, dans la Physio-

logie des mouvements (1867) p. 160. « Les muscles fléchisseurs de

la main sont, comme tous les autres muscles qui s'attachent à

l'épitrochlée, auxiliaires de la flexion de l'avant-bras sur le bras.

J'en ai vu la preuve chez des sujets dont le biceps brachial, le bra-

chial antérieur et le long supinateur, fléchisseurs puissants de

l'avant-bras, pouvaient encore, quoique faiblement, exécuter ce

mouvement. Après avoir mis leur main en pronation, ils la tenaient

dans l'extension pour placer les fléchisseurs dans la plus grande

extension possible, et alors ils fléchissaient l'avant-bras, à l'aide

des muscles qui s'attachent à l'épitrochlée, et dont on sentait la

contraction énergique. Ce mouvement, bien qu'il fût exécuté avec

faiblesse, leur était cependant encore d'une grande utilité. »

P. Keraval.

LXIII. La paralysie atrophique isolée du nerf musculo-cutané, avec

remarques sur l'action musculaire compensatrice; par A. Hor.r.-

MANN, (Neurolog. Centntlbl., XIX, 1900.)

V

Il s'agit d'un journalier vigoureux de trente-six ans qui portait

sur l'épaule gauche des paniers remplis de charbon ; pour les y

maintenir, il se servait du bras droit ramené par-dessus la tête, la

main gauche appuyée sur la hanche. Il faisait ce travail depuis

deux ans quand, tout à coup, il ressentit dans le bras droit de vives

douleurs qui le forcèrent à le suspendre quatre à cinq jours. Il le

reprit, mais il remarqua que le bras droit perdait sa force : il

diminua de volume graduellement. Il existe une paralysie du

musculo-cutané, seul atteint, qui ne saurait être attribuée qu'au

surmenage, à moins qu'on admette une névrite spontanée, fait

sans précédent. C'est un cas unique de paralysie exactement

limitée au nerf en question atteint dans sa totalité. Le coraco-bra-

chial est tout à fait indemne, ce qui prouve qu'il n'est pas exclu-

sivement innervé par le musculo-cutané, mais peut-être aussi par

les fibres du médian associées à ce nerf.

L'atrophie des muscles atteints est considérable : elle donne une

configuration particulière au bras (figure). Et cependant les mou-

vements de l'articulation du coude ne sont pas du tout troublés.

Le faisceau externe du brachial antérieur, innervé par le radial,

dont on sent nettement le tendon à côté du long supinateur, au

point où il en croise l'insertion, ce faisceau peut avec le long supi-

nateur compenser les fonctions motrices restreintes du bras. Le

malade fléchit, quoique faiblement, son bras, et, dans cet état, il

le met en supination et en pronation, exécute généralement tous

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3Í9

les mouvements possibles, sans autre inconvénient qu'une fatigue

rapide. Il peut même fléchir en supination le bras étendu, bien

que péniblement. Quelques troubles de la sensibilité, exclusive-

ment limités au nerf musculo-cutané, montrent que lorsqu'en

pareils cas il y a anesthésie de l'éminence thénar et du pouce

(obs. Windscheid) il faut croire le nerf médian également atteint.

Le pronostic n'est pas favorable, parce que la paralysie a presque

un an de durée. Mais on n'a pas encore institué de traitement, et

tous les faits de ce genre ont guéri. D'autre part, l'hypertrophie

du long supinateur et du faisceau externe du brachial antérieur

compense complètement l'impotence du biceps et de la portion

interne du brachial antérieur. P. KERAVAL.

LXIV. De la névrite phosphorée ; par S.-E. HLNSCÜEN. (Neurolog.

Cenhralbl., XIX, 1900.)

Dans l'intoxication aiguë par le phosphore, il se produit des

symptômes de névrite. Sur les7 observations recueillies par l'auteur

en 1898 et 1899, la névrite ne manqua que dans la première. Il

s'agissait d'un empoisonnement bénin, nié du reste par la malade :

on trouvait néanmoins du phosphore dans les matières fécales.

Les accidents névritiques sont nettement en un certain rapport

avec l'intensité de l'intoxication. Quand celle-ci est si vive qu'elle

tue les malades il est clair que l'évolution de la névrite n'a pas le

temps de s'effectuer, et que les symptômes ne se peuvent accentuer.

Ils sont cependant susceptibles d'apparaitre en peu de jours, à

l'état d'hyperalgésie subjective : sensibilité à la pression, et pares-

thesie (formications). Les mêmes troubles parfois reviennent en

d'autres endroits tardivement, à l'époque de la convalescence.

Quand il s'agit de symptômes moins précoces, c'est un engour-

dissement et de la faiblesse des membres, au besoin de la pares-

thésie (obs. VI). L'anesthésie est plus tardive, modérée, peu

étendue : elle fait défaut dans les cas bénins.

La sensibilité à la pression est en général plutôt diffuse que

limitée à certains territoires nerveux, souvent symétrique (voir

les figures). L'anesthésie existe par plaques : elle suit parfois le

trajet de certains nerfs intercostaux (obs. VI). Le sens de la chaleur

est altéré : l'observation VI en témoigne (fig2sl'PS).

Le patient ne perçoit pas des différences de 3° C. : cette pertur-

bation est nettement limitée à certains nerfs. C'est la peau de la

tête qui est la moins affectée : à la tête, on voit la zone du nerf

ethmoïdal (nasal interne) atteinte à l'exclusion des nerfs cutanés

limitrophes.

Le sens du froid est troublé, mais sur une moindre étendue, et

cette altération ne présente pas la même distribution, ce qui semble

indiquer que les deux sens du calorique et du froid sont séparés.

380 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Dans les cas d'empoisonnement intense, on a noté parésies et

paralysies, allant à l'impotence totale et à l'atrophie, de l'affai-

blissement du sens musculaire, une vive hyperalgésie, de l'ataxie

associée à une anesthésie accusée. '.

Tous ces symptômes sont essentiellement névritiques, parce

qu'ils sont souvent cantonnés à certaines provinces nerveuses.

Peut-être la sensibilité à la pression pourrait-elle être considérée

comme une hyperesthésie généralisée de nature centrale. Les réac-

tions électriques indiquent une dégénérescence des nerfs. Les

autopsies font encore défaut. Il y a analogie avec la névrite arsé-

nicale. P. IVER AV.1L.

LXV. Observation de myotonie congénitale partielle; par R. GAUpp.

(Cenl1'alúl. f.Nervenlieillc., XXIII, N. F. XI, 1900.)

C'est un cas de maladie de Thomsen d'une espèce particulière.

Le trouble myotonique du mouvement est limité aux avant-bras

et aux mains. Les muscles qui le présentent sont non hypertro-

phiés mais atrophiés. L'examen électrique révèle la réaction

myotonique non seulement sur les muscles affectés, mais encore

sur des muscles des bras qui ne sont pas atteints de trouble moteur

myotonique. L'excitabilité mécanique des muscles n'est pas nette-

ment exagérée. Il s'agit d'un individu frêle chez lequel on constate

des signes d'infantilisme : quoiqu'il n'ait jamais eu de désirs

sexuels, ni érections, ni pollutions, il s'est marié afin d'avoir « une

ménagère à la maison ». Il ne lui a jamais demandé le coït ; il n'a

point davantage essayé de coïter. Il est issu d'une famille de

tuberculeux. Il semble que le complexus symptomatique de la

myotonie et l'atrophie manifestement progressive des muscles aient

pris naissance sur un fonds de débilité physique congénitale.

P. KERAVAL.

LXVI. Contribution à l'étiologie et à la symptomatologie de la sclé-

rose en plaques ; par R. GAUPP. (Cenlmlbl. f. Nel'venheilk., XXIII,

N. F. XI, 1900.)

Observation de sclérose en plaques d'origine traumatique ; les

symptômes paraissent en remonter à une chute d'une hauteur de

4-5 mètres. Une forte ataxie a, dans l'espèce, précédé de longtemps

l'affaiblissement des jambes. Cette ataxie présentait le caractère

cérébelleux : à une époque où les muscles des jambes ne trahis-

saient aucune faiblesse, le malade titubait comme un homme

ivre. Puis, quand la paraplégie, du type hémiplégique, se dessina,

en s'associant à l'ataxie, elle resta flasque; les réflexes tendineux

furent modérément augmentés, la sensibilité demeura intacte.

M. GAUpp croit que la sclérose s'est d'abord attaquée au cervelet,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 381 I

et qu'elle ne s'est étendue que plus tard à d'autres parties de l'en-

céphale et de la moelle. P. KERAVAL..

LXVII. Obnubilation crépusculaire avec amnésie consécutive à une

commotion cérébrale légère; par W. KLINK. (Neurolog. Ceaztralbl.,

XIX, 1900.)

Observation semblable à celle que M. Naecke a publiée de lui-

même. Il s'agit d'une infirmière de quarante ans qui, en nettoyant

une fenêtre, tombe sur le dos d'une hauteur d'un mètre et demi.

Sa tête a frappé sur le sol. Quelques minutes plus tard, elle est

assise sur une chaise sans appui, accueille le médecin comme

d'habitude, et lui raconte son accident : le dos lui fait un peu mal,

elle éprouve quelque céphalalgie, pas davantage. Rien du côlé de

la parole, du facial, de la langue; visage pâle. Pupilles égales, de

moyenne dimension, réagissant convenablement à la lumière.

Mouvements des bras et vigueur des mains parfaits, pouls normal

aucune blessure, occiput un peu sensible. Activité mentale intacte.

Démarche un peu titubante par suite d'un affaiblissement des jam-

bes : il n'y a eu ni gâtisme, ni morsure de la langue. On lui pres-

crit de se mettre au lit, elle se déshabille toute seule, se couche et

se tient tranquille, sans cesser de répondre aux questions qu'on

lui adresse. C'est dans ces conditions que vingt minutes plus tard,

au moment où on lui place une vessie de glace sur la tête, elle

demande, toute étonnée, pourquoi cette vessie et ne comprend pas

comment elle est venue dans son lit. En se recueillant, elle se rap-

pelle son accident et ses motifs. Mais c'est tout : depuis sa chute,

elle ne se souvient de rien. Elle a mal à la tête, par tout le crâne,

et une légère envie de vomir. Ces deux symptômes subsistent douze

heures plus tard après une nuit tranquille. Le lendemain la santé

est rétablie, trois jours après l'accident, elle a repris son service.

Il y a donc eu, dans l'espèce, entre la perte de connaissance qui a

été entraînée par la chute et le retour à la conscience, une période

d'obnubilation, de rêvasserie, comparable à celle des épileptiques,

au cours de laquelle les actes les plus compliqués peuvent être exé-

cutés. P. ¡(¡¡¡¡AVAL.

LXVIII. De la syphilis comme cause de paralysie infantile cérébrale;

par W. KOENIG. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

L'auteur a, dans la Dettische Zeilschrift f. Nervenheilk., t. XIII,

établi que les paralysies infantiles cérébrales avaient pour facteurs

étiologiques certains : i° les accouchements difficiles, asphyxiques

du foetus ; 2° les traumatismes céphaliques ; 3° les maladies infec-

tieuses, et que les autres causes étaient prédisposantes, - entre

autres, la syphilis des ascendants. Or, depuis il a observé trois

38 : 2 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. '

cas dans lesquels, sans aucun doute la syphilis a été la cause de

la maladie; il les résume. Quatre autres observations, également

résumées, témoignent de l'idiotie, avec atrophie des nerfs optiques,

dues à la syphilis héréditaire : elles appartiennent aux formes de

transition entre la paralysie infantile cérébrale et l'idiotie simple.

P. Keraval.

LXIX. Tabes dorsal chez les enfants, avec quelques remarques sur

le tabes greffé sur la syphilis héréditaire ; par L. de Dydynski.

(Neurolog. Cenlralbl., XIX, 1900.)

Texte allemand du même article en russe de l'Obo ? l'éniépsichiatI'Í,

IV, 1899. Déjà analysé. P. Keraval.

LXX. Contribution à la casuistique de la maladie de Basedow; par

S. Poporr. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Deux observations sont relatées. La première est un type de

goitre exophthalmique, avec hémorrhagies sous-cutanées, gingi-

vales, nasales, utérines. Dans la seconde, il n'existe pas d'exoph-

thalmie, le goitre n'est pas apparent : la malade qui n'a pas

remarqué que sa glande thyroïde a augmenté de volume, se plaint

de vifs battements de coeur, de tremblements des mains, d'une

sensation de compression au cou, elle a l'air d'une hystérique.

Elle l'est en effet aussi. Elle a des hémorrhagies utérines, nasales,

laryngées, rectales, tenant à sa maladie basedowienne. Elle est

encore affectée d'une endométrite hémorrhagique, dont on la

débarrasse par un raclage. Les hémorrhagies peuvent donc jouer

un rôle important dans la maladie de Basedow, même dans la

forme fruste. P. KERAVAL.

.

LXXI. Encore quelques mots sur les signes objectifs de l'hyperes-

thésie et de l'anesthésie dans les névroses traumatiques ; par

1V. de BECIIrEaew. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900. Obozrénié

psichiatl'ii, V, 1900.) .

L'anesthésie cutanée, dans les névroses traumatiques, comme

dans l'hystérie, s'accompagne généralement de spasmes des vais-

seaux périphériques : ils se traduisent, et par des différences de la

température du corps à la périphérie, et par des différences de la

réaction vaso-motrice de la peau. Si l'on prend la température en

des points symétriques, il n'est pas rare de relever des différences

marquées de la thermogénie des téguments, entre les deux côtés

du corps : elles sont parfois perceptibles au contact. Certains cas

témoignent de différences entre la sécrétion de la sueur du côté

sain et celle du côté anesthésique.

L'examen des individus atteints de douleurs et d'hyperesthésie

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 383

montre qu'il existe des symptômes d'excitation tels que contrac-

tures, contractions convulsives, etc. En un mot une recherche

attentive permet la plupart du temps de découvrir un signe objectif

de l'hyperesthésie et de l'anesthésie, d'origine réflexe (augmenta-

tion douloureuse du travail du coeur respiration profonde et

fréquente-état des pupilles), ou autre (contraste entre la tempé-

rature et la sécrétion sudorale du côté sain et du côté malade -

phénomènes concomitants des muscles volontaires modifica-

tions quantitatives des réflexes cutanés et de la réaction vaso-mo-

trice).

Oppenheim, dans son Lehnbuch des maladies nerveuses, Berlin,

1898, s'exprime ainsi : « Il m'est arrivé, en provoquant la douleur,

de déterminer des phénomènes vaso-moteurs tels que la rougeur

de la moitié de la face correspondante, ou un tremblement exclu-

sivement lié à la douleur. Quelquefois de très forts courants fara-

diques au pinceau, appliqués sur les endroits du corps sensibles

déterminent une très vive accélération du pouls, ce qui n'a pas

lieu quand on agit sur les régions insensibles. Mais l'absence du

signe de Mankopf ne doit nullement sans façon être considérée

comme la preuve d'une simulation. » P. KERAVAL.

LXXII. Observation d'écholalie. Contribution à l'étude des atro-

phies localisées ; par H. Liepmann. (neural. Centralbl., XIX, 1900.)

Femme de soixante-quatorze ans, atteinte de démence sénile,

capable de concevoir les mots sans en saisir le sens; elle les répète

convenablement, mais son langage spontané est extrêmement

réduit. Elle répète les questions qu'on lui adresse en y ajoutant

quelque chose de son crû, avec une teinte de paraphasie. Cette

écholalie automatique témoigne de l'aphasie transcorticale senso-

rielle de Wernicke. Bientôt elle ne répond même plus et ne parle

plus spontanément, tout en protestant énergiquement contre les

accusations faites à dessein, ne nomme pas les objets dont elle

n'apprécie plus l'usage : il est impossible de l'amener à lire et à

écrire. Pas du tout, jamais de paralysie, point d'attaques d'apo-

plexie.

On trouve, à l'autopsie, une atrophie typique du cerveau et

principalement à gauche, et surtout des première et seconde tem-

porale gauches (figures). A l'atrophie du lobe temporal gauche se

rattache la perte de l'intelligence de la parole. Quant à l'écholalie

automatique, qui représente le plus haut degré d'aphasie senso-

rielle transcorticale, elle ne parait guère survenir que, lorsque

d'autres parties du cerveau, du cerveau gauche surtout, sont alté-

rées, en outre du lobe temporal. Cette forme de l'écholalie ne se

manifeste jamais que lorsque les fonctions psychiques ont subi

une forte déchéance, dans la démence profonde. La répétition

384 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

stupide indique la perte du jugement, la perte des impressions

sensorielles des mots qui normalement arrêtent l'écho de ceux-ci.

Quand les vibrations du centre sensoriel de la parole ne gagnent

plus les autres territoires corticaux, optique, tactile, etc., et

n'éveillent plus l'intelligence ; elles se déchargent sur la région

motrice : les mots en quelque sorte rebondissent, ils sont réper-

cutés. Une presque complète séparation du lobe temporal par

l'atrophie n'est pas possible sans que d'autres parties de l'écorce

soient elles-mêmes simultanément affectées. P. KERAVAL.

LXXIII. Du réflexe scapulo-huméral ; par II. HAENEL. (Neurolog. ? Ceiitralbl ? XIX, 1900.)

Le réflexe scapulo-huméral de Bechterew est-il un réflexe ten-'

dineux ? Est-il un réflexe périostique ? Est-il à la fois tendineux et

/périostique ? L'extension du réflexe au deltoïde et au biceps indique

un réflexe périostique. L'adduction du bras, associée à une faible

rotation en dehors, serait en faveur d'un réflexe tendineux, mais

le sous-épineux, qui est ici en cause, s'insère jusqu'au bord interne

de l'omoplate, directement sur le périoste : au niveau de l'angle

inférieur de l'os, là où frappe de préférence Bechterew, il n'y a

ni périoste, ni tissu tendineux, mais bien des fibres supérieures et

horizontales du grand dorsal. Eh bien, lorsqu'on frappe là, le

mouvement du bras (adduction avec rotation en dehors) est sim-

plement le produit de l'excitation mécanique de la substance mus-

culaire : du reste on peut suivre les faisceaux musculaires en train

de se contracter tant vers le bras que vers la colonne vertébrale.

Si l'on frappe sur le bord spinal de l'omoplate, et surtout où

l'épine se détache du bord spinal, on obtient la propagation du

réflexe au deltoïde et au biceps. En cet endroit, il n'y a pas de

substance musculaire sur l'étendue d'une pièce de deux francs, et

le deltoïde commence à 2 ou 3 centimètres en dehors : dans ces

conditions, toute contraction des muscles deltoïde et biceps, éloi-

gnés, émane sûrement d'un réflexe.

L'étude statistique des réflexes de l'extrémité supérieure montre

que le réflexe scapulo-huméral ne peut servir d'élément de dia-

gnostic sérieux pour les maladies de cette région. Il manque quand

d'autres réflexes sont très marqués, et, lorsqu'il existe, est souvent

si faible qu'on ne saurait dire qu'il y ait diminution pathologique.

Naturellement son exagération peut coexister avec l'augmentation

des réflexes pathologiques. « Nous n'avons pas encore vu, dit

M. Haenel, que le réflexe scapulo-huméral ait seul persisté alors

que les autres réflexes étaient affaiblis ou absents : il fallait avoir

soin de se défier de l'excitation mécanique des muscles. » Quant à

sa différence d'un côté à l'autre, au point de vue pathologique,

sur 120 malades, on en n'a trouvé que 3 chez lesquels le réflexe ait

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE 385

été plus fort obstinément d'un côté, sans autres différences percep-

tibles.

Ces recherches confirment une fois de plus la loi que les réflexes

diminuent en raison directe de l'augmentation de l'influence du

cerveau. P. KERAVAL..

LXXIV. Observation originale d'atrophie musculaire étendue, à

début aigu et devenue stationnaire au bout de huit années de

durée (Poliomyélite de l'adulte terminée ? ); par J. Eveusmann.

(Neurolog. CenI1'albl" XIX, 1900.)

Atrophie étendue des muscles du tronc et des extrémités, sur-

tout de l'épaule, du bras, de la cuisse et de la jambe. Certains

muscles, comme le deltoïde, le rhomboïde, l'angulaire de l'omo-

plate, la partie supérieure du trapèze, et le vaste externe de la

cuisse, présentent une hypertrophie prononcée qui, à raison de la

grande énergie dynamique développée, doit être considérée comme

vraie. L'auteur discute le diagnostic entre la dystrophie muscu-

laire progressive de ERB, l'atrophie musculaire progressive spinale

de Duchenne-Aran, la polynévrite et la poliomyélite antérieure de

l'adulte. « Il ne reste, conclut-il, de possible que cette der-

nière. » Si rare soit-elle à l'âge de vingt-cinq ans, son début

subaigu, sa longue durée et le caractère progressif de l'atrophie

pendant six à huit années, indiquent un processus anatomique

dans les cornes antérieures grises, et rappellent l'observation de

Landouzy et DEJEMKE [Revue de médecine, 1882.) L'atteinte simul-

tanée de tant de régions; le choix des muscles frappés d'atrophie,

incapable, en aucune des affections en question, d'atteindre un

tel degré d'arbitraire et d'irrégularité; l'hypertrophie vraie de

cet tains muscles, de nature compensatrice; la terminaison de la

maladie par la guérison, c'est-à-dire par un état stationnaire qui

compte actuellement quinze ans; la conservation des réflexes;

l'absence de réaction dégénérative et de troubles de la sensibilité :

voilà qui est en faveur d'une poliomyélite antérieure de l'adulte

terminée, qui a achevé son évolution (Figures). Il n'y manque plus

que l'autopsie. P. KERAVAL.

LXXV. Observation de bégaiement de trompette; par E. KAL : >1us,

(Ne¡¡¡'olog : Centmlbl., XIX, 1900.)

Il s'agit d'un jeune homme de seize ans, qui bégaie depuis l'en-

fance. Il y a deux ans il s'est mis à apprendre le cor d'harmonie ;

tout alla bien jusqu'en ces derniers temps. Il se plaint que pendant

qu'il sonne il est gêné par une espèce de spasme. Son bégaiement,

de moyenne intensité, consiste en des spasmes de courte durée, la

plupart toniques, qui, presque toujours, n'apparaissent qu'au

AHCmvrs, 2' série, t. XIII. 23

386 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

début d'une proposition ou d'un mot important, et s'étendent aux

trois éléments coordinateurs : la respiration, la voix, l'articulation.

Celle-ci est la plus atteinte, les consonnes labiales sont les plus

gênées. '

Quelques contorsions du visage se montrent de temps à autre.

La lecture s'exécute plus aisée, le chant et la parole chuchotée ne

s'accompagnent d'aucun trouble. C'est une perturbation toute

semblable qui, depuis un an, entrave le jeu du cor.

Le jeune homme éprouve un embarras à entonner l'instrument,

le son ne sort pas sur le champ : « je ne puis l'envoyer en haut »,

dit-il. Il lui faut, pendant quelques instants, tendre les muscles de

sa bouche et de son visage péniblement, pour surmonter la résis-

tance. Cet effort s'accompagne d'une sensation indolente de spasme

au niveau de la bouche. Çà et là la face rougit, les yeux se fer-

ment, les joues se gonflent et se contractent par saccades. Le

spasme dure quelques secondes : le premier son sort lentement,

indécis, détaché, les suivants sont corrects. Toujours, invariable-

ment, cette gène a lieu'au début d'une séance, rarement au milieu,

et seulement lorsque le malade a été longtemps sans jouer; elle

ne se produit presque jamais au cours d'un seul et même morceau.

Le mal est aggravé par les émotions, la présence d'auditeurs,

l'obligation de jouer seul. Un expédient heureux pour le combattre

est de compter la mesure.

Si l'on prie le malade de souffler, comme s'il jouait, dans l'em-

bouchure de son cor dévissée, on a sous les yeux ses lèvres éclai-

rées, à l'aide d'un miroir, du côté opposé. Ces lèvres sont tendues

à l'orifice circulaire de l'embouchure, serrées contre elle ; entre

elles, au moment du spasme, apparaît. étranglée la pointe de la

langue plus ou moins projetée. Il est facile de comprendre que le

son ne se produise que quand la pointe en question a disparu der-

rière le bord des lèvres.

L'étude concurrente de la respiration normale, au cours de la

parole, sous l'influence d'nne émotion, pendant le jeu du cor avec

ou sans le spasme (tracée), celle du mécanisme de la phonation

adaptée à cet instrument, montrent que c'est un cas de véritable

bégaiement dans l'acte de sonner du cor. L'analyse du tableau symp-

tomatique révèle en effet un trouble de l'innervation qui a tous les

caractères du bégaiement. C'est un bégaiement qui s'est transmis

jusque dans ses détails à un territoire fonctionnel proche parent.

toujours dans le cadre de la respiration. Du reste le malade

bégayait de la parole, il était donc prédisposé à bégayer de n'im-

porte quelle manière. Tout jeu moteur peut d'ailleurs être le siège

d'un trouble de l'innervation de ce genre : cas d'Oppenheim chez

un trompette ; de Struempell chez un clarinettiste ; d'flarrix chez

un joueur de trompe de chasse; bégaiement graphique de Gutz-

mann et llerl;han ; bégaiement du piano (Gutzmann), bégaiement

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 387

de la marche (Piper, Bruns) ; bégaiement généralisé (Bruns). Les

représentants de toutes les espèces étaient simultanément des

bègues de la parole.

En exerçant le malade à régler ses mouvements et sa respiration

on guérit presque complètement, en cinq semaines, le bégaiement

instrumental et le bégaiement de la parole. P. Keraval.

LXXVI. Contribution à la question de la transmissibilité hérédi-

taire d'états pathologiques acquis ; par H. OI3ERsrJ : INEH. (Neurol.

Centrccllbl., XIX,'1900.)

En 1871, Brown-Sequard montrait que les cochons d'Inde devenus

épileptiques ci lu suite de la section de la moelle ou du sciatique pou-

vaient laisser une postérité épileplique. En 18-5, AI. Obersteiner ne

trouvait cette épilepsie héréditaire que chez deux petits sur 32 :

trois présentaient de la parésie, trois étaient affectés de troubles

trophiques de la cornée. Il en concluait que, si la transmission

héréditaire d'affections accidentelles du système nerveux est possible,

les troubles nerveux des descendants peuvent être autres que ceux

des parents, et qu'il faut en chaque cas tenir compte de l'influence

paternelle ou maternelle prédominante dans des conditions dis-

tinctes. Sommer, tout récemment (Ziegler's Beitr. z. path. Anal,

u. . allg. Pathot., XXVII, 1900), sur 23 jeunes, a obtenu : une

seule fois, un trouble de la cornée, plusieurs fois de la parésie,

jamais, en tout cas, les accidents épileptiformes des parents. Pour

Sommer, « la transmission héréditaire de l'épilepsie expérimen-

tales des cobayes n'existe pas ».

Et cependant Brown-Sequard l'a vue, Westphal aussi, et l'auteur

de ce mémoire également.

Du reste les cochons d'Inde ne réagissent certainement plus aussi

sûrement qu'avant en ce qui concerne l'épilepsie expérimentale en

question. De 1873 à 1875 la plupart de ces animaux (on a réséqué

le sciatique à plus de 100) présentèrent les signes accentués de

l'épilepsie. Or il y a dix ans, sur 40 qui subirent l'opération, G seu-

lement eurent des attaques complètes à l'excitation de la zone

épileptogètre, 14 se contentèrent de se gratter, 20 demeurèrent

complètement réfractaires. Tout récemment on en vivisecta 30 :

14 n'éprouvèrent rien, sauf, bien entendu, les phénomènes dans la

patte paralysée ; les 16 autres, quand on excita la zone épilepto-

gène, manifestèrent, la plupart passagèrement, plus ou moins

nettement les premiers stades de la réaction (grattage, incurvation

latérale, fermeture des yeux, etc.), mais, l'attaque parfaite, qui

jadis était la règle, qui se produisait encore, il y a quinze ans chez

15 p. 100 des animaux, l'attaque parfaite ne vint pas. Et cela, de

quelque façon que l'on opère, septiquement ou aseptiquement,

qu'on sectionne ou excise le nerf, voire qu'on le maltraite.

388 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Pourquoi cet insuccès progressif ? On l'ignore à Vienne, alors

qu'à Iéna M. Sommer enregistre que l'épilepsie artificielle du

cobaye, la même, est constante; du moins elle l'a été chez 40 ani-

maux.

Conclusion. - Dans des conditions convenables, des états pa tho-

logiques acquis peuvent se transmettre à la descendance, ou. dans

le domaine du système nerveux, établir une prédisposition hérédi-

taire. P. KERAVAL.

LXXVII. Organique et fonctionnel; par R. GAUpp. (Centralbl. f.

iîe2-veizhilk., XXIII, N. F. XI, 1900.)

Critique du mémoire de Nissl sur « les maladies mentales dites

fonctionnelles » (Miinch. inedie. IYochenschr; n° 44, 1899). Rete-

nons-en le dernier alinéa.

Il n'est point encore nécessaire de rayer de nos concepts la

notion de trouble fonctionnel. Nous avons parfaitement conscience

qu'il s'agit de modifications matérielles siégeant dans l'encéphale,

mais nous ne les connaissons point. M. Nissl nous dit que ce sont

des transformations morphologiques des éléments visibles du sys-

tème nerveux. Nous attendons ses preuves. Mais nous sommes

méfiants. Il nous manque en effet un travail préliminaire. Nous

ne savons encore pas exactement quelles sont celles des altérations

de l'écorce du cerveau qui sont réparables, quelles sont celles qui

ne le sont pas. Nous ne connaissons d'ailleurs pas d'affection ana-

tomique de l'écorce susceptible de s'installer et de s'en aller rapi-

dement, de persister des années durant et puis néammoins de

disparaître subitement. Or c'est justement de ces caractères-là que

doit être douée toute affection corticale ayant la prétention d'être

le substratum matériel d'un trouble psychique et nerveux fonc- i

tionnel. P. KERAVAL.

LXXVIII. Automatisme ambulatoire; par Lass. (Obozrénié psichiatrii,

V, 1900.)

Le 17 octobre 1898, était placé à l'hôpital des aliénés territorial

du gouvernement de Saratow, par les soins du tribunal de la cir-

conscription, un paysan du district de Kamyschine, Fédor 0., ac-

cusé de vol avec effraction de denrées coloniales dans quelque

petite boutique de détail.

L'observation détaillée montre l'association d'une inconscience

totale à l'exécution réglée d'actes en rapport avec les conditions

ambiantes de la vie. En même temps qu'il n'avait aucune conscience

du temps, de l'endroit où il était, des gens qui l'entouraient, 0...

se déshabillait fort bien le soir, s'asseyait à table et toujours avec

les autres, prenait ses repas avec soin, allait aux lieux d'aisan-

ces, etc. : c'était automatique.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 3St)

L'évolution est curieuse. Jusqu'au il mars 1899, soit pendant

cinq à six mois, il ne demande rien et ne répond rien à ce qu'on

lui dit, sauf quelques phrases stéréotypées. Du 11 au 20 mars, il

est obstinément convaincu qu'il est en prison à Kamyschine, il

prend le médecin pour une autre personne : il semble qu'on l'ait

soudain transporté, le 21 mars, dans ce décor où pourtant il vivait

depuis une demi-année. Du 21 mars au 10 avril, il a récupéré la

conscience pleine et entière, et a des rapports conscients avec son

entourage. Le 10 et le 11, voici que la connaissance s'obscurcit de

nouveau; le 12 avril, il revient à lui et demande : « Ceci m'est-il

arrivé en songe où à l'état de veille ? » Ainsi donc, jusqu'au 11 mars

sorte de sommeil profond; du 11 au 21 mars, et les 10 et 11 avril

demi-sommeil; il s'était réveillé de son sommeil maladif, mais

imparfaitement. Déclaré irresponsable. P. KERAVAL.

LXXIX. Des troubles moteurs à évolution aiguë présentant les

caractères de l'ataxie cérébelleuse chez les alcooliques ; par

W. de Bechterew. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Déjà publié en russe dans rOùoz1'énié psichiatrii, V, 1900. Ana-

lysé. , P. IiERAV-1L.

LXXX. Des accidents paralytiques d'origine cérébrale consécutifs

à l'influenza ; par Guttmann. (Neurolog. CeItrulbl., XIX, 1900.)

Observation 1.- Jeune homme de dix-sept ans et demi, affecté

de titubation, de tremblement intentionnel, d'exagération des

réflexes tendineux patellaires et podaliques allant jusqu'au clo-

nisme, sans signes de dégénérescence des voies conductrices.

Paralysies des muscles des yeux se manifestant d'abord par une

parésie totale de l'oeil droit qui se limite ultérieurement au muscle

droit externe; finalement parésie de l'oeil gauche dans les mêmes

conditions, nystagmus bilatéral : conservation de l'acuité visuelle.

Il s'agit évidemment d'un foyer central et la simultanéité de tous

les accidents rapidement développés en quelques semaines indique

qu'il n'y a qu'un seul foyer. C'est une encéphalite occupant l'en-

droit où le cervelet et la protubérance sont contigus : la sclérose

consécutive a altéré les régions qui président à l'équilibre, aux

nerfs et aux muscles de l'oculomoteur commun, du pathétique, de

l'oculomoteur externe, des réflexes tendineux. Le vertige est le

fait immédiat de la lésion ; la titubation peut être aussi rattachée

aux troubles de la vision en rapport avec la paralysie des muscles

des yeux. Genèse lentement progressive à la suite d'une affection

aiguë fébrile, infectieuse. Pronostic favorable; les résidus de l'encé-

phalite devront graduellement se dissiper.

Observation II. - Encéphalite postinfluenzique, chez une

390 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1

femme de cinquante-quatre ans. Elle a débuté par le segment

inférieur du cerveau, mais a entraîné un ramollissement qui a

étendu ses ravages. D'abord troubles passagers de la parole, affai-

blissement des extrémités à droite. Trois mois plus tard, sorte

d'ictus apoplectiforme sans perte de connaissance. Puis, violentes

douleurs de tête, vomissements, hémiplégie du bras et de la

jambe, issue mortelle dans le coma avec gâtisme. La mort s'explique

par la constitution usée de la malade. P. KERAVAL.

1.11. Que prouvent en faveur de l'étiologie du tabes les symp-

tômes tabétiques observés chez les enfants atteints de syphilis

héréditaire ? par K. GUMPERTZ. (Neurolog. Cenlrulbl., XIX, 1900.)

Voici un enfant de neuf ans et demi qui, par son aspect et ses

allures, a l'air d'un enfant de six'ans peu intelligent. Il est rachi-

tiquc. Sa mère a plusieurs fois avorté. Il a eu à huit ans une kéra-

tite parenchymateuse bilatérale, et en même temps les genoux

ont été atteints de tuméfaction rapidement passagère. Dès lors.

incontinence d'urine et des matières : un an plus tard, disparition

du réflexe tendineux patellaire gauche, immobilité des pupilles.

Le traitement antisyphilitique résout la tuméfaction des genoux,

et en partie les accidents cornéens. Persistance des troubles pupil-

laires et patellaires. Atrophie commençante du nerf optique à

droite. C'est une syphilis héréditaire tardive, avec symptômes

spinaux d'une affection syphilitique vraie et non métasyphililique

de la moelle. Ce n'est point un tabes, car il n'existe pas de troubles

de la sensibilité au tronc ni sur les extrémités : s'il n'y a pas de

signes d'une lésion des racines postérieures et des nerfs sensitifs

périphériques, il n'y a pas d'éléments ducomplexus symptomatique

du tabes. P. Keraval.

s

LXXXII. Observation de paralysie des racines inférieures du plexus

brachial, consécutive à une blessure par arme à feu; par

H. l3nassEn'r. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Il s'agit d'un homme de cinquante-neuf ans, blessé en 1866 d'une

balle de fusil Dreyse : la balle après avoir pénétré dans la poitrine

en avant et au-dessous de la clavicule droite était ressortie par le

dos. Le 21 juillet 1899, il existe une paralysie dégénérative grave,

avec atrophie musculaire, troubles sensitifs, trophiques et vaso-

moteurs, des fléchisseurs et pronateurs de l'avant-bras droit et des

petits muscles de la main. Une cicatrice ovale, creuse, du volume

d'une noisette, librement mobile avec la peau, insensible à la pres-

sion, siège à droite et en avant à peu près au niveau du second

espace intercostal, légèrement en dehors de la ligne mamillaire;

dans le dos en existe une autre, plus petite, plate, au delà du bord

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. z : );1

interne de l'omoplate, immédiatement au-dessous de l'épine (figu-

z'es). Il y a évidemment lésion nettement localisée des racines infé-

rieures du plexus brachial. L'absence constante de symptômes

oculopupillaires (myosis, diminution de la fente palpébrale, enfon-

cement du globe de l'oeil), indique l'intégrité du rameau commu-

nicant qui va de la première racine dorsale au grand sympathique.

Les raideurs articulaires et les ankyloses proviennent, et du repos

permanent des jointures et du raccourcissement secondaire des

muscles innervés par le radial qui exercent une action antagoniste

de celle des muscles atrophiés; la faiblesse relative du bras droit

tient en somme à une atrophie par inaction, le patient se servant

depuis longtemps presque exclusivement,du bras gauche et de la

main gauche, Incurabilité. , . P. KERAVAL.

L.T\\III. Contribution à l'étude de la place clinique de l'érythro-

phobie ; par A. Friedlaender. (Neurolog. Ceu(rul6l., XIX, 1900.)

Histoire et étude critique, d'après les observations des auteurs,

de l'érythrophobie, ou angoisse de la rougeur, obsession de la rou-

geur (éreuthophobie), lcairophohie de rougeur : `1G observations.

Par 5 observations personnelles choisies à dessein, l'auteur souli-

gne le développement graduel et varié du symptôme en question.

Deux sont, dit-il, de l'érezcthose simple de Pitres et Régis, état dans

lequel le malade- est momentanément déconcerté par sa rougeur,

mais n'y pense plus dès qu'elle est passée. L'observation 111 est

une éreullcose émotive, la cinquième, une érylhrophobie classique.

Presque tous ces malades sont entachés de dégénérescence, d'ano-

malies nerveuses et mentales datant de leur jeunesse, de prédis-

position innée à rougir facilement, d'hyperexcitabilité au moins

vasomotrice : cette tendance s'aggrave avec l'âge et la conscience

qu'ils ont de leurs anomalies. ils s'en préoccupent de plus en plus

et redoutent anxieusement que leur entourage ne s'en aperçoive;

l'idée qu'il s'agit de quelque chose d'anormal les trouble encore

davantage et ils craignent les interprétations d'autrui : l'appré-

hension, qu'ils vont rougir, suffit alors à les embarrasser. A l'hy-

perexcilabilité vasomotrice du début, se joint, plus tard, l'émotion,

l'obsession. Quelle est donc l'affection, si répandue, où l'on trouve si

fréquemment l'hérédité, la masturbation, l'hypereslhésie sexuelle,

l'hyperexcitahilité vasomotrice, l'intolérance à l'égard de l'al-

cool, etc., etc. ? La neurasthénie. C'est elle qui donne les diverses

phobies. L'érythrophobie n'en est qu'un symptôme. Ces observa-

tions témoignent de la neurasthénie à des degrés divers, et du dé-

veloppement graduel propre aux phobies jusqu'à l'obsession nette.

On fera la thérapeutique de la neurasthénie et de l'hystérie, avec

l'hypnotisme en tant que mode d'éducation psychique renforçant

la volonté et soutenant l'aplomb. Mais il faut auparavant se fami-

392 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

liariser avec les phénomènes hypnotiques, avec l'analyse psycho-

logique exacte du cas à traiter. P. KERAVAL.

LXXXIV. A propos d'un cas d'achondroplasie; par R. Cestan.

(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.)

L'étude clinique et anatomo-pathologique du nanisme conduit à

considérer deux groupes de nains : dans le premier groupe le

nanisme est créé par un trouble local du squelette ; dans le

deuxième groupe par un trouble général de la nutrition.

Au premier groupe se rattachent les nanismes rachitique et

achondroplasique ; au deuxième groupe, les nanismes myxoedé-

mateux et hérédo-syphilitique.

Bien que la comparaison des conditions de l'hérédité, la marche

des processus dystrophique et toxique dans les manifestations

pathologiques du premier groupe, permettent de reconnaître un

lien de parenté entre le rachitisme et l'achondroplasie, il y a lieu

cependant de réserver à cette dernière forme une place distincte

en raison des caractères constants qu'elle présente : symétrie des

' lésions, leur localisation à l'épiphyse des os longs, la micromélie

surtout rhizoméliqne, la macrocéphalie, la main en trident, l'inté-

grité du thorax. .. R. Charon.

LXXXV. Quelques remarques sur l'achondroplasie; par E. ArEnT.

(Nouv. Ieonogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.)

A propos de deux observations d'achondroplases adultes, l'au-

teur discute la question du diagnostic différentiel de l'achondro-

plasie et du rachitisme et en particulier de cette forme qualifiée

dysostose cléido-cranienne. Il conclut que la cause des déforma-

tions achondroplasiques, c'est l'insuffisance du processus forma-

teur de l'os aux dépens du cartilage interdiaphyso-épiphysaire.

Achondroplasie et dysostose cléido-cranienne sont donc des pro-

cessus de même ordre ; mais l'un frappe l'ossification d'origine

membraneuse, l'autre l'ossification d'origine cartilagineuse.

« L'achondroplasie et la dysostose cléido-cranienne sont deux

types opposés d'un même groupe morbide, les dysostoses congé-

nitales héréditaires ». R. C.

LXXXVI. Myoclonie du type Bergeron; par R. BERNARD. (z\'ozw.

leozzogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.) ,

Tremblement par accès fréquents chez un jeune homme, fils

d'alcoolique, atteint de tics et de troubles hystériques depuis l'en-

fance. Guérison par traitement suggestif au tartre stibié préconisé

par Bergeron. R. C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 393

LXXXVII. Syphilis du système nerveux; par B. ONU ! ' (Onuf¡'owicz)

(The New-York Médical Journal, 11 mai 1901.)

On sait combien il est fréquent de voir la sypliilis retentir sur le

système nerveux, et aussi combien il est difficile de recueillir sur

une affection syphilitique ancienne des données tant soit peu

précises. Il est donc très important de posséder des. données qui

permettent de diagnostiquer la syphilis du système nerveux indé-

pendamment des commémoratifs.

Signes directs : La sypliilis étant une maladie générale, il est

évident que ce n'est ni dans un seul organe, ni dans un seul tissu

qu'on doit chercher ses stigmates, et qu'il faut étudier la peau,

les muqueuses, les yeux, le coeur, les vaisseaux et les viscères.

L'auteur ne compte indiquer que les points importants pour le

diagnostic. 1° Peau : ne pas oublier que l'on sera rarement en pré-

sence de lésions récentes, et en dehors des cicatrices du chancre

(cicatrices dont l'absence n'est nullement concluante), chercher

les traces d'ecthyma, de rupia, etc.

Quant aux muqueuses, il est important d'examiner le pharynx.

et souvent aussi le larynx (gomme du palais, périchondrile syphi-

litique du larynx) ; 2° Yeux : chercher l'iritis (surtout l'iritis plas-

tique récente qui est caractéristique) ainsi que les modifications

pupillaires causées par de vieilles adhérences; chercher la kératite

interstitielle. L'examen ophtalmoscopique est indispensable.

3° Coe : M' : La tachycardie avec irrégularité cardiaque est fréquente.

4° Vaisseaux : Endartérite oblitérante : Noter aussi un épaississe-

ment et une disposilion tortueuse de la radiale et des artères du

pied qui peut, si le sujet a moins de quarante ans et n'est ni alcoo-

lique, ni morphinomane, ni saturnin, ni brightique, prendre une

valeur diagnostique importante. 5° Les altérations viscérales sont

bien connues.

L'auteur recherche ensuite quelle est la marche générale des

symptômes nerveux de la syphilis. La dénomination de symp-

tômes secondaires et tertiaires est parfaitement applicable à la

syphilis du système nerveux.

On.appelle en outre métasyphilitiques certaines maladies qui

1 ne sont pas essentiellement syphilitiques, mais qui sont des affec-

tions de dégénérescence, ne se développant guère que sur un ter-

rain syphilitique.

Un des caractères distinctifs de la syphilis ce sont les explosions

de manifestations actives alternant avec des périodes comparati-

vement silencieuses : les manifestations nerveuses de la maladie

n'échappent pas à cette marche alternante. Un autre point à noter

c'est que les symptômes de la syphilis cérébro-spinale s'amendent

facilement sous l'influence du traitemént, et parfois aussi sans

traitement. Il n'en est pas ainsi de tous les symptômes ni de tous

394 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

les cas, mais il ne faut pas oublier que les lésions créées par la

syphilis sont loin d'être toujours irréparables. Enfin, l'extrême

variabilité du tableau clinique a beau être bien connue, il faut y y

insister, parce qu'elle est toujours instructive et parfois pathogno-

mouique : en cela la syphilis peut être rapprochée de l'hystérie.

L'auteur examine ensuite sous quelles formes la syphilis céré-

bro-spinale peut-se manifester : 1° Méningite : les paralysies des

nerfs crâniens, tardives dans la méningite tuberculeuse, sont, ou

tout au moins, peuvent être beaucoup plus précoces dans la

méningite syphilitique; 2° Tumeurs : les manifestations purement

syphilitiques peuvent simuler une tumeur ; 3° Affections à foyers

multiples : dans ces cas, la syphilis peut ressembler à la sclérose

disséminée; le diagnostic différentiel est souvent très difficile; il

sera quelquefois aidé par l'expression du visage qui est caracté-

ristique dans la sclérose multiple : 4° Hémiplégie : forme fréquente

de la syphilis nerveuse, souvent très accessible au traitement ;

Î5° Lésions cérébrales diffuses, simulant la paralysie générale pro-

gressiue : ici encore diagnostic souvent difficile, d'autant que la

paralysie générale étant une maladie des syphilitiques, il peut y

avoir des moments où les deux maladies voisinent ou se compli-

quent ; 6° Maladies de la moelle, pseudo tubes ou tubes syphilitique : .'

est beaucoup plus influencé par le traitement que le tabes vrai ;

'7° Paralysie spasmodique : quand elle est syphilitique elle s'accom-

pagne de troubles de la sensibilité et des fonctions vésicale et rec-

tale qui font défaut dans la forme non syphilitique ; 8° Poliomyé-

lite antérieure : si les altérations syphilitiques portent sur les

cornes antérieures, le diagnostic peut être difficile : on le fera

surtout par les signes généraux et par le traitement : 9° Syringe-

myélite : l'auteur se borne il la signaler n'ayant pas vu de cas où la

syphilis l'ait simulée ; 10° Nerfs périphériques : la névrite syphili-

tique est contestée par beaucoup d'auteurs, qui estiment que les

altérations du nerf sont dues aux altérations des tissus voisins.

L'auteur conclut qu'il y a des symptômes qui sont caractéris-

tiques de la syphilis, mais qu'il n'en est aucun qui soit réellement

pathognomonique. 11 entre ensuite dans quelques- considérations

générales sur le pronostic et le traitement.

, R. DE IUSGlt.IVE-CL.1T.

LXXXVIII. Névroses observées dans la pratique de l'orthopédie ;

par- B.-E. UACKE : '\ZOE. (The New York Médical Journal, 13 juillet

1901.) -

L'auteur a été surpris du nombre relativement considérable de

névroses qu'il a rencontrées dans la pratique orthopédique et il

signale et rapporte quelques-uns des cas les plus intéressants qu'il

lui a été donné d'observer. R. M.-C.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 395

LXXXIX. Paramyoclonus multiple; par L.-J. Morton. (The New

York Médical Journal, 15 juin 1901.)

Le paramyoclonus multiple (ou spasme convulsif, ou tremble-

ment convulsif, ou spasme musculaire) est un spasme de plusieurs

muscles de la face, du cou, des bras, et des membres inférieurs.

ainsi que du tronc : les muscles des mains et des pieds ne sont

pas atteints : les spasmes sont cloniques, ordinairement symé-

triques, d'intensité variable et d'une fréquence qui oscille entre

cinq et cinquante contractions par minute. La nature du tremble-

ment, la variabilité de forme de la contraction rendent le diagnostic

parfois malaisé. On a dit que le traitement, étant toujours suivi

de succès, facilitait le diagnostic : l'auteur ayant eu deux cas de

mort dans cette maladie, ne peut partager cette manière de voir :

il rapporte un cas que nous résumons ici :

Homme de quarante ans, actif et vigoureux ; reins et coeur

sains. Après une petite opération (hémorroïdes), signes de dépres-

sion et crainte de la mort, bien que l'opération eut parfaitement

réussi et que la plaie fût guérie : on note d'abord un léger frémis-

sement des muscles du dos, puis des spasmes toniques et cloniques

de tous les muscles de la partie postérieure du tronc et des extré-

mités inférieures; sans perte de la sensibilité des muscles atteints.

Miction et défécation libres. Tristesse, sensation de mort pro-

chaine, traitement inefficace : mort. Pas d'autopsie.

L'auteur présente à la Société neurologique de- Brooklyn (à

laquelle il communique ce travail) un autre cas de paramyoclonus

multiple chez une jeune irlandaise de vingt-six ans, qui s'est fati-

guée d'abord dans son service de femme de chambre, et ensuite

à soigner son frère qui est mort tuberculeux. Quelque temps après,

elle est devenue tuberculeuse à son tour, et a commencé à présenter

des spasmes cloniques qui ont atteint d'abord les muscles du côté

droit du corps (bras et jambe), puis se sont propagés aux muscles

correspondants du côté gauche et ensuite à ceux du cou et de la

partie inférieure de la face. Lorsque la malade est seule, les

spasmes, qui sont toujours cloniques, sont moins accentués que

lorsqu'elle s'applique à accomplir un acte sous les yeux de quel-

qu'un. Le début de la maladie remonte actuellement à dix-huit

mois.

Ces cas ne sont pas communs. Hammond dit que cette maladie

est également fréquente dans les deux sexes. L'auteur insiste

ensuite sur quelques points du diagnostic différentiel et terminé

par quelques indications relatives au traitement.

R. de Musgrave-Clay.

396 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XC. L'influence du climat sur les maladies nerveuses considérée

au point de vue physiologique; par F. SAVARY PEARCE. (The New

York Médical Journal, 5 octobre 1901.)

Les effets de la diminution de la pression atmosphérique, qui se

traduisent par un surcroît d'activité de la circulation périphérique,

constituent un fait physiologique et physique important et qui

peut servir de base à l'étude des effets de l'altitude sur les mala-

dies ; d'autre part les effets d'un séjour dans l'air raréfié sous une

pression atmosphérique décroissante sont analogues à ceux de l'as-

cension d'une montagne, au moins dans une certaine mesure ;

enfin, les expériences de Mitchell nous montrent l'influence bien-

faisante que le massage exerce en activant le courant sanguin à la

surface du corps. Ces trois observations importantes conduisent à

* la même conclusion, à savoir : que la diminution de la pression

atmosphérique en éveillant, en quelque] sorte, une vis à fronte

donne sur l'organisme humain des résultats semblables à ceux de

la vis ci tergo provoqués par l'opérateur dans le massage.

Dans les Archives des sciences physiques et naturelles de dé-

cembre 1900, M. Jaquet donne une autre interprétation des effets

de l'altitude sur la nutrition, et conclut, que dans les effets de

l'altitude, le principal, sinon l'unique facteur, est la diminution de

pression agissant par voie de modification chimique du sang; il

ajoute que ni la température ni la lumière n'agissent d'une manière

évidente sur le sang. Il prétend que la diminuation de pression

. obtenue dans une expérience de laboratoire, en soumettant le

corps à une pression atmosphérique diminuée, est exactement sem-

blable dans ses résultats à celle que l'on observe chez un sujet qui

gravit une montagne élevée ; il soutient que, dans cette pression

atmosphérique diminuée, il pénètre plus d'azote dans le sang. Tout

en admettant ce fait, l'auteur sait parfaitement que la nutrition

est aussi améliorée par le-fait que l'azote des matières protéiques

existant déjà dans le sang circule plus librement vers la périphérie ;

en sorte que, pour un seul élément, l'azote, nous sommes en pré-

sence d'un double mode d'action chimique, l'un venant de l'atmo-

sphère, l'autre du sang lui-même. L'expérience chimique nous

apprend aussi que-la pureté de l'air et l'intensité de la lumière

solaire sur les hauteurs activent le métabolisme organique. Le

vent a aussi une influence qui paraît s'exercer par action réflexe

sur le système nerveux périphérique en augmentant l'excitabilité

des fonctions organiques générales.

Ces préliminaires posés, on conçoit que, dans la neurasthénie,

qui est le type de la faiblesse irritable, il faut éviter le vent et les

altitudes supérieures à 600 mètres, sous peine de voir apparaître

une accélération trop grande des processus métaboliques et par

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 397 I

conséquent un surmenage du système nerveux central : cette

manière de voir est confirmée par l'apparition, à de grandes alti-

tudes, de palpitations cardiaques chez des sujets nerveux ou nor-

maux, palpitations qui sont évidemment dues à la diminution de

pression périphérique. ,

Les hystériques, pour des raisons similaires se trouvent ordi-

nairement mal des grandes altitudes, qui augmentent communé-

ment leurs insomnies, peut-être par une augmentation de l'activité

circulatoire des membranes du cerveau (tonus vasomoteur). Les

climats brumeux et à pression basse sont également défavorables

aux neurasthéniques et aux hystériques.

La mélancolie réclame une suractivité circulatoire et métabolique;

elle s'améliore quelquefois par le séjour dans la montagne, alors

même que les autres conditions climatologiques sont identiques.

Le grand vent est favorable aux mélancoliques et aux hypocon-

driaques, même dans les formes graves.

Il agit au contraire défavorablement, aussi bien que les grandes

altitudes, sur la chorée.

L'auteur insiste particulièrement sur l'insomnie et l'influence

qu'elle peut recevoir des diverses conditions atmosphériques. Il

estime qu'il faut admettre que la paralysie vasomotrice est la con-

dition fondamentale de l'insomnie persistante ; il est donc certain

que les influences climatologiques propres à atténuer ou à suppri-

mer cet état paralytique trouveront ici leur indication formelle.

Rien n'est plus utile en pareil cas que l'ensemble des états de

calme que réalisent les voyages maritimes. Dans l'épilepsie idio-

pft</n<jfMe, on peut espérer une amélioration lorsque, le malade

habitant à une grande altitude, on le fait descendre au niveau de

la mer. Dans les affections organiques du système nerveux, il est

évident que les conditions climatologiques sont sans grande im-

portance ; elles peuvent cependant être utilisées quelquefois pour

atténuer quelques-uns des symptômes les plus pénibles. Dans la

névrite chronique périphérique, un climat sec sans vent et de faible

altitude doit être preféré.

En résumé, l'influence du climat sur les maladies nerveuses est

une question ouverte. Ce sont les troubles fonctionnels qui

subissent le plus nettement cette influence. Les grandes altitudes

activent la circulation périphérique et favorisent la nutrition ; et

de ce fait découlent les indications climatologiques essentielles

dans les maladies du système nerveux, à la condition de mesurer

ces influences et de les proportionner à chaque cas particulier, car,

pour ne prendre qu'un exemple, un relèvement trop rapide et trop

aigu des grandes fonctions, tout en étant désirable en soi, peut

devenir nuisible, par son excès même, chez un neurasthénique

mal préparé à l'intensité d'un pareil effort.

, Il. DE jIICSGRAVE-CLAY.

398 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XCI. Ataxie spinale aiguë (non tabétique), ses rapports avec d'autres

formes d'ataxie aiguë; par Charles L. Dnw. (The 1\'ezo-I-onlr

Médical Journal, 20 avril 1901.)

L'ataxie aiguë est un état dans lequel le malade, dans un espace

de temps qui varie de quelques jours à une ou deux semaines, est

atteint d'ataxie bien accusée des extrémités inférieures et quel-

quefois des supérieures. On constate en même temps d'autres

troubles de la sensibilité, passagers ou de moindre importance,

ou de la faiblesse musculaire, mais'l'ataxie est le symptôme pré-

dominant et le plus persistant. L'ataxie aiguë peut être bulbaire

et cérébelleuse, spinale, ou périphérique et due en ce cas à de la

névrite multiple. Elle peut apparaître très rapidement dans le tabès'

dorsalis.

Dans un historique assez complet, l'auteur rappelle les travaux

de Leyden, d'bslein, de Pick, de II. Strauss, de Campbell,

Thompson et de \1'illiamsou.

L'ataxie bulbaire 'comprend la plupart des cas publiés par

Leyden sous le nom d'ataxies centrales aiguës : la lésion n'est pas

exclusivement bulbaire, et envahit probablement certaines portions

du cervelet et de la moelle ; mais c'est surtout le bulbe qui est

atteint, et les symptômes bulbaires sont les plus saillants : ces

cas, ainsi qu'on l'a déjà fait remarquer se rattachent probablement

à des formes de sclérose multiple. L'auteur rapporte ici avec

détail une observation caractéristique.'

Il rapporte ensuite quatre observations d'ataxie spinale aiguë,

dans lesquelles l'étude clinique des malades ne permet guère de

doutes sur la nature des lésions, malgré que l'autopsie fasse

défaut. Ces observations sont intéressantes, et suggèrent à l'auteur

quelques considérations que nous allons résumer. Au point de vue

étiologique les faits sont trop peu nombreux pour justifier des

conclusions fermes : la seule conclusion probable que l'on puisse

tirer des données étiologiques, c'est que cette forme d'ataxie esi

due à des altérations sémlcs des arteres ou à des lésions syphi-

litiques des vaisseaux postérieurs de la moelle, aboutissant soit à

l'obstruction, soit à l'hémorragie, soit à ces deux processus, avec

leurs effets réactionnels ordinaires. Il semble que ce soit le propre

du virus syphilitique, à la période exsudative, d'affecter spéciale-

ment les parties latérales et antérieures^ de la moelle, comme on

l'observe dans la paralysie spinale syphilitique. Au point de vue

des symptômes, dans tous les cas rapportés par l'auteur, l'ataxie

était particulièrement accentuée. Les malades perdaient leurs

membres et ne pouvaient ni se tenir debout, ni marcher, si ce

n'est à la manière des ataxiques. Mais la sensibilité cutanée n'é-

tait que modérément atteinte : il y avait toujours un certain degré

d'anesthésie tactile, mais sans perte bien nette de la sensation de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 399

douleur ou de température. Les réflexes du genou étaient abolis

dans deux cas, légèrement exagérés dans un troisième. Il existait

un certain degré de diminution de la puissance musculaire, mais

le malade pouvait toujours mouvoir librement ses membres dans

toutes les directions, et se tenir debout avec un peu d'aide. Les

réflexes cutanés étaient conservés. On n'a pas cherché le phénomène

de Babinski. Il n'y avait ni atrophie des membres, ni modification

des réactions électriques. On a noté de la faiblesse vésicale et de

la constipation, sans que les fonctions correspondantes fussent

sérieusement compromises. La douleur n'a été observée à aucun

moment : ni douleursfulguranles, ni crampes, ni secousses, ni dou-

leurs en cemture. Aucune lésion des nerfs ci àniens. En ce qui louche

la marche et le pronostic, chez tous les malades de l'auteur l'amélio-

ration a été rapide : l'un d'eux est pratiquement guéri depuis huit

ans, un autre l'est presque six mois après le début de la maladie.

On peut dire que le pronostic est plus favorable que dans les cas

ordinaires de paralysie spinale syphilitique ou de myélite trans-

verse. Les signes diagnostiques sont tellement caractéristiques

qu'une erreur est à peine possible. Dans l'ataxie locomotrice, le

début n'a jamais la même brusquerie; dans l'ataxie bulbaire il y

a toujours des symptômes relevant d'une lésion des nerfs crâniens,

et les bras sont atteints aussi bien que les jambes.

Il est fâcheux qu'on ne puisse fournir aucune donnée anatomo-

pathologique, car les autopsies font défaut à l'auleur : mais l'âge

des malades, la rapidité du début, les antécédents syphilitiques,

les symptômes les plus caractéristiques, nous indiquent d'une

façon presque certaine l'existence d'une lésion vasculaire aboutis-

sant soit à l'hémorragie, soit au ramollissement. En tout cas

l'absence de fièvre et de douleur et la rapidité de la guérison

montrent qu'il s'agit ici d'un processus qui n'est ni inflammatoire,

ni progressif, ni de dégénérescence. Pour des raisons qu'il déve-

loppe, l'auteur pense qu'il s'agit dans les cas qu'il a observés d'un

ramollissement brusque par thrombose.

En résumé, l'ataxie aiguë se rencontre quelquefois dans le tabès

dorsal, mais s'accompagne ordinairement de symptômes caracté-

ristiques. L'ataxie spinale aiguë, non tabétique, est le résultat soit

de la syphilis spinale, soit d'altérations séniles des artères et se

manifeste par l'apparition brusque de faiblesse motrice passagère,

de troubles vésicaux, d'ataxie bien accusée et de troubles de la

sensibilité de moindre importance. Elle peut n'atteindre qu'une

seule des extrémités, mais le plus souvent elle frappe les, deux

membres inférieurs; - elle tend à une guérison presque complète.

L'ataxie bulbaire ou bulbo-cérébelleuse aiguë est consécutive à

une infection aiguë, et est ordinairement le début d'une forme de

sclérose multiple.

L'ataxie aiguë, d'origine névritique, est le résultat d'une névrite

400 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

multiple des nerfs de la sensibilité : on la rencontre ordinairement

dans les formes non alcooliques de névrite, particulièrement daus

celles qui sont dues aux poisons métalliques (intoxication arise-'

nicale) ou à la diphtérie. R. DE MLISG1(AVE-CLAY.

XCII. Anesthésie. Paralysie périphérique : observation d'un cas

peu commun de paralysie brachiale bilatérale survenue pendant

la narcose (appendicite) ; par Walter M. Bmcwcn. (The New Y01'k

Médical Journal, 27 avril 1901.)

Ces cas ne 'sont pas communs, cependant plusieurs chirurgiens

en ont signalé, et l'auteur commence son travail par un bon histo--

rique du sujet : cet historique est nécessairement court, puisque

le cas publié par l'auteur et que nous allons résumer ici sera le

cinquième dans la littérature.

Homme de vingt-cinq ans, fort, pas d'hérédité fâcheuse, pas

d'alcoolisme. Opéré pour une appendicite : l'opération dure un peu

plus d'une heure ; le chloroforme est donné par un aide expéri-

menté : le malade ne se débat pas, ne vomit pas ; rien de fâcheux

à noter pendant l'anesthésie ; la dose de chloroforme employée a

été d'environ une once. Le malade était étendu; pendant quelques

minutes seulement on lui a placé les mains au-dessus de la tête.

Au réveil les deux bras étaient paralysés : il ne subsistait qu'un

très léger mouvement des doigts de la main droite. Les bras et les

avant-bras étaient anesthésiés. La guérison a été complète en deux

mois sans atrophie.

L'auteur rappelle ensuite les explications ou interprétations que

les auteurs ont données dans des cas semblables ou simplement

analogues et constate qu'aucune d'elles ne s'applique exactement

au cas dont il s'agit. Mais quelle que soit l'explication anatomique

vraie, l'existence d'un élément traumatique est évidente. Il en

conclut que dans l'anesthésie chirurgicale, il faut surveiller les

bras et ne jamais les laisser pendre sur le bord de la table ; en

outre il ne faut avoir recours que dans le cas de besoin réel à la

rotation et à l'hyper-extension de la tête : il faut encore éviter

toutes les compressions ; enfin il faut éviter de laisser les bras

pendant plus de quelques minutes dans la même position, quelque

inoffensive que cette position puisse paraître.

R. DE iIUSGR.1VE-CL : 1Y.

XCIII. Étiologie des névrites multiples; par Allen Starr. (Afc-

dical News, 2 janvier 1901.) .)

Adoptant la classification de Gowers etRemak, l'auteur passe en

revue les névrites d'origine toxique, toxhémique, endémique,

rhumatismale, cachectique et sénile. Il subdivise les causes toxiques

- REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 401

exogènes en poisons métalliques et non métalliques, etc. Cette

revue est semée d'observations personnelles résumées; où l'auteur

insiste sur la complicité la plus ordinaire des éléments toxiques

associés. ' - A. M.

XCIV. Torticolis spasmodique et spasmes fonctionnels ; par le

De Destaiuc. (Revue neurologique, juin 1901.)

Il s'agit de deux malades chez lesquelles il y a coexistence des

manifestationc spamodiques les plus variées. -

La première, jeune fille de dix-sept ans, présente un torticolis

droit, de la crampe des écrivains, un spasme de la hanche et enfin,

à gauche, un tic du pied, véritable crampe du marcheur.

Le second malade, agé de quarante-quatre ans, présente de la

crampe des écrivains, et un torticolis spasmodique.

Cette combinaison du torticolis avec la crampe des écrivains ou

d'autres spasmes fonctionnels doit être plus fréquente que ne le

laisserait supposer la rareté des cas publiés.

En présence de ces phénomènes d'aspect si varié, faudra-t-il donc

porter autant de diagnostics qu'il y a de formes différentes de

spasme ? il est probable que ces malades montrent, par une sorte

de synthèse, les liens souvent méconnus qui réunissent entre eux

ces divers spasmes et les rattachent à une cause unique.

Quelle est la nature de ces mouvements convulsifs un grand

nombre appartiennent incontestablement à l'hystérie : aussi la sug-

gestion vient-elle en première ligne comme traitement E. B.

XCV. Contribution à l'étude de la nature des myopathies; par

M. A. LLac. (Revue Neurologique, juin 1901.)

La question très controversée de l'origine des myopathies n'est

pas encore résolue : on se demande encore si les affections décrites

comme primitivement myopathiques sont en réalité indépendantes

ou non de toute altération nerveuse, organique ou fonctionnelle.

Un malade présenté par l'auteur à la Société de Neurologie et

paraissant représenter un type accompli de la forme facio-scapulo-

humérale de Landouzy-Déjerine, semble pouvoir contribuer à la

solution de cette question. ,

Bien ne permettrait de distinguer ce myopathique de tous les

myopathiques reconnus jusqu'ici s'il ne présentait deux symptômes

en opposition avec le tableau clinique aujourd'hui classique de la

myopathie et avec la théorie pathogénique de son origine primiti-

vement et uniquement musculaire, à savoir l'abolition des réflexes

tendineux malgré l'intrégrité des muscles correspondants et des

contractions librillaires. "

En somme, aucun des caractères cliniques de dystrophie muscu-'

Archives, 21 série, t. XIII. 26

402 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lairene parait avoir une valeur absolument démonstrative de l'ori-

gine myoppathique; si à cela on ajoute les résultats discordants

des autopsies, la fréquence des lésions nerveuses et l'identité des

. lésions musculaires avec celles de certaines affections organiques

du système nerveux, le nombre croissant enfin des cas mixtes et

des cas de transition, il semble légitime de conclure encore aveu

Erb, qu'il « est prématuré de considérer le processus qui nous oc-

cupe comme étant primitivement myopathique. » H. 13LIN.

XCV1. Anesthésie et analgésie hystériques; par B.-C. LovrLAND.

(The New 1-oi-le Médical Journal, 16 février 1901).

Observation. M"0 M..., vingt-quatre ans, célibataire, mens-

truation irrégulière; lièvre typhoïde à seize ans et rhumatisme

articulaire aigu il vingt-deux ans. Pas d'hérédité fâcheuse. Grande

émotion nerveuse il y a deux ou trois ans (mort subite de son père);

avait été rendue nerveuse préalablement par la rupture d'un ma-

riage très désiré. Cette rupture datant de trois semaines fut suivie

d'une crise hystérique avec trouble mental, tendance aux idées de

persécution. En même temps, engourdissement des membres. Lors

du premier examen de la malade on trouve des réflexes lents, des

pupilles dilatées et de l'hyperesthésie abdominale il la pression,

sans lésion. Le diagnostic porté est celui de grande hystérie. Un

peu plus tard, à la suite d'un massage qui avait déterminé des

ecchymoses, on constate une anesthésie des membres que la malade

avait ignorée jusque-là : les constatations ainsi faites sont les sui-

vantes : sensibilité normale à la tète et au cou : anesthésie au

toucher, à la température et à la douleur depuis la clavicule jus-

qu'au-dessus du mamelon en avant, et sur une surface équivalente

en arrière : les deux épaules, les bras et les mains sont compris

dans la zone anesthésiée. A la face antérieure du corps la sen-

sibilité est normale depuis les mamelons jusqu'à une ligne trans-

versale passant par les dixièmes côtes, à partir de laquelle com-

mence une zone d'extrême hyperesthésie qui descend jusqu'aux

aines.

A la face postérieure du corps, la zone de sensibilité normale

s'étend de l'angle inférieur des omoplates jusqu'aux sillons fessims,

sauf deux petits points très sensibles au-dessous de l'omoplate e

(zones hystérogcnes) : l'excitation électrique de ces deux points

provoque immédiatement une crise hystérique. Les membres infé-

rieurs y compris les pieds, présentent une anesthésie complète à

la chaleur, au froid, au contact, à la douleur et à la localisation,

la ponction avec une grosse aiguille n'étant même pas tentée. Con-

trairement à ce qui se passe d'ordinaire en pareil cas, la ponction

donne un peu de sang et une ecchymose, malgré la pâleur de la

peau. Toutes les lignes de démarcation entre les zones de sensibi-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 403

lité et d'insensibilité sont nettes et tranchées : pas de zone de tran-

sition. Quand la sensibilité est revenue, elle a reparu d'abord à la

paume des mains, aux doigts, puis à la face dorsale des pieds, et

elle a progressé des extrémités vers le corps.

Les autres phénomènes observés pendant le séjour de la malado

ont été les suivants : tout d'abord elle était constipée et passait

plusieurs jours sans aller à la selle sans malaise apparent : puis un

soir elle fut prise de convulsions hystériques avec état spasmodi-

que, généralisé et strabisme double pendant deux heures; après

quoi elle eut une crise de diarrhée avec cinq à huit évacuations par

jour, et des règles qui revenaient tous les quatre jours. Pendant

plusieurs mois elle conserva des alternatives de constipation et de

diarrhée, et des règles indûment fréquentes. Le traitement consiste

en courants faradiques, ou courants galvaniques interrompus,

assez puissants pour faire contracter les muscles; on y adjoignit

une suggestion mentale énergique. Pendant quelque temps on

constata des vomissements incoercibles et qui devinrent inquié-

tants : en même temps on notait de l'oligurie (une miction toutes

les 36 heures). Cette malade resta dix mois en traitement et sortit

guérie. ,

L'auteur fait remarquer, à propos de ce cas, que l'on a une ten-

dance fâcheuse à considérer l'hystérie comme une maladie dépour-

vue de tout danger, alors qu'elle peut, comme c'était ici le cas,

donner lieu il des troubles fonctionnels parfaitement capables de

compromettre la vie : c'est d'ailleurs ce qu'enseignait Charcot.

L'importance séméiologique de l'anesthésie u'est certainement pas

égale à celle de la boule ou de l'hyperesthésie; mais quand elle

existe, elle constitue néanmoins un signe de grande valeur : elle

succède généralement à une forte crise, et son étendue est variable,

autant que sa localisation est capricieuse et indépendante de toute

notion anatomique. La paralysie peut accompagner l'anesthésie,

mais le plus souvent on n'observe que de la faiblesse musculaire :

toutefois, l'anesthésie accompagne souvent la paralysie hystérique.

DE >tIUGR9`'C-CL.1T.

Suicide d'enfant. - A Bissereelle (Nord), le jeune Maurice

Maecker, douze ans, avait raconté à sa mère une histoire il laquelle

celle-ci ne voulut pas ajouter foi. Elle réprimanda le bambin qui

partit en disant : « Puisqu'on ne veut pas me croire, je m'en vais

et je ne suis pas près de revenir ! » Le malheureux enfant alla se

noyer dans une mare, à a00 mètres de la maison. (Le Bonhomme

Normand, 25 avril 1902.) -

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

XIII. Remarques sur les contrats et dommages faits par des aliénés

et leurs rapports particuliers avec la loi de Maryland; par

'filliam-II. BUCHER. (The Americccic Journal of Insanily, 1901,

p. 615-636.

La principale difficulté est qu'il faut tenir compte de l'autre

partie contractante qui peut être lésée. Aussi n'est-ce pas-une

théorie générale du contrat (qui implique pour être valable,

libre consentement de la personne qui le signe, et par conséquent

' nullité de tout engagement pris par une personne en état de

folie) qui règle les contestations possibles. Toutes les fois qu'une

personne subit une perte quelconque du fait d'un aliéné, elle peut

réclamer de lui des dommages-intérêts. Mais il semble qu'il y ait

une tendance à ne pas appliquer rigoureusement cette règle et à

mettre les dommages causés par des aliénés sur le même pied que

ceux qui sont le résullàt d'accidents inévitables. SIMON.

XIV. Folle ou criminelle; par George-J. PRESTOV. (The American

Journal of lnsanity, 1901, p. 625-639.)

Une jeune femme, sans tare héréditaire, bien élevée, sans défauts

de caractère, institutrice honorablement connue, dans une situa-

tion telle que sa vie était amplement assurée, et de vie d'ailleurs

modeste, persuade à un grand nombre de personnes de souscrire

à une entreprise de publication purement fictive et recueille ainsi

150.000 livres. 75.000 disparaissent. L'enquêle la plus soigneuse ne

peut révéler comment elles ont été dépensées. Miss C ? refuse

obstinément d'indiquer comment elle en adisposé et parait conser-

ver une confiance absolue dans leur retour. A-t-elle été la dupe

d'autres personnes intrigantes, ou folle ? SillON.

XV. Stigmates de dégénérescence et aliénés criminels; par Chas.-

A. ])I\EW. (The American, Journal of Insanily. 1001, p. 689-699.

- 10 pi.)

Contribution à l'étude anthropologique des aliénés et des crimi-

nels, illustrée de 8 observations avec photographies et courbes

crâniennes. Noter, en outre, ce qui a rapport à la signification

péjorative des formes extrêmes, à l'importance à attribuer aux

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 405

stigmates, à la relation qui parait exister entre les signes phy-

siques et l'état mental. 0 SmoN.

XVI. Morphine et criminalité; parT.-D. Crothers. (TheAlienist and

- 11'eurologist, 1901, p. 325-231.)

1° L'habitude de la morphine altère les facultés mentales du

sujet, diminue son attention, pervertit sa conception du monde

extérieur et son sens moral, le rend sujet aux impulsions... 2° En

outre/besoin de plus en plus intense de se procurer de la morphine

par quelque moyen que ce soit (mensonges, vols, etc). - De là la

criminalité des morphiniques, en même temps que se trouve

toujours posée, lorsqu'il s'agit de tels malades, la question de

leur responsabilité. Simon.

XVII. La question des aliénés criminels en Hongrie. (Psych.

Wochenschr. 1 ? décembre 1900.)

Au congrès des médecins aliénistes hongrois, tenu à Budapest le

28 octobre 1900, le 0'' Moravcsik a fait une intéressante communi

cation sur la question des aliénés criminels. L'auteur insiste sur la

nécessité d'éliminer des asiles d'aliénés ordinaires les criminels qui

sont une cause de difficultés sérieuses. Le premier devoir d'un asile

d'aliénés est d'assurer le traitement des malades, et parmi les

moyens de traitement les plus importants se trouvent le repos

physique et psychique, ainsi que l'eloignement des influences

nocives. L'immense majorité des aliénés des asiles se recrutent

parmi des sujets à passé irréprochable, sans tares judiciaires, qui

souffrent du contact d'individus turbulents, injurieux, violents,

corrompus, délinquants. Un seul malade de cette catégorie peut

porter le désordre dans tout un quartier. Ces sujets font des tenta-

tives d'évasion ou de révolte, troublent la discipline et le bon

ordre, sèment le mécontentement et la contagion morale. De plus,

la présence de ces éléments à tendances malfaisantes qui nécessite

des mesures de surveillance étroite, met le médecin dans l'impos-

sibilité de faire bénéficier les autres malades des avantages du

traitement moderne par les méthodes de douceur et de liberté.

Les aliénés criminels doivent, en conséquence, être éliminés des

services ordinaires. Des services spéciaux sont indispensables pour

hospitaliser cette catégorie de malades; mais pour diverses rai-

sons, les établissements de ce genre ne devraient pas avoir plus de

200 à 300 aliénés. La question est, en Hongrie, partiellement résolue :

un établissement -spécial pour le traitement et l'observation des

détenus aliénés et des inculpés présumés aliénés est annexé à la

prison centrale de Budapest. Cet asile spécial reçoit a)les individus

qui, au cours de l'instruction ou de la prison préventive, ont

.0) REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

présenté des troubles psychiques, nécessitant une observation spé-

ciale ; b) les détenus accomplissant une peine d'emprisonnement

et les jeunes gens enfermés dans les maisons de correction, lorsque

ces sujets ont présenté des signes d'aliénation mentale ou des états

d'excitation nécessitant un traitement spécial (accès épileptiques,

hystériques). Les détenus restent dans l'asile spécial jusqu'à la

guérison, ou jusqu'à l'expiration de leur peine. Si la guérison sur-

vient avant qu'ils aient purgé leur peine, ils sont réintégrés dans

l'établissement pénitentiaire. Si le malade, une fois sa peine ter-

minée, ne peut être mis en liberté, par suite de son état mental,

il est transféré dans un asile d'aliénés dépendant du ministère de

l'Intérieur. -

Cet asile spécial (Lcandes-t3eubecc)ltengs-Irrcap/lege-Ans(cth) pour

détenus et condamnés est, à tous les points de vue, aménagé con-

formément.aux desiderata modernes de l'assistance des aliénés. Il

serait utile que cet établissement put admettre les criminels d'ha-

bitude reconnus dangereux, et cela, même lorsqu'il est démontré

que ces sujets étaient aliénés avant de commettre l'acte criminel

incriminé. ' P. SÉftrLU\.

XVIII. Un cas de meurtre par impulsion homicide pure ; par

J. 1'i'tcLswomu. (The Journal of Mental Science, avril 1901.)

Il n'est pas commun de rencontrer des cas de meurtre commis

par une personne d'ailleurs raisonnable, exempte de toute hallu-

cination ou délusion, sous l'influence d'une impulsion homicide

pure. On sait qu'il est habituel dans les asiles que deux ou trois

malades calmes soient employés aux soins du ménage dans la

maison du directeur : deux de ces malades étaient employées chez

l'auteur en août 1900. L'une, Hannah Ilaiicox, avait du délire reli-

gieux, mais paraissait raisonnable à tous autres égards ; elle avait

toute liberté d'aller et venir dans la maison : elle était âgée de

quarante-huit ans. L'autre, Elizabeth Grainger, était célibataire et

âgée de vingt-huit ans; elle était entrée au mois de mars précé-

dent en état de dépression et avec l'idée qu'on voulait l'empoi-

sonner : elle était réservée et taciturne ; mais son état s'était amé-

lioré, on la considérait comme convalescente, et, depuis deux

jours seulement, elle travaillait chez le directeur.

Le leur août au matin, M. Wiglesworth entendit des cris dans le

haut de la maison,il monta en toute hâte au troisième étage et trouva

Hannah Hancox étendue sur le côté gauche, sur le bord du palier,

et la femme Grainger agenouillée sur elle, et avec une incroyable

expression de férocité, s'acharnant à lui couper le cou, avec un

couteau de table ordinaire, qu'elle avait enfoui dans le cou de sa

victime, -et avec lequel elle faisait le mouvement de -cie. L'arrivée

du docteur ne l'interrompit en aucune manière, et il fallut l'em-

- REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 01

poigner et l'arracher de force, ce qui la projeta contre le mur, et

lui donna un choc utile, car elle lâcha le couteau et s'enfuit dans

un corridor voisin pendant que M. Wiglesworth s'occupait de la

blessée. Au premier abord, la tête semblait avoir été à moitié

séparée du tronc, et il ne s'en fallait pas de beaucoup à la vérité.

Le sang coulait abondamment d'un vaisseau profond (qui fut

ensuite reconnu pour l'artère vertébrale); l'hémorragie fut arrêtée par

lacompression manuelle, en attendant l'arrivée des autres médecins

de l'asile : il y avait aussi des coupures graves aux mains, résul-

tant évidemment des efforts de la victime pour s'emparer du cou-

teau. La perte de sang avait été considérable (près d'un litre et

demi, et peut-être davantage) : la blessée mourut deux heures .

. après. Elle était consciente et déclara que la femme Grainger l'avait

attaquée sans que rien pût lui faire prévoir l'agression : ici l'au-

teur décrit minutieusement la blessure.

Au moment du crime, M. Wigles'worth pensa qu'il avait du

être commis sous l'influence d'idées délirantes, mais en examinant

la meurtrière quelques heures après le crime, il acquit la certitude

qu'il était le résultat d'une impulsion homicide pure.

La meurtrière était un peu agitée, mais raisonnait fort bien :

elle dit au D1' Wiglesworlh qu'elle s'était levée ce matin-là avec un

désir insurmontable de tuer quelqu'un ; elle n'avait aucune ani-

mosité contre la victime et était désolée qu'elle eût succombé. Elle

l'avait frappée parce qu'elle était la première personne qui s'était

trouvée sous sa main : elle aurait agi de même à l'égard de n'im-

porte qui : elle l'avait frappée sans dire un mot pendant qu'elle se

baissait. Le docteur ne put découvrir aucune trace d'hallucinations

ou de délusions. Quand son agitation fut tombée, la surveillante

la fit causer de nouveau du crime, et elle tint absolument le même

langage, en ajoutant toutefois quelques renseignements importants,

entre autres celui-ci, que, quinze jours auparavant, elle s'était levée

avec la même impulsion homicide : ce matin-là, elle avait enlevé

un couteau à découper de la table des surveillantes, et avait suivi

une servante jusqu'à sa chambre avec l'intention de la frapper au

cou : mais une autre servante étant apparue, elle avait renoncé à

son projet, était redescendue et avait replacé le couteau sur la ta-

ble : son idée de tuer disparut ce jour-là : une autre fois encore elle

essaya d'attirer une des ses compagnes à l'écart pour la tuer, mais

il survint du monde et elle ne put accomplir son projet. Quand on

lui représente l'énormité de son crime, elle ne fait aucune difficulté

de l'admettre, mais déclare n'avoir pas pu faire autrement. Elle n'a

aucun remords, et ajoute que « voilà que son idée la reprend et

qu'il faut qu'elle coupe quelqu'un ». Elle avoue quc son .in-

tention était de couper complètement la tête à sa victime. Son

état resta le même durant vingt-quatre heures après le crime,

puis elle devint morne etsilencieuse. Mais au moment de l'enquête,

408 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

elle devint agitée et il fallut l'emmener. Elle était excitée le len-

demain, devant les magistrats et chantait des fragments de chan-

sons, les entremêlant de remarques plus ou moins ironiques à

l'égard des témoins, et finalement s'affaissant sur le plancher,

sans plus s'occuper de ce qui se passait : ses règles avaient com-

mencé ce jour-là. Emmenée à la prison, elle s'y montra agitée, et

fut transférée à l'Asile de Broadmoor (asile des aliénés criminels).

L'histoire complète de la malade est intéressante, mais elle n'a

pu être constituée qu'après le crime, aucun parent ou ami

n'étant venu lavoir pendant son séjour à l'asile : l'auteur la rapporte

avec des détails dans lesquels nous ne pouvons pas le suivre : ce

qui en ressort de plus important, c'est l'existence de l'hérédité

mentale, et qu'elle avait eu des tendances au suicide, manifestées

par un commencement d'exécution. -

M. Wigles\\'oorth termine par quelques considérations sur le cas

de cette malade au point de vue médico-légal, et au point de vue

psychologique, mais à ce dernier point de vue, il ne peut que poser

des questions, sans les résoudre. Il. DE lIIu ! 'GIL\VOE-CLAY.

XIX. Brève esquisse des dispositions prises pour le traitement et

la surveillance des aliénés criminels en Angleterre durant le

siècle actuel; par Richard BRAYN. (The Journal of Mentcal Science,

avril 1901).

Excellente et intéressante revue du sujet. Il. M. C.

XX. Epilepsie et crime ; par John 13.ncn. (The Journal of mental

Science, avril 1901.) ,

La pathologie de l'épilepsie demeure obscure : nous n'étudie-

rons dans cette maladie que des symptômes, et c'est par l'obser-

vation clinique que nous sommes amenés à supposer l'existence

d'altération des tissus cérébraux à spécialisation élevée. On ne

peut même pas avoir actuellement une bonne définition de l'épilepsie';

la meilleure est encore celle que propose Ottolenghi : « L'épilepsie

est un syndrome fonctionnel de dégénérescence, qui revêt avec

plus ou moins d'intensité l'une ou l'autre des formes suivantes :

convulsions motrices, sensorielles ou psychiques (intellectuelles ou

émotives) suivant la nature du sujet chez lequel elles se mani-

festent. » En se basant sur cette définition, on peut grouper les

accidents épileptiques de la manière suivante : 1° Attaques épilep-

tiques avec santé morale intacte; 2" attaques épileptiques avec

folie; 3° folie dite épileptique sans attaques caractéristiques. On

n'a pas à s'occuper ici du premier groupe.

Le second est plus intéressant : les troubles mentaux y ont une

durée et une intensité variables : quand leur apparition n'est pas

REVUE DE MÉDECINE LEGALE 409

en rapport immédiat avec l'attaque, ils peuvent être séparés par

des intervalles plus ou moins longs, et on les décrit quelquefois

sous le nom d'équivalents psychiques de l'épilepsie. Ces états

mentaux présentent des caractères particuliers, qui sont bien

connus, mais dont les deux plus saillants sont l'irritabilité, et

l'impulsivité, celle-ci pouvant aller jusqu'au crime, si bien que

ClonsLon a pu dire que, chez un épileptique, un meurtre est un

symptôme de la maladie au même titre qu'un vol chez un para-

lytique général, et même que si un homme sujet à des attaques

fréquentes d'épilepsie commet un homicide d'une manière impul-

sive ou sans motif, il y a de fortes présomptions en faveur de son

irresponsabilité. -

Mais dans le troisième groupe, la question de responsabilité se

pose autrement. Les criminologistes modernes ont une tendance

à rattacher iL l'épilepsie tous les troubles mentaux et toutes les

impulsions irrésistibles. Sur 26j criminels, Oltolengbi a trouvé 80

épileptiques, soit 30 p. 100. et sur ce nombre, il en donne 78 comme

atteints d'épilepsie psychique. La plupart de ces derniers cas ne

seraient pas qualifiés d'épileptiques si ce terme conservait son

sens ordinaire : à force de l'étendre on lui enlève toute signification

rationnelle et précise. L'auteur est d'avis que l'on n'a aucune rai-

son suffisante d'admettre que l'épilepsie psychique pure, entière-

ment et absolument indépendante de l'attaque caractéristique,

existe en tant que maladie per se, et, au point de vue médico-

légal, son allégation, comme moyen de défense d'un criminel, est

inadmissible.

Ces préliminaires posés, l'auteur aborde le côté statistique de

son sujet, et le premier tableau qu'il donne (il est médecin adjoint

de l'asile des aliénés criminels de Broadmoor) fournit deux don-

nées intéressantes : il la disproportion entre les hommes et les

femmes au point de vue des crimes (139 hommes et 26 femmes) ;

2° la disproportion entre lés crimes contre les personnes et les

crimes contre la propriété (crimes contre les personnes : a) avec

intention homicide 111 (dont 90 par des hommes et 2t par des

femmes) ; b) sans intention homicide (viol, etc.) 6, tous par des

hommes). Crimes contre la propriété : 48, dont43 par des hommes

et par des femmes). 11 est à remarquer que bien que l'épilepsie

soit de l'aveu de tous les auteurs sensiblement plus fréquente

chez l'homme que chez la femme, la différence de proportion est

infiniment plus accusée au point de vue criminel qu'au point de

vue pathologique. 11 faut noter qu'il y a des formes d'épilepsie

qui prédisposent plus que d'autres aux actes homicides. Quand

les crises sont suivies d'un sommeil profond et prolongé, les

troubles mentaux du réveil sont ordinairement moins accentués;

mais quelquefois cependant le malade se réveille en état de manie

furieuse. '

410 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

Les troubles mentaux peuvent se manifester : 1° avant les attaques,

2° après les attaques; 3° dans l'intervalle des attaques; 4° en

remplacement des attaques, celles-ci ayant cessé.

1° Avant les attaques, ils prennent la forme de perversions sen-

sorielles, (sensation de terreur inexplicable, illusions, hallucina-

tions, dilusions) ou d'accès aigus de manie ; l'auteur relate ici

plusieurs observations de ce genre;

' 2" Après l'attaque, les troubles mentaux varient dans l'époque

de leur apparition, dans leur intensité,- dans leur gravité. Leurs

formes sont très variées aussi ; très souvent le malade se croit

injustement soupçonné ou accusé, et de là peut partir une impul-

sion homicide. Quelques malades peuvent à ce moment savoir

que l'acte qu'ils commettent ou vont commettre est criminel. -Mais

ils ne peuvent s'empêcher de le commettre. Ils sont tous comme

une machine à vapeur dont le frein ne fonctionne pas. (Ici encore

et un peu plus loin trouvent place quelques observations intéres-

santes). Dans beaucoup de cas d'homicide épileptique, la cons-

cience est conservée, et la mémoire n'est pas oblitérée, du moins

immédiatement. Mais un peu plus tard tout souvenir de l'acte

commis peut être perdu, et cette amnésie a quelquefois été con-

fondue avec l'inconscience, que pourtant elle n'implique pas. La

conscience et la mémoire ne sont pas toujours associées à l'acte

criminel épileptique, mais elles ne sont pas incompatibles avec

lui. Il y a certainement des étals post-épileptiques où le crime est

commis en état d'inconscience absolue. Ces cas s'accompagnent

fatalement d'amnésie.

La question de l'amnésie dans les rapports avec le crime en

général est très importante. La pratique des criminels montre

qu'un grand nombre d'entre eux sont profondément amnési-

ques.

3° Les troubles mentaux qui surviennent dans l'intervalle des

attaques se montrent ordinairement sous la forme de crises pa-

roxystiques de manie violente; leur début est d'une extrême

soudaineté; .

4° Les troubles mentaux qui remplacent les attaques et se

manifestent après leur cessation ont généralement les caractères

de la folie chronique. R. DE IUSGRAVE-CL.1Y.

XXI. Châtiment; par C.-A. Mercier. (The Journal of mental Science.

juillet 1901.)

Les travaux de M. Mercier sout d'une logique sévère et il est

presque toujours nécessaire d'en donner la traduction abrégée

plutôt que l'analyse. C'est ce que nous ferons pour celui-ci comme

pour les précédents, consacrés d'ailleurs au même sujet. Il rappelle

qu'il a déjà traité la question trois ou quatre fois. La première

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 411 1

fois il n'avait qu'un partisan ; beaucoup de médecins aliénistes se

sont déjà ralliés à son opinion, et il ne désespère pas d'entraîner

l'unanimité. Il rappelle que dans son premier travail il soutenait

- qu'un aliéné ne doit pas nécessairement être exempt de toute puni-

lion, que la plupart d'entre eux doivent être punis d'une manière

appropriée à leurs méfaits, et que, en fait, c'est ainsi que les choses

se passaient dans les asiles : seulement, comme la punition frap-

pait un aliéné, on n'osait pas l'appeler punition. Il fut ainsi amené

à rechercher la nature essentielle du châtiment, et il conclut qu'il

fallait le considérer comme la conséquence douloureuse de la con-

duite : il reste fidèle à cette opinion, mais après mûre réflexion, il

est amené à penser que si elle représente la vérité, elle ne contient

pas toute la vérité. - Le châtiment se présente aussi sous un

autre aspect, également important : la cause du dissentiment, entre

ses adversaires et lui. était probablement leur façon différente

d'envisager la question; les uns la considéraient au point de \ue

du puni, les autres au point de vue du punisseur, et il est évident

qu'elle devait ainsi prendre des aspects différents. Au point de

vue du puni, M. Mercier soutient l'exactitude de sa manière de

voir primitive. Toute douleur, quelle qu'en soit la nature, que

l'homme attire sur lui par sa conduite, est un châtiment, et ce

châtiment est en même temps un avertissement que s'il persiste

dans la même conduite, il lui arrivera malheur. On peut le démon-

trer. et c'est ce que fait l'auteur, - par les exemples les plus

variés. Depuis Beccaria et Bentham, on a soutenu que le châti-

ment est efficace, - c'est-à-dire préservateur de la faute, propor-

tionnellement à sa certitude et à sa promptitude. La vérité c'est

qu'il est prohibitif de la faute propoitionnellement à son inévita-

bilité reconnue : il peut être prompt et certain sans être préser-

vateur; il peut n'êlre ni prompt, ni certain, il peut même être

inexistant, et se montrer pourtant préservateur. Un homme se

promène dans la campagne romaine, il est piqué par des mous-

tiques. et il est terrassé en quelques heures par une fièvre palustre :

la punition est prompte, elle n'est pas préservatrice, parce qu'il

n'y a pas de lien visible entre la conduite de cet homme et ses

conséquences. Mais qu'un homme, et surtout une femme, ait la

-conviction qu'un acte sera suivi de résultats fâcheux, alors même

que jamais ces résultats n'auraient été consécutifs à cet acte, ils

se garderont de l'accomplir : c'est ce que démontrent les croyances

superstitieuses, qui empêchent tant de gens de s'asseoir tieize à

table, de passer sous une échelle, de porter une opale, de partir

un vendredi ou de conserver chez soi des plumes de paon. Aucune

de ces actions n'a jamais été suivie de conséquences fâcheuses : ce

n'est donc pas ici la punition qui détourne de les accomplir, mais

la croyance à celle punition. Si la certitude et la promptitude du

châtiment sont préservatrices - et l'auteur ne conteste pas qu'elles

412 ) REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

le soient - c'est indirectement, et en établissant dans l'esprit une

connexité entre l'acte et ses conséquences.

Il faut maintenant considérer le châtiment non plus au point de

vue de celui qui le subit, mais de celui qui l'inflige. L'auteur sou-

tient que pour le punisseur, la punition est essentiellement et pri-

mitivement une représaille : elle est auto-protectrice et conforme

au devoir étroit qu'a tout individu de se protéger lui-même. Si

nous laissons passer une agression sans la réprimer, nous sommes

perdus. Rappelant l'opinion du Lord Justice Fry suivant laquelle

on associe la douleur au péché et on trouve naturel que la douleur

soit la conséquence du péché, M. Mercier fait remarquer que le

verbe « pécher » n'est intransitif qu'en apparence et en grammaire,

qu'il est en réalité transitif, et qu'on ne peut pas pécher autrement

que contre quelqu'un et quel que soit le caractère de ce péché il

faut qu'il soit nuisible, et qu'il ait dessein de l'être.

La loi de défense est une nécessité fondamentale pour tout orga-

nisme ; ce n'est peut-être pas la première, comme on l'a avancé,

mais c'est assurément la seconde. Pour que les représailles qui

répondent à une agression, ou à un tort causé, soient efficaces et

préservatrices, il faut qu'elles soient, au moins en partie, consécu-

tives à l'acte qui les motive.

Mais l'homme est un animal social ; spectateur d'agressions qui

ne le concernent pas, il ne tarde pas à voir le danger qui résulte

pour lui-même de leur impunité; mais il apprend aussi, étant

personnellement désintéressé dans la question, la proportion qu'il

convient de maintenir entre la gravité de l'attaque et la sévérité

des représailles : ce sentiment de la proportion, qui est dans la

pratique, le sentiment de la justice, n'est pas, comme le pense le

Lord Justice Fry, un des traits fondamen'nux et inexplicables de

la nature humaine; il est constitué par une notion pour ainsi dire

expérimentale ; en effet, si la punition dépasse le but primitif des

représailles, c'est-à-dire la légitime défense, elle perd son carac-

tère propre, et devient à ton tour comme une agression nouvelle,

appelant des contre-représailles. -

On voit que la base du sentiment de la justice est sliictement

utilitaire ; et c'est pour empêcher que, dans la pratique, ce senti-

ment d'adaptation de la peine à la faute soit faussé par la passion

des intéressés que la société a délégué le droit de punir à des

arbitres désintéressés.

11 est manifeste que l'origine du châtiment se trouve dans la pro-

longation et l'achèvement d'un acte de défense personnelle ; il ne

suffit pas en effet de repousser une agression, il faut en empêcher

le renouvellement. A mesure que l'intelligence se développe,

l'homme conçoit la nécessité de punir une agression autrement

que par la vengeance immédiate, c'est-à-dire par une peine pro-

longée ; puis l'esprit passe à une conception encore un peu diffé-

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 413

rente de la justice, conception très en honneur actuellement et qui

consiste à voir surtout dans la peine une mesure propre à détour-

ner de la faute.

On peut donc admettre que l'association indestructible, qui

suivant Sir Edward Fry, existe dans nos esprits entre la douleur

et le péché, s'explique par la théorie de la sélection naturelle et

n'est autre chose, que la connexité nécessaire entre l'attaque et la

défense, née de la nécessité fondamentale de la conservation de

l'individu. ' -

- L'effet préservateur de la punition est considéré par Sir Edward

Fry comme de second ordre ; M. Mercier au contraire estime qu'il

est le premier par l'importance : pour que ce résultat prophylac-

tique soit obtenu, il faut sans doute que la punition suive promp-

tement et sûrement l'offense,'mais, ce qui est le plus important

encore, il faut que cette punition apparaisse comme une consé-

quence naturelle et inévitable de la conduite : aucun châtiment

n'est aussi préservateur que celui qui est infligé par les objets ina-

nimés ; ce sont ces caractères de promptitude, de certitude, de fata-

lité véritable et d'adaptation à la faute, que nous devons essayer

de donner aux peines que nous infligeons.

La perfection serait que le châtiment qui suit l'offense parût

être non pas l'expression d'une vengeance humaine, mais le résultat

de l'implacable fonctionnement des lois naturelles. C'est d'ailleurs

ce que Herbert Spencer a très clairement montré dans un passage

relatif la punition des enfants malheureusement trop long pour

être cité.

Le vice fondamental de nos pénalités c'est leur uniformité : c'est

l'application au crime de la méthode qu'appliquerait aux malades

'le Dr Sangrado ; et un autre de ses défauts, qui n'est pas le

moindre, est d'empêcher le juge d'appliquer son ingéniosité à

infliger au criminel une peine dont la variabilité s'adapterait aux

variétés de la faute. Et pour en revenir aux aliénés - car c'est

d'eux que l'auteur est parti pour poursuivre cette intéressante

étude, - il est clair que tant que l'esprit d'un aliéné sera capable

d'établir une corrélation entre un méfait et une punition, on sera

fondé à lui infliger cette punition. M. Mercier ne dit pas, il n'a

jamais dit et il a toujours protesté, au contraire contre une

pareille assertion- que les aliénés doivent être traités de la même

manière et punis avec la même sévérité que les sujets sains d'es-

d'esprit ; mais il a toujours soutenu et il soutient encore que, dans

la conduite de la plupart des fous, il y a une partie raisonnable et

une partie déraisonnable, et que, s'il serait abusif de les punir pour

la partiè déraisonnable de leur conduite, il est légitime de les

punir, - mais toutefois avec une sévérité atténuée - pour les

méfaits qui appartiennent à la partie raisonnable de leur conduite.

R. DE Musgrave-Clay.

414 REVUE DE IÉDEC ? \E LÉGALE.

XXII. L'insensibilité physique et morale chez les criminels; par

W. 1\'onwooD East. (The Journal of Mental Science, octobre 1901.)

, Travail très substantiel et très documenté, que l'auteur a pris

soin de résumer lui-même dans les conclusions que nous repro-

duisons :

1° L'individu normal possède une sensibilité physique et morate

plus aiguë que celle du criminel ; 2° si on les considère par classes,

le criminel accidentel, le criminel par occasion, et le criminel

professionnel représentent trois degrés d'insensibilité morale; '

3° Ils représentent aussi Lrois degrés d insensibilité physique;

4° la différence d'insensibilité morale entre le criminel par acci-

dent et le criminel par occasion est plus grande qu'entre ce der-

nier et le criminel professionnel ;

, ;)0 La différence d'insensibilité physique entre le criminel acci-

dentel et le criminel par occasion est moindre qu'entre ce dernier

et le criminel professionnel ; 6° le parallèle entre l'insensibilité

physique et l'insensibilité morale des trois classes, bien que défini,

n'est pas exact ; · ·

7° L'influence de l'éducation sur l'insensibilité morale ou phy-

sique parait Sans importance ; 8° les crimes contre les personnes,

ordinairement crimes de colère ou de passion, sont ceux qui s'ac-

compagnent du minimum d'insensibilité physique et morale ;

9° Les crimes contre la propriété éloignée, ordinairement crimes

d'intellect, s'accompagnent d'un degré plus élevé d'insensibilité

physique et morale;, 10° les crimes contre la propriété prochaine,

les crimes sexuels, et un groupe de crimes qui comprend l'incen=

die, la bigamie, le faux témoignage, s'accompagnent d'un degré

encore plus élevé d'insensibilité physique et morale :

11° L'âge est sans influence sur l'insensibilité physique et mo-

rale ; 12r la sensation est atténuée chez le criminel, c'est-à dire

que le nombre des éléments conscients est moindre que chez

l'homme adulte normal, c'est-à-dire aussi que le nombre des per-

ceptions possibles chez le criminel, est moindre et moindre

aussi par conséquent le nombre des idées dans l'esprit du criminel,

que dans l'esprit de l'homme normal adulte. Un esprit où les idées

font défaut est un esprit qui présente un certain degré d'affaiblis-

sement, et la preuve de cet affaiblissement se manifeste le plus

communément chez le criminel par un abaissement de la sensi-

bilité morale. Il. de IUSGR.aPl3-CLAY.

XXIII. Quelques considérations sur l'infanticide ; par Audiffrent.

(Archives d'anthropologie criminelle, novembre 1001; janvier 190.)

Comment concilier les cas si fréquents d'infanticide avec l'ins-

tinct maternel si puissant chez la femme ? C'est ce qu'examine

' REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 415

sommairement M. Audiffrcnt : L'amour des produits peut conduire

à leur destruction. Un célèbre naturaliste avait enfermé dans une

cage un nid d'hirondelles. Les parents continuèrent à noun ir celles-

ci, en poussant toutefois des cris de détresse. On crut répondre à

leurs plaintes en leur permettant l'accès auprès de leurs petits. On

leur ouvrit la cage Ils y entrèrent. Mais ce fut pour les tuer. 11 est

supposable qu'ils aimaient mieux les voir morts que vivants pri-

sonniers. Mais pourquoi les avaient-ils nourris ? Une jenne mère

enfermée dans l'asile Saint-Pierre à Marseille, à la suite de quelques

actes de démence, fit des tentatives réitérées d'évasion. Elle parvint

enfin à s'échapper. Ce fut uniquement pour aller se saisir de son

enfant et se suicider avec lui. Son enfant périt en effet asphyxié,

mais elle survécut grâce à une intervention propice. Revenue plus

tard à la santé, elle regretta son acte, mais avoua que le but unique

de ses tentatives d'évasion avait toujours été de tuer son enfant

avec elle. Son enfant, c'était sa chose. Et sa chose, sans doute, elle

se sentait l'insurmontable envie de la détruire pour la 'soustraire

avec elle aux misères de la vie dont elle était accablée dans son état

de demi-démence. Les filles-mères qui accouchent clandestinement

sont bien elles aussi dans état de demi-démence. Pendant neuf mois,

sous le coup d'un abandon, parfois d'une trahison, leur esprit a

gravité dans un terrible cercle de craintes et d'espérances décues.

La honte hante leur esprit. Elles restent étrangères à toutes les

joies que peut promettre la maternité, à tout ce qui pourrait les

attacher au produit attendu. Cet être qui fait leur effroi, et leur

. rappelle un amant parfois exécré, est leur chose. Elle n'auront

pas grand effort à faire pour s'abandonner à l'idée qu'elles en

peuvent disposer. D'ailleurs, au moment de la délivrance, toutes

les obssessions habituelles de leur esprit vont prendre un caractère

aigu. C'est dans un état d'aliénation, que tout a préparé, que nous

les trouvons. Elles ne s'appartiennent plus et tous leurs actes sont

devenus irrésistibles. »

« La femme qui a caché sa grossesse et tue son enfant au mo-

'ment de la délivrance, ou lorsqu'elle se trouve encore sous le coup

d'un état puerpéral, a-t-elle toujours conscience de l'acte qu'elle

a commis " ? Telle est la question que le magistrat doit toujours se

poser xi. Audiffrent a raison, d'autant plus raison que la stu-

pide réprobation qui frappe la fille-mère est précisément la cause

commune de son affolement dont la responsabilité remonte ainsi

à la société. Mais il n' a pas que les filles-mères qui tuent leurs

enfants.

De la logique morbide. - Extrospection délirante et genèse

d'auto-suggestion par introspection, par MM. Vaschide et Vurpas.

- Les auteurs rapportent, avec un grand appareil de documenta-

tion, l'histoire assez simple d'une jeune fille qui fut d'abord obsé-

dée par l'idée délirante qu'elle avait commis un inceste avec son

416 G REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

père, et qui, ensuite, crut avoir été possédée pendant la nuit et

inconsciemment de sa part par un homme qu'elle aimait. Elle se

confirma dans son hallucination en analysant son état physique

qui suffisait pour elle il témoigner de la réalité de ses relations

restées cependant à l'état de rêves. Et devenue femme, elle se

persuada que l'homme qui la possédait ainsi pendant son som-

meil avait été légitimement uni à elle par le mariage. Toute son

attention, assez pénétrante, toute sa faculté d'analyse furent em-

ployées à noter et à interpréter les menus faits journaliers de son

existence comme autant de preuves de l'objectivité de ses rêves.

Et son besoin de la démontrer aux autres, d'en persuader l'ins-

pirateur involontaire de ses hallucinations amoureuses, marié

d'autre part, la fit tenir enfermée pendant des années à l'asile de

Villejuif. '

L'intérêt de son cas réside dans la logique et la correction par-

faite avec laquelle elle-même en a écrit l'analyse pour prouver à

ses propres médecins qu'elle ne se trompait pas, mais qu'on la

trompait en lui disant qu'elle était victime d'un délire.

La criminalité juvénile. Etiologie du meurtre. Rapport de 11. le

Dr P. Garnier.

Voilà bien des années qu'ont été signalés les progrès un instant

fort inquiétants de la criminalité juvénile. J'ai déjà rendu compte

de plusieurs des travaux dont ce phénomène sociologique donné

comme symptomatique de l'évolution contemporaine a été l'objet.

M. Garnier, bien placé pour avoir sur lui des documents de pre-

mière main, nous donne la statistique des individus écroués au

dépôt de la préfecture de police^ de 1888 à 1900. J'y remarque que

les enfants au-dessous de seize ans y sont en nombre presque pour

tous les genres de crimes ou de délits. Ainsi, 37 enfants ont été

arrêtés pour meurtre ou tentative, 4 pour assassinat et tentative,

21 pour viol ou attentat a la pudeur, 133 pour abus de confiance,

près de 5000 pour vols. -

Ce qui est pour le moins aussi extraordinaire, c'est que, pour

certains crimes ou délits, l'assassinat même, le meurtre, surtout*

- le vol, le nombre des délinquants ou criminels de seize à vingt ans,

l'emporte notablement sur celui des délinquants de vingt et un à

trente ans. En treize années, la criminalité juvénile annuelle (de

seize à vingt ans) serait montée de 20 (1888) à 140 (1900). C'est-à=

dire qu'elle serait devenue set fois plus élevée. Pendant ce même

espace de temps, la criminalité adulte, celle des personnes de

trente à trente-cinq ans n'aurait augmenté que d'un cinquième,

passant de 20 en 1888 à 25 en 1900.

Quelles sont les causes de ce phénomène ? M. Garnier n'hésite

pas une minute à l'imputer à l'alcoolisme jusqu'alors croissant.

La descendance de l'ivrogne n'est pourtant pas fatalement vouée

au crime. Si l'enfant du buveur d'habitude est fortement exposé à

.REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 417

être marqué d'une tare, il faut compter aussi, avec les correctifs

qui l'atténuent et parviennent même à la neutraliser. Le crime en

tant que fait hérédo-social, est le produit d'une combinaison, en

des proportions variables, de ces deux puissants facteurs, l'héré-

dité et l'influence du milieu... Une part d'instinctivité existe dans

la criminalité juvénile et nous savons quelle est, le plus ordinai-

rement, sa provenance; mais c'est aller trop loin que de con-

clure, pour cela, à un déterminisme originel absolu. Le terme pré-

disposition n'implique pas la constitution d'un type à part. Le

criminel juvénile, en un mot, n'est pas pourvu de signes vérita-

blement distinctifs qui le rendraient isolables cliniquement, avant

que se soit révélée, par des actes significatifs, sa nature anti-

sociale. Toutefois, certains caractères paraissent être surtout les

attributs du criminel juvénile, attributs d'un ordre tout régressif

bien entendu : 1° Anesthésie psychique; ° Amoralité ; 3° Impul-

sivité ; 4° Malfaisance instinctive ; 5° Absence de remords.

Finalement, M. Garnier conclut qu'il y a à prendre des mesures

d'hygiène sociale (mesures contre l'alcoolisme, déchéance pater-

nelle des ivrognes), en faisant rendre à ce merveilleux agent de

réforme et de redressement, l'éducation, tout ce qu'il peut don-

ner ; et qu'il y aurait à créer des asiles de sûreté ou asiles d'état

pour certains criminaloïdes qui ne sont pas des aliénés et qu'on

ne peut confondre avec les malades des hospices, ne serait-ce que

par égard pour ceux-ci.

J'ai d'ailleurs, pour mon compte, des raisons de croire que ce

mouvement si menaçant de la criminalité juvénile, se modifie

heureusement. Nous avons fait, ces dernières années, un effort

énorme pour les oeuvres post-scolaires, les oeuvres d'éducation. Et

je suis en mesure d'affirmer que nous avons obtenu des résultats.

XABOROWSE.Y.

XXIV. Des actes testamentaires des paralytiques généraux; par le

- Dr Rouir. (Annales médico-psychologiyues, oct. 1901).

L'auteur s'étant trouvé, comme médecin légiste, mêlé à deux

procès concernant des testaments signés par des paralytiques

généraux, a fait une étude d'ensemble de la question en recher-

chant si les donations ou legs faits par des paralytiques généraux

doivent être frappés de nullité ou bien s'il faut les considérer

comme valables.

La conclusion de son travail est la suivante : lorsque la paraly-

sie générale est certaine, lorsque la mort est survenue après les

diverses phases connues de cette affection, confirmant le diagnos-

tic qui pouvait être douteux au début, tous les actes testamentaires,

toutes les donations entre vifs ou autres dudit malade seront

délarés non valables.

Archives, 2' séiie, t. XIII. 27

Ii 18 5 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les lésions du cerveau et de ses enveloppes, qui peuvent man-

quer dans les pseudo-paralysies, notamment dans les progressives

alcooliques, ne manquent jamais dans les paralysies vraies, et

peuvent être prouvées par l'autopsie. Or, ces lésions amènent, dès

le début, un affaiblissement et un trouble des facultés intellec-

tuelles qui vicient tous les actes signés par le malade pendant la

durée de l'affection, même pendant les rémissions. E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.

Séance du n" avril 1902. Présidence DE M. Gomiuult.

Centres nerveux d' épileptiques. ,

M. Angude a observé avec les plus récents procédés de colora-

tion les centres nerveux de nombreux épileptiques dans des cas de

mal comkial essentiel aussi bien que dans des états liés à des

tumeur;, cérébrales. Il a trouvé les cellules nerveuses et particu-

lièrementles cellules pyramidales intacles même chez des sujets

morts en état de mal. La névroglie au contraire n'est jamais

normale ni dans ses caractères ni dans ses proportions. Les

lésions névrogliques s'étendent souvent par plaques et sont surtout

communes au niveau de la corne celte sclérose de la

névroglie atteint aussi la protubérance et le bulbe, elle n'est jamais

négligeable dans ces régions et atteint même la moelle.

Atrophie consécutive à une ligature artérielle.

M. TOUCHE présente un malade chez lequel pour un anévrysme

M. Monod a lié en 1894 l'origine de la sous-clavière et de la caro-

tide. Le membre supérieur correspondant est atrophié, la main

.est en griffe, tous les mouvements sont incomplets, la sensibilité

est notablement diminuée. La face est devenue asymétrique sans

atrophie véritable, la pupille est rétrécie et la langue déviée du

côté opéré.

SOCIÉTÉS -SAVANTES. 419

Hallucinations de l'ouïe alternant avec des,accès de surdité verbale

et d'aphasie sensorielle chez un paralytique général- Lésions cir-

conscrites de ménill ! Jo-cncép/{I1lile.

MM. SÉr\Il'DX et IIG ? 0T. - Chez un paralytique général, âgé de

quarante et un ans. au cours d'un délire très actif à base d'hallu-

cinations de l'ouïe qui dura plus de dix-huit mois, on vit survenir

à diverses reprises des ictus épileptiformes et consécutivemedt à

ces ictus des manifestations qui formaient la contre-partie des

troubles sensoriels auditifs babituels : aux phénomènes d'excita-

tion (hallucination de l'ouïe) succédaient brusquement des symp-

tômes de déficit (surdité verbale). Les deux premiers accès furent

caractérisés par une surdité corticale complète, suivie ensuite de

- surdité verbale pure. Ce dernier trouble ne dura que deux jours,

puis l'audition verbale revint progressivement. Dans les deux der-

niers accès les troubles de la sphère du langage réalisèrent le

tableau de l'aphasie sensorielle : la surdité verbale restait le symp-

tôme prédominant, mais elle s'accompagnait de paraphasie

intense, de jargonaphasie de cécité verbale. Ces accès comme les

précédents ne durèrent pas plus d'une huitaine de jours : la cécité

verbale et les troubles paraphasiques régressèrent rapidement, et

en dernier lieu la surdité verbale disparut.

A l'autopsie. l'hémisphère gauche outre quelques exulcérations

discrètes et peu profondes des régions frontale et temporale, pré-

sente une plaque de méningo-encéphalite, d'intensité exception-

nelle, véritable lésion en foyer, intéressant le centre de l'audition

(tiers postérieur de la première temporale et circonvolution supra-

marginale). -

A ce niveau la lésion gagne en profondeur jusqu'à la substance

blanche : l'enlèvement de la pie-mère détermine la séparation

complète de l'écorce et de la substance blanche (altération de

liaillarger). Lésions à peu près symétriques, mais plus superfi-

cielles, dans le lobe temporal droit.

L'examen histologique confirme le diagnostic de paralysie géné-

rale.

Cette topographie de la lésion confirme ce que l'on sait sur la

localisation du centre de l'auditiou. Les variations du processus

de la méningo-eucéphahte expliquent l'alternance constatée entre

les symptômes d'excitation (hallucinations de l'ouïe) qui étaient

presque permanents et très, accentués, et les phénomènes de déficit

(surdité verbale) qui'survenaient par accès. Ces deux catégories de

manifestations diamétralement opposées étaient évidemment liées

à l'influence tantôt irritative, tantôt inhibitrice de la lésion en

foyer du centre de l'audition. S'appuyant sur ce cas et sur des faits

analogues, les auteurs proposent de distinguer une forme senso-

rielle de la paralysie générale, caractérisée au point de vue clini-

420 SOCIÉTÉS SAVANTES.

que par la prédominance des troubles sensoriels et des troubles de

la sphère du langage, et au point de vue anatomique, par l'exis-

tence au niveau de la région postérieure de foyers plus ou moins

circonscrits de méningo-encépl1alite pouvant atteindre parfois une

intensité exceptionnelle.

Méningite c¿1'ébl'o-spin,lle à forme de paralysie infantile.

Cyto-diagnostic.

MM. liaruonn et SiCARD présentent un enfant atteint de paralysie

double à topographie radiculaire supérieure des membres thora-

ciques. Tous les muscles innervés par le groupe radiculaire supé-

rieur présentent la HO. Le diagnostic était hésitant entre une para-

lysie infantile ou une méningite cérébro-spinale. Deux ponctions

lombaires ont été pratiquées il quelques semaines d'intervalle, la

première a permis de diagnostiquer la seconde de ces affections

par la proportion réciproque des mono et polynucléaires.

Paralysie infantile d'un bras avec topographie radiculaire supérieure

de la paralysie.

MM. DUPRÉ et IIUET présentent une enfant de dix-neuf mois,

atteinte à un an de paralysie infantile avec lésions limitées au

bras droit et affectant la même topographie que les lésions radi-

alaires supérieures du plexus brachios. Il y a lieu de dtscuter le

diagnostic de polyomyélite antérieure aiguë et celui de lésions

radiculaires déterminées par la méningite cérébro-spinale, la

confusion entre les deux ordres de lésions ayant sans doute été

assez fréquente. Pour établir le diagnostic, l'examen cyloscopique

du liquide céphalo-rachidien a une grande importance. Cet exa-

men n'ayant pu être fait dans ce cas, les présentateurs basent leur

diagnostic de polyomyélie antérieure aiguë sur l'apparition pré-

coce de la paralysie, sur l'absence de douleurs et l'absence de

raideurs des membres ou de la nuque. Ils croient aussi assez

important, pour le diagnostic, dans le cas actuel, le fait que des

lésions assez accentuées existent sur l'un des muscles de l'émi-

nence thÉnar, alors que tous les autres muscles radiculaires infé-

rieurs ne présentent pas d'altérations.

Mouvements choréiformes.

M. P. Marie présente deux malades dont l'un est atteint de

mouvements involontaires et constants de la tête et des membres

supérieurs. Le second, également, remue la tète et les bras, mais

le tronc et les membres supérieurs sont animés des mêmes mou-

vements. Le diagnostic est difficile. Il reste en suspens pour le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 421

premier malade. Le second, dont les mouvements sont plus lents

et qui peut les arrêter plus on moins par un geste antagoniste,

est considéré comme un torticolis mental.

Poliomyélite ou Polynévrite ?

M. Brissaud présente un malade anciennement guéri de légers

troubles hystériques qui, dans la nuit du 9 mars, fut pris de vio-

lentes douleurs dans les cuisses et subit consécutivement une

paralysie des quatre membres sans troubles de la sensibilité, de

la dysphonie, de la dysphagie, une grande accélération du pouls

(t \'0), un double gâtisme, dcs phlyctènes et des escarres. Au bout

de huit jours, tout rentra dans l'ordre sauf les troubles d'origine

bulbaire. Cette marche écarte l'idée d'une maladie de Landry. A

noter que le malade, ancien syphilitique, a subi au cours de cet

état des injections mercurielles. Ce malade est un type de para-

lysie toxique par névrite périaxile et rappelle en tout point la

paralysie diphtérique.

M. 13Antnsr.r. D'autant plus que les névrites périphériques

sont souvent accompagnées de troubles centraux.

0 '

M. PAI11XAUD. Les paralysies toxiques ont souvent, en effet,

une localisation double, symétrique et systématique. La paralysie

diphtérique oculaire frappe en effet l'accomodation seule et est

toujours bilatérale et synchrone, laissant supposer des lésions

centrales en même temps que périphériques. Il en est ainsi de la

paralysie alcoolique.

MM. Babinsky et Nageotte rapportent l'histoire de trois malades

atteints de lésions bulbaires, dont l'un a succombé et dont le

système nerveux a pu être examiné d'une manière très complète,

par la méthode de Marchi. Des faits qu'ils ont observés, ils dédui-

sent les conclusions suivantes :

1° Les fibres émanées de l'olive bulbaire aboutissent à la partie

postérieure du corps ciliaire du cervelet; elles méritent, par

conséquent, le nom de libres olivo-ciliaires; -

2° Une lésion unilatérale du bulbe peut donner naissance à une

hémi-anesthésie exclusivement relative au sens thermique et au

sens de la douleur, comme l'anesthésie syringomyélique;

3° Une lésion unilatérale du bulbe peut provoquer des troubles

oculo-pupillaires qui consistent en un rétiécissement de la pupille,

une diminution de la fente palpébrale, ainsi qu'une rétropulsion

du globe bulbaire et qui paraissent semblables à ceux qui résul-

tent de la section des 110 et 2° paires dorsales;

4° Une lésion occupant un côté du bulbe peut produire un

syndrome clinique ou plutôt une association de syndromes clini-

ques dont les traits essentiels sont des vertiges, une hémiplégie

422 1), SOCIÉTÉS- SAVANTES.

et une hémi-anesthésie qui siègent du côté opposé à la lésion, une

hémi-asynergie, de la latéropulsion et du myosis du côté corres-

pondant à la lésion. Il y a lieu de dénommer ce syndrome :

)cémi-asynercie, latéropulsion et myosis avec hémi-anesthésie et hémi-

plégie croisées.

- Spasme facial franc.

M. IE1GE présente un malade atteint de spasme facial pur à

distinguer du tic en ce que le spasme qui est l'équivalent d'un

réflexe physiologique provoqué, dans le cas actuel, par une lésion

du nerf sous-orbitaire, a les caractères de la contraction électrique

et afflige' le malade, au lieu que le tic le laisse le plus souvent

indifférent et n'est qu'un mouvement conservé par habitude et

non déterminé par une excitation locale persistante.

M. Ballet demande que l'on précise toujours la terminologie e

pour distinguer les spasmes des tics et insisle sur la mauvaise

dénomination du tic douloureux qui n'est pas un tic mais bien un

spasme. 1

M. Dastros lit une communicaticn sur un cas de syndrome de

Bénédict avec autopsie. '

M. IlASCOVB : K communique ses observations sur la dégéné1'es-

rente des nerfs testiculaires dans le labes.

M. Trénel montre des photographies de scorbutiques hénïiplé-

gigues chez lesquels les hémorragies cutanées ont toujours eu lieu

du côté paralysé.

M. Toocus montre deux cerveaux tl'liéiî21al-opltie faciale. '

Double abcès contl'(lvalaires du lobe frontal droit, Confusion mentale

" et mélancolie.

\I11. Dupré et IIElTz. Femme de cinquante-quatre ans, sans

antécédents éloignés. Grippe récente; dans la convalescence, chan-

gement de caractère, troubles de la mémoire, légère confusion

mentale. Elle entre un mois après à l'hôpital, en état de dépres-

sion mélancolique, de confusion, d'amnésie; céphalée occipitale,

fièvre irréguliere, alimentation difficile, prostration croissante,

gâtisme, escharres. Dans les derniers jours, hémiparésie gauche,

coma, fièvre élevée, mort. Il n'y eut jumais ni convulsion, ni

phénomènes méningés, ni délire, ni hallucinations. L'évolution

totale dura environ deux mois. A l'autopsie, bronchopneumonie

des bases; aucune autre lésion que deux abcès indépendants,

de la grosseur de petites noix, situés dans la substance blanche du

lobe frontal droit, au-dessus et en dehors de l'avant du corps strié,

affleurant en arrière la partie antérieure de la zône de projection

de la frontale ascendante, et correspondant au territoire sous-

· SOCIÉTÉS SAVANTES. zizi

jacent à la deuxième frontale. La substance grise n'est atteinte

nulle part. Il n'y a aucune lésion auriculaire.

Ce cas, intéressant par le caractère presqu'exclusivement psy-

chopathique des réactions moibides, constitue un document de

plus dans l'histoire pathologique du lobe frontal. L'apparition tar-

dive de l'hémiparésie s'explique par l'extension du processus ana-

tomique à la partie antérieure de la projection rolandique.

L'étiologie des abcès est probablement grippale.

Sur une forme particulière de réaction des cellules radiculaires

après la rupture des nerfs périphériques.

M. 6. \IarlVESao.-I;n étudiant les modifications structurales des

cellules nerveuses radiculaires après la rupture des nerfs périphé-

riques, j'ai eu l'occasion de rencontrer dans certaines cellules un

type de lésion qui mérite d'être rapporté. Eu effet, ces cellules

altérées, non seulement ne présentent pas la chromatolyse cenr

traie que nous sommes habitués de rencontrer après la solution

de continuité des nerfs périphériques, mais, au contraire, les élé-

ments chromatophiles, parfois ramassés et disposés d'une façon

concentrique autour du noyau, sont fortement colorés. Ces élé-

ments ainsi disposés ont une apparence variable. La plupart du

temps, ils se présentent sous forme de filaments, plus ou moins

oblongs, disposés en plusieurs couches autour du noyau.

En dehors de cette zone centrale, pignomorphe, on voit une

zone périphérique, plus ou moins large, où les corpuscules colo-

rants se présentent sous la forme de longs bâtonnets, faiblement

colorés parfois.

La réaction, dont nous venons de parler, nous permet de cons-

tater, sur des préparations convenables, une particularité intéres-

sante, à savoir : que les filaments chromatophiles de certains

prolongements protoplasmiques ne perdent nullement leur indivi-

dualité en pénétrant dans le corps cellulaire, mais, au contraire,

. ils se continuent sans changement de direction ou de forme dans

les prolongements opposés, ou bien dans les prolongements voisins.

Quelle est la signification des modifications structurales que

nous venons de décrire, appartiennent-elles en propre comme

altérations spéciales au traumatisme produit par la rupture du

nerf phériphérique ? Cette opinion n'est pas exacte, attendu que

l'on ne rencontre pas cette particularité dans tontes les cellules

altérées, aussi je pense qu'il s'agirait là d'une disposition plutôt

normale, et que le traumatisme a mis en évidence en l'exagérant.

Cette dernière opinion coïncide avec les recherches de Bethe qui

a montré que la disposition des fibrilles, et j'ajoute celle des

éléments chromatophiles, varie dans les différentes cellules de la

corne antérieure. F. Hoi=sOEn.

424 BIBLIOGRAPHIE.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Présidence de M. Motet.

Représentations figurées et jeux masochistes.

M. Trénel. - Krafft-Ebing a indiqué, comme portant un carac-

tère masochiste, les oeuvres de certains poètes du moyen-âge et

les menées de certains confrères. Ces idées de servitude sexuelle

se retrouvent dans plusieurs sculptures des monuments médiévaux

de la Normandie, dont M. Trénel présente les photographies. Dans

toutes ces reproductions on voit un homme chevauché par une

femme le menant à coups de fouet, ce qui est bien la figuration de

ces scènes masochistes dont Krafft-Ebing a donné la descrip-

tion.

Dans la réalité, ces images sont des représentations du lai

d'Aristote (xiii0 siècle), où l'on rencontre qu'Aristote se fit che-

vaucher par la maîtresse d'Alexandre, fable qui serait d'origine

orientale.

Il existe un jeu ancien qui consistait en ce que un joueur devait

transporter une femme sur son dos, et qui s'appelait « le Cheval

d'Aristote ». Ce jeu paraît avoir été inventé par un masochiste; ce

qui le donne à croire, par analogie, c'est qu'il y avait aussi un jeu

d'origine évidemment fétichiste consistant à toucher en secret telle

ou telle partie du vêtement d'une joueuse et à donner à deivner

quelle partie avait été touchée. Le joueur qui avait deviné juste

embrassait l'objet touché. ill. 13.

BIBLIOGRAPHIE.

XIV. De la mort subite dans les affections organiques des centres

nerveux. Le traumatisme léger cause déterminante de la mort

subite dans ces affections au point de vue medico-légal ; car Vieille

(Eugène). (Th. Lyon, 1900-1901.)

Après avoir passé en revue les différentes affections organiques

des centres nerveux où la mort subite se rencontre (paralysie

BIBLIOGRAPHIE. 425

générale, tabès, épilepsie, hystérie, tumeurs du cervelet, abcès

de la fosse cérébelleuse, tumeurs du cerveau) M. Vieille s'efforce

de rechercher l'influence du traumatisme et des interventions

chirurgicales sur les malades porteurs de lésions des centres ner-

veux. Ces deux éléments seraient une cause déterminante de la

mort rapide. Il étudie d'après les expériences de Paulesco et de

Polis le phénomène de dissociation entre les mouvements respira-

toires et les hattements cardiaques, que l'on observe dans ces cas.

Cette dissociation serait due à l'anémie encéphalique et bulbaire,

déterminée par les diverses affections des centres, laquelle provo-

querait la mort subite.

Au point de vue médico-légal l'expert devra indiquer la discor-

dance entre le peu d'importance du traumatisme et les consé-

quences graves qu'il peut avoir dans les cas de lésions organiques

des centres. Cette indication peut faire accorder des circonstances

atténuantes et dans les accidents du travail la responsabilité du

patron peut être discutée. G. C.

XV. Contribution à l'étude de la méningite cérébro-spinale métapneu-

monique. Elude séméiologique, clinique, bactériologique ; par le

De TALABÈRE. (Th. Lyon, 1900-1901.)

Les phénomènes méningés qui apparaissent comme complica-

tions de la pneumonie peuvent être dus à une véritable méningite.

Celle-ci peut se limiter au cerveau, mais est susceptible aussi de

s'étendre aux méninges rachidiennes : c'est la méningite cérébro-

spinale métapneumonique que M. Talabère étudie dans sa thèse.

' Les symptômes ne présentent rien de particulier ; la marche en

est rapide et peut même être foudroyante. L'auteur cite comme

formes cliniques : une forme de dissociation à marche typique

pour les deux maladies ; deux formes de superposition : la forme

d'excitation, la forme de dépression avec variété foudroyante :

une forme prolongée.

, L'agent pathogène peut être le pneumocoque, et alors la ménin-

gite fait partie d'une septicémie spinale, la pneumococcémie ou

pneumococcie ; mais dans certains cas et en particulier dans le

cas rapporté par l'auteur, l'agent pathogène peut être le diplo-

coccus intra-cellulaire, ce qui, semble plaider en faveur de la

théorie française de la parenté entre le pneumocoque et le ménin-

gocoqué. ' G. C.

XVI. Les nerfs de l'orbite, leurs paralysies dans les traumalismes du

crâne; par le Dl' FERRON. (Th. Lyon, 1900-1901).

La thèse de M. Ferron est non-seulement une étude critique et

une analyse de travaux, mais aussi un travail fort intéressant où

1G BIBLIOGRAPHIE.

«

l'auteur a cherché à éclaircir certains points mal connus des frac-

tures de la base du crâne, en particulier un symptôme négligé par

la plupart des auteurs et qui cependant devrait avoir une impor-

tance capitale : les troubles de la vision consécutifs à une lésion

soit de l'appareil sensoriel, soit de l'appareil sensitivo-moteur.

Dans une étude anatomique il'met en relief cette région impor-

tante que constituent la partie centrale du sphénoïde et le sommet

du rocher et étudie le trajet intracranien prédural et intradural

des nerfs de l'orbite. -

Pour M. Ferron les paralysies des nerfs de l'orbite sont un

symptôme fréquent des fractures de la base du crâne; il s'efforce

d'en préciser la cause et la pathogénie, leurs conséquences, leur

pronostic et leur traitement. Le nerf optique est le nerf le plus

souvent atteint; après lui, par ordre décroissant de fréquence,

viennent les nerfs moteurs oculaires externe et commun, trijumeau

et sa branche ophtalmique, enfin le pathétique.

Dans une argumentation serrée et s'appuyant sur des faits

anatomiques, cliniques et anatomo-pathologiclues, l'auteur prouve

qu'on ne peut rattacher la paralysie des nerfs moteurs ni

à une lésion des centres cérébraux, ni à une lésion d'origine

nucléaire. Les arguments sont au contraire écrasants pour une

lésion d'origine basilaire. Sa fréquence est en raison' directe :

1° de ce que le trajet des nerfs moteurs les met en rapport plus

intime avec la base ; 20 de ce que la région de la base avec

laquelle ils sont-en contact est plus souvent atteinte par des traits

. de fracture. '

Ces paralysies peuvent être primitives : dues à la fracture elle-

même ou à un caillot; tardives : dues à la formation d'un cal.

Leur pronostic doit être fort réservé. Quant à la conduite à tenir,

elle doit être celle que l'on tient dans les cas d'une fracture de la

base.

Contre l'amaurose, les paralysies musculaires on pourra tenter

l'action d'injections de strychnine, de courants continus, de

l'iodure de potassium. Si la paralysie musculaire persiste, le chi-

rurgien peut arriver à une intervention : ténotomie de l'anta-

goniste et avancement capsulaire du muscle paralysé. C.aaccn.

G. Carrier.

XVII. Des ostéo-arth1'Opalhies d'origine sringonyéliquc; par le-

Du S. IIcrorr. (Th. Lyon, 1900-1901.)

A propos d'une nouvelle observation d'ostéo-arthropathie syrin-

' gomyélique (ostéo-arthropathie du pied droit avec troubles de la

sensibilité, douleurs gastriques, désarticulation tibio-tarsienne)

M. Ililoff reprend l'étude de cette affection dont l'histoire ne

remonte pas audelà de 1880-1884. On doit noter dans l'étiologie, leur

BIBLIOGRAPHIE. 427

plus grande fréquence aux membres supérieurs 80 p. 100 et plus

particulièrement pour les articulations plus rapprochées de la

racine du membre; leur fréquence au cours de la syringomyélie

10 p. 100; enfin que les hommes sont trois fois plus atteints que

les femmes. Le diagnostic doit se faire avec l'arthrite déformante,

la lèpre. les arthropathies tabétiques.

L'auteur reconnaît deux formes aux ostéo-artliropalliies 1° les

ostéo-arthropathies pures n'exigeant en général qu'un traitement

orthopédique non sanglant ; 2° les ostéo-arthropathies infec-

tueuses (cas de l'observation de l'auteur) où les interventions

sanglantes sont beaucoup plus logiques et beaucoup plus souvent

indiquées que dans les ostéo-arthropathies simples. G. C.

XVIII. Contribution à l'élude des réflexes dans la chorée de Syclenltutn;

par le Dr P. Nicollet. (Th. Lyon, 1900-1901).

Restant strictement sur le terrain clinique, M. Nicollet a cherché

dans sa thèse, si dans la chorée, on pouvait tirer du symptôme,

modification des réflexes, quelques indications positives, soit pour

le diagnostic de la maladie elle-même, soit pour la différenciation

de ses formes, soit pour son pronostic. Se basant sur de nom-

breuses observations intéressantes et prises d'une façon parfaite il

arrive aux conclusions suivantes : les réflexes sont presque tou-

jours modifiés dans la chorée de Sydenham, 90 p. 100 des cas.

Dans presque toutes les formes un peu intenses de la maladie, ils

sont affaiblis 80 p. 100 des cas. La chorée touche l'encéphale

comme le démontrent ses divers symptômes; l'arc cérébral modé-

rateur réflexe est excité et exerce une action plus intense que

normalement sur l'arc médullaire excitateur. Dans les formes

légères, ils sont excessivement variables, et c'est dans ces formes

seules qu'on peut rencontrer des réflexes normaux ou exagérés.

Il n'y a pas concordance entre l'état des trois ordres de réflexes :

cutanés, muqueux, tendineux. Chacun varie pour son propre

compte. Des mouvements anormaux « contractions toniques » se

produisent et s'ajoutent aux réflexes tendineux proprement dits

d'après M. Weill..

M. Nicollet termine son intéressant travail par un essai d'expli-

cation pathogéuique de l'affaiblissement des réflexes. Il pourrait

- être dû à l'intoxication de la plaque musculaire; la substance

toxique serait produite par les muscles en travail et excercerait

un pouvoir paralysant sur la plaque motrice. G. Carrier.

XIX. Contribution à l'étude des chorées d'origine infectieuse ; par

A111° C. l\1AMONOFF. (Th. Lyon, 1900-1901.)

Le travail de Mlle Manonoff est un simple résumé des théories

428 VARIA.

émises sur la nature des chorées. Comme lésions anatomiques on

trouve dans un grand nombre de cas mortels de la chorée vulgaire

des lésions inflammatoires du système nerveux : exsudations inters-

titielles et périvasculaires de leucocytes et parfois de globules

rouges, des foyers miliaires d'inflammation, des thromboses vas-

culaires. Dans les cas de chorée chronique on rencontre les mêmes

lésions inflammatoires à un slade plus avancé : méningite, encé-

phalite et myélite ; souvent une atrophie du cerveau et des cellules

des cornes antérieures.

Il n'y a pas de centre choréigène ; les lésions sont disséminées

sur tout le tractus moteur et même sur les nerfs phériphériques.

Les recherches bactériologiques démontrent seulement qu'il existe

parfois des microbes. D'après l'anatomie pathologique comparée,

il n'y aurait pas de différence essentielle entre la chorée humaine

et la chorée canine. G. C.

VARIA.

Remarques complémentaires sur LES « Nains dans 1..lltT »;

par Henri 111EIGC. (nous. Icolzogl·. de la Salp¿Úièl'e, n° i, 1901.)

Cette note s'ajoutant à l'intéressant travail antérieurement

publié par l'auteur Les Nains et les Bossus dans 1'(/1'1, appuyée

sur la reproduction d'une gravure du XVII. siècle et venant à

l'appui des travaux de Marie et du travail récent de Cestan, tend

à montrer que les nains de la Cour d'Espagne, illustrés par Velas-

quez, doivent appartenir à la variété achondroplasique. R. C.

Les Mangeurs d'Immondices.

Il vient de se fonder à Saint-Louis, une secte de « coprophages »

ou mangeurs d'immondices.

Un bon Yankee, du nom de Winsor, ramasse des vidanges ou

la vase du Mississipi. Il fait sécher cela, et, en poudrette, le vend

par paquets, au prix d'un franc vingt-cinq centimes. Un texte de

la Bible assure l'efficacité de ce tonique et les bonnes affaires du

génial inventeur. ,

Mais, pour être justes, il nous faut rappeler que la « copropha-

gie » est d'institution ecclésiastique. Les pèlerins qui se rendaient

au pied de la colonne sur laquelle saint Siméon Stylite demeura

perché vingt-six ans sans jamais descendre, recueillaient avec

VARIA. lui,2 9

piété les rares excréments du saint anachorète et s'en nourris-

saient pour y trouver la grâce et un soutien de leur vertu.

Sainte Elisabeth avalait son urine, disant qu'il ne fallait rien

laisser perdre d'un corps que le Saint-Esprit avait choisi pour

temple. Le vénérable curé d'Ars indiquait pour remède aux pay-

sans les premiers épanchements d'une vierge après qu'elle avait

communié. La « coprophagie » dans l'Église a une longue histoire,

et J.-K. Huysmans, écrivain sacré, l'admire. (La Raison du 12

janvier 1902.)

LE FOU parricide

Un drame terrible s'est déroulé avant-hier malin, à Passai ? ,

dans un village du Douaire. Un cultivateur nommé Victor Jobard,

âgé de trente-trois ans, demeurant chez son père et sa mère,

sexagénaires tous les deux, et qui était atteint d'aliénation men-

tale depuis une vingtaine de jours, sous l'influence d'une crise

cérébrale, menaça soudain ses parents de les crucifier.

Sa mère put se sauver chez un voisin, mais le dément s'opposa

à la sortie de son père qu'il a lardé à coups de couteau sous l'omo-

plate. L'état du malheureux est désespéré, le poumon gauche

ayant été atteint.

A cinq heures, quand les gendarmes de Passais sont arrivés

sur le lieu du crime, ils ont trouvé Jobard pendu dans sa cave avec

une ceinture de flanelle, ayant encore dans sa poche le couleau

avec lequel il avait frappé son père. L'asphyxie était complète.

Le meurtrier,- anciennement domestique dans une commune

voisine, n'avait jamais donné lieu à aucun reproche. De vives

douleurs rhumatismales survenues à la fin de mars l'avaient

obligé à quitter sa place, et il était alors rentré chez ses parents

qu'il aidait dans l'exploitation de leur ferme. (Petite Gironde, 0 sep-

tembre.)

L'armée DU salut ET l'alcoolisme.

Le Rappel publi la dépêche suivante de Londres 4 février. - Dans

un grand meeting des Salulistes, le général Booth a annoncé qu'il

prépare une campagne contre l'alcoolisme. « Il y a, a-t-il dit, dans

le Royaume-Uni 00,000 personnes, hommes et femmes, qui se gri-

sent tous les jours. L'Armée du Salut tâchera de s'affilier de nom-

breux policiers pour avoir les noms et les adresses des ivrognes. On

entrerait chez ceux-ci à toute heure de jour ou de nuit et on leur

ferait avaler du « thé salutiste ». Cela ajoute le général, leur fera

passer le goût de boire. (Le Journal 5 février 1902.) .

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Mouvement de mars et distinctions honorifi-

classe exceptionnelle du cadre ; - M. le Dur Ciurm, docteur-méde-

cin à l'asile de Moulins, promu à la 1° classe du cadre; - le

D'' Marif, médecin en chef à l'asile de Villejuif (Seine), promu à la

4 ? classe du cadre; M. le U'' Cassa, médecin-adjoint à l'asile de

Marseille, promu à la classe exceptionnelle du cadre, à dater du

1 ? juin 1902. - Officier de l'Instruction publique : 11. le Dr Béril-

LON, inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine. - Officiers d'Aca-

démie : M. le D'' Dicrico, directeur-médecin de l'asile d'aliénés de

Bonneval (Eure-et-Loir) ; - JI. le Dr Lalanne, médecin adjoint à

l'asile d'aliénés de Maréville (\feurthe-et-\Ioselle); - M. le D1' LE-

nos, médecin adjoint à l'asile d'aliénés d'Evreux ; -lllct9 VRILLETTE,

surveillante en chef de l'asile d'aliénés de Villejuif (Seine). Nous

signalerons aussi comme officier d'académie, M. DL.1111'E; archi-

tecte de Uicctre, et M. 1,N rrit, professeur de chant à l'asile-école de

Bicétre.

Sous ce titre : Guérie par la foudre. - Le Rappel de

l'Eure du 24 septembre rapporte le fait suivant :

Les journaux autrichiens racontent que. la femme d'un paysan de

Nemet-Saroslak en Carinthie, alitée depuis dix ans par suite d'une

paralysie, eut une telle frayeur en voyant la foudre pénétrer dans

sa chambre, qu'elle se leva et se sauva. Elle était guérie par la vio-

lence même de l'émotion ressentie. L'éclair avait rompu un mur

au-dessous d'une image de la Vierge, et, après a\oir emporté un

fragment du miroir, était ressorti par la fenêtre. Les villageois de

la contrée viennent depuis lors en pèlerinage à Nemet-Saroslak ;

ils croient à une intervention divine. Voilà un nouveau Lourdes en

perspective.

Maison nationale de CIIARGNTON. Suicide d'un {ou. Un

ancien garde municipal, interné à la maison de santé, âgé de-

vingt-neuf ans, Louis Pillet, était atteint de la folie de la persé-

cution. Cet après-midi, trompant la surveillance de ses gardiens,

il se donna un coup de couteau en pleine poitrine. On se précipita

à son secours. Malgré les soins qui lui furent donnés, il succomba

peu après. Une enquête est ouverte. (La Presse, 12 février 1902.)

faits DIVERS. 431 1

Assassinat du ministre de l'instruction publique bulgare par un

aliéné. Un ex-instituteur nommé Karandjulof a tué, dans un

accès d'aliénation mentale, le ministre de l'instruction publique,

M. Kautchef, à coups de revolver, et s'est ensuite donné la mort.

(Le Petit Temps, 7 février 100.)

Sous le titre : Un fou guéri par une chute, le Journal du

21 mars '1903 emprunte au Petit Journal le fait suivant :

« Les aliénistes s'occupent d'un cas sans précédent dans les

annales de la psychiatrie. Un personnage de la haute société de

Londres était atteint d'un genre bizarre de folie religieuse. Il

voyait des divinités en toutes sortes d'objets inanimés et se mettait

à genoux pour les adorer. Les médecins, l'ayant déclaré fou, l'ont

confié à la surveillance de deux gardiens. Au moment où il devait

être emmené à l'asile, le dément sauta par la fenêtre et reçut dans

sa chute des lésions graves. Or, il vient d'être guéri, non seule-

ment de ses blessures, mais encore de son idée fixe. La commo-

tion et la souffrance lui ont rendu la raison. » .

Suicide d'une fillette Le 11 décembre dernier. ? \mman'1,

carrossier, demeurant 148, rue de Gravel, à Levallois, déclarait à

M. Dumas, commissaire de police, que sa fiile Blanche, âgée de

douze ans, qui avait quitté -la maison paternelle à une heure de

l'après-midi pour se rendre à l'école, avait disparu.

Les recherches immédiatement ordonnées par M. Dumas demeu-

rèrent vaines, et, au cours de l'enquête, ou ne recueillit que des

renseignements fort vagues. Cependant, deux personnes affirmè-

rent avoir vu la fillette, l'une, le jour même de sa disparition, dans

un débit de vin du boulevard Richard-\'allace; l'autre, le lende-

main, à Puteaux. Elle était, la seconde fois, au dire du témoin, en

compagnie d'un individu vêtu en ouvrier.

Depuis lors, aucun renseignement n'avait pu être recueilli sur la

petite Blanche Ammann, et l'on pensait que l'affaire devait être à

tout jamais classée quand, hier, M. Dumas était avisé qu'on venait

de retrouver le cadavre de l'enfant à Saint-Denis, dans la Seine,

d'où des mariniers, le voyant flotter à fleur d'eau, l'avaient retiré.

Il résulte des recherches faites par le service de la sûreté que la

petite Blanche Ammann s'est volontairement donné la mort, à la

suite d'une scène très vive que lui avait faite sa belle-mère. (Le

Temps, 30 mars 1902.)

Nécrologie. Nous apprenons, un peu tardivement, la mort

d'un confrère qui, au coeur de Paris, était resté le type parfait

d'un praticien d'autrefois, le De Maire. Un accident l'a emporté

à l'âge de soixante-quatre ans. 11 n'a publié que peu de chose.

Mais en 1873, il répandit une brochure sur le choléra asiatique

432 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. '. ' --

où il préconisait les vieilles méthodes de traitement qui lui avaient

toujours réussi. 11 a été le médecin d'un très grand nombre de

sociétés de secours mutuels et autres où sa philanthropie trouvait

largement à s'exercer. Il fut toujours pour ses clients, un sincère

ami, instruit autant que jovial. ~

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

DE LaPEnsowe(F.).-Leço2z d'ouverture du cours de clinique ophlal- ? i1ologique de la faculté de Médecine de Paris (Hôtel-Dieu). Brochure

in-8° de 32 pages. Paris 1901, C. Naud, éditeur.

JABOUL IY. Chirurgie des centres nerveux des viscères et des membres,

t. 11., ni-8° de 504 pages avec 44 figures. Lyon 1902, Storck et C'c. Paris

1902, 0. Doin.

Revue philosophique (décembre 1901). - Sommaire : A. Fouillée. Les

jugements de Nietzcle sur Guyau, d'après des documents iuédits.-

F. PAULIIAN. La simulation dans le caractère. - Palante. Les dogma-

tismes sociaux et la libération de l'individu. - G. Ruuarsn. Travaux so-

ciologiques sur le droit de punir. - G. BELOT. L'Année sociologique

(vol. ni" et iv-). Analyses et comptes rendus. Revue des périodiques

étrangers. - Livres nouveaux. Correspondance. Table des matières.

Revue philosophique (janvier 1902). - Sommaire : Il. BLIiosof·. L'effort

intellectuel. G. Milhaud. La loi des quatre états. -')r G. Dumas. L'état

mental de Saint-Simon (1" article). E. de CvoN. La solution scienti-

fique du problème de l'espace. Analyses et comptes rendus. - Revue

des périodiques étrangers. Livres nouveaux, -Abonnement du l" jan-

vier : Un an, Paris, 30 francs; départements et étrangers, 33 francs.

La livraison : 3 francs. - Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-

Germatn, Paris.

Revue philosophique (mars 190). - Sommaire : G. de IIOBCF1'Y. Qu'est-ce

que la philosophie ? Dr G. Dumas. L'état mental de Saint-Simon (2'

article).-A. BIUER. Des méthodes applicables à l'étude des faits sociaux.

- G. Richard. Sociologie st science politique d'après des travaux récents.

- Analyses et comptes rendus. - Revue des périodiques étrangers. - z

Livres nouveaux. Correspondance. Abonnement du l'r janvier :

Un an, Paris, 30 francs; départements et étrangers, 33 francs. - Félix

Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris.

1'oover Fanton. Nouveau procédé permettant l'application ration-

nelle et simplifiée de « l'appareil à pont n, in-8° de 50 pages avec

4G figures. Publication de l'Odontologie.

Wiliielm Itesmvcen. Ein Fall-voii pseuclo-spaslischer paresse mil

tremor, in-t" de S pages. Base ! 1900.

Le rédacteur-gérant : BOUmOEYILLE,

Evreux, Ch. HÉA1898Y imp. - 4-1902.

Vol. XIII. Juin 1902. N° 78.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES. - PROFESSEUR RAYMOND.

Sur trois cas d'hémianopsie ;

MESSIEURS,

Nous avons actuellement dans nos salles, trois malades

atteints d'hémianopsie. Sous ce nom,vous le savez sans doute,

on désigne l'abolition de la perception lumineuse dans une

moitié du champ visuel, des deux côtés, on, ce qui est plus

rare, d'un seul.

L'étude de ce curieux phénomène est intéressante à un

double titre.

D'abord, elle soulève des problèmes de diagnostic topogra-

phique, extrêmement délicats, j'espère vous en convaincre.

En second lieu, elle se confond, pour ainsi dire, avec

l'étude de la voie optique centrale, sur laquelle plane encore

maintes obscurités. Les cas pathologiques, qui vont servir

de thème à cette leçon et à la suivante, me fourniront l'oc-

casion de vous remémorer l'état de nos connaissances con-

cernant cette importante question d'anatomie, et de vous

familiariser avec la séméiologie de l'hémianopsie.

Avant de vous présenter nos malades, je crois utile, en

manière de préambule, d'insister sur quelques points de ter-

minologie. \ .

Je vous.rappelle que l'hémianopsie est dite homonyme,

Archives, 2' série, t. XIII. 28

434 CLINIQUE NERVEUSE.

quand elle porte sur les deux moitiés droites (fig. 19), ou

sur les deux moitiés gauches du champ visuel. On la qualifie de

croisée, lorsque des deux côtés, elle intéresse la moitié tem-

porale (externe), ou la moitié nasale (interne) du champ

visuel.

Donc on dira : -

Hémianopsie homonyme droite ou hémianopsie homo-

nyme gauche, suivant que la perception lumineuse est abo-

lie dans les deux moitiés droiles (/{. 19) ou dans les deux

moitiés gauches des deux champs visuels.

On dira : '

Hémianopsie croisée temporale et, plus couramment, hé-

mianopsie temporale bilatérale, ou bitemporale, quand la

perception visuelle est abolie dans la moitié temporale ou

externe du champ visuel de chaque oeil (fig. 20).

Hémianopsie croisée nasale, ou encore hémianopsie na-

sale bilatérale, hémianopsie binasale, quand la perception

lumineuse est abolie dans la moitié nasale interne des deux

champs visuels (flg. 21).

Il importe aussi que vous ne confondiez pas les expres-

sions : hémianopsie bilatérale; hémianopsie double.

L'hémianopsie double résulte de la juxtaposition de deux

hémianopsies bilatérales. Supposez qu'un malade, atteint

d'abord d'une hémianopsie homonyme droite, soit ensuite

frappé d'une hémianopsie homonyme gauche. L'hémianopsie

sera devenue double. La perception lumineuse sera abolie,

dans toute l'étendue du champ visuel, des deux côtés, sauf

H'ig. 19.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 4335

toutefois dans une étroite zone centrale, qui correspond à la

tache jaune; je vous indiquerai plus tard les explications

qu'on a données de ce fait.

Incidemment, je crois devoir vous prémunir contre une

cause d'erreur, dans l'interprétation des figures schémati-

ques qui servent à la représentation des diverses formes

d'hémianopsie.

Vous ne devez jamais perdre de vue que la portion tempo-

rale du champ visuel de chaque oeil correspond au segment

nasal de la rétine, et sa portion nasale au segment temporal

de cette membrane (/<y. 22).

Pour en finir avec la question de terminologie, j'ajoute

qu'on oppose l'hémianopsie simple, unilatérale, limitée à

Fig. 20.

Fi[J. 21.

436 CLINIQUE NERVEUSE.

un seul côté, à l'hémianopsie bilatérale, qu'on parle d'hémia-

nopsie verticale ou horizontale, suivant que la ligne de

démarcation, qui sépare l'une de l'autre la partie conservée

et la partie abolie du champ visuel, est elle-même verticale

ou horizontale; cette dernière éventualité est relativement

très rare. -

Enfin, vous entendrez parler d'hémianopsie segrnentai1>e,

d'hémianopsie par quadrants; ces termes s'appliquent à

l'abolition de la perception lumineuse, limitée à un segment

polygonal, quadrangulaire, du champ visuel.

Premier exemple CLINIQUE. - Cela dit, je vais vous présen-

ter une première malade, qui réalise une symptomatologie

peu complexe; chez elle, le tableau morbide se réduit à :

Une hémianopsie homonyme droite; en d'autres termes,

la perception visuelle est abolie dans la moitié droite du

champ visuel, de chaque côté : à droite, dans la moitié tem-

porale ; à gauche, dans la moitié nasale;

Des attaques de grand et de petit mal;

De l'affaiblissement intellectuel.

C'est une nommée d'A..., âgée de quarante-trois ans. Son

père avait "eu trois attaques d'hémiplégie; il a succombé à la

dernière. Elle a été mariée deux fois, son premier mari lui a

communiqué la syphilis, elle avait alors vingt-quatre ans.

Elle n'a eu que des accidents secondaires de peu d'impor-

tance, quelques plaques muqueuses à l'anus, et de l'alopécie.

Plus tard, elle est devenue sujette à des maux de tête, avec

exacerbations vespérales; elle est tombée dans un état d'ané-

Fig. 22.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 437

mie accompagnée d'une grande prostration physique. On l'a

soumise au traitement mixte, mais il lui a été impossible de

nous renseigner sur la durée approximative de cette cure.

Au demeurant, le manque de mémoire, dont elle souffre, la

met dans l'impossibilité de faire des réponses précises à nos

questions. . \

Nous avons pu apprendre, néanmoins, qu'à l'âge de trente-

cinq ans la malade a dû garder le lit pendant près de deux

mois. Elle n'a pas eu de fièvre, pas de maux de tête, pas de

vomissements; elle n'a pas présenté la moindre trace de para-

lysie. Seulement, elle ne reconnaissait plus les personnes de

son entourage et elle observait un mutisme complet; voire

qu'on dut recourir à la sonde, pour l'alimenter. N'empêche

qu'elle a engraissé, au cours de sa maladie, qui n'a pas laissé

de suites immédiates appréciables.

L'année suivante, la malade est devenue sujette à des

scintillements et à des apparitions de flammèches dans le

champ visuel de son oeil droit. Ces phosphènes étaient suivis

de l'apparition, dans le champ visuel droit, d'une tête

d'enfant blanc, assez vague, inconnue de la malade. Au bout

de quelques minutes, l'hallucination se dissipait, pour se

reproduire deux ou trois fois par jour, dans des condi-

tions absolument identiques. Vers la même époque, la

malade a remarqué que la moitié droite de son champ visuel

s'obscurcissait progressivement, de chaque côté. En même

temps, elle est devenue sujette à des sortes de vertiges

épileptiformes : tout à coup, il lui arrivait de rester inerte,

sans pouvoir parler, et sans comprendre ce qui se disait

autour d'elle.

Charcot, qu'elle alla consulter à cette époque, la fit admet-

tre dans cet hospice, en qualité d'infirmière. En même temps

il la fit soumettre à un essai de traitement spécifique intensif.

Aucune amélioration ne s'en suivit, dans l'état de la malade.

Voire que, dans la suite, à partir de l'année z1597, d'A... a

eu une série d'attaques d'épilepsie, avec cri initial, morsure

de la langue, perte subite de la connaissance et chute, incon-

tinence d'urine, amnésie complète. On dut renoncer à l'uti-

liser comme infirmière, au commencement de l'année pas-

sée z1900). Un nouvel essai de traitement mercuriel inten-

sif n'empêcha pas le retour des attaques du grand mal, au

nombre de trois, en l'espace d'une l'année. Dans ces condi-

438 CLINIQUE NERVEUSE.

tions, nous avons soumis la malade à la médication bro-

murée.

Actuellement, la santé générale d'A... ne laisse rien à dési-

rerLes réponses qu'elle fait, aux questions qu'on lui adresse,

trahissent une certaine diminution de la mémoire.

Vous voyez que ses pupilles, moyennement dilatées, sont

égales. Elles réagissent bien à la lumière et aux efforts d'ac-

commodation. Tous les muscles extrinsèques de l'oeil fonc-

tionnent bien, des deux côtés.

L'examen périoptométrique, pratiqué avec le plus grand

soin, par M. Koenig, a démontré l'existence d'une gémi-

anopsie homonyme latérale droite (Itg. 23), avec conservation

de la vision centrale pour toutes les couleurs. La réaction pu-

pillaire de Wernicke fait défaut, autrement dit, les pupilles

réagissent d'une façon très nette, quand un jet de lumière

est dirigé sur la portion abolie du champ visuel.

' La malade n'a plus d'hallucinations de la vue. Elle ne pré-

sente pas de troubles aphasiques : elle parle, elle écrit, elle

entend et elle lit très bien. Tout au plus lui arrivc-t-il, par

moments, d'avoir comme une sorte d'absence, au cours de

laquelle elle cherche les mots pour parler et ne comprend

pas ce qu'on lui dit.

D'autre part, d'A... est toujours sujette à des attaques

d'épilepsie ordinaire; elles éclatent sans aura d'aucune sorte,

débutant par un cri. Elles sont constituées par des convul-

sions généralisées. Elles s'accompagnent d'une perte subite de

la connaissance, de chute, de morsure de la langue, de peite

involontaire des urines. En revenant à elle, la malade

éprouve une grande fatigue, mais elle ne présente pas de

paralysie post-paroxystique. D'ailleurs, les attaques sont

rares ; leur nombre est d'environ trois par an.

Les vertiges épileptiques, auxquels est sujette la malade,

sont plus fréquents. Je vous ai dit, tout a l'heure, en quoi'

ils consistent.

Enfin, on constate, chez la malade, un certain degré d'affai-

blissement intellectuel. Vous avez pu vous rendre compte de

l'imperfection de sa mémoire. Avec cela, d'A... éprouve une

certaine difficulté à comprendre ce qu'on lui dit. Elle n'ap-

prend plus rien. Au demeurant, elle ne présente aucun signe

somatique, susceptible d'éveiller le soupçon d'une paralysie

1'ig. 23.

440 CLINIQUE NERVEUSE.

générale commençante. Elle n'a pas, notamment, de trem-

blement des lèvres et de la langue, pas de tremblement des

mains, pas d'embarras de la parole. Elle ne présente pas

non plus de stigmates de la grande névrose. Il

En résumé, voici une femme de quarante-trois ans, qui

a contracté la syphilis à l'âge de vingt-quatre anus. Dans

la suite, elle n'a présenté que des manifestations secon-

daires insignifiantes. Vers l'âge de trente-cinq ans, elle a

été sujette à des accidents énigmatiques : pendant près deux

mois, en proie aune extrême prostration physique et intel-

lectuelle, elle ne parlait plus, elle ne reconnaissait plus

les personnes de son entourage; on était obligé de l'ali-

menter à l'aide de la sonde. On n'a pas su, au juste, ce qu'elle

avait eu. v

Un an plus tard, elle s'est plaint de scintillements dans le

champ visuel droit, d'hallucinations de la vue, limitées à ce

même côté et se reproduisant par accès, au nombre de deux ou

trois par jour. Apparemment l'hémianopsie temporale et les

attaques de petit mal datent de la même époque, car, Charcot,

que la malade alla consulter, porta le diagnostic d'hémi-

anopsie avec épilepsie sensorielle.

En 1897, les hallucinations de la vue ont disparu. La

malade a eu une attaque d'épilepsie, avec morsure de la

langue, chute, incontinence d'urine. D'autres attaques sem-

blables ont suivi, à des intervalles éloignés. Un traitement

mercuriel intensif n'a pas amené de changement dans l'état

de la malade. Celle-ci continue de tomber dans des attaques

qui débutent par un cri, sans aura sensitive ou motrice, qui

se continuent par une perte subite de la connaissance, avec

chute, et par des convulsions généralisées. Elles s'accom-

pagnent de morsure de la langue et d'incontinence d'urine.

Au moment de reprendre connaissance, la maladeéprouveune

grande lassitude, elle n'a jamais présenté de paralysie post-

paroxystique. Somme toute, ces attaques sont très rares; elles

se suivent à des intervalles de plusieurs mois. Plus fréquentes

sont les attaques de petit mal ; au cours d'une conversa-

tion, la malade se trouve tout d'un coup dans la nécessité de

chercher les mots, elle ne peut plus comprendre ce qu'on lui

dit. Cet état ne dure que quelques instants. La malade ne

perd pas connaissance, elle ne tombe pas. Sa mémoire a

faibli, aussi bien quel'ensemble de ses facultés intellectuelles.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 441

( 'Diagnostic - Messieurs, des attaques d'épilepsie, chez : une femme qui paraît avoir contracté la syphilis, il y a

vingt ans, n'ont rien qui doive nous étonner. Sans doute,

dans la très grande majorité des cas, les manifestations

convulsives de la syphilis cérébrale se présentent sous les

.dehors de l'épilepsie partielle, de l'épilepsie jacksonienne, et

alors elles sont l'expression d'une gomme, ou d'une plaque

.de méningite développée au niveau de la zone rolandique de

.l'un des hémisphères.

- .-Toutefois, cette règle comporte des exceptions; assez

souvent on observe, en tant que manifestations de la syphilis

des centres nerveux, des attaques de grand mal, caractérisées

par des convulsions généralisées, avec cri initial, perte

subite de la connaissance, chute, morsure de la langue,

incontinence d'urine. C'est là, chose admise par tous les

auteurs contemporains qui ont écrit sur l'étiologie de l'épi-

lepsie et sur les manifestations de la syphilis cérébrale.

Il est reconnu aussi qu'en pareilles circonstances , des

attaques de petit mal alternent volontiers avec les grandes

attaques convulsives qui sont le propre de l'épilepsie essen-

tielle.

' Pour rendre compte des accidents convulsifs qui sur-

viennent dans ces conditions, il faut évidemment faire inter-

venir des lésions cérébrales diffuses. Rappelez-vous que les

lésions de la syphilis cérébrale sont de trois ordres, et qu'on

peut les résumer dans ces quelques termes : gommes cir-

consc1'ites et diffuses; méningo-encéphalite ; arlérite spéci-

fique, entraînant, par places, des foyers d'ischémie cir-

conscrite et des altérations réparables des éléments paren-

chymateux, cellules et fibres nerveuses, dans le territoire

privé transitoirement de son apport sanguin. Il y a là de quoi

expliquer les accidents épileptiformes présentés par notre

malade, l'affaiblissement intellectuel et la perte de la

mémoire, que nous notons chez elle. Il y a également de quoi

expliquer son hémianopsie homonyme droite; aussi bien, on

a publié un certain nombre d'exemples d'hémianopsie, soit

bitemporale, soit homonyme, survenue en tant qu'épiphéno-

mène de la syphilis cérébrale.

Or, tandis que les deux premières catégories de manifes-

tations - accidents épileptiformes, diminution de l'intel-

442 '1) . CLINIQUE NERVEUSE.

ligence et de la mémoire - ne nous fournissent aucune

indication précise relativement au siège présumable des

lésions encéphaliques dont est atteinte notre malade, il en

est tout autrement de l'hémianopsie. Ce trouble, si curieux,

de la perception visuelle ne peut dépendre que d'une

lésion de la voie optique centrale. Comme, d'autre part, les

autres manifestations pathologiques présentées par d'A...

- attaques de grand et de petit mal, diminution de l'intel-

ligence et de la mémoire - parlent en faveur de l'existence

de lésions corticales ou sous-corticales, nous sommes donc

en droit de conclure que, chez cette première malade, l'hémi-

anopsie doit être mise sur le compte de lésions diffuses de

la portion terminale de la voie optique.

Tout à l'heure, je vous rappellerai ce que nous savons

du trajet de la voie optique considérée depuis son point de

départ, dans la rétine, jusqu'à ses lieux d'aboutissement,

dans l'écorce des hémisphères. Pour le dire de suite, ces lieux

d'aboutissement ne sont autres que le territoire cortical

préposé à la perception visuelle. Or, nous ne sommes pas

encore fixés sur l'exacte topographie du territoire en ques-

tion. Tout le monde est d'accord pour le localiser dans l'écorce

du lobe occipital. Seulement, suivant les uns, il ne dépasse

pas l'étroite zone représentée par les lèvres de la scissure

calcarine ; suivant d'autres, il empiète sur les circonvolutions

avoisinantes; suivant d'autres, enfin, il embrasse toute l'aire

du lobe occipital, débordant même sur laportion adjacente du

lobe pariétal. Je vous répète que je reviendrai plus en détail

sur cette question de localisation. Pour l'instant, je crois

devoir me borner à ce que je viens de vous en'dire, et je

conclus à l'existence, chez notre première malade, de lésions

diffuses, corticales ou sous-corticales, d'origine syphilitique,

intéressant surtout l'élément vasculaire, et à localisation

prépondérante au niveau du lobe occipital.

Nous avons fait, chez cette première malade, un essai de

traitement iodo-mercuriel; il en est résulté une certaine

amélioration. Je doute qu'elle soit durable, en raison de

l'ancienneté des accidents. Je crains que malgré ce que nous

ferons, l'affaiblissement des facultés intellectuelles de' la

malade n'aille en progressant.

Deuxième exemple clinique. Ce premier cas est à mettre

SUR trois cas d'hémianopsie. 443

en parallèle avec celui d'une autre malade chez laquelle on

constate également une hémianopsie double, associée à des

accidents épileptiformes. En outre, elle présente des troubles

du langage; sans compter qu'elle a eu, à un moment donné,

une attaque transitoire d'hémiplégie droite.

C'est une nommée C..., âgée de quarante-un ans.

Son père est mort, à l'âge de soixante-huit ans, en état

d'hémiplégie.

Sa mère a été emportée par une maladie de coeur, à l'âge

de soixante-cinq ans. Elle a trois soeurs et un frère, tous

bien portants.

Son mari est affecté du tabes dorsal; il nie avoir eu la

syphilis au cours de sa jeunesse.

C ? n'a jamais eu ni convulsions, ni autres troubles ner-

veux. Elle a été réglée à onze ans. Elle a eu une première

attaque de rhumatisme articulaire aigu, à l'âge de huit ans,

une seconde à quinze ans et une troisième à trente-un ans.

On l'a soignée par le salicylate de soude. Elle a toujours été

d'une grande sobriété. Elle ne s'est jamais trouvée exposée

à une intoxication quelconque. Elle se dit convaincue de

n'avoir jamais eu la syphilis. Cependant, neuf mois après son

mariage, elle a fait une fausse couche, à la suite d'une chute,

assure-t-elle. Il y a lieu de retenir aussi que son mari est

affecté du tabes, maladie dont vous connaissez les étroites

relations avec la syphilis.

Sa maladie actuelle a débuté, il y a environ un an. A cette

époque,C ? est devenue sujette à des douleursdans les jambes;

elles revenaient par accès, principalement -la nuit, et chaque

accès avait une durée moyenne de dix à quinze minutes.

Au mois d'août dernier, la malade a eu un premier ver-

tige : un matin, au déjeuner, elle a perdu subitement la

faculté de comprendre ce qui se disait autour d'elle et la

faculté de parler. Au bout de trois heures, elle était revenue

à à son état normal ; à ce moment-là, elle ne présentait aucune

trace de paralysie.

Quinze jours plus tard, les mêmes accidents se sont repro-

duits, vers six heures du soir. La malade était en train de

travailler, lorsque, subitement, elle a de nouveau perdu la

faculté de comprendre et celle de parler. Cette fois encore,

elle n'a eu ni convulsions, ni paralysie.

444 CLINIQUE NERVEUSE.

Le lendemain, C... était rétablie et en état de reprendre

son travail.

En septembre dernier, elle a eu une troisième attaque,

semblable aux deux premières, mais qui n'a pas duré moins

de trois jours consécutifs. Dans l'intervalle, elle n'a pas pris

de nourriture. Quand elle est revenue à elle, il lui a semblé

-sortir d'un long sommeil.

On a constaté, à ce moment-là :

1° L'existence d'une parésie motrice portant sur tout le

côté droit, sans participation appréciable du facial;

2° L'existence d'une aphasie motrice (aphémie) totale; la

malade comprenait tout ce qu'on lui disait, mais elle était

dans l'impossibilité de prononcer autre chose que les mots :

« ainsi soit-il ».

3° L'existence d'un certain degré de surdité.

Ces manifestations pathologiques se sont amendées en

très peu de temps. Au bout de quinze jours, il ne subsistait

plus de traces de la parésie motrice. Les troubles aphasiques

se réduisaient à une certaine hésitation de la parole et à une

assez forte amnésie.

Toutefois, lamalade, qui s'était remise au travail, se rendit

compte qu'elle ne distinguait plus les objets que dans une

moitié du champ visuel. Avec cela, elle éprouvait une cer-

taine difficulté pour lire; elle était obligée de reculer le

papier, quand les caractères d'écriture ou d'impression se

trouvaient en dehors de son champ visuel rétréci. En outre,

elle avait de petits accès de vertige gyratoire, quand elle se

tenait debout et immobile. Au demeurant, elle n'avait jamais

eu ni céphalée, ni vomissements, ni fièvre. .

C'est dans ces conditions que la malade s'est fait admettre

dans le service, en novembre de l'année 1900. Voici l'étatpl'é-

sent, qu'on a relevé à cette date :

La santé générale de C... ne laissait rien à désirer. L'exa-

men des principaux organes et viscères ne décelait rien

d'anormal. La malade n'avait ni fièvre, ni céphalée, ni vomis-

sements.

Son crâne était normalement conformé.

L'inspection de la face et des yeux ne révélait rien de

pathologique, à cela près que, dans les mouvements de laté-

Fig. 24.

f CLINIQUE NERVEUSE.

ralité, les globes oculaires étaient agités par de légers mou-

vements nystagmiformes.

, L'examen du champ visuel a fait constater l'existence d'une

hémianopsie temporale homonyme droite (fig. 24), portant sur

toutes les couleurs. L'acuité visuelle centrale était intacte.

Dans la partie conservée du champ visuel, on ne constatait

pas la moindre anomalie de la vision. L'examen du fond

de l'oeil n'a donné que des résultats normaux, et cela s'ap-

' plique en particulier à l'état des papilles. La réaction pupil-

laire, dite de Wernicke, faisait défaut.

Indépendamment des accès de douleurs dans les jambes,

dont je vous ai déjà parlé, et qui laissaient à leur suite une

hypéresthésie cutanée transitoire, il n'existait aucun trouble

objectif ou subjectif de la sensibilité superficielle.

On ne constatait plus la moindre trace de l'hémiparésie

droite antécédente. La malade, à vrai dire, manifestait de

l'hésitation en marchant; de temps à autre, elle faisait des

faux pas,mais ces désordres étaient sous la dépendance ma-

nifeste de l'hémianopsie. '

Aux quatre membres, les réflexes tendineux se produi-

saient avec une apparente exagération, surtout à droite; le

réflexe massétérin s'exécutait avec une force normale.

Il n'existait ni troubles trophiques, ni troubles des fonc-

tions sphinctériennes.

La malade s'exprimait distinctement, sans bredouiller. De

troubles intellectuels proprement dits, elle n'en présentait

point, mais' seulement une légère amnésie verbale; elle

reconnaissait parfaitement les objets, se souvenait bien de

l'usage auquel ils servaient, mais elle était parfois obligée

de faire un effort, pour se rappeler leur nom.

Depuis lors, l'état de la malade n'a pas subi de change-

ments appréciables.

Dès les premiers temps de son séjour à l'hôpital, C... a eu

une obnubilation épileptiforme, semblable aux accès qu'elle

avait eus précédemment. Elle n'est pas tombée; elle n'a pas

eu de convulsions, elle a simplement perdu la faculté de

comprendre et de parler. Au sortir de cet accès, qui a duré

environ dix minutes, elle a prononcé des paroles incohé-

rentes.

On lui a fait des injections sous-cutanées d'huile grise,

combinées avec l'administration interne de l'iodure de potas-

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 447 I

\

sium. Une certaine amélioration a suivi cet essai de traite-

ment mixte.

Donc, chez une femme de quarante-un ans, dont les anté-

cédents pathologiques se réduisaient à trois attaques de rhu-

matisme articulaire aigu, de véritables accès de petit mal

ont fait leur apparition, il y a environ six mois. Ils se sont

succédé, au nombre de trois, à des intervalles de quinze

jours environ. Ils ont consisté en une perte subite de la

faculté de comprendre et de parler.

Au sortir de la troisième attaque, beaucoup plus longue

que les deux précédentes, la malade a présenté, pendant

quelques jours, une légère parésie motrice du côté droit,

sans participation manifeste du facial, mais accompagnée

d'aphasie motrice, d'une légère surdité verbale et d'une

hémianopsie homonyme double, qui persiste encore. En

outre, la malade est devenue sujette à des accès de vertige

gyratoire et à de l'amnésie verbale. Malgré ses dénégations

concernant l'éventualité d'une contamination syphilitique

antécédente, je l'ai fait soumettre à un essai de traitement

iodo-mercuriel. Une légère amélioration s'en est suivie. S'ac-

centuera-t-elle ? La chose est possible, étant donné le peu

d'ancienneté des accidents présentés par cette seconde ma-

lade (ils ne remontent guère au delà de six mois). Admet-

tons que cette éventualité se réalise, que l'amélioration

aille en progressant. En ce cas, j'inclinerai volontiers à

incriminer la syphilis : les bons résultats du traitement

spécifique confirmeraient les vagues soupçons qu'ont fait

naître dans mon esprit deux circonstances signalées pré-

cédemment : la malade a fait une fausse couche; son mari

est affecté du tabes, et, dans la très grande majorité des

cas, cette maladie se développe chez d'anciennes syphiliti-

ques.

Une chose me parait incontestable : chez cette seconde

malade, comme chez la première, l'hémianopsie, de même

que les attaques de vertige, de même que l'amnésie verbale,

de même que l'attaque transitoire d'hémiparésie droite et

d'aphasie motrice sont sous la dépendance de lésions corti-

cales ou sous-corticales. Il y a plus; ces lésions doivent être

limitées à l'hémisphère gauche. Différentes circonstances

parlent en faveur de ce siège unilatéral du processus mor-,

448 CLINIQUE NERVEUSE. '

bide, à savoir : l'hémiparésie droite et l'aphasie motrice

antécédente, l'amnésie verbale, sans compter la disposition

de l'hémianopsie. Sur ce dernier point, je m'expliquerai

dans un instant. Pour le reste, qu'une hémiparésie droite,

survenue subitement, à la suite d'une attaque qui s'est

accompagnée de la perte de la connaissance, implique une

lésion de l'hémisphère gauche, cela ne demande aucune

explication, de la part de qui s'adresse à des auditeurs tant

soit peu familiarisés avec les éléments de la pathologie ner-

veuse. ,

De même, qu'une aphasie motrice implique une lésion ou

un trouble circulatoire du centre de Broca, du pied de la

troisième circonvolution frontale gauche (chez un droitier),

cela ne demande pas davantage de longues explications. De

même encore, l'amnésie verbale implique une lésion ou un

trouble circulatoire du centre chargé d'emmagasiner les idées

de souvenirs qui se rapportent aux images auditives ver-

bales, et ce centre, nous le localisons dans le lobe tem-

poral gauche. -

Reste la disposition de l'hémianopsie. Celle-ci affecte la

moitié droite du champ visuel des deux yeux, à l'instar de

ce qui avait lieu chez notre première malade. J'ai dit que

c'était là un nouvel argument en faveur de l'unilatéralité

des lésions cérébrales diffuses que nous supposons exister

chez cette femme, et je vous ai promis de vous en fournir la

preuve. Pour être claire, cette démonstration exige qu'au

préalable, je vous expose une vue d'ensemble de la voie op-

tique. Je tâcherai d'être aussi bref que possible, mais je ne

négligerai rien de ce qui me paraît indispensable pour, en

quelque sorte, vous faire toucher du doigt la pathogénie et

la séméiologie de l'hémianopsie. -

VUE d'ensemble DE la voie optique. - Vous n'ignorez pas

que tous les nerfs sensitifs, tant les nerfs crânio-bulbaires

que les spinaux, prennent naissance en dehors des centres

nerveux. Ainsi, le nerf optique prend naissance dans la cou-

che la plus interne de la rétine, dans la couche dite des cel-

lules nerveuses. Les prolongements longs, qui partent de ces

cellules, ne sont autres que les cylindraxes des fibres du nerf

optique. Ils convergent vers la papille, vers la tache aveugle.

,Là, ils se tassent, pour constituer le tronc du nerf, lequel,

SUR TROIS CAS D'HÉMIANOPSIE. 449 9

après avoir traversé la choroïde et la sclérotique, s'échappe

de la cavité orbitaire par le trou optique et pénètre dans le

crâne.

Après un trajet intra-crânien de 10 à 12 millimètres, les

fibres du nerf optique subissent un entrecroisement partiel,

dans le chiasma, auquel font suite les bandelettes optiques :

Archives. 2' série, t. XIII. 29

Fig. 2.5. Cga, corps genouillé externe. Pul, pulvinar. Qa, tuber-

cules quadrijumeaux. - II, liipocampe. - v, ergot de 111oran. -

Tp, Tapent RO, radiations optiques. - lli, faisceau longitudi-

nal inferieur. Cal, scissure calcarine. - Cu, cuneus.

450 CLINIQUE NERVEUSE.

les fibres nerveuses qui tirent leur origine du segment tem-

poral de la rétine ne subissent point la décussation, elles

vont aboutir à l'hémisphère du même côté; les fibres ner-

veuses qui tirent leur origine du segment nasal de la rétine

s'entrecroisent et vont gagner l'hémisphère du côté opposé.

Ces détails ressortent d'une façon très nette sur la figure

schématique placée devant vous (fig. 25). '

Je vous rappelle aussi qu'au point où l'axe antéro-pos-

térieur du globe de l'oeil rencontre la rétine se trouve la tache

jaune, la macula litica, la région où la rétine présente son

maximum d'impressionnabilité. On l'appelle encore point de

fixation, parce que, pour voir distinctement les objets, nous

fixons le regard de telle sorte que les rayons visuels conver-

gent exactement vers les deux taches jaunes.

En définitive, chaque bandelette optique renferme des fibres

venues des deux globes oculaires : ,

La bandelette optique de droite renferme les fibres issues

du segment temporal de l'oeil droit et celles qui tirent leur

origine du segment nasal de l'oeil gauche.

Conséquemment, une lésion qui désorganise la bandelette

optique droite engendrera une hémianopsie homonyme la-

térale gauche, car elle interrompt les communications du

cerveau, avec la portion temporale de la rétine droite et la

portion nasale de la rétine gauche. Donc, la perception vi-

suelle sera abolie dans les deux moitiés gauches du champ

visuel. Inversement, une lésion qui désorganise la bande-

lette optique gauche engendrera une hémianopsie latérale

droite. En effet, elle interrompt les communications du

cerveau avec le segment temporal de la rétine gauche et

le segment nasal de la rétine droite; donc la perception

visuelle sera abolie dans les deux moitiés droites du champ

visuel.

Si nous poursuivons le trajet de la voie optique jusqu'à son

terminus, nous verrons les fibres constituantes de chaque

bandelette optique aboutir, en partie du moins, à trois amas

de substances grises : au corps genouillé externe, au tu-

be1'cule quad1'ijllrneau antérieur, à l'écorce du pulvinar,

c'est-à-dire à la partie postérieure de la;couche optique.

De ces trois territoires d'aboutissement des fibres réti-

niennes du nerf optique, le premier est de beaucoup le plus

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 451

important ; il reçoit environ 80 p. 100 des fibres en ques-

tion.

A l'idée de la plupart des anatomistes, les trois territoires

susdits représentent de simples postes de relais, quelque chose

d'analogue à ce que sont les noyaux de Burdach et de Goll,

par rapport aux fibres sensitives, issues des ganglions spi-

naux. Conséquemment, les fibres rétiniennes du nerf optique

viendraient se terminer dans les amas susdits de substance

grise, et principalement dans le corps genouillé externe, sous

forme d'arborisations terminales. Celles-ci enlaceraient les

cellules nerveuses de ces mêmes amas gris, desquelles par-

tent d'autres prolongements longs, allant aboutir aux centres

corticaux de la vision. La voie optique se résoudrait donc

en deux catégories de neurones superposés :

Des neurones périphériques, leur origine est dans la rétine

(couche des cellules nerveuses), et leur aboutissement dans

les amas gris centraux : pulvinar, tubercule quadrijumeau

antérieur et surtout, corps genouillé externe.

Des neurones centraux, leur lieu d'origine est représenté

par ces mêmes amas gris, mais principalement parles corps

genouillés externes, et leurs lieux d'aboutissement ne sont

autres que la sphère visuelle corticale.

Cette conception de la voie optique n'est point partagée

par tous les anatomistes. Ainsi, d'après van Gehuchten, le

neurone périphérique de la voie optique est représenté par

la cellule bipolaire de la rétine. Le neurone central ne serait

autre que la cellule nerveuse de la couche ganglionnaire,

rétinienne et son prolongement long, qui forme le cylin-

draxe de la fibre nerveuse constituante du nerf optique. Au

delà des bandelettes optiques, les prolongements longs des

cellules nerveuses de la rétine formeraient deux faisceaux

distincts : -.

Les unes se termineraient par des arborisations libres,

dans les amas gris déjà nommés, corps genouillés externes,

tubercules quadrijumeaux antérieurs, partie postérieure des

couches optiques. '

Les autres pénétrant directement dans la substance blanche

de l'axe cérébro-spinal se mêleraient aux fibres du tiers pos-

térieur du bras postérieur de la capsule interne, pour gagner

ensuite les centres visuels corticaux.

Les fibres de cette seconde catégorie concourraient donc

452 CLINIQUE nerveuse.

à la perception des impressions visuelles venues de la péri-

phérie.

Au contraire, les fibres du premier groupe, celles qui vont

aboutir aux amas gris centraux, ne participeraient qu'à l'exé-

cution des actes réflexes, de ceux notamment qui se tradui-

sent par des changements de diamètre des pupilles. Eu d'au-

tres termes, les cellules nerveuses contenues dans les amas

gris centraux n'émettraient pas de prolongements centri-

pètes, ascendants, mais seulement des prolongements des-

cendants, à transmission centrifuge. Si on s'en rapporte aux

données de la clinique et de l'anatomie pathologique, cela

me paraît démontré pour les tubercules quadrijumeaux sen-

lement, et contestable pour les corps genouillés externes. En

effet, comment expliquer qu'à la suite de la destruction

complète d'un lobe occipital, le corps genouillé du côté cor-

respondant subisse une dégénération secondaire à peu près

complète, si le territoire en question n'est pas relié au lobe

occipital par des prolongements ascendants ? z

Quoi qu'il en soit, au point de vue qui nous occupe, au

point de vue de la pathogénie de l'hémianopsie, l'important

est de savoir que toute lésion qui désorganise la voie optique

d'un côté, dans la portion de son trajet comprise entre le

chiasma et les centres corticaux de la vision, interrompt

les fibres destinées au segment temporal de l'oeil du même

~côté et au segment nasal du côté opposé. Il en résultera une

hémianopsie homonyme droite (temporale à droite, nasale

à gauche) si la lésion siège à gauche, et vice-versa, car, je

vous le répète encore une fois, il ne faut pas perdre de vue

que la portion temporale du champ visuel de chaque oeil

répond au segment nasal de la rétine et la portion nasale du

champ visuel au segment rétinien temporal.

Voyons maintenant de quelle façon les choses von t se passer

dans les cas où une lésion intéresse la voie optique dans sa

portion la plus centrale et notamment les centres corticaux

de la vision. Au préalable, il importe de nous entendre sur

la topographie des centres en question. Ici encore, nous

allons nous heurter à des divergences de vue, on ne peut t

plus tranchées.

Il est entendu que les fibres nerveuses,' dont se composent

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 453

les bandelettes optiques, vont aboutir, les unes, à des masses

grises centrales, les autres directement à l'écorce grise.,

Celles-ci, parvenues à la limite supérieure du pédoncule céré-

1 .

bral, se dirigent vers la partie postérieure de la capsule

interne. Là, elles se condensent en un faisceau désigné sous

les noms de radiations optiques de Gratiolet, de pédoncule

Fig. 26. Ci, capsule interne. - Vu, pulvinar. - Ne, noyau caudé. -

Ily, hypocampe. -Ta, tapetum. - RO, radiations optiques. - Fli,

faisceau longitudinal inférieur. Cal, scissure calcarine.

454 CLINIQUE NERVEUSE.

.postérieur de la couche optique, de faisceau optique intra-

cérébral (Testut). '

A son origine, il occupe la région rétro-lenticulaire de la

capsule interne (fig. 26) ; puis il ,se dirige horizontalement en

arrière. La légère courbe, à concavité tournée en dedans, qu'il

décrit ce niveau, contourne le ventricule latéral. Il est séparé

de ce ventricule par le tapetum, mince couche de substance

blanche, formée par des fibres qui émanent du corps calleux.

En dehors, il est en rapport avec le faisceau longitudinal

inférieur, composé de fibres d'association; elles relient les

circonvolutions du lobe occipital à la pointe du lobe Lem-,

poral.

D'abord compact et ramassé sur lui-même, le faisceau des

radiations optiques va en s'élargissant, au sur et à mesure

qu'il s'éloigne de son origine. Ses fibres constituantes

rayonnent vers les circonvolutions occipitales. Leurs lieux

d'aboutissement constituent précisément la zone visuelle

corticale. Or, ainsi que je vous le laissais pressentir à l'ins-

tant, on n'est pas encore fixé sur les limites exactes de cette

zone. -

D'après Henschen, elles ne dépasseraient pas les deux

lèvres de la scissures calcarine.

D'après Vialet, la zone visuelle corticale comprendrait,

indépendamment des deux lèvres de la scissure calcarine,

le coin, le lobule lingual, le lobule fusiforme, c'est-à-dire

les faces interne et inférieure du lobe occipital.

D'après von Monakow, elle embrasse toute l'étendue du

lobe occipital ; elle empiéterait même sur la partie avoisi-

nante du lobe pariétal.

Une observation publiée récemment par L. Laqueur et

M. B. Schmidt' est de nature à jeter un peu de lumière sur

cette importante question de localisation. Je vais vous en

donner une relation abrégée :

Un homme de soixante ans, affecté d'une néphrite

artério-scléreuse, est frappé, subitement, d'une hémianopsie

homonyme gauche. Six semaines plus tard, il s'y ajoute

une hémianopsie homonyme droite. Un examen périopto-

' Laqueur et B. Sclimidt. Ueber die Lage des Centrums der Macula

1 ulæa im mensthlichen Gehrill. (Vicleo2u's A1'chiv t. tS'J9, CLVIII,

fasc. 3, p. 4fi6.)

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 455

métrique très minutieux démontra que, des deux côtés;, 4*. ? =

vision centrale était intacte. Les papilles présentaient11 letfc'S :

aspect normal. De troubles de la sensibilité et de la moitilttA,1 z

il n'en existait point, pas plus que des désordres ayfia- "^

siques. L'intelligence n'était pas touchée. Le malade éproufy

vait simplement une grande difficulté à s'orienter, en raison^

de l'état de sa vue.

On avait diagnostiqué l'existence de deux foyers de ramol-

lissement, à peu près symétriques, dans les deux lobes

occipitaux, au voisinage de la scissure calcarine. Le malade

a succombé aux progrès de l'adynamie cardiaque. -L'autopsie

a démontré l'exactitude du diagnostic porté : à droite, un

foyer de ramollissement occupait la scissure calcarine et les

parties adjacentes ; à gauche, le foyer de ramollissement

occupait le coin, le lobule lingual, le lobule fusiforme et la

plus grande partie de la scissure calcarine. Toutefois, l'écorce

et la substance blanche sous-jacente de cette scissure étaient

intactes dans une zone de 2 centimètres carrés de surface,

qui, partant de la pointe du lobe occipital, s'étendait jus-

qu'à 18 millimètres de celle-ci. ' /

L'observation de Laqueur et Schmidt confirme donc les

opinions d'IIenschen et de Vialet ; elle démontre que la

scissure calcarine et les parties adjacentes de la face interne

de l'hémisphère (une partie du coin et le lobule lingual)

doivent être considérées comme le lieu d'aboutissement des

fibres du nerf optique.

En outre, elle confirme les assertions de Wilbrand, de

Gowers, de Knies, relatives à la conservation de la vision

centrale, des deux côtés, en cas d'intégrité de la partie posté-

rieure du fond de la scissure calcarine d'un seul côté. Consé-

quemment, cette partie postérieure de la scissure calcarine

doit être un lieu d'aboutissement des fibres du nerf optique. z

qui partent de la tache jaune de chaque côté : la vision cen-

lrale de chaque oeil serait donc sous la dépendance des deux

centres corticaux, localisés dans la partie postérieure de la

scissure calcarine de chaque hémisphère. A vrai dire, il

s'agit encore là d'une opinion controversée.

' Ainsi, d'après Foerster, si la vision centrale est habituelle-

ment conservée dans les cas d'hémianopsie d'origine corti-

cale, ce serait parce que le territoire de l'écorce, qui reçoit les

fibres nerveuses issues de la région de la tache jaune, est

456 clinique nerveuse.

alimenté à la fois par deux artères distinctes, par ta. céré-

brale postérieure et par la branche occipitale de l'artère,

sylvienne - ce qui est encore à démontrer. - -

D'après von Monakow, l'intégrité habituelle de la vision,

centrale, dans les cas d'hémianopsie, serait imputable à ce

que la région maculaire est en connexion avec toutes les par-

ties de la zone corticale visuelle, et je vous rappelle que von

Monakow assigne à-cette zone une étendue beaucoup plus

grande qu'on ne le fait habituellement. Je me suis expliqué,

là-dessus, il y a un instant. Donc, pour peu que la zone visuelle

reste intacte dans une faible portion de son étendue, la vision

centrale sera conservée. N'empêche qu'elle devra perdre de

son acuité, dans toute hémianopsie d'origine centrale, et c'est, t

aussi ce qui a lieu habituellement.

Conclusion. - De cet exposé, un peu aride, qui a porté sur

bien des points controversés, il importe que vous reteniezune

conclusion inattaquable; elle a, en l'espèce, une importance

capitale. Je la formulerai ainsi : Toute lésion qui désorganise

la voie optique d'un seul côté, en un point quelconque de son

parcours compris entre le chiasma et la zone corticale

visuelle, donnera lieu, à une hémianopsie homonyme laté-

rale, et il en sera encore de même, dans le cas d'une lésion qui

désorganise la zone corticale visuelle. Une lésion, qui réalise

l'une des deux conditions que je viens de dire, se traduira

par une hémianopsie homonyme droite si elle siège dans l'hé-

misphère gauche, par une hémianopsie gauche, si elle siège

dans l'hémisphère droit. J'avais donc raison de prétendre

que la constatation, chea notre seconde malade, d'une hémia-

nopsie homonyme droite constitue un argument en faveur

du siège unilatéral des lésions encéphaliques présumées, en ' r

faveur de leur circonscription à l'hémisphère gauche. Or, les

autres phénomènes morbides impliquent le caractère diffus

des lésions en cause. Dès lors, elles ne sauraient être locali-

sées dans la portion de la voie optique, où les fibres consti-

tuantes de cette voie sont tassées en un faisceau compact. Il

faut donc admettre que, chez cette seconde malade, l'hémia-

nopsie est la conséquence de lésions corticales ou sous-»

corticales du lobe occipital gauche. Il nous est impossible

de leur assigner une circonscription plus étroite, en admet-

tant qu'il s'agisse de lésions corticales,.puisque nous ne

SUR trois cas d'hémianopsie. 487

sommes pas encore fixés sur les limites exactes de la sphère

visuelle corticale. Peu importe d'ailleurs, car, de toute façon,

le processus morbide doit dépasser les limites du lobe occi-

pital ; dans l'hypothèse contraire il ne nous rendrait pas

compte des autres symptômes, présentés par la malade : de

l'amnésie verbale, des attaques de vertige, de l'attaque d'hé-

miplégie transitoire et d'aphasie motrice.

Eu égard à la nature de ces lésions, je vous ai dit que nous

manquons de raisons positives et objectives pour être en

droit d'affirmer leur origine syphilitique. Or, la malade est

franchement rhumatisante ; elle est donc prédisposée à l'ar-

tério-sclérose. Ajoutez à cela qu'elle est parvenue à l'âge où

les lésions artério-scléreuses peuvent déjà se montrer chez

les sujets prédisposés. Malgré ses trois attaques antécédentes

de rhumatisme articulaire aigu, elle ne présente pas de

signes appréciables d'une lésion organique du coeur. Je ne vois

donc qu'une interprétation plausible à fournir des accidents

multiples qu'on relève dans son passé, elle consiste à faire

intervenir des poussées d'ischémie locale, en rapport avec

l'athéromacie, pour ce qui concerne les accidents paroxys-

tiques : accès de vertige, hémiparésie et aphasie motrice

transitoire,-et des altérations clystrophiques de même ori-

gine, c'est-à-dire en rapport avec l'athéromacie, pour ce qui

concerne l'hémianopsie et l'amnésie verbale.

Au demeurant, le pronostic chez cette seconde malade, me

paraît moins sombre que chez la première, en raison de la

moindre ancienneté des accidents et de la moindre intensité

des accès vertigineux. Un essai de traitement iodo-mercuriel

a été suivi d'une amélioration assez franche. A supposer que

cette amélioration se maintienne, il y aurait évidemment lieu

d'insister sur la médication spécifique, la seule qui nous

laisse encore quelques chances de guérir cette femme, en

admettant que sa maladie soit bien une conséquence de la

syphilis.

Symptômes communément associés A l'hémianopsie homonyme

d'origine centrale. - Messieurs, l'hémianopsie homonyme

peut être l'unique symptôme d'une lésion du lobe occipital

de l'un des hémisphères. Il est rare qu'elle se présente à cet

état' d'isolement. En fait d'autres phénomènes morbides,

dépendant d'une lésion de même siège, vous trouverez men-

458 CLINIQUE NERVEUSE.

tionnés dans les ouvrages qui traitent du diagnostic topo-

graphique des affections de l'encéphale :

L'hémiach1'on.wtopsie, la perte de la vision des couleurs,

dans une moitié du champ visuel. Habituellement, elle est

associée à la perte de la vision des objets; c'est précisément

le cas chez les deux malades que je vous ai présentées.

La cécité corticale et la cécité de l'ânze. La première n'est

pas autre chose qu'une cécité centrale; elle résulte d'une

hémianopsie bilatérale double. Quant à la cécité de l'âme,

elle est extrêmement rare; elle consiste en ce que la percep-

tion brute des objets extérieurs est conservée, tandis que leur

perception qualitative est abolie : l'intéressé voit les objets,

mais il ne les distingue plus les uns des autres.

- La cécité verbale ; elle consiste en ceci, que les malades ne

déchiffrent plus la valeur des mots et des phrases d'une

langue qui leur est familière.

Les hallucinations de la vue, qui n'ont pas besoin de com-

mentaire, car, tous, vous savez ce qu'on entend par ces

termes. Vous avez eu sous les yeux un exemple vivant d'hal-

lucinations de la vue, associées à une hémianopsie homo-

nyme bilatérale, dans la personne de la malade que je vous

ai présentée en premier lieu.

L'aphasie optique, c'est-à-dire la perte de la faculté de

désigner par leur nom les objets extérieurs que le malade

voit et dont il reconnaît parfaitement la nature. Ce trouble

amnésique existe, à l'état d'ébauche, chez la seconde de nos

deux malades; vous vous rappelez qu'il lui arrive de manifester

une certaine hésitation, pour trouver le nom d'objets usuels

qu'on place devant ses yeux et qu'elle reconnaît d'ailleurs

d'une façon très nette.

C'est la coexistence de phénomènes de cette catégorie,

ou d'autres symptômes imputables à une lésion, soit de

l'écorce grise des hémisphères, soit de la substance blanche

sous-jacente, qui nous fournit les preuves de l'origine corti-

cale ou sous-corticale d'une hémianopsie homonyme bilaté-

rale ; vous en avez eu des exemples chez nos deux premiers

malades. Il en sera encore ainsi, chez le troisième malade

qu'il me reste à vous présenter. Son cas est particulièrement

intéressant, en raison de la multiplicité des troubles du lan-

gage, que l'on constate chez lui, en sus des troubles de la

vision.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 459

Troisième exemple clinique. Le malade en question, un

nommé L..., est âgé de cinquante-cinq ans. Il occupe le lit

numéro 5 de notre salle Bouvier. Les renseignements que nous

avons pu nous procurer sur son compte nous ont été fournis

par sa soeur.

Il n'y a jamais eu de maladie nerveuse ou mentale dans

la famille. L... est marié, père de quatre enfants bien por-

tants. Sa femme n'a jamais fait de fausses-couches.

L... a eu la rougeole, dans son enfance. Il nie avoir con-

tracté la syphilis. Il a toujours été d'unebonne santé, jusqu'en

juin de l'année dernière (1900). A cette époque, il a été

frappé, à deux reprises, d'une perte subite de la parole, qui

a duré, chaque fois, environ deux heures. Ces deux attaques

se sont suivies à quelques jours d'intervalle. Un peu plus

tard, il en a eu une troisième, accompagnée de perte de la

connaissance. On a dû le transporter dans son lit. Revenu à

lui, il ne pouvait plus parler ; il ne. pouvait pas d'avantage

marcher, à cause de la faiblesse de son côté droit. Il dut

garder le lit, pendant deux jours. Au bout de ce temps, la

faiblesse du côté droit s'était dissipée en grande partie ;

l'aphasie persistait.

En juin de l'année dernière (1900), au moment où le

malade a été admis dans le service, on a constaté chez lui

l'existence d'une légère hémiparésie droite, d'une aphasie et

d'une hémianopsie latérale homonyme droite. La seule

modification survenue depuis lors, dans son état, consiste

dans le caractère légèrement spasmodique, revêtu par l'hémi-

parésie droite, qui était flacide au début.

Actuellement, et ainsi que vous allez vous en rendre

compte de visu, le syndrome réalisé parle malade se résume

toujours encore dans cette triade : troubles visuels ; hémipa-

résie droite ; aphasie.

Occupons-nous d'abord des troubles visuels. Vous voyez

que les pupilles du malade sont égales ; elles réagissent bien

à la lumière et aux efforts d'accommodation. Les muscles

extrinsèques de l'oeil fonctionnent bien. A l'examen ophtal-

moscopique, le fond de l'oeil présente un aspect normal.

L'examen péri-optométrique va nous déceler l'existence

d'une hémianopsie latérale homonyme droite, avec con-

servation de la vision centrale (ftg. 27). Elle existe pour

460 . CLINIQUE NERVEUSE. `

toutes les couleurs. La réaction pupillaire de Wernicke fait

défaut.

L'acuité visuelle est un peu diminuée. Le malade n'a jamais

eu d'hallucinations de la vue.

L'examen de la motilité, aux membres, va nous fournir la

preuve que l'hémiparésie droite ne subsiste plus qu'à l'état

de vestige, sauf à la face, où elle est encore très prononcée,

La bouche est déviée ; elle s'ouvre un peu en point d'excla-

mation. La commissure labiale est abaissée, à droite. Avec sa

main droite, le malade exécute sans difficulté tous les mou-

vements physiologiques ; cependant, il se plaint d'une cer-

taine faiblesse, et d'une grande maladresse, qui d'ailleurs

saute aux yeux. Il ne fauche pas, en marchant.

Nulle part on ne découvre la moindre trace d'atrophie

musculaire. Par contre, à droite, on constate une exagéra-

tion des réflexes tendineux, allant jusqu'à la trépidation

spinale. Le réflexe crémastérien et le réflexe cutané abdomi-

nal sont légèrement diminués.

Le malade, qui a reçu peu d'instruction et qui a une intel-

ligence médiocre, lisait quotidiennement un journal, avant

de tomber malade ; il savait écrire. Il ne semble pas que son

intelligence ait baissé, depuis son entrée dans le service. On

ne constate pas, chez lui, le moindre signe révélateur d'une

démence paralytique ou d'un ramollissement cérébral. Il ne

présente pas non plus de dysarthrie. Bref, les troubles du lan-

gage, que nous rencontrons chez le malade et sur lesquels il

· me reste à fixer votre attention, relèvent purement et simple- ....

ment de l'aphasie.

Vous remarquerez d'abord que les seuls mots, prononcés

par L..., se réduisent à oui ou à non. Il ne peut même plus pro-

noncer son nom. A cause de son manque d'instruction, il nous

est impossible de savoir s'il présente des troubles du langage

* intérieur. Toutefois, quand je commande au malade de me

serrer la main, sept ou huit fois, c'est à peine s'il la serre

trois ou quatre fois ; il semble donc bien que le langage inté-

rieur soit troublé, ce qui nous autorise' à conclure que

, l'aphasie est à siège cortical, qu'elle n'est pas sous- corticale.

Autre circonstance intéressante à relever : chez L..., l'aphé-

mie est totale ; elle ne s'accompagne ni de jargonaphasie, ni

de verbiage, contrairement à ce qui a lieu, quand l'aphasie

est liée à la cécité verbale.

Fig. 27.

462 CLINIQUE NERVEUSE.

Indépendamment de l'aphémie, on peut mettre en évidence

une légère surdité verbale. Au premier abord, il semble que

le malade comprenne tout ce qu'on lui dit. En réalité, il com-

prend bien certains mots considérés isolément ; mais il saisit

mal la plupart des phrases qu'on prononce devant lui. Il

n'exécute pas exactement les ordres qu'on lui transmet. Cette

surdité verbale apparaît avec d'autant plus de netteté que

les mots prononcés et les actes commandés sont moins

usuels. Au demeurant, elle ne s'accompagne pas d'une dimi-

nution de l'acuité auditive.

L... présente, en outre, une cécité verbale très prononcée ;

elle prédomine sur les autres troubles sensoriels. Ainsi que

vous allez vous en rendre compte, le malade reconnaît

encore son nom, écrit en caractères courants, mais seulement

au prix d'efforts considérables ; de plus, il se trompe facile-

ment. Ainsi, il croira reconnaître son nom dans un autre qui

est composé à peu près des mêmes lettres et qui en diffère

cependant d'une façon très nette.

Le malade reconnaît les chiffres. Il reconnaît un petit

nombre de lettres de l'alphabet, non sans être obligé de

faire un effort considérable. Il reconnaît très bien les objets

et se rend bien compte de l'usage auxquels ils sont des-

tinés. Mais il ne comprend pas le sens des mots écrits, qui se

rapportent à des objets usuels, fenêtre, encrier, etc. Il com-

prend encore moins, des phrases entières, des ordres, même

très brefs, qu'on lui transmet par écrit. Chez lui, la cécité

verbale est donc presque absolue.

Il me reste à vous signaler les désordres agraphiques

qu'on peut mettre en évidence chez ce troisième malade.

Je vous ferai remarquer d'abord que L... tient la plume

très maladroitement ; il se salit les doigts. Considérée dans

son ensemble, son écriture est un griffonnage, rappelant

les essais d'un enfant qui apprend à écrire. L... peut faire sa

signature, mais celle-ci est tremblée, empreinte de mala-

dresse. Il peut également tracer quelques lettres, a, o,- et

tous les chiffres, mais il ne peut écrire spontanément des

mots entiers et encore beaucoup moins des phrases. Il

copie l'écriture, mais d'une main mal assurée. Il copie l'im-

primé comme un dessin, sans comprendre nullement ce qu'il

écrit. Les caractères qu'il trace ne rappellent en rien l'écri-

ture dite en miroir.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 463

b

Je vais le faire écrire avec des cubes de bois, représentant

des lettres. Il reconnaît bien quelques voyelles, mais il lui

est impossible d'assembler ces cubes, de façon à composer

soit son propre nom, soit tout autre mot.

J'ajoute, pour terminer, que chez L..., la mimique et l'ex-

pression des sentiments sont conservées. Je vous ai dit et je

vous répète que le malade ne présente pas de troubles de

l'intelligence. Il n'éprouve pas de maux de tête. Sa santé géné-

rale est satisfaisante.

Donc, chez un cultivateur âgé de cinquante-cinq ans, bien

portant jusque-là, deux attaques successives d'aphasie, de

deux heures de durée chacune, ont en quelque sorte pré-

ludé à un ictus apoplectique en règle. Le malade a perdu

connaissance ; il est tombé comme une masse, et il a fallu

le porter dans son lit. Revenu à lui, il ne pouvait plus par-

ler ; il ne pouvait pas davantage marcher, en raison de la

faiblesse de son membre inférieur droit.

Au bout de quarante-huit heures, l'hémiplégie droite

s'était dissipée en majeure partie ; la perte de la parole

subsistait. Quelques jours plus tard, le malade est venu nous

consulter à la Salpêtrière, et nous avons constaté un ensem-

ble de manifestations pathologiques qui, à peu de chose

près, subsiste encore tel quel. Ainsi que vous avez pu vous

en^ rendre compte de visu, on constate, chez ce troisième

malade :

Une hémiparésie droite ; elle présente son maximum d'in-

tensité dans le domaine du facial inférieur, et elle s'accom-

pagne d'une exagération, très prononcée, des réflexes tendi-

neux, qui va jusqu'à la trépidation spinale.

Une aphasie motrice complète ; incontestablement elle

s'accompagne de troubles du langage intérieur.

Une légère surdité verbale.

Une cécité verbale très prononcée.

De l'agraphie.

Une hémianopsie homonyme bilatérale droite.

Evidemment, nous avons de nouveau affaire ici à un syn-

drome en rapport avec les lésions de l'hémisphère gauche.

Tous les éléments de ce syndrome, que je viens d'énumérer,

concourent à imposer cette hypothèse. `

Aussi bien, l'hémiplégie droite, survenue à la suite d'un

464 -11 . CLINIQUE NERVEUSE.

.

ictus apoplectique, est l'indice d'une brusque inhibition de

la zone rolandique gauche ou de la portion sous-jacente du

centre ovale.

L'aphasie motrice totale, l'aphémie, si distincte des

désordres moteurs du langage, qui sont sous la dépendance

d'une aphasie sensorielle, ne peut être expliquée que par

une lésion du pied de la troisième circonvolution frontale

gauche.

A la surdité verbale on assigne comme substratum ana-

tomique une lésion du lobe temporal gauche; principalement

de la partie postérieure des première et deuxième circonvo-

lutions temporales de ce côté.

A la cécité verbale ordinaire, qui s'accompagne d'agraphie

et aussi de paraphasie, quand l'expression du langage articulé

est conservée, on assigne comme substratum une lésion du

pli courbe de l'hémisphère gauche, territoire qui embrasse la

partie postérieure de la deuxième circonvolution pariétale

et la partie antérieure de la deuxième cirèonvolution occi-

pitale.

On n'est pas encore fixé sur le point de savoir s'il existe un

centre spécial dont la destruction entraîne l'agraphie, mais

incontestablement ce désordre du langage écrit ne s'observe

que dans des cas de lésions de l'hémisphère gauche.

Pour ce qui est de l'hémianopsie homonyme bilatérale

droite, de par les amples explications, que je vous ai four-

nies tout à l'heure, vous devez être convaincus qu'elle est

imputable à une lésion de l'hémisphère gauche, quand elle

dépend d'un processus qui intéresse la voie optique dans

son parcours terminal.

1

Diagnostic. - Qu'est-ce que peut bien être la lésion qui,

chez ce troisième malade, nous rendra raison du syndrome.

si complexe, dont je viens d'énumérer les éléments ?

Messieurs, en raison même de la soudaineté du début,

l'idée vient immédiatement à l'esprit de mettre les accidents

présentés par cet homme sur le compte, soit d'une embolie,

soit d'une hémorrhagie cérébrale. Or, L... n'a pas de mala-

die de coeur. Il a toujours été d'une santé parfaite, avant le

début de son affection actuelle. On ne voit trop pour quelle

raison et par quel concours de circonstances il aurait eu trois

embolies successives, à quelques jours d'intervalle ; car, ne

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 465

l'oubliez pas, avant son attaque proprement dite d'apoplexie, il

avait eu deux petites attaques d'aphasie. L'hypothèse d'une

hémorrhagie cérébrale se concilie très bien avec ce mode

d'évolution. Au demeurant, L..., est parvenu à la période de

la vie, où des hémorrhagies cérébrales, révélées par des

attaques d'apoplexie, sont relativement fréquentes. Je me

ralie donc volontiers à cette hypothèse : intervention d'une

hémorrhagie cérébrale, comme cause prochaine des accidents

présentés par notre troisième malade.

/ ,

Il nous reste à préciser le siège de cette hémorrhagie, à

nous entendre sur le vaisseau dont la rupture a été la cause

déterminante des accidents qui, dans leur ensemble, consti-

tuent un si curieux syndrome.

De par leur nature, ces accidents supposent la suppres-

sion de l'apport sanguin dans la zone rolandique, dans les

deux premières circonvolutions temporales, dans le pli

courbe, dans une bonne partie du lobe occipital, mais prin-

cipalement dans le territoire qui correspond à la scissure

calcarine.

Rappelez-vous que les circonvolutions cérébrales sont ali-

mentées par trois vaisseaux artériels, par les artères céré-

brales antérieure, moyenne etpostérieure. Rappelez-vous que

l'artère cérébrale moyenne ou sylvienne (fig. 29) irrigue la plus

grande partie de la zone rolandique, c'est-à-dire, les trois

quarts inférieurs des circonvolutions pariétale et frontale

ascendantes, la troisième frontale tout entière, puis les deux

premières temporales, le pli courbe, la partie antérieure des

circonvolutions occipitales, la pointe du lobe temporo-occi-

pital. Donc, une ischémie, survenue dans le territoire ali-

menté par l'artère sylvienne ou cérébrale moyenne, est à

même de nous rendre compte de presque tous les accidents

présentés par notre malade. Des réserves ne sont à faire que

pour ce qui concerne l'hémianopsie. Encore se peut-il qu'elle

soit également la conséquence d'une obstruction de cette

même artère sylvienne. En effet, chez notre troisième

malade, les présomptions parlent plutôt en faveur d'une

lésion sous-corticale, c'est-à-dire en faveur d'un foyer

hémorrhagique situé dans la substance blanche du centre

uvale, qu'en faveur de lésions corticales diffuses, comme

c'était le cas chez les deux malades présentés en premier

Archives, 2' série, t. XIII. 30

466 CLINIQUE NERVEUSE.

lieu. Or, comme l'a fait justement remarquer von Monakow,

si, pour donner lieu à une hémianopsie, une lésion corticale

doit embrasser une étendue relativement grande, peut-être

la totalité de la surface du lobe occipital, un foyer circons-

crit, situé dans la substance blanche du centre ovale, pro-

duira une hémianopsie homonyme, pour peu qu'il entame

le faisceau optique intra-cérébral, représenté par les radia-

tions optiques de Gratiolet; il aboutira donc au même

résultat qu'une lésion diffuse corticale, beaucoup plus

étendue.

L'hypothèse d'un foyer unique, consécutif à une rupture

de l'artère sylvienne, peut donc nous rendre compte égale-

ment de l'hémianopsie présentée par notre troisième

malade. Il suffit, pour cela, de supposer que le foyer de

ramollissement, développé à la suite d'une hémorrhagie de

l'artère sylvienne, a entamé le faisceau des radiations

optiques.

Supposons qu'il en fut autrement, chez notre malade. Force

nous serait d'admettre l'existence d'un second foyer hémorrha-

gique, situé dans l'aire de distribution de la cérébrale pos-

Fig. 28. - Les parties ombrées représentent le territoire de distribution

de l'artère cérébrale postérieure.

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 467

térieure. En effet, ce vaisseau alimente toute la surface

du lobe temporo-occipital (moins la pointe) et le coin, à la

face interne des hémisphères (/{. 28), ainsi que la partie

postérieure des trois circonvolutions occipitales et de la

troisième temporale, à la face externe du cerveau. On

peut donc la considérer comme l'artère de la zone visuelle

corticale.

En fin de compte, je formule ainsi le diagnostic anato-

mique que je crois devoir porter chez notre troisième malade :

foyer hémorrhagique, consécutif à une rupture de l'artère

sylvienne, de l'artère cérébrale moyenne, ayant retenti sur

le faisceau cérébral optique, par voie de compression et d'is-

chémie, ou par extension du foyer du ramollissement qui s'est

formé aux dépens du foyer hémorrhagique.

.. »

Séméiologie DE L'HÉMIANOPSIE. - Messieurs, je vous avais

promis de mettre à profit les cas de nos trois malades, pour

vous tracer une sorte de tableau d'ensemble de la séméiolo-

gie de l'hémianopsie d'origine intra-cranienne. Pour tenir

ma promesse, il me reste à examiner comment se présente

Fig. 29. - Les parties ombrées représentent la zone de distribution

de l'artère cérébrale moyenne.

468 CLINIQUE NERVEUSE.

l'hémianopsie, lorsque la lésion, dont elle dépend, intéresse la

voie optique, en amont de la naissance du faisceau des radia-

tions de Gratiolet. -

Je vous rappelle qu'à l'idée de la plupart des analomistes,

les trois amas gris centraux, représentés, de chaque côté,

parle tubercule quadrijumeau antérieur, par le corps genouillé

externe et par la partie postérieure de la couche optique

(pulvinar), sont de véritables postes de relais, placés sur le

trajet de la voie optique.

Autant que je sache, on ne connaît pas encore un seul

exemple d'hémianopsie imputable à une lésion des tubercules

quadrijumeaux antérieurs. Au contraire, les lésions qui inté-

ressent la partie postérieure des couches optiques donnent

incontestablement lieu à de l'hémianopsie. En pareils cas,

celle-ci se présente également sous la forme homonyme ; de

plus, elle s'associe habituellement à une hémianesthésie

sensitivo-sensorielle et à une hémiplégie symptomatique

de l'extension des lésions à la portion avoisinante de la

capsule interne, ou encore à des troubles athétosiques,

choréiformes.

De même encore, les lésions qui intéressent l'un des corps

genouillés externes peuvent donner lieu à une hémianopsie

homonyme ; trois observations, de Henschen, de Jackson et

d'Edinger, le prouvent péremptoirement.

Abstraction faite des phénomènes associés, en rapport avec

l'extension du processus morbide aux parties avoisinantes

du cerveau, l'hémianopsie qui est sous la dépendance d'une

lésion du corps genouillé externe, comme du reste celle qui

est symptomatique d'une lésion du pulvinar, ne différerait

de l'hémianopsie d'origine corticale ou sous-corticale que

par deux caractères : .

1° Par la réaction pupillaire hémianopique de Wernicke,

qu'on a représenté comme faisant toujours défaut dans le

second cas et qu'on observe seulement, mais pas toujours,

dans les cas de lésion du corps genouillé externe ou du pul-

vinar. 4

Laissez-moi vous rappeler en quoi consiste ce signe :

Quand on approche des yeux une source de lumière, tant

soit peu vive, les pupilles se contractent aussitôt, dans les

circonstances normales. Le signe de Wernicke consiste en ce

que cette réaction pupillaire fait défaut, quand la source

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 469 9

lumineuse est dirigée sur les portions oblitérées du champ

visuel; en même temps, les modifications du diamètre pupil-

laire, produites par les efforts d'accommodation, continuent

de se manifester. Le signe de Wernicke n'est donc pas autre

chose que le signe d'Argyll, avec cette différence : il se

manifeste seulement quand les rayons lumineux sont diri-

gés sur les portions de la rétine qui correspondent aux

régions oblitérées du champ visuel.

2° Quand l'hémianopsie est d'origine corticale ou sous-

corticale, les malades, à ce que l'on prétend, n'en ont pas

conscience. Au contraire, quand elle est symptomatique

d'une lésion du pulvinar, du corps genouillé externe (ou de

la bandelette optique), le malade a conscience de son hémi-

anopsie : les portions du champ visuel, au niveau des-

quelles la perception lumineuse est abolie, lui apparaissent

en noir. Ce caractère différentiel a été mis en lumière par

Dufour. On n'est pas encore fixé sur sa valeur, qui est

contestable.

Aussi bien, pour vous dire le fond de ma pensée, je ne crois

pas qu'il y ait lieu d'attribuer une bien grande importance

diagnostique aux deux caractères dont je viens de vous entre-

tenir. C'est surtout en vous fondant sur la nature des symp-

tômes associés à l'hémianopsie, que vous réussirez à tran-

cher cette question de diagnostic différentiel.

Jusqu'ici, il n'a été question que de l'hémianopsie homo-

nyme, de l'hémianopsie qui intéresse les deux moitiés droites

ou gauches des deux champs visuels. C'est encore sous cette

forme que se présente l'hémianopsie symptomatique d'une

lésion qui intéresse l'une des bandelettes optiques dans toute

son épaisseur (en A fig. 30), et là c'est le cas habituel, quand

la lésion siège au voisinage du point où la bandelette optique

se perd dans l'hémisphère cérébral. Il n'en est plus de même,

quand la lésion siège plus en amont, à la base du crâne; en

ce cas, elle peut n'intéresser qu'une portion limitée d'une

seule bandelette optique ou des deux.

Si elle agit sur les deux bandelettes optiques, au voisinage

et en arrière du chiasma (en E), elle produira une hémi-

anopsie bitemporale; si elle intéresse partiellement une seule

bandelette, elle produira une hémianopsie unilatérale, à

savoir :

470 CLINIQUE NERVEUSE.

Une hémianopsie temporale' du côté opposé, si elle agit

sur la portion interne de la bandelette (en B) ;

- Une hémianopsie nasale du même côté, si elle agit sur la

portion externe de la bandelette (en B'). Il en sera encore

de même si la lésion atteint le chiasma dans son angle

externe (en C).

Enfin, si la lésion siège dans l'angle antérieur du chiasma

(en D), elle occasionnera de nouveau une hémianopsie

bitemporale.

Un coup d'oeil jeté sur la figure placée devant vos yeux

(fg. 29) vous fera bien saisir les rapports du siège des lésions

avec la forme d'hémianopsie, qui en résulte.

Naturellement le diagnostic topographique des lésions

qui, intéressant les bandelettes optiques ou le chiasma, don-

nent lieu à de l'hémianopsie, se fonde principalement sur

la prise en considération des manifestations associées.

Ainsi, une hémianopsie bitemporale, si elle se présente chez

un sujet acromégalique, entraînera presque forcément le dia-

gnostic de tumeur de la glande pituitaire, logée dans la fosr

sette de même nom, en arrière du chiasma.

Si de l'anosmie s'associe à l'hémianopsie, la lésion en

cause agit évidemment sur les bandelettes olfactives; c'est

une présomption, mais non une preuve, qu'elle est située

dans l'angle antérieur du chiasma. ' -

Si à une hémianopsie bitemporale ou à une hémianopsie

unilatérale s'associent des phénomènes en rapport avec la

compression des nerfs moteurs de l'oeil, ou du trijumeau,

des phénomènes de paralysie motrice dans les membres

(compression des pédoncules cérébraux), c'est signe que les

deux bandelettes optiques, ou l'une d'elles, se trouvent lésées

à une certaine distance du chiasma.

Messieurs, en manière de conclusion finale, je vais vous

tracer une sorte de tableau récapitulatif des caractères avec

lesquels se présente l'hémianopsie, selon que la lésion dont

elle dépend intéresse la voie optique dans telle ou telle por-

tion de son trajet :

1° L'hémianopsie d'origine corticale (en Cal., fig. 30) ou

sous-corticale (en RO) est toujours bilatérale et homonyme ;

en d'autres termes, elle intéresse les deux moitiés, droites ou

gauches, des deux champs visuels. Les malades n'en ont

SUR TROIS CAS D'HÉMIANOPSIE. 47'1

pas conscience (du moins dans la plupart des cas) ; n'em-

pêche qu'il leur arrive de faire des faux pas, de se heurter

aux obstacles qu'ils rencontrent sur leur chemin, et pour se

mettre en garde contre leur maladresse, ils ont l'habitude de

tourner la tête vers le côté occupé par la zonehémianopsique.

Quand, suivant ce qui est la règle, l'hémianopsie est en rap-

Fig. 30. - Cga, corps genouillé externe. - Pul, pulvinar. - Qa, tuber-

cules quadrijumeaux. - II, hipocampe. - v, ergot de Moran. -

- Tp, Tapelum. - RO, radiations optiques. Fli, faisceau longitudi-

nal inférieur. - Cal, scissure calcarine. Cu, cuneus.

472 CLINIQUE NERVEUSE.

port avec des lésions de l'hémisphère gauche, les malades

éprouvent habituellement une certaine gêne pour lire. Assez

souvent, on note, en fait de manifestations associées, des

troubles aphasiques : cécité verbale, surdité verbale, aphasie

optique, aphasie motrice (aphémie) ; sans compter les hal-

lucinations de la vue et l'hémiplégie motrice, qu'on observe

quel que soit celui des deux hémisphères qui est lésé.

L'hémianopsie d'origine corticale ou sous-corticale peut

être double ; par là, je veux dire qu'après une certaine

durée, une hémianopsie homonyme droite pourra se com-

pliquer d'une hémianopsie gauche, ou vice versa. En pareil

cas, la vision centrale est seule conservée, ce qui suppose

l'intégrité de la partie postérieure du fond'de la scissure

calcarine, d'un côté au moins, à en juger par les observa-

tions de Sachs et Forster, de Laqueur et Schmidt. On peut

observer, en outre, de la cécité de l'âme ou de la cécité cor-

ticale.

Toujours, à ce que l'on a prétendu, le signe de Werniqke

(réaction pupillaire hémianopsique) fait défaut, dans les cas

d'hémianopsie corticale ou sous-corticale. Cette règle me

parait être formulée en termes trop absolus.

2° L'hémianopsie qui dépend d'une lésion du corps genouillé

externe Cge, ou de la partie postérieure de la couche optique,

du pulvinar P, est toujours homonyme. Elle diffère de celle

qui est d'origine corticale ou sous-corticale :

a) En ce que les malades en ont conscience ; ils voient

noir dans les parties hémianopsiques du champ visuel. 1

b) En ce que les manifestations associées ne sont plus du

tout les mêmes. Les troubles du langage font défaut ; tout

au plus peut-on observer de la dysarthrie. Assez souvent,

on observe de l'hémiplégie motrice, de l'hémianesthésie

sensitivo-sensorielle, des troubles athétosiques, choréi-

.formes. Enfin, on peut être à même de constater la réac-

lion pupillaire hémianopsique ; toutefois, ce signe manque

souvent.

3° L'hémianopsie symptomatique d'une lésion A, qui inté-

resse l'une des bandelettes optiques dans toute son épaisseur,

est également homonyme. Elle ne se distingue des deux moda-

lités précédentes que par la nature des manifestations asso-

ciées. Celles-ci sont en rapport avec la compression ou la

lésion du pédoncule cérébral (hémiplégie motrice, plus

SUR TROIS cas d'hémianopsie. 473

rarement hémianesthésie), avec la compression des nerfs

craniens avoisinants (oculomoteur commun, olfactif, triju-

meau).

4° L'hémianopsie symptomatique d'une lésion partielle,

B ou B', des deux bandelettes optiques se traduit par une

hémianopsie bitemporale.

Il en est encore de même, quand la lésion siège dans l'angle

postérieur E, ou dans l'angle antérieur D du chiasma. Le siège

précis de la lésion ne peut se déduire que de la prise en con-

sidération des manifestations associées.

5° L'hémianopsie qui dépend d'une lésion partielle d'une

seule des bandelettes optiques est unilatérale ;

Elle est nasale et siège du même côté que la lésion, quand

celle-ci intéresse la portion externe de la bandelette (en B') ;

Elle est temporale et siège du côté opposé à la lésion,

quand celle-ci intéresse la portion interne (en B) de la ban-

delette.

6° Enfin, une lésion qui siège dans l'angle externe du

chiasma (en C) donnera également lieu à une hémianopsie

unilatérale; ce sera une hémianopsie nasale, située du même

côté que la lésion.

Vous voyez que pour résoudre les problèmes de diagnostic

topographique, soulevés par la constatation d'une hémianop-

sie, il vous faudra toujours avoir présents à l'esprit le trajet

et les connexions de la voie optique, depuis son origine réti-

nienne jusqu'à son terminus dans le lobe occipital.

Une remarque, pour terminer :

Dans ce qui précède, il n'a pas été question des fibres des-

cendantes de la voie optique, des fibres qui, ayant leur ori-

gine dans la sphère corticale visuelle, suivent un trajet cen-

trifuge, pour se rendre, les unes dans les ganglions centraux

(fibres c01'tico-ganglionnaires), les autres dans la rétine

(fibres c01'tico-1'étiniennes). Aussi bien, nous ne connaissons

pas encore exactement leur rôle ; mais nous savons pertinem-

ment que les unes et les autres dégénèrent, dans les cas de

lésions destructives de la zone corticale visuelle. Peut-être

l'atrophie de la papille, plus marquée du côté droit, que nous

constatons chez la malade présentée en premier lieu, n'est-

elle que l'aboutissant de la dégénération de ces fibres des-

cendantes.

PSYCHOLOGIE

Contribution à la psychologie de la genèse des hal,

lucinations psycho-motrices ;

PAR R

N. VASCIIIDE, ET C. VUItPAS,

Chef de travaux du laboratoire de psychologie Interne des asiles de la Seine

expérimentale de l'école des Hautes-Etudes (asile de Villejuif)..

{asile de Villejuif). -

Le rôle que joue l'analyse mentale dans la vie psycho-

logique des différents sujets à l'états soit normal, soit patho-

logique est variable suivant les divers cas 1. Intense, elle

s'exerce soit méthodiquement et aboutit alors à des oeuvres

de quelque portée, parfois même générales, soit sans orien-

tation, sans points de repère et sans contrôle et arrrive dans

ces conditions à un délire plus ou moins systématisé. Nous

avons montré dans plusieurs travaux antérieurs, qu'elle peut

porter soit sur le monde extérieur, et là tantôt sur le milieu

social, tantôt sur le monde cosmique, soit sur le sujet lui-

' N. Vaschide et Cl. Vurpas. Recherches sur les troubles psychologiques

consécutifs à des hallucinations provoquées (Archives de Neurologie,

1901, n° 69). - Contribution à l'élude de la structure mentale des hal-

lucinations (Al'chivio di Psichatria, Scieni Penali ed antropologia

criminali, 1901, vol. XXII, fasc. 4,.5). - Recherches expérimentales sur

la psychologie des hallucinations (Communication au 5- Congrès inter-

national de Physiologie de Turin, septembre 1901). - Les données ana-

tomiques et expérimentales sur la structure des hallucinations, Journal

de Neurologie, 1902, no 5.

GENÈSE DES hallucinations. 475

même, et là encore tantôt sur le corps, tantôt sur l'état

mental 1. Ainsi selon ces diverses orientations on pourrait

pathologiquement voir éclore quatre sortes de délire plus

ou moins isolés, plus ou moins fondus les uns avec les ,

autres.

Puis séparément, nous aurions de la sorte le délire d'extros-

pection, avec la variété le délire métaphysique et le délire

d'introspection soit somatique, soit mental. En forçant la

pensée et en parlant une langue peut-être trop philosophique,

on pourrait ramener toutes ces variétés délirantes, au délire

par introspection, car en toutes choses, qu'il s'agisse de sen-

sations extérieures ou d'impressions internes, nous ne saisis-

sons jamais, comme le disait il y a déjà longtemps Hume,

que nos propres états de conscience, que notre esprit. Mais

ce sont là des considérations philosophiques sur lesquelles

nous ne voulons pas insister. Nous voulons simplement

montrer le rôle important que joue l'introspection, non seu-

lement dans le mécanisme de certains délires, mais encore

dans la genèse de certains phénomènes psychopatiques

d'une haute importance en séméiotique mentale. Nous

voulons parler de la variété d'hallucination décrite par les

différents auteurs sous le nom d'hallucinations psycho-

motrices.

II

Nous ne voulons pas ici faire l'historique des hallucina-

tions psycho-motrices, ni rappeler leur description clinique,

ce sont là des questions bien connues de tous, et sur les-

quelles il est inutile d'insister.

Nous voudrions simplement attirer l'attention sur un

' N. Vaschide et CI. Vurpas. Di alcune attitudini ca1'att8l'istiche d'izzlro-

spezione somatica patologica (Rivista sperimentale di Freniatria, 1901,

vol. XXVII, p. 179-186). - Délire par introspection mentale (Nouvelle

Iconographie de la Salpêlrière, 1901, mai-juin, p. 238-251). - Délire par

introspection somatique (Centralblatt sur .\'ervenlzeillcuazcde und Psy-

chiatrie, 1901, vol. XXIV, Juli et August.) Le Délire de métaphysique

(Revue Scientifique, 1901, n- 6. p. 171-1T ! ). On the mental analysis.

The Journal of mental Patliology, 1902, II, p. 57-69.

476 psychologie. v

point particulier de la pathogénie au moins de certains

d'entre elles.

Ayant fait un examen complet et soigné d'un cas de délire

par introspection mentale, particulièrement instructif, nous

avons remarqué que certaines hallucinations, présentant t

le type clinique complet des hallucinations dites psycho-

motrices, relevaient ici particulièrement d'un mécanisme

dont une analyse psychologique minutieuse nous donna la

clef. Nous 'serons brefs sur l'observation qui a déjà fait

l'objet d'un précédent travail sur le délire par introspection

mentale 1.

1 III

L... Maria, quarante-trois ans. Accidents neuro-pathologiques

chez les collatéraux. Signes physiques de dégénérescence. Rien

autre à noter à l'examen somatique.

Notre malade a toujours été émotive et peureuse et particuliè-

rement suggestible, des idées de doute et de scrupule la hantaient;

un état d'inquiétude et une tendance marquée à l'analyse intros-

pective ressortaient parfois dans l'étude de son caractère. Actuel-

lement L... est tourmentée par la pensée de mal agir depuis long-

temps. La plupart des actes ou des pensées de sa vie antérieure

lui reviennent à la mémoire. Très perplexe elle interroge sa

conscience, repasse les divers événements de sa vie, et les juge,

et pour les juger convenablement elle est amenée à faire des hypo-

thèses plus ou moins compliquées, en tout cas toujours très

nombreuses qui cadrent d'ailleurs très bien avec son caractère

habituel. Cette introspection mentale l'abstrait et lui fait oublier

le monde extérieur. La malade étudie et scrute scrupuleusement

les diverses actions de sa vie ainsi que ses diverses pensées. Les

idées les plus bizarres qui lui ont traversé l'esprit réviennent à la

mémoire et elle examine attentivement son état mental, des

craintes de culpabilité engendrent des idées qui lui font supposer

qu'elle est coupable. En un mot, L... cherche à analyser et à expli-

quer son état mental. Elle cherche à distinguer des actes ou des

pensées réellement coupables ce qui n'est qu'une simple hypothèse,

une simple « imagination ». Et, avec assez de discernement, elle

juge les idées à qui elle refuse son consentement et celles à qui

. N. Vaschide et Cl. Vurpas. Nouvelle Iconographie de la Salpélrière,

ouv. cité.

GENÈSE DES hallucinations. 477

elle l'accorde, de même que les actes qu'elle a réellement faits de

ceux qu'elle ne fait que supposer. Parfois, à propos d'une pensée

en apparence banale, une idée plus ou moins étrange lui vient

à l'esprit et s'associe d'une façon étroite à cette pensée. De

sorte que plus tard, lorsque cette pensée arrive dans le champ de

la conscience, elle l'ait naître l'hypothèse qui lui est définitivement

liée.

L... voit son esprit envahi par des pensées qui l'indignent, aux-

quelles elle n'accorde pas son consentement et qui l'assaillent

malgré elle; elle se demande d'où peuvent venir ces idées. Par ses

écrits et ses dires, notre sujet nous apprend qu'il se rend compte

que ces idées prennent naissance en lui, qu'elles viennent de son

propre fond. Parfois L... se dit que « c'est elle-même qui s'hypno-

tise, qui se fait des idées impossibles. »

Puis elle s'empresse d'ajouter : « Pourtant ce n'est pas vrai;

ce sont des choses qui ne sont pas vraies. » Ce dont elle s'accuse,

elle sait, « que c'est elle qui a fait ces choses soit en réalité,

soit en rêve, soit en cauchemar. Elle ne sait pas comment est sa

tête ».

Parfois,voyant qu'elle n'accorde pas son consentement à certaines

pensées qui semblent surgir à sa conscience malgré elle et contre

son gré, elle arrive à se demander si quelque puissance extérieure

n'est pas la cause de ses pensées qui sont contraires à sa volonté. Ne

sachant comment expliquer ces associations d'idées troublantes

pour sa conscience, qu'elle constate et qu'elle ne comprend pas,

elle se croit sous la domination d'une puissance étrangère indé-

terminée qui engendre et dirige ses pensées. Elle dit alors qu'on

l'expérimente, qu'on l'hypnotise, qu'on parle en elle. Elle s'ima-

ginait que toutes les personnes dont elle pensait mal, connais-

saient toutes ses pensées, que tout le monde savait ses vilaines

idées, qu'elle même savait être fausses. C'est parce qu'on aurait

su qu'elle avait dans l'idée de telles pensées et qu'en réalité ces

pensées étaient fausses, qu'elle était tant tracassée. Elle dit

qu'elle entend « en elle » les personnes, dont elle pense mal, qui

lui disent des sottises, elle fait la demande et eux font en elle la

réponse.

Quand elle leur dit des sottises ce sont des idées qui lui viennent

en elle, parfois elle remue les lèvres et parle ses idées, ceux-ci lui

répondent. Elle se cause à elle-même et se figure que tous ceux

qui passent à côté d'elle ou qui rentrent dans sa chambre savent

ce qu'elle se dit à elle-même.

.Maintenant elle se dit parfois : « Que je suis bête de croire cela,

ce sont des superstitions : j'ai tort d'insulter tout le monde en

moi-même. » Voici encore une autre phrase d'elle qui précise bien

- ,on trouble mental et sa manière intellectuelle de réagir. « Je suis

à m'écouter. Je m'imagine qu'on me dit certaines choses que peut-

478 PSYCHOLOGIE.

être on ne me dit pas. Dans mon idée, je m'imagine qu'on me

blâme de beaucoup de choses que je n'ai jamais faites et que je

n'ai jamais dites ni pensées. Si d'avoir entendu des conversations,

ça me revient dans l'idée, je n'en suis pas la cause ».

La malade repasse dans sa mémoire les divers moments de sa

vie. Les moindres événements de son existence lui reviennent à

l'esprit; elle les analyse et avec un doute méthodique, faisant pour

chacun un examen de conscience minutieux, elle se demande si

elle s'est comportée comme elle le devait en ces diverses circons-

tances. Le soupçon d'avoir mal agi ou mal pensé, cette condition

primordiale d'une conduite irréprochable lui vient à l'esprit et lui

l'ait découvrir au fond de sa conscience un détail insignifiant

répréhensible, un désir moins pur et moins louable qu'elle le dési-

rerait.

Notre sujet regrette ce qu'elle considère comme une faute et

s'absorbe dans son remords. La simple hypothèse actuelle, qu'elle

est nécessairement entraînée à faire pour étayer son jugement et

se rendre compte de la pureté de ses intentions et de ses actes

devient pour elle une pensée coupable. Bientôt cette hypothèse

coupable s'associe à toutes ses pensées. Se souvient-elle d'une

pensée, d'une action, immédiatement elle s'imagine que cette

pensée, que cet acte ont été coupables. Cette idée de culpabilité

est liée, attachée à toutes ses pensées comme une parcelle de fer

est attirée par un aimant qui passe dans son voisinage et y adhère.

Parfois une hypothèse de culpabilité n'ayant qu'un rapport très

éloigné avec l'objet actuel de la pensée s'y attache. Et à chaque

réminiscence de ce souvenir l'hypothèse revient à la mémoire.

Elle ne s'effacera que lorsque la pensée primitive aura disparu du

champ de la conscience.

L... s'émeut de ces idées coupables qui lui reviennent à l'esprit.

Elle les analyse, cherche à se prouver à elle-même qu'elles sont

fausses, que ce ne sont que des « rêveries, des imaginations, des

bêtises. » : « Je suis bête et je. suis folle d'avoir de pareilles idées. »

« On m'a souvent dit qu'il fallait repousser de pareilles idées qui

sont fausses ». Ces craintes, ces soupçons provoquent une analyse

minutieuse de tous les actes de sa vie qui sont autant de sujets de

regret pour elle. Elle reprend et ressasse avec un doute méthodi-

que les moindres événements de sa vie, elle les passe au crible de

ses critiques. Toujours quelques doutes sur sa culpabilité hypo-

thétique touchant certains détails plus ou moins insignifiants de

ses actes surgissent à sa pensée. Après ses actes, ce sont ses pen-

sées qu'elle analyse : elles n'ont pas toujours été d'une pureté par-

faite ; le soupçon d'une faute se présente aussitôt à son esprit, au

sujet d'un souvenir déterminé. L... se croit coupable, elle demande

pardon des idées qui surgissent en dehors d'elle et malgré elle à

sa pensée.

GENÈSE DES HALLUCINATIONS. 49 9

Elle veut faire des excuses à ceux de qui elle a mal pensé. Ces

pensées qui lui viennent à l'esprit la révoltent et l'indignent, elle

ne leur donne pas son consentement. Ignorante, elle est incapable

de comprendre l'apparition de ces idées dans le champ de sa cons-

cience. Après une analyse minutieuse de son état mental, elle leur

trouve une origine en dehors de sa volonté, d'où elle conclut en

dehors d'elle. Une seule explication est plausible. « On la fait penser

on l'expérimente, on l'hypnotise. » Cette origine exogène est

exprimée par la malade qui prétend qu'on parle dans elle : « J'ai

entendu quelque chose, ajoute-t-elle, souvent comme si c'avait été

en moi que l'on me parle ».

Parfois elle discute en elle la valeur de ses idées de culpabilité;

son doute méthodique est analysé scrupuleusement. L... constate

alors qu'elle donne son consentement à certaines pensées, qu'elle le

. refuse à d'autres. Cette constatation l'amène à croire que les pen-

sées qui sont conformes à sa manière de voir viennent de son pro-

pre fond; que celles qui sont contraires à ces sentiments viennent

d'autrui; les unes sont donc endogènes et les autres exogènes. La

malade regarde son propre doute comme une discussion entre sa

personnalité et d'autres personnes.

Mais tout se passe en elle dans son for intérieur. Pour que dans

de telles conditions on puisse discuter avec elle, il faut donc con-

naître sa pensée qu'elle considérait jusqu'ici comme sa propriété

exclusive, comme un domaine inviolable et sacré dans lequel

personne ne pénétrait et dont elle ne donnait au monde, que ce

qu'elle voulait bien lui donner. Cette propriété privée est donc

maintenant publique. « On me parle en moi-même, dit-elle; on

connaît ma pensée; ce que je pense n'est plus secret, tout le monde

le sait. Me vient-il une mauvaise idée à la pensée, l'idée d'insulter

quelqu'un cette personne en est immédiatement informée. » Elle

peut écrire à ces personnes, leur faire des excuses, leur, dire

qu'elle n'est pas coupable, que toutes ces idées contradictoires se

passent en dehors d'elle.

Elle est hypnotisée, dit-elle, on doit savoir tout ce qu'elle dit

puisque, « elle est la seule coupable et que ce qu'elle raconte, elle

l'a fait elle-même, mais que dans tout cela il y a beaucoup de

choses qui sont des rêveries, des imaginations ».

IV

Bref, il s'agit ici d'hallucinations psychomotrices bien

caractérisées. La malade entend des voix qui lui parlent

480 PSYCHOLOGIE.

en elle-même. Elle ne localise pas dans telle ou telle partie

du corps le siège de ses voix, mais elle affirme qu'on lui <

parle. Elle fait même plus, elle remue les lèvres pour parler

les idées des personnes qui causent en elle-même (ainsi

qu'on l'a souvent noté chez des sujets présentant des hallu-

cinations psycho-motrices), et L... leur répond. Un dialogue

s'engage ainsi entre le sujet et des personnes qui causent.

en lui-même. · ' 1

Remarquons que L... croit à l'existence réelle des voix

qu'elle entend en elle-même. Elles ont à ses yeux une véri-

table origine exogène. Cependant le sujet tente parfois de se

ressaisir.

J C'est alors qu'elle nous dit ou nous écrit, que ce qu'elle

entend ce sont ses propres idées, ses propres craintes : « Ce

ne sont, dit-elle que des rêveries, des imaginations. » Mais la

croyance en la réalité de cette observation de psychologie .

délicate ne dure pas longtemps; elle est bientôt détruite et

brisée et le doute avec toutes ses fluctuations de croyances

plus ou moins admises et acceptées recommence. Ce sont

là des constructions brisées et reconstruites au gré des fluc-

tuations de la logique morbide du sujet.

En réalité dans notre cas particulier les hallucinations

dites psychomotrices ne sont que les propres idées de la

malade, dont elle prend connaissance par une introspection

mentale exagérée n'étant pas soutenue par des connaissances

suffisantes, manquant de points de repère et comparaison,

étant sans contrôle et s'exerçant avec un esprit de synthèse

insuffisant. La malade s'étonne des découvertes que lui révèle

son introspection maladive, et ignorante qu'elle est des

diverses lois de psychologie, de la loi de l'association des

idées, elle s'étonne de trouver en elle des pensées qui sont

contraires à tous les sentiments, à toutes les croyances de

sa personnalité morale et intellectuelle.

Etonnée, elle attribue à ces pensées une origine exogène.

Et lorsque l'image mentale de ces pensées est assez intense

elle se traduit par une réaction motrice qui consiste dans la

diction des phrases pensées. Mais la croyance à l'origine

exogène de ces pensées parlées n'en persiste pas moins. Ce

sont des personnes qui parlent par la bouche du sujet, qui

le font penser, qui ont pénétré dans son esprit et le gouver-

nent en maîtres. De là l'éclosion d'hallucinations psycho-

DE LA GENÈSE DES HALLUCINATIONS. 481

motrices. Leur genèse est d'une façon très manifeste, dans le

cas particulier, une introspection maladive excessive poussée

jusqu'au délire, et provoquant par les découvertes qu'elle

révèle au sujet un état émotif, qui achève de lui enlever ses

points de repère et de comparaison, qui l'entraîne malgré

lui dans son tourbillon vertigineux de pensées plus ou moins

disparates et l'empêche de se ressaisir.

L'introspection, à côté du délire qu'elle a engendré, a donc

donné naissance également à cette variété d'hallucinations

décrites en psychiatrie sous le nom d'hallucinatios .

motrices, les seules dont nous voulions nous occu

V

Nous voyons ainsi le rôle que l'introspectioi

tale joue dans la genèse de certains cas d'halluci

dites psycho-motrices. Est-ce là une simple métapnore

qu'emploie le sujet dans son langage ? Il y a cependant,

semble-t-il, plus qu'une simple métaphore. Car il y faut

ajouter la croyance que le sujet attache à ses expressions ;

pour lui, il s'agit réellement d'une seconde personnalité

différente de la sienne propre. Et c'est en vertu d'un raison-

nement, d'un syllogisme même sur lequel nous avons insisté

plus haut qu'il arrive à cette conclusion, qui l'étonne d'abord

mais à laquelle il ne peut se soustraire, tant elle lui est néces-

saire, et lui semble juste et évidente. L'introspection mentale

nous paraît jouer ici un rôle capital. Nous ne voulons pas

cependant baser sur un cas isolé toute une théorie des hal-

lucinations psychomotrices qui peuvent relever d'un méca-

nisme différent. Nous avons voulu simplement insister sur la

genèse et le mécanisme d'un cas observé attentivement et mi-

nutieusement, sans doute ce mécanisme doit se rencontrer

dans d'autres cas; l'examen psychologique dans chacun de

ceux dans lesquels sont observées des hallucinations psycho-

motrices doit renseigner sur le mécanisme ou les mécanismes

habituels et les plus fréquents de ce syndrome morbide.

Mais pour. que la pathogénie, invoquée ait quelque valeur il

faut que l'examen psychologique du sujet ait été complet.

Sinon le mécanisme apparent risque d'être superficiel et

d'induire en erreur. Il est une façon de traiter la question,

contre laquelle il est bon de mettre en garde, c'est la sui-

ARCIlIVES, 2' série, t. XIII. 31

48 " PSYCHOLOGIE.

vante : on prend le syndrôme morbide en lui-même, dans

ses traits caractéristiques et on essaye de l'expliquer soit

par une 'hypothèse qui satisfasse l'esprit, soit en se ba-

sant sur des faits de psychologie, de psychiatrie ou autres

connus et acceptés et voisins des phénomènes que l'on se

propose d'expliquer.

Cette méthode est dangereuse, car elle isole artificiellement

un syndrome ou une série de faits du milieu, de l'ensemble

des phénomènes et des conditions, auxquelles il est intime-

ment et indissolublement lié, pour les éludiei à part indé-

pendamment des autres phénomènes psychologiques dont

ils ne sont pas, pour une étude complète, séparables.

Il faut donc que pour chaque cas particulier, l'examen

psychologique soit complètement détaillé et analysé. Il faut

ici, comme partout ailleurs, en psychologie, peut-être plus

encore ici qu'ailleurs, ne commencer ses investigations et

ses recherches psychologiques expérimentales qui sont des-

tinées à fournir une explication à saisir un mécanisme psy-

chique quelconque, que lorsqu'on a sondé et pénétré à fond

le caractère du sujet.

VI

1

L'observation de ce sujet dont nous avons analysé

et précisé la mentalité, soi-disant morbide prend une impor-

tance toute particulière car elle nous facilite largement la

confirmation expérimentale de nos idées ' à savoir l'explica-

tion et le mécanisme de la structure psychologique d'une

forme d'hallucinations qu'habituellement on nomme psycho- '

motrice. Mais dans l'étude de l'état mental de L..., indépen-

damment des conditions physiologiques et anatomiques pro-

bables, mais dont nous ne pouvons rien dire, nous pou-

vons reconstituer et saisir, osons-nous croire et penser,

le mécanisme et la genèse même de ces hallucinations. Le

cas est typique et c'est pour cela que nous l'avons choisi, car

nous pouvions ajouter un nombre considérable d'observa-

tions, que nous avons eu l'occasion de faire et dont chacune

nous a fourni les éléments indispensables pour mettre en

1 N. Vaschide et Cl. Vurpas. Travaux cités. Voir surtout le travail de la

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1901, p. 238-251.

DE LA GENÈSE DES HALLUCINATIONS. 483

relief l'explication que nous venons de proposer et qui sem-

ble sortir de son histoire. A notre avis, le sujet en question

ne présente pas un caractère symptomatologique bien défini

et ne rentrerait pas dans la catégorie des affections mor-

bides, s'il avait, ce que nous avons répété dans nos publi-

cations sur le délire par introspection, le critérium néces-

saire pour distinguer l'élaboration d'un travail mental ou

même les mentalités différentes qui jaillissent pendant ses

états de distraction. Il lui manque, disons-nous, la possibi-

lité de peser surtout la signification d'une modalité psychique

ou somatique; en d'autres termes il s'agit d'une fouille intel-

lectuelle, d'une analyse mentale qui échappe souvent au

sujet qui interprète mal et trouve en lui-même quelques fan-

tômes, pour employer le langage de Platon, de notre moi

psychologique somatique ou autre. Expliquons-nous. Il y a

une opinion courante et bon nombre de psychologues et de

médecins l'ont soutenue que l'élaboration entière de l'acti-

vité mentale se manifeste presque intégralement sous la

forme du langage intérieur.

On désigne habituellement par ce terme cette modalité

motrice de la pensée en vertu de laquelle toutes nos pensées,

toutes nos images, même celles qui ne font pas partie de ce

qui concerne la logique, par conséquentcelles qui sont dans

ce tableau qui flotte autour du domaine conscient de la pen-

sée, tout désir, tout jugement, toute impression, etc.; en

un mot l'élaboration complète de notre activilé mentale se

manifeste sous la forme d'un langage parlé intérieurement

qui se poursuit dans notre for intérieur et qui dans la ma-

jorité extrême des cas n'arrive pas à ébaucher un mouve-

ment articulé accentué. Le langage intérieur est, pour ainsi

dire, le sanctuaire de la vie du langage articulé, donc du

« moi » psychologique relativement conscient, qui entre en

rapport avec le monde qui l'entoure, formulant des actes et

coordonnant des syllogismes.

Un sourd-muet a un langage intérieur extrêmement riche

quoiqu'il n'ait pas la facilité d'articuler.

Il est bien rare que l'individu puisse faire une fouille en

lui-même, classer ses pensées ou même vivre des impressions

senties, rappelées ou perçues à un moment donné, sans que

ce langage psycho-sensoriel ne vienne à la conscience d'une

manière motrice, donc par le langage intérieur (Vaschide).

484 PSYCHOLOGIE.

Nous n'avons pas l'intention de rappeler ici ni les discus-

sions soulevées à ce propos, ni les observations et documents

apportés pour l'étude de la question, mais simplement nous

nous contentons de signaler l'existence d'une manière d'être

presque inévitable de la pensée, notre but étant d'attirer

l'attention dans la psychologie morbide sur le rôle de l'in-

fluence que le langage intérieur peut avoir dans la systéma-

tisation ou dans la genèse d'un trouble psychopatique.

Notre sujet ignorait sans doute, comme l'extrême majorité

des gens, l'existence de ces phénomènes psychologiques

capitaux et paraissait toute surprise d'avoir trouvé en elle-

même une vie physique et mentale dont elle ne comprenait

ni l'essence, ni la signification, ni la portée. Sa vie mentale

et tout ce travail subconscient, avec cette source d'images

flottantes et précise néanmoins de la pensée, lui avait fourni

tous les éléments pour systématiser ce délire que nous avons

appelé délire par introspection. L'activité mentale saisie par

ce choc, dont nous ignorons positivement l'origine exacte,

et distraite de sa marche normale dépourvue le plus souvent t

de toute préoccupation à des fouilles méthodiques de la vie

mentale, à moins des condititions voulues, ignore complète-

ment ce phénomène du langage intérieur, qui implique déjà

pour le connaître et pour bien s'en rendre compte une ana-

lyse assez délicate et bien orientée.

Notre sujet, avec une pareille mentalité, s'aperçoit qu'en

lui-même pendant qu'il rêve, pendant qu'il mange, pendant

qu'il discute avec lui-même, pendant qu'il réfléchit, il y a

toujours dans sa pensée des paroles comme dites'en sour-

dine, chuchotées, qui n'ont pas son timbre et qui intervien-

nent à tout propos, contrecarrant ses propres opinions, met-

tant en doute ses décisions et effleurant à bâton rompu tout t

ce qui lui passait verbalement par la tête. L'attention saisie

par ce phénomène et ne trouvant aucun critérium et aucune

connaissance pour expliquer, s'arrête de plus en plus atten-

tivement à ce travail subconscient et arrive au bout de

quelque temps à provoquer par cette analyse minutieuse

mais mal dirigée, la conviction de plus en plus inébranlable,

qu'une voix étrangère à la sienne lui parle et se glisse dans

sa pensée ; et le mirage qui s'imprègne si facilement dans

tous les doutes, et particulièrement dans le doute qui frise

l'inconnu, est tout prêt à jaillir et augmenter ses tendances

DE LA GENÈSE DES HALLUCINATIONS. 485

introspectives, projetant et grossissant les phénomènes dans

un organisme indépendant du sien.

Ce qui arrive à L..., jusqu'ici n'a rien de pathologique,

sinon l'adaptation trop soutenue de ses efforts intellectuels,

la préparation hâtive mais logique d'une solution définitive et

une conviction basée sur des données qui lui échappent en

tant que connaissance réelle. Chaque homme normal ou soi-

disant tel peut être saisi devant la constatation d'un monde

psychologique aussi grand et aussi complexe que celui de la

logique intérieure évoluant dans l'atmosphère la plus intime

de nos états intellectuels successifs. Bon nombre ne peuvent t

pas fournir l'attention nécessaire à la connaissance de ce

domaine, et ceux qui le peuvent se distinguent de ceux qui

présentent des troubles, pathologiques à notre avis, par le

fait qu'ils arrivent ou à trouver dans le langage de leur moi

conscient ou encore à ne voir dans le langage intérieur qu'un

écho de leurs propres états intellectuels. Notre sujet L..., et

ici commence l'état pathologique dissocie, par une attention

extrêmement bien adaptée le langage subconscient intérieur

du langage articulé et ce dernier dans ses éléments les plus

intimes. Il semble extrêmement constant que ces organismes

pathologiques ont le don de conduire avec plus de finesse et

d'habileté leurs fouilles intellectuelles quoiqu'ils offrent une

absence notoire de critique.

L'attention devient de plus en plus soutenue, le langage

intérieur suit et subit parallèlement ces irritations brusques

du moi conscient et dirigeant la personnalité, du moins le

« moi » ou le langage articulé, et qui pour sa pensée devait

être dépourvu de tout écho ou élaboration phonétique sub-

consciente. Le sujet n'arrive pas à trouver des éléments de

ressemblance dans ce moi qui s'esquisse dans le langage

intérieur de sa propre personnalité et il arrive précisément

à cause de ses fouilles introspectives systématisées à attri-

buer le geste et les paroles, que lui murmure en sourdine

son langage intérieur, à des personnalités étrangères à son

propre moi, identifiant souvent ces personnalités avec les

sympathies et antipathies avec qui sa vie mentale avait au-

paravant de profondes et intimes relations. Et tout de suite

par un raisonnement logique, au moins dans ses prémisses,

il dit qu'on lui parle et il arrive à distinguer et à décrire

toute une lutte engagée avec des existences illusoires, tandis

486 PSYCHOLOGIE.

qu'il s'agit de l'élaboration des éléments de sa propre pensée

Eu d'autres termes, la perception de la synthèse psychique

dans ce cas comme dans un grand nombre d'autres du même

genre où chaque fois l'analyse mentale est saisie et entre en

jeu, provoque des hallucinations qu'on peut appeler psycho-

motrice, à cause des coefficients moteurs subjectifs etobjec-

tifs qui accompagnent les deux manifestations psychologi-

ques du sujet et de l'objet de l'hallucination évoluant nor-

malement dans la même activilé mentale. Le langage

intérieur serait donc à notre avis, la source principale d'un

nombre considérable d'hallucinations psychomotrices, pour

ne pas dire de toutes. Au lieu de faire entrer en jeu des ex-

plosions dynamo-cérébrales accidentelles ou une irritation

corticale, il faut étudier, pour l'interprétation juste du phé-

nomène, principalement les éléments hallucinatoires du lan-

gage intérieur, ce sanctuaire qui constitue une source iiche

d'illusions et qui peut se prêter de même à des croyances

pathologiques, surtout quand un choc mental ou autre met

le sujet sur la piste de la reconnaissance de son propre moi,

ce labyrinthe dans lequel plus d'un philosophe a fait fausse

route.

En résumé, l'hallucination psychomotrice, chez notre sujet

de même que les hallucinations psychomotrices en général'

peuvent recevoir facilement dans leur mécanisme et leur

genèse intime une explication toute psychologique, à savoir

l'introspection délirante du langage intérieur. Cette hypo-

thèse nous semble logique à plus d'un titre et nous avons

trouvé pleine justification dans l'analyse de l'observation

méthodique d'un nombre considérable d'aliénés qui n'étaient

pas atteints de lésions organiques.

L'examen psychologique complet de notre malade nous a

expliqué clairement en quoi consistaient ses hallucinations

psychomotrices, il nous a donné la clef du phénomène ; il a

étalé à nos yeux les éléments et édifié la genèse de ces hal-

lucinations, que nous voyons se constituer entièrement à

nos yeux sans qu'il nous soit nécessaire d'invoquer pour

expliquer leur éclosion quelques hypothèses plus ou moins

précises et certaines.

Cet examen psychologique, disons-nous, est également

indispensable, même lorsqu'il s'agit d'examen purement

physique pour lequel il semble moins nécessaire. Là encore

PARALYSIE GÉNÉRALE CONJUGALE. 487 7

il donne la clef et l'explication de certains phénomènes qui,

de prime abord et sans examen préalable pourraient paraître

contradictoires ou incompréhensibles.

C'est là un point sur lequel nous avons déjà insisté il y a

quelques mois, dans une communication à la Société de bio-

logie. Il s'agissait d'une femme chez laquelle les temps de

réaction simple et de choix étaient en rapport inverse de ce

qu'ils sont normalement. L'examen minutieux de l'état mental

de notre sujet nous donne l'explication très nette de ce phé-

nomène.

Nous affirmons aujourd'hui encore les mêmes conclusions

en les renforçant et en généralisant davantage, si possible,

et nous répétons ce que nous disions alors contre les psycho-

logues qui négligent « trop la vie mentale des sujets, champ

d'exploration sur lequel l'attention doit toujours être dirigée

avant tout examen somatique ».

RECUEIL DE FAITS.

Cinq observations de paralysie générale conjugale;

. PAR LES DOCTEURS

P. IiRRAV.1L, ET G. RAV1ART,

Directeur médecin de l'asile d'Armentières. Médecin adjoint de l'asile d'Annenliercs.

L'Etiologie de la paralysie générale, est un chapitre tou-

jours ouvert et sans cesse discuté; rien de ce qui peut y

jeter un peu de lumière ne doit être dédaigné, aussi croyons-

nous utile de publier aujourd'hui ces cinq cas de paralysie

générale conjugale que nous avons pu réunir. L'étude des

cas de ce genre est des plus fructueuse, malheureusement les

enquêtes nécessaires à leur complète connaissance sont sou-

' Vaschide et Vurpas. De la vitesse des temps de réaction auditive

simple ou de choix, en rapport avec le coefficient mental (Comptes

rendus de la Société de biologie,séance du 20 juillet 1901).

488 RECUEIL.DE faits. ·

vent fort difficiles. La syphilis notamment, pour des raisons

faciles à comprendre, y est plus qu'ailleurs malaisée à dépis-

ter mais en revanche lorsque la notion de son existence est

acquise, elle revêt du fait même des circonstances, une

importance indiscutée.

C'est ainsi que dans notre première observation par exem-

ple, le mari infecté au régiment, fait quinze ans plus tard de

la paralysie générale tandis qu'apparaissent chez la femme

les premiers signes d'un tabes préparalytique. - ,

Mais la syphilis, ne peut être trouvée dans tous les cas,

probablement parce qu'elle n'est pas toujours en cause, et

ainsi qu'on le verra plus loin, ce seront : l'alcoolisme, le

traumatisme cranien, l'hérédité, les influences morales que

nous trouverons à l'origine de cette paralysie générale dont

ies causes si variées et la nature inconnue déconcertent et

divisent les cliniciens.

Observation I. Homme de quarante et un ans, tailleur d'ha-

bits, indigent, d'instruction moyenne. Pas d'antécédents hérédi-

taires. Syphilis contractée au régiment, pas d'alcoolisme. Marié

en 1881, n'a pas eu d'enfants. Bon travailleur, se conduisant bien.

l.a maladie a débuté il y a trois ans par des troubles gastriques,

hématémèses, dyspepsie, ne pouvant travailler il dépensa pendant

sa maladie l'argent péniblement économisé, il en fut très frappé ;

mais c'est seulement quinze jours avant l'entrée que les troubles

mentaux apparurent plus marqués : propos incohérents, idées de

suicide, actes désordonnés. ,

Admis à l'asile d'Armentières le 22 septembre 1896, il présente

un état de déchéance physique et intellectuelle qui paraît en rap-

port avec une démence paralytique à forme mélancolique ancienne,

désordre extrême des propos et des actes, embarras de la parole

et tremblement fibrillaire des muscles de la face et de la langue ;

myosis et inégalité pupillaire ; pleurnicheries ; santé générale

extrêmement mauvaise (hématémèses anciennes). Pronostic très

grave. La maladie évolua rapidement et le malade mourut dans le

gâtisme le 27 septembre 1896.

Sa femme, âgée de quarante ans, couturière. Sans antécédents

héréditaires, non alcoolique, présente depuis quelques années des

troubles de la sensibilité - hyperesthésie générale, douleurs en

ceinture, diminution considérable de l'acuité visuelle qui font

songer au médecin traitant, à une affection médullaire, il institue

le traitement ioduré, mais la malade refuse de le suivre, et voit

ses troubles s'aggraver peu à peu. Lors de l'internement de son

mari, elle présentait depuis un certain temps déjà un état de

PARALYSIE GÉNÉRALE CONJUGALE. 489

dépression mélancolique qui s'aggrava encore lorsqu'elle devint

veuve.

Le 1er décembre 1899, elle raconte aux siens qu'elle a rencontré

un monsieur de mise élégante qui lui aurait dit la trouver jolie et

la vouloir épouser. Dès ce jour elle annonce son mariage, s'esquive

pour faire des emplettes, acheter un trousseau ; elle promet des

maris riches à toutes ses connaissances, et dit que son mari n'était

pas fait pour elle et qu'il le lui a dit; elle possède un château !

w Elle chante la nuit : puis se plaint de violentes douleurs dans les

reins (douleurs fulgurantes) et parle d'aller se noyer ou de s'étran-

gler si elles ne cessent pas.

Difficile à maintenir, pouvant à tout instant tromper la surveil-

lance des siens, on doit l'interner.

Ses facultés intellectuelles sont ainsi qu'on le constate alors

extrêmement affaiblies, perte de la mémoire, idées délirantes de

grandeur et de richesse, tremblement des mains, diminution

notable de l'acuité visuelle sans inégalité pupillaire.

La malade constamment agitée, déchirant ses effets, criant sans

cesse, meurt le 31 décembre 1899 de cachexie paralytique.

Observation II. - Homme de cinquante ans, sous-officier de gen-

darmerie en retraite, indigent. Pas d'antécédents héréditaires, ses

parents encore vivants se portent bien, sept frères et soeurs en

bonne santé. Fut toujours bien portant.

Pas alcoolique, pas trace de syphilis. Marié en 1878, il eut deux

enfants actuellement vivants et bien portants.

Sa femme l'a quitté il y a quinze ans pour se livrer à la débauche

et il en conçut un chagrin très vif.

Depuis dix-neuf mois, il se plaint de troubles gastriques fré-

quents, d'étourdissements et de douleurs périphériques.

Actuellement il présente tous les signes physiques de la para-

lysie générale : visage sans expression, inégalité pupillaire, trem-

blement de la langue mouvement de trombone manifeste

embarras de la parole, tremblement des mains. La mémoire ne

semble guère atteinte. Il déclare se bien porter et être très con-

tent. Les personnes de l'entourage attribuent son état aux nom-

breux chagrins qu'il a éprouvés.

Sa femme, âgée de quarante ans, ménagère, sans antécédents

héréditaires connus, le quitta en 1886 et depuis lors vécut dans la

prostitution, elle ne sortit des maisons de tolérance qu'il y a quel-

ques mois et revint auprès de son mari avec lequel elle n'a d'ail-

leurs pas du avoir de rapports. Déjà très malade lors de son retour,

elle présente actuellement tous les signes de la paralysie générale

progressive, arrivée à une période très avancée : inégalité pupil-

laire, tremblement de la langue et des petits muscles de la face,

tremblement des membres, embarras de la parole, perte de la

490 RECUEIL DE FAITS. 1

mémoire, état démentiel des facultés, gâtisme. Toute enquête sur

ses antécédents personnels est impossible et nous ne pouvons savoir

si au cours de ses quinze années d'excès' alcooliques et vénériens

elle a contracté la syphilis.

Observation III. flom ! 1/e de quarante-huit ans, garçon bras-

seur, indigent, sachant lire et écrire.

Antécédents héréditaires : un oncle maternel paralytique général.

Antécédents personnels : alcoolisme, s'enivrait de temps en temps.

Marié, il a quatre enfants, âgés de vingt-deux, vingt et un, dix-

neuf et onze ans.

Depuis un mois, déclare sa femme, il n'est plus comme avant, il

a commencé par être taciturne et à dire des choses insensées. Il

rit sans motif.

11 ne travaille plus, parle de se suicider, se promène presque nu.

Il veut aussi s'emparer de tout ce qu'il voit, et fait des achats

inconsidérés. On l'interne le 21 aoiiL'189.

Il parait alors atteint de mélancolie, avec idées vagues de persé-

cution, idées de suicide, il est à demi stupide ; on ne constate pas

chez lui les signes physiques de la paralysie générale.

11 n'en est plus de même en janvier 1896. Il présente un état de

confusion intellectuelle très marquée, tient des propos absurdes

de richesse, il est, dit-il, possesseur de plusieurs millions.

Embarras marqué de la parole, tremblement de la langue et des

lèvres. Malade atteint de démence paralytique avancée.

Il se cachectise, gâte et meurt le 22 mars 1897.

Sa femme, âgée de quarante-neuf ans, ménagère, sans antécé-

dents héréditaires, s' adonnant à la boisson depuis longtemps, pré-

sente un an après l'internement du mari un affaiblissement consi-

dérable des facultés intellectuelles : le soir elle demeurait plusieurs

heures dans les escaliers, sans lumière, et lorsque quelqu'un pas-

sait elle le tirait par ses effets sans rien dire. Assise auprès de son

poêle, qu'elle n'allumait plus, elle faisait le simulacre de se chauffer.

La nuit on l'entendait crier et se promener dans sa chambre.

Quelques idées mélancoliques : « le bon Dieu m'envoie vous dire

que je n'ai plus que dix minutes à vivre, il ne me pardonnera

jamais ce que j'ai fait ! » En décembre 1896, elle présente tous les

signes physiques et psychiques d'une paralysie générale progres-

sive en pleine évolution, de forme mélancolique. L'affection évolue

rapidement et la malade meurt le 1er mai 1897.

Observation IV. Homme de trente-huit ans, maréchal-ferrant,

indigent, d'instruction moyenne, sans antécédents héréditaires,

non alcoolique, pas traces de syphilis.

Marié en 1877, il a eu une fille.

Le 8 mars 1889, travaillant à sa forge, il est blessé à la tête par

la roue d'une machine à cintrer, le visage ensanglanté, il rentre

PARALYSIE GÉNÉRALE CONJUGALE. 491

chez lui très troublé; il voit des bêtes féroces, des hommes qui

viennent pour le tuer et il cherche à s'éloigner en se cachant le

visage. Son état s'aggrave très rapidement et on,doit l'interner le

25 mars 1889.

Son état est le suivant : paralysie générale progressive parvenue

à une période très avancée. Mémoire éteinte. Embarras de la pa-

role. Inégalité pupillaire. Hallucinations et craintes imaginaires.

Evolution progressive de l'affection, poussées congestives. attaques

épileptiformes. Mort le 10 mars 1807.

Sa femme, âgée de trente-trois ans, ménagère, sans antécédents

héréditaires connus, non alcoolique, restée seule après l'interne-

ment de son mari, avec sa fille âgée de dix ans, est très malheu-

reuse ; le 20 janvier 1890, elle écrit que sa fille est malade et qu'elle

même est sans ressources. -

Elle perd sa fille, doit soutenir un procès.

Le 21 juillet 1S94 sans autre cause connue que la misère et le

chagrin, elle se met à délirer : idées délirantes de grandeur et de

richesse, propos incohérents; puis violente agitation nécessitant

son internement.

Affaiblissement considérable des facultés intellectuelles, signes

physiques de plus en plus marqués. Gâtisme. Cachexie. Mort dans

le marasme paralytique le 7 novembre 1898. ,

Observation V. - llonznte de quarante-sept ans, filtier, indigent,

sans instruction. Pas d'autres antécédents héréditaires qu'un frère

jumeau devenu paralytique général à trente-neuf ans, à la suite

de chagrins multiples (paralysie générale il forme mélancolique

avec idées de négation, à marche rapide). Marié depuis vingt ans,

il a cinq enfants, âgés de dix-neuf, douze, huit, six et quatre ans.

Non alcoolique, pas trace de syphilis.

Il y a cinq mois, sans cause connue, il eut une congestion céré-

brale ; depuis lors, il donne des signes d'aliénation mentale, cet

état s'est aggravé ces temps derniers, au point que sou interne-

ment est devenu nécessaire.

A l'entrée à l'asile, son état, est le suivant : mélancolie, présen-

tant la forme de délire des négations ; tout est perdu, la nourri-

ture ne lui profite pas, il est mort ou presque mort, n'a plus de

jambes, rien ne va plus. Paralysie générale probable, bien que les

signes physiques fassent défaut. Ces derniers ne tardèrent pas à

apparaître tandis que les idées délirantes faisaient place à la dé-

mence. Evolution progressive de l'affection, gâtisme, cachexie,

mort deux ans et demi après l'entrée.

Sa femme, âgée de quarante ans, ménagère, sans antécédents

héréditaires, non alcoolique, sans autre cause connue que le chagrin

de voir son mari interné présenta peu de temps après quelques

troubles cérébraux. Deux ans après le début de l'affection chez le

492 RECUEIL DE FAITS.

mari, elle était en démence : ne sait ni ce qu'elle dit ni ce qu'elle

fait, ne veut pas donner à manger à ses enfants et les frappe avec

les objets qui se trouvent à sa portée, elle ne veut pas se nettoyer

et elle est complètement remplie de vermine ; à tout instant elle

se sauve de la maison et court sur la voie publique disant qu'elle

va se suicider.

Elle présente à cette époque tous les symptômes psychiques et

somatiques de la folie paralytique à la période d'état. Six mois

après elle succombe dans le marasme.

Les observations que nous venons de rapporter, présen-

tent malheureusement de nombreuses lacunes, mais on con-

viendra qu'il est bien difficile, comme nous le disions au dé-

but d'obtenir des renseignements précis, surtout lorsqu'il

s'agit de la syphilis que l'un des conjoints, s'il a été infecté, a

toujours eu soin de cacher. /

Telles qu'elles sont, ces observations ne semblent pas

plaider en faveur de l'unité étiologique de la paralysie géné-

rale : dans la première, la syphilis nous paraît seule en

cause, nous n'y trouvons; en effet, ni alcoolisme, ni surme-

nagé, ni hérédité. La stérilité des époux et l'évolution si

intéressante des accidents chez la femme : tabes préparaly-

tique nous semblent bien significatifs à ce point de vue.

Dans Y observation II, le rôle de la syphilis est moins cer-

tain, encore que l'on doive y penser. La femme qui vécut

quinze années dans des maisons de tolérance, n'a pas dû

échappera l'infection; mais le mari qui nie tout antécédent

de cette nature, a-t-il été contaminé ? Avant de le quitter

définitivement, sa femme se livrait déjà à la débauche; a-t-

elle été infectée à cette époque et lui a-t-elle donné la syphilis ?

Nous n'avons pu élucider ce problème.

L'alcoolisme des deux conjoints, est dans l'observation III,

la seule cause que nous y ayons relevée.

Dans le quatrième cas, ni alcool, ni syphilis, un trauma-

tisme crânien a été la cause ou tout au moins l'agent provo-

cateur de l'apparition des troubles cérébraux chez le mari. i.

L'affection de la femme est attribuable aux chagrins et à la

misère .

Dans l'observation V, les époux ne sont ni alcooliques ni

syphilitiques, ils vivaient régulièrement. Seule l'hérédité

peut être incriminée chez le mari et nous insisterons ailleurs

sur ce fait intéressant que son frère jumeau est mort d'une

PARALYSIE GÉNÉRALE CONJUGALE. 493

paralysie générale de même forme, survenue également sans

cause apparente. C'est au chagrin de voir son mari interné

que notre enquête attribue l'apparition de la paralysie géné-

rale chez la femme.

Dans aucun de ces cinq cas, l'apparition delà même affec-

tion chez les conjoints ne semble le résultat d'une simple

coïncidence.

Si dans les deux premiers cas, où la syphilis conjugale

paraît enjeu, le lien est évident, les habitudes d'alcoolisme

des époux qui fout l'objet de la troisième observation sont la

source commune où ils ont trouvé la maladie, enfin dans les

observations IV et V le départ du mari laisse la femme dans

une misère qui paraît avoir joué le plus grand rôle dans l'ap-

parition chez elle de la paralysie générale.

Dans les cinq cas l'affection évolua à peu près simultané-

ment chez les conjoints. Elle débuta chez le mari dans les

observations I, III, IV, V.

Dans l'observation II, tout nous permet de croire que la

femme a été prise la première.

Le mari est mort le premier dans les observations I, III,

IV. La femme est morte la première dans l'observation V.

Rappelons enfin que dans l'observation I la femme présenta

des signes de tabes plusieurs années avant de faire de la para-

lysie générale.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXXIX. Un cas de psychose post-opératoire ; par M. Orlon, de la

clinique ophtalmologique de l'Université de Kazan. (Neurolo-

ghilchesky Wiestnik, t. IX, 1901).

La malade, âgée de trente-cinq ans, subit le il novembre 1901

l'opération de la kératomie. Les vingt-quatre heures qui suivirent

l'opération, la malade se porta bien. Le lendemain, elle présenta

des signes d'inquiétude, pleura toute la journée, ayant peur de

dire la cause de son chagrin. Un centigramme de morphine calma

la malade pour un jour ; le soir elle devint agitée de nouveau,

voulut déchirer le pansement et aux questions posées répondit

494 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

par des insultes. Le lendemain l'agitation augmenta : l'opérée

déchira son pansement, tenta de se sauver de la clinique. L'agi-

tation commença régulièrement à deux heures de l'après-midi et

se termina à cinq heures, en reprenant la nuit. L'état psychique

de la malade lui occasionna une conjonctivite. Lorsque la malade

revint à son état normal, voici ce qu'elle raconta : le lendemain de

l'opération elle se sentit entrainée loin de la clinique; ensuite elle

aperçut une vieille femme laide qui l'insultait tout le temps, en la

menaçant de la mort, si elle ose parler de sa présence. L'insolence

de la vieille devint de plus en plus forte et une fois elle voulait

même étrangler l'opérée : la vieille disparut quand la malade

commença à aller mieux. D'après l'auteur, ce cas ne peut être

attribué à l'atropine, puisque la malade ne présenta aucun signe

d'intoxication par cette substance. La malade présenta des signes

de dégénération et par conséquent offrit un terrain propice pour

la psychose en question, d'autant plus que l'absence de la lumière

fut le point de départ des troubles intellectuels décrits plus haut.

P. KoUtDJY.

XXXX. Des modifications du champ visuel chez les paralytiques

généraux; par M. M. Reznikow. (OLoüréaié psichialrii, V, 1900.)

Six observations personnelles, des plus complètes, avec tracés

des champs visuels et examen des travaux des auteurs, permettent

à M. Reznikow de conclure ce qui suit :

1° Le rétrécissement du champ visuel, dans la paralysie géné-

rale, est un phénomène plus ou moins constant; 1° ce rétrécisse-

ment s'étend à toutes les qualités de la sensation lumineuse; 3° la

diminution du champ pour le blanc suit une marche parallèle,

mais peut-être est-elle plus précoce que le rétrécissement du champ

pour le vert et pour le rouge; 4° souvent on rencontre une expan-

sion de la zone d'achromatopsie; 5° le degré du rétrécissement ne

comporte pas de grandes différences suivant les champs visuels.

6° bien que les champs visuels du vert et du rouge subissent le

plus grand rétrécissement, leur anéantissement complet, sous la

forme de scotome central pour les couleurs, n'a pu être observé;

7° les rétrécissements du champ visuel ont le caractère de dé-

chéances segmentaires, de lacunes : les scolomes, s'ils ne sont

pas absolument absents, s'observent cependant assez rarement ;

8° comme il se forme souvent des lacunes en des endroits diffé-

rents. au milieu de divers champs visuels, et peut-être même à des

moments divers, les champs visuels prennent au plus haut degré

l'aspect irrégulier, dentelé, brisé, ne se recouvrent point l'un l'au-

tre ; un champ s'en va derrière un autre, les lacunes de champs

visuels très spacieux font irruption sur les limites de champs visuels

restreints. C'est ainsi qu'il peut arriver que là ou la sensation de la

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 495

couleur blanche est anéantie, la sensation de toute autre couleur

demeure conservée; 9° le rétrécissement du champ visuel est le

signe le plus précoce, le plus sûr. le plus caractéristique des alté-

rations au début du nerf optique. Pour savoir si le malade présente

quelques altérations pathologiques du côté des yeux, le périmètre

est supérieur à l'ophthalmoscope et aux échelles de Snellen. Comme

l'a dit Mendel (Progressive Paralyse de ? , lrren, 1880), le rétrécisse-

ment du champ visuel chez les paralytiques généraux est le signe

d'une atrophie commençante du nerf oplique; 10° les symptômes

campimétriques, par leur incontestabilité et leur évidence, l'em-

portent sur les symptômes pupillaires. Quand on a assigné à ces

derniers une proportion de a0 p. 100, et à l'atrophie du nerf opti-

que celle de 4 à 4,5 p. 100, on n'admettait l'atrophie que lorsqu'on

voyait une image ophtalmoscopique nette de celle-ci et une déca-

denèe très accentuée de la vision (obs. III). Mais il en est autre-

ment si l'on accorde que la campiinétrie suffit pour diagnosliquer

l'atrophie au début; en ce cas, les données périmétriques prennent

une importance qu'elles n'avaient pas eue jusque-là.

M. Reznikow étudie, en terminant, quel est le processus patholo-

gique qui préside au développement de l'atrophie du nerf optique.

A son avis, dans la papille du nerf optique, le tissu connectif inter-

calé aux fibrilles nerveuses se détache sous la forme de petites raies

et taches, d'abord du côté nasal, puis également du côté temporal.

C'est une hypeiplasie du tissu conjonctif, une inflammation inter-

stitielle du nerf, une névrite optique interstitielle. Les phénomènes

de l'amblyopie font supposer que le nerf est atteint du même pro-

cessus pathologique que celui dont est affecté le cerveau antérieur

(périencéphaloméuinrite chronique diffuse). Le processus inflam-

matoire frappe les gaines des nerfs, qui constituent les prolonge-

ments des enveloppes du cerveau. Il se développe d'abord à la

surface et entraine la multiplication du tissu conjonctif ainsi que

l'atrophie des fibres nerveuses périphériques. C'est pourquoi, au

début, les parties périphériques du champ visuel sont atteintes,

tandis que l'acuité visuelle demeure normale. Longtemps l'image

ophthalmoscopique du fond de l'oeil ne présente pas de modifica-

tions tranchées, parce que le processus inflammatoire se localise

fout au début dans la portion rétro-oculaire du nerf (canal optique) :

la dégénérescence des fibres nerveuses, qui se manifeste à l'état de

pâleur de la papille et de formation d'un segment d'atrophie autour

d'elle, marche avec une extrême lenteur. Dans les cas très rares où

l'amblyopie commence par un scotome central avec perte de la

perception pour le vert et champ visuel fort restreint pour le rouge,

les désordres de la vision offrent une complète analogie avec ceux

de la névrite rétrooculaire axiale, toxique (voy. Hirschberg, Neu-

rolog. Cent., II, p. 32.). Mais l'amblyopie ordinaire du paraly-

tique tient à une névrite rétro-oculaire périphérique chronique pro-

49G REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

gressive, qui aboutit inévitablement à l'atrophie de la papille. Du

moins c'est ce qu'indique la clinique. La parole est à l'anatomie

microscopique. P. KERAVAL.

XXXXI. Contribution à l'étude de la psychose de Korsakow ;

par M. LUECERATII. (Neurolog. Cecatnalbl., 11X, 1900.)

Deux observations caractérisées par une atteinte remarquable de

.la mémoire. Dans la première, il s'agit d'un homme de trente-

six ans, auparavant bien portant, fort buveur, ayant eu une fièvre

typhoïde en 1895. Au début de 1899, il éprouve vomissements,

fièvre, faiblesse générale, accidents du décubitus, céphalalgie,

affaiblissement de la mémoire. Pas de névrite multiloculaire. Le

malade se rétablit physiquement vite, mais, sans autre symptôme

psychique d'ailleurs, le trouble de la mémoire subsiste. Rien du

côté de l'écriture. Tremblements des mains et de la langue, à rat-

tacher, de même qu'un accès d'épilepsie mentionné à l'alcool.

La seconde observation a trait à un alcoolique de quarante-cinq

ans, très taré. Malade depuis trois ans, fort irritable, il a surtout,

perdu la mémoire. On constate, au point de vue physique, de

l'inégalité des pupilles, du tremblement des mains et de la langue,

l'exagération des réflexes, le signe de Romberg peu accusé. Il

parait y avoir eu une sciatique : à l'asile, il a fait une myosite.

Le trouble de la mémoire a, dans les deux cas, porté sur les faits

récents, avec des variations dans son. intensité. Les impressions

visuelles semblent en avoir le moins souffert. Mais ces deux hommes,

dans la force de l'âge sont désormais des infirmes. P. KERAVAL.

XXXXII. L'alternance réciproque de l'inégalité des pupilles, pro-

duite expérimentalement dans la paralysie générale ; par

J. Pilez. (Neurolog. Cenll'albl., XIX, 1900.)

Il s'agit de deux malades présentant de l'inégalité des pupilles

que l'on pouvait faire permuter en obtenant des patients qu'ils fer-

massent vigoureusement les deux yeux plusieurs fois de suite,-d'un

paralytique, chez lequel le même changement a heu par l'éclairage

ou la mise à l'ombre des yeux, - enfin d'une quatrième observa-

tion où l'alternance de l'inégalité des pupilles s'opère par la sen-

sibilité distincte des deux organes à l'égard de la convergence et

de l'accommodation. Trois observations, contradictoires, dans les-

quelles aucun des trois procédés décrits ne produisit la muta-

tion de l'inégalité pupillaire, ont leur intérêt dans l'explication de

cet insuccès par les conditions, chez ces malades-là, des réactions

qu'ils présentaient à la lumière, à l'accommodation, à la contrac-

tion de l'orbiculaire palpébral.

REVUE DU PATHOLOGIE MENTALE. 497

OBs. I. Dilatation des deux pupilles, pupille gauche plus large

que la droite. Bord des pupilles anguleux. Réaction à la lumière;

nulle ou à peu près à gauche; plus accusée à droite. Réaction

consensuelle : très faible à gauche, nulle à droite. La fermeture

énergique simple des paupières diminue la pupille droite, mais elle

reprend assez vite son ampleur antérieure; la pupille gauche, au

moment où la malade ouvre les yeux, est très fortement rétrécie

et ne revient que fort lentement à sa dilatation première. La fer-

meture des paupières maintenues par l'observateur se traduit :

sur l'oeil droit, par un myosis net avec déviation du globe en haut

et en dehors, qui disparaît assez vite, sur l'oeil gauche, par un

très fort myosis avec rotation du globe en haut et en dedans, qui

ne cesse que très lentement. La malade ferme les deux yeux et plu-

sieurs reprises coup sur coup énergiquement quand elle les rouvre,

la pupille gauche est devenue plus étroite que celle de droite, et elle

reste ainsi pendant trois heures; ce n'est que le lendemain que la

pupille gauche est redevenue plus large que la droite. Explication.

La pupille droite n'est pas tout à fait insensible à la lumière, elle

diminue peu à la fermeture de l'oeil et recouvre vite sa dilatation

première. La pupille gauche, insensible, diminue' très fortement

quand la malade ferme énergiquement les yeux, elle ne se

redilate que très lentement, aussi est-elle plus étroite que la

droite quand les yeux restent ouverts à la suite de ce manège.

Dans la deuxième observation, avant l'expérience en question,

la pupille droite est d'une largeur double de celle de la pupille

gauche. La fermeture répétée énergique des yeux intervertit

les éléments : la pupille droite devient plus étroite que la pupille

gauche. On a constaté : - que la pupille gauche, encore un peu

sensible à la lumière, ne diminue que peu pendant la fermeture

des yeux, et reprend très vite sa dilatation antérieure, - que

c'est l'inverse pour la pupille droite. - Telle est l'interversion

de l'inégalité des pupilles, sous l'influence de l'effort musculaire

volontaire. 1

On peut aussi l'obtenir en éclairant ou en plongeant dans l'ombre

les deux yeux. Le paralytique de l'observation 111 a la pupille gau-

che bien plus large que la pupille droite. Dès qu'il a fermé éner-

giquement les yeux, la pupille gauche est plus étroite que l'autre,

mais cette diminution se prononce surtout dans l'instant' qui suit

la réouverture des paupières. De plus, à un éclairage modéré, la

pupille gauche est beaucoup plus large que la droite. Et bien, en

éclairant brusquement d'une lumière intense les deux yeux, la pupille

gauche devient plus petite que la droite. Pourquoi ? Parce que la

pupille gauche, plus dilatée, réagit très bien à la lumière tandis

que la droite y est insensible. L'éclairage intense diminue si forte-

ment la pupille gauche qu'elle devient plus étroite que la droite

restée immobile.

Archives, 2e série, t. XIII. 32

498 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

.OBS. IV. - Les deux pupilles sont insensibles à la lumière.

La pupille gauche est plus large que la droite, elle réagit moins

que la droite à la convergence et à l'accommodation. Eloigne-

t-on suffisamment l'objet fixé, les pupilles deviennent égales.

Eloigne-t-on davantage le même objet, la pupille droite devient

finalement plus large que la gauche. L'interversion de l'inégalité

pupillaire émane ici de la réaction différente des deux yeux à l'accom-

modation. -

- Il : n'y a pas de raison d'observer l'interversion de l'inégalité des

pupilles où il existe simultanément : 1° contraction bilatérale égale

des pupilles à l'occlusion palpébrale et réaction bilatérale égale des. »

pupilles à la lumière, à l'accommodation et à la convergence; ¡

(obs. V); 2° contraction bipupillaire égale à l'occlusion palpébrale,

insensibilité bipupillaire à la lumière, conservation bilatérale égale

de l'accommodation (ohs. VI); 3° contraction égale des deux pu-

pilles à la fermeture des yeux, sensibilité à la lumière de la pupille

la plus petite, accommodation très faible mais égale des deux

côtés, (obs. VII.) : Conclusions. Il existe une inégalité congénitale des pupilles,

qu'on peut intervertir à cause de l'intensité différente de la réaction

à la lumière et à l'accommodation des deux côtés (0. Schwarz);

2° dans la paralysie générale, on peut faire alterner l'inégalité pu-

pillaire ; a) en modifiant l'éclairage, quand la pupille large est sen-

sible à la lumière, la pupille étroite étant insensible ou paresseuse

(obs. III); b) en changeant l'accommodation, quand, les pupilles

étant insensibles à la lumière, ces pupilles réagissent inégalement

à l'accommodation ; c) en faisant fermer les yeux aux malades

volontairement, quand, la pupille large ou les deux pupilles étant

insensibles à la lumière, la réaction de l'orbiculaire est plus pro-

noncée sur la pupille la plus large que sur la plus étroite parfois

sensible à la lumière (obs. I et II); 3° une pupille insensible à la

lumière par l'éclairage direct peut le devenir par.synergie (consen-

suellement) au moyen de l'excitation lumineuse de l'autre pupille

sensible à la lumière (obs. II). Il faut, pour cela, que la pupille

sensible puisse transmettre l'excitation au centre sphinctérien pri-

maire de la pupille insensible; 4° l'éclairage ou la mise à l'ombre

d'une pupille insensible à la lumière peut, en certains cas, produire

la réaction consensuelle de l'autre pupille sensible à la lumière,

(obs. Il). Il faut, pour cela, que l'excitation puisse, de la pupille

immobile à la lumière, arriver au centre sphinctérien primaire de

l'autre (Schéma); 5° il est très probable qu'il existe une union ana-

tomique directe entre le centre primaire des fibres pupillaires

réflexes d'un côté et le centre sphinctérien de l'autre côté (obs. III

et IV).- · ' P. RERAVAL

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 499

XXX,XIII : Etat mental d'un sujet empoisonné par le gaz d'éclai-

rage ; par WEYGANDT. (Nell1'olog. Centralbl., XIX, 1900.) ' ' ' f

Auto-observation. En se préparant un bain dans une pièce'

chauffée au moyen d'un poêle à gaz, l'auteur éprouve tout à coup,

de la céphalalgie, des pulsations en coups de marteau dans les

tempes, des bourdonnements d'oreilles, des battements de coeur,

de l'angoisse, du vertige; les sons, même celui de sa propre voix,,

lui paraissent sourds. L'idée lui vient qu'il est en proie à une

attaque d'épilepsie. Puis, le voilà, sans trop savoir comment, dans

sa chambre à coucher tournant le bouton de la lumière électrique

et fermant à grand'peine la fenêtre. Là-dessus il perd connaissance.

Longtemps après, il se réveille étendu sur le plancher, dans un

état d'esprit indifférent, envahi d'un besoin de dormir accentué.

Il ne s'étonne pas de cette posture, ne se rappelle point ce qui vient

de se passer. Tête un peu douloureuse, sifflements. 11 se dit alors

avec indifférence et résignation qu'il vient d'avoir une attaque

d'épilepsie et il en rapproche l'opinion d'un confrère qui considé-

rait comme épileptiques des syncopes qu'il avait éprouvées à

l'époque de la puberté et qu'alors on avait tenues pour chloroti-

ques. Il se souvient de ses fréquentes mauvaises humeurs, de son

plaisir intense de voyager. En y réfléchissant, il prend la résolu-

tion de se faire une raison et d'organiser sa vie en conséquence,

de s'abstenir totalement d'alcool, de mener une existence fort

régulière. Il se lève en éprouvant une grande faiblesse dans les

mouvements et remarque qu'il a vomi ; il passe dans son cabinet,

s'étend sur le divan et reperd de nouveau connaissance. Réveil

graduel, une heure à une heure et demie après' le premier col-

lapsus. Il lui semble qu'il a rêvé, qu'il a volontairement pris un

repos d'une petite heure, et que, conformément à son projet pri-

mitif, il va sortir pour se rendre à une invitation : Il est frappé

d'être aussi somnolent, aussi fatigué : il se sent incapable de se

lever brusquement, quoique le moment de sortir doive être arrivé.

Mais l'humidité qu'il touche sur sa manche lui indique qu'il lui

est survenu quelque chose, ce en quoi le confirment le goût aigre

et les résidus de vomissement qu'il perçoit dans la bouche d'au-

tant que les sifflements céphaliques reviennent. Peu à peu il sur-

monte avec peine sa faiblesse musculaire, il se lève et se trouve

plus mal. Ce n'est en réalité que lorsqu'il regagne la salle de bain

que le souvenir de ce qui s'est passé avant la première syncope

lui apparaît nettement. Il éprouve alors le besoin de se coucher.

'Il ôte auparavant de la porte du corridor la clef qui s'y trouve,

.convaincu que sans cela la bonne, qui bientôt doit rentrer, ne

pourrait pénétrer dans le logis. Il se couche habillé, après avoir

écrit quelques mots sur un. papier, pour le cas où il perdrait

800 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

encore connaissance. Il exprime l'opinion qu'il est empoisonné par

des légumes de conserve ingérés peu de temps auparavant, en

vertu d'une association d'idées se rattachant au souvenir d'une

intoxication alimentaire observée par lui il y a plusieurs semaines.

Quand, au bout de quelque temps, la bonne rentre, il se lève, mais

doit s'asseoir terrassé par un mal de tête violent, de la somno-

lence, des nausées,* des frissons. 11 donne des ordres judicieux, se

fait apporter de l'éther, un traité de médecine dans lequel il lit

l'empoisonnement par le gaz d'éclairage, et écrit d'une écriture

grossièrement tremblée une lettre à un collègue qu'il appelle à

l'aide. Il avait entre temps pensé qu'il s'agissait de l'oxyde de

carbone et songé à la nécessité de la transfusion. Plus tard dans

la nuit, grâce aux analeptiques et aux inhalations d'oxygène, il

s'améliora.

Le Dr Gürber du laboratoire de Wurzbourg, qui étudia les con-

ditions dans lesquelles avait opéré M. Weygandt, ne trouva pas

d'oxyde de carbone. Il constata une augmentation considérable de

la quantité d'acide carbonique dans la pièce et dans le sang et une

énorme diminution d'oxygène. Ces phénomènes étaient dus à

l'asphyxie. /

D'autres personnes soumises à ces conditions éprouvèrent rapi-

dement de l'engourdissement et des nausées. P. KLRAVAL.

XXXX1V. Tromoparalysie tabioforme accompagnée de démence; par

J.-K.-A. V'ERTnEI\f-SALOAIOn50N. (Neurolog. Ccztrul6l , X[X 1900.)

Observation caractérisée par la combinaison de symptômes

relevant du tabes dorsal, de la paralysie agitante, de la démence

paralytique. L'ataxie est extrêmement faible; il y a difficulté d'uri-

ner sans la moindre incontinence d'urine. Il n'existe ni propulsion,

ni latéropulsion, ni rétropulsion. L'affaiblissement marqué de la

mémoire ne s'accompagne pas de diminution du jugement, de

déchéance du sens moral, d'anomalies sexuelles, de modification

de la personnalité; en revanche les commémoratifs font mention

de deux attaques congestives indéniables datant de sept ans : la

maladie dure au moins depuis cette époque. C'est, pour l'auteur,

une affection sui generis, au même titre qu'une affection systéma-

tique combinée. Elle aurait pour éléments principaux le substra-

tum de la paralysie agitante fortement teinté de tabes, auquel

s'ajouterait en sus une légère démence. 11 faut en rapprocher les

deux observations d'A. Heimann, celle de Placzek, celle de Hint-

zing, celle de Weil. Quelle en est la genèse ? .

La syphilis se voit dans la paralysie agitante comme dans le

tabès; la diminution voire l'abolition des réflexes s'observe dans

les paralysies agitantes prolongées, par suite d'altérations des

cordons postérieurs ; les douleurs rhumatismales si fréquentes

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 501 1

dans cette maladie sont parfois violentes au point de rappeler des

douleurs lancinantes; enfin on y note bien souvent les caractères

de la démence sénile. Pas mal d'auteurs la considèrent comme

une sénescence présénile du système nerveux central. Hedlich,

Koller, Kettscher, Saas et Dana ont trouvé la moitié médiane des

cordons de Goll occupée par une dégénérescence diffuse avec

épaississement de la névroglie et diminution du nombre des fibres

nerveuses : autour des vaisseaux, dont les parois étaient fortement

épaissies, existaient de petits ilôts de tissu scléreux. Même état,

quoique moindre, des cordons latéraux. Substance grise très peu

, altérée. Pie-mère épaissie. Tout ceci s'applique à la moelle cervi-

cale et dorsale. Dans la moelle lombaire, la lésion des cordons

postérieurs était encore plus accentuée. Ce sont des altérations de

tabes avec sclérose insuliforme périvasculaire multiple, qui ont été

retrouvées par Buzzard et Bevan Lewis dans des cas où la para-

lysie agitante ressemblait extraordinairement au tabès dorsal. La

conclusion est aisée. P. Keraval.

VL. Le rôle de la tare héréditaire dans la paralysie progressive

des aliénés ; par P. NAECEE. (Neurolog. Centralbl., XIX, 1900.)

Les éléments de la tare héréditaire sont : les maladies mentales

et nerveuses, une anomalie du caractère, des accidents paralytiques

d'origine apoplectique, le suicide, l'ivrognerie. Sur cent hommes,

ils ont été relevés 43 fois ; chez 8, ces stigmates se retrouvaient

parmi plusieurs membres de la famille ; pour 15, il s'agissait de

la folie y compris imbécilité et idiotie (sans épilepsie). En tout

43 p. 100 d'individus entachés d'hérédité. Il y avait 33 syphilitiques

dont 18, soit 54,5 p. 100 étaient plus ou moins grevés de tares

héréditaires. La syphilis et la tare héréditaire sont donc, pour

l'auteur, d'importants facteurs de paralysie générale, mais pour

que la syphilis agisse, il faut une invalidité congénitale du cerveau :

sur ce terrain seulement la syphilis agira s'il s'y joint plusieurs

causes dites occasionnelles. Reste à définir l'invalidité du cerveau.

Quand, ce qui est rare, la syphilis ou une autre cause suffit à

engendrer la paralysie générale, c'est qu'elle détermine secon-

dairement la constitution spéciale du cerveau qui fait mûrir la

paralysie générale avec ou sans causes occasionnelles : ceci peut

aussi avoir lieu dans le cas de constitution congénitale sans

syphilis. Prédisposition cérébrale et tare héréditaire ne coïncident

du reste pas toujours. La tare héréditaire peut avoir produit la

prédisposition cérébrale, mais celle-ci existe assez souvent sans

la première et inversement. La tare héréditaire est donc toujours

importante en tant que cause et indice de la prédisposition congé-

nitale anormale du cerveau propre à la paralysie générale et à

d'autres maladies mentales, mais elle ne fournit pas de renseigne-

502 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ·

'Ment' sur le 'genre particulier de la prédisposition. Notons, en

outre, qu'une tare héréditaire lourde et multiple n'est pas aussi

' fréquente dans la paralysie générale que dans d'autres psychoses.

. , 1 P. KERAYAL.

VIL. Phobie du regard d'autrui; par W. M. Bechterew. (06ozrénié

' - psichiatrii, V, 1900.)

. Certains neurasthéniques ne peuvent, même pour peu de temps,

supporter le regard d'unétranger; ils évitent, par tous les moyens

- possibles, de le rencontrer, en détournant les yeux, en les bais-

' sant, etc., etc. Souvent ils portent des conserves sombres. C'est un

état dont ils ont d'ailleurs conscience, et qui se trouve nettement

caractérisé dans les lignes suivantes empruntées à l'une des quatre

observations du présent mémoire. Le malade décrit en personne

' son mal.

« Devant le monde, la rougeur me monte à la face, dès que je

remarque que quelques personnes me regardent, ou encore pen-

c dant les instants de silence général, alors que tout le monde se

dévisage. Dans les voitures de tramways, où l'on ne peut éviter

les vis-à-vis, je me sens au plus haut point troublé, décontenancé,

; je ne sais où diriger mon regard, mes yeux se remplissent de lar-

mes, et je suis obligé de me retirer gauchement... Cette disposition

d'esprit maladive me contraint à éviter la promenade dans les lieux

publics, fréquentés. M'aborde-t-on, pour me soustraire aux regards

' de mon interlocuteur, je suis forcé de me moucher, de me mettre

' fumer une cigarette, de me dandiner. Avec les personnes

qui ont le regard hardi je puis encore échanger des coups d'oeil,

- mais ceux qui n'ont pas le regard osé, décidé, me communiquent

\ leur, timidité et me paralysent en quelque sorte. Si par hasard

' mes yeux se portent sur une personne qui se présente à moi inopi-

. nément, je ressens réellement une espèce de douleur au cerveau. : Je suis incapable de résister au choc instantané du regard d'autrui.

. Dès qu'il m'a atteint, je tâche de le supporter autant que je le peux,

. mais, pour reposer le mien, je le reporte sur un. autre objet; seu-

- lement, après cela, je ne peux plus le ramener promptement à sa

' posture primordiale, je ne peux de nouveau regarder en face cet

' étranger; il faut que je procède graduellement, avec circonspection

- en essayant d'épier comment il sent. Je tâche d'examiner à la déro-

bée qui je rencontre et de juger si j'ai affaire à un homme flegma-

' 'tique, à un homme hardi ou à un homme ardent.

. « Je sens que mon regard réfléchit toujours ma maladie quand

; les yeux d'autrui m'indiquent un esprit timoré ou anormal. Pen-

- dant que je les regarde, je n'ai qu'une idée me rendre compte

; des yeux de celui qui me. cause, aussi je néglige le fond même

. de la conversation. Les yeux francs et hardis ne produisent pas sur

asiles d'aliénés. z S03

moi une telle impression : ils diminuent mon zèle investigateur à

leur égard, et m'inspirent de la hardiesse. Lorsque je ris, je puis

également regarder en face... » ' ' .. ,

M. Bechterew ne croit pas que cette phobie tienne exclusivement

à la supposition faite par le malade que ses yeux peuvent trahir

'l'état maladif de son esprit. Beaucoup plus souvent le regard d'au-

trui est véritablement redouté comme capable d'exercer une in-

fluence magnétique, et même magique, sur son semblable. C'est

l'éternelle histoire du « sort » jeté par un mauvais regard, de la jet-

' tatura, de l'ensorcellement. « Cette croyance, dit l'auteur, est extrê-

mement répandue, non pas simplement dans le bas peuple de tous

les temps et de toutes les nations, mais aussi dans le milieu intel-

ligent de notre population urbaine. ». P. KERAVAL.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. L'asile de Pau : un asile public subvenant à ses propres

dépenses; par A.-R. WImTEWAY. (The Journal of Mental Science,

' juillet 1900.)

L'asile de Saint-Luc, à Pau, a une histoire intéressante qui

peut se résumer ainsi : avec un capital initial de 300000 francs

et une petite ferme, on a obtenu progressivement un asile à peu

près parfait contenant 900 pensionnaires et un personnel de plus

de 100 personnes, et non seulement cet asile subvient à ses pro-

pres dépenses, mais il a réalisé cette année un bénéfice de

z50000 francs, qui a été principalement consacré à l'agrandis-

sement des anciens bâtiments, à la construction de bâtiments

-nouveaux, et à des achats de terrains adjacents. Le directeur-

médecin a les mains libres, n'étant responsable que vis-à-vis du

conseil général qui ne lui donne pas de subvention, et n'exerce

qu'une surveillance très bienveillante. L'auteur raconte le transfert

de l'ancien asile situé en pleine ville, à deux kilomètres sur la

route de Tarbes : cet asile appartient à la catégorie des asiles

. départementaux. Le prix de journée des indigents du département,

fixé par le conseil général, est de 0 fr. 85 par jour; or, la dépense

quotidienne de chacun de ces malades est de 1 fr. 40. Le déficit est

comblé par les conventions passées avec deux départements, voi-

sins, les Hautes-Pyrénées et les Landes, au taux de 1, fr. 18 par

504 ASILES D'ALIÉNÉS.

jour, et par trois sources; de profits qui sont : 1° les pensionnaires

à tarifs élevés; 2° le travail .fourni pendant environ trois cents

jours par an, de 450 malades indigents des deux sexes,, qui culti-

vent la ferme et les jardins et font à peu près tous les travaux

nécessaires à l'établissement, sous la direction de chefs d'atelier;

3° par des mesures propres à éviter tout gaspillage en ce qui touche

la nourriture et l'habillement des malades, mesures qui, d'après

les calculs établis, réalisent par malade une économie d'environ

- 43 centimes par jour.

Le Dr Girma, directeur-médecin, veille à ce que les malades

reçoivent une nourriture suffisante (257 grammes de viande de

première qualité tous les jours gras), à ce qu'ils soient chaude-

ment vêtus, à ce qu'ils aient un cube d'air suffisant à respirer, à

ce qu'ils ne soient jamais surmenés de travail. La camisole a été

depuis longtemps abandonnée, et remplacée par l'isolement. L'éta-

blissement, bien qu'il ait été construit morceau par morceau, pré-

sente un ensemble harmonieux, et tout y est empreint d'un carac-

tère pratique. Les malades agités sont traités par le repos au lit.

Le personnel se compose de deux médecins, de deux surveil-

lants, de serviteurs des deux sexes, de religieuses, de chefs d'ate-

liers, de chefs des travaux de ferme, et de commis d'administration,

en tout plus de 100 personnes. Le surveillant en chef est à l'asile

depuis sa fondation, et forme les serviteurs nouveaux, remplaçant

ainsi une école d'infirmiers qui n'existe pas.

Les deux sexes sont représentés à peu près également parmi les

450 malades qui sont capables de travailler et qui travaillent effec-

tivement. Les ateliers d'hommes et de femmes fournissent un tra-

vail évalué à 27 000 francs, et l'ensemble des services agricoles

rapporte environ 20 000 francs. Les meilleurs ouvriers sont récom-

pensés par un supplément de nourriture et quelques légers encou-

ragements pécuniaires. Inutile de faire remarquer les avantages

que le travail fournit au traitement des malades.

Les dispositions économiques qui règlent les affaires de l'asile

consistent dans l'application rigoureuse de deux principes :

1° acheter au meilleur marché possible, et produire autant qu'il

se peut tout .se qui ce consomme dans la maison; 2° empêcher

efficacement tout gaspillage. Ainsi, le bétail est acheté sur pied et

abattu à la ferme, sans avoir besoin d'être engraissé, d'où une éco-

nomie de 100 p. 100. Le pain est fabriqué à l'asile, les vêtements

aussi, etc.

L'établissement est bâti d'après le système des blocs détachés,

.mais malgré son étendue, la facilité des communications est assurée.

Les dortoirs sont bien aérés. L'auteur entre ensuite dans quelques

considérations détaillées sur la comptabilité de l'asile, sur le prix

de revient des indigents, des pensionnaires, enfin sur le mouve-

ment de la population, et termine par des observations générales

asiles d'aliénés. , 505

dont nous retenons quelques-unes. Il constate par exemple que le

système qui règne à l'asile de Saint-Luc est le système de la pra-

tique et pas du tout de la théorie, et que partout on voit à l'oeuvre

une administration remplie de bonne volonté. L'établissement res-

semble à une grande famille; la nourriture est excellente, bien

préparée et bien servie. L'établissement n'est pas clos de murs, et

les évasions sont néanmoins très rares, aussi bien que les -'

dents. Enfin l'auteur résume son opinion générale dans,'

phrase : « Ce que l'on fait à Saint-Luc est bien fait et fait

humanité. » R. de 1VIUSGRAVE-CL4Y.

1

II. De la durée du séjour des aliénés dans les établissen

provisoires; par le Dr Sarro. (Bull. de la Soc. de Méd. merl

Belgique, mars 1901.)

III. Plans d'un nouvel asile pour l'East Sussex; par H. Hnves

Newington. (The Journal of Mental Science, octobre 1900.)

Etude très complète d'un projet qui parait bien conçu et qui est

accompagné de plusieurs plans détaillés. R. M. C.

IV. Analyse de mille admissions au City'of London Asylum; par

Arthur E. PATTERSON. (The Journal of Mental Science, juillet 1900.)

Ce travail ne se prête à aucune analyse, sa partie fondamentale

étant presque exclusivement composée déchiffres et de statistiques

détaillées. R. M. C.

V. Le remaniement d'un vieil asile ; par Ernest W. WHITE.

(The Journal of Mental Science, juillet 1900.)

L'auteur fait dans ce mémoire un exposé intéressant de la

manière dont il a remanié un vieil asile qui lui était confié ; ce

travail est accompagné d'un plan. R. M. C.

\

VI. La collocation des aliénés ; par le Dr CLIUS. (BxM. de la Soc.

de Méd. ment, de Belgique, décembre 1900.)

Tout en admettant que le certificat médical doit rester la pièce

capitale permettant de colloquer un aliéné, le Dr Claus estime

qu'actuellement, en raison de l'insuffisance scientifique, au point

de vue psychiatrique, de la plupart des médecins qui sont appelés

à délivrer ces certificats, il y a lieu d'entourer la collocation des

aliénés de nouvelles garanties. Il propose donc que tout certificat

médical de collocation d'un aliéné soit soumis au visa d'un médecin

légiste appartenant à la magistrature, lequel serait le garant légal

et compétent de la liberté humaine. Tout certificat insuffisamment

506 .asiles d'aliénés.

détaillé ou justifié serait renvoyé pour supplément d'examen.

.L'avis du médecin légiste serait prépondérant.

- Le Dl Claus estime en outre qu'il appartient au médecin sçul de

- désigner l'asile qui doit recevoir le malade. Ce choix devrait être

-mentionné sur le certificat médical et il devrait être justifié. A ce

propos il combat l'opinion de ceux qui opposent continuellement

-le régime de liberté en honneur dans les colonies au régime de la

prison en vigueur dans les asiles fermés. D'après le Dr Claus il n'y

a là qu'une question de mots et outre qu'ils sont logés et nourris

beaucoup plus convenablement, les malades placés dans les asiles

jouissant de tout autant de liberté que ceux qui sont assistés à

Ghiel ou à Lierneux. D'après lui les colonies, actuellement à l'ordre

du jour, ne seraient qu'une forme primitive d'assistance justement

condamnée dans tous les domaines, hormis celui des aliénés.

Enfin pour éviter que certaines institutions ou refuges, que les

sanatoria deviennent des maisons de santé clandestines, le Dr Claus

estime qu'aucune personne ne devrait être admise dans ces éta-

blissements sans être munie d'nn certificat médical, soumis tou-

jours, naturellement, à l'approbation du médecin-légiste.

La collocation des aliénés criminels ou alcooliques n'exige ni

formalités particulières, ni asiles spéciaux ; des annexes jointes aux

asiles ordinaires peuvent suffire à tous les besoins. G. D.

VII. Les prisons-asiles ; par le De HEGER. (ull. de la Soc. de tlléd.

ment, de Belgique, déc. 1901.)

Ce travail est un plaidoyer en faveur de la création d'un du

plusieurs asiles spéciaux destinés à recevoir les aliénés criminels.

Sous la dénomination d'aliénés criminels doivent être compris :

1° Les inculpés de crime dont l'état d'aliénation aura été reconnu,

soit au cours de l'instruction, soit pendant les débats judiciaires

ou qui auront été acquittés pour cause de folie ;

2° Les détenus qui, pendant la durée de leur emprisonnement,

présenteront des symptômes caractéristiques de folie ;

3°. Les aliénés qui, placés dans un asile, y auront commis un

acte qualifié crime. .

VIII. Avantages de l'étroite connexion entre les laboratoires psy-

chopathologiques et les hôpitaux pour aliénés aigus ; par Samuel

B. LYON. (Amel'ican 'Journal ol*Insa7zity, juillet, 1899, p. 95, 100.)

Certaines conditions rendent la connexion difficile : Les asiles

sont généralement éloignés des centres, tandis que les écoles de

médecine ou les laboratoires sont dans les grandes villes. Il en

' résulte qu'actuellement l'étudiant en médecine est presque entiè-

rement étranger à la folie; et cependant un médecin de pratique

asiles d'aliénés. ' '807

générale devrait la connaitre ; le diagnostic rapide et le prompt

traitement effectif d'un cas de folie dépendent de l'avis du médecin

ordinaire de la famille. Il serait donc important qu'une étude des

maladies mentales fût une partie nécessaire du cours d'études.

S'il y avait des laboratoires, les jeunes médecins emploieraient les

loisirs forcés que leur laisse l'attente de la clientèle à des études.

-Il y a eu des efforts individuels très importants pour la connais-

sance de la folie et l'étude générale de l'intelligence. Que ne pour.-

'rait-onpas attendre d'un institut psychopathique libéralement sub-

ventionné. SIMON.

IX. Le patronage familial en Ecosse ; par le Dr PLETERS. (Bull. de

' la Société de Jléd. mentale de Belgique, juin 1901.) .

X. Réglementation de la sortie des aliénés dangereux, en Prusse.

· , (Psych. Wochenschr, 3 août 1901.) '

- Décret du ministre des Affaires médicales et du Ministre' de l'Ifz-

. té1'ieUl', sur les mesures à prendre à l'occasion de la sortie des asiles

d'aliénés de malades dangereux. (Berlin, 15 juin 1901.) , '

L'expérience a prouvé l'insuffisance des garanties données à la

sécurité publique dans les cas de mise en liberté de certains alié-

nés dangereux. '

Il convient, qu'avant la sortie de sujets que leur passé doit faire

' considérer comme dangereux, l'autorité administrative soit infor-

mée de la mesure projetée et puisse ainsi formuler les considéra-

tions qui pourraient être de nature à faire ajourner la mise en

liberté : considérations tenant au passé du malade, aux conditions

économiques et familiales dans lesquelles ce dernier doit se trou-

ver une fois libre. Ces renseignements peuvent être très utiles pour

le médecin de l'asile qui, souvent, les ignore. Ne devront pas

être mis en liberté avant que le conseiller provincial et l'autorité

administrative du futur domicile du sujet n'aient été mis à même

de donner leur avis. 1° Certains aliénés considérés comme irres-

ponsables (par. 51 du Code), les prévenus qui ont été l'objet d'une

ordonnance de non-lieu, en raison de leur état mental, elles crimi-

nels devenus aliénés dont la peine est expirée en tant que cés

divers sujets auront commis un crime ou un acte délictueux ; 2° les

aliénés placés d'office par l'autorité administrative, lorsque celle-ci

aura exprimé le désir d'être informée de l'éventualité de la mise

en liberté ; 3° tous les malades considérés comme dangereux par

le chef de service, Le médecin devra transmettre à ces autorités

un rapport et tous documents pouvant être utiles; il ne se pro-

uoncera sur la mise en liberté définitive qu'après avoir reçu l'avis

des autorités, ou bien après un délai de trois semaines après la

communication de son rapport. Les autorités seront informées

immédiatement du jour auquel la sortie aura eu lieu. P. S.

508 " asiles d'aliénés, i

XI. La question des infirmiers des asiles d'aliénés ; par Karrer.

(Allg. Zeits., t. LUI, fasc. 4.)

La proportion existant entre le nombre des infirmiers et celui

des malades varie suivant les asiles en Allemagne.

Le rapport qu'on note le plus fréquemment est celui de 1 infir-

mier pour 7 ou 8 malades. Mais il y a des asiles où l'on compte

1 infirmier pour 2 malades, pour 4 ou pour malades. Les infir-

miers et infirmières, ont, en outre des soins à donner aux malades

et de la surveillance de ces derniers, à s'occuper des travaux de

propreté des quartiers, du vestiaire (chaque quartier possède en

général son vestiaire), du nettoyage des objets de vaisselle (avec

l'aide des malades), de la surveillance des malades employés à- la

buanderie.

Les infirmiers doivent avoir, à leur entrée, au moins vingt ans

(dans 31 asiles); dans d'autres asiles on exige qu'ils aient accom-

pli leur service militaire ce qui donne l'âge de vingt-trois à vingt-

quatre ans. Pour les infirmières l'âge minimum varie suivant les

asiles, de dix-huit à vingt ans. L'âge maximum est de trente ans

pour les infirmiers et de vingt-cinq ans pour les infirmières dans

30 asiles; il est de trente-cinq ans dans 11 asiles, de quarante ans

dans 21 asiles, pour les hommes, et dans 17, pour les femmes. Sur

97 établissements de langue allemande, 0 seulement possèdent un

personnel religieux.

Le personnel se recrute surtout dans la classe des cultivateurs.

Pour les hommes on donne la préférence aux sujets ayant accompli

leur service militaire avec un bon certificat. L'admission n'est en

général que provisoire pour une période qui varie de quinze jours

à six mois.

Dans un certain nombre d'établissements les infirmiers ont la

qualité de sous-employés, ils ne peuvent être révoqués que par

l'autorité administrative. Les mesures disciplinaires sont le renvoi,

les privations de sortie et les amendes (de 3 à 10 marks.)

La période d apprentissage varie de huit jours à un an. Elle est

d'un mois dans le plus grand nombre des asiles.

Des cours sont faits aux agents du personnel dans un certain

nombre d'asiles par les médecins en second ou les assistants.

Les salaires de début du personnel masculin sont très variables,

de 192 à 600 marks par an :

asiles d'aliénés. 509

Enfin un petit nombre d'asiles donnent des chiffres, inférieurs

ou supérieurs aux précédent.

Les salaires maxima varient de 300 à 1 300 marks.

Õ 1 0 asiles d'aliénés.

; Les congés annuels varient de deux jours à quatorze jours.

asiles d'aliénés. 81 t

4 500 marks (exceptionnellement de 000, 6 000 marks et même

7000 à Berlin); - à moins qu'ils n'aient eu la chance d'être nom-

més directeurs, ce qui arrive en moyenne après douze ou treize ans

de services. La proportion des médecins (y compris les assistants)

est de 4 pour 1 Directeur : dans 56 établissements le nombre des

Directeurs est de 56, celui des médecins chefs de 75, celui des assis-

tants de 113 ; plus 27 volontaires.

Voici quelques chiffres concernant le traitement des Directeurs-

médecins en chef. Les traitements de début varient de 3 600 marks

(Grand Duché d'Oldenburg) à 6500 (Schleswig-Holstein) : les trai-

tements maxima varient de 5 600 (Grand Duché d'Oldenburg), à

9 000 (Proxince de Saxe). Les traitements, lorsqu'ils sont fixes,

varient,, dans' de larges limites ..suivant les États : de 3 600 à

11200 marks (Berlin). Les traitements les plus élevés que peuvent

obtenir les directeurs-médecins en chef sont les suivants :

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

Séance du 15 niai 1902. Présidence DE M. GOM13AULT.

Sur un cas d'endothéliome épilhélioïde du noyau rouge.

MM. RAYMOND et CESTAN présentent les préparations d'un cas de

tumeur épithélioïde de la région pédonculaire cérébrale gauche,

ayant épargné complètement les fibres pyramidales, ayant atteint

assez légèrement le ruban de Reil, détruit entièrement le noyau

rouge gauche, entamé le noyau rouge droit et fait disparaitre le

noyau et le tronc d'origine de la troisième paire. La symptoma-

tologie avait consisté en un syndrôme de Weber avec démarche

ébrieuse, tremblement intentionnel semblable à celui de la sclé-

rose en plaques, bredouillement' scandé et lent, asynergie de la

jambe droite, exagération de tous les réflexes tendineux, signe de

Babinski. Le seul faisceau nettement dégénéré était le faisceau

allant du noyau rouge à l'olive cérébelleuse. Les signes dominants

étaient donc franchement cérébelleux (incoordination, dysarthrie,

asynergie), cette observation corrobore donc anatomiquement et

cliniquement les relations d'association physiologique du noyau

rouge et du cervelet. Elle infirme par contre la donnée établissant

la région intéressée comme siège du tonus musculaire, ce dernier

ayant été plutôt exagéré dans l'espèce.

liémialgie post-hémiplégique.

M. P. Marie présente un malade chez lequel une hémiplégie

droite à forme banale consécutive à un ictus a complètement

rétrocédé. Il ne reste même aucun trouble de la sensibilité doulou-

reuse, tactile et thermique, mais tout le côté droit du corps est le

siège- d'une sensation de lourdeur avec fourmillements intenses

présentant des crises d'exacerbation. Il s'agit bien là d'une algie

d'origine centrale.

M. Ballet a vu trois cas semblables.

sociétés savantes. 513

M. RAYMOND en a vu aussi et rappelle que Duch'enne (de Bou-

logne) en a décrit.

Nature syphilitique du tabes.

M. LEREDDE. La nature syphilitique du tabes, comme celle de

la paralysie générale peut être démontrée d'une manière mathé-

matique, non par l'étude des lésions mais par les effets positifs, fré-

quemment observés, du traitement mercuriel. Ces effets ne peuvent

s'expliquer par des coïncidences : a) leur fréquence est considérable;

b) on les observe surtout dans les tabes francs à évolution progres-

sive et rapide, l'existence des tabès frustes ne peut donc suffire à

faire comprendre les rémissions et les guérisons du tabès consé-

cutives au traitement mercuriel; c) les effets utiles du mercure sont

d'autant plus marqués, comme je m'en suis assuré par la lecture

des observations, que la dose de mercure employée est plus élevée.

Les insuccès thérapeutiques s'expliquent facilement. Parmi

leurs causes, il faut faire figurer souvent un traitement trop peu

énergique, et il convient de modifier le traitement mercuriel comme

je l'ai indiqué dans un travail récent.

\f..I. BABiNsKi. La question du traitement mercuriel dans le

tabès a été maintes fois soulevée et récemment encore elle a fait

l'objet d'une discussion à la Société de neurologie, à laquelle j'ai

pris part. Je suis de ceux qui sont persuadés que le mercure peut

exercer sur cette affection une action favorable, qu'il peut en arrêter

dans une certaine mesure l'évolution, mais qu'il faut pour cela

administrer le médicament à fortes doses, employer de préférence

le calomel en injections et faire durer longtemps le traitement.

Tout ce que vient de dire à ce sujet M. Leredde n'est donc pas

nouveau. Ce qui serait nouveau, ce serait de pouvoir obtenir,

comme l'admet M. Leredde, une véritable guérison, c'est-à-dire un

retour à l'état normal chez des malades ayant présenté des signes

caractéristiques du tabes, mais, à l'appui de son opinion, il n'ap-

porte aucnn fait probant.

M. RAYMOND. - 11 faut aussi tenir compte des cas de tabes qui

guérissent sans traitement ou avec des traitements non spécifiques.

M. Leredde ne semble pas y avoir songé.

1

Le liquide céphnlorachidien au cours de l'hydrargyrisme chronique.

MM. Raymond et SICARD présentent un malade, ouvrier en peaux

de lapins, atteint de tous les signes de l'hydrargyrisme chronique

avec le tremblement classique intentionnel, rémittent sans troubles

réflexes ni sensitifs. Songeant aux deux théories pathogéniques du

tremblement mercuriel (tremblement directement organique, ou

Archives, 2' série, t. XIII. , 33

514 SOCIÉTÉS SAVANTES.

tremblement secondaire par hystérie d'origine toxique), les auteurs

ont pratiqué la ponction lombaire ; le liquide céphalo-rachidien

montra une lymphocytose discrète et contenait des traces appré-

ciables de mercure ; injecté à des cobayes, il produisit des mou-

vements convulsifs. Le tremblement mercuriel serait donc bien

directement organique.

M. Ballet. S'il constituait un signe d'hystérie toxique, cette

dernière trancherait complètement avec les autres hystéries

toxiques.

Recherches urolagiques dans'la démence précoce àlfoî-ine catatonique.

M. DIDE a trouvé, en général, une augmentation de la densité,

augmentation des chlorures, et diminution de l'urée.

Nouvelle méthode de mensuration cérébrale.

M. DmE propose un procédé pour mesurer les hémisphères céré-

braux par un jeu de lignes idéales formant un quadrilatère dont

le rapport des côtés deux à deux donne un coefficient constant, et

lui a permis d'établir, chez les déments, que la diminution porte

surtout sur le grand centre d'association postérieur.

De l'équilibre volitionnel statique et de l'équilibre volitionnel,

cinétique, asynergie el catalepsie.

M. J. - L'équilibre volitionnel, c'est-à-dire l'équilibre

dont la réalisation nécessite l'intervention d'un acte de la volonté

et que la volition peut rompre, doit être envisagé sous deux

faces, suivant que le corps est en repos ou qu'il est en mouve-

ment ; dans le premier cas il est statique, il est cinétique dans le

second. -

Ces deux modes de l'équilibre volitionnel pourraient même être

considérés comme deux fonctions distinctes.

Dans l'ataxie tabétique, ces deux modes déséquilibre sont trou-

blés, mais la perturbation de l'équilibre statique est plus mani-

feste au début que celle de l'équilibre cinétique.

Dans l'asynergie cérébelleuse, au contraire, l'équilibre peut être

conservé, alors que l'équilibre cinétique est profondément troublé.

Bien plus, la faculté de maintenir les muscles dans la fixité peut

être plus grande qu'à l'état normal, de telle sorte que l'affaiblis-

sement de la fonction de l'équilibre cinétique coïncide avec l'exal-

tation de la fonction de l'équilibre statique et que l'asynergie s'as-

socie à la catalepsie.

Mes observations tendent à montrer que la catalepsie peut

dépendre d'une perturbation dans le fonctionnement du cervelet.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 515

Sur la valeur sémiologique des perturbations dans le vertige

voltaïque.

M. J. BABiNSKt. A l'état normal, quand on applique aux tempes

ou aux apophyses mastoïdes les deux électrodes d'un appareil vol-

taïque, on provoque chez le sujet en expérience, avec un courant

de un ou de plusieurs milliampères, une sensation de vertige et

une inclination de la tête du côté du pôle positif. C'est là le ver-

tige voltaïque normal qu'on pourrait appeler « bilatéral ». ).

J'ai montré, il y a plus d'un an, et mes observations ont été

confirmées par MM. Gellé, Napieralski, Escat, Cros, qu'une lésion

unilatérale de l'oreille provoque ordinairement une modification

du vertige voltaïque qui consiste en ce que l'inclination, au lieu

de s'opérer du côté du pôle positif, c'est-à-dire tantôt à gauche,

tantôt à droite, suivant le sens du courant, ne se produit pas du

côté malade ou prédomine de ce côté quel que soit le sens du cou-

rant. La dénomination « vertige voltaïque unilatéral » pourrait

s'appliquer à ce mode de perturbation.

Dans certains cas de lésions auriculaires le vertige est irrégu-

lier ; il est bilatéral à certains moments, unilatéral à d'autres.

Mais il existe encore une autre sorte de perturbation dans le ver-

tige voltaique qu'il est utile de connaître ; on l'observe dans des

cas de lésion des deux oreilles avec surdité complète; un courant,

même intense, de 15 à 20 milliampères ne provoque ni sensation

de vertige, ni inclination à gauche ou à droite de la tête, qui reste

immobile, ou bien se porte en arrière.

Ce caractère permet de distinguer de la surdité hystérique où le

vertige voltaïque est normal, la surdité organique liée à des

lésions de l'oreille ; il peut être le seul signe objectif permettant

d'établir le diagnostic et mérite, par conséquent, d'être connu des

auristes ainsi que des neurologistes.

Sclérose en plaques.

M. Ballet présente une malade atteinte depuis 1897 d'une sclé-

rose en plaques dont la marche a fait hésiter au début entre le

diagnostic réel et l'hystérie, en raison de rémissions et de rétro-

cessions presque complètes et très longues de tous les symptômes.

Etiologie de la syringomyélie.

M. Marie présente un malade atteint de syringomyélie à la suite

d'une chute de quatre mètres de hauteur, il rappelle trois autres

cas analogues. Le traumatisme médullaire est en effet fréquent

dans l'étiologie de cette affection soit comme cause initiale, soit

LU SOCIÉTÉS SAVANTES.

comme cause aggravante. Un autre malade à la suite d'un phleg-

mon diffus du bras eut une névrite ascendante suivie. de syrin-

gomyélie, ici d'origine infectieuse. Le facteur traumatique doit

donc occuper un rang important à côté des facteurs infectieux et

toxiques. ' ' .

M. CROU50N présente un malade de cinquante-six ans atteint

d'hystérie associée au tabes.

. M. LAMY présente un malade atteint d'atrophie totale radicu-

laire du membre supérieur à la suite d'un traumatisme au coude.

Tout le plexus brachial et une portion du plexus cervical sont

intéressés. 11 s'agit là d'une atrophie organique et non réflexe.

, III. Souques présente un ancien foudroyé chez qui s'est produite

récemment une otorragie hystérique. S'agit-il d'une hématidrose

ou d'une vaso-dilatation locale avec suintement sanguin ? M. Sou-

ques penche pour la seconde proposition.

M. Touche présente les pièces d'un cas de cécité avec conserva-

tion de la vision interne.

' M. DUPONT montre un appareil ingénieux pour examiner les

réflexes oculaires. Une lampe électrique au fond d'un entonnoir

opaque est placée devant l'oeil. Un boulon pressé établit l'incan-

descence et déclenche une aiguille chronométrique. A la constata-

tion sur l'oeil libre du réflexe on lâche le bouton et l'aiguille s'ar-

rête permettant de compter en centièmes de seconde le temps

écoulé entre la production de la lumière et' le réflexe pupillaire.

M. Dupont a étudié ainsi les réflexes pour toutes les radiations

lumineuses et autres (les ondes hertziennes, les rayons X, le

radium ne donnent rien).

Deux nouveaux cas de lésion limitée du bourrelet du corps calleux.

MM. PELN\R et Scalicka (de Prague). Il s'agit de deux cas de

décoloration brunâtre du bourrelet du corps calleux; un cas anté-

rieurement présenté donna heu à une discussion entre M. Déjérine

qui en faisait une dégénération secondaire par lésion des hémi-

sphères et M. Marie qui en faisait une lésion locale. Dans les deux

cas actuels, il y a aussi des lésions corticales, mais ces dernières

ne sont pas en rapport par leur localisation avec ce qu'elles

devraient être d'après les travaux de Monakoff et Déjérine si elles

avaient occasionné l'altération du bourrelet. L'examen histolo-

gique décidera. F. BOISSIER.

BIBLIOGRAPHIE.

XX. Recherches cliniques et thérapeutiques sur' l'épilepsie, l'hystérie

et l'idiotie; par Bourneville, avec la collaboration de MM. Crou-

zon, Dionis-du-Séjour, Izard, Laurens, Paul-Boncour, Philippe

et Oberthur. Avec 19 figures dans le texte et XI planches, t. XXI,

1901. Aux bureaux du Progrès Médical.

Fidèle à la tâche qu'il s'est imposée, M. Bourneville publie le.

Compte rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés

de Bicêtre pendant l'année 1900 : c'est le 21° de la série.

La première partie du volume est consacrée à l'histoire du ser-

vice (Bicêtre et fondation Vallée) pendant l'année 1900. Elle con-

tient des renseignements fort intéressants sur les résultats obtenus

par le traitement médico-pédagogique, chez des enfants arriérés ou

idiots. Le nombre des étrangers venus visiter le service témoignent t

de l'intérét qu'ils portent à l'application de la méthode médico-

pédagogique en Allemagne et ailleurs, et montrent quelle haute

valeur présente le traitement suivi depuis 1880, à l'hospice de

Bicêtre.

La seconde partie contient les observations cliniques les plus

intéressantes du service. Le premier chapitre est consacré à un

cas d'affection familiale à symptômes cérébro-spiazaux : diplégie

spasmodique et idiotie. L'un des frères a succombé : l'autopsie a

montré une atrophie cérébelleuse très accentuée. - Un cas d'¡di9-

tie myxoedémateuse, très améliorée parle traitement thyroidien.-

Deux observations de corps étrangers de l'cesophage chez les idiots :

Mort par hématémèses foudroyants. Un cas d'idiotie symptoma-

tique, de pochynzéaziazgite et de méningo-encéphalite chroniques

(Fig. 30 et' 31). Deux travaux démontrent aux observations

très concluantes les excellents résultais du traitement médico-

pédagogique chez les idiots et même chez les microcéphales.

Poursuivant ses recherches sur l'étiologie de l'épilepsie, de

l'hystérie, de l'idiotie et de l'imbécillité, M. Bourneville publie

une statistique de 1888 à 1900 montrant le rôle insignifiant de la

consanguinité, à côté de l'influence bien autrement puissante de

['hérédité. Le mariage entre cousins de constitution vigoureuse,

sans tares héréditaires, donnera de-5 enfants sains; si les conjoints

ont l'un ou l'autre ou tous les deux une hérédité chargée, leurs

520 BIBLIOGRAPHIE.

enfants seront atteints, non de fait de la consanguinité, mais du

fait de l'hérédité, de dégénérescence mentale ou physique, d'épi-

lepsie, d'hystérie, d'idiotie, etc. - Une seconde statistique montre

l'influence néfaste de l'olcoolisme sur le développement de la

dégénérescence. - -

A l'autopsie d'un enfant atteint d'idiotie avec microcéphalie, '

Bourneville et Oberthur ont trouvé une lésion fort rare : les deux

hémisphères étaient transformés en une poche kystique ; les circon-

volutions aplaties, atrophiées, par places méconnaissables; ce pseu-

do-kyste est le résultat d'un processus inflammatoire, d'une méningo-

encéphalite. Chez un autre idiot, la lésion etait bien encore la

méningo-encéphalite mais sans production pseudo-kystique.

Statistique sur le thymus et la glande thyroïde chez les enfants

anormaux. L'on sait l'inlluence néfaste des professions insalubres

sur la production des maladies chroniques du système nerveux; et

plus que tout autre M. Bourneville s'est efforcé de mettre en relief

cette influence : une statistique basée sur 87 familles comprenant

420 enfants, ne laisse aucun doute sur l'action des professions

insalubres sur la morbidité et la production des maladies nerveuses

des enfants. A noter une étude fort intéressante et très complète

sur le crâne dans les idioties, travail fait en collaboration avec Paul

Boncour. L'ouvrage se termine par une statistique sur la persistancs

de la suture mélodique.

Ce court résumé donne un aperçu des sujets variés traités dans

ce très intéressant volume qui continue dignement la série de ses

devanciers; la collection forme un véritable compendium des ma/¡¡-

dies chroniques du système nerveux chez les enfants. Les médecins

praticiens y trouveront des renseignements très utiles sur les con-

seils et le traitement à donner dans ces maladies peu connues et

souvent fort embarrassantes. MIRALLIÉ.

XXI. Psychologie des déments précoces ; par le Dr René \fsssEov.

(Thèse Paris, Boyer, 1902, 265 p.) ' -

L'auteur s'est efforcé de caractériser les déments précoces au point

de vue psychologique et de ramener les troubles complexes que

présentent ces malades à des troubles plus simples. Le fait impor-

tant qui lui a paru différencier nettement ces sujets a été le sui-

vant : la démence précoce, telle que l'a décrite Kraepelin, est une

maladie qui touche primitivement toutes les facultés actives de l'es*

prit. L'apathie, l'aboulie, la perte de l'activité intellectuelle en sont

la caractéristique dans les domaines émotionnel, volontaire et

intellectuel.

Ces lésions élémentaires engendrent un nombre considérable de

troubles variés que l'auteur passe en revue. Les troubles de l'at-

tention frappent l'observateur au premier examen ; ils sont cons-

BIBLIOGRAPHIE. ë2'l

tatables par l'observation directe. Les déments précoces tantôt

sont plongés dans un état d'hébétude dont rien ne peut les tirer;

tantôt ils sont distraits par les moindres accidents extérieurs Ou

par des phénomènes d'automatisme qui viennent briser la suite

logique de leurs associations.

M. Masselon a étudié l'attention à l'aide de différents tests : il a

pris les temps de réaction de ces malades à l'aide du chronomètre

électrique de d'Arsonval. Toutes ces méthodes ont démontré com-

bien l'attention est chancelante lorsque toutefois elle parvient à se

fixer : la fatigue survient très rapidement. '

La durée des temps de réaction est considérablement allongée.

La distraction n'est jamais sous la dépendance de processus émo-

tifs envahissant subitement la conscience comme on l'observe chez

certains neurasthéniques et chez certains dégénérés : elle n'est ni

précédée, ni accompagnée d'émotions et n'est que l'expression de

l'état d'engourdissement de l'activité cérebrale et de la désagréga-

tion psychique qui en est la conséquence.

A côté de ces troubles de l'attention sensorielle, l'on observe des

troubles delaréflexion et de la systématisation des idées. Sous leur

forme la plus atténuée les symptômes consistent surtout en une

incoordination et une imprécision des idées qui donnent à la pen-

sée une tournure puérile caractéristique. La pensée tend à se

figer : les éléments de l'esprit (simples impressions ou repré-

sentations), tendent à exister isolément et n'éveillent plus les autres

éléments qui a l'état normal s'associaient avec eux. L'état de stu-

peur, dans lequel la conscience semble à peu près vide de repré-

sentations, est la forme la plus accentuée de ce phénomène. A un

degré moindre, certaines formes intellectuelles tendent à se repro-

duire sans cesse : ainsi se trouve constituée la stéréotypie de la

pensée. Ces malades sont éminemment suggestionnables ; leur

docilité est extrême.

L'auteur a rapproché de ces phénomènes intellectuels un certain

nombre de troubles moteurs très fréquents chez les déments

précoces. C'est ainsi qu'il considère la catatonie. symptôme impor-

tant de début dans une forme spéciale de démence précoce, comme

le résultat de la persistance indéfinie d'une représentation motrice.

La stéréotypie de la pensée s'accompagne de stéréotypie du lan-

gage et des mouvements : certaines attitudes bizarres se fixent

dans l'esprit du malade, qui les adopte et les reproduit sans

cesse.

L'écholalie, l'échopraxie, si fréquentes chez ces sujets, peuvent

être considérées comme des formes de la suggestibilité : une repré-

sentation motrice déterminée s'impose à l'esprit et évoque im-

médiatement le mouvement correspondant. Des tics moteurs,

des tics du langage (brusque émission de mots toujours les mêmes)

sont très fréquents chez ces malades.

522 BIBLIOGRAPHIE.

Contrastant avec la docilité, se développe le négativisme, oppo-

sition irraisonnée à tous les actes qu'on ordonne, ou résistance

dès membres du malade au mouvement qu'on veut lui faire

exécuter. Les troubles du souvenir ne sont pas primitifs : ils

consistent surtout au début en troubles du rappel des souvenirs

consécutifs aux troubles de la systématisation des idées : le ma-

lade n'est plus capable de rappeler un souvenir au moment oppor-

tun ; mais on s'aperçoit rapidement que ce souvenir n'est pas

disparu et qu'il peut être éveillé spontanément au gré des asso-

ciations. ·

Peu à peu, cependant, conséquence de l'apathie intellectuelle, les

souvenirs, n'étant ramenés que de plus en plus rarement à la con-

science, s'obscurcissent : ceux qui subsistent tendent à prendre une

forme stéréotypée.

Le trouble du souvenir porte primitivement sur le nombre des

idées et des images que ces malades ont à leur disposition, lequel

diminue rapidement. C'est là un signe d'une grande importance,

au point de vue du diagnostic, entre les déments précoces excités

et les intermittents présentant de l'excitation maniaque : même

dans ce cas, la pensée du dément précoce se meut dans un cercle

excessivement restreint : son agitation est stéréotypée. Le nom-

bre des éléments du langage diminue parallèlement ; parfois

même les représentations verbales sont obscurcies et le maiade

crée des néologismes, lesquels peuvent être si nombreux et si

bizarres que le langage n'est plus qu'une véritable jargona-

phasie.

L'incapacité de systématisation des idées, l'effacement des images-

souvenirs ont pour conséquence de profonds troubles de la com-

préhension et de l'assimilation. Les déments précoces ignorent ce

qui s'est passé autour d'eux depuis le début de leur maladie : ils

n'ont aucune conscience du milieu ou du changement. "

L'indifférence émotionnelle est un symptôme d'une importance

considérable ; très primitivement rien ne touche le dément précoce,

rien ne l'émeut. Ainsi disparaissent tous les sentiments, mobiles

de ses actions : parmi ceux-ci il faut accorder une valeur toute

spéciale à la disparition des sentiments de famille. Cette indiffé-

rence émotionnelle est un signe important au point de vue du dia-

gnostic précoce avec les neurasthéniques, les dégénérés, les para-

lytiques généraux. Indifférents à tout, ces malades ne manifestent

aucun désir, aucune volonté, aucune curiosité : les troubles de l'at-

tention spontanée d'où dérivent un nombre considérable de symp-

tômes signalés plus haut, trouvent là leur cause la plus impor-

tante.

Cette trop brève analyse de la Psychologie des déments précoces

est manifestement insuffisante pour faire comprendre l'intérêt

du travail de M. Masselon. Les observations, prises toutes à la mai-

BIBLIOGRAPHIE. 523

sonde Santé de Ville-Évrard, nombreuses et discutées avec sagacité,

sont des plus instructives; il s'agit là en effet de troubles dont

l'examen avait jusqu'ici été singulièrement négligé. M. Masselon a

le mérite et d'avoir osé entreprendre une oeuvre difficile et

d'avoir su la mener à bonne fin. 11 convient de le louer de n'avoir

pas craint de s'aventurer sur une terre jusqu'ici peu explorée, pour

ne pas dire inconnue, d'avoir rapporté des documents qu'on cher-

cherait en vain ailleurs, et d'avoir bien mis en lumière leur signifi-

cation au double point de vue de la clinique et de la psychologie.

Paul SÉRIEUX.

XXII. Du traitement de la chorée de Sydcnham par le cacodylate de

Soude. Elude clinique; par A. DETCIlEFF. (TA. Lyon, 1900-1901.)

M. Detcheff passe en revue les différents modes d'emploi de l'ar-

senic dans la chorée. Si les auteurs ont reconnu les bons effets de

la médication arsénicale dans cette affection, ils diffèrent sur la

manière de l'administrer. En effet, que ce soit sous forme de

liqueur de Fowler, de liqueur de Boudin ou de beurre arsenical,

en somme sous forme inorganique, il y a dans la majorité des cas

des phénomènes d'intoxication. Le cacodylate de soude semblerait

au contraire le médicament de choix et éviterait tout accident.

Appuyant son étude clinique sur de nombreuses observations favo-

rables, l'auteur s'efforce de montrer que cette médication est

rationnelle dans la chorée. Le cacodylate de soude, sauf sa faible

toxicité, a la même action sur l'économie que l'arsenic ; à dose

thérapeutique il exciterait la nutrition et stimulerait l'activité

cellulaire et l'hématose.

Le meilleur mode d'administration du médicament est la voie

hypodermique ; les injections rectales peuvent êlre employées dans

certains cas et en cas de nécessité son administration par la bouche

est possible. La méthode intensive et non intermittente est plus

efficace et sans inconvénient. G. C.

XXIII. Etude clinique des formes unilatérales de la paralysie agi-

tante; par Louis Allcuaun. (Th. Lon,1900-1901.)

La thèse de M. Michaud est une étude clinique où il insiste sur

le diagnostic des formes unilatérales de la maladie de Parkinson

avec les tremblements prac et post hémiplégiques.

Le diagnostic avec les tremblements præhémiplégiques se fera :

par les caractères, le siège et la durée des tremblements, par les

commémoratifs. Les deux principaux tremblements post-hémi-

plégiques, pouvant en imposer pour la paralysie agitante unilaté-

rale, sont l'hémichorée et l'hémiathétose.

Le diagnostic de[l'hémichorée symptomatique se fera : par les

524 BIBLIOGRAPHIE.

caractères du tremblement et spécialement, son exagération, par

les mouvements volontaires et par sa persistance pendant ie repos ;

par les commémoratifs : ictus, hémiplégie flasque et contractures

précédant le tremblement. Les attitudes spéciales de l'hémiathé-

tose empêchent de la confondre avec la maladie de Parkinson

unilatérale. G. C.

XXIV. Les entendants-muets. (Alalie idiopathique de Coën; par LÉVY

. (Georges). (Th. Lyon, 1900-1901.)

M. Lévy s'occupe, dans sa thèse fort intéressante, d'une forme de

mutité survenant chez des enfants de trois à dix ans et présentant

les caractères positifs ou négatifs suivants :

1° Apparence physique et psychique normale ; 2° Audition

intacte ; 3° Organes périphériques de la parole normalement cons-

titués ; 4° Absence de paralysie ou d'atrophie du tronc et des

membres.

Dans ce mutisme de naissance il s'agit d'absence d'images motrices

et d'ignorance des mouvements, puisque l'enfant n'a jamais su

parler. L'auteur met en évidence l'intérêt pratique que cette étude

présente pour l'éducation et l'avenir de ces enfants qui doivent

être séparés des sourds-muets et des idiots.

Dans un historique très complet, M. Lévy passe en revue les opi-

nions des différents auteurs qui ont essayé de classifier cette forme

de mutisme chez les entendants. Depuis Stard et Gall jusqu'à nos

jours, quelques noms français se rattachent à cette question avec

Léon Waïsse, Bernard, Dally, Ladreit de la Charrière, Hamon du

Fougeray, etc... Ce fut surtout à l'étranger qu'on s'en occupa,

Benedikt, Kussmaul, Gutzmann, Waldenburg en- citent quelques

cas ; mais ce n'est qu'avec Coën (de Vienne) que commence l'his-

toire véritable de cette forme de mutité; il la dénomme « alalia

idiopalica » ou « HÕrstll1nenhdt". Dans le chapitre de symptoma-

tologie l'auteur étudie : l'aspect physique des enfants ; l'etat intel-

lectuel dont l'intégrité semble avoir été affirmée un peu a priori ;

les troubles de la parole, ceux du langage intérieur (les enfants sont

comme ceux qui commencent à parler), et ceux de l'articulation;

les troubles moteurs, les organes périphériques de la parole sont

intacts, pas de paralysies ni de contractures; les stigmates de dégéné-

rescence qu'il serait utile de rechercher.

Du chapitre étiologique il ressort, comme l'avoue l'auteur lui-

même, l'incertitude sur les causes préparant l'alalie idiopathique,

et les faits un peu connus montrent que ce sont les mêmes facteurs

qui se retrouvent ici que ceux invoqués pour la genèse de la

dégénérescence mentale et physique. L'anatomie pathologique

n'existe pas. La palhogénie reste irrésolue, ce ne sont que des

hypothèses qui ont été émises. Coën et d'autres auteurs en font un

, BIBLIOGRAPHIE. 525

trouble fonctionnel ; c'est soit un défaut de développement ou une

inertie congénitale du centre de Broca, soit une absence d'associa-

tion fonctionnelle entre ce centre et celui des images verbales audi-

tives, soit enfin les deux perturbations réunies. Pour d'autres

auteurs comme Waisse, Ledreit de la Charrière, etc., le trouble est

dû à une lésion anatomique qui'est bien incertaine. Aussi doit-on

rester éclectique en matière de pathogénie dans l'alalie idio-

pathique

Le diagnostic doit se faire avec la surdi-mutité, l'idiotie, les

troubles des organes périphériques de la parole, les aphasies vraies,

l'alalie par défaut de coordination, la perte de parole après une

longue maladie, enfin avec l'alalia mentalis.

Le pronostic est des plus confus et aléatoire et l'on ne peut rien

fixer de précis. M. Lévy s'en tient à cette phrase pratique : « Votre

enfant ni sourd, ni nettement idiot arrivera probablement à parler

par un traitement approprié ».

Au point de vue du traitement, l'auteur montre l'intérêt pratique

qu'il y a à séparer ces enfants pour leur éducation, des sourds-

muets et des idiots et à les soumettre à un traitement approprié,

pour lequel on doit être éclectique et ne pas se tenir à une méthode

unique. Coën reconnaît trois points dans le traitement :

1° Fortifier l'état général de l'enfant; 2° Développer son intelli-

gence ; 3° Instituer une méthode pédagogique pour l'articulation

des mots.

Pour ces arriérés de la parole comme pour les autres arriérés,

il serait utile de créer à côté des écoles primaires ordinaires, des

classes spéciales. G. Carrier.

XXV. La névrose d'angoisse. Troubles nerveux d'origine sexuelle ; par

le Dr Albert 1)1.\NUD. (Th. Lyon, 1900-1901.)

M. Manaud décrit un groupe de symptômes, rattaché successi-

vement à l'hystérie et à la neurasthénie. Il est constitué par des

phobies, des obsessions se groupant autour d'un symptôme fonda-

mental, l'angoisse, avec comme phénomènes satellites ou équiva-

lents, des troubles fonctionnels des divers appareils, tels que ver-

liges, troubles vaso-moteurs, fausse angine de poitrine, dyspnée,

boulimie, etc. Cet état, qui serait mieux à sa place parmi les syn-

drômes épisodiques de la dégénérescence mentale, est décrit sous

le nom de névrose d'angoisse.

L'élément principal de ce syndrôme est un état chronique d'an-,

goisse, dit l'auteur, avec obsessions et phobies. Résumant les opi-

nions de Freud en Allemagne et de Tournier en France, il fait de

ce syndrôme une névrose spéciale qui semble mal individualisée.

Freud et Fournier lui attribuent une étiologie bien spéciale : la

non-satisfaction de l'excitation sexuelle. G. Carrier.

526 BIBLIOGRAPHIE.

XXVI. Essai sur l'alcoolisme. Causes sociales. Conditions mentales.

Prophylaxie; par le Dr M. Champeaux. (Th. Lyon, 1900-1901.)

Ce sujet est toujours plein d'actualité; M. Champeaux l'a traité

d'une façon fort intéressante. 11 passe en revue dans son premier

chapitre les causes historiques qui expliquent le développement

énorme de l'alcoolisation à notre époque. Il recherche ensuite les

causes sociales et mentales de l'alcoolisme, qui permettent de

comprendre pourquoi ce mal existe et pourquoi il a existé, mais

d'une façon progressive, depuis longtemps. Les causes sociales

sont multiples, elles tiennent aux conditions matérielles de la vie,

au psychisme normal résultant d'une longue habitude et d'une

longue imitation ; elles tiennent enfin à la mentalité troublée, qui,

incapable d'agir normalement, mais désireuse d'agir, trouve dans

l'alcool un instrument qui contente ses aspirations sensa-

tionnelles.

Quels moyens la société peut-elle employer pour combattre

l'alcoolisme ? Dans son troisième chapitre l'auteur montre que

l'intervention des pouvoirs publics, soit sous forme de surveillance,

soit par la monopolisation des boissons alcooliques, est une théra-

peutique irrationnelle.

La thérapeutique rationnelle est l'éducation sociale. Il faut

tenter de créer d'autres habitudes. M. Champeaux montre ce

qui a été fait à l'étranger et en France à ce point de vue par les

sociétés de tempérance. (Aux Etats-Unis, en Angleterre, dans les

Etats Scandinaves, en Allemagne, en Russie, en Suisse, aux Pays-

Bas.)

Parmi les alcooliques, il y a beaucoup d'habitués, beaucoup de

malades et quelques curables.

Il faut moraliser les habitués de l'alcool, non en leur prêchant

la morale qu'on veut leur imposer, mais en les amenant à sa pra-

tique à leur insu.

A côté de cette éducation sociale, qui est pour ainsi dire le trai-

tement général de l'alcoolisme et où l'initiative individuelle peut

beaucoup, il faut assister les alcooliques malades. On doit distin-

guer à ce point de vue deux sortes de malades, dit M. Champeaux.

1° Les curables et les améliorables pour lesquels serait à souhaiter

une intervention parlemenlaire qui permettrait un internement

obligatoire de six mois. Ce genre de malades devrait être isolé

dans un asile spécial avec le système de l'open-door ou dans une

colonie familiale.

2° Les incurables, les récidivistes de l'alcool qui appartiennent

aux asiles où ils doivent rester internés et que l'on doit retirer

soigneusement du courant social.

M. Champeaux demande avec raison, qu'au point de vue légis-

varia. 527

latif il y ait un correctif à la loi de 1838, et qu'au point de vue

médical on perfectionne encore les établissements d'assistance.

G. CARRIER.

XXVII. L'aliénation mentale chez les prostituées. Etude clinique; par

François Gaaz. (Th. Lyon, 1900-1901).

Les principales formes d'aliénation mentale observées par

M. Graz chez les prostituées sont par ordre de fréquence : les

excitations maniaques, la paralysie générale, la mélancolie avec ten-

dance au suicide, la confusion mentale hallucinatoire, exception-

nellement le délire de persécution systématisé. Les idées de persé-

cution apparaissent, par contre, fréquemment à titre épisodique.

Mettant à part la paralysie générale, la plupart de ces formes se

terminent souvent par la guérison. Les principales causes détermi-

nantes sont l'alcoolisme et la syphilis. Les prostituées aliénées

présentent toutes des stigmates de dégénérescence psychiques et

physiques.

Bien que toutes les prostituées aliénées soient des faibles d'esprit

et présentent fréquemment des tares morales, bien qu'elles aient un

état mental habituellement entaché de tares, les accès de folie

imposant l'internement, ne seraient pas aussi fréquents dans cette

catégorie de femmes, d'après M. Graz, que semblent l'admettre les

auteurs. G. C.

VARIA

LE BUT ET LES MOYENS DE LA PSYCHIATRIE CLINIQUE; par KRAEPELIN.

(AU. Zeitsch. f. Psychiatrie, t. LUI, fasc. 5.)

Comme l'a fait remarquer Kahlbaum, la connaissance impar-

faite des causes est un obstacle aux progrès de la psychiatrie. C'est

à'tort qu'on veut dès maintenant construire des théories, alors

qu'en raison des difficultés particulières de notre tâche, nous ne

savons pas encore utiliser pratiquement notre matériel de recher-

ches.

Pour rendre possible l'étude scientifique de la psychiatrie, ilfaut,

en premier lieu, créer des espèces nosologiques bien déterminées,

en tenant compte de l'évolution des maladies. C'est ainsi seule-

ment qu'on arrivera à établir des diagnostics comparables à ceux

de la pathologie interne. On admet actuellement qu'il y a une

528 varia.

série d'espèces cliniques dont les particularités sont dues soit à

leur localisation spéciale, soit à la différence de leurs causes. Nous

n'avons d'indications précises que sur ce second point. On sait que

les poisons, l'alcool, la morphine, la cocaïne, déterminent des

formes cliniques qui présentent des caractères identiques dans

leurs symptômes, leur évolution et sans doute aussi dans la

nature de leurs lésions : il s'agit donc là d'un groupement de

formes morbides naturel. Malheureusement, en psychiatrie, on a

affaire surtout à des causes internes, inconnues : Cependant il faut

admettre que les mêmes causes produisent des effets identiques,

ce que confirme l'exemple des intoxications. Le difficile est de

distinguer dans les formes cliniques les symptômes essentiels des

signes accessoires. Il est des symptômes que l'on trouve dans des

psychoses très différentes, qui 'ne peuvent en conséquencenous

renseigner sur la nature de la maladie; telles sont certaines mani-

festations jusqu'ici utilisées pour le groupement des espèces

cliniques : hallucinations, conceptions délirantes, modifications

de l'humeur. Ces symptômes n'ont aucune signification pour le

diagnostic. Bien plus importants sont d'autres signes tels que la

fuite des idées, l'orientation, la faculté de comprendre, l'excitation

motrice, les phénomènes d'arrêt, etc. L'analyse clinique montre

des différences importantes entre des manifestations d'apparence

identique, mais qui ont une signification diagnostique tout à fait

distincte, entre la fuite des idées et la « salade de mots », entre

l'agitation motrice des maniaques et les impulsions des catatoni-

ques, entre l'arrêt moteur et le négativisme, etc. Le groupement

particulier de certains symptômes fournit des indications : les rap-

ports réciproques de la confusion, de l'excitation et de l'orienta-

tion caractérisent la catatonie, la manie et l'amentia. L'importance

de l'évolution est capitale. Il est actuellement difficile de poser des

diagnostics qui ne soient autre chose qu'une simple constatation

des symptômes. Et cependant il serait capital de pouvoir résoudre

la question qui est pour la psychiatrie la plus importante, celle

du pronostic. C'est sur la sûreté de notre pronostic que reposent

la confiance du public dans notre savoir, notre crédit auprès des

tribunaux, enfin la possibilité d'enseigner la psychiâtrie.

S'inspirant des considérations qui précèdent, Kraepelin a recueilli

pendant cinq ans une série d'observations, afin de pouvoir jeter un

coup d'oeil d'ensemble sur les résultats de l'expérience clinique.

L'auteur a eu soin de tenir compte de tous les faits, sans exception,

qu'il a observés. Ce ne sont pas les cas « intéressants » qui ont le

plus d'importance. On ne fait en effet attention, en général, qu'à ce

qu'on connait déjà, et on croit tout savoir quand on a classé un

certain nombre de cas typiques. Pour chaque malade Kraepelin a

établi un diagnostic précis et un pronostic déterminé après un mois

d'observation. Le diagnostic définitif n'a été inscrit qu'après plu-

varia. 529

sieurs années, quand l'évolution de la maladie pouvait permettre

de le faire avec certitude. Tous les cas observés ont, dans ce but,

été suivis pendant longtemps, soit dans les asiles où les malades

avaient été transférés, soit à l'aide de renseignements, soit enfin

par la convocation des sujets eux-mêmes. Ces recherches ont

fourni des résultats souvent surprenants. Les mille premiers cas

se répartissent ainsi : ·

530 VARIA.

très douteuse. Un examen plus prolongé des observations permet

de constater l'existence d'une série d'accès plus ou moins graves,

maniaques ou dépressifs, de sorte qu'il devient difficile d'établir

une ligne de démarcation tranchée entre la manie simple d'une

part et la manie périodique et la folie circulaire d'autre part. On

n'observe rien d'analogue dans l'amentia et les démences précoces :

il n'y a pas de catatonie périodique, mais seulement des périodes

de rémission, qui, comme dans la paralysie générale. se terminent

par la démence. Il est grandement à désirer que toutes ces formes

si différentes au point de vue du pronostic puissent être distin-

guées entre elles dès le début de la maladie. L'auteur a l'habitude,

depuis plusieurs années, d'inscrire, pour chaque malade, après le

premier examen, le diagnostic et le pronostic, afin que les erreurs

commises comportent un enseignement. Il a pu arriver ainsi à

distinguer des psychoses d'apparence identique mais à pronostic

différent. On devra aussi chercher à arriver à une connaissance

plus approfondie de la nature des troubles psychiques, grâce à une

analyse plus soigneuse, et à l'aide des données de la psychologie

expérimentale. L'anatomie pathologique, l'étude des modifications

des cellules de l'écorce, fourniront aussi des renseignements im-

portants. Paul SÉIIIEUX.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISrES

Session de Grenoble. - Août 1902.

Le prochain congrès des aliénistes et neurologistes de France et,

des pays de langue française, se tiendra, du1cI'au8 8 août prochain,

à Grenoble, sous la présidence de M. le Dr E. Régis, professeur de

psychiatrie à l'Université de Bordeaux.

Les questions qui feront l'objet de rapports sont les suivantes :

1° Pathologie nerveuse : Les tics en général. Rapporteur : M. NoGuLs

(de Toulouse) ; 2° Pathologie mentale : Des états anxieux df/1¿

les maladies mentales. Rapporteur : M. LABANNE (de Bordeaux);

3° Médecine légale : Les auto-accusateurs au point de vue médico-

légal. Rapporteur : M. Ernest Dupré (de Paris).

Les rapports seront adressés aux adhérents du congrès pour le

le, juillet au plus tard. Le secrétaire général du Congrès est M. le

Dr Bonnet, médecin en chef de l'asile de Saint-Iiobert (Isère).

LES aliénés en LIBERTÉ.

Suicide d'une folle. Une nommée Marie Dal, enfermée depuis

quelque temps dans un hospice d'aliénées de Sainte-Agathe, pres

Liège, ayant trompé la surveillance de ses gardiennes, s'est échap-

pée de l'asile et s'est jetée sous un train sur la ligne du chemin de

fer de Liège à Bruxelles. (Le Petit Parisien du 11 novembre 1901).

. VARIA. 531

' Une femme trouvée morte. Ces jours, derniers M. Brunet, cul-

tivateur à Irreville (Eure), labourant un champ près du hameau de

Gourry, trouva le cadavre d'une femme que M. Dolpierre, demeurant

dans le voisinage, avait aperçue la veille appuyée contre un arbre. Un

chasseur de la Chapelle-du-Bois-des-Faulx, M. Gouju, étant venu à

passer par là et l'ayant vue affaissée au pied de l'arbre, lui avait

adressé la parole et n'avait obtenu que des réponses incohérentes

semblant indiquer qu'elle n'avait pas mangé depuis deux jours. Il

avait essayé de la soulever, mais elle était retombée à terre, trop

faible pour rester debout.

Le corps de cette malheureuse fut transporté à la mairie, où elle

fut reconnue bientôt après par M. Legrand, d'Heudreville-sur-Eure,

pour être sa belle-mère, la femme Buisson, demeurant dans la

même localité et âgée de quarante-trois ans. Ne jouissant pas de

toute sa raison, cette pauvre femme s'échappait souvent du domicile

conjugal et rentrait quelques fois après cinq ou six jours d'absence.

Il est probable qu'elle est morte de froid et d'inanition. (Progrès de

l'Eure, du 31 décembre 1901.)

te La femme Auguste Gilles, quarante-un ans, demeurant rue de

Caumont, atteinte du délire de la persécution, s'est pendue dans

son grenier. (Le Bonhomme Normand, 17-23 janvier 1902.)

Asphyxiée. - La demoiselle Brunet, 32 ans, demeurant chez ses

parents à Maisons, près Bayeux, a mis fin à ses jours en s'as-

phyxiant avec du charbon placé dans un réchaud. Celte malheu-

reuse ne jouissait pas de toute la plénitude de ses facultés. (Le Bon-

homme Normand, 24 janvier 1902).

On a repêché de la rivière l'Aure, à Bayeux, le cadavre de la

dame veuve Marie Hélaine, 58 ans, anciennement débitante. La

dame Hélaine s'était retirée des affaires il y a dix mois. Depuis ce

moment, elle avait des idées noires et avait manifesté, maintes fois,

l'intention d'en finir avec la vie. Dans les poches de la pauvre

femme, on a trouvé une croix, un chapelet et un billet illisible

dans lequel elle demandait pardon il son fils et implorait la misé-

ricorde de Dieu. (Le Bonhomme Normand, 24 janvier 1902.

Il y a de la place à l'asile du Bon Sauveur de Caen faisant

fonction d'asile public pour les aliénés payants de la Seine,

mais il n'y en a pas pour les aliénés du Calvados.

Une folle meurtrière. En rentrant chez elle, hier soir à sept

heures, hlre Henriette Beloz, âgée de vingt-deux ans, corsetière,

demeurant 24, avenue de la République, fut abordée sur le palier

du cinquième étage, par une de ses voisines, Dicr° Françoise Far-

get, âgée de trente-quatre ans,, modiste, qui lui dit : ,

S32 FAITS DIVERS.

Ne vas pas plus loin. Je suis la Vierge Marie et je t'emmène

au ciel... En prononçant ces paroles, MUe Farget levait les yeux

au ciel et tentait de saisir sa voisine par la taille. Effrayée,

1\1Ue Beloz s'enfuit en appelant au secours. A ses cris, la concierge

de l'immeuble, \lme Dulac, accourut et voulut parlementer avec la

folle. Mal lui en prit. Celle-ci abandonna son rôle de vierge pour

se transformer en furie. Elle tira de sa poche une paire de ciseaux,

se précipita sur 11-1 Dulac et lui en porta deux coups, l'un au

sein, l'autre au bras droit.

La pauvre femme tomba, baignant dans son sang, pendant que

Mlle Beloz courait prévenir des gardiens de la paix. Ceux-ci ne

parvinrent qu'avec les plus grandes difficultés à maiViser la folle.

La malheureuse a été envoyée à l'infirmerie spéciale par M. Dal-

troff, commissaire de police. Elle a perdu la raison à la suite de

la mort de sa mère. survenue récemment. La coneierge est soignée

chez elle. Son état est très grave. (Le Français du 29 janvier 1902).

- : 111uAlice Laloy, âgée detingt-quatre ans, journaliére, demeu-

rant chez son père, 34, rue des Epinettes, à Sannois a tenté de se

suicider en se tirant trois coups de revolver dans la tête. Cette jeune

fille, qui était hantée d'idées noires, avait déjà tenté deux fois de se

donner la mort. La première fois en essayant de se pendre et la se

coude en absoi bant une infusion d'allumettes. Cette fois-ci, son état

est considéré comme désesperé. (Journal de Seine-et-Oise, 22 lévrier

1902)

FAITS DIVERS.

KLCROLOGtE. - Les A 11nales Médit'o-chÙ'w'gicales dl ! Hainaut nous

apprennent la mort à l'âge de quarante-huit ans, le 25 avril der-

nier, du Dr Delannay, médecin en chef de l'asile d'aliénés de Froid-

mont. L'activité de Delannay ne s'arrêtait pas aux choses de la

médecine. Il était conseiller communal et il rendit à ce titre de

signalés services à ses concitoyens ; il était aussi membre du Con-

seil provincial du Hainaut, où il a défendu à diverses reprises les

intérêts du corps médical ; il fut son porte-parole pour y demander

notamment l'organisation du service de la vaccination dans toutes

les communes de la province. Il était également membre du comité

des habitations ouvrières pour sa région.

Faculté de médecine de NANCY. - Notre collaborateur, M. le

Dr Paris est chargé jusqu'à la fin de l'année scolaire, d'un cours

de clinique des maladies mentales.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

BIHUGIA. - Le alterazioni (lel sislema ganglla1'e simpalico nella raz-

zia pellagrosa, in-8° de 92 pages avec 5 planches, lmo la 1901. ,

BRUGIA. - lit causa di leslamenlo oppugnali, in.So de 54 pages.

Extrait de Archivio di Psichial1'ia ez. Il 21zaitiro)ijio. -

CaeeEErrc. - Il trattamento famigliare dei malali di meiche, iu-8°

de ()4 pages. Ferrara 1901. -

Feurand (J.). - Essai sur l'hémiplégie des vieillards, les lacunes de

désintégration cérébrale, in-8- de 192 pages avec 8 planches. Prix :

6 francs. 1902, Ilousset, éditeur.

FRIEDRICH. - Zur der Kohleno,")J ylâlunungen, in-So de 2fi pages,.

Extrait du Jahl'b1tchel' sur psychiatrie und neurologie.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 1 CI' JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à

cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant

de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur 1'enettl'a un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, 'la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la BANDE de leur journal.

- Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-

tif des Archives de Neurologie et dit, Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLU.

TABLE DES MATIERES

Abcès double - du lobe frontal

i droit, par Dupré et Heitz, 422.

AC110r,DROILASIE, par Cestan, 392.

Quelques lemarques sur l ? par

Apert, 392.

Acide URIQUE dans la neurasthénie

et l'auto-intoxication dans les ma-

ladies nerveuses, par Savan-

I'earce, 296.

.lrnovÉC,m.xe, gigantisme et diabète,

par Achard et Loeper, 48.

Activité nerveuse Rapports entre

le contenu mental et l' -, par

Delabaire, 116.

Affections organiques des CENTIMES

nerveux. De la mort subite dans

les -, par Vieille, .21.

An ? rcscr., par llaskovec, 83.

Albuminurie. Voir Glycosurie.

Alcool.* Opinions communes des

physiologistes et la consomma-

tion de - par Il ugues, z

Les alcooliques, 173. Voir /Innée

du Salut.

Alcoolisme. Essai sur l' -. par

Champeaux. 526.

Aliénation chez les prostituées, par

firaz, 527.

Aliénés. Sur les délinquants , par

del Greco, 75. Aliénation men-

tale pour le juge et pour le mé-

decin, par Bancroft, 76. Comment

se comporter avec les -, par Ed.

C. Runge, 77. Erreurs judiciaires

en aliénation mentale, par Geo.

Villeneuve et E. Chagnon, 79.

Asile d' -, 95. Assistance fami-

liale des -, par Biouklianskv,

164. Asile d' - 173. Crucifiement

d'un -, 17. Contribution à

l'étude des réactions de la peau

chez les -, par Marandon de

1<lonty'el, 194. Les criminels,

par Lsntz, 216. Quelques problè-

mes en aliénation mentale, par

Petersou, 21,. Quelques-uns des

problèmes de l'aliéniste, par F. Pe-

terson, 222. Mort d'un -. Voir

fracture. Du soit-disant type occi-

pital du citiiie des - degénélés,

par Voiobieff, 249 Les - en li-

berté, Y5 É. - Asiles d' - : 3,5.

La législation sur les - au liré-

sil, par Dupain, 326. Caisse d'é-

pargne et livrets appartenant à

des -, 350. L'AssIstance des -

en Algérie, 351. Voir troubles mo-

teurs. Remarques sur les contrats

et dommages faits par des -

et leurs rapports particuliers a\ec

la loi de Maryland, par \\'. Buc-

,fer, 404. Voir Dégénérescence.

criminels en Hongrie, parme

laveslk, 405. Surveillance des -

criminels en Angleterre durant le

siècle actuel, par R. Brajn, 408.

Asiles d'aliénés, 430, 503 Séjour

des - dans les établissements

provisoire^, par Sano, 505. Colln-

cation des - par Claus, 505.

Connexion entre les laboratoires

et les hôpitaux pour les - aigus,

par Lyon, 506. Réglementation de

la sortie drus - dangereux en

Prusse, 507.

Aliénistes. Situation et traitement

des médecins allemands, par

Happe, 510.

Amnésie. Accès périodiques d' -

par Bechterew, 69. - Voir 21)1-

lepsie. Voir Omnibalaliol1.

AhIYOTii0l'IllE proglesblve dite « es-

sentinelle », par Abadie et Dénotes,

40

Analgésie hystérique, Voir Anes-

l7tésie.

anémie aiguë. Influence de l' sur

les cellules motrices de la moelle,

par Bielitzky, 151.

AacsTUése bystérique,parBernbeim,

51. Voir névrose. Anesthésie, par

Walter Brickner, 400. - et anal-

gésie hystérique, par Loveland,

402. t

AIC11.OS6S GÉ(.H \LISfES de la co-

lonne vertébrale et de la totalité

TABLE DES MATIÈRES. 533

des membres, par Apert, 84. -,

par Apeit, 157

Anormaux de l'intelligence, Mouve-

ment italien moderne en faveur

du traitement et de l'éducation

des -, par 'l'amburini, 216.

Anthropologie criminelle. Voir

Crime .

Aphasie amnésique transitoire. Ob-

servation slllgullèle d' -, par

Gudden, 60. Ktat mental des

aphasiques seusonds, par Vi-

gouroux, 319.

APIIENDIC11r,. Voir Anesthésie.

Arc voltuque. De la perméabilité

du revêtement cutané et d'autres

tissus du corps il l'égard de la

lumière de l' -, par Solouilia,

313

.111cIiWES de Neurologie du Laboura-

.foire des Asiles du Comté de

Londres, par Mott. 252.

AIIG1LL lODE5 ! PSO ? Des rapports de

I'irlé,,ulitt,ité pupillaire et du signe

d' -, par Jotfroy et Schrameek,

332.

All1lEE nu Salut et alcoolisme, 429.

Art ET Artistes, pai Lloubtuowtcll,

- 326. 1

Al1'lRE \ ¡;llT(nRLE gauche Plaie de

l' -, lienl;ttorachis. Compression

de la moelle, par Bouchard 13J.

ASC1UALISA7l0\ envisagée comme

prophylacliquo du cmme et de la

folie, 76.

Asile de Pau, un asile public sub-

venant à ses propres dépenses,

par Whileway, s03. - pour l'état

de Sussex, par Haves, 505. Admis-

sions au Cuy of London -, par

Patterson, 505. Remaniement d'un

vieil -, par \Vllte. 505. Prisons

- , par Urger, 506. La question

des infirmiers des -, par Kairer,

508.

ASTASII : ETABLIE, par Otz y Es-

qUPI'd0, 55.

Asthénie générale avec hypotonie,

par Dupré et Pagnes, 242.

AT1XIE générale paralytique. Va-

nation du type de l ? par Hu-

plies, 59. Le syndicat des ataxi-

ques, 175. Ataxie spinale aiguë,

par Ch, Dana, 398.

Atrophie parenchymateuse du cer-

Nelet, par Lannois et l'aviot, 146.

- cérélnale. pal Dtipié, 330. -

musculaire étendue, par Evers-

. mann, 385. - consécutive à une

ligature artérielle, par Touche,

418.

Automatisme ambulatoire, par Lass,

389.

Automicrosthlsie et incoordination

motrice, par blocs, 162.

Autosuggestion du vertige et le

suicide, par J. Hegnault. ! 11. La

pratique de )' -, par Coste de

La.-rave, 335.

B.SEDOW. Contribution à la casms-

tique de la maladie de -, par

l'opolT, 382... i

Bégaiement. Observation de - de

trompette, par Kalnius, 385.

Benedikt. Syndrome de -, par Bo-

nafonte, 55. '

Benzol ET TOLUOL. Intoxication par

les dérivés du -, par Frledlander,

64.

Bergeron. Voir Myoclonie.

li«01'\-SI : QU.WSD. Cas de syndrome

de -. par François, 46.

Cacodylate de SOUDE. Voit Chorée.

Cécité verbale pure, par ltapm,

48. -, par l3erillon, 9s. céié-

brale, par Touche, 329.

CELLULES ganglionnaires. Altérations

pathologiques précoces des -,

par Mande B. )ldrtll1, 131. La -

peut-plie avoir la valeur d'une

unité, au point de vue embryo-

logique ? pal 0. Fragmto. 148.

motrices de la moelle. Voir Ané-

mie. Forme particulière de reac-

tion des- radiculaires, par Man-

nesco, 43.

Centres NER eux. Voir Epilepsie.

Cerveau. Influence du- sur la sé-

crétion du suc gastrique, par

A. Guerwer, 139. Aperçu général

sur les fonctions sensitivo-motn-

ces de l'écorce du-, par Guerwer.

150. Plaie - llarDuval, 160. - des

tuberculeux, par Anglade, 160.

Châtiment, parC.-A. Mercier, 410..

CnEYnE-STOEes. Respiration de -,

par Techoueyres. 349.

Chorée DE SYDFrIIA)1. Etude sur la

localisation de symptômes dans la

- , par Oddo, 51. Revue sur la -

chronique progressive, par C1.-A.

Good, 56. Voir Ilunlinglon. Quel-

ques cas de-, traité par le caco-

dylate de soude, par Lannols,

. 301; par lletctlell, 523. Mouvements

choréiformes, par P. Marie, 420.

J3Ô TABLE DES MATIÈRES.

Des réflexes dans la -, par Nicol-

let, 427. - d'origine infectieuse,

par llamouotf, 427.

CIIIISTOPATIIIE et science chrétienne,

par C. Hughes, 230.

CIIR01lATOPSIE spectrale, par Adam-

kiewiez, 306.

Constipation opiniâtre et sugges-

tion hypnotique, par P. Farez,

245.

Cordon latéro-cérébelleux. Trajet

sacro-lombaire du -, par Ruth-

mans, 135.

Corps calleux. Les sons du bour-

relet du -, par Peluar et Scaluha,

516.

Crampe. La - des écrivains et des

autres affections nerveuses pro-

fesslonnelles, par D SavllI, 73.

Crime. Voir Asezualisation. Psy-

chologie des criminels et organi-

sation du service médical des

prisons, par .1. Clmpin. 80. AIl-

thropologie criminelle,, par A.

Zuccarelli 81. Criminalité. Voir

Morphine. Voir Insensibilité .

CRISES gastriques et syringomyélie,

par Parely, 53.

DÉGÉNÉRESCECE, parOrphe],s Evertz,

218, Les dégénérés dans l'armée,

par Chus \VoodrufT, 219. Stig-

mates de -, par Walter Cham-

sing, 219. -et aliénés c1Jmmels,

par Drew, 404. ,

DL,LIRE par introspection mentale,

par I. Vaschide, 238. - mélan-

. colique chez une dégénérée, par

Lannois et Carrier, 318. de

grossesse, par Toulouse et Mar-

chand, 322.

Démence sénile Et mariage, par

Klernan, 81. Recherches urolo-

giques dans la précoce,'par

Dude, 514.

Déments. Psychologie des pré-

coces, par Il. Masselon, 520.

DERMOGR,\f'HIS1lE chez les aliénés,

par Séglas, 320.

Développement PHYSIQUE et INTLLLEC-

tuel, par Dupré, 242.

Diabète bronze, par Ber" 53.

DoRMioL, par Schultz, 302.

Dorant LE Gros. Livie posthume de

- , par Farez, 93.

Dystrophie conjonctive myélopathi-

que, par Rapiii, 84.

Echolalie, par Liepmann, 383.

Ecobce. Fonctions et psychologie,

par Herbert Ntcltols, 131. '

ELONGATION TROPHIQUE, par Chipault,

86. )

Embryologie. Voir Cellule.

Emotions. Les-, par feergi, 251.

Epilepsie, rachitisme et constipa-

tion lymphatique, par Olrlmacber

56. Revue critique des travaux

parus sur-, par Ctarke. 56. Voir

Migraine. 57 . Epilepsie larvée,

pal Tschije, 71. Épileptiques

atteints d'helminthiase intestinale, c,

par Lannois, 71. - avec amnésie

rétrograde, par l.d. Cowles, 71.

- jaclaomenne frontale, par Clll-

pault, 90. Tiaité des -, par Géli-

neau, 170. Hôpital d'épileptiques,

174. - Modifiée par le traitement,

par )1. Bail', 296. Note sur nn essai 1

de traitement de - par les toxine-,

microbiennes, par Lannois, 297.

Traitement de-, par lïothe, 298.

- jacltsomenne opérée, par Fre-

dent, 334. Pathogénie et traitement

de il -, par 11 : ralnsky, 346. Cen-

tres nerveux d'épileptiques, par

Anglade, 418. Recherches clini-

ques et thérapeutiques sur l'liysté-

rie et l'idiotie, par Bourneville,

517.

Equilibre volitionnel, par Babinski,

514,

Enn. Syndrome d' - ou hypokyné-

sie asthénique, par Buck et F3nec-

kaert.47. -, par Long et Wiki,

60.

Ereutophobie. L'obsession de la rou-

geur ou -, par A. Pitres et E.

Régis, 177.

EIiYTIi0110PIIOBIF. Contribution à l'é-

tude de la place clinique de l ?

par Frredlaender, 391.

Exostoses symétriques, par Ivanoff,

339.

Extension et son application dans

le traitenent des maladies ne,-

veuses, par KonlI1djy, 110.

Faculté de médecine. Enseignement

libre, 351.

Fatigue. Recherches sur la -, par

les excitations de l'odorat, par

Ch. Féré, 317. \

Fibres musculaires. Proliférations

circonscrites des - dans les vais-

seaux de la moelle, par A. Pick,

137. - spinales ascendantes croi-

sées et de leurs rapports avec le

TABLE DES MATIÈRES. J31

faisceau de Gowers, par 0. Kohns-

- tau,nn, 152.

ltLecnslc. \'011' Psycholo ! Jl'aphie.

Folie. Voir 1e.,tiialisalioit. Preuve

juiidique et scientifique de la -

dans les affaires criminelles, p,u

c.-I'. Macdonald. 77. Quelques

, hésitations légales et médicales

touchant la -, par Learcy, 79.

Voir Guerre au 1'raassaal. -

puerpérale, par HU'"ch, 217. Faits

communs à la - et à la neuras-

thénie, par Porter, 220. - Tran-

sitoire consécutive à des phéno-

mènes douloureux intenses, par

H. Beikley, 222. Les - puerpé-

rales, par Il. Tomlinson, lie

'l'infection des plaies comme fac-

teur causal rie -. par A. Ilobbs,

226. Mesures préventives (le -,

par It. DeA\ey, 227. Les drames de

la - 240. La - du malabout,

255. Causes et prophylaxie de la

- par Arnaud, 3ü. Folle ou cri-

miuele, par Preston, 404. Le ton

parricide, 429. Un fou guéri par

une chute, 431.

Fracture du chane. Mortd'un aliéné

par - et hémorrhagie cérébrale,

par Moulton, 239.

Gaz. Etat mental d'un sujet empoi- i

sonné par le- d'éclairage, par

Wegandt, 499.

GU01l l'I'OSI : de la région inférieure

de la moelle, par A. Schmidt, 247.

Glycosurie et albuminurie nerveuses,

par J. Roux, 86.

Goitre. Voir Hystérie.

GOWEITS. Voir Fibres spinales ascen-

rlarsles.

Grossesse. Deux cas de fausse ,

par Le Menant des CLrsnais, 2ta.

Guerre au Transvaal et la polie,

poil' 1\.-8.-5., 0 ?

Hallucinations de l'ouïe alternant

avec des accès de surdité verbale

chez un paralytique général, par

Mignot et Sérieux, 419. Psycho-

logie de la genèse des psycho-

motrices, par Vaschide et Vurpas,

474.

Helminthiase intestinale. Voir

Epileptiques.

HÉM TOIYEJ.lE antérieure, par Mou-

1-awLew, 62 - traumatique, par

Bernhardt, 65.

IIÉwroeoRrnRmcRle, pal R. Ruedy,

296.

Hémianopsie. Sur trois case' -, par

F. Rayriond, 433.

111 ? IIIALrIE post-hémiplégique, par

P. Marie, 512.

Hémianopsie d'origine mtra-céré-

brale. Contribution à l'étude de

l'anatomie pathologique de l ?

par Jonkowski, n : 1.

IIÉ%11-.ISY,,ElGIE CÉHÚII LL> : USI : , pal'

Viguuroux et Laignel-Lavastine,

243.

par fluet et CII. lnfroit.

141. Une observation 11' - chez

un aliéné, par Garnier et Saute

noise, 365.

Hémiplégie traumatique, par Mar-

tial, 51 Association d' hysté-

rique et de diplégie cérébrale

infantile, par Lalguel-Lavas«uel

89. Hypertrophie osseuse dans l'

infantile, par Lauuols et Fayolle

376. - alterne avec participation

de la sixième paire et paralysie

ultérieure de la corde lucale, par

Lannois, 3G.

HÉIIORHHAGIE cérébrale. Voir Fme-

1 lire.

Hémorrhagie méningée spinale en

dehors de la dure -mère, par

A. Cochez, 42. - de la capsule

externe avec liémianpstliésie, par

Touche, 89. - célébrale chez un

(liabétique.l)arKlipl)el etJarvis,89.

Hérédité, par J. Stearey, 238. Voir

talent poétique.

Iluwtscrou. Contribution : 1 l'anato-

mie pathologique de la chorée

(il -

Hydrargyrisme. Liquide céphalo-

rachidien au cours de l'- chro-

nique par Raymond et Sicard,

513.

Hypnotisme. Voir Névrose. L' - et

les suggestions h\ PlJotlilues, par

Vires, 50. Un cas d' - tell11l ! 1é

par la 111011, par Solller, 319. Phé-

nomènes réactionnels du début

de 1'liypnotibatioti, par Bérillon,

335.

Hypehtrichose. Contribution à l'é-

tude de l' loinbo-saciée envi-

sagée comme stigmate anato -

inique de la dégénérescence, par

Mayen, 144.

Hypéuestiiésie. Voir Névroses.

Hypertrophie des membres. Voir

Dystrophie.

538 TABLE DES MATIÈRES.

Hystérie et goitre exophtalmique

alternés, par Fére, 50. voir Mi-

graine, - et Noevus veineux, par

Binet-Sanglé et Vannier, 7L Défi-

iiitioii de l' - par 13abiiiski, 83.

Grande -. datant de vingt-cinq

ans avec crises paroxystiques,

fugues ambulatoires, hémianes-

thésie, ttaltée par la resensibili-

sation progressive, partial,203.

Présentation d'une grande- par

Bérillon et P. Magnun, 246. Re-

cherches cliniques pt thélapeu-

tiques sur l'eptlepsie l' - et

l'idiotie, par Bourneville, 517.

IIS'S1'E ! t0 LPILEPSIE. Note sur un cas

d' - à crises distinctes, avec

fcchymoses spontanées et accès

de fièvre hystérique, par Iutterer,

333.

Infanticide, par Audiffrent, 414.

IDÉES délirantes. Voir Rêves. Bio-

graphie d'une - file, par Casper,

270.

Idiotie et imbécillité chez les enfants,

par Lotiise Itoblnovitcll, 215. Voir

Mensonge. Etude clinique et ana-

tomo-pathologique sur 1' par

1 l'ehzzi. 348. Recherches cliniques

etthérapeuttques sur l'épilepsie et

l' - par Bourneville, 516.

Imagination dans ses rapports avec

les maladies mentales, par R.

Chase, 228.

Impulsion homicide pure . Voir

Meurtre.

Influenza . Des accidents paraly-

tiques d'ongine cérébrale consé-

cutifs à l' - par Guttmann, 389.

Kyste 11\ DAlIOl-E, Voir Surdité -

parasitaires du cerveau causés par

, le cysticerque du toenia echinocoe-

cus par 111ousseaw, de Gothard et

Riche, 143. -- ostéo-fibreux du

ceneau, par Vigouroux, 321.

Ladrerie cérébrale, par Lévi et L.

Lemaire, 72.

Landry. Contllbution à l'étude cli-

nique du syndrome de -, post-

grippal, par Boutin, 93.

Lèpre ANESTHESIQUE, par Versiloff,

336.

LI : PI;osE, par dom Sauton, 343.

Ligature artérielle. Voir Atrophie.

Liseur DE pensée, par Farez, 91.. z

)1,CIIODACTYLIr, par Bégoultl et Sa :

brazès, 317. 1 «

IAGNLTISEuns. A propos de la péti-

tion des - par H. Lemesle, 246.

Maladies neraeuses familiales, par

Long, 46. Voir Extension. Patho-

logie générale des mentales,

pai FI. -J. Beildey, 221. - men-

tales. Voir Imagination. Traite-

ment moral dans les - et men-

tales, parB.Dewey,301.lnfluence

du climat sur les -, par Savary

Pearce, 396. - .

Mangeurs D'ilIO,ÇDICrS. 428.

Marche. Fixation des empreintes

des pieds pour l'étude de jft.

par Moenkemoeller et Kaplan,

311. '

IARYLA ? D. Loi -. Voir aliéi6s ~

Masochistes. Jeux par Tiénel,

424.

IASIURU4TI0\ plbiodique, par Block,

91.

Médecine en 1800, par S. MltrlIell,

254.

Mémoire. La- par J. van Bieivliet,

168.

MLM\GO-E\CÉ1'HAUTE. Voir Ilalltt-

cinaiions. '

Méningite cérébro-spinale il forme

de paialysie infantile, par Ray-

mond et Sicard, 420. Contribution

à l'étude de la métapneumo-

nique, par 1'alabère, 425. 1

Mensuration. Méthode de - céré-

brale, par Dide, 514.

Mensonge. Conti iblitioii à l'étude de

lidiotie morale et en particulier

du - par Bourneville et Roger,

287.

Meurtre par impulsion homicide

pure, par Wylesworth, 406. '

11CRODACT1LIE. Voir Vao'of/ctc ? e.

Migraine et ses relations avec l'épt-

lepsie et l'hystérie, par Kratft-

Ebing. 57.

Moelle. Compression de la -, par

Boucliard, 131. Voir Fibres 111US-

culaires. Etat atrophique de la -

dans la syphilis spinale chro-

nique, par Long et Wiki, 143.

Deux cas de compression lente

de la -, par Bnssaud et Feindel,

241. Deux cas d'une tumeur ayant

compnmé lentement la -, par

Cestan, 241 - après amputation,

par Bikeles, 303.

Monoplégie crurale. Deux cas (le

par Brissaud et Londe, 81. "

TABLE DES MATIÈRES. S39

Morale. La -. par Duprat, 251.

Morphine et criminalité, par Cro-

.thers, 403.

Muets. Entendants, - par Lévy,

, 525. -

Muscles pectoraux. Absence congé-

nitale dos - par Souques, 242.

Myélite aiguë. Léstonsdé5énéraVves

dans un cas de -, par G. Bilieles.

136. ? pa : 13;l : eles, 303. ! lhocl.O'II : du typeBergeron par Ber-

nard, 392.

Myopathies familiales, par Cestan,

85. - a\ec conservation de la

contracl1lIlé électrique, par Bris-

saud, 87. Contribution a l'étude

de la nature des -, par Léii, i,

401.

MYOTOME congénitale partielle, par

Gaupp, 380.

Nains dans L'ART. Remarques sur

les -, par H. Meige, 428.

Nécrologie, 431.

Nerfs de l'orbite, par Ferrou, 425.

Neurashiéme. Voir Folie. Voir

Acide urique.

Névralgie parestbésique. Cas peu

commun de - avec bâterie inter-

mittente, par A. Gordon, 1,4. -

' traitement, par Phcque, 171. He-

lattons entre-et psychoses tran-

sitoires, par Kialft-Ebing, 239. -

Radiculaires, par Clupault, 21,4,

De l'emploi thérapeutique de la

lumière électrique en général et

contre les - en particulier, par

Gnboiedow, 298. Traitement effi-

cace de la -, par Hughes, 301.

Névroses traumatiques pures, par

Glorieux, 53. - trémulante. Trai-

tement hypnotique d'un cas de -

chez une lemme de soixante-seize

ans, par Faiez, 162. d'angoisse,

par de Buck. 231. Signes objectifs

de l'hyperesthésie et de l'aneathé-

sie dans les - ttaumatnlues, par

Bechterew, 382. - observées dans

la pratique de l'orthopédie, pai

Makenzie, 394. - d'angoisse d'o-

ng1l1e sexuelle par Manaud, 525.

Névrite optique et lactation, par

Parllemaert, 53. - aiguë. Voir v

Monoplégie crurale. Stades ini-

tiaw delà -. multiple, pal Popow,

305. - phosphorée. par Henschen,

379. Etiologie des multiples,

par Allen Starr, 400.

Névroglie. Epreuve des méthodes

de coloration de la -, par Banda.

1 il.

Nietzsche. Elude de pathologie men-

tale, par \V. Ireland, 238.

Noyaux, moteurs médullaires Inner-

vant les muscles, par Sano, 133

Noyau rouge. Endothéhome du -,

par Haymond et Cestan. 5J2.

Nosves veineux. Voir Hystérie.

011NUI31LTIOI; crépusculaire avec am-

nésie consécutive il une COIn1110-

tlon cérébrale légère.

Obsession. Sur la théorie de 1 ?

par Arnaud, 257.

Odorat. Voir Fatigue.

Of.UYfiE. Notre et ses limites, par

E. Hunge, 223.

OEDi;\11 : scléreux de la peau, par

Verriest, 47.

OREILLE externe. Une anomalie de

l ? par Kleinberger, 306.

OftG amque et l'O\CTIO\1 : L, parGaupp,

388.

OSTI : O-ARTItOPATIIIG. Cas rare d ?

par Gasne, 49. Des d'origine

synngomyéllque, par Ilitofl, 420.

PACmMLMKGiTE carcinomateuse, par

llellendal, 3U7.

Paralasie faciale double d'origine

périphérique, par Decroly, 47, 53.

bulbaire supérieure chronique,

par Hudoveruig, 50. post-anes-

théslque, par Leczlusl.y, il. -

- bulbau'e aiguë chez un enfant,

par Kollal'lts, 72. - infantile avec

disposition radiculaire, par Huet

et Cestau, 88. - hystéro-alcoo-

hque bénigne du membre supé-

lieur, par Jean Gauraud, 97. -

Générale. Voir Sang. associée

des globes oculaires, par Cestan.

158. De la rareté et des causes de

la - générale dans le caillou de

1 Ilbourg, par Ltémy, 216. Contll-

bution à l'étude des apports de

1'1111 paludisme et de la géné-

rale, par Marandon de \Ionty'el,

217. Trois cas de - chez des

femmes jeunes, par Worcester,

219. L'étiologie de la - progres-

sive, par Krafft-Ebing, 220. Dia-

gnostic différentiel des états para-

ivliuues et pseudo-palalytlques,

par A. Hurd, 221. Diagnostic de

la générale, par Timofeiw, 23 i.

- faciale récidivante, par 1\osso-

hmo, 217. - traumatique isolée

540 TABLE DES MATIÈRES.

de I*octilo-inoteiii commun et du

pathétique, par Bregman, 308.

Une observation de - générale

gémellaire homomorphe, par Ké-

¡aval et Itaviart, 370. Un cas de

- faciale double, par Dias-Del-

gado, 372. Etiologie de certaines

- radiales, par Lannois, 374, De

la fonction vicariante des muscles

insérés sur les condyles du bras

dans la - complète des fléchis-

seurs propres de l'avant-hlas, par

Bel'l1haldt, 377. La - atrophique

isolé et du nel miisculo-ctitiné,

par Hoffmann, 378. Observation de

des racines intérieures du

plexus brachial, par Btassert, 390.

- périphérique ' cas peu commun

de - brachiale survenue pendant

la narcose (appendicite), par \Va]-

ter,l3rickner, 400. Actes testamen-

taires des paralytiques généraux,

par Rouby, 417. Voir Hallucinations

de l'ouïe. infantile. Voir Mé-

ningile ? d'un bras, par Dupré

et lluet, p. 420. - guérie par la

foudre, 430. Cinq observations de

- générale conjugales, par Géra-

val et Raviart, 487. Alternance de

l'inégalité pupillaire dans la -

freiipi-ale, par l'Iltz, 496. Rôle de

la tare héréditaire dans la - pro-

gressive des aliénés, par Naed,e.

501. Etudes des formes unilaté-

rales de la - agitante, par Mi-

chaud, 528.

Paralytiques. Modifications du

champ visuel chez les - géné-

raux, par leznil,o\v. 494.

Paraplégie spasmodique dans un cas

de compression de la moelle dor-

sale éqUivalant à une section, par

E. BI issaud et E. Feindel, 1. -

post-épiteptique transitoire, par

Héveroch, 320. '

Paramyoclonus multiples, par Mar-

ton, 395.

PAHALÉSIE. Voir Système nerveux.

Parole. Trouble et développement

de la -. par Liebmann, 309.

Pathologie mentale. Voir Nielzche.

Revue de -, 493.

Patronage familial en Ecosse, par

Peeters, 507. 1

Peau. Voir Aliénés. i

Perversions SEXUELLES en Orient, I

par von der Choven, 236.

Phobie du regard d'autrui, par Becll-

terew, 502. ,

Poliomyélite. Voir Monoplégie cru-

ralle.

Polynévrite. Cas de d'origine

grippale. Cas de - d'origine diph-

térique, par Glorieux, 47.

tuberculeuse motrice, par Glo-

rieux, 54. - ou Poliomyélite, par

Bnssaud, t21. z

POROSE cérébrale, par Guillain, 85.

Possession. La - par des reptiles,

par Bechterew, 233.

Pouls. Voir Respiration.

Prisons. Voir Crime, Asiles.

PSYCFIOP ? Tlllr religieuse : Robert

d'Arbrissel, par iteury Lemesle,

92. Les psychoses systématisées

chroniques, par Sérieux, 326.

Psychiatrie. Progrès des études cli-

niques en -, par E. Cowles, 226.

La ponction lombaire en -, par

1)u(los, 311. But et moyen de la-

clinique, par Kraepelin, 527.

Psychotographie du manteau des

circonvolutions et la théorie de

Flpchsig, par L. Biauchi, 155.

PSYCHOSE posteopératoire,par Orlow,

473. Etude sur la- de Korsakow,

par Lueckerath, 496.

Pupilles. Sur le rétrécissement des

sous l'influence de la fermeture

énergique des paupières, par J.

Piltz, 311.

Rachitisme. Voir Epilepsie. - fami-

lial, par Zimmeru, 317.

Réflexes. Etat des dans la poly-

névrite, par Decroly, 4b. - fémo-

ral par trouble de la conductibilité

de la moelle dorsale, pal nemak,

134. pupillaires dans les mala-

(lies mentales, par iSiemerllng. 315.

Du scapulo-huméral, par Hae-

nel, 384. Voir Chorée.

Reins. Relation entre l'altération

des - et le dérangement mental,

par Worcester, 133.

Respiration ET pouls pendant le

sommeil hypnotique, par Guise et

Laroursky, 142.

Rétraction. Quelques difficultés à

la théorie de la -, par Worcester,

132.

Rêves. Connexions réciproques entre

les et les idées délirantes, par

Katzowski, 232.

Salivation d'origine nerveuse, par

Bechterew, 138.

Sang. Numération des globules

TABLE DES MATIÈRES J11

blancs du- dans quelques cas de

paralysie générale, par C. H.Jenko,

- 132.

Sclérose EN plaque à début mono

ou hémiplégique avec amyotro-

phie, pal Glorieux, 53. - par

Ballet, 515.

Sclérose CCIir.nn0-SPI\ \LE multiple

de forme anatomique spéciale

avec antécédents héréditaires for-

tement tarés, par Jlrwin H. nefs

et Th. Klingmann, 53.

Sérum. Injections de-dans le trai-

tement des maladies mentales et

nerveuses, par A. Marie, 16ï.

Société DE rEU170LCGIE, 51 ?

Sommeil hypnotique. Voir Respira-

tion.

SPASME respiratoire chez une malade

aliénée, par Semidadoii et Vel-

denhainmer. 337. facial franc,

par Neige, 42 ?

Splénium. Lésion du -, par Marie,

334.

Spina mrln.t.Voir Système nerveux.

SPO\D1LOSE I\IZmIÉLIQùE, par Dana,

5'r. ..

Suc gastrique. Voir Cerneau.

Suggestion. Voir Constipation. Di-

vers modes de la -. par 1·'élic £

Régnault, 246. Voir Hypnotisme.

Résistance partielle à la -, 11)'P-

notique, par Farez,336.

Suicide. Voir Autosuggestion.

Voir Aliénés en liberté, 173. Le

- et son accroissement, par

J. Styles, 218. - d'enfant, 103.

d'un fou, 431. - d'une fillette,

431.

Surdité corticale due à des kystes

hydatiques du cerveau, par Sé-

rieux et Rogner Mignot, 73.

ourlienne, par Lannois, 375.

Synergie cérébelleuse, par Grasset

et Calmette, 90.

Syphilis. Voir Tabès. Réveil grave

d'une -ancienne sous l'influence

da l'alcool, par Legrain, ;j2 : : ? He-

lations causales eutre la - et la

paralysie générale, par \fourato(f,

340. De la - comme cause de la

paralysie infantile cérébrale, par

Koenig, 381 Synytômestabétiques

observés chez les enfants atteints

de héréditaire, par Gumpertz,

390. - du système nerveux, par

Onuf, 393.

Syringomyélie. Voir Crises gastri-

ques. Troubles trophiques de la

, par Nalbandow, 66. - à forme

radiculaire, par Huet et Cestan,

88. Topographie des troubles de

la sensibilité dans la -, par Fer-

ragus, 331. Etiologie de la -, par

Marie, 513.

Système neraeux. Diagnostic pré-

coce de certaines affections du -

par L. Corning, 70. Difformités du

- central dans le spina bifida,

par Solstvtzoff, 1 a.

Tarés trophique, arthropathies, ra-

diographie, par Dupré et Devaux, : 0. - dorsal, par Dana. 51. Rôle

de la syphilis dans l'étiologie du

- , par Anpllimow. Gi.- 1'1 ou os-

tic, par Bussaud, 158. Association

du- et de l'hvstérie, par lei-illon.

162. Voir Vililirlo. Sur résolution

et la thérapeutique du -. Corps

granuleux dans le -, par Marie

et Bisclio0'erdew, 327. - dorsal

chez les enfants, par Keraval, 382.

Nature syphilitique du - par

Leredde, liabiushl, Raymond, 513.

Talent poétique. Hérédité du -, par

Chaslln, 318

Thérapeutique. De l'extension et de

son application dans le traitement

des maladies nerveuses, par P.

Koumdjy. 18.

Thomsen. De l'élongation des nerfs

dans la maladie de -, par Seitfer,

303.

Thrombus multiples. Mort par

d'origine bactérienne chez lin pa-

ralytique général, pal' Berkley ? ? 1 7,

Tics ET troubles .moteurs chez les

délirants chroniques, par Dufour.

86.

Torticolis mental surajouté il des

mouvements hélmchoréiformes ,

par Feindel et Meige, 83.- spas-

modique et spasmes fonctionnels,

par DestaLac, p 401.' z

Toema, Voir Kystes parasitaires.

ToXIC01>110131E. Un' cas de par

H. Lemesle, 2tt}.

Transmissibilité héréditaire d'états

pathologiques acquis, par Obers-

teiller, 387. '

Trophadèmes, par lleige, 8u.

chronique héréditaire chez les

enfants, par Lortat-.lacob, 333.

Tnobil0lARALYSIF tabioforme par

Wertheim-Solomonson. 500.

Troubles \1071 : LItS. Voir Tics. - a.

S42 ' TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

évolution aiguë chez les alcoo-

liques, par de Bechterew, 389.

'l'HICIIO-UYI'Ú\ES 1 Il Ls lE, par Beclite-

"e W. 311. r.

Tumeur cérébrale, par Kl1ppel et

parvis, 82.

- chez un enfant, par Lenoble et

Aubineau, 87.

- par E. Dupré et Devaux, 145.

Vampire, 219.

Vertige. Voir Autosuggestion.

- familial, par Lannois, 374. Per-

turbation dans le - voltaïque par

Babinski, 515.

Westphal et Plitz. Phénomènes

paradoxal des pupilles de -, par

Antal, 63 .

Vitiligo. dans le tabès. ' "

- et tabès, par Souques, 330. ? ,

- et tabès, par Marie et Guillain,

331.

Volonté, De la - par Coste. de

Lagrave, 91. 9l..

Vomissements obsessifs, par Bech-

terew, 70. 0

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abadie, 49. 50.

Aclwrd, 13.

Adamklpwlcz, 306.

Allen Stair, 400 -

An ! ! lade, 100. HS.

Amphimow, 67.

Antal, 63.

App[ti,8.

Appert, 157.392.

Alnaud, 257, 326.

Aubineau, 8î.

Babinski, 83, 421, 513.

lt, 515.

Ballet, 242.512.514,515.

Bancroft. 76.

l3arr, 97.

Bechterew, G9, 70. 13g,

314, 382, 389, ;'02.

Bégouin, 317.

Benda, 141.

Bers. 55.

Berillon, 162, 246, 335.

Berklev 218, 221, 222.

Beruard, 392. ?

Bernhardt, 65, 377.

Bernheim, 51. 1.

Bernstein, 29.

Bianeck, 155.

Richlzky. 151.

Bikeles, 13G. 303.

Binet-Sanglé, 7l.

Bloch, 91, 16'ÿ ? -

Bonafonte, 55.

Bouchaiid, 131.

Bourneville, 287, 517.

Boulin, 93.

Bover, 287.

Biasseit, 390.

Bravo, \08.

Rregniann, 308.

IB icl.ner, 'r00.

Brissaud, 1,81, 87, 158,

241.4' : t. l.

Rrollkhan>kv, IGI-.

Bmk-Bru·cl : acrt, l-3î.

31.

Buckler, 104.

Cnlmette. 90.

Carrier, 239.

ColSPP", 21O.

Cestan. 85, 88, 152,241.

393,5).

Champeaux, 520.

Chapln. 80.

Chase, 228.

Chashn, 318.

Chaussing, 219.

Chipault, 6, 90, ? 4,

Choven, 236.

Clarke, 236.

Claus. 505.

Cochez, 42.

Corning,7G.

Coste de Lagrave, 91,

335,

Coastensoux, 244.

Cosvles, 77. 226. '

Crothers, 905.

Cionsen, 516.

Crauzen, 517.

Dana, 51, 398.

Decroby, 17, 18, 53.

Pelabarre, 146. î6. '

Uenoyès, 50.

Destara, 401.

Detchpff, 523.

Devaux, bO, 1 i : J.

Dewey ,227. 301.

Diax-Uelacio. 372.

Dide, 514. l, '

Dioni3 du Séjour, 517.

Drew, f04.

1)111108, 31.

Dufour, 86.

Dupam, 326.

Duprat, 251.

Dupré, 50.145,242, 330,

421. 422.

Dupont, 516.

Duval, 160.

Dydynski, 382.

Everts, 219.

Eversmann, 385.

Farez, 91, 162, 245,

336. -

Faucre, 244.

Femdel, 1, 83.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 13

Féré, M. 317.

Ferron, 425.

l'oriel', : ! 20.

Fiagnito, 148.

François, 46.

Freriet, 334.

Fl'let ! landc1', 64, 31J1.

Gamier, 365.

1 Gasne, 49.

Gaucher, 51 .

Gaupp, 380, 388.

Gauraud, 97.

Géliileati, 170.

Geo-Villeneuve, 79

Glorieux. 47, 53. 54.

Good, 56.

Gordon, 44. É.

Gothard (de) 143.

Grasset, 90. -

Graz, 327.

Gieco. 75.

Grlbo¡edow. 298.

Guerwer, 139, 1a0.

Gudden, 00.

Guillain, 85.

Gnmlertz, 390.

Guttinanii, 390.

Ilaenel, 3St.

lia,1,ovec. 83.

Hayes. 505.

Jlaer, 516.

Hel tz, 423.

Hellendall. 307.

Ilenschen. 379.

Heveroch, 329.

Htrsch, 217.

I ! ltof ! , 42ô.

Hobbs, 226.

Ilolfmaiiii, 378.

Iloppe, 510.

Ilnnovernic, 50.

Huet, 87, 88, 1 ti, 4'1-7,

12 : i.

Hughes, 59, 133, 231.

301.

Infroit, 144.

Ireland,2°38.

Ivanoir, 339.

Izard, 517.

Jarvis, 82, 89.

Jenks, 132.

Joffroy, 113.

Jonkows61. 323, 332.

Kalmus, 385.

Kalrer, 508,

Kalzzowky 232.

Kél aval, 380, 487.

1W rnan, SI.

lileinberger. 306.

Klmgmamm, 53.

Klink, 381.

lilypel, 82, 89, 161.

Koenig, 381. L

Konlinstann, 152.

Koliants. 72.

Hotte. 295.

Kouindjy, 19. 110.

IW pelm, 5'7.

hrallt-Ebing, 57, 220.

229,

L<11g'ncl . Lavastmc, S9.

2 L3

Lamy, 161. 516.

Lannois. 74. 146. 239.

297,301. 3H, 375, 376 :

Laurens. 517.

Lass. 388.

Lazoursl.v, 142.

Learcy. 79.

Leczinsky. 54.

Lerratn, 32 ?

Le Menant des Chesnais,

215.

Lemesle, 92, 246.

Lenohlr, 87. r

Lenlz, 216.

Leredde. 513.

Lévi, iOl.

Lé, y. 524.

Liebmann, 309. 383.

Loeper, 48.

i.onde,81.

Long, 10. 00, 153.

LurLat-,lacoL, 24,

Loveland, 40 ? .

Lueckerath, 496,

Lyon, 506.

\lacdonald, 77.

lIIackenzle, 391.

Dlaânin, 146.

DlamonofT, 427.

Manaud, 525.

Marandon de Montvel,

igi, 217.

4larie(1.), t20, 512"l.ï.

Marie (A.), 157, 168.

334.

Marinesco , 423.

Martial, 51.

Martin, 131.

Masselon, 520.

Dlave' W1.

\feie, S3. 85. 422.

Mercier. 1JO.

.'¡¡chaud. j2S.

Mignot, 73. 119.

Mitchell, 254.

Ioenkemoellel, 311.

Monon, 395.

Moulton, 239.

Jlourawiew. 62, '1S.

Mousseaux, 1,13.

Mutterer, 363.

Va;eotte, il-11 .

Nallmndow, 66.

Nell, 33.

Nicliols. 131.

Nicollet. 127.

Norwood East, 1 : 1 Í.

Oberstemer. 381.

Oberthur, 517. 7.

Ollclo, 51.

Ohlmacher, 56.

Onuf, 393.

Orlow. 193.

Otz y Esquenlo, : u, 218.

Pagnes, 2'J.2.

Pailemaerts, 53.

Parely. a3.

Pamsud, il-11.

Patterson, aU3.

Paul-l3oncour. 517, i, ! 'aviol, 146.

l'eeters, 507.

Pellizzi, 348.

Palna ? 510.

Peterson, 217. i. ? 22.

Philippe, 517. i.

Pick, 137.

Piltz, 311, 196.

Pitres, 177. ï.

Pllalue. 171. 1.

Popow, 305. 382.

Preston, 401.

Rapin. 8. 85.

Raviart. 370. 487.

Ittiyinotid, 158. 420, 433,

512. 513.

Régis, 117.

Régiiatilt. ! Il, 162, 216.

Hemark, 134.

l\élTI\,2J6.

Rezuciww, 494.

Riche, 143.

Itobinovitch. 216.

ItOSSOIli170. 247.

Hothmann, 135.

544 14 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Roubv. 417.

tiottx. 86. 161.

Ruedy. 206.

liunge, 77, 223.

Sabrazès, 317.

Sano, J33. 505.

Santenoise. 365.

Sautoii. 313. -

Savan-t'earce. 2%.

Savill. 73.

Scalucia. 516.

Scherb. 101.

Schmidt. 161.

Schultze. 302.

Searcv, 238,

Séglas. 320.

Setter. 303.

Sérieux. 73. 326. 419.

Sicard. 120. 513.

Stemerluy, 315.

Solder. 319.

Soloukha. 313.

Stesvart. 94.

Styles, 218. ,

Souques, 242, `.1G.

Talabère. 425.

Téchoueyres, 359.

Tunofeiew, 234.

'l'omlinson. 225.

Touche, 89, 319, 418,

riG

Toulouse, 322.

Trénel, 424.

Tscluje, 71.

-an Biervliet. 168.

Vaschide, 3S, 474.

Veniest. 47.

VersilolT. 249, 336.

Vial, 20.

Vieille, 424.

Vigoureux, 213, 319,

321.

Vires, 250.

Yurpas, 474.

\\'eidenhamer, 163.

"Wertheim Salomonson,

500.

\Vevganrlt. "9a.

Blute. 505.

Wliitesvay, 503.

Wiglesworth, 106.

Wiki, 60. 143.

Voodrilti, 219.

Worcester, 132, 133.

219.

Zimmern, 317.

ZlIccarelh. 81.

Evreux, Ch. Htenssav`, imp. - j - 1